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1176 - juin 2016 SoMMaiRe : PRiX en fRance 3 iSSn : 2117-5047, eiSSn : 2493-2752 commission paritaire N°0418 I 83051 La Grande Relève MenSUel de RéfleXion Socio-éconoMiQUe VeRS la déMocRaTie d’Une éconoMie de PaRTage «Vous voulez les pauvres secourus, moi je veux la misère supprimée» V. hugo. acTUaliTé page 2 Au fil des jours J ean-PieRRe Mon constate que même des économistes du FMI remettent en cause l’idéologie libérale, que si les investissements dans le secteur manufacturier semblent repartir, cela risque fort d’être pour acheter des robots et non pour embaucher, et que lorsque nos dirigeants annoncent des centaines de milliers de nouveaux emplois, ils se gardent bien de reconnaître qu’il s’agit d’emplois précaires, à temps partiel et en général sous-payés. page 3 Le sens de l’histoire neTTY, commentant une interview récente, dénonce ces «demeurés de l’évolution» que sont les politiciens «englués dans leurs idéologies périmées» RéfleXion page 4 Quelle révolution pour le XXIème siècle ? beRnaRd blaVeTTe complète son article “L’État entre puissance et fragilité” (de GR 1173), en empruntant des «chemins peu fréquentés». page 7 Commentaires Michel b eRgeR exprime les remarques que l’article précédent lui inspire. page 9 Choisissons la vie f RançoiS c haTel propose une conclusion à ces réflexions philosophiques. coURRieR page 13 extraits de lettres de lecteurs à propos de textes récemment publiés.

M e n s u e l d e r é f l e x i o n s o c i o - é c o n o M i …LA GRANDE RELEVE - N 1176 juin 2016 ChroNIquE Le Monde, Ec onmie &Entreprise, 11/02/2016. Financial Times, China

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Page 1: M e n s u e l d e r é f l e x i o n s o c i o - é c o n o M i …LA GRANDE RELEVE - N 1176 juin 2016 ChroNIquE Le Monde, Ec onmie &Entreprise, 11/02/2016. Financial Times, China

n° 1176 - juin 2016soMMaire :

Prix en france 3 € i s s n : 2117-5047, eissn : 2493-2752 commission paritaire N°0418 I 83051

La Grande RelèveM e n s u e l d e r é f l e x i o n s o c i o - é c o n o M i q u e

v e r s l a d é M o c r a t i e d ’ u n e é c o n o M i e d e P a r t a g e

«Vous voulez les pauvres secourus, moi je veux la misère supprimée» v. hugo.

• actualité

page 2 Au fil des jours

Jean-Pierre Mon constate que même des économistes du FMI remettent en cause

l’idéologie libérale, que si les investissements dans le secteur manufacturier semblent repartir,

cela risque fort d’être pour acheter des robots et non pour embaucher, et que lorsque nos dirigeants

annoncent des centaines de milliers de nouveaux emplois, ils se gardent bien de reconnaître

qu’il s’agit d’emplois précaires, à temps partiel et en général sous-payés.

page 3 Le sens de l’histoire

n e t t y, commentant une interview récente, dénonce ces «demeurés de l’évolution»

que sont les politiciens «englués dans leurs idéologies périmées»

• réflexion

page 4 Quelle révolution pour le XXIème siècle ?

bernard blavette complète son article “L’État entre puissance et fragilité”

(de GR 1173), en empruntant des «chemins peu fréquentés».

page 7 Commentaires

Mi c h e l be r g e r exprime les remarques que l’article précédent lui inspire.

page 9 Choisissons la vie

fr a n ç o i s ch at e l propose une conclusion à ces réflexions philosophiques.

• courrier

page 13 extraits de lettres de lecteurs à propos de textes récemment publiés.

Page 2: M e n s u e l d e r é f l e x i o n s o c i o - é c o n o M i …LA GRANDE RELEVE - N 1176 juin 2016 ChroNIquE Le Monde, Ec onmie &Entreprise, 11/02/2016. Financial Times, China

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les yeux s’ouvrent au fMiLe magazine du FMI Finance et Développement apublié le 26 mai dernier un article signé par troiséconomistes de sa section recherches (Jonathanostry, Prakash Loungani et Davide Furceri) inti-tulé Le néolibéralisme est-il survendu ? Cestrois chercheurs y remettent en cause les recettesnéolibérales imposées depuis quarante ans surtous les continents par les disciples du tropcélèbre Milton Friedman. Si, soulignent ceschercheurs, ces politiques, connues sous le nomde “consensus de Washington”, ont sans doutecontribué à la réduction de la pauvreté auniveau mondial et permis l’essor de certainspays émergents, elles ont souvent eu des effetsnéfastes. Promouvant la concurrence tous azi-muts, la réduction des pouvoirs de l’État, ladéconstruction des politiques sociales, les excé-dents budgétaires, les privatisations massives,les dérégulations (notamment sur les marchésde capitaux), elles ont nourri la spéculation etles crises financières dont, depuis 1980, lenombre évalué par les experts du FMI dépasse150 dans 50 pays.quant aux politiques d’austérité, les auteurs nemanquent pas de souligner qu’une dette élevéen’est pas toujours un problème pour la crois-sance et que la réduction de la dette à tout prix«semble avoir un bénéfice remarquablementfaible» en termes d’assurance contre les futurescrises budgétaires !Ainsi, selon eux, passer d’une dette de 120 % duPIB à 100 % du PIB ne change pas grand’ choseau point de vue économique, et l’expérience amontré que «en pratique, les épisodes de con-solidations budgétaires ont été suivis par unrecul plutôt que par une hausse de la produc-tion». Ce qui participe à l’augmentation du chô-mage, car «toute consolidation de 1% du PIBconduit à une hausse de 0,6 point du taux dechômage à long terme et à une hausse desinégalités».Même si le chef économiste du FMI a préciséqu’il ne fallait pas s’attendre à des «inflexionsmajeures» ou à des «révolutions», le rapportarrive à point pour faire réfléchir les divers can-didats à la prochaine élection présidentiellefrançaise.

bonnes nouvelles ?Comme par miracle, plus approche l’échéanceprésidentielle et plus s’améliorent les statis-tiques économiques : le taux de chômage vient,avec toutes les précautions d’usage, de baisserdeux mois de suite… Puis on a observé unereprise nette de l’activité manufacturière fran-çaise de 0,9% en 2015 (mais nous ne sommesrevenus qu’au niveau de fin 2012 et restons loindu niveau atteint au cours de l’été 2008).

Toujours est-il que les chefs d’entreprises dusecteur manufacturier prévoient une progres-sion de 7% de leurs investissements en 2016.Tout n’est pas rose cependant : «seul clignotantà ne pas être encore passé au vert, le taux d’uti-lisation des capacités de production qui laisseentendre que les entreprises ont encore de lamarge de manœuvre avant d’investir ou d’em-baucher»1. D’autant plus qu’il est chaque jour plus rentabled’acheter un robot que d’embaucher un salarié. Foxconn, le plus grand fabricant mondial dematériel informatique, a décidé de remplacer60.000 de ses employés par des machines dansune usine près de Shangaï. Cela correspond àplus de la moitié des effectifs. Les autres exemples chinois cités ci-dessoussont particulièrement significatifs2 : en 2010,dans l’industrie automobile chinoise, un robotassembleur était remboursé en 5,3 ans, en2015, il ne fallait plus que 1,7 an  ; en bouche-rie, un robot découpeur perd 3 à 4% moins deviande qu’un boucher humain  ; un fabricantchinois de lavabos déclare que les robots qu’ilutilise sont plus précis, plus fiables que lesêtres humains et meilleur marché. Qui plus est,alors qu’un humain double sa productivité endix ans, le robot y parvient en quatre ans seu-lement,…

une Précarisation généraliséeC’est ce que souligne J.C. Guillebaud dans sachronique Réflexion faite3 : «S’il est normal dese réjouir quand des centaines de milliers d’em-plois sont offerts, on doit s’interroger sur leurcontenu. Bon nombre de ces emplois sont pré-caires, à temps partiel, à durée déterminée,mais aussi, dans la majorité des cas, sous-payés. Ils contribuent donc à généraliser dansnos pays la proportion de “travailleurspauvres”». Ce que nos dirigeants oublient denous préciser c’est qu’il s’agit «de salariés àplein temps, statistiquement intégrés dans lamachine économique mais souvent si mal payésqu’ils demeurent en dessous du seuil de pau-vreté. […] Leur sort ne mobilise plus l’atten-tion. Au regard des statistiques officielles, ilssont même des privilégiés puisque de chô-meurs, ils sont, enfin, devenus salariés». onen vient ainsi «à trouver normal que les pays oùrègne (presque) le plein emploi soient aussiceux où les pauvres sont les plus nombreux».C’est notamment le cas de ceux que l’on nouscite si souvent en exemple l’Angleterre etl’Allemagne. (outre rhin, en 2015, le nombre depauvres a atteint 12,5 millions de personnes,soit près de 16% de la population, contre 14% enFrance).

Jean-Pierre Mon

LA GRANDE RELEVE - N° 1176 juin 2016

C h r o N I q u E

Le Monde,Economie&Entreprise, 11/02/2016.

FinancialTimes,China robotrevolution,28/04/2016.

Téléobs, 11-17/06/2016

1.

2.

3.

