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L’UTILISATION DES DÉCLARATIONS EN INTERROGATOIRE PRINCIPALE Par Me Félix-Antoine T. Doyon LL.B, LL.M Informations tirées du Traité général de preuve et procédure pénales (19 e édition 2012) écrit par Pierre Béliveau et Martin Vauclair FONDEMENTS 1. Le rafraîchissement de la mémoire du témoin (Coffin) 1.1 Past recollection revived 1.2 Past recollection recorded 2. Le contre-interrogatoire relatif à une déclaration écrite ou assimilée (9(2) LPC et Milgaard) 3. Le contre-interrogatoire relatif à une déclaration orale du témoin opposé, la déclaration d’hostilité et le droit de contre-interroger son propre témoin (9(1) LPC)) 4. La mise en preuve de la déclaration aux fins de prouver son contenu (B. (K.G.)) « c o n t i n u u m »

L'utilisation des déclarations antérieures en interrogatoire principale

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L’UTILISATION DES DÉCLARATIONS EN

INTERROGATOIRE PRINCIPALE

Par Me Félix-Antoine T. Doyon LL.B, LL.M

Informations tirées du Traité général de preuve et procédure pénales (19e édition – 2012) écrit par

Pierre Béliveau et Martin Vauclair

FONDEMENTS

1. Le rafraîchissement de la

mémoire du témoin

(Coffin)

1.1 Past recollection

revived

1.2 Past recollection

recorded

2. Le contre-interrogatoire relatif

à une déclaration écrite ou

assimilée

(9(2) LPC et Milgaard)

3. Le contre-interrogatoire relatif

à une déclaration orale du témoin

opposé, la déclaration d’hostilité et

le droit de contre-interroger son

propre témoin

(9(1) LPC))

4. La mise en preuve de la

déclaration aux fins de prouver

son contenu

(B. (K.G.))

«

c

o

n

t

i

n

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m

»

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L’UTILISATION DES DÉCLARATIONS EN INTERROGATOIRE PRINCIPALE

Par Me Félix-Antoine T. Doyon LL.B, LL.M

Informations tirées du Traité général de preuve et procédure pénales (19e édition – 2012) écrit par Pierre Béliveau et Martin Vauclair

FONDEMENTS 1. Le rafraîchissement de

la mémoire du témoin

(Coffin)

2. Le contre-

interrogatoire relatif à

une déclaration écrite ou

assimilée

(9(2) LPC et Milgaard)

3. Le contre-

interrogatoire relatif à

une déclaration orale du

témoin opposé, la

déclaration d’hostilité et

le droit de contre-

interroger son propre

témoin

(9(1) LPC))

4. La mise en preuve de

la déclaration aux fins de

prouver son contenu

(B. (K.G.))

La partie représente

implicitement à la cour que la

personne que la personne

qu’elle fait entendre est digne

de foi et crédible. Elle n’est

donc pas, en vertu du para.

9(1) LPC, admise à

discréditer son témoin.

Cependant, la partie qui

présente un témoin peut en

faire entendre d’autres qui

réfutent sa version et elle

peut également, si elle

démontre son hostilité, le

contre-interroger comme s’il

était le témoin de la partie

adverse. La jurisprudence a

également admis, en se

fondant sur l’art. 12 LPC,

qu’une partie peut, lors de

l’interrogatoire principal de

son témoin, mettre en preuve

les antécédents judiciaires de

ce dernier, dans le but évident

de minimiser l’impact que

La jurisprudence permet à

l’avocat, sans qu’il lui soit

nécessaire de contredire ou

discréditer son témoin, de lui

rafraîchir la mémoire en lui

rappelant sa déclaration

antérieure, qu’on lui remettra

entre les mains pour attirer

son attention sur les passages

pertinentsiii

.

1.1 Past recollection revived

L’utilisation de la déclaration

antérieure du témoin peut

alors s’avérer utile de deux

manières distinctes. D’une

part, il peut arriver que la

consultation de la déclaration

permette à ce dernier de

donner une version complète

des évènements. Le témoin

devra alors puiser son

témoignage dans sa mémoire

et non dans la déclaration.

Dans un tel cas le juge des

Si la consultation de la

déclaration se révèle

insuffisante pour rafraîchir

la mémoire du témoin, le

para. 9(2) LPC permet à

l’avocat de demander au

juge de constater

l’incompatibilitév entre le

témoignage rendu au

procès et la déposition

antérieure et de permettre

le contre-interrogatoire du

témoin relativement aux

contradictions entre les

deux déclarations.

