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«Il est désespérément nécessaire queles gens comprennent que, lorsqu'onparle de " se battre contre le fascisme"il s'agit surtout de sornettes, sinonnous allons nous retrouver à nousbattre une fois de plus pour uneguerre impérialiste (contre l'Alle-magne) qui sera déguisée en guerre"contre le fascisme" et dix millions depersonnes mourront encore avant queles gens comprennent que le fascismeet la soit disant démocratie c'est blancbonnet et bonnet blanc» écrivaitGeorge Orwell dans une lettre datéedu 30 août 1937. Un peu plus haut surcette même missive il avertissaitqu' «on ne peut pas se battre contre lefascisme au nom de la "démocratie"parce que ce que nous appelons dé-mocratie, dans un pays capitaliste, nepeut exister que tant que les chosesvont bien ; dans les moments de diffi-culté, elle se transforme immédiate-ment en fascisme». Même si dans lecourant de la guerre qui allait suivre,Orwell pondéra quelque peu le pro-pos quant à la similitude des deux ré-gimes, l'actualité vérifie la pertinencede ses affirmations d'août 1937, trèspeu de temps après qu'il eût été té-moin actif de ce qui se jouait dans laguerre d'Espagne.

Les sornettes ont encore cours. Dansle spectacle ambiant le F.N. tient lerôle de l'épouvantail fasciste. Ses re-lents pétainistes, les éructations philo-nazies qui de temps à autre exhalentla misérable puanteur de sa connerienationaliste, par suite xénophobe, nesuffisentpas, si exécrables soient elles,à constituer le programme et la doc-trine d'un parti à proprement parler

fasciste. Le Front n. n'est que réaction-naire et traditionaliste.

Le Front n. n'est jusque là qu'un ho-chet, un repoussoir-faire valoir fortutile au système de domination enplace, dont l'accès à quelques parts degâteau est l'objet essentiel des aspira-tions du ramassis de politiciens quicomposent les instances dirigeantesdu parti. Des dirigeants qui ne se dis-tinguent guère en cela de ceux desautres partis «démocratiques et répu-blicains».

Tel le lamparo qui attire les poissonsvers des filets de pêche, le F.N. attire àlui des masses de gogos mécontentsqui n'ont toujours pas compris à quoisert le droit de vote du couillon de ci-toyen, tandis qu'il concentre contre luiles élans anti-totalitaires d'un grandnombre de gens, malheureusementbeaucoup moins alertés par la mise enplace déjà bien avancée du totalita-risme «néo-libéral» en nos contempo-raines démocraties capitalistes. Cettevariété dictatoriale n'a nécessité au-cun recours au fascisme classique,rendu désuet par la moderne puis-sance technologique de gouverne-ment, de contrôle et de persuasionsubconsciente. Elle se développe avecl'appui inconditionnel des partis «dé-mocratiques de gouvernement»,maîtres d’œuvre en alternance dumaintien de l'ordre par les forces ar-mées de l'État. Des forces armées ré-publicaines comme un 17 octobre1961. Républicaines comme la mort

de Malik Oussekine en décembre 1986ou celle de Rémi Fraisse plus récem-ment. Comme celle de ces gaminsharcelés, morts dans un transforma-teur à Clichy-sous-Bois. Comme cellesde tant d'autres encore, victimesd'euphémiques «bavures».

La différence entre le Front n. et laconcurrence électorale est beaucoupmoins une question de nature que dedegré, l'écart étant au demeurant as-sez ténu. Des années avant l'accessionau pouvoir du parti nazi, le social-dé-mocrate Noske et son gouvernementpunissaient déjà le peuple allemandd'un terrible déluge répressif, pouravoir voulu conquérir sa souveraineté.Le fascisme n'est ni exo ni extra capi-taliste. Il n'en est qu'un moment. Quoiqu'il s'affiche anti-capitaliste dans lesphases de conquête du pouvoir c'esttoujours au profit des puissances fi-nancières et industrielles qu'il imposesa loi. L'anti-fascisme est une postureréductrice et largement insuffisantedans la perspective de la lutte pourl'émancipation. Pour éradiquer cephénomène politique il faut viser bienlarge. Combattre avec opiniâtreté toutce qui dans l'idéologie dominante etles mœurs quotidiennes qu'elle induitfonde, indépendamment de l'instau-ration du dit régime, la psychologiede masse du fascisme.

