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Lexicographie berbère. construction desforures de mot et classification desentrées lexicales Miloud Tem Université de Fès, Maroc À la ménoirede mon ami et collègue KaddourCttot État des lieux La langue -b.erbère occqpe un vasteespirce allant de I'oasis de siwa en Ésypte ryyl.!" nl1g* noire (Niger,.Mati.er Bïrkina Faso) en pasi-t f- ir lriËnËts1ô"I constitue véritablement le fief du berbèrc, de parle nombrè trèsimportant de-s popuia- tions. berbérog.hgnes en Algéricet surtoui au'ldaroc, t-a tansuà b;ibd* ;d;;f,Jtit"et ce pfusreurs dral€ctes ou supra-systèmes qui s'étendent sur des zones génÈtaphiques plus ou moins étanches: bn d-énombre-ainsi le touareg (dans les"iè;fiiË;à: sahariennes. algériennes, au Mali et au Niger),le tachethiytl tè tamazigtriËrioiirlnvt 1;J.vlaroc, le kabyle, tehchaouit ettetari'zaybir enAtgéiié (cr. aatato; it8-B;ratt- 242). Les études sur le berbère sont très anciennes, mais lesvéritables traités de gram- gfe 9i les premiers rËcensements de vocabulaire daænt de la deuxième moiiié du {f}'sift9. Iæ prcmier lu,ique bilingue bcrbère/français (dialecrcs Algérie)esrpu, blté en lE44 par Venture de Paradis. Ont étéédités enluite plusieurs traiaur de ldxi- cologie-et desinvent4ires de vocabulairc dont-les plusimportants, en nous astreignant aux dialecæs marocains, sontles bavaux de lexiôobgie ïe Destaing sur vocabfrtaire tachelhiyt ey l9!0 et de Iaoust surlesmots et choses-berùères, l'étuie Loubignac sur le berbère des Zziian et Ait-Sgougou en lT24 et cellede Mcrôiersur te dial&te dés Ait-Izdeg en 1937. Mais le premier vériable dictionnaire est sans doute celui de Charles de Fou- cauld: Dictiomaire totnreg-français (dialecte de l'Ahaggar)publié en 1951.Est paru- ensuite, en 1982,le Diictioniuire knbyle-françqis dé1ean-Marie Dallet, à titre posthume. I* Dictiomaire mozabite-lrancais de léan Detheure vient en 1984. aus- menter lestravaux lexicographiques bèrbèies. Lc demier travail dans le domaineesti cejour, le Dictionnaire twnazigfu-fraryais Qtarlers du MaroccentraQ que j'ai publié r89

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Lexicographie berbère. construction des foruresde mot et classification des entrées lexicales

Miloud Tem

Université de Fès, Maroc

À la ménoire de mon ami et collègue Kaddour Cttot

État des lieux

La langue -b.erbère occqpe un vaste espirce allant de I'oasis de siwa en Ésypteryyl.!" nl1g* noire (Niger,.Mati.er Bïrkina Faso) en pasi-t f- ir lriËnËts1ô"Iconstitue véritablement le fief du berbèrc, de par le nombrè très important de-s popuia-tions. berbérog.hgnes en Algéric et surtoui au'ldaroc, t-a tansuà b;ibd* ;d;;f,Jtit"etce pfusreurs dral€ctes ou supra-systèmes qui s'étendent sur des zones génÈtaphiquesplus ou moins étanches: bn d-énombre-ainsi le touareg (dans les"iè;fiiË;à:sahariennes. algériennes, au Mali et au Niger), le tachethiytl tè tamazigtriËrioiirlnvt1;J.vlaroc, le kabyle, te hchaouit et te tari'zaybir en Atgéiié (cr. aatato; it8-B;ratt-242).

Les études sur le berbère sont très anciennes, mais les véritables traités de gram-gfe 9i les premiers rËcensements de vocabulaire daænt de la deuxième moiiié du{f}'sift9. Iæ prcmier lu,ique bilingue bcrbère/français (dialecrcs Algérie) esr pu,blté en lE44 par Venture de Paradis. Ont été édités enluite plusieurs traiaur de ldxi-cologie-et des invent4ires de vocabulairc dont-les plus importants, en nous astreignantaux dialecæs marocains, sont les bavaux de lexiôobgie ïe Destaing sur vocabfrtairetachelhiyt ey l9!0 et de Iaoust sur les mots et choses-berùères, l'étuie Loubignac surle berbère des Zziian et Ait-Sgougou en lT24 et celle de Mcrôier sur te dial&te désAit-Izdeg en 1937.

Mais le premier vériable dictionnaire est sans doute celui de Charles de Fou-cauld: Dictiomaire totnreg-français (dialecte de l'Ahaggar) publié en 1951. Estparu- ensuite, en 1982, le Diictioniuire knbyle-françqis dé1ean-Marie Dallet, à titreposthume. I* Dictiomaire mozabite-lrancais de léan Detheure vient en 1984. aus-menter les travaux lexicographiques bèrbèies. Lc demier travail dans le domaineestice jour, le Dictionnaire twnazigfu-fraryais Qtarlers du Maroc centraQ que j'ai publié

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MiloudTaifi

moi-même en 1992- D'autres travaux lexicographiques de grande envergure $ont ac-tuellement en cours de réalisation dans te càArè ad u prepiàtion de thèses de doc-torat.

, [æs qu.atre importants dictionnaires cités, recouvrant différents dialectes de lalangue berbère constituent une somme considérable de données lexicates "t usJètt,du point de vue méthodologique, une tradition texicographiô*. ï, onr en "fi;idi;19131é::"^.1_ !u!!!ugt.options- et amendements partieis, [a ciassiricationï*-iiàiitËsacnflant ainsi aux exigences mêmes de la morphologie du berbère qui éonstruit lesformes de mot en assocTant les racines et les schèlmes.

