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L’originalité de la démarche québécoise de lutte à la pauvreté chez les familles monoparentales Paul Bernard et Hicham Raïq Département de sociologie Université de Montréal Colloque “Briser le lien entre monoparentalité et pauvreté” Centre Léa-Roback, Direction de la santé publique de Montréal 19 mars 2010

L’originalité de la démarche québécoise de lutte à la …€™originalité de la démarche québécoise de lutte à la pauvreté chez les familles monoparentales Paul Bernard

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L’originalité de la démarche québécoise de lutte à la pauvreté chez les familles monoparentales

Paul Bernard et Hicham RaïqDépartement de sociologie

Université de Montréal

Colloque “Briser le lien entre monoparentalité et pauvreté”Centre Léa-Roback, Direction de la santé publique de Montréal

19 mars 2010

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Pourquoi les familles monoparentalessont-elles particulièrement pauvres?

• Une question de distribution “verticale” des revenus: le marché du travail produit des inégalités que les impôts et les transferts corrigent dans une certaine mesure, selon les pays

• Selon Nancy Fraser, il y a aussi une double question d’équité « horizontale », c’est-à-dire entre les familles monoparentales et les familles biparentales• Les familles monoparentales ont le plus souvent un chef féminin;

or les femmes sont désavantagées dans le marché du travail• La charge familiale entrave souvent la participation pleine au

marché du travail, et ce surtout quand il y a un seul parent pour concilier emploi et travail de soins

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Les familles monoparentales, particulièrement les femmes largement plus nombreuses que les hommes, ont besoin de filets de sécurité leur permettant de combiner les sources de bien-être.

État

Revenu du marché

Prestations sociales

Marché

Famille

L’État peut encourager et faciliter le recours au marché à travers le soutien aux structures de garde pour enfants.

L’État peut réglementer les pensions alimentaires afin d’impliquer les ex-conjoints dans la prise en charge de la famille

Pensions alimentaires

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Apprendre à propos du Québec par une double démarche comparative: 1 - des pays témoins

• Le Québec comparé à des pays témoins appartenant à divers régimes providentiels;• La Suède social-démocrate, ses droits universels et

sa promotion de l’égalité de genre• La Grande Bretagne libérale et ses programmes de

dernier recours• La France et les Pays-Bas “conservateurs”,

relativement généreux mais moins orientés vers l’équité horizontale que les pays socio-démocrates

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Apprendre à propos du Québec par une double démarche comparative: 2- le poids de l’ensemble canadien

• Le Québec comparé aux trois autres plus grandes provinces au Canada, l’Ontario, l’Alberta et la Colombie britannique: quelle marge de manœuvre économique, sociale et culturelle• dans l’ensemble canadien

• au sein du modèle social libéral des pays anglo-saxons

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Facteurs de convergence Facteurs de divergence

Au plan économique

• Marché commun canadien, voire continentalisme, avec ses retombées sur la fiscalité et les programmes sociaux.

• Menace (économique et politique) des « courses vers l’abîme »

• Importance économique des frontières, nationales mais aussi provinciales John Helliwell)

• Investissement social et « rentabilité » des programmes sociaux

Au plan politique

• Politiques fédérales et influence du pouvoir fédéral sur les programmes provinciaux (dont le pouvoir de dépenser)

• Juridictions provinciales sur les principales questions qui ont trait aux régimes providentiels (santé, sécurité sociale, éducation, famille, etc.)

• Traditions politiques différentes des provinces

• Force du mouvement féministe au Québec

Au plan culturel

• La culture commune du Canada et de l’Amérique du nord

• La « société distincte » et ses retombées

• L’affirmation de l’identité nationale au moyen des politiques sociales

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Quelques considérations sur l’investissement social

• Sur le long terme, les programmes sociaux n’obèrent pas les économies développées (Peter Lindert)

• La raison en est que la fiscalité, les transferts et les services publics, s’ils sont développés efficacement, peuvent non seulement ne pas nuire à l’activité économique, mais peuvent même la favoriser (voir par exemple Jean-François Lisée sur la gauche efficace)

• Le débat sur l’antériorité de la création ou de la distribution de la richesse néglige le lien étroit et réciproque entre développement social et le développement économique, mis en relief par la Commission Stiglitz (durabilité)

• Les études du MESS démontrent la rentabilité de tels investissements dans des politiques de l’emploi au Québec (formation, aide à la recherche d’emploi, rendre le travail payant)

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Les questions de recherche

• Quelle proportion des familles monoparentales, en comparaison avec les familles biparentales, sont-elles pauvres?

