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Irremplaçable sol 4/2011 Une politique intégrée > Au carrefour des cycles des substances > Préserver des surfaces fertiles > La vie sous nos pieds > Construire sans s’étendre > Matières premières à profusion > Quand le sous-sol révèle le passé Les ressources naturelles en Suisse environnement

Magazine «environnement» 4/2011 - Irremplaçable sol

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Une politique intégrée, Au carrefour des cycles des substances, Préserver des surfaces fertiles, La vie sous nos pieds, Construire sans s’étendre, Matières premières à profusion, Quand le sous-sol révèle le passé

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Irremplaçable sol

4/ 2011

Une politique intégrée > Au carrefour des cycles des substances > Préserver des surfaces fertiles > La vie sous nos pieds > Construire sans s’étendre > Matières premières à profusion > Quand le sous-sol révèle le passé

Les ressources naturelles en Suisse

environnement

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environnement 4/20112

Sommaire

> Dossier Sol

03 Editorial de Gérard Poffet, sous-directeur de l’OFEV

04 Gestion intégrée Une ressource multifonctionnelle

08 Production alimentaireTout vient de la terre

12 Avenir de l’agriculture Entretien avec l’agronome Hans Rudolf Herren

14 Erosion Préserver la substance des sols

17 Décontamination Bactéries et autres innovations

21 Vivre dans l’obscuritéUn habitat pour des êtres mystérieux

24 PédagogieDe la litière à la roche

25 Friches industrielles Le recyclage se poursuit

29 Cailloux et graviersDes trésors souterrains

32 ArchivageLa nature mémorise l’histoire

> Hors dossier

39 Logement La pollution sonore nuit aux investissements

42 Politique forestière Entretien avec Jacqueline de Quattro, présidente de la Conférence des directeurs des forêts

45 Loup A la recherche du compromis

48 Electrosmog Rester vigilant

51 Sus aux suies! La Suisse et les filtres à particules

54 Grands cormorans Trop nombreux aux yeux des pêcheurs

> Rubriques

36 A notre porte38 En politique internationale57 Filières et formations58 Du côté du droit / Paru récemment60 Faits et gestes61 Impressum62 A l’office63 Portrait

> Abonnement gratuit / commandes

environnement, Swissprinters St. Gallen AGservice lecteurs, 9001 Saint-Galltél. +41 (0)58 787 58 65fax +41 (0)58 787 58 [email protected] www.bafu.admin.ch/magazine

> Dans le prochain numéro

Nous faisons nos courses, chauffons notre logement et nous déplaçons en véhicule privé ou en transports publics. Afin de satisfaire nos besoins en respectant l’environnement, il nous faut des indications sur la provenance et la fabrication des produits. La trans-parence du marché constituera le thème du numéro qui sortira à la mi-février 2012.

> En couverture

Cette vue des environs de Hochdorf (LU) met en évidence les multiples fonctions du sol – fournisseur de matières premières, terrain à bâtir, terre agricole, milieu de vie et mémoire de nos civilisations. Photo: OFEV/AURA, E. Ammon

> Infos pratiques

A part les rubriques, le contenu de ce numéro est également disponible sur Internet: www.bafu.admin.ch/magazine2011-4 Les articles sont pour la plupart accompagnés d’une liste de liens et de sources bibliographiques. L’OFEV sur Internet: www.bafu.admin.ch

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3environnement 4/2011

L’homme et l’humus

Le sol est un thème transversal essentiel de la politique

environnementale. Lorsque celle-ci définit ses objectifs

et planifie ses activités, il est presque toujours concer-

né. La plupart des polluants atmosphériques finissent

par retomber et pénétrer ses différentes couches.

C’est sur lui que reposent les habitats naturels et la

diversité biologique, sans parler des très nombreux

organismes qu’il abrite. Filtre vivant, il protège les eaux

sou terraines contre les atteintes chimiques ou biolo-

giques. Il emmagasine les précipitations et réduit ainsi

les risques liés aux dangers naturels. L’usage que nous

en faisons est donc déterminante pour le fonctionne-

ment des écosystèmes et pour la qualité du paysage

comme espace de détente et de découverte. Sans

compter que ses substances organiques stockent plus

de carbone que l’atmosphère, ce qui fait de lui un élé-

ment important de la protection du climat.

L’étymologie des mots « homme » et « humus » les

fait remonter à la même racine indo-européenne. Les

chasseurs-cueilleurs et les premières sociétés agri-

coles expérimentaient quotidiennement l’étroitesse des

liens qui les rattachaient à la terre. Or cette relation

n’a rien perdu de son actualité: pour la nature et pour

l’homme, le sol continue de remplir des fonctions vi-

tales que la technique ne peut remplacer.

Les hommes préhistoriques pressentaient déjà ce

que nous savons aujourd’hui: toute vie vient de la terre.

Les sols eux-mêmes sont des organismes vivants très

complexes et donc fragiles, qui se sont développés sur

des millénaires.

Pour gérer cette précieuse ressource sollicitée de

différentes manières par de nombreux utilisateurs,

mais limitée et vulnérable aux mauvais traitements,

une politique intégrée est indispensable. En collabora-

tion avec d’autres offices, les cantons et les secteurs

concernés, l’OFEV définit actuellement les principes

généraux d’une telle stratégie. Ce numéro d’environ-

nement vous montre où elle pourrait mener.

Gérard Poffet, sous-directeur de l’OFEV

www.bafu.admin.ch/magazine2011-4-01

Le sol fournissait déjà des matières premières il y a 6000 ans: sur le site archéo-logique de Wauwilermoos (LU), un parcours didactique fait découvrir comment l’homme du Néolithique calfeutrait sa cabane avec de la terre glaise.Photo: Sentier didactique Wauwilermoos (LU)

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environnement 4/2011 > Dossier Sol4

POLITIQUE INTÉGRÉE DES SOLS

Les conflits se durcissent autour de l’utilisation du sol. Pour que ce dernier continue d’assurer les services essentiels qu’il fournit à l’homme et à la nature, il doit être géré de façon judicieuse, en tenant compte à la fois de ses différentes fonctions et des besoins des utilisateurs.

Une ressource convoitée mais limitée

Notre pays est riche en sols. Deux chaînes montagneuses voisines l’une de l’autre lui ont valu une constitution géo-logique complexe et morcelée. La grande variété de roches et les différences climatiques ont donné naissance à des terres très diversifiées.

Le sol est un système hétérogène formé de particules minérales, d’humus, d’air, d’eau et de milliards d’orga-nismes. Sa composition et sa structure varient d’un endroit à l’autre.

Des fonctions vitales. A l’image de sa complexité, cette res-source essentielle remplit des fonctions très variées qui permettent chacune différentes utilisations:• En comptant les pâturages d’estivage en montagne, plus

du tiers de nos sols servent à la production alimentaire (pages 8 à 11 de ce dossier). La forêt, qui couvre 30 % du territoire, contribue elle aussi à cette fonction de pro-duction. Quelque 7 millions de m3 de bois exploitable poussent chaque année dans le pays, soit à peu près l’équivalent de la consommation suisse.

• Le sol joue un rôle clé dans les cycles naturels. Il ab-sorbe le carbone, l’azote, le phosphore et le soufre, éléments constitutifs de la vie, les transforme et les restitue sous une forme assimilable par les organismes. Il lie les polluants, les décompose et protège ainsi les eaux souterraines de la pollution (pages 17 à 20). Il emmagasine l’eau et la met à disposition des plantes. Lors de fortes précipitations, il la retient et retarde ainsi son écoulement. Par sa fonction régulatrice, le sol a également une influence sur le climat: la quantité de carbone stockée dans l’humus est deux fois plus élevée que dans l’atmosphère.

• Le sol est la zone d’enracinement des plantes et donc la base de tous les habitats terrestres. C’est aussi le milieu qui abrite le monde de la flore et de la faune souter-raines, dont l’importance pour les cycles naturels est toujours sous-estimée (pages 21 à 23). Sur les surfaces écologiques prioritaires, sa fonction d’habitat est mise au service de la biodiversité. Les marais, zones alluviales, prairies et pâturages secs, les sites de reproduction de batraciens d’importance nationale, régionale et locale,

potentiel

particularités biologiques et physico-chimiques

qui

déte

rmin

ent

les propriétés du sol:

les fonctions du sol:

qui influencent

La politique suisse de gestion du sol s’articule autour de ses trois dimensions, intimement liées l’une à l’autre: fonctions, propriétés et utilisations.Photos: profils pédologiques: WSL, Sols forestiers et biogéochimie; Jean-Michel Gobat;

fonctions et utilisations: AURA; OFEV/AURA; Markus Bolliger, OFEV; Christian Koch, Ruth

Schürmann

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5Dossier Sol > environnement 4/2011

L’homme exploite le sol de diverses manières. La stratégie élaborée distingue sept formes d’utilisation: agriculture; zones d’habitation, infrastructures de transport et autres; matières premières, énergie et eau potable; non-utilisation; décharges; forêt; surfaces écologiques prioritaires.

qui permettent

les utilisations du sol:

les fonctions du sol:

production

fonction de support source de matières premières

fonction régulatrice habitat

archivage

usw.

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environnement 4/2011 > Dossier Sol6

les réserves forestières, les districts francs fédéraux, le parc national et les nombreuses réserves naturelles couvrent actuellement 11,7 % du territoire suisse. En tant que signa-taire de la Convention sur la diversité biolo-gique, notre pays a pris l’engagement en 2010 à Nagoya (Japon) d’étendre cette proportion à 17 %.

• Lorsqu’un sol est bâti, on utilise sa fonction de support. Seuls les sites menacés par des dangers naturels comme les avalanches, les glissements de terrain ou les inondations ne s’y prêtent pas. Au milieu des années 1990, la surface urbanisée en Suisse – abords de bâti-ments, espaces de détente et parcs compris – s’élevait à 2791 km2, soit 6,8 % de la superfi-cie du pays. Aujourd’hui, elle atteint près de 9 %. Quelque 378 km2 de zone à bâtir ne sont pas encore construits. Plus de 60 % de l’aire urbanisée est couverte par des bâtiments ou des infrastructures et donc imperméabilisée (pages 25 à 28).

• Les sols suisses sont également une source de matières premières, en particulier de gravier (pages 29 à 31). On exploite aussi du calcaire (dans le Jura) et du granit. L’utilisation de l’énergie contenue dans le sol en est encore à ses balbutiements: à long terme, le poten-tiel de la géothermie est cependant jugé très élevé (voir environnement 2/2009, « L’énergie des profondeurs », pages 36 à 38).

• Les sols contiennent des fossiles d’animaux et de plantes ainsi que toutes sortes d’objets créés par l’homme. Ils portent les traces du climat, de la végétation et de l’utilisation du terrain. Les archéologues et les archéopédo-logues – une branche spécialisée de la pédo-logie – tirent parti de la fonction d’archivage du sol. Ils y déchiffrent l’histoire de la nature et de la civilisation de la région étudiée (pages 32 à 35).

Le sol ne peut pas tout faire à la fois. Certaines fonctions sont liées entre elles: seuls les sols vivants sont fertiles et capables de réguler les cycles naturels ou d’éliminer les polluants. Mais d’autres peuvent s’exclure mutuellement. Ainsi, les sols bétonnés sont pratiquement perdus pour des usages différents. L’urbanisation se fait sur-tout au détriment de l’agriculture. Entre 1982 et 2006, 16 cantons couvrant la quasi totalité du Plateau ont vu 363 km2 de terres cultivables

sacrifiées à la construction d’habitations – soit 3,4 % de la surface agricole utile de la Suisse sans les pâturages d’estivage.

L’agriculture, de son côté, a des effets nui-sibles sur plusieurs fonctions du sol. Une ex-ploitation trop intensive nuit à la faune et à la flore sauvages, comme en témoignent les listes rouges, où les espèces des paysages ruraux sont particulièrement nombreuses. L’érosion due à une utilisation inadéquate du sol menace 20 % de nos terres arables. En forêt, le compactage des sols est un problème d’actualité lié à l’exploita-tion (pages 14 à 16).

Dépôts de polluants. Le sol est également menacé par la dégradation de l’environnement. Les polluants atmosphériques s’y accumulent, l’azote ammoniacal produit par l’agriculture et les oxydes d’azote émis par les moteurs et les chauffages le surfertilisent et l’acidifient. A cela s’ajoutent les quelque 50 000 sites contaminés disséminés dans tout le pays, qui témoignent des erreurs passées: autant d’impacts négatifs sur ses fonctions de production, de régulation et d’habitat.

La Suisse a une superficie de 41 293 km2. Et elle ne s’agrandit pas. Le sol est donc une ressource limitée, qui doit satisfaire à des exi-gences croissantes. Cet état de fait attise les conflits d’utilisation. Ils concernent surtout les 13 500 km2 de surface du Plateau et des vallées alpines. Le marché privilégie le recours au sol comme support: la construction d’un terrain peut rapporter mille fois plus à son propriétaire qu’une utilisation agricole. En forêt, le rapport est presque nul, et en cas d’usage exclusif du sol comme habitat naturel, il peut même être néga-tif si des mesures d’entretien sont nécessaires. La valeur des services écologiques ainsi fournis à la société n’est pas prise en compte dans le calcul du rendement.

Une politique intégrée. Pour que le sol puisse remplir durablement le rôle indispensable qui est le sien, les ressources doivent être gérées de manière intelligente. L’OFEV élabore en ce moment avec ses partenaires une stratégie ap-propriée. Celle-ci vise à intégrer la protection et l’utilisation du sol en tenant compte de ses diver-ses fonctions, tout en assurant une répartition optimale de la surface disponible entre les diffé-rentes exigences.

Pour préserver la multifonctionnalité des sols, ils devraient toujours être affectés en priorité à l’usage pour lequel ils sont le mieux adaptés.

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7Dossier Sol > environnement 4/2011

Utilisation durable du sol: l’apport de la science

Lancé en 1985 dans le cadre du Fonds natio­nal suisse, le Programme national de recherche « Utilisation du sol en Suisse » (PNR 22) devait examiner comment maintenir à long terme la fertilité du sol, réduire les pertes de terrains et conserver assez de surfaces naturelles pour la flore et la faune. Le projet s’est achevé en 1991. Les résultats, publiés sous forme de livre*, es­quissaient déjà les grandes lignes d’une poli­tique intégrée.

Aujourd’hui, le Fonds national revient sur ce thème avec le PNR 68 « Utilisation durable de la ressource sols: nouveaux défis ». Lancé en mars 2011 par le Conseil fédéral, le pro­gramme est doté de 13 millions de francs.

Parmi les nouveaux défis évoqués figurent les changements climatiques: le module Ela-boration d’une base de connaissances se pen­chera sur les conséquences du réchauffement pour nos sols. Il traitera également de leur utilisation efficace sous l’angle de l’occupation des surfaces ou de la consommation d’engrais et d’énergie dans l’agriculture (voir aussi page 11).

Le module Développement intégré de mé-thodes et d’instruments pour l’évaluation de la ressource sols vise notamment à élaborer des indicateurs permettant une évaluation globale de la biodiversité, ainsi qu’à améliorer la prise en compte de la qualité des sols dans l’amé­nagement du territoire.

Le module Développement d’approches et de stratégies pour une exploitation durable de la res-source sols porte entre autres sur les récentes évolutions dans le domaine réglementaire et socio­économique. Les différences entre les légis­lations de la Suisse et de l’UE constituent l’un des thèmes traités.

Le programme a pour objectif d’étudier les principales fonctions du sol ainsi que leur in­teraction dans une approche interdisciplinaire, en tenant compte des enseignements tirés de la mise en œuvre de la loi sur la protection de l’environnement, de l’ordonnance sur les at­teintes portées aux sols et de l’observation des sols par la Confédération et les cantons.

* Rudolf Häberli et al., L’affaire SOL: Pour une utilisation mesurée du sol en Suisse, Editions Georg, Genève, 1991

CONTACTChristoph WengerChef de la division SolsOFEV031 322 93 [email protected]

Pour préserver la multifonctionnalité des sols, ils devraient toujours être affectés en prio rité à l’usage pour lequel ils sont le mieux adaptés: les terres agricoles fertiles doivent être réservées à la production alimentaire, même si une construc-tion serait beaucoup plus rentable; des sols re-couvrant d’importantes nappes souterraines doivent avant tout protéger celles-ci de la pollu-tion, quitte à restreindre pour cela d’autres em-plois; pour la compensation écologique dans les zones agricoles, il faut choisir les terrains offrant le meilleur potentiel en matière de biodiversité, et non les parcelles les moins productives. La pré-servation des fonctions du sol est vitale pour la société et devrait donc l’emporter sur les revendi-cations des propriétaires.

Une autre possibilité est l’utilisation simul-tanée ou successive d’une parcelle à différentes fins: une prairie riche en espèces est d’abord ha-bitat, mais elle est également exploitable comme prairie de fauche. Avec une planification adé-quate, un site peut être affecté successivement à l’agriculture, puis à l’extraction de matières premières, et enfin être aménagé en biotope di-versifié.