"

, .læs premières-monographies de morphologie berbère ont abordé la constructionoes lormes de mot à tavers la morphologie des langues Klmanes, notamment le fran-çais. Plusieurs aureurs ont ainsi es3ayf ile.retrouvei dans le berbè,€ ies p;;&i;;;dérivation affixale dont la.segmentfuior. isole les bases lexa;ttiq*r;i-br;;1,1èlg {li1Ï !?ffi*es, infiles er suffixes). Mais bien "iûe lbppiicatd à;;;il_cipes d'analyse valables,pour les langues romanes s'avéra improiie à la lansue'bei_bere. un découvrit en effet que le berbère appartient à la familie chamito-sémitioue etqu'il fallait par conséquent chercher du côté de la morphologie ausemitiqË:---':

-'

- . l-'appartenance. et l'apparentement du berbère à la famille des langues chamito-sémitiques sont fondés sui.plusieurs aspects communs et suffisants porir;Jsiirier, Ju!?!nl q" vue linguistique,.lès rapprochèmenrs entre re berbère et te'semiiiq;;: d;pornt.de vue méthodologique, I'apflication.des mêmes paramètres d'analyse ei dedescription (cf. Galand, 1919a:46i-47s). D'où le transfcrh de la racine seniiiioùà audomaine lexical berbère-er l'.adoprjgq^dans ta pratique lexicogralÀiq"", oà- Ë "rÀ:sification pq gcines (cf. cohen, 1993: t6t-tis). t"t"ir ce trâniien,'iuitine o"rluTême morphologie du berbère, fait apparaître d'innombrables problérires nnt'théo-nques que pratiques. c'est de ces problèmes que traitera cette coirmunication.

Construction des formes de mot en berbère

Racines et schèmes

Les formes de mot en berbère sont toutes des formes construites par I'association dedeux constituants formels : une racine et un schème. Iæ premier coistituant tCpresËntele lexique, le sec-ond la morphologie ou plus exactemerit la grammaire. La râciil;igénéralement définie commè un groupe de consonnes se prééntant dans un ordre im,pératif et qui constique I'invariani fonnel d'un paradigmô lexical : le schèmJco.m,une structure formelle compotant des éléments vocAi{ues etlou consonantiques et as-signant des.places destinéei à être occupées par les raâicales de la racine. ù schèmeporte théoriquqgglt un sens. grammatical, iluisqu'it catégorise les formes de motconstruites en différentes parties de discours,-comme le mo-ntre la figure suivanæ (cf.Chaker, 1984: 136).

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I-cxicographie berbère. Construction des formcs de nol et chssitication dcs entrées lexicalcs

RACINES LE)CCALES INDTNÉNENCÉESu

uMarques verbales

VERBES- formes simples- formes complexes

FORMES DEu

MOT

Marques nominales

NOMS- substantifs- adjectifs- numéraux- pronoms

{tMarques zéro

DÉTERMINANTS AUTONOMESCONNECTEI.JRS- pÉpositions- coordonnants- conjonctions

Ainsi, par exemple, la racine MGR porteuse du sens << moisson >), est communeà toutes les formes de mot suivantes atûestées en berbère.

Formes verbales : mger, mgir, megger, tthmger, ttumgir, ttumganFormes participiales : imgern, imgir4 mgernin, ittungern, ittumgirn" ttumgernin.Formes hominâles i atngor, imgarn, atnqgar, imeggarn,nmgwer, imeg"ran,

tamgwert, timegrin,

Pour montner cette communauté formelle, nous allons dégager le schème de chaqueforme de mot en remplaçant chaque radicale de la racine par le symbole C que nousnotons avec un trait sôuÉrit à châque fois que la radicale èst tcndue dans la forme demot : C. Nous obtenons ainsi :

- ccc, cclc, cec, truccc, rruccic, ttuccac- iCCCn, iCCiCn, CCCnin, inuCCCn, it$CCiCn' ttuCCCnin- aCCaC, iCCaCn, aCCar, iCÇaCn, aCCC, iCCCan, taCCCt, tiCCCin.

Comme te monte cet exemple, la formation du mot se fait _par dérivatign a:'sociative qui consiste en I'insertioi des radicales d'une racine dans les places vides duschème. Ûne ælle insertion est régic par des règles morphologiques dépendant des as-iociations phonétiques etlou sémànti'ques perniises- parla langue. Pour les premières,certains voisinages de phonèmes sonf neuiralisés de par -la nature articulatoire de cesdemiers. Ainsijes suiies consonantiques uG, G/K, XlT, ,{X, Q/r, {Q sont rares,sinon exclues parce qu'elles sont impiononçables. Poul le,s secondes, c'est I'ordre li-néui* des radicales qii confère à la iacine sbn sens lexical : la racine MGR, notée ci-aiisus, rend la notiori de < moisson >>, invariant sémantique que se partagent toutes lesformes de mot qui dérivent de la racine MGR.

I-e changement de la racine par permutatiol deq radicales engendre d'autres suitesqui Deuvcnt ê-tre soit attsstées et èonitituer le chef de file d'un pàradigme lexical, soitn-ôn'ittrtærs et donner lieu à des créations nouvetles (néologismes ou monstres lin-eùistiques). La permutation de MGR fournit six racines trilitères dont une seule estilon atiestéæ (dans le dictionnaire de Taifi' 1992\'

MGR: << notion de moisson >>MRG: << notion d'amour )>GMR: << deux notions > : l) << chasse >i2) < cheval >>

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-!

MiloudTaifr

GRM : ( trois notions D : l) ( ronger, grignotcr >; 2) < qui a une seule corne,qui est sâns comes (ovin) >; 3) < saint, marabout >.

RMG*RGM: < noticn d'insulte, de malédiction >.

