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Dossier Pédagogique MA MÈRE QUI CHANTAIT SUR UN PHARE Contacts : Jessica Pinhomme et Camille Boudié - Service des relations avec les publics 01 43 74 72 74 - [email protected]

MA MÈRE QUI CHANTAIT SUR UN PHARE - Théâtre … · Travail d’adulte, certes, mais puisque maman a une fois de plus déserté… Mais au moment fatidique, le bras de Marzeille

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Dossier Pédagogique

MA MÈRE QUI CHANTAIT SUR UN PHARE

Contacts : Jessica Pinhomme et Camille Boudié - Service des relations avec les publics01 43 74 72 74 - [email protected]

Ma mère qui chantait sur un phare

de Gilles Granouillet (Ed. Actes Sud/Papiers)

Mise en scène François Rancillacassisté de Lucile Perain

Scénographie Raymond SartiCostumes Cidalia da Costa

Lumière Marie-Christine SomaSon Michel Maurer

avec Patrick Azam Le PèreAnthony Breurec PerpignanAntoine Caubet Le conducteur d’enginRiad Gahmi MarzeillePauline Laidet La FilleFrançoise Lervy La femme du conducteur d’engin

Chargé de production et de diffusion : Jack Salom, La Gestion du Spectacle

 production Théâtre de l’Aquarium / Le Carré - Scène nationale de Château Gontier / La Comédie de Caen - Centre dramatique national de Normandie / Le Fracas - Centre dramatique national de Montluçon - Région Auvergne. Avec l’aide à la production d’Arcadi.  Avec l’Aide à la création dramatique du Centre National du Théâtre et l’aide à la création de la DGCA - Ministère de la Culture et de la Communication.

du 4 janvier au 3 février 2013 au Théâtre de l'Aquarium

L'HISTOIRE

Quelque part, au bord d’une mer sans sable ni touristes.

A l’extérieur du bourg, un peu avant la forêt, une maison livrée à elle-même. Une famille y a grandi heureuse, jusqu’au drame, ce soir-là où le mari a soudain claqué la porte et… La mère ne s’en est jamais remise, noyant sa déprime dans l’alcool et disparaissant parfois des journées entières. Ses deux garçons (entre 10 et 13 ans) ont du coup appris à se débrouiller seuls pour parer au quotidien.

Aujourd’hui, Marzeille (c’est ainsi que le plus grand se présente) a pris sur lui d’aller noyer les chiots de sa chienne, nés dans la nuit. Travail d’adulte, certes, mais puisque maman a une fois de plus déserté… Mais au moment fatidique, le bras de Marzeille est retenu par une jeune fille blonde, comme surgie des airs : « Il ne faut pas tuer ! ».

De son côté, le cadet (qu’on appelle Perpignan – logique : c’est plus petit que Marzeille !) est à bout de nerfs  : il n’arrive pas à trouver le bon trou pour gonfler avec une paille la grenouille qu’il a attrapée (selon les conseils de son frère)  !… Bien décidé à passer sa ire sur l’étendage, il est interrompu par un géant, le Bon Dieu en personne !  qui lui annonce la catastrophe : leur mère a grimpé toute nue sur le phare flottant et chante à tue-tête son malheur face à l’océan, sous le regard égrillard des gars du village. Seuls ses enfants peuvent la ramener sur terre !

Mais comment faire ? Alertés par Dieu, guidés par l’ange blond, les deux enfants vont devoir jouer les héros…

Marzeille a l’idée de génie  : emprunter la pelleteuse du chantier, franchir la foule des hommes salaces, hisser la bouche dentée vers maman qui y bondira, et retourner ainsi glorieusement vers la maison  ! Sauf que Marzeille, quoiqu’il en dise, ne sait absolument pas conduire l’énorme machine, et ne réussit qu’à arracher le toit de l’Algéco du chantier, où copulaient gaillardement la femme du conducteur d’engin et son amant…

Fuyons !

Nouvelle idée : demander de l’aide dans la grande maison au fond du bois, là où maman (a-t-elle expliqué aux garçons) va régulièrement donner des cours de chant à une dame qui la paie pour cela. Sauf que les garçons sont arrêtés par les aboiements d’un horrible dogue allemand derrière le portail d’entrée, et qu’ils apprennent que la maison n’est habitée que par un homme seul, qui les observe d’ailleurs de derrière ses rideaux… Soudain, la chienne de Marzeille se faufile dans le jardin et saute à la gorge du cerbère, vengeant ainsi l’honneur perdu de la mère et celui bafoué des fistons ! Fuyons !

Perpignan fatigue, mais Marzeille court toujours, et cette fois vers un coin de côte à l’écart de tout ! Là, une bicoque de pêcheur, et un homme qui jette ses filets depuis sa barque. Perpignan le reconnaît tout de suite  : « C’est le Bon Dieu de tout à l’heure !  », ne sachant pas encore qu’il ne s’agit que de son père (qu’il n’a jamais connu, la séparation des parents ayant eu lieu juste après sa naissance).

S’ils n’ont pas réussi à atteindre le phare flottant par voie terrestre, ils le réussiront par la mer ! Marzeille ne laisse pas vraiment le choix à son père, obligé de remettre sa barque à l’eau, où les deux garçons sont déjà assis avec leur chienne, et d’empoigner les rames (son moteur est comme toujours en panne)…

Là-bas, au pied du phare, la rumeur a couru parmi les gars du village que l’Algéco du Conducteur d’engin avait explosé et que sa femme… Et comme le cocu s’avère violent, ils l’ont tous abandonné à son malheur et à sa colère. Alors, pour se venger de toutes les femmes à la fois, il déchaîne le phare flottant, qui part à la dérive sur l’océan !

Le père rame et rame encore, mais ne peut lutter contre le courant qui les éloigne toujours plus de la grosse bouée, avec son ex-femme dessus ! Sous le regard atterré de ses deux fils, il abandonne la partie et explose en sanglots, les mains en sang : Cette nuit-là, quand il a rompu avec sa femme, épuisé par ses sautes d’humeur et son alcoolisme chronique, il avait emporté avec lui leur petite fille aînée, si blonde et si légère… Le temps de se retourner pour lancer le moteur de sa barque, l’enfant avait disparu, noyée, engloutie sous les eaux noires !

Soudain, Marzeille entend la voix de l’ange blond : « C’est toi, l’aîné ! Pense au moteur, frangin ! ». Marzeille tire sur le cordon du moteur qui tousse, râle et démarre !

Maman est sauvée.