«Le ventre est encore fécond d'où asurgi la bête immonde» concluaitBrecht en 1941 dans l'épilogue de LaRésistible Ascension d'Aturo Ui. C'estbien au ventre qu'il faut s'en prendre.Pour en finir avec tous ses excré-ments!

30 janvier 1926 – Paris. Pic démocratique : le chef de la police interdit de jouer la version jazz de l'hymne national, La Marseillaise.

NUMÉRO 20 - HIVER 2015

L'OS À RONGER

é d i t o

Participaion aux frais : libre.

POIS CHICHES SOLIDAIRES

*6 euros le paquet de 2 kg Christine Foissac* 50% du prix reversé Lintin 81140 Cahuzac sur vère*Bio Tél : 05 63 56 35 43

Cette année, j 'ai fait une nouvelle culture : du pois chiche.

Avec dans l'idée de les vendre en direct et d'en alimenter une caisse de solidarité pour des éleveurs qui neveulent plus cautionner le système qui les broie.

Ces éleveurs sont Nathalie Fernandez et Laurent Larmet de Montredon-Labessonié. Ils ont été sanctionnés de20 000 euros (suppression de primes agricoles + amende) pour ne pas avoir identifié à la mode administrative leursbrebis et notamment parce qu'ils s'opposent à l'identification par puces RFID.

Malheureusement, je ne suis pas suffisamment équipée pour faire un tri parfait, donc soyez indulgents :prenez quelques minutes, avant de mettre les pois chiches à tremper, pour enlever quelques ratages du triage.

Je ne suis pas non plus habituée à une vente de ce genre de «produits» (pas de circuits de magasins). Et alorsj 'ai choisi de les vendre par 2 kg. Ce qui va sûrement amener certains à partager avec un copain, un voisin, uncousin… Ainsi, cela permettra d'en parler autour de vous et d'en faciliter la commercialisation.

Le déroulement même de la lutte contre l'oppression quotidienne engendre dans les rapportssociaux des modifications bénéfiques; des éclosions ou des rejaillissements de solidarités d'oùpeuvent germer, pour peu que l'on s'entête, des mondes plus accueillants, plus humanisantsque celui où il nous est malheureusement vendu d'y si mal vivre.

fondamentalement éga-litaires. Outre la lecturede ses ouvrages publiés,la consultation de sesdeux blogues est degrand profit.

L'un "LA RÉVOLU-TION ET NOUS" estentièrement réservé àses fouilles de la Révo-lution française.

L'autre "LIGNES DEFORCE ", est de naturegénéraliste. S'y trouveréuni un bel éventail dethèmes, riche d'apportsutiles à toute réflexionsoucieuse d'avancéesémancipatrices.

Claude Guillon, écri-vain et essayiste, pour-suit et produit de trèsintéressantes études surla Révolution françaisedans ses particularités lesles plus radicalement an-ti autoritaires, les plus

C'est surtout à titre d'exemple à imiter, multiplier, répandre en d'autres domaines que nous reprenons cette

information. Quand pourra être lu ce numéro de Régénération, les pois chiches en question auront probablement été

épuisés. Mais Nathalie Fernandez et Laurent Larmet ne seront pas encore sortis d'affaire pour autant.

SINISTRES ENDORMEURSQuel dommage que Franco la muerte soit mort.

Il n'a pu, malheureuse conséquence, participer aulithurgique défilé qui le 11 janvier à Paris a soulevéle lyrisme servile de la valetaille médiatique. Sonnom n'aurait en rien détonné dans la liste desglorieux V.I.P. invités par l'État français.Républicain, ça va sans dire. Il n'aurait pu se sentirdépaysé en compagnie des malfaiteurs d'État deson acabit qui se trouvaient là. Il aurait fournil'épaisseur historique qui manque encore à seshéritiers. Le voir marcher en défense de la libertéeût été encore plus désopilant que le spectaclequ'offraient monsieur Rajoy et le reste de lamagnifique brochette d'experts en décrets et loisliberticides.Malfaiteurs.. . Et bienfaiteurs étatistes? Tiens, il nem'en vient aucun à l'esprit.