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A C T u A L I T É

Ily a quelques jours, sur France Inter, dans unelongue interviewe, le Président de larépublique s’est efforcé de répondre à toutes

les questions des journalistes, et notamment cellesconcernant le chômage. Il a détaillé les solutionsenvisagées, appliquées, abandonnées, la fragilité desrésultats obtenus, les efforts encore nécessaires…à la fin, il a évoqué comme facteur indispensabled’amélioration  la croissance  ! qui donc comptaitdéjà sur la croissance  ? raffarin  ? ou raymondBarre ? ou un autre de nos brillants économistes ? …Si l’on peut lire, de temps en temps, des réflexionssensées et des questions gênantes sur le chômage,personne n’a encore osé clamer la vérité que l’on neveut pas entendre, dire aux chômeurs : «Si vous êtessans travail, c’est parce que l’on n’a pas besoin devous pour produire tout ce qui remplit les rayons dessupermarchés, les halls des concessionnaires automobiles,les cintres des magasins de vêtements,…».De bons apôtres essaient de nous apitoyer sur le sortde ceux qui ont besoin de travail. Mais les chômeurs,comme les travailleurs précaires, ce dont ils ontbesoin, c’est d’un revenu sûr, parce qu’ils voientbien que le travail devient de moins en moins un fac-teur d’épanouissement et que l’emploi devient deplus en plus aléatoire.Les politiciens n’ont toujours pas compris ce qu’étaitla productivité (voir ce qu’a écrit raffarin à proposdes retraites !) : ça veut dire qu’il est dans la naturehumaine de toujours chercher à mieux comprendre,à mieux utiliser les moyens à sa disposition. Lecélèbre paléoanthropologue Leroi-Gourhan a mesu-ré, au siècle dernier, les gains de productivité consi-dérables réalisés par “homo habilis”… parce que c’est

dans sa nature, parce que l’évolution de son cerveau,au cours des millénaire l’ont conduit à cette “curiosi-té intellectuelle”. Et nous avons continué depuis. Etde plus en plus vite… (et quelquefois trop vite…). Cela veut dire qu’il nous faudra encore moins de tra-vail pour produire ce dont nous avons besoin. Et demoins en moins de matières premières, commed’énergie… Cela veut dire que l’écologie est sur lamême trajectoire que le travail. Cela veut dire quetous ceux qui prônent un allongement de la durée dutravail (en nombre d’heures hebdomadaires, commeen nombre d’années) n’ont rien compris. Ils vont àl’encontre et de notre nature, et de notre histoire. Ce sont des demeurés de l’Évolution qu’il fautempêcher de nuire…Les hommes politiques n’ont aucun sens de l’Histoire,englués qu’ils sont dans leurs idéologies périmées etleurs stratégies électorales, et ils n’ont guère plus decompréhension de la nature humaine. Commentpeuvent-ils imaginer résoudre deux problèmes quiconcernent toute l’humanité : LE TrAVAIL, et toutela planète : l’ÉCoLoGIE, sans commencer par réflé-chir à son histoire, toute son histoire, à son avenir,tout son avenir ? Le chômage est du “temps libre” mal réparti dans letemps et dans l’espace. Il est la preuve que l’utopieformulée en 1932 par Jacques Duboin de la granderelève de l’homme par la machine est en train de seréaliser. réjouissons-nous au lieu de nous lamenter. Il nous reste à trouver les solutions pour faire profi-ter de cette liberté l’humanité…, toute l’humanité, etpour créer un “service social” afin de répartir juste-ment le peu de travail qui restera à se partager.

netty

LA GRANDE RELEVE - N° 1176 juin 2016 3

Le sens de l’histoire

Avant de laisser la place à un débat philosophique,très ouvert, auquel beaucoup de lecteurs souhaite-ront sans doute participer, qu’il me soit permis derevenir brièvement sur mon très long article du moisdernier, intitulé Du salaire à vie au revenu social. D’abord pour prier les lecteurs de bien vouloir corri-ger une énorme faute. Énorme, parce qu’en laissanttomber trois mots dans la mise en pages, j’ai com-plétement renversé le sens d’une phrase. Dans leparagraphe “L’ESSENTIEL à DÉFENDrE”, je voulaismontrer que c’est une illusion de croire que le“salaire à vie” pourrait ”passer” parce que présentécomme le simple prolongement de quelque chosequi existe déjà, les cotisations sociales. Les défen-seurs du système capitaliste (dont, pour B. Friotcomme pour nous, il s’agit bien de sortir) ne sau-raient, en effet, être dupes : ils s’opposent évidem-

ment à toute forme de rEdistribution, qu’il s’agissed’augmenter les cotisations sociales ou d’augmenter(ici les 3 mots tombés :) les iMPôts sur les plus hautsrevenus.Et j’aimerais aussi souligner une autre différenceimportante entre salaire à vie et revenu social. Comme exposé en juillet 2010 (dans GR 1111, maispas cité par Jean Bourgeois dans GR 1175), B. Friotbase son raisonnement sur l’affirmation que lesretraites doivent être considérées comme le salairequi est dù aux retraités pour leur activité présente. Alors que le revenu social est pour nous un droit,qui doit être reconnu à tous, pour répondre aumieux aux besoins de chacun… et ceux-ci ne semesurent pas par un travail fourni.

Marie-louise duboin

É D I T o r I A L

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«La révolution du siècle à venir seraavant tout spirituelle.»

Aldous huxley qui est notamment l’auteur

du célèbre roman, par bien des aspects prémonitoire,

“Le meilleur des mondes” :

«Nous avons besoin de spirituel dans l’engagement.»Edwy Plenel

Ancien journaliste au Monde, cofondateur du quotidien en ligne Médiapart.

Cette citation a été formulée le 28 mars dernier lors de La nuit des débats organisée par Médiapart dans le cadre d’un dialogue avec Anne hidalgo, Maire de Paris.

LA GRANDE RELEVE - N° 1176 juin 2016

Avec ce texte BernArd BlAvette apporte un complément à son précédentarticle intitulé l’etat entre puissance et fragilité (Gr 1173). Il pense que lelecteur a pu être désarçonné par la formulation sibylline de la conclu-sion :«Pourtant rien ne nous interdit d’avancer quelques idées et d’em-prunter quelques chemins peu fréquentés», ce qui demande pour le moinsquelques précisions, c’est l’objet du développement ci-dessous.

Selon le sociologue Bernard Lahire notreespèce a été confrontée ces dernierssiècles à trois bouleversements d’origine

scientifique particulièrement traumatisants1. Tout d’abord au XVIe siècle la “révolution coper-nicienne”, qui démontre le double mouvementdes planètes à la fois sur elles-mêmes et autourdu Soleil : la Terre n’est plus alors le centre del’univers mais seulement un astre parmi lesautres, et au fil du temps, l’humanité prendraconscience de son isolement, de sa solitudeparmi des millions de galaxies, parmi ces«espaces infinis» qui terrorisaient Pascal. Plus tard, avec Charles Darwin, l’homme et lafemme réalisent qu’ils ne sont pas des êtresexceptionnels fruits d’une création divine, maisle produit d’une longue évolution du Vivant etqu’ils partagent avec les animaux un large patri-moine génétique et bien des comportements. quelques années plus tard la “révolution freu-dienne” révèle que l’être humain est largementprisonnier de son inconscient, de ses pulsionsgénérées par les traumatismes vécus plus parti-culièrement dans la petite enfance et que la psy-chanalyse peine à mettre en lumière. L’imageprométhéenne de l’homme libre, maître de sondestin n’est donc qu’un mythe. Enfin notre malheureuse espèce dut aussi subirun quatrième choc qui, étrangement, n’est paspris en compte par Bernard Lahire : les avancéesrécentes de la physique et plus particulièrementde la physique quantique2. Initiée par le physi-cien Max Planck (1858-1947) et développée parle danois Niels Bohr (1885-1962) et son équipe, lathéorie quantique décrit un univers aléatoiredans lequel les particules élémentaires consti-tuant la matière ne sont gouvernées que par des

probabilités et ne possèdent pas de localisationprécise. à cela s’ajoute le fait que nos sens ne nous trans-mettent qu’une perception tronquée de la réali-té  : nos yeux ne perçoivent qu’une fraction duspectre lumineux (nous sommes insensibles auxrayons infra rouges et aux ultraviolets) et unepartie de la gamme sonore nous est inaudible(les ultrasons par exemple que perçoivent leschiens). Notre univers familier ne serait-il alors qu’uneillusion, un décor masquant une réalité incon-naissable comme l’avait déjà entrevu Platonavec son Mythe de la caverne ?

résumons-nous : notre espèce habite une planè-te minuscule perdue dans un univers inson-dable dont la réalité profonde nous échappe, parailleurs notre être, nos comportements les plusintimes sont largement gouvernés par un“inconscient” inaccessible à notre raison. Bienqu’elle ait pulvérisé quelques croyances, legrand échec de la recherche fondamentale duXXe siècle est d’avoir généré plus de questionsnouvelles que de réponses. rien d’étonnant à ceque notre espèce se retrouve désorientée, privéede repères, prisonnière dans un univers appa-

quelle révolution pour le XXI ème siècle ?

des hommes sont enchaînés au fond d’unecaverne. ils ne connaissent de la réalité que lafaible lumière qui parvient au fond de la grotteet les ombres projetées sur les parois. ceshommes nous ressemblent. Parfois l’un des pri-sonniers parvient à se libérer, sort de la caverneet accède à la réalité qu’il lui est tout d’abordtrès difficile de regarder en face. Puis il s’habi-tue à l’éclat de la lumière, mais lorsqu’il retour-ne vers ses compagnons personne ne veut lecroire, certains veulent même le tuer…

