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[Luc_Brisson]_Le_même_et_l'autre_dans_la_structur(Bookos.org)

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Philosophie

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  • Inlemalional Plato SlUdicsP..blish~d ,,,,d~r Ih~ a..spic~s 0/ Ih~

    f"ltr'I(Jltonol PlaID Soci~ly

    Series EditoR:Luc 8nsscn (C.N.R.s. Paris). Tomis C.lyo(Univ. Macn1).

    l..rv., R_ni (Univ. Prrugia).~ J. Rooo~ (Univ. Durtwn).Thomas A. SzkUk (Univ. n.""JC1l)

    Volume 2

    "

    ," , Le Meme et I'Autredans la Structure Ontologique

    du Timee de Platon

    Un commenlaire syslematiquedu Timee de Platon

    ""Luc Brisson

    Tro;5~me tdilionrevue el eOlTigk. poul"lue

    de COlTigenda, d'Addcnda, d'lndex Tl!vis~sel surtoul d'une Bibliognphie

    analyl;que oouvelle mise l jour.

    Academia Verlag A Sankt Augustin

  • ________..!!IIlIIIUIill.ij.ulll'iJU.41I.!~I........ i.jili.:&iJWul~.Jal.I!iJltiJWIW,ji;:M~~1.11illliitiillU~ml}1lliUiU~ltilllUlliLltW1llUJ__" _

    Je tiens it remercier Catherine Joubaud, Jean-Marie Flamand, Alain Segonds etPaul Foulkes, sans qui cette re-edition efrt ete impossible.

    TABLE DES MATIERES

    PREFACE 9

    ABREVIATIONS.............................................................................. II

    Die Deutsche Bibliothek - CIP-Einheitsaufnahme

    Brisson, Luc:Le merne et l' autre dans la structure ontologique du Timee de Platon :un commentaire systematique du Timee de Platon / par Luc Brisson. -~. ed. revue, et corrigee, pourvue de corrigenda, d' addenda, , d' index rev. et surtout

    d 'une bibliogr. analytique nouvelle mise it jour. - Sankt Augustin:Academia-Verl., 1998

    (International Plato studies; Vol. 2)ISBN 3-89665-053-X

    3. Auflage 1998

    Academia VerlagPostfach 1663, D-53734 Sankt Augustin

    Printed in Germany

    Aile Rechte vorbeha1ten

    Ohne schriftliche Genehmigung des Verlages ist es nicht gestattet, das Werkunter Verwendung mechanischer, e1ektronischer und anderer Systeme in

    irgendeiner Weise zu verarbeiten und zu verbreiten. Insbesondere vorbehaltensind die Rechte der Vervielfaltigung - auch von Teilen des Werkes - auf

    photomechanischem oder ahnlichern Wege, der tontechnischen Wiedergabe, desVortrags, der Funk- und Fernsehsendung, der Speicherung in

    Datenverarbeitungsanlagen, der Ubersetzung und der literarischenund anderweitigen Bearbeitung.

    Herstellung: Richarz Publikations-Service GmbH, Sankt Augustin

    a. INTRODUCfION ..

    I. LE DEMIURGE ..2. LE MONDE DES FORMES INTELLIGIBLES ..3. LE MILIEU SPATIAL ..4. L'AME DU MONDE ..5. LE CORPS DU MONDE .6. L'HOMME ..7. LA NECESSrrE ..

    b. CONCLUSIONS .c. BIBLIOGRAPHIE ..

    INDEX DES TEXTES ANCIENS CITES .

    INDEX DES AUTEURS MODERNES ET CONTEMPORAINS .

    INDEX DES CONCEPTS FONDAMENTAUX .

    INDEX DES TERMES GRECS IMPORTANTS .

    CORRIGENDA .

    ADDENDA ..

    POSlFACE .

    REMARQUES CONCERNANT LA TROISIEME EDITION ..

    1527

    107175267355413467515531

    551582587593597600609614

  • 1IIII------- .'iliKIiiI"_ ..WIWWIIWIW~OOW'~.lWIlWjilJ!...II\llGljWT__.- ..,

    PREFACE

    Ce livre se veut une etude d'ensemble sur le T'imee de Platon.Depuis les Etudes sur le Timee de Platon de Th. H. Martin,

    publiees il y a plus d'un siecle (1841), aucun travail de ce genren'a ete tente en langue frangaise.

    Certes, en langue anglaise, les remarquables travaux deA. E. Taylor et de F. M. Cornford ont fait date. Toutefois, memes'il demeure indispensable au niveau de l'analyse detaillee dutexte, le Commentary on Plato's Timaeus de A. E. Taylor reposesur des hypotheses generales dont la Iaussete a ete demontreedepuis longtemps. Par ailleurs, l'admirable commentaire quiaccompagne l'excellente traduction de F. M. Cornford dans Plato'scosmology presente les desavantages de ses avantages : il ne peut

    (~tre ni systematique, puisqu'il suit de tres pres le texte, ni exhaustif,puisqu'il considere ce dialogue en lui-memo sans chercher a lesi tuer dans le cadre des derniers dialogues, et dans le coursde la tradition platonicienne.

    Pour toutes ces raisons, ce livre repond aun reel besoin. II occupetine place laissee vide depuis trop longtemps, en langue francaise,Et il tente de completer les recherches entreprises en langueanglaise en proposant une interpretation qui depasse l'analyse dut.exl.e lui-memo, pour mettre en lurniere la structure ontologiquequi sous-tend ce texte et pour decrire les transformations qui,au cours des ages, ont affecte cette structure.

    Un tel travail aurait ete impossible sans la presence de~I me Clemence Ramnoux, dont l'aide ne s'est pas limitee a unedirection technique, mais qui, en alIiant liberte d'action et conseilsj udicieux, a su orienter notre attention vers des problernes depremiere importance et nous donner les moyens de leur trouverdes solutions.

    En outre, les serninaires organises, a I'Ecole Pratique desl Iautes Etudes, par MM. J.-P. Vernant, M. Detienne et P. Vidal-i\"aquet, dont les remarques penetrantes nous ont force a clarifier

  • 10 PHEFACE

    PERIODIQUES :

    ABREVIATIONSI

    'ApX.CXWAOY~X~ ECP'I)!JoEpL;Annales de la Faculte des Lettres et Sciences humainesde NiceArchiv fur Geschichte der PhilosophieAmerican journal of philologyDas Altertum

    AGPhAJPAltertumApeironArchiv Philos. Archives de philosophieArchiv. hist. doctr. et litt. du m. a. Archives d'histoire doctrinale

    et Iitteraire du moyen ageBAGB Bulletin de l'association G. BudeBCH Bulletin de correspondance helleniqueBJ Bonner JahrbucherBR Bucknell reviewBSA Annual bulletin of the British School at AthenseB The classical bulletinC et M Classica et mediaevaliaCJ The classical journalChronique d'EgypteCPh Classical philologyCQ Classical quarterlyCR The classical review

    AEAFL Nice

    notre position sur plusieurs points, nous ont ete d'une tres grandeutilite,

    De plus, nous devons reconnaltre notre dette envers M. M. Caveing,qui nous a permis de saisir les implications fondamentales desmathematiques dans le Timee de Platon, et envers M. J. Pepin,qui nous a donne de precieux conseils concernant des problemesd'interpretation extremement difficiles.

    Enfin, les problernes techniques poses par la publication de celivre etaient d'une envergure telle qu'il s'averait absolumentimpossible d' entreprendre un tel travail sans subvention. Voilapourquoi le present ouvrage a ete publie grace a une subventionaccordee par le Conseil Canadien de Recherches sur lesHumanites, dont les fonds ont ete fournis par le Conseil des Artsdu Canada. En outre, ont aussi contribue it la publication de cetouvrage le Conseil scientifique de I'Universite de Paris-X, qui aaccorde une substantielle avance remboursable, et le C.N.R.S.,qui a fourni un supplement.

    Nous tenons a remercier tout partioulierernent Alain Segondset Georges Leroux qui nous ont aide a corriger les epreuves dece livre.

    . (I ~ Deva~t la dis~arite des usages sur Ie sujet, nous avons decide, par convention,d.ecnre les titres de hvres, de revues el d'articies avec des minuscules, exception faite,bien sur, des titres en allemand el des noms propres se trouvant dans les titres enanglais et en francais.

  • '"WllMWM''W'IWJlliyUlillAliIW!

    12 ABREVIATIONS ABHf:VIATIONS 13

    IsisIyyun Yisrae'lJ CS Journal of classical studiesJIll Journal of the history of ideasJ IIPh Journal of the history of philosophy.J HS Journal of hellenic studies.Journal of heredity.J Ph Journal of philosophy.JPNP Journal de psychologie normale et pathologiqueI ... ustrumMII Museum helveticumMind1\1 n MnemosymeMod Sch The modern schoolmanMonist. The monistI\J usica disciplinaNPile Hundschau Die neue RundschauN.JA Neue J ahrbucher fur das klassische AltertumI'ur. Pass. La parola del passatoI)APA Proceedings and addresses of the american philosophical

    association

    H. Cherniss, Aristotle's criticism of Plato and theacademyP. ~I. Schuhl, Etudes sur Ia fabulation platonicienne

    Studium generaled. filil, class. Studi italiani di filologia classicaTransactions and proceedings of the american philo-logical associationTransactions of the american philosophical societyVigilae christianaeWiener StudienYale classical studies

    DIVERS

    I';FP

    ,\CPA

    TAPA

    PhR Philosophical reviewPhronesisPhysisHBPhH Revue beige de philologie et d'histoireRCC Revue des cours et des conferencesRCCM Rivista di cui lura classica e medioevaleREA Revue des etudes anciennesREG Revue des etudes grecquesREPh Revue de l'enseignement philosophiqueRhM Rheinisches MuseumTIHPh Revue d'histoire de la philosophieHHSA Revue d'histoire des sciences et de leurs applicationsIUPh Revue internationale de philosophieHiv. crit. stor. philos. Rivista critica di storia della filosofiaHM Review of metaphysicsHMM Revue de metaphysique et de moraleI{Ph Revue de philologie, de litt.erat.ure et d'histoire

    anciennesI{Philos Revue philosophiqueHPhLouvain Revue philosophique de LouvainI{S Revue de syntheseHSPhTh Revue des sciences philosophiques et theologiquesI{TP Revue de theologie et de philosophie~ophia~Lud. gen.

    ~Lud. ital.

    TAPSVChr\VSYCIS

    Giornale di meta fisica

    Harvard studies in classical philologyHarvard theological review

    The classical weekly (puis world)Dissertation abstracts

    Proceedings of the american philosophical societyProceedings of the Cambridge philological society.

    Philosophisches J ahrbuchThe PhoenixPhilological quarterly

    Eranos

    CWDA

    ( ~esnerusGiorn. metaf.GnomonHermesHistoriaIISCPIIThR

    PAPSPCPSI'hilologusPh.JPhoenixPhQ

  • II

    EPGI

  • ='H"'PPPHt'lc ..,;;

    a. INTRODUCTION

    Ce travail se situe a la jonction d'une double serie de problemesqui passent pour les plus difficiles de ceux qui se posent aun exegete de la pensee platonicienne. La premiere serie deproblernes se rapporte a I'interpretation generale du Timee, ledialogue platonicien qui a surement le plus suscite d'interet etde commentaires. Et c'est a l'interieur de cette premiere serie qu'estincluse la seconde s'attachant aux manifestations du me me etde l'autre a tous les niveaux de la realite.

    a.I. LE MEME ET L'AUTRE DANS LA STRUCTURE aNTOLOGIQUEDU TIMEE DE PLATON

    Pour eviter que cette double serie de problernes ne constitueune double source dobsourite, il fallait determiner avec exactitudela nature de chacun des elements de la structure ontologique duTimee de Platon, et la fonction du meme et de l'autre par rapporta chacun d'eux. D'ou Ie titre que nous avons donne a ce travail.Le meme et l' autre dans fa structure ontofogique du T'imee de Plalon :Expliquons l'une et l'autre des composantes de ce titre.

    a .1.1. La structure ontologique du Timee de Platon.

