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Campus adventiste du Salève Faculté adventiste de théologie Collonges-sous-Salève Mai 2014 L’ordalie au Mont Carmel Vers l’hénothéisme ou le monothéisme ? Mémoire présenté en vue de l’obtention du Master en théologie adventiste Directeur de recherche : Marcel LADISLAS Assesseur : Rivan DOS SANTOS par Leandro LOPEZ RODRIGUEZ

LÕordalie au Mont Carmel

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Page 1: LÕordalie au Mont Carmel

Campus adventiste du SalèveFaculté adventiste de théologie

Collonges-sous-SalèveMai 2014

L’ordalie au Mont CarmelVers l’hénothéisme ou le monothéisme ?

Mémoireprésenté en vue de l’obtention

du Master en théologie adventiste

Directeur de recherche : Marcel LADISLASAssesseur : Rivan DOS SANTOS

parLeandro LOPEZ RODRIGUEZ

Page 2: LÕordalie au Mont Carmel

~ 1 ~

Remerciements

J’aimerais avant tout remercier Dieu pour son accompagnement tout au long de mon travail

malgré mes doutes et mes difficultés. J’ai pu sentir sa présence à mes côtés. Je loue le Seigneur pour

les capacités, la persévérance et les grâces particulières qu’il m’a accordées pour faire ce travail. Je Le

remercie car il s’est révélé progressivement pendant tout mon parcours à la Faculté de théologie ; il

m’a fait mûrir dans ma foi.

Je remercie d’une manière toute particulière ma chère femme, Karen, pour son soutien permanent

durant ces cinq années d’études, pour sa patience, ses attentions et ses remarques qui m’ont été bien

utiles pour aller jusqu’au bout de mes rêves.

Mes remerciements vont aussi à mon directeur de recherche, Marcel LADISLAS, pour sa

disponibilité, pour sa passion pour la Parole de Dieu, pour ses connaissances qui m’ont énormément

apporté et parce qu’il a su m’accompagner dans les moments difficiles. En outre, je le remercie pour

m’avoir aidé à arriver au bout de mon travail.

Je tiens à remercier également Rivan DOS SANTOS, pour tous ses conseils lors de la réalisation

de ce travail et pour sa disponibilité. Il a partagé avec moi, au long de mon parcours académique, son

amour pour l’étude de la Bible et pour l’histoire.

Je tiens à remercier les professeurs qui, d'une manière ou d'une autre, ont contribué à

l’accomplissement de ce travail. Car celui-ci est le fruit de tout un parcours et non pas seulement des

quelques mois de recherche. Merci à tout le corps enseignant.

Je remercie également la Fédération Suisse romande et du Tessin pour son soutien et ses prières.

Je remercie également tous mes amis. Les personnes qui mon aidé dans la correction de mon

travail, Matatini REIA et Geneviève MONTÉGUT. Je remercie également Mireille TREIYER-LIÉNARD,

d’avoir relu avec attention ce travail et m’avoir apporté ses remarques et son soutien.

Finalement, merci YHWH pour cette étude que tu m’as permis d’achever et parce que tu t’es

révélé une fois de plus dans ma vie !

Page 3: LÕordalie au Mont Carmel

~ 2 ~

Introduction

Page 4: LÕordalie au Mont Carmel

~ 3 ~

Introduction

Un jour, Térah, le père d’Abram, demanda à son fils de rester dans la boutique familiale d’idoles

qu’il possédait pour répondre aux besoins des clients pendant qu’il s’absentait. Une femme âgée

entra. Elle était très triste et déprimait parce que des voleurs avaient pénétré dans sa maison et

dérobé ses dieux. Abram dit à la vieille femme : « Si les dieux sont incapables de se protéger eux-

mêmes des voleurs, comment peuvent-ils vous protéger ? » Elle baissa la tête, réfléchit, puis

répondit : « Vous avez raison. Mais qui devons-nous servir alors ? » Abram répliqua immédiatement :

« Le Créateur du ciel et de la terre, qui nous a créés, vous et moi. » Ainsi, la vieille femme sortit de la

boutique sans idole. Plus tard dans la journée arriva une femme avec un vase rempli de farine pour les

offrir aux dieux. Après son départ, Abram prit une hache et commença à briser toutes les idoles de la

boutique, sauf la plus grande aux pieds de laquelle il déposa la hache. Plus tard, son père revint au

magasin et vit le gâchis. Il demanda à son fils Abram ce qui s'était passé. Abram répondit : « Une

femme est venue offrir de la farine aux dieux. Chacun d’eux voulait être le premier à recevoir

l’offrande. Alors, le plus grand se fit insulter et se mit en colère. Il prit une hache et cassa tous les

autres dieux. » Térah fut bouleversé et répondit immédiatement : « Quelle absurdité ! Tu sais très

bien qu'ils ne parlent ni ne se déplacent. » Alors Abram lui dit : « Ah non ? Alors, père, je vous

demande de réfléchir à ce que vous venez de dire. Pourquoi les servez-vous ? », Midrash Rabbah,

Genèse vol. 1, 38.131.

Cette belle histoire de la Midrash invite à réfléchir sur l’idolâtrie. L’Ancien Testament (désormais

cité par son abréviation AT) emploie plusieurs mots pour parler du culte des faux dieux. Parmi ceux-

ci figurent les mots lyla et Nwa qui, quand ils sont utilisés pour parler de l’idolâtrie, expriment l’idée

de néant ou de vanité, c’est-à-dire littéralement des choses de rien. Pour les prophètes de Dieu, les

idoles sont considérées comme « rien », comme quelque chose qui n’existe pas en tant qu’être vivant

(Es 44.6-20), comme une simple construction humaine (Es 2.8) dont la fabrication proclame la futilité

(Es 40.18-20 ; 41.6-7). Malgré cela, il faut dire qu’il existe des forces spirituelles mauvaises avec

lesquelles l’être humain peut être mis en contact par la pratique de l’idolâtrie (Dt 7.25). Bref, il est

clair que depuis l’appel d’Abraham, YHWH a toujours suscité des prophètes pour qu’ils demandent

au peuple de rejeter tout type d’idoles. Mais, dans la réalité, le peuple d’Israël arrivait-il à adorer un

seul Dieu, à savoir YHWH ?

L’histoire des religions anciennes me passionnait bien avant que je vienne étudier la théologie à

Collonges-sous-Salève. C’est le cours de Bible et archéologie qui a renforcé l’intérêt et la curiosité

que je porte à l’histoire, à la mythologie, aux divinités, à l’archéologie et aux textes

vétérotestamentaires. Voilà pourquoi je me suis proposé d’étudier le problème de l’idolâtrie, qui se

1 The Midrash Rabbah. Translated into english with notes, glossary and indices under the editorship of Rabbi : FREEDMAN H., Maurice SIMON, EPSTEIN Isidore (éd.), Genesis vol. 1, London, The Soncino Press, 1977.

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~ 4 ~

présente à plusieurs reprises dans le corpus de l’AT, plus précisément l’adoration d’une des divinités

les plus suivies par le peuple d’Israël, Baal.

À maintes reprises, depuis l’entrée en Canaan jusqu’à l’exil en Babylone, les Israélites sont tombés

dans l'idolâtrie de ce dieu païen. « Ils avaient abandonné tous les commandements du Seigneur, leur Dieu,

[...] Ils s’étaient prosternés devant toute l’armée du ciel et ils avaient servi Baal », 2 R 17.16. C’est pourquoi,

d’une part, les prophètes luttèrent intensément contre ceux qui l’invoquaient. D’autre part, les fils

d'Israël firent malgré tout ce qui est mal aux yeux du YHWH et ils servirent les Baals. On est en

présence d’une sorte de cercle vicieux, idolâtrie-réforme-idolâtrie, dont le peuple ne veut ou ne peut

s'extirper.

Le nom de Baal figure 90 fois dans l’AT. C’est la deuxième divinité la plus citée après YHWH. Son

nom évoque aussi l’idolâtrie ou l’apostasie. Le dieu ainsi nommé est surtout connu pour son rôle sur

le climat, pour sa capacité à contrôler les éléments naturels : l’eau, le feu, la terre et l’air. Les

nombreux attributs de Baal font de lui une divinité très populaire et très répandue dans tout le bassin

méditerranéen. Les Israélites se sont largement tournés vers son culte. Le texte vétérotestamentaire

contient plusieurs récits opposant Baal à YHWH (Jg 6.25-32 ; 1 R 18.20-40 ; 2 R 1.2-17 ; 2 R 10.18-

28 ; 2 R 23), ce qui souligne l’importance de la lutte contre l’idolâtrie. Parmi ces différentes

confrontations entre YHWH et Baal, la péricope d’Élie au mont Carmel est l’une des plus violentes,

des plus marquantes et des plus révélatrices. Ce récit est le seul texte biblique contenant une

description relativement vaste des attributs de Baal (là où Élie se moque des prophètes). Voici la

traduction littérale de 1 R 18.20-40 :

« 20Et Achab manda [envoya chercher] tous les fils d’Israël et il rassembla les prophètes à la montagne

du Carmel. 21Élie s’approcha de tout le peuple et dit : jusqu’à quand boiterez-vous sur les deux jarrets ?

Si YHWH est le Dieu, allez derrière lui, si c’est Baal, allez derrière lui. Et le peuple ne lui répondit mot. 22Élie dit au peuple : moi, je suis resté prophète pour YHWH, moi seul, mais les prophètes du Baal sont

quatre cent cinquante hommes. 23Donnez-nous deux jeunes taureaux ; qu’ils choisissent pour eux un

jeune taureau, qu’ils le dépècent et qu’ils placent sur les bois, mais qu’ils n’y mettent pas le feu ; moi, je

préparerai l’autre jeune taureau et je le mettrai sur les bois et je n’y mettrai pas le feu. 24Vous

invoquerez le nom de votre dieu et moi, j'invoquerai le nom de YHWH, le dieu qui répondra par le feu,

c'est lui qui est le Dieu. Tout le peuple répondit et dit : la parole est bonne. 25Élie dit aux prophètes du

Baal : choisissez pour vous un jeune taureau et faites-le en premier car vous êtes les plus nombreux.

Invoquez le nom de votre dieu mais vous ne mettez pas le feu. 26Et ils prirent le taureau qu’on leur

avait donné et ils le firent [préparèrent] et ils invoquèrent au nom du Baal, depuis le matin jusqu'à midi,

en disant : Baal réponds-nous. Mais il n'y eut ni voix ni réponse ; et ils boitaient [ou dansaient] devant

l'autel qu'ils avaient fait. 27Et voici, à midi, Élie se moqua d'eux et dit : appelez d’une voix forte, car c'est

un dieu : il a des soucis ou des affaires ou bien il est en voyage ; peut-être, il dort et il se réveillera ! 28Et

ils crièrent avec une voix forte et ils se firent des incisions, selon leur coutume, avec des épées et des

lances jusqu'à ce que coule le sang sur eux. 29Quand midi fut passé, ils se mirent à vaticiner jusqu'à

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l'heure de la présentation de l'offrande, mais il n'y eut aucune voix, ni réponse, ni signe d'attention. 30Élie dit à tout le peuple : Approchez-vous de moi. Et tout le peuple s’approcha de lui. Et il [Élie]

répara l’autel de YHWH qui avait été démoli. 31Élie prit douze pierres, selon le nombre des tribus des

fils de Jacob, à qui la parole de YHWH avait été dite : ton nom sera Israël. 32Et il construisit un autel de

pierres au nom de YHWH, et il fit un fossé d’une contenance de deux mesures de semence autour de

l’autel. 33Il arrangea les bois, et il dépeça le taureau et il le plaça sur les bois. 34Puis il dit : Emplissez

quatre jarres d'eau et versez-les sur l'holocauste et sur le bois, et il dit : faites une deuxième fois, et ils

firent une deuxième fois ; faites une troisième fois, et ils firent une troisième fois. 35Les eaux allèrent

autour de l’autel et aussi le fossé fut remplit d’eau. 36Au moment de faire monter l'offrande, Élie le

prophète s’approcha et dit : YHWH, Dieu d'Abraham, d'Isaac et d'Israël, en ce jour fait connaître que

toi, tu es Dieu en Israël, et moi, ton serviteur, et que selon ta parole j’ai fait toutes ces choses. 37Réponds-moi YHWH, réponds-moi et qu’ils connaissent, ce peuple, que toi YHWH, tu es le Dieu, et

que tu fais retourner en arrière leurs cœurs. 38Et le feu de YHWH tomba et il dévora l’holocauste, les

bois, les pierres et la poussière, et il absorba l’eau qui était dans le fossé. 39Et tout le peuple vit ; ils

tombèrent la face contre terre et ils dirent : YHWH, c’est lui le Dieu, YHWH, c’est lui le Dieu ! 40Élie

leur dit : Saisissez les prophètes du Baal, qu’aucun homme parmi eux ne s’échappe. Et ils les saisirent.

Elie les fit descendre vers le torrent du Qishôn, et là, il les égorgea. »

Cette péricope fait partie d’une unité littéraire (chapitres 17 à 18) qui relate la sécheresse imposée

par Élie dans le royaume du Nord (17.1). Elle prendra fin environ trois ans plus tard (18.45). Or, le

retour de la pluie semble être une conséquence de l’affirmation du peuple « YHWH, c’est lui le Dieu,

YHWH, c’est lui le Dieu ! », v. 39.

Introduire la problématique de ce travail passe par l’explication du choix du titre dont la première

partie est : L’ordalie au mont Carmel. Le mot ordalie a ici un sens légèrement différent que celui de sa

définition classique, à savoir une épreuve judiciaire employée au moyen âge pour établir l'innocence

ou la culpabilité de l'accusé en recourant au jugement de Dieu. Nous taxons le récit du mont Carmel

d’ordalie dans le sens que l’intervention divine décide qui des deux sujets en litige a raison, Élie ou les

prophètes de Baal. Le dieu qui répondra par le feu prouvera qu'il est serviteur de Dieu (v. 36) et que

les autres sont des imposteurs. Mais le paradoxe consiste dans le fait qu’on attend le feu de deux

divinités différentes. Ainsi, le litige entre les prophètes n’est que la doublure d’un duel entre YHWH

et Baal dont le témoin, et peut-être le juge, sera le peuple. Chacune des divinités doit prouver sa

puissance au mont Carmel pour pouvoir être reconnue comme Dieu en Israël.

La deuxième partie du titre est « vers l’hénothéisme ou le monothéisme ? » Quand Élie dit au peuple :

« Jusqu’à quand boiterez-vous sur les deux jarrets ? Si YHWH est le Dieu, allez derrière lui, si c’est Baal, allez

derrière lui. Et le peuple ne lui répondit mot. », v. 21. Ce verset révèle l’enjeu de l’ordalie : sortir du

syncrétisme et mettre fin à un double jeu. Car le silence du peuple montre qu’il tenait à cette

confusion : soit on adore les deux divinité, chacune agissant dans un domaine précis (selon leurs

attributs et selon les territoires), soit on utilise les deux noms pour une même divinité (comme dans

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le livre d’Os 2.18 : « Déclaration du Seigneur, tu m’appelleras “mon Mari”, tu ne m’appelleras plus “mon

Baal”. »). Le duel commence. C’est d’abord le tour des prophètes du Baal qui n’obtiennent aucune

réponse. Puis Élie prie : « […] en ce jour fais connaître que toi, tu es Dieu en Israël », v. 36, et le feu de

YHWH tomba et il dévora l’holocauste (v. 38). Le texte dit : « Et tout le peuple vit, ils tombèrent la face

contre terre et ils dirent : YHWH, c’est lui le Dieu, YHWH, c’est lui le Dieu ! », v. 39. Cette histoire

entraîne plusieurs questions : Qui était le dieu Baal ? Pourquoi ce dieu a-t-il pris tant d’essor en

Israël ? Que s’est-il passé pour que l’on assiste à un développement si important de son culte ?

Comment le peuple a-t-il été attiré par ce dieu ? Qu’est-ce que l’hénothéisme et le monothéisme ? Le

but d’Élie était-il de montrer que Baal n’existe pas ou simplement que YHWH est le Dieu d’Israël ?

Bref, voici notre problématique : l’ordalie au mont Carmel a-t-elle pour but d’amener le peuple à

l’hénothéisme ou au monothéisme ?

Pourquoi cette problématique ? Quelques textes de l'AT qui font référence à d'autres dieux (p. ex.

Ps 82.1-2) ont conduit certains spécialistes à considérer que la religion des anciens Israélites était au

départ hénothéiste (croyance en un seul Dieu, sans pour autant nier l’existence d’autres dieux), qui

s'est transformé plus tard en monothéiste (croyance qu’il n’existe qu’une seule divinité). Le récit de

l’ordalie au mont Carmel est l’un des récits utilisés soit pour : 1. Prouver le message monothéiste des

prophètes ; 2. Expliquer l’invention du monothéisme ; 3. Expliquer que l'histoire du monothéisme

biblique n'est pas une histoire linéaire, mais plutôt un processus de maturation qui est le fruit d'une

somme d'influences, de traditions et d'évènements qui mèneront à l'élaboration de l'expression d'une

foi monothéiste régionale originale. Alors, comment se positionner en tant qu’Adventiste du septième

jour par rapport à ces types d'interprétations ? Pourrons-nous croire que cela fait partie d’une

révélation progressive, c’est-à-dire que Dieu s’est révélé à son peuple progressivement après la sortie

d’Égypte jusqu’à nos jours ?

Nous n’avons pu répondre à ces questions qu’en fonction de quelques contraintes. D’abord

viennent des limitations temporelles dues aux exigences professionnelles, à la charge horaire de notre

travail, et aussi au fait que nous avons voulu finir ce mémoire pour la fin de l’année académique 2014.

Vient ensuite la limite textuelle, circonscrite à une seule péricope malgré que le sujet soit beaucoup

plus vaste. Ce choix se justifie par le volume du travail fixé à un certain nombre de pages. Vient enfin

une limite linguistique qui concerne les lectures de travaux et articles publiés sur le sujet : nous

n’avons recouru qu’au français, à l’espagnol et à l’anglais alors que l’allemand aurait été un bon outil

dans cette étude.

Pour être cohérent tout au long de cette recherche, nous avons suivi le Guide méthodologique2.

2 Gabriel MONET, Guide méthodologique. Vade-mecum à l'usage des étudiants de la Faculté adventiste de théologie, Collonges-sous-Salève, Faculté adventiste de théologie, 2010.

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~ 7 ~

Quant aux citations et aux noms bibliques, ce seront ceux de la NBS3 sauf indication contraire.

Voici maintenant une brève description de la méthodologie suivie dans cette étude. Le sujet a été

divisé en trois parties. 1. L’étude synchronique commence par l’exégèse du passage en question (1 R

18.20-40). Elle permet (à travers la traduction littérale du texte) de faire une analyse du contexte

large, proche et immédiat, et puis de passer à l’analyse narrative de la péricope dont on tirera

quelques constats. 2. L’étude diachronique procède à l’analyse théologique et historique de l’ordalie

au mont Carmel. Elle permet de découvrir le profil du dieu Baal vu sous l’angle de divers témoins, la

religion cananéenne, et comment ces derniers ont pu affecter la mentalité des Israélites au point d’en

arriver à un si grand syncrétisme. 3. L’étude sémantique du vocabulaire moderne des termes

monothéisme, hénothéisme et polythéisme permet, elle, de faire le point sur les différentes théories

concernant le « naissance du monothéisme ». 4. Enfin viennent la réponse à la problématique du départ,

une tentative de thèse, une prise de position en tant qu’Adventiste du septième jour et une

application pratique pour notre vie quotidienne.

3 NBS, La Nouvelle Bible Segond édition d'étude, Paris, Alliance biblique universelle, 2002.

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Étude exégétique

1 Rois 18.20-40

Page 10: LÕordalie au Mont Carmel

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1. Étude exégétique : 1 Rois 18.20-40

Pour essayer de répondre aux questions posées dans l’introduction, et comprendre quel est le but

de l’ordalie (1 R 18.20-40), il faut vérifier l’état du texte tel qu'il se trouve aujourd’hui dans les

manuscrits. C’est pourquoi, dans cette première partie, nous ferons une étude exégétique de la

péricope de 1 R 18.20-40. Dans un premier temps, nous présenterons une introduction du livre des

Rois, suivie de la traduction et de l'établissement du texte. Dans un troisième temps, nous

procéderons à une analyse du contexte proche et immédiat du passage pour en tirer quelques clés.

1.1 Introduction au livre des Rois

Pourquoi disposons-nous de deux livres des Rois au lieu d’un ? Les auteurs s’accordent pour

expliquer que dans sa forme première, la Bible hébraïque a considéré 1 et 2 Rois comme un seul

livre4. Le nom de l’ouvrage, en hébreu, est Myklm, Rois. Les Juifs d’Alexandrie réunirent les livres de

Samuel et des Rois et les appelèrent les livres des Royaumes, partagés en quatre livres pour des raisons

pratiques5. La Vulgate revint à la distinction hébraïque entre Samuel et Rois. Quant à la division des

Rois en deux livres faite par la LXX6, elle ne fut introduite dans les manuscrits hébreux qu’à partir du

XVe siècle ap. J.-C7. Nous parlerons donc dans cette introduction des deux livres des Rois en les

considérant comme formant un seul ouvrage.

Quels sont les thèmes développés dans ce livre ? La LXX a classé l’ouvrage des Rois parmi les

livres historiques. Sûrement parce qu'ils couvrent une longue période de l’histoire des royaumes

d’Israël et Juda8, une période d’environ quatre cents ans9. Mais le livre des Rois n’est-il qu’un livre

4 Lucien GAUTIER, Introduction à l’Ancien Testament, Paris, Bridel, 1906, p. 337-338. Roland de VAUX, Les livres des Rois, Paris, Cerf, 1949, p. 7. Roland Kenneth HARRISON, Introduction to the Old Testament. With a comprehensive review of Old Testament studies and a special supplement on the Apocrypha, Grand Rapids, Eerdmans, 1969, p. 719. Jean DELORME, Jacques BRIEND, « Les premiers livres prophétiques », in Henri CAZELLES (éd.), Introduction critique à l’Ancien Testament, vol. 2, Paris, Desclée, 1973, p. 245. Humberto RASI (éd.), Josué a 2 Reyes, vol. 2 de Comentario biblico adventista del septimo dia. La Santa Biblia con material exegético y expositorio, trad. Victor AMPUERO MATTA, Nancy VYHMEISTER, Mountain View, Pacific Press, 1985, p. 715-722. Gleason ARCHER, Introduction à l'Ancien Testament, Saint-Légier, Emmaüs, 1991, p. 322. Pierre BUIS, Le Livre des Rois, Paris, Gabalda, 1997, p. 9-10. Mordechai COGAN, 1 Kings. A new translation with introduction and commentary, vol. 10 de The Anchor Bible, New York, Doubleday, 2001, p. 84. Ernst Alex KNAUF, « 1 et 2 Rois », in Thomas RÖMER, Jean-Daniel MACCHI, Christophe NIHAN (éd.), Introduction à l'Ancien Testament, Genève, Labor et Fides, 2004, p. 302. Tremper LONGMAN, Raymond DILLARD, Introduction à l'Ancien Testament, trad. Christophe PAYA, Cléon d'Andran, Excelsis, 2008, p. 153. Alfred KUEN, Les Livres historiques de 1 Rois à Esther, vol. 2b de Encyclopédie des difficultés bibliques. Ancien Testament, Saint-Légier sur Vevey, Emmaüs, 2010, p. 11. 5 La séparation des livres était due à l’énorme volume de l’ouvrage. Alfred KUEN, Les Livres historiques de 1 Rois à Esther, p. 11. « La division en deux livres, comme pour Samuel, est artificielle. Elle remonte à la Septante, qui a réparti Samuel et Rois en quatre rouleaux intitulés Livres des Règnes. La vulgate latine nous a transmis cette division, sous le titre de Livres des Rois. » Jean DELORME, Jacques BRIEND, « Les premiers livres prophétiques », p. 301. 6 Dans la LXX et dans les Bibles latines, les livres de 1 et 2 Rois sont appelés 3 et 4 Rois. 7 « Il a fallu attendre l’édition de Bomberg, en 1517, pour que la Bible hébraïque sépare Samuel et Rois chacun en deux livres distincts. » Gleason ARCHER, Introduction à l'Ancien Testament, p. 317. 8 L’histoire du livre débute avec la vieillesse du roi David et la transmission successorale du trône à Salomon (1 R 1-2), le long règne de Salomon (1 R 3-11), le schisme politique et religieux (1 R 12-13), le récit de la carrière des rois d’Israël et de Juda « jusqu’à la chute de la monarchie juive devant les armées de Nébucadnetsar, en 578 av. J.-C. » Gleason ARCHER, Introduction à l'Ancien Testament, p. 322. 9 « La période de 965 à 560 av. J.-C. » Alfred KUEN, Les Livres historiques de 1 Rois à Esther, p. 12.

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~ 10 ~

d’histoire ? Certes, nous y trouvons une histoire politique, mais souvent très résumée, et peu

d’informations sur les problèmes socio-économiques ou culturels qui conditionnent les événements.

C’est-à-dire que « l’auteur ne se soucie que secondairement des renseignements que les historiens

modernes d’Israël recherchent avidement dans son livre : expéditions guerrières, grandes entreprises

intérieures, politiques profanes. Il écrit une histoire religieuse10. » Dans la Bible hébraïque, le livre des

Rois est classé parmi les livres prophétiques, les Nevi’im11. D’après P. BUIS, le livre des Rois retrouve

ce classement, d’une part parce qu’on y parle beaucoup des prophètes (le mot aybn, prophète, y est

cité soixante-dix-neuf fois dans le livre des Rois) et, d’autre part, parce que l’ouvrage permet la

lecture des autres livres prophétiques. La raison en est « surtout parce que l’essence du message

prophétique est la lecture théologique de l’histoire, ce que fait ce livre d’un bout à l’autre12 », comme

la plus grande partie de la Bible. Autrement dit, l’auteur du livre ne veut pas raconter seulement

l’histoire d’un peuple. Il a une intention théologique, à savoir, démontrer que le bien-être de la nation

et le succès du roi dépendaient du respect de la fidélité face à l’alliance scellée avec Dieu.

« Le but de ce récit est d’exposer les événements revêtant une importance particulière du point de vue de Dieu et de son programme rédempteur. L’auteur n’entendait pas glorifier les héros d’Israël pour des raisons nationalistes. C’est la raison pour laquelle, contrairement à un historien profane, il a laissé de côté les exploits passagers qui auraient ébloui ce dernier. Sa préoccupation première était de révéler comment chaque souverain a réglé ses relations avec Dieu face aux responsabilités découlant de l’alliance13. »

Le livre des Rois est donc un livre historique en même temps que prophétique. Il présente un

double aspect : informatif, car il raconte le salut, et performatif, car il raconte l’histoire en vue du

salut. Le texte implique le lecteur et l’appelle à revenir à Dieu, à faire un choix. Il l’incite à prendre

une position : à suivre YHWH ou Baal.

Quelles sont les caractéristiques de ces écrits ? Dans le livre des Rois se trouvent différents types

de récits aux genres littéraires variés, et des notices14. D’après les spécialistes, cela donne au livre

l’allure d’une compilation15. On ne peut nier que l’auteur du livre de Rois ait utilisé ou cité différentes

10 Roland de VAUX, Les livres des Rois, p. 13. 11 Celui-ci est subdivisé en deux groupes : premiers prophètes et prophètes postérieurs. 12 Roland de VAUX, Les livres des Rois, p. 9. Pour d’autres arguments concernant le classement du livre des Rois, cƒ. Tremper LONGMAN, Raymond DILLARD, Introduction à l'Ancien Testament, p. 153-154. 13 Gleason ARCHER, Introduction à l'Ancien Testament, p. 322-323. 14 Plusieurs chapitres sont parsemés de notices détaillées qui fournissent le cadre aux récits des différents règnes (entre autres ceux de Salomon 1 R 1-11, Josias 2 R 22-23, Jéroboam et Ahiyyah 1 R 11.26 à 14.20). Les cycles des prophètes Élie (1 R 17.1, 2 R 2.18) et Élisée (1 R 19.19, 2 R 13.21) viennent en briser l’ensemble et les divisent en deux blocs. Le reste du livre est composé de notices brèves. Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 15. 15 Le Commentaire adventiste va dans ce sens, en expliquant que le livre des Rois ressemble plus à une compilation qu’à une production originale d’un seul auteur. Humberto RASI (éd.), Josué a 2 Reyes, p. 715. Cependant, « un cadre très ferme est imposé à l’ensemble par le retour de formules semblables et de thèmes doctrinaux bien définis, soit dans l’introduction et la conclusion de chaque règne, soit au cours de réflexions suggérées par les événements. Ce cadre manifeste une ferme unité de rédaction. » Jean DELORME, Jacques BRIEND, « Les premiers livres prophétiques », p. 302-303. Un théologien du XXe siècle fait un commentaire très pertinent malgré l’ancienneté du texte : « Il ne faudrait d’ailleurs pas croire que le rédacteur s’est contenté de donner aux biographies des Rois les encadrements que nous venons de décrire et que l’on retrouve à propos de chaque règne. Son travail s’est étendu plus loin. » Lucien GAUTIER, Introduction à l’Ancien Testament, p. 343.

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sources. Il a composé son œuvre en puisant dans des écrits antérieurs, comme l’ont fait les

rédacteurs du livre des Juges et de Samuel, d’ailleurs mentionnés par leur nom. Ce sont : 1- le livre

des Actes de Salomon (1 R 11.41) ; 2- le livre des Chroniques des rois de Juda (mentionné ici et là) ;

3- le livre des Chroniques des rois d’Israël (signalé ici et là). « On peut valablement supposer que ces

trois recueils consistaient principalement en inscriptions tenues à jour par le secrétaire officiel de la

cour ou par l’archiviste, le mazkīr, mentionné dans 2 Sam 8.1616. » Les chapitres 36 à 39 du livre

d’Ésaïe constituent une autre source non citée dans le texte. Dans 2 R 18 à 20 se trouvent de larges

sections qui ont été reprises presque mot pour mot!au texte d’Ésaïe17.

Selon la critique, l’histoire de la rédaction du livre apparaît comme un processus complexe

couvrant plusieurs siècles et relevant de plusieurs auteurs18. Certains spécialistes pensent que

l’histoire de la rédaction du livre des Rois ferait partie de l’histoire deutéronomiste19. Le pionnier de

cette théorie, qui marquera l’exégèse vétérotestamentaire, est Martin NOTH. D’après lui, tous les

livres, à partir du livre du Deutéronome jusqu’à 2 Rois, auraient été composés par un seul auteur : le

Deutéronomiste. Cela amena les théologiens à penser que la théologie mise en œuvre par les auteurs

du livre des Rois est très proche de celle du Deutéronome20. Alors, comment comprendre ces

similitudes entre les deux livres ? Bien que la théorie de l’histoire deutéronomiste ait été acceptée

par maints théologiens, nous préférons faire confiance à ce qui nous est rapporté par le texte. Au lieu

de croire que les livres aient été créés par un seul auteur, nous expliquons les ressemblances du

16 Gleason ARCHER, Introduction à l'Ancien Testament, p. 325. Plusieurs de ces sources pouvaient déjà avoir été recueillies dans les Actes de Salomon ou les Annales des Rois d’Israël et Juda, « leur titre n’autorise pas, au nom d’une définition trop stricte, à les réduire à la chronique des faits extérieurs et à leur interdire tout intérêt pour l’histoire religieuse. Cependant les traditions sur Élie, Élisée, les prophètes, ont dû faire l’objet d’un recueil à part. » Jean DELORME, Jacques BRIEND, « Les premiers livres prophétiques », p. 319. L. GAUTIER : « Pour être exact et complet, il importe de dire que, si les livres des Juges, de Samuel et des Rois n’ont été ni rédigés à nouveau par une plume sacerdotale, ni combinés et amalgamés avec un écrit sacerdotal parallèle, il ne faudrait pourtant pas croire qu’aucune infiltration postexilique n’y ait pénétré. » Lucien GAUTIER, Introduction à l’Ancien Testament, p. 380. 17 La raison en est que l’auteur du livre de Rois poursuit l’histoire des Hébreux au delà de la chute de Jérusalem : « il est évident que son récit est emprunté à Ésaïe plutôt que le contraire. Certains critiques prétendent que les chapitres d’Ésaïe ont été copiés des Rois, mais les preuves sur lesquelles ils se fondent peuvent tout aussi bien justifier la thèse opposée. » Gleason ARCHER, Introduction à l'Ancien Testament, p. 325. 18 Selon P. BUIS, le livre n’est pas du tout unifié au point de vue linguistique ; on y trouve une grande variété de styles et de niveaux de langue. « D’autant plus que les auteurs laissent entendre qu’ils utilisent des documents et qu’il est probable qu’ils les citent. » Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 12. 19 Nous ne prétendons pas entrer dans le débat de l’histoire deutéronomiste. D’après cette théorie, le livre du Deutéronome a été créé pendant la dernière période de Juda afin d’assurer l’établissement d’un sanctuaire unique à Jérusalem. Mais si nous voulons garder l’origine mosaïque du Deutéronome, nous ne pouvons pas adhérer à cette théorie. La rédaction deutéronomiste est loin de faire l’unanimité. Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 23. Pour approfondir la réflexion sur cette théorie et sur le débat actuel : Thomas RÖMER, « L’histoire deutéronomiste (Deutéronome-2 Rois) », in Thomas RÖMER, Jean-Daniel MACCHI, Christophe NIHAN (éd.), Introduction à l'Ancien Testament, Genève, Labor et Fides, 2004, p. 234-250 ; Felix GARCÍA LÓPEZ, Comment lire le Pentateuque, trad. Corinne LANOIR, Genève, Labor et Fides, 2005, p. 273-284 ; Mordechai COGAN, 1 Kings, p. 96-100 ; Jacques BRIEND, « Lecture du pentateuque et hypothèse documentaire », in Pierre HAUDEBERT (éd.), Le Pentateuque, débats et recherches, Paris, Cerf, 1992 ; Albert de PURY, Thomas RÖMER, « Le Pentateuque en question. Position du problème et brève histoire de la recherche », in PURY DE Albert (éd.), Les origines et la composition des cinq premiers livres de la Bible à la lumière des recherches récentes, Genève Labor et Fides, 1989, p. 9-80. Concernant l’unicité du Pentateuque, cƒ. Gleason ARCHER, Introduction à l'Ancien Testament, p. 84-114 ; Alfred KUEN, Le Pentateuque, vol. 1 de Encyclopédie des difficultés bibliques. Ancien Testament, Saint-Légier sur Vevey, Emmaüs, 2006, p. 665-676 ; Roland Kenneth HARRISON, Introduction to the Old Testament, p. 493-662. 20 C’est-à-dire un seul Dieu, un seul Temple, le rejet de toutes les formes du paganisme et la centralisation de l’adoration et du service (Dt 12) dans un sanctuaire unique. Roland de VAUX, Les livres des Rois, p. 13.

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texte du livre des Rois avec les lois du Deutéronome d’une manière plus simple. D’après le texte, la

loi de l’époque de Moïse fut redécouverte sous le règne de Josias et provoqua une réforme dite

deutéronomiste21 (2 R 22.8), d’où des ressemblances qui n’ont rien à voir avec l’invention de lois

deutéronomistes pour répondre à un besoin socio-politico-religieux22. Mais le problème reste très

débattu entre les exégètes et « toutes ces théories s’appuient sur des faits évidents, mais souvent

contradictoires, entre lesquels on doit choisir. Le débat n’est pas près d’être clos23. »

La datation du livre va dépendre de différents courants24. Plusieurs auteurs penchent pour une

rédaction postérieure à la ruine de Jérusalem. Il serait alors nécessaire d’y supposer plusieurs couches

de rédaction. Ils pensent qu’une première édition du livre aurait été faite vers la fin du VIIIe s. av. J.-C.

(règne d’Ézéchias). Puis elle aurait été charpentée par le système des notices synchroniques qui vont

jusqu’à Achaz et Osée. À la fin du VIIe siècle (avant ou après la mort de Josias), une rédaction

deutéronomiste aurait remanié profondément la première édition. Et finalement, une rédaction exilique

du milieu du VIe siècle aurait relaté l’histoire des quatre derniers rois de Juda et apporté des

retouches aux éditions précédentes25. Mais il faut savoir que 2 Rois se termine avec la libération du

roi Joïakîn par le roi de Babylone, Évil-Mérodak, qui monta sur le trône vers l’an 562 av. J.-C. (2 R

25.27-30). Ce qui permet de dire que la rédaction finale du texte ne peut pas avoir eu lieu avant cette

période. Mais, d’autres indices témoignent qu’une première rédaction fut achevée avant l’exil26. La

rédaction finale ne devrait pas être beaucoup plus tardive que la grâce accordée au roi Joïakîn, sinon

on pourrait s’attendre à ce qu’elle mentionne le début du retour en Palestine à partir de 539 av. J.-C.