Toute utilisation devrait permettre de préser-ver les fonctions du sol ou du moins de les reconstituer à long terme. Une exigence difficile à respecter si le terrain est construit. C’est pour-quoi l’urbanisation doit être limitée systémati-quement aux zones bâties, où les sols ont déjà perdu en grande partie leurs autres fonctions.

La disponibilité et la qualité du sol in-fluencent de multiples secteurs de la politique et de la société. Cela se reflète dans la législation: le sujet est traité dans la Constitution fédérale ainsi que dans neuf lois et seize ordonnances. Toutes ces dispositions doivent être réunies en une stratégie intégrée qui puisse garantir une utilisation durable de cette ressource essentielle.

Christoph Wenger, OFEVwww.bafu.admin.ch/magazine2011-4-02

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environnement 4/2011 > Dossier Sol8

La Confédération a établi un « Plan sectoriel des surfaces d’assolement » afin que les sols adaptés aux grandes cultures servent prioritairement à la production. Mais garantir des surfaces ne suffit pas: les sols doivent rester sains et vivants pour assurer à long terme notre alimentation.

Cette terre qui nous nourrit

La bataille agricole a été la seule que la Suisse ait dû livrer durant la Seconde Guerre mondiale. Toute terre qui s’y prêtait peu ou prou était la-bourée dans le but de nourrir la population de produits indigènes. Mais malgré ces efforts, le taux d’autarcie ne dépassa jamais 59 %.

Le rendement du sol a connu depuis une évo-lution fulgurante. Malgré la forte diminution des surfaces agricoles et l’augmentation de la po-pulation, nos assiettes contiennent à peu près la même proportion d’aliments cultivés en Suisse qu’autrefois. Calculée en unités énergétiques, elle est actuellement de 62 % (voir graphique ci-dessus).

Une Suisse importatrice de fourrage… Ce pourcen-tage trompe toutefois, car il ne prend pas en compte que nos animaux de rente se nourrissent de fait à l’étranger: plus de 200 000 hectares (ha) de champs d’autres pays servent à couvrir leurs besoins, ce qui correspond à trois quarts de nos terres ouvertes environ. Le soja notamment pose problème. Le bilan écologique de son principal exportateur, le Brésil, est souvent exécrable, et cette culture empiète toujours plus sur la forêt tropicale.

Le nombre de personnes qu’un hectare de sol agricole peut nourrir dépend largement de nos habitudes alimentaires. Nous consommons

Production

Proportion de production indigène dans notre alimentation (en unités énergétiques)

100 %90 %80 %70 %60 %50 %40 %30 %20 %10 %

0 %veau 97 % volaille 48 % bœuf 81 %porc 91 % céréales 58 %lait et produits laitiers 109 % œufs 44 %

Ce schéma ne tient pas compte des importations de fourrage. Si on les intègre dans le calcul, le taux suisse d’autarcie actuel se réduit à 72 % pour les denrées d’origine animale et à 55 % au total.Source: OFAG, Rapport agricole 2010

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52 kilogrammes (kg) de viande par an. Or, il faut entre deux et sept fois plus de superficie pour pro-duire un joule de viande que pour obtenir un joule d’aliment végétal. L’Office fédéral pour l’approvi-sionnement économique du pays (OFAE) estime que si nous passions à une nourriture plus équilibrée et diversifiée, les surfaces à disposition pourraient théoriquement suffire pour faire subsister la popu-lation actuelle à un seuil physiologique minimum de 2300 kilocalories (voir graphique page 10).

… et d’énergie. Mais ce calcul, à son tour, omet un élément important: comme d’autres branches éco-nomiques, notre agriculture est sous perfusion d’énergies fossiles. Pour chaque joule qu’elle pro-duit, elle en consomme 2,5 en énergie externe, la plupart du temps importée.

S’inquiéter de la dépendance de notre appro-visionnement alimentaire envers l’étranger peut sembler un peu déphasé dans cette Europe du XXIe siècle presque sans frontières. Il y a cependant de bonnes raisons de ne pas laisser les sols suisses perdre leur fonction de production. Selon l’Office fédéral du développement territorial (ARE), il faut s’attendre à ce que la concurrence mondiale pour les bonnes terres s’intensifie ces prochaines années.

9Dossier Sol > environnement 4/2011

La Suisse doit donc comme les autres se préparer à pouvoir subvenir davantage sur place aux besoins alimentaires de ses habitants. Par ailleurs, l’ARE considère que c’est un acte de solidarité – et donc un devoir éthique – de la part de la Suisse, pays riche, que de ne pas puiser sans vergogne sur le marché mondial pour assurer sa subsistance.

A chaque canton ses surfaces. Le « Plan sectoriel des surfaces d’assolement » a été mis au point afin de répondre à ces défis. Les surfaces d’assolement (SDA) sont des terres agricoles se prêtant aux grandes cultures: elles comprennent les terres déjà cultivées, mais également des prairies artificielles, semées en

alternance avec d’autres cultures, et des prairies na-turelles qui peuvent au besoin être labourées.

Se fondant sur un plan alimentaire, le Conseil fédéral a fixé en 1992 à 438 560 ha la superficie requise de SDA. Il a défini pour chaque canton une surface minimale à assurer.

Le plan sectoriel ne s’intéresse pas à l’exploi-tation actuelle, mais au potentiel du sol. Les sur-faces de compensation écologique telles que les jachères florales, les prairies extensives ou les bandes cul turales comptent elles aussi comme SDA. Il en va de même des espaces inondables situés le long des ruisseaux et rivières et qui leur sont réser-vés pour des raisons de protection contre les crues et d’écologie des cours d’eau (voir environnement 3/2011, dossier « Place aux cours d’eau! »): ces sols sont en effet la plupart du temps cultivables.

La marge de manœuvre rétrécit. Dix ans après l’éta-blissement du plan, l’ARE a dressé un bilan mitigé de son application: la surface totale minimale reste certes disponible, mais les SDA subissent elles aussi la pression des constructions, dont l’avancée se fait en grande partie à leurs dépens. Pour bâtir également, les sols labourables plats sont les plus convoités.

Lorsque des SDA sont soustraites à l’agriculture et que les contingents cantonaux ne sont plus res-pectés, une compensation est exigée. Le canton concerné peut par exemple changer d’affectation des SDA sises en zone à bâtir pour en faire des zones agricoles, ou délimiter des sols labourables qui n’ont pas encore été inventoriés. « Mais la marge de manœuvre ne cesse de diminuer », précise Elisabeth Clément-Arnold, de la section Espaces ruraux et paysage à l’ARE.

Il y a sol et sol. Les surfaces d’assolement doivent pouvoir recevoir de grandes cultures. Selon l’or-donnance sur l’aménagement du territoire (OAT),

Proportion de production indigène dans notre alimentation (en unités énergétiques)

fruits 68 %céréales 58 % légumes 46 % huiles et graisses végétales 17 % sucre 75 % pommes de terre 90 %

au total 62 %

Page 10: Magazine «environnement» 4/2011 - Irremplaçable sol

environnement 4/2011 > Dossier Sol10

Miser sur la viande ou sur un régime diversifié?

Aujourd’hui, la surface agricole utile de Suisse est occupée à 12 % par des céréales et produits des champs destinés aux animaux de rente; les prairies artificielles recouvrent 12 % supplémentaires (graphique de gauche). Si nous passions à une nourriture plus équilibrée et diversifiée, une partie de ces terres pourrait être consacrée à la culture de plantes alimentaires destinées à la consommation humaine (graphique de droite).

cultures permanentes 2 % produits des champs 15 %

consommation humaine prairies artificielles 12 %

c

ultures fo

urragères 12 %

cultures fourragères 7 % cultures permanentes 3 % produits des cham

ps 30 %

consommation humaine

les critères déterminants sont les conditions clima-tiques, les caractéristiques du sol et la configuration du terrain. Il faut notamment que la période de végétation et les précipitations concordent et que l’approvisionnement en eau et en nutriments soit suffisant; quant à la pente, elle doit permettre une exploi tation mécanique.

Une aide à l’exécution de 2006 mentionne d’autres critères, qui concernent la profondeur du sol, sa densi-té ou encore les atteintes subies. La couche supérieure perméable aux racines doit présenter une épaisseur de 50 centimètres au moins, son compactage ne pas dépasser un seuil critique et sa teneur en polluants respecter les valeurs indicatives de l’ordonnance sur les atteintes portées au sol (OSol). Ces exigences ne s’appliquent toutefois qu’à des cas bien précis, par exemple lorsqu’il s’agit de délimiter de nouvelles SDA afin d’en remplacer d’autres, ou quand, également à titre de compensation, on enrichit en humus un sol peu profond pour en faire une SDA.

Repères cartographiques. Il revient aux cantons de déterminer les terres appropriées. Les cartes des sols d’une échelle allant de 1:5000 à 1:10 000 sont ici d’un grand secours. Elles caractérisent les surfaces agri-coles en fonction de la qualité de leur sol. Le canton

de Glaris, par exemple, vient de se doter d’une telle carte. Elle a été réalisée par le bureau Arcoplan, qui a établi à cet effet plus de cent profils pédologiques et évalué les caractéristiques de plus d’un millier de surfaces de référence.

Glaris devait fournir le plus petit contingent: 200 ha. Il ressort de la cartographie réalisée que ce canton montagneux dispose encore de SDA suffi-santes. Toutefois, une partie d’entre elles répondent bien aux critères fixés dans l’OAT, mais sont situées plutôt à l’ombre, ce qui les rend peu intéressantes pour les grandes cultures. Seuls 186 ha sont de la qua-lité voulue, dont 17 se trouvent en zone à bâtir et ne sont par conséquent pas assurés à long terme. « Nous avons l’intention de délimiter les 31 ha manquants sur de bons terrains », affirme Marco Baltensweiler, chef de la division Agriculture au Département glaro-nais de l’économie et de l’intérieur, « soit en sortant les SDA de la zone à bâtir, soit en enrichissant en hu-mus des sols suffisamment ensoleillés, mais pas assez profonds. » Quant à la charge de polluants, elle ne dépasse nulle part les valeurs limites de l’OSol.

Exploiter en douceur. Les surfaces d’assolement comptent parmi les terres agricoles les plus inten-sivement exploitées. Selon l’évaluation de l’ARE, il

prairies a

rtifici

elles

8 %

prairies et pâturages permanents, prairies à litière 59 %

Sources: USP, Statistiques et évaluations concernant l’agriculture et l’alimentation; OFAE, Berechnung theoretisches Produktionspotenzial Fruchtfolgeflächen, 2011

aliments pour ani

mau

x

prairies et pâturages permanents, prairies à litière 52 % aliments pour animaux

Page 11: Magazine «environnement» 4/2011 - Irremplaçable sol

11Dossier Sol > environnement 4/2011

CONTACTRoland von ArxChef de la section Protection des solsOFEV 031 322 93 [email protected]

«On parle encore trop souvent de surface uniquement. Le sol a un volume, et les processus déterminant sa productivité ne se font pas à sa surface, mais en profondeur. » Roland von Arx, OFEV

consommation humaine

est probable que leur flore et leur faune sont souvent appauvries. Quant à leur charge en pol-luants, elle doit avoir atteint par endroits des valeurs préoccupantes en raison de la forte fu-mure, de l’utilisation de pesticides et de l’épan-dage de boues d’épuration qui était d’usage autrefois. Autant de facteurs qui réduisent leur qualité. Et l’ARE de conclure qu’il faut accorder bien plus d’attention désormais aux sols des SDA.

Roland von Arx, chef de la section Protec-tion des sols à l’OFEV, ne peut que souscrire à ces propos. « On parle encore trop souvent de surface uniquement. Le sol a un volume, et les processus déterminant sa productivité ne se font pas à sa surface, mais en profondeur. » Sur les SDA aussi, il faut s’attacher à préserver la vie du sol en l’exploitant de manière toujours plus écologique. « La fertilité naturelle de la terre constitue le seul fondement solide d’une produc-tion durable, et donc d’une sécurité alimentaire à l’épreuve du temps. Or elle dépend des orga-nismes qui y vivent.»

Hansjakob Baumgartnerwww.bafu.admin.ch/magazine2011-4-03

critè

res

pédo

logi

ques

Périmètre cartographié: 1085 ha665 ha exclus pour cause de– classe d’aptitude (pré et pâturage uniquement)– profondeur du sol – configuration du terrain– pierrosité du sol (blocs)

112 ha exclus pour cause de– couche superficielle acide– divers cas spéciaux (tels que manque partiel de profondeur)

72 ha exclus pour cause de– situation en zone de protection des eaux souterraines– fin d’ensoleillement avant 16 h 30

Périmètre cartographié: 1085 ha

Restent 420 ha

Restent 308 ha

Restent 236 ha pour les surfaces d’assolement

Source: Arcoplan

Efficacité énergétique: le bio fait mieux

Parmi les effets négatifs de l’agriculture sur la nature et l’environnement, plusieurs sont étroitement liés à l’énergie consommée sous forme d’engrais chimique et de pesticides: pollution des sols, de l’air et des eaux, ou encore perte en biodiversité.

L’efficacité énergétique a donc toute son importance dans ce secteur éga­lement. Le FiBL, l’Institut de recherche de l’agriculture biologique à Frick (AG), compare depuis 1978 les systèmes de culture biologique et les méthodes conventionnelles. Un rapport intermédiaire, après 21 ans d’observation, a montré que le rendement par hectare des exploitations biologiques est certes inférieur de 20 % en moyenne, mais que leur bilan énergétique surpasse de 19 % celui des cultures conventionnelles, en raison d’une utilisation de 30 à 60 % moins importante d’engrais. Paul Mäder, agronome auprès du FiBL, estime que les cultures biologiques peuvent encore améliorer leur efficacité énergétique. En labourant moins, par exemple, elles feraient moins fonction­ner leurs machines.

Délimitation des surfaces d’assolement: l’exemple glaronais

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environnement 4/2011 > Dossier Sol12

« De nombreux projets dans les régions tropicales et subtropicales montrent que l’agriculture écologique permet d’améliorer le rendement de 50 à 100 %. » Hans Rudolf Herren

environnement: La population mondiale devrait dépasser les 9 milliards en 2050. Les terres agricoles suffiront-elles à les nourrir?Hans Rudolf Herren: Oui, et ce, sans qu’on doive pour autant les surexploiter, déboiser ou dé-truire d’autres écosystèmes précieux. La Terre pourrait d’ailleurs nourrir actuellement 2,5 mil-liards de personnes en plus, si nous ne laissions pas s’avarier la moitié de la production.

Pourtant, d’après le rapport EISTAD* du Conseil mon-dial de l’agriculture, 1,9 milliard d’hectares sont déjà dégradés du fait d’une mauvaise utilisation et plusieurs millions supplémentaires sont abîmés chaque année par l’érosion et la salinisation. La terre ne va-t-elle pasfinir par manquer?Si. C’est bien pour cela qu’il faut enrayer d’ur-gence ces pertes et, autant que possible, régéné-rer les sols par des méthodes utilisables dans les pays en développement. Le compost notamment peut être très utile. La production agricole de la planète sera un jour suffisante – à condition toute fois de changer radicalement de politique.

Qu’est-ce qui doit changer?Nous devons renoncer à tirer de la terre le maxi-mum à court terme. Il faut au contraire encou-rager des méthodes écologiques qui visent un rendement non pas le plus élevé, mais le plus du-

ENTRETIEN AVEC HANS RUDOLF HERREN, PRÉSIDENT DE L’INSTITUT DU MILLÉNAIRE À WASHINGTON

Sur les 14,8 milliards d’hectares de terres émergées que compte notre planète, 5,6 sont improductifs et 4,2 sont recouverts de forêts. Restent 5 milliards d’hectares de terres agricoles, qui doivent nourrir une population en augmentation constante. Selon l’agronome suisse Hans Rudolf Herren, il faut entièrement repenser la politique agricole mondiale pour que la production suffise à long terme.

« L’agriculture écologique est une question de survie »

Hans Rudolf Herren, 64 ans, est un scientifique mon-dialement reconnu dans le domaine de la protection biologique des plantes. Il a reçu en 1995 le Prix mondial de l’alimentation pour sa lutte efficace con-tre un parasite du manioc au moyen de minuscules guêpes. Président de l’Institut du Millénaire (Millennium Institute) à Washington D.C. depuis 2005, coprésident de l’Evaluation internationale des sciences et technolo-gies agricoles au service du développement (EISTAD) de 2002 à 2008, il a fondé en 2003 en Suisse la fondation Biovision pour le développement écologique. www.biovision.ch Photo: Biovision

rable possible. Seule une agriculture qui se fonde sur la fertilité naturelle du sol et s’efforce de la conserver pourra nourrir la population mon-diale en continuité. L’utilisation de substances telles que les engrais ou les pesticides doit être réduite au minimum. De toute façon, les petits agriculteurs des pays en développement n’ont pas de quoi les acheter. En Afrique subsaha-rienne, 80 % des exploitations couvrent moins de 2 hectares. Les petits cultivateurs sont en mesure d’alimenter les habitants de ces pays, mais il faut les encourager et les soutenir.