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r É F L E X I o N

remment absurde avec notre finitude pourunique perspective. Si l’absurde et la peur, quiinévitablement l’accompagne, règnent enmaître, alors tout est permis, seule compte lasatisfaction immédiate de tous les désirs pri-maires de l’individu, et les conséquences sont depeu d’importance3. Aucune société organisée,juste et durable ne peut être édifiée sur un telvide de sens. C’est bien pour cela que toutes lestentatives de transformation sociales ont jus-qu’ici échoué, les révolutions ne faisant queremplacer une domination par une autre. Etcette perte de sens se produit en fait au plusmauvais moment, dans une période où l’huma-nité vient d’acquérir la possibilité de s’autodétruire par l’utilisation irresponsable de sescapacités techniques…Le philosophe et écrivain Albert Camus a biententé de se confronter à l’absurde apparent denotre condition avec notamment Le mythe deSisyphe. Selon la mythologie grecque, Sisyphe,ayant osé défier les Dieux, fut condamné pourl’éternité à hisser au sommet d’une montagneun énorme rocher qui retombe perpétuellementà son point de départ. Camus voit dans cetteparabole une illustration de la condition humai-ne et fait un parallèle avec les efforts jamaisaboutis de l’humanité pour progresser sur lechemin de la sagesse et de la connaissance, etc’est paradoxalement dans cette quête infinie,dans sa capacité à défier le tragique de sa condi-tion que, selon Camus, l’homme peut trouver unsens à son existence et peut-être le bon-heur : «On peut même imaginer Sisyphe heureux»4

déclare-t-il. Cette philosophie, qui ne manque pas de gran-deur, semble pourtant s’accommoder un peuvite de l’incapacité humaine à appréhenderl’étrangeté de sa condition, et ne paraît pas êtresusceptible d’entraîner le plus grand nombre.Alors que faire lorsque l’on sait que le délai quinous est imparti pour infléchir le cours de l’his-toire et prévenir la catastrophe écologique, poli-tique et morale qui se profile est très court, aumieux une génération, peut-être beaucoupmoins ?Souvent, lorsque l’avenir semble irrémédiable-ment compromis, il est utile de se référer aupassé qui, comme l’affirmait Tocqueville, agitcomme une lanterne permettant d’éclairer lefutur. En l’occurrence nous allons nous penchersur une petite phrase fruit de l’intuition de lapensée grecque qui figurait sur le fronton dugrand temple de Delphes et reprise par Socrate«Connaîs-toi toi-même». Ce qui signifie en langa-ge contemporain que l’on ne naît pas spontané-ment humain, on le devient. on le devient auterme d’une quête qui peut être ardue, mais quin’est peut-être pas sans espoir comme celle pro-

posée par Camus. Cette quête accessible à cha-cun vise à comprendre, autant que faire se peut,le fonctionnement de notre corps et de notreconscience, l’articulation qui les relie, leurspotentialités, les perspectives qui s’offrent ànous, notre place au sein de l’univers.Concrètement cette initiation commence par lasocialisation car nous ne sommes rien sans leséchanges avec nos «frères humains» quiconnaissent les mêmes épreuves que nous, seposent les mêmes questions, puisque noussommes tous «embarqués dans le mêmebateau». Nous disposons de nombreux outilsforgés au cours des millénaires qui nous ont pré-cédés et que l’on désigne sous le terme géné-rique de «sciences sociales» : philosophie, socio-logie, psychologie, psychanalyse. Elles peuventnous aider à appréhender nos comportementsindividuels et collectifs, à prendre la mesure desvaleurs délétères qui nous sont sournoisementsuggérées, le plus souvent à notre insu, par lespouvoirs dominants : consommation exacerbée,recherche des privilèges, individualisme, indif-férence aux autres, comportements mimé-tiques…Mais attention les sciences socialesconstituent des moyens susceptibles de prendrela mesure de notre aliénation, mais elles ne peu-vent en aucun cas nous fournir une éthique«prête à penser» comme ces plats cuisinés qu’ilsuffit, sans le moindre effort, de faire réchaufferau micro-onde. Car n’en doutons pas la révolu-tion de ce siècle qui s’ouvre réclame avant toutune recherche personnelle de chacun d’entrenous qui doit déboucher sur une transformationindividuelle qui permettra à son tour de conce-voir et d’orienter nos actions collectives. Ainsiselon le philosophe indou Krishnamurty (1895-1986) les désordres du monde ne sont que lereflet et l’extension sanglante de la violence etde l’ignorance que chaque individu porte en luiet manifeste en premier lieu à l’égard de ses voi-sins, de sa famille, de son couple. Marx lui-même ne dit pas autre chose lorsqu’il déclare«Dans l’activité révolutionnaire, la transformationde soi-même coïncide avec la transformation des cir-constances extérieures»5. Selon la philosophietaoïste «Si l’homme de travers utilise le moyen juste,le moyen juste opère de travers»6. Ainsi la sagessetraditionnelle chinoise s’oppose formellement àla foi que nous professons trop souvent dans lamé thode «juste» sans tenir compte de l’individuqui l’utilise. La réussite et surtout la pérennitéde l’indispensable révolution à venir dépendentdonc avant tout de la capacité de chacun d’entrenous à concevoir et à mettre en œuvre dans savie quotidienne une éthique de respect del’Altérité. Comme le déclarait le philosopheLudwig Wittgenstein «La solution du problème quetu vois dans la vie c’est une manière de vivre qui fasse

LA GRANDE RELEVE - N° 1176 juin 2016 5

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LA GRANDE RELEVE - N° 1176 juin 20166

disparaître le problème». Sans cela, même si larévolution aboutit au meilleur des systèmespolitiques pourvu de tous les contrepouvoirsimaginables, à l’économie distributive, il se trou-vera toujours une faction qui, profitant notam-ment de l’inévitable délégation des pouvoirs,tentera de tricher, de contourner les règles éta-blies collectivement, et l’angoisse du retour enarrière sera toujours présente.Parvenu à ce point de notre réflexion le lecteurpeut légitimement s’interroger «Tout cela est belet bon, mais moi, petit individu perdu au sein de lamultitude, que puis-je faire concrètement pour sortirdu conditionnement qui m’est imposé ? Qui suis-jepour me confronter aux grands problèmes philoso-phiques de l’humanité ?»A cela une première remarque. Il faut toutd’abord bannir les «maîtres à penser», les gou-rous du «développement personnel» aux inter-ventions tarifées qui sévissent régulièrementdans les grands médias. Bien sûr il est nécessai-re de s’informer et d’acquérir des connaissancesde la façon la plus large possible, mais dans lebut de nourrir une réflexion personnelle. Et puissurtout ne pas se sous-estimer, car l’on n’a effec-tivement pas les capacités que l’on estime ne pasavoir. Il s’agit en fait de parvenir à une construc-tion de soi, à un équilibre personnel, car on nepeut apprécier les autres si on ne s’aime pas soi-même. Il revient à chacun de trouver sa voie etl’on peut appliquer ici une citation figurantdans Les pensées de Pascal mais qui peut parfai-tement s’appliquer dans un cadre laïque «Tu neme chercherais pas si tu ne m’avais pas déjà trouvé».Cependant on peut aller encore un peu plus loindans le balisage du chemin en se référant à uneétude publiée récemment dans la revue «Pour lascience». Deux chercheurs de l’université duWisconsin aux États-unis, Antoine Lutz etrichard Davidson, ont mis en lumière à l’aidedes techniques d’imagerie cérébrale, le fait quela méditation pratiquée dans le cadre de la phi-losophie bouddhique produit «une multiplicationdes connections cérébrales (…) ce qui semble accrédi-ter l’idée que la méditation entraîne des modificationsstructurales dans le cerveau». L’IrM montre que laméditation active certains réseaux neuronauxqui favorisent la stabilité et la clarté de l’esprit,l’équilibre émotionnel, la vigilance, le souci desautres et la compassion8.Le souci des autres, la compassion, la prise encompte des vulnérabilités de chacun sont préci-sément au centre de ce que l’on nomme la «phi-losophie du care». Né au début des années 80aux États-unis ce courant de pensée s’attache àétendre ces valeurs à l’ensemble des activitéshumaines, à les placer au cœur de nos vies. Lesphilosophes étasuniennes Joan Tronto etBérénice Fisher définissent comme suit cette

nouvelle ouverture philosophique  : «Au niveaule plus général nous suggérons que le care soit consi-déré comme une activité générique qui comprend toutce que nous faisons en vue de maintenir, continuer ouréparer notre monde de telle sorte que nous puissionsy vivre aussi bien que possible. Ce monde inclut noscorps, nos individualités et notre environnement, quenous cherchons à tisser ensemble dans un maillagecomplexe qui soutient la vie»9. Alors comme le sug-gérait Michel Foucault «la vie de chaque individupourrait devenir une œuvre d’art dans une concep-tion de l’existence comme art et comme style»10.Peut-être les mouvements des “Indignés” et des“Nuits debout” constituent-ils les prémissesd’une telle démarche mêlant le politique et lespirituel.Pourtant ne soyons pas naïfs, la révolution quivient ne se fera pas seulement à travers la philo-sophie et l’éthique car, égarée dans ses fan-tasmes de puissance, l’oligarchie politico finan-cière qui domine nos sociétés ne renoncera pasfacilement à son pouvoir et à ses privilèges. Lemouvement social devra donc établir un rapportde force qui lui soit favorable. Dans ce combatnotre préoccupation essentielle sera de ne pas envenir à ressembler à nos adversaires (nos enne-mis  ?) pour qui la violence envers autrui, à lafois physique et symbolique tient lieu de règlede vie. Mais nous aurons pour nous guider labelle figure de ces résistants de la dernière guer-re mondiale (de Jean Moulin aux nombreux ano-nymes) qui, tout au long d’une période drama-tique, surent faire preuve de courage, de dignitéet d’un souci éthique sans faille.

bernard blavette

références :1. Bernard Lahire, Pour la sociologie – Pour en finir avec uneprétendue culture de l’excuse, éd. La Découverte, 2016.2. Sur ce point lire notamment «Une incertaine réalité» par lephysicien français Bernard d’Espagnat, éd. Gauthiers-Villars, 1985.3. En illustration, lire de Michel houellebeq, Les particules élé-mentaires, éd. Poche J’ai lu, 1998.4. En illustration de la philosophie camusienne lire le beauroman de l’écrivain italien Dino Buzzati, Le désert des tartares,éd. Presse Pocket,1949.5. K. Marx et F. Engels, L’idéologie allemand. Cité par le socio-logue Philippe Corcuff dans Pour une spiritualité sans dieux,éd. Textuel, 2016.6. Cité par Carl J. Jung dans son Commentaires sur le mystèrede la fleur d’or, éd. Albin Michel /Spiritualités vivantes. Le mystère de la fleur d’or est l’un des principaux ouvrages dela philosophie taoïste.7. Ludwig Wittgenstein (1889-1951), Remarques mêlées, 1937.Cité par Philippe Corcuff op. cit.8. Méditation : Comment elle modifie le cerveau, Pour la Sciencen°448 (Février2015).9. Towards a theory of caring, Suny Press, 1990. Lire Qu’est-ce que le care ? Soucis des autres, sensibilité, respon-sabilité, par Pascale Molinier, Sandra Laugier, PatriciaPaperman, éd. Petite Bibliothèque Payot, 2009.11. Cité par Philippe Corcuf op.cit.

