6
1 1. Construction du cadre théorique À partir de notre question de départ, nous avons ressorti trois concepts clés, à savoir l’attachement à l’entreprise, la génération Y et le télétravail, dont les théories guideront l’analyse de nos résultats. 1.1. L’attachement à l’entreprise Le premier concept étudié est l’attachement du salarié à son entreprise. Cette notion relativement complexe est actuellement au centre d’un questionnement au sein de la communauté des chercheurs. En effet, ces derniers lui attribuent encore aujourd’hui de multiples explications. 1.1.1. Attachement et Implication La définition revenant la plus régulièrement est celle donnée par Thévenet en 1992. Cet auteur caractérise l’attachement à l’entreprise comme « un trait relationnel de l’employé vis- à-vis de l’employeur qui permet d’appréhender la relation entre le salarié et son organisation ». Mais, pour de nombreux auteurs, cette définition reste trop vague et ils préfèrent donc assimiler ce concept à celui d’implication, reprenant ainsi la définition proposée par Porter, Steers et Mowday (1979), à savoir que l’implication est considéré comme « l’attachement psychologique du salarié à l’égard son entreprise, une identification forte aux buts et aux valeurs de l’organisation ». Pauvers complète, quant à lui, cette explication en avançant des éléments tels que la prédisposition des salariés à agir en fonction des valeurs de l’entreprise et l’échange réciproque d’attentes entre ces deux acteurs que sont le salarié et son organisation. L’implication constitue donc une sorte d’attachement mais les deux concepts diffèrent quant à leur position. En effet, le premier induit une position d’intention, de comportement et d’action tandis que le deuxième suppose une position d’attitude, position dès lors plus implicite. 1.1.2. Sources d’attachement à l’entreprise Meyssonier va, quant à elle, distinguer trois approches explicatives du concept de l’attachement à l’entreprise : l’approche affective, c’est-à-dire l’identification de l’individu à son entreprise ; l’approche cognitive ou instrumentale et l’approche normative associée à l’adhésion du salarié aux normes et valeurs de l’entreprise. De ces trois approches découlent alors quatre sources d’attachement du salarié à son entreprise. Celles-ci peuvent être représentées dans un graphique 1 composé de deux axes : l’axe vertical indique le degré de liberté perçue (Autonomie versus Dépendance) tandis que l’axe horizontal marque le sens attribué à la relation (Utilité versus Vision partagée). Elles sont mesurées à l’aide de variables telles que la satisfaction au travail, la confiance envers l’organisation, l’intégration des contraintes, la perspective de carrière et la facilité à quitter l’entreprise. La première forme d’attachement est la fidélité. Elle se traduit par une autonomie élevée au sein d’une organisation où il existe une vision partagée. L’employé désire donc rester au sein de l’entreprise et se sent personnellement lié aux valeurs et lignes de conduite de l’entreprise. On constate également de fort taux de loyalisme envers l’entreprise. La seconde source d’attachement est la rétention. Dans cette catégorie, nous retrouvons des salariés adoptant une vision utilitaire vis-à-vis de leur entreprise. Ces derniers évaluent quels sont leurs intérêts personnels et les bénéfices dont ils jouissent en restant au sein de l’organisation. 1 Figure 1 Annexe 1

Loic sarton cadre théorique

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Loic sarton   cadre théorique

1

1. Construction du cadre théorique

À partir de notre question de départ, nous avons ressorti trois concepts clés, à savoir

l’attachement à l’entreprise, la génération Y et le télétravail, dont les théories guideront

l’analyse de nos résultats.

1.1. L’attachement à l’entreprise

Le premier concept étudié est l’attachement du salarié à son entreprise. Cette notion

relativement complexe est actuellement au centre d’un questionnement au sein de la

communauté des chercheurs. En effet, ces derniers lui attribuent encore aujourd’hui de

multiples explications.