    Lorsque nous parlons de structure, il ne s'agit pas pour nousde nous proclamer structuraliste , Notre demarche est assezeloignee de celle de ceux qui s'arrogent cette epithete. En effet,si l'on tient absolument aux etiquettes, nous serions beaucoupmieux defini par celle de neo-positiviste . Dans cette perspective,Ie terme structure doit etre compris dans sa significationphilosophique minimale comme un tout forme d'elements soli-daires, tels que chacun depend des autres et ne peut etre ce qu'il

  • ------------------------- II'IIl'JjfUj'iDIIIDMII"'.. -., .... _

    18 INTRODUCTION STHUCTURE ONTOLOGIQUE 19

    est 9~e dans, ct par ~a r,elation. avec eux 1. Nous avions songeaUSSI a s?,st~me et a econorme . Cependant, le premier termenous paraissait trop vaste, et le second trop etroit. Nous avonsdone choisi celui de structure .

    Et nous I'avons fait suivre de l'epithete ontologique . EnefTet~ ~oute cos~ologie .se developpe selon un schema impliquantdcs elements qUI constituent les differents niveaux de la realitect dont il. faut determiner le nombre et expliciter la nature. Or'dans Ie. ~lmee, c~s elements (Ie derniurge, les formes intelligible~ct ~e milieu spatial) sont similaires a ceux de la structure onto-logIqu.c du Phfle~e, qui, pour sa part, a I'avantage d'etreexpliciternent detaillee : cause productrice, limite et illimite. Enoutre, la merne structure ontologique explique non seulement lemacrocosme, mais aussi le microcosme qui a ete construit surIe modele du ma~roc,~s~e et qui, bien pl~s, doit, sous peine d'etrem?ralement Iautif, I'imiter. Cependant, aussi bien dans Ie cas dumIcro~osme que ~ans ce~ui. du macrocosme, un residu echappe auc?ntrole de la .raIson demiurgiqua : il s'agit de la necessite quireclame un traitement special., C'cst. d~ns cette. perspective globale qu'il faut comprendre

    I organisation des different.s ohapitres de ce travail qui portent~'espc?t~vement : 1) sur le demiurge, 2) sur le monde des formesint.elligibles, 3) sur le milieu spatial, 4) sur I'arne du monde, 5) surle corps du monde, 6) sur I'homme et 7) sur la necessite,

    a .1.2. Le meme et I 'autre.

    Chacun des elements de cette structure implique le tripleaspect fondamental de I'etre : substance, meme et autre. Cette

    t~~ad.c on,tologique avait ete decouverte dans Ie Sophisle OU Platons,C~aIt r~solu au parricide de Parmenide, en dernontrant queI henologi de son pere spirituel se fondait essentiellement surI'.am.bigulte fondamentale inherento au verbe etre : etre s~gmfia~t aussi bien etre une substance qu' etre identique a.(:crtcs, 11 ne peut y avoir de contraire a l'existence substantielle.Lepc,ndant, I'identite ne se deflnit que par la difference. Par

  • :,'ll INTRODUCTION HISTOIRE ET STRUCTURE 21

    logi,' un i Iiee. En eITet, la triade ontologique fondamentale :(sllhsl.ancc, memo et autre) se manifeste a tous les niveaux deJ'f',:t1 i t.e qui so distinguent par leur densite substantielle. Or,111lisqu'a tous ces niveaux de realite il y a substance, doivent aussi,,'y ma nifest.er le memo et l'autre. Voila pourquoi chacun des,"II"/IH'Jlls de la structure ontologique du T'imee, qui est aussi ceUecI II I'hilebe, implique le merne et l'autre.

    EL c'cst precisernent la raison pour laquelle nous avons decidecll' ne pas traiter, de Iacon distincte, des notions de merne et d'autre.I':n effct., un tel mode d'exposition nous aurait conduit a mettre"II o-uvre un expose effroyablement abstrait et obscur, tout enInis.mt. appel, pour les utiliser ou les critiquer, a des textes d'auteursp(}sU~rieurs a Platon dont les developpernents sur le sujet auraientI':. ru encore plus obscurs.

    I'our eviter ces inconvenients, nous avons resolu d'insererII(}I.('(~ elude des notions de meme et d'autre dans une etude plus\';ISI

  • a.2.3. Continuite et discontinuite.

    Ainsi n'y a-t-il rien de contradictoire dans notr~ de~a:c~e.Nous nous refusons d'une part a poser quelque question d origmeque ce soit. Et nous tenons d'autre part a mettre en IUI?iere lespossibilites du developpement de la structure ontologIque. duTimee de Platon. Cela est parfaitement coherent dans l'optiqued'une certaine conception de l'histoire des idees.

    Dans ce domaine, croyons-nous, il est toujours perilleux deconsiderer le temps comme absolument lineaire. Cela mene achercher a remplir parfaitement les intervalles existant entredeux corps de doctrine distincts, Mais c'est la un projet d'avancevoue a l'echec. Car, contrairement a ce qui se produit, par exemple,lors du developpement biologique d'un vivant, il n'y a pascontinuite entre ces deux corps de doctrine distincts, meme s'ilsont une base commune comme dans Ie cas de la tradition platoni-cienne. Ces deux corps de doctrine distincts se presentent comme

    modiflee tous les autres elements subiront, par voie de consequence,, .des modifications importantes. Voila pourquoi, en tenant comptedu developpement reel des elements de la stru~ture ?ntologiquedu T'imee nous avons voulu montrer que ses orientations fonda-mentales (ancienne academie, moyen platonism~ et ne,oplato~is~e)ne sont pas dues au hasard, mais decoulent dune reorganisationcomplete de cette structure, elle-meme dependante de la reinter-pretation prioritaire de tel ou tel de ses eleme~ts a l'aided'instruments ontologiques nouveaux et sous I'influence depresupposes impliques par des systemes philosophiques differents,

    Mais cette histoire transformationnelle n'est pas a elle-merne safin propre. En effet, eUe permet de rendre positiv~ la critiqu~ d~sdifferentes interpretations de la structure ontologique du Timee.Rejeter purement et simplement telle ou telle in~erpretation ~'aqu'une valeur limitee. Mais mettre en lumiere les ~aIsons de ce rejet,d'une part rend justice 3 I'originalite du J:>~Ilosoph~ ~ont .onconteste I'interpret.ation, et d'autre part explicite la significationde chacun des elements de la structure ontologique du Timee.

    En effet, si l'on considere que les transf~rmations de cettestructure decoulent d'une reinterpretation originale de l'un de seselements, il va de soi que l'etude de ces reinterpretations nousrenseigne sur la signification veritable de chacun de ces elements.En d'autres termes, quand on a decouvert le fondement et lemecanisme des transformations determinees de la structureontologique du Timee, on prend conscience du noyau a partirduquel s'operent ces variations.

    INTHODUCTION

    ~1I1'llt de depouiller la pensee de Platon d'interpretationslIl:t(~eeptables ayant leur source dans des hypotheses insoutenables('Ollccrnant l'origine de cette penses.

    a. '2. 2. Le developpement des interpretations relatives au Timeede Platen.

    Cet.te contra.diction pourrait parattre mineure 3 ceux quin~formatI?~s. ~out cela,. par ailleurs, reposant sur une conceptionprecise .de I ?IstOlre des Idees, selon laquelle l'interpretation deIn,doctnn~ d un auteur ne comporte qu'un nombre fini et memoLres restreint de possibilitss. '

    II n~ s'agissait pas 13 de faire de l'histoire hypothetiqu-. Un telt~pe.d hIstOlre ne port~ que sur Ie possible. Mais cette fagon deP!o~eder nous perrnettait de mettre en reuvre une histoire transfor-matIOnnelle. C'etait aussi orienter notre attention sur les fondementsde la p~ssibilite du developpement reel des elements de la structureontologIque du Timee. En eifet, etant donne une structure aq,~atre e~e~ents, il va de soi que si l'un de ces elements estrernterprete dans un sens tel que sa nature en est sensiblement

    HISTOIRE ET STRUCTURE 23

  • INTRODUCTION QUESTIONS DE METHODE 25

    d~~s regroupements brutaux impliquant, sous le jeu d'influencesd/v.e~scs, des reinterpretations nouv~Ues d'un merne noyau central.\ oila pourquoi nous nous refusons a poser des questions d'orizineconccr?ant les doctrines de l'ancienne academic, du mo;'enplal.onisme et du neoplatonisme.

    Au ~ontraire, ~ous cherchons a determiner les points de ruptureet. les jeux de reinterpretations qui expliquent les transformations

    :-;uccessive~ d'.un memo noyau. Dans cette perspective, on ne faitpas une histoire de la continuite, mais une histoire de la disconti-nuite : on cherche a decrire le mecanisme des transformationsqui affe.ctent. une structure deterrninee, et dont les possibilitesd? ~odIflc~~IOns ~ont extremernent lirnitees. Bref, lorsque nousdecrivons I evolution de chacun des elements de la structureonlologique du T'imee, nous continuons dans le domaine dupossible, l'analyse effective que nous venons de faire de leurnature propre.

    a.3. QUESTIONS DE METHODE

    En. effet, no us a:ons tente, dans chacun des chapitres de ceLra~al~ ~t. plus speciflquernent dans les quatre premiers, d'assurer1;1 repe.t~tIOn de la merne organisation formeUe. Ce qui, selon nous,e n Iacilil.e la lecture qUI, sans ce precede mecanique pourrait

    (~1,r(~ deroutante. '

    a .~~.1. Analyse de texte.

    Chaquc chapitre commence par une analyse de texte det.aillee.Nous croyons que c'est la quelque chose d'essentiel. En effet1".'o!) souven,t, les p~ilosophes estiment que Ie texte n'offre aucun~

    }'(~:-;':-;L?ncc a leur Interpretation etablie d'avance. Ce qui estparftuLer.ncnt errone. Par contre, assez souvent, les philologuesa,ccomphs?cnt un excellent travail technique, mais ou bien s'ent.ien nent. a des commentaires insipides ou bien s'en remettentpOllr des commentaires plus elabores, a des philosophes. '

    ~ous croyons q~'un tr~vail de ce genre doit tenir compte des~~x,g(~nc.cs ~e la ,phIloso~hlC et de la philologie. Ce qui permet uneinterpretation a la Iois plus englobante et plus proche dest.ext.es.

    a.3.2. Evolution de chacun des elements de la structure onto-logique du Timee.

    Mais l'analyse du texte debouche tres vite sur I'evolutionsubie, au cours de l'antiquite, par le dit element de la structureontologique du Timee ; et, par le fait merne, sur la multipliciteet le conflit des interpretations qui s'y rapportent.

    Ainsi la description de cette evolution n'est-elle que le prolonge-ment de l'analyse du texte qui vient d'etre faite. Et cela se rattacheclairement a notre conception globale de l'histoire du developpe-ment de la structure ontologique du Timee. Bref, la descriptionde ces variations prolonge et eclaire, par choc en retour, l'analysede la nature de chacun des elements de la structure ontologique duTimee.

    a.3.3. Conclusions.

    En outre, la description de leur nature nous mene insensible-ment aux interpretations modernes et contemporaines concernantchacun de ces elements. Et comme les interpretations moderneset contemporaines prennent leur source dans les grands courantsd'interpretations ayant eu cours dans l'antiquite, elles enpartagent done les critiques.

    Par la suite, apres avoir examine ce que nous consideronscomme l'essentiel de ce qui a ete dit sur chacun des elements dela structure ontologique du Timee, nous faisons la synt.hese desinformations recueillies sur les diverses manifestations du rnemeet de l'autre a ce niveau. Ce qui nous permet, par ailleurs, d'exami-ner les relations qu'entretient ce couple de contraires primordialavec toute une serie d'autres couples de contraires.

    Et enfin, nous situons l'element que nous venons d'etudier dansla structure ontologique globale du 'I'imee. Nous sommes donepret a passer a l'etude d'un autre element de cette structure.

    Dans cette perspective, voyons tout d'abord ce qu'il en est dudemiurge dans Ie Timee.