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Bernard Blavette s’interroge, dans la conti-nuité des réflexions de François Chateldans le N° 1174 de La Grande Relève, sur le

contenu des révolutions appliquées aux trans-formations qui ont marqué l’histoire du monde.Faut-il pour autant les qualifier de “révolu-tions”? Ce qui, dans le langage courant, évoqued’abord la destruction, plus ou moins violented’une organisation sociale devenue inacceptableet son remplacement par une autre. Il me semble que celles qu’évoque BernardBlavette participent davantage d’une évolutioncontinue qui s’est accélérée au cours des deuxderniers siècles, même si les connaissancesscientifiques se cumulent, pas à pas, de manièrediscrète (au sens mathématique du terme). Lechoix retenu par Bernard Lahire (le système deCopernic, l’évolution darwinienne et le freudis-me) ne manque pas d’un certain arbitraire. onaurait pu choisir d’autres évènements tout aussifondamentaux tels que des conflits mondiaux :la bataille de Lépante, les conquêtes de Charles-quint, les guerres coloniales ou les grandsconflits européens. ou s’intéresser à l’évolutiondes idées, le mouvement humaniste ou le siècledes lumières, ou encore à celle des techniques :l’imprimerie, la machine à vapeur, le moteur àexplosion, l’énergie nucléaire.

*quant au quatrième choc que Bernard attribueaux avancées de la physique quantique, il fau-drait l’inscrire dans le débat, non encore résolu,entre la théorie ondulatoire et la théorie quan-tique. Ce débat est exemplaire, car il est sympto-matique du fonctionnement de la science diteexpérimentale. Il est très fécond, même s’il n’apas encore débouché, car il a engendré une mul-titude de recherches visant à unifier l’ensembledes forces interactives qui s’exercent sur lamatière. S’il n’a pas encore résolu toutes lesquestions, parler d’échec à ce propos peut sur-prendre. Depuis toujours, chaque avancée scien-tifique pose plus d’interrogations que deréponses. que nos sens nous trompent sur lesexplications du monde n’est pas nouveau, etc’est justement de cette difficulté d’appréhendercelui qui nous entoure que provient la richessede l’intelligence humaine. Je ne vois pas que le

monde d’aujourd’hui soit fondamentalementdifférent de celui d’hier, et les questions que seposaient Galilée, Pascal et bien d’autres sont demême nature que celle sur lesquelles nous but-tons aujourd’hui.

*Alors nous sommes incertains, mais nous enavons l’habitude, et on ne peut affirmer pourautant que l’univers soit absurde, alors qu’il estseulement complexe. S’y plonger n’est pasinconfortable, et plus il nous interpelle plus il estmerveilleux. Il y a une dimension esthétiquedans ces interrogations. Ayant peur de toutes les certitudes, j’ai un faiblepour le principe d’incertitude et pour les inter-prétations probabilistes de bien des phéno-mènes physiques. Pour en revenir à la spiritualité qui ouvre letexte de B. Blavette, je repense à cette discussionqui aurait eu lieu entre Jean-Paul II et Stephenhawking. Le Big Bang était alors à la mode et lepape aurait eu cette conclusion : «tout ce quisuccède au Big Bang est de votre domaine, cequi le précède est du mien». Mais ce n’est plus aussi vrai. Si on peut remon-ter dans l’histoire de l’univers à 13,7 milliardsd’années en arrière jusqu’au Big Bang, celui-cin’est peut-être pas conforme à l’image que nousavons coutume de concevoir. on croyait qu’àl’origine le monde se résumait à un point infini-ment dense et infiniment chaud. or certainespistes de recherches concluent que ce point ori-gine serait en fait l’achèvement d’un autre uni-vers qui se serait lui-même concentré, comme lenôtre devrait finir un jour. Du coup, n’en déplai-se au pape, l’avant Big Bang appartiendraitaussi au domaine de la science.

*Cette conclusion n’est pas étrangère à une autrevision, celle de la pluralité des univers. Nous enpercevons un, le nôtre, mais il n’est pas impos-sible que d’autres existent, avec peut-être desinterférences avec celui que nous connais-sons. univers parallèles, multiples, qui ouvrentdes portes vers des manifestations que nousqualifions de paranormales et qui appartiendrontpeut-être un jour à la science expérimentale.

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Commentaires surQuelle révolution pour le XXIème siècle?

Pour MIchel BerGer, l’article précédent a le mérite de s’intéresser à notresituation dans un monde tellement complexe que nous avons de plus en plusde mal à le comprendre. Il lui a inspiré ces commentaires :

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Mais dans toutes ces hypothèses, aucune raisonde conclure à l’absurde et à la peur. Certes, nousavons conscience de notre finitude, mais elle nepermet pas de soutenir qu’elle se traduise inévita-blement par la satisfaction de désirs primaires.La meilleure justification de notre existence pro-vient, à mon sens, de notre appartenance à unmonde qui perdurera après notre disparition etque nous avons la possibilité de rendre oumeilleur ou pire.

*Il est donc difficile d’admettre que ces interroga-tions sur le monde conduisent à l’impossibilité detransformations sociales, même si on a le droitd’être assez pessimiste. que les révolutionsconduisent à remplacer une domination par uneautre, c’est une réalité inscrite dans le terme mêmede révolution : on revient au point de départ. Certes, cette époque est difficile, nous sommesvictimes d’une loi mathématique bien connue : laprogression exponentielle, qui devient facilementexplosive. Elle touche d’abord l’humanité et, avecelle, l’exploitation abusive des ressources ter-restres. que nous soyons donc à l’aube d’une sixièmeextinction des espèces vivantes est tout à fait pos-sible. Mais nous avons encore les moyens de l’évi-ter : il faudrait une conscience universelle suffi-samment forte pour que l’humanité entière cessede croire que la solution se trouvera entre lesmains des plus riches et des plus puissants. Mais a-t-on le droit d’être optimisme dans l’ac-complissement de cette espérance ? C’est donc à chacun d’entre nous d’entreprendresa propre exploration. «Connais-toi toi-même»reste d’actualité. Nous devons nous soucier de réparer le mondeafin que chacun y trouve sa place et puisse y vivre. Alors que nous sommes dans un système quiréduit chaque individu à son seul rôle de consom-mateur et dans lequel la conjugaison des médiaset de la publicité n’a pour objet que d’annihiler lesréflexions que chacun d’entre nous porte sur lui-même.

*Serons-nous donc capables d’instaurer uneéthique dans un monde incertain dans lequel nousne trouvons plus aucun support ? Dans un retour en arrière, certains penseront quec’était le rôle des religions de nous les apporter.Elles ont contribué à éradiquer la violence engen-drée par la volonté d’appropriation et le désirmimétique. rené Girard s’est expliqué sur cetaspect du phénomène religieux. on peut cependant constater qu’en imposant descroyances multiples, la plupart des religions onten revanche engendré des attitudes meurtrières,dans lesquelles elles s’illustrent le plus en ce début

du XXIème siècle. Et pas seulement dans le djiha-disme.Alors, si les religions sont devenues inefficaces etles sciences trop incertaines, sur quelle éthiquefonder une révolution qui sera difficile à imposersans violence, tant les obstacles sont lourds ?

*Mais la violence est-elle le seul recours, ou aucontraire le moins pertinent, car auto-entretenusans limite dans un mécanisme destructeur ?Peut-on imaginer alors que seule l’incertitudenous permet d’avancer vers un avenir meilleur ?Car c’est elle qui nous conduit au respect desautres et à la tolérance. C’est elle qui engendre lacuriosité à l’égard du monde. à l’inverse, la certitude de posséder la vérité, enmatière de spiritualité comme de politique,conduit aux pires extrémismes… Mais l’incertitu-de ne va pas de soi. Peut-on vivre avec cette inter-rogation sans espoir sur le monde et sur nous-mêmes, qu’aucune philosophie n’est parvenue àdissiper ? — Ce n’est pas simple, et l’idée révolu-tionnaire rassure car elle porte en elle une bonnepart de certitude  : le monde sera meilleur après.Mais aucune révolution dans l’histoire n’est par-venue à le prouver. Si les certitudes sont dangereuses, il n’en est pasde même des convictions.Les certitudes s’imposent, alors que les convic-tions se partagent. Mais sur lesquelles se fonder  ? Les religionsavaient toutes su créer un cadre moral, des tablesde la loi de Moïse aux commandements de l’Égli-se, au Talmud, à la Charia, cadres inspirés par unevision d’un monde qui nous serait extérieur.