Donc, il est possible que le texte ait été composé en une vingtaine d’années27. Néanmoins, on ne peut

21 Alfred KUEN, Les Livres historiques de 1 Rois à Esther, p. 17. R. de VAUX explique que cette réforme inspirée par le Deutéronome apparaissait pleine de promesses pour l’avenir. Roland de VAUX, Les livres des Rois, p. 16. 22 Par exemple, E. KNAUF va dans ce sens en expliquant que les livres des Rois « est le plus deutéronomiste des livres des Nevi’im [prophètes]. Il a largement contribué à l’élaboration de la conception judéo-chrétienne du “bon” roi et du “vrai” prophète. » Ernst Alex KNAUF, « 1 et 2 Rois », p. 302. Cependant, nous penchons pour une explication plus simple, « le livre est donc une interprétation de l’histoire à la lumière de l’enseignement du Deutéronome. » Jean DELORME, Jacques BRIEND, « Les premiers livres prophétiques », p. 306. 23 Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 23. 24 « La critique libérale distingue deux courants différents dans la composition des livres des Rois : une source antérieure à l’exil, qui ignore la chute de Jérusalem et considère le culte offert sur les hauts lieux, en dehors de Jérusalem, comme une chose parfaitement légitime ; une seconde source appartenant à l’école deutéronomiste, florissante vers 550 av. J.-C. selon la théorie. » Gleason ARCHER, Introduction à l'Ancien Testament, p. 325. 25 Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 23. 26 Pour R. de VAUX ces indices résident dans le fait que le texte dit que le Temple est encore debout et l’on y voit « jusqu’à ce jour » l’Arche de l’Alliance (1 R 8.8). D’autre part, Édom est soustrait à la domination de Juda « jusqu’à ce jour » (2 R 8.22). D’autres indices sont développés par l’auteur, cƒ. Roland de VAUX, Les livres des Rois, p. 15-16. D’autres auteurs expliquent qu’il existe d’autres passages qui supposent la ruine de Jérusalem (1 R 8.46-51 ; 9.7-9 ; 2 R 17.19-20 ; 21.11-15 ; 23.26-27 ; 24.2-4). « Ces indices pourraient servir d’arguments pour expliquer une rédaction antérieure à 587 av. J.-C. » Jean DELORME, Jacques BRIEND, « Les premiers livres prophétiques », p. 320. E. KNAUF pense différemment de la plupart des auteurs. Pour lui, « la dernière rédaction du TM [texte massorétique] de R [Rois] peut être située aux alentours de 200 avant J.-C. (après la forme traduite par la LXX, qui représente une édition au profil littéraire et théologique différent). » Ernst Alex KNAUF, « 1 et 2 Rois », p. 305. 27 Alfred KUEN, Les Livres historiques de 1 Rois à Esther, p. 28. « La rédaction finale est postérieure à la chute de Jérusalem ; elle pourrait être fixée aux premières années de la captivité. Il est possible toutefois que seul le dernier chapitre date du temps de l’exil, attendu que l’expression “jusqu’à ce jour”, souvent répétée dans le livre, indique à ne pas s’y méprendre une perspective préexilique. » Gleason ARCHER, Introduction à l'Ancien Testament, p. 325.

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définir avec certitude ni la date de rédaction, ni la personne qui a écrit le livre des Rois28. Considérer

2 R 25.27-30 comme un post-scriptum permettrait d’être d’accord avec la tradition du Talmud qui

prétend que Jérémie serait l’auteur du livre (Talmud, Baba Bathra, 15a)29. Cependant, le texte biblique

ne donne aucune information concernant l’auteur du livre30.

Quel est l’état du texte du livre ? D’après la critique, le texte a été mal conservé au cours de sa

transmission. C’est-à-dire que le texte original en hébreu transmis par la tradition massorétique

présente maintes difficultés : phrases incomplètes, incorrections grammaticales, indications

chronologiques contradictoires31 ; éléments essentiels de certains récits sont absents. Mais, il faut

reconnaître que le texte reste une référence. On n’a retrouvé que trois fragments du livre des Rois à

Qumran : 1 R 1.16-37 dans la grotte 5 et ceux de1 R 22.30 et 2 R 7.8 et 8.4 dans la grotte 6. Ces

trois fragments sont insignifiants par rapport au volume total du livre. Or, le premier livre des

Chroniques reprend la même histoire que celle des Rois à partir du chapitre 28, ce qui en fait un

témoin indirect du texte hébreu. « Il est évident que l’auteur s’inspire de Rois et le cite largement. Il

est possible que ce livre ait mieux conservé les textes qu’il a empruntés à Rois, mais il a pu aussi

chercher à les améliorer 32 . » Il existe d’autres témoins de ce type dans les textes

vétérotestamentaires. Dans les livres d’Ésaïe et de Jérémie (Es 37.39 fait référence à 2 R 18.21, et Jr

52 à 2 R 25.1-21), les textes semblent mieux transmettre l’histoire que les livres des Rois. Quant aux

autres versions, comme le Targum, la Syriaque, la Vulgate, la Symmaque ou l’Aquila, elles appuient

généralement le texte hébreu reçu. Les versions grecques se rapprochent du texte massorétique

(TM), « mais en gardant certaines particularités de la “Septante” primitive, entre autres pour l’ordre

des chapitres (1 R 20 et 21 sont inversés) et des versets33. »

28 Humberto RASI (éd.), Josué a 2 Reyes, p. 716. 29 « Comme l’auteur se place à un point de vue nettement prophétique et possède une plume expérimentée, il est possible que Jérémie ait composé tout le livre, à l'exception du chapitre final. […] Un argument de poids en faveur de cette opinion est que, nulle part, dans les chapitres consacrés à Josias et à ses successeurs, on ne trouve une allusion à Jérémie lui-même. Il est difficile d’expliquer — la modestie de l’auteur mise à part — l'absence de toute référence à une figure si importante dans l’histoire de Juda : son dernier grand prophète. Le chapitre final semble avoir été écrit par un homme habitant Babylone plutôt qu’en Égypte, où Jérémie mourut. » Gleason ARCHER, Introduction à l'Ancien Testament, p. 325. Suivant cette hypothèse, Jérémie serait un type de narrateur extradiégétique (narrateur externe à l’histoire racontée), et en même temps hétérodiégétique (narrateur absent de l’histoire qu’il raconte). Sur les définitions des différentes types des narrateurs, voir Daniel MARGUERAT, Yvan BOURQUIN, Pour lire les récits bibliques. Initiation à l'analyse narrative, 4e éd. (1er

éd. 1998), Genève, Labor et Fides, 2009, p. 36-38. 30 D’autres opinions vont à l’encontre du fait qu’il n’y ait qu’un seul auteur. Ce sont entre autres celles de J. DELORME et J. BRIEND, qui affirment que la composition du livre des Rois fait partie de la composition deutéronomiste, car le livre ne peut être l’œuvre d’un seul homme. « Il faut penser plutôt à une école dont le travail a commencé avant 587 et s’est poursuivi après. » Jean DELORME, Jacques BRIEND, « Les premiers livres prophétiques », p. 320. Selon R. de VAUX, il serait possible qu’un auteur principal ait pu écrire le livre. La personnalité de l’auteur principal transparaît dans son œuvre. Pour lui, c'était un homme de Jérusalem, très nationaliste, dévot du Temple et fortement influencé par les idées de réforme religieuse. D’après lui, il pourrait être un prêtre. Roland de VAUX, Les livres des Rois, p. 16. 31 Le problème des chronologies est l’un des plus importants. Tous les auteurs que nous avons pu lire en traitent. Les explications données par P. BUIS pour résoudre ce problème paraissent très pertinentes (cƒ. Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 31-32). Pour voir et approfondir d’autres opinions, consulter Alfred KUEN, Les Livres historiques de 1 Rois à Esther, p. 21-26 ; Roland Kenneth HARRISON, Introduction to the Old Testament, p. 733-737 ; Roland de VAUX, Les livres des Rois, p. 9-10 ; Gleason ARCHER, Introduction à l'Ancien Testament, p. 327-330. 32 Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 10. 33 Ibid., p. 11.

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Il existe donc des problèmes de critique textuelle dans le livre des Rois à cause des divergences

entre le TM et la LXX34. Nous avons tenu compte du texte donné par la LXX, encore que les

divergences ne soient pas très grandes dans la péricope que nous allons étudier.

1.2 Traduction et établissement du texte

Voici la méthode proposée pour traduire et établir le texte. Nous avons créé un tableau

comparatif en quatre colonnes qui, d’une part, permet de visualiser plus clairement la traduction, et

de l’autre, en justifie le comment et le pourquoi. La première colonne reprend le verset traduit. Dans

la seconde figure le verset en langue originale, tiré du texte Massorétique de la BHS35. Dans la

troisième se trouve une traduction littérale de la péricope choisie. Pour ce faire, nous avons utilisé

plusieurs dictionnaires36 et recouru à différentes traductions du passage37. Des notes de bas pages

renvoient aux variantes les plus significatives du texte donné par l’apparat critique de la BHS.

Finalement, la dernière colonne explique et justifie s’il y a lieu la traduction de chaque verset.

34 Septuaginta (1) : Id est Vetus Testamentum graece iuxta LXX interpretes, Stuttgart, Württembergische Bibelanstalt Stuttgart, 1982. Généralement, les versions données par la LXX sont plus courtes que celles du TM. 35 Biblia Hebraica Stuttgartensia, Stuttgart, Deutsche Bibelgesellschaft, 1997. 36 Nathaniel SANDER, Isaac TRENEL, Dictionnaire hébreu-français, réimpression de la 1er éd. de Paris en 1859, Genève, Slatkine Reprints, 1991. Marchand ENNERY, Dictionnaire de la Bible hébraïque, Paris, Librairie Colbo, 1976. Ludwig KOEHLER, Walter BAUMGARTNER, Johann STAMM, The Hebrew and aramaic lexicon of the Old Testament, vol. 2, Leiden, Brill, 1995. Philippe REYMOND, Dictionnaire d’hébreu et d’araméen bibliques, Paris, Cerf, 1999. David CLINES (éd.), The Dictionary of classical Hebrew p-o, vol. 6, Sheffield, JSOT Press, 2007. 37 Ancien Testament interlinéaire hébreu-français, avec le texte de la Traduction œcuménique de la Bible et de la Bible en français courant, 2e éd. (1e éd. 2007), Pierrefitte, Société Biblique française, 2011. Samuel CAHEN, Traduction Nouvelle avec hébreu en regard, vol. 3, 1836, disponible sur <http://www.areopage.net/PDF/Cahen/08-Rois.pdf>, (consulté le 15 décembre 2013). André CHOURAQUI, La Bible, Paris, Desclée de Brouwer, 1975. Jonh Nelson DARBY, La Sainte Bible, Valence, Bibles et publications chrétiennes, 1993. La Bible de Jérusalem, Paris, Cerf, 2001. NBS. La Nouvelle Bible Segond, édition d'étude, Paris, Alliance biblique universelle, 2002. La Bible du SEMEUR, Saint-Légier, Emmaüs, 2000.

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Tableau 1

Traduction commentée de 1 R 18.20-40

V. Texte Traduction Commentaire sur la traduction du verset

20

וישלח אחאב בכל-ינב ישראל ץבקיו את-הנביאים

אל-הר למרכה

Et Achab manda(a) [envoya chercher] tous les fils d’Israël38(b) et il rassembla les prophètes39 à la montagne du Carmel.

(a) D’après la Bible à la Colombe, la NBS et celle du Semeur, le texte sous-entend qu’Achab envoya des messagers (cƒ. NBS 2 R 10.21). (b) D’après D. NOCQUET, on pourrait opter pour la leçon suivante : dans tout le territoire d’Israël40. Cela serait possible, d’une part, à cause de l’importance territoriale qui se trouve dans le texte, surtout dans la théophanie de YHWH dans 1 R 18.36 « Tu es Dieu en Israël41 ». D’autre part, d’après le dictionnaire de SANDER-TRENEL, l’expression lwbg¯lk peut être comprise comme tout ce qui est entre les limites, territoire, ou étendue d’un pays d’une extrémité à l’autre (cƒ. Ex 7.27)42. Cependant, nous avons suivi le texte donné par la BHS, dont le contexte explique qu’il s’agit d’un rassemblement, comme dans 2 R 10.18-28.

21

ויגש אליהו אל-כל-העם ויאמר עד-

מתי אתם פסחים על-שתי הסעפים

Élie s’approcha de tout le peuple43 et dit : jusqu’à quand boiterez (a)-vous sur les deux jarrets44(b) ?

(a) Il peut y avoir deux traductions différentes du verbe xop : sauter, sauter d’une branche sur l’autre45 ; ou bien boiter, boiter en s'appuyant sur deux bâtons46. Cependant, le sens premier du verbe xop est boiter, d’où notre traduction. R. de VAUX explique

38 Plusieurs manuscrits ont la mention larvy lwbg (territoire d’Israël) au lieu de ygb (fils de…). 39 Quelques manuscrits ajoutent la préposition lk, c’est-à-dire tous les prophètes. 40 Pierre BUIS traduit ce passage de cette manière : « Achab envoya donc des messagers dans tout le pays des fils d’Israël [...]. » Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 146. 41 Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal. La polémique contre le dieu Baal dans la Bible hébraïque et l’ancien Israël, Genève, Labor et Fides, 2004, p. 89,91. 42 Nathaniel SANDER, Isaac TRENEL, Dictionnaire hébreu-français, p. 90. 43 Dans la LXX se trouve le mot pantav (tous), à la place de Meh lk (tout le peuple). Il pourrait y avoir ici un possible parallèle avec 2 R 10.19 : « Maintenant, convoquez auprès de moi tous les prophètes du Baal, tous ceux qui le servent et tous ses prêtres, sans qu’il en manque un seul, car je veux offrir un grand sacrifice à Baal : quiconque manquera ne restera pas en vie. Jéhu agissait d’une manière insidieuse, pour faire disparaître ceux qui servaient le Baal. ». 44 La LXX qui donne le mot ignua (jarret). 45 La traduction calque celle de CHOURAQUI, censée être littérale, et rend ce verbe d’une manière similaire : « Jusqu’à quand sauterez-vous sur deux branchages ? », 1 R 18.21. 46 Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 147.

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V. Texte Traduction Commentaire sur la traduction du verset

21

אם-יהוה הא%הים לכו אחריו ואם-

הבעל לכו אחריו ו"א-ענו העם אתו

דבר

Si YHWH est le Dieu, allez derrière lui, si c’est Baal, allez derrière lui. Et le peuple ne lui répondit mot.

que la forme piel du verbe hébreu xop, signifie simplement boiter, mais en ajoutant : « le sens fondamental me paraît être “fléchir le genou ou le jarret”47. » (b) Le mot Mypeoh48, est difficile à comprendre et à traduire car c’est un mot rare dont la traduction est incertaine. Son sens est important car la traduction du reste de la phrase en dépend. D’après quelques traducteurs, le mot pourrait signifier branche ou bâton 49 . Cependant, à cause de l’incertitude du mot, la plus grande partie des traducteurs s’accordent avec R. de VAUX sur la nécessité de recourir à sa traduction grecque. La LXX le traduit par ignua (jarret), ce qui « s’accorde à la mimique du v. 26 : les Israélites dansent à la fois pour Yahvé et pour Baal ; ils voudraient servir l’un et l’autre50. » Autrement dit, malgré les différentes traductions possibles, l’expression se réfère sans doute aux danses sacrées du culte du Baal (voir v. 26). « Elle a souvent été interprétée [...] comme une allusion ironique à l’hésitation d’Israël entre Dieu et le Baal51. »

22 ויאמר אליהו אל-העם אני נותרתי נביא ליהוה לבדי

Élie dit au peuple52 : moi, je suis resté prophète pour YHWH, moi seul, mais les

47 Son argumentation semble pertinente : « la ville de Thapsaque (xopt) était située à l’endroit où l’Euphrate se plie, au coude ou au genou du fleuve. » Roland de VAUX, Bible et Orient, Paris, Cerf, 1967, p. 487. Des lexicologues, vont dans le même sens : « To be lame, limp [boiter] » Ludwig KOEHLER, Walter BAUMGARTNER, Johann STAMM, The Hebrew and aramaic lexicon, p. 947. « Pass over [passer par dessous], limp [boiter] » David CLINES (éd.), The Dictionary of classical, p. 723. « Boiter, sauter ou danser en sautillant » Philippe REYMOND, Dictionnaire d’hébreu, p. 304. Dany NOCQUET croit aussi que le sens premier du verbe en question est boiter. Donc, traduire de cette manière aide à conserver « la connotation de blessure ou de handicap qui provoque la claudication religieuse d’Israël ». Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 92. Le commentaire de la NBS explique que la traduction pourrait signifier « à pieds joints ; sur des bâtons ». Dans le même temps, ils accordent une autre traduction au verbe : « le verbe sauter traduit en hébreu pasah, a donné Pesah, la Pâque ; cf. Ex 12.11. » NBS, p. 476. 48 D’après D. CLINES, pour comprendre le sens du mot Mypeo, il faut voir la signification de hpeo, qui comporte trois sens : « I- division [dans celui-ci aussi : opinions, contrary or contrasting ideas] ; II- crutch [béquilles] ; III- choice [choix] ». David CLINES (éd.), The Dictionary of classical, p. 175. D. NOCQUET explique aussi que « ce terme [Mypeo] est aussi rapproché du mot Mypys qui signifie “opinions, pensées” et que l’on trouve en Job 4.13 et 20.3. La racine Peo dont la signification première est “casser les branches”, contiendrait également les notions de “partagé, incertain”. La traduction “genou / jarret” est maintenue en raison de la référence possible à une danse rituelle liée au culte de Baal. » Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 92. 49 SANDER-TRENEL, quant à eux, expliquent que le mot Mypeo peut signifier opinions, pensées ou opposées. « 1 R 18.21 (jusqu’à quand) sauterez-vous des deux côtés, pour : flotterez-vous entre deux opinions, entre le culte de Baal et le culte de Dieu ? Selon d’autres auteurs : sauterez-vous sur deux branches ? » Nathaniel SANDER, Isaac TRENEL, Dictionnaire hébreu-français, p. 493. Autres traductions possibles : « Parties opposées, opinions qui se contredisent. Flotter entre deux opinions. » Marchand ENNERY, Dictionnaire hébreu-français, p. 180 ; « branches, rameaux, pensées, idées. » Philippe REYMOND, Dictionnaire d’hébreu, p. 304 ; « les béquilles », Ancien Testament interlinéaire, p. 1170. 50 Roland de VAUX, Les livres des Rois, p. 100. 51 NBS, p. 476. 52 Beaucoup de manuscrits et même le targum ajoutent le terme lk (tout) au peuple.

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V. Texte Traduction Commentaire sur la traduction du verset

ונביאי הבעל ארבע-מאות וחמשים איש

prophètes du Baal sont quatre cent cinquante hommes53.

23

ויתנו-לנו שנים פרים ויבחרו להם הפר האחד וינתחהו וישימו על-העצים ואש "א ישימו ואני אעשה את-הפר האחד ונתתי על-העצים ואש

"א אשים

Donnez-nous deux jeunes taureaux ; qu’ils choisissent pour eux un jeune taureau, qu’ils le dépècent et qu’ils placent sur les bois, mais qu’ils n’y mettent pas le feu ; moi, je préparerai l’autre54 jeune taureau et je le mettrai sur les bois(a) et je n’y mettrai pas le feu.

(a) D’après les traducteurs de la LXX, la phrase je placerai sur les bois, Myueh le yttn, seraient à supprimer. « Nous maintenons ce membre de phrase en raison du parallélisme voulu [...] entre les actions des prophètes de Baal et celle d’Élie55 ».

24

וקראתם בשם א'היכם ואני אקרא בשם-יהוה והיה

הא%הים אשר-יענה באש הוא הא%הים ויען כל-העם ויאמרו

טוב הדבר

Vous invoquerez le nom de votre dieu et moi, j'invoquerai le nom de YHWH56(a), le dieu qui répondra par le feu(b), c'est lui qui est le Dieu. Tout le peuple répondit et dit : la parole est bonne57.

(a) Il est intéressant de garder l’ajout fait par les autres traductions, malgré que l'expression mon dieu ne figure pas dans les manuscrits plus anciens, car celle-ci montre l’opposition entre votre dieu Baal et le dieu d’Élie, whyla58.

25

ויאמר אליהו לנביאי הבעל בחרו לכם הפר האחד ועשו ראשנה כי אתם הרבים

וקראו בשם םכיה#א

Élie dit aux prophètes du Baal : choisissez pour vous un jeune taureau et faites-le en premier car vous êtes les plus nombreux. Invoquez le nom de votre dieu mais vous ne mettez pas le feu.

53 Quelques traductions grecques ajoutent « et quatre cents prophètes d’Ashéra ». Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 146. 54 Ici, les autres manuscrits ajoutent « le deuxième ». Cela en référence au jeune taureau qui va être sacrifié par Élie. 55 Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 92. 56 La Vulgate, la Syriaque et d’autres manuscrits, dont la LXX, ajoutent tou yeuo mou (mon Dieu). 57 Quelques manuscrits ajoutent : que tu as dit. 58 Même le nom du prophète Élie fait allusion à cette opposition, car il signifie « YHHW est mon Dieu », ou « dont l’Éternel est Dieu ». Nathaniel SANDER, Isaac TRENEL, Dictionnaire hébreu-français, p. 28. C’est un théophore, c’est-à-dire qui porte le nom de Dieu. « Ce nom corresponde parfaitement à sa mission qui est de témoigner en faveur du Seigneur, même au péril de sa vie ». Sébastien DOANE, Mais d'où vient la femme de Caïn ? Les récits insolites de la Bible, Ottawa, Novalis, 2010, p. 106.

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V. Texte Traduction Commentaire sur la traduction du verset

ואש "א תשימו 25

26

ויקחו את-הפר אשר-נתן להם ויעשו ויקראו בשם-הבעל מהבקר ועד-הצהרים לאמר עלהב עננו ואין קול ואין ענה ויפסחו על-המזבח אשר עשה

Et ils prirent le taureau qu’on leur avait donné et ils le firent [préparèrent] et ils invoquèrent au nom du Baal, depuis le matin jusqu'à midi(a), en disant : Baal réponds-nous59. Mais il n'y eut ni voix ni réponse ; et ils boitaient [ou dansaient](b) devant l'autel qu'ils avaient fait60.

(a) Le complément circonstanciel de temps, du matin jusqu’à l’heure de midi, Myrhuh dew rqbhm, ne se trouve pas dans quelques manuscrits. Cependant, cette locution temporelle montre que les prophètes de Baal passent toute la journée autour de l’autel qu’ils ont construit à leur dieu, tandis qu’Élie invoque YHWH à l’heure de l’offrande. (b) Même verbe qu’au v. 21, xop. D. NOCQUET est l’un des rares à traduire le verbe d’une manière différente61. Il explique que le verbe « contient l’idée de claudication qu’il convient de faire ressortir62 ».

27

ויהי בצהרים ויהתל בהם אליהו ויאמר קראו וקב ל-גדול

כי-א%הים הוא כי שיח וכי- שיג לו וכי-דר! ול אולי

ישן הוא ויקץ

Et voici, à midi, Élie63

se moqua d'eux et dit : Appelez(a) d’une voix forte, car c'est un dieu ; il a des soucis ou des affaires ou bien il est en voyage64 ; peut-être, il dort et il se réveillera !

(a) La traduction criez d’une voix plus forte, choisie par plusieurs traducteurs, est juste. Nous avons choisi d’utiliser le verbe appeler car cela donne plus de sens à l’ironie du texte. « Ce qui caractérise particulièrement Baal, c’est sa voix forte65, sa voix sainte. Si Baal ne peut plus donner de la voix, ses prophètes doivent parler et crier à sa place66 ».

59 La LXX répète l’appel des prophètes de Baal epakouson hmon, o Baal, epakouson hmon (Réponds-nous, Baal, réponds-nous). Cette formule, correspond au v. 37, quand Élie prie : « Réponds-moi, YHWH, réponds-moi ». 60 Dans le TM la fin du verset est présente en singulier (Sic !). Cependant, la plupart des versions proposent la leçon plurielle wse pour la fin du verset. « Dans le *T, le singulier est attesté par les meilleurs témoins (dont le ms Urbinates 1). Dans le *M le pluriel n’a pénétré qu’en un nombre limité de mss. Le comité a conclu qu’il faut protéger le *M, contre cette facilitation et reconnaître […] à cette 3e pers. du sing. une valeur impersonnelle […] : “l’autel que l’on avait bâti”. » Dominique BARTHELEMY (éd.), Josué, Juges, Ruth, Samuel, Rois, Chroniques, Esdras, Néhémie, Esther, vol. 1 de Critique textuelle de l’Ancien Testament, Fribourg, Éditions universitaires, 1982, p. 371. 61 La plupart des spécialistes traduisent par danser ou sauter. R. de VAUX : Ils dansaient en pliant le genou. Roland de VAUX, Les livres des Rois, p. 101. 62 « … Et ils claudiquèrent sur l’autel qu’ils avaient construit. » Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 90,93. 63 Dans la LXX se trouve l’ajout o yesbithv (le Tishbite), cƒ. 1 R 17.1. 64 Selon l’apparat critique de la BHS, le segment wl Krd—ykw wl gys—ykw xys (Il a de l’occupation, il s’est absenté et il est en chemin) est incertain. Quelques manuscrits : « Il est occupé ». La LXX donne la formule : adolescia autw estin, kai ama mhpote crhmatizei autov (Il est lui-même en conversation et il est probablement lui-même occupé). 65 « Cette “voix sainte” de Baal est évidemment le tonnerre ». André CAQUOT, Maurice SZNYCER, Andrée HERDNER, Textes ougaritiques. Mythes et légendes, vol. 1, Paris, Cerf, 1974, p. 216. 66 Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 93. Cƒ. Gary RENDSBURG, « The mock of Baal in 1 Kings 18:27 », Catholic Biblical Quarterly 50 (1988/3), p. 414-417.

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~ 19 ~

V. Texte Traduction Commentaire sur la traduction du verset

28

ויקראו בקול גדול ויתגדדו כמשפטם בחרבות וברמחים

עד- %פש -דם עליהם

Et ils crièrent avec une voix forte et ils se firent des incisions, selon leur coutume(a), avec des épées et des lances jusqu'à ce que coule le sang sur eux(b).

(a) Le terme jpvm a plusieurs sens67 : droit, règle68, ou encore rite. (b) D’après P. BUIS, dans le livre de Zacharie (13.6), l’auteur montre que la scarification était pratiquée aussi chez les prophètes d’Israël69.

29

ויהי כעבר צהריםה ויתנבאו עד לעלות המנחה ואין-קול

ואין-ענה ואין קשב

Quand midi fut passé70, ils se mirent à vaticiner(a) jusqu'à l'heure de la présentation de l'offrande, mais il n'y eut aucune voix, ni réponse, ni signe d'attention71.

(a) Le terme wabntyw peut être traduit aussi par ils prophétisèrent72. Littéralement c’est faire le prophète. D’ailleurs, d’autres occurrences des textes vétérotestamentaires73 traduisent de cette manière. Par exemple 1 Sam 10.5 « en train de faire les prophètes ». C’est le même cas que dans 1 R 18.29. Le verbe abn, dans sa forme abnth, traditionnellement rendu par prophétiser, « n’évoque pas tant le message des prophètes que les manifestations physiques liées à leur inspiration : chants, cris, danses, transes, etc.74. » Nous avons choisi l’option de la TOB, vaticiner, qui met plus en valeur, soit l’inexistence de Baal, soit son impuissance.

67 Selon Ph. REYMOND, le mot peut avoir neuf sens différents : jugement ; sentence ; droit, justice ; cause ; ordonnance ; coutume, habitude ; rite ; statut, droit ; et consigne. Philippe REYMOND, Dictionnaire d’hébreu, p. 233. 68 « Selon leurs règles », NBS, p. 476. 69 Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 147. 70 La traduction de la LXX, la Vulgate et autres manuscrits sont plus clairs pour décrire le temps, o kairov tou anabhnai thn yusian (l’heure de présenter l’offrande arriva). 71 La fin du verset donné par la LXX est différente du TM. La LXX rajoute une sorte d’explication, Élie ordonne aux prophètes de Baal de se déplacer pour qu’il puisse faire le sacrifice. Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 93. 72 DARBY ; Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 90 ; et Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 146 ; traduisent de cette manière. Autres traductions : Samuel CAHEN : « ils eurent fait les prophètes » ; CHOURAQUI : « ils font les inspirés » ; Semeur : « ils demeurèrent encore dans un état d'exaltation ». 73 Cƒ. Jr 23.13 et 1 Sam 10.6,13 dans la NBS. 74 Franck THOMPSON, La Bible Thompson. Texte de la Nouvelle Bible Segond, Nîmes, Vida, 2009, p. 344.

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V. Texte Traduction Commentaire sur la traduction du verset

30

ויאמר אליהו לכל-העם גשו אלי גיו שו כל-העם אליו וירפא

תא -מזבח יהוה ההרוס

Élie dit à tout le peuple : Approchez-vous de moi. Et tout le peuple s’approcha de lui. Et il [Élie] répara(a) l’autel de YHWH qui avait été démoli75.

(a) P. BUIS explique que d’après les textes deutérocanoniques de l'AT, (1 Macc 4.44-47), il est impossible de réparer un autel profané76. Le v. 32 ne contient pas l’idée de réparer ni de reconstruire, le verbe utilisé, xnb, signifie construire ou bâtir (cƒ. Esd 5.9)77.

31

ויקח אליהו שתים עשרה אבנים כמספר שבטי בני-

יעקב אשר היה רדב -יהוה אליו לאמר ישראל יהיה שמ!

Élie prit douze pierres, selon le nombre des tribus des fils de Jacob, à qui la parole de YHWH avait été dite : ton nom sera Israël.

32

ויבנה את-האבנים מזבח בשם יהוה ויעש תעלה כבית סאתים

זרע סביב למזבח

Et il construisit un autel78 de pierres au nom de YHWH, et il fit un fossé d’une contenance de deux mesures79 de semence autour de l’autel.

33

ויער! את-העצים וינתח את- הפר וישם על-העצים

Il arrangea les bois, et il dépeça le taureau et il le plaça sur les bois80.

75 D’autres manuscrits transposent le v. 30b au v. 32a. « Il s’agit d’une harmonisation pour éviter le doublet du TM. Un autel démoli est reconstruit en 30b et un nouvel autel est bâti en 32a. » Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 94. 76 D’après l’auteur, « l’expression vient sans doute d’un rédacteur que choquait l’idée de la construction d’un nouvel autel, contraire à la législation deutéronomique. » Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 147. RACHI explique : « littéralement : “il guérit”, l’autel renversé de Hachem — il a érigé un autel, [“guérissant” ainsi celui qui avait été détruit], et a rappelé à Israël de prendre à cœur celui [consacré à] Hachem, d’en parler fréquemment, car il avait été endommagé et détruit ; son nom même et son souvenir avaient quitté les bouches des dix tribus. » RACHI, Le commentaire de Rachi sur 1 Melakhim (1 les Rois), trad. PELL Guila, Jérusalem, Gallia, 2003, p. 211. 77 « On se demanda ce qu’on devait faire de l’autel des holocaustes, qui avait été profané, et on eut la bonne idée de le démolir, de peur qu’il ne devienne pour eux un objet de honte, puisque les païens l’avaient souillé. Ils le démolirent et déposèrent les pierres sur la montagne de la Demeure, en un lieu convenable, en attendant la venue d’un prophète qui se prononcerait à leur sujet. Selon la Loi, ils prirent des pierres non taillées et bâtirent un autel nouveau sur le modèle du précédent. » 1 Mc 4.44-47, TOB. Notes intégrales, traduction œcuménique, 11e éd., Paris, Cerf, 2010. 78 Dans la LXX, le mot xnzm est omis. 79 hao, littéralement séa, une mesure de capacité, le tiers de l’épha, soit environ trente litres d’eau. Nathaniel SANDER, Isaac TRENEL, Dictionnaire hébreu, p. 478. Philippe REYMOND, Dictionnaire d’hébreu, p. 259. Marchand ENNERY, Dictionnaire hébreu-français, p. 174. 80 Ce verset est redondant dans le TM, la LXX et le codex Vaticanus, peut-être parce que l’intention du narrateur est d’augmenter l’intensité dramatique, en retardant le moment de la résolution.

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V. Texte Traduction Commentaire sur la traduction du verset

34

ויאמר מלאו ארבעה כדים מים ויצקו על-העלה ועל- העצים ויאמר שנו וישנו ויאמר שלשו וישלשו

Puis il dit : Emplissez quatre jarres d'eau et versez-les sur l'holocauste et sur le bois81, et il dit : faites une deuxième fois, et ils firent une deuxième fois ; faites une troisième fois, et ils firent une troisième fois.

35

ילכוו המים סביב למזבח וגם את-התעלה מלא-מים

Les eaux allèrent autour de l’autel et aussi le fossé fut remplit d’eau.

36

ויהי בעלות המנחה ויגש אליהו הנביא ויאמר יהוה

א$הי אברהם יצחק וישראל היום דעיו כי-אתה א%הים

בישראל ואני עבד! ובדבר! עשיתי את כל-הדברים האלה

Au moment de faire monter l'offrande82, Élie le prophète s’approcha(a) et dit : YHWH, Dieu d'Abraham, d'Isaac et d'Israël, en ce jour fait connaître83 que toi, tu es Dieu en Israël, et moi, ton serviteur, et que selon ta parole84 j’ai fait toutes ces choses.

(a) Le texte de la LXX ne contient pas l’expression « Élie le prophète s’approcha », mais une phrase différente : kai anebohsen Hliou eiv ton ouranon, « Élie cria vers le ciel et dit. » Nous avons conservé le TM pour faire référence aux v. 21 et 31 « Élie s’approcha du peuple ».

37

ענני יהוה ענני וידעו העם הזה כי-אתה יהוה הא%הים ואתה הסבת את-לבם אחרנית

Réponds-moi, YHWH, réponds-moi et qu’ils connaissent(a), ce peuple, que toi YHWH, tu es le Dieu, et que tu fais retourner en arrière leurs cœurs.

(a) Ici y a un problème grammatical très commun en hébreu. Un nom singulier collectif (le peuple) est accordé avec un verbe au pluriel. Nous avons préféré le pluriel car la prière vaut pour chaque individu du peuple.

81 La LXX ajout kai epoihsan ouwov (et ils firent ainsi). 82 La LXX omet la formule hxnmh twleb yhyw (au moment de faire monter l’offrande), car c’est une répétition du v. 29. 83 Ici la LXX développe un peu plus en donnant une sorte d’explication : epakouso mou shmeron en puri, kai gnwtwsan pav laov outov, (exauce-moi par le feu, et tout ce peuple connaîtra). 84 Plusieurs manuscrits, dont la version syriaque, la Vulgate et la LXX, précisent : kai dia se (et par toi).

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V. Texte Traduction Commentaire sur la traduction du verset

38

ותפל אש-יהוה ותאכל את- העלה ואת-העצים ואת-

האבנים ואת-העפר ואת- המים אשר-בתעלה לחכה

Et le feu(a) de YHWH85 tomba et il dévora l’holocauste86, les bois, les pierres et la poussière(b), et il absorba l’eau qui était dans le fossé.

(a) Le mot va signifie feu ou aussi foudre. Job 1.16, reprend la formule Myhla va, et la NBS traduit par le feu de Dieu ou la foudre. Cela est sûrement dit en référence au dieu Baal car il était le dieu de la foudre. (b) Dire que le feu divin brûle les pierres et même la poussière signifie que l’autel est détruit87. « Le verbe Kxl est surtout employé avec le terme rpe, “poussière”, pour signifier l’humiliation des opposants ou encore la désolation d’une autre terre88 ».

39

וירא כל-העם ויפלו על-פניהם ויאמרו יהוה הוא הא%הים

יהוה הוא הא%הים

Et tout le peuple vit ; ils tombèrent la face contre terre et ils dirent89 : YHWH, c’est lui le Dieu, YHWH, c’est lui le Dieu !

40

ויאמר אליהו להם תפשו את- נביאי הבעל איש אל-ימלט מהם ויתפשום ויורדם אליהו אל-נחל קישון וישחטם שם

Élie leur dit : Saisissez les prophètes de Baal, qu’aucun homme parmi eux ne s’échappe. Et ils les saisirent. Elie les fit descendre vers le torrent du Qishôn, et là il les égorgea.

85 Les Targums et la LXX sont plus explicites dans le début du verset : « Et un feu venant de YHWH tomba du ciel ». 86 L’ordre des éléments dans la LXX est différent. 87 Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 148. 88 Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 94. Il est intéressant de mentionner les autres passages où se trouve la même signification : Es 49.23 : « et ils lécheront la poussière de tes pieds » ; Ps 72.9 : « devant lui, les habitants du désert fléchiront le genou, et ses ennemis lécheront la poussière » ; Mi 7.17 : « Elles lécheront la poussière comme le serpent ». 89 La LXX ajoute aleyov (en vérité).

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1.3 Commentaire du texte

1.3.1 Contexte large, proche et immédiat

D’après plusieurs auteurs, on pourrait diviser le livre des Rois en trois grandes parties : le

royaume uni sous Salomon (1 R 1-11) ; l’histoire d’Israël et de Juda jusqu’à la conquête de Samarie (1

R 12 - 2 R 17) ; l’histoire de Juda jusqu’à sa chute et l’exil (2 R 18-25)90. Le premier livre des Rois

commence avec la chronique de la succession de David (1 R 1-2)91. Cette partie permet d’introduire

le règne de Salomon. Environ la moitié du livre est occupée par la période la plus brillante d’Israël :

l’histoire du royaume de Salomon (1 R 3-11). Celle-ci introduit d’une manière glorieuse la série des

rois : « Une manière de triptyque détaille complaisamment l’excellence de la sagesse, la splendeur de

ses constructions, surtout du Temple de Jérusalem, l’étendue de ses richesses ; les insuccès du règne

sont relégués à la fin et présentés comme une punition des fautes religieuses où l’entraîna l’amour des

étrangères92. » La division du royaume d’Israël est le grand châtiment des dérives religieuses, morales

et politiques de Salomon (1 R 11.9-13,32-39). Ce schisme se situe aux chapitres 12 et 14 de 1 Rois.

C’est alors que commencent les notices propres à chaque royaume. Chaque roi, reconnu comme

légitime, a droit au même modèle de notice93 :

Pour les rois de Juda Pour les rois d’Israël

Date d’avènement Date d’avènement

Âge du roi Âge du roi non mentionné

Durée du règne Durée du règne

Nom de la mère du roi Nom de la mère du roi non mentionné

Jugement de l'assemblée Jugement de l'assemblée

Conclusion : Renvoi aux annales des rois de Juda, mort, sépulture, nom du successeur.

Conclusion : Renvoi aux annales des rois d’Israël, mort, sépulture, nom du successeur.

Parmi les histoires des rois d’Israël et de Juda se trouvent les récits concernant le prophète Élie.

Ceux-ci sont encadrés par les notices consacrées à deux rois : Achab (1 R 16.29-30 et 22.39-40) et

Achazia (1 R 22.52-54 et 2 R 1.17-18). C’est au milieu des histoires du prophète Élie que s’insère la

péricope étudiée, le défi d’Élie aux quatre cent cinquante prophètes de Baal.