  • 1. Le dmiurge

    1.1. L'aspect pratique du dmiurge. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 301.1.1. La figure du dmiurge..... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. .. . . . . . . . . 311.1.2. Activits du dmiurge relevant des fonctions propres la

    troisime classe de la cit platonicienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35.A. Mtallurgie.............................................. 36

    1. Fonte et alliage. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 362. Forge et assemblage. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

    B. Construction 41C. Poterie 44D. Peinture....... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47E. Modelage de la cire.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47F. Tressage 48G. Agriculture 48

    1.1.3. Activits du dmiurge relevant des fonctions propres lapremire classe de la cit platonicienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50A. Colonisation 50B. Persuasion 52

    1.2. L'aspect thorique du dmiurge..... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 551.2.1. La disparition de la notion de dmiurge. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 551.2.2. La raction du moyen platonisme. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 581.2.3. L'laboration du noplatonisme. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64

    1.3. Prise de position. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 711.3.1. Discussion des interprtations modernes et contemporaines. . . 71

    A. Interprtations fondes sur des systmes philosophiquesmodernes et contemporains. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72

    B. Dmiurge et bien. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73C. Dmiurge et voc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76

    a) No de l'me du monde. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76b) Noc spar. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81

    1.3.2. Questions d'ordre philosophique, historique et sociologiquesur la nature du 8'1)!L~oupy6. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84A. Question d'ordre philosophique.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85B. Question d'ordre historique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86C. Question d'ordre sociologique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98

    1.3.3. Conclusions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 101

  • 1. LE DMIURGE

    Il peut sembler bizarre de commencer une tude des notionsde mme et d'autre dans le Time de Platon par un chapitre surle dmiurge. Et pourtant rien ne s'impose avec plus de ncessit.

    En effet, le dmiurge se prsente comme la clef de vote de lastructure ontologique qui sous-tend le Time et qui s'impose aussibien dans le Sophiste que dans le Philbe, en plus d'tre implicitedans le Politique et dans les Lois. Le fait de considrer le dmiurgecomme organisant un milieu spatial informe, en fixant les yeux surles modles que constituent les formes intelligibles, pour produireces images que sont les choses sensibles, dpasse le simple niveaude la mtaphore. Car la mtaphore commande une vision onto-logique impliquant une structure quatre termes : vo dmiur-gique, formes intelligibles, choses sensibles et milieu spatial.

    Voil pourquoi nous chercherons analyser avec tant de soinl'aspect pratique de la figure du dmiurge. Ses activits, relevantdes fonctions propres soit la troisime, soit la premire classede la cit platonicienne, doivent tre mises en lumire en tenantcompte prcisment de l'arrire-plan ontologique dont nousvenons de parler. Il n'est pas indiffrent que le dmiurge travaille , quelle que soit la nature de ce travail. Ce travailimplique, en effet, un cart entre le monde des formes intelligibleset le milieu spatial, et prend pour acquis la distinction entre leproducteur et son produit.

    C'est d'ailleurs par l que cette analyse de l'aspect pratique dela figure du dmiurge rejoint l'analyse de son aspect thorique.En effet, d'aprs ce qui vient d'tre dit, le dmiurge ne peut trequ'un vo spar, distinct des formes intelligibles, du milieuspatial et de son produit, le monde sensible. Ce qui nous renvoieau cur du problme que nous nous proposons d'tudier dans cetravail: la nature des notions de mme et d'autre dans le Time.

    En effet, si le dmiurge n'est pas un vo spar, alors ou bienla forme du bien en particulier ou les formes intelligibles en

  • 30 LE DMIURGE LA FIGURE DE DMIURGE 31

    gnral revtent un caractre dmiurgique ; ou bien le dmiurgeapparat comme le doublet mythologique de l'me du mondeen totalit ou en partie; ou bien enfin l'une et l'autre de ces deuxpossibilits se combinent en une synthse suprieure. A partirde l, le mme et l'autre voient leur nature se modifier consid-rablement. Ou bien ils forment deux principes constitutifs detoute ralit; ou bien ils permettent une distinction, en l'me dumon?e, d'un principe rationnel et d'un principe irrationnel;ou bien enfin tout cela se coordonne dans un systme plus englo-bant. Bref, une modification de la conception de la nature dud.miurge entrane une rvision complte de l'ontologie platoni-cienne'. Com~ent alors ne pas prendre le soin de mettre en place

    de~ articulations solides qui, mme si elles ne sont pas apparentes,uniront tout le reste?

    ~epend~nt, il faut aller encore plus loin. En effet, ce qui paratphilosophiquement trs cohrent ne l'est pas concrtement. Voilpourquoi trois questions relatives la figure du dmiurge seposent l'exgte du Time. Pourquoi Platon est-il le premier~hilosophe avoir mis en uvre une cosmologie de type artificia-hs.te, et pourquoi semble-t-il tre le seul avoir pouss aussiloin en ce sens? Pourquoi le dmiurge accomplit-il des tchespropres la fois aux fonctions de la troisime et de la premireclasses de la cit platoniciennes, alors qu'effectivement il semblene pas y avoir de relations entre les fonctions de l'une et de l'autreclasses? Et comment Platon peut-il prsenter celui qui constituele monde sensible comme un dmiurge, alors que sa doctrinepolitique se caractrise justement par une dprciation totale dustatut de producteur, et plus spcialement de celui d'artisan?

    Voil donc le but de ce premier chapitre. Mettre en place la clefde vote de la structure ontologique du Time o s'insrent lesnotions du mme et de l'autre; et, par la mme occasion rendreintelligible concrtement l'usage fait par Platon de la figuredu dmiurge. Ainsi seraient assurs les fondements de l'ontologiedes derniers dialogues de Platon.

    1.1. L'ASPECT PRATIQUE DU DMIURGE

    La premire section de ce chapitre portera sur l'aspect pratiquedu dmiurge, c'est--dire sur les activits du dmiurge quis'apparentent aux fonctions propres la troisime et la premireclasses de la cit platonicienne. Mais, avant de mettre en uvre

    une telle 'recherche, il faut commencer par baucher, dans lamesure du possible, une esquisse de la figure du dmiurge, dontla description rendra la fois plus concrte et plus vidente l'analyseque nous ferons des tches qui sont les siennes.

    1.1.1. La figure du dmiurge.Voil pourquoi nous tenterons tout d'abord de dterminer quelle

    est la nature du dmiurge, et quels traits psychologiques luisont attribus.

    Fabricant et pre de ce tout 1 qu'est l'univers, voil la dfini-tion la plus approche de la nature du dmiurge. D'une part, eneffet, le terme 7tOL"tJ"t"~ fait rfrence l'aspect pratique dudmiurge, puisqu'il implique une opration de l'ordre du 7tOLe:~V,c'est--dire de l'ordre du travail artisanal. En outre, ce mmeterme fait aussi rfrence, d'une certaine faon, l'aspect thoriquedu dmiurge, puisque le travail artisanal ne se comprend quecomme dirig par un modle.

    D'autre part, le terme 7tlX"t"~p apparat comme une rmini-scence, en ce sens que Platon, dans le Time, tout en dcrivantla constitution du monde peu prs totalement sous un modeartificialiste, ne peut s'empcher d'tre tributaire des cosmogoniesantrieures fondes sur des rcits d'unions et de dsunionssexuelles, et de luttes pour la royaut".

    Mais, au-del du sens spcifique de chacun de ces termes, onpeut distinguer un caractre commun qui constitue le traitfondamental de la figure du dmiurge. En effet, le fabricant et lepre apparaissent, des titres divers et des niveaux diffrents,comme les instigateurs de l'apparition d'un ordre des choses dontles lments chappent leur contrle total. Bref, le dmiurgel'st une entit distincte, dont le pouvoir n'est pas absolu.

    Dans cette perspective, il n'est pas surprenant que le fabricantr-L le pre de ce tout qu'est l'univers soit appel dieu (6e:6)3.Appellation qui, cause de son extension, ne nous apporteaucune information dcisive sur ce qu'est le dmiurge, mais qui,incidemment, nous permet de comprendre la fois l'anthropo-morphisme, le polymorphisme et l'impuissance relative quicaractrisent cette figure 4.

    (1) Tim., 28 c 3-4.(2) cr. J.-P. Vernant, Les origines de la pense grecque, Paris ('le d.), 1969, pp. 110-

    IIH.(3) cr. J. van Camp et P. Canart , Le sens du mot 6e:roc; chez Platon, Louvain, 1956.(1) Sur tous ces points, pour sc raire une ide des relations qu'entretient le dmiurge

  • 32 LE DMIURGE LA FIGURE DE DMIURGE 33

    Bref, mme distincte, la figure du dmiurge ne prsente riend'individuel. Elle apparat, avant tout, comme investie d'uncaractre impersonnel et collectif. En un mot, le dmiurge n'estpas un individu, mais une fonction.

    La figure du dmiurge est tellement marque par l'anthropo-morphisme qu'on s'tonne du fait que n'ait pas t mise en uvreplus tt une tude dtaille des termes qui dsignent son action.tude que,. da.ns la premire partie de ce chapitre, nous feronsporter aUSSI bien sur les activits propres la troisime classede la cit platonicienne que sur celles propres la premire classe.

    Or, l'.anthropomorphisme n'exclut pas le polymorphisme. Car,~~e SI, d.ans le Time, le dmiurge se prsente comme une figuredistincte, Il ne peut, d'aucune faon, tre considr comme unindividu. Et cela, parce que, dans ce dialogue, le fabricant etle pre de ce tout qu'est l'univers est assist par des dieuxinfrieurs 1.

    Par l, s'impose l'ide d'une hirarchie impliquant une certaine~roporti?nnalit entre la nature des dmiurgies et celle des tresa produire, En effet, le dmiurge constitue les tres immortelsalors que ses aides faonnent les tres mortels. Et cela affirmele dmiurge, parce que si moi-mme je leur donnais naissanceet vie, ils seraient gaux aux dieux )} 2. Voil pourquoi, en prenantpour b~se le commentaire de Proclus sur ce point.", nous pouvonsconstruire ce tableau:

    premiredmiurgie

    secondedcmiurgie

    gnration

    1divin ~ en soi ~ vivants clestesl (en parties ), \ vivants sublunairesJ- _ 1 partie immorte~de l'me _r \. (parties mortelles', mortel / ,de l'me

    JChoses .'rmortelles )

    \ corps

    Une fonction qui, par ailleurs, est loin d'tre toute-puissante.~~n e.ff~t, l'action dmiurgique doit tre dirige par les formesintelligibles, et se trouve limite par la nature du milieu spatial.En outre, elle n'inaugure ni la participation des choses sensibles:1 ux formes intelligibles ni le mouvement. Voil pourquoi enfinelle se heurte un rsidu inamovible: la ncessit. ' ,

    ~ar consquen~, ~ la suite de cette brve analyse, on peut;l,fhr~er que le dmiurge, fabricant et pre de ce tout qu'est1uDlv~rs,. apparat comme un dieu anthropomorphe, polymorphed, ne JOUIssant pas de toute-puissance. C'est l sa nature. Car loind'tre un individu, il se prsente toutefois comme une fonctiondistincte.

    Or, le caractre distinctif et anthropomorphe de cette fonctionl'st affirm avec plus de force encore par le fait que, comme telle,la figure du dmiurge prsente certains traits que nous osonsqualifier de psychologiques )}, tout en tant parfaitement conscientlo):~r ailleurs, de l'inexactitude de cet adjectif. Le dmiurge, en effet:Iait acte de pense, de volont, et prouve mme des sentiments.

    L'aspect thorique du dmiurge, qui constitue l'une des compo-s:l.ntes fondamentales de sa figure, ne laisse aucun doute sur lef;11 t que le fabricant et pre de ce tout )} qu'est l'univers fait actedl' pense. Le dmiurge est, avant tout, un VO~1. De plus, il r;lIson~e,)} ~u tout s.implement rflchit )}2. Enfin, il prendr-n considration )}3. Mais ces actes de pense ne sont pas seulementponctuels. Leur action s'tend dans le temps, et se prsente alorssous la forme, de la prvision )} (7tp6VOLCX)4. Et enfin, puisque faire;lde de pensee corist.itue, pour Platon, la condition sine qua non.lu langage", il n'est pas surprenant que le dmiurge parle".

    Par ailleurs, le dmiurge fait acte de volont, non pas au sens(l~'I. nous .l'entend.ons aujourd'hui aprs plus de vingt siclesIl laboration, mais dans un sens plus limit reposant sur lest.crrnes ~oUe:0'8CXL, i8e:.LV et Y.~v. Le terme :x~v n'est pas employ('omme tel dans le T'ime pour qualifier le dmiurge, mais on y

    lro~ve .(&.v~) .CXhLO~7, qui a un sens quivalent; il s'agit l d'unenotion juridique applique la sphre de la morale et dsignant

    de Platon avec les dieux du panthon grec, cf. J. Rudhart, Notions fondamentales dela pense religieuse et aeles constitutifs du culte dans la Grce classique Genve 1958ch.lI,pp.53-111. ' , ,

    (1) Cf. Timo,41a7, 42d6,e6,etc.(2) Id., 41 c 2-3.(3) Proclus, In Tim., III, 242.19 sq. Nous tenons prciser que toules les cilations

    en franais de ccl ouvrage n-produiscnt Ia remarquable traduction de A. J. Festugire,Paris, 5 vol., 1966-68.