Dans Cassibovi, la CAO a

indiqué que même si elle

est prévue au même article

de la LPC, cette procédure

est distincte de prévue à

9(1), qui porte sur un

aspect du contre-

interrogatoire du témoin

Lorsqu’un témoin donne

une version contradictoire

à celle qu’attendait la

partie qui le produit, cette

dernière aura normalement

intérêt à attaquer sa

crédibilité afin que le juge

des faits ne retienne pas ce

témoignage qui s’avère

favorable à l’autre partie.

En principe cela est

interdit en vertu du para.

9(1). Toutefois, cette

disposition prévoit que si

le témoin est, de l’avis du

tribunal, opposé à la partie

qui le produit, cette

dernière peut, outre la

possibilité de le réfuter par

d’autres témoignages,

obtenir l’autorisation du

juge de prouver que le

témoin a en d’autres

occasions fait une

Les règles formulées par la

CSC du l’arrêt B. (K.G.) ne

s’appliquent pas uniquement

dans le cas où un témoin

répudie une déclaration

antérieure. En fait, ces règles

sont une application

particulière de la règle

permettant le ouï-dire lorsque

sont réunies les conditions

de :

(1) Nécessité;

(2) Fiabilité.

Voir R. c. Khelawon, [2006]

2 R.C.S. 787 et R. c.

Youvarajah, 2013 CSC 41.

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pourrait avoir un contre-

interrogatoire sur ce point. La

portée de cette exception est

toutefois limitée. En effet,

une partie ne peut, aux

mêmes fins, faire admettre à

son témoin des actes

criminels qui n’ont pas fait

l’objet d’une condamnation

ou qu’il a déjà fourni une

déclaration incompatible avec

son témoignagei.

Cependant, dans un souci de

transparence, les tribunaux

permettent de faire la preuve

de toute entente avec le

témoin – cas du délateur –

afin d’anticiper un contre-

interrogatoire. Ainsi, la CAQ

a décidé que la poursuite peut

déposer, dans le cadre de

l’interrogatoire, le contrat

d’un délateur et démontrer

l’absence d’intérêt du

témoinii.

faits ne prendra pas

connaissance de la déclaration

à moins que la partie adverse

s’y réfère au cours de son

contre-interrogatoire.

1.2 Past recollection recorded

Il se peut que la consultation

de la déclaration ne permette

pas au témoin de se souvenir

d’un fait mais qu’il affirme

avoir dit la vérité. Cela se

produit généralement lorsque

le témoin a consigné une

donnée technique (ex. un no.

de plaque) quoiqu’il puisse

s’agir du long récit d’un

évènement, comme la

transcription de

l’enregistrement d’une

conversation qui serait par

ailleurs inadmissible.

Dans l’arrêt Flissiv, la CSC a

énoncé les conditions

d’application de cette règle :

(1) L’enregistrement du

souvenir doit être

fiable;

(2) La souvenir doit être

suffisamment frais et

vif pour présenter

une précision

probable;

opposé à la partie qui le

produit. En fait, l’objectif

du contre-interrogatoire

prévu au para. 9(2) est

d’attaquer la crédibilité de

son témoin sur un aspect

particulier de son

témoignage qui est

contredit par sa déclaration

antérieure, mais il n’est

pas question d’attaquer la

probité générale du témoin

ce qui peut être fait si le

témoin est déclaré hostile.

Toutefois, le para. 9(2)

précise que la cour peut

tenir compte de cet

interrogatoire

contradictoire pour

décider, dans l’hypothèse

où une demande à cet effet

est présentée par la suite,

si le témoin est opposé à la

partie en cause. Sur le plan

pratique, on procède donc

normalement, lorsque le

témoin a donné un

déclaration écrite ou prise

par écrit ou enregistré, à ce

contre-interrogatoire

comme moyen d’établir

l’adversité du témoin.

Milgaard a précisé les

déclaration incompatible.

L’art. 9 LPC prévoit donc

deux procédures distinctes.

À cet égard, la CAO a

indiqué qu’on peut

présenter une demande en

vertu de 9(1) sans avoir

suivi celle prévue à 9(2)vii

.