Photo : Pascal Colrat

L'ÉQUIPE ARTISTIQUE

Gilles Granouillet auteur

« Je suis né en 1963 à Saint-Etienne de parents ouvriers et depuis j'essaie de faire pour le mieux. Rien, vraiment rien ne me prédestinait à écrire et puis voilà... Ce qui m'intéresse là-dedans ? Donner chair à l'effroyable drôlerie du monde. Principalement... »

Après un parcours théâtral d’abord amateur (sous les bons auspices de Jean Dasté) et un détour par l’Education nationale, Gilles Granouillet choisit de se consacrer pleinement au théâtre en 1989, en fondant sa propre compagnie professionnelle, «  Travelling Théâtre  ». Il y réalise plusieurs mises en scène mais c’est bientôt l’écriture dramatique qui le retient prioritairement. Directeur du Théâtre du Verso à Saint-Etienne (petit théâtre de 60 places dévolu à la jeune création), Gilles Granouillet est aussi auteur associé à la Comédie de Saint-Étienne depuis 1999, où il mène un travail autour de l’écriture contemporaine (comité de lecture, ateliers d’écriture, etc.). La Comédie de Saint-Etienne lui a très régulièrement passé commande de textes, dont elle a produit ou coproduit les créations. Ses textes ont été joués en Allemagne, Belgique, Roumanie, Grèce, Ukraine,… et mis en ondes à France Culture. L’essentiel de son théâtre est publié chez Actes Sud/ Papiers.

Le poids des arbres, Les anges de MassiliaVodou - Mise en scène Gilles Chavassieux au Théâtre des Ateliers, LyonTrabant Chroniques des oubliés du TourNuit d’automne à Paris - Mise en scène Guy Rétoré au TEP, nouvelle mise en scène par Alain Besset au Chok Théâtre de Saint-Etienne L’incroyable voyage - Mise en scène Philippe Adrien, à La Comédie de Saint-Etienne et au Théâtre de la Tempête (Paris) Six hommes grimpent sur la colline - Mises en scène Carole Thibaut puis Jean-Marc BourgCombat (première version) - Mise en scène Jean-Marc Bourg, au CDN de MontpellierMaman ! - Mise en scène Anne-Laure Liégeois pour le spectacle « Embouteillage »Ralf et Panini - Mise en scène André Tardy au Théâtre du Verso, Saint-EtienneTrois femmes descendent vers la mer - Mise en scène Thierry Chantrel à Lyon et Saint-EtienneUne saison chez les cigales - Commande de La Comédie de Saint-Etienne - Mise en scène Philippe Zarch, pour « le Piccolo » de La Comédie de Saint-EtienneLe saut de l’ange – Mise en scène François Rancillac, avec les élèves de l’école de La Comédie de Saint-EtienneVesna - Mise en scène de l’auteur à La Comédie de Saint-Etienne, et tournée en UkraineL’Envolée - Mise en scène Jean-Claude Berutti à Saint-Etienne et à Zagreb (en version croate), reprise au Théâtre de l’Est ParisienZoom – Mise en scène de François Rancillac en 2009 pour «  Odyssées en Yvelines  » du Théâtre de Sartrouville, et tournéeMa mère qui chantait sur un phare La maman du petit soldat - Création en janvier 2011 par Philippe SireuilNos écrans bleutés - Mise en scène de l’auteur en 2010, à Saint-EtienneSpeed-datingUn endroit où aller - Mise en scène de l’auteur en 2010, à Saint-Etienne et tournéeHermanLes psychopompesPoucet pour les grands – Mise en scène de l’auteur en 2012 au Théâtre Nouvelle Génération (Lyon) et tournéeNager/Cueillir – Mise en espace de François Rancillac en 2012 pour les Théâtrales/Charles Dullin

François RANCILLACmetteur en scène

Maîtrise de philosophie et études musicales (avec Michel Puig).

Comédien et metteur en scène, il fonde en 1983, avec Danielle Chinsky, le Théâtre du Binôme. Il met en scène Britannicus de Jean Racine (1985), Les Machines à sons du professeur Ferdinand Splatch (1986, spectacle musical pour enfants de Serge de Laubier et Francis Faber), Le Fils de Christian Rullier (1987), Le Nouveau Menoza de J.M.R. Lenz (1988), Puce-Muse I et II (1988-89, concerts-spectacles de Serge de Laubier et Rémi Dury), Polyeucte de Pierre Corneille (1990), Retour à la Citadelle de Jean-Luc Lagarce (1990), Ondine de Jean Giraudoux (1991), Les Prétendants de Jean-Luc Lagarce (1992), Amphitryon de Molière et La Nuit au cirque d’Olivier Py (1992), L’Aiglon d’Edmond Rostand (1994), Saganash de Jean-François Caron (1995), Les Sargasses de Babylone (1996, concert-spectacle de Serge de Laubier et Rémi Dury), George Dandin de Molière (1997), Goethe Wilhelm Meister de Jean-Pol Fargeau (1997), Le Suicidé de Nicolaï Erdman (1998), Bastien, Bastienne… suite et fin, opéra imaginaire d’après W.A. Mozart (1998, avec l’Ensemble Pascale Jeandroz), Cherchez la faute ! d’après Marie Balmary (2000), Le pays lointain de Jean-Luc Lagarce (2001), La Belle porte le voile (2002, oratorio électroacoustique de Serge de Laubier, livret de Dany-Robert Dufour), La Folle de Chaillot de Jean Giraudoux (2002), Athalia (2003, oratorio de G.F. Haendel, direction Paul Mc Creesh, Festival d’Ambronay).

Le Théâtre du Binôme a été en résidence au Théâtre de Rungis (de 1992 à 1994), à la Scène nationale de Bar-le-Duc (de 1996 à 1999), et au Théâtre du Campagnol – CDN, en 2001 et 2002. De 1991 à 1994, François Rancillac a été directeur artistique du Théâtre du Peuple de Bussang (il en est actuellement président).

De janvier 2002 à mars 2009, François Rancillac dirige avec Jean-Claude Berutti La Comédie de Saint-Etienne, centre dramatique national.