Sancho.

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2 Régénération n°20 Hiver 2015 7

L'enterrement annoncede tout près la pourriture.Les citadins, les lettrés, lesdéracinés lui préfèrent lefeu purificateur ; lescendres seront dispersées au hasard des lieux ducœur, parachevant ainsi le destin fabuleux de cesnouveaux citoyens du monde. Et peu importe cettetristesse désarmée qui envahit les rares personnesprésentes, qui souvent ne se connaissent même pas.Dans la Salle des Adieux du Funérarium ons'efforce de rendre hommage aux goûts du mort,poème, texte aimé, musique, histoire de faire durer.

Les ruraux, ceux qui restent ancrés dans un lieu,sont fidèles à la tradition catholique, à l'inhumationdans le caveau familial. Mais j 'ai découvertrécemment que là aussi on ne veut pas être en reste,on expérimente une nouvelle forme de culte desmorts.

Cathy, la soixantaine, a fait sa vie à Marseille puisest revenue dans son village natal, avec pour bagagela maladie d'Alzheimer. Accueillie par sa sœur, elles'est levée au milieu de la nuit, s'est dirigée vers lapiscine, et s'est noyée. Le jour de l'enterrement,adossé au mur de l'église, j 'ai été rejoint un instantpar le croque-mort, une connaissance. Il m'a donnéson point de vue de professionnel : «Ça n'arrête pas!Hier on était dans le village voisin ; une femme de50 ans, un cancer. Qu'on n'aille pas raconter quel'espérance de vie continue à augmenter!»

Habituellement, seuls les anciens du villageaccompagnent les familles, par solidarité, partradition. Cette fois débarque une flopée de jeunes :enfants, petits-enfants, copains? Tout de suitel'ambiance vire à la tendresse collectiverevendiquée, c'est le parti des gens de bonnevolonté. Je fais le rapprochement avec les marchesblanches vues à la télé : ici pas de meurtrierpédophile, mais la mort aveugle, fasciste. Tout lemonde s'engouffre dans l'église; je n'ai pas lacuriosité d'aller voir, manque d'habitude.

Huit jours après, rebelote, c'est au tour de Gaby.Soixante trois ans, elle traînait un cancer. Beaucoupde monde, une belle affiche ! Les circonstances de lamort confèrent donc une dignité particulière. Rien

de comparable avec lepublic clairsemé quand ils'agit d'une mort"naturelle", c'est-à-dire devieillesse. Si d'habitude

seuls les croyants, peu nombreux, assistent à lacérémonie religieuse, là tout le monde y va, et cettefois moi aussi.

Une bénédiction c'est une messe en abrégé ; lafamille choisi, sur catalogue, le psaume qui sera lu,le thème à méditer. L'église est pleine à craquer. Auxmoments du signe de croix on surprend desregards, on observe le voisin, on imite. Le curé, malà l'aise, fait son boulot, prêche l'humilité, maiscraint d'être débordé. Au moment de lacommunion, par peur de manquer de munitions, ilprévient : «Que ceux qui croient vraiment viennentcommunier, et que les autres restent à leur place!»

La véritable célébration c'est pour après. Ceux quiattendaient leur tour, les amis, les copains, sesuccèdent au lutrin pour faire le panégyrique deGaby : ce n'était pourtant qu'une brave femmeordinaire, mais elle aura droit à son moment decélébrité. Puis on termine avec la chanson mélo dePiaf, celle qui dit : «Que m'importe puisque tum'aimes!» C'est un peu comme si on révélait lessecrets de la vie de Gaby. Le véritable sujet del'enterrement ce n'était donc pas la famille, mais cesgens qui idéalisent la morte ; ils se passeront bienun jour des intermédiaires ecclésiastiques pourcélébrer librement leur culte des morts.

Peut-être ont-ils voulu rendre hommage à cesfemmes parce qu'ils ont senti confusément qu'ellessubissent une injustice, qu'elles sont des victimesqui payent à leur place : car ils se savent touscomplices d'un mode de vie coupable, qu'ils neremettent pas en question. Ils se sentent seuls etconjurent le sort qui pourrait les frapper à leur tour,ils l'exorcisent.