L'ordre RMG n'est donc pas exploité par la morphologie du berbère (on noteradu moins qu'en Kabyle RMG avec R emphatique rend le sens de ( tonner > : Dallet,1982 : 726).Iæs autres racines donnent lieu à des familles lexicales dont chacune estconstituée d'un certain nombre de formes de mot ; chaque famille forme un champmorpho-sémantique. Ainsi la racine GMR dont le contenu lexical relève de la notionde .< chasse > fournit le champ morpho-sémantique suivant comportant 17 fonnes demot attestées :

verbes : grner, gmir, gemmer, ttugrncr, ttugmir, ttugnurparticipes : ignern, ismin\ gmcmin, ittugmer4 iaugmirt ttugmerninnoms : tagemrawt, tigemrawi4 tarugmart, anegnt'or, inegmam

construites respectivement sur les schèrncs suivants :

- CCC, CCIC, CCC, ttuCCC, ttuCCIC, ttuCCaC- iCCCn, iCCiCn, CCCnin, ittuCcCn, ittucCiCn, uuCCCnin- taCCCawt, tiCCCawin, tanCCaCt, anCCaC, inCCaCn

De même, le champ morpho-sémantique de la racine RGM relative au domaine no-tionnel de < insulte èt matédiction D est composé de 20 formcs de mot :

verbes i rSem rgim, regger4 tturgem tturgint tturSûI, nÙersarr\ ttemcrSatrparticipes: irgmn Wirnn rgennn inwzgrcn tawgùr,a nurgatnnh,

ttemergamninargam, irgann, tareggimt, tirggatnnoms:

dont les schèmes se présentent ainsi :

- ccc, cclc, ccc, ttuccc, ttuccic, ttuccac, mccac, ttrncccam- iCCCn, iCCiCn, CCCnin, isuCCCn, ittuCCiCn, ttuCCCnin, mCCaCnin,

ttmCCaCnin- aCCaC, iCCaCn, taCqict, tiCCaC

Les trois champs morpho-sémantiques présentés répondent à la définition des ra-cines et des schèmei donnée par Cantineau (1950 :74) etsouvent citée pourdécrire laconstruction lexicale dans les langues appartÊnant à la famille chamito-sémitique.

Chaque mot a sa racine et son schème; on pounait comparer le vocabulaire à untissu dont la trame serait I'ensemble des racines attestês dans la langue et lachaîne I'ensemble des schèmes existants. Chaquc point d'intersection de la chaîne,et de la trame, serait un mot, car tout mot est entièrement défini sans arnbiguitépar sa racine et son schème, tout schèmé de son côté fournissant des motÉ àilifférentes racines et la ptupart des racines fournissant des mots de différentsschèmes.

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I*ticographic berbère. Constrrctbn &stomvs & mot et classiltcapon des entrées hxicalcs

Cett€ métaDhore de tisserand n'explique ccpendant pas tout. Si le schème relèvede la morphobjie et constitue un cadré foimel fret I acéueillir les radicales de la ra-cine, cellei-ci, pàr contre, n'est pas suffisamrneni et clùement défrnie. Premièrement,la racine est-efle exclusivemenf consonantique, ou bien y a-t-il lieu de considércr cer-tains sesments vocaliqucs comme radicales dans les cas où ils sont constants et ne su-bissent [as de changeinent ou d'effacement ? Deuxièmernent, est-ce que la racine esttout siniolement uniroupe d'étéments commun à une série de formes ôe mot, ou bienest-ce uri signifiant d'oté àe signifîé précis ? Autrement dit, la racine est-elle seulementune uniré fôrmelle, ou une uiiæ foimetle et sémantique. Apporter des réponses à cesquestions par I'analyse lexicologique, est un prÉalable { toqte pratique lexicogra-phique bcrbère, et aussi, dans certaines mesures, à celle de I'arabe.

Racine : consonnes et voyelles

Si le critère qui préside à l'établissement d'une racine dans une famille lexicale estI'invariabilité'deies radicales dans tous les lexèmes construits, il n'y a pas lieu d'ex-clure les éléments vocaliques qui répondent à ce critère. Si certaines voyelles sontconstantes, elles ne peuveirt apfartcnir qu'à la racine et non aux schèmes. La défini-tion donnée par Meiilet (cité par Cohen,-1993 : 162) corrobote ce point de vue : << Unmot " appartÏent " à une raCin-e, il fait partie d'un ensgmble de mots ayant en- communun srodoe de phonèmes auquel est associé un certain sens général. > Ainsi les radi-catis d'ùne raôine, selon I'aùteur, sont des phonèmes, ceux-ci Pouvant êtrc soit conso'nantiques ou vocaliques. I'essentiel étant-lcur régularité dans tous les mots aPPar-ænanf à une même fâmille lexicale. Il faut ajoutcrlue le criÈrc de la constance n'estvalide que si les voyelles occupcnt toujours lâ même place dans les schèmes.

C-eci amène Cohen (1993 : 162), commenta$t la citation de Meillet, à définir taracine ainsi : < laracine est une séquence ordonnée de phonèmes qui constitue lato'talité des éléments communs à un eisemble dérivatif >, èn remarquant que si la racinea été toujours considérée exclusivement consonantique dans les lan_gues chamito-sémitiques, ce n'est qu'un fait d'observation : les consonnes sont en effet (surtout enarabe c'lassique, pris cbmme référence) beaucoup plus sujettes à la constance que ne lesont les uoy?:tles' ; mais ceci ne justifie pas I'eiclusion des voyelles constantes de laiacine. Cotien propose par conséquent, Éour le berbère, de conférer aux voyelles ré-eulières le statirt de radicales et <i'en æ'nir compte dans la pratique lexicographique'Donnons un exemple pour illustrer ce point de vue.

Soit les formes de mot suivantes :

a(ar < pied >idarn <. Dieds >ndom <'petit pied, pieds d'enfant >tidarin " fetitf piedi, pieds d'enfant >

schèmeschèmeschèmeschème

iCaCiCaC (n)(t)acac(tr)(t)iCaC(in)

Comme on le constate, ces fornes se partagcnt la séquence -{ar- qui sera ainsi laracine CVC = DAR. I-es éléments mis entre pæenthèses sont les-.mar.ques du genre etdu nombre. Par contre, dans le paradigme su-ivant, aucune voyelle n'est constante enoccupant la même place dans les différents schèmes :

alusifassen

<. main >< mains n

schème: aCuCschème: iCaC(n)

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-

MiloudTaiJi

tafusn < petite main, main d'enfant >tij'assin << petites mains, mains d'enfant >

Dans ce cas, seules les consonnes constitueront la racine, à savoir CC : FS, puisqueles lexèmes dérivés n'ont en commun aucune voyelle constante dans la même posi-tion.