1.1.1. Attachement et Implication

La définition revenant la plus régulièrement est celle donnée par Thévenet en 1992. Cet

auteur caractérise l’attachement à l’entreprise comme « un trait relationnel de l’employé vis-

à-vis de l’employeur qui permet d’appréhender la relation entre le salarié et son

organisation ». Mais, pour de nombreux auteurs, cette définition reste trop vague et ils

préfèrent donc assimiler ce concept à celui d’implication, reprenant ainsi la définition

proposée par Porter, Steers et Mowday (1979), à savoir que l’implication est considéré

comme « l’attachement psychologique du salarié à l’égard son entreprise, une identification

forte aux buts et aux valeurs de l’organisation ». Pauvers complète, quant à lui, cette

explication en avançant des éléments tels que la prédisposition des salariés à agir en fonction

des valeurs de l’entreprise et l’échange réciproque d’attentes entre ces deux acteurs que sont

le salarié et son organisation. L’implication constitue donc une sorte d’attachement mais les

deux concepts diffèrent quant à leur position. En effet, le premier induit une position

d’intention, de comportement et d’action tandis que le deuxième suppose une position

d’attitude, position dès lors plus implicite.

1.1.2. Sources d’attachement à l’entreprise

Meyssonier va, quant à elle, distinguer trois approches explicatives du concept de

l’attachement à l’entreprise : l’approche affective, c’est-à-dire l’identification de l’individu à

son entreprise ; l’approche cognitive ou instrumentale et l’approche normative associée à

l’adhésion du salarié aux normes et valeurs de l’entreprise. De ces trois approches découlent

alors quatre sources d’attachement du salarié à son entreprise. Celles-ci peuvent être

représentées dans un graphique1 composé de deux axes : l’axe vertical indique le degré de

liberté perçue (Autonomie versus Dépendance) tandis que l’axe horizontal marque le sens

attribué à la relation (Utilité versus Vision partagée). Elles sont mesurées à l’aide de variables

telles que la satisfaction au travail, la confiance envers l’organisation, l’intégration des

contraintes, la perspective de carrière et la facilité à quitter l’entreprise.

La première forme d’attachement est la fidélité. Elle se traduit par une autonomie élevée

au sein d’une organisation où il existe une vision partagée. L’employé désire donc rester au

sein de l’entreprise et se sent personnellement lié aux valeurs et lignes de conduite de

l’entreprise. On constate également de fort taux de loyalisme envers l’entreprise.

La seconde source d’attachement est la rétention. Dans cette catégorie, nous retrouvons

des salariés adoptant une vision utilitaire vis-à-vis de leur entreprise. Ces derniers évaluent

quels sont leurs intérêts personnels et les bénéfices dont ils jouissent en restant au sein de

l’organisation.

1 Figure 1 – Annexe 1

Page 2: Loic sarton   cadre théorique

2

On nomme la troisième forme d’attachement l’identification. Dans ce cas-ci, les

employés vont davantage suivre les normes sociales qui règnent au sein de l’entreprise. L’avis

de l’entourage professionnel est considéré comme la référence à suivre.

La dernière forme d’attachement est représentée par l’inertie. L’individu se sent peu

concerné par ce qu’il se passe au sein de son organisation. Il n’adhère pas aux valeurs de

l’entreprise et s’attaché à cette dernière aux fils des années par habitude.

L’attachement à l’entreprise est donc déterminé à la fois par des variables

organisationnelles telles que le contexte dans lequel l’entreprise évolue et par des variables

individuelles comme par exemple les attentes du salarié vis-à-vis de son entreprise. De plus, il

est important de noter que ces sources ne constituent pas des catégories hermétiques mais

démontrent davantage des situations d’attachement dans lesquelles les salariés vont s’inscrire.

1.2. La génération Y

1.2.1. Définition d’une génération

Le deuxième concept que nous avons travaillé est celui de la génération Y. Mais avant de

développer spécifiquement cette génération, il nous semble important de d’abord définir ce

qu’est une génération. Dans leur article traitant de la diversité intergénérationnelle, Dejoux et

Wechtler (2011) s’accordent à dire que le terme de génération ne possède pas de définition

qui soit unanime. Les auteurs font ainsi référence à Mentré (1920) qui s’est intéressé à définir

non pas une génération mais des générations en termes de contenu sociologique dans lequel

chaque génération crée sa propre réalité subjective, sa psychologie, ses émotions, ses valeurs

et son art (Strauss & Howe, 1991, p439).