Comment?Il faut d’abord ajuster les prix à la production. Aujourd’hui, la cause principale de la faim dans le monde n’est pas le manque de nourriture, mais la pauvreté. Il serait toutefois faux de bais-ser les prix des aliments dans les pays en déve-loppement: les agriculteurs resteraient pauvres et ne seraient pas incités à produire davantage. Plutôt que de faire pression sur les prix, il faut améliorer le niveau de vie. La pauvreté et la faim touchent surtout le monde rural. Il faut donc investir à la campagne dans les infrastructures et l’industrie de transformation des produits agricoles, pour créer des emplois et augmenter le pouvoir d’achat.

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13Dossier Sol > environnement 4/2011

Vu les besoins croissants, est-il vraiment possible de renoncer au rendement maximal pour passer à une agriculture écologique?Oui. L’agriculture écologique n’est pas un luxe réservé aux riches, mais une question de survie. Elle est la seule à pouvoir garantir à long terme la production alimentaire. Sa généralisation risque effectivement d’entraîner un léger recul de la production dans les pays industrialisés,

mais rien de dramatique. En revanche, dans les pays en développement, où une augmentation est nécessaire, le potentiel des petites exploi-tations est important, y compris avec des mé-thodes durables.

Quel est ce potentiel?De nombreux projets dans les régions tropicales et subtropicales, notamment en Amérique latine et dans certaines parties de l’Afrique, montrent que l’agriculture écologique permet d’améliorer le rendement de 50 à 100 %. En Asie centrale, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, la situation est plus complexe en raison du manque d’eau, de

la dégradation des sols ou – en Asie – parce que le rendement maximal est déjà atteint. Il faudra alors diversifier les plantes cultivées et choisir des variétés à plus haute valeur nutritive ou mieux adaptées aux conditions locales.

Il n’y a pas que la croissance démographique: la surface agricole nécessaire augmente plus vite que la population en raison des nouvelles habitudes

alimentaires, caractérisées par une consommation plus importante de produits d’origine animale. C’est vrai. Si la population s’accroît de 3 à 4 mil-liards d’individus qui, du fait de l’amélioration du niveau de vie, mangent autant de viande que les habitants des pays riches aujourd’hui, il y aura un problème. Nous n’aurons plus assez ni de terres cultivables ni d’eau pour produire suf-fisamment d’aliments et de fourrage. C’est donc aussi notre mode de vie qui doit changer.

Propos recueillis par Hansjakob Baumgartnerwww.bafu.admin.ch/magazine2011-4-04

« L’agriculture écologique est une question de survie »

* Rapport EISTAD: le Conseil mondial de l’agriculture, lancé par la Banque mondiale en 2002 dans le but de réduire la sous-alimentation et la pauvreté, a publié en 2008 son rapport EISTAD (Evaluation internationale des sciences et technologies agricoles au service du développement). Il propose des stratégies et des mesures permettant d’adapter l’agriculture aux en-jeux des prochaines décennies – croissance démographique, écosystèmes menacés, changements climatiques. www.agassessment.org (site en anglais)

Cultures maraîchères en Afrique. Les agriculteurs des pays en développement doivent pouvoir vendre leurs denrées à un prix équitable, sinon ils ne seront pas incités à augmenter leur production. Photo: Biovision

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environnement 4/2011 > Dossier Sol14

ÉROSION

L’érosion est un danger latent qui touche non seulement les sols cultivés, mais aussi les prairies alpines. La menace qui pèse sur les régions agricoles de Suisse peut désormais être estimée plus précisément grâce à la carte des risques d’érosion.

Touchés dans leur substance

Production

Extrait de la carte suisse des risques d’érosion en région de plaine: danger élevé danger pas de danger

2009 OFAG, OFEV, OFT, Swisstopo (DV023258)

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15Dossier Sol > environnement 4/2011

Les sols suisses produisent chaque année une tonne d’humus par hectare, mais les intempé-ries peuvent en emporter cent fois plus en un seul jour. L’ordonnance sur les atteintes portées aux sols (OSol) définit un seuil de tolérance pour l’érosion des surfaces agricoles: elle ne doit pas dépasser deux tonnes par hectare et par an si la couche supérieure où poussent les racines est d’une épaisseur inférieure ou égale à septante centimètres, et quatre tonnes si elle est plus profonde. Sur la base de modèles numériques, le géographe Volker Prasuhn, de la Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon (ART), estime que près de 40 % des sols exploités en Suisse subissent une érosion plus forte – quand on ne les protège pas.

Genève montre l’exemple. Les agriculteurs omet- tent souvent de ménager leurs terrains, par igno-rance, par désir d’un rendement à court terme ou par choix de cultures inadaptées aux condi-tions locales. Parfois, ce sont aussi les autorités cantonales qui ont d’autres priorités et ferment les yeux ou ne connaissent tout simplement pas les surfaces menacées, faute de relevés. L’OSol prescrit des techniques de génie rural et d’ex-ploitation antiérosives et autorise les cantons à ordonner les mesures adéquates. Mais jusqu’ici,

L’érosion a de nombreux visages. De gauche à droite: érosion en nappe, rigoles, ravines, réseau de rigoles et de ravines, érosion dans des ornières, dans des sillons.Photos: Volker Prasuhn

seuls Genève, Soleure, Lucerne et Bâle-Campagne ont recueilli les données nécessaires et en ont tiré des cartes numériques.

Pour remédier à cet état de fait, l’Office fédé-ral de l’agriculture (OFAG) a fait dresser une carte des risques d’érosion à l’échelle nationale. Elle couvre toutes les régions cultivables, soit essentiellement le Plateau, ainsi que les régions de montagne I et II.

Des unités de deux mètres sur deux. Volker Pra-suhn a largement contribué à l’élaboration de cette carte, avec Hanspeter Liniger, de la section Développement et environnement à l’Institut de géographie de l’Université de Berne. Ils sont partis d’un modèle numérique de la Suisse dis-ponible depuis quelques années, qui décrit le terrain avec une résolution de deux mètres sur deux dans le plan horizontal et des étages d’altitude de quinze centimètres seulement. « Il fait ressortir même des dépressions minimes », signale Volker Prasuhn. C’est important, car elles peuvent former des rigoles dans lesquelles la terre sera emportée par les écoulements d’eau.

Le modèle numérique de terrain peut être combiné avec des informations sur le sol et les précipitations. Le reste est mathématique. Un spécialiste a traité toutes ces données – 1500 gigaoctets – une année durant. La carte des risques d’érosion qui en a résulté est disponible sur Internet depuis le début de 2011 (www.agri-gis.admin.ch). Sa résolution extrêmement élevée permet d’examiner les parcelles les plus petites.

Le relief en point de mire. On voit immédiatement que les problèmes se posent dans les régions de collines. Il n’y a rien à craindre dans les plaines, comme le Seeland à l’ouest de Berne. Ailleurs, près de 45 % des surfaces inventoriées sont poten-tiellement menacées. Mais ce n’est réellement le cas que pour une partie d’entre elles, car la carte ne tient pas compte du type d’affectation. « Pour estimer correctement le risque d’érosion, il est indispensable de visiter les lieux », note Volker Prasuhn. Si le périmètre considéré est recouvert de prairies permanentes, la question est vite ré-solue: la couverture végétale continue prévient l’érosion par ruissellement. Mais il faut étudier le terrain plus en détail si l’on y cultive, par exemple, des betteraves sucrières ou des pommes de terre.

D’après Samuel Vogel, responsable du secteur Ecologie de l’OFAG, le but du projet est juste-ment de pouvoir identifier les surfaces à exami-ner plus précisément. « La carte permet à tous les intéressés de se faire une première idée », déclare-t-il. On trouvera un mode d’emploi dans le chapitre « Erosion » du module « Sol » élaboré

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environnement 4/2011 > Dossier Sol16

CONTACTJean-Pierre ClémentSection Protection des solsOFEV031 322 68 [email protected]

actuellement dans le cadre de l’Aide à l’exécution pour la protection de l’environnement dans l’agriculture, une publication conjointe de l’OFAG et de l’OFEV.

Semis direct sans labour. Les prestations écologiques requises (PER) comprennent des dispositions visant à éviter l’érosion. Mais elles se sont avérées trop peu efficaces jusqu’à présent. Pour relancer la pré-vention, le projet du Conseil fédéral pour la poli-tique agricole de 2014 à 2017 prévoit des mesures fondées sur la nouvelle carte, qui pourront être subventionnées pendant une durée limitée. Ces modifications entreront en vigueur en 2014.

Reste à informer et à persuader – notamment en ce qui concerne le semis direct sans labour (voir en-vironnement 2/2004, pages 22 à 25: « La charrue bonne pour le musée? » et 4/2005, pages 60 à 62: « Quand le sol prend la clé des champs »). Cette technique permet de réduire l’ablation de jusqu’à 90 %. Mais seul un agriculteur sur dix l’utilise actuellement.

Les vaches prennent l’escalier. Le phénomène touche également les Alpes, même si on y trouve peu de champs cultivés. Dans la vallée de l’Urseren (UR), une équipe de chercheurs entourant Christine Alewell, de l’Institut des géosciences environne-mentales de l’Université de Bâle, étudie avec le sou-tien de l’OFEV les causes des glissements de terrain et des laves torrentielles, mais aussi de l’ablation insidieuse qui ronge le sol particule par particule.

Le problème est sérieux, estime Christine Alewell. Le mode d’exploitation joue un rôle impor-tant. Autrefois, on contenait l’érosion en entrete-nant soigneusement le sol et en empêchant le bé-tail de paître dans les pentes raides. Les pâturages étaient régulièrement contrôlés et remis en état ou ménagés si nécessaire. Ce n’est plus possible de nos jours, surtout pour des raisons économiques. On utilise des machines inappropriées pour ces ter-rains et on laisse les bovins paître sans surveillance, même dans les secteurs les plus menacés. Les dégâts de piétinement qu’ils provoquent forment des sortes de marches d’escalier dans les versants pentus.

La main-d’œuvre restée aujourd’hui dans les régions alpines ne suffit plus à entretenir tous les sols de manière aussi soutenue que par le passé. Les dommages pourraient toutefois être réduits sensi-blement à un coût raisonnable. Christine Alewell préconise d’interdire tempo rairement l’utilisation des surfaces les plus raides ou les plus vulnérables et de changer l’affectation des pâturages déjà at-teints, qui seraient seulement fauchés à l’avenir. Les abreuvoirs devraient être bien répartis et déplacés fréquemment.

Urs Fitzewww.bafu.admin.ch/magazine2011-4-05

L’aulne noir, un allié précieux

En forêt, ce n’est pas l’érosion qui menace, mais le compactage du sol par les lourdes machines des bûcherons. On peut l’atténuer en utilisant des pneus larges et peu gonflés, en roulant uni­quement lorsque le sol est suffisamment sec et en aménageant des pistes de débardage. Malgré ces précautions, les atteintes portées représentent parfois un véritable dommage écologique. « Un sol très compacté peut avoir besoin de plusieurs dizaines d’années pour se remettre », déclare Peter Lüscher, de l’unité Sols forestiers et biogéochimie à l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL).

Des études consécutives à la tempête Lothar ont montré qu’on peut accélérer la reconstitution de la zone racinaire en plantant des aulnes noirs dans les ornières. Le projet Protection physique des sols en forêt, lancé conjointement par le WSL et par l’OFEV, a pour but d’élaborer d’ici 2013 des recommandations pratiques visant à régénérer cette tranche de sol. « Tous les protagonistes, des propriétaires de forêts aux conducteurs des ma­chines, connaissent les méthodes permettant de récolter le bois en ménageant le terrain », déclare Peter Lüscher. « Il faut maintenant les appliquer dans le travail quotidien et accorder une priorité à la protection du sol. Nous soutiendrons ces ef­forts par des publications, des cours de formation et des conseils. »

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17Dossier Sol > environnement 4/2011

L’une des fonctions régulatrices essentielles du sol consiste à dégrader les polluants organiques qui s’y déposent. Une capacité qui offre d’intéressantes possibilités pour l’assainissement des sites contaminés.

Des bactéries à l’assaut des sites contaminés

Jusque dans les années 1980, les solvants chlo-rés étaient très prisés des professionnels du net-toyage. Ces produits – de leur vrai nom des HCC, pour « hydrocarbures chlorés » – étaient non seulement imbattables contre les huiles et les graisses, mais aussi très bon marché. Dès qu’il s’agissait de dégraisser des pièces métalliques ou de nettoyer à sec des textiles, tant les teintu-riers que les fournisseurs de l’horlogerie et de

l’industrie des machines utilisaient à profusion ces substances extrêmement volatiles.

Ce recours insouciant aux HCC dans des sys-tèmes ouverts, des décennies durant, n’a pas été sans conséquence: ces solvants dont la toxicité varie selon les composés se sont infi ltrés dans le sol, atteignant très souvent les eaux souter-raines. Ils constituent aujourd’hui l’un des gros problèmes des sites contaminés en Suisse. On

RegulierungsfunktionFonction régulatrice

Panache de pollution dans le sous-sol. L’activation des micro-organismes permet d’améliorer l’effet protecteur du sol. Source: OFEV

sens d’écoulement des eaux souterraines

évaluation de la dégradation (analyse isotopique spécifique à chaque composé, voir page 18): le processus a-t-il lieu, et à quelle vitesse?

menace pour l’eau potable?dégradation ou dilution?ajout de substances activatrices?

Page 18: Magazine «environnement» 4/2011 - Irremplaçable sol

environnement 4/2011 > Dossier Sol18

trouve en effet des HCC dans près d’un tiers des stations de mesure du réseau de l’Observation nationale des eaux souterraines (NAQUA).

Un lourd héritage. Depuis que leur utilisation est limitée aux circuits fermés, les HCC ne par-viennent plus guère dans l’environnement. Il reste cependant à éliminer ce que le sol a emma-gasiné par le passé. « Nous devons aujourd’hui corriger les erreurs commises autrefois », ex-plique Bernhard Hammer, chef de la section Sites contaminés de l’OFEV.

Pour assainir des sites pollués aux HCC, on utilise de plus en plus des méthodes fondées sur l’une des nombreuses fonctions régulatrices du sol: sa capacité à dégrader les substances toxiques. « Lorsque les conditions sont favorables, poursuit notre interlocuteur, la nature peut considérablement limiter les frais d’assainis-sement grâce à l’interaction de processus phy-siques, chimiques et biologiques. »

Le cas de l’ancienne aire industrielle de Dübendorf (ZH) montre bien ce dont le sol est capable. Il y a une trentaine d’années, une entreprise y produisait encore des huiles et des graisses et y nettoyait des cuves. Elle employait à cet effet des HCC qui contaminèrent l’endroit. En 2006, des travaux d’excavation dans les envi-rons révélèrent la présence massive de ces pol-luants.

La source de contamination fut assainie sur le site et le sol pollué excavé. Mais les HCC s’étaient déjà répandus. Il n’était pas envisa-geable de recourir à la pelle mécanique pour les résidus laissés dans le panache de pollution, soit sur le parcours d’écoulement des eaux souter-raines. Les substances s’étaient en effet déposées en profondeur, dans des endroits inaccessibles. Les spécialistes ont alors misé sur la capacité d’autoépuration du sol.

Nouvelles méthodes d’analyse. Il a fallu commen-cer par déterminer où et à quelle vitesse se déroulait le processus de dégradation. Une tech-nique récente, l’analyse isotopique spécifique à chaque composé (CSIA), a permis de constater que des micro-organismes dégradaient en effet les HCC dans le sous-sol. Michael Berg, de l’Ins-titut fédéral pour l’aménagement, l’épuration et la protection des eaux (EAWAG), a participé

à la mise au point de cette technique qui sert à déterminer le potentiel d’autoépuration des sols: « Dans des domaines tels que la CSIA, la Suisse est à la pointe de la recherche », observe-t-il. « Ces avancées ouvrent de toutes nouvelles perspec-tives. »

L’assainissement biologique du site est main-tenant terminé. Les HCC n’ont pas été complè-tement éliminés, mais ils ont été ramenés à un niveau inoffensif.

Des processus complexes. Les spécialistes ne peuvent pas toujours compter sur une si bonne capacité de régulation pour réparer les fautes du passé. « Cela dépend des caractéristiques du sous-sol », explique Bernhard Hammer, de l’OFEV. « Plusieurs facteurs doivent se conjuguer pour que la dégradation soit suffisante. » Dans le pire des cas, le processus s’arrête à mi-course, engendrant la formation d’une autre substance toxique, le chlorure de vinyle.

C’est ce phénomène-là qui a donné du fil à retordre aux professionnels intervenus pour assainir un site contaminé aux HCC au fond du Vallon de Saint-Imier, à Renan. L’héritage em-poisonné qu’y a laissé une ancienne entreprise métallurgique constitue depuis des années un casse-tête pour ces spécialistes.

La firme en question, qui nettoyait ses pro-duits aux HCC, a fait faillite depuis longtemps.