Le contexte proche est composé des récits sur Élie le Tishbite94, que les spécialistes appellent le

90 Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 16-17. Jean DELORME, Jacques BRIEND, « Les premiers livres prophétiques », p. 306-307. Ernst Alex KNAUF, « 1 et 2 Rois », p. 302-303. Roland de VAUX, Les livres des Rois, p. 7-9. 91 « Les deux premiers chapitres du livre continuent la chronique familiale de David, écrite par un contemporain de Salomon et reproduite au moins à partir de 2 S 9. Ils en ont été détachés pour servir d’introduction au moins à l’histoire de Salomon. » Jean DELORME, Jacques BRIEND, « Les premiers livres prophétiques », p. 307. 92 Roland de VAUX, Les livres des Rois, p. 7-8. 93 Tableau conçu à partir des données de Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 14. 94 La première mention d’Élie apparaît dans 1 R 17.1. Par la suite, son nom apparaît dans 1 R 21.17-18 ; 2 R 1.3,8 et 9.36.

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~ 24 ~

cycle d’Élie95. Le passage étudié s’inscrit au sein d’une séquence narrative très précise. Ces histoires

sur le prophète ont lieu pendant une longue sécheresse de trois ans, annoncée par Élie lui-même (1 R

17.1). Cette sécheresse frappant le royaume du Nord aurait était annoncée pour punir

l’établissement du culte de Baal introduit par le roi Achab qui avait épousé Jézabel (1 R 16.31-33).

D’abord, Dieu incite Élie à se cacher. Pendant ces trois années, il est nourri miraculeusement au

torrent de Kerith, en Transjordanie (17.2-6). Élie est donc présenté comme un proscrit. Mais dans les

versets qui suivent, Élie multiplie la farine et l’huile chez la veuve de Sarepta (17.7-16) puis il

ressuscite son enfant (17.17-24). D’après P. BUIS, ces deux derniers épisodes donnent un nouveau

visage à Élie, « celui d’un thaumaturge bienfaisant et sociable96. » Il est intéressant de souligner qu’Élie

fait ces miracles en Phénicie, territoire de Baal. On pourrait penser que ces deux histoires sortent de

nulle part et se demander pourquoi elles sont incluses ici. Mais les récits prennent du sens en

fonction du contexte : la femme phénicienne devient l’antithèse de Jézabel, car elle va croire en

YHWH sur le territoire même de Baal, contrairement à Jézabel qui combat YHWH et ses

prophètes97. À travers ces deux histoires, l’auteur du livre montre la puissance du ministère d’Élie et

prépare le lecteur à mieux comprendre la suite des évènements.

Dans le chapitre dix-huit, l’auteur retourne à l’intrigue précédente (1 R 17.1). La troisième année

après la parole d’Élie, le prophète dit à Abdias98, le chef du palais, qu’il veut rencontrer le roi Achab.

Élie se présente donc à lui et organise une ordalie sur le mont Carmel pour savoir qui est Dieu en

Israël, YHWH ou Baal. Seul face aux quatre cent cinquante prophètes de Baal, il fait tomber le feu du

ciel, il démontre qu’il a raison et le peuple reconnaît que YHWH est Dieu (1 R 18.39). Élie prie le

Seigneur et, grâce à sa prière, la sécheresse prend fin (1 R 18.41-46). Puis l’extermination des

prophètes de Baal (1 R 18.40) provoque la colère de Jézabel (1 R 19.1-2). Découragé, Élie s’enfuit au

désert de Bersabée. Il reçoit d’en haut la force d’aller jusqu’au mont Horeb (19.3-18). Une fois rentré

chez lui, Élie s’adjoint Élisée qui le suit et se met à son service (19.19-21). Ces récits se composent

aussi de deux épisodes : la condamnation d’Achab et Jézabel à la suite du meurtre de Naboth (21) et

l’annonce de la mort d’Achazia, fils d’Achab, pour avoir voulu consulter Baal-Zeboub (2 R 1.2-17). Par

conséquent, la péricope étudiée fait partie d’une séquence narrative sur le prophète Élie.

95 Roland de VAUX, Les livres des Rois, p. 95 ; Roland Kenneth HARRISON, Introduction to the Old Testament, p. 726-728. J. DELORME et J. BRIEND expliquent que « la composition de cet ensemble narratif laisse deviner que ses éléments lui sont antérieurs et proviennent d’un cycle de récits d’abord plus ou moins indépendants. » Jean DELORME, Jacques BRIEND, « Les premiers livres prophétiques », p. 312. Pour P. BUIS, le cycle d’Élie contient évidemment les récits qui le concernent, « mais il comprend aussi tous les récits relatifs à Ahab [Achab] et ses successeurs, même ceux où Élie ne figure pas. Ces récits pourraient être appelés cycle d’Ahab […]. » Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 136. Pour approfondir le cycle d’Élie, cƒ. Étudiants de l’Institut catholique de Paris, « Le passage du témoin. Étude du cycle d’Élie (1 R 17-19,21 et 2 R 1-2) », Sémiotique et Bible 65 (1992), p. 19-41 ; François NAULT, « Révélation et violence : la critique de l'économie religieuse dans le cycle d'Élie (1 Rois 17,1 à 19,21) », Études théologiques et religieuses 78 (2003/4), p. 181-202. 96 Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 139. Sur les miracles d’Élie, cƒ. Jacques VERMEYLEN, « Les miracles d’Élie au temps de la grande sécheresse (1 Rois 17-18) », in Gérard WILLEMS (éd.), Élie le prophète. Bible. Traditions. Iconographie, Leuven, Peeters, 1988, p. 11-35. 97 De plus, la femme phénicienne voit revivre son fils, alors que Jézabel verra mourir brutalement ses deux fils. Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 141-142. 98 En hébreu, Abdias (Ovadyahou) signifie serviteur de YHWH.

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1.3.2 Analyse du texte : l’ordalie au Carmel, intrigue de révélation

La péricope de 1 R 18.20-40 fait partie d’une chaîne narrative, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un micro-

récit appartenant à un macro-récit (1 R 17.1-18.46). Celui-ci possède sa propre intrigue qui, elle,

englobe les intrigues des unités plus petites. L’intrigue du macro-récit concerne la sécheresse99

annoncée par le prophète Élie au roi Achab (1 R 17.1100). L’auteur accumule intentionnellement les

intrigues. Il provoque un effet de répétitions qui fait monter progressivement la tension narrative101.

Notre micro-récit s’insère dans cette intrigue unifiante, dont l’intrigue de la séquence, l’ordalie au

mont Carmel, est une intrigue de révélation. Car l’action transformatrice apporte un gain de

connaissance sur les personnages. Au niveau du récit et du style du narrateur, plusieurs propositions

sont des explications très redondantes de la part de l’auteur. D. NOCQUET explique que sur le plan

de l’analyse narratologique, le narrateur émet plusieurs fois son opinion sur ce qui est en train de se

dérouler pour créer une sorte de complicité entre le lecteur et le narrateur102.

Il faut tenir compte de quatre paramètres pour le découpage de notre épisode narratif particulier

ou micro-récit : l’unité de temps, l’unité de lieu, la constellation des personnages, le thème. En ce qui

concerne l’unité de temps et de lieu, l’épisode de la convocation du peuple par le roi se déroule

durant toute une journée au mont Carmel. Quant aux personnages, le roi Achab disparaît au profit

du peuple et des faux prophètes. Élie est présenté comme le chef d’orchestre : il organise tout,

convoque le peuple, provoque les faux prophètes, invoque Dieu et révoque les faux prophètes. À la fin de

notre épisode, les prophètes de Baal meurent (v. 40) et Élie reste l’unique prophète. L’unité du thème

se déroule autour d’un défi. Il y a un aspect performatif, la conversion du peuple, et un aspect

informatif, un seul est le Dieu d’Israël.

99 Selon P. BUIS les paroles prononcées par Élie sont là pour montrer qui donne la pluie, Yhwh ou Baal. « La sécheresse imposée par Élie en 17.1 ne prend fin qu’en 18.45. Et le retour de la pluie apparaît comme une conséquence de la confession du peuple : “C’est YHWH qui est Dieu” (18.39) » Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 138-139. P. BORDREUIL et F. BRIQUEL-CHATONNET expliquent qu’« un récit analogue, qui prétend remonter aux annales de Tyr, a été transmis par un auteur grec cité par Flavius Josèphe [Antiquités juives, VIII, 324]. Selon ce texte également, une sécheresse aurait sévi dans le royaume de Tyr, pendant plus d’une année, et le roi Ittobaal y aurait mis fin en adressant des “supplications” aux dieux. » Pierre BORDREUIL, Françoise BRIQUEL-CHATONNET, Le Temps de la Bible, Paris, Fayard (Arthème), 2000, p. 271. 100 En langage technique, la combinaison des intrigues qui figurent ici s’appelle le tuilage, car la dernière étape d’une intrigue (par exemple 1 R 16.29-17.1) constitue le démarrage de la suivante (1 R 17.1-17.7). En soudant deux intrigues, ce procédé de tuilage fait rebondir l’action pour créer la surprise chez le lecteur. Ce même procédé est aussi utilisé dans les chapitres 18 et 19. Daniel MARGUERAT, Yvan BOURQUIN, Pour lire les récits bibliques, p. 75-76. Pour approfondir les différentes intrigues, cƒ. Jean-Pierre SONNET, « L’analyse narrative des récits bibliques », in Michaela BAUKS, Christophe NIHAN (éd.), Manuel d'exégèse de l'Ancien Testament, Genève, Labor et Fides, 2008, p. 59-72. 101 C’est un « phénomène qui survient lorsque le lecteur est encouragé à attendre un dénouement, cette attente étant caractérisée par une anticipation teintée d’incertitude, ou lorsqu’il est conduit à s’interroger sur une rétention d’information dans le récit. » Daniel MARGUERAT, Yvan BOURQUIN, Pour lire les récits bibliques, p. 75-76. Les marqueurs de la tension narrative sont le suspense, la curiosité et la surprise. Dans notre macro-récit, Élie annonce la sècheresse à Achab (1 R 17.1) mais le lecteur ne prend connaissance du dénouement qu’à la fin du chapitre dix-huit. Le narrateur génère ainsi le suspense et la curiosité chez le lecteur. 102 Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 95.

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L’analyse suivra un schéma quinaire103. Voici le découpage proposé pour notre péricope104 :

A. Situation initiale (20-24) : Appel au retour hbwvt - défi aux baalistes.

B. Nouement (1 Rois 25-29) : Un rituel – jusqu’à l’effusion du sang.

C. Action transformatrice (30-35) : Débaaliser Jacob – le convertir en Israël.

B’. Dénouement (36-38) : L’heure de la vérité.

A’. Situation finale (39-40) : L’écho : “Si YHWH est Dieu, suivez-le”. Le retour hbwvt du

peuple – sort des baalistes.

A. Appel au retour hbwvt - défi aux balistes (1 R 18.20-24)

Dans un premier temps (v. 20), nous apprenons que le roi Achab accepte la sollicitation d’Élie (1 R

18.19) et qu’il envoie chercher tous les fils d’Israël plus les quatre cent cinquante prophètes du Baal

et les quatre cents prophètes d’Ashéra. Il est intéressant de souligner la soumission du roi Achab au

projet de rassemblement et son absence dans la majeure partie de cet épisode. Vient ensuite le cadre

géographique : le rassemblement aura lieu à la montagne du Carmel105. Ce lieu, dont nous verrons

l’importance stratégique plus tard, « est un espace sur lequel le roi d’Israël n’a aucun pouvoir106. » Le

peuple est rassemblé dans sa totalité mais il n’a rien à dire ; il ne s’attend pas à devoir faire un choix.

Le texte dit que le prophète s’approcha107 du peuple (v. 21) : c’est le commencement d’une

séquence narrative construite autour du thème. Ces paroles font penser au v. 30, où Élie demande à

nouveau au peuple de s’approcher de lui. Elles sont reprises au v. 36, mais cette fois c’est Élie qui va

s’approcher de YHWH pour lui parler. Cette proximité d’Élie (v. 21a) suggère qu’il s’agit d’une

attitude bienveillante envers le peuple plutôt que d’un jugement. C’est le moyen choisi pour

introduire l’aspect performatif du micro-récit (v. 21b), car le prophète n’est pas en train de faire un

103 Le schéma quinaire est composé des cinq étapes qui contiennent l’intrigue en soi. Tout récit se définit par la présence d’une situation initiale et finale entre lesquelles s’établit un rapport de transformation. Ce passage est déclenché (nouement) et appliqué (dénouement). Daniel MARGUERAT, Yvan BOURQUIN, Pour lire les récits bibliques, p. 58. 104 Marcel LADISLAS, La geste d’Élie - Notes données gracieusement aux étudiants de théologie de la Faculté adventiste de théologie, Collonges-sous-Salève, 2013. 105 Le mont Carmel « marquait la limite entre les territoires des royaumes de Tyr et d’Israël. Dominant la mer, ce site était un lieu typique de vénération d’un dieu de l’orage » Pierre BORDREUIL, Françoise BRIQUEL-CHATONNET, Le Temps de la Bible, p. 270. Cƒ. Jacques BRIEND, « Le Carmel, montagne sacrée », Le monde de la Bible 58 (1989), p. 12-14. A. LEMAIRE explique que le choix du lieu pour cette confrontation n’est pas anodin. La preuve en est que d’autres monts étaient plus près de Samarie que le Carmel. « Pendant toute l’époque royale, le mont Carmel constitue la frontière entre Israël et le royaume de Tyr. [...] Élie semble dire aux baalistes qu’ils ne doivent pas franchir la frontière, qu’ils n’ont pas à pénétrer en Israël. Qu’ils restent chez eux, dans le royaume de Tyr, le domaine de Baal. » André LEMAIRE, Naissance du monothéisme. Point de vue d'un historien, Paris, Bayard, 2003, p. 69. Voir carte, p. 57. Cƒ. Jésus ASURMENDI, « Le sacrifice d’Élie au Carmel », Le monde de la Bible 58 (1989), p. 9-11. 106 Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 103. « L’autorité du roi est totalement absente en ce lieu et le peuple est dans la confusion. » Étudiants de l’institut Catholique de Paris, « Le passage du témoin », p. 23. 107 S. DEVRIES explique que la mention vgn (s’approcher) signifie souvent l'ouverture d'une controverse ou le fait d'exiger (Gn 18.23 ; 27.21 ; 1 Sam 14.38 ; Es 41.1). Cela aussi peut signifier parfois se préparer à livrer ou à recevoir un oracle prophétique (1 R 20.22,28 ; 2 R 2.5). Simon DEVRIES, 1 Kings, vol. 12 de Word biblical commentary, Waco, Word Books, 1985, p. 228. Il faut dire qu’au v. 36 « le verbe vng est connoté positivement, il indique la participation du peuple à la préparation de l’holocauste pour Yhwh au v. 30 et signifie la proximité d’Élie avec Dieu en 36. » Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 103.

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reproche au peuple, mais il lui lance une invitation au retour hbwvt, à la conversion, à la repentance.

« Élie n’accuse pas le peuple de s’être détourné de Yhwh ou de suivre Baal. Élie constate la

claudication religieuse dont la royauté est responsable. [...] Le peuple demeure dans l’errance

religieuse108. » En posant la question jusqu’à quand boiterez-vous sur les deux jarrets, Élie donne et

précise l’enjeu de l’ordalie, dans laquelle le peuple est au centre de la compétition entre les dieux109.

Le problème n’est pas ici de suivre le Baal, le problème est de suivre les deux divinités en même

temps. En effet, Israël voulait bénéficier de l’aide de YHWH et de Baal. C’est pourquoi il faisait des

sacrifices à l’un comme à l’autre110. Donc, Élie invite le peuple à sortir du syncrétisme et à mettre fin

à ce double jeu111. Or, le peuple ne répond pas à cette question et reste dans l’attente de la suite112.

Son silence devient un sous-entendu qui confirme l’existence réelle du syncrétisme au sein d’Israël.

Les paroles que profère Élie (v. 22) montrent l’ambiguïté de la situation religieuse en Israël. La

suprématie du culte du Baal est déjà manifeste dans le royaume du Nord : les quatre cent cinquante

prophètes de Baal d’un côté contrastent avec la solitude d’Élie de l’autre113. Cependant, il n’est pas

question ici d’exprimer l’apitoiement d’Élie, mais d’accentuer la portée de la victoire finale malgré les

énormes obstacles auxquels il doit faire face114. Alors, pour obtenir une réponse et pousser le peuple

à trancher entre YHWH et Baal, Élie prend l’initiative (comme dans tout le récit) et lance un défi aux

baalistes (v. 23-24). Le défi consiste à découper un jeune taureau et à le placer sur le bois sans y

mettre le feu. Autrement dit, le prophète propose de faire un holocauste, mais sans l’élément

essentiel, le feu. Ainsi, le dieu qui répondra en envoyant le feu115 sera le Dieu du peuple d’Israël. La

108 Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 103. 109 Nous voulons souligner ici, d’une part la cohérence entre l’identité d’Élie, « YHHW est mon Dieu » ou « dont l’Éternel est Dieu », et son message, et d’autre part la non-autonomie des personnages. C’est-à-dire que le récit construit le personnage autour d’une figure centrale, YHWH. Le personnage n’existe pas en lui-même mais dans son rapport à la figure centrale du récit. Daniel MARGUERAT, Yvan BOURQUIN, Pour lire les récits bibliques, p. 91. 110 « Le peuple avait péché, non parce qu’il avait abandonné le culte de Yahvé, mais parce qu’il avait tenté de le combiner avec celui de Baal. Ce syncrétisme semble toujours (être) le signe d’un esprit large, et l’autre attitude une preuve d’étroitesse. Mais le Dieu d’Israël ne laissait aucune place aux autres dieux. » Alfred KUEN, Les Livres historiques de 1 Rois à Esther, p. 131. 111 « D’un côté ils se laissaient entraîner par les séductions du culte de Baal et, de l’autre, ils ne pouvaient se résoudre à rompre entièrement avec le Dieu national, Jehova. » Frédéric GODET (éd.), Rois à Esther, vol. 4 de Bible annotée. Les Livres historiques, Neuchâtel, Attinger, 1894, p. 96. 112 Le « v. 21 précise l’enjeu de l’ordalie. Il s’agit de sortir du syncrétisme, de mettre fin à un double jeu. Le silence que le peuple oppose à Élie montre qu’il tenait à cette confusion : soit qu’on adore les deux divinités, chacune pour un domaine précis : soit qu’on utilise les deux noms pour une même divinité (cƒ. Os 2.18). » Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 147. 113 Élie n’était pas le seul prophète de YHWH, car le texte dit en amont, qu’Abdias avait caché les prophètes de YHWH par groupes de cinquante dans deux grottes (1 R 18.4 ; cƒ. aussi 19.10,14 ; 20.13,28,35,36 ; 22.6,8). Sûrement, « “seul” voulait dire qu’Élie était le seul qui osait prendre position en faveur de Yahvé : tous les autres se terraient. […] Il était du moins le seul qui ose prendre publiquement position pour lui devant le roi et les prophètes de Baal. » Alfred KUEN, Les Livres historiques de 1 Rois à Esther, p. 130-131. Cƒ. Jésus ASURMENDI, « Portrait d’un prophète », Le monde de la Bible 58 (1989), p. 5-8. 114 Simon DEVRIES, 1 Kings, p. 228. 115 On pourrait se demander pour quelle raison Élie demande à Dieu d’envoyer la foudre plutôt que la pluie, car le pays subissait une grande sécheresse. « Élie préfère la foudre à la pluie (bien que l’Éternel ait promis d’envoyer la pluie et non des éclairs), car il désire un signe irréfutable. Or l’éclair a l’avantage d’être précis, instantané et incontestable. Il tombe à un seul endroit et non sur une région plus ou moins vaste ; il survient en une fraction de seconde et non durant une période plus ou moins longue et tout le monde en est informé, alors que la pluie peut parfois passer inaperçue [...]. Élie désire offrir à Israël un signe aussi convaincant que possible. » Daniel ARNOLD, Élie entre le jugement et la grâce, Saint-Légier, Emmaüs, 2001, p. 98. Pour voir d’autres raisons en faveur du feu plutôt que de la pluie, voir Alfred KUEN, Les Livres historiques de 1 Rois à Esther, p. 131.

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gageure est la plus adaptée à la situation, d’une part parce que les deux divinités sont sensées détenir

la foudre116, et d’autre part parce que seulement les dieux, YHWH ou Baal, peuvent répondre au défi.

C’est la raison pour laquelle « le peuple approuve la proposition d’Élie [v. 24] d’organiser une ordalie

pour mettre Yhwh et Baal en compétition117. » Cela aidera à déterminer l’appartenance religieuse du

peuple, l’identité de la divinité en Israël et offrira au peuple l’occasion de se convertir.

B. Un rituel – jusqu’à l’effusion du sang, 1 Rois 25-29

Dans ce tableau (v. 25-29), le temps narratif est à souligner. Les v. 25 et 26 contiennent les

instructions d’Élie et relatent la préparation du taureau. Mais la vitesse du récit relate en peu de

termes une période relativement longue de l’histoire racontée, c’est un sommaire (vitesse rapide, le

temps du récit est plus court que le temps de l’histoire), « depuis le matin jusqu’à midi » (v. 26). Puis,

dans un deuxième tableau (v. 27-29) vient une pause descriptive, un point mort, « à midi l’heure de

l’offrande » (v. 27). La voix narrative y chuchote le texte car le narrateur fournit des commentaires

implicites. En outre, il utilise la forme d’ironie verbale la plus aiguë, le sarcasme. « Rappelons au

passage que l’ironie n’est pas gratuite : dans la religion cananéenne, Baal était précisément conçu

comme périodiquement absent, ou momentanément mort, chaque printemps marquant sa

renaissance118. » Puis apparaît à nouveau un sommaire (v. 29), « lorsque midi fut passé […] jusqu’à

l’heure de la présentation de l’offrande », c’est-à-dire le soir.

Donc, avec le consentement du peuple, le concours entre les deux dieux commence. Cette partie

contient le nouement de l’histoire car ce moment va déclencher l’action de la proposition faite en

amont par Élie. Cette section contient plusieurs répétitions et de nombreuses redondances qui

accentuent le silence de Baal et l’appel stérile de ses prophètes. Il faut souligner à nouveau ici que

l’initiative d’Élie accentue le contraste entre le prophète de YHWH et les prophètes du Baal. Ces

derniers ont le privilège de commencer car, d’après le texte, ils sont plus nombreux119 (v. 25). Ils ne

s’opposent pas à ce que demande Élie. Ils sont complètement soumis à sa parole. Ainsi, ils prennent le

taureau120 et le préparent. Ils appellent leur dieu du matin jusqu'à midi121, mais ils ne reçoivent aucune

116 Nous approfondirons les attributs de Baal dans la deuxième partie de ce travail. Concernant YHWH, cƒ. Ps 18.15 ; 29.3-9 ; 104.4. 117 Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 103-104. R. de VAUX explique qu’« il ne s’agit pas seulement de décider lequel, de Yahvé ou de Baal, est maître de la montagne ou est plus puissant, mais absolument lequel est Dieu ; la parole d’Élie, puis sa prière, v. 37, et l’acclamation du peuple, v. 39, ne laissent aucun doute : la foi monothéiste est l’enjeu formidable de cette compétition. » Roland de VAUX, Les livres des Rois, p. 101. 118 Daniel MARGUERAT, Yvan BOURQUIN, Pour lire les récits bibliques, p. 154. 119 « Le récit les disqualifie en rapportant leur grand nombre […], et une accumulation d’actions qui n’aboutissent à aucun résultat. » Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 104. 120 Pour M. COGAN existe ici une contradiction. La phrase « Ils ont donc pris le taureau » (v. 26) contredit les versets 23 et 25, et peut-être est-ce la raison pour laquelle la LXX omet la clause gênante. Mordechai COGAN, 1 Kings, p. 440. 121 Le facteur temps est très important. C’est un élément de suspense, car il met l'accent sur les chances d’Élie de réussir en moins de temps. C’est-à-dire que les baalistes prennent pratiquement toute la journée, laissant à peine le temps à Elie de se procurer la réponse de YHWH. Simon DEVRIES, 1 Kings, p. 229. « Cette remarque est en même temps destinée à montrer que, dans l’intention d’Élie, le culte extraordinaire qu’il allait offrir, quoique éloigné localement du temple, était spirituellement un avec le culte théocratique central. » Frédéric GODET (éd.), Rois à Esther, p. 97.

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réponse (v. 26). Ils effectuent une sorte de danse rituelle, claudicant autour de l'autel mais, encore

une fois, sans réponse. Ils continuent donc leur danse122. Soit dit en passant que « les danses sacrées,

comme les incisions rituelles du v. 28, sont attestées dans les cultes syriens par plusieurs textes

anciens123. »

Leur échec invite Élie à les narguer en suggérant que leur dieu n’est pas ce qu’ils prétendent, ou

bien qu’il est préoccupé par d'autres questions, par des choses banales. Ses moqueries s’appuient sur

certains traits des mythes ougaritiques124. Le langage utilisé par Élie est plutôt dur mais son message

est clair (v. 27) : si Baal était vraiment dieu, il ne permettrait pas que l’on se moque de lui de cette

manière125. Il est intéressant de souligner qu’Élie leur donne deux ordres (v. 27) et qu’ils y obéissent

sans être touchés par les ironies du prophète sur leur dieu (v. 28). Donc, les prophètes suivent les

indications d’Élie et, comme ils n’obtiennent pas de succès, ils surenchérissent par des cris et des

automutilations126. Ils tombent dans une frénésie en se lacérant et appelant désespérément Baal. Ils

commencent même à vaticiner afin d’obtenir une réponse127. Malgré l’activisme des prophètes du Baal

(appeler sans arrêt, danser devant l’autel, crier d’une voix très forte, se faire des incisions et

vaticiner), l’heure de l’offrande128 arrive mais aucune voix ne leur répond129. Ce rituel, qui va jusqu’à

l’effusion du sang des prophètes sans aucune manifestation de Baal, laisse le peuple dans l’incertitude.

Si Baal ne s’est pas manifesté à ses quatre cent cinquante prophètes durant toute la journée, le Dieu

YHWH va-t-il pouvoir répondre seulement à Élie ?

C. Débaaliser Jacob – le convertir en Israël, 1 R 18.30-35

Dans ce passage, le narrateur fait un commentaire explicite. Après le silence de Baal, c’est au tour

d’Élie de préparer l’holocauste pour YHWH. La section commence avec les paroles du prophète

122 Le v. 26 comporte le mot xop, raison pour laquelle nous avons choisi de conserver la version de la LXX (cƒ. v. 21). Cf. supra p. 11. D. NOCQUET garde le sens de claudication : « Si on attribue cette même connotation, Baal serait un dieu qui fait boiter ses prophètes comme le choix religieux du roi Achab fait boiter Israël. » Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 105. 123 Roland de VAUX, Les livres des Rois, p. 101. 124 Nous reviendrons sur les moqueries d’Élie à propos du dieu Baal dans la deuxième partie, lorsque nous traiterons des attributs de ce dieu. Cf. infra p. 39-47. 125 Alfred KUEN, Les Livres historiques de 1 Rois à Esther, p. 131. 126 La pratique de l’automutilation ou des incisions, selon les coutumes des Cananéens, servait à susciter la pitié ou une réponse de la divinité ; cela est attesté dans les textes ougaritiques. Les prêtres de Baal ont agi comme des prophètes extatiques. Donald WISEMAN, 1 and 2 Kings. An introduction and commentary, vol. 9 Tyndale Old Testament commentaries, Downers Grove, Inter-Varsity Press, 1993, p. 169. L'effusion de sang est associée dans les textes vétérotestamentaires à des rites de deuil exprimant sans aucun doute une douleur extrême, mais qui étaient était hors la loi pour les Israélites (Dt 14.1 ; Lv 19.28 ; 21.5). Mordechai COGAN, 1 Kings, p. 440. 127 Leslie ALLEN, Ralph KLEIN, Irene NOWELL et al., 1 & 2 Kings. 1 & 2 Chronicles. Ezra. Nehemiah. Esther. Tobit. Judith, vol. 3 de The New interpreter's Bible. General articles & introduction, commentary & reflexions for each book of the Bible : including the apocryphal/deuterocanonical books, Nashville, Abingdon, 1999, p. 135. 128 « Voir v. 36. Le culte quotidien comportait un sacrifice le matin et un sacrifice l’après-midi, Ex 29.39 ; Nb 28.4 ; 2 R 16.15. Ici, c’est une simple indication de l’heure, comme dans 2 R 3.20 ; Dn 9.21. » Roland de VAUX, Les livres des Rois, p. 101. Cette remarque « est en même temps destinée à montrer que le culte extraordinaire qu’Élie allait offrir, quoique éloigné localement du Temple, était spirituellement identique au culte théocratique central ; voir encore v. 36. » Alfred KUEN, Les Livres historiques de 1 Rois à Esther, p. 132. 129 « L’unité des v. 25-29 est construite autour de l’inclusion qui forme la répétition de la phrase “Il n’y eut pas de réponse, il n’y eut pas de voix”. » Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 105.

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Élie : « Approchez-vous de moi »130. Le fait que le peuple soit à proximité lui permet de voir tout ce

qu'Élie va faire, afin d’éviter un quelconque soupçon de fourberie131, car c’est le peuple qui doit

choisir entre Baal ou YHWH. Au même v. 30, nous apprenons qu’Élie va réparer l’autel de YHWH

qui avait été démoli132. Dans un premier temps, l'autel est réparé avec douze pierres qui représentent

le véritable peuple Israël (Jos 4.3,8-9,20 ; Ex 24.4), composé des douze tribus de Jacob (Gn 32.29 ;

35.10)133. Il semble que l'autel ait été détruit dans le passé par l’acharnement de Jézabel sur le culte de

YHWH. Mais les Israélites étaient aussi responsables d’avoir rasé les autels du Seigneur et d’avoir

abandonné son alliance (1 R 19.10). À travers ce geste, « Élie rappelait l’unité du peuple de Dieu avec

lequel l’Éternel avait conclu l’alliance. Ce qui allait se passer concernait les douze tribus, et non

seulement le royaume du nord134. » C’est un appel à revenir au plan originel de Dieu, de la période

pré-monarchique. En même temps, c’est une manifestation ouverte contre le système de

gouvernement et contre le schisme. Autrement dit, à l’instar d’Élie qui s’adresse au peuple, le

narrateur invite le lecteur à se rappeler l’alliance que Dieu a faite avec Jacob et à laisser de côté le

culte de Baal, car la décision appartient finalement au peuple et non à la monarchie.

Concernant la préparation de l’autel, selon D. ARNOLD, le fait de construire un autel au Carmel

est problématique car, dans le cadre du livre des Rois, l’auteur condamne systématiquement les

hauts-lieux (1 R 13.33, 14.23, 15.14, 22.44 ; 2 R 12.4, 14.4, 15.35, 16.4). Cependant, la condamnation

des hauts-lieux concernait les pratiques circonscrites au royaume de Juda, où un lieu d’adoration

unique existait, le temple de Jérusalem. Dans le royaume du Nord, les lieux religieux condamnés

étaient plutôt ceux dédiés à d’autres divinités135. Élie a creusé un fossé autour de l’autel (v. 32), dans

lequel il pouvait verser une quinzaine de litres d’eau. Nous apprenons au v. 34 qu’il demande trois

fois de remplir le fossé avec quatre jarres d’eau (ce qui correspond aux douze tribus, à raison d’une

jarre pour trois tribus). Ce geste est surprenant, car au sommet du Carmel, en pleine sécheresse, on

peut se demander d’où vient l’eau136. Quoi qu’il en soit, le fait de verser de l’eau sert à écarter tout

soupçon de tour de magie ou de tromperie. Nous sommes d’accord avec R. de VAUX : « Élie ne

pratique pas un rite magique pour attirer la pluie en versant lui-même de l’eau, il veut rendre plus

éclatant le miracle du feu137. » De plus, YHWH se manifeste non seulement à travers la foudre, mais

aussi par sa capacité à vaincre et à maîtriser l’eau. « Les actions d’Élie ont pour but de rendre plus

130 Comme au v. 21, cf. supra p. 26-27. 131 Mordechai COGAN, 1 Kings, p. 442. 132 « La réparation de l’autel est cohérente avec la mention au v. 26 au sujet de l’autel déjà construit de Baal. Elle indique que le Carmel était un lieu de culte dédié à Yhwh qui fut remplacé par le culte de Baal. » Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 106. P. BUIS considère ici que cette restauration de l’autel est le fait le mieux assuré du récit signifiant la domination de YHWH sur la montagne. Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 145. 133 Donald WISEMAN, 1 and 2 Kings, p. 170. 134 Alfred KUEN, Les Livres historiques de 1 Rois à Esther, p. 132. 135 Daniel ARNOLD, Élie entre le jugement et la grâce, p. 102. 136 D’après le Commentaire adventiste, une source existe encore aujourd’hui à cet endroit, qui n'a jamais cessé de couler, même dans la plus cruelle sécheresse. Elle se situe selon la tradition à proximité du lieu où s’est déroulée la scène. Humberto RASI (éd.), Josué a 2 Reyes, p. 717. 137 Roland de VAUX, Les livres des Rois, p. 101.

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éclatantes la manifestation de YHWH, l’efficacité de son pouvoir sur l’eau et l’étendue de son action

en faveur d’Israël dans une situation de sécheresse138. »

B’. L’heure de la vérité, 1 R 18.36-38

Le moment est venu de voir si YHWH va répondre ou pas. Cela se passe à l’heure de faire monter

l’offrande139. L’invocation d’Élie est semblable à celle des prophètes de Baal (v. 26) car ils utilisent le

même verbe hne (répondre). Mais les épisodes sont très différents et très contrastés140. En effet,

d’une part, il y a tous les actes désespérés des protagonistes de Baal, leurs cris, leurs rites sanglants et

le fait qu’ils vaticinent ; d’autre part, il y a une simple prière faite par Élie. Le prophète s’adresse au

Dieu des ancêtres d’Israël141. Il insiste fortement sur ce rapport aux ancêtres (cƒ. v. 31). Il demande

au même Dieu qui s’est manifesté à maintes reprises à Israël de se manifester à nouveau en ce jour

auprès du peuple142 (v. 36). Il demande non seulement une manifestation miraculeuse pour montrer

que YHWH est Dieu en Israël, mais il implore aussi pour la conversion et l’apprentissage d'Israël (le

verbe edy est utilisé deux fois). Pourtant, les deux versets expriment des intentions différentes que

nous pouvons représenter de la manière suivante :

Messages v. 36 v. 37

Message sur la divinité de YHWH Toi, tu es Dieu en Israël que tu es YHWH, le Dieu

Message sur l’action de YHWH Moi, je suis ton serviteur et selon ta parole, je fais tous ces actes

que tu fais retourner en arrière leurs cœurs

Ces messages font comprendre les intentions du prophète, déjà annoncées aux v. 21 et 24. Au v.

36, l’accent est mis sur le fait que YHWH est Dieu en Israël, en tant que dieu territorial. « Le Carmel

devient un “espace stratégique et symbolique” à conquérir, un espace qui détermine quel est le

véritable dieu en Israël. Le récit de l’ordalie au Carmel est l’histoire d’une reconquête de ce lieu en

Israël143. » Cet événement a servi de preuve et d’apprentissage, premièrement aux prophètes de Baal

et à l’entourage de Jézabel, qui n’ont rien à faire en Israël où YHWH est Dieu et non Baal144. Cette

138 Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 107. 139 Cf. Supra p. 29. 140 « La oración fue muy sencilla y sincera, sin ninguna perturbación, directa y al punto, y procedía del corazón mismo. » [La prière fut très simple et sincère, sans aucune perturbation, directe et au point, et procédait du cœur même.] Humberto RASI (éd.), Josué a 2 Reyes, p. 717. « The simple prayer contrasts with the long Baalistic ravings. » Donald WISEMAN, 1 and 2 Kings, p. 170. La LXX introduit la prière d’Élie en disant Élie cria. 141 Pour D. ARNOLD, Élie invoque le Dieu de ses ancêtres, mais au lieu de parler du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, il remplace le nom de ce dernier (contrairement au v. 31) par celui d’Israël. Daniel ARNOLD, Élie entre le jugement et la grâce, p. 103. A. KUEN ajoute que « cette formule trinitaire avec Israël à la fin ne se retrouve que dans Ex 32.13, 1 Ch 29.18 et 2 Ch 30.6, donc chaque fois que c’est au peuple d’Israël qu’elle s’adresse et que la prière s’appuie sur la fidélité de Dieu. Élie voulait montrer que le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob était aussi le Dieu d’Israël maintenant. », Alfred KUEN, Les Livres historiques de 1 Rois à Esther, p. 133. 142 « Pour le narrateur, l’évocation des ancêtres et des tribus indique que ce temps sans royauté est normatif de la relation entre Yhwh et son peuple. » Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 107. 143 Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 108. 144 Roland de VAUX, Les livres des Rois, p. 102.

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reconquête est déjà partiellement réalisée par le fait qu’Élie a réparé l’autel (v. 30). Deuxièmement,

tous doivent reconnaître qu’Élie est serviteur145 de YHWH (comme la reconnaissance de la veuve de

Sarepta après le miracle en 1 R 17.24) et qu’il a agi sur ordre de Dieu (cƒ. Ex 4.5 et Nb 16.28). La

déclaration du v. 37 sur Dieu est plutôt un message destiné aux Israélites, afin qu’ils connaissent146.

Cette expression insiste sur les traits monolâtriques et territoriaux de YHWH, « il n’y a pas de

prétention à une souveraineté universelle de la part de YHWH147, » mais une invitation à son peuple

élu à répondre à la question d’Élie (v. 21) : Jusqu’à quand boiterez-vous sur les deux jarrets ? Autrement

dit, quel dieu voulez-vous suivre, YHWH ou Baal, car YHWH est le Dieu qui peut retourner en arrière

les cœurs148 des Israélites (v. 37). L’intention du récit est que le peuple puisse en finir une fois pour

toutes avec le syncrétisme, avec ce double jeu, et qu’il puisse revenir à son Dieu, YHWH.