• Jusqu’à quel point ces familles sont-elles pauvres? Pauvreté, pauvreté aigue et quasi-pauvreté.• Un enjeu important: politique d’écrémage ou lutte directe contre la

pauvreté aigue?• La signification variable de la quasi-pauvreté

• Quel est l’apport des divers piliers de bien être au revenu de ces familles : le marché, la famille, les divers types de programmes publics (assuranciels, centrés sur les familles et d’assistance sociale)?

• Quelles sont les rôles respectifs, dans l’évolution de la situation économique des familles monoparentales, des changements dans leur composition socio-démo-économique et des changements de leurs comportements par rapport à l’emploi?

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Considérations méthodologiques (1)

• Le « Luxemburg Income Study »• une source de données comparatives harmonisées

sur les pays et sur la plupart des provinces canadiennes: les enquêtes nationales de revenu

• les données, détaillées selon la source des revenus, s’étendent sur une relativement longue période, avec des vagues en 1990, 1995, 2000 et 2004

• Une mesure du revenu qui ne tient pas compte des services publics ou des contributions en nature

• Une définition de la famille monoparentale conventionnelle: un parent vivant avec au moins un enfant de moins de 18 ans et sans conjoint

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Considérations méthodologiques (2)

• Une échelle d’équivalence visant à standardiser le revenu du ménage selon le « nombre de bouches à nourrir »: convention LIS, qui divise le revenu du ménage par la racine carrée du nombre de personnes

• Un traitement des très faibles revenus visant à éliminer les aberrations: recodage des valeurs inférieures à 1% de la moyenne à cette valeur (1%)

• Une mesure de la pauvreté relative fondée sur une proportion de 50% du revenu médian (tendances similaires des différences entre pays et entre périodes quand on utilise les seuils de 40% et de 60%)

• Une mesure de la pauvreté aigue fondée sur une proportion de 30% du revenu médian (tendances similaires des différences entre pays et entre périodes quand on utilise les seuils de 20% et de 25%)

• Une mesure de la quasi-pauvreté: quand le revenu se situe entre 50 et 75% de la médiane

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Considérations méthodologiques (3)

• Du revenu de marché (principalement le marché du travail) au revenu disponible…

• ..en passant par la contribution des autres piliers de bien-être• la famille (principalement les pensions alimentaires)• l’État

• Des programmes publics qui se déclinent en trois modes, que nous examinons cumulativement• Les impôts et les transferts assuranciels (assurance chômage,

allocations de formation, assurance santé, allocations de vieillesse)

• Les programmes spécifiques de soutien aux familles (allocations familiales, congés de maternité et parentaux, allocations pour soins aux personnes dépendantes)

• L’assistance sociale (programmes de dernier recours)

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Les résultats

• La pauvreté relative

• La pauvreté aigue

• La quasi pauvreté

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Pauvreté relative

TYPE DE FAMILLE Suède France Pays Bas RoyaumeUni Canada Québec Ontario Alberta Colombie

B.

VAGUE 1990MONOPARENTALE *4.7 *24.5 *27.0 40 42.3 36.4 *48.8 35.7 35.8

BIPARENTALE *2.5 6.2 5.5 *11.9 8.5 7.3 7.6 10.9 7.1

VAGUE 1995MONOPARENTALE *6.8 *22.9 *23.9 39,1 37.9 38.8 39 37.3 40.8

BIPARENTALE *1.5 5.9 7.1 *12.3 9.1 7.5 8.9 9.5 *10.8

VAGUE 2000MONOPARENTALE *11.2 26,1 29,2 30,6 29.2 25.6 29.2 22.7 28.8

BIPARENTALE *2.2 *5.0 7.7 *9.3 *10.0 7.2 *10.4 *12.6 *12.9

VAGUE 2004MONOPARENTALE *9.1 n. d. n. d. 30 *36.6 24.6 *39.0 36.3 *41.2

BIPARENTALE 2.3 n. d. n. d. *7.0 *5.7 2.4 *6.9 *7.3 *8.6

Taux de pauvreté à 50% de la médiane dans cinq pays et quatre provinces canadiennes pour les famillesmonoparentales (FMP) et les familles biparentales (FBP), vagues de 1990 à 2004

* Les chiffres étoilés en rouge correspondent à des différences significatives par rapport au Québec, au seuil de 0.05

Source LIS (données collectées par les auteurs de la présentation à partir des fichiers des ménages)