Le canton de Berne s’est donc vu obligé de prendre les choses en main. Dans les années 1990, un premier pas a été fait pour maîtriser les substances toxiques, et de l’eau souterraine pol-luée a été pompée et purifiée. « Le résultat n’était pas idéal », estime avec le recul Olivier Kissling, de l’Office des eaux et des déchets du canton de Berne.

Plusieurs solutions ont alors été examinées afin de saisir le mal à la racine. « Nous nous sommes finalement décidés à influencer la bio-logie du sous-sol afin de créer les conditions les plus favorables possible à la dégradation. »

La mélasse s’en mêle. De telles méthodes étaient déjà utilisées depuis un certain temps, en Alle-magne notamment. Pour la Suisse, par contre, elles étaient relativement nouvelles. Concrè-tement, le sol du site a été enrichi de mélasse durant deux ans et demi. Cette solution sucrée

« Lorsque les conditions sont favorables, la nature peut considérablement limiter les frais d’assainissement grâce à l’interaction de processus physiques, chimiques et biologiques. » Bernhard Hammer, OFEV

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19Dossier Sol > environnement 4/2011

pousse en effet les micro-organismes à dégrader les composés chlorés. La mélasse a été injectée en continu dans un circuit passant par la nappe phréatique. L’opération s’est révélée écono-mique, puisqu’une tonne de produit a suffi.

Le résultat est toutefois mitigé. « Les objectifs d’assainissement n’ont toujours pas été atteints, et nous devons envisager d’autres solutions », admet Olivier Kissling. Ce bilan en demi-teintes s’explique par les propriétés du sous-sol juras -sien. Les zones karstiques sont tout sauf idéales pour cette technique. Le sous-sol n’est pas assez homogène pour amener la mélasse dans les zones critiques. « Nous avons cependant pu constater que cette méthode fonctionne chez nous aussi », souligne cet expert en eaux souterraines.

Un filtre mécanique et chimique. Le sol n’assume pas sa fonction régulatrice grâce aux seuls micro-organismes. Il prévient la pollution des

eaux en agissant aussi comme filtre mécanique et chimique. Il lie les substances en infiltration ou les fixe à certains de ses éléments grâce à des réactions chimiques. Les minéraux argileux, qui forment une véritable couche protectrice, jouent ici un rôle décisif.

L’efficacité de ces barrières varie d’un endroit à l’autre. Ces dernières années, l’OFEV a coor-donné l’élaboration de cartes hydrogéologiques spécifiques à l’intention des planificateurs, environnementalistes et chercheurs qui doivent connaître la sensibilité aux polluants des eaux souterraines dans des zones précises. « Plus les substances indésirables s’infiltrent rapidement dans le sol avec l’eau de pluie, plus le risque de pollution est grand », explique Ronald Kozel, chef de la section Hydrogéologie de l’OFEV. « L’effet protecteur du sol et des couches de couverture est l’un des facteurs déterminants pour retenir les polluants, mais l’épaisseur des

Vulnérabilité des réservoirs aquifères: en particulier dans les régions karstiques du Jura et des Alpes, les nappes sont sensibles à la pollution.

très forte vulnérabilité – effet protecteur faible

forte vulnérabilité – effet protecteur modéré

faible vulnérabilité – effet protecteur élevé

très faible vulnérabilité – effet protecteur très élevé

domaines sans réservoirs aquifères productifs

Source: Atlas hydrologique de la Suisse

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environnement 4/2011 > Dossier Sol20

formations rocheuses qui se succèdent en profon-deur jusqu’au niveau de la nappe a également son importance. »

Sensibilité plus forte en montagne. La feuille Vulnéra­bilité des réservoirs aquifères (voir page 19), établie à une échelle de 1:500 000, donne le résultat suivant: le Plateau suisse présente en majorité des types de sol contribuant à une protection modérée à élevée des eaux souterraines. Le long du Jura et dans les Alpes, par contre, la situation est moins favorable. Dans les régions karstiques en particulier, les couches superficielles sont si minces que l’effet protecteur n’y est que faible à modéré.

La capacité du sol à retenir l’eau et à faire bar-rage aux dépôts acides dépend elle aussi de l’épais-seur des premières couches, dont la richesse en hu-mus varie. « Comme les sols du Plateau suisse sont généralement plus profonds que ceux des Alpes, leur capacité régulatrice est supérieure », explique Bernhard Hammer.

Rester prudent. Parfois, des sols aux caractéristiques pourtant favorables sont si pollués que leur fonc-tion de régulation s’en trouve restreinte. Dans ces cas, des mesures actives d’assainissement sont nécessaires, comme l’excavation du foyer de pol-lution. Malgré les bons résultats obtenus par l’au-toépuration du sol, Bernhard Hammer met donc en garde contre des conclusions hâtives: « Il serait inconsidéré d’abandonner à eux-mêmes des sites contaminés et de laisser la nature se débrouiller sans avoir au préalable étudié en détail les con-ditions locales et évalué les risques. »

Kaspar Meuliwww.bafu.admin.ch/magazine2011-4-06

CONTACTSBernhard HammerChef de la section Sites contaminésOFEV031 322 93 [email protected]

Ronald KozelChef de la section HydrogéologieOFEV031 324 77 [email protected]

Le carbone pris au piège

(hjb) Le sol joue un rôle important dans le cycle du carbone, et par conséquent dans les changements climatiques. Une partie du carbone (C) présent dans les végétaux morts se minéralise dans la terre et re tourne dans l’atmosphère sous forme de dioxyde de car­bone (CO2); une autre est stockée dans l’hu­mus pour une durée relativement longue. Dans les sols aérés et laissés à l’état naturel, minéralisation et formation d’humus s’équi­librent plus ou moins.

Seuls les marais stockent durablement le CO2. Leurs sols détrempés, pauvres en oxy­gène, sont un milieu acide inhospitalier pour les bactéries et autres organismes de dégra­dation. Le matériel végétal mort ne s’y dé­compose que partiellement. Il s’y accumule, formant la tourbe, qui piège le carbone et le retire ainsi de l’atmosphère. Les marais in­tacts stockent durablement quelque 140 kilo­grammes de carbone par hectare et par an.

Les sols agricoles fonctionnent aussi comme puits de carbone, mais sur une pé­riode limitée. Lorsque leur humus s’accroît, ils retiennent plus de carbone qu’ils n’en libèrent. Les sols des exploitations biolo­giques sont plus riches en humus que ceux des entreprises conventionnelles. Des études menées sur plusieurs années en Suisse ont montré que cette caractéristique leur permet de fixer 12 à 15 % de carbone en plus. Leur capacité de stockage augmente encore si l’on renonce à les labourer, car le passage de la charrue accélère la dégradation de l’humus. C’est pourquoi le FiBL, l’Institut de recherche de l’agriculture biologique à Frick (AG), a mis au point des méthodes permettant de travailler superficiellement le sol.

Si toute l’agriculture suisse passait au biologique et cessait de labourer ses terres, le sol se chargerait pendant un certain temps de capturer du CO2 de l’atmosphère, jusqu’à ce qu’un équilibre soit à nouveau atteint. Quelle quantité retiendrait­il? Difficile de le dire, tant les variables et les inconnues sont nombreuses. Selon Andreas Fliessbach, du FiBL, le stockage pourrait représenter entre 300 kilogrammes et une tonne de carbone par hectare.

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21Dossier Sol > environnement 4/2011

La terre que nous foulons grouille d’innombrables organismes. Sans eux, il n’y aurait ni cycle des matériaux, ni services écosystémiques. L’univers souterrain reste cependant très mystérieux.

Si mystérieux, si proches

Habitat

alguesbactérieschampignons

microfaune:0,002 à 0,2 mmamibesdinoflagellésciliés

mésofaune:0,2 à 2,0 mmacariensoursons d’eau ou tardigradescollembolesrotifèresfilaires

macrofaune:2 à 20 mm et pluslarves de coléoptèresmille-pattescloporteslarves de diptèreslombrics

Photos: European Atlas of Soil Biodiversity, UE, 2010

Flore et faune du sol: principaux représentants

algues bleues (cyanobactéries)

amibe de l’espèce Hyalosphenia papilio

acarien de l’espèce Quadroppia monstrosa

mille-pattes (Chilopoda)

ourson d’eau (Tardigrada) filaire (Nematoda)

amibe à coque (Euglypha)

diploure (Diplura)

cilié (Ciliata)

bactéries sur filament mycélien myxomycète Dictyostelium

Enchytrées: famille de petits vers blancs comprenant aussi le lombric

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environnement 4/2011 > Dossier Sol22

Sans les organismes du sol, tous les cycles de matériaux importants dans la nature sont perturbés voire totalement interrompus.

Naples étouffe régulièrement sous ses détritus. Une forêt en bordure de la ville connaît les mêmes problèmes: les feuilles mortes s’accumulent de-puis des années sur le sol. Personne pour s’occu-per des déchets. En ville, ce sont la Camorra, la corruption et les décharges trop pleines qui em-pêchent le bon fonctionnement de l’élimination. La forêt, elle, manque de spécialistes du recyclage.

Normalement, les cloportes, escargots, aca-riens et bactéries dégradent les restes de plantes mortes et libèrent ainsi des nutriments qui retournent aux végétaux. Les organismes du sol peuvent décomposer jusqu’à 25 tonnes de subs-tance organique par an sur une surface équiva-lant à un terrain de football. Mais le sol de la forêt napolitaine est presque mort: des métaux lourds et autres polluants ont chassé pour longtemps ces lutins zélés. La flore superficielle va s’abîmer aussi à moyen terme faute de nutriments, et parce que les germes ne peuvent percer jusqu’à la lumière du jour.

Des travailleurs de l’ombre… Sans les organismes du sol, tous les cycles de matériaux importants dans la nature sont perturbés voire totalement interrompus, qu’il s’agisse des nutriments, de l’eau ou du carbone. Ce sont eux qui font d’une couche de sédiments un sol capable de remplir de nombreuses fonctions écologiques. Ils assurent notamment sa perméabilité et son aération. Ils gé-nèrent une structure spongieuse qui absorbe l’eau et la déverse dans le sous-sol de façon contrôlée. L’humus du sol – une entité complexe issue de la décomposition de matière animale et végétale – est lui aussi dû aux organismes vivants.

… dans un univers méconnu… « Nous connais-sons mieux la trajectoire des corps célestes que le monde souterrain », disait déjà Léonard de Vinci. Les choses ont peu changé depuis: nous savons que notre galaxie est constituée de 100 à

300 milliards d’étoiles, mais ignorons combien de bactéries, champignons, algues et micro-animaux vivent dans une tonne de sol. Selon certaines esti-mations, ils seraient de l’ordre de plusieurs mil-liards de millions (soit 10 à la puissance 15). Une chose est sûre: une poignée de terre compte plus d’habitants qu’il y a d’humains sur notre planète. Le poids des êtres souterrains est plus facile à dé-terminer: un hectare de terre arable contient en moyenne cinq tonnes d’organismes.

Or nous les connaissons très mal – les communau-tés microbiennes surtout, qui assument pourtant des fonctions écologiques clés. Parmi toutes les espèces de microbes souterrains, 1 % seulement sont identifiées. Cela n’a rien de surprenant vu leur incroyable diversité: un gramme de sol peut contenir jusqu’à 8000 génomes bactériens diffé-rents.

… mènent une vie trépidante. Tout comme les biocé-noses terrestres, celles du sous-sol sont intégrées

Les organismes du sol décomposent le matériel végétal mort. Les résidus de leur activité ainsi que leurs excréments sont dégradés ensuite par les champignons et les bactéries (cercles du milieu), qui les transforment en nutriments pour les prochaines générations de plantes.

Une association corrosive

macrofaune

mésofaune

microfaune

Source: Wald in Not (Allemagne)

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23Dossier Sol > environnement 4/2011

dans un réseau de relations extrêmement com-plexe: il y a les chasseurs, les cueilleurs, les sym-biontes, les herbivores et les charognards. « Tout est interdépendant », explique Elena Havlicek, collaboratrice de la section Protection des sols à l’OFEV et chargée de cours à l’Université de Neu-châtel. « L’univers souterrain est par ailleurs étroi-tement lié au monde en surface. Car finalement, toute vie vient de la terre et y retourne. » Sans ces organismes, il n’y aurait ni sol, ni croissance des plantes, ni nourriture pour l’homme et les ani-maux.

Comment s’imaginer le milieu souterrain? Elena Havlicek a un gramme de sol argileux en main. Quelle est la surface cumulée des minus-cules particules contenues dans ce gramme de terre? Deux mètres carrés? Dix mètres carrés? Bien plus! En fait, ce sont 24 000 mètres carrés. « Les sols sont des corps complexes », explique Ele-na Havlicek. « Les minéraux argileux, surtout, for-ment avec leurs cristaux lamellaires un paysage presque infini pour les bactéries et autres micro-organismes. »

Le monde souterrain de la faune et de la flore est bizarre. Il compte un groupe d’espèces pas-sionnant: les tardigrades (photo page 21). Ils colo-nisent les milieux naturels les plus divers et se trouvent fréquemment dans la litière feuillue des forêts ou dans le sol. Certaines espèces peuvent se mettre dans un état quasi létal durant lequel le métabolisme est totalement inactif. Cette phase peut durer plusieurs années. Les animaux sur-vivent ainsi à des conditions environnementales difficiles telles que la sécheresse.

Un doyen de 2400 ans plutôt timide. Le plus grand organisme vivant connu au monde demeure prin-cipalement dans le sous-sol: c’est un exemplaire du Mycète Humongous (Armillaria ostoyae), dans la forêt nationale de Malheur en Oregon (Etats-Unis). Le mycélium de ce champignon s’étend sur une superficie de neuf kilomètres carrés. Il pèse près de 600 tonnes et serait âgé de 2400 ans.

Quant aux vers de terre, ce sont de véritables ingénieurs de la fertilité du sol. Mais même à ce stade de la zoologie, quelques zones d’ombre sub-sistent. Quand Samuel James, de l’Université de Rouen (F), a analysé avec son équipe les gènes de ce qu’il croyait être des vers de rosée – l’espèce de ver de terre la mieux étudiée – il a constaté que les individus examinés appartenaient à deux es-pèces différentes. « De telles lacunes scientifiques chez un animal aussi important en termes d’éco-logie sont préoccupantes », dit Elena Havlicek. Car si nous n’en savons pas assez sur les organismes et leur rôle dans l’écosystème, nous ne pouvons ni prévoir ni évaluer les atteintes auxquelles le sol pourrait être exposé.

Entre problèmes et solutions. La plupart des sols de Suisse ne présentent pas des conditions optimales pour leurs locataires, estime Elena Havlicek. Les dangers sont nombreux: érosion, perte de substance organique, pesticides, com-pactage, surfertilisation. Généralement, les pertes sont insidieuses, et des dégradations comme la diminution de la fertilité n’appa-raissent que bien plus tard.

Mais il y a aussi des raisons d’être optimiste: la société et les milieux politiques s’intéressent de plus en plus aux organismes souterrains. Il y a deux ans, par exemple, l’Université de Neuchâ-tel a créé une chaire en biologie du sol. Le profes-seur Edward Mitchell met au point des projets de recherche ambitieux axés sur le long terme afin de répondre à la question la plus élémentaire: combien d’espèces d’organismes vivent-elles dans les terres suisses? Il essaie de transmettre aux étudiants les connaissances générales les plus larges possible en biologie du sol. En outre, il par-ticipe régulièrement à des manifestations pour présenter les êtres vivants du sol au public sous un microscope. « La plupart des gens ignorent totalement combien ces organismes peuvent être variés, magnifiques et passionnants », révèle le spécialiste. « Mais quand on a vu une amibe vi-vante de près, on ne l’oublie pas de sitôt! »

Gregor Klauswww.bafu.admin.ch/magazine2011-4-07

CONTACTElena HavlicekSection Protection des solsOFEV031 325 14 [email protected]

L’agriculture écologique favorise la vie souterraine

(hjb) L’Institut de recherche de l’agriculture biologique (FiBL) a effectué des essais à long terme pour comparer les différentes méthodes culturales (voir page 11). Les tests ont révélé que c’est dans les sols des champs et des prés d’exploitations biologiques que la vie est la plus riche. Les vers de terre y sont entre 50 et 80 % plus nombreux, d’autres animaux tels que carabidés, araignées et staphylinidés deux fois plus nombreux, et la masse de bactéries, champignons, unicellulaires et algues dépasse de jusqu’à 85 % celle des sols conventionnels.

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environnement 4/2011 > Dossier Sol24

ÉDUCATION

Le dossier pédagogique www.objectif-sol.ch permet aux élèves et aux adultes de découvrir de façon ludique les nombreuses fonctions du sol. En prenant l’ascenseur, tout simplement.

Prochain arrêt: la litière de feuilles

Un clic sur le bouton rouge et l’ascen-seur virtuel se met en marche. Il glisse dans les profondeurs, se laisse manœuv rer horizontalement et verti-calement. A la station 6, par exemple, un texte et un message audio donnent des informations sur les vers de terre et la constitution du sol. Puis l’ascenseur reprend sa descente jusqu’au prochain arrêt et au prochain sujet.