1.2.2. Caractéristiques de la génération Y

Parmi ces générations nous retrouvons la génération Y à laquelle l’on attribue, dans la

littérature, et en accord avec la définition de Mentré, toute une série de caractéristiques. Bien

que les auteurs sur le sujet ne s’accordent pas sur une délimitation dans le temps de laquelle

proviendrait la génération Y, nous avons choisi, pour ce travail, de prendre en compte la

période que Pichault et Pleyers (2010) considèrent comme la plus répandue et dont ils ont

tenu compte pour leur enquête, à savoir la période s’étendant de 1979 à 1994.

Le contexte d’apparition de la génération Y constitue celui de la mondialisation et du

progrès technologique en continu (information, communication), rendant cette génération

indépendante, mobile et apte à s’adapter au changement (Dejoux et Wechter, 2010). Dans le

texte de Saba Tania (2009), citant Solomon (2000), c’est d’ailleurs l’absence même de

changement qui paraît anormal pour cette génération.

Les spécificités attribuées à la génération Y sont nombreuses dans la littérature. Ainsi,

nous pouvons voir que « les Nexters » ou encore « les Echos Boomers » sont caractérisés par

leur confiance, leur ambition, leur besoin d’évolution, leur mode de communication innovant

et interactif (Tapscott, 2008), leur besoin de défis et de créativité, leur besoin de flexibilité,

leur besoin de développer leurs compétences et de faire valoir leurs atouts, leur besoin de

reconnaissance selon la contribution et l’expertise de chacun et non pas selon l’ancienneté

(Solomon,2000). L’on peut encore citer leur besoin d’indépendance et d’autonomie tout en

ayant besoin d’un feedback, d’un encadrement plutôt interactif et informel, car la génération

Y a une vision de la hiérarchie comme constituant une entrave à la créativité, la motivation,

l’engagement et la réalisation personnelle (Tapscott, 1996, 1998). Sans oublier, comme nous

le faisions mention plus haut, leur aptitude face au changement et à l’incertitude que la

Page 3: Loic sarton   cadre théorique

3

génération Y vit comme lui étant naturel et favorisant sa motivation et sa mobilité. La

mobilité étant elle-même l’une de ses caractéristiques car la génération Y est considérée

comme étant « déloyale » envers son organisation. Dejoux et Wechtler en viennent d’ailleurs

à traiter de la définition du mot « loyauté » qui prend une toute autre signification selon que

l’on se place du point de vue de la génération Y, pour qui elle est associée au court terme et à

la transaction, ou du point de vue de la génération X (1965-1980) pour qui elle est associée au

long terme et à la carrière. En somme, pour ces auteurs, la génération Y est « loyale » tant que

son rapport au travail renvoie à une transaction effectuée en sa faveur.

La liste des caractéristiques attribuée ci-dessus à la génération Y est évidemment non-

exhaustive. Pour pallier à cela, dans leur recherche, Pichault et Pleyers vont regrouper

l’ensemble des spécificités attribuées dans la théorie à la génération Y sous ces différents

points :

- Recherche de sens au travail,

- Besoin d’accomplissement (défis, formations),

- Recherche de feedback (gratification, promotion rapide),

- Indifférenciation du temps de travail et du temps de loisir (importance accordée

aux loisirs, à la vie privée),

- Opportunisme (individualisme, agit comme un freelance),

- Intérêt pour le travail en équipe (esprit de groupe),

- Faible loyalisme institutionnel (peu de sentiment d’appartenance à l’entreprise,

méfiance envers l’autorité et les institutions),

- Difficulté à se projeté dans le futur, à s’engager,

- Technophilie (haut degré de familiarisation aux technologies de l’information),

- Plus grande ouverture aux carrières nomades,

- Attentes plus grande en matière d’individualisation de la politique de GRH

1.2.3. Génération ou contexte ?

Au cours de leur étude, Pichault et Pleyers vont se demander si les caractéristiques que

l’ont attribuent en théorie à la génération Y constituent bien les spécificités de celle-ci.