    (1) Nous laisserons de ct, pour le moment, l'analyse du terme vou qui couvrirat out.o une section de ce chapitre.

    (2) Aoy(~crecx~ Tim., 30 b l, 34 a 8, 52 d 2, 55 c 7.(:~) Nous traduisons ainsi votJ.L~e;~v, cf. Id., 33 b 7.(4) Cf. id., 30 c l, ct 73 a 1 o on lit rrpoopw(J.e;vo~ (les aides du dmiurge).(5) Soph., 263 e 3-5.(6) Cf. par exemple, Timo, 41 a 5-6, d 4, e 3, etc.(7) Id., 42 d 3-4.

    2

  • 34 LE DMIURGE LA FIGURE DE DMIURGE 35

    le dclenchement d'une causalit ce niveau. 'Eetz~v1 se situedans le prolongement de cette notion, car ce nouveau termesignifie vouloir dans le sens de consentir ; c'est l le sensexact de son emploi dans le Time. B01)e:cre(X~ se trouve cependant un autre niveau. En effet, s'appliquant la volont dans ledomaine du souhait, il renvoie la fin (To). Voil pourquoi,des trois termes mentionns plus haut, c'est le plus souventemploy". D'ailleurs, la phrase suivante est tout fait significativeen ce sens qu'elle rapproche ~oue:cre(X~ et To3. Or, cette possibilitde faire acte de volont s'insinue dans la totalit du rel, o ledmiurge apparat comme le reprsentant juridique de l'ordre dumonde. On lit en effet: il leur (aux mes) dicta toutes ces loisafin de demeurer innocent de la malice future de chacun de cestres 4. Phrase d'autant plus significative qu'en plus du termeef.L~5, on y trouve le terme &'v(Xhw dont nous venons d'expliquerle sens juridique. On trouve aussi, mais cette fois-ci dans un sensbeaucoup moins marquant, le terme Vdf.L(X6.

    Enfin, troisimement, on peut aller beaucoup plus loin, etaffirmer que le dmiurge prouve certains sentiments. En effet,on lit, dans le Time : il (le dmiurge) fut charm et s'tantrjoui 7. Toutefois, il faut remarquer que ~'Y&creYJ est l'aoriste de&Y(Xf.L(X~ qui, se rattachant au radical &.Y(X prfixe de renforcement )}8,indique que l'on constate quelque chose de considrable oud'excessif 9. Mais le sens de ~y&creYJ ne se comprend que par rapport l'objet sur lequel porte le sentiment qu'il dcrit. Or, cet objetest le monde sensible, considr comme un &Y(Xf.L(X, c'est--direcomme une reprsentation de son modle, le vivant ternel. C'estdonc dire que, puisqu'un &Y(Xf.L(X est une entit visible traverslaquelle se donne voir une entit invisible, le dmiurge est, enquelque sorte, charm par la contemplation du vivant ternel travers le monde sensible qui en participe.

    (1) lm., 41 a 4.(2) Id., 30 a 2,41 b 4.

    , (3) / d. " 30, ct 1~3 : 't'c{) yp ~WV ~oou~v~v X,Ct).),tcr't'

  • 36 LE DMIURGE MTALLURGIE 37

    A. Mlallurqie",

    Selon nous, la description de la constitution de l'me du monde,si on la replace dans son contexte, c'est--dire si on y voit ladescription de la fabrication d'une sphre armillaire, devientvraiment comprhensible dans sa totalit 2. Et cette hypothsese fonde sur cette phrase qui clt la longue section du Time surl'astronomie: dire tout cela sans une considration des appareilsqui imitent ces choses-l, ce serait peine inutile ('t"a 'AYE~V &VEU

    ~, ",1. ' ~ - 1 l ,',' 1 ) ,3 0o~ O'fE

  • 38 LE DMIURGE MTALLURGIE 39

    ( 1) Ch. Mugler, Dictionnaire historique de la terminologie gomtrique des Grecs1';lri~. l!lSS-9, S.V. &.C?IX~pE~V.

    "!I i., s.v. aUfL7t'Y)poG'J.:1: Li-s Babyloniens et les gyptiens avaient dj approch la valeur de rt, Thals

    01", nit t'Il avoir pris connaissance. De plus, si l'on se refre aux travaux d'Hippocrate,J,' t .h ios et aux recherches des contemporains de Platon sur la quadrature du cercle,"II Ill' peut pas ne pas supposer que l'quivalence proportionnelle de la longueur de la

    '11't'Ollrl"I'l~nCe et du rayon d'un cercle n'avait pas t au moins remarque.(1) Cr. C. Praux, Chronique d'gypte, 24,1949, pp. 313-316. C. Praux affirme, avec

    lrucl us (In Tim., II,237.8 - 238.10), contre A. E. Taylor (A comm. on Pl. Tim., p.147),'1' 11 t'l'oit que les bandes du mme et de l'autre se coupent sous l'aspect d'une croix I,r:llll'ht's perpendiculaires (+-) selon la forme que revt le chi au v e sicle avant J.-C.

    sur cette plaque de mtal, accomplit tout d'abord toute une seriede constructions gomtriques qui, par la suite, seront les pointsde repre d'un dcoupage matriel. Les termes &cpCXLpE:v et 3LCXLpEvdcrivent l'opration consistant retrancher d'une grandeur

    ~omtrique une grandeur du mme ordre, c'est--dire une ligned'une ligne, une aire d'une aire, un volume d'un volume 1. Let.errne aUfLit"t)pouv a le sens de complter une figure en ajoutantn ux lments dj tracs les lments qui manquent 2. Enfin,".OVCXL dsigne en mathmatiques 1' opration consistant placer1111 lment gomtrique en un lieu dtermin ou construire une

    li~\lre ou une partie de figure )}3. Ce qui nous donne cette figure:

    t lt, comme la longueur de la circonfrence d'un cercle est, selonI:t formule habituelle, C = 27tr, les rapports entre les longueurs des-irrnn rences sont gaux ceux qui existent entre celles desr:lyons : Cl = 27trl et C2 = 27tr2 , d'o C1/C2 = 27tr1/27tr2 ou r1/r2 Ainsi les divisions gomtriques en longueur appliques auxIl:llldes qui seront les circonfrences des cercles astronomiques('(lITt'spondent proportionnellement, mais de faon exacte, auxr:llt(lorts entre leurs rayons", Par consquent, la description queIII)\IS venons de faire s'accorde parfaitement avec les faits.

    1,(' dmiurge passe alors aux oprations matrielles. Il divised':t1l()rd en deux (3~7t-Yjv o"X(~ELV), dans le sens de la longueur, laIl:llIdc forme par le mlange lamin. Puis, il fait concider cesIl:IIlfll'S par le milieu, selon la figure d'un chi",

    des mtaux". C'est le cas, en outre, de CXfLolfvELV et de o"uv~a't"lfvcxL2.Mme O"uvcxPfL6't"'t"ELV peut tre pris en ce sens",

    2. Forge et assemblage.Aprs av?ir mis .en uvre les alliages ncessaires, le dmiurge

    commence a travailler la masse de mtal qui en rsulte. Il lalamine, il la divise et il la dcoupe. Voyons les textes : Puis, cetout il l'a partag (3~vELfLEV) en autant de portions qu'il convenait,chacune d'elles tant mle de mme, d'autre et de substance. Il a

    ~om~enc le partage ainsi (~PXE't"O 3: 3LcxLpEV 6i3E). En premierheu, Il a retranch (&?EV) du mlange total une portion. Ensuiteil a soustrait (&cp~pE~) une seconde portion double de celle-l (... ):Aprs cela, il a combl (o"UVE7t"t)pOt:.'t"o) les intervalles doubles outriples, dtachant (&ito't"fLvwv) des portions du mlange primitif etles plaant (n6d) entre ces parties-l, de telle sorte que danschaque intervalle, il y eut deux mdits. )}4 Et la description sepoursuit ainsi : Et ainsi le mlange partir duquel il avait faitces divisions, il put l'employer tout entier (xcxl. 3~ xcxl. 't"0 fLELX6v,li; 06 't"CXU't"CX XCX't"'t"EfLVE'J, o{hw ~3'f) 7tFiv xcx't"CXV"t)~XEL). Or, toute cettecornposition ('t"cxu't""t)v ov 't"~v aUO"'t"cxaLv 7tFiacxv) le dieu la cou pa en deux

    da~s le sens de la longueur (3m-Yjv xcx't"~ fL-YjxO O"X(O"CX), et ayantcrois les deux moitis l'une sur l'autre sous la forme d'un chi(fLO""flv 7tpO fLO""t)v :xcx't"pcxv &~CXL otov XE: 7tpoO"ocxwv), il les courbaen cercle et les fit se rejoindre, unissant entre elles les extrmitsde chacune, au point oppos de leur intersection (xcx't"XCXW);EV d ' ',1. e - ""'1"'1 ''''1 ,- \ -V xux cp, o"UVCX'rcx CXU't"cxr.. -re XCXL CXI\I\"t) I\CX L EV 't"cp XCX't"CXV't"LXPU 't""t)c;itpoo"oo-Yj:;). (... ) seule (la rvolution extrieure) il la laissa sansdivision (!XO"XLO"'t"OV). Au contraire, ayant six fois divis (ax(O"cx:;ki;cxXyD la rvolution intrieure, il fit sept cercles ingaux suivantles intervalles doubles et suivant les intervalles triples chacun chacun, de telle faon qu'il y en et trois de chaque sorte. 5D'aprs ce texte, le dmiurge continue donc d'oprer sur le mlangedj obtenu; en effet, on retrouve, pour le dsigner, les mmestermes que prcdemment ('t"o fLELX6v, ~ O"uO"'t"CXaL).

    Mais, il semble que ce mlange soit maintenant solidifi et mmelamin, si l'on se rfre l'expression XCX't"~ fL-Yjxo:;. Le dmiurge,

    (1) Plut., De Pyth. or., 2, 395 c. L'usage de fL~YVvIX~ recouvre celui de Xe?iXv)ViX~.Il dsigne la combinaison des triangles (57 d 4, 73 cl) et des lments (60 b 7, d 5,fil a 8) ; la mixture constituant la substance de la chair (74 c 7) et des ongles (76 d 5) ;pt le mlange des couleurs (83 b 6).

    (2) Plut., De Pyth. or., 395 b.(3) Suidas , s.v., opdXIX),zo.(-1) Tim., 35 b 2 - 36 a 3.([',) Id., 36LJ5-d4.

    Il 2 1 3 427

    8 9

    1Mme

    1Autre

  • 40 LE DMIURGE MTALLURGIE 41

    .,4----------1 JMme

    Le terme employ alors est 7tpocrocke:~v qui mathmatiquementdsigne l'opration consistant appliquer une figure sur uneautre, notamment en un point donn".

    Cette opration est dcrite par Platon avec un dtail supplmen-taire. En effet, le dmiurge ayant courb en cercle les deux moitisde la bande soude leurs extrmits trs exactement l'opposde leur point d'application (v -r0 x(X't"(Xv't"~xp Ttj 7tpocrOO'lj), enleur centre.

    Ainsi, puisque les cercles se rencon-trent en deux points dtermins decette sorte, il faut conclure qu'ilssont tangents et que, par consquent,ils ont des circonfrences de lon-gueurs gales.

    C'est alors que le dmiurge passe la dernire opration consistant diviser six fois la rvolution int-rieure, en vue d'obtenir sept cerclesingaux, et cela en laissant sans divi-

    dans les inscriptions, que ces cercles se coupent au contraire obliquement angle aigu.Acceptant l'exemple de Taylor, C. Praux fait cependant remarquer que d'autrescritures que celles des inscriptions, qui d'ailleurs prsentaient dj elles-mmes auv e sicle avant J.-C. des chi branches obliques, peuvent tre allgues pour affaibliret mme rfuter cette hypothse.

    (1) Archimde, Spir., II, 20.14,22.15,24.12, etc. (Heiberg).

    sion la rvolution extrieure. Ce qui signifie d'une part que troisdes nouveaux cercles obtenus se succderont suivant des intervallesdoubles, et trois autres suivant des intervalles triples, selon la rglede proportionnalit tablie plus haut, le septime cercle, pour sapart, tant assimilable l'unit. D'o cette figure:

    partir du cenire

    - Terre- Lune- Soleil- Mercure- Vnus- Mars- Jupiter- Saturne

    C'est l l'aspect global et dfinitif de la sphre armillaire construitepar le dmiurge.