« Souvent, le sol est seulement perçu comme une base inerte destinée à sup-porter des infrastructures ou à produire des aliments », explique Gisela Basler, de la section Education à l’environne-ment de l’OFEV. « Beaucoup de gens connaissent mal ses propriétés et ses fonctions, qui sont pourtant indispen-sables aux écosystèmes. » Pour lui assu-rer une protection optimale, il est donc important de sensibiliser la population à ces corrélations.

Une initiation ludique. C’est ainsi qu’en 2010, dans le cadre de l’Année inter-nationale de la biodiversité, l’OFEV a lancé le dossier pédagogique en ligne www.objectif-sol.ch. Il s’adresse princi-palement aux élèves du deuxième cycle primaire (3e à 6e classes), mais permet aussi aux plus grands et aux adultes de s’initier au sujet de façon ludique. Pour le développer, l’OFEV a collaboré avec la société bernoise LerNetz AG, spécia-lisée dans les moyens d’enseignement interactifs. Il a également fait appel à des scientifiques, des pédagogues et des enseignants afin de réunir des informa-tions précises et concrètes.

Le résultat est un site internet en français et en allemand, librement accessible, qui fournit des réponses à de multiples questions: quels sont les animaux qui vivent dans le sol? Quel rôle le sol joue-t-il pour les plantes? De

façon plus générale, quelle importance revêt-il pour l’homme et l’environne-ment?

Facile à comprendre et attrayant. Les sta-tions didactiques du voyage virtuel sont complétées par un glossaire et des conseils à l’intention des enseignants. Un dépliant est également disponible. Il contient un profil du sol à l’échelle et propose des expériences se rapportant aux différentes stations.

Dans la pratique, cette formule donne de bons résultats. A l’école d’Eg-gerstanden (AI), Susanna Dübendorfer l’a testée avec ses classes de 3e et de 4e année. Selon l’institutrice, les enfants ont très bien réagi. Pour se faire une première idée, ils ont entrepris seuls le voyage virtuel et déjà compris beau-coup de choses. Accompagné d’expé-riences, d’exposés d’élèves et d’une excursion dans les environs karstiques d’Appenzell, le dossier s’est révélé un excellent outil pédagogique.

Peter Baderwww.bafu.admin.ch/magazine2011-4-08

CONTACTSGisela BaslerSection Education à l’environnement, OFEV031 323 03 [email protected]

Elena Havlicek, voir page 23

Lien pour la commande du dépliant:

www.objectif-sol.ch/depliant/

LerNetz

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25Dossier Sol > environnement 4/2011

Le recyclage des friches gagne du terrain

La Constitution fédérale prescrit une utilisation mesurée du sol. Le recyclage des friches industrielles et l’urbanisation vers l’intérieur contribuent à satisfaire ce principe.

En sortant de la gare de Coire par le nord, on plonge dans un univers méditerranéen: l’en-semble de béton poli aux teintes chaudes de terre d’ombre qui a remplacé un ancien site indus-triel inculte fournit à la ville une carte de visite attrayante. Les plantes soigneusement taillées qui garnissent les grands bacs carrés donnent à la nature un petit air urbain tout en s’intégrant par-faitement dans la cour intérieure de la « Voie D ». Avec leurs façades au dessin précis, ses bâtiments cubiques pourraient se situer dans n’importe

quelle métropole ayant eu la main heureuse dans le choix de ses urbanistes et architectes.

En train chez le médecin. « Voie D »: le nom du centre médical situé dans ce nouveau quartier de Coire refl ète sa genèse. Les Chemins de fer fédéraux (CFF) avaient ici un de leurs six ateliers princi-paux, le plus petit, dont les toits en dents de scie et les superstructures faisaient eux aussi partie de l’image caractéristique de la ville. Il ferma ses portes en 1998 à la suite d’une restructuration.

Fonction de support

Un nouveau quartier a vu le jour sur une friche des CFF: la « Voie D », à proximité de la gare de Coire.Photo: Marco Hartmann,

« Südostschweiz »

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environnement 4/2011 > Dossier Sol26

« Tout tissu bâti présente un potentiel de développement. » Josef Rohrer, OFEV

Un médecin aux boucles grises et au sourire communicatif qui passait là tous les jours à vélo pour aller travailler remarqua les gabarits qui se dressaient sur le terrain en friche. Urs Fischer, c’est son nom, souhaitait justement donner un tournant à sa carrière: « A cinquante ans, je voulais me lancer une fois encore dans quelque chose de nouveau. » Le terrain à bâtir jouxtant la gare lui inspira une grande idée: pourquoi ne pas créer un cabinet de groupe avec des méde-cins généralistes et spécialistes?

Propriétaires du terrain, les CFF lui réser-vèrent bon accueil. Et il trouva sept collègues avec lesquels fonder une S.A. Trois ans plus tard, le chantier était terminé. Maîtres d’œuvre: les CFF, mais aussi le canton des Grisons avec son Centre de formation santé-social (BGS) ainsi que la Haute école spécialisée du sud-est de la Suisse, qui occupent deux autres bâtiments du com-plexe. « Le gros œuvre du centre médical appar-tient aux CFF, l’aménagement intérieur à notre S.A. », explique Urs Fischer.

Le centre a ouvert ses portes en 2008. Il dis-pose de 1200 m2 de surface utile répartis sur trois étages et emploie trente-huit personnes, ce qui en fait le plus grand cabinet de groupe de Suisse fondé uniquement par des médecins. « Il ne doit rien à l’initiative des caisses maladie », précise Urs Fischer en soulignant les avantages de la collaboration pour les services d’urgence et de permanence, mais aussi pour les congés: où

ailleurs qu’ici une assistante médicale pourrait-elle s’absenter plusieurs mois pour aller garder les vaches sur l’alpe?

Les patients bénéficient non seulement d’une prise en charge complète et des services de labo-ratoire, mais aussi d’une desserte idéale: « Les patients de la région peuvent venir chez le spé-cialiste en pantoufles. »

Recyclage de surfaces... Les terrains libérés par les CFF offrent des possibilités d’affectation inté-ressantes: ils sont souvent proches du chemin de fer, ce qui est pratique pour les activités à forte affluence. A Neuchâtel par exemple, l’Office fédéral de la statistique s’est installé avec ses quelque 550 collaborateurs sur une ancienne friche des CFF juste à côté de la gare (voir environnement 3/2009, « Le tissu bâti: un formi-dable réservoir », pages 9 à 13).

Très prisés, ces sites bien desservis suscitent parfois des convoitises contradictoires. Ainsi, en juin 2007, le nouveau plan de zone saint-gal-lois a échoué aux urnes. A l’emplacement de l’ancienne gare de marchandises, il prévoyait la construction d’un ensemble résidentiel et com-mercial comprenant deux tours. Josef Rohrer, chef de la section EIE et organisation du terri-toire de l’OFEV, confirme que les projets de ce genre peinent souvent à avoir gain de cause devant le souverain. « Ce n’est pas seulement une question de potentiels de construction. Il faut

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aussi faire accepter les changements dans les quartiers. »

Toutefois, bien des nouvelles entreprises peuvent espérer bénéficier d’une bonne desserte dans un proche avenir. En effet, selon un relevé effectué par l’Office fédéral de l’aménagement du territoire (ARE) en 2008, 224 hectares appar-tenant aux CFF sont aujourd’hui désaffectés. Ils représentent 12 % des friches constructibles du pays. La part du lion revient aux friches indus-trielles (54 %), suivies par les aérodromes (24 %). En Suisse, les friches s’étendent sur plus de 18 km2, soit une superficie supérieure à celle de la ville de Genève.

Quelque 22 km2 ont été construits chaque année entre 1994 et 2006, ce qui dépasse le man-dat d’« utilisation mesurée » inscrit à l’article 75 de la Constitution fédérale. Diverses organisa-tions, comme Pro Natura et Patrimoine suisse, ainsi que des citoyens engagés dans la protec-tion de l’environnement ont lancé une initiative intitulée « De l’espace pour l’homme et la na-ture » afin de lutter contre le mitage du paysage. Ils réclament entre autres un moratoire sur les zones à bâtir, qui gèlerait leur étendue totale pendant vingt ans.

... et urbanisation vers l’intérieur. Mais que peuvent faire les communes dans lesquelles la restruc-turation industrielle ne libère pas de surfaces réutilisables? L’étude réalisée pour le canton de

Schwyz entre 2007 et 2009 sur les possibilités de densification vers l’intérieur du milieu bâti (Siedlungsflächenpotenziale für eine Siedlungsent­wicklung nach innen) propose une solution.

Les chercheurs de l’Institut pour l’aménage-ment du territoire et le développement du pay-sage de l’EPFZ ont recensé, dans les zones à bâtir officiellement définies des trente communes du canton, 1700 terrains virtuellement construc-tibles d’une superficie totale de quelque 540 hectares, dont environ 40 % en milieu bâti. Il s’agit par exemple de terrains utilisés partiel-lement ou de sites d’entreprises qui se sont établies là au fil du temps mais n’ont pas leur place en zone résidentielle. Les poches non construites classiques représentent 20 % de la superficie calculée. Ce bilan confirme l’estima-tion de Josef Rohrer: « Tout tissu bâti présente un potentiel de développement », dit-il.

Robert von Rotz, qui dirige le service du dé-veloppement territorial du canton de Schwyz, relativise quant à lui l’importance de ces ré-serves dites intérieures: « Les 1700 surfaces iden-tifiées sont composées d’une multitude de pe-tites parcelles de moins de 1000 m2; les grandes parcelles d’un seul tenant qui pourraient appor-ter une contribution notable à l’urbanisation vers l’intérieur sont rares. » Selon l’étude, 30 % des terrains recensés pourraient être utilisés sans difficulté. Pour les 70 % restants, le canton se heurte à la réticence des propriétaires. Mais

Entre 1994 et 2006, 22 km2 de terrain ont disparu chaque année sous les constructions. Photos: Ruth Schürmann

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environnement 4/2011 > Dossier Sol28

cela pourrait bien changer, déclare l’urbaniste Hany Elgendy, co-auteur du rapport final: « Nous avons basé notre enquête sur les informations fournies par les communes. Or celles-ci se sont bornées jusqu’ici à demander aux propriétaires fonciers s’ils seraient disposés à construire, sans exposer de stratégie précise. Un sondage par cor-respondance ne suffit pas à convaincre. »

Hany Elgendy sait que l’opposition de la po-pulation à la densification des bâtiments dimi-

nue dès qu’on présente des scénarios concrets pour le développement des zones habitées. « Lorsque la demande existe et qu’on visualise ses intentions, on peut convaincre beaucoup de gens, notamment ceux qui tiennent à leur village et veulent qu’il se développe de manière positive. »

Mais à son avis, les mesures de planification ne suffisent pas pour lutter contre le mitage du paysage. Il faudrait également éliminer les inci-tations fiscales inappropriées qui empêchent la libération des terrains utilisables.

Satisfaire la demande à moyen terme. Aux yeux de Robert von Rotz, cette étude a déclenché un pro-cessus d’apprentissage: « Les réactions ont été fa-vorables, et l’inventaire des réserves intérieures sera répété périodiquement. » En outre, le canton a lancé dans la zone de l’Urmiberg un processus de planification test. Il implique aussi bien des représentants de la Confédération, du canton et des communes que les propriétaires fonciers et la population, et vise à mobiliser le plus vite pos-sible les réserves disponibles.

Cette démarche est une preuve de clair-voyance: si le canton de Schwyz parvient à uti-liser l’ensemble des potentiels d’urbanisation vers l’intérieur et des terrains non construits, il gagnera de quoi faire face à une progression dé-mographique de 15 % à condition que la consom-mation de surface habitable par habitant cesse d’augmenter. Vu la croissance démographique annuelle de 1,5 % annoncée par son service de l’économie, Schwyz serait en mesure, théorique-ment du moins, de limiter pendant près de neuf ans le développement des zones bâties aux ter-rains déjà construits.

L’estimation de l’ARE est tout aussi optimiste à l’échelle nationale: selon ses calculs, quelque 100 millions de m2 de plancher situés en zones construites pourraient être mis sur le marché dans les quinze à vingt ans prochains. Pas éton-

nant dès lors que les spécialistes suivent avec attention le processus test de Schwyz. En effet, le canton ne pourra atteindre son objectif ambi-tieux que s’il parvient à y rallier les propriétaires fonciers et à obtenir un verdict favorable des urnes.

Pour encourager la reconversion des aires désaffectées en terrains à bâtir, la plateforme sur les friches industrielles en Suisse a été mise en place, un projet commun de l’OFEV, de l’Union

des villes suisses, de l’Association des communes suisses et de la Conférence des chefs des services et offices de protection de l’environnement. Sous www.friches.ch, elle constitue à la fois un mar-ché et un centre de compétence qui fournit aux investisseurs virtuels des informations exhaus-tives sur les sites disponibles dans le pays. Une cinquantaine sont actuellement répertoriés, avec pour chacun des données sur la situation, la via-bilité, l’infrastructure et l’affectation présente (voir environnement 2/2011, pages 54 à 56: « Un outil pour revaloriser les sites désaffectés »). Les ins-criptions de sites sont gratuites et ont une durée illimitée.

Lucienne Reywww.bafu.admin.ch/magazine2011-4-09

CONTACTJosef RohrerChef de la section EIE et organisation du territoireOFEV031 322 92 [email protected]

Quelque 100 millions de m2 de plancher situés en zones construites pourraient être mis sur le marché dans les quinze à vingt ans prochains.

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29Dossier Sol > environnement 4/2011

Au bout du tunnel, un trésorNotre sol recèle une précieuse matière première: de la roche pour construire routes et bâtiments. Afin d’éviter de la solliciter excessivement, les déblais de tunnel et les matériaux de démolition doivent retourner dans le cycle des substances.

Pour la nouvelle ligne ferroviaire à travers les Alpes (NLFA), 150 kilomètres environ de tunnels, de puits et de galeries ont été creusés à travers le massif du Gothard. Quelque 28 millions de tonnes de roche ont été extraites de la montagne, soit plus de la moitié de la production annuelle des gravières suisses.

Environ 30 % de ces matériaux sont revenus aussitôt dans le Gothard: ils ont été réutilisés pour fabriquer le béton qui a servi à consolider la voûte du tunnel et à en couler les fondations. Une autre partie est allée remblayer des voies ou a été

vendue à des entreprises de bâtiment. Et le reste a permis de mener à bien un projet qui n’aurait pas été réalisable sans le percement du Gothard et d’un tunnel autoroutier à Flüelen (UR): la rena-turation du delta de la Reuss, à son embouchure dans le lac des Quatre-Cantons.

Des îles pour les baigneurs et les oiseaux. Le delta de la Reuss s’érodait parce que les éboulis char-riés inlassablement par la rivière ne restaient pas dans l’embouchure. Des bateaux de dragage y prélèvent en effet du gravier et du sable depuis

Source de matières premières

Le gravier extrait du tunnel du Gothard (NLFA) s’entasse près de Mal-vaglia, dans le Val Blenio (TI). C’est une matière première qui servira à aménager le nœud ferro-viaire au sud de Biasca, là où la nouvelle ligne rejoint la voie existante.Toutes les photos: OFEV/AURA, E. Ammon

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environnement 4/2011 > Dossier Sol30

plus d’un siècle. Afin de faire cesser l’érosion, il a été prévu de remblayer la zone. Ce projet a été mis à exé-cution entre 2001 et 2006, grâce aux 3,5 millions de tonnes de matériaux provenant du tunnel de l’A4 et du chantier de la NLFA à Amsteg (UR). De longues îles protègent maintenant l’embouchure de la Reuss. Les oiseaux ont gagné de nouveaux habitats, et la popula-tion une île pour la baignade.

Toutes les roches extraites du tunnel du Gothard ne sont pas encore retournées dans le cycle de la construction. Du gravier de granit et de gneiss s’amoncelle près de Malvaglia, dans le Val Blenio (TI): il est destiné à l’aménagement paysager du nœud fer-roviaire au sud de Biasca.

Ce matériau n’a pas été facile à recycler. Il avait servi pendant des années de piste d’accès dans le tun-nel. Des mesures réalisées durant l’hiver 2005–2006 ont révélé qu’il était très pollué. Contrairement à ce qu’on aurait pu imaginer, le problème ne provenait pas des lies d’huile, mais du nitrite issu des explosifs. « Après chaque explosion, nous devions gicler de l’eau pour disperser la fumée », explique Hubert Zistler, d’AlpTransit Gotthard SA (ATG). « Les composés azotés de l’explosif se sont concentrés dans le gravier de la piste. »

Cette contamination reléguait pratiquement les 160 000 tonnes provenant du chantier de Faido à l’état de déchets. Un dépôt dans une décharge bioactive aurait, de l’avis d’Hubert Zistler, coûté entre 25 et 30 millions de francs.

Laver avant l’emploi. Comment éviter ce gaspillage tant écologique que financier? Les services concernés – l’Office fédéral des transports (OFT), l’OFEV, le canton du Tessin – ont cherché avec l’ATG des solutions pour décontaminer le matériau. Ils l’ont d’abord entreposé sur une surface d’asphalte à Malvaglia, en veillant à capter les eaux filtrantes pour les acheminer à la

station d’épuration de Biasca. Il s’est alors avéré que l’eau emportait des quantités considérables de nitrite.

