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Échanges 106 Ethique & Santé 2005; 2: 106-108 • © Masson, Paris, 2005 Toutes vos analyses et commentaires de livres, de revues, de sites Internet ou d’autres médias, peuvent être adressées à Florence Quinche : [email protected] Échanges LU, VU, ENTENDU Quelques publications Intérêt et limites du génogramme dans l’accompagnement du patient en fin de vie et de ses proches Patrick le Cardinal, Thèse de médecine, 12 octobre 2004, Faculté de droit et de la santé. Lille II. Henri Warembourg. Dans sa thèse de médecine, Patrick le Cardinal fait une analyse complète d’un outil qui, quoique d’actualité, gagne à être connu, et ce, quel que soit le domaine médical. Il est ici appliqué à un ser- vice de soins palliatifs. L’auteur nous présente, sous la forme entre autre de cas cliniques, les divers aspects de cette approche tant sur le plan pratique que théorique. Beaucoup plus complet que le basique arbre généalogique, le géno- gramme intègre tous les renseignements qu’il est possible d’appor- ter, et ce aussi bien dans le domaine psycho-affectif que celui pure- ment biomédical. Ceci nous amène à entrevoir derrière ce mécanisme graphique les si nombreux rouages de l’approche systé- mique qu’il suppose. On redécouvre, en effet, au fil de cette thèse cette démarche visant à remettre la maladie dans un univers qui lui est propre afin d’approcher le véritable sens du mal être qui se veut chaque fois différent. Le génogramme est donc ici présenté comme un outil qui mal- gré ses limites, entreprend une approche plus globale d’une si- tuation où les trois définitions anglo-saxonnes de la maladie (di- sease, illness et sickness) s’enchevêtrent pour ne former qu’un tout, ce dernier lui même replacé au sein du contexte qui fait de lui un tout unique. On apprécie donc dans ce travail, les différents enjeux, et les aboutissants de cette mise en pratique… qui permet au sein d’un travail pluridisciplinaire, une réintégration du système familial dans le travail psychothérapeutique, pour la mise en place d’un système plus respectueux de tous, allant vers une meilleure qua- lité d’accompagnement en vue de l’objectif premier : le mieux être du patient. On peut donc conclure que face à cette pénible situation qu’est la fin de vie, le génogramme peut apporter de nombreux mieux sur tous les plans. Toutefois, il convient d’admettre que tout ce- ci ne peut s’inscrire que dans une dynamique de projet en équi- pe, et ce pour ne pas tomber dans les travers de l’incohérence et de l’incompréhension, d’autant plus lorsqu’on soulève l’évi- dence que : au travers du génogramme, c’est l’histoire et la vie la plus intime de toute une famille, qui nous est remis, par elle et avec une admirable confiance. Ce travail montre toute la richesse et l’importance de ces analy- ses systémiques et d’un abord phénoménologique du patient afin de le restituer dans sa réalité. À souhaiter que de nombreux autres étudiants du monde du soin se saisissent de ces outils pour leurs travaux de recherches. Celui-ci en est un très brillant exemple. Bruno de Broca La tentation de l’euthanasie P. Verspieren, M.-S. Richard, J. Ricot, Paris, Desclée de Brouwer, 2004. Ouvrage collectif qui reprend un certain nombre de textes déjà parus dans la revue Laennec ces dernières années d’auteurs connus et reconnus pour leurs réflexions sur la fin de vie ou leurs pratiques en unité de soins palliatifs. Ce livre permet de donner un certain nombre de repères pour continuer à s’étonner sur les questions fondamentales de la dignité de l’homme, le sens de l’interdit et de sa transgression, sur les fondements de notre hu- manité. En effet, la volonté de maîtrise en tout lieu et tout temps n’incite t-il pas l’humain d’aujourd’hui à se défausser de cette réflexion si existentielle quand tant d’enjeux nouveaux semblent apparaître ? P. Verspieren souligne combien les enjeux éthiques sont de commencer par savoir qu’est ce que l’euthanasie c’est-à-dire « donner consciemment la mort à autrui ». Par ailleurs, il rap- pelle que depuis les années 1960, l’église catholique avait insisté pour dire que l’éthique du soin devait prendre en charge toute douleur quelle qu’elle soit. Jean Lemerle, avec son expérience clinique, dit modestement qu’« on ne vise pas l’immortalité du patient. Les frontières sont floues entre euthanasie et sédation risquée. L’essentiel réside dans l’intention… et dans le bon usage de la parole ». Marie-Sylvie Richard parle de sédation en fin de vie et de rappeler que les dérives sont possibles. Là encore, communiquer en équipe et avec le malade est une des clés de la justesse de son action. Trois textes sur les aspects éthiques en pratique clinique aident à mieux saisir les enjeux de maintenir vivante l’équipe, de savoir avec rigueur envisager les arguments scientifiques (mieux connaître la maladie en cause) et philosophiques (phénoménologiques, contex- tuels, et principes généraux ou procéduraux) pour entrer dans une dynamique d’agir adapté à chacun. L’analyse des équipes néerlandaises montre que la question n’est pas résolue du fait de la loi. Enfin les derniers textes sont plus spécifiquement philosophiques. J. Ricot reprend l’importance d’une éthique de chacun à assainir le vocabulaire d’un certain nombre de malentendus, de signifier que le relativisme ambiant ne peut pas aider à se structurer et qu’une société ne peut survivre sans interdits fondamentaux, dont le principal est « tu ne tueras point ». F.-X. Dumortier souligne les fondements de la dignité de l’homme notamment en reconnaissant que tout être est jusqu’à sa mort un être de raison et de liberté, un être de relation, un être dans une cité. C’est dire si ce livre permet de donner les bases nécessaires à comprendre les enjeux humains de la mort de l’autre, d’une mort donnée. Ce livre c’est aussi maintenir grand ouverte la pensée, afin de maintenir ouverte la question de la souffrance d’autrui. Alain de Broca