Jean-Claude LEYRAUD

Victime de laMort.

Mort. — Chut! N'en parlez pas. Cette peur qu'elle prendra

pour du mépris, finira par la vexer, vous verrez qu'elle renoncera.

Voyez comme le troisième âge a euraison des vieux!

Jan dau Melhau.(MON DICTIONNAIRE ouMais qu'est-ce que je fous dans ce merdier)

Dans l'état actuel des choses il reste encore àréunir environ 30 000 € pour construire la grandesalle. C'est impressionnant mais en beaucoup dedomaines la mise en commun de petites possibilitésindividuelles permet d'atteindre ce qui au premierabord pouvait sembler hors de portée, vaincre cequi avait l'air insurmontable, réaliser ce qui auxmalheureuses solitudes timorées, grincheuses,tourmentées et rongées de pessimisme paraîttoujours chimérique. Alors, rêvons un peu…

Trente personnes possédant les moyens de sedéfaire de 1000 € chacune suffiraient à boucler lebudget. Et même soixante prêtes à offrir 500 €, cequi dans un pays de plus de 60 millions d'habitantsdont la plupart ont à se plaindre de l'état du mondedevrait se rencontrer plus aisément qu'un merleblanc ou un mouton à cinq pattes. Il s'en est du restedéjà trouvé pour apporter au projet de substantielssoutiens de cette sorte. Mais baste, il ne s'agit pasd'une affaire à vocation intimiste appelant laréunion entre soi de quelques raretés.

Cent vingt belles générosités de 250 € chaque,rassembleraient aussi bien le nécessaire trésor. Lesmoins fortunées étant le plus grand nombre, ce n'estpas faire preuve de démence que d'imaginer qu'ilpourrait s'en trouver deux cent quarante capablesde consacrer 3,50 € par mois pendant trois ans à lacréation du centre. Il ne faut pas plus de quatre centquatre vingt bourses aussi généreuses que modestespour que le projet devienne bientôt réalité grâce àdes participations de 1,75 € par mois, trois annéesdurant.

Se livrer à des quêtes façon curaille constituerait,chez des partisans invétérés d'une permanencegénéralisée du gouvernement de soi par soi-même,«à tous les étages», une malencontreuse curiosité,dénoterait une disposition d'esprit assezdisgracieuse et quelque peu claudicante. Aux yeuxde la petite assemblée qui a pris l'initiative de cetteentreprise, il n'est pas question de voir lescontributions financières cantonnées à n'être quecela. Tout autant qu'une demande d'aide financièrecet appel est une invitation à la mise en relations debonnes volontés, de vitalités égalitaires portées parquelque passion à s'unir pour produire et partagerun bien commun. Il y a matière à entrer dans le jeupour lui apporter du souffle. On peut songer dansun premier temps à ce que se forment de petitsgroupes d'amitiés pour récolter des fonds, maisaussi pour faire courir l'information, suivre etsurveiller le déroulement du programme, venirparticiper sur place aux réjouissantes avancées de laconstruction, espérons nous, et aux développementsde ses suites.

Qui veut apporter son aide peut s'inscrire dans lamodalité de son choix, voire en combiner plusieursou même en inventer et les proposer. Des chèques àl'ordre d'Étais d'Émancipation sont les bienvenus.

Étais d'Émancipation37 rue Anatole France42800 RIVE de GIER.

Ou, pour des virements, demander le RIB del'association à la même adresse, ou par internet à :

[email protected]

Aider à l'établissement du Centre.

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3Régénération n°206

Ignorance programméeet culture du secret sontdes éléments capitaux detoutes les stratégies deconquête et conservationdu pouvoir. Interdictionétait faite aux esclavesd'apprendre à lire mais ils savaient chanter. Le cante

hondo du flamenco, le blues et d'autres formesailleurs et à différentes époques, avaient pu émergeret se répandre pour exprimer la culture vivante dupeuple, avec ses joies, ses peines, ses douleurs et sesrévoltes. Personne ne chante plus aujourd'hui sur leschantiers, usines, champs et ateliers. La marchandi-sation du monde est parvenue à liquider la cultureautonome du peuple, subversive par nature, pourlui substituer une «culture» de masse, prétendu-ment populaire et «démocratisée». Propagandemasquée et publicité mercantile organisent avec uneterrible efficacité le brouillage des lectures dumonde et de son histoire.