De cette manière, l’heure de la vérité arrive (v. 38). La réponse de YHWH ne se fait pas attendre

et il se manifeste, contrairement à Baal. La théophanie de YHWH est le dénouement du combat

entre les deux dieux. Le feu de YHWH149 descend du ciel, il dévore l’holocauste150, le bois, les pierres

et absorbe même la poussière et toute l’eau. Le récit laisse comprendre que YHWH est un Dieu qui

maîtrise les éléments naturels. Ainsi YHWH est le Dieu vainqueur aux yeux du peuple.

A’. L’écho : “Si YHWH est Dieu, suivez-le”. Le retour hbwvt du peuple – sort des

baalistes, 1 R 18.39-40

La claudication religieuse d’Israël sera éclaircie par cette reconnaissance du peuple. Comme nous

l’avons vu, l’incertitude du peuple quant à savoir qui est son Dieu, est manifestée par son silence

(v. 21). Or, quand il assiste à la théophanie de YHWH, il n’y a plus de place pour le doute. Le peuple

d’Israël est stupéfait, le silence du v. 21 se transforme en cette déclaration : YHWH, c’est lui le Dieu,

YHWH, c’est lui le Dieu ! (v. 39). YHWH est son véritable “baal”, son Seigneur. Ainsi, la relation d’Élie

avec le peuple passe de la méfiance (v. 21, 24) à une sorte de complicité151. Car le peuple répond à la

demande du prophète qui est de saisir les prophètes de Baal afin qu’aucun homme parmi eux ne

s’échappe (v. 40). Élie profite de l'étonnement qui s’est emparé du peuple et du roi pour appliquer la

145 Au v. 36 le titre utilisé est prophète. Nulle part ailleurs le cycle d’Élie n’y recourt pour le décrire. Mordechai COGAN, 1 Kings, p. 442. 146 Le verbe hébreu edy (connaître) indique plus qu’une connaissance rationnelle ; il implique une expérience ou un vécu profond avec quelqu’un. 147 Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 108. « Ce n’est pas une restriction au monothéisme, qui sera à nouveau professé au v. 37. » Roland de VAUX, Les livres des Rois, p. 102. 148 « L’expression ‘ramener le cœur’ qu’on ne trouve pas ailleurs implique que le culte exclusif de YHWH est compris comme la pratique ancienne, primitive. À cet égard les prophètes sont les défenseurs de la tradition et non des novateurs. » Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 148. 149 Le v. 38 insiste sur le feu de YHWH ou la foudre. Cƒ. Nm 11.13. Comparer aussi avec le feu qui embrase le sacrifice d’Aaron (Lv 9.24) et celui de Gédéon (Jg 6.21). 150 « Dire que le feu divin brûle les pierres, c’est dire que l’autel est détruit ; il n’aura existé que le temps de l’ordalie ; ainsi la législation deutéronomique est sauve. » Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 148. 151 Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 109. La peur d'avoir vu une telle manifestation de Dieu et du sort qui pouvait être le leur s'ils n'obéissaient pas au prophète peut en résulter.

Page 34: LÕordalie au Mont Carmel

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loi du royaume sur ces prêtres idolâtres152. D’après D. WISEMAN, le massacre des prophètes de Baal

n'est pas un acte de cruauté gratuite, mais le châtiment nécessaire, commandé par Élie, présenté

comme une sorte de nouveau Moïse, qui lutte contre les faux prophètes, comme le décrète la loi

deutéronomique (cƒ. Dt 13.5,13-18 ; 17,2-7)153.

Alors, Élie ordonne de les faire descendre au torrent de Qishôn, au pied du Carmel (où la

prophétesse et juge d’Israël, Débora, a combattu et tué les Cananéens il y a longtemps Jg 4.4-13,

5.21)154. Dans ce lieu éloigné de la colline sacrée, l'eau qui coule peut laver le sang155. Selon D.

NOCQUET, le fait que le sacrifice des prophètes se déroule en dehors du mont Carmel exprime le

rejet total de Baal et son élimination symbolise l’absence du dieu Baal et son impuissance en Israël.

« Puisque Baal n’est pas un dieu pour Israël, ses représentants en Israël sont voués à la mort156. »

1.4 Résumé de la première partie

Dans cette première partie, nous avons réalisé une introduction sur le livre des Rois qui a permis

d’accéder à la problématique de la section étudiée. Puis nous avons proposé une traduction littérale

de la péricope choisie (1 R 18.20-20) qui a permis de mieux analyser son contexte large, proche et

immédiat. L’ordalie au Carmel s’insère dans un contexte littéral bien particulier, le cycle d’Élie. Une

situation tragique, une sécheresse de trois ans, menace la survie du peuple d’Israël. Ce cadre

dramatique est dû aux paroles prononcées par le prophète Élie pour punir l’établissement du culte de

Baal. Élie lance donc un défi aux prophètes de Baal pour que le peuple puisse sortir du profond

syncrétisme dans lequel il se trouve (1 R 18.21,24). Nous avons pu voir ainsi que l’ordalie au Carmel

n’a pas pour but de démontrer si le dieu Baal existe ou non, ni de savoir si YHWH est l’unique Dieu

dans l’univers. Cette bataille épique entre les prophètes de Baal et Élie représente à la fois la

reconquête territoriale et celle d’un peuple qui a oublié que YHWH est son Dieu.

Cette analyse synchronique a donc permis de mieux comprendre le sens de la déclaration du

peuple d’Israël (1 R 18.39). Néanmoins, les éléments sont trop peu nombreux pour décider si le but

de l’ordalie est d’amener le peuple vers l’hénothéisme ou le monothéiste. Par conséquent, l’analyse

152 Alfred KUEN, Les Livres historiques de 1 Rois à Esther, p. 133. 153 Concernant le nouveau Moïse, nous faisons référence à l’épisode dans lequel le Moïse historique lutte contre l’idolâtrie, Nb 25.1-13. Donald WISEMAN, 1 and 2 Kings, p. 170. D’autres auteurs vont dans le même sens, comme par exemple Alfred KUEN, Les Livres historiques de 1 Rois à Esther, p. 134 ; Frédéric GODET (éd.), Rois à Esther, p. 98 ; Mordechai COGAN, 1 Kings, p. 444. James MONTGOMERY, Henry GEHMAN, A Critical and exegetical commentary on the books of Kings, Edinburgh, T. & T. Clark, 1967, p. 306. 154 Leslie ALLEN, Ralph KLEIN, Irene NOWELL et al., 1 & 2 Kings, p. 136. 155 James MONTGOMERY, Henry GEHMAN (éd.), A Critical and exegetical commentary, p. 306. S. DOANE : « On est toujours étonné de la violence qui se manifeste dans la Bible. Cette violence faisait partie de la vie en société de l’époque. […] La compétition entre YHWH et Baal est donc féroce. […] l’accent du récit n’est pas placé sur la violence, mais sur la victoire complète du Seigneur et la défaite absolue de Baal. » Sébastien DOANE, Mais d'où vient la femme de Caïn ?, p. 107. J. DELORME et J. BRIEND ajoutent : « En lui, resurgissait l’esprit d’un Moïse. Et le massacre des prêtres de Baal, loin d’apparaître comme un acte de fanatisme, faisait revivre le vieux droit d’Israël (Ex 22.19) que plus tard le Dt rappellera encore (13.7-12). » Jean DELORME, Jacques BRIEND, « Les premiers livres prophétiques », p. 313. 156 Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 109.

Page 35: LÕordalie au Mont Carmel

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diachronique qui suivra dans la deuxième partie permettra de pleinement appréhender le contexte

historique dans lequel se déroule notre récit ainsi que de répondre à quelques questions nées de

cette première analyse : Qui était le dieu Baal ? Pourquoi ce dieu a-t-il pris tant d’essor dans le

royaume du Nord ? Que s’est-il passé pour que l’on assiste à un développement si important de son

culte ? Enfin, comment le peuple a-t-il été attiré par ce dieu ?

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2. Contexte historique et

théologique : essor du

baalisme en Israël

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2. Contexte historique et théologique : essor du baalisme en Israël

Pour répondre aux questions posées à la fin du chapitre précédant et affiner notre compréhension

du contexte historique et théologique dans lequel se déroule 1 R 18.20-40, nous examinerons

maintenant la géographie et la démographie d’Israël. Viendra ensuite l’étude du baalisme vu par des

témoins bibliques, extrabibliques et iconographiques. Dans un dernier temps, nous analyserons la

période de l’histoire qui a vu son essor. Tout ceci devrait permettre de tirer quelques conclusions

critiques à propos de leur incidence sur le développement du culte de Baal.

2.1 Incidence de la géographie et la démographie sur le culte de Baal

Étudier brièvement la géographie et la démographie va contribuer d’une part à constater que le

baalisme existait depuis longtemps dans la région où s’installa Israël, et d’autre part à mieux

comprendre l'attirance des Israélites vers ce culte, renforcée par la principale activité du royaume du

Nord. Puis, nous mettrons en évidence quelques caractéristiques du peuple d’Israël et comment cela

a pu favoriser le développement du baalisme157.

2.1.1 Géographie d’Israël

L’histoire d’un peuple est liée à sa géographie158. D’après le récit biblique, le pays promis aux

patriarches est appelé Canaan159. « Le pays constitue la pointe, à l’ouest et au sud, du grand arc des

terres cultivables qui entoure le désert syrien et qu’on a appelé le Croissant Fertile160. » Sur ce

territoire s’étendent de grandes plaines : la plaine de Galilée et celle de Jezréel, aussi appelée la plaine

de Esdraelon, située à côté du mont Carmel, qui constitue ici le cadre spatial de l’ordalie. Ces plaines

sont évidemment cultivées par les peuples qui y habitent. Mais pour qu’elles soient fertiles, il leur faut

de l’eau. Quelles sont donc les ressources en eau du pays de Canaan ? Bien que situé dans le

Croissant fertile, le pays de la Bible ne présente pas les mêmes avantages que ses voisins161. « La terre

s’étend entre la mer et le désert. La partie méridionale de la Palestine est située dans une zone aride

qui ceinture le globe. L’aspect est très varié, pour les différences climatiques162. »

En outre, les cours d’eau sont relativement étroits en Palestine. Dans ces régions, le cours du

157 Cƒ. Eugene PETERSON, « Baalism and Yahwism updated », Theology Today 29 (1972/2), p. 38-143. 158 Roland de VAUX, Histoire ancienne d’Israël. Des Origines à l'installation en Canaan, vol. 1, Paris, J. Gabalda et Cie, 1986, p. 17 : « Aussi, pour comprendre l’histoire du peuple de l’AT, est-il nécessaire de se représenter le pays dans lequel ce peuple s’est installé et où il a vécu. » 159 Voir Gn 12.1-9 ; Dt 1.35 ; 6.18,23 ; 8.1 ; 9.5 ; 10.11 ; 11.9 ; 31.7,20. Gn 10.19 et Nb 34.2-12 qui donnent aussi les limites du pays de Canaan : « “Kena‘ân, [Pays de la] pourpre”, région du littoral palestino-phénicien, ancien nom de ta Terre Promise devenue le pays d’Israël. […] Le territoire de Canaan s’étend du sud de la Phénicie (dont le nom aussi signifie “pourpre”) c.-à-d. de la région de Tyr et Sidon, Es 23.1,11-12. » Olivier ODELAIN, Raymond SEGUINEAU, « Canaan », Dictionnaire des noms propres de la Bible, Paris, Cerf, 1978, p. 86-87. 160 Roland de VAUX, Histoire ancienne d’Israël, vol. 1, p. 21. 161 Au Proche-Orient, la Mésopotamie, qui signifie en grec (région/pays) entre deux fleuves, est la partie la plus riche et fertile grâce à deux grands fleuves, le Tigre et l’Euphrate. Quant à l’Égypte, elle doit sa fertilité au Nil. 162 Yohanan AHARONI, Michael AVI-YONAH, La Bible par les cartes, Turnhout, Brepols, 1991, p. 14.

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Jourdain163 est excessivement sinueux et profondément encastré entre des parois rocheuses très

abruptes, ce qui empêche d'y puiser de l'eau pour irriguer. Ainsi, les habitants de Canaan dépendent

des pluies pour cultiver la terre. Ce que F. CASTEL résume parfaitement :

« Sur cet ensemble de territoires, la pluie tombe entre novembre et mars, l’été est totalement sec. Le pays très vallonné, souffre d’un fort ruissellement, les terres sont peu pénétrées par l’humidité. Et la sécheresse augmente vers l’est et vers le sud jusqu’à rendre le pays désert164. »

Donc, à cause de sa position géographique (montagnes quasiment adossées à la mer), les climats

de la Palestine sont très variés et ils « modifient les températures et la distribution des pluies165. » Il

n’y a que deux saisons, la saison sèche, qui va généralement de fin avril à septembre, et la saison des

pluies qui débute en octobre et se poursuit tout l'hiver, jusqu'au mois d'avril. À elle seule, cette saison

assure une végétation abondante. Les cultivateurs et les bergers en étaient totalement tributaires. En

cas de sécheresse prolongée, la région était en proie à la famine. Or, dans le récit étudié, la famine

pressait Samarie, capitale de royaume (1 R 18.2), à cause de la sécheresse annoncée par Élie (1 R

17.1), sécheresse qui a duré environ trois ans.

2.1.2 Démographie d’Israël

Le pays que Dieu avait promis aux patriarches était habité par les Cananéens166.

Après l’entrée du peuple d’Israël dans leur pays, les Israélites se mêleront à eux et ses croyances

seront confrontées aux “dieux de Canaan” et à leurs cultes167. D’après le texte biblique, Israël ne

devait pas se mêler avec les autres peuples (Dt 12.2-4), et il devait les chasser168. Mais les tribus

agissant isolément n'ont pas pu déposséder les habitants (Jos 16.10 ; 17.12,16-18 ; Jg 1:21, 27)169. Le

fait qu’Israël était minoritaire pouvait signifier que le dieu était plus fort. Il est donc important de

rappeler quelques caractéristiques de ce peuple. La civilisation cananéenne était « une société

163 Le Jourdain s'écoule sur environ 360 km, du mont Hermon jusqu’à la mer Morte. Sa vallée est la plus basse du monde, puisqu'elle rejoint la mer Morte à l'altitude de 390 mètres sous le niveau de la mer. Cela s’est produit suivant « un cycle de presque un siècle, correspondant aux lentes variations du régime moyen des pluies. [...] Le Jourdain devenu boueux y décrit des méandres infinis qui triplent sa longueur et dont le tracé varie. Le fleuve n’est pas large, 20 ou 30 m. » Roland de VAUX, Histoire ancienne d’Israël, vol. 1, p. 24-25. 164 François CASTEL, Histoire d'Israël et de Juda. Des origines au IIe siècle après Jésus-Christ, Paris, Centurion, 1983, p. 17. 165 Roland de VAUX, Histoire ancienne d’Israël, vol. 1, p. 27. 166 Genèse10 présente la généalogie des fils de Noé, Sem, Cham et Japhet. « Les fils de Cham furent : Koush, Égypte, Pouth et Canaan » (Gn 10.6). On les appelaient les Cananéens car ils étaient de la descendance de Cham. La Bible fait mention de sept ethnies qui peuplent le pays de Canaan et qui sont connues sous le nom générique de Cananéens. Les Hittites, les Guirgashites, les Amorites, les Cananéens, les Périzzites, les Hivvites et les Jébuséens, Dt 7.1. 167 Roland de VAUX, Histoire ancienne d’Israël, vol. 1, p. 123. 168 Il faut signaler que ceci n’était pas ce que YHWH avait demandé : « Ne vous alliez pas à eux [entre autres les Cananéens] par des mariages : ne donnez pas vos filles à leurs fils, et ne choisissez pas parmi eux des épouses pour vos fils », Dt 7.3. Cƒ. Dt 12.2-4. 169 Ronald BERGEY, « La conquête de Canaan : un génocide ? », La Revue réformée 225, (2003/11), p. 69-88. Il faut souligner qu’aujourd’hui la conquête de Canaan est contestée. Cƒ. Israël FINKELSTEIN, Neil Asher SILBERMAN, La Bible dévoilée, les nouvelles révélations de l’archéologie, trad. Patrice GHIRARDI, Paris, Bayard, 2002, p. 91-117 ; William DEVER, Aux origines d’Israël. Quand la Bible dit vrai, trad. Patrice GHIRARDI, Paris, Bayard, 2005, p. 31-84 ; Hervé TREMBLAY, « Yahvé contre Baal ? ou plutôt Yahvé à la place de Baal ? Jalons pour la naissance d'un monothéisme. I. Le “conflit” entre Canaan/Baal et Israël/Yahvé selon l'archéologie », Science et Esprit 60 (2008/3), p. 205-227.

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sédentaire de type urbaine et avait une économie basée sur l’agriculture et le commerce170. »

Autrement dit, les Cananéens avaient une grande expérience du travail agraire. Leur dieu principal

était Baal, qu’ils adoraient au cours de nombreuses fêtes et cérémonies de culte. Sa parèdre était

Ashéra (ou Anat). Tous deux étaient les dieux de la fertilité. Les relations sexuelles entre Baal et Anat

assuraient la fécondité de la terre, des troupeaux et des animaux. Les cultes orgastiques, destinés à

exciter le couple divin et caractérisés par des prostitutions sacrées, étaient donc très importants chez

les Cananéens. Quand Baal éjaculait, la pluie tombait sur la terre, « hommes et femmes actualisaient,

ici-bas, l’union de Baal à son épouse, Ashéra. La survie du monde dépendait totalement de cette

voluptueuse liturgie 171 . » Il faut d’ores et déjà remarquer que la religion cananéenne était

certainement très proche de la religion d’Ougarit dont témoignent les textes de Ras Shamra que nous

étudierons plus loin172.

Or, la situation des Israélites est différente de celle des Cananéens. Israël est un peuple qui est

sorti de l'esclavage d’Égypte et a vécu pendant longtemps dans le désert. Autrefois nomade ou semi-

nomade, il est devenu sédentaire 173. Cela représente une grande adaptation de la part des Israélites

devenus un peuple composé et, dans une grande majorité, des paysans. Au nord, principalement, ils

s’adonnent davantage à l’agriculture. Au sud, davantage à l'élevage. Cela laisse à penser que les

Cananéens ont été intégrés à la population d’Israël grâce à leurs connaissances des activités rurales.

Forcément, « une fois installés en Canaan, les Hébreux ont été sensibles à l’importance des pluies

dans le climat de ce pays174 », et aussi à la façon de vivre des Cananéens175, notamment à leur

vénération du dieu de la pluie et de la fertilité, Baal.

Les conditions géophysiques et humaines ont donc modelé la vie quotidienne de la plupart des

habitants d’Israël176. Devenu un peuple agraire, Israël dépendait des pluies pour vivre. Ayant assimilé

les Cananéens et s’étant par conséquent laissés influencer par leur religion, Baal pouvait logiquement

répondre à leurs attentes, d’où la popularité et l’importance de son culte en Israël, étroitement liés

au sol et au climat 177. Voilà pourquoi les Israélites ont été à ce point séduits par le dieu Baal et l’ont

tant vénéré. Mais pourquoi n’ont-ils pas pensé à recourir à YHWH en matière de pluies, comme il

l’avait promis (Dt 11.14) ? Premièrement, pour F. EAKIN, c’est normal pour un peuple en migration

d'adopter la divinité du territoire où il s’installe, chaque dieu ayant son domaine d’action. Puisque

170 Roland de VAUX, Histoire ancienne d’Israël, vol. 1, p. 136. 171 Robert MICHAUD, De l'entrée en Canaan à l'exil à Babylone. Histoire et théologie, Paris, Cerf, 1982, p. 77. 172 Cƒ. infra p. 44-47. 173 Robert MICHAUD, De l’entrée en Canaan à l'exil à Babylone, p. 78. En outre, les Israélites ont fait une transition du nomadisme à une société agricole. YHWH ne s’était pas révélé comme une divinité agraire. Frank EAKIN, « Yahwism and Baalism before the exile », Journal of Biblical Literature 84 (1965/4), p. 409. 174 André NEHER, L'essence du prophétisme, Paris, Calmann-Lévy, 1983, p. 151. 175 Les deux peuples se sont fondus mais au lieu que ce soient les Israélites qui dominent les Cananéens, comme cela aurait dû être le cas s’ils avaient suivi les directives divines, ce sont les Cananéens qui ont conquis culturellement les Israélites. Dans ce contexte, Frank EAKIN, « Yahwism and Baalism before the exile », p. 407-414, entrevoit le conflit inévitable entre YHWH et Baal comme un Kulturkampf (un combat de cultures). 176 Roland de VAUX, Histoire ancienne d’Israël, vol. 1, p. 34. 177 Frank EAKIN, « Yahwism and Baalism before the Exile », p. 414.

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YHWH ne s'était pas montré une divinité agraire, il est probable que plusieurs Israélites aient accepté

de vouer aussi un culte à Baal. Deuxièmement, dans l’esprit des anciens peuples, chaque territoire

avait son propre dieu. Pour les Israélites, YHWH était plutôt un dieu qui intervient dans l’histoire.

Mais Baal était le dieu du territoire des Cananéens, qui pouvait répondre aux besoins agricoles du

peuple qui y vivait. Alors, quels sont les attributs de Baal qui séduisirent tant le peuple d’Israël ?

2.2 Baalisme

De nombreux attributs du dieu Baal en ont fait un dieu très populaire. Plusieurs auteurs

s’accordent pour dire que le culte de Baal était très répandu178. L’étendue géographique de son culte

était très vaste : de « la Mésopotamie jusqu’à Carthage, en passant par la Phénicie, l’Égypte, jusqu’en

Europe, comme l’attestent quelques inscriptions179. » La Bible et les attestations extrabibliques

montrent l’importance de la vénération de Baal en Syro-Palestine180. Les modes de célébration étaient

multiples. Les différentes formes de vénération dépendaient des attributs du dieu Baal local. Selon les

différentes villes, Baal portait un nom particulier et assumait des fonctions différentes. Ainsi, on

distingua plusieurs Baals ayant des particularités différentes 181 , ce qui a fait douter plusieurs

spécialistes au sujet de l’unicité ou de la pluralité de Baal. Néanmoins, J. DAY explique que les textes

parlent d’un seul Baal, tout comme aujourd’hui, l’on parle de Notre-Dame, qu’elle soit de Fatima ou

de Lourdes. Ainsi, au premier millénaire av. J.-C., le dieu Baal était devenu une divinité totalement

distincte des autres. Sa spécificité et sa capacité de se laisser approprier par différents peuples lui

donnait une grande popularité dans toute la côte méditerranéenne182.

Voici venu le moment de découvrir ce que disent les différents témoins (textes bibliques,

178 D’après Hervé TREMBLAY, « Yahvé contre Baal ? ou plutôt Yahvé à la place de Baal ? Jalons pour la naissance d'un monothéisme. II. Le “conflit” entre Canaan/Baal et Israël/Yahvé selon l'archéologie », Science et Esprit 60 (2008/3), p. 53, « Son culte s'étendit dans toute la région habitée par les Cananéens, il est passé ensuite en Égypte avec d'autres dieux cananéens. Les Phéniciens, enfin, peuple de marins, l'ont exporté dans le bassin méditerranéen. » Pour Fulcran VIGOUROUX, « Baal », p. 1315, « Honoré à Tyr et à Sidon, dans toute la Syrie et dans les colonies phéniciennes, [Baal] se multiplia par la suite des temps. » Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 290, affirme que « La civilisation phénicienne a certainement été l’un des vecteurs le plus fort de la diffusion du culte de Baal. » Pierre BORDREUIL, Françoise BRIQUEL-CHATONNET, Le Temps de la Bible, p. 268, estiment aussi que « Sous des noms différents, il était également vénéré dans toutes les cités phéniciennes ainsi que par les Cananéens de Palestine ». Enfin, pour Roland de VAUX, Bible et Orient, p. 486, « Son culte ne se limitait pas à la Phénicie et aux colonies phéniciennes : il est représenté et nommé sur une stèle araméenne du IXe siècle av. J.-C., découverte au nord d’Alep. » Voir aussi : Wolfgang HERRMANN, « Baal », in Karel VAN DER TOORN, Bob BECKING, Pieter VAN DER HORST (éd.), Dictionary of deities and demons in the Bible, Leiden, Brill, 1999, p. 133. 179 Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 289. 180 « La Palestine de la fin du IIe millénaire partageait avec les pays de la côte méditerranéenne jusqu’à Ras Shamra une civilisation dont les traits essentiels étaient communs. [...] Il y a des aspects qui sont généraux et qui sont essentiels : la civilisation cananéenne est celle d’une société sédentaire de type urbain et d’une économie basée sur l’agriculture et le commerce. » Roland de VAUX, Histoire ancienne d’Israël, vol. 1, p. 136. « Baal était ainsi vénéré dans tout le Proche-Orient, et particulièrement chez les Cananéens. » Pierre CHAVOT, « Baal », Le Dictionnaire de Dieu. Judaïsme, christianisme, islam, Paris, Loisirs, 2003, p. 74. 181 « Le nom de Baal entre en composition génitivale avec un nom propre ou un substantif. Baal est le seigneur d'une montagne ou d'une ville (qu'il y ait là un sanctuaire ou non), au point que les spécialistes se sont demandé s'il s'agissait d'un seul ou de plusieurs dieux Baal. » Hervé TREMBLAY, « Yahvé contre Baal ? II », p. 55. John DAY, « Baal (Deity) », in David FREEDMAN (éd.), The Anchor Bible dictionary, New York, Doubleday, 1992, p. 546-547. 182 Hervé TREMBLAY, « Yahvé contre Baal ? II », p. 55.

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~ 40 ~

mythologiques et iconographie) sur la divinité de Baal. Dans un premier temps, nous étudierons la

perspective vétérotestamentaire sur la divinité. Mais, avant d’entrer dans le point de vue biblique sur

la divinité Baal, il nous semble pertinent d’étudier le champ sémantique de la racine leb (ba’al). Cela

permettra d’une part d'en voir les différentes utilisations dans le corpus biblique, et d’autre part, de

mettre en évidence les versets bibliques qui font référence à Baal en tant que divinité en

confrontation avec YHWH. Puis nous regarderons les attributs de la divinité afin d’établir un profil du

dieu Baal pour pouvoir mieux comprendre son influence et l'importance de sa vénération chez le

peuple d'Israël.

2.2.1 Perspective vétérotestamentaire sur Baal

À l’origine, la racine leb n’est pas religieuse. Elle « appartient au fond linguistique commun des

langues sémitiques de l’Ouest et de l’Est183. » Différents dictionnaires bibliques184 s’accordent pour

dire qu’il s’agit d’un nom appellatif qui signifie seigneur, maître, possesseur ou époux185. Nonobstant le

sens premier de la racine, on trouve aujourd’hui trois formes de la racine leb.

Premièrement, en tant que verbe, la racine connaît plusieurs usages, parmi lesquels figurent

essentiellement dominer, posséder, épouser et cohabiter186. Deuxièmement, en tant que nom commun

féminin ou masculin, le nom Baal est utilisé pour désigner un personnage en situation de pouvoir187,

c’est-à-dire pour « quiconque exerce un droit de propriété, d'autorité ou de contrôle. Il désigne le

propriétaire d'un esclave, d'une bête, un chef et même les citoyens d'une ville188. » Troisièmement, en

tant que nom propre, la racine connaît trois usages : Baal (leb), le Baal (lebh), et les Baals

(Mylebh)189.

Selon les exemples trouvés dans le corpus biblique190, quand le nom est employé seul, sans l’article

défini (leb), les textes font généralement référence à une divinité dont les caractéristiques sont liées

à la fertilité du sol, à la fertilité conjugale ou principalement à une divinité tutélaire de villes. De

183 Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 21. 184 Pierre CHAVOT, « Baal », p. 74-75 ; Everett HARRISON, Roland HARRISON (éd.), « Baal », The International standard Bible encyclopedia, Eerdmans, William B., 1989, p 377-381. Wolfgang HERRMANN, « Baal », p. 132-139 ; Joseph LONGTON, Ferdinand POSWICK (éd.), « Baal », La Bible de A à Z, vol. 6, Turnhout, Brepols, 1989, p. 172-175. Pierre MIQUEL, Agnès EGRON, Paula PICARD, Les Mots-clés de la Bible. Révélation à Israël, Paris, Beauchesne, 1996, p. 60. Madeleine MILLER (éd.), « Baal », Harper's Bible dictionary, New York, Harper & brothers, 1952, p. 53-55. Olivier ODELAIN, Raymond SEGUINEAU, « Baal », Dictionnaire des noms propres de la Bible, p. 55-57. Nathaniel SANDER, Isaac TRENEL, « Baal », Dictionnaire hébreu-français, p. 73-75. Jean RITZ, « Baal », in WESTPHAL Alexandre, Dictionnaire encyclopédique de la Bible. Les choses, les hommes, les faits, les doctrines, Valence-sur-Rhône, Imprimeries réunies, 1973, p. 111-113. 185 « Tel est l’usage syro-phénicien dans le titre du dieu Milqart, ba’al Sûr : Milqart, “Seigneur de Tyr” ou encore dans la formulation ba’alat Gubal : “La Dame de Byblos”. » Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 21. 186 Nathaniel SANDER, Isaac TRENEL, Dictionnaire hébreu-français, p. 73-74. Voici quelques textes bibliques qui montrent les différentes utilisations de la racine en tant que verbe : És 26.13 « ont dominé sur nous » ; 1 Chr 4.22 « qui avaient pris possession de » ; És 62.5 « ainsi tes fils t’épouseront » ; Dt 24.1 « lorsqu’un homme épouse une femme et cohabite avec elle ». 187 Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 21. 188 Jean RITZ, « Baal », in WESTPHAL Alexandre, Dictionnaire encyclopédique de la Bible, p. 111. Exemples de cette utilisation : És 16.8 « les maîtres des nations » ; Ex 22.14 « le propriétaire du bœuf » ; 1 R 17.17 « la maîtresse de la maison » ; Os 2.18 « tu m’appelleras mon Mari », (autrement dit « mon seigneur, mon maître »). 189 Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 22. 190 Voir le tableau comparatif des différentes mentions de Baal dans l’AT p. 56.

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nombreux toponymes relevés dans l’AT191 sont composés du nom de Baal, par exemple Baal-Hermôn

(Jg 3.3) ou Baal-Gad (Jos 11.17). Dans ce cas, « Baal désigne le dieu propriétaire et protecteur, ou le

“patron” du lieu, et le culte de ces divers Baals répond à des aspirations régionalistes192. »

Par contre, quand le nom Baal est accompagné de l’article défini ou est encore utilisé au pluriel

(lebh ou Mylebh193), il peut faire référence à deux significations différentes : c’est soit un terme

générique qui englobe tous les dieux vénérés en Israël en dehors de YHWH194 ; soit il fait référence à

une divinité en particulier, c’est-à-dire au dieu Baal. Donc, le nom Baal en tant que divinité « n’a été

primitivement qu’une épithète exprimant son souverain domaine et le considérant comme le seigneur

et le maître de toutes choses ; on en a fait ensuite un nom propre195 et une divinité particulière, le

Baal, le Maître par excellence196. » Or, parmi les textes de l’AT qui font mention du nom propre de

Baal197, un certain nombre de récits font référence à une lutte entre Baal et YHWH. Nous vous

présenterons un peu plus loin le relevé de leurs occurrences présentes dans les différents groupes de

livres de l’AT198.

Baal n’apparaît que onze fois dans le Pentateuque, et toujours sous forme de noms composés :

« Baal-Hanan » Gn 36.38-39, « Baal-Tsephon199 » Ex 14.2,9 et Nb 33.7, ou encore « Baal-Peor200 »

Nb 25.3,5 et Dt 4.3. Baal n’y est jamais utilisé en tant que nom propre. « Il est remarquable que le

nom de Baal ne soit pas mentionné une seule fois dans les récits patriarcaux201. » Comme on peut le

constater, les mentions du dieu Baal dans le Pentateuque sont rares et sont des expressions

toponymiques. À l’époque à laquelle le Pentateuque fait référence, il n’est donc pas question du

191 « Ces données géographiques reflètent la diffusion du culte de B. [Baal] et la multiplicité de ses lieux saints, mais ne permettent pas de s’en faire une idée plus précise. » Joseph LONGTON, Ferdinand POSWICK (éd.), « Baal dans la toponymie », La Bible de A à Z, p. 173. Cƒ. : Richard STEINER, « On the Rise and Fall of Canaanite Religion at Baalbek : A Tale of Five Toponym », Journal of Biblical Literature 128 (2009/3), p. 507-525 ; Nadav NA’AMAN, « Baal toponyms », in VAN DER TOORN Karel, BECKING Bob, VAN DER HORST Pieter (éd.), Dictionary of deities and demons, p. 140-141. 192 Olivier ODELAIN, Raymond SEGUINEAU, « Baal », Dictionnaire des noms propres de la Bible, p. 55. 193 « Les Baalim, qui est le pluriel du nom de Baal, lequel est devenu un substantif, terme générique désignant en somme les “dieux étrangers”, ou encore les “idoles”. » Sophie CLUZAN, De Sumer à Canaan. L'Orient ancien et la Bible, Paris, Seuil, 2005, p. 192. 194 Donc « Baal avec l’article défini ne désigne pas une divinité singulière mais un titre ou un nom collectif qui est le paradigme par excellence de l’infidélité à Yhwh. » Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 25. 195 « La plus vieille attestation du terme Baal en tant que nom propre de divinité date du troisième millénaire av. JC dans les inscriptions de Tell Abu Sialanbikh. » Ibid., p. 21. 196 Fulcran VIGOUROUX, « Baal », p. 1315-1316. 197 Le nom Baal est mentionné 90 fois dans le corpus de l’AT, preuve de l’importance de la divinité. 198 Nous sommes conscients qu’il existe différents classements des livres, donc différents canons. Cependant, pour simplifier notre recherche, nous avons choisi de suivre le canon protestant. Cƒ. TOB, p. 22-23. 199 Ce lieu « Est sans doute un sanctuaire de la divinité du même nom, Baal du Nord, connue par des inscriptions. Ces trois localités se trouvent dans la région des lacs Amers, à peu près dans la partie centrale de l’actuel canal de Suez. » Franck THOMPSON, La Bible Thompson, p. 82. « […] le Baal du Saphôn ait été considéré comme un maître de la navigation. Son culte s’est diffusé vers le Sud et est attesté notamment dans la région de Péluse, à l’est du delta du Nil. » Voir aussi Damian NOËL, Les origines d’Israël, Cerf, 1997, p. 53-55. 200 « Divinité vénérée au mont Peor et à Beth-Peor. Le culte des faux dieux est fréquemment comparé à un accouplement illicite. » Franck THOMPSON, La Bible Thompson, p. 197. 201 Roland de VAUX, Histoire ancienne d’Israël, vol. 1, p. 265.

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peuple qui se tourne vers Baal en tant que divinité, le maître par excellence202.

L’on peut faire une distinction parmi les livres historiques qui font mention de Baal203. Tous les

textes des livres de Josué, 1 Samuel et 1 Chronique font référence à Baal comme toponyme204. Le cas

est différent pour les livres de 2 Chroniques et 1 Samuel. Il faut signaler qu’il existe des textes dans 2

Chroniques faisant référence à l'idolâtrie des deux royaumes, Juda et Israël. Mais ils participent plutôt

aux annales qui reprennent une période de l’histoire des royaumes divisés. Dans le cas de 1 Samuel,

l’auteur du livre fait références aux Baals pour signaler l’idolâtrie205. Par contre, le livre des Rois, suivi

du livre des Juges, offrent chacun la plus importante concentration de mentions206. Les rappels de Baal

que l’on y trouve sont des mentions d’actes religieux envers le dieu207, « intégrées à des listes d’actes

religieux divers : brûler de l’encens, dresser le poteau sacré, faire des statues, se prosterner devant

l’armée des cieux et des mentions de Baal qui sont l’objet d’un développement narratif208. »

Les deux mentions de Baal des livres poétiques (Ps 106.28 et Ct 8.11) font référence à Baal en

tant que toponyme. Cependant, quelques Psaumes209 mentionnent des attributs et les titres liés au

dieu Baal210. Dans l’ensemble des livres prophétiques, à part les livres Sophonie et d’Ézéchiel, les

textes parlant de Baal figurent essentiellement dans les livres de Jérémie et d’Osée. Les deux

prophètes ont quelques idées communes à propos de l'idolâtrie de Baal, comme le désert, le thème

de la prostitution et l’image de l’infidélité à YHWH211. Et pour ces deux prophètes, YHWH est

représenté comme le baal (le maître, le mari) d’Israël, (Os 2.18 et Jr 31.32). Dans Jérémie figure treize

202 Il faut signaler que le cas de « Nb 25 est surtout exemplaire en montrant les conséquences de l’infidélité à Yhwh et de l’idolâtrie à l’égard des dieux étrangers à Israël. Nb 25 ne s’attaque pas particulièrement au dieu Baal, mais s’attache à décourager toute forme d’apostasie. » Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 29. Le cas de la mention de Baal dans le Deutéronome est tout particulier, car les auteurs qui soutiennent la théorie de l’histoire deutéronomiste ne comprennent pas pourquoi il n’y a pas de mention de Baal dans le Dt. Par exemple D. NOCQUET dit : « On peut s’étonner tout particulièrement de la quasi-absence de Baal dans le Dt, alors que l’histoire deutéronomiste le mentionne abondamment par ailleurs. » Par contre, pour nous, il est plus logique de lire le Dt comme partie du Pentateuque. Cela facilite la compréhension de la quasi-absence de Baal dans le Dt comme pour le reste des livres du Pentateuque. Nous voyons là un élément en faveur de l’unité du Pentateuque, dont le Deutéronome fait partie. 203 Tableau 2, infra p. 56. 204 Le livre de Josué utilise le terme Baal en tant que nom commun. Voici pour exemple Baal-Gad (Jos 12.7 et 13.5) et Baal-Peratsim (2 S 5.20 ; 1 Ch 9.40 ; 14.11). 205 1 S 7.4 : « Et les enfants d’Israël ôtèrent du milieu d’eux les Baals et les Astartés » ; 1 S 12.10 : « nous avons servi les Baals et les Astartés ». 206 Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 23. Voir tableau 2, infra p. 56. 207 Voici quelques textes qui montrent les différences : « IIs servirent Baal », Jg 2.13 ; « l’autel de Baal », Jg 6.25 ; « si Baal est un dieu », Jg 6.31 ; « Il éleva un autel à Baal dans la maison de Baal qu’il bâtit à Samarie », 1 R 16.32 ; « prophètes de Baal », 1 R 18.19 ; « Baal réponds nous ! », 1 R 18.26 ; « consultez Baal-Zébub, dieu d’Ékron », 2 R 1.2. 208 Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 23. 209 J. DAY explique que l'existence de parallèles étroits entre les Psaumes et la mythologie de Baal est généralement admise. Ainsi par exemple la théophanie de YHWH dans l'orage, son exaltation dans l'assemblée divine et son intronisation comme roi sur la mer cosmique sont tous mis en parallèle dans la mythologie de l'ougaritique. John DAY, « Echoes of Baal's seven thunders and lightnings in Psalm 29 and Habakkuk 3:9 and the identity of the Seraphim in Isaiah 6 », Vetus testamentum (1979/29), p 143-151. Voir aussi Robert CHISHOLM, « The Polemic against Baalism in Israel's Early History and Literature », Bibliotheca sacra 151 (1994), p. 267-271. 210 Par exemple le titre donné à YHWH dans le Ps 68.5 le Chevaucheur des Nuées ou la voix de l’orage dans le Ps 29 sont quelques titres qui montrent les similitudes avec la divinité Baal. « Ces quelques exemples témoignent de la vitalité et de l’influence de la religion de Baal. » Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 30. 211 « Israël, femme adultère, [...] presque toujours l’infidélité d’Israël est d’ailleurs une véritable prostitution et des invectives célèbres fustigent cette impardonnable violation de l’amour conjugal. » André NEHER, L'Essence du prophétisme, p. 249-250.

