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Fac. Lett. Rev.(32), Otemon Gakuin Univ, 21, March 1997
〈Ma mere est professeur de Kumon〉〉oula
tendance a dire avec le moins de mots
possibles observee dans la redaction
des debutants japonais
Keisuke Nakamura
Introduction
〈Ma m己re est professeur de Kumon >〉,c'est une phrase que j'ai trouv6e, ,ily a
nplusieurs ann6es, dans la r6daction d'une de mes 6tudiantes. Avec cette phrase toute
seule, sans autre mention, elle voulait dire ce que faisait sa m己ve. En effet, ce n'§tait
pas du tout difficile de deviner son id6e pour moi, et peut-Stre pour les autres
enseignants japonais non plus. Mais, les professeurs strangers seraient-ils arriv6s &la
comprendre, du moins ceuχ qui ne sont pas au courant du syst己me scolaire au Japon,
en d'autres termes, ceux qui ne connaissent pas les diff6rents aspects de la soci6t6
japonaise?
Cette 6tudiante etait &ce moment-la au d6but de sa deux沁me annSe de ses etudes
de francais, dans une classe sp6cialiste. Au bout d'un an de ses etudes, elle n'fetaitplus
une debutante au sens strict du terme, mais elle l'6tait en ce qui concerne la redaction:
elle ecrivait des phrases courtes sans liens entre elles. Elle n'essayait pas de vraiment
rediger un texte. R6diger exige en effet d'fetablir des liens, d'expliquer ou de deve-
lopper certains points.
C'est dans ces conditions qu'elle s'est efforcee d'eχprimer en francais ce qu'elle
voulait dire, mais elle n'a pas su tenir compte des conditions necessaires qui l'auraient
permis de se faire comprendre meme par les strangers qui ne connaissent pas bien la
soci6t6 de son pays.
Pourquoi n'y est-elle pas arrivee? Oil r&ident les problemes? Quelles sont les
-113-
≪Ma mere est professeur de Kumon ≫ou la tendance a dire avec le moins de mots possibles observfee dans la rtdaction des debutants japonais
causes qui r ont amenee a 6crire cette phrase, qui, me semble-t-il, represente typique-
ment la tendance a economiser des mots. tendance que les apprenants japonophones
evitent difficilement.
Nous voudrions, dans cet article. discuter sur ces prob弛mes, d'abord au niveau
linguistique. Nous chercherons les causes de cette tendance dans les particularit6s de
la langue maternelle des 6tudiants, en Foccurrence, le japonais.
Ensuite, nous essaierons d'approcher ces probl&mes d'un point de vue psycho-
sociologique. Les 6tudiants, qui sont a un age oil I'on a tendance 含くくetreegocentri-
que〉〉ou≪くtroppersonnel≫, n'eprouvent pas la n6cessit6 d'eχpliquer ce qui les concer-
ne, leur situation, etc. On pourrait appeler aussi cette attitude de la くくparesse≫,mais il
ne faut pas oublier non plus une sorte d'ignorance : ils ne se rendent pas suffisamment
compte qu'ily a tant de diffSrences, par eχemple, entre leur vie d'etudiant au Japon et
celle dans d'autres pays. En tout cas,les causes sont compleχeset se situent a des
niveauχ diff6rents.
Chapitre l Au niveau linguistique
Construction“~wa~desu"
I. Construction “~wa~desu" et le verbe §tre
Quand on regarde de pr6s la phrase de notre 6tudiante, 0n peut remarquer
facilement une sorte d'insuffisance,et cette insuffisance vient, je suppose, de la
traduction trop directe de ndee qui a tout de suite 6merge a l'espritde I'etudiante et
qui est naturellement passee par des mots japonais.
Lesenseignants japonophones, 0ules enseignants francophones qui connaissent
bien le japonais peuvent facilement deviner son idee de depart et les mots japonais qui
la portent:≪Watashi no haha wa kumon no kyoshi desu.≫ Avec rexplication de
chaque mot et le sch6ma ci-dessous,il est facile de comprendre que chaque mot
japonais correspond Iitt6ralement a chaque mot francais.
watashi =pronom personnel, singulier,prem治re personne
no = particule enclitique d^signant I'appartenance
haha=nom d6signantくくmere≫que I'on utilisequand on la pr6sente auχ autres
wa =particule enclitique designant le sujet ou le theme
-114-
Keisuke Nakamura
desu =la forme polie de ≪da ≫. Avec≪wa ≫,cette eχpression peut servir a qualifier
ou dSfinir une personne ou une chose.