Dans ce but, les deux chercheurs ont menés une étude empirique, afin d’appréhender les

différences de caractéristiques théoriques attendues sur chaque génération (génération Y,

génération X, baby boomers). Cette étude portait notamment sur : les formes d’autodéfinition

des générations, les sources de motivation/ démotivation, la vision du futur, les valeurs que

devrait poursuivre l’entreprise, les attentes à l’égard de l’entreprise, les attentes supposées de

la part de l’entreprise, les défis futurs de l’entreprise, le rapport au temps de travail, les

préoccupations face à l’emploi.

Les résultats montrent que les différentes générations sont loin d’être aussi hétérogènes

entre elles du point de vue de leurs caractéristiques et attentes respectives. Seules quelques

différences entre générations persistent, telles que pour la génération Y : le besoin

d’accomplissement et plus spécifiquement le développement des compétences ; la crainte de

ne pas trouver un emploi qui plaît; l’opportunisme avec le non respect des règles de

déontologies ou de valeurs (le respect de la créativité étant plus important) et finalement le

faible loyalisme institutionnel avec le besoin de changer régulièrement d’environnement

(carrière nomade mais basée sur des mobilités internes à l’organisation).

Ces résultats génèrent une critique importante par rapport à l’image que nous nous

faisons de la génération Y dans la théorie, et dès lors, les auteurs se demandes si des pratiques

de GRH spécifiques à certaines générations sont encore justifiées, et ne peuvent constituer, au

Page 4: Loic sarton   cadre théorique

4

contraire, certaines limites. Pichault et Pleyers rappellent notamment que toute politique de

différenciation finit pas poser des problèmes en terme d’équité, de ghettoïsation fondé

uniquement sur des « à priori » quant à la génération Y. Pour les auteurs, plus que la

différence intergénérationnelle, c’est la diversité des parcours professionnels qui devrait

justifier une différenciation dans les politiques de GRH.

1.3. Télétravail

1.3.1. Définition

Notre troisième et dernier concept concerne la pratique RH étudiée dans ce travail, le

télétravail. En 1976, aux États-Unis, Jack Nilles fait émerger le concept de telecommuting et

teleworking. En arrivant en Europe, ces mots ont été traduits par le terme télétravail. Bien que

de nombreuses recherches aient tenté de donner une définition unique, le télétravail reste

encore un objet difficile à cerner. En effet, les chercheurs recouvrent des réalités différentes

en fonction de l’angle de leurs recherches. De plus, une confusion entre le travail à distance,

le travail à domicile et le télétravail est parfois observée. Il faut toutefois noter que les

différentes définitions du télétravail recouvrent toujours l’idée de distance géographique du

lieu habituel de travail, et l’utilisation des nouvelles technologies d’information et de

communication (NTIC). De manière générale, le télétravail représente donc une forme

d’organisation de travail où l’ouvrage n’est pas effectué dans le lieu habituel de travail, et ce

dans grâce à l’utilisation des NTIC.

Dans la littérature, il est possible de distinguer plusieurs formes de télétravail. En effet,

cette notion peut être catégorisée en fonction du lieu, de la durée et du statut des

télétravailleurs.

Lorsque le télétravail est catégorisé en fonction du lieu, on entend généralement les

télétravailleurs à domicile, les télétravailleurs mobiles qui effectuent leur travail dans

différents endroits, et les télétravailleurs occupant des télécentres mis à leur disposition.

La durée du télétravail comprend le télétravail régulier, alterné ou occasionnel.

Aussi, les télétravailleurs peuvent être soit indépendants et donc travailler pour leurs propres

compte, soit rattachés à une entreprise par un contrat de travail.