Presenter
Presentation Notes
Les familles monoparentales sont davantage pauvres (au seuil de 50% de la médiane des revenus) que les familles biparentales, dans toutes les sociétés (Suède, France, Pays-Bas, Grande Bretagne, Canada, Québec, Ontario, Alberta et Colombie Britannique) et à toutes les périodes considérées (1990, 1995, 2000 et 2004). Cela dit, les différences sont beaucoup plus limitées en Suède, où la pauvreté est beaucoup moins fréquente dans les deux types de familles. La Grande-Bretagne et le Canada présentent des taux beaucoup plus élevés, et la France et les Pays-Bas présentent des valeurs intermédiaires.
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Pauvreté monoparentale: tendance baissière au Québec

Source LIS (données collectées par les auteurs de la présentation à partir des fichiers des ménages)

Presenter
Presentation Notes
Le Québec se distingue des autres provinces canadiennes par des taux de pauvreté notablement plus faibles pour les familles biparentales et monoparentales, et ce surtout dans les années 2000 (le taux de pauvreté augmente ailleurs et diminue au Québec). Il rejoint certaines sociétés d’Europe continentale, mais pas la Suède, sauf pour les familles biparentales en 2004.
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Source LIS (données collectées par les auteurs de la présentation à partir des fichiers des ménages)

Pauvreté biparentale: baisse plus accentuée au Québec

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Une confirmation indépendante

• Une analyse de Marie-Renée Roy, Guy Fréchet et Frédéric Savard à partir de la Mesure du panier de consommation, une mesure de la pauvreté hybride, absolue et relative, recommandée au MESS par le Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion (CEPE) et adoptée par le ministre et le gouvernement

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Presenter
Presentation Notes
La pauvreté MPC recule à chaque année au Québec (plus d’un quart en cinq ans), alors que le recul est moins marqué, voire plafonne dans les autres provinces.
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Pauvreté aigue

TYPE DE FAMILLE Suède France Pays Bas RoyaumeUni Canada Québec Ontario Alberta Colombie

B.

VAGUE 1990MONOPARENTALE *0.9 5 6.3 3.6 11.7 7.5 *14.7 11.9 7.4

BIPARENTALE 1.1 2.3 *3.1 *3.3 1.6 1.3 1.3 1.3 2.2

VAGUE 1995MONOPARENTALE 1.5 *1.2 6.5 3.2 *8.7 4.2 *8.5 *10.6 9.4

BIPARENTALE 0.5 0.8 *4.3 *4.4 *1.8 0.8 1.9 1.1 2.7

VAGUE 2000MONOPARENTALE 1.5 1.8 5.8 2.3 *7.2 3.4 7.2 6 5.1

BIPARENTALE *0.6 *0.5 *3.8 2.4 2 1.4 2.3 2.1 2.4

VAGUE 2004MONOPARENTALE 3 ND ND *3.8 *10.6 1.5 *12.8 *14 *15.6

BIPARENTALE 0.5 ND ND *2.2 *0.9 0.2 *1.4 *1.7 1.6

La pauvreté aigue dans 5 pays comparés aux 4 provinces canadiennes pour les familles monoparentales (FMP) et lesfamilles biparentales (FBP), vagues 1990 à 2004

Source LIS (données collectées par les auteurs du document à partir des fichiers des ménages)

*Les chiffres étoilés en rouge montrent que les différences sont significatives avec le Québec au seuil de 0.05

Presenter
Presentation Notes
En ce qui concerne la pauvreté aigue (au seuil de 30% de la médiane des revenus), tous les pays européens analysés, y compris la Grande-Bretagne, présentent des taux faibles et la situation des deux types de familles est assez semblable (la pauvreté aigue affecte très peu les familles biparentales). Mais au Canada et dans toutes provinces autres que le Québec, la pauvreté aigue chez les familles monoparentales est beaucoup plus élevée qu’en Europe en 1990, diminue par la suite, mais remonte en 2004, avec une évolution plus marquée que la pauvreté relative (donc une certaine tendance à l’écrémage) Au Québec, par contre, on assiste à un déclin de la proportion de familles monoparentales très pauvres tout au long de la période, si bien que nous atteignons les niveaux européens en 2004. Le Québec ne procède dont pas à un « écrémage » des rangs des pauvres (en faisant passer les moins pauvres des pauvres juste au dessus de la barre des 50% de la médiane) ; il s’occupe de sortir les familles, en particulier monoparentales, de la pauvreté aigue.
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Familles monoparentales: pauvreté aigue éradiquée au Québec

Source LIS (données collectées par les auteurs du document à partir des fichiers des ménages)

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Source LIS (données collectées par les auteurs du document à partir des fichiers des ménages)

Familles biparentales bien protégées de la pauvreté aigue

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Quasi-pauvreté

TYPE DE FAMILLE

Suède France PaysBas

RoyaumeUni Canada Québec Ontario Alberta Colombie

B.