Dans ce cadre, il met en scène Kroum, l’ectoplasme de Hanokh Levin (2003), Modeste proposition concernant les enfants des classes pauvres d’après Jonathan Swift (2003), Une jure, l’autre pas d’après Marc-Alain Ouaknin (2003, dans le cadre des Dix paroles de Richard Dubelski), Chambres à part, soli de danseurs et d’acteurs en chambres d’hôtel, co-mise en scène avec Thierry Thieû Niang (2004), Projection privée de Rémi de Vos (2004), Jean Dasté, et après ? montage de François Rancillac sur la décentralisation théâtrale (2005), Les Sept contre Thèbes d’Eschyle (2005), Biedermann et les incendiaires de Max Frisch (2005), La Tectonique des nuages, opéra-jazz de Laurent Cugny d’après la pièce de José Rivera (version de concert), Cinq clés de Jean-Paul Wenzel (2006), Papillons de nuit de Michel Marc Bouchard (2007), Music Hall, Retour à la citadelle (recréation – 2008) de Jean-Luc Lagarce, Zoom de Gilles Granouillet (2009, dans le cadre des Odyssées en Yvelines du CDN de Sartrouville) et Nous, les héros de Jean-Luc Lagarce (en russe, à Ekaterinbourg, 2009).

En mars 2009, François Rancillac est nommé à la direction du Théâtre de l’Aquarium, à la Cartoucherie (Paris). Il y met en scène Le bout de la route de Jean Giono en janvier 2010, Giono sur la route, spectacle itinérant d’après les entretiens de Giono et Jean Amrouche (2009), Le roi s’amuse (créé en juin 2010 au Château de Grignan), De gré de forces d’après le Discours de la servitude volontaire d’Etienne de La Boétie (spectacle itinérant, 2010), Détours d’après Suite vénitienne de Sophie Calle (spectacle itinérant, 2011), Mon père qui fonctionnait par périodes culinaires et autres d’Elizabeth Mazev (spectacle itinérant, 2012).

UN CONTE INTIATIQUE

Perpignan :

Marzeille m’avait expliqué : tu mets une paille dans le cul d’un crapaud, tu souffles, il gonfle, tu souffles encore, il gonfle. Tu souffles trop, il éclate  ! Mais ça marche aussi avec une grenouille si, SI  ! tu lui mets dans la foune. La Foune, il dit mon frère. La Foune. C’est où sur une grenouille ?

Hier, j’ai percé un crapaud. Ou une grenouille. Je trouvais rien pour mettre ma paille. Mes nerfs m’ont attaqué et j’ai enfoncé dans le hasard. J’ai même pas soufflé. Dégonflé pour toujours, mon crapaud. Ou ma grenouille. Les bêtes mortes… Celle qu’on tue et qui continuent à nous regarder… Cette nuit, j’ai demandé pardon à la Vierge. Je lui ai aussi demandé de me calmer. J’ai joint les mains, plissé les yeux très fort pour qu’elle m’entende  : «  Marie, mère de Dieu, PARDON POUR LE CRAPAUD ! Pardon, mais si tu m’aimes, SOULEVE LE BOUCHON DE MA COCOTTE MINUTE ! »

D’apprentissage en désillusions

D’emblée et sans mièvrerie aucune, l’écriture de Granouillet a le chic de nous mettre de plain-pied à hauteur des deux garçons, redécouvrant le monde à travers leurs yeux d’enfants : tout s’y vit comme pour la première fois, source d’étonnement, de questions et d’émotions - agréable ou douloureuse, qu’importe : tout y est neuf, à vif, vivant.

Mais Ma mère qui chantait sur un phare est d’abord une pièce d’apprentissage. Par-delà le rocambolesque de leurs aventures pour tenter de sauver leur mère, Marzeille et Perpignan vivront durant cette «  folle journée  » une véritable initiation jonchée d’épreuves, de révélations et de désillusions. À peine sortis du nid de l’enfance, ils découvriront brutalement l’envers du décor du monde des «  grands  » : derrière le sourire et l’assurance des adultes,  se cachent en fait la mauvaise conscience et la douleur, l’ennui et la frustration, la lâcheté et le mensonge…

Leur mère, notamment, toute tendresse certains jours, leur échappe de plus en plus pour n’être plus qu’une âme écorchée et imbibée d’alcool, qu’un corps offert en pâture aux désirs des hommes. Leur père n’est pas le « bon dieu » espéré mais ce pauvre hère qui ne s’est toujours pas remis de la mort accidentelle de sa fille aînée, etc.

Marzeille :

Perpignan est prêt à me sauter dessus. Je viens de lui faire comprendre qu’il est petit, seul et ignorant, et c’est parce qu’il l’a compris qu’il quitte l’enfance, sur le champ. Si jeune, comme je l’avais fait à son âge. Si jeune. Le jour où il devient clair que le monde tourne très bien sans nous, qu’il ne nous veut pas, le monde. Qu’il faudra aller le chercher, bien humbles, bien polis. Bien contents des miettes. Le jour où j’ai compris que ma mère m’échappait, comme une truite, pour gicler ailleurs, dans un monde où je n’étais pas. Le jour où j’ai appris à prononcer son nom le moins possible et à baisser les yeux pour en parler.

Tu me rejoins, Perpignan. Frère, mais plus « petit frère ». Puisque toi aussi tu vois la boue, tout autour.

Ainsi, avec Marzeille et Perpignan, c’est la grande douleur de la séparation que l’on revit de l’intérieur, celle qui nous oblige à quitter l’enfance pour entrer dans le réel désenchanté des adultes. Mais, attention  : il n’y a chez Granouillet aucune nostalgie d’un quelconque «  paradis perdu ». Jamais l’enfance n’est ici idéalisée. Les deux garçons ne sont d’ailleurs pas des tendres ! Et c’est surtout leur propre idéalisation du monde des adultes qui est ici mise à bas : le passage à la maturité s’avère en fait ne rien régler des difficultés de la vie et des grandes questions de l’existence : « petits » et « grands » se retrouvent tout aussi perdus et désemparés face aux heurs et aux malheurs de la vie, de la mort, de l’amour et de la séparation…

Péril Jeunes

Ces deux jeunes héros sautent d’une stratégie à une autre pour sauver leur mère, provoquant par maladresse catastrophe sur catastrophe : la démolition de l’Algéco avec la pelleteuse, l’humiliation du conducteur d’engin cocufié, la mort du dogue allemand, la « liquéfaction » de Marie, le largage du phare flottant… Ainsi bousculent-ils à l’envi l’ordre établi et les petits «  arrangements  » des adultes, obligés soudain de tomber le masque…

La femme du conducteur d'engin (que Marzeille fixe du regard) : Il va me tuer.Il va m’égorger sur cette pelouse et ça finira comme ça.Les feuilles m’appellent. Je suis une herbe dans le parc.Ma vie a été stupide.