L'intérêt de la promotion des voyelles constantes au statut de radicales, per-mettra, selon Cohen (tem : l6l-175), de pouvoir distinguer les racines homophones,surtoui les monolitères et tes bilitères, en réduisant leul nombre par I'isolement decelles qui comportent une ou plusieurs voyelles constantes. Ainsi, par exemple, aulieu de sept ràcines consonaniiques homophones pR fournissant chacune un pa-radigme feiical (cf. Taifi. 1992:91-9T, il n'y en.aura-quq guatre. si I'on classe à partcellis qui contiennent un élément vocalique régulier. Voici les données :

schème: (t)aCuC(t)schème: (t)iCaÇ 0n)

PRr :Sens général :Formes de motVerbes :Participes:

Noms:

PRz:Sens général :Formes de motVerbes :Participes:

Noms:

DRr:Sens général :Formes de motVerbes :Participes :Noms:

PRr :Sens général :Formes de motVerbes :Participes:

Noms:

DRs :Sens général :Formes de motNoms:

(er, t(arfifor, $r, s!er, sflir, ttesfur, ttusler, ttusflir,.ttusfttr.ilern, idiiÀ, fuink, idfu^, ddarniv is(em, isÉim, s(irnin, ittesfurnttes fornin, ittus{ern, ittusflirn, ttusfarnin.taduri, ta(urin, as(ar, isflarn.

<. salir, souiller > .

afur, uler, ulir,îta(er, ryiler, tyadar, mlqful,temya(ar.yidirn' yu(irn u&rnk,- ityi(ern, tyilernin, ityaforn, tya(arnin,mya(arnin.if,er.

< être sourd > .

Surler, t{urf,ur, durdir.içu i 4e rn, i durdim, Qurf,e rnin, it (urlury, tflur{urnin.i de i du r, i{e r lu rn, ra le r (u rt, t ifie r lur ia t i le r le rt.

<< descendre, baisser (intransitiO >.

<< nuire, faire mal >

(e rra, tle rralfie rra, tuflerra, ttufu rra, \derra, tem(e rr9.i*e rraa- {enahin, itfu na tforranin itufurran, tu& rranin m&nanirytemlerranin.a fu rra, htuf,erra, lma$errat, (furar.

< pied >

afun idarn, taSant, tilarin.

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I*xicographie berbère. Constrrction dts fornæs de mot et classificalion des entées lexicales

P&:Sens général : << mai's >Formes de mot:Noms : l(ra, aÛlra, addraten, tafirat, taddratin.

[æs racines 5 et 6 sont constituées de consonnes et de voyelles, celles-ci étantconstantes, et se présentent ainsi : pAR, PRA. La djfférence.de position (médiane #finale) permet doirc de distinguer pâr b constance vocalique les deux racines à I'ori-gine Éomophones. Ces racine-s ne êeront plus alors considérées c,omme bilitères, maisi'ajouteront à I'ensemble des trilitères, priisqu'elles sont formées de trois radicales' I-etraitement lexicographique placera ces nouvelles formes à leur place dans l'ordre al-phabétique : pAR, pR (1,2,3,4,), PRA.

Le second exemple illustre la même procédure ; cette foi-sr !e paradigme des ra-cines homophones esf plus fourni : il comporte dix formes semblables :

[^Sr :Sens général : ( se vêtir, s'habiller >.Formes de mot :Verbes : lsi, lsq, lessa, Isi, ttulsa, ttulsi, ssels, sse/st, sseba, msek, mselsa,

ttemselsa.Participes : ilsan, itsia ba11i7' ilessaa, lessanitU ittulsa4 inulsh, ttulsanin isselsen-

isselsin, sselsanin msckania tteæselsan"Noms : melsiwt, melsiwat, timelsit,limelsa, assels, isselsan, aselsu, iselsa'

I^sz:Sens général :Formes de motVerbes :Participes:Noms:

L $ :Sens général :Formes de motVerbes :Participes:Noms:

LSa :Sens général :Formes de motVerbes:Participes:Noms:

LS5:Sens général :Formes de mot

<< tondre >>.

lles, telles, llis, ttulles, ttulhs.ills en, illisn, lle snin, itte lle sn, ittulls en, ittullasn, ttullasnin'tolasa, îalusi, ultts, ilis, ilisn, titist, tilisin, amlns, imlaçn, arnlus,imlas, imlusen,

<< souiller, salir >.

lles, telles, llis, ulus.illesn, illisn, llesnin, itellesn, te llesnin'ulus, ulusn.

<< être obscur, sombre: faire noir ,>.

lles, telles, //ls, ssa/s, ssulus'illesn, illisn, llesnin, issulsen, ssulsnin.tallest, tillas.

( recommencer, refaire, répéter >.

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q

LS5:Sens général :

Verbes:Participes:Noms:

Formes de motVerbes:Participes :Noms:

LS7:Sens général :Formes de motNoms:

I,$:Sens général :Formes de motNoms:

L $ :Sens général :Formes de motNoms:

LSls lSens général :Formes de motNoms:

llilotdTaii

als, ttals, ulis.yulsen, yulisn ulzsnin ittalsen, ttalesnin-alas, ils.

< être écarté de la sucoession du grand-père par ses oncles pa-ternels, par suiæ dela mort dc son pèrc (petit-fils) ).

ols, uls, ttels, ulis.yulse4 yulkn, ulesnin, ittalsen, ttalesninulus, atnolas, imalasn-

( repas de la fin de la matinée >.

allas, allasn

< fêre/saur du mari (pour la femme) >.

olus, ilusn, talust, tilusin,

<< tangue (organe et idiome) >.

ils, alsiwn, tilset, tilsatk

< mousse de savon >.

alus, ilusa.

Dans ce deuxième exemple, nous avons donc dix racines homophones IJ. Maissi I'on tient compte des voyelles constantcs, les racines 7, 8 et 9 doivent ête exclucsde cet ensemble: les formes de mot de I^S7 comportent" en effet, un /a/ constant, dcmême celles de LSs et de LSs6 un /u/ régulier. Iæs trois nouvelles racines ainsi dêgagées sont LAS, LUS et LUS devenant des trilitènes, de par l'élément vocalique in-roduit. La nouvelle classification par ordre alphabétique sera: LAS, LS (1, 2,3,4,5,9) et LUS. Comme on I'aura remarqué, si I'homophonie de I.S est ainsi réduite, il y acependant création d'un autre cas de ressemblance formelle entre LUS < LS3 et LUS< LSe. On aura remarqué aussi que la voyelle a plus de chances de rester constant€lorsque la racine ne foumit que très peu de formes de mot, c'est le cas effectivementdes racines LAS (2 dérivés), LUS (4 dérivés) et LUS (2 dérivés).