*une société qui se voudrait tolérante, laïque etuniverselle, pourrait s’appuyer sur un texte tropoublié : la déclaration des droits de l’homme.Pour une société du XXIème siècle, c’est probable-ment le seul sur lequel nous pourrions nous accor-der. Malheureusement, il n’est pas dans les gènes despoliticiens de droite, et trop oublié dans ceux de lagauche. Car dans le patrimoine génétique de l’hommes’inscrit le besoin de dominer, et ce sont les domi-nants qui ont le plus de certitudes. Dans la dis-tinction entre dominants et dominés, c’est vers lesseconds qu’il faut se tourner, mais sans leur accor-der le privilège exclusif ni de la connaissance, nidu bien, ni de la vérité. C’est peut-être une entreprise sans espoir, maisc’est ce qui fait à mes yeux la grandeur de l’hom-me  : sa capacité, comme Sisyphe, à remonter sapierre, tout en sachant qu’elle retombera toujours.

Michel bergerLA GRANDE RELEVE - N° 1176 juin 2016

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le c h a n g e M e n t n é c e s s a i r e

La situation dans laquelle est plongée la civilisa-tion occidentalisée s’avère si précaire et si brutalequ’elle atteint l’absurde. L’obstination aveugledes dirigeants à maintenir le cap met l’humanitédans la peau des passagers du Titanic. La maîtrisede son destin semble échapper à l’humanité, dontl’horizon s’obscurcit de menaces diverses et dontla confiance envers le progrès technologique,considéré jusqu’à présent comme la stratégiedominante, s’effiloche. Se libérer du carcan religieux permit pour unepartie de l’humanité de redécouvrir le domainemagique des sciences, au siècle des lumières, maisce fut, par excès de passion, pour tomber sous lejoug de la technologie idéalisée, sanctifiée même,et en subir le séduisant, mais perverse, attrait. Après mai 68, J. Ellul et C. Castoriadis devinrentpessimistes sur les possibilités qu’une révolutionpuisse voir le jour car, contrairement à ce qu’avaitprédit Marx, ils constatèrent avec regret que leprolétariat était devenu non révolutionnaire.qu’en effet, il se montre depuis surtout intéressé àaméliorer sa situation dans la société de consom-mation, voué à la recherche de son confort et nonde sa liberté : «L’homme n’est pas du tout pas-sionné par la liberté, comme il le prétend. Laliberté n’est pas chez lui un besoin inhérent.Beaucoup plus constants et profonds sont lesbesoins de sécurité, de conformité, d’adaptation,de bonheur, d’économie des efforts… et il est prêtà sacrifier sa liberté pour satisfaire ces besoins»1. Ce qui est nouveau, c’est tout de même cet enfer-mement dans le dogmatisme de l’objet, cetteobsession maladive de la possession de jouets quiamène à penser qu’une forte proportion de l’hu-manité resterait figée dans l’enfance. «Cet hommequi se prétend «moderne» ne fait rien d’autre quemythifier la science, sacraliser la technique etl’État»2. Ellul explique que la force du capitalisme reposesur ce fétichisme de la marchandise dont le renou-vellement de la production repose entièrementsur la technique. Ne voyons-nous pas combien l’obstination à favo-riser la solution technologique aux problèmes

présents nous enferme dans une stratégie poli-tique et économique de plus en plus totalitaire etviolente? D’où peut donc surgir la nécessité de cette révolu-tion, si l’humain occidentalisé demeure prostrédevant les boutiques de jouets et de sucreries  ?Comment trouver désormais la clairvoyance et ladétermination pour enfin nous débarrasser detoutes ces idéologies qui ne font que favoriserl’installation des pouvoirs ? Si donc révolution il y a, sous la forme d’un chan-gement radical de système économique et poli-tique, un nouveau paradigme philosophiques’avère totalement nécessaire pour ne pas subir leretour probable de nouveaux pouvoirs. Il ne s’agitpas de tout bouleverser sur un coup de tête, maisd’instaurer un changement lucide et en pleineconnaissance des victoires brillantes et des erreursénormes du passé.

trois couPs de Pouce

Trois évènements conjugués semblent donner lecoup de pouce nécessaire et salutaire pour favori-ser le réveil des consciences. L’un est immanent, puisque la technique adoréedéstabilise le système par la création desmachines et des robots, qui en prenant la placedes travailleurs, réduisent considérablement ladistribution des salaires et donc des moyens d’ac-cès à la consommation, nerf vital du capitalisme. Le second est transcendant, puisqu’il provient dela réaction, pourtant prévisible, de la nature faceaux exactions qui lui sont infligées. Les pollutionsdiverses et le changement climatique représententles revers les plus marquants, et leurs premierseffets ont conduit à la création des mouvementsécologistes. Le capitalisme en embuscade, camou-flé en vert, tente de récupérer la situation à sonavantage et le terme de “développement durable“en montre toute la perversité mensongère. Le troisième, également d’origine transcendante,et qui est peut être le plus menaçant, concerne leproche épuisement des ressources minérales eténergétiques non renouvelables disponibles surnotre planète. Cette raréfaction imminente nemanquera pas de déstabiliser le système écono-

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Par de précédents articles, FrAnçoIs chAtel étant sans doute à l’origine dece débat philosophique, il en tire ici cette conclusion :

Choisissons la vie

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mique basé sur l’utilisation en masse de res-sources facilement exploitables.La crise mondiale actuelle constitue les prémissesdu bouleversement à venir  ; mais, mal compris,mal maîtrisé, il risque de provoquer, par l’insécu-rité et l’angoisse, des mouvements de révoltes, deviolences, qui ne manqueront pas d’être récupéréspour installer de nouveaux pouvoirs totalitaires.Ces manifestations ne contiennent en général riende constructif et ne sont pas dignes de l’intelli-gence que l’humain s’octroie.

la c i v i l i s at i o n d e l a P e u r

La civilisation occidentale, dont l’origine remonteaux sumériens, s’est bâtie essentiellement sur lapeur. Ce syndrome persiste, il modèle l’ensemble desstructures de la société et toute réaction à une évo-lution, quelle qu’elle soit. Peur du lendemain,peur de la mort, peur de l’autre, du manque, del’étranger. Et même peur de soi, tant nos penséeset nos actes ont été, et sont encore, passés au criblede la conformité, tant le biologique du corpsrépugne, tant la religion et la psychanalyse nousont enseigné que le mal, la bête, est présente ennous. Si autrefois cette peur pouvait provenir de causesréalistes, elle a été depuis largement entretenueparce que garante de tous les pouvoirs. Cettesituation pressante incite l’occidental à rechercheravant tout la sécurité : il s’en remet volontiers àtout ce qui peut lui assurer ce confort : la religion(ce fut le cas pendant des siècles), la force (le pou-voir par les armes), l’autorité (le pouvoir de droitdivin), la compétence et le savoir (les experts enpolitique et en technique). Comme le disait A.Camus, l’absurdité de sa condition amène l’êtrehumain à trouver des réponses rassurantes qui nesont en fait que des “sauts” dans le confort intel-lectuel. Ces sauts ne font qu’enfermer l’esprithumain dans un carcan d’idéologies et de super-stitions néfastes, le conduisant encore davantagedans l’intolérance et la peur. Si cette situation s’estproduite et se produit encore avec les religions,aujourd’hui la technique exerce, d’une autremanière, tel un pouvoir insidieux, la même pres-sion uniformisatrice avec ses règles.

d’a b o r d, fa i r e l e M é n a g e

Pour lui permettre de sortir de l’impasse dange-reuse où ses obsessions l’ont conduit, l’occidentalva avoir du mal à se débarrasser de ces mythes ettabous qui encombrent son esprit. Car il s’est mis dans la peau de Sisyphe, obstiné àremonter inlassablement son fardeau en guise dedéfi contre sa condition. Il a voulu défier Dieu quil’a déclaré responsable de sa condition, alors qu’il

se sent totalement innocent. Il a donc cherché à sefaire dieu lui-même, maître de la nature et créa-teur d’un monde mécanique et technique surlequel il aurait tout pouvoir. Tandis que certains s’enivrent de ce succès dange-reux, d’autres commencent à se rendre compte decette absurdité. Car le moment est venu pourSisyphe de se débarrasser du rocher  : rien nel’oblige à courir après des chimères ! Il est tempsqu’il revoie sa copie, celle où sont inscrits lesmythes devenus caduques, tel celui du travailsacralisé comme pénitence expiatoire, commemoyen d’obtenir sa place parmi les «élus» en«enrichissant» la création divine, ou celui dusalaire considéré comme récompense de l’effortfourni et chantage à l’accès aux moyens de vivre,ou encore celui du mérite3, de la concurrence pro-ductive, du pouvoir sur la nature, etc… Si une force transcendante avait un quelconquepouvoir sur la création et méritait quelque déifi-cation de notre part, comment aurait-elle pu per-mettre, sans intervenir, les massacres indescrip-tibles de l’innocence lors des guerres mondiales,les holocaustes, les tirs atomiques, les épidémies,etc…? Peut-être existe-t-il, après la vie, quelqueparadis, quelque walhalla ou autre monde, maisla réalité c’est que les vivants actuels habitent laplanète Terre et font partie de la nature qui y a éludomicile. La seule chose dont nous sommes sûrs,c’est que l’objectif de toute existence, c’est devivre. Camus, dès les premières lignes du mythede Sisyphe4 pose le seul problème philosophiquevraiment sérieux en ce qui concerne l’êtrehumain  : la vie vaut-elle ou non la peine d’êtrevécue ? Pour quiconque répond par l’affirmative, n’y a-t-il pas meilleur objectif que vouloir que sescontemporains et ceux qui viendront ensuite,répondent de la même manière ? Le temps de vie qui nous est alloué est bref, ils’agit d’en jouir avec les moyens disponibles.Mais jouir de la vie, et tout sage en est conscient,ce n’est pas faire n’importe quoi, d’abord pour sasanté, sans laquelle il est difficile d’appréhenderle bonheur. Est-ce qu’en l’absence de “règles morales, poli-tiques ou religieuses“, chacun serait tenté de pen-ser que tout est permis ? Non, répond Camus, car le fait que la vie vaille lapeine d’être vécue «ne signifie pas que rien n’estdéfendu»4. L’être humain dépend des autres, sans lesquels,dès sa naissance, il ne pourrait jamais en être un.Sans la variété des capacités humaines, notreespèce ne serait pas ce qu’elle est devenue. que tout ne soit pas permis n’est pas d’abord unequestion de morale ou de discipline, c’est unecondition du bonheur, parce que le meilleur che-min pour y parvenir c’est de concilier, de la part