Marzeille et Perpignan laisseront derrière eux des ruines fumantes, des couples brisés, des réputations bafouées et un cadavre de chien. Mais ils auront aussi remis de la vie et du mouvement dans ce bourg côtier, dans ces existences tétanisées dans l’hypocrisie et la frustration ou percluses de douleurs silencieuses et incicatrisables…

Ils réussiront même l’impensable  : renouer avec leur père et l’obliger à s’impliquer lui-même dans le sauvetage de son ex-femme, et permettre à tous deux de faire enfin le deuil de leur fille aînée, engloutie à jamais dans la mer… Ils ouvriront ainsi la porte à une possible réconciliation - voire à une reconstruction du cercle familial.

C’est sûrement juste un rêve de gosse. Mais rien n’empêche de rêver.

Photo : B. Brandt

UNE ÉPOPÉE ?

Les héros de Ma mère qui chantait sur un phare sont donc deux enfants. Mieux  : ce sont eux qui sont les narrateurs de cette folle aventure. Passant sans arrêt du style direct (scènes dialoguées) au style indirect (brefs récits ou «  monologues intérieurs  »), l’essentiel de la pièce passe donc par eux, est raconté et éprouvé à travers eux, à travers leurs corps et leurs yeux  d’enfants : ce sont eux qui nous font voir ce qui n’est pas forcément visible ou même montrable sur un plateau (la mer, le phare, etc.).

A sa manière, et l’air de rien, la pièce a donc tout d’une « épopée  » (étymologiquement : «  parole agissante  », puisque le récit seul y fait revivre l’action), à l’instar des vieilles épopées chevaleresques racontant la geste de héros en proie aux aventures les plus échevelées, et où le merveilleux et le surnaturel sont toujours de mise : nos deux garçons n’ont-ils pas ici pour mission de sauver la dame prisonnière de sa tour (leur mère juchée sur son phare)  ? Et ne sont-ils pas placés sous la protection d’un ange (le fantôme de leur sœur aînée), de la Vierge (même si elle est en plastique et clignotante !) et d’un animal fidèle (leur chienne, même si elle est pouilleuse), sous le regard vengeur du Bon dieu (même si ce n’est que leur père) ? Ne combattront-ils pas aussi des monstres (la pelleteuse et le dogue allemand) voire toute une armée (les hommes du village rassemblés au pied du phare) ?

Marzeille :

J’avais imaginé beaucoup de tactiques pour libérer ma mère mais je me cognais toujours aux deux mêmes murs : affronter le regard de ces hommes sans rougir et surtout, arriver au pied d'une échelle qui ne descend pas, tout en bas d’une mère qui n’a aucune envie qu’on la sauve, qui n’a aucune envie de nous rejoindre.Perpignan, lui, il a oublié ses histoires de château fort et de princesse mais chez moi, elles ont fait leur petit chemin, avec les douves et le pont-levis, et le siège en règle et tout l’attirail. Moi aussi j’ai imaginé ma mère en princesse dans le donjon. Et puis l’évidence m’a sautée à la figure  : pour prendre une forteresse, il faut un bélier et une échelle ! Le bélier nous fait traverser les lignes ennemies sans rougir derrière le plexiglas et l’échelle nous monte directement jusqu’en haut du donjon sans que ma mère ait son mot à dire. Ces deux outils, je sais où les trouver, réunis en seul, monumental et moderne : c’est à la carrière !

Perpignan :

Tu vas piquer la pelleteuse ???

Du théatre épique ?

«  Théâtre-récit »   ? Ma mère qui chantait sur un phare semble être exactement sur cet entre-deux : c’est bien du théâtre, dans la mesure où les situations ont lieu absolument en direct, dans l’ici et maintenant de la représentation ; mais c’est aussi du récit, car la plupart des évènements ne sont pas montrés mais racontés par les enfants (et plus ponctuellement aussi par le conducteur d’engin, sa femme ou encore le père  : c’est en fait tout un chœur qui prend en charge la narration).

Et puis non : « récit » n’est pas le terme exact, puisque, s’il y a narration, elle concerne le présent et non le passé. Tels des commentateurs sportifs à la radio, les personnages nous transcrivent en direct ce qu’ils sont en train de vivre ou de penser en temps réel : du « théâtre-commentaire », donc ? L’expression n’est guère poétique, même si c’est bien cette intensité-là du match, cette immédiateté d’émotion et ce perpétuel étonnement en direct qui est le nerf de l’écriture de la pièce, et l’espace que devront habiter les comédiens.

Du théâtre à rêver ?

Parce que l’essentiel nous est ici raconté, commenté en direct, il devient donc absolument inutile de le montrer, de le représenter au spectateur. La mer, le phare, la carrière avec la pelleteuse et l’Algéco, la grande maison au fond du bois, la barque du père sur la plage, etc. : tout cela n’existe que dans les yeux des personnages, et donc dans l’imaginaire du spectateur, sollicité par la force du conte, titillé par la verve de l’écriture de Granouillet et son pouvoir de suggestion.

Un spectateur devenu « voyant » à travers le seul regard des enfants et des adultes de la pièce : la scène est bien dans la tête du spectateur, entraîné en imaginaire dans ce grand rêve de gosse qui s’invente devant lui, oreilles et yeux grands ouverts, dans le présent partagé d’une soirée.

DEUIL ET SECRETS DE FAMILLE

Réminiscence : souvenir vague qui n'est pas consciemment reconnu comme tel

Ma mère qui chantait sur un phare aborde avec une grande finesse le thème du deuil et son pouvoir de destruction dans une famille. En effet, c'est suite au décès tragique de leur 1ère enfant (qui s’est noyée presque sous les yeux de son père) que les parents de Marzeille et Perpignan vont se séparer définitivement et s’enfermer dans une solitude douloureuse et silencieuse. Le père habite depuis une simple cabane de pêcheur non loin de là, au bord d’une mer qui n’a jamais rendu le corps de la petite ; et la mère noie son chagrin dans l’alcool et erre le long de la plage comme une égarée - jusqu’à ce jour où elle grimpe carrément en haut du phare pour hurler sa douleur face à l’océan…

Marzeille devait avoir trois ou quatre ans au moment du drame, dont il ignore l’essentiel. Se souvient-il même avoir eu une grande sœur ? Empêtré dans le silence et la douleur de sa mère, il a comme ingéré le secret, dont il se fait lui-même complice quand son petit frère pose trop de questions gênantes. Et il est hanté par des hallucinations visuelles (puisque le fantôme de sa sœur lui apparaît  !) et auditives (il entend alors dans sa tête «  de l’eau qui frappe à une porte  », et comprendra in fine qu’il s’agit en fait des vagues contre la coque de la barque d’où est tombée sa sœur…) : autant de réminiscences du drame et du secret de famille qui le ronge inconsciemment…