Si la constance vocalique a, sans douûe, un statut théorique qui exige I'insertiondes voyelles dans I'armature des racines, répondant aux définitions de Meillet et deCohen, il n'en demeurc pas moins que soir applioation dans la pratique lexico-graphique poac, du moins pour le berbère, plus de problènrcs qu'elle n'en résout" carles voyelles sont plus dternantes que constantes. Et ceci por plusieurs raisons :

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Lcxicograpùe berbèrc. Constrrction dcslornçs ù nol ct classification dcs enfiées leicalcs

l- Le nombre des voyelles en berbère est de trois phonèmes : lal, lilet /u/. Ce sontcelles-là qui constitueht le triangle vocaligue de base. Iæs trois voyelles sen-neissentcepcndant dcs allophones dus à certains environnements consonantiques emphatiquesou vélaires qui imposent une plus grande apertur€ vocalique. Ces allophones, n'ap-paraissent donc que lors de la construction des formes de mot ou des séquences syn-ùagmatiques.

Sachant que plus un ensemble est réduit, plus les éléments qui le composent sontfréquemment ùtilisés, les trois voyellcs basiques doivent donc nécessaircment, et leolui souvent. alternei pour différéncier tes sèhèmes qui accueillent les racines. Unefelle différenciation foimelle des unités lexicales à travers les schèmes n'est possibleen berbère que si les voyelles constitutives des schèmes altement. C'e.st.ce.qui ex-plique, sans ôoute, que laconstance vocalique est très rare, sinon impossible, dans desiarâdigmes lexicaui comportant plusieurs îormes de mot. C'est le cas notamment deôeux q-ui sont construits â partir ôes racines verbonominales: exemple de la gcingFD (TAifi, l9t2: lD3-104)-qui foumit treize formes verbales (simples et complexes)et sept formes nominales (sans compter les formes participiales de chaque verbe) : demêm-e, la racine SY (faifi, 1992:6,63-(fr4)fournit vingt-tnois formes verbales (simpleset complexes) et huit formes nominales. Etant donné que chaqug forme de mot doits'articu'ler sur un schème spécifique, pour éviær une hômophonie excessive, la mor-phologie berbère recourt autx voyèlles, et comme celles-ci ne sont que trois, le jeu for-.inel d;alternance, par des opéràtions de commutation (remplacement d'une voyellepar une autre) et di permutæion (changement de position) est la seule voix de salut.

C'est ce rôle momholosique (laborieux sans contcste: elles ne sont que trois !)assuré par les voyetles ilui afaii dire, avec raison, à André Basset (1929 :XXV) qu'enberberd, < ta voyelle staffirme par ailleurs comme un élément morphologiqgg poutqu'on puisse lui- attribuer pareillc valeur même là où elle forme avec des élémentscbnsoùntiques, un ensemble invariable >r. La valeur dont parle Basset est celle deI'appartenance de la voyelle à la racine. il faut noter qu'une telle constatation n'exclutpai ia constance vocali(ue. Mais celle-ci ne peut être-observée que pourdes racines àiaradigme lexical réduii, notamment les racines exclusivement nominales ou celles,lres pelr nombreuses, qui fournissent des outils grammaticaux (connect€urs. conjonc-tions, prépositions...)

2 - L'alternance intervient, par ailleurs, dans la conjugaison des verbes selon les. p-er-sonnes et les valeurs aspectilel,es (cf. Galand, 1984: 3O4-315) et affecte essentielle-ment les initiales et les finales des formes verbales ; exemple : le verbe construit àpartir de la racine F et signifiant ( trouver > se conjugue ainsi :

Aoriste : of-x, t-af-d, y-af, t-af, n-af taf-m, tof-ryt, af'n, af-ntAccompli : uft-x,'t-ufi-d, y-ufa, t'ufa, n'u14, t-ufa'm, t-ufa'mt,-ufa'n,^ufa'n1AccomÈ[ négatif :itli-x, t-tili-d, y-urt, t-ufi, n-uti, t'ufrn, rurtry'ufi'n, ufi-ntInaccoirpli :-ttafa-x,-nafa-a n"ja,i'taÎo, n'nqfa, ttafa-t4 ttafa-mt, nafa-n, uafa-nt'

Les voyeltes assurent donc, dans la conjugaison, un rôlernorphologique et.leur al-ternancê est un critère de distinction desihémes verbaux. On aura ainsi, en éliminantles indices de perconne (pronoms personnels)-et le formant du schème de I'inaccompli-tt/t, quatre foimes du méme verbè : af, ufi, ufo, afai dans lesquelles seule la consonneradicale F est constante : aC, uCi, uCa, aCa.

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3 - L'altemance vocalique caractérise aussi les formes nominales à cause de l:oppoSi-tion Étæ libretÉ,tat d'anïexion, : les noms au singulier ayant un /a/ à I'initiate-ét lesnoms féminins ayant (ta) subissent des changements dans certains contextes syntag-matiques : la voyelle /a/ est réalisée /u/ pour le singulier et elle est effacée pour [e fé-minin. Ainsi, par exemple, le nom argaz < homme. > est réalisé urgaz (a > u) lorsquefe nom est postposé au verbe et a la fonction de complément explicatif : argaz, i-nvel,<< I'homme, il s'est enfui > en contraste avec i-rwel urgaz, < il s'est enfui, I'homme >.De même tamellult,< femme > devient tmefutl 1a > O\ dans le même contexte syn-taxique : tanef[u[f , t-rwel, << la femme, elle s'est enfuie > et t-rutel tnufut| < elles'est enfuie, la femme >.

4 - L'alternance vocalique est due aussi aux changements morphologiques relatifs àla catégorie du nombre, surtout pour les pluriels dits < internes D : exemple: sin-gulier : arnazir ( carnpement > . pluriel : imiur (a > i, a > i, i > a) ; ringuliq : ada*u< sandale >, pluriel, idufu (a> i, a > u, u > a).

5 - t-es semi-voyelles sont parfois réalisées en voyelles conespondantcs 0t >i. w > u,)ce qui complique davantage la reconstitution des voyelles radicales (cf. Taifi, 1990b :219-232).