≪Watashi no haha wa kumon no kyoshi desu.≫
≪Ma m己re est
-professeur de Kumon≫
Voilale mecanisme ou le processus a travers lequel l'etudiante, partant de la
phrase:〈〈Watashi no haha wa kumon no kyoshi desu〉〉est parvenue a cette phrase
francaise : ≪Ma m肘e est professeur de Kumon ≫. EUe a traduit des mots et elleles a
arranges dans I'ordre du frariQais.Chaque mot traduit appartient au leχique francais,
l'drdre des mots, a la syntaχe francaise,tandis que la maniere d'eχprimer ainsi que
celle de penser appartient, elle plutot au japonais. Cela veut dire qu'avec le moins de
mots possibles et avec une forme d'eχpression de type ≪wa~desu〉〉,elle aurait voulu
faire comprendre son id6e en comptant sur le conteχte et d'autres informations sous-
entendues. Mais cela ne va pas avec les strangers qui ne sont pas en possession
d'informations prScises sur la society du Japon.
D'ailleurs,c'est justement cette expression ≪くwa~desu≫ que les Japonais privi-
16gient,et sur laquelle les fetudiantsjaponais ne peuvent pas s'emp己cher de s'appuyer
quand ils veulent eχprimer une id6e. Pour nous japonophones, c'est une eχpression
d'autant plus seduisante que trds compacte, grace a laquelle nous pouvons qualifier
2)une personne ou une chose. ou encore exprimer quelque chose sur tous les etres de
3)l'univers avec le minimum de mots.
Quand les etudiants traduisent mot a mot cette construction si s6duisante, car t沁s
economique, ilsutilisentsans aucune hfeitation la construction en francais:
sujet十verbe etre十attribut.
Us confondent souvent la structre ≪wa~desu≫avec cette structure francaise, ou bien,
ils croient que celle-ciest toujours rSquivalent de la structure japonaise, tandis qu'en
realite,ellesne coincident pas toujours.
-115-
≪Ma mfire est professeur de Kumon i ou la tendance adire avec le moins de mots possibles observ6e dans la rtdactlon des debutants japonais
皿.Une autre fonction de≪wa≫
IIy a d'autres eχemples similaires en apparence, mais pour lesquelles en realite il
faut une analyse plus poussee. Essayons de deviner, dans les eχemples suivants, ce
que leur auteur voulait dire pour former a notre tour une phrase correcte ou bien une
phrase qui, traduisant l'idfe originale, corresponde mieuχ au style du francais.
1. Ma famille est quatre.
2. Mon caract己reest gai.
3. Sa caract6ristique est la bouche grande.
4. La cotisation est gratuite.
5. Mon passe-temps estles sports.
Dans ces cinq exemples, transparait une phrase japonaise qui s'attache comme un
ombre &chacune de ces phrase soi-disant francaises.
Dans le cas du num6ro 1,c'estla phrase : ≪watashi no kazoku wa yonin desu.≫qui - -
sert de la base de la construction francaise.
watashi no kazoku wa yonin desu. - -ノノ
Ma famille est quatre.
Mais en frangais, on ne peut pas combiner le mot ≪famine ≫ et le mot numSrique
〈quatre〉〉avec le verbe ≪6tre≫qui etablit une relation d'equivalence entre les deux
termes, parce que ≪la famine ≫ne signifiepas de personnes mais une notion abstraite
de collectivite.La man弛re habituelle de dire est:
1'. Nous sommes quatre chez nous.
1". On est quatre, dans ma famine.
La phrase du numero 2,releve le meme mScanisme que celle du numero 1. Mais,
dans ce cas,il s'agit de l'emploi d'adjectifgai. En japonais, on peut dire ≪watashi no
personne-sujet, elle-meme. C'est a dire que I'on ne peut utilisercet adjectif que pour
-116-
Keisuke Nakamura
qualifierune personne.