VAGUE 1990MONOPARENTALE *31.7 *38.3 *35.5 *31.4 21.7 19.13 20.11 22.01 24.22BIPARENTALE *7.5 *19.3 16.9 18 17.4 14.53 *19.54 16.15 *21.93

VAGUE 1995MONOPARENTALE 25.9 *32.6 *48 *36.3 22.7 19.81 23.43 20.31 20.3BIPARENTALE *6.8 *18.7 14.5 16.3 17.3 15.12 *18.8 *19.32 16.26

VAGUE 2000MONOPARENTALE *44.5 34.5 *46.5 *40.3 27.9 27.71 24.25 26.85 35.51BIPARENTALE *9.8 19 *14 18.1 19.4 18.68 18.24 18.31 18.49

VAGUE 2004MONOPARENTALE *49.64 n. d. n. d. *36.93 23.8 25.68 22.48 22.61 19.84BIPARENTALE *8.27 n. d. n. d. 18.15 18.1 18.12 16.93 15.73 14.18

Les chiffres étoilés en rouge montrent que les différences sont significatives avec le Québec au seuil de 0.05

Taux de quasi-pauvreté (pourcentage des familles dont les revenus se situent entre 50% et 75% de lamédiane des revenus) dans cinq pays et quatre provinces canadiennes pour les famillesmonoparentales (FMP) et les familles biparentales (FBP)

Source LIS (données collectées par les auteurs à partir des fichiers des ménages)

Presenter
Presentation Notes
La quasi-pauvreté est un phénomène beaucoup plus répandu chez les familles monoparentales dans les sociétés européennes (y compris le Royaume Uni) qu’au Canada et dans ses provinces, y compris le Québec. Il semble que ces sociétés européennes ont du mal à éloigner les familles monoparentales de la pauvreté, même quand elles réussissent à les en sortir. La quasi-pauvreté prend toutefois un sens très différent selon que la probabilité de retour en situation de pauvreté (mesurée par le niveau de pauvreté relative) est faible (Suède et, dans une moindre mesure, France ou Pays-Bas) ou élevée (Royaume Uni). Les taux de quasi-pauvreté des familles biparentales sont assez semblables dans toutes les sociétés et provinces, à l’exception de la Suède où ils sont plus faibles, ce qui reflète probablement une distribution des revenus plus égalitaire dans ce pays. Le Québec a manifesté une légère tendance dans le même sens que la Suède dans le passé, mais cela s’est estompé dans les années 2000.
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Pourcentages des familles monoparentales dans chaque niveau de pauvreté

Presenter
Presentation Notes
Dans l’ensemble, le Québec présente donc la meilleure performance des provinces canadiennes, surtout dans les années 2000, quand on considère toutes les formes de pauvreté. Il se rapproche des pays européens autres que le Royaume Uni, en particulier de la Suède. Il y a plus de similarité entre les autres provinces canadiennes et le Royaume Uni, qui reflètent une dynamique correspondant au modèle providentiel libéral.
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Les facteurs sous-jacents

• La contribution des divers programmes publics à la diminution de la pauvreté des familles monoparentales

• Le changement de la composition socio-démo-économique des familles monoparentales

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Suède<50% 47.95 53.93 12.47 37.21 -22.40*11.2 -76.64