    Or, les termes employs pour dcrire les dernires phases decette opration prennent une allure concrte. En effet, le verbexcktL7te:~v est employ dans l'Illiade pour dsigner l'opration ducharron qui construit la jante d'un char : et dans son bois(peuplier), le charron a taill avec un fer luisant de quoi faire, enle cintrant, la jante d'un char magnifique 1. En outre, cruvck7t't"e:~vsignifie souder les deux extrmits d'une bande plie en cercle,du moins dans ce texte. Et cela est d'autant plus significatif queP. Chantraine 2, numrant les drivs de .&7t't"e:~v en arrive &~(,qui signifie notamment jante de roue, roue 3.

    Il semble donc que tous ces indices suffisent fonder la validitde l'hypothse faite auparavant. Les textes qui portent sur laconstitution de l'me du monde, et par consquent de l'me del'homme ainsi que, dans une certaine mesure, de l'me vgtative,dcrivent, en fait, la fabrication d'une sphre armillaire par unart.isan mtallurge.13. Construction.

    Par ailleurs, voici comment Platon nous dcrit, en termes trsgnraux, la construction du corps du monde et son adaptationpar rapport l'me qui lui sert de moteur : Quand toute la

    (1) Il. , IV, 485-6.(2) P. Chantraine, Dictionnaire tymologique de la langue grecque, s.v. htTW.(3) lIs., Tr., 426; Hdt, IV, 7'2.

  • 42 LE DMIURGE CONSTRUCTION 43

    construction de l'me eut t ralise selon la pense de son~ssemble~r, ~elui-c~ ensuite, l'in~rieur de l'me, com"menaa construire (z't'x't'CUV't'O) tout ce qUI est corporel et les (rame et~e corps) f~isant concider centre centre (xcd fLO'oV fLcrrl cru'Uxyrxywv)Il les r~nIt (7tPO()~PfLO't''t'v): .Ains.i l'~e, partout entremle (mx'v't'?)

    a~rx7tX!.crrx) depuis le milieu Jusqu aux extrmits du ciel etenveloppant le ciel en cercle du dehors (xux

  • 44 LE DMIURGE CONSTRUCTION 45

    Il n'en demeure pas moins qu'on y remarque O'UVIXp(1.0't''t'E~V,O'~V?E~V,. O'~'JXE~:J, G'J'nO'TcX.vIX~, O'UYXOa.v, neVIX~l qui forment unesene significative se rapportant, il va sans dire, la construc-tion. H. Blmner affirme en effet: Poll., IV, 124 bezeichnet alsentsprechende Thtigkait beim Bauen : GUVaV, xOa.v, O'UVcX.7t't'E~V,O'UVIXp(1.0't''t'E~V, O'Uil';7/i"(V{lVIX~, O'u(1.ocX.e~v wobei die Holzarbeit mitinbegri?,~n is~. 2 Et les ~ermes aEO'(1.0e; et yowpoe; viennent compltercette serie, C est donc dire que la construction du corps du mondeet du corps de l'homme s'apparente, chez Platon, la constructiond'difices excuts par des ouvriers travaillant soit le bois soit lapierre, c'est--dire des matriaux solides. 'C. Poterie.

    Mais cette description est tout fait gnrale et peint, si l'onpeut s'exprimer ainsi, la cohsion de la masse corporelle commetelle. Mais encore faut-il donner une forme cette masse corporelle.Et c'est ce quoi s'emploie le dmiurge en excutant desoprations qui s'apparentent au travail du potier", comme leprouve cette description de la prparation et de la cuisson del'argile destine former les os dont sera constitu le squelette,armature du corps humain : Et voici comment il forma les os.Ayant pass au crible de la terre pure et homogne (y=tjv a~(XT't'~O'IXe;xa6(Xpocv XIX" d:X'J), il l'a arrose et dlaye avec de la moelle

    (tcpUPIXO'~ x~t :azuz'J (1.uE0) ; puis il a plac ce mlange dans le feu,et ensuite Il l'a plong dans l'eau (de; wp ~cX.7tTE~). Le faisant ainsipasser et repasser dans l'un et l'autre lment, il l'a renduindestructible (x-:-r,z.'t'ov) par les deux. 4 Le membre de phrasey~v .a~IX't'T~O'IX~ zx8:x?ocv x(x" d(Xv s'explique par le fait que ledmiurge doit, par un mlange de terre et de moelle, constituerlui-mme, l'argile avec laquelle il projette de faonner les os:Or, ?e m~e que les potiers purent, par lavage et dcantation 5,l'urgile qu'Ils vont utiliser, de mme le dmiurge s'assure del'homognit du matriau qu'il est en train de fabriquer, en pas-sant au crible la terre qui doit entrer dans sa composition. Ainsile dmiurge obtiendra-t-il une pte dpourvue de scories et d'irr-~ularits, comme celle que les potiers travaillent sur leur tour.D'ailleurs, aprs cette premire opration, le dmiurge passe la

    (1) Luv

  • 4G LE DMIURGE PEINTURE47

    Voil pourquoi ils s'occupent de relier les os entre eux. Il faut,dans un premier moment, ajuster les unes aux autres les vertbrestout en permettant au corps de se mouvoir : Puis autour de lamoelle du cou et du dos, il en a faonn des vertbres (crepov8uouc;)qu'il a embotes (t>7t't"tvzv) les unes sur les autres comme desgonds (otov cr't"p6eptYYIXc;), partir de la tte travers tout le corps.Ainsi, pour protger la semence dans sa totalit, il l'a entoure

    (cruveppIX~v) d'une barrire de pierres (L6oL8 7tpL(6),cp) o il apratiqu des articulations (:IJ.7tOLWV &p6pIX). >}1 Puis il attache entreeux tous les membres l'aide des tendons : C'est pourquoi il aform les espces des tendons et de la chair. Grce la premireil a attach (cruv8~cro:c;) ensemble tous les membres. >)2; et plusloin : Il a attach (8~cro:c;) les os les uns aux autres par lestendons... >}3. Enfin, il attache la tte cet assemblage compliqu: Pareillement et pour les mmes raisons, le dieu ayant assemblen cercle les tendons autour du cou jusqu' la base de la tte soudal'un l'autre par mesure d'uniformit. Quant aux autres, il lesa disposs absolument dans tous les membres liant (cruv&7t't"Cv)chaque articulation l'articulation voisine. >}4 Voil donc commentest constitu l'ensemble du squelette humain.

    Cette description ne laisse toutefois pas d'tre bizarre. Eneffet, la constitution de la colonne vertbrale s'apparente l'rection d'une colonnes, dont les tambours", creux, constituentune espce de barrire de pierre 7 protgeant la moelle pinire,et se meuvent les uns par rapport aux autres comme des gonds 8

    Par ailleurs l'assemblage des autres os s'apparente la liaisonentre eux d'objets solides l'aide de lanires".

    Or, aprs avoir assembl le squelette du corps humain, ledmiurge va couvrir de chair cette armature grossire en excutantles oprations propres un modeleur de cire. Auparavant, nousverrons qu'il est aussi ce peintre qui dcore la sphre du corpsdu monde.

    (1) Tim., 74 a 1-5.(2) Id., 74 b 3-5.(3) Id., 74 d 7.(4) Id., 75 c 7 - d 5. Pour la traduction et l'explication de ce texte difficile, cr.

    F. M. Cornford, Plalo's cosmology, p. 299 et surtout n. 1.(5) Le verbe u1toTdvw et le substantif tpOpov, qui drive du verbe tXpiXplcrxw, font

    rfrence au travail de construction utilisant la pierre.(6) Cf. le sens de (J(p6v8uoc; in IG 2 1 1668.43,1672.310, Ath. l\Iech., 37.7 (Wescher),(7) Cr. LOOEL8e:: 1t&pLo6}8

    (1) Cf. H. Blmner, Technologie... , IV, pp. 414-518; et P. Courbin, La cramiqueqomtrique de l'Argolide, pp. 283 sq.

    (2) Tim., 55 c 4-6.(3) Cf. Cornford, Pl. cosm., p. 219. On lira la note 2 o Cornord se situe par rapport

    ;'\ Taylor, Burnet et N ewbold.(4) Tim., 28 b 2-4 ; cf. 33 b 4-6.(5) H. Blmner, Technologie ... , II, pp. 151-163.(6) Tim., 74 c 5 - d 2. Sur la traduction de ~U!-l(!-liX, cr. A. E. Taylor, A comm. on Pl.

    Tim., p. 531 et F. ~l. Cornford, Pl. cosm., p. 297, n. 2.(7) Pline, Hisl. nat., XXI, 83.(8) Tim., 74 e 1-3.

  • 48 LE DMIURGE AGRICULTURE 49

    Et plus loin : lorsque le dieu a assembl (O'UVO'TYjO'ZV) quelquemasse de chair uniquement en vue de nous donner des sensations-- c'est le cas de la langue. 1 Le dmiurge, comme le suggreO'uvrppCl."'t'Z, a donc entour de chair les os pour protger la moellequi se trouve en eux, comme il avait entour la moelle de labarrire de pierres des vertbres. Et par ailleurs il a assembl(O'UVO'TI)O'ZV) une partie de ce mlange selon des formes bienprcises pour fabriquer des organes spciaux, comme la langue.

    F. Tressage.Et maintenant que nous avons vu se constituer, grce au travail

    du dmiurge, l'aspect extrieur du corps humain, attachons-nous son intrieur, et notamment au systme respiratoire et circulatoireque Platon assimile une nasse dont se servaient les pcheurs son poque : En effet, il a tiss d'air et de feu un treillis lamanire des nasses (7tYfLCl &poc; XClt 7tUPO otov oL XUpTO~O'uvurpYjvocfLzvo). Ce treillis avait, vers son entre, deux tuyauxcouds et l'un de ces coudes, son tour, le dieu l'a encore dployen forme de fourche deux dents. Et depuis ces deux coudes, il atendu en cercle, travers tout le treillis (8L~ 7tClVTO (... ) TOU7tYfLCl'rOC;) jusqu' ses extrmits, comme des lacis d'osier (otovcrxo[vou). Toutes les parties intrieures de son treillis, il les acorn poses de feu (T~ fL:v ov v8o'J x 7tUPO O'UVZO'T~O'ClTO TOU

    .. r " ) 1 d t l' 1 ( , ~'" "7tI\OXClVOU Cl7tClV.Cl , es cou es e enve oppe Tex 0 EYX.UpT~Cl XCl~ TOXUTO), il les a faits d'air. Prenant alors toute cette nasse, il l'afait entrer dans le vivant qu'il faonnait, peu prs comme ceci(

    , .. D' " 1 -.. 6' y 1 1 1 ~) 2XClL I\ClOWV WJTO 7tEpLEO'TYjO'EV Tcp 7tI\ClO' EVTL ~cpcp Tp07tOV TOLOvoE.L'emploi de O'zoi.voc,3, de 7tYfLCl4, de 7t6Xotvov 5, et mme de XUTOc,6,ne laisse aucun doute sur la nature du travail accompli par ledmiurge. Tout est si clair qu'il n'est pas besoin de plus decommentaire.

    G. Agriculture.Or, l'uvre proprement artisanale de la dmiurgie du Time

    se prolonge au niveau de l'agriculture. Cela ne pose aucun difficult,car, dans la cit platonicienne, artisans et agriculteurs sont sanscesse prsents ensemble comme formant la troisime classe.

    (1) Tim., 75 a 5-6.(2) Id., 78 b 3 - c 3. Cf. Cornford, Pl. cosm., pp. 308-315 et surtout p. 313 pour

    la figure.(3) H. Blmner, Technologie ... , I, 296, n. 4.(4) Id., p. 289, n. 5 et p. 290, n. 2.(5) Id., p. 290, n. 3.(G) Eur., Ion, 37 : j'enlve la corbeille tresse (rre:x'r(N 1;&po: xU't'o) .

    Et c'est lors de la description de l'origine des vgtaux quele schme des oprations agricoles transparat le plus videmment: Composant par un mlange d'autres formes et d'autres qualitsune substance semblable la nature de l'homme ils donnent

    . 'naissance (9UTEUOUOW) une autre espce de vivants. Ce sontles arbres (8v8pa), les plantes (cpUTOC) et les graines (O'7tpfLotTot). 1Et cette mtaphore de l'ensemencement est partout prsente lorsde l'introduction des mes sur les astres ou dans les corps humains.