Maisd'o£vient cet emploi d6plac6 du verbe etre? Le secret doit r6sider dans la
fonction trds etendue de la particule enclitique ≪くwa≫,quimarque le topique ainsi que
le suiet. Quand on dit〈4watashi no seikaku wa yoki desu 〉〉,〈wa〉〉n'introduitpas le-
suiet, mais precise le topique, on pourrait done traduire litteralement cette phrase
japonaise de la fagon suivante : ≪En ce qui concerne mon caractere,je suis gaie.≫Mais
ordinairement, on dit plus simplement : ≪Je suis gaie.≫D'aprds le conteχtede sa
redaction, j'aiajoute deux autres adjectifs.
2'. Jesuis gaie,ouverte et mSme bruyante.
Le numero 3 aussi montre un emploi d6plac6 du verbe etre. On ne peut pas
mettre≪la caracteristique≫et ≪la grande bouche≫aumeme niveau :le premier est
une notion abstraite, tandis que le dernier repr^sente une image concr飢e. On aurait
d£ dire:
3'. Ce qui caract6rise sa physionomie, c'estsa grande bouche.
L'exemple de numSro 4, plus interessant pour moi, nous fait Denser aussitdt a une
expression figee utiliseepour le concert.le spectacle et aussi pour la soirSe:≪kaihi wa
4)muryou desu. (En ce qui concerne la cotisation,c'est gratuit)≫En effet,ici,il s'agit
d'une reunion amicale qui aura lieu autour du Noel, et l'etudiant/ea ecrit une lettre
d'invitationpour une soiree amicale. Voici ce que r6tudiant/e voulait dire:
ボ
4″
Ce sera une partie gratuite.
On pourra assistergratuitement ala partie.
Quant au numero 5,le probl右me est plus simple. On trouve sans peine les deuχ
possibilites.
5'. Mon passe-temps, c'estfaire du sport・
5". J'aime bien faire du sport.
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≪Ma m己reestprofesseurde Kumon ≫ou la tendanceadireavecle moins
demots possiblesobserv6e dans la redactiondes debutants japonais
Le num6ro 5 ainsi que le numero 4, montrent combien l'eχpression〈〈wa~desu〉〉est
“tenace" chez les 6tudiants, surtout quand ils utilisent,d'une maniSre inconsciente, une
formule st6r6otyp6e comme ≪kaihi wa muryou desu〉〉ouくくwatashino shumi wa…
desu〉〉.
Ⅲ. des exemples plus com pieχes
6. Je m'ai etonne que cette villeest la campagne.
7. La plus Emotion est la vue nocturne de nuit.
Lesnumferos 6 et 7 n'etant pas aussi simples que les cinq premiers, il faut donner
une explication plus detaillfee.
Touten parlant d'une villeamSricaine qu'il avait visitee,l'auteur du num6ro 6
aurait du dire:
6'. J'aais 6tonn6 de trouver dans cette villequelque chose de campagnard.
II 6tait un peu d6cu : il avait imagin6 que ce serait une ville moderne comme New
York. Mais ce n'6tait pas cela. Cet 6tudiant est lui aussi tomb6 dans le mSme p沁ge.
Hant6 par la construction ≪wa~desu〉〉, il s'est appuy6 inconsciemment sur une phrase
tr6s souvent utllis6e:《くkono machiha wa inaka desu. (En ce qui concerne cette ville,11 - -
y a quelque chose de campagnard)≫. De plus, le mot japonais 〈〈inaka desu〉〉,en fonc-
tion du conteχte,signifie tantSt la campagne elle-meme, tantdt les traits concernant le
paysage et l'atmosph肘e de la campagne. Cette ambiguity aussi a 6gare notre etudiant
qui ne savait pas encore exprimer cette difference en francais.
Dans le Numero 7, il y a deux problさmes : l'un vient de la traduction trop directe
causee par le manque de connaissances grammaticales. L'autre probldme consiste
encore dans la formule 〈〈wa~desu ≫. M6me si on disait〈〈laplus grande Emotion〉〉au
lieu de〈<la plus Emotion〉〉,la phrase ne serait pas correcte, puisqu'on ne peut pas unir
じ'emotion et la vλe nocture avec le verbe &tre.,comme nous l'avons indiquS en haut.
Pour analyser rid6e de l'auteur a la mani&re francaise, 0n aurait du utiliser beaucoup
plus de mots. Voici deux possibilites.
7'. Ce qui m'a 6m u le plus. c'est la vue nocturne de la ville.
-118-
KeisukeNakamura
7". La vue nocturne de la villem'a donn6 la plus grande 6motion que j'aie
eprouv6eau cours de ce voyage.