Il semblait donc, par suite

à l’arrêt Cassibo, qu’il y a

lieu de distinguer les

concepts d’adversité et

d’hostilité. En sus de 9(2)

qui permet le contre-

interrogatoire de son

propre témoin relativement

à une déclaration écrite ou

assimilée, 9(1) a pour effet

de permettre le contre-

interrogatoire relatif à une

déclaration orale si le

témoin est opposé à la

partie qui le produit et

qu’on fasse la preuve du

fait qu’il en est l’auteur s’il

nie ce fait. Enfin la

common law permet un

contre-interrogatoire

complet du témoin qui est

hostile. Dans l’arrêt

Figliola, la CAO a

confirmé ces

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(3) Le témoin doit être

en mesure d’affirmer

que l’enregistrement

représente

exactement sa

connaissance et son

souvenir de l’époque,

i.e qu’il le tenait

alors pour véridique;

(4) On doit utiliser

l’original s’il est

possible de l’obtenir.

étapes à suivre

relativement au para. 9(2) :

(1) L’avocat doit tout

d’abord avertir la

Cour qu’il veut

faire une requête

en vertu de 9(2)

LPC;

(2) La Cour doit alors

demander au jury

de se retirer;

(3) En l’absence du

jury, l’avocat doit

exposer les détails

de la requête au

juge du procès et

lui remettre la

prétendue

déclaration par

écrit ou prise par

écrit;

(4) Le juge du procès

doit alors lire la

déclaration et

décider si elle

présente

effectivement

quelque

incompatibilité

avec la déposition

conclusionsviii

.

Cela étant, sur le plan

pratique, les concepts

d’adversité et d’hostilité se

confondent, cette question

ne soulevant plus qu’un

débat théorique depuis que

la CAO, dans les arrêts

Hanes c. Wawanesa

Mutuel Insurance Coix et

Cassibo, a décidé qu’on

peut, dans le cadre de la

procédure destinée à

déterminer si le témoin est

opposé, tenir compte de la

déclaration antérieure

incompatible du témoin et

que 9(2) le prévoit

explicitement dans le cas

de la déclaration écrite ou

assimilée. En effet, le

témoin qui, sans

explication lié à la

confusion ou la perte de

mémoire, a fait une

déclaration incompatible

avec son témoignage sera

normalement à la fois

opposé et hostile. C’est ce

qui explique que, devant

nos tribunaux, on emploie

toujours le terme hostilité.

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du témoin en cour.

S’il conclut à

l’absence

d’incompatibilité,

la question est

close; par contre,

s’il trouve quelque

incompatibilité, il

doit demander à

l’avocat de faire la

preuve de la

déclaration en

question;

(5) L’avocat doit alors

faire la preuve de

la déclaration; il

peut le faire en

confrontant le

témoin avec sa

déclaration. Si le

témoin avoue

avoir fait la

déclaration par

écrit ou prise par

écrit, cette preuve

suffit. Si le témoin

ne fait aucun aveu,

l’avocat peut faire

sa preuve par

d’autres moyens;

(6) Si le témoin avoue

avoir fait la

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déclaration,

l’avocat de la

partie adverse a le

droit au contre-

interrogatoire

quant aux

circonstances de la

déclaration. Ce

droit au contre-

interrogatoire

existe également si

la preuve de la

déclaration est

faite par d’autres

témoins. Il est

possible qu’il

puisse établir que,

dans les

circonstances, le

juge du procès ne

devrait pas

permettre le

contre-

interrogatoire,

malgré les

incompatibilités

apparentes.

L’avocat de la

partie adverse doit

également avoir el

droit d’apporter la

preuve de facteurs

pertinents à

l’obtention de la

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déclaration, dans

le but d’établir

qu’on ne devrait

pas permettre le

contre-

interrogatoire;

(7) Le juge du procès

doit avoir décidé

s’il va permettre le

contre-

interrogatoire et,

dans l’affirmative,

il doit rappeler les

jurés.

i R. c. Boucher, 2002 CanLII 5163 (QC CS).

ii R. c. Thresh, 2003 CANLII 32940 (QC CA).

iii R. c. Coffin, [1956] R.C.S. 191. Dans l’arrêt R. c. Rowe, 2008 NLCA 3, la Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador a rappelé qu’il est incorrecte de lui faire la

lecture à haute voix pour ensuite lui demander s’il a un souvenir de la déclaration. iv R. c. Fliss, [2002] 1 R.C.S. 535.

v Dans R. c. Aubin, 1994 CanLII 5884 (QC CA), on a décidé que le fait qu’un témoin prétende ne pas se souvenir d’un évènement peut constituer une

incompatibilité. vi R. c. Cassibo (1983), 70 C.C.C. (2d) 498, 520, 521 (C.A.O).

vii Ibid.

viii R. c. Figliola, 2011 ONCA 457.

ix Hanes c. Wawanesa Mutuel Insurance Co. (1961), [1963] 1 C.C.C. 176 (C.A.O), inf. pour d’autres motifs à [1963] R.C.S . 154.