    On lit en 41 e 4-5 : les mes semes (O'7tClpdO'otc,) dans lesinstruments du temps . Et en 42 a 3 : lorsque les mes auraientt implantes (W?uTEu6Ei.Ev) dans les corps . Et le lieu privilgide l'ensemencement des mes dans le corps humain est la moelle,glbe psychique.

    Voil pourquoi on trouve en 73 b 3-5 : En effet, c'est dansla moelle que les liens de la vie, puisque l'me est attache aucorps, se sont fixs, pour enraciner (XotTEpp[~ouv) l'espce mortelle .Et en 73 c 3-4 : Puis implantant (cpuTdH.l)V) dans ce support lesd.iffrentes sortes d'mes , Et enfin, en 73 c 6-8, lors de la descrip-LIOn du cerveau : Et la sorte de moelle qui devait, comme uneglbe (otov apoupa'J) recevoir en elle-mme la semence divine (TOO:::'i:ov O'7tpfLot) .. 2. La moelle, recevant la semence divine, etplus gnralement la semence psychique, devient, elle-mme, parI(~ fait mme, la semence par excellence: il fabriqua partirde ceux-ci (les triangles) la moelle, inventant une semence communepour tout le genre mortel (7tClVO'7tEP1-av 7tClVTt 6vYjT yVEL!LYlXClVNfLEVOC;, TOV fLU,ov t~ otTWV &.7tYjPYOCO'Cl.O). 3 Ce qui nous mne;\ la description de l'union sexuelle, de la fcondation et del'embryogense.

    En effet, on lit en 91 c 7 - d 5 : Et cela dure jusqu' ce quel'ros de l'un et le dsir de l'autre* s'tant joints puissent cueillir1111 fruit, comme ceux des arbres (otov &.7tO 8v8pwv xexp7tOV xotTot8p-f~(XVTEC,) et semer dans la matrice, comme dans un sillon, des vivantsi 1\visibles ** en raison de leur petitesse et encore informes (wc, dc,,1 " " (' 1 \ '~I y-tl.pOUpClV TI)V fLYjTPCf.V opr U7tO O'fLLXPOTI)TOC, XClL otoLot7taO'Tot ~cpCly.aTClO'7tdpavTEc,), puis y distinguer des parties, les nourrir au-dedans

    d(~ l.a matrice, les faire grandir et finalement les produire laIII mire et achever la gnration des vivants. 4 Passons maintenant

    (1) Tim., 77 a 3-6.(2) Cf., Id., 90 a 5-7.(:j) Id., 73 c 1-3. Cf. la discussion de Cornford, Pl. cosm., pp. 293-5 sur la

    traduction de ce texte. Les dernires lignes de la note de Taylor sur ce passage(:t comm. on Pl. Tim., p. 522) constituent une mise au point essentielle.

    (4) "Cf', Cornford, PL. cosm., p. 357, n. 2; "Cf', H. D. Rankin, On &~L&1to:o"ro: ~j>o:(1'Iato's Timaeus, 91 d 3;", Philologus, CVII, 1963, pp. 138-145.

  • 50 LE DMIURGE COLONISATION 51

    un autre niveau, puisque tout cela est d'une clart telle qu'il estinutile de paraphraser.

    De faon moins directe, en effet, on emploie des mtaphoresagricoles pour dcrire l'irrigation sanguine : Puis ils ont creusnotre corps mme de canaux, pareils ceux qu'on tablit dansles jardins (otov v X~7tO~~). 1 Et, dans une perspective apparente,on explique ainsi l'apparition du poumon: Ils ont greff (vEcp-"t"EU(j(XV) le tissu du poumon 2. Enfin, les cheveux et les ongles,parce qu'ils poussent sont dcrits avec le vocabulaire propreaux plantes: C'est pour ces raisons et dans ces desseins qu'ils ontfait natre (gcpu(j(Xv) la priphrie des membres la peau, les cheveuxet les ongles-.o Or, l'emploi incessant de cpE~V, de x(X"t"(Xpp~~OV4et de (j7tdpE~V combin avec celui de (j7tp~(X, cpu"t"6v, 8v8pov, x-Yj7tOne peut laisser aucun doute sur l'importance de la mtaphoreagricole.

    1.1.3. Activits du dmiurge relevant des fonctions propres lapremire classe de la cit platonicienne.

    Cependant, le terme 8"1)~wupy6 dsigne non seulement toutartisan spcialiste en mtallurgie, en construction, en peinture,en modelage de cire et en tressage, mais aussi, en Grce occidentale,un magistrat trs important.

    Voil pourquoi, dans le T'ime, le 8"1)~wupy6 apparat d'unepart comme un colonisateur ou un fondateur de cit, et d'autrepart comme un matre de la persuasion. Ces deux derniresfonctions, loin de se rapporter l'artisanat qui, reli l'agriculture,dfinit la troisime classe de la cit platonicienne, auraient plusd'affinit avec la premire classe, celle des philosophes-gouvernants.Cela peut paratre bizarre, mais l'emploi bivalent du terme 8"1)~~oupy6 permet la chose.

    A. Colonisation.En effet, on peut considrer que le dmiurge est un colonisateur ou

    tout simplement un fondateur de cit. On lit, en ce sens, en 72 d 4-5 : Ainsi, en ce qui touche l'me, ce qu'elle renferme de mortel et cequ'elle renferme de divin, propos de la question de savoir quelleplace, en quelle compagnie et pour quelles raisons elle a reu

    (1) Tim., 77 c 7-8.(2) Id., 70c4-5.(3) Id., 76 e 4-6.(4) PL~C( est employ dans le cas des triangles; on parle en effet de la racine des

    Irianglrs. ~ p(~C( TW'J TP~YW'JC'J (81 C 6).

    ces demeures spares ... (X(xL 07tYl X(XL ~z6' 6JV X(XL 8~' & X

  • 52 LE DMIURGE PERSUASION 53

    B. Persuasion.Car le parallle entre le dmiurge et le lgislateur peut tre

    poursuivi au niveau de la persuasion, qui joue un rle si importantdans le Time.

    Dans le cadre de la civilisation grecque, la persuasion connatune histoire la fois riche et diversifie. Elle est tout d'abordconsidre comme une Ocanide, fille d'Ocan et de Thtis '.Parmi ses nombreuses surs, on trouve Mtis et Tuch". Essen-tiellement, Peilh se situe dans la sphre des divinits relies l'amour et l'union sexuelle. Elle apparat, en tant que telle,comme une desse distincte, qui on rend un culte, pour qui onconstruit des temples et en l'honneur de qui on lve des statues".Trs souvent elle se prsente comme une servante ou une amied'Aphrodite, avec laquelle elle entretient des affinits troites 5.Par consquent, il n'est pas surprenant qu'on la retrouve encompagnie des Heures et des Charites". Bien plus, enfin, ellen'est quelquefois qu'un surnom d'Aphrodite". Ainsi, en un premiermoment, Peilh apparat-elle comme la force persuasive ncessaire Aphrodite pour vaincre les rticences, et rendre possible l'amouret l'union sexuelle.

    Dans cette perspective, cette phrase du Time prend un relieftout particulier, qui dcrit le rsultat de la mise en proportiondes quatre lments par le dmiurge, ayant persuad la ncessitdans la mesure du possible : Accord par la proportion, il (lemonde) tient dans ces conditions l'amour (qn).Lrl\l 't"E ~crXE\I :X't"OU't"

  • 54 LE DMIURGE A~CIENNE ACADMIE 55

    dmiurge est un individu. Il se prsente comme une fonction dontl'existence et la spcificit sont bien tablies certes, mais dontl'action se diversifie selon la nature des uvres produire.

    Par ailleurs, le dmiurge est un artisan qui travaille le mtal,qui construit et assemble, qui ptrit et modle l'argile, qui peint,qui donne une forme la cire et qui tresse. Cela est fondamental.Car si l'on passe d'une explication cosmologique fonde sur lamtaphore de l'artisan qui fabrique un objet une explicationcosmologique fonde sur la mtaphore du soleil qui diffuse salumire, alors on doit se rendre compte que l'on vient de passer d'unsystme mtaphysique un autre.

    En effet, considrer que le monde sensible est l'uvre d'undmiurge travaillant comme un artisan humain, c'est postulerl'existence d'un monde de formes intelligibles d'aprs lequel estmodel un milieu spatial indtermin. Par contre, affirmer quele monde sensible n'est, toute fin pratique, que l'ultime sphrede ralit ou bien diffuse partir d'une source suprme d'treou bien seulement illumine par elle, c'est postuler l'existence derelations l'intrieur d'un systme clos et dnu de tout cart.Mais arrtons-nous l pour le moment. Nous vrifierons la validitde ces assertions dans la seconde section de ce chapitre.

    En outre, le dmiurge apparat comme un colonisateur ou unfondateur de cit, et comme un matre de la persuasion. Cet usagedu terme 81)[.L~oupy6e; dans le Time de Platon s'appuie sur l'usagecommun. En effet, dans certaines rgions de l'ouest de la Grce,on rencontrait des magistrats s'appelant 8cx[.LwpyoL; en outre,dans l'Odysse, la liste des 81)[.Lwupyo( fait mention de spcialistesde la parole. Mais, par l, nous passons un autre niveau de ralit.Car, alors que l'artisan et l'agriculteur se rapportent la troisimeclasse de la cit platonicienne, le magistrat et le matre de lapersuasion ont plus d'affinit avec la premire classe. Cela nousrenvoie directement la seconde section de chapitre portant surla fonction thorique du dmiurge, ct. la premire partie de ladernire section de ce chapitre o le dmiurge apparat comme unvoue; royal spar.

    Jusqu'ici nous avons dtermin les fonctions artisanales etagricoles du dmiurge, ainsi que ses fonctions de magistrat et dematre de la persuasion. Voyons maintenant comment cet tre,dont nous avons dit qu'il ne pouvait tre pass sous silence, mmes'il reprsentait plus une fonction qu'un individu, a connu unehistoire philosophique la fois complexe et significative.

    1.2. L'ASPECT THORIQUE DU DMIURGE

    Aprs avoir tudi l'aspect pratique du dmiurge, nous entudierons l'aspect thorique; puisque nous avons dcrit l'actiondu dmiurge, il nous faut maintenant dceler le sens de cette action.La chose n'est pas facile. En effet, non seulement les informationsqu'on peut recueillir ce sujet dans le Time sont allusives, maissurtout la pluralit des interprtations prsentes au cours deszes constituent un fardeau plutt qu'une aide. C'est d'ailleurs

    o .dans cette perspective que nous ne tenterons de mettre en lumirel'aspect thorique du dmiurge qu'au terme d'une analyse destransformations subies par cette figure dans l'ancienne acadmie,dans le moyen platonisme et dans le noplatonisme. Une telleanalyse nous permettra d'une part de comprendre les inter-prtations modernes et contemporaines qui drivent de cesinterprtations anciennes, et surtout d'autre part de faire affieurer,en dcrivant la nature et les causes de ces transformationssuccessives, l'invariant par rapport auquel elles se dploient.

    1.2.1. La disparition de la figure du dmiurge.La figure du dmiurge disparat dans l'ancienne acadmie. Ce

    qui s'explique Iacilement.En effet, les systmes de Speusippe et de Xnocrate, qui sont

    sscntiellement des rinterprtations de la doctrine platoniciennefondes sur des prsupposs que nous analyserons dans le prochainrhupitre, et o tout dcoule par une sorte de dduction mta-physique, d'un principe suprme, remplacent la discontinuitpropre la doctrine platonicienne par une continuit qui rend11111 Lile la figure du dmiurge, dont la fonction est prcisment de

    rt'~duire l'cart entre le sensible et l'intelligible.En outre, pas plus le systme d'Aristote, fond sur l'immanence

    d('s formes, que la doctrine stocienne, caractrise par son monismeru..Lrialiste, ne font appel une telle figure dont le besoin ne seLliL mme pas sentir.

    Le systme d'Aristote se situe la suite d'une lente volution.unorce dans les Lois, vidente dans l'Epinomis, et dont on sent\:1 prsence au sein de l'ancienne acadmie.'.

    (1) Cc dveloppement, qui se poursuivra jusqu' la section concernant le moyen,dlliollismc, suit exactement J. Moreau, L'me du monde de Platon aux Stociens, Paris,l '.I:I~I, pp. 56 sq.