6 - L'altemance, sans être d'origine structurale, affecte les voyelles différemmentselon les dialectes berbères, elle est, dans ce cas, une marque de I'habitus articulatoired'un groupement géo-linguistique : le processus de dialectalisation de la langue ber-bère a eu comme conséquence I'accentuation des particularismes phonétiques concer-nant aussi bien les phonèmes consonantiques que vocaliques: exemple de différencedialectale due à l'alternance vocalique : le terme qui signifie < ficelle > est r//d dansun parler, mais ifln dans un autre, la finale étant un /i/ dans I'un et un /u/ dans l'aute ;de même dans abaryu/ubuxxu, < insecte >> etablullu/iblelli, << papillon de nuit >, il y aalternance vocalique dialectale.

En conclusion à cette présentation, il semble que I'introduction des radicales vo-caliques dans la reconstitution des racines n'est pas efficace et rentable dans un travaillexicographique, dans la mesure où la constance vocalique ne conoerne qu9 très pepde racines et que son utilisation n'a pas, par conséquent, une grande incidence mé-thodologique quant à la différenciation des racines homophones.

Racine : tension et rédupllcation des radlcales consonantiques

L.a lexicographie berbère adoptant la classification par racines.est confrontée à deuxaubes phénomènes qui caractérisent certâines racines. Le premier concerne la tensiondes radicales et le second leur réduplication. Pour le premier câs, la question (pour lelexicographe) est la suivante : faut-il considérer le trait articulatoire de tension comrnecritère de distinction des racines et noter par consé4uent les radicales tendues ? Oubien considérer qu'une même consonDe tendue (simple) ou non tendue est en fait uneseule radicale. Illustrons le phénomène.

Soit tes formes de mot : abrid, iberdan " Ëhemin(s) > construites à partir de la ra-cine BRD, et les formes de mot aberuad, iherradn < théière(s) > dérivées aussi de la

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lzxicographie bcrhère. Conrtruction des fornæs de not et clasilfication des entrées lexk:ales

racine BRD, mais dont la deuxième radicale est tiendue: BRRD. La tension est doncun çrait différentiel qui distingue les deux racines, comme etle I'est aussi dans.cgla<< gésier > en opposition à agella ( tenture >. Théoriquement, les deux racines (à ra-dièab non tendùd # à radicalè tendue) ne peuvent être traitées comme homophones etdoivent donc être classées séparément. L,a tension serait ainsi réductrice d'homo-phonie.

Iæs faits ne sont pas cependant aussi simples. Il faut noter qu'en berbère, la ten-sion a un double rôle : elle èst d'abord un trait phonologique distinguant des pairesnr in imales: iJds<<to ison)à#i r l iJ<saf i l le>,kes<<paî t re>#kkes<<enlever>;maiselle est aussi un formant du schème et assure doné un rôle morphologique: I'inac-compli est rendu en berbère, soit par des schèmes componant le formant conso-nantique t/tt à I'initiale : afd > nafd i< s'en aller >, at'> ttala (< trotlver >>, ddu > teddu< partir >> ,.., soil par la tension del'une des radicales de la racine i nu > reîz,u << cher-ch-er n, mger > metger < moissonner >, Ws > lemmes < couvrir > ...

l-e même trait articulatoire est utilisé en outre dans la formation des dérivés no-minaux : de nombreux noms d'agent et noms quatificatifs sont construits à partir desracines trilitères sur le schème aCgaC dans lèquel la deuxième radicate est tenduesans qu'elle te soit forcément dans les autres foimes de mot fournies par les mêmesracinei (voir Taifi, 1989 : 8?2-926) : ainsi des racines MDY. NBD, ZDM, sont dérivésrespectivement les verbes Wley < guetter >, nbe{, <COmmandet >> et Zdem, < Chercherdu'Uois >, dans lesquels les râdicàles sont non tendues. Par contre, les noms.d'agentconesDondants ont la deuxième radlcale tendue : anedday, anebba(, ozeddam. Demême, le schème aCeaC constitue le cadre de formation'pour certains noms qua-lificæifs : BXN > bxin < être noir et abexxan << noir ,> ; WSR > wsir << être vieux >> etawessar << vieux r, , LWT> lwiy. < être mou >> el alegg"a/( mou u (ww > 88').

Ces exemples montrent donc que la tension relève plus de la morphologie, puis-qu'elle est formant du schème, que du lexique. Un æl constat est suffisant Pour sou'tènir oue toutes les formes de mot avec une èonsonne tendue ne proviennent pas auto'matiqùement de racines à radicale tendue. Ce point de -vue est corroboré d'ailleurs parI'aopàrition aleatoire de la tension : dans des êas où elle ne joue aucun rôle morphelojlfue, ef le peut être en effet le résultat d'une assimilation phonétique : tirnit < tirrit" iiitoire ,>,'anli < alli < cerveau >, ou tout simplement gratuiæ, ippolé" Plt.f

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bitraire du signe, et n'affectant que certaines formés de mot d'une même famille lexi-cale: tles..tôndre > mais ills <ioison > eltalasa<< action de londre > ifferf< sortir >>mais ufuy< eation dc sortir > .

La pertinence phonologique de la tension qui en aurait fait.une caractéristique dela racine et, par coniéquent,-urie propriété du leiique, est neutralis9t pq son rôle mor-ptrologique.êt grammaiicat plus ôoniinant en berbère, et aussi, si I'on s'en tient seule-inent

-au-x strudtures des môts, c'est-à-dire à I'arbitraire des signifiants. à I'aléatoire

des régularités formelles des familles lexicales, Il est donc plus économique, dans u.niravaiilexicographique, de ne pas tenir compte de ce trait dans l'établissement et laclassification des racines dans un dictionnatre'

[-e second fait lexical est la réduplication des raiicales consonantiques, que no-us.illusfroni far les exemples suivants :

-tes formers de mOt adrar ,, montqgne > et (kl

<< longue tiesse de cheviux > comportent respectivement trois consonnes DRR et DLL

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qui constituent les racines à partir desquelles ellcs sont construites. On remarque quela deuxième et la troisième radicale sont de mêrne nature consonantique, il y a doncréduplication d'une radicale. Faut-il donc, dans la classification par mcincs, ûenircompte de la réduplication ou non ? læs formes de mot adrar et adlal æront-elles ré-pertoriées respectivement sous les racines DRR et DLL ou bien tout simplcmcnt rousDR et DL. Dans le premier cas, les racines sont des trilitèrcs et dans le second dcs bi-litères.