Assis en bonne part sur l'organisation d'une amné-sie collective, le monopole culturel exercé par la do-mination est une arme d'asservissement massif.Langage et mémoire sont au centre de la lutte pourou contre le contrôle de la pensée publique, pour oucontre le contrôle des populations. Négliger l'actionsur ce terrain n'est pas de nature à embellir la pers-pective d'un renversement de l'ordre oppressif et ré-pressif du vieux monde.

Il ne manque pourtant pas de voix qui encores'élèvent, mais en maints endroits sont dressés desmurs dont le plus répandu, et non le moins redou-table, est celui du silence. Ou presque. Il est aussid'autres voix plus anciennes, braises toujours incan-descentes de la mémoire des «vaincus», qui de-meurent conservées sous des formes diverses :livres, brochures, documents d'archives, tracts, filmsetc. qui ne sont pas non plus d'accès très facile. Etquand bien même le seraient ils, ce ne sera jamaistrop. De tels trésors existent. S'ils demeuraient enusage restreint, confidentiel et réservé aux intellec-tuels de profession, il y a fort à parier qu'ils per-draient de leur potentiel subversif et émancipateur.

Une accumulation de plus de 3000 livres, au moinsautant de DVD, des centaines de brochures, des do-cuments d'archives anarcho-syndicalistes, des filmssur support argentique et le matériel de projection

adéquat en super 8, 16 et 35mm, attendent la constructiondu local de stockage etconsultation qui permettraqu'en nombre on puisse envenir tirer tout le jus, toute la«substantifique moelle».

Ce centre documentaire, avec les aménagementspermettant des séjours de toutes durées, devait àl'origine être installé dans la «Ferme agro-poétiquede Malescalier», acquise à cette fin près de La Salve-tat sur Agoût, dans l'Hérault. Il a fallu déchanterhélas et se rendre à l'évidence que les conditionsgéophysiques du lieu sont assez peu compatiblesavec l'intégralité du projet. Il a donc été décidé de ledéplacer de quelques kilomètres, toujours dansl'Hérault, du côté de Minerve, pour rejoindre laFerme du Maquis et son collectif paysan de Craviro-la.

Il reste un obstacle à franchir : le financement du lo-cal. Unies dans le projet, les associations Étaisd'émancipation (42800 Rive-de-Gier), Cinépelloche(26400 Crest) et Germinal (75011 Paris) œuvrent en-semble à la création d'un réseau de soutien. Contact,pour participer ou pour demander des complé-ments d'information:

[email protected]

Souscription pour un Centre

documentaire anti-autoritaire en

milieu paysan.

En hommage au journal fondé en 1900 auMexique par Ricardo Flores Magón.

Trimestriel édité par l'association Germinal

21 ter rue Voltaire-75011 Paris.

[email protected]

Tirage limité, pour cause de financesdégraissées.

Ont participé à ce numéro : Michel GARONNE, Claude

GUILLON, Sarah LETOUZEY, Maurice LOCQUIN, Toni

ROUVEL et nombre d'amis et de passants inspirateurs.Projet de bibliothèque, salle de lecture et de projection.

LE FAIT SAILLANSVers une reprise des communaux?

À l'issue du premier tour des élections municipales demars dernier, le communiqué assez peu banal transmisd'un village pratiquement inconnu à l'échelon national,semblait porter la marque distinctive d'un facétieuxcanular :«À Saillans (Drôme), les 1199 habitants ont tous

été élus au premier tour.»