  • En effet, trs curieusement, le personnage du dmiurge n'existeavec une consistance vritable chez Platon que dans le Time oapparaissent bien marques les distinctions entre le monde desformes intelligibles et celui des choses sensibles, entre ncessitmcanique et finalit transcendante; tout cela s'approchant,comme nous le verrons, de la mythologie traditionnelle qui pouvaitfrapper la conscience populaire.

    Et dans les Lois, Platon sacrifie davantage l'sotrisme,puisqu'il met en uvre une argumentation polmique et deporte immdiate contre la physique mcaniste en montrantl'importance d'identifier la nature la flnalit '. Dans cette uvre,le dmiurge n'entre pas en ligne de compte et la distinction entrele monde des formes intelligibles et celui des choses sensibles,quoique toujours maintenue>, est cependant mise en veilleuse parla distinction entre ncessit mcanique et finalit, finalit donton ne s'efforce pas avec autant d'insistance que dans le Time,de prouver la transcendance 3.

    Ainsi prpare par les Lois, on assiste dans l'Epinomis4, ladisparition des frontires, propres au platonisme, entre le mondesensible et le monde intelligible, et l'invasion de la cosmobiologieimpliquant une finalit immanente". La preuve de l'existence dela providence et de l'existence de l'me, comme principe dumouvement du ciel, doit donc tre demande des analogiesbiologiques, une zoogonie laquelle est lie la thogonie (980 c) >}6.Bref, l'laboration de la pense y suit une direction tout faitoppose celle du Time. Alors que, dans le Time, l'intelligencetait reconnue comme principe de la nature, dans l'Epinomis,elle n'est justifie, comme juxtaposition mtaphysique auxmouvements des masses sidrales, que par l'insuffisance deprincipes empiriques pour ces mouvements. La notion de dmiurgene s'impose pas et, bien plus, semble tout fait hors de contextedans cette perspective.

    La diffusion de cette thologie astrale dans l'acadmie estatteste par Cicron qui rapproche d'Aristote Xnocrate". On la

    retrouve aussi dans les fragments de Philolaos 1 et dans les premiersdialogues d'Aristote 2.

    Cependant, partir du De Gaelo, Aristote restaure l'unit dumonde contre Speusippe pour qui l'univers ressemblait une rhapsodie d'pisodes obtenue par dductions successives partirde l'un >}3. La transcendance du monde intelligible est remplacepar la divinit du ciel visible; le dualisme se trouve donc main-tenant l'intrieur du monde sensible. L'ther est la substance del'me, et l'univers est un vivant soumis un finalisme hirarchiqueimpliquant, sur le modle de l'embryologie, une priorit non pluscosmologique, mais historique '. Le monde n'est plus une uvred'art, production d'un ouvrier transcendant, c'est un tre naturelqui vit et possde en lui-mme le principe de son comportement: Ce principe est une activit finaliste, analogue celle de l'art,mais immanente et non transcendante; il agit certes la faond'un dmiurge, mais non pas du dehors, comme le sculpteur quitaille une statue; il agit du dedans, comme l'me modle le visageou comme le mdecin qui se gurit lui-mme (Phys., B, 8, 199 b 30-31); ce principe a pour nom nature (q>cnc;) ; il procde avecconomie la manire d'un bon intendant, et, entre les possibles,il produit toujours le meilleur (~ q>l, in ludes de philo-

    sophie ancienne el de philosophie moderne, Paris, 1926, pp. 151-168.(:3) V. Brochard, arl. cil., p. 165. L'auteur croit voir, avec raison notre avis, des

    indices de la prsence du dmiurge du Time dans les Lois.(1) cr. J. Moreau, L'me du monde... , pp. 85-106.(5) Id., p. 84.(6) Id., p. 97.(7) Cicron, De nal. deor., l, 13,24. C'est--dire : Xnocrale, frag. 17 (Heinze).

    (1) Cf. Diels, Vorsokraliker, 32 B 21. El J. Moreau, op. cit., pp. 145-152.('.!,) Cf. le m;pl ep,).ocrOepLOC elles commentaires de J. Moreau, op. cil., pp. 106-110.(:q Pour un rsum des critiques aristotliciennes, cf. J. Moreau, L'me du monde... ,

    l' i.u , n. 7.(.1) Cf. De caelo B el les commentaires de J. Moreau, op. cii., pp. 114-129. On lira.111~si avec intrt F. Solrnsen , ft Nature as craftman in Greek thonght >l, JHI, 24,1963,l'p. ,17:i-19G.

    (:') .1. J\I orca li , op. cit., pp. l':n-128.

  • 58 LE DMIURGE MOYEN PLATONISME 59

    il voit dans le premier un relchement de la force inhrente aupneuma, ce qui entrane sa condensation liquide, - dans le secondune con~~action de cette mme force, qui circulant partout, portepar I'agilit du feu, procde la construction des tres se mani-festant, suivant ses degrs de tension comme slruclur; dans lescorps bruts, nalure dans les plantes, me dans les animaux, raisonchez les tres pensants, hommes et Dieux, jusqu' l'embrasementde tous les tres et leur apothose finale. 1 Ainsi, pour le stocisme,la figure du dmiurge est-elle tout fait inutile; elle est mmedloge de la place que lui rservait Aristote qui retenait quandmme un certain dualisme l'intrieur du monde sensible. Toutedistance entre l'intelligible et le sensible tant abolie dans unmonisme matrialiste, le besoin ne se fait plus sentir d'un tre quirduise cet cart par son action. Bref, puisque le monde se dveloppeselon des cycles bien dfinis d'aprs un ordre dtermin inhrent lui-mme, le dmiurge doit disparatre.

    1.2.2. La raction du moyen platonisme",Ce~te disparition de la figure du dmiurge du monde philo-

    sophique grec durant les sicles qui suivirent la mort de Platonest dcelable l'intrieur mme de l'acadmie, dont les diffrentsscholarques furent Speusippe, Xnocrate, Polmon et Crats.

    A la mort de Crats, Arcsilas, son successeur la tte del'acadmie, modifie sensiblement la doctrine qu'on y enseigne,en, s'en tenant une sorte de platonisme non-dogmatique, trspres. de la mthode socratique. Carnade lui succde, qu'on peutqualifier de probabiliste, et qui ne retient plus de la pense dePlaton, en y apportant d'ailleurs des modifications, que cequ'Arcsilas avait jug bon d'en conserver. Philon de Larissecontinue dans la mme voie en soutenant l'existence de la vrittout en affirmant l'impossibilit de connatre cette vrit aveccertitude; voil pourquoi, semble-t-il, on lui attribuait un enseigne-ment sotrique sur les dogmes platoniciens 3. Philon de Larissemeurt en 85 avant J.-C. Antiochus d'Ascalon, qui l'avait suivi Rome et qui y fut l'ami et le matre de Lucullus et de Cicron ,amorce un retour vers le dogmatisme, en incorporant dans sonsystme non seulement des lments platoniciens mais surtout, ,

    (1) J. Moreau, L'me du monde ... , pp. 172-73.(2) Dans les quelques pages qui suivent, nous avons tent de respecter sinon l'inter-

    prtation du moins le plan de W. Theiler qui a fait l'article Demiurgos du Real-lexiko n [ur Anlike und Chrislenlum , 1II, Stuttgart, 1957, col. 691-711.

    (:J) Pour un rsum de la polmique sur ce point, cf. V. Brochard, Les sceptiquesgrecs, Paris, IU23, pp. 192 sq.

    en plus d'lments pripatticiens, l'essentiel de la doctrine sto-cienne. On ne sait presque rien des successeurs d'Antiochusd'Ascalon (Aristus et Theomnestus) la tte de l'acadmie.

    Toutefois, le souvenir de l'acadmie fut perptu Romepar Cicron et par Cotta, et Alexandrie par Eudore. Sensiblementmodifie, la doctrine platonicienne reparat chez Philon.

    Mais, au dbut du second sicle de notre re, le platonismereprend vie. Ses reprsentants les plus connus sont Plutarque deChrone, le disciple d'Ammonius d'Alexandrie, scholarque del'acadmie sous Nron et Vespasien, Svre, Atticus, Numnius,Harpocration et Cronius. Ce renouveau ne se limite pas Athnes.Il s'tend Smyrne o vivent Albinus, le matre d'Apule, etThon de Smyrne; Pergame, o enseigne Gaius, qui eut peut-trepour disciples Albinus et Apule; et Rome, o s'est tabli Galien,un autre disciple d'Albinus. Ce mouvement est qualifi de moyenplatonisme.

    Or, le moyen platonisme se dveloppe, avant tout, en ractioncontre le monisme matrialiste du stocisme. Voil pourquoi,cette raction est surtout vidente lorsqu'il s'agit de dfinir ladivinit suprme, dans le cadre de la doctrine platonicienne.

    En effet, l'affirmation plus ou moins explicite de la transcendancede la divinit suprieure, faisant face une matire dtermine,force Plutarque rendre compte du chaos par l'hypothse d'uneme du monde irrationnelle ordonne par l'intelligence dmiurgique.Ainsi, se fondant sur la srie de principes matire - me du monde(irrationnelle/rationnelle) -- intelligence dmiurgique - un-bien,Plutarque dveloppe un systme global o toutes les tensions sersolvent dans le cadre d'une espce de drame cosmogonique.

    L'me du monde irrationnelle, qui agite la matire, est ordonnepar le dmiurge qui, intelligence suprme, lui communique unepartie de son intelligence l . En d'autres termes, le dieu dtachede lui 2 l'intelligence pour faire de l'me qui il la donne le guidedu tout 3. Or, le voue;, lui-mme, drive d'un principe suprieur(X7r:O 't"~e; xpd't"'t"ovoe; cX.pX~4 qu'il semble falloir considrer commel'un ou le bien". Par consquent, le voe; a son sige dans l'essenceimmuable et possde une immobilit impassible", Ce qui porte

    (1) Plut., De an. procr., 1016 d : &:cp' ct't"o ; Quaest. plat., 1001 b &:cp' -xu't"O; 1001 c:rr' who. Ide analogue chez Albinus, Didasc., X, p. 165.2-3 (Hermann).

    (2) Plut., De Is. et Os., 382 c,(3) Plat., Lois, X, 897 c 7-8: 8~ov w 't"7)v &:pLa't""1)'J ~UX7)'J cprX't"ov mfL,e:La6iXL

    70 x6afLou 1t'iX'J't'O.(4) Plut., De an. procr., 1026 e.(5) Id., 10~4 d.(6) Id., 1024 c.

  • (1) P. Thvenaz, L'me du monde, le devenir et la matire chez Plutarque Paris 1938p. 72. ' , ,

    Cf. aussi ceux du De sera numinis vindicta et du De genio Socratis.(2) Didask., X, 164.16-34 (Hermann).(3) Nous ne pouvons accepter l'interprtation de J. H. Loenen qui, en raction

    contre U~berweg-Praechter(Die Philos. des Allertums, l, p. 542), Witt (Albinus, pp. 128-29)~ LOUIS (Albinus, Epiiom, p. 56, n. 136-7) et Drrie (}3. Ce quoi le com-mentateur du Time oppose une triple critique : premirement,le dmiurge dans le T'ime est qualifi de bon, mais jamais il n'estappel bien; deuximement, le bien est au-del de l'tre, ce quiimplique qu'il est la cause de toute essence et donc du dmiurgelui-mme; et troisimement, comme le dmiurge doit prendremodle sur quelque chose, ou bien ce modle sera infrieur lui,ce qui est absurde, ou bien ce modle sera dans le dmiurge qui,mme s'il est l'tre premier, sera, de faon contradictoire, plusieurs.Ces objections, bien que, dans une certaine mesure, elles dpendent.l II systme noplatonicien o elles s'inscrivent, n'en sont pas moinsd'une force telle qu'elles vaudront contre les interprtationsmodernes et contemporaines du mme type que celle d'Atticus.