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de tous, le souci de l’autonomie de chacun, avec,de la part de chacun, le sentiment de faire partied’une collectivité. Notre propre bonheur passepar celui des autres parce que, comme le dit lephilosophe Alain5, le bonheur est contagieux. EtKrishnamurti6 va jusqu’à expliquer qu’il existe untype de dépendance que l’on doit comprendreafin d’être libre : c’est le fait que pour être heureuxil faut être dépendant d’un, ou des autres. En fait, l’objectif est que chaque passage sur terresoit une vie réussie, parce que l’essentiel ce n’estpas l’objet, c’est la vie ; c’est le biologique et nonpas le matériel  ; c’est la conscience et non pas lelogiciel !

s e r e c o n s t r u i r e

Mais qu’il est difficile d’orienter sa vie vers laliberté ! Comme dit Francis Jeanson : «il est plus facile dese déclarer pêcheur que de se vouloir libéré»7.Selon Spinoza, la science est une connaissancequi, par ce qu’elle améliore la conscience, permetd’acquérir davantage de liberté, qui reste un idéal.En effet, le mot science vient du latin sciencia quidésigne la connaissance, donc, étymologique-ment, “conscience” signifie bien : “avec la connais-sance”. Pour ce philosophe, notre bonheur dépend de laconnaissance de la nature, qui nous entoure, maisqui agit aussi en chacun de nous, par les désirs ducorps et de l’âme, et qui conditionne donc l’équi-libre de la société, qui en fait partie. Il pose alors la question  : pourquoi ne pouvons-nous pas être heureux comme notre essence cor-porelle et psychique nous détermine à l’être ? Sa réponse est  : parce que nous nous croyonslibres et que cette croyance nous maintient dansl’ignorance des causes naturelles qui nous affec-tent. Il en déduit que pour être libres et heureux, ilnous faut nous libérer de l’illusion du libre-arbitre, chercher ce qui nous détermine, accroîtreainsi notre puissance d’agir et, par là, combattre etvaincre la passion du surnaturel. Selon Krishnamurti  : «Ce n’est qu’en dépassanttoutes les croyances, toutes les différences et lessimilitudes que l’esprit peut être libre et trouverla vérité»6. De même, pour A. Camus : «La conscience vientau jour avec la révolte»8 et il propose de refusertout compromis, tout arrangement avec une quel-conque puissance extérieure, et d’adopter larévolte permanente, non pas celle qui revendiquedans la rue, mais celle qui unifie les hommesconscients de leur situation étrange, celle qui lesrend tous complices pour s’élever contre la souf-france de vivre et de mourir, et créer une unitéheureuse contre le mal et la mort.

vi v r e e n s e M b l e

Vivre ensemble, contre tous les pouvoirs, releverle défi du bonheur au présent, voilà bien un objec-tif commun car «le bonheur n’existe qu’une foislaissés de côté le moi et ses exigences»6. Alain précise  : «Tant qu’on est seul on ne peutêtre soi… plus on sort de soi-même et plus on estsoi-même ; mieux aussi on se sent vivre. Ne lais-se pas pourrir ton bois dans la cave»5. Ce challenge est à la mesure de notre intelligence,il demande lucidité, clairvoyance et connais-sances. Les règles de la vie en société ne doivent pas êtreperçues comme des contraintes, mais résulter dela connaissance de nos affects individuels et denos besoins, dans le but de maintenir l’objectif dubien-vivre ensemble.

c h a n g e r d e d i r e c t i o n

Pour éviter le mur contre lequel nous dirige lacivilisation actuelle occidentalisée, le moment estvenu de changer de direction pour construire unesociété pluriculturelle, coopérative, économique-ment égalitaire, libre de tout pouvoir coercitif etd’entrave métaphysique, conduite par la seuleidéologie du bonheur pour tous. raisonnons comme l’Alice de Lewis Caroll quidisait : «Mais alors… si le monde n’a aucun sens, quinous empêche d’en inventer un ?»9. Ce monde meilleur n’est pas celui de l’oubli, desdrogues et des jouets. De l’incertitude et de l’ab-surde, tirons notre philosophie de vie. Le bonheurdoit se vivre aujourd’hui, pas plus tard, dans unau-delà incertain. La vie doit être un moment dejoie et d’expériences heureuses. Si il y a un après,il sera temps de s’en occuper le moment voulu.La liberté est une recherche, pas un acquit. C’est un chemin difficile d’accès, mais chaque pasvers la connaissance y conduit. C’est un état d’esprit dans lequel n’entre ni peur,ni contrainte, ni désir de sécurité. Si la tentation est grande de s’en remettre àquelque pouvoir confortable, religieux, politiqueou économique, la mémoire de notre histoire doitnous en dissuader. Comme le conseille Krishnamurti, «pour planterun arbre et le chérir, pour comprendre la rivière,savourer la générosité de la terre, observer l’en-vol d’un oiseau et en voir la beauté, pour êtresensibles et ouverts à cet extraordinaire mouve-ment qu’on appelle la vie, pour faire tout cela…vous devez aimer.»6

or l’amour, comme l’intelligence, apparaissentlorsque toute peur est absente. à l’homme occidental d’entreprendre cettedémarche pour se libérer de ses peurs et de sesculpabilités, exploitées par les pouvoirs, pour

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dépasser le stade des doudous infantiles, etdécouvrir ce qu’est la vraie liberté, celle qui per-met l’amour. Krishnamurti ajoute  : «Cette terre est la nôtre,elle n’appartient ni aux communistes, ni auxsocialistes, ni aux capitalistes ; elle est à vous età moi, prête à nous offrir une vie riche, heureuse,sans conflit.»6

la frugalité volontaire

Des mouvements comme Food Not Bomb (FNB)ou Freegans nous invitent à la frugalité volontai-re. Ils englobent bien entendu des préoccupationsécologistes anti-capitalistes ; mais leur objectifprincipal est de concentrer sa vie sur l’essentiel,de faire de la place à l’être. Et pour un êtrehumain, être c’est réaliser cet échange fructueux,cette reconnaissance constructive entre soi et lesautres, comme le décrit A. Camus dans l’hommerévolté : «Toute conscience est désir d’être recon-nue et saluée comme telle par les autresconsciences. Ce sont les autres qui nous engen-drent. En société seulement, nous recevons unevaleur humaine….»8

Les nouveaux adeptes du “less is more” (moins,c’est plus) adoptent une démarche aristocratique,préférant la qualité à la quantité, le lien au bien, letemps à l’argent, l’être à l’avoir. L’ancien commis-saire au Plan, Jean-Baptiste Foucauld10 défend unconcept similaire en forme d’oxymore, “l ’abon-dance frugale”, qui met l’accent sur l’absence demanque, mais dans un monde guidé par la sobrié-té. Pour lui, il faut revenir aux besoins essentiels,ceux qui se rapportent au relationnel et à la spiri-tualité… et ce sont ceux que l’économie actuelleignore !

En conclusion, il s’agit de sortir de cette économiecapitaliste gloutonne et destructrice, et surtoutcastratrice, en ce sens qu’elle maintient l’humain,par tous les moyens, dans l’obsession du matériel.Elle le maintient dans un monde mesquin,indigne des facultés de son être. Il s’agit de trou-ver la lucidité de se concentrer sur l’essentiel, surce qui permet de se débarrasser de ces relations deconcurrence et d’exploitation des uns par lesautres. utilisons notre intelligence pour créer une autrecivilisation, basée cette fois sur la solidarité et lacoopération, pour que la production et la distri-bution des biens soient équitables, pour querègnent la liberté de choix des fonctions, le respectde l’environnement, la fin de tous les pouvoirscoercitifs. Pour y parvenir, l’économie distributive est unebase solide, longuement réfléchie, c’est le moyend’instaurer cette philosophie de la vie capable denous sortir de ce sectarisme infantile et perverse.

françois chatel références1. Jacques Ellul, Éthique de la liberté, éd. Labor & Fides. 2. Jacques Ellul, Les Nouveaux Possédés, éd. les mille et unenuits.3. François Chatel, GR 1168, octobre 2015.4. Albert Camus, Le mythe de Sisyphe, éd. Gallimard.5. Alain, Propos sur le bonheur, éd. Gallimard.6. Jiddu Krishnamurti, Le sens du bonheur, éd. Stock.7. Francis Jeanson, La foi d’un incroyant, éd. du Seuil.8. Albert Camus, L’homme révolté, éd. Gallimard.9. Lewis Caroll, Alice au pays des merveilles, éd. Macmillan.10. Jean-Baptiste de Foucauld, L’abondance frugale, pour unenouvelle solidarité, éd .odile Jacob, Paris, 2010.