<30% 35.21 22.68 -35.59*12.58 -64.27 1.5 -95.74

Pays-Bas<50% 55.52 51.34 -7.53 47.93 -13.67 29.2 -47.41

<30% 43.57 37.83 -13.17 33.86 -22.29 5.8 -86.69

France<50% *62.66 56.12 -10.44 45.44 -27.48 26.1 -58.35

<30% *44.42 35.04 -21.12 20.56 -53.71 1.8 -95.95

GB<50% *74.64 *75.84 1.61*72.79 -2.48 30.6 -59.00

<30% *66.54 *66.36 -0.27*59.19 -11.05 2.3 -96.54

Canada<50% 45.7 47.43 3.79 39.51 -13.54 29.2 -36.11

<30% 34.05 31.04 -8.84 22.71 -33.30*7.2 -78.85

Québec<50% 47.66 48.32 1.38 39.06 -18.04 25.6 -46.29

<30% 34.15 28.34 -17.01 22.53 -34.03 3.4 -90.04

Ontario<50% 40.2 42.88 6.67 37.76 -6.07 29.2 -27.36

<30% 29.46 27.37 -7.09 22.61 -23.25 7.2 -75.56

Alberta<50% 36.75 44.33 20.63 34.97 -4.84 22.7 -38.23

<30% 26.94 19.21 -28.69 16.15 -40.05 6 -77.73

BC<50% 53.18 55.69 4.72 43.4 -18.39 28.8 -45.84

<30% 41.4 35.3 -14.73 21.16 -48.89 5.1 -87.68

* Les astérisques indiquent une différence significative d'avec le Québec

Contributions cumulatives des sources de revenu des familles monoparentales (année 2000)

Presenter
Presentation Notes
Pour la pauvreté relative: La Suède connaît des inégalités de revenu de marché limitées par rapport aux Pays-Bas, à la France et surtout à la Grande Bretagne. Les impôts et transferts assuranciels ne corrigent pas la pauvreté, mais des transferts aux familles font à cet égard un apport substantiel (plus qu’aux Pays-Bas, qu’en France et surtout qu’en Grande Bretagne). Un effort d’assistance social pour le reste d’un parcours qui conduit à des taux de pauvreté beaucoup plus faibles qu’Ailleurs en Europe. La Grande Bretagne présente donc le modèle opposé à la Suède, avec une réduction beaucoup plus modeste de la pauvreté, due surtout à un effort assistanciel. Les Pays-Bas et la France se retrouvent entre la Suède et la Grande Bretagne. Assez curieusement, le Canada et ses provinces se retrouvent assez proches de la Suède pour les revenus de marché, pour les impôts et programmes assuranciels et pour es allocations aux familles. Mais les programmes d’assistance sociale n’y sont pas aussi généreux, de sorte que la pauvreté au bout du compte est plus de deux fois plus importante qu’en Suède, comme nous l’avons déjà vu. Le Québec fait à peine mieux que les autres provinces. Pour la pauvreté aigüe: La Suède approche la pauvreté aigue d’une autre façon que la pauvreté relative: elle contribue à la faire reculer à la fois au niveau des impôts et transferts assuranciels et des programmes pour les familles, de sorte qu’elle n’est plus qu’au tiers de son niveau initial quand l’assistance sociale vient réduire cette forme de pauvreté à presque rien. La Grande Bretagne, au contraire, fait peu de choses autres que l’assistance sociale pour faire reculer cette forme de pauvreté, quoi qu’elle y parvienne assez bien. Les Pays-Bas ont un profil d’action semblable à la GB, mais avec des résultats finals moins efficaces, tandis que la France a plutôt un profil d’action semblable à la Suède. Au Canada, peu de choses distinguent les provinces entre elles en 2000, les programmes familiaux parvenant à réduire la pauvreté aigue d’un tiers et le reste étant pris en charge par l’assistance sociale. Le résultat final est médiocre, avec un taux de pauvreté aigue plus élevé que partout en Europe, et en particulier en Suède. Seule exception, le Québec présente un taux de pauvreté aigue qui est seulement à la moitié du taux canadien, quoi que le double du taux suédois.
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Suède<50% 46.4 46.73 0.71

35.04-24.48*9.1 -80.39

<30% 36.07 21.46 -40.5012.18

-66.23 3 -91.68

GB<50% *71.04 *75.81 6.71

*72.421.94 30 -57.77

<30% *59.82 *61.36 2.57*56.18

-6.08*3.8 -93.65

Canada<50% 51.66*51.6 -0.12

*44.1-14.63*36.6 -29.15

<30% *38.37 *34.97 -8.86*24.46

-36.25*10.6 -72.37

Québec<50% 46.35 43.2 -6.80

30.99-33.14 24.6 -46.93

<30% 30.4 24.1 -20.7214.8

-51.32 1.5 -95.07

Ontario<50% 53.81 52.78 -1.91

*47.43-11.86*39 -27.52

<30% *41 *37.61 -8.27*27.61

-32.66*12.8 -68.78

Alberta<50% 47.78 50.18 5.02

41.94-12.22 36.3 -24.03

<30% 32.67 32.1 -1.7424.56

-24.82*14 -57.15

BC<50% 54.87*56.68 3.30

*47.23-13.92*41.2 -24.91

<30% *43.01 *43.96 2.21*34.37

-20.09*15.6 -63.73

* Les astérisques indiquent une différence significative d'avec le Québec

Contributions cumulatives des sources de revenu des familles monoparentales (année 2004)