Comme nous l'avons vu, les etudiants ont ecrit avec le moins de mots possible,ce
qui convient a leur gout, plutot au gotlt des Japonais, etala particularitede la langue
japonaise. En effet,on considとe I'expression la plus courte com me le meilleur proced6
dans cette langue qui depend beaucoup du contexte, dependance qui s'eχpliquedans
cette soci6t6 assez fermfee et relativement homog己ne。
Maisplutot que de m'attarder sur les particularitydes Japonais et de leur langue,
j'ajouterai simplement que cette tendance a feconomiser les mots empechent les
debutants d'6crired'une facon suffisamment eχplicative,0udisons encore, d'une fagon
suffisamment concrさte. D'ou leur Choiχ pour des eχpressions courtes, condens6es,
d'autant plus difficilesa comprendre qu'elles sont souvent trop vagues ou trop
abstraites.
Chapitre 2 Au niveau psycho-sociologique
≪L'6gocentrisme≫desjeunes
I. Egocentrisme des etudiants?
Revenons encore une fois a la phrase initiale : く:<Ma mdre est professeur de
Kumon〉〉.Un francophone aurait plutot ecrit : ≪Ma mere enseigne dans une ecole de
Kumon〉〉.Mais〈〈Kumon〉〉,qu'est-ce que c'est? Cette question concerne justement le
deuxieme probl己me que j'ai evoqufe au debut. c'est-a-dire,celui de regocentrisme。
Comme vous le voyez dans cette phrase et comme vous allez le voir plus tard,0n
peut souvent remarquer, dans la phrase des debutants japonophones, un manque
d'explication, c'est-a-dire,1^ aussi une insuffisance. Cette insuffisance vient, je suppose,
d'une sorte d'fegocentrisme que nous pouvons souvent remarquer chez les jeunes gens.
Us pensent ainsi : ≪tout le monde doit connaltre notre milieu (socio-culturel), ce n'est
done pas la peine d'expliquer.≫ Mais souvent, ce qu'ils croient evident, est en fait un
phenomene particulier, lie a la vie japonaise, 0uencore a leur milieu universitaire。
Cette tendance est frappante surtout quand ils parlent de leur くくarbeit≫et de leur
〈club〉〉. Le premier mot, qui vient de rallemand, signifie leur job qui leur permet de
gagner de quoi dSpenser dans cette societe de consommation. Le deuχifeme concerne
-n9-
≪Ma mdre est professeur de Kumon sou ta tendance a dire avec le moins de mots possibles observie dans la redaction des dfebutants japonais
leurs activites sportives ou culturelles, organisfees par eux-meme dans I'int6rieur du
〈campus〉〉, et qui, en general, ont une valeur fort superieure a leurs 6tudes. Croyant
que dans le monde entier, les etudiants s'attachent, avec autant d'ardeur, ciun〈〈club〉〉,
selon un systeme similaire, ils utilisent ce mot comme allant de soi. Voila pourquoi on
trouve des phrases telles que 8 et 9.
8. Je suis all6a Shinshu avec le club de χ.
9. Je suis all6a la faculte pour fairele club (pour nager)presque tous les jours.
Dans le num6ro 8,〈club 〉〉reprfisenteses membres, et dans le num6ro 9, l'en
trainement organise par son club. Us auraient dfl dire ainsi:
8'. Jesuis all6dans la region de Shinshu avec les/des/quelques membres du club
deX.
9'. Je suis all6 a la faculty presque tous les jours pour suivre l'entralnement
organist par notre club de natation.
n. Exemples de phrases trop condensees.
Parrapport aux deux phrases pr6cedentes plus ou moins transparentes, rexemple
suivant est tout a fait opaque, et le lecteur aura du mal a comprendre ce que I'auteur
voulait dire.
10. Je suis supporter de Kobe、
Aulieu de condenser son idee dans une phrase si courte, il aurait dQ expliquer
avec beaucoup plus de mots, compl6mentaires mais n6cessaires, que je dois ajouter
dans ma phrase proposee ap吋s lui avoir demand^ le detail de sa vie. Voila ma
proposition finale.
10'. A rUniversitS de Kobe, j'appartiens a un groupe qui s'appelle“oen-dan
(supporters)". Son but est d'encourager les joueurs des clubs sportifs.・
5) Son but et ses activites consistent, comme l'indique le nom, a
-120-
KeisukeNakamura
encourager les joueurs au cours des matchs auχquels les
equipes de notre universite participent.