Et pourtant, agréable surprise, la chose relevait del'évènement tangible, d'un fait de société bien concret.Certes pas une révolution. Pas encore la Commune, maiscela sonnait déjà comme la joyeuse ouverture d'un petitatelier où en faire l'apprentissage. En effet, venait d'êtreélue au premier tour et à une très coquette majorité, uneliste collégiale, c'est-à-dire sans leader spectaculaire, etsans programme, ou plutôt dont le programme n'étaitautre que celui qu'en cas de victoire allait bien vouloirétablir et conduire la population elle-même…

Tout avait commencé au cours de l'été 2010 par unelevée de boucliers villageoise contre la décision duConseil municipal d'entériner le projet d'installation d'unsuper marché dans la zone artisanale existante, enpériphérie du village. Les refus réitérés du Conseil

municipal de tenir compte de la volonté exprimée deshabitants allaient pousser à la formation d'une union desprotestataires qui prit bientôt des allures d'assemblée devillage. Le succès d'audience auprès d'une populationappelée à se donner les moyens de peser sur les décisionspubliques la concernant, fut net, rapide et massif. Lafloraison de convivialité qui s'ensuivit et la dynamiquecollective de l'autogouvernance firent qu'après la victoirecontre le projet de supermarché il n'était plus questionpour un certain nombre d'administrés de regagner lacoquille operculée du citoyen abstrait, appelé à ne voterque sa soumission, qui fait l'ordinaire de la démocratiereprésentative.

Près de dix mois après son élecion, l'équipe, confrontéeà l'hostilité marquée des Conseils municipaux classiquesdu département, continue à tenir ses promesses. Bien sûril a fallu, sous peine d'invalidation par les autoritéssupérieures de l 'État, élire un maire et se plier aux règleset lois d'une République autogérée par la classedominante. Mais l'intrusion populaire dans l'instancelocale du pouvoir crée une micro fissure de la muraille dedéfense des institutions qui sous la poussée de la base, sielle en manifeste la volonté, peut aller en s'élargissant.Pour l'heure, la politique municipale est orientée par descommissions ouvertes à tous les habitants. La suite desévènements mérite attention.

Michel GARONNE

HIVER 2015

À Spezzano Albanese, bourgade comptant plus de 7000habitants et située dans le sud de l'Italie, en Calabre, c'estdepuis 1992 qu'est menée une expérience communalistede contre-pouvoir à partir d'une Fédération municipale de

base qui constitue une sorte de commune parallèlepratiquant la démocratie directe. Un bel outild'information, de critique et de dénonciation publiques,une école d'émancipation développant une appréciablepuissance de contestation et de propositions.Cette stratégie se distingue nettement de l'aventuremunicipaliste de Saillans par la pratique de l'actiondirecte. En se tenant à l'écart de l'institution du pouvoirlégal on évite toute obligation tutélaire de participer aumaintien de l'ordre coercitif que tout appareil d'État faitpeser sur les populations qu'il contrôle. Rien n'empêche,dans le cas de Saillans ni nulle part ailleurs, de s'eninspirer pour procéder de la sorte.Un documentaire réalisé en 2003 par David RAPPE etGuillaume BURNOUD, La fédération municipale de base ou

la démocratie directe contre le pouvoir municipal, dresse lerécit des luttes, rend compte de l'expérience et del'histoire de cette entreprise anti-servitude, en s'appuyantsur des témoignages de militants et d'habitantssympathisants.

Tandis que sous une autre lattitude.. .D'une durée de 35 minutes, il est téléchargeable. Taper"Film Spezzano" sur Google puis cliquer sur"SPEZZANO ALBANESE, la fédération municipale debase ou..."

MG

Pour en savoir plus : Le mieux, aller déambuler sur place et discuter au gré des rencontres avec les habitants.À défaut, taper "Pays de Saillans vivant" sur google.

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HIVER 2015Régénération n°20 54

Que veut-on nous faire accroire, de sommetséconomiques en communiqués officiels? Ceci :l'histoire de notre espèce finit là, dans le capita-lisme planétaire, le gaspillage durable des res-sources naturelles, et –pour les plus méritants–la démocratie représentative. Et ceci encore :toute tentative de rompre avec l'ordre «naturel»et inégalitaire des choses, des classes et desgenres, mène à la Terreur, au despotisme totali-taire et aux camps de travail.

Historiens, sociologues, économistes, philo-sophes et sociobiologistes viennent confirmer ledécret. Les plus empressés sont des ci-devantceci ou d'anciens cela. Ils étaient staliniens ; ilsperpétuent le mensonge du maître en assurantque le goulag incarnait bien le socialisme, illu-sion tragique et sanglante.