    Or, Numnius s, qui se situe la frontire du moyen platonismel'f, du noplatonisme, donne aux doctrines, encore indcises dellutarque, d'Albinus et d'Apule sur le dmiurge leur expression1:1 plus labore, dont on ne peut pas ne pas faire remarquer les.ulinit.s avec la doctrine de Plotin. Numnius, rapporte Proclus,:1 fait mention de trois Dieux, il appelle le premier Pre , le:,,'cond Crateur , le troisime Cration (7tOL"t)!J.Cl) : car le Monde,

    LE DMIURGE60

  • G2 LE DMIUHGE MOYEN PLATONISME 63

    selon lui, est le troisime Dieu. Ds lors, dans sa doctrine, il y adeux Dmiurges, le Premier Dieu et le Second, et le Troisime Dieuest le Monde cr (-ro 8"fJ!J.wupYOU!J.E:VOV). 1 Cette exposition doittre complte par l'introduction de la sphre matrielle: Deumquippe esse ... initiam et causam bonorum, siluam malorum 2.Ainsi le dieu suprme, tant le bien et ne pouvant, de ce fait,avoir de contact avec la matire, source du mal, doit-il tre suivid'un second dieu, dmiurge qui participe au premier et organisele monde; c'est le voue; qui pense le monde. Et le monde pens parl'intellect dmiurgique constitue, son tour, un nouvel intellecttroisime dieu qui se prsente comme un voue;; 8~CX\lOou!J.e:voe;;3. '

    Tout de suite, Proclus passe l'attaque et fait, cette thorie,trois objections : premirement, on ne peut, pour les raisonsprcdemment exposes, faire du bien une cause, comme presemant dans tous les tres qui participent de lui la semence detoute me que le second dieu distribue et transplante en chacunde nous; deuximement, cette relation entre le premier et lesecond dieu est l'inverse de celle que Platon veut indiquer lorsqu'ilparle du 7tO~"fJ~V XCXL 7tcx-rpcx 4; et troisimement, une telle distinctionest superflue et n'apporte aucun supplment d'information.

    Enfin, suivant plus ou moins Numnius, l'lve d'Atticusprsente cette thologie fantastique qui lie la spculation philo-sophique la mythologie orphique : Quant Harpocration,affirme Proclus, je serais bien tonn si, mme lui-mme il taitsatisfait de la classification extraordinaire qu'il nous li~re sur leDmiurge. Il commence par suivre Numnius (test. 19 Leemans)dans sa doctrine des trois dieux pour autant qu'il ddouble, luiaussi le Dmiurge, et il nomme le premier Dieu Ouranos etKronos , le second Zeus et Zn , le troisime Ciel et Monde ,Mais ensuite, ayant fait volte-face, il appelle le Premier Dieu Zeus et Roi de l'Intelligible et le Second Chef , et c'est une

    (1) Proclus, In Tim., l, 303.27 - 304.3.(2) Tesl., 30, p. 93 (Leemans).(3) A. J. Fest.ugire (La re, d'II. Trism., III, Paris, 1953, p. 43, n. 4) fournit ces

    explications supplmentaires: (( Selon Beutler (P. W., 1. c., 672.20), la notion du monde:{e dieu serait inconsistante avec les autres tmoignages sur les Principes, notammentIl' frag. 25 (p. 141.2 L) o le monde vient seulement au 4 e rang aprs le Premier Dieu,le Second Dieu et l'Essence (du Premier Dieu et du Second). Il est vrai que la notion dumonde troisime Dieu n'apparat pas dans les fragments mmes du 1t'. 't'&YiXSO, maisdans deux leslimonia de Proclus (test. 24/5 L.). Cependant, comme nous le verrons au1. IV, ces tmoignages ne sont peut-tre pas inconciliables avec les fragments, le 3e Dieuapparaissant moins comme le monde sensible que comme le plan de ce monde dansl'intellect dmiurgique ('le Dieu), plan qui est appel lui-mme un Intellect pens II,cf. t. IV, ch. VI .

    (1) Tim., '28 c 3.

    mme entit que deviennent pour lui Zeus et Kronos-Ouranos. 1Proclus ne rpte pas les objections faites prcdemment Atticuset Numnius.

    Il se contente de faire deux remarques qui ne sont comprhen-sibles qu' l'intrieur de son systme, et dans le contexte de sonCommentaire sur le Parmnide : d'une part, le premier principene peut tre double, et donc porter deux noms; d'autre part,le premier principe, au-del de l'tre, comme l'indique la premirehypothse du Parmnide, ne peut mme pas tre nomm 2.

    Ainsi le moyen platonisme, revenant, par-del la nouvelleacadmie, l'interprtation de la doctrine platonicienne en tantque telle, retrouve-t-il, contrairement l'ancienne acadmie, lafigure du dmiurge. Et la rorganisation globale du systmeplatonicien, qui suit la rinterprtation de cette figure, constituel'une des illustrations les plus convaincantes de notre conceptionde l'histoire des ides.

    En effet, en raction contre le monisme matrialiste dustocisme, introduit dans l'acadmie par Antiochus d'Ascalon,le moyen platonisme fait porter ses efforts sur l'affirmation de latranscendance de la divinit suprme. Or, puisque la matirepremire, qui fait face la divinit suprme, est absolumentindtermine, la seule faon d'expliquer le chaos pr-cosmique et,par le fait mme, l'irrgularit qui caractrise la nature corporelle,est de faire l'hypothse d'une me du monde irrationnelle que, dansla mesure du possible, l'intelligence dmiurgique amne larationalit. En dfinitive, dans cette perspective, la figure du

    (1) Proclus, In Tim., l, 304.2'2 - 305.2.(2) A ce courant d'interprtations bien prcis, dont l'expression la plus claire sc

    lrouve chez Numnius, il nous faut rattacher l'interprtation de Chalcidius avec toutesles rserves qu'implique une hypothse de ce genre.

    En effet, selon Chalcidius, Dieu doit tre considr sous trois aspecls. Ut igiturbreui muIta conplectar, istius rei dispositio talis mente concipienda est. Originemquidem rerum, ex qua ceteris omnibus quae su nt substantia ministratur, esse summumct ineffabilem deum (cf. par. 146); post quem prouidentiam eius secundum deum,latorem legis utriusque uitae tam aelernae quam temporariae (cf. par. 144]; tertiamporro esse substantiam, quae secunda mens intellectusque dicitur, quasi quaedamcustos legis aeternae (cf. par. 176,. His subiectas fore rationabiles animas legi obse-quentes, ministras uero potestates Xaturam, Fortunam, Casum ct daemones inspecta-tores speculatoresque meritorum. Ergo summus deus iubet, secundus ordinat, tertiusintimat. animae uero lege agunt (par. 188) .

    La plupart de ceux qui ont recherch les sources de Chalcidius s'accordent pourreconnatre que ce texte dpend directement, de faon mdiate ou non, de l'interprta-tion de la dmiurgie soutenue par Xumnius. Cf. Gercke, Rh M, XLI, 1886, '266 sq. ;Switalski, Das Chalc. Kommeni., :\Iunster, 190'2, pp. 91 sq. ; Beutler, P. w., supp. VII,670.43-58; Festugire, Rvl., d'Herm. Trismg., III, p. 44, Dodds, ~ Numenius andAmrnonius ., Enir. sur l'ani. class., Y, p. 21; et Waszink, Timueus-Chalcidius (Corpusplatonicum medii acvi, IV), p. 21'::>, n. la ligne 24.

  • 61 LE DMIURGE NOPLATONISME 65

    dmiurge ne se laisse dfinir que par sa position l'intrieur d'unestructure, dont on peut dcrire la drivation partir de la structurepropre au Time.

    Certes, on peut distinguer des variations d'interprtation ausein du moyen platonisme. Atticus, par exemple, revient la sriede principes plus primitive : dieu - ides - matire, avec lesconsquences que cela implique et que nous mettrons en lumireplus loin. Et Numnius, pour sa part, donne une forme plussystmatique, inspire des doctrines nopythagoriciennes, auxinterprtations de Plutarque, d'Albinus et d'Apule. Toutefois,il n'est pas exagr de soutenir que le moyen platonisme ne secomprend que comme une transformation, dont on peut faireaffleurer les fondements et expliquer le processus, de la relationqu'on peut dceler dans le Time, entre le dmiurge, les formesintelligibles et le milieu spatial.

    Le noplatonisme constitue une autre transformation de lamme structure. Transformation, dont Numnius est le prcurseur

    1.2.3. L'laboration du noplatonisme.

    En effet, Rome, Plotin, l'lve dAmmonius Saccas, proposede la doctrine platonicienne une explication systmatique impo-sante que ses lves, Amlius Apame et Porphyre Rome, etl'lve de Porphyre, Jamblique en Syrie, tenteront de perfectionneren rivalisant de subtilit. A Pergame, Julien le Thurge, et Alexandrie, plusieurs penseurs qui influeront sur la pensearabe, s'inspirent de la doctrine plotinienne. Enfin, Athnes,J amblique II, Priscus, Plutarque d'Athnes, Syrianus, son gniallve Proclus et le disciple de celui-ci, Isidore, mnent son ultimepoint de dveloppement le systme de Plotin, dont Damasciussera le dernier sectateur.

    Proclus prsente ainsi l'interprtation de Plotin en ce quiconcerne le dmiurge : .. Plotin le Philosophe suppose que leDmiurge est double, l'un dans l'Intelligible, l'autre commePrincipe Recteur de l'Univers (1'0 as: ~ye(.Lovouv 1'ou 7tcxv1'6c;), et cetteopinion est correcte (... ). Mais son tour l'Intellect transcendantest pour Plotin Pre et Crateur, cet Intellect qu'il assume tredans l'Intelligible, appelant Intelligible la rgion intermdiairecnl.rc l'Un et le Monde. Car il y a l-bas, pour lui, et le Ciel vritableet le royaume de Kronos et l'Intellect de Zeus ... 1. Comme lefaiL remarquer A. J. Festugire>, il s'agit l d'une interprtation

    (l) Proclus, In Tim., r, 305.16-26.('2) A. J. Festugire, Trad. du comm. sur le Tim. de Pr., II, p. 159, n. 2 et p. 160, n. 1.

    de la pense de Plotin propre Proelus. Plotin, s'en tenant sestrois hypostases - un, intellect, me -, considre que le ~iiiovet le voii, quoique distingus, ne sont cependant pas diffrentsl'un de I'autre '. Proclus a donc raison dans la premire partie deson interprtation. Cependant, il a manifestement tort lorsqu'ilvoit deux intellects diffrents. En effet, pour Plotin, les ides sontdans le dmiurge titre d'intellect en repos, et le dmiurge, quivoit ces ides est intellect en acte de penser. Il s'agit d'une distinc-tion, non d'une division 2.

    Amlius, l'lve de Plotin, qui s'tablit Apame, imagine ce systme rapport par Proclus : Amlius imagine le Dmiurgecomme triple et dit qu'il y a trois Intellects, trois Rois, celui quiest, celui qui a, celui qui voit. Ces trois sont diffrents: le PremierIntellect est rellement ce qu'il est; le Second est l'Intelligible quiest en lui, mais il a l'Intelligible qui le prcde et de toute faonparticipe seulement celui-ci, d'o vient aussi qu'il est second;le Troisime est lui aussi l'Intelligible qui est en lui - car toutintellect est identique l'intelligible qui fait couple avec lui -,mais il a l'Intelligible qui est dans le Second et il voit seulementle premier Intelligible : car, plus on s'loigne, plus est faible lapossession. Ces trois Intellects donc, ces trois Dmiurges, Amliusassume que ce sont aussi les trois Rois dont parle Platon (Lettres,II, 312 e 1-4) et les trois d'Orphe (fr. 96 K.), Phans, Ouranos etKronos, et celui qui ses yeux est le plus Dmiurge est Phans. 3Cette interprtation repose sur l'exgse de Time 39 e 8 sq. etsur la signification de la distinction entre ~cr't"~ - ~xe~ - Op~4. Celamne des conclusions sensiblement diffrentes de celles dePlotin, mais plus rapproches de celles des noplatoniciens quile suivirent. Et les objections de Proclus contre cette interprtation

    (1) Enn., III, 9, 1.(2) Pour Plotin, Kronos reprsente l'intellect en repos, et Zeus, l'intellect en acte;

    l'un et l'autre constituent donc l'une et l'autre face d'un mme tre. La figure de Kro-nos ainsi dtermine en Enn., V, 1,3.23 sq., est distingue de celle de Zeus en Enn., V,8, 13.1 sq. Ce qui, rattach l'ensemble de l'interprtation, donne ce tableau:

    [

    Un !KronosIntellect

    ZeusAme

    (3) Proclus, In Tim., 1,306.1-14.(4) I., 1,242.27 sq. et 244.25 sq. Ce qui donne ce tableau:

    1

    est l'rx"t'o~o\l !PhansDmiurge 3 intellects a (les ides incluses en l'.) 3 rois Ouranos

    voit (\loG qui intellige I'.) Kronos

    3

  • 66 LE DMIUHGE NOPLATONI5