L'eχemple suivant eχigeencore beaucoup plus d'eχplications.
11. L'Universite est belle.
Mais, dans ce cas la, il ne s'agit pas d*un manque d'eχplication,mais plutot d'une
insuffisance dans la maniere de d6crire. Car, ce dont il s'agitici n'est pas I'universitt
ou la faculte mais ses batiments, sa pelouse, le paysage du〈〈campus〉〉quitouche
Fetudiant par sa beaute. Enfin, au lieu de se contenter de ces seuls quatre mots, il
aurait fallu utiliserbeaucoup de mots pour dficrired'une mani&re plus conc吋te ce
campus. En d'autres termes, il faut avoir un style plus imagfi.
11'. Dans notre university,les batiments ne sont pas grands, mais ils sont tr己s
jolis. Les toits rouges et leur murs blancs composent un paysage harmonieuχ
avec une grande pelouse rectangulaire au milieu. Ce qui nous charme surtout
chaque matin, c'estla petite tour avec l'horloge de notre biblioth己que,que l'on
voit au fond, sous la montagne 〈Kabuto >》,qui a la forme d'un casque.
Jeme suis servi d'un peu trop de mots. Ce n'est pas pour effrayer les etudiants,
mais pour souligner ceci: apprendre a ecrire en franc
apprendre a Scrire en general. Pour faire comprendre leur impression, il faut ecrire
d'une manidre concrete en montrant toutes sortes d'images que les sensations pro-
duisent chez eux. Cependant, tr飴souvent, c'estce que les etudiants japonophones ne
savent pas bien faire et ce que je ne savais pas non plus au debut de mon appren-
tissage. Les enseignants doivent d'autant plus insister sur ce point faible pour les
aider a ameliorer leur style.
Ⅲ. Expliquer la vie propre au Japon.
Dansl'eχemple precedent. il manquait une vraie descripiton. Dans les trois qui
suivent il s'agit d'un manque d'eχplication.Bien que les etudiants utilisentdes mots
japonais pour indiquer les objets ou les lieux typiquement japonais,il negligent
-121-
≪Ma mere est professeur de Kumon ≫ou la tendance a dire avec !e moins de mots possibles observee dans la redaction des debutants japonais
d'expliquer en frangais, ce qui peut emp色cher des etrangers de comprendre.
12. Nous avons mange okonomiyaki.
13. Nous avons mange le Uji-sorbet a“Yamazato"
14. Nous sommes visiteMiyajima.
R6diger un texte imaginaire destine a un lecteur imaginaire qui ne connait pas
tenement bien le Japon, c'est une occasion pour apprendre a parler de sa vie, de la
soci6te et de la culture dans laquelle on a et6 elevfe.Je leur conseille done de donner
au moins un peu d'eχplicationqui permette au lecteur le minimun de comprehension.
Avec cetteintention, on aurait pu 6cire ains!:
12'. Nous avons mange des“okonomiyakis", sorte de crfipesjaponaises.
13'. Nous avons mangfe du/des Ujikintoki, sorbet au tM, dans un caffede style
japonais・
14'. Nous avons visits Miyajima, petite lie&Hiroshima, qui est connue pour son
temple shintoiste et son portailrouge erig6 sur la plage, et que balaiela mar6e.
Leprobl&me que j'aisoulev6 tout au d6but et que je n'aipas encore r6solu, c'esta
dire,celui de〈〈Kumon ≫,se trouve au mSme niveau que ces troiseχemples pr6c6dents.