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fois le nom de Baal. Chaque épisode concernant Baal comprend des expressions qui mettent en cause

les autorités (Jr 2.8) ou des attitudes sociales (Jr 7.9)212. Dans le livre d’Osée, le nom de Baal est

concentré principalement dans Os 2.4-25. Baal y est représenté à l’aide de l’image des amants. La

symbolique conjugale213 est utilisée pour montrer que YHWH est le véritable baal (mari) d’Israël.

YHWH a été trahi par sa femme adultère, Israël, dont l’amant est Baal. Les autres mentions du livre

d’Osée sont celles de baals (au pluriel)214. Dans le livre d’Ézéchiel figure une expression toponymique,

« Baal-Meon » (Éz 25.9). La déclaration « J’exterminerai de ce lieu les restes de Baal » (So 1.4) fait

apparemment référence à ce qui reste de ce culte païen à la suite de la réforme d’Ézéchias et peut-

être de Josias215 (2 R 23).

Deux remarques découlent de l’étude des différentes mentions de Baal dans les textes

vétérotestamentaires.

Premièrement, l’ensemble le plus significatif des citations de Baal en tant que divinité se trouve

dans les livres historiques. Deuxièmement, deux groupes de textes sont à distinguer. D’une part, il y a

ceux qui font mention du dieu Baal associé à d’autres dieux et déesses, en exprimant généralement

l’infidélité à YHWH. Baal y apparaît comme un terme générique désignant les dieux étrangers ou

encore les idoles en général216. L’on peut parler dans ce cas d’un nom collectif qui désigne un

ensemble de divinités, et non pas le dieu personnel Baal.

D’autre part, un deuxième groupe de textes (Jg 6.25-32 ; 1 R 18.20-40 ; 2 R 1.2-17 ; 2 R 10.18-28 ;

2 R 23) décrit le dieu Baal en tant que divinité isolée217, en confrontation directe avec YHWH. Dans

ces récits, le peuple est amené à choisir entres les deux dieux, Baal ou YHWH. Ces confrontations se

situent en grande majorité principalement à l’époque des royaumes divisés (excepté Jg 6.25-32 qui

concerne l’époque des juges).

Le témoignage biblique contribue donc à comprendre qui était Baal. Cependant, les textes

vétérotestamentaires exposent plutôt des jugements contre la divinité sans donner d’informations

212 Le texte « ils sont allés après les Baals, comme leurs pères le leur ont appris », Jr 9.14, exprime un jugement contre les parents mais aussi contre les enfants. À preuve la comparaison « comme leurs pères ont oublié mon nom pour Baal », Jr 23.27. Le prophète fait aussi mention des pratiques condamnées : les sacrifices des enfants (Jr 7.32-8.3) ou encore la vénération dédiée aux autres dieux (Jr 2.23 ; 11.13 ; 32.29). « Tout ce contexte confère une connotation large à la figure de Baal (utilisée avec l’article défini et au pluriel) qui se résume dans l’expression “être infidèle à Yhwh”. » Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 28. 213 « Des chapitres entiers de la Bible font un emploi systématique du symbolisme conjugal et tracent, à l’aide de ces symboles, l’amour de Dieu et d’Israël depuis les origines jusqu’au dénouement apaisant ou tragique. » André NEHER, L'Essence du prophétisme, p. 248. 214 « La vénération des autres dieux (baals) est interprétée comme la cause des malheurs d’Éphraïm, Os 7,11.12 ; 14,4.9 et de son exil, Os 9,3. Le terme baals (au pluriel) ne désigne pas une divinité masculine singulière, mais toutes les différentes formes de culte qui mettent en danger le culte véritable de Yhwh au risque de l’aliéner. » Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 27. 215 Franck THOMPSON, La Bible Thompson, p. 1143. 216 Sophie CLUZAN, De Sumer à Canaan, p. 192. 217 Parmi ces textes, Baal est associé par deux fois à la déesse Ashéra (nom propre de la déesse) : 1 R 18.19 ; 2 R 23.4,7. « Le terme Astarté [ou Ashéra] au pluriel fonctionne de manière équivalente à celui de Baal au pluriel, à la manière d’un nom commun désignant un groupe de déesses. » Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 32.

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précises sur le dieu Baal. C’est grâce aux textes de Ras Shamra218 que l’on dispose aujourd’hui d’une

grande quantité de données, complétées par les jugements des textes bibliques. R. de VAUX explique

que les textes de Ras Shamra « sont venus éclairer ce que la Bible disait des dieux et des cultes de

Canaan219. » Si ce sont les textes de Ras Shamra qui nous fournissent le plus d’informations sur les

attributs de Baal220, que nous apportent-ils ?

2.2.2 Perspective d’après les textes de Ras Shamra sur Baal

Jusqu’à la découverte de Ras Shamra221, on disposait de peu d’informations extra-bibliques

concernant la divinité et le culte de Baal. Les inscriptions de Phénicie fournissent des noms de

divinités ou des mentions de temples222. On y trouve par exemple une inscription qui désigne Baal

comme un dieu qui oignait les rois pour apporter sécurité et prospérité au peuple. Le dieu promettait

d’aider le roi223. À part cette inscription, les textes du monde syro-cananéen ne sont pas très

instructifs. Baal y apparaît avec d'autres dieux sans domaine d'action particulier. « Des inscriptions

mentionnent des prières où on lui demande la prospérité pour le peuple, de secourir dans la détresse

ou encore d'accorder une descendance224. » Dans les tablettes de Ras Shamra, les spécialistes ont

trouvé des poèmes mythologiques. Ils narrent les mythes et les légendes des héros royaux225. Le dieu

d'Ougarit, Baal, est le même que le dieu des Phéniciens et des Cananéens226. Les textes de Ras

218 En 1929, Claude SCHAEFFER a découvert sur la colline de Ras Shamra (Syrie actuelle) l’ancienne ville d’Ougarit. Les archéologues y ont trouvé des tablettes contenant plusieurs textes religieux, mythes, rituels et poèmes qui témoignent de la divinité et du culte de Baal. « La maison du grand prêtre, située près du temple de Baal, a livré un nombre impressionnant de textes. [...] Ce sont quelques 20 tablettes qui portent des poèmes mythologiques écrits en langue ougaritique. » Marguerite YON, « Les mythes et légendes », in André LEMAIRE (éd.), Le Monde de la Bible, Paris, Gallimard, 1998, p. 273. Pour approfondir davantage cette découverte, cƒ. André CAQUOT, Textes ougaritiques, p. 27-34 ; Jean-Claude MARGUERON, « Ougarit, rencontre de l’Orient et de la Méditerranée », in André LEMAIRE (éd.), Le Monde de la Bible, Paris, Gallimard, 1998, p. 269-272. 219 Roland de VAUX, Histoire ancienne d’Israël, vol. 1, p. 136. 220 « La publication des textes religieux de Ras Shamra : écrits aux XIVe-XIIIe siècle en ougaritique, ils apportent un témoignage ancien et direct. Ils comprennent d’une part des poèmes mythologiques ou épiques, d’autre part des rituels et des listes d’offrandes ou de sacrifices. » Ibid., 140-141. 221 Parmi les textes de Ras Shamra, on « retrouve plus de 500 références à Baal. » Hervé TREMBLAY, « Yahvé contre Baal ? II », p. 54. 222 BORDREUIL Pierre, « Le cadre géographique des mythes et des légendes d’Ougarit. Ougarit aux origines de l’alphabet », Dossiers d’archéologie, n° 10, 4 novembre 2004, p. 44-49. 223 « Seule l’inscription phénicienne de Karatepe (8e siècle av. JC) apporte des informations (KAI 26). Elle décrit un Baal qui se rapproche de la tradition mythique de Ras Shamra. Le roi Azitawadda s’est auto-proclamé “intendant” […] et “serviteur” (bd) de Baal (KAI 26 A I : 1). Il proclame que le dieu l’a oint pour qu’il (le roi) puisse apporter des conditions prospères pour son peuple (KAI 29 A I :3, 8 ; II : 6). Un texte équivalent peut être trouvé dans une inscription araméenne d’Asis (9e siècle av. JC) où le roi Zakir (ou Zakkur) de Hamat et Lucash dit que Baal-Shamin l’a oint roi sur Hazrak (KAI 202 A 3-4) et lui a promis aide et secours dans la détresse (lignes 12-13). À certaines occasions, Baal est suscité pour garantir la vie et le bien-être. » Wolfgang HERRMANN, « Baal », p. 133. Cƒ. Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 361-365 ; Pierre BORDREUIL, « "Le roi d’Ugarit, favori du dieu Baal" dans Religions de l’Orient ancien », Religions et Histoire 13 (2007/2), p. 44-45. 224 Hervé TREMBLAY, « Yahvé contre Baal ? II », p. 54. 225 Marguerite YON, « Les mythes et légendes », p. 273. 226 Baal était le dieu principal dans la ville d’Ougarit. Sans pouvoir affirmer que la religion d’Ougarit était la même que la religion cananéenne ou phénicienne, il s’agit probablement du même dieu. Néanmoins, R. de VAUX explique qu’il y a bien des aspects communs qui permettront d’établir les formes du culte de Baal dans la Syrie-Palestine. En outre, H. CAZELLES dit que « la religion d’Ougarit est en fait la religion de Canaan, mais ni l’une ni l’autre ne sont des religions dogmatiques aux contours précis. » Henri CAZELLES, « Ougarit et la Bible », in LEMAIRE André (éd.), Le Monde de la Bible, Paris, Gallimard, 1998, p. 290. Cƒ. Henri CAZELLES, « Ougarit et la Bible », p. 287-291. Roland de VAUX, Histoire ancienne d’Israël, vol. 1, p. 135-140.

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Shamra témoignent d’une religion polythéiste et anthropomorphique227, dans laquelle le dieu principal

est Baal.

Ces poèmes narrent la naissance des dieux. C’est l’histoire d’une famille divine très nombreuse

dans laquelle seuls quelques personnages sont vraiment importants. Le dieu créateur et père d’autres

dieux s’appelle El228. Celui-ci est décrit comme un dieu tout-puissant et représenté comme un vieux

barbu. Sa parèdre divine, son épouse en titre, la mère des dieux qui a enfanté soixante-dix fils divins,

est la déesse Athirat229. Toutefois, dans les poèmes de Ras Shamra, le couple initial ne joue qu’un rôle

secondaire. C’est un jeune couple qui attire l’attention : celui de Baal, fils d’El230, et d’Anat, sa sœur,

son épouse et son assistante dans les combats. Ses traits de caractères sont contrastés. Elle est à la

fois la déesse de l’amour et du combat. Elle se montre donc parfois d’une violence extrême, voire

sanguinaire231, et à d’autres moments, c’est une belle jeune femme désirable et donneuse de vie.

En fait, la plus grande partie des récits de Ras Shamra raconte le cycle de Baal232 où l’on apprend

comment le dieu combattit les dieux de la mer et de la mort pour être l’unique détenteur de

l’autorité233. Dans ce cadre, le bras de fer du mont Carmel symbolise la lutte entre les dieux, c’est-à-

dire entre Baal et son panthéon face à YHWH seul. Ici, le texte biblique fait un clin d’œil au lecteur

quand il dit qu’Élie est resté le seul prophète de YHWH (1 R 18.22) contre les quatre cent cinquante

prophètes de Baal et les quatre cents prophètes d’Ashéra (1 R 18.19).

C’est en étudiant le cycle de Baal que l’on peut discerner ses attributs.

Baal, Haddu234, était le dieu de l’orage et de la pluie ; « l’orage révèle la vaillance et la violence du

dieu, la pluie le qualifie comme providentiel »235. Sa divinité atmosphérique faisait de lui le Prince et

Maître de la terre, le Chevaucheur des Nuées, le dieu des cimes. Il était responsable de la rosée et de la

pluie, donc de la fertilité du sol. Il était par conséquent le garant du retour annuel de la végétation.

227 « Les dieux naissent, meurent et renaissent, ils se marient et ils engendrent, ils mangent et boivent comme les hommes et ils sont mus par toutes les passions humaines. » Henri CAZELLES, « Ougarit et la Bible », p. 142. 228 « El le suprême, El préexiste à tous les autres dieux. Créateur et père des dieux, il est la divinité suprême. Après son acte de création, il devient une divinité plus lointaine, un dieu tout-puissant vivant avec les autres dieux sur la montagne du paradis. Quand il apprend que son fils Baal a été tué et voyage dans les enfers, il descend de son trône […] Mais bien qu’il eût revêtu une robe de toile et se fût rasé en signe de deuil, il ne put sauver son fils. [...] Il était aussi connu comme le “dieu taureau”. » Éric CHALINE, Dieux et déesses du monde entier, Eyrolles, Paris, 2005, p. 17. 229 Athirat, aussi connue comme Asherat, est la mère des dieux. « Elle est appelée souvent la “Dame Asherat de la mer”. Elle est puissante sur le cœur d’El et les autres dieux la prennent pour médiatrice. Asherat de Ras Shamra n’a que le nom de commun avec Ashera de l’Ancien Testament, déesse de la végétation et associée de Baal. » Roland de VAUX, Histoire ancienne d’Israël, vol. 1, p. 143. Cƒ. André CAQUOT, Maurice SZNYCER, Andrée HERDNER, Textes ougaritiques, p. 68-73. 230 Plusieurs textes affirment que Baal est aussi le fils de Dagôn. A. CAQUOT explique que les spécialistes ont des difficultés à expliquer son titre de fils de Dagôn. Cƒ. André CAQUOT, Maurice SZNYCER, Andrée HERDNER, Textes ougaritiques, p. 52-55 ; Wolfgang HERRMANN, « Baal », p. 133. 231 Nous pouvons voir ici un parallèle avec la manière dont la reine Jézabel est présentée dans le texte biblique. Cƒ. supra p. 54. 232 Cƒ. André CAQUOT, Maurice SZNYCER, Andrée HERDNER, Textes ougaritiques, p. 103-365. 233 Éric CHALINE, Dieux et déesses, p. 16. 234 « Baal porte un nom commun, le “Maître”, qui est devenu son nom personnel, mais il a aussi un nom propre, Haddu à Ras Shamra, c’est-à-dire Hadad, la grande divinité sémitique de l’orage, qui amène la pluie et procure la fertilité. » Roland de VAUX, Histoire ancienne d’Israël, vol. 1, p. 143. Cependant, quelques auteurs pensent que Baal et Hadad sont deux divinités différentes. Voir aussi Wolfgang HERRMANN, « Baal », p. 132. 235 André CAQUOT, Maurice SZNYCER, Andrée HERDNER, Textes ougaritiques, p. 73.

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Cependant, le combat entre Baal et Môt, dieu de la mort,236 va mettre en péril la fertilité et la vie de

la terre. D’après le mythe, Môt a avalé Baal et l’a emporté aux enfers237. Sa disparition représente

l'automne238, c’est-à-dire la mort de la végétation. Mais Baal est ressuscité. Sa résurrection représente

la renaissance de la nature. Le mythe de Baal le montre donc à l'œuvre dans le cycle des saisons. De

lui dépendait la réussite de la moisson.

Enfin, Baal est aussi un dieu guerrier dont la voix est le tonnerre. Ses armes, forgées par son frère

Kothar, sont la foudre dont le dieu est le maître239. Il est connu comme l’être puissant, le plus puissant

des héros. Par conséquent, Baal protège contre les forces destructrices. Par exemple, la victoire de

Baal sur Yam, le dieu de la mer, fait de lui le protecteur de la navigation et des marins240. L’arbre

généalogique de Baal présenté ci-après met en relief les liens familiaux et les conflits existant entre les

principales divinités de sa famille.

Tous ces éléments permettent d’établir une sorte de profil de Baal et d’ébaucher quelques

parallèles avec l’ordalie au Carmel.

Premièrement, Baal est le dieu suprême dans bien des civilisations. Deuxièmement, ses attributs

varient en fonction des différentes régions mais quelques-unes de ses caractéristiques sont

236 Éric CHALINE, Dieux et déesses, p. 17. 237 Ibid., p. 16. 238 M. YON explique que cela « symbolise de l’eau fécondante, et son retour est interprété comme un mythe des saisons et de la fertilité agricole, liée dans cette région de la Syrie aux réalités climatiques : disparition des pluies pendant l’été, et retour des nuages et des pluies, avec l’automne. [...] On notera dans les récits des mythes agraires, le rythme annuel des saisons. » Marguerite YON, « Les mythes et légendes », p. 275. 239 Ibid., p. 275. Les archéologues ont aussi trouve à Ras Shamra une stèle datant du XVe siècle av. J.-C., que l’on a nommée le Baal au foudre. Cette stèle se trouvé aujourd’hui au musée du Louvre, à Paris. Cƒ. illustration 1, p. 58. 240 « Dans une tentative d’accession au pouvoir, Yam exigea que les dieux lui livrent Baal, mais celui-ci sortit vainqueur du combat et fit prisonnier Yam. » Éric CHALINE, Dieux et déesses, p. 17.

BaalMaître de la terre,

de l’orage, de la pluie et de la fertilité.

ELPère des dieux,

créateur de l’univers 

Athirat (Ashéra)Mère des dieux,dame de la mer

Famille divine de Baal d’après les textes de Ras Shamra

70 Fils divinsParmi les plus connus

AnatDéesse combattante

et de l’amour

YamPrince de la mer

MôtMaître de la mort et de la stérilité

Sœur et épouse de Baal

Frères et adversaires de Baal

Page 48: LÕordalie au Mont Carmel

~ 47 ~

permanentes partout. Dieu de la tempête et de la fertilité, il offre aux peuples la vie et la fertilité. S’il y

avait un dieu qui pouvait mettre fin à la sécheresse (1 R 18.2), c’était bien Baal. De plus, il contrôle les

quatre éléments naturels fondamentaux (terre, eau, air et feu). Le défi lancé par Élie faisait donc

preuve d’une stratégie extraordinaire, car faire descendre du feu du ciel relevait de l’un des domaines

principaux de Baal. En outre, en tant que divinité de l’atmosphère, il était aussi le dieu des montagnes.

C’est pour cela que le choix du lieu de l’ordalie n’est pas insignifiant. En plus d’être un haut lieu, le

mont Carmel241 était à la frontière de la Phénicie, territoire de Baal par excellence. Finalement, Baal

est un combattant énergique, qui a le pouvoir d'oindre les rois242 pour apporter protection, sécurité

et prospérité au peuple. Il est invoqué pour assurer la vie et le bien-être du peuple. Ainsi, le défi

proposé par Élie dans 1 R 18.20-40 s’attaque directement à ses attributs et caractéristiques. Comme

tous les avantages étaient du côté du Baal, si YHWH remportait le duel, il ne ferait plus aucun doute

qu’il était le Dieu d’Israël.

2.3 Essor du baalisme sous la royauté en Israël

L’étude vétérotestamentaire de 1 R 18.20-40 a mis en évidence que l’essor du culte de Baal en

Israël a eu lieu pendant la période du schisme d’Israël. Étudions-en maintenant le contexte historique

et théologique. Pour ce faire, rappelons brièvement comment est apparue la monarchie au sein du

peuple d’Israël et comment les événements ont évolué pour arriver à la division du pays en deux

royaumes. Connaître les conséquences de la division des royaumes permettra de comprendre les

répercussions que cela a entraîné dans le royaume du Nord, dont l’essor du baalisme, de mieux saisir

le contexte de notre péricope ainsi que l’hésitation du peuple entre une divinité et l’autre (1 R

18.21,24).

Pendant la période des Juges (environ 1200 à 1050 av. J.-C.), la situation est devenue délicate pour

les tribus d’Israël dépourvues de roi243. Les Philistins n'étaient pas vaincus et tout autour des tribus

d’Israël, ses voisins244 s'organisaient. Face à ces multiples périls, le peuple a demandé au Seigneur, par

l'intermédiaire du prophète Samuel, un roi pour réunir les tribus sous une même autorité chargée de

conduire les armées, mener les guerres et juger le peuple. Israël pourrait ainsi avoir un système

241 « De tous les temps, semble-t-il, le Carmel fut une montagne sainte. Déjà au milieu du IIe millénaire, on l’appelait le Cap Sacré, Rôsh Qadôsh, et le promontoire portait un sanctuaire de Baal, qui existait encore à l’époque romaine [...]. Lorsque, sous David, les Israélites prirent possession de la montagne, ils y installèrent le culte de Yahvé, à la pointe sud-est où la chaîne culmine au-dessus de la plaine de Yizréel […] Le Cap Carmel ne répond pas aux exigences du récit de 1 R 18 qui sont satisfaites si on place la scène aux environs d’El-muhraqa. Ce site a, de plus, l’appui de la tradition. » Roland de VAUX, Bible et Orient, p. 485. « [Le mont Carmel] dominant la mer, ce site était un lieu typique de vénération d’un dieu de l’orage [...]. » Pierre BORDREUIL, Françoise BRIQUEL-CHATONNET, Le Temps de la Bible, p. 270. 242 Voir illustration 1, p. 58. 243 « La tradition biblique nous décrit Israël comme un ensemble de treize tribus. Douze d’entre elles possédaient un territoire et se choisissaient un chef. La treizième - celle de Lévi - formait un groupe sacerdotal. Ses membres, les prêtres, vivaient dans les villes des autres tribus. [...] Les “juges” ne se contentaient pas de s’occuper des affaires légales, ils étaient aussi des hommes d’armes. » Richard LEBEAU, Une Histoire des Hébreux. De Moïse à Jésus, Paris, Tallandier, 2000, p. 79. 244 « Au nord, la Phénicie assure sa puissance sur la côte, et protège son arrière-pays. Les Araméens sont devenus une puissance [...]. À l’ouest et au sud, Ammon et Édom affermissent leurs royaumes. » François CASTEL, Histoire d'Israël et de Juda, p. 99.

Page 49: LÕordalie au Mont Carmel

~ 48 ~

politique semblable à celui des autres nations (1 S 8.1-22). Bien que cela ne fût pas le plan de Dieu

pour son peuple dont il devait être le roi (1 S 8.7), Dieu répondit favorablement à la demande du

peuple. C’est ainsi qu’a débuté la période de la monarchie israélite. Soulignons ici le lien que l’auteur

du livre des Rois fait avec cette période dans le récit du Carmel. C’est-à-dire que l’action du prophète

Élie (reconstruire l’autel avec les douze pierres, 1 R 18.31) et sa prière (« YHWH, Dieu d'Abraham,

d'Isaac et d'Israël, en ce jour fais connaître que toi, tu es Dieu en Israël et moi ton serviteur et que

selon ta parole j’ai fait toutes ces choses. », 1 R 18.36), impliquent que le lecteur est censé

comprendre qu’à l’époque des Juges, la situation d’Israël était meilleure car leur roi était YHWH lui-

même.

Le système politique de la monarchie israélite restait basé sur la théocratie : le pouvoir émanait de

Dieu et le roi était considéré comme son représentant sur terre. Le premier roi choisi par Dieu fut

Saül (1 S 10.1). Le deuxième roi oint d’Israël fut David (1 S 16.12-13). Il commença à régner à l’âge

de trente-sept ans, (2 S 5.4) et mourut à soixante-dix-sept ans, après un règne de quarante ans (1 R

2.10, 1 Ch 29.27). « Sous David, Israël devient l’un des États les plus important du Moyen-Orient245.

La capitale fondée par lui, Jérusalem, restera pour toujours le centre politique et spirituel des

Hébreux246. » Le texte biblique confirme que cela fut possible grâce à un accord ou une alliance entre

David et les anciens des tribus (2 S 5.1-3). Enfin, le dernier roi consacré par Dieu fut Salomon (1 R

1.39). La Bible dit que son règne a été affermi durant quarante ans (1 R 2.12 ; 11.41-43). Après deux

si long règnes glorieux, pourquoi le schisme s’est-il soudain produit et avec quelles conséquences247 ?

2.3.1 Schisme en Israël

Après la mort de Salomon (environ 931 av. J.-C.), l’unité du royaume d’Israël ne pouvait être

maintenue248. « Les effets de la grande crise salomonienne ne se font pas attendre : Salomon meurt,

et son Empire se divise249. » Lorsqu’il était encore en vie, Salomon avait pris des mesures sévères

pour assurer la succession au trône. Roboam, son fils aîné, accéda donc légitimement au trône. Dès

les premiers jours de son règne, le régime fut remis en cause. Par exemple, le roi dut se plier à une

cérémonie d’investiture populaire (1 R 12 et 2 Ch 10) que ni Salomon, ni David n’avaient connue. Ainsi

245 Des auteurs contemporains remettent aujourd’hui en question la puissance du royaume de David, voire son existence car les preuves archéologiques, loin d’appuyer ces théories, vont jusqu’à les contredire. Cependant, notre but n’est pas d’entrer dans le débat de l’(in)existence des royaumes d’Israël et de Juda, mais de voir l’évolution de l’histoire d’Israël selon ce que nous raconte le livre des Rois. Cƒ. à ce sujet Israël FINKELSTEIN, Neil Asher SILBERMAN, La Bible dévoilée, p. 177-226 ; William DEVER, Aux origines d’Israël, p. 245-265. 246 André NEHER, Renée NEHER, Histoire biblique du peuple d'Israël, vol. I, Paris, Maisonneuve, 1962, p. 304. 247 « Le récit de la division définitive entre Juda et Israël (1 R 11-12; 14) apparaît dans la LXX ancienne sous une autre forme que dans le TM […]. » Pour approfondir les différences, consulter Adrian SCHENKER, « Jéroboam et la division du royaume dans la Septante ancienne : LXX 1 R 12,24 a-z, TM 11-12 ; 14 et l'histoire deutéronomiste », in Albert de PURY, Thomas RÖMER, Jean-Daniel MACCHI (éd.), Israël construit son histoire. L'historiographie deutéronomiste à la lumière des recherches récentes, Genève, Labor et Fides, 1996, p. 193-236. 248 Les crises sont d’un autre ordre : politique, militaire, économique, social, religieux et moral. Pour approfondir la question de la crise salomonienne, voir André NEHER, Renée NEHER, Histoire biblique du peuple d'Israël, vol. I, p. 338-344. Jacques CAZEAUX, Saül, David, Salomon : la royauté et le destin d'Israël, Paris, Cerf, 2003, p. 289-364. 249 André NEHER, Renée NEHER, Histoire biblique du peuple d'Israël, vol. 2, Paris, Maisonneuve, 1962, p. 353.

Page 50: LÕordalie au Mont Carmel

~ 49 ~

Roboam, roi de Juda, s’est rendu à Sichem, pour être reconnu roi d’Israël250. Mais pourquoi alors la

division du royaume ? Plusieurs raisons peuvent être invoquées251.

D’abord une raison d’ordre théologique. Le livre des Rois dit clairement que la rupture est la

sanction des infidélités de Salomon, parce qu’il a adoré avec ses femmes étrangères les dieux des

peuples voisins (1 R 11.1-13). D’après le récit biblique, Salomon construira dans la montagne face à

Jérusalem, probablement le mont des Oliviers appelé en 2 R 23.12 mont de la Destruction, un haut

lieu pour divers dieux252, dont Milkom (dieu des Ammonites), Kémoch (dieu des Moabites), pour

Astarté, la déesse des Sidoniens253 (1 R 11.5) et parèdre féminin de Baal. Force est de constater que

les cultes aux divinités étrangères sont introduits de manière officielle et présentés comme initiative

de la couronne à partir du règne de Salomon.

Viennent ensuite des raisons d’ordre politique. Premièrement, comme déjà dit, la consolidation du

royaume unifié était encore très récente et faible à la mort de Salomon. Deuxièmement, même sous

le règne de David, l’unité fut menacée (par Absalom et Shéba, 2 S 15.1-12 ; 20.1-3). Sous le règne de

Salomon, les tribus du nord se révoltèrent autour de Jéroboam254. Troisièmement, « la révolte de

Jéroboam semble indiquer qu’Israël était plus durement frappé par l’impôt que Juda. En tout cas les

tribus du nord se plaignent avec insistance des travaux forcés255. »

Enfin, le royaume de Juda accepta le fils de Salomon comme roi alors que les tribus du nord

avaient posé leurs exigences. Elles voulaient un allègement des taxes (1 R 12.3-4). Roboam, suivant le

conseil cruel des anciens qui avaient servi son père, refusa d’accorder cette faveur au peuple. Dans

l’assemblée d’Israël, la foule proclamait son indépendance : « Pas d’héritage avec le fils de Jessé ! À tes

tentes Israël » (1 R 12.16). Roboam dut prendre la fuite pour aller se réfugier à Jérusalem (1 R 12.18).

« Il est facile de comprendre cette chute politique. Conséquence d’un affaiblissement progressif et

continu, le schisme aggravait, et manifestait aux yeux de tous, la vulnérabilité de l’Empire

salomonien256. » Le texte déclare qu’après à la révolte contre Roboam, le peuple d’Israël apprit que

250 Certains auteurs considèrent que l’unité du royaume n’était pas encore confirmée car « l’unité entre Juda et les tribus du nord ne s’est faite qu’autour de la personnalité du roi David. Jusqu’à lui, Juda au sud, Israël au nord, avaient vécu séparés. L’unité est encore très récente à la mort de Salomon. » François CASTEL, Histoire d'Israël et de Juda, p. 99. Cƒ. André NEHER, Renée NEHER, Histoire biblique du peuple d'Israël, vol. 2, p. 353 ; Richard LEBEAU, Une Histoire des Hébreux, p. 98-99 ; Robert MICHAUD, De l'entrée en Canaan à l'exil à Babylone, p. 74-104 ; Joseph BLENKINSOPP, Une histoire de la prophétie en Israël. Depuis le temps de l'installation en Canaan jusqu'à la période hellénistique, Cerf, Paris, 1993, p. 76. 251 François CASTEL, Histoire d'Israël et de Juda, p. 99. 252 « L’Ancien Testament, lui-même atteste pour l’époque royale l’existence des bamot, des sanctuaires situés sur des collines et, dans la plupart des cas, en plein air. Même Salomon se rend à un tel sanctuaire situé à Gibéoon, où il reçoit un message divin au cours d’un songe incubatoire 1 R 3. [Le songe incubatoire est] dans l’Antiquité une pratique courante pour entrer en contact avec une divinité. On se rend au sanctuaire où l’on est “préparé” par le prêtre (sacrifice, drogues, etc.) pour la rencontre avec le divin. » Thomas RÖMER, Dieu obscur. Le sexe, la cruauté et la violence dans l'Ancien Testament, Genève, Labor et Fides, 1998, p. 37. 253 Dans l'antiquité, Sidon fut la capitale de la Phénicie. Cƒ. carte, p. 57. 254 Le texte biblique dit que Jéroboam était fils de Nebath, lequel faisait partie de la cour de Salomon (1 R 11.26-40). « Jéroboam 1, de la tribu d’Éphraïm, n’est pas un inconnu. [...] Accusé de révolte, menacé de mort par Salomon, il s’était réfugié en Égypte. Revenu d’exil, il ne demande pas mieux que de répondre à l’attente du peuple. » Robert MICHAUD, De l'entrée en Canaan à l'exil à Babylone, p. 76. 255 François CASTEL, Histoire d'Israël et de Juda, p. 99. 256 André NEHER, Renée NEHER, Histoire biblique du peuple d'Israël, vol. 2, p. 356.

Page 51: LÕordalie au Mont Carmel

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Jéroboam était de retour et le proclama roi (1 R 12.20). À partir de l’accession de Jéroboam au

trône, il y aura deux royaumes, celui d’Israël au nord et celui de Juda, au sud257. C’est la rencontre de

deux ambitions antagonistes, celles de Roboam et de Jéroboam à l’heure de la succession de

Salomon, qui a été fatale pour l’unité de la monarchie davidique258.

Quelles sont les conséquences du schisme ? Elles sont de deux ordres. Sur le plan politique, le

schisme va se traduire par des guerres entre Israël et Juda, par conséquent par une grande instabilité,

surtout dans le royaume du Nord. La Bible témoigne des différentes guerres entre Israël et Juda

(1 R 5-16.3, 2 Ch 13-16). Pendant le premier demi-siècle du royaume divisé, le problème du royaume

du Sud était que Jérusalem se trouvait près de la frontière avec Israël. Les rois de Juda essayèrent de

la repousser plus au nord. Sur le plan économique, la situation d’Israël était meilleure que celle de

Juda, car il se trouvait au carrefour des routes qui vont d’Égypte vers Damas. Juda, mais aussi les

Philistins, les Phéniciens et les Araméens (qui seront bientôt relayés par les Assyriens) convoitaient

cette richesse. De plus, la rivalité avec Moab était toujours présente à l’est. « Face à cette multitude

de périls, Israël aurait eu besoin d’un régime stable. Or, sans tradition dynastique, le Nord connaîtra

dix-neuf rois en deux cents ans259. » En Juda, la situation était différente. Au cours de la dynastie de

David, le pays, partagé en plusieurs clans, connut une succession de coups d’États remarquables.

Contrairement à la situation d’Israël, qui était instable, celle de Juda était forte et stable, notamment

grâce à la continuité du pouvoir.

Le schisme ne représentait pas seulement une division politique mais aussi une division religieuse.

Israël et Juda avaient la même religion mais non sans nombreux problèmes. D’une part, Roboam

profitait de Jérusalem, capitale de son royaume et siège du temple de YHWH. Autrement dit, « le

royaume de Juda maintient, sans modification notable, la religion de la Thora, bien soutenue par le

clergé lévitique du Temple de Jérusalem260. » D’autre part, Jéroboam, suite à la division du royaume,

entreprit une réforme religieuse païenne pour empêcher ses sujets de se rendre plusieurs fois par an

du Nord au Sud, à Jérusalem, capitale de Juda, pour les grandes fêtes religieuses. Il avait peur de

l’influence subversive que les habitants du royaume de Juda auraient pu exercer sur les citoyens du

Nord. Les deux royaumes ont par conséquent mené une existence autonome261. Ainsi, il n’y avait pas

seulement deux États hébraïques séparés, mais aussi deux religions hébraïques distinctes. « La

257 Cƒ. carte, p. 57. Pour approfondir, cƒ. Yohanan AHARONI, Michael AVI-YONAH, La Bible par les cartes, n° 6, 7, 70, 118. François CASTEL, Histoire d'Israël et de Juda, p. 86, 98. Bill REEVES, Geografía histórica de la Biblia, Texas, New Braunfels, 1992, n° 10. 258 A. SCHENKER appelle cette histoire l’histoire des deux ambitions, car elle raconte « l’ambition d’un usurpateur, Jéroboam, qui veut s’arroger un pouvoir qui ne lui revient pas, et l’ambition d’un nouveau roi, Roboam, qui veut prouver par l’arrogance qu’il est supérieur à son père. » Adrian SCHENKER, « Jéroboam et la division du royaume », p. 193-194. 259 François CASTEL, Histoire d'Israël et de Juda, p. 101. 260 André NEHER explique aussi que, « sans doute, la syncrèse favorisée par Salomon laisse des traces ; les cultes idolâtres, introduits par les femmes du grand roi, continuent à se maintenir et Astarté, en particulier, trouve de nombreuses adoratrices parmi les femmes judéennes. Mais les rois s’efforcent, dans l’ensemble de purifier le culte hébraïque [...]. Vers la fin du premier demi-siècle d’existence autonome, le Royaume de Juda atteint un niveau remarquable d’intensité religieuse et de fidélité au monothéisme le plus pur. » André NEHER, Renée NEHER, Histoire biblique du peuple d'Israël, vol. 2, p. 359. 261 Robert MICHAUD, De l'entrée en Canaan à l'exil à Babylone, p. 74.

Page 52: LÕordalie au Mont Carmel

~ 51 ~

différence entre les deux États peut se définir en termes religieux : le royaume de Juda est fidèle à la

Thora ; le Royaume d’Israël est fidèle à la doctrine de Jéroboam262. »

Désormais, nous allons suivre la nouvelle autonomie du royaume du Nord sans plus tenir compte

du royaume du Sud car, « non seulement le culte de Baal n’a pas été popularisé en Juda comme il l’a

été au Nord, mais si Baal a été vénéré à Jérusalem, il le fut sous la période des Omrides comme culte

de cour263. »

2.4 Israël, royaume du Nord

Le nouveau roi d’Israël, Jéroboam, voulait rompre tous les liens avec le Sud car il ne voulait pas

d’une indépendance partielle. Il ne voulait pas rétablir le culte de la Torah parce que celui-ci accordait

au temple de Jérusalem un rôle principal. Pour éviter que le peuple ne se rende à Jérusalem, où se

trouvait l’arche de l’alliance, il érigea deux taureaux d’or aux extrémités de son royaume, l’un à Beth-

El et l’autre à Dan264, et instaura de nouvelles fêtes (1 R 12.32-33). Il est intéressant de souligner que

les taureaux265 sont des animaux associés au dieu El266 des Cananéens. « On peut penser que

Jéroboam créait ainsi une identité située entre El et Yahvé. Fondre Yahvé et El était une mesure de

bonne politique267 » car, dans le Nord existait une forte densité de population cananéenne268. Donc

« Jéroboam s’arroge les fonctions de grand-prêtre : il détient ainsi le contrôle suprême de la

“nouvelle” religion imposée à ses sujets. [...] la nouvelle religion se développe avec une rapidité très

grande269. » Le nouveau phénomène religieux imposé par Jéroboam en Israël a donc fortement

contribué au syncrétisme religieux.

