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La génération Y Avant d’en venir à la génération Y, il nous semble important dans un premier temps de définir ce qu’est une génération. Dans leur article traitant de la diversité intergénérationnelle, Dejoux et Wechtler s’accordent à dire que le terme de génération ne possède pas de définition qui soit unanime. Les auteurs font ainsi référence à Mentré (1920) qui s’est intéressé à définir non pas une génération mais des générations en termes de contenu sociologique dans lequel chaque génération crée sa propre réalité subjective, sa psychologie, ses émotions, ses valeurs et son art (Strauss & Howe, 1991, p439). 1 Parmi ces générations nous retrouvons la génération Y à laquelle l’on attribue, dans la littérature, et en accord avec la définition de Mentré, toute une série de caractéristiques. Bien que les auteurs sur le sujet ne s’accordent pas sur une délimitation dans le temps de laquelle proviendrait la génération Y, nous avons choisi, pour ce travail, de prendre en compte la période que Pichault et Pleyers considèrent comme la plus répandue et dont ils ont tenu compte pour leur enquête, à savoir la période s’étendant de 1979 à 1994. 2 Le contexte d’apparition de la génération Y est celui de la mondialisation et du progrès technologique en continu (information, communication), rendant cette génération indépendante, mobile et apte à s’adapter au changement. 3 Dans le texte de Saba Tania, citant Solomon (2000), c’est d’ailleurs l’absence même de changement qui paraît anormal pour cette génération. 4 1 Dejoux Cécile et Wechtler Heidi, « Diversité générationnelle : implications, principes et outils de management », Management & Avenir, 2011/3 n° 43, p. 227-238. DOI : 10.3917/mav.043.0227 2 François Pichault, Mathieu Pleyers, Pour en finir avec la génération Y… Enquête sur une représentation managériale, Actes du XXI e congrès de l'AGRH, 2010, p.4 3 Dejoux Cécile et Wechtler Heidi, op.cit, p. 227-238. 4 Saba Tania, « Les différences intergénérationnelles au travail : faire la part des choses », Gestion, 2009/3 Vol. 34, p. 25-37. DOI :

Loic sarton génération y revue de la littérature final

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La génération Y

Avant d’en venir à la génération Y, il nous semble important dans un premier temps de définir ce qu’est une génération. Dans leur article traitant de la diversité intergénérationnelle, Dejoux et Wechtler s’accordent à dire que le terme de génération ne possède pas de définition qui soit unanime. Les auteurs font ainsi référence à Mentré (1920) qui s’est intéressé à définir non pas une génération mais des générations en termes de contenu sociologique dans lequel chaque génération crée sa propre réalité subjective, sa psychologie, ses émotions, ses valeurs et son art (Strauss & Howe, 1991, p439).1

Parmi ces générations nous retrouvons la génération Y à laquelle l’on attribue, dans la littérature, et en accord avec la définition de Mentré, toute une série de caractéristiques. Bien que les auteurs sur le sujet ne s’accordent pas sur une délimitation dans le temps de laquelle proviendrait la génération Y, nous avons choisi, pour ce travail, de prendre en compte la période que Pichault et Pleyers considèrent comme la plus répandue et dont ils ont tenu compte pour leur enquête, à savoir la période s’étendant de 1979 à 1994.2

Le contexte d’apparition de la génération Y est celui de la mondialisation et du progrès technologique en continu (information, communication), rendant cette génération indépendante, mobile et apte à s’adapter au changement.3 Dans le texte de Saba Tania, citant Solomon (2000), c’est d’ailleurs l’absence même de changement qui paraît anormal pour cette génération.4

Les spécificités attribuées à la génération Y sont nombreuses dans la littérature. Ainsi, nous pouvons voir que « les Nexters » ou encore « les Echos Boomers » sont caractérisés par leur confiance, leur ambition, leur besoin d’évolution, leur mode de communication innovant et interactif (Tapscott, 2008)5, leur besoin de défis et de créativité, leur besoin de flexibilité, leur besoin de développer leurs compétences et de faire valoir leurs atouts, leur besoin de reconnaissance selon la contribution et l’expertise de chacun et non pas selon l’ancienneté (Solomon,2000)6. L’on peut encore citer leur besoin d’indépendance et d’autonomie tout en ayant besoin d’un feedback, d’un encadrement plutôt interactif et informel, car la génération Y a une vision de la hiérarchie comme constituant une entrave à la créativité, la motivation, l’engagement et la réalisation personnelle (Tapscott, 1996, 1998)7. Sans oublier, comme nous le faisions mention plus haut, leur aptitude face au changement et à l’incertitude que la génération Y vit comme lui étant naturel et favorisant sa motivation et sa mobilité. La mobilité étant elle-même l’une de ses caractéristiques car la génération Y est considérée

1 Dejoux Cécile et Wechtler Heidi, « Diversité générationnelle : implications, principes et outils de management », Management & Avenir, 2011/3 n° 43, p. 227-238. DOI : 10.3917/mav.043.02272 François Pichault, Mathieu Pleyers, Pour en finir avec la génération Y… Enquête sur une représentation managériale, Actes du XXIe congrès de l'AGRH, 2010, p.43 Dejoux Cécile et Wechtler Heidi, op.cit, p. 227-238. 4 Saba Tania, « Les différences intergénérationnelles au travail : faire la part des choses », Gestion, 2009/3 Vol. 34, p. 25-37. DOI : 10.3917/riges.343.00255 Dejoux Cécile et Wechtler Heidi, op.cit, p. 227-238.6 Saba Tania, op.cit, p. 25-37.7 Idem, p. 25-37.