La réduplication des radicales se présente dans deux cas de figure : la ræine t6dupliquée reste invæiable et commune à toutes lçs unités lexicales qu'ellc infonne.Aiàsiia racine QQS, rendant le sens de < épier (à travers une ouverturË) r, fournit lcsformes verbales eqi tqiqiE tuqtqi, tuqiqi{, lrrqiqil ttenqiqit les participes AWitqiqik, tqQi&tin" ituqrqh, ituqiqih, nqiqihin, ttenqiqih, et lcs formcc nominâlêcaqt4l, iqQten Dans cette famille lexicale, la racine dont la premièG radicale est rÉ-dupliquée, constitue la base commune à toutes les formes de mot construitcs.

Il nous semble, dans ce cas, en nous tenant seulement ur nivcau méthodologi-que, qu'il n'y a aucun intérêt pour le lcxicographo, à di*inguer, dans la prccédure dcclassification, enre les racines rédupliquécs et oclles qui ne le sont pas. Autrcmentdit, il serait plus économique, pour éviærJune dispeniog exagffi des formes, de ré-pertorier la racine ci-dessus à I'adresse QS et non à QQS. Iæ mênp principe de clas-sification peut être appliqué aussi pour des racines qui connaissent une doubte ré-duplication, procédé utilisé en berbère généralement dans un but expressif (cf. Azou-gaft, 1992: 114-135). [æs racines dlDy et FLFL foumissent, la première, avec lesens de ( être contusionné, meudri r, lcs verbcs dcficf fifl, tdeflay, sdeldel,sdeTday, sdeTdiy, les participes ideTdycn, deltlepîn, isùIdefi, sdc1depin et lesnoms adeldcf, asdeldey; la seconde, .avec le sens de < déborder (liquide qui bout) >,les verbes ftufel, ttefhtful, les participes ifluflen, tlufelnin, itteflufula tteflufulin et lenom aflufel. Ces racines illustrcnt la double réduplication CrC2Crq et seront doncclassées comnrc bilitères C1C2 : Dyet FL.

Une ælle option doit être cependant amendée dans les cas où les radicales rêdupliquées ne sont oas limitrophes. Les racines quadrilitères suivantes comDortent de.srad'icales rédupliquêes : SNSI,àyant le sens de < secouer violemment r et Îournissantles verbes ienlcl, Seniil, tlcnlil, tnhnie[ ttuleniil,ttu{enbl,les participes ilcrrîc&,z',ilenIiln, Ien{elnin, {enhkin, tlenhlnin, et les noms aienicl, itenhk et SKSllt avæle sens de < regarder, voir )r et étant la racine des verbes seksiw, sse&siw, des parti-cipes rsetsiwn, selcsiwnin, sselæiwnin et du nom aselsirv. Les deux racines ont lastructure CsC2C3Ca dans laquelle les deux radicales C1 et C3, quoique identiqucs, sontséparées cependant par une aube radicale et ne sont donc pas limitrophes. Pour cescas, il y a nécessité procédurale, afin d'identifier ces-racines, de les classer sous leurforme initiale, c'est-à-dire comme quatrilitères: SNSL et SKS\tr et non pas commedes trilitères SNL* et SKlry* car il n'y a aucun indice qui permetûa d'identifier cor-rectement les formes de mot construites à partir de leur racine d'origine.

[.e deuxième cas de figure concerne la variabilité de la réduplication des ra-dicales dans le paradigme lexical ; certaines formes comportent deux radicales iden-tiques, et d'autres une seule, tendue ou non tendue. Examinons quelques exemples:soit la famille lexicale suivante dont I'invariant sémantique est la notion de < mastica-tion > : les verbes feæ fed, feæ, feqi, tefzaz nufed, ttufeaa. nufepi,les par-

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lericogruphic bcrbèrc. Corstruction dcs fonus dt not ct classification de s cntées lcricùs

ticipes : ifeæen, tfean itefzaat, tefpgin, inufe4ep, inufeæin, inufrnm, ttulzaain,lcs noms alwz ifæm fitfr4, tufaz tffaz uffazr. A examiner ces différenæs unitéslexicalas, I'on cônstatc que la ileuxièrlre consonne radicale u est rédupliquée dansquelques formcs et elle est uniquc, tendue (feæ\ ora non tendue (tufrî), dans d'autres.Pour ces cas, et ils sont nombreux dans le lexique berbèrc, faut-il relever la racine bi-litèrc Fz ou la racine rédupliquée : la trilitère Fæ.n nous semble que, du point de vrcméthodologique et dans un souci de simplification de la classification, il est préférablcde reconsËrire, pour ees cas, les racines à radicale unique, car la rédirpticationn'ayant pas de rôle morphologique régi par des Ègles de grammaire est aléatoire etfluctuante, dépendant de I'arbitraire des signæ.

Nous avons examiné, dans ce qui précède, quelques faits formels de la racine enconsidérant la nature et les combinaisons des radicales. Nous avons proposé quelquesoptions méthodologiques qui doivent présider à la clæsification par racines en lexi-côgraphie berbère. Nos piopositions sont essentiellement dictées par le prlnciped'&oàomie et de simpliciié ei ne sont pas toutes justifiées par une quelconque théoriede la racine.

Rscine : forme et sens

La racine n'est pas cependant une simple forme basique d'un paradigme lexical et laconsidérer comme tellé est sans intérêt pour le lexicographe désireux de fournir des in-formations sur I'cgalrisation a lcs structuruions mcphosémantfolucs de la langue dont ilconfectionne le dittionnaire. La ræine ne ser4 dans cctæ perspcctive, qu'un simpleindicateur d'ordre et de r€groupement aberrants. Donnons un exemple pour montrerune telle aberration : les unités lexicales suivantes comportent toutes I'invariantconsonantique BD pris comme racine (n'est fourni ici qu'un seul élément, avec sonpremiersens, de chaque champ morpho'sémantique) :

bedd: << sÈ lever, se dresser >bdu: <( commencer, débuter >>abfu: << toujoure, tout le temps )tabadu: << canal d'irrigation >biddi: < obligatoirement, nécessairement >>lebda : << feutre (étoffe) >.