Perpignan n’avait, lui, que quelques mois quand sa sœur a disparu et que ses parents se sont séparés. Il sent bien qu’on lui cache quelque chose qui expliquerait l’absence du père et le comportement étrange de sa mère. Et lui aussi est comme inconsciemment traversé par ce secret de famille  : il est régulièrement sujet à des crises nerveuses et débordé par un immense sentiment de culpabilité (quasi religieuse) dès qu’il tue par jeu un animal…

Toute l’épopée de Marzeille et de Perpignan, cherchant désespérément à sauver leur mère juchée sur son phare, peut ainsi être vue comme une quête de vérité, afin de briser ce secret de famille qui les empêtre et de comprendre ce qui a provoqué l’éclatement du noyau familial et la « folie » de leur mère. Ce faisant, ils permettront à chacun des membres de la famille de « faire son deuil », de tourner la page et de reprendre le fil de la vie. Ainsi obligeront-ils leur père à reprendre la mer (où sa fille s’est noyée et où son ex-femme risque à son tour de sombrer) et réunir (peut-être) à nouveau leur famille déchirée.

Depuis Oedipe, le secret de famille a toujours représenté un fort potentiel fictionnel : intrigues policières, sagas familiales, romans (historiques ou non), auto-fictions, études de mœurs,… Le secret est en soi hautement romanesque puisqu’il réclame une enquête, une recherche de la vérité, et donc un processus de dévoilement et de révélations fort propice au suspense, au plaisir de la narration.

Les récits qui abordent ce sujet, fictifs ou autobiographiques, fascinent les lecteurs/spectateurs car ils touchent à la fois à ce qu’il y a de plus intime (une histoire familiale, personnelle) et de plus universel  : la paternité, la filiation, la recherche de ses origines, la quête d’identité… Au-delà du secret lui-même, ce sont les questions qu’il permet de poser qui en font un moteur littéraire passionnant : la manière dont il façonne la personnalité des protagonistes, oriente les destinées singulières et l’Histoire en général, et révèle des facettes sombres de notre société…

Les secrets de famille sont déjà nombreux dans la Bible ou dans la mythologie gréco-romaine et sont souvent le point de départ de terribles malédictions transgénérationnelles (comme celles qui frappent par exemple les Labacides ou les Atrides). Et déjà c’est la question de la filiation qui est en jeu (le rapport au père notamment), et la transmission de génération en génération d’une faute, d’une culpabilité secrète. Ce sont bien ces thématiques que l’on retrouve en filigrane dans Ma mère qui chantait sur un phare.

La psychanalyse a évidemment donné une nouvelle dimension à la problématique du secret de famille. Ainsi, les thérapies dites «  psychogénéalogiques  » s’intéressent à l’inconscient de toute une famille et sur parfois plusieurs générations, pour mettre en évidence l’évènement caché qui empêtre l’existence des patients et peuvent être à l’origine d’échecs répétitifs ou de comportements asociaux, par exemple. La littérature s’est évidemment emparée de cette dimension psychanalytique pour mieux mettre en scène «  l’impossibilité de dire  » de leurs personnages ou la façon dont les souvenirs cherchent toujours inconsciemment «  à refaire surface ». Citons parmi mille exemples Un secret de Pierre Grimbert, dont le personnage principal passe son enfance à se comparer à un frère imaginaire, plus fort que lui dans tous les domaines, avant d’apprendre à l’âge adulte qu’il a réellement eu un frère aîné, mort pendant la guerre.

Le secret de famille constitue une grave entrave à la construction individuelle, liée à une méconnaissance de son histoire. Il est aussi souvent la cause d’une rupture dans la filiation. En poussant un peu plus loin l’interprétation psychanalytique de Ma mère qui chantait sur un phare, on pourrait apparenter la quête de Marzeille et Perpignan (guidés par le fantôme de leur sœur !) à une forme sauvage de thérapie en actes, grâce à laquelle ils mettront en lumière «  la faute originelle  » familiale, retrouveront le fil de leur filiation et permettront peut-être à chacun des membres de leur famille de faire le deuil et d’aller de l’avant (voire – grand phantasme des deux garçons  ! – de refonder le « paradis perdu » qu’est la famille sinon complète, au moins avec les deux parents enfin réunis).

LA MISE EN SCÈNE

Notes de mise en scèneRécurences autour de «Ma mère qui...»

Voici quelques notes sur la mise en scène, notées par François Rancillac pendant la préparation du spectacle. Il s’agit de thématiques récurentes qui l’ont inspiré pour imaginner la scénographie.

Monde féminin, maternel : tissu, voiles (lingerie), tulles> Monde mou, dépressif (cf Oldenburg, Annette Messager)> Monde immatériel, onirique

Logique de rêve (des accessoires qui apparaissent soudain, tombent des cintres, des personnages qui apparaissent, sortent des murs, des placards…)

Entre rêve et réel, un quotidien où s’immisce le fantastique, le mythe, la transcendance, où les évènements s’enchaînent sans causalité, où chacun peut intervenir à tout moment sans raison Mais cela reste modeste, humble, pas de scène « en majesté » Rêve éveillée, épopée diurne (Chirico)

Conte  : distance poétique introduite par l’alternance de situations dramatiques et de récits, monologues intérieurs. Les enfants se confrontent au monde sans distance ni ironie, avec un grand sérieux. Espace immense où ils sont perdus, tout petits (petites princes sur le globe terrestre)

Catastrophe : le dehors (la nature) a envahi le dedans, a bouleversé l’ordinaire du quotidien (cf la chambre d’enfant envahie par l’eau, ou par du sable, ou par des centaines de ballons noirs,…). Un espace fermé, quotidien, envahi par l’immensité de la nature

Un espace qui se vide de ses éléments familiers (plancher qui s’incline ?). A la fin, immensité de la mer sur laquelle la barque est comme perdue…Catastrophe intime : l’abandon

Catastrophe sociale : déchéance de la mère, absence du père, précarité sociale (prostitution). Les deux gamins tentent de grandir dans un monde ruiné (couple détruit, mère folle, sœur aînée morte, père absent). Ils errent dans un monde abandonné des adultes, au bord de la mer.