La phrase suivante aidera un interlocuteur frangais a mieux comprendre ce que c'est
que〈〈§colede Kumon〉〉
15.≪Tous les lundis et jeudis,j'aiun petit boulot dans une ecole privee. Apres
etreentree a l'universite,je suis devenue professeur dans cette ecole.≫
Oncomprend beaucoup mieux cette phrase qu'une etudiante plus avancfeea ecrite,
quoique le mot くくprofesseur≫ continue a me gener. Je lui ai conseill6 finalement
d'Scrireainsi:
15'.≪Tous les lundis et jeudis,j'aiun petit boulot dans une 6cole. Ce n'est pas
une ecole publique. Ce sont des classes organisees pour compl6ter les le;ons
de l'ecole,du college et du lycee et pour aider a preparer aux concours d'entrSe
-122-
KeisukeNakamura
dans des lycees ou dans des uniyersites. Ce genre d'6tablissement qu'on peut
trouver partout au Japon, s'appelle“juku". C'est dans ce genre d'ecole que
6)j'enseigne depuis que je suis entree a I'universite.≫
En effet,≪Kumon ≫ est un ≪juku ≫,terme que nous avons expliqu6 plus haut. Mais
pour la premidre 6tudiante qui 6tait quasi debutante, il serait trop difficlede donner
une explication silongue et je me suis contente de donner la phrase suivante :
≪Ma mdre enseigne dans une 6cole qui suitla mSthode Kumon. ≫
Lapremiere insuffisance qui est de valeur strictement linguistique et la deuχidme
insuffisance qui s'explique par disons T6gocentrisme", s'ajoutent l'une a l'autre et
finissent par cr6er une tendance aformer des enonc6s avec le moins de mots possibles,
tendance qui est trfessensible chez les apprenants japonophones.
Pourrendre plus sensibles ces derniers a ce probldme, le mieuχ est de les habituer
&bien r6fl6chir, avant de se pr6cipier dans la traduction de I'idSe de depart Les
debutants, qui n'ont pas encore les connaissances suffisantes, ne peuvent pas
s'emp6cher de calquer leurs eχpressionssur le japonais. Mais, ce qui importe alors,
c'est de se demander sila traduction directe de ces formules pourra gtre comprise par
les lecteurs francophones. II ne faut done pas traduire mot a mot, mais construire une
phrase frangaise qui eχprime rid6e de depart, mais tout a faitind6pendamment de la
structure de la phrase japonaise. Dans un teχtepour〈apprendre a 6crireen frangais〉〉。
7)Fun des auteurs eχprime bien ce que Je voudrais direid :
≪Tr6s souvent, il vaut mieuχ abstraire rid6e essentiellede la phrase originale
pour oublier cette phrase elle-mSme.≫
Selon le cas la longue phrase definitive ne ressemblera plus a la premidre phrase
latente : avec ses eχpressionsconcr必tes et ses eχplicuationscompl6mentaires, elleest
devenue beaucoup plus longue. Quelquefois, on ne I'y retrouve meme plus.
1OQ
≪Ma mdre est professeur de Kumon》oula tendance adire avec le moins de mots possibles observie dans la redaction des debutants iaponais
Conclusion
Nous avons insists uniquement sur deux types d'insuffisance que l'on trouve
souvent dans la r6daction des 6tudiants japonophones. J'aiplus ou moins eχag6reces
deuχ cotes pour les mettre en relief.J'aidone n§glig6un autre probldme communs a
tous les apprenants d'un niveau peu avanc6s : ceuχ Ii6s a leur manque de capacite
d'eχpression qui est due a leur manque de connaissances leχicaleset grammaticales.
Cela provoque chez euχnScessairement un manque de temps.
Quand ils 6crivent leur redaction. nos apprenants n'ont pas assez de temps pour
refl6chir sur le style, parce qu'ilya trop de choses auxquelles il faut faire attention,
comme le vocabulaire ou la garammaire. Enfin, ils ne peuvent pas se permettre de se
damander sileur 6critsuitle rythme du francais. Cela,je ne I'ignore pas.
Sije tiens quand mgme a ces deux probl己mes, si Je r6p6te rimportance d'en rendre
compte, c'estque leur tendance さvouloir dire en peu de mots, 0upiutet cette tendance
“synthStique", foncidre &notre langue, est compldtement oppos6e a la tendance analy-
tique, explicative et concr飢e de la langue francaise. Le japonais, qui a tendance &
concentrer I'id6eavec le moins de mots possible,se trouve &l'antipode du francais qui
a tendance a dSvelopper et a argumenter progressivement, et qui, en cons6quece, a
besoin de beaucoup plus de mots que le japonais。
Apprendre une langue etrangdre, ce n'est pas seulement apprendre un leχique et
une grammaire com me deuχ connaissances isolees et indSpendantes, mais c'est ap-
prendre la mani&re de combiner des moyens leχicauχet des moyens grammaticaux en
suivant une certaine maniere de penser de cettelangue.