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106 Ethique & Santé 2005; 2: 106-108 • © Masson, Paris, 2005

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peuvent être adressées à Florence Quinche :[email protected]

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Quelques publications

Intérêt et limites du génogramme dans l’accompagnement du patient en fin de vie et de ses prochesPatrick le Cardinal, Thèse de médecine, 12 octobre 2004, Faculté dedroit et de la santé. Lille II. Henri Warembourg.

Dans sa thèse de médecine, Patrick le Cardinal fait une analysecomplète d’un outil qui, quoique d’actualité, gagne à être connu,et ce, quel que soit le domaine médical. Il est ici appliqué à un ser-vice de soins palliatifs. L’auteur nous présente, sous la forme entreautre de cas cliniques, les divers aspects de cette approche tant surle plan pratique que théorique.Beaucoup plus complet que le basique arbre généalogique, le géno-gramme intègre tous les renseignements qu’il est possible d’appor-ter, et ce aussi bien dans le domaine psycho-affectif que celui pure-ment biomédical. Ceci nous amène à entrevoir derrière cemécanisme graphique les si nombreux rouages de l’approche systé-mique qu’il suppose. On redécouvre, en effet, au fil de cette thèsecette démarche visant à remettre la maladie dans un univers qui luiest propre afin d’approcher le véritable sens du mal être qui se veutchaque fois différent.Le génogramme est donc ici présenté comme un outil qui mal-gré ses limites, entreprend une approche plus globale d’une si-tuation où les trois définitions anglo-saxonnes de la maladie (di-sease, illness et sickness) s’enchevêtrent pour ne former qu’untout, ce dernier lui même replacé au sein du contexte qui fait delui un tout unique.On apprécie donc dans ce travail, les différents enjeux, et lesaboutissants de cette mise en pratique… qui permet au sein d’untravail pluridisciplinaire, une réintégration du système familialdans le travail psychothérapeutique, pour la mise en place d’unsystème plus respectueux de tous, allant vers une meilleure qua-lité d’accompagnement en vue de l’objectif premier : le mieuxêtre du patient.On peut donc conclure que face à cette pénible situation qu’estla fin de vie, le génogramme peut apporter de nombreux mieuxsur tous les plans. Toutefois, il convient d’admettre que tout ce-ci ne peut s’inscrire que dans une dynamique de projet en équi-pe, et ce pour ne pas tomber dans les travers de l’incohérence etde l’incompréhension, d’autant plus lorsqu’on soulève l’évi-dence que : au travers du génogramme, c’est l’histoire et la vie laplus intime de toute une famille, qui nous est remis, par elle etavec une admirable confiance.Ce travail montre toute la richesse et l’importance de ces analy-ses systémiques et d’un abord phénoménologique du patientafin de le restituer dans sa réalité. À souhaiter que de nombreuxautres étudiants du monde du soin se saisissent de ces outils pourleurs travaux de recherches. Celui-ci en est un très brillantexemple.