Alexandra.Moorgat, 07/12/12,
Attention au référencement : soit dans le texte, soit notes de bas de page mais pas les deux
Alexandra.Moorgat, 07/12/12,
Bien qu’elle la respecte énormément
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comme étant « déloyale » envers son organisation. Dejoux et Wechtler en viennent d’ailleurs à traiter de la définition du mot « loyauté » qui prend une toute autre signification selon que l’on se place du point de vue de la génération Y, pour qui elle est associée au court terme et à la transaction, ou du point de vue de la génération X (1965-1980) pour qui elle est associée au long terme et à la carrière. En somme, pour ces auteurs, la génération Y est « loyale » tant que son rapport au travail renvoie à une transaction effectuée en sa faveur.8

La liste des caractéristiques attribuée ci-dessus à la génération Y est évidemment non-exhaustive. Pour pallier à cela, dans leur recherche9, Pichault et Pleyers vont regrouper l’ensemble des spécificités attribuées dans la théorie à la génération Y sous ces différents points :

- Recherche de sens au travail,- Besoin d’accomplissement (défis, formations), - Recherche de feedback (gratification, promotion rapide),- Indifférenciation du temps de travail et du temps de loisir (importance accordée aux

loisirs, à la vie privée),- Opportunisme (individualisme, agit comme un freelance), - Intérêt pour le travail en équipe (esprit de groupe),- Faible loyalisme institutionnel (peu de sentiment d’appartenance à l’entreprise,

méfiance envers l’autorité et les institutions),- Difficulté à se projeté dans le futur, à s’engager,- Technophilie (haut degré de familiarisation aux technologies de l’information),- Plus grande ouverture aux carrières nomades,- Attentes plus grande en matière d’individualisation de la politique de GRH

Au cours de leur étude, Pichault et Pleyers vont se demander si les caractéristiques que l’ont attribuent en théorie à la génération Y constituent bien les spécificités de celle-ci.

Dans ce but, les deux chercheurs ont menés une étude empirique, afin d’appréhender les différences de caractéristiques théoriques attendues sur chaque génération (génération Y, génération X, baby boomers). Cette étude portait notamment sur : les formes d’autodéfinition des générations (exemple d’item : « je recherche un équilibre entre ma vie privée et ma vie professionnelle ») ; les sources de motivation/ démotivation (exemple d’item : « sentiment d’être inutile ») ; La vision du futur (exemple d’item : « « Je construis moi-même mon futur. Je ne peux compter que sur moi ») ; Les valeurs que devrait poursuivre l’entreprise (exemple d’item : « La solidarité et l’esprit d’équipe ») ; Les attentes à l’égard de l’entreprise (exemple d’item : « garantie de l’emploi ») ; Les attentes supposées de la part de l’entreprise (exemple d’item : « donner davantage de soi-même et obtenir des résultats en constante progression) ; Les défis futurs de l’entreprise (exemple d’item : « faire preuve d’innovation et d’anticipation

8 Dejoux Cécile et Wechtler Heidi, op.cit, p. 227-238.9 François Pichault, Mathieu Pleyers, op.cit, pp 1- 43.

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du futur ») ; Le rapport au temps de travail (exemple d’item : « maintenir un équilibre entre vie privée et vie professionnelle ») ; Les préoccupations face à l’emploi (exemple d’item : « crainte de travailler plus que prévu » pour la génération Y).

Les résultats montrent que les différentes générations sont loin d’être aussi hétérogènes entre elles du point de vue de leurs caractéristiques et attentes respectives. Seules quelques différences entre générations persistent, telles que pour la génération Y : le besoin d’accomplissement et plus spécifiquement le développement des compétences ; la crainte de ne pas trouver un emploi qui plaît; l’opportunisme avec le non respect des règles de déontologies ou de valeurs (le respect de la créativité étant plus important) et finalement le faible loyalisme institutionnel avec le besoin de changer régulièrement d’environnement (carrière nomade mais basée sur des mobilités internes à l’organisation).

Ces résultats génèrent une critique importante par rapport à l’image que nous nous faisons de la génération Y dans la théorie, et dès lors, les auteurs se demandes si des pratiques de GRH spécifiques à certaines générations sont encore justifiées, et ne peuvent constituer, au contraire, certaines limites. Pichault et Pleyers rappellent notamment que toute politique de différenciation finit pas poser des problèmes en terme d’équité, de ghettoïsation fondé uniquement sur des « à priori » quant à la génération Y. Pour les auteurs, plus que la différence intergénérationnelle, c’est la diversité des parcours professionnels qui devrait justifier une différenciation dans les politiques de GRH.10

10 François Pichault, Mathieu Pleyers, op.cit, pp 1- 43.