Il était donc possible de laver le gravier. En 2008 en effet, le taux de nitrite avait déjà fortement dimi-nué. Afin d’accélérer le processus de décontamina-tion, un système d’irrigation a été installé en 2009. Les endroits présentant les taux les plus élevés ont été arrosés de manière ciblée. En 2010, l’ATG a passé le tas de ballast au crible, prélevant 55 000 tonnes de petit gravier prêt à être réutilisé. Ainsi traité, il ne conte-nait plus que 0,01 à 0,05 milligrammes de nitrite par litre.

Intelligent et économique. Les résultats dépassaient les attentes des spécialistes. Ceux-ci pensaient obtenir un matériau considéré comme légèrement pollué, qui n’aurait pu être utilisé que pour remblayer un site contaminé excavé. Mais la faiblesse du taux de nitrite final le faisait entrer dans la catégorie « non pollué », dont l’emploi n’est pas restreint. D’ici à 2014, le mon-ceau devrait avoir disparu de Malvaglia.

Les tonnes de roche extraites du tunnel réin-tègrent ainsi le cycle de la construction au lieu d’oc-cuper l’espace déjà limité d’une décharge. L’avantage est aussi financier. Hubert Zistler fait un bref calcul: le gravier nécessaire à l’aménagement paysager du nœud ferroviaire de Biasca aurait coûté à peu près autant que la décontamination du matériau excavé. Les coûts de décharge ayant été évités, l’économie est de 25 à 30 millions de francs. Sans compter que cette excellente gestion ménage les ressources exploitables.

Intouchables richesses. Le sol suisse regorge de gravier. C’est même la seule matière première qu’il fournisse en quantités généreuses. En 2009, l’industrie a extrait 48,3 millions de tonnes de gravier et de sable. La ma-jorité provient des 900 gravières et carrières dissémi-nées dans le pays; le reste est dragué dans les lacs et

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les fleuves, sur une centaine d’emplacements. Mais malgré la richesse de notre sous-sol, l’exploitation est strictement réglementée. Le public s’en rend sur-tout compte lorsqu’elle entre en conflit d’intérêts avec la protection de la forêt et du paysage, comme cela a été le cas dans le paysage glaciaire situé entre Lorzentobel et Sihl (SZ/ZH), qui figure à l’Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d’importance nationale (IFP).

De nombreux gisements sont aussi intouchables parce qu’ils se trouvent sous de bonnes terres arables ou dans des zones construites. « Il devient toujours plus difficile d’exploiter du gravier à proximité des agglomérations, alors que cela limiterait les émis-sions », regrette Martin Weder. Le directeur de l’Asso-

ciation suisse de l’industrie des graviers et du béton ajoute qu’à l’étranger, les frais sont moindres pour sa branche. De longs transports deviennent par conséquent rentables, surtout dans les zones fron-talières. En 2009, plus de 10 millions de tonnes ont d’ailleurs été importées en Suisse, et Martin Weder s’attend à ce que la concurrence s’intensifie encore avec les régions limitrophes.

Les bâtiments, ces autres carrières. Les possibilités d’exploiter le gravier étant limitées, il faut chercher d’autres sources de matières premières minérales à distance raisonnable des chantiers. On les trouve principalement dans les constructions existantes. En effet, lorsque de vieux ouvrages laissent la place à de nouveaux, une grande partie de leurs maté-riaux peut être recyclée. Aujourd’hui, entre 80 et 90% du béton de démolition est recyclé, ce qui, selon

des estimations de l’OFEV, correspond à quelque 5 millions de tonnes par an. Les matériaux de démo-lition des couches de fondation des routes ainsi que l’asphalte récupéré sont également réutilisés lors des travaux de maintenance de la chaussée. L’OFEV évalue ces déchets de chantier à près de 9 millions de tonnes.

Le recyclage a cependant ses limites. Il ne vaut la peine que lorsque la distance entre l’ouvrage démoli, l’installation de traitement et l’endroit de réutili-sation n’est pas trop importante. Les matériaux de construction doivent en outre répondre à des exi-gences qui rendent en particulier les gravats non triés difficiles à réemployer. De plus, les frais de trai-tement se répercutent sur le prix.

Les matériaux recyclés peuvent enfin susciter une certaine méfiance, ce qui limite leurs possibilités d’écoulement. Kaarina Schenk, cheffe de la section Utilisation des sols à l’OFEV, souligne qu’ils sont exactement de même qualité que le gravier primaire et ajoute: « Lorsque l’on a affaire à de telles quanti-tés, chaque pour-cent supplémentaire qui peut être recyclé compte. » Comme les déchets de chantier vont encore augmenter, le secteur doit trouver des solutions créatives, respectueuses de l’environne-ment et économiques pour les récupérer le plus inté-gralement possible.

Beatrix Mühlethalerwww.bafu.admin.ch/magazine2011-4-10

CONTACTKaarina SchenkCheffe de la section Utilisation des solsOFEV031 324 46 [email protected]

Aujourd’hui, entre 80 et 90 % du béton de démolition est recyclé.

Avant de pouvoir recycler ce matériau, il faut laver le nitrite qui s’y est con-centré, et qui provient des explosifs utilisés dans le tunnel. On aperçoit des restes de cordeaux détonants sur la photo du milieu.

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environnement 4/2011 > Dossier Sol32

Des archives sous nos piedsLes travaux menés sur la rive nord du lac de Neuchâtel avant la construction de l’autoroute A5 ont permis de mettre à jour des vestiges archéologiques. Elena Havlicek, de la division Sols de l’OFEV, a participé aux fouilles en tant que pédologue. Elle nous dévoile ce que le sol raconte et comment on peut le faire parler.

Archivage

Saint-Aubin/Derrière la Croix, sur le lac de Neuchâtel, dans les années 1990 (ci-contre, en haut; le chantier de fouilles archéologiques se trouve derrière le rideau d’arbres sur la rive) et à l’époque néolithique (en bas), lorsque tout était recouvert de chênaies mixtes. Ces terres au pied du Jura sont aujourd’hui modelées par l’agriculture.

Menhir exhumé sur le site. Recouvert par les sédiments, il s’est bien conservé.

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33Dossier Sol > environnement 4/2011

« Il faut s’imaginer les bois qui servent de décor à la chasse au sanglier dans les albums d’Asté-rix. Des chênaies mixtes, des forêts touffues. C’est à cela que devait ressembler il y a près de 7000 ans le cône alluvial de Derrière la Croix situé près de Saint-Aubin (NE), à la frontière des cantons de Vaud et de Neuchâtel, entre lac et Jura », explique Elena Havlicek. Aujourd’hui, ces lieux ont laissé la place à une large voie auto-routière qui relie Yverdon à Soleure. Heureuse-ment, entre 1994 et 1997, à l’occasion des tra-vaux générés par ce chantier et par Rail 2000, l’Office cantonal d’archéologie de Neuchâtel a pu mener des fouilles à cet endroit. Les inter-ventions ont révélé la présence de deux aligne-ments de menhirs, d’un four à galets chauffés, d’une quinzaine de foyers et de divers silex, fragments de céramique, etc. Ces monuments et objets attestent l’existence d’un complexe mégalithique, l’un des principaux de Suisse occidentale au Ve millénaire avant notre ère. Le site est interprété comme une aire d’activités, de rencontres et de cérémonies liées à des com-munautés agricoles.

Quand la pédologie s’en mêle. Les parcelles si-tuées sur le tracé de l’A5 ont fait l’objet d’une approche pluridisciplinaire. Plusieurs envi-ronnementalistes ont été associés aux travaux, dont Elena Havlicek. « Ma fonction était celle d’archéopédologue. L’archéopédologie se con-sacre aux questions touchant le sol dans les sites archéologiques », précise-t-elle. Dans le cas de Saint-Aubin/Derrière la Croix, la couverture de cet aspect a constitué un volet de recherche original en complément aux fouilles tradition-nelles.

« Le sol est le miroir de nos civilisations, parfois un peu voilé », continue la spécialiste. Il permet d’appréhender les paysages anciens et leur évolution, de déterminer, au cours du temps, l’impact des hommes sur le milieu et l’influence du milieu sur les hommes. Sur le site en question, l’objectif était de comprendre l’histoire sédimentaire régionale en retrait du rivage et d’assurer la sauvegarde documentaire d’un patrimoine naturel voué à la disparition.

Du blé nu, une source, un silo. Selon les prospec-tions, l’endroit a été fréquenté de manière épi-sodique, principalement entre 4500 et 4300 avant Jésus-Christ. Plusieurs éléments parlent en faveur d’occupations à ciel ouvert. Meules, molettes et grains carbonisés témoignent de la mouture de céréales. Des foyers en ont livré des traces. L’espèce apparaissant le plus fréquem-ment est le blé nu, alors peu répandu en Eu-rope. Il s’agirait des plus anciennes identifica-

tions de ce taxon en Suisse et au nord des Alpes. Etant donné qu’il a été reconnu sous la forme de restes de battage, le blé nu était très proba-blement cultivé et traité sur place, juste après la récolte. D’autres indices comme des galles, des fruits de tilleul et des noisettes ont égale-ment été repérés. Une sorte de chambre avait été édifiée à l’aide d’un appareillage de dalles et de galets. Elle servait très probablement à capter une source. Non loin de là se dressait aussi un silo réaffecté par la suite en dépotoir. Le complexe a été abandonné vers 3800 av. J.-C. puis réinvesti au cours du Néolithique final, aux environs de 2900 av. J.-C.

Sur le terrain, sous le microscope et dans l’éprou-vette. La démarche de base du pédologue est l’observation des coupes de terrain. Décrire de façon minutieuse les successions de couches permet d’identifier les anciens horizons du sol (voir l’illustration à gauche )… ou leur absence, tout aussi importante.

C’est là qu’intervient la micromorphologie. Elle détecte, à l’échelle microscopique, les traces susceptibles de signaler divers paramètres: conditions de drainage, piétinement, gel et dégel. Des argiles chargées en poussières orga-niques déposées dans les pores du sol indiquent qu’on s’adonnait à cet endroit à l’agriculture.

L’analyse physico-chimique complète les examens. « Une partie de l’argent affecté aux fouilles sur le littoral neuchâtelois a été consa-crée à des études exploratoires sur le fer du sol », note Elena Havlicek. Les différentes formes de ce métal renseignent sur les conditions cli-matiques ou encore sur la présence ancienne, plus ou moins marquée, d’eau.

« Nous effectuons un travail de consortium de détectives », poursuit notre interlocutrice. « Au bout des recherches, quand on met en-semble toutes les données environnementales et archéologiques récoltées, une image se cris-tallise et un paysage apparaît, même s’il reste hypothétique. »

Un parchemin extrêmement sensible. Tout laisse à penser qu’il y a quelque 7000 ans, à Saint- Aubin / Derrière la Croix, la terre était per-méable, aérée, relativement légère, donc plutôt fertile. Quant au climat, il était aussi clément que celui d’aujourd’hui, peut-être un brin plus chaud. Ce n’est donc pas un hasard si l’homme a choisi de s’implanter là. Déjà en cette période reculée, l’exposition sud, la réverbération et l’effet tampon du lac qui modèrent les écarts de température, l’eau abondante ainsi que la situation légèrement surélevée du cône allu-vial présentaient nombre d’avantages. « Le seul

Lorsque l’homme du Néoli-thique s’installa dans la région, le sol qui s’y était constitué depuis l’époque glaciaire était fertile et profond. Divers horizons s’étaient formés (A, Sci, C). Le déboisement et l’exploitation des coteaux avoisinants provoquèrent l’érosion des sols de leurs versants, dont les éléments se déposèrent sur les berges. Dans cette zone, la surface d’origine (A, reconnaissable à sa couleur sombre) est aujourd’hui couverte d’une couche de sédiments (colluvion) qui fait 1,20 m d’épaisseur. Photos: Archéologie Neuchâteloise 29, Sonia Wüthrich, Office et musée cantonal d’archéologie, Neuchâtel

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environnement 4/2011 > Dossier Sol34

problème, quand on a affaire à un sol biologique-ment actif, c’est qu’il transforme tout et fait dis-paraître beaucoup de traces », complète la pédo-logue. « Ainsi, s’il y avait des ossements, on ne les retrouve pas forcément. »

Le sol est un palimpseste – un parchemin sur lequel l’homme écrit, efface, réécrit; il évolue au gré des événements naturels et des interven-tions humaines. Un usage inadéquat le détruit, comme cela s’est passé à l’île de Pâques: après avoir été complètement déboisée vers 1300, l’île n’a plus pu nourrir ses habitants.

En effet, dès qu’on met un sol en culture, on le transforme. « Il s’agit donc de trouver le bon équilibre », insiste Elena Havlicek. « Il faut aussi savoir que le temps de réaction d’un sol est très long et souvent incompatible avec le temps de réflexion des hommes », ajoute-t-elle.

La tourbe bibliothèque. Un terrain idéal pour étu-dier et reconstruire l’histoire de la végétation et du climat est la tourbière. Son milieu à la fois gorgé d’eau et acide empêche la décomposition usuelle. La tourbe piège les matières organiques (voir encadré page 20: « Le carbone pris au piège ») et conserve par exemple parfaitement les grains de pollen. Des millénaires après que ces

derniers se sont déposés dans la tourbe, il est ain-si possible de déterminer leur famille, leur genre et même leur espèce. La méthode du carbone radioactif permet de dater les différentes strates. Ce genre d’analyse aide à élucider mainte ques-tion (graphique ci-dessous à gauche): quand la forêt a-t-elle recolonisé Saint-Aubin après les der-nières glaciations? Quelles essences dominaient aux différentes époques? Quand les premières cultures ont-elles été plantées?

Les profils de tourbe conservent également les métaux lourds qui se sont déposés lors des précipitations. A leur manière, ils dessinent ainsi l’histoire de la pollution de l’air. Près de l’étang de la Gruère (JU/BE), à un mètre de profondeur, où le matériau a quelque 2000 ans, les teneurs en plomb s’avèrent étonnamment élevées. Ces résidus remontent à l’époque romaine, où ce mé-tal était couramment utilisé, notamment pour fabriquer des gobelets à vin. Les couches les plus proches de la surface, elles, montrent les fluc-tuations les plus récentes du plomb dans le sol. Sa présence augmente d’abord à la suite de son introduction dans l’essence en 1946, puis dimi-nue à nouveau après le retour de carburants sans plomb vers la fin du siècle dernier (graphique ci-dessous à droite).

1000

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00

époque postglaciaire époque glaciaire

épicéa

hêtre

sapin blanc

chênaie mixte(chêne, orme, frêne,

tilleul, érable)

noisetier

pin sylvestre

bouleau arborescent

genévrier

bouleau nain

plantes des steppes

années avant notre ère

10 %

1010

1010

1010

1010

10

Evolution de la végétation en Suisse, représentée à partir de l’analyse pollinique d’échantillons de sol prélevés dans les tourbières et les sédiments lacustres. Les chiffres indiquent le pourcentage de pollen de chaque groupe d’espèces par rapport à la somme globale de pollen. Source: OFEFP, 1998–2002

Teneur en plomb de la tourbe dans l’étang de la Gruère (haut-marais, JU/BE) au cours des 2000 dernières années. Graphique: Unipress, Berne, 1996

0

–10

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–30

–40

–50

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–90

–1000 100 200 300 400

facteur de dépôt du plomb

prof

onde

ur (e

n cm

)

Empire romain

Haut Moyen Age

manufacture d’argent en Allemagne

révolution industrielle vers 1800

1910

1940

1980

1991

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35Dossier Sol > environnement 4/2011

Déchiffrer si possible. Les sols ont une grande im-portance pour la connaissance de l’histoire du paysage, du climat et des hommes, ils ont une fonction d’archivage. Dans le Brandebourg, en Allemagne, ce rôle est inscrit dans la législation et pris en considération lors de planifications ou de procédures d’autorisation. Les témoins les plus précieux sont les sols naturels ayant subi un minimum d’altérations, qui reflètent l’évolu-tion de l’environnement et du paysage. Les sols de fouilles archéologiques et ceux qui possèdent une forte empreinte historique sont également protégés.

En Suisse, par contre, il n’existe pas de procé-dés établis servant à valoriser ce genre de biens naturels, ni de dispositions légales ayant pour but de les sauvegarder spécialement. Pour Elena Havlicek, « il est néanmoins important, lors de destructions d’archives potentielles dans le sol, sur des chantiers par exemple, d’investir assez de temps et d’argent pour s’adonner à des re-cherches permettant de déchiffrer ce que la terre nous raconte ». Et de suggérer: « Au fond, pour-quoi ne pas un jour délimiter des ‹ pédotopes ›? »

Cornélia Mühlberger de Preuxwww.bafu.admin.ch/magazine2011-4-11

CONTACTElena HavlicekSection Protection des solsOFEV031 325 14 [email protected]

Des sauropodes dans le Jura

Il existe d’autres archives naturelles d’une haute valeur pour la science: les géotopes. Selon une définition pro­venant de l’inventaire jurassien des géotopes, ce sont « des portions de territoire d’une importance géologique, géomorphologique ou géoécologique particulière ». Il s’agit de « témoins importants de l’histoire de la Terre » qui « donnent un aperçu sur l’évolution du paysage et du climat ».