Dramaturgie en mouvement : pièce à stations (chaque station étant une épreuve à passer, et c’est chaque fois un échec  : ils reviennent toujours à la case départ  : ils tournent en rond  ? Ou ils finissent par trouver la bonne solution – le père)

La pièce s’écrit comme en direct (cf décor qui est dessiné sur des tableaux d’école  : un espace unique qui est surface de projections successives, fluides, qui bouge sans bouger. Sand-painting) Ne rien montrer, mais susciter de l’imaginaire : surface de projection

Parcours initiatique : passage, transitionLes deux gamins remettent du mouvement dans un monde tétanisé, sclérosé. Leur innocence met à nu les arrangements des adultes, les obligent à se passer de béquilles

Espace entre deux > entre ville et paysage, entre nature et culture, espace précaire (en carton ?), terrain vague à la frontière de la cité, frontière poreuse où la nature lutte encore pour ses droits, où le sable peut recouvrir les constructions humaines…> entre rêve et réalité> entre vie et mort> entre enfance et âge adulte> entre folie et raison

Pistes pour la scénographie

Parce que toute la pièce est comme un conte raconté en même temps qu’il est vécu par les protagonistes, comme un jeu de rôle qui s’improviserait en direct sous nos yeux (ou plutôt « dans nos yeux  »), Ma mère qui chantait sur un phare a lieu à l’endroit même de la représentation théâtrale : là où la parole fait surgir le monde. Soit donc un simple rideau, tendu à l’avant-scène, devant lequel les deux garçons viendraient pour nous raconter, pour vivre et rêver leur histoire… De chaque côté, les coulisses  : là, d’autres personnages (le Conducteur d’engin, sa Femme) peuvent aussi assister au déroulement de l’action, quitte à intervenir soudain pour y ajouter leur point de vue, leur grain de sel…

Et parce que la Mère, qui est chanteuse dans le civil, est le centre vide mais fascinant de la pièce (tel un chant de sirène qui attire tous les personnages !), son pupitre de soliste sera planté à l’avant-scène, désespérément esseulé et inutile… D’autres pupitres habiteront les coulisses de côté, habité par les autres personnages qui sont comme un chœur de tragédie, un chœur abandonné par la soliste, dont on entendra très au loin l’écho de son chant de douleur hurlé à l’océan : seul fil d’Ariane qui permet aux deux enfants de ne pas trop se perdre dans le labyrinthe de la vie.

Le rideau d’avant-scène pourra soudain s’ouvrir de manière « magique   » ou théâtrale, et laisser entrer brusquement un nouveau personnage (la Fille, le Père), et l’escamoter soudain – comme des apparitions. Il sera d’ailleurs d’une matière translucide, blanchâtre, qui laissera à peine transparaître les corps placés derrière, comme des zombies, des ombres, des fantômes qui hantent le lieu et les esprits…

Ce rideau sera aussi composite, bricolé, portant la trace du temps : d’un blanc un peu sale, marqué par la poussière et la rouille, présentant d’antiques réparations au scotch, comme des rustines sur une vieille roue ou des sparadraps sur une peau meurtrie… Matière peu noble donc, modeste, monde en jachère, comme ces espaces abandonnés à la sortie des villes, ces terrains vagues envahis de carcasses de voitures, de squelettes de machines burinées par l’eau et le soleil.

Ce rideau pourra soudain être arraché, éventré par les enfants, qui ont besoin de pousser plus loin leur quête pour rejoindre leur mère et leur père, quitte à tout bousculer  ! D’autres rideaux apparaîtront donc, semblables et différents, s’ouvrant, tombant, s’effondrant, et dégageant peu à peu l’espace de la scène… jusqu’à la pleine mer finale où tangue la petite embarcation du Père : espace vide, brûlé par la lumière blanche d’un soleil de mort.

Dessins de Raymond SartiScénographe

Ci-dessous, des dessins réalisés par Raymond Sarti, le scénographe qui travaille avec François Rancillac sur le spectacle.

Évolution de la scénographie

Ci-dessous, quelques dessins réalisés réalisés par François Rancillac, metteur en scène sur l’évolution de la scénographie au fil des différents tableaux de la pièce.

 

PRÉPARER VOTRE VENUE

Du texte à la représentation

Le spectacle est particulièrement intéressant pour travailler sur le passage entre texte et représentation, car le passage du texte au plateau pose de nombreuses questions !

> Comment représenter les passages en style indirect ?

> Comment représenter les éléments réalistes du texte qui peuvent être compliqués à montrer sur un plateau de théâtre : le phare, la rivière, la forêt, les animaux ?

> Comment représenter les éléments «irréels» du texte : les apparitions du personnage de la Fille ou du Père ?

Propositions d’exercices à faire en classe

Pour ne pas déflorer le spectacle, sans doute mieux vaut ne pas faire lire l’intégralité de la pièce aux élèves avant la représentation. Cependant, il serait intéressant de leur proposer de lire le début du texte et de faire quelques exercices de préparation autour de cet extrait afin de créer une curiosité et de leur permettre de mieux saisir les enjeux du spectacle.

Extrait proposé : de la page 1 : « Ma chienne me regarde », à la page 9 : « Quand je relève la tête, il a disparu. »

Il pourra être demandé aux élèves de faire une lecture à haute voix en petits groupes, chaque élève jouant un personnage. On posera ensuite aux élèves quelques questions sur la façon dont ils imaginent la représentation de ce qu’ils ont lu :

> Comment jouer et mettre en scène le passage constant entre style direct et indirect : les personnages dialoguent de manière classique mais peuvent tout aussi bien « raconter » ce qui est en train de se passer sous leurs yeux, ce qu’ils font ou ce qu’ils pensent. Cela pose donc la question du point de vue et de la façon de représenter cette scène. Les personnages s’adressent-ils au public ou aux autres personnages présents sur scène ?

> Comment représenter les lieux de l’action (la maison, la rivière, le jardin...): Doivent-ils être représentés de manière réaliste ? Être symbolisés ? Ou tout juste évoqués ?

> Comment représenter les changements de lieux et de temps : Par exemple, dans l’extrait proposé, les deux enfants agissent au présent, tandis que les interventions du Conducteur d’engin s’inscrivent dans une temporalité plus «floue». Comment alors signifier ces différents espaces/temps de la pièce sur le plateau ? Par exemple, tous les personnages doivent-ils être présents sur scène en même temps  ? Et comment signifier le passage d’un lieu à l’autre (sachant que les garçons n’arrêtent pas de courir à travers le paysage) ?

> Comment jouer les « apparitions » des personnages de la Fille et du Père qui, peut-être (on ne le sait pas encore à ce moment du spectacle) n’existent pas réellement ?

> Comment représenter les animaux : doit-il y avoir de vrais animaux sur scène ou doit-on imaginer d’autres solutions (animaux en peluche, jouets,…).