Presenter
Presentation Notes
Pour la pauvreté relative: En Suède, tout comme en 2000, les programmes familiaux contribuent substantiellement (un quart) à la baisse de la pauvreté relative, le reste étant assuré par l’assistance sociale, qui ramène ce taux à des niveaux beaucoup plus bas que ce n’est le cas en GB, au Canada et dans toutes ses provinces sauf le Québec. Le Québec fait beaucoup mieux, au final, que les autres provinces canadiennes, même si sa performance est encore loin de celle de la Suède. Et il met fortement à contribution, à l’instar de la Suède et en contraste à ces autres provinces, les programmes de soutien aux familles plutôt que la simple assistance sociale. Ces autres provinces présentent toutefois un profil différent de celui de la GB, avec des taux de pauvreté qui s’abaissent avec les programmes autres que l’assistance sociale. Celle-ci parvient toutefois à réduire la pauvreté relative en GB à un niveau final plus faible que dans toutes les provinces canadiennes, à l’exception du Québec. Pour la pauvreté aigüe: Tout comme en 2000, la Suède attaque la pauvreté aigüe avec tous les moyens, parvenant à la réduire à peu de chose. La GB atteint plus ou moins le même résultat par la seule assistance sociale. Les résultats sont beaucoup moins reluisants au Canada et dans ses provinces, malgré un certain effort du côté des politiques familiales, à l’exception notable du Québec, qui parvient à réduire la pauvreté aigüe à presque rien en utilisant tous les programmes d’intervention disponibles.
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Le Québec, les régimes providentiels et le contexte canadien

• Tout comme en Suède (pays par excellente des droits universels) et dans une certaine mesure en Europe continentale, l’assistance sociale intervient en dernier recours au Québec, l’abaissement du niveau de pauvreté des familles monoparentales ayant déjà été en partie atteint au moyen de l’aide aux familles et des autres transferts

• Cela dit, les résultats québécois ne sont pas aussi marqués qu’en Suède, se rapprochant davantage de ceux de la France et de Pays-Bas)

• En Grande-Bretagne et dans les autres provinces canadiennes, au contraire, c’est l’assistance sociale qui joue le rôle principal de réduction de la pauvreté, et avec des résultats moins bons que ceux du Québec, surtout dans la vague de données de 2004

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Le changement de la composition socio-démo-économique des familles monoparentales (1)

• Selon Myles, Hou, Picot et Myers, la composition des familles monoparentales a changé partout au Canada de 1980 à 2000 : les mères sont généralement plus âgées et mieux scolarisées.

• La participation au marché du travail s’est accrue pour toutes les mères, monoparentales ou biparentales. Mais ce phénomène est beaucoup plus marqué au Québec, qui a ainsi rattrapé le niveau des autres provinces

• Alors que le changement de la composition de ces familles rend à peu près totalement compte de cette activité accrue dans les autres provinces, l’évolution au Québec dépend principalement d’un accroissement de la propension à travailler des mères monoparentales (et généralement de toutes les mères), ce que les auteurs attribuent aux politiques favorables aux familles, en particulier le système de services de garde accessibles

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Le changement de la composition socio-démo-économique des familles monoparentales (2)

• En ce qui concerne les revenus (l’analyse n’a pas porté spécifiquement sur la pauvreté), la part du revenu des familles monoparentales provenant des transferts sociaux a diminué significativement au Québec et elle est en voie de rejoindre les résultats dans les autres provinces canadiennes

• En cette matière, le Québec ne présente donc pas des résultats très différents des autres provinces, mais il y est en partie parvenu en pratiquant des politiques différentes à l’égard des familles

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Conclusion

• Il y a donc place pour des politiques originales pour le Québec, même dans le cadre canadien

• Le Québec a pris un virage, en matière de politiques directes et indirectes de lutte à la pauvreté, qui le rapproche de pays d’Europe continentale et même de la Suède, jusqu’à un certain point, par delà l’appartenance du Canada au régime providentiel libéral

• On peut faire l’hypothèse que ces résultats tiennent en partie à des politiques publiques qui ont voulu contribuer à légalité des genres, comme les garderies, les lois d’équité, le recouvrement des pensions alimentaires, etc.