262 André NEHER, Renée NEHER, Histoire biblique du peuple d'Israël, vol. 2, p. 360. 263 Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 302. Cƒ. Françoise BRIQUEL-CHATONNET, Les relations entre les cités de la côte phénicienne et les royaumes d’Israël et Juda, Leuven, Peeters Press, 1992, p. 293-298. Pour approfondir ses connaissances sur le royaume de Juda, cƒ. Richard LEBEAU, Une Histoire des Hébreux, p. 99 ; Jacques BRIEND, Israël et les nations d'après les textes du Proche-Orient ancien, Paris, Cerf, 1989, p. 49-93 ; Robert MICHAUD, De l'entrée en Canaan à l'exil à Babylone, p. 74-104 ; Roland de VAUX, Les Institutions de l'Ancien Testament. Le Nomadisme et ses survivances, institutions familiales, institutions civiles, vol. I, Paris, Cerf, 1961, p. 149-151 ; Thomas RÖMER, La Première histoire d'Israël. L'école deutéronomiste à l'œuvre, Genève, Labor et Fides, 2007, p. 165-172. 264 Voir carte, p. 57. 265 Plusieurs interprétations ont été proposées à la symbolique des taureaux. Limitons-nous ici à noter avec Frank EAKIN, « Yahwism and Baalism before the exile », p. 412, qu'il est possible d'associer d'une certaine façon ces “petits taureaux” au culte de Baal. Pour, Robert MICHAUD, De l'entrée en Canaan à l'exil à Babylone, p. 76, « Le culte du taureau, symbole de la fertilité, était très répandu dans le monde érotique où vivent désormais les enfants de Rachel. » En outre, J. BLENKINSOPP explique que l’image des taureaux représente « de vrais objets de culte qui signifiaient le rejet du culte de Yahvé et que le choix fut dicté pour concilier les enclaves cananéennes qui survivaient. » Joseph BLENKINSOPP, Une histoire de la prophétie en Israël, p. 78. 266 D’après les textes ougaritiques, le dieu El était le père de Baal. Pour approfondir les attributs du dieu El, cƒ. Wolfgang HERRMANN, « El », p. 274-280 ; Olivier ODELAIN, Raymond SEGUINEAU, « El », p. 158 ; Conrad L’HEUREUX, Rank among the canaanite gods. El, Ba‘al, and the Repha’im, Montana, Scholars Press, 1979, p. 3-12 ; Roland de VAUX, Histoire Ancienne d’Israël, vol. 1, p. 261-269. 267 Richard LEBEAU, Une Histoire des Hébreux, p. 100. 268 « Les Cananéens ont été le peuple avec lequel les Hébreux ont eu le plus de relations de façon continue, car ils ont été les habitants de la Palestine pendant longtemps. Ce peuple et ce pays [Canaan] sont les plus mentionnés dans le Pentateuque, par rapport aux autres peuples ou pays. » Herbert LIVINGSTON, A History of Pentateuchal traditions, Grand Rapids, Baker Books, 1987, p. 29. 269 André NEHER, Renée NEHER, Histoire biblique du peuple d'Israël, vol. 2, p. 359-360. « Tous les rois du Nord seront donc ensuite systématiquement blâmés pour ce qui est appelé “le péché de Jéroboam” ». Thomas RÖMER, La Première histoire d'Israël, p. 106.

Page 53: LÕordalie au Mont Carmel

~ 52 ~

2.4.1 Stabilisation du royaume à tout prix

Nous ne prétendons pas faire une étude circonstanciée de la politique d’Israël mais simplement

une esquisse de sa situation politique afin de mieux comprendre les difficultés auxquelles le royaume

était confronté après le schisme, comment la stabilité a pu être rétablie et quelles en ont été les

conséquences religieuses.

Une grande instabilité s’installe après le règne de Jéroboam. Le fils de Jéroboam, Nabad, est monté

sur le trône d’Israël pour être rapidement destitué lors d’une conspiration (1 R 15.27). Basha a été le

bénéficiaire de ce coup d’État270. Il a régné sur Israël et repris la guerre contre Juda (2 Ch 16.1-6). Éla,

le fils de Basha, lui a succédé, mais l’un de ses officiers, Zimri, chef de la moitié des chars, a fait un

nouveau coup d’État. Zimri a éliminé toute la descendance de Basha (1 R 16.8-14). Cependant, le

coup d’État échoue grâce à l’action de l’armée dirigée par Omri. Puis une guerre civile de quatre ans

se solde par la victoire de l’armée d’Omri sur le parti de Zimri. « Omri va faire ressurgir le royaume

d’Israël de ses ruines et lui donner un éclat remarquable271. »

Bien que le royaume du Nord ait trouvé la stabilité au cours de la dynastie d’Omri272, il ne faut pas

négliger que la Bible porte un fort jugement contre ses actions et celles de sa dynastie, car il a fait ce

qui a déplu à Dieu (1 R 16.25-26). Que fit Omri pour assurer la stabilité du royaume ? Selon le récit

biblique (1 R 16.23-24), l'une de ses premières actions a été de fonder une nouvelle capitale à

Shémer, un lieu stratégique273. La nouvelle capitale, Samarie, est devenue résidence royale. Ensuite,

Omri a pratiqué une politique de diplomatie qui permettra au royaume du Nord de connaître un

essor pacifique. Israël va vivre en paix grâce à un réseau d’alliances avec la Phénicie, Aram, les royautés

transjordaniennes et même avec le Royaume de Juda 274 . J. BLENKINSOPP explique qu’elles

« permirent à la maison d’Omri de poursuivre une forte politique d’expansion au nord et à l’est,

politique qui comprenait des alliances commerciales avec les cités prospères des Phéniciens275. »

C’est l’alliance avec la Phénicie qui nous intéresse particulièrement276. Plusieurs auteurs277 observent

que pour réaliser ses desseins, le roi d’Israël Omri a négocié le mariage de son fils Achab avec Jézabel,

270 Philippe ABADIE, « De Nadab à Omri une succession de coups d’États », Biblia 57 (2007), p. 6-33. 271 André NEHER, Renée NEHER, Histoire biblique du peuple d'Israël, vol. 2, p. 362, 374. 272 Le livre des Rois décrit brièvement Omri comme un homme d'État fort et très capable. En tant que fondateur de sa dynastie, il a initié les politiques qui ont conduit à la controverse amère entre la cour et les prophètes. Herbert PARZEN, « The prophets and the Omri dynasty », Harvard Theological Review 33 (1940/2), p. 69. 273 « Le site est remarquablement choisi, au carrefour des routes allant au sud vers Sichem et Jérusalem, au nord vers Megiddo, Damas et le pays phénicien, à l’ouest vers la côte. » François CASTEL, Histoire d'Israël et de Juda, p. 102. 274 André NEHER, Renée NEHER, Histoire biblique du peuple d'Israël, vol. 2, p. 375. 275 Joseph BLENKINSOPP, Une histoire de la prophétie en Israël, p. 77. 276 « La Phénicie ne constituait pas un pays, mais un ensemble de cités-États régissant chacune son territoire : Tyr, et Sidon, comme Byblos ou Arwad plus au nord, étaient indépendantes dès l’âge du Bronze. » Pierre BORDREUIL, Françoise BRIQUEL-CHATONNET, Les relations entre les cités de la côte phénicienne, p. 266. 277 Joseph BLENKINSOPP, Une histoire de la prophétie en Israël, p. 77-79. Pierre BORDREUIL, Françoise BRIQUEL-CHATONNET, Le Temps de la Bible, p. 266-269. François CASTEL, Histoire d'Israël et de Juda, p. 102-104. Richard LEBEAU, Une Histoire des Hébreux, p. 104-109. André LEMAIRE, Naissance du monothéisme, p. 66-68. André NEHER, Renée NEHER, Histoire biblique du peuple d'Israël, vol. 2, p. 375-382. Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 365-369.

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~ 53 ~

fille d’Eth-Baal278, roi des Sidoniens (1 R 16.31). L’arrivée de la princesse phénicienne comme reine à

la cour de Samarie a renforcé les liens entre les deux royaumes. Cette union était avantageuse pour

les deux rois. Sur le plan politique, elle a trouvé un appui extérieur contre les éventuels conflits avec

les autres royaumes279. Sur le plan économique, Israël est devenu un pays agricole, et a donc dû

trouver des acheteurs pour ses produits car les relations avec les états araméens du Nord,

notamment Damas, étaient très faibles280. En outre, Samarie est proche de la route commerciale qui

relie les villes phéniciennes du nord au sud281. Elle est donc devenu une ville très importante et riche.

Le récit biblique témoigne de la richesse du royaume à cette époque : Achab y construisit un palais

encore plus beau que celui de son père pour sa nouvelle épouse et pour lui-même (1 R16.24)282, à

l'architecture syro-phénicienne.

Si ces différentes mesures ont conféré la stabilité politico-économique à la dynastie des Omrides,

ce fut au prix de lourdes conséquences. L’alliance conclue avec la Phénicie a notamment eu des

répercussions énormes sur le plan religieux en Israël. Une religion ancienne va y réapparaître,

désormais avec l’appui officiel de la couronne. Différente de celle de Jéroboam, elle finira par être

imposée au peuple. Dorénavant, les fidèles au culte de la Thora seront systématiquement exterminés

au profit du baalisme.

2.4.2 Officialisation du baalisme

Le mariage entre Achab et Jézabel a eu des répercussions, entre autres d’ordre religieux qui se

firent sentir jusqu’à la chute du royaume du Nord. La princesse phénicienne qui s’était installée sur le

trône d’Israël était une zélatrice de la religion phénicienne283. Sa religion avait pour dieu principal Baal.

278 « Ce titre désigne le roi de Tyr, dont le nom Ithobalos (Ittobaal en phénicien, c’est-à-dire “Baal est avec lui”) a été transmis en grec par Flavius Josèphe à la fois dans un extrait de chroniques tyriennes et dans une liste des rois Tyr. Ittobaal est un des rares rois de Tyr pour lesquels nous disposions des informations remontant probablement à des sources phéniciennes. Le texte biblique lui donne le titre de roi de Sidon, alors qu’on attendait “roi de Tyr”, comme dans les notices transmises par Flavius Josèphe. [...] Certes, le terme “Sidoniens” a parfois été employé pour désigner les Phéniciens de façon générale. [...] Les deux expressions sont manifestement équivalentes et montrent qu’au milieu du IXe siècle, les deux royaumes étaient regroupés sous l’égide du même souverain. Ittobaal, qui avait été prêtre d’Astarté, la grande divinité de Sidon, avant de devenir roi de Tyr, avait uni sous son sceptre Tyriens et Sidoniens » Pierre BORDREUIL, Françoise BRIQUEL-CHATONNET, Le Temps de la Bible, p. 266-267. 279 Cƒ. Françoise BRIQUEL-CHATONNET, Les relations entre les cités de la côte phénicienne, p. 63-72. 280 « Avec Israël, au sud, dont la Bible met en scène les relations souvent étroites avec Tyr. [...] Il [le texte] rend compte d’un commerce actif portant sur le bois du Liban et l’artisanat du bronze d’une part sur le blé et l’huile d’autre part : les deux États savent tirer parti d’économies complémentaires. » Françoise BRIQUEL-CHATONNET, « Les Phéniciens, ou la splendeur de Tyr », L’histoire (2002/265), p. 42. Cƒ. Françoise BRIQUEL-CHATONNET, Les relations entre les cités de la côte phénicienne, p. 229-270. 281 Richard LEBEAU, Une Histoire des Hébreux, p. 104. 282 « Les fouilleurs ont découvert les fondations du palais d’Omri, et celles, plus importantes du palais d’Achab, ainsi que ses ruines, au sommet de la colline de Samarie. […] Toutes ces découvertes ont confirmé le récit du premier livre des Rois (22.39), qui parle de la maison d’ivoire comme d’une des réalisations majeures d’Achab. » Franck THOMPSON, La Bible Thompson, p. 1954. 283 Plusieurs auteurs sont d’accord sur l’idée que la religion phénicienne ne diffère pas de la religion cananéenne. « Le culte de Baal [religion de Jézabel] ne représentait finalement que le renouveau de traditions ancestrales locales, “cananéennes”. » André LEMAIRE, Naissance du monothéisme, p. 67. Sur la religion cananéenne cƒ. Édouard ARCHINARD, Israël et ses voisins asiatiques. La Phénicie, l'Aram et l'Assyrie de l'époque de Salomon à celle de Sanchérib, Genève, Béroud, 1890, p. 118-122 ; Françoise BRIQUEL-CHATONNET, Les relations entre les cités de la côte phénicienne, p. 303-313 ; Édouard DHORME, Les Religions de Babylonie et d'Assyrie, Paris, Presses universitaires de France, 1949, p. 355-368.

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Le culte qu’elle offrait à son dieu peut être décrit de la manière suivante :

« […] frénétique et orgiastique ; l’enthousiasme sacré et l’extase sont obtenus par l’absorption de liqueurs fortes, de vins ; des danses sauvages marquent les grands moments de délire. En Phénicie, l’orgie s’intègre aux éléments fondamentaux de la vieille religion agraire cananéenne : mutilations sanglantes, débauches sexuelles, sacrifices humains284. »

Telle est la religion que Jézabel a introduite dans le royaume du Nord. Elle va faire changer en

quelques mois le visage de la religion en Israël285. Le livre des Rois parle de l’arrivée de Jézabel à

Samarie en évoquant ses conséquences religieuses, en particulier de l’introduction du culte de Baal

(1 R 16.31-32). Jézabel286 est décrite comme une reine tyrannique qui a causé l’infidélité d’Israël et qui

a cherché à anéantir la religion de YHWH. Pour arriver à ses fins, le texte dit qu’elle a massacré

(littéralement retranché) les prophètes du Seigneur (1 R 18.4,13) et qu’elle a amené avec elle quatre

cent cinquante prophètes de Baal et quatre cents prophètes d’Astarté287 (1 R 18.19), soit un total de

huit cent cinquante prophètes. Sans doute introduit-elle cette masse de prophètes païens pour

endoctriner le peuple d’Israël à sa religion. Finalement, Achab va ériger un temple à Baal à Samarie288,

ce qui est décrit comme une preuve d’apostasie (1 R 16.32). Donc, la religion de la princesse

phénicienne a obtenu l’appui officiel de la couronne.

En résumé, les alliances qu’Israël avait conclues pour trouver la stabilité socio-politique du

royaume après le schisme ont entraîné des conséquences principalement religieuses. C’est la

conjonction de ces causes qui a conduit à l’essor du culte de Baal dans le royaume du Nord.

2.4 Résumé de la deuxième partie

Toutes les pièces du puzzle mises ensemble, l’on constate que c’est la conjonction de plusieurs

284 André NEHER, Renée NEHER, Histoire biblique du peuple d'Israël, vol. 2, p. 388-390. 285 « Il est vraisemblable aussi qu’au temps d’Achab une grande partie de la population du royaume avait adapté le culte de Yahvé à celui des divinités de la fertilité. » Joseph BLENKINSOPP, Une histoire de la prophétie en Israël, p. 78. HAYYIM Angel, « Hopping between two opinions: understanding the biblical portrait of Ahab », Jewish Bible Quarterly 35 (2007/1), p. 3-10. 286 L’image de Jézabel est si négative qu’elle se traduit même « dans la vocalisation que les massorètes [savants qui ont établi la vocalisation du texte hébraïque de l’AT] ont appliquée à son nom : à l’origine, celui-ci se référait sans doute à une naissance intervenue pendant la période d’été, quand Baal, seigneur des orages bienfaisants, était endormi, (1 R 18.27), occulté, et que la végétation périssait — la princesse s’appelait ’I-zebul, littéralement “Où est le Prince ?”, c’est-à-dire Baal, qui portait précisément ce titre dans la mythologie ougaritique. La vocalisation I-zebel change radicalement l’interprétation puisque ce nom signifie “Où est le fumier ?”. » Pierre BORDREUIL, Françoise BRIQUEL-CHATONNET, Le Temps de la Bible, p. 267-268. 287 Pour approfondir la question de la déesse, cƒ. Olivier ODELAIN, Raymond SEGUINEAU, « Astarté », Dictionnaire des noms propres de la Bible, p. 49. Nicholas WYATT, « Astarte », in VAN DER TOORN Karel, BECKING Bob, VAN DER HORST Pieter (éd.), Dictionary of deities and demons, p. 109-114. 288 « Pour comprendre la construction de ce temple de Baal à Samarie, il faut se rappeler, d’une part, que comme sous Salomon, et selon les coutumes de cette époque, une épouse royale d’origine étrangère, spécialement lorsqu’elle était elle-même “fille de roi”, avait droit à certains égards. Il était normal que son royal époux respecte, voire facilite la pratique de sa religion personnelle, éventuellement en lui bâtissant un sanctuaire, où son épouse pouvait l’inviter à l’accompagner de temps en temps. » André LEMAIRE, Naissance du monothéisme, p. 67. « Le temple de Baal à Samarie semble avoir regroupé les éléments caractéristiques des sanctuaires : un autel, une stèle et un arbre sacré. D’après les livres des Rois, le personnel affecté à ce culte était pléthorique, entretenu par la reine elle-même. » Sophie CLUZAN, De Sumer à Canaan, p. 280. Cƒ. aussi John EMERTON, « The House of Baal in 1 Kings XVI 32 », Vetus testamentum 47 (1997/3), p. 293-300.

Page 56: LÕordalie au Mont Carmel

~ 55 ~

éléments qui a contribué à ce que le peuple d’Israël se tourne vers le culte de Baal289. Les voici :

1) La religion de Baal existait avant l’entrée d’Israël en Canaan. Elle n’avait jamais été enrayée. Les

Cananéens étaient restés sur la Terre promise. Les Israélites s’étaient mélangés avec eux. Par

conséquent, l’arrivée de Jézabel avec ses prophètes païens permit la renaissance de la religion

cananéenne et entraîna le syncrétisme religieux des Israélites.

2) Les attributs de Baal comblaient parfaitement les besoins d’Israël.

a) Chaque dieu avait son propre territoire. Baal était le dieu de la terre de Canaan et cela a

engendré des confusions pour le peuple d’Israël.

b) Baal était le dieu de la pluie et la fertilité : i) La géographie de la région faisait que le peuple

avait impérieusement besoin de pluie, donc besoin d’un dieu agraire qui contrôle la nature ;

ii) Installé en Canaan, le peuple d’Israël était passé de l’état semi-nomade à l’état sédentaire. Il

commençait à pratiquer l’agriculture et avait besoin de l’expérience des Cananéens. Ainsi, il a

été séduit par les cultes agraires.

c) Baal était le dieu qui oignait les rois, les protégeait et faisait prospérer le peuple. Israël avait

eu de mauvaises expériences avec ses rois, donc Baal pouvait répondre à ses attentes.

3) Les similitudes entre YHWH et Baal ont fait tomber le peuple dans l'idolâtrie. Par exemple, Baal

était présenté comme le dieu de la foudre, et YHWH se présentait sous l’aspect du feu (Ex. 3.2 ;

19.18). De plus, tous deux se présentaient comme le chevalier des nuages.

4) Le schisme entre les deux royaumes a eu des conséquences néfastes pour la religion de YHWH

dans le royaume du Nord :

a) L'instauration des deux taureaux de Jéroboam a créé une sorte de nouvelle religion. Ainsi, la

religion de YHWH fut délaissée dans le royaume du Nord.

b) Les alliances entre Israël et la Phénicie lui ont valu une reine zélatrice de Baal, Jézabel. Cette

princesse phénicienne amenait dans ses bagages huit cents cinquante prophètes de Baal et

Astarté, dans le but évident i) d’endoctriner le peuple ; ii) de faire de la religion de Baal la

religion officielle de la couronne.

Par conséquent, le peuple d’Israël s’est tourné à plusieurs reprises vers Baal. Le culte qu’il lui

rendit eut pour conséquences une issue incontournable : une confrontation publique décisive entre

YHWH et Baal, devant forcer le peuple à choisir YHWH comme Dieu et à sortir de l’idolâtrie.

Il reste maintenant à voir quel est le but du texte dans son contexte original, quelle est la portée

théologique du récit de l’ordalie au mont Carmel, et finalement d’essayer de répondre à la

problématique de départ pour en tirer quelques applications actuelles.

289 Conclusions reprises à Leandro LOPEZ RODRIGUEZ, Israël entre le choix de Baal et Yhwh, mémoire de licence de la Faculté adventiste de théologie non publié, Collonges-Sous-Salève, 2012.

Page 57: LÕordalie au Mont Carmel

~ 56 ~

Tableau 2

Relevé des différentes formes prises par la racine leb dans l’AT

Livres de l’AT Baal

leb (60 fois) Le Baal

lebh (44 fois) Les Baals

oylebh (12 fois)

Genèse 36.38,39 (2)

Exode 14.2,9 (2)

Nombres 22.41 ; 25.3,5 ; 32.38 ; 33.7 (5)

Deutéronome 4.3 (2)

Josué 11.17 ; 12.7 ; 13.5,17 ; 15.60 ; 18.14 (7)

Juges 3.3 ; 6.32 ; 8.33 ; 9.4 ; 20.33 (5)

6.25,28,30-32 (6) 2.11 ; 3.7 ; 8.33 ; 10.6,10 (5)

1 Samuel 7.4 ; 12.10 (2)

2 Samuel 5.20 ; 13,23 (3)

1 Rois 16.31,32 ; 18.19,21,22,25,26,40 ; 22.53 (12)

18.18 (1)

2 Rois 4.42 ; 1.2,3,6,16 ; 6.16 ; 21.3 ; 23.4,5 (9)

3.2 ; 10.18,19,20,21-23,25-28 ; 11.18 ; 17.16 (20)

1 Chroniques 1.49,50 ; 5.5,23 ; 8.30,34 ; 9.36,40 ; 14.11 ; 27.28 (15)

2 Chroniques 26.7 (1) 23.17 (2)

Psaumes 106.28 (1)

Cantique des Cantiques

8.11 (1)

Jérémie 2.8 ; 7.9 ; 11.13,17 ; 12.16 ; 23.13,17 ; 32.39 (8)

19.5 ; 32.35 (3) 2.23 ; 9.14 (2)

Ézéchiel 25.9 (1)

Osée 2.8 ; 9.10 ; 13.1 (3) 2.13 ; 2.17 (2)

Sophonie 1.4 (1)

Pentateuque

Livres

prophétiques

Livres

historiques

Livres

poétiques

Page 58: LÕordalie au Mont Carmel

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Carte Conçue à partir de Franck THOMPSON, La Bible Thompson, n° 5.

ISRAËL

JUDA

AMMON

MOAB

ARAMÉENS

PHILISTINS

EDOM

MER

MO

RT

E(-

398

m.)

DÉSERT

LA GRANDE MER

Jour

dain

QichônMont

CARMEL

Dan

Beth-El

Jérusalem

Damas

Tyr

SidonROYAUME DIVISÉ

IXe - VIIIe siècle Av. J.-C.

Samarie

Lac de Galilée

200 6040

Échelle kilométrique approximative

Royaume du Nord

Royaume du Sud

Villes principales

Routes principales

Plaine de

Jezréel

Lieu de culte

545 m

Mont Guilboa 536 m

Mont Thbor 587 m

Page 59: LÕordalie au Mont Carmel

~ 58 ~

Le casque à cornes (symbole de puissance) rappelle le caractère divin du dieu doté de

la force du taureau.

Sa lance a deux extrémités. D’un côté, une pointe en fer, fichée dans le sol, de l’autre, une branche feuillue dirigée vers le ciel, évoquent la foudre (son manche se transforme en végétal). Cela rappelle la foudre qui touche la terre et inaugure

l’arrivée de la pluie.

Un personnage plus petit, probablement le roi d’Ougarit, placé

sous la protection du dieu.

Lignes ondulées représentant la montagne, demeure du dieu, dont les

fondations baignent dans la mer.

Lignes ondulées rappelant la mer.

Poignard dans son fourreau.

La massue dressée évoque le tonnerre.

Stèle calcaire provenant de Ras Shamra, XVe-XIIIe s. av. J.-C., Musée du Louvre, Antiquités orientales.

Illustration 1 stèle du Baal au foudre

Commentaire repris à Annie CAUBET, « Baal et Astarté », Le monde de la Bible 67 (1990), p. 50-52.

Photo personnelle au Musée du Louvre salle B, Sully Levant.

Page 60: LÕordalie au Mont Carmel

~ 59 ~

3. Monothéisme ou

Hénothéisme ?

Page 61: LÕordalie au Mont Carmel

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3. Monothéisme ou hénothéisme ?

Le débat actuel autour du monothéisme est délicat et très discuté290. D’une part, à cause de la

publication des résultats de certaines fouilles archéologiques qui ont donné un regain d’intérêt à cette

question. D’autre part, à cause de certains passages anciens de la Bible qui permettent de douter d’un

monothéisme exclusif, c’est-à-dire qu’il n’existe qu’un seul Dieu de l’univers, YHWH, en dehors de tous

les autres.

Mais, avant de pouvoir répondre à la question de départ, il est indispensable définir ce que nous

entendons par monothéisme et hénothéisme, afin de définir à quel type de récit participe l’ordalie au

mont Carmel. Cela permettra de proposer ensuite une thèse dont on tirera un message pour

aujourd’hui.

3.1 Monothéisme, hénothéisme et polythéisme

Monothéisme et polythéisme sont les préliminaires indispensables à la compréhension de

l’hénothéisme. Le terme de monothéisme est de création relativement récente291 et par conséquent,

ne se trouve pas dans la Bible, encore moins son antonyme, le polythéisme292. Les deux termes n’ont

rien de spécifiquement religieux, ils relèvent avant tout de la philosophie293. Les déistes utilisaient le

terme monothéiste pour désigner la religion universelle de l’humanité 294 , d’où le concept de

monothéisme inclusif (tous les hommes, sans le savoir, vénèrent le même Dieu). D’autres, au contraire,

appliquèrent cette distinction au judaïsme ainsi qu’au christianisme pour mieux affirmer la supériorité

morale, mais également spirituelle, de ces religions, d’où le concept de monothéisme exclusif (la foi

monothéiste permet de distinguer les religions bibliques des autres croyances). Le monothéisme est

donc considéré comme une croyance en un seul Dieu, en un Dieu unique. Le monothéisme est

souvent présenté comme l’un des fondements de la tradition judéo-chrétienne, « qui serait donné

290 S. CLUZAN va dans ce sens : « La question des origines du yahwisme a souvent été débattue par les historiens des religions et les exégètes » car le nom de YHWH, écrit en hébreu par le tétragramme YHWH, était inconnu des patriarches ; révélé à Moise, il a ouvert la porte à plusieurs interprétations. Sophie CLUZAN, De Sumer à Canaan, p. 275. Nous reviendrons plus tard sur ces points. 291 Le terme de monothéisme n’est probablement entré dans notre langue qu’au XVIIe siècle ap. J.-C. Thomas RÖMER, « Les monothéismes en question », in Jean BOTTÉRO, Bernhard LANG, Pierre GIBERT et al., Enquête sur le dieu unique, Montrouge, Bayard, 2010, p. 9. R. BRAGUE explique que le terme est né « sans doute chez Henry MORE, l’un des théologiens platonisant de Cambridge, qui l’emploie en anglais en 1660. » Rémi BRAGUE, Du Dieu des chrétiens. Et d’un ou deux autres, Paris, Flammarion, 2008, p. 17. Le monothéisme conçoit l’unité de l’univers, puisqu’il dépend d’une même divinité. Mais il existe une tension à son sujet car ce même monothéisme divise l’homme. André LEMAIRE, Naissance du monothéisme, p. 6. Cƒ. Paul de BROGLIE, Monothéisme, hénothéisme, polythéisme, Paris, Bloud & Cie, 1905, 3-69. 292 Il semblerait que ce préfixe ait été utilisé pour « la première fois chez Philon d’Alexandrie, philosophe juif du premier siècle de l’ère chrétienne, qui oppose le message biblique à la doxa polutheia des Grecs. » Thomas RÖMER, « Les monothéismes en question », p. 9. Le terme vient du grec monov (seul, unique) et yeov (dieu). Cƒ. Paul de BROGLIE, Monothéisme, hénothéisme, polythéisme, 3-69. 293 Rémi BRAGUE, Du Dieu des chrétiens, p. 17. 294 Le déisme — forgé sur le terme latin deus — désigne l'affirmation rationnelle de l'existence de Dieu, proposant une forme religieuse conforme à la raison, exclusive des religions révélées, sans pour autant pouvoir en déterminer les attributs. Jacqueline LALOUETTE, « Déisme et théisme », in Régine AZIRIA, Danièle HERVIEU-LÉGER (éd.), Dictionnaire des faits religieux, Paris, PUF, 2010, p. 232-233.

Page 62: LÕordalie au Mont Carmel

~ 61 ~

clairement dès l’origine, s’enracinant dans l’histoire de l’ancien Israël et ayant ses prolongements dans

la tradition islamique295. »

Cependant, A. LEMAIRE explique que du point de vue de l’histoire des religions, différents termes

sont employés dans le débat sur la naissance du monothéisme, classés essentiellement en trois

catégories296 :

a) Monothéisme, polythéisme, hénothéisme : ces trois noms en -isme indiquent qu’on se situe au

niveau des idées, plus précisément des conceptions philosophiques ou religieuses, des systèmes de

pensée. Le monothéisme, c’est la croyance en un seul Dieu, en une seule divinité, par opposition au

polythéisme, croyance en plusieurs dieux. Ces deux types de conception du monde divin étant

exclusives, les conceptions de monothéisme et de polythéisme deviennent incompatibles. Mais ce n’est

pas si simple dans la réalité, car les deux termes coexistent pour ainsi dire grâce à un moyen terme :

« En quelque sorte, monothéisme et polythéisme comportent une sorte de moyen terme, désigné par les spécialistes mais peu utilisé dans le langage courant, comme étant l’hénothéisme, que l’on peut définir comme la croyance dans l’un des dieux, celui-ci acquérant une place prééminente dans un groupe particulier, sans nier pour autant l’existence des autres dieux ou des dieux des autres, spécialement des autres peuples297. »

b) Par contre, le deuxième groupe de termes, caractérisé par la finale –lâtrie, ne s’attache pas à la

croyance en tant que telle, mais à la pratique cultuelle. Alors, l’idolâtrie298 s’oppose normalement au

culte aniconique (dans lequel la divinité n’est représentée ni par des images, ni par des représentations

figurées). Ainsi la monolâtrie désigne le culte offert à une seule divinité, pratique à laquelle on

oppose assez souvent l’idolâtrie (littéralement l’adoration, le culte des idoles ; étymologiquement,

l’adoration des images ou statues représentant des divinités).

295 André LEMAIRE, Naissance du monothéisme, p. 13. R. BRAGUE : « On a pris l’habitude en Occident de parler des “religions d’Abraham” [ou religions abrahamiques], au pluriel. C’est là un usage surtout chrétien. Car pour l’islam, il n’y a qu’une seule “religion d’Abraham”, et c’est justement l’islam. Pour le chrétien, parler de la “religion d’Abraham”, c’est inclure le judaïsme et l’islam et les associer au sein d’une vague fraternité. Pour l’islam, c’est au contraire exclure le judaïsme et le christianisme […]. » Rémi BRAGUE, Du Dieu des chrétiens, p. 31. Cƒ. : L’analyse intéressante proposée sur les trois grandes religions monothéistes fait par J. DUPONCHÉELE. L’auteur propose de réfléchir d’une manière critique sur les idées de foi et de révélation dans les religions monothéistes. Il pose des questions philosophiques sur l'unicité de Dieu, l'idéal du croyant et la diversité des révélations selon chacune des religions. Joseph DUPONCHÉELE, Comprendre l'homme pour penser Dieu. Dialogues critiques sur la raison pure croyante dans les monothéismes, Paris, Cerf, 2005, p. 9. Pour voir les différences entre le récit biblique et le récit coranique sur 1 R 18.20-40, cƒ. Denise MASSON, Monothéisme coranique et monothéisme biblique. Doctrines comparées, Desclée de Brouwer, Paris, 1976, p. 430-431. 296 André LEMAIRE, Naissance du monothéisme, p. 14-15. C’est nous qui soulignons. 297 Ibid., p. 14. A. WESTPHAL explique que l’hénothéisme, quelquefois décrit aussi comme kathénothéisme, est un terme désignant « une forme de religion dans laquelle l'adorateur, sans nier l'existence d'autres dieux, ne reconnaît et ne sert qu'un seul dieu, auquel il suppose d'ailleurs tous les attributs de la divinité. » Alexandre WESTPHAL, « Hénothéisme », in WESTPHAL Alexandre, Dictionnaire encyclopédique de la Bible, p. 513. La définition donnée par T. RÖMER diffère un peu des précédentes : « on s’attache plus particulièrement à un seul dieu sans nier l’existence d’autres divinités. » Thomas RÖMER, « Les monothéismes en question », p. 10. C’est nous qui soulignons ces termes. 298 Le mot poly-lâtrie ne figure pas dans les dictionnaires officiels mais est utilisé par les spécialistes de la divinité. Pour André LEMAIRE, Naissance du monothéisme, p. 15, les peuples polythéistes de la Bible étant présentés comme idolâtres, l’usage d’un mot tel que poly-lâtre est devenu pratiquement inutile.

Page 63: LÕordalie au Mont Carmel

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c) Le troisième groupe de termes classe ou décrit les religions en fonction du nom de la principale

divinité adorée. C’est ainsi que, pour Israël, on parlera très souvent de yahwisme. Celui-ci sera opposé

par exemple au baalisme, religion de Baal.

L’invention récente des termes hénothéisme et monolâtrie contribue par conséquent à mieux

comprendre la condition du peuple d’Israël à l’époque des royaumes divisés. Mais la religion de

l’ancien Israël était-elle vraiment monothéiste dès les origines299 ? Notre problématique de départ

étant profondément liée à cette question, y répondre est évidemment capital.

3.2 La religion de l’ancien Israël était-elle monothéiste ?

Nous ne prétendons pas entrer dans une discussion à propos des différentes opinions

actuellement en vogue sur le monothéisme. Vu les limites imposées à ce travail, l’on se contentera

d’expliquer quels sont les arguments exposés par la critique pour soutenir que le monothéisme n’est

qu’une invention, sans faire forcément une étude exégétique systématique de chaque cas. Puis, dans

une tentative de thèse, nous essayerons de répondre partiellement (car ceci n’est pas le but de notre

travail) à ces arguments exposés par la critique.

Comme nous l’avons dit, le regain d’intérêt dont jouit le débat concernant le monothéisme

s’appuie sur des fouilles archéologiques récentes. Ainsi, trois inscriptions découvertes dans le Sinaï

mentionnent le nom du Dieu d’Israël YHWH à côté de l’expression « son Ashéra »300. Deux d’entre

elles, datant du VIIIe ou VIIe siècle av. J.-C., contiennent des bénédictions : « Je te bénis par YHWH de

Samarie et par son Ashéra301. » Cela a amené les spécialistes à dire que ceci est la preuve que YHWH

était un dieu comme les autres, avec une parèdre302. Ces inscriptions ont aussi amené les spécialistes

à dire que le monothéisme mosaïque n’est autre que le produit de l’invention d’un scribe

299 Sur les origines du débat autour du monothéisme dans l’exégèse actuelle, cƒ. Eberhard BONS, Thierry LEGRAND (éd.), Le Monothéisme biblique. Évolution, contextes et perspectives, Paris, Cerf, 2011, p. 11-15 ; Frédéric ROGNON, « Penser le Dieu un : remarques sur le débat autour du monothéisme », in Eberhard BONS, Thierry LEGRAND (éd.), Le Monothéisme biblique, p. 25-47. Il est intéressant de souligner ici que, d’après les spécialistes, d’autres religions anciennes, non monothéistes, qu’exprimaient différentes formes d’adoration destinées à mettre en évidence l’unité d’un dieu. Par exemple celle que le pharaon Akhénaton (Aménophis IV, XIVe av. J.-C.) voua à la seule vénération d’Aton, le disque solaire. « Fils d’Aton », il était le seul qui connaisse le dieu. Cƒ. Jan ASSMANN, « Articuler l’Un et le multiple dans l’Égypte ancienne », in Jean BOTTÉRO, Bernhard LANG, Pierre GIBERT et al., Enquête sur le Dieu unique, p. 46-55. L’égyptologue E. HORNUNG développe aussi l’hypothèse que l’Égypte puisse être le berceau du monothéisme, cƒ. Erik HORNUNG, « La nouvelle religion d’Akhénaton », in Jean BOTTÉRO, Bernhard LANG, Pierre GIBERT et al., Enquête sur le dieu unique, p. 56-68. 300 « Il s’agit plus précisément d’inscription gravées sur deux pithoi (“jarres”) trouvées à Kuntillet Agrud, au nord du Sinaï, ainsi que l’inscription funéraire n° 3 de Khirbet et Qom, à l’ouest d’Hébron. » Eberhard BONS, Thierry LEGRAND (éd.), Le Monothéisme biblique, p. 11. Cƒ. figure 2 et 3 p. 77. 301 Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 315-317. 302 T. RÖMER explique que « concernant l’identité de Yhwh, les exégètes ont pris l’habitude d’insister sur le fait que Yhwh est un Dieu célibataire, et que par conséquent l’aspect sexuel, très présent dans les religions cananéennes, ne joue aucun rôle dans la religion yahwiste. Pourtant, certains historiens des religions avaient exprimé quelques doutes quant à la conception d’un Dieu national sans femmes ou maîtresses. Et des trouvailles archéologiques le confirment plutôt [pour l’auteur, les inscriptions de Khirbet el-Qom en attestent]. » Thomas RÖMER, Dieu obscur, p. 38. Ainsi, le même auteur explique que « Yahvé n’était pas vénéré comme un dieu célibataire, mais il avait une parèdre, une déesse qui était associée. Plusieurs inscriptions et témoignages archéologiques font apparaître à côté de lui Ashérah [...]. » Thomas RÖMER, « Les monothéismes en question », p. 13. Cependant, A. LEMAIRE explique qu’« on ne peut utiliser l’argument iconographique pour affirmer l’existence de cette déesse en son rôle de parèdre de YHWH en Israël et Juda à l’époque du Fer II. » Cƒ. André LEMAIRE, Naissance du monothéisme, p. 73-82.