Depuis 2002, un accord-cadre européen détermine les situations de télétravail qui doivent

être régie par un accord écrit. Il définit le télétravail comme suit : « Le télétravail est une

forme d’organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de

l’information, dans le cadre d’un contrat ou d’une relation d’emploi, dans laquelle un travail,

qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué hors de ces

locaux de façon régulière. » (Accord-cadre européen sur le télétravail, 2002). En Belgique, les

conventions collectives de travail 85 du 9 novembre 2005 et 85 bis du 27 février 2008

viennent compléter cet accord. Ces CCT permettent de distinguer les principes fondamentaux

du télétravail : Le télétravail doit être volontaire ; un accord écrit doit être effectué pour

chaque télétravailleur ; le télétravail ainsi que sa fréquence doivent être mentionnés dans le

contrat ; un télétravailleur doit avoir les mêmes droits et conditions de travail que les autres

travailleurs de l’entreprise ; le télétravailleur doit organiser lui-même son ouvrage en fonction

de son régime de travail, sans pour autant avoir une charge supérieure aux autres travailleurs ;

l’employeur doit pouvoir fournir les différents équipements et supports techniques nécessaires

à la pratique du télétravail.

Page 5: Loic sarton   cadre théorique

5

1.3.2. Enjeux

Ensuite, le télétravail est une thématique qui recouvre plusieurs objets que nous pouvons

diviser en trois grandes divisions : environnemental, politique, et organisationnel (Largier,

2001).

Le premier enjeu est environnemental. Il suppose le télétravail dans le cadre de

l’écologie, mais surtout l’humain dans son milieu.

L’environnement de travail doit être perçu au sens large. C'est-à-dire qu’il inclut aussi

bien le lieu de travail, que les divers interactions avec les collègues, les supérieurs

hiérarchiques, les discussions informelles, ou encore le langage utilisé.

Ainsi, il est possible de dire que dans certains cas, le télétravail permet de gérer les

activités domestiques ainsi que les activités de travail, tout en conciliant efficacement

l’équilibre vie privée et vie professionnelle (Laffite et Trégouet, 2002). Le télétravailleur peut

choisir des heures de travail adaptées à son mode de vie, il est davantage concentré sur sa

tâche et profite de plus de calme lié à son nouvel environnement de travail (Pinsonneault,

Boisvert, 1996). Cependant, la séparation du privé et du professionnel est parfois entravée. En

effet, les salariés en télétravail doivent gérer eux-mêmes leur temps de travail, en fonction de

leur régime contractuel. Dans certains cas, les télétravailleurs n’arrivent pas à se fixer des

temps de travail et des temps pour le privé. La connexion constante au bureau grâce aux NTIC

accentue ce phénomène. Plusieurs chercheurs travaillent d’ailleurs sur cette thématique. C’est

notamment le cas de Ray qui s’intéresse au « droit à la déconnexion », c'est-à-dire le droit à

l’isolement, à la tranquillité, au droit de se ménager des moments de retrait (Ray, 2001).

Aussi, le télétravail change les relations et interactions quotidiennes entre les

télétravailleurs. Les bureaux sont normalement un lieu d’échange, de partage, de

communication, d’identification et d’intégration de la culture organisationnelle. Cependant,

les recherches ont démontré que dans certains cas de télétravail, les individus n’ont plus

complètement le sentiment d’appartenir à leur société (Davenport et Pearlson, 1998). Aussi,

les préoccupations et attitudes généralement véhiculées par le non-verbal et l’informel au sein

de l’entreprise ne sont plus complètement perçues par les télétravailleurs. A long terme,

l’accumulation du manque de sentiment d’appartenance et de communication pourrait nuire à

l’implication des télétravailleurs (Davenport et Pearlson, 1998), et provoquer un sentiment

d’isolement.

Le second enjeu repris est organisationnel. Lorsqu’on parle de télétravail comme objet

organisationnel, on entend les thématiques suivantes : management, flexibilité, mobilité,

autonomie, compétences individuelles, etc.