Bruno de Broca

La tentation de l’euthanasieP. Verspieren, M.-S. Richard, J. Ricot, Paris, Desclée de Brouwer, 2004.

Ouvrage collectif qui reprend un certain nombre de textes déjàparus dans la revue Laennec ces dernières années d’auteursconnus et reconnus pour leurs réflexions sur la fin de vie ou leurspratiques en unité de soins palliatifs. Ce livre permet de donnerun certain nombre de repères pour continuer à s’étonner sur lesquestions fondamentales de la dignité de l’homme, le sens del’interdit et de sa transgression, sur les fondements de notre hu-manité. En effet, la volonté de maîtrise en tout lieu et tout tempsn’incite t-il pas l’humain d’aujourd’hui à se défausser de cetteréflexion si existentielle quand tant d’enjeux nouveaux semblentapparaître ?P. Verspieren souligne combien les enjeux éthiques sont decommencer par savoir qu’est ce que l’euthanasie c’est-à-dire« donner consciemment la mort à autrui ». Par ailleurs, il rap-pelle que depuis les années 1960, l’église catholique avait insistépour dire que l’éthique du soin devait prendre en charge toutedouleur quelle qu’elle soit.Jean Lemerle, avec son expérience clinique, dit modestementqu’« on ne vise pas l’immortalité du patient. Les frontières sontfloues entre euthanasie et sédation risquée. L’essentiel réside dansl’intention… et dans le bon usage de la parole ».Marie-Sylvie Richard parle de sédation en fin de vie et de rappelerque les dérives sont possibles. Là encore, communiquer en équipe etavec le malade est une des clés de la justesse de son action.Trois textes sur les aspects éthiques en pratique clinique aident àmieux saisir les enjeux de maintenir vivante l’équipe, de savoir avecrigueur envisager les arguments scientifiques (mieux connaître lamaladie en cause) et philosophiques (phénoménologiques, contex-tuels, et principes généraux ou procéduraux) pour entrer dans unedynamique d’agir adapté à chacun.L’analyse des équipes néerlandaises montre que la question n’est pasrésolue du fait de la loi.Enfin les derniers textes sont plus spécifiquement philosophiques.J. Ricot reprend l’importance d’une éthique de chacun à assainir levocabulaire d’un certain nombre de malentendus, de signifier que lerelativisme ambiant ne peut pas aider à se structurer et qu’une sociéténe peut survivre sans interdits fondamentaux, dont le principal est« tu ne tueras point ».F.-X. Dumortier souligne les fondements de la dignité del’homme notamment en reconnaissant que tout être est jusqu’àsa mort un être de raison et de liberté, un être de relation, unêtre dans une cité.C’est dire si ce livre permet de donner les bases nécessaires àcomprendre les enjeux humains de la mort de l’autre, d’unemort donnée. Ce livre c’est aussi maintenir grand ouvertela pensée, afin de maintenir ouverte la question de la souffranced’autrui.

Alain de Broca