nya des col弛gues qui me disent: ≪Tu es trop exigeant. Les apprenants de ce
niveau ne pourront pas realiserce que tu leur conseilles.≫Je le sais bien. Je ne crois
pas que nos etudiants pourront ecrire tout de suite comme je conseille de le faire. Mais
ce que je desire,c'est qu'ilscomprennent mieuχ cette grande difference qui separe ces
deux langues et qu'ils ne traduisent pas mot a mot le japonais, et qu'au contraire ils
apprennent avec le temps a expliquer, c'esta dire.a developper leurs i肋es, a y ajouter
des images concrdtes jusqu'a les metamorphoser en quelque chose de presque
meconnaissable. C'est ce que moi-meme je m'efforce d'apprendre depuis que j'ai
commence a faire du francais et c'estFun de mes principes qui me guide dans mon
-124-
enseignement.
Keisuke Nakamura
Note
1)C'est ala Faculte des lettres de I'Universite Kansei-gakuin que je m'occuppe de la classe de
rtdaction pour les 6tudiants de deuχi&me ann6e.
2)〈〈Anohito wa sinsestu desu.≒Cette personne est gentille.〉》
3)くくJinsei wa dorama desu.≒La vie est line drame.≫
4)II y a mSme une eχpression plus courte,avec le meme sens, 6crite en quatre caractdres
chinoisくくnyu-]o-mu-ryo ≫.
5)〈6en〉》signifie《supporter ou encourager les joueurs ou l'equipe que l'on prfi仙re≫au
match de sport, et≪くdan≫,groupe, corps ou encore organisation、
6)On pourrait presenter ce phSnomtae anormal com me un aspect. Les “jukus" sont telle-
ment populaires que, dans le train, ci neuf heures ou diχ heures du soir on voit des enfants
qui retournent chez euχ apr色s ces classes.
7)HARADA/HAGUIWARA/MIZUBAYASHI/TAJIMA: Collection Francais-7 Ecrire. p. 11、
Bibliographie
Charles BALLY : Linguistique g6n§rale et linguistique franipaise.
A. CHAMBERLAIN/R. STEELE: Guide )ratique de la communication, 100 actes de communica-
Hon. 1985. Didier.
Y. FUKUI/T.KASHIOKA: Cent Questions sur le Japon. 1984. Edition Sanshusha
HARADA/HAGUIWARA/MIZUBAYASHI/TAJIMA:Collection Francais-7 Ecrire. 1996. Edi-
tion Hakusuisha
Keisuke NAKAMURA : Quelques malentendus sur les notions de temps et d'aspect chez les
apprenants japonais. Enseignement du francais,vol. 18. 1989-1990. Association japonaise
des professeurs de fran;ais.
Keisuke NAKAMURA : Comment enseigner la rtdaction francaise. Bulletin de la Faculti des
lettres &VUniversi§Otemon, vol. 26. 1992, (en japonais)
Keisuke NAKAMURA : Du vocabulaire a la grammaire. -Quelques verbes difficiles a utiliser
pour les apprenants japonais一 Bulletin du Centre 加dagoqique a I'U面ersite Otemon. vol. 15.
1996.
H。MATSUBARA/H. MATSUBARA: Ecrire a la frangaise一Mani&re de penser pour ecrire en
francais. 1995. Edition Hakusuisha
M.づ. REICHLER-BEGUELIN/M. DENERVAU/J. JESPERSEN: Ecrire en francais Cohesion
textuelle et a)prentissage de じ'expression Scrite. 1990. Delachauχ& Niestl6.
Regard sur le Japon-culture/moeurs 1985. section de publication du JTB
Vie au Japon-vie illustre SSrie 12 1991. section de publication du JTB
Dictionnaires.
ROBERT p.: Dictionnaire alphabitique et analogigue de la langue fran皿ise. Nouvelle Edition,
1981, Le Robert.
-125-
≪Ma mSre est professeur de Kumon ≫ou la tendance adire avec le moins de mots possibles observee dans la redaction des debutants japonais
DANIEL D. ET DANIELE DELAS-DEMON: Dictionnairedes id&es par les mots (analogiques).
Nouvelle edition1987. Le Robert.
DANIEL p.:Thesaurus Larousse、Des mots aux id&s. Des idSesaux mots. 1992,Larousse.
REUM. A.:Petitdictionnairede style.1953,VEB BibliographischesInstitutLeipzig.
-126-