Le télétravail s’est souvent développé de manière informelle dans les entreprises. En

effet, certaines sociétés ont commencé à autoriser le télétravail de manière occasionnelle, en

cas de situation exceptionnelle. Or, afin de pouvoir organiser le télétravail et faciliter son

application, il est utile de créer un cadre formel de télétravail, notamment à partir du contrat

de travail.

Cette nouvelle forme d’organisation de travail permet l’augmentation de l’autonomie du

télétravailleur, notamment en termes de gestion quotidienne du travail. En effet, l’individu est

en partie livré à lui-même lorsqu’il télétravail. En termes de flexibilité, le télétravailleur doit

être capable de fixer son horaire de travail, et de se rendre disponible à distance. En 2003,

Allen supposait que « au plus cette maitrise des horaires sera élevée, au plus le

télétravailleur éprouvera de contrôle sur son travail et au plus il sera capable d'équilibrer les

Page 6: Loic sarton   cadre théorique

6

demandes professionnelles et privées ». Le télétravail permet également d’effacer certaines

rigidités dans le travail. D’ailleurs, pour les télétravailleurs l’organisation traditionnelle est

parfois vécue comme une entrave à la créativité et à l’épanouissement.

Le télétravail suppose une nouvelle organisation du management traditionnel. Le

manager n’a pas la possibilité de contrôler au quotidien le travail de ses subordonnés en

télétravail. De nombreux managers se sentent mal à l’aise lorsqu’ils n’ont plus la possibilité

d’observer le travail de leurs collaborateurs. C’est pourquoi le management de télétravailleurs

est généralement un management par objectifs. Ainsi, le manager peut contrôler le travailleur

grâce aux résultats présentés.

Il faut également noter que la gestion des carrières est parfois modifiée, en raison de

l'éloignement physique du télétravailleur et du sentiment d'isolement, ainsi qu’en raison des

outils d’évaluation et de contrôle. D’ailleurs, en 2004 Pontier évoquait l’hypothèse suivante :

« la non prise en compte des comportements individuels et du potentiel de l'individu, difficile

en raison du manque d'observation direct de la part du manager, rend le salarié d'avantage

éloigné des opportunités de progression professionnelle ». Cependant, il est possible de palier

à ce phénomène en rendant certaines pratiques informelles formelles, comme par exemple le

feedback et certaines communications quotidiennes.

Le dernier enjeu abordé est le télétravail comme objet politique, ou en d’autres termes

selon l’organisation de la société, l’aménagement du territoire, la décentralisation, l’emploi,

ou encore l’harmonisation du tissu socio-économique.

En effet, le télétravail permet aux entreprises de décentraliser une partie de leur activité.

Par cette décentralisation, des réseaux professionnels et des réseaux amicaux peuvent

s’entremêler et permettent l’entraide et l’échange d’informations. Ainsi, le télétravail apporte

le bonheur au travail et le bonheur en dehors du travail, la qualité de vie des télétravailleurs

augmente ainsi que la performance en entreprise (Tremblay, 2001). Cependant, il faut noter

que cette déspatialisation du travail peut avoir un impact sur le la relation d’emploi, la

frontière entre vie privée et vie professionnelle, ainsi que sur le contrôle du travail.

En matière d’emploi, dans la pratique actuelle du télétravail, il est possible de dire que le

travail à domicile devient le télétravail à cause de la diffusion des NTIC. Il a attiré

progressivement une population plus qualifiée (Akyeampong et Nadwodny, 2001 ; Paoli et

Merllié, 2001), plutôt masculines (Coutrot, 2004).

1.3.3. Discussions actuelles

Finalement, la thématique du télétravail n’est pas figée. En effet, depuis les années 1970,

le télétravail fait l’objet de nombreuses recherches en constantes évolutions.

De nos jours, les discussions portent notamment sur la frontière entre la vie personnelle et

la vie professionnelle, l’incidence du télétravail sur la performance, le lien entre l’autonomie

et le contrôle, les enjeux juridiques associés à ces nouvelles formes d’emploi, la flexibilité du

temps, la délocalisation du lieu de travail et ses incidences.