Signalons d'abord que le (L) initial de lebda est un article défini de I'arabe que le ber-bè-le garde lorsqu'il emprunte à I'arabe, mais ce morphèmo perd sa fonction en ber-bère.

Il est tout à fait évident qu'il n'est pas raisonnable, du point de vue lexi-cographique, de classer les formei de mot do'nnées en exemplc soui une rnême racine.Un tei relroupement transgresse la règle sémantique relative aux affinités de sens. Eneffet, auc-une relation sémàntique n'eit possible â établir entre les différentes formesde mot construites à partir de la séguence commune BD, il y a donc lieu de les dé-grouDer bien qu'ellei soient liées dans leur forme par la même charpente conso-ilantique. On cbnsidérera ainsi que nous avons affairê non Pas à une racine u1iqug,mais â plusieurs BD,, BD2, BDj, BD1, BD5, BDo, qui sont homophones mais diËférenciées quant à leur sens général.

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Le critère sémantique est donc important pour pouvoir donner à la racine un sta-tut théorique et pratiquè acceptable ed lexicolraphÏe berbère et pour qu;elle puisseêtre utilisée comme paramètre de classificationlÉ critère sémantiôue n'êst ceoàdantpas facile à circonscrire: selon quelle analyse peut-on différencièr sémantiduementdes. racines homopho-nes ? Autrement, qq'alpelie-t-on un sens général ? Est'.ce unenouon suffÉamment larg€ pour lntégrer diverses acceptions et nuanoes sémantiques ?Ou bien est-ce, au contràire-, un sens-irnique ?

. F telles questions redoutabl-rl nlottt malheurcusement, pas été I'objet de re-cherche en linguistique berbère. Mais, indépendamment de pro6lèmes de dmantiouethéorique, le lexicographe est confronté à d-es options méthôdolociques imoosées ôarl-es. l-ois 4g.gen.t. Il nous semble qq'il y a deui positions extrêries qui dôivent âteévitées si I'on veut que le travail leiicoglaphique ire soit pas en conuaiiction avec lesdonnées de la langue. (cf. Taifi, 1988 : 15-26).-

Premièrement la racine ne doit pas être considérée comme un simolc cnsembteinvariable de consonnes commun à uire série de formes de mot. Une ælfe qldon Der-mettra certainement l'éradication de I'homophonie des racines. mais celbS-ci nlau-raient plus aucun statut.théoriqug et aucune-signification. Elles ne peuvont être uti-lisée's comme principe de classrification du lexique, car les regroupiments des sous-entrées, c'est-à-dire des formes de-mot, sous ùne racine, seiont^hétérogènes et nec.onstitueront plus des champs.morpho-sémantiques. or, un dictionnaire, {'ui est, sansdoute d'abord, un travail-sur le leiique, doit nécessairement tenir comptè des struc-turations lexicales de la langue qu'il recense et présenter aux consulành de tellesstructurations. Définir la racine comme simple forme et I'utiliser comrne telle dans laclassification lexicographique aboutirait donc à établir des ensembles lexicaux com-posés d'éléments qui n'ont pas de relations sémantiqucs.

I*-.r"ço.ndq option extrême consiste È distinguer une racine pour chaque effet desens délimité, c'est-à-dire à attribuer aux unités-lexicalcs une stiicæ monosémie, enneutralisant les caractéristiques polysémiques du lexique. Ainsi. la forrrc de mot ifriayantquatre significations lpparentées: ( grotte >, < Caverne,r, ( gît€ r) et ( terrie; >sera classée sous quatre racines différcntes FRl, FR2, FR3 et FRq puisqu'à chaque sensunigue doit correspondre, selon I'option de la monosémie strictÊ,-une racine. Ûne ælleprocédure aboutirait, on s'en doute, à l'éclatement et à l'éparpillement du lexique enaugmentant excessivement le nombre des racines.

l-a position intermédiaire, celle adoptée par les quatre dictionnaires $&é-demment cités, tient compte des deux aspects déftnitionnels de la racine: la foime etle sens. Mais dans la pratique, les critèrei de différenciation ne sont pas touiours suf-fisamment clairs poui permettre une rigoureuse distinction et circonicriptiôn dcs ef-fets de sens. En fait, c'est l'éærnel et fameux plrénomène de I'opposition homoohonie/polysémie qui resurgit à chaque fois, phénoilrène caractérisanf toutes les langires dumonde,. mais plus épineux pour la lexicographie berbère à cause justement âe I'or-ganisation du lexique en racines et schèmes et aussi. dans l'état actuel de la linguis-tique berbère, de I'indigence des travaux en lexicologie et en sémantique.

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Lcxicographie bcrbère. Construction des.forntcs dc not et ckçsifrcation des entrées lexicalcs

Conclusion

Nous avons essayé, dans cette communication, d' in nombre de pro-r\ous avons gs-say€, oans ce$e communlcatton, d'exposer un certatn nombre de pro-blèmes de méthodologie en lexicographie bcrbère. Nous avons soutenu, en filigrâne,que la dictionnairique berbère ne peut faire l'économie de la racine comme pri--ncipede classification, car ce principe est imposé par la morphologie de la langue. La coni-que la dictionnairique berbère ne peut faire l'économie de la racine commede classification, car ce principe est imposé par la morphologie de la langue.de classification, car ce principe est imposé par la morphologie de la langue. La conrs-truction des formes de rnot se fait en effet par dérivation associæive, insérant les ra-cines dans des schèmes. La clæsification par racines bute, toutefois, sur des dif-ficultés.d-'appJication et de procédure. Nous-avons proposé des solutions à certainesde ces difficultés, solutions dictées par notre pratiquè. Mais il en reste d'autres, cellesconcernant, notamment, I'altération des racines et la dispersion des schèmes que nousavons décriæs dans des articles précédents (cf. Taifi, t 990a : zlg-232 et Taifi, 1990b :92-ll0). L'objectif de cette cohtribution est de participer à l'élaboration de la mé-talexicographie berbère.

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