Plusieurs cantons ont déjà inventorié de tels vesti­ges et se sont donné pour mission de les protéger et de les mettre en valeur. Glaris et le Tessin disposent, pour leur part, de géoparcs bien définis: le géoparc Sardona (www.geopark.ch) et le Parco delle Gole della Breggia (www.parcobreggia.ch). D’autres projets sont en cours, dont celui de Paléojura (JU).

Paléojura s’est essentiellement donné pour but de va­loriser le patrimoine géologique du canton, et plus par­ticulièrement les extraordinaires gisements découverts près de Courtedoux. Là, il y a 152 millions d’années, des dinosaures se promenaient dans un paysage de plages et de lagunes. Outre des traces de sauropodes, les fouil­les ont révélé des fossiles de crocodiles, de tortues, de mollusques, de poissons et de plantes. Un parcours di­dactique intitulé « Sur la trace des géants » permet au public de découvrir le site. Dans le futur, les structures d’accueil des visiteurs seront développées.

Traces de dinosaures découvertes dans le Bois de Sylleux, à l’ouest de Courtedoux (JU), lors de fouilles en rapport avec la construction de l’autoroute A 16. www.paleojura.ch

Les horizons du sol racontent l’histoire du paysage. Ici, un profil pédologique du Grand Marais (BE).Photo: Moritz Müller, Haute école suisse d’agronomie (HESA)

0–35 cm: couche de tourbe asséchée par les corrections des eaux du Jura (à partir de 1834), compacte, oxydée (noire)

35–40 cm: couche discontinue de craie lacustre (Latène, Ve – Ier siècle av. J.-C., dernière submersion)

40–53 cm env.: couche de tourbe asséchée, compacte, partiellement oxydée

env. 53–55 cm: couche de craie lacustre (fin du Néolithique/pilotis), troisième submersion

55–75 cm env.: période plus sèche, couche de tourbe moyennement compacte, argileuse dans sa partie supérieure

env. 75–95 cm: couche de craie lacustre (début du Néolithique, deuxième submersion)

95–140 cm: couche de tourbe non asséchée, lâche, non oxydée (brune)

en dessous de 140 cm: couche de craie lacustre contenant un tronc fossile de pin sylvestre conservé par la première submersion, il y a 7000 à 12 000 ans.

0 100 200 300 400

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environnement 4/201136

VD

La bécasse mieux protégée

En raison de la menace pesant sur la bé-

casse nicheuse, un nouvel arrêté quinquennal

concernant sa chasse vient d’entrer en vigueur

dans le canton de Vaud. Les populations de

cette espèce forestière sont en effet en régres-

sion au niveau suisse, notamment à cause de

la détérioration de leur habitat naturel. Au lieu

de début octobre, la chasse ouvrira désormais

fin octobre; les prises seront limitées à dix par

an et par chasseur, alors que jusqu’ici elles

n’étaient pas réglementées.

> Sébastien Sachot, Centre de conservation de la

faune et de la nature, 021 557 86 30

VS

Trop d’eau dans les STEP Selon le bilan 2010 des eaux usées du can-

ton, les stations valaisannes d’épuration (STEP)

collectent encore trop d’eaux propres. En

effet, plus de 60 % des eaux qui y arrivent sont

claires et diluent les eaux usées, au détriment

des performances et des coûts d’exploitation

des installations. Différentes mesures doivent

être prises rapidement pour améliorer la situa-

tion. Il s’agit notamment de drainer torrents,

fontaines et sources et de les exclure des ca-

nalisations des eaux usées.

> Pierre Mange, ingénieur assainissement au

Service de la protection de l’environnement,

027 606 31 74

VD

Financement des déchets à revoir

La commune de Romanel-sur-Lausanne pré-

voyait un financement de l’élimination de ses

déchets par l’impôt à hauteur de 30 %, le solde

étant payé par une taxe forfaitaire fixée selon la

taille des ménages. Le Tribunal fédéral a jugé

cette réglementation contraire à la loi fédérale

sur la protection de l’environnement, qui exige

que l’utilisation de l’impôt ne dépasse pas

30 % des coûts d’élimination, les 70 % res-

tants devant être couverts par des taxes ou des

émoluments incitant à trier et à diminuer les

déchets. De nombreuses communes vaudoises

sont dans le même cas et devraient donc revoir

leurs règlements sur les déchets en envisa-

geant d’autres solutions, telles la taxe au sac.

> Etienne Ruegg, ingénieur au Service des eaux,

sols et assainissement (SESA), 021 316 75 47

BE

Des millions pour les abeillesLe dépérissement des populations d’abeilles

nuit à la pollinisation des plantes sauvages et

des cultures. Il constitue un grave problème

économique et écologique. Une recherche

fouillée est nécessaire pour mieux comprendre

les différentes origines de la mort de ces in-

sectes. Dans ce contexte, la fondation Vinetum

met cinq millions de francs à la disposition

de l’Université de Berne afin qu’elle crée une

chaire de santé des abeilles dans sa faculté

des sciences vétérinaires. Limitée à dix ans

dans un premier temps, celle-ci devra amé-

liorer notre connaissance de la biologie, de la

physiologie et de la pathologie des abeilles,

des domaines qui demeurent peu étudiés.

> Université de Berne, Andreas Zurbriggen, 031

631 25 09, [email protected],

www.vinetum.ch

NE

Les tourbières régénérées

Depuis une quinzaine d’années, le canton de

Neuchâtel travaille à régénérer ses tourbières.

Au programme: diminution du taux de boi-

sement, restauration de l’équilibre hydrique,

revitalisation des plans d’eau. Le but? Assurer

la conservation d’espèces caractéristiques de

ces milieux et préparer le retour de celles qui

ont disparu. Le pari est réussi. La leucorrhine

à gros thorax, une libellule, est réapparue. La

couverture des sphaignes dans les secteurs

nouvellement inondés a augmenté et plusieurs

espèces végétales inféodées aux tourbières se

sont développées. Enfin, le niveau de satura-

tion en eau des masses de tourbe s’est amé-

lioré.

> Sébastien Tschanz, Service de la faune, des

forêts et de la nature, 032 889 79 02

Sébastien Tschanz

A notre porte

S. Sachot

Page 37: Magazine «environnement» 4/2011 - Irremplaçable sol

37environnement 4/2011

GE

Naissance de potagers urbains

Les communes genevoises du Grand-Sacon-

nex et de Thônex ont inauguré cette année leur

premier potager urbain. Destinées aux habi-

tants du quartier, ces plates-bandes d’un genre

nouveau amènent un peu de nature en ville.

Elles tissent également des liens conviviaux et

favorisent la mixité sociale. Au printemps pro-

chain, il est prévu d’aménager un second pota-

ger urbain au Grand-Saconnex et un autre à

Meyrin. C’est l’association equiterre, soutenue

par la Loterie romande, qui est à l’origine de

ces initiatives.

> Hélène Gaillard, equiterre, 021 341 41 10

VD

Chavornay et son KompogasEn juin dernier, une nouvelle installation de

Kompogas a été mise en service à Chavor-

nay, dans la plaine de l’Orbe. Chaque année,

elle traitera quelque 20 000 tonnes de déchets

organiques pour produire de l’électricité verte

et de l’engrais naturel. Mis à fermenter, ces

détritus génèrent quelque 4,5 millions de kWh

d’électricité, soit la consommation de plus de

1000 ménages. La chaleur dégagée lors de la

production permettra par ailleurs de chauffer

des entreprises implantées dans le voisinage

et de réduire leurs émissions de CO2. A la fin

du processus, les déchets organiques sont

débarrassés de tout germe avant d’être utilisés

comme engrais liquide ou compost dans les

sols de la région.

> Daniela Biedermann, porte-parole d’Axpo,

044 278 41 20

FR

Bilan sur la pollution de l’air La concentration de certains polluants a diminué

dans le canton de Fribourg, mais la charge reste

importante. Telle est la conclusion d’un bilan

intermédiaire du plan de mesures pour la pro-

tection de l’air. Certaines mesures techniques,

comme l’assainissement des chauffages ou

l’équipement des bus avec des filtres à parti-

cules, ont été mises en œuvre avec succès. Des

efforts doivent encore être entrepris dans les

domaines suivants: gestion de la mobilité, éner-

gie et agriculture. Le prochain bilan, prévu pour

2014, présentera un état des lieux complet. Il

constituera la base pour une éventuelle révision

du plan de mesures.

> Hans Gygax, Service de l’environnement,

026 305 37 52

AG

L’OFEV influence une ordonnance

En raison de la densité des constructions et

de la valeur élevée des biens touchés, ce sont

les tremblements de terre, parmi les dangers

naturels, qui peuvent provoquer les plus gros

dommages en Suisse. L’OFEV coordonne un

programme de mesures préventives dans ce

domaine. Il a notamment élaboré des docu-

ments modèles pour les autorités chargées des

constructions. Au printemps 2011, le canton

d’Argovie a repris dans sa nouvelle ordonnance

le formulaire de l’OFEV intitulé « Déclaration de

conformité parasismique pour les constructions

nouvelles et les extensions ». Ce formulaire doit

être signé par le maître d’ouvrage, l’auteur du

projet et l’ingénieur du bâtiment. Ils attestent

ainsi que les exigences fixées en matière de

sécurité parasismique ont été respectées. Pour

l’instant, les cantons ne sont guère nombreux à

spécifier des conditions relatives aux tremble-

ments de terre dans les permis de construire.

> Blaise Duvernay, chef de la Centrale de coordi-

nation pour la mitigation des séismes, OFEV,

031 324 17 34, [email protected];

www.bafu.admin.ch/seismes > Construction para-

sismique

CH

Dessine-moi une forêt!

A l’occasion de l’Année internationale de la

forêt, l’Association suisse pour systèmes de

qualité et de management (SQS) a organisé un

concours national de dessins pour les enfants

et les jeunes. Les jurés ont sélectionné les

meilleurs des 4500 travaux reçus. « Nous vou-

lions que les jeunes abordent suffisamment tôt

la problématique du développement durable »,

explique René Wasmer, membre du jury. Les

dessins suisses primés prennent automatique-

ment part à un concours international incluant

plus de 55 pays et environ 20 000 œuvres.

> www.sqs.ch > Concours de dessins

mise à disposition

Desirée Tutta, de Melide (TI), a obtenu le 2e prix pour les classes de la 4e à la 6e année. mise à disposition

mise à disposition

Page 38: Magazine «environnement» 4/2011 - Irremplaçable sol

environnement 4/2011 38

En politique internationale

L’eau et l’économie verteA la 7e conférence ministérielle « Un environnement pour l’Europe », du 21 au 23 septembre 2011 à

Astana (Kazakhstan), les représentants des 56 Etats membres (Europe, Amérique du Nord, Asie cen-

trale, Caucase et Israël) ont adopté un document intitulé « Actions pour l’eau d’Astana » (« Astana Wa-

ter Action »). Celui-ci a été conçu – sous la présidence de la Suisse, représentée par Sibylle Vermont de

l’OFEV – pour la convention sur l’eau de la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies

(CEE-ONU). Il contient des mesures devant assurer une utilisation durable de l’eau et des écosystèmes

qui y sont liés (forêts, zones humides). Avec vingt autres pays et quatre organisations environnemen-

tales, la Suisse a présenté ses actions durant la conférence, entre autres la gestion des eaux par bas-

sin versant pratiquée dans les cantons riverains de la Birse (JU, BE, SO, BS, BL). Par ailleurs, dans

leurs débats sur l’économie verte, les délégations ont abordé des thèmes tels que l’utilisation efficace

des ressources, la promotion des modèles de production et de consommation durables ou le rôle du

secteur privé. Les résultats de ces discussions seront présentés en juin 2012 au Sommet des Nations

Unies sur le développement durable (Rio+20). La Suisse a proposé que les Etats s’y mettent d’accord

sur une feuille de route de l’économie verte. Le processus « Un environnement pour l’Europe » a été

lancé en 1991 dans le but d’aider les pays d’Europe de l’Est à élaborer et appliquer leur législation

environnementale.

Produits chimiques et déchets: l’expertise suisseL’ONU a fait de 2011 l’Année internationale de la chimie. La Suisse est au cœur du sujet: en tant

que site industriel important, elle connaît les règles dont a besoin le commerce international des

produits chimiques et des déchets. Les conventions concernées – celles de Bâle, de Stockholm et de

Rotterdam – ont d’ailleurs leur secrétariat à Genève, et la Suisse a largement contribué au renforce-

ment continu de leur collaboration. Les trois secrétariats sont ainsi dirigés par une seule personne,

contre deux auparavant. En outre, les réunions des trois conventions ont maintenant lieu simultané-

ment sur deux semaines, avec un segment en commun pour des décisions conjointes.

Les négociations relatives à la Convention de Stockholm ont eu lieu en avril 2011 à Genève. Prin-

cipal résultat: le traité couvre désormais l’endosulfan. La production, l’utilisation, l’importation et

l’exportation de cet insecticide très toxique sont donc interdites, à quelques exceptions près, dans

les Etats signataires. Succès partiel en revanche pour la Convention de Rotterdam, en juin 2011 à

Genève: de nouvelles substances ont certes été ajoutées au traité, mais l’amiante de type chrysotile

– un matériau toxique utilisé pour l’isolation – n’a pu être interdit, notamment à cause du Canada.

La Suisse joue aussi un rôle actif dans l’élaboration d’une convention sur le mercure. L’objectif pour

l’OFEV est l’abandon des produits et technologies utilisant cette substance, dans un délai raison-

nable.

Martine Rohn-BrossardSection Europe, commerce et coopération au développementDivision Affaires internationales OFEV031 322 92 [email protected]

Gabi EigenmannSection Affaires globalesDivision Affaires internationalesOFEV031 322 93 [email protected]

Ces prochains mois

Du 28 novembre au 9 dé-cembre 2011: 17e Conférence annuelle des Nations Unies sur les changements climatiques à Durban (Afrique du Sud)

Du 1er au 2 décembre 2011: conférence de la CEE-ONU à Genève pour préparer le Sommet des Nations Unies sur le développement durable (Rio+20)

Du 20 au 22 février 2012: Forum ministériel mondial sur l’environnement à Nairobi (Kenya)

Du 12 au 18 mars 2012: 6e Forum mondial de l’eau à Marseille

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39Bruit > environnement 4/2011

Le silence est d’orPOLLUTION SONORE ET LOYERS

Les Suisses aiment vivre au calme. Le trafic joue donc un rôle croissant dans l’évaluation des biens fonciers. Avec l’aide de l’OFEV, la Banque cantonale de Zurich a développé une méthode permettant de calculer précisément la perte de valeur immobilière due à la pollution sonore.

Le vacarme du trafic est un fléau de notre temps, se plaignent les uns – un mal nécessaire lié à notre niveau de vie, relativisent les autres. « Les nuisances sonores du trafic routier, aérien et fer-roviaire ont été minimisées trop long-temps », préviennent les spécialistes tels que Fredy Fischer, chef de la section Chemins de fer et aménagement du ter-ritoire au sein de la division Lutte contre le bruit à l’OFEV. Car les nuisances acous-

tiques passent souvent pour fugaces et donc négligeables. Mais avec l’accrois-sement de la mobilité, les gens sont de plus en plus nombreux à être dérangés par le trafic, surtout la nuit. Pour beau-coup, il devient toujours plus difficile de se détendre.

Le bruit commence à nuire à la san-té à partir de 40 décibels (dB) la nuit et de 50 dB le jour. Il peut provoquer des troubles du sommeil, de la tension, des

crises cardiaques et des dépressions. Il occasionne des coûts externes de la santé estimés à 120 millions de francs par an.

Des pertes exorbitantes. Mais la pollution sonore a encore un autre impact écono-mique: elle dévalue les immeubles. Les pertes – qui se traduisent surtout par des baisses de rendement des loyers – se chiffrent à un milliard de francs par an. Malgré les efforts investis dans l’assainis-

La Weststrasse à Zurich, le 15 juin 2011. Jusqu’au 2 août 2010, 20 000 voitures et camions défilaient ici chaque jour. De nombreux immeubles étaient négligés, les loyers bas, les rendements faibles. Maintenant, la Weststrasse est en passe de devenir une rue résidentielle plantée d’arbres, où les logements sont convoités. Photo: Stefan Hartmann

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environnement 4/2011 > Bruit40

sement des infrastructures de transport existantes – notamment par la construc-tion de parois antibruit le long des autoroutes et des voies ferrées – et dans la mise en œuvre de protections acous-tiques en cas de nouvelles installations, 1,3 million de personnes sont exposées quotidiennement à des immissions nui-sibles ou incommodantes en Suisse – et la tendance est à la hausse.