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postexilique. Car elles montrent bien que le peuple d’Israël de la période royale vénérait deux

divinités. Ils expliquent : « Yahvé ne fut pas le seul dieu des Hébreux, l’idée monothéiste n’existait pas

encore. Yahvé fut considéré comme étant le dieu d’Israël [...]. Le dieu national occupe, au moins dans

le culte officiel, une situation privilégiée qui n’exclut nullement la vénération d’autres divinités à côté

de lui303. » Mais nous pensons qu’il faudrait d’abord connaître le contexte global de ces jarres (lieux,

propriétaires, usages, etc.), ensuite démontrer qu'elles constituent vraiment la preuve du profond

syncrétisme dans lequel se trouvait le peuple d’Israël.

Puis, d’après les spécialistes, un certain nombre de passages bibliques ne facilitent pas la

compréhension du monothéisme exclusif (il n’existe qu’un seul Dieu) dans la religion de l’ancien

d’Israël304.

La révélation de Dieu. Dans le cas d’Abraham, quand Dieu appela le patriarche, il ne se révéla point

à lui comme le Dieu unique. Dieu lui dit : « Je suis moi [Ngm, protecteur] bouclier », Gn 15.1. Puis il se

présenta comme le Dieu puissant, El-Shaddaï305 (Gn 17.1). Ainsi, « Il se propose à Abraham comme

son patron, son Élohim (dieux au pluriel), et lui promet de le bénir s'il est intègre (Ge 17.1, 8)306. »

Dans le cas de Moïse, l’autre référent du monothéisme, YHWH se manifesta au prophète dans la

montagne de Dieu, à Horeb (Ex 3.1), où les Israélites devront lui rendre un culte après la libération

d’Égypte (Ex 3.12). Cependant, il se présente d’abord à lui comme un dieu anonyme (car on ignore

son nom). Il dit simplement « le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob », Ex 3.6. La

vocation de Moïse figure aussi dans Ex 6.2-3 : « Dieu dit encore à Moïse : Je suis le YHWH. Je suis apparu

à Abraham, à Isaac et à Jacob comme Dieu-Puissant (El-Shaddaï) ; mais je ne me suis pas fait connaître

à eux sous mon nom de YHWH. » C’est donc à Moïse que Dieu s'est révélé pour la première fois

sous le nom de YHWH. En outre, il se révèle dans le feu307. Du fait que Dieu ne s’est pas présenté à

Abraham, à Isaac ni à Israël comme YHWH, mais par contre qu’il l’a fait ainsi à Moïse, pour la

critique, ceci est la preuve que le nom de Dieu est une invention tardive.

Cependant, le fait que Dieu ne s’est pas révélé à Abraham sous le nom de YHWH ne veut pas dire

qu’il n’est pas le même Dieu. D’après le texte biblique, YHWH est le nom choisi par Dieu lui-même

303 Thomas RÖMER, « Les monothéismes en question », p. 13. 304 A. DEGRÂCES donne un panorama général très pertinent de l’histoire d’Israël comportant le point de vue du judaïsme. Cƒ. Alyette DEGRÂCES, « Le judaïsme et la lecture religieuse de l’histoire du peuple juif », in Frédéric LENOIR, Ysé TARDAN-MASQUELIER (éd.), Encyclopédie des religions, vol. 2, Paris, Bayard, 1997, p. 255-285. 305 Les récits patriarcaux contiennent des appellations composées de l’élément « el » suivi d’un substantif, entre autres El ‘Elyôn (Gn 14.18-22) ; El ‘Shaddaï (Gn 17.1 ; 28.3 ; 35.11) ; El ‘Olam (Gn 21.33). « Il est généralement admis maintenant qu’ils sont des formes du même grand dieu El [père de tous les dieux d’après les textes de Ras Shamra]. » Roland de VAUX, Histoire Ancienne d’Israël, p. 262-263. C’est-à-dire que pour les spécialistes, les descendants d’Abraham ont « absorbé le dieu cananéen El ou El Elyon, désormais identifié à YHWH ». Mireille HADAS-LEBEL, Naissance du monothéisme [en ligne], 17 juillet 2008, disponible sur : <http://www.massorti.com/NAISSANCE-DU-MONOTHEISME. html# outil_sommaire_5>, (consulté le 22 avril 2014). Concernant le dieu El, supra p. 43. 306 Alexandre WESTPHAL, « Hénothéisme », p. 513. 307 « Théophanie caractéristique d’un dieu de l’Orage, et dans un buisson, selon une très ancienne coutume orientale, où les hauts lieux accueillent des plantes ou arbres symbolisant les manifestations divines par le lien ou l’axe qu’elles dressent entre la terre et le ciel. » Sophie CLUZAN, De Sumer à Canaan, p. 276.

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pour se manifester aux Israélites308 : « Dieu dit à Moïse : Je serai qui je serai. […] Dieu dit encore à

Moïse : Tu diras aux Israélites : C'est YHWH, le Dieu de vos pères, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le

Dieu de Jacob, qui m'a envoyé vers vous. […] C'est là mon nom pour toujours, c'est mon nom tel qu'on

l'évoquera de génération en génération », Ex 3.13-15. Le nom est désigné par le tétragramme YHWH309

(non vocalisé dans les textes hébreux) ; il a pris une place centrale chez les Hébreux et se serait

répandu du sud vers le nord dans le pays de Canaan310. Les premières mentions du tétragramme

YHWH n’apparaissent qu’au IXe siècle av. J.-C.311.

La déclaration de Jéthro. Après avoir prononcé une bénédiction, Jéthro, beau-père de Moïse,

déclare : « YHWH est plus grand que tous les dieux [Élohim] » (Ex 18.10-11)312. Littéralement, Jéthro

dit : YHWH est plus grand que tous les Myhla (dieux). Il n’est pas question ici d’idoles car le mot

Élohim est le nom utilisé dans le récit de la création (Gn 1.1 à 2.3). Donc, on ne peut que constater

que si c’est Moïse qui a écrit le livre de l’Exode, il ne s’oppose pas à cette affirmation qui reconnaît

l’existence de plusieurs Élohim ou dieux. De plus, la requête de Moïse à Pharaon va dans le même

sens. Car dans sa demande pour faire sortir les Hébreux d’Égypte, Moïse dit à Pharaon : « Laisse-nous,

je te prie, faire trois journées de marche dans le désert pour offrir des sacrifices au YHWH, notre Dieu

[wnyhla] », Ex 5.3. Cependant, l’expression notre Dieu ne permet pas d’avancer que Moïse croie dans

les dieux Égyptiens.

Éléments de la loi (mosaïque). « Tu n'auras pas d'autres dieux [Myhla] devant moi. Tu ne te feras pas

de statue […] Car moi, YHWH, ton Dieu, je suis un Dieu à la passion jalouse […] », Ex. 20.3-5. Les

spécialistes expliquent que le premier commandement donné à Moïse est sans ambiguïté : le peuple

ne devait adorer que YHWH. Cependant, l’explication du précepte ne soutient pas le concept d’un

308 Le philosophe juif M. BUBER affirme qu’il ne s’agit pas d’une révélation du nom, mais plutôt d’une occultation. Dieu refuse de faire connaître son nom « Je suis qui je suis, cela ne te regarde pas ». Martin BUBER, Écrits sur la Bible, trad. Diane MEUR, Paris, Bayard, 2003, p. 176-177. Cƒ. Thomas RÖMER, L'Invention de Dieu, Paris, Seuil, 2014, p. 32. 309 « La prononciation primitive du tétragramme est difficile à préciser car, dès le IVe siècle av. J.-C., on évite de le prononcer en le remplaçant par un titre : Adonaï, “mon maître/mon seigneur”, traduit Kyrios dans le grec de la Septante. LEMAIRE André, Le yahwisme ancien [en ligne], Janvier 2001, disponible sur : <http://archive.wikiwix.com/ cache/?url=http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/le_yahwisme_ancien.asp&title=Le%20yahwisme%20ancien%C2%A0»%2C%202001>, (consulté le 22 avril 2014). « L’écriture hébraïque étant essentiellement consonantique, la transcription du nom du dieu d’Israël, devenu ineffable avec l’affirmation du monothéisme, ne peut être que consonantique. Les formes « Yahvé » ou “Jéhovah” ne sont pas scientifiques. […] À la fin du Second Temple, il est réservé au grand-prêtre dans le sanctuaire au Yom Kippour et remplacé dans la lecture par Adonaï, “Seigneur”, comme le montrent la traduction grecque de la Septante (Kyrios) et les manuscrits de Qumran. La transcription sans voyelle YHWH exprime cette tradition du nom divin ineffable. » Antoine GERMA, Benjamin LELLOUCH, Évelyne PATLAGEAN (éd.), Les juifs dans l’histoire. De la naissance du judaïsme au monde contemporain, Seyssel, Champ Vallon, 2011, p. 16, 25. Concernant tout le débat actuel sur la prononciation du nom de YHWH, cƒ. Thomas RÖMER, L'Invention de Dieu, p. 28-43. 310 Mireille HADAS-LEBEL, Naissance du monothéisme [en ligne]. 311 La stèle de Mesha, roi de Moab, commémorant sa victoire sur les rois d'Israël de la dynastie d'Omri, qui se trouve au musée de Louvre, date de l’âge du Fer (vers 800 avant J.-C.) et atteste le tétragramme YHWH. 312 Plusieurs spécialistes, parmi eux A. LEMAIRE, envisagent l’hypothèse que la naissance de yahwisme trouverait ses origines dans la religion de Jéthro. Ainsi YHWH pourrait avoir été la divinité principale du peuple madianite, installé dans le Néguev central, dans une région montagneuse qui comprendrait la montagne de Dieu, l’Horeb (elle est appelée une fois montagne de YHWH - Nb 10.33). Cƒ. Hervé TREMBLAY, « Yahvé contre Baal ? 1 », 205-227 ; André LEMAIRE, « L’émergence du monothéisme en Israël avant l’exil », in Jean BOTTÉRO, Bernhard LANG, Pierre GIBERT et al., Enquête sur le dieu unique, p. 90-101 ; André LEMAIRE, Naissance du monothéisme, p. 22-40 ; Stéphane ENCEL, Histoire et religions : l'impossible dialogue ? : essai d'analyse comparative des grilles de lecture historique et monothéistes, Paris, l’Harmattan, 2010, p. 52-59.

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monothéisme exclusif (car il y a d’autres Élohim). Pourquoi YHWH devrait-il être jaloux313 si c’est le

seul Dieu, l’Unique ? Cette exigence du rejet d’autres dieux [Élohim] n’implique pas la remise en

cause de leur existence314. L’interdiction du v. 4 est de ne pas faire de lop, « une images taillée,

sculptée », (cƒ. Jg 17.4 ; Es 45.20). Autrement dit, il ne faut pas nécessairement se faire d’images

taillées pour se servir d’idoles315. Autre exemple c’est le shema Israël316, « Écoute, Israël ! Le YHWH,

notre Dieu, YHWH est un », Dt 6.4.

Autres textes faisant référence à YHWH. Certains textes se réfèrent à YHWH comme faisant partie

d’une assemblée de dieux : « Dieu se tient dans l'assemblée divine, il juge au milieu des dieux [Myhla] »,

Ps 82.1317 (cƒ. aussi l’expression « fils de Dieu » dans Jb 1.6 ; 2.1 ; 38.7). A. LEMAIRE voit ici « un

“panthéon”, impliquant l’existence d’autres dieux, donc un certain polythéisme318. » Quant à nous,

cela ne montre rien d’autre que la confusion dans laquelle se trouvait le peuple d’Israël face aux faux

dieux des populations environnantes dont il subissait l’influence culturelle et religieuse.

YHWH-roi. Plus de 50 textes de l’AT présentent YHWH comme roi. « Un certain nombre d’entre

eux datent probablement de l’époque royale et reflètent la vénération de Yhwh comme Dieu national

(cƒ. Es 6.1 ; 1 R 22.19). On s’imagine Yhwh et sa cour céleste à la manière de la royauté terrestre que

Dieu fonde et légitime319. » D’après la lecture de plusieurs psaumes320 et l’infidélité de Salomon

décrite en 1 R 11.1-13, tout semble indiquer que le yahwisme de Salomon n’avait aucun caractère

monothéiste et s’accommodait sans peine d’un certain polythéisme321. Mais s’agissait-il là d’une

conception religieuse ou plutôt d’une infidélité à l’alliance, comme conséquence d’un réalisme

politique ?

313 Le mot anq signifie jaloux, mais seulement de Dieu. En Ex 34.14, anq est le nom de Dieu : « Tu ne te prosterneras pas devant un autre Dieu [la] ; car son nom, c'est le-SEIGNEUR-à-la-passion-jalouse [YHWH anq Qana] : c'est un Dieu à la passion jalouse. » 314 Il faut dire que l’AT emploie plusieurs mots pour parler des faux dieux. Parmi eux figure le mot lyla ou le mot Nwa. Ces termes sont utilisés (entre autres) pour parler de l’idolâtrie, et ils expriment l’idée de néant ou vanité, c’est-à-dire de choses de rien. Pour les prophètes, les idoles sont considérés comme rien, comme quelque choses qui n’existe pas (Es 44.6-20), une simple construction humaine (Es 2.8), dont la fabrication proclame leur futilité (Es 40.18-20 ; 41.6-7). Alec MOTYER, « Idolâtrie », in Tremper LONGMAN, Richard FRANCE, Derek KINDER et al., Le grand dictionnaire de la Bible, Charols, Excelsis, 2010, p. 735-737. Cependant, il s'agit bien au v. 4 de la jalousie envers d’autres Élohim et non pas contre les idoles (des néants). 315 Nathaniel SANDER, Isaac TRENEL, Dictionnaire hébreu-français, p. 585. 316 Le Shema d’Israël (Écoute, Israël, Dt 6.4-9), est lu jusqu’à aujourd’hui dans les synagogues comme « confession de foi des Israélites. Les dernières lettres du premier et du dernier mot au v.4 en hébreu sont marquées en gros caractères dans les manuscrits ; elles dignifient témoin. » Franck THOMPSON, La Bible Thompson, p. 224. 317 Concernant les psaumes, nous avons trouvé intéressant le parallèle que fait E. BONS avec le Psautier de la LXX, cƒ. Eberhard BONS, « Le Dieu et les dieux dans le Psautier de la Septante », in Eberhard BONS, Thierry LEGRAND (éd.), Le Monothéisme biblique, p. 129-143. 318 André LEMAIRE, « L’émergence du monothéisme en Israël avant l’exil », p. 91-92. S. CLUZAN explique que ces textes montrent que « l’existence d’autres dieux est clairement acceptée, même si le peuple clame que Yhwh est son Dieu, le Dieu d’Israël ». Sophie CLUZAN, De Sumer à Canaan, p. 278. 319 Thomas RÖMER, Dieu obscur, p. 33. 320 Cƒ. Ps 16.4 ; 89.6-8 ; 96.4-5 ; 97.7,9. 321 Pour approfondir le yahwisme durant la royauté unifiée, cƒ. André LEMAIRE, Naissance du monothéisme, p. 49-58.

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Tous ces textes bibliques laissent entendre qu’avant la période des royaumes divisés, il est difficile

de parler de monothéisme stricto sensu322. Il est donc indiscutable pour la critique que les Hébreux

invoquaient YHWH, le Dieu qui les avait libérés d’Égypte. Mais il faut au moins reconnaître qu’ils

croyaient aussi dans l’existence d’autres divinités323.

Ces faits établis par la critique, nous ne pouvons par conséquent soutenir que l’ancienne religion

d’Israël était monothéiste, ou en tout cas, elle ne révèle pas la pratique d’un monothéisme exclusif.

Nonobstant, nous ne pouvons pas non plus dire qu’elle était simplement polythéiste. Ainsi, nous

sommes d’accord avec S. CLUZAN, pour dire que « le yahwisme primitif n’est donc pas monothéiste,

mais l’absence de référence au culte d’une autre divinité invite à le considérer comme une

monolâtrie324. » Les Hébreux étaient de croyance hénothéistes, dans la mesure où ils croyaient que

YHWH était leur Dieu, sans pour autant nier l’existence d’autres dieux ; dans la pratique, leur culte

était monolâtrique mais aniconique325. « Cette monolâtrie est liée au caractère national d’un dieu qui

fit alliance avec un peuple326. » Pour soutenir cette hypothèse, la Bible mentionne un texte qui nous

semble révélateur, car il montre très clairement que les Hébreux étaient hénothéistes :

« Maintenant, craignez YHWH et servez-le avec intégrité et loyauté. Supprimez les dieux qu'ont servis vos

pères, de l'autre côté du Fleuve et en Égypte, et servez YHWH. Mais s'il ne vous plaît pas de servir

YHWH, choisissez aujourd'hui qui vous voulez servir : ou les dieux que vos pères servaient de l'autre

côté du Fleuve, ou les dieux des Amorites dont vous habitez le pays. Moi et ma maison, nous servirons le

SEIGNEUR (YHWH) ! [Déclaration du peuple] Le peuple répondit : Jamais nous n'abandonnerions YHWH

pour servir d'autres dieux ! », Jos 24.14-16.

Les Israélites devaient donc renoncer à leurs propres cultes pour choisir YHWH, un Dieu qui se

révèle jaloux (Jos 24.19). Le concept de l’alliance entre YHWH et Israël permet donc de décrire la

religion de l’ancien Israël comme celle d’un peuple hénothéiste exclusif, monolâtrique et aniconique.

Cependant, Dieu voulait-il que son peuple reste dans l’ignorance et la confusion ? Les confrontations

entre YHWH et les autres divinités semblent prouver le contraire.

322 André LEMAIRE, Naissance du monothéisme, p. 39. 323 Sébastien DOANE, Mais d'où vient la femme de Caïn ?, p. 101. 324 Sophie CLUZAN, De Sumer à Canaan, p. 277. A. LEMAIRE va aussi dans le même sens en disant : « Le caractère de ce yahwisme primitif est difficile à cerner ; cependant rien n’indique qu’il ait été monothéiste ; il était plutôt monolâtrique avec un culte aniconique comportant bénédiction et sacrifices de communion dans le cadre d’un sanctuaire avec autel, stèle et buissons sacrés. » André LEMAIRE, Naissance du monothéisme, p. 40. Cependant d’autres auteurs, comme K. NOLL, tirent des conclusions différentes, par exemple : « La religion dite biblique est faussement assimilée à l'âge du fer et de l'époque perse. La religion de Yahwé n'a rien à voir avec cette forme précoce de Yahwisme. […] Nous savons que la Bible a été inventée au cours d'une période relativement courte de temps sur quelques générations humaines, et la Bible était l'un des premiers sous-produits de cette nouvelle invention. » Kurt NOLL, « Was there doctrinal dissemination in early Yahweh religion? », Biblical Interpretation 16 (2008/5), p. 427. 325 Le mot aniconique vient du grec eikwn (image), précédé du préfixe a (alfa privatif du grec), et suivi du suffixe ismov (isme). Il fait référence au mot aniconisme (doctrine qui implique le bannissement des icônes). Pour approfondir le yahwisme et l’aniconisme, cƒ. André LEMAIRE, Naissance du monothéisme, p. 83-90. 326 Sophie CLUZAN, De Sumer à Canaan, p. 278. T. RÖMER va dans le même sens, en disant que YHWH fut aussi vénéré comme Dieu national durant l’époque de la monarchie. « Ce culte était célébré dans les temps royaux de Jérusalem dans le Sud, et de Béthel et Dan dans le Nord. Mais il faut certainement distinguer entre religion officielle et religion populaire, et poser la question de la vénération de Yhwh “en province”. » Thomas RÖMER, Dieu obscur, p. 37.

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3.3 1 Rois 18.20-40 : un appel au monothéisme ou à l’hénothéisme ?

Depuis l’appel de Dieu à Abraham (Gn 12.1-9) jusqu’à l’exil, la descendance d’Abraham sera

toujours encline à l’idolâtrie327. Il est certain qu'au moment où Israël apparaît dans l'histoire, Dieu

l’appelle à rompre avec le polythéisme des autres nations. Des siècles plus tard, Moïse a mis par écrit

le contrat de l’Alliance (Ex 20.1-21) qui manifeste, entre autre, l’opposition au culte de toutes les

autres divinités. YHWH est le seul Dieu d'Israël : « Tu ne te feras pas de statue, ni aucune forme de ce

qui est dans le ciel, en haut, de ce qui est sur la terre, en bas, ou de ce qui est au-dessous de la terre, dans les

eaux. Tu ne te prosterneras pas devant ces choses-là et tu ne les serviras pas […]. », Ex 20.5-6.

Nonobstant, les récits du veau d'or (Ex 32) ou le culte de Baal-Péor des Moabites (Nb 25) montrent

la prédisposition naturelle d’Israël à l’idolâtre dès son origine, au désert.

Le culte des images présentait donc en Israël des aspects328 inconciliables avec le culte de YHWH

selon la loi et les prophètes. De fait, la plupart des messages adressés par les prophètes au peuple ont

pour but de le faire sortir de l’idolâtrie et du syncrétisme329 promus par les chefs, et même souvent

les prêtres330. Le conflit des deux cultes (baalisme et yahwisme) qui s'affrontaient ou essayaient de se

confondre fait tout le drame moral et politique de l'histoire d'Israël. Et il en sera ainsi pendant des

siècles jusqu'à l'exil.

D’autres documents que ceux cités ci-dessus prouvent que le culte des divinités cananéennes

persistait en Israël, et notamment celui de Baal. « Au VIIIe siècle, selon le témoignage des ostraca

[fragment de céramique, utilisés comme support d’écriture pour des lettres ou des documents

administratifs ou comptables] retrouvés à Samarie, les noms propres comprenant le nom de Baal

n’avaient pas encore disparu331. » Cet élément, joint aux conclusions du deuxième chapitre, montre

327 « L’idolâtrie consiste à adorer une idole (homme ou objet ou élément naturel) à la place du Dieu vivant et vrai. […] En bref, l’idolâtrie consiste à donner à cet objet ou à cette personne la place et le rôle qui ne devraient revenir qu’à Dieu seul. » Ian FLANDERS, Idolâtrie [en ligne], 2000, disponible sur : <http://www.gbm.org.uk/radio/booklets/Idolatrie %20(L).pdf>, (consulté le 18 avril 2014). « Le mot idolâtrie est grec et n'a pas d'équivalent en hébreu. Quand nos traductions de l'AT l'emploient, c'est pour rendre, par exemple, une expression comme celle-ci : “La désobéissance obstinée est comme faux dieux et idoles” (1 S 15.23). Par contre, les termes hébreux pour rendre la notion d'idoles sont très nombreux et équivalent à images (taillées ou de fonte suivant les cas), dieux domestiques (théraphim), choses de néant, objets de terreur, abominations, non-dieux, dieux de fumier. Ces cinq derniers termes, fréquents dans les prophètes, marquent le suprême dédain ou la suprême répugnance pour des objets dont on évite à dessein de prononcer le nom particulier. » Henri HOLLARD, « Idolâtrie », in WESTPHAL Alexandre, Dictionnaire encyclopédique de la Bible, p. 533-534. 328 H. HOLLARD distingue deux aspects concernant l’idolâtrie : « Le premier aspect de l'idolâtrie est celui du culte des faux dieux représentés par des objets naturels ou artificiels. Le deuxième est celui du culte dont l'objet est bien Jéhovah, mais représenté par un objet visible le plus souvent artificiel. » Ibid., p. 533. 329 Nous considérons que les Israélites ont cherché à concilier et à mêler les différentes divinités et croyances. « Le silence que le peuple oppose à Élie montre qu’il tenait à cette confusion : soit qu’on adore les deux divinités, chacune pour un domaine précis : soit qu’on utilise les deux noms pour une même divinité (cf. Os 2.8). » Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 138-139. S. CLUZAN explique que « le syncrétisme par assimilation des caractéristiques de différentes divinités en une divinité unique mais non exclusive de l’existence des autres et la monolâtrie caractérise donc l’ensemble des religions de la région au Ier millénaire. » Sophie CLUZAN, De Sumer à Canaan, p. 286. 330 Cependant, « la prédication des prophètes aidant, deux rois, Ézéchias (fin VIIIe siècle) et Josias (fin VIIe siècle), s’opposent aux sanctuaires locaux syncrétistes et centralisent le culte du Dieu unique en un lieu unique : Jérusalem. On peut voir là la consécration d’un Dieu national unique, mais déjà les prophètes avaient commencé à lui donner un caractère universel. » Mireille HADAS-LEBEL, Naissance du monothéisme [en ligne]. 331 Pierre BORDREUIL, Françoise BRIQUEL-CHATONNET, Le Temps de la Bible, p. 271-272.

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que c’est bien à l’époque des Royaumes divisés que le peuple d’Israël était, plus que jamais,

profondément polythéiste et syncrétiste332.

D’après le texte vétérotestamentaire, Israël, comme les autres peuples de l’époque, ne pouvait

adhérer à une simple théorie sans qu’elle n’offre des aspects concrets, pratiques, de

l’expérimentation. Autrement dit, le vrai Dieu est celui qui agit, qui a le pouvoir d'aider son peuple. Le

reste est pure spéculation333. C’est dans cette manière de penser que s’inscrivent les différents

épisodes des confrontations entre YHWH et Baal334, dont le plus remarquable est 1 R 18.20-40 :

« On peut définir ce récit comme une ordalie : une intervention divine (et non une parole) décide qui a raison de deux sujets en litige. [...] Mais comme c’est de deux divinités différentes qu’on attend ce feu, le litige entre les prophètes n’est que la doublure d’un duel entre Yhwh et Baal, dont le témoin et peut-être le juge sera le peuple rassemblé par le roi335. »

Les paroles d’Élie au peuple, « Jusqu’à quand boiterez-vous sur les deux jarrets ? Si YHWH est le Dieu,

allez derrière lui, si c’est Baal, allez derrière lui » (1 Rois 18.21), révèlent qu’il n’est pas question de

prouver l’existence ou l’inexistence du dieu Baal, ni de prouver un monothéisme exclusiviste. Le silence

du v. 21, « Le peuple ne lui répondit mot », prouve que les Israélites tenaient à cette confusion. « Soit

on adore les deux divinités, chacune pour un domaine précis : soit on utilise les deux noms pour une

même divinité (cf. Os 2.8)336. » Face à la question d’Élie pour savoir qui est Dieu en Israël, seuls les

dieux sont habilités à répondre337. Quel est alors le but de ce texte dans son contexte original ?

Premièrement, le but de l’ordalie est de faire sortir le peuple de l’éclectisme, de mettre fin à ce

syncrétisme : soit vous suivez l’un, soit l’autre, mais pas les deux. Cela s’insère dans la lutte contre

l’idolâtrie et la dénonciation du culte de Baal dans le royaume d’Israël officialisé par la couronne :

« […] vous avez abandonné les commandements du YHWH […] tu as suivi les Baals », 1 R 18.18.

L’enseignement du texte montre que le malheur d’Israël ne réside pas seulement dans la sécheresse

avec ses conséquences, mais résulte aussi du choix religieux d’Achab et Jézabel338. Cependant, la

péricope montre clairement que le choix appartient au peuple malgré la décision royale. Le fait que

332 L’expression : « YHWH de Samarie avec son Ashera » (Cƒ. figures 2 et 3 supra p. 4) qui se trouve dans les inscriptions de Kuntillet ‘Ajrud IXe et VIIIe siècle av. J.-C., témoin extra-biblique, prouvent que le peuple vivait dans un profond syncrétisme. Ce n’est pas YHWH qui s’est manifesté au peuple comme un Dieu qui avait une parèdre divine (Ashera), c’est le peuple en général qui tenait à cette confusion. Contrairement à la croyance du peuple, YHWH déclare lui-même que sa seule femme (épouse), c’est Israël (cƒ. Os 2.16-25). Voir illustrations 2 et 3 p. 77. 333 Simon DEVRIES, 1 Kings, p. 228. 334 Cƒ. Jg 6.25-32 ; 1 R 18.20-40 ; 2 R 1.2-17 ; 2 R 10.18-28 ; 2 R 23. 335 Pierre BUIS, Le Livre des Rois, p. 144. 336 Ibid., p. 138-139. J. DELORME et J. BRIEND vont dans le même sens : « L’alternative : Baal ou Yahvé, suppose de la part d’Élie une lucidité et un courage extraordinaires, alors qu’on s’accommodait facilement de la coexistence ou de l’amalgame des deux cultes. » Jean DELORME, Jacques BRIEND, « Les premiers livres prophétiques », p. 314. 337 D’après S DEVRIES, le mot thématique dans ce récit est répondre : « Mais le peuple ne lui répondit mot » v. 21 ; « Tout le peuple répondit », v. 24 ; « Baal réponds-nous, mais il n’y a eu voix ni réponse […] », v. 26, 29 ; « Réponds-moi YHWH », v. 37. Simon DEVRIES, 1 Kings, p. 228. 338 « Cette suivance baalique de la royauté est le malheur d’Israël. » Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 112.

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Baal ne réponde pas montre au peuple qu’il n’est pas Dieu en Israël339. De fait, le peuple passe d’un

état d’ignorance quant à Dieu à la certitude que YHWH est le Dieu d’Israël, afin que le culte de

YHWH devienne le culte officiel de la couronne. En outre, le récit enseigne que YHWH peut

répondre aux besoins du peuple, car YHWH possède tous les attributs de Baal340. YHWH assume

par la même occasion le rôle du dieu de l’orage, maître de la pluie fécondante, fonction qui était celle

du dieu cananéen Baal. Cela vient aussi mettre fin à l’anthropomorphisme des divinités341.

Deuxièmement, cette confrontation entre les prophètes de Baal et Élie représente la reconquête

territoriale d’un peuple qui avait oublié que YHWH était son Dieu342. Il faut rappeler que « chaque

région, chaque cité et chaque sanctuaire même avaient leurs dieux favoris, leur rituel propre, leurs

légendes sacrées. [...] Les dieux différaient selon les villes343. » D’après le récit biblique, Baal est

présenté comme le dieu tutélaire du royaume du Nord, il est considéré comme la divinité principale,

la plus suivie par le peuple. L’affrontement sur le Carmel est donc capital pour la reconquête du

territoire344. YHWH est redevenu Dieu en Israël en sortant victorieux du duel qui l’opposait à

Baal345. De plus, en ayant apporté la pluie en Israël (1 R 18.45), il apparaît comme le Dieu du lieu qui

apporte l’ordre et le bonheur à Israël. YHWH est le baal d’Israël (le maître d’Israël) qui revendique un

territoire et un peuple346. « Le dieu du peuple d’Israël apparaît aussi comme un dieu national, lié à la

fois à un territoire et à un peuple. Selon une conception commune à l’ensemble des États orientaux,

le dieu national est considéré par son peuple comme supérieur aux autres dieux nationaux347. »

339 « Il ne s’agit pas seulement de décider si la montagne sainte appartient à Yahvé ou à Baal, ou lequel des deux est le plus puissant, mais absolument lequel est Dieu. Et si Yahvé est Dieu, Baal est un néant [les v. 21, 24, 38, 39 ne laissent pas de doute à ce sujet]. » Roland de VAUX, Bible et Orient, p. 285. 340 Pierre BORDREUIL, Françoise BRIQUEL-CHATONNET, Le Temps de la Bible, p. 271. 341 « Nous avons une tendance perpétuelle à attribuer à Dieu une forme humaine, à penser la prophétie en termes d’actes psycho-physiques. Or, l’axiome de la pensée biblique demeure : “Dieu, qui a créé le monde, est autre que le monde”. Forger l’image de Dieu ou ses actes, c’est nier son existence. Toute réalité n’est pas matérielle. » Abraham HESCHEL, Dieu en quête de l'homme. Philosophie du judaïsme, Paris, Seuil, 1968, p. 202. 342 Pour voir un possible parallèle avec Moïse, cƒ. Kathryn ROBERTS, « God, prophet, and king: eating and drinking on the mountain in First Kings 18:41 », Catholic Biblical Quarterly 62 (2000/4), p 632-644. 343 Roland de VAUX, Histoire ancienne d’Israël, p. 141. 344 Nous trouvons intéressant le parallèle fait par J. DELORME et J. BRIEND qui expliquent que sur le mont Carmel, « la question : qui est le Dieu d’Israël ? avait été tranchée par le ciel, de même à l’Horeb [ici l’auteur fait une analogie avec le Moïse de la théophanie à l’Horeb (Ex 33.22), les signes de la venue de Yahvé selon Ex 19.16, et même le découragement de l’homme de Dieu], au prophète désespéré parce qu’il n’y a plus de foi en Yahvé, c’est Yahvé qui répond : un reste de sept mille fidèles subsistera en Israël au-delà du châtiment, et la mission d’Élie continue. » Jean DELORME, Jacques BRIEND, « Les premiers livres prophétiques », p. 314. 345 Le double sacrifice mis en scène parallèlement (1 R 18.33, en parallèle avec le v. 40 à la tuerie des prophètes de Baal), prouve que Baal n’est pas Dieu en Israël. S’il l’était, il devrait se manifester par le feu et la pluie et il ne devrait pas permettre l’élimination de ses prophètes. 346 Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 113. Cependant, après cette théophanie incroyable de la part du Seigneur, le peuple se tourne, une fois de plus, vers Baal. Jusqu’au coup d’État de Jéhu (2 R 10.18-28 : Jéhu supprima le culte et les serviteurs de Baal de tout Israël). Selon le texte biblique, la lutte contre Baal s’est poursuivie par la lutte entre Élie et Achazia, fils d’Achab (2 R 1.2-17). « La passivité de Baal-Zeboub ou Zeboul et son impuissance à secourir Akhazias rappellent celle du Baal de 1 R 18.17-46 incapable de répondre au cri de ses prophètes. » Dany NOCQUET, Le livret noir de Baal, p. 186. 347 Sophie CLUZAN, De Sumer à Canaan, p. 282.

Page 71: LÕordalie au Mont Carmel

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Ainsi, nous pouvons dire que la portée théologique du défi rapporté par YHWH laisse la preuve,

non seulement que Baal n’a rien à faire en Israël, mais aussi l’exclusion de tout autre divinité348. La

victoire de YHWH sur le Carmel est écrasante et amène le peuple à faire cette déclaration :

« YHWH, c’est lui le Dieu, YHWH, c’est lui le Dieu ! » 1 R 18.39349. Il faut cependant interpréter

cette affirmation à la lumière de la prière d’Élie : « YHWH, Dieu d’Abraham, d’Isaac et d’Israël, en ce jour

fais connaître que toi, tu es Dieu en Israël […] » (v. 36). Ce qui conduit au constat d’A. LEMAIRE :

« La confrontation n’avait pas pour but de déterminer qui était le vrai Dieu dans l’absolu mais qui

était le Dieu d’Israël350. »

3.4 Réponse à la problématique

Désormais, toutes les pièces du puzzle sont réunies pour répondre à la problématique de départ :

l’ordalie au mont Carmel a-t-elle pour but d’amener le peuple à l’hénothéisme ou au monothéisme ?

Comme déjà dit, le but du récit est de faire sortir le peuple du syncrétisme dans lequel il était (1 R

18.21,24), de dénoncer le culte officiel, c’est-à-dire le culte baaliste, et rétablir le culte de YHWH en

Israël (1 R 18.36,39), d’affirmer la prééminence de YHWH sur la terre d’Israël et montrer son

caractère exclusif dans le pays ; finalement, seul YHWH est Dieu en Israël.

Différents mots sont utilisés pour définir l’état religieux d’Israël. Le mot monothéisme n’existe pas

dans la Bible. Les théologiens inventèrent le concept pour définir la situation du peuple d’Israël. Nous

aimerions néanmoins souligner à travers cette étude que le terme monothéisme (qui est la croyance

en un seul Dieu et unique) appliqué au peuple d’Israël pendant la période royale n’est pas tout à fait

approprié351. C’est pour cela que le terme hénothéisme (qui est la croyance en l’un des dieux, sans

nier pour autant l’existence des autres), correspond beaucoup mieux à la situation du peuple d’Israël

à l’époque de l’ordalie au Carmel352. Car Baal n’est pas réellement contesté dans son existence mais

dans sa prétention à être le dieu, ou un dieu, du pays. Donc, l’ordalie au Carmel a pour but d’amener

le peuple à l’hénothéisme et de lui faire pratiquer une monolâtrie aniconique.

348 Jean DELORME, Jacques BRIEND, « Les premiers livres prophétiques », p. 314. 349 J. KEINÄNEM explique que l’interprétation religieuse de ce passage est une question très débattue dans laquelle on cherche à savoir s’il s’agit d’une affirmation monothéiste. Cƒ. Jyrki KEINÄNEM, Tradition in collision. A literary and redaction-critical studi on the elijah narratives 1 Kings 17-19, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2001, p. 95-98. 350 André LEMAIRE, Naissance du monothéisme, p. 69. 351 Sur ce point, nous sommes d’accord avec le fait qu’« à l’époque des deux royaumes, l’idée monothéiste n’existait pas encore. » Thomas RÖMER, « Les monothéismes en question », p. 10. 352 Cette pensée hénothéiste peut se voir aussi chez le prophète Michée : « Tandis que tous les peuples marchent chacun au nom de son dieu, nous marchons, nous, au nom de YHWH, pour toujours, à jamais. » Mi 4.5. S. DOANE : « Ces cultes aux divinités païennes sont condamnés à plusieurs reprises par les prophètes, qui sont les défenseurs d’une relation exclusive avec Yhwh. Ceux-ci représentent un courant religieux en rupture totale avec la tradition polythéiste. » Sébastien DOANE, Mais d'où vient la femme de Caïn ?, p. 101. Pour d’autres auteurs, c’est aussi une évidence qu’« en Palestine, à l’époque royale (Xe-VIe siècle av. J.-C.), la religion yahviste est une monolâtrie : bénéficiant du patronage de nombreux rois, elle est fondée sur le culte aniconique d’une divinité unique, qui aurait connu dans un premier temps une extension spatiale par l’assimilation d’autres dieux, avant de se centrer plus nettement, quoique incomplètement, sur Jérusalem. La pratique monolâtrique n’implique pas la croyance en l’unicité théorique de Dieu. » Antoine GERMA, Benjamin LELLOUCH, Évelyne PATLAGEAN (éd.), Les juifs dans l’histoire, p. 16.