Outre ces quelques questions, il pourra être demandé aux élèves d’imaginer globalement la mise en scène de cet extrait :

> Les personnages des enfants doivent ils être joués par de «vrais» enfants ? > Le décor : réaliste ? > Les costumes > La lumière (beaucoup ou peu de lumière, du noir entre certains passages...)

S’ils le souhaitent, les élèves pourront faire des dessins de leurs propositions.

L'art d'être spectateurAnalyser une représentation théâtrale

Réalisé pour l'ANRAT par Sandrine Froissart, professeur de lettres et responsable d’un atelier de pratique artistique en Aquitaine.

Autour de la représentation

• Quel est le titre de la représentation, de l’œuvre initiale ?S’agit-il d’une œuvre initiale, d’une traduction, d’une adaptation, d’une réécriture ? Quel est le nom de l’auteur, du metteur en scène, de la compagnie ?

• À l’intérieur de quelle institution ou de quel lieu se situe cette mise en scène (son identité, le statut de l’institution théâtrale qui accueille la représentation) ? Quand ?

• L’arrivée au théâtre : l’architecture extérieure du bâtiment, l’accès à la salle, l’accueil, l’atmosphère, le public.

• Description de la salle : théâtre à l’italienne, amphithéâtre, lieu alternatif.

• Les manifestations de la présence du public.

La scénographie

1 > L’espace théâtral

• Les spectateurs sont-ils placés en frontal, bi-frontal, tri-frontal, circulaire ou bien itinérants ?

• Quel est le rapport entre l’espace du public et l’espace du jeu (rideau, fosse, rampe) ?

2 > L’espace scénique

• Quelles sont les caractéristiques (sol, murs, plafond, forme, matières, couleurs) ?

• Est-il unique ou évolutif (à quoi correspondent les transformations) ?

• Quelle est sa structure : circulaire, rectangulaire, carrée ?

• L’espace est-il encombré, vide, minimaliste ?

• Est-il figuratif ou non ?

• Que représente cet espace (espace réel ou mental) ?

• Fait-il référence à une esthétique culturelle (rapport peinture / scénographie) ?

a- Le dispositif scénographique

• Quels sont les éléments qui le composent ?

• Donne-t-il matière à jouer ?

b- Les objets scéniques

• Quelles sont leurs caractéristiques et leur qualité plastique (natures, formes, couleurs, matières) ?

• À quoi servent-ils ?

• Ont-ils un usage fonctionnel (référentiel, mimétique) ou détourné ?

• Quels sont leur rôle : métonymique, métaphorique ou symbolique ?

3 > La lumière

• À quel moment intervient-elle ?

• Quel est son rôle : éclairer ou commenter une action, isoler un acteur ou un élément de la scène, créer une atmosphère, rythmer la représentation, assurer la transition entre différents moments, coordonner les autres éléments matériels de la représentation ?

• Y a-t-il des variations de lumière, des noirs, des ombres, des couleurs particulières ?

4 > L’environnement sonore musique, composition sonore, vocale, instrumentale ou bruitée

• Comment et où les sources musicales sont-elles produites (en direct par des musiciens ou enregistrées et introduites par la régie technique) ?

• Quelle est la situation des musiciens par rapport aux acteurs et aux spectateurs ?

• Quels sont les instruments ?

• Quel est son rôle : créer, illustrer, caractériser une atmosphère correspondant à la situation dramatique, faire reconnaître une situation par un bruitage, souligner un moment de jeu, ponctuer la mise en scène (pause de jeu, transition, changement de dispositif scénique) ?

• Quelles sont les conséquences sur la représentation ?#01• Quelles sont leurs caractéristiques et leur qualité plastique (natures, formes, couleurs, matières) ?

• À quoi servent-ils ?

• Ont-ils un usage fonctionnel (référentiel, mimétique) ou détourné ?

• Quels sont leur rôle : métonymique, métaphorique ou symbolique ?

5 > L’image, la vidéo

• Type et support de projection (cyclo, paroi, objet, corps)

• L’image est-elle prise en direct, ou préalablement enregistrée ?

• Sa présence est-elle continue, ponctuelle ?

• Est-elle illustrative, référentielle, symbolique ?

• Effet produit par l’image de l’acteur : changement d’échelle, focalisation, gros plan, mise en abyme, documentaire, distanciation, présence réelle / présence virtuelle.

6 > Les médias (  : tout système de communication permettant à une société de remplir tout ou partie des trois fonctions essentielles de la conservation, de la communication à distance des messages et des savoirs, et de la réactualisation des pratiques culturelles et politiques)

• Les médias sont-ils identifiables, visibles ou montrés, ou sont-ils au contraire cachés, dissimulés à la vue du public ?

•Les médias sont-ils produits en direct ou bien ont-ils été préparés à l’avance pour être insérés dans la représentation théâtrale ?

• Quelle est la proportion entre les médias audiovisuels et la performance de l’acteur ?

• Quel est le rapport des médias entre eux ? Sont-ils séparés ou glisse-t-on de l’un à l’autre ?

7 > Les costumes

• Vêtements, masques, maquillages, perruques, postiches, bijoux, accessoires

• Quelles sont les fonctions du costumes : caractériser un milieu social, une époque, un style ou permettre un repère dramaturgique en relation avec les circonstances de l’action ?

• Quel est son rapport au corps et à l’espace ?

• Quels sont les choix esthétiques (couleurs, formes, coupes, matières) ?

• S’agit-il d’un costume de personnage (inscrit à l’intérieur de la fiction pour servir l’intrigue) ou s’agit-il du costume d’un performer (danseur-acteur) lié à une tradition de jeu ?

La performance de l’acteurSes composantes : les indices de sa présence, le rapport au rôle (incarnation d’un ou plusieurs personnages, ou esquisse d’un personnage), la diction, la gestion et la lecture des émotions, l’acteur dans la mise en scène, proposition chorale ou chorégraphique.

1 > La description physique

• Les costumes : cet élément peut être traité comme une instance scénographique s’inscrivant dans une esthétique mais aussi comme une instance de jeu, porté par l’acteur, en mouvement sur le plateau.

• Apparence physique, maquillage

• Gestuelle, mimiques

• Postures, attitudes

2 > Rapport de l’acteur et du groupe

• Les acteurs occupent-ils l’espace scénique au moment où les spectateurs entrent dans l’espace théâtral ?

• Entrée, sortie, occupation de l’espace

• Démarches, déplacements, trajectoires

• Dynamique dans l’espace scénique

• Contacts physiques

• Jeux de regards

• Oppositions ou ressemblances entre les personnages

• Communication non verbale

3 > Rapport texte et voix

• Diction

• Rythme

• Amplification, sonorisation

• Variations (accentuation, mise en relief, e~acement, silence)

La mise en scène

• Par qui est assurée la mise en scène du spectacle (metteur en scène, dramaturge, comédiens, conseiller artistique) ?