Or voici que la Révolution française –merciBarnave!– nous enseigne que ce discours, n'esten rien actuel, et que c'est abusivement qu'il seprévaut de la sagesse antitotalitaire de la fin duXXe siècle. C'est l'un des objectifs du présentopuscule¹ de rappeler que ce discours de néga-tion de l'histoire comme étant faite par leshommes, et non seulement subie par eux, futrepris aux religieux par les bourgeois de 1789, etqu'ils l'opposèrent très tôt aux sans-culottes. Ils'agit du discours d'une classe, qui veut inter-rompre le mouvement de la révolution avantqu'il ne menace ses intérêts. Autrement dit : lebon sens bourgeois comme préservatif contrel'élan révolutionnaire naît dans et contre lecours même de la Révolution française. Ils sontexactement contemporains.

Si elle connaît, dans la réalité comme dansles manuels, des «causes» et des «origines»(mauvaises récoltes, endettement de l'État, im-prégnation des élites par la philosophie des Lu-mières, etc.), la Révolution française n'endemeure pas moins un évènement imprévisiblepar ses protagonistes mêmes. Un précipité, ausens chimique, jamais connu auparavant.

Les idéologues bourgeois assurent, dès 1791–soit un an avant la proclamation de la Pre-mière République, le 21 septembre 1792– que larévolution est désormais inutile puisqu'elle a eulieu. Mais on peut dire aussi bien, en 2011comme en 1791 : la révolution est possible parcequ'elle a eu lieu. Renversons la proposition : sij 'exclus par intérêt, niaiserie ou fatalisme, lapossibilité d'une révolution au XXIe siècle, im-prévisible dans son déclenchement et dans saforme, je révise du même coup le passé. Si lesévènements imprévisibles sont impossibles,alors la Révolution française n'a pas pu avoirlieu. On objectera que les motifs matériels etmoraux, qui justifiaient et expliquaient la révo-lution en 1789-1791, ont peut-être perdu de leurforce. Existent-ils seulement? Et voici la circula-rité du sens bourgeois. La «question» est celleque pose Barnave en 1791 ; or il la pose pouréviter la république et pour éviter l'atteinte à lapersonne du roi, qui sera bel et bien guillotinéle 21 janvier 1793. En somme je devrais ad-mettre la pertinence actuelle de la question –enfait, un interdit plutôt qu'une interrogation–parce qu'elle a échoué à prévenir les révolutionsdepuis deux siècles!

En effet, cela a été le souci de toujours de labourgeoisie –sans parler de la noblesse revan-charde, peu à peu écartée de la scène– de conju-rer le spectre du retour révolutionnaire : 1830,1848, 1871, 1936, 1945, 1968… Il a fallu, pourtant,contre les Bourbon ou l'État français, réassurerla République, se servir du peuple et le conte-nir, c'est-à-dire ramener le curseur de l'histoirepolitique et sociale sur l'année 1792, mais enparlant très haut du progrès et du changementdes temps! Il a fallu, certes, tirer sur les ou-vriers, mais non sans avoir supporté qu'ilsfassent un peu du travail (salissant) de l'his-toire : barricades, maquis et poteaux d'exécu-tion. Ces corvées expédiées, on leur dit«Maitenant, aller plus loin est impossible, in-utile, et par surcroît dangereux.» Le mensongebourgeois sur l'histoire est de validité perma-nente!

Et moi je suis de celles et de ceux qui jugentsouhaitable de continuer la révolution commeprocessus, une révolution dont le prgrammen'est certes pas «fixé» –le diable nous en garde!–parce qu'elle est le projet d'émancipation quirend tous les autres possibles. Je dis : un projet,en aucune manière une «croyance».

Les six années de la Révolution française l'illus-trent bien : une révolution est d'abord un pro-cessus concret, collectif et contradictoire, à lafois passionnel et matériel : les femmes et leshommes s'y impliquent et s'y changent enmême temps qu'ils s'essayent à changer lemonde. Ce que produisent les hommes, ce quise produit entre eux les produit et les change².C'est ainsi que ceux qui font l'histoire luidonnent sens, ainsi qu'à leur vie.