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~ 71 ~

Ainsi le sacrifice sur le mont Carmel tel que le décrit le livre de Rois relate un épisode important

de l’établissement de YHWH comme seul Dieu légitime sur Israël353. Cependant, était-il dans le

projet de Dieu que le peuple avec lequel il a fait une alliance reste pour toujours hénothéiste ? Il me

semble que non parce que l’ordalie au Carmel est un récit révélateur dans le processus qui aboutira

au monothéisme (YHWH est seul et vrai Dieu). Ce dernier point est très important.

3.5 Tentative de thèse

Au cours des recherches de ce mémoire, la question de savoir comment les Israélites sont

devenus monothéistes devenait de plus en plus pressante. Au fur et à mesure que les réponses

contradictoires se multipliaient, la tension montait.

D’une part, il y a l’interprétation plus conservatrice qui explique que le monothéisme a commencé

avec Abraham et s’est développé avec la loi mosaïque donnée par Dieu à Moïse au mont Sinaï354.

D’après R. de VAUX, c’est la foi monothéiste qui est l’enjeu dans la compétition du mont Carmel355.

Mais d’après nous, c’est impossible car maints arguments soutiennent le contraire356.

D’autre part, la déclaration de J. BOTTÉRO exprime très bien la conception contemporaine de la

naissance du monothéisme : « J’ai une admiration sans bornes pour le monothéisme et le peuple qui

l’a inventé357. » En raison des constats exposés plus haut, la critique explique que la naissance du

monothéisme est l’invention d’un génie ou d’un groupe de prêtres post-exiliques pour lutter contre

l’idolâtrie et affermir l’appartenance au peuple d’Israël. Pour eux358, l’émergence du monothéisme ne

se met véritablement en place qu’après la destruction de Jérusalem (environ 587 av. J.-C.). Les

intellectuels judéens, alors déportés à Babylone, vont répéter avec insistance que la destruction de

leur ville n’est pas la conséquence de la faiblesse de YHWH mais bien le contraire. Autrement dit,

YHWH s’est servi des Babyloniens pour punir son peuple d’avoir fauté en ne respectant pas les

commandements divins. La conséquence en est que « progressivement, la foi du peuple évoluera

donc du polythéisme vers la monolâtrie, dans laquelle Yhwh est le Dieu national d’Israël. À partir de

353 Pierre BORDREUIL, Françoise BRIQUEL-CHATONNET, Le Temps de la Bible, p. 271-272. 354 « Les monothéismes vont affirmer une tension manichéenne extrêmement nette, entre la Lumière et les ombres. » Stéphane ENCEL, Histoire et religions, p. 106. 355 Roland de VAUX, Livres de Rois, p. 101. 356 Cependant, A. MOTYER soutient un point de vue différent que le nôtre. Pour lui, l’enseignement biblique sur l’idolâtrie est un élément fondamental de la doctrine monothéiste de Dieu. C’est-à-dire que l’AT reconnaît l’attirance qu’exerce le culte des idoles et prend en compte les autres dieux. « Mais il ne s’agit pas tant de l’affirmation de l’existence de ces dieux que de la réalité de la menace qu’ils représentent. » Alec MOTYER, « Idolâtrie », p. 737. 357 Jean BOTTÉRO, « La préhistoire du monothéisme en Orient. Alliance avec un dieu unique », in Jean BOTTÉRO, Bernhard LANG, Pierre GIBERT et al., Enquête sur le dieu unique, p. 20. 358 Ces idées sont développées par plusieurs auteurs. Il serait très intéressant de les étudier mais comme cela n’est pas le centre de notre problématique, nous nous sommes limité à lire quelques ouvrages collectifs abordant le sujet. Cƒ. Eberhard BONS, Thierry LEGRAND (éd.), Le Monothéisme biblique, p 11-179 ; Jean SOLER, L'Invention du monothéisme, vol. 3 de Aux origines du Dieu unique, Paris, Éditions de Fallois, 2002 ; André LEMAIRE, Naissance du monothéisme, p. 5-177 ; Roger ARNALDEZ, Claude GEFFRÉ, Armand ANECASIS et al., Colloque sur le Dieu unique. 6-7 mai 1985, Paris, Buchet/Chastel, 1986, p. 11-191 ; Jean BOTTÉRO, Bernhard LANG, Pierre GIBERT et al., Enquête sur le dieu unique, Montrouge, Bayard, 2010, p. 7-129 ; Isy MORGENSZTERN, L'Aventure monothéiste. Judaïsme, christianisme et islam : ce qui les rapproche, ce qui les distingue, Paris, La Découverte, 2011, p. 5-29.

Page 73: LÕordalie au Mont Carmel

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l’exil, la religion devient de plus en plus monothéisme et privilégie un seul Dieu, YHWH359. » Cela

signifie par conséquent que la puissance de YHWH ne se limite pas à son peuple mais bien à tous les

humains. M. HADAS-LEBEL résume très bien ce que pense la critique libérale :

« L’idée du Dieu unique, maître de l’univers, créateur et providence, est certainement le produit d’une lente évolution à partir de visions tribales et nationales. Elle nécessite un élargissement de l’horizon des peuples. C’est ce qui s’est produit dans le cas du monothéisme juif à travers toutes les vicissitudes historiques qui le firent se définir et s’affirmer au contact des grands empires360. »

D’un point de vue historique, ces spécialistes expliquent que c’est par étapes qu’Israël a évolué

vers la foi en un Dieu unique. Ils parlent d’un développement historique, d’une invention, du

monothéisme fait en plusieurs étapes. Par conséquent, le récit du mont Carmel serait préexilique.

Tout au long de ce travail, nous avons utilisé le pluriel de politesse. Désormais, nous allons quitter

le nous pour passer au je, pour bien signifier que ce que je vais exposer dans la suite correspond à

mon point de vue sur le sujet.

En tant que chrétien adventiste du septième jour, j’ai du mal à croire que la naissance du

monothéisme soit l’invention de quelques génies. Malgré cela, je ne crois pas pouvoir résoudre en

quelques paragraphes cette tension qui entoure le monothéisme. J’aimerais pourtant tout simplement

donner mon humble opinion sur le sujet, que je n’ai trouvée dans aucun des ouvrages ou articles

consultés.

Je propose de trouver un point médian entre les deux extrêmes que je viens de mentionner. Il est

indiscutable qu’au commencement le peuple d’Israël était hénothéiste et monolâtrique aniconique.

C’est-à-dire qu’au lieu de parler de construction ou d’invention de la pensée monothéiste, je parlerais

plutôt de révélation progressive de la part de Dieu.

D’après le récit de la Genèse, dans le jardin d’Éden, Dieu était en contact direct avec l’homme (Gn

2.16-17). Dieu Lui-même parlait avec l’homme et la femme. Le problème vient après le péché (Gn

3.1-8). À cause de son état déchu, l’être humain se cache pour ne pas être vu par Dieu. Malgré

l’initiative divine de venir vers l’homme (Gn 3.9,15 le proto-évangile), les conséquences seront

inévitables. L’humanité, à cause du péché, a été privée de la présence de Dieu (Rm 3.23). « Les êtres

humains, dont l’esprit est assombri par le péché et le cœur rendu étranger à Dieu, ont besoin d’une

révélation personnelle du caractère de Dieu361. »

Mais qu’est-ce que la révélation ? Le verbe révéler (du latin revelare) signifie découvrir ou dévoiler

quelque chose qui est caché, par conséquent faire connaître ce qui est inconnu362. Nous sommes

d’accord avec la déclaration de A. HESCHEL : « En un mot, la révélation est un moment au cours

359 Sébastien DOANE, Mais d'où vient la femme de Caïn ?, p. 101. 360 Mireille HADAS-LEBEL, Naissance du monothéisme [en ligne]. 361 Peter Maarten VAN BEMMELEN, Révélation et inspiration, trad. Karl JOHNSON, Collonges-Sous-Salève, Faculté adventiste de théologie, 2008, p. 79. 362 Ibid., p. 11.

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~ 73 ~

duquel Dieu est parvenu à atteindre l’homme […]. Recevoir une révélation, c’est être témoin de la

façon dont Dieu se penche vers nous363. » Ce processus dynamique et complexe de la révélation364

de Dieu peut se discerner très clairement dans l’histoire du peuple d’Israël jusqu’à la révélation

suprême qui est Jésus-Christ, « […] c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as

envoyé, Jésus-Christ », Jn 17.3. L’auteur de l’épître aux Hébreux exprime cette même pensée :

« Après avoir autrefois, à bien des reprises et de bien des manières, parlé aux pères par les

prophètes, Dieu nous a parlé, en ces jours qui sont les derniers, par un Fils qu'il a constitué héritier

de tout et par qui il a fait les mondes. » He 1.1-2.

Sans oublier les antédiluviens comme Noé (Gn 6.5 à 9.28), Dieu s’est révélé à Abraham comme El-

Shaddaï, le Dieu tout-puissant, et fit alliance avec lui et sa descendance. Ensuite, il s’est révélé à Moïse

comme YHWH, le Dieu d’Israël, un Dieu qui intervient au cours de l’histoire pour intercéder pour le

peuple avec lequel Il a fait alliance. Il s’est encore révélé au prophètes, car Dieu « ne fait rien sans avoir

révélé ses secrets à ses serviteurs, les prophètes », Am 3.7. Mais le texte de Deutéronome dit très

clairement que « les choses cachées appartiennent au SEIGNEUR, notre Dieu ; les choses révélées nous

appartiennent, à nous et à nos fils, pour toujours, afin que nous mettions en pratique toutes les paroles de

cette loi. », Dt 29.28.

Ainsi, ce qui me semble primordial à comprendre, c’est que la Bible témoigne365 de la façon dont

Dieu s’est révélé à l’humanité depuis le commencement, pas en une seule fois, mais de manière

progressive. « Au fur et à mesure que nous découvrons de nouvelles facettes de la révélation divine,

c’est pour constater que celles-ci s’harmonisent parfaitement avec le témoignage homogène des

Écritures366. »

J’aimerais donner un exemple très simple. Dieu s’est révélé sous plusieurs noms. Il me semble que

cela a été fait, entre autres, pour éviter tout syncrétisme et toute confusion avec les autres dieux de

l’époque. Par exemple, El est un mot commun des langues sémitiques qui signifie tout simplement

dieu. Dans ce cadre, Dieu pouvait permettre qu’on l’appelle de cette manière. Mais à partir du

363 Abraham HESCHEL, Dieu en quête de l'homme, p. 213. S. ENCEL ajoute : « Il est évident que Dieu n’est pas créé à l’occasion de la révélation, mais il se dévoile, se révèle à ce moment. Ceci implique qu’il cachait aux hommes jusqu’alors, et que par intermédiaire il décide d’ouvrir l’une des fenêtres de la connaissance. Cette lumière soudaine rejette naturellement dans l’ombre les périodes antérieures, et les hommes non convaincus par cette révélation. » Stéphane ENCEL, Histoire et religions, p. 107. 364 P. M. VAN BEMMELEN classifie le nom de cette révélation comme révélation spéciale. Je suis d’accord avec le principe qu’il a développé : « La révélation spéciale est l’ensemble du processus par lequel Dieu s’est révélé à la race humaine et a révélé son dessein rédempteur à travers Israël, les prophètes et les apôtres, et suprêmement en Jésus-Christ. » Peter Maarten VAN BEMMELEN, Révélation et inspiration, p. 29. Puis l’auteur explique qu’il y a différentes caractéristiques de la révélation spéciale : 1. La révélation spéciale comme choix ; 2. La révélation spéciale comme rédemption ; 3. La révélation spéciale comme adaptation. Cƒ. Ibid., p. 30-34. 365 Concernant cette expression, le prêtre GEFFRÉ dit : « Inspiration et interprétation ont donc partie liée selon la conception chrétienne de la révélation. [...] Parler de l’Écriture en termes de témoignage, c’est éviter d’idolâtrer la lettre du texte sacré comme si elle était la Parole de Dieu. » Roger ARNALDEZ, Claude GEFFRÉ, Armand ANECASIS et al., Colloque sur le Dieu unique, p. 37. 366 General Conference of Seventh-Day Adventists, Ce que croient les adventistes... : 27 vérités bibliques fondamentales, Dammarie-les-Lys, Vie et Santé, 2001, p. 7. « Le sentier des justes est comme la clarté de la lumière, qui va croissant jusqu'au plein jour », Pr 4.18.

Page 75: LÕordalie au Mont Carmel

~ 74 ~

moment où le El devient le nom propre d’une divinité particulière, Dieu va se révéler comme El-

Shaddaï pour s’en différencier (Gn 17.1 ; 28.3 ; 35.11). Permettez-moi de donner une image de ce que

je viens de dire.

Aujourd’hui, dans le milieu francophone chrétien, on a l’habitude de désigner Dieu par le

mot Seigneur. Alors, imaginons qu’un groupe des personnes adore le dieu des drogues, lequel possède

des caractéristiques très particulières, et que ce dieu-là s’appelle Seigneur. YHWH, devrait se révéler

pour demander qu’on ne l’appelle plus Seigneur, pour éviter toute confusion. Mais l’essentiel n’est pas

là. C’est plutôt que Dieu se soit révélé progressivement à l’humanité au fur et à mesure que l’esprit

de chaque individu est prêt et que le temps est venu. R. BRAGUE exprime ce que je viens d’expliquer

de cette manière :

« Que Dieu ait choisi de ne pas parachuter une parole, mais de commencer par s’exprimer dans l’histoire, et dans une histoire libératrice, est déjà une préparation de l’Incarnation. Par celle-ci, le Verbe se fait chair, c’est-à-dire s’enfouit dans ce qui est par définition silencieux. Avec la mort du Christ, Dieu a dit tout ce qu’il avait à dire367. »

L’Esprit de Dieu s’est révélé sans limite (Jn 16.13), mais de manière progressive, chaque fois que

l’esprit de l’homme le permettait. Par exemple, au commencement du ministère de Jésus, ses disciples

ne comprenaient pas la nature de sa mission (Lc 24.13-35). Ils pensaient que le Messie devait les

délivrer des Romains. Cependant, Dieu leur révéla tout au long de leur ministère que le Christ venait

pour accomplir une mission beaucoup plus grande (Mt 5.17 ; 20.28 ; Lc 19.10 ; Jn 3.17 ; 10.10 ; etc.).

Et en même temps, on peut voir très clairement que Jésus-Christ va dans le sens de la révélation

progressive : « J'ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant.

Quand il viendra, lui, l'Esprit de la vérité, il vous conduira dans toute la vérité ; car il ne parlera pas de

sa propre initiative, mais il dira tout ce qu'il entendra et il vous annoncera ce qui est à venir », Jn

16.12-13. Si Jésus ne révèle pas plus de choses à ses disciples, c’est parce qu’ils ne sont pas prêts. En

effet, l’être humain ne s’adapte pas à Dieu, c’est toujours Dieu qui s’adapte à l’humanité.

Finalement, je pense que Dieu s’est révélé progressivement au peuple d’Israël. Aujourd’hui,

comme hier, Dieu nous rejoint dans nos cheminements, il cherche avec soin le moment favorable

pour nous dire ce qui doit nous être révélé, car YHWH est un Dieu compatissant et clément, patient

et grand par la fidélité et la loyauté (Ex 34.6). Un auteur de la fin du XIXe siècle, E. WHITE368, donne

un point de vue spirituel qui résume très bien ma pensée :

367 Rémi BRAGUE, Du Dieu des chrétiens, p. 108. 368 Auteur et conférencière américaine, militante dans des domaines aussi divers que l'éducation, les droits de l'homme, l'environnement, l'hygiène de vie, l'abolition de l'esclavage, l'égalité des races, Ellen White (1827-1915) participe avec quelques amis à la fondation du mouvement chrétien adventiste. La communauté adventiste reconnaît dans la créativité de ce ministère une dimension prophétique. Pour approfondir sur cet auteur, cf. Jean-Luc ROLLAND, Ellen White [en ligne], disponible sur : <http://www.ellenwhite center.org>, (consulté le 28 avril 2014).

Page 76: LÕordalie au Mont Carmel

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« Au lieu d’avoir été données aux hommes en une suite ininterrompue de déclarations, les Écritures se sont enrichies pièce par pièce au cours de générations successives, chaque fois que la Providence divine jugeait utile de parler aux hommes en divers temps et en divers lieux. Les auteurs ont écrit selon qu’ils étaient mus par le Saint-Esprit. Il y a “d’abord le bouton, puis la fleur, ensuite le fruit”; “d’abord l’herbe, puis l’épi, puis le grain tout formé dans l’épi”. C’est exactement ce qui se passe en nous grâce à la Bible369. »

Donc, pour moi, le récit de l’ordalie s’insère bien dans l’appel de Dieu pour faire sortir son peuple

du syncrétisme. Cependant, Dieu ne demande pas à son peuple de faire quelque chose qu’il ne

pouvait pas encore faire, c’est-à-dire devenir monothéiste. YHWH ne lui demande pas de nier toute

existence d’autres dieux. Il demande simplement qu’il soit le seul Dieu d’Israël. Mais je pense que

l’ordalie au mont Carmel est aussi un récit avec une portée théologique monothéiste. C’est le dernier

duel entre YHWH et Baal dans lequel seulement les dieux pouvaient répondre 370 . Donc, la

théophanie au mont Carmel telle qu’elle est racontée par le livre des Rois pourrait bien être une

charnière pour préparer l’esprit du peuple à l’idée d’un Dieu Unique, et ainsi pouvoir passer de

l’hénothéisme au monothéisme.

3.5 Une parole pour aujourd’hui

J. CALVIN a dit : « L'esprit de l'homme est une boutique perpétuelle et de tout temps pour forger

des idoles371 ». Bien évidemment, c’était le cas d’Israël, comme aujourd’hui le nôtre. À cause du péché

qui habite en nous, nous sommes toujours attirés par l’idolâtrie. De là les paroles de Paul : « Mes

bien-aimés, fuyez l'idolâtrie. » (1 Co 10.14).

Ainsi l’on pourrait dire que le duel organisé par Élie vise, dans le passé comme aujourd’hui, à faire

ressortir l’importance de notre relation unique et exclusive avec le Dieu de l’Alliance qui, dans sa

révélation suprême, s’est manifesté en Jésus-Christ. Bien sûr, aujourd’hui on ne parle plus des cultes

cananéens, ni de Baal, mais il existe plusieurs formes d’idolâtries. Il existe plusieurs types de Baals.

« Pensons à l'astrologie, aux superstitions, aux pratiques du Nouvel Âge qui pourraient être vues

comme une version moderne du retour aux faux dieux. Si les journaux prennent de l’espace pour

écrire les horoscopes du jour, c’est que les lecteurs s’y attardent372. » L’on pourrait ajouter une

infinité de faux dieux à cette liste, à savoir tout ce qui prend la place du seul et unique Dieu (l’argent,

les affaires, le sexe, les drogues, le succès, etc.). Ainsi, et peut-être sans le vouloir, nous pouvons être

dans l’idolâtrie comme le peuple d’Israël. L’appel d’Élie au v. 21 est toujours d’actualité : Jusqu’à quand

369 Ellen WHITE, Messages Choisis. Compilation d'écrits d'Ellen WHITE, vol. 1, Dammarie les Lys, Vie et Santé, 2002, p. 22. 370 Les autres confrontations qui succéderont à celle du Carmel n’ont pas le peuple comme centre du litige. La lutte contre Baal s’est d’abord poursuivie par la confrontation entre Élie et Achazia, fils d’Achab (2 R 1.2-17). Quant à celle du récit de Jéhu contre le culte de Baal (2 R 10.18-28), il me semble qu’il s’agit plutôt d’un guet-apens tendu aux serviteurs du Baal. Il n’y a pas manifestation divine, la finalité est d'en terminer avec le culte de Baal. Même cas pour les réformes religieuses accomplies par Josias sur le territoire d’Israël, 2 R 23.15. 371 CALVIN Jean, Institution de la religion chestienne. Nouvellement mise en quatre livres et distinguée par chapitres, en ordre et méthode bien propre, augmentée aussi de tel accroissement qu'on la peut presque estimer un livre nouveau, vol. 1, Paris, C. Meyrueis, 1859, p. 43. 372 Sébastien DOANE, Mais d'où vient la femme de Caïn ?, p. 107.

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~ 76 ~

suivrez-vous d’autres dieux ? Soit vous restez fidèles à YHWH, soit aux autres dieux. L’apôtre Paul

dit :

« Faites donc mourir ce qui n'est que terrestre : l'inconduite sexuelle, l'impureté, les passions, les mauvais désirs et l'avidité, qui est idolâtrie. […] Mais maintenant, vous aussi, rejetez tout cela : colère, animosité, malfaisance, calomnie, paroles choquantes sortant de votre bouche. Ne vous mentez pas les uns aux autres : vous vous êtes dépouillés de l'homme ancien, avec ses agissements, et vous avez revêtu le nouveau, qui se renouvelle en vue de la connaissance, selon l'image de celui qui l'a créé. » Col 3.5, 8-10.

Comme Élie l’a proposé au peuple, il faut choisir l’un ou l’autre, mais il ne faut pas rester entre

deux chaises (cƒ. Ap 3.15-16). Depuis la création, Dieu nous a toujours laissé le choix. Chaque

individu dans sa relation personnelle avec Jésus-Christ, doit répondre à l’appel éternel de Dieu : « J’ai

mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et

ta descendance, en aimant le SEIGNEUR, ton Dieu, en l'écoutant et en t'attachant à lui : c'est lui qui

est ta vie, la longueur de tes jours, pour que tu habites sur la terre que le SEIGNEUR a juré de

donner à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob. » Dt 30.19-20. Personne ne peut suivre deux maîtres. En

effet, ou bien on détestera l'un et on aimera l'autre, ou bien on s'attachera à l'un et on méprisera

l'autre (Mt 6.24). Et le Seigneur Jésus a dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. Personne ne vient au

Père sinon par moi », Jn 14.6. Alors, qui allez-vous choisir ?

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~ 77 ~

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~ 78 ~

Conclusion

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Conclusion

Tout au long de ce travail, nous avons présenté différentes analyses qui nous ont permis de

répondre à la problématique de départ, à savoir l’ordalie au mont Carmel avait-elle pour but

d’amener le peuple à l’hénothéisme ou au monothéisme?

La première partie de ce travail a introduit le livre des Rois, a circonscrit le but du livre et son

message afin de mieux comprendre la péricope étudiée. A suivi une traduction littérale de 1 R 18.20-

40, afin d’en analyser le contexte large, proche et immédiat. L’ordalie au mont Carmel s’insère dans

un contexte littéral bien particulier : le cycle d’Élie. Une terrible sécheresse de trois ans, résultat des

paroles du prophète Élie pour punir l’établissement du culte de Baal et l’officialisation de ce culte,

menaçait tous les habitants d’Israël.

Cette analyse synchronique nous a donc aidé à mieux comprendre le sens du récit. Le défi lancé

par Élie aux prophètes de Baal avait pour but de faire sortir le peuple du profond syncrétisme dans

lequel il se trouvait (1 R 18.21,24). L’ordalie au Carmel n’avait pas pour but de démontrer l’existence

du dieu Baal ni de savoir si YHWH était l’unique Dieu dans l’univers. La prière d’Élie « En ce jour fais

connaître que toi, tu es Dieu en Israël et moi ton serviteur » (v. 36) montre très bien que le duel entre

les deux divinités, Baal et YHWH (représentées sur terre par les prophètes de Baal et Élie) avait pour

but de reconquérir le territoire et le peuple d’Israël.

Dans la deuxième partie, l’analyse diachronique nous a conduit à appréhender le contexte

historique dans lequel se déroule le récit de l’ordalie. Nous avons constaté que la conjonction de

plusieurs éléments a contribué à ce que le peuple d’Israël se tourne vers le culte de Baal, que le

baalisme existait avant l’entrée d’Israël en Canaan, que les Cananéens étaient restés sur la Terre

promise quand Israël s’y était établi et que les Israélites s’étaient mélangés à eux.

À cette époque, chaque dieu avait son propre territoire et Baal était le dieu de la terre de Canaan.

De plus, les attributs de Baal comblaient parfaitement les besoins d’Israël. Le peuple d’Israël était

passé de l’état semi-nomade à l’état sédentaire. Comme il commençait à pratiquer l’agriculture, il

avait besoin de l’expérience des Cananéens. Il a donc été séduit par les cultes agraires. La géographie

de la région faisait que le peuple avait besoin de pluie, donc besoin d’un dieu agraire qui contrôle la

nature. Baal était le dieu de la pluie et de la fertilité. C’est pour cela qu’il pouvait répondre

parfaitement aux besoins des Israélites. En outre, Baal était le dieu qui oignait les rois, les protégeait

et faisait prospérer le peuple. Israël ayant eu de mauvaises expériences avec ses rois, Baal pourrait

sans doute mieux répondre à ses attentes. Ultérieurement, le schisme entre les deux royaumes eut

des conséquences néfastes pour la religion yahwiste dans le royaume du Nord. L'instauration des

deux taureaux de Jéroboam créa une sorte de nouvelle religion. Ainsi, le yahwisme y fut délaissé. Puis

les alliances entre Israël et la Phénicie lui valurent une reine zélatrice de Baal, Jézabel.

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L’arrivée de Jézabel avec ses prophètes païens permit la renaissance de la religion cananéenne et

entraîna le syncrétisme religieux des Israélites. La princesse phénicienne amena dans ses bagages huit

cent cinquante prophètes de Baal et Astarté, dans le but d’endoctriner le peuple et de faire de la

religion de Baal la religion officielle de la couronne.

Les similitudes entre Yhwh et Baal firent tomber le peuple non seulement dans l'idolâtrie mais

aussi dans le syncrétisme. Par exemple, Baal était présenté comme le dieu de la foudre, et YHWH se

présentait sous l’aspect du feu (Ex. 3.2 ; 19.18). De plus, tous deux se présentaient comme le

chevalier des nuages. Ainsi, le peuple d’Israël se tourna à plusieurs reprises vers Baal. Mais nous avons

vu que ce n’était pas le but de Dieu qu’il reste dans le péché. Donc, d’après l’analyse du contexte

historique et théologique, les confrontations entre YHWH et Baal s’insèrent dans une lutte pour faire

sortir le peuple de l’idolâtrie et du syncrétisme.

Dans la troisième partie, nous avons vu qu’il y a différents termes pour définir l’état religieux

d’Israël. Nous avons expliqué les mots monothéisme et hénothéisme. Aucun d’eux ne se trouve dans la

Bible. Ce sont les théologiens qui inventèrent le concept pour définir la situation du peuple d’Israël.

Nous avons souligné que le nom monothéisme (qui est la croyance en un seul et unique Dieu) n’est

pas tout à fait approprié pour décrire la situation du peuple d’Israël pendant la période royale. C’est

pour cela que le terme hénothéisme (qui est la croyance en l’un des dieux, sans nier pour autant

l’existence des autres dieux) correspond beaucoup mieux à la situation du peuple d’Israël à l’époque

de l’ordalie au Carmel. Car Baal n’était pas réellement contesté dans son existence mais dans sa

prétention à être le dieu du territoire d’Israël. Ce qui nous semble important de souligner, c’est

l’initiative de YHWH.

Concernant la problématique initiale - l’ordalie au mont Carmel avait-elle pour but d’amener le

peuple au monothéisme ou à l’hénothéisme ? -, le but du récit est de faire sortir le peuple du

syncrétisme dans lequel il était (1 R 18.21,24), de dénoncer le culte officiel baaliste, de rétablir le culte

de YHWH en Israël (1 R 18.36,39), d’affirmer la prééminence de YHWH sur la terre d’Israël, et de

montrer son caractère exclusif dans le pays : seul YHWH est Dieu en Israël. Donc, l’ordalie au

Carmel avait bien pour but d’amener le peuple à l’hénothéisme et de le faire pratiquer une

monolâtrie aniconique.

L’ordalie au Carmel est un récit révélateur dans le processus qui aboutit au monothéisme :

YHWH est seul et vrai Dieu. Ce récit a aussi une portée théologique monothéiste. C’est le dernier

duel entre YHWH et Baal dans lequel les dieux seuls pouvaient répondre. Nous avons dit plusieurs

fois dans ce travail qu’il existe un parallèle entre Moïse et Élie. Nous nous sommes demandé s’il était

possible de faire aussi un parallèle entre la théophanie du mont Carmel et celle du mont Sinaï. Dans

les deux cas, Dieu se manifesta pour transmettre un message à son peuple. Ceci pourrait être l’objet

d’un autre travail de recherche. Mais pour ma part, la théophanie au mont Carmel pourrait bien être

une charnière pour préparer l’esprit du peuple à l’idée d’un Dieu unique, et ainsi pouvoir passer de

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~ 81 ~

l’hénothéisme au monothéisme. Car nous avons vu que Dieu ne voulait pas que son peuple reste dans

l’hénothéisme. Bien qu’au commencement, le peuple d’Israël était hénothéiste et monolâtrique, Dieu

ne voulait pas qu’il en soit ainsi pour toujours.

À cause du péché, l’être humain est incapable de tout comprendre d’un seul coup. Son esprit est

étroit dans la compréhension de Dieu (cƒ. Lc 24.25-26). Une illustration montre bien cela : est-il

possible de faire entrer tout l’océan dans un verre ? Imaginons que l’esprit de l’homme soit

représenté par un verre et Dieu par l’océan. C’est impossible de comprendre Dieu dans toute sa

plénitude (cƒ. Jb 38.1 à 39.30). Donc, Dieu s’est révélé à l’humanité et à chacun de nous

progressivement. C’est pour cela que nous avons parlé de révélation progressive. Le problème est

que nous voulons interpréter toute la Bible selon la lumière et la révélation que nous avons

aujourd’hui, sans tenir compte que Dieu s’est révélé à plusieurs reprises jusqu’à nos jours.

* * *

Nous avons rencontré plusieurs difficultés au cours de ce travail. Quelques-unes d'entre elles ont

déjà été énoncées dans l’introduction. Le plus difficile a été de trouver un équilibre entre deux

courants très antagoniques. En tant que chrétien, adventiste du septième jour, j’ai eu du mal à me

positionner face à toutes les hypothèses remettant en cause l’inspiration des auteurs bibliques du

texte vétérotestamentaire. Évidemment, il est facile de dire, comme plusieurs conservateurs, que la

critique dit n’importe quoi ! Mais la réalité pour moi est toute autre. Quand j’ai été confronté aux

argumentations scientifiques (preuves archéologiques, témoins extrabibliques, etc.), j’ai dû me

positionner en accord avec ma foi, foi non aveugle, mais réfléchie et intelligente. Là où la critique voit

l’invention du monothéisme ou du yahwisme, je vois plutôt la révélation de mon Dieu. Le titre du

livre qui m’a inspiré à faire ce travail est Naissance du monothéisme, point de vue d’un historien. Pour ma

part, si je devais mettre un titre à ce sujet, ce serait Naissance du monothéisme, point de vue d’un

croyant. Certainement, pour quelques-uns, ma réponse ne suffira pas, mais le fait de voir que Dieu se

révèle progressivement à l’humanité m’aide dans ma compréhension de la Bible et de Dieu.

* * *

Quelques sujets rencontrés dans cette étude mériteraient d’être approfondis.

De nombreuses questions se sont pressées dans mon esprit au moment de parler du nom de

YHWH. Il existe plusieurs opinions concernant son origine, sa signification, sa prononciation, etc.

Évidemment, si l’on s’en tient à la Bible, ce nom est facile à expliquer. Mais le débat est beaucoup

plus large que je ne le pensais. La révélation du nom YHWH est une question qui mérite d’être

développée plus profondément, peut-être dans un futur travail de recherche.

Concernant le monothéisme ou l’hénothéisme, il serait passionnant de faire une étude approfondie

sur les textes qui sont utilisés par la critique pour justifier que le monothéisme n’est rien d’autre

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~ 82 ~

qu’une invention postexilique, et de confronter les arguments. Ces textes ont été évoqués dans la

troisième partie, mais nous n’avons pas développé le sujet à cause des limites du volume de ce travail.

Il serait aussi intéressant de voir quel rôle joue le cycle d’Élie (touché au premier chapitre) dans la

révélation du monothéisme.

Toujours en rapport avec le monothéisme, nous n’avons pas considéré le point de vue

néotestamentaire. Il serait intéressant de découvrir ce qu’en dit la tradition à travers les Pères de

l’Église, d’analyser les différents crédos, bref de considérer les enjeux d’un monothéisme face à un

Dieu trinitaire, ou encore les différents positionnements par rapport aux religions monothéistes.

Finalement, un point intéressant à développer, lié directement à notre étude, serait de voir s’il

existe un parallèle entre le ministère de Moise et celui d’Élie. Dans le NT, au moment de la

transfiguration (cƒ. Mt 17.1-9 ; Mc 9.2-10 et Lc 9.28-36), qui curieusement se déroule aussi sur une

montagne, ces deux prophètes apparaissent à Jésus. Est-il possible de faire un parallèle entre les deux

théophanies et les résultats qui en découlent ?

* * *

Malgré les doutes et les difficultés, j’ai pris un grand plaisir à la réalisation de ce travail, mais il

pose de nouvelles questions que j’aimerais pouvoir développer lors d’une thèse doctorale. Mais le

plus important reste l'enseignement que j'en ai tiré.

C’est toujours Dieu qui prend l’initiative. Il se révèle chaque jour à nous comme le vrai Dieu. Il

nous laisse le choix de le suivre ou pas. Et malgré que souvent nous puissions tomber dans le péché

de suivre des faux dieux, YHWH s'en différencie totalement. Il est un Dieu d’amour, miséricordieux,

qui pardonne nos fautes. C’est pour cela qu’il est Unique. Il nous dit : « Je connais, moi, les plans que je

prépare à votre intention –déclaration du Seigneur– non pas des plans de malheur, mais des plans de paix,

afin de vous donner un avenir et un espoir », Jr 29.11. L’humanité ne s’adapte pas à Dieu, c’est Dieu qui,

dans son immense amour, rejoint chaque individu de l’humanité.

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Table de matières

Introduction ................................................................................................................................. 3

1. Étude exégétique : 1 Rois 18.20-40 ............................................................................. 9

1.1 Introduction au livre des Rois ...................................................................................... 9 1.2 Traduction et établissement du texte ................................................................... 14 1.3 Commentaire du texte ................................................................................................. 23

1.3.1 Contexte large, proche et immédiat ............................................................................. 23

1.3.2 Analyse du texte : l’ordalie au Carmel, intrigue de révélation ................................ 25

1.4 Résumé de la première partie ................................................................................... 33

2. Contexte historique et théologique : essor du baalisme en Israël ............ 36

2.1 Incidence de la géographie et la démographie sur le culte de Baal ........ 36 2.1.1 Géographie d’Israël ........................................................................................................... 36

2.1.2 Démographie d’Israël ........................................................................................................ 37

2.2 Baalisme ............................................................................................................................... 39 2.2.1 Perspective vétérotestamentaire sur Baal ................................................................... 40

2.2.2 Perspective d’après les textes de Ras Shamra sur Baal ............................................ 44

2.3 Essor du baalisme sous la royauté en Israël ....................................................... 47 2.3.1 Schisme en Israël ................................................................................................................ 48

2.4 Israël, royaume du Nord .............................................................................................. 51 2.4.1 Stabilisation du royaume à tout prix ............................................................................. 52

2.4.2 Officialisation du baalisme ................................................................................................ 53

2.4 Résumé de la deuxième partie ................................................................................. 54

3. Monothéisme ou hénothéisme ? ................................................................................. 60

3.1 Monothéisme, hénothéisme et polythéisme ...................................................... 60 3.2 La religion de l’ancien Israël était-elle monothéiste ? ................................... 62 3.3 1 Rois 18.20-40 : un appel au monothéisme ou à l’hénothéisme ? ........... 67 3.4 Réponse à la problématique ....................................................................................... 70 3.5 Tentative de thèse .......................................................................................................... 71 3.5 Une parole pour aujourd’hui ...................................................................................... 75

Conclusion .................................................................................................................................. 79

Bibliographie ............................................................................................................................. 83

Page 95: LÕordalie au Mont Carmel

Le nom de Baal est cité plus de 90 fois dans l’AT. Son

nom évoque l’idolâtrie ou l’apostasie. Ses attributs font de

lui une divinité très populaire qui séduit à maintes reprises

le peuple d’Israël.

  Le récit de 1 R 18.20-40 raconte le duel entre YHWH

et Baal en présence du peuple qui devra choisir l’un d'eux.

D’après le défi lancé par Élie, le dieu qui répondra par le feu

prouvera qu’il est celui d'Israël. Quel est le but du combat :

amener le peuple à l’hénothéisme ou au monothéisme ?

  C’est faire sortir le peuple du syncrétisme, l'amener à

l’hénothéisme et lui faire pratiquer une monolâtrie

aniconique. Cependant, Dieu ne veut pas que son peuple

reste dans cette situation. L’ordalie au Carmel est un récit

révélateur dans le processus qui aboutit au monothéisme.

Dieu s’est révélé progressivement à son peuple afin de se

manifester comme le seul et vrai Dieu.

L’ordalie au mont CarmelVers l’hénothéisme ou le monothéisme

LeandroLOPEZ RODRIGUEZ