LA GRANDE RELEVE - N° 1176 juin 2016

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C o u r r I E r D E S L E C T E u r S

LA QUALIFICATIONComme d’habitude, la lecture de laGR incite à la réflexion, c’est toutl’intérêt de la revue. L’article deM.-L. Duboin (GR 1176) sur lesalaire à vie et (ou) le revenu socialnous apporte quantité d’éléments,d’arguments, de précisions qu’ilnous appartient maintenant de lais-ser mûrir, de confronter, de déve-lopper, de manière à établir oumodifier notre opinion. J’avouequ’avant cette lecture, la différenceentre les deux dénominations nem’avait pas frappé.C’est sur un seul aspect de ce débatque je reviens aujourd’hui, celui dela qualification. Dans le système…actuel, c’est un des éléments pou-vant pousser un salaire vers lehaut. De moins en moins facile àcontrôler, car si l’excellence d’untailleur de pierre, d’un charpentier,ou d’un relieur saute aux yeux, çan’est pas la même chose avec tousces métiers dont l’outil principalest le téléphone. La “qualification”se résume alors au “savoir sevendre”, ou pour résumer, au“faire savoir”, qui a peu à voiravec le “savoir faire”. On trouvedans cette catégorie tous lesconseillers en ceci, les consultantsen cela, les coatches, les managers,les attachés, les détachés, les poli-tologues, les économistes, lesexperts qui bien que toujours for-mels, ne sont souvent guère plusfiables que ceux qui prétendent pré-dire l’avenir, avec ou sans boule decristal.S’il peut sembler légitime qu’unouvrier qualifié reçoive un salaireplus élevé qu’un manœuvre, on peutaussi en discuter. De même que cer-tains arguent qu’il est normalqu’un médecin touche tant, car il afait des années d’études ; ça l’estaussi pour une personne qui abeaucoup travaillé pour apprendreson métier, en suivant des cours dusoir par exemple, en y sacrifiantses loisirs et ses nuits.Même dans une société plus justeoù chaque jeune aurait la possibili-té de bénéficier de longues études,il demeurerait la différence phy-sique entre individus. Il y a ceuxdont le cerveau peut assimilertoutes sortes de choses, puis il y a,

dans l’ordre décroissant, ceux dontles aptitudes sont de moins enmoins étendues, pour arriver àceux qui ne sont aptes qu’à uneactivité, voire à aucune dans lespires cas. Ces dernières ont-elles ledroit de vivre, ou faudrait-il les éli-miner à la naissance parce qu’inca-pables de résoudre plus tard uneéquation à x degrés ?Je crois pouvoir dire qu’un jeunemédecin a la double chance,d’avoir eu des parents pouvantfinancer ses études et, d’autre part,de posséder un cerveau capabled’assimiler cette formation. Et pourle remercier de cette double chan-ce, on devrait admettre qu’il puissepratiquer des honoraires exten-sibles, et vivre dans un luxe inima-ginable pour les purotins ?

L’exemple de Dudu.Dudu, c’était le jeune apprenti quemon premier patron m’avait atta-ché, alors qu’il m’employaitcomme ouvrier électricien débu-tant. Chétif à son arrivée, handica-pé visuel, et je me rends compte,aujourd’hui que l’âge a considéra-blement réduit mes facultés, à quelpoint c’est frustrant. Il a grandi, estdevenu fort comme un Turc, coura-geux, vaillant, plein de bonnevolonté et d’humour, toujours debonne humeur, adepte de l’auto-dérision, mais il n’a jamais pu com-prendre le fonctionnement d’un “vaet vient”. C’était semble-t-il audessus de ses facultés, comme lesont pour moi des quantités dechoses qui sortent du concret oumême l’apprentissage d’unelangue. Non seulement Dudu avait le droitde vivre, mais il avait le double debesoins. Je m’explique  : alors quedéjà végétarien, je me contentaisaisément d’une platée de pâtes oude pommes de terre, Dudu avaitbesoin de deux beefsteaks parrepas, qu’il faisait descendre avecforce bières. Sinon, il semblait sansénergie ensuite, et il faisait sincère-ment pitié.Sommes-nous tous des Dudu ?— Relativement, oui. Et malgré noshandicaps pour assimiler certaineinstruction, nous avons des besoins,et nous apportons, nous aussi, notre

pierre à l’édifice commun.Nous pensons (enfin, je parle pourmoi, ne me sentant pas “qualifié”pour représenter tous les Dudu)être en mesure de demander auxpartisans des hauts salaires, pour-quoi, si le SMIC est suffisant pourles Dudu, ne le serait-il pas poureux, qui ne dévorent quand-mêmepas tous, deux beefsteaks à chaquerepas  ? De demander aux politi-ciens pourquoi ils ne limitent pasleurs revenus à ce SMIC si enviabledes Dudu, pour donner le bonexemple ?

Qualification disqualifianteOn me pardonnera ce jeu de motsfacile, mais n’est-il pas préférabled’être un “bon à rien”, autrementdit “bon pour toutes les tâchessubalternes”, que tourneur d’obusqualifié, par exemple ?Une qualification n’est pas gage devertu. Les requins de la finance etde la politicaillerie sont tous trèsqualifiés dans leurs domaines res-pectifs… qualifications qu’ils met-tent au service de leur nuisance.

Du côté des dicos.Pour “qualification”, le PetitLarousse dit : Valeur d’un ouvriersuivant sa formation, ses aptitudesprofessionnelles et son expérience.Cette définition correspond à latroisième que propose le PetitRobert, son compère. Celui-ciillustre sa première définition(action ou manière de qualifier)par une citation de Hugo  : «Leshabiles se sont décerné la qualifi-cation d’hommes d’État» qui nemanque pas de sel dans notrecontexte.

Autre aspect de la qualification.

Nul ne met en doute l’hyper qualifi-cation des artisans des métiersd’art. Ces gens, souvent Compa -gnon du Devoir ou MeilleurOuvrier de France, possèdent devéritables talents. Cependant, sil’on se pose la question : pour quitravaillent-ils  ?— Eh bien oui  !Pour les rupins ! S’il n’y avait paseu des souverains plus ou moinstyrans, des “despotes éclairés”nous dit-on souvent, des divinités

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pour lesquelles rien n’est trop beau,des autocrates mégalos, nous nedisposerions sans-doute pas au -jourd’hui de tout un savoir-faire, etde tout un patrimoine, qu’il soitarchitectural, horloger, mobilier,statuaire, pictural, joaillier, etc.On peut donc dire que ce gratin dutravail manuel est redevable de safortune, sinon de son talent, à ceuxqui s’accaparaient et s’accaparentencore toutes les richesses com-munes, ce qui n’est pas très moral.Finalement, le critère “qualifica-tion” rejoint celui de “mérite” pourla justification des hauts salaires.Tous deux sont subjectifs, discu-tables, contestables, et ne doiventen aucun cas justifier l’injustice.En conséquence, ils ne doivent pasentrer en ligne de compte pourl’établissement du revenu social.

Voici ce que m'a inspiré la lectured'un de vos articles. On est vrai-ment contents de vous avoir !

Jeff.

***Merci pour cet article “du salaire àvie au revenu social” éclairant etconstructif.Quand on ne met plus la même réa-lité sous les mêmes mots utilisés, nepasse-t-on pas à côté de la penséeréelle d'autrui ? La sémantique ne peut-elle pasdevenir une arme de guerre au ser-vice de la guerre économique ? Lecapitalisme ne s'en prive-t-il pas ?

Revenu SocialSans doute le mot “salaire”, parceque lié dans nos esprits, depuis tou-jours, au travail accompli en tantque personne vendant sa force detravail au sein d'entreprises capita-listes se développant dans le cadred'un marché du travail (employeurs-employés) n'est pas des plus appro-prié. Bien d'accord.L’économie distributive emploie leterme “revenu social”. Mieux sansdoute. Encore que le terme “reve-nu” en sémantique capitaliste estlié au capital… Capital, ajouteront-ils “social”, sans doute abusive-ment, astucieusement. Revenus àpartir de capitaux placés en inves-tissement par des propriétaireslucratifs. Donc à ne pas confondre

non plus ! Social en est son complé-ment le mieux approprié. Certespour autant qu'il s'agisse bien, dansnos esprits, du prix du travailoctroyé à partir d'une caisse desécurité sociale alimentée à partiruniquement du PIB comme depuis1945 et non à partir de capitauxempruntés sur les marchés interna-tionaux d'investissements en capitalremboursables, eux, avec intérêts àla clef. Ce dont s'efforcent d'arriverpetit à petit, non sans succès hélas,nos libéraux au pouvoir partout enEurope.Pour sortir d'une guerre séman-tique dans laquelle excellent lestenants du capitalisme, commentfaire au mieux, si ce n'est de préci-ser les termes et expressions utilisésfaute d'en trouver de meilleurs ?Par exemple, peut-être : “prixsocial” d'une activité utile, d'un tra-vail pris au sens non restrictif capi-taliste du terme ? Travail activitéhors marché de l'emploi !

Qualification personnelle et qualification professionnelle

Revenu social dès la naissanceserait certainement plus logiquequ'attendre l'âge de la majoritépolitique de 18 ans. “Revenusocial” inconditionnel et à vie, liéuniquement à la “qualification per-sonnelle intrinsèque” de tout indivi-du au seul titre d'être humain audroit inaliénable de pouvoir existerdans la dignité. L'accès à l'argentnon thésaurisable est incontour-nable pour répondre concrètementà ce droit humain premier dontdécoule tous les autres droits…Qualification personnelle. À distin-guer totalement de la qualificationprofessionnelle acquise par appren-tissage d'un métier. À pouvoircumuler, mais non à assimiler.