Le christianisme revendique un peu plus dedeux mille ans d'âge ; le capitalisme deux cents.Comparés au temps de vieillissement d'un bonwhisky, ces durées ont de quoi faire impression.Cependant, l'homme de Néandertal, espècecousine et rivale de notre ancêtre Sapiens, a vé-cu sur Terre trois cent mille ans… avant de dis-

paraître. L'équivalent de 150 fois l'èrechrétienne et 1 500 fois la longévité à ce jour dusystème capitaliste. On voit mieux, à la lumièrede cette comparaison, ce qu'ont de dérisoire lesprétentions de ces accidents de l'histoire à enincarner l'immuabilité ou l'achèvement. Voilàqui nous rapproche, au sens chronologiqued'abord, des Enragés parisiens et lyonnais :nous sommes, eux et nous, dans une communeunité de temps, fort courte à l'échelle de l'his-toire de notre espèce. Parions donc que nous ensommes à sa préhistoire, et que tout demeurepossible, à imaginer et à réaliser.

1-Claude GUILLON. NOTRE PATIENCE EST À BOUT

Éditions IMHO-Paris 2009.

2-Où l'histoire peine parfois à cerner ces changements et ces

productions, la sociologie des mobilisations, enquêtes

menées au fort des mouvements sociaux, apporte de pré-

cieux éclairages. Cf. Cohen Valérie, «Transformations et de-

venir des mobilisations de chômeurs», Les Mondes du

travail,n° 6, septembre 2008

La contre-révolution aujourd'hui : la fin de l'Histoire

À part quelques victimes d'addiction àune puissante drogue (et l'accoutumanceaux idées toutes faites en est une) quipeut admettre qu'il est possible d'être à lafois économiquement enchaîné et politi-quement souverain? Le peuple «citoyen»,dit «souverain» par la Constitution, estconstitué dans son énorme majorité desalariés. Or le salarié est enchaîné par dé-finition, soumis à son employeur par unlien de subordination garanti par les loisde la République. La constitutionnelle«souveraineté du peuple» n'est donc quepure fiction. Elle ne peut abuser quecelles et ceux qui ont été dressés à resteraveugles devant la réalité, dressés àcroire. D'autres en abusent sans ver-gogne, notamment les politiciens et leursproches loufiats du conglomérat média-tico-culturel.

De fait, la souveraineté politiqued'une population n'est compatible avecaucune forme d'exploitation pouvant pe-ser sur elle. Les sans-culottes, paysans,artisans, ouvriers des villes, l'avaientbien compris. Ils s'unissaient en libres as-sociations pour s'opposer, sur la base decommunes autonomes, au «million do-ré» et son régime de gouvernement re-présentatif, outil de maintien desconditions d'enrichissement de la nou-velle minorité dominante, l'oligarchieploutocratique. L'un des moteurs dumouvement populaire était la récupéra-tion des «communaux», dont les villagesavaient été spoliés sous Louis XIV auprofit de la noblesse. La bourgeoisie avaitbesoin pour ses affaires de restreindre lamarge d'autonomie des couches popu-laires. Déposséder la paysannerie de sesterres de propriété collective allait y par-ticiper. Les communaux furent donc ré-duits à l'état de pures marchandises et

ainsi récupérés par les nouveaux maîtresde l'ordre social.

La guerre de la couche dominantecontre l'autonomie individuelle et collec-tive de la gent dominée n'a jamais cessédepuis, menant à la quasi extinction de lapaysannerie. Le peu qui en reste est tou-jours l'objet d'attaques, comme l'obliga-tion du contôle par puces RFID destroupeaux d'ovins et de caprins. Obliga-tion qui ne saurait présenter d'autre inté-rêt que la concentration des capitaux auservice de la détérioretion des modes devie humains et de la destruction agro-in-dustrielle du monde. Contre cette obliga-tion, quelques poignées de résistants sesont levées et des solidarités se mani-festent, telle cette initiative de «Poischiches solidaires» communiquée endernière page.

Toni ROUVEL

L'Arnaque au«Peuple souverain»

Texte extrait de l'ouvrage de Claude GUILLON,Notre patience est à bout.

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