• Quel est son parti-pris esthétique : réaliste (naturaliste), théâtralisé, symbolique, épique, stylisé, expressionniste ?•Quels sont les choix dramaturgiques ?

• Quelle est la place du texte ?

• Quel est le rapport entre le texte et l’image ?

• Quelle fable est racontée par la mise en scène (rapport entre la première et la dernière image) ?

• Quel est son discours (son propos) sur l’homme et sur le monde ?

AUTOUR DU SPECTACLE

DANS LES COULISSES

En décembre, plusieurs répétitions ouvertes du spectacle peuvent être proposées en journée. Rien de tel que d’assister à une heure de répétition d’un spectacle en cours de création, pour toucher du doigt, sans discours ni préparation, les enjeux du travail théâtral !

Et les coulisses vous sont aussi ouvertes sur le net, via notre blog, sur lequel vous trouverez des extraits de répétitions, des interviews du metteur en scène et des comédiens, des photos des spectacles, des anecdotes sur les créations...www.theatredelaquarium.tumblr.com

RENCONTRES AVEC LES ARTISTES

Nous pouvons organiser une rencontre avec le metteur en scène et/ou un ou plusieurs comédiens en amont ou après votre venue au spectacle, dans votre classe ou au théâtre.

UN SPECTACLE ITINÉRANT DANS VOTRE CLASSE

Chaque saison, François Rancillac propose un spectacle itinérant qui se joue dans les établissements scolaires, les librairies, les associations, chez les particuliers… Ce spectacle est léger (techniquement parlant) mais riche en contenu. Conçu comme un «apéritif» aux spectacles présentés à l’Aquarium, le texte choisi résonne avec la thématique qui traverse toute la saison - qui cette année touche aux questions de transmission et de filiation. Chaque représentation est suivie d’une rencontre avec la comédienne pour permettre à chacun d’échanger sur le spectacle vu et sur celui qui sera découvert ensuite au Théâtre de l’Aquarium.

Pour l’accueillir dans votre classe, il suffit de pouvoir nous accueillir dans votre classe pendant 3h (1h d’installation, 1h de représentation, 1h de rencontre).

MON PÈRE QUI FONCTIONNAIT PAR PÉRIODES CULINAIRES ET AUTRES (1h)d’Elizabeth Mazev - Ed. Les Solitaires intempestifsmise en scène François Rancillac / avec Émilie Chertierprod. Théâtre de l’Aquarium

En 21 petites vignettes délicieuses de drôlerie et de tendresse acidulée, Elizabeth Mazev croque le magnifique portrait d’un père immigré qui tente compulsivement à travers la nourriture ou ses proches de retrouver sa Bulgarie natale, de faire « comme si », de combler le vide. Et autour de cet ogre cyclothymique se construit comme elle peut une famille «  normale »   : Maman, le frère et « moi », petite fille aux yeux grand ouverts, gourmande comme son père et à l’humour impitoyable, qui découvre, entre la toile cirée et la gazinière, la tragi-comédie de la vie.

Si vous êtes intéressés par une rencontre, une répétition ouverte ou le spectacle itinérant, il vous suffit de contacter l’équipe des relations avec le public qui déterminera avec vous les dates les plus adéquates par rapport à votre venue au théâtre.

LA SAISON 2012-2013 : « À NOS REJETONS ! »

TRANS-MISSION

Cette saison, François Rancillac a choisi d’ancrer la programmation autour du thème de la transmission/filiation. Ainsi, les spectacles, bien que très différents les uns des autres, creuseront chacun à leur manière, la question de la famille et/ou de la place des enfants dans notre société.

Vous pourrez ainsi prolonger les questions abordées avec vos élèves en découvrant la suite de la programmation du Théâtre de l’Aquarium :

> du 12 février au 3 mars 2013 EYOLF (QUELQUE CHOSE EN MOI ME RONGE)de Henrik Ibsen – mise en scène Hélène SouliéTarif scolaire : 10€

> du 19 mars au 5 avril 2013CYCLE « BOURREAUX D’ENFANTS » – CHAP. 1Soirée 2 spectacles courts avec

MODESTE PROPOSITION de Jonathan Swift – mise en scène François Rancillacsuivi deL’HOMME QUI RIT d’après Victor Hugo – mise en scène Christine GuênonTarif scolaire : 15€ la soirée

> du 9 au 28 avril 2013 CYCLE « BOURREAUX D’ENFANTS » – CHAP. 2Soirée 2 spectacles courts avec

LA PLUIE D’ÉTÉ de Marguerite Duras – mise en scène Lucas Bonnifaitsuivi de NOTRE AVARE d’après Molière – mise en scène Jean BoillotTarif scolaire : 15€ la soirée

> du 10 au 24 mai 2013LES TENTATIONS D’ALIOCHAde Fiodor Dostoïevski – mise en scène Guy DelamotteTarif scolaire : 10€

Retrouvez toute la programmation du théâtre surwww.theatredelaquarium.com

INFOS PRATIQUES

Représentations

du 4 janvier au 3 février 2013du mardi au samedi à 20h30, dimanche à 16hau Théâtre de l'Aquarium

durée : 1h30

Réservations

par téléphone au 01 43 74 99 61 (service gratuit)du mardi au vendredi de 14h à 19h et le samedi de 14h à 19h à partir du 3 novembre

Tarifs

• 20€ plein tarif • 14€ moins de 30 ans, collectivités• 12€ adhérents Ticket-Théâtre(s)*, demandeurs d’emploi• 10€ étudiants et scolaires

> Abonnement4 spectacles 48€, soit 12€ le spectacle (hors Soda et Deux Labiche de moins et les café-concerts)

> Offres privilégiées10€ > sur la 1ère semaine des représentations14€ > À deux c’est mieux ! (soit 28€ au lieu de 40€ pour 2 personnes) 

> Café-concerts du Quatuor Leonis : 15€ / 12€ Ticket-Théâtre(s), moins de 30 ans, demandeurs d’emploi, collectivités 10€ étudiants et scolairesAvantage : La place de concert donne droit au tarif à 14€ pour le spectacle qui suit le concert 

Comment venir

> En métrostation château de Vincennes (ligne 1) + navette gratuite Cartoucherie (pendant une heure à l’aller et au retour)ou bus n°112 (zone 3)

> En voituresortie Porte de Vincennes, direction Parc Floral puis Cartoucherieparking gratuit sur le site de La cartoucherie