Sécurité SocialeLe système de la sécurité sociale, telque vécu, sans problème de dette,pendant tant d'années depuis 1945,n'est-il pas le système, hors capita-lisme, déjà là qui ne demande qu'àêtre étendu par une “caisse écono-mique” pour les “salaires”, non ausens capitaliste du terme, et pourles investissements ? Une révolu-tion non violente qui s'est concréti-sée dès 1945, bien en place, non

plus à inventer mais à étendre aulieu de la laisser détruire par lescapitalistes qui, bien lucides, eux,essaient à tout prix de la récupéreren transformant en système capita-liste ce système social économiqueunique au monde, le seul à luiéchapper encore.Le financement de la caisse de lasécurité sociale n'est-il pas le seuldomaine économique, hors capita-lisme, tant qu'il échappera au finan-cement par emprunt via les marchésfinanciers internationaux aux mainsdictatoriaux de propriétaires lucra-tifs ?Il s'agit bien de distribution directeà partir du PIB via des caissessociales mutualisées, et non deREdistribution à partir d'impôts surle capital en provenance de la pro-priété lucrative (marchés financiersinternationaux).Propriété lucrative à assécher pro-gressivement, par diminution dutaux des dividendes, en lieu et placede la diminution des salaires et dutaux des cotisations sociales etpatronales.Tout l'inverse de ce que font nospoliticiens néolibéraux au pouvoirdans cette dernière guerre écono-mique du capitalisme qui ne dit passon nom, préparant la fin effectivede l'histoire économique lorsque lasécurité sociale par répartition uni-quement à partir du PIB aura dis-paru, malheureusement au profitd'une sécurité sociale par réparti-tion certes, comme ils disent haut etfort, sans toutefois préciser, dansleur discours de propagande, qu'ils'agit en réalité de répartition maisde forme capitalistique parcequ’avec pour fondement unique lescapitaux de la propriété lucrativeen lieu et place de la caisse de lasécurité sociale financée à partir duPIB… Habile piège sémantique !Après ne sera-t-il pas trop tard ?Nous n'aurons plus que nos yeuxpour pleurer, faute de n'avoir su lesouvrir à temps sur la dernièrebataille économique capitalistedécisive actuelle !Le chemin pour arriver pacifique-ment à l'économie distributive, éco-nomie humaniste, chère au vision-naire J. Duboin, et aujourd'hui àM.L. sa fille et à son équipe qui enont brillamment repris la relève, est

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•JE ProLoNGE MoN ABoNNEMENT Pour•JE M’ABoNNE à ...... EXEMPLAIrE(S) DE LA GRANDE RELèVE à PArTIr Du N° .........

ET VoICI CoMMENT rÉDIGEr MoN ADrESSE (merci d’écrire des majuscules) : M. Mme,ou Melle, prénom, nom : .....................................................

immeuble (éventuellement) : .....................................................N° et voie : ....................................................

code postal et commune : .................................................... pays.................................. •JE CoMMANDE LES ouVrAGES SuIVANTS : .....................................................................................

.........................................................................................................................................................................................

.........................................................................................................................................................................................Pour CELA, J’ENVoIE LA SoMME DE ..........................................................................euros PAr ChèquE N°...................................................... (préciser la banque) : ............................................

DATE : SIGNATurE :

par chèque bancaire ou postal, établi à l’ordre de LA GRAnde ReLèVe

et envoyé88 bd carnot78110 le vésinetfrance

N° de compte à la banque postale 1 3 4 0 2 3 9 M 0 2 0IBAN : Fr10 2004 1000 0113 4023 9M02 016

BIC : PSSTFrPPPAr

tarifs d’abo nneMent (11 numéros par an)FrANCE, régime intérieur pour la Poste. . . . . . . . . . . 23 euros.(soutien : + 14 euros par an, par exemplaire en plus, chaque mois)

DoM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 euros.ToM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 euros.

INTErNATIoNAL, suivant les zones redéfinies par la Poste au premier janvier 2014 :Zone 1 (Bénélux, Espagne,r-u, Suisse, …) . . . . . . . 29 euros.Zone 2 (autres pays européens) . . . . . . . . . . . . . . . . 27 euros.Zone 3 (Canada, États-unis,…) . . . . . . . . . . . . . . . . .30 euros.Zone 4 (Afrique, Amérique du Sud,…) . . . . . . . . . .30 euros.

r è g l e M e n t s :

là, concret, sous nos yeux.Découvrons-le, prenons-le à bras lecorps pour le sauver, l'étendre sansdevoir attendre une catastrophe extrê-me pour une remise à zéro de l'orga-nisation économique de l'humanitépermettant peut-être de pouvoirmettre un jour, plus ou moins lointain,en place l'E.D. comme imaginé dansles “Affranchis de l'an 2000”… etpour autant que cette catastrophe nedétruise sinon la planète, l'humanitétout entière…

J. B. Jemelle, Belgique.Deux précisions, en réponse :Employer le terme de revenu précisequ’on parle de ce qui revient à chacun,donc qu’il s’agit de reconnaître undroit ; et lui ajouter le qualificatifsocial évite d’imaginer qu’il s’agissed’un produit capitaliste. Le terme distribution évoque le faitque la monnaie est créée directementpour son utilisateur, qu’il ne s’agitdonc pas de REdistribution par l’inter-médiaire de cotisations ou d’impôts.

***Les 90 ans viennent de sonner, dontune quarantaine pendant lesquels j’ai

lu La GR. Mais je ne suis pas du toutsûr d’avoir fait quelques émules ànotre cause, vu le brouillard capital-marchand qui embrume les esprits denos contemporains. Voici un exemplede la perversité du système que jeviens de vivre. Récemment, j’interpel-le mon facteur, qui remplissait maboîte à lettres de pub. Je lui dis : «Est-ce que vous trouvez normal que l’onrépète sans arrêt que pour sauver laplanète il faut plutôt utiliser le webque le papier, et que l’on en use destonnes pour la pub ?» Réponse : «Jesais, mais je pense que cela faitvendre et surtout que cela nous donnedu travail !!!». Que répondre ?

S. S, Verrières-le-Buisson.Réponse. Quelle lucidité ! Car votreexemple illustre le bourrage descrânes sous plusieurs aspects à la fois:non seulement votre facteur admetque le but de l’économie est la vente(il trouve donc normal, mais probable-ment sans en avoir conscience, quesoient ignorés les besoins de ceux quin’ont pas les moyens d’acheter) ; et ilconsidère le travail non pas comme lemoyen de produire un bien, mais

comme un objectif, donc quel qu’ensoit le résultat ; et, en plus, il parle dedonner du travail, comme si le salairede l’employé qui vend son travail étaitun cadeau de son employeur !

***De Nuit debout à Bordeaux, je retirececi : beaucoup d’idées et d’exemplesmais pas de structuration pour lesrendre crédibles. La seule propositionstructurée est celle de l’économie dis-tributive (avec ses trois points princi-paux qui se tiennent).Mais je ne pense pas qu’on pourraitremplacer toute devise par une mon-naie distributive, car nous ne sommespas seuls… Je pense que deux types demonnaies peuvent coexister si le cloi-sonnement et donc la séparation esttotale. Une monnaie distributive pournotre fonctionnement interne, sanssubir les diktats des mondialistes, etune monnaie pour les échanges exté-rieurs… Déjà ce serait une grandevictoire… permettant de commencer àmettre en place un nouveau contratsocial et un revenu universel…

M. D., Bordeaux.

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16 LA GRANDE RELEVE - N° 1176 juin 2016

LeCtuRes pouR AppRofondIR :

• JACQues duboInExtraits choisis dans son œuvre (2 €).

Aujourd’hui introuvables, plusieurs de ses livresont été numérisés, et leur texte intégral estdisponible gratuitement sur notre site internet.

• et sI on ChAnGeAIt ?Bande dessinée par J.VIGNES-ELIE (4 €).

• Les AffRAnChIs de L’An 2000un roman de M-L DuBoIN qui,

à l’aide d’exemples, explique lesmécanismes de l’économie distributive et montre ce qu’elleapporte à la société (13 €).

• MAIs où VA L’ARGent ?l’étude, par M-L Duboin, de lafaçon dont la monnaie est deve-nue cette monnaie de dette quiempêche toute véritable démocra-tie, suivie de propositions pourévoluer (édition du Sextant, 240pages, 13 €).

• D’anciens numéros sont disponibles (2 €l’un).

Tous les prix indiqués sont franco de port .

ce que nous ProPosons :

En résumé, il s’agit de rendrefinancièrement possible ce qui est utile,souhaitable, matériellement et écologi-quement réalisable.

Pour cela, il faut que la monnaieactuelle soit remplacée par une monnaiequi ne circule pas pour qu’on ne puisseplus la “placer” pour “rapporter”.

Cette monnaie “distributive”,émise par une institution publique, estun pouvoir d’achat qui s’annule quandon l’utilise, tout en laissant au consom-mateur la liberté de ses choix.

Créées et détruites au même ryth-me, masse monétaire et production sontainsi deux flux permanents qui s’équili-brent. L’intensité de ces flux est définiepar les citoyens, qui décident démocrati-quement, à l’échelle appropriée, de ce quisera produit et dans quelles conditions, etde l’importance relative des parts à fairedans la masse monétaire pour financer laproduction, pour assurer les servicespublics (car impôts et taxes n’existentplus), et pour verser à chacun un revenugaranti qui permette à tous de vivrelibres.

Ainsi les décisions prises n’ont plusde retombées financières personnelles,l’intérêt général prévaut enfin sur l’inté-rêt particulier et la démocratie peutdevenir réalité.

La Grande RelèveFondé en 1935 par Jacque s DUBOIN

Direc t ion e t mi se en page s : Marie-louise dUBoIn

Rédact ion : les abonnés qui le souhaitent, tous bénévoles.Les manuscrits sont chois is par le comité de lecture et ne sont pas retournés .

Imprimé par la Scop Imprimerie de Ruff ié(certifiée ISO 14001 et labélisée Imprim’Vert et Print Environnement,

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adresse postale : 88 Boulevard Carnot 7 8 11 0 L e V é s i n e ttéléphone, seulement le lundi après-midi, 0 1 3 0 7 1 5 8 0 4

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(Tari fs au dos de cette page)