Le phénomène touche principale-ment les zones urbaines, où il est diffi-cile de réaliser des ouvrages techniques de protection en raison du manque d’es-pace. Dans les villes et agglomérations, 17 % des logements sont exposés à un bruit routier excessif.

Le trafic routier dévalue les immeubles. Un environnement résidentiel bruyant dévalue l’immobilier: le long de la West-strasse à Zurich, autrefois très fréquen-tée, les loyers étaient inférieurs de 8 à 10 % en moyenne à ceux du quartier. En outre, cette rue illustre un autre phéno-mène: « Beaucoup de bâtiments situés à proximité immédiate d’axes routiers à grande circulation sont négligés parce que les propriétaires considèrent qu’il ne vaut pas la peine de les assainir vu leur faible rendement locatif; leur bilan énergétique s’en ressent », explique Fredy Fischer. Ce manque d’investissement marque le début de l’engrenage: dans les quartiers à affectation mixte, les bou-tiques ferment, l’endroit perdant de son attrait. Les locataires qui peuvent se le permettre déménagent. Les bas loyers et les immeubles mal entretenus éloignent les investisseurs, et le délabrement s’ac-célère.

Des mesures de modération du trafic peuvent radicalement changer la situa-

tion: le contournement ouest de Zurich était à peine ouvert, en août 2010, et la Weststrasse transformée en zone 30 que les prix de l’immobilier ont monté en flèche. Des assainissements longtemps négligés sont devenus séduisants compte tenu des perspectives de rendement. Les loyers ont déjà augmenté de 40 %.

Une banque de données à l’OFEV. La de-mande de zones d’habitation calmes continuera à croître. Car le trafic routier,

ferroviaire et aérien va augmenter massi-vement d’ici à 2030 – de 15 à 29 % rien que pour la route et le rail, selon les esti-mations. L’évolution du niveau sonore dans les zones résidentielles est donc intéressante pour le secteur immobilier. Grâce à la banque de données SonBase mise au point par l’OFEV, il est possible depuis 2009 d’évaluer uniformément et à large échelle l’ampleur des nuisances actuelles et futures en Suisse. Cet outil recense les principales sources de bruit – les routes (75 000 km), le rail (3000 km) et le trafic aérien (70 aérodromes) – ainsi que les surfaces, personnes, logements, immeubles et postes de travail concer-nés. Il permet aussi de calculer des scéna-rios reflétant par exemple l’introduction de revêtements silencieux ou un trans-fert du trafic de la route au rail.

Silence, s’il vous plaît! Les données ras-semblées dans un système d’information

géographique (SIG) permettent d’analy-ser la pollution sonore à laquelle est ex-posé l’immobilier. On peut ainsi calculer les coûts entraînés par le bruit routier – ce qui vaut son pesant d’or pour investis-seurs et propriétaires. Des économistes de la Banque cantonale de Zurich (BCZ) ont présenté en juin 2011 une analyse très complète des zones habitables. En 2004, ils avaient déjà mis au point un modèle « hédoniste » de détermination des variables liées au site pour l’évalua-

tion de l’immobilier. La méthode hédo-niste part du principe que le loyer dérive des caractéristiques du logement – vue, équipement, proximité de mâts à haute tension. Mais jusqu’à présent, il man-quait des données acoustiques précises pour une évaluation à petite échelle. Il fallait se contenter d’informations sur la proximité d’axes de trafic bruyants. Grâce à SonBase, la BCZ a pu combler cette lacune. Son étude, parue en alle-mand sous le titre Ruhe bitte! (« Silence, s’il vous plaît! »), recense toutes les sur-faces habitables de Suisse.

La route omniprésente. L’étude de la BCZ montre que l’impact sur les loyers est dif-férent selon le type de bruit. Le passage de trains entraîne une plus forte réduc-tion que le trafic routier: chaque décibel supplémentaire dépassant la valeur seuil de 40 dB la nuit et de 50 dB le jour cor-respond à une baisse de loyer de 0,26 %

Sur 660 000 appartements locatifs examinés, 60 % sont dévalués par le bruit routier et 4 % par le passage des trains.

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41Bruit > environnement 4/2011

(voir tableau). La baisse est de 0,19 % pour la circulation routière et de 0,11 % pour le trafic aérien.

Fredy Fischer relativise ces résul-tats: « Il est vrai que, dans des cas isolés, les trains occasionnent la baisse la plus forte. Mais globalement, le trafic routier est plus problématique, car il concerne bien davantage de logements. »

Les zones résidentielles exposées à plusieurs types de bruit sont double-ment pénalisées. Certains quartiers de Glattbrugg (ZH) sont beaucoup moins rentables que des zones équivalentes calmes. Un exemple: un quatre-pièces de 120 mètres carrés avec balcon et garage situé entre la gare d’Opfikon, l’autoroute A1 et le prolongement de la piste de décollage de l’aéroport de Zurich-Kloten se loue 9 % moins cher qu’ailleurs. Le propriétaire perd 250 francs par mois à cause du niveau sonore.

Plus de six logements locatifs sur dix. Pour des raisons d’accès aux données, l’étude de la BCZ ne recense que les immeubles locatifs. Grâce au portail internet Home-gate, la banque a pu consulter des an-nonces publiées entre 2002 et 2010 pour un total de 660 000 appartements répar-tis dans 160 000 immeubles. Résultat: 60 % sont dévalués par le bruit routier et 4 % par le passage des trains. Selon la BCZ, ces données sont fiables, car les prix indiqués correspondent aux loyers payés.

La situation est quelque peu diffé-rente pour les propriétés privées – mai-sons familiales, villas ou propriétés par étages (PPE): les prix de vente publiés ne sont souvent que des prix de départ qui peuvent fortement baisser ou augmenter par la suite. « L’importance du bruit est probablement plus grande encore pour

CONTACTFredy FischerChef de la section Chemins de fer et aménagement du territoire Division Lutte contre le bruit, OFEV031 322 68 [email protected]

La situation géographique, le cadre de vie et le bruit influencent le prix du loyer. Dans ce tableau, les pourcentages déduits de la situation macroscopique et microscopique (pollution sonore incluse) définissent la valeur du logement. Ainsi, par exemple, chaque décibel (dB) de bruit routier dépassant la valeur limite d’immission réduit le rendement du loyer de 0,19 %.

Situation macroscopique DescriptionEffet sur le loyer

type de commune commune touristique 15,0 %

impôts rendement fiscal de la commune par personne (par millier de francs) 2,5 %

situation centrale nombre d’emplois à proximité immédiate (par hausse de 100 %) 4,2 %

Situation microscopique

proximité du lac rive à moins de 100 m 7,1 %

vue sur lac moyenne 3,3 %

bonne à très bonne 5,0 %

vue sur montagnes et lac plus de trois montagnes visibles, bonne vue sur lac 4,0 %

plus de 15 montagnes visibles, très bonne vue sur lac 10,4 %

distances espace vert à moins de 100 m 0,4 %

ligne à haute tension à moins de 150 m – 3,1 %

proximité de la voie ferrée – 1,8 %

bruit bruit routier, par dB (la nuit > 40, le jour > 50) – 0,19 %

bruit ferroviaire, par dB (la nuit > 40, le jour > 50) – 0,26 %

bruit aérien, par dB (le jour > 50) – 0,11 %

les maisons privées ou les PPE que pour les immeubles locatifs », remarque Fredy Fischer. Mais contrairement aux loyers mensuels transparents, les prix finaux d’une vente ne sont guère contrôlables.

Stefan Hartmannwww.bafu.admin.ch/magazine2011-4-12

Source: Banque cantonale de Zurich

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environnement 4/2011 > Forêt42

environnement: En tant que cheffe du Département de la sécurité et de l’environnement du canton de Vaud, vous êtes responsable des forêts vaudoises et, comme présidente de la Conférence des directeurs des forêts (CDFo), engagée dans la politique forestière nationale. Trouvez-vous le temps de prendre l’air en forêt?Jacqueline de Quattro: Je le prends, car j’en ai besoin. Quand mon quotidien de conseillère d’Etat devient trop lourd, quand je suis confrontée à trop d’agres-sivité et de stress, je pars me balader en forêt. Lorsque je respire le parfum du bois et de la résine, je me ressource.

Quel rôle joue la forêt dans votre qualité devie personnelle?Je ne pourrais pas m’en passer. Quand j’étais petite fille, mes parents m’emme-naient pendant le week-end découvrir les arbres, les fleurs et la faune. Grâce à eux, j’ai appris à lire les traces des animaux et à reconnaître le chant des oiseaux. Je suis une amoureuse de la forêt et de la nature.

Dans le cadre de la révision du Programme forestier suisse (PFS), les points forts de la politique forestière nationale sont en voie de redéfinition. Quels sont, selon vous, les

Une tâche communePOLITIQUE FORESTIÈRE 2020

La politique forestière suisse est en cours d’ajustement. Les cantons ont leur mot à dire. environnement s’est entretenu avec Jacqueline de Quattro sur les objectifs et les orientations de la « Politique forestière 2020 » adoptée par le Conseil fédéral fin août 2011. La conseillère d’Etat du canton de Vaud est aussi présidente de la Conférence des directeurs des forêts.

Jacqueline de Quattro est avocate, membre du PLR et, depuis 2007, cheffe du Département de la sécurité et de l’environnement (DSE) du gouvernement cantonal vaudois. Le Service des forêts, de la faune et de la nature (SFFN) lui est rattaché. En novembre 2010, elle a été élue présidente de la Conférence des directeurs des forêts (CDFo).La CDFo réunit tous les membres des gouver-nements cantonaux en charge de la forêt. Elle coordonne la politique forestière des cantons et l’harmonise avec la division Forêts de l’OFEV et d’autres acteurs, dans l’intérêt de la politique forestière nationale.Photo: Daniel Rihs

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43Forêt > environnement 4/2011

principaux thèmes qui doivent être abordés?La politique actuelle n’a pas besoin d’être révisée de façon fondamentale, mais les prestations publiques de la fo-rêt doivent être mieux prises en compte et la coopération entre la Confédération et les cantons doit être améliorée.

La CDFo exige dans ses propositions « une approche équilibrée entre gestion forestière et aménagement du territoire, qui tienne compte du développement durable ». Pouvez-vous expliquer ce qu’elle entend par là?Cela signifie avant tout qu’il faut mieux coordonner les stratégies et les instru-ments de planification. La protection quantitative et qualitative de la forêt doit être maintenue et réglée dans le

cadre de la législation. Certains élé-ments de planification peuvent être intégrés dans les plans directeurs existants. Cela se pratique déjà dans de nombreux cantons. Le besoin de coordination semble d’ailleurs plus important sur le plan national que sur le plan cantonal. Il est certain que la planification ne peut pas être déléguée aux communes: les prestations de la forêt sont régionales et sa préservation ne peut être organisée qu’au niveau des cantons. La CDFo veut maintenir l’inter-diction de défricher. Mais les déroga-tions doivent rester possibles s’il y va de l’intérêt public. Et nous souhaitons flexibiliser les mesures compensatoires en cas d’autorisation exceptionnelle.

L’usage de la forêt, donc du bois, comme puits de carbone joue un rôle de plus en plus important dans la politique climatique. La CDFo préconise la création de bases légales, afin que cette fonction puisse être mise à profit conformément aux lois du marché. A quoi pourrait ressembler un tel système?A ce jour, aucun mécanisme permettant de dédommager l’économie forestière pour cette fonction de puits de carbone n’est intégré dans la politique fédérale en matière de lutte contre le CO2. L’ex-ploitation de cette prestation doit pou-voir s’adapter aux besoins du marché. La contribution de l’économie forestière et de l’industrie du bois aux objectifs de la Confédération en matière d’énergie, de climat et de ressources naturelles

doit être optimisée et reconnue. La prise en compte, prévue dans la nouvelle loi sur le CO2, du bois constructible en tant que puits de carbone en fait partie.

Selon le nouveau Programme forestier suisse, les prestations publiques de la forêt doivent être valorisées pour les propriétairesforestiers, notamment l’aspect des loisirs. Faudra-t-il bientôt payer un droit d’entrée pour aller se promener?La CDFo a toujours défendu le principe traditionnel du libre accès aux forêts et n’entend pas s’en écarter. Par contre, certains services particuliers profitant aux loisirs et au tourisme devraient trouver une compensation financière. C’est un sujet de discussion entre les communes, le secteur touristique et

l’économie forestière. Le billet d’entrée pour les promeneurs n’est certainement pas à l’ordre du jour.

Un autre postulat de la CDFo concerne l’amélioration de la rentabilité des exploi-tations forestières. Quelles sont les mesuresqui s’imposent?Au cours des années écoulées, l’éco-nomie forestière a fait preuve d’une grande sensibilité écologique. Un tel développement doit être encouragé, mais pas au détriment de la rentabilité économique, c’est-à-dire sans compen-sation. Cela signifie que les prestations écologiques doivent être indemnisées selon des critères économiques. De plus, il faut créer plus d’incitations à l’inno-vation dans l’économie forestière et soutenir les infrastructures nécessaires à cet effet.

Les cantons jouent un rôle important dans les relations entre Confédération et proprié-taires forestiers. Quelles sont vos attentes à l’égard de l’OFEV?La CDFo attend de l’OFEV qu’il fasse de la politique intégrée de la forêt une priorité et qu’il évite une gestion mor-celée des espèces, de la faune sauvage et des biotopes forestiers. Elle attend des cantons qu’ils négocient un nou-veau « paquet forêts » dans le cadre de la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches (RPT). Il faudrait qu’ils aient une marge de manœuvre suffisante pour le mettre en-suite en pratique avec les propriétaires de forêts.

Et à l’égard des propriétaires?Nous souhaitons qu’ils soient des par-tenaires constructifs, innovateurs et entreprenants avec lesquels nous puis-sions réaliser les objectifs de la poli-tique forestière.Propos recueillis par Hansjakob Baumgartnerwww.bafu.admin.ch/magazine2011-4-13

« A ce jour, aucun mécanisme permettant de dé dommager l’économie forestière pour cette fonction de puits de carbone n’est intégré dans la politique fédérale en matière de lutte contre le CO2. » Jacqueline de Quattro

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environnement 4/2011 > Forêt44

Entre stabilité et souplesseLES NOUVEAUX OBJECTIFS

Le programme baptisé « Politique forestière 2020 » ne réinvente pas la politique forestière de la Suisse, mais il l’adapte aux conditions et aux défis d’aujourd’hui.

(hjb) A une époque où tout est éphé-mère, la forêt est un îlot de stabilité. La durée de vie des arbres, qui s’étend de plusieurs dizaines à plusieurs centaines d’années du germe à la récolte, déter-mine le rythme de son évolution. Mais tel n’est pas le cas de la politique fores-tière. Les exigences de la société et les conditions d’utilisation de la forêt, dans toutes ses fonctions, changent beaucoup plus vite que la forêt elle-même. Ainsi, son rôle dans la politique climatique n’était que secondaire lors de l’élabora-tion du « Programme forestier suisse » (PFS), dans les années 2002/03, tout comme les répercussions du réchauf-fement climatique sur la forêt. Nul ne parlait alors de stratégie en faveur de la biodiversité et de l’importance du tiers boisé de la Suisse à cet égard, ni d’ail-leurs de flexibilisation de la politique forestière.

Un programme et onze objectifs. Au vu des nouveaux défis et des questions en suspens dans la politique forestière, le Conseil fédéral a chargé le Département de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC), en avril 2010, de poursuivre le développement du PFS. Ce travail a abouti à un programme rénové en douceur, intitulé « Politique forestière 2020 ». Il fixe onze objectifs qui doivent être atteints d’ici à 2020:

1. Mettre à profit le potentiel d’exploitation durable du bois. Il faut pour cela que l’accès aux ressources soit garanti par des dessertes. Il s’agit aussi de trouver de nouvelles filières de trans-formation et de commercialisation pour les feuillus.

2. Faire contribuer la forêt à la réduction des émissions de CO2 et y atténuer les effets du réchauffement climatique. Le bois de construction permet de sto-

cker le CO2, le vieux bois et le bois d’énergie remplacent les énergies fossiles. L’entretien des jeunes peu-plements et l’adaptation ciblée des essences renforcent la forêt face au réchauffement.

3. Améliorer la capacité de production de l’économie forestière. Pour ce faire, il faut perfectionner les structures des entreprises et leur collaboration. La mise en valeur des prestations fournies pour le climat, les loisirs, la biodiversité et la conservation des réserves d’eau potable peut ouvrir de nouvelles sources de revenus à l’éco-nomie forestière.

4. Assurer la fonction protectrice de la forêt. Des conventions-programmes conclues par la Confédération avec les cantons, conformément à la RPT, doivent combler le retard pris dans l’entretien des forêts protectrices et favoriser leur rajeunissement.

5. Maintenir la biodiversité en forêt et l’améliorer de manière ciblée. L’objectif visant à délimiter 10 % de réserves forestières, défini en 2001 par la Confédération et les cantons, reste inchangé. Il doit être atteint grâce aux conventions-programmes. Les pouvoirs publics encouragent en outre les mesures créant un réseau vert.

6. Ne pas mettre en danger les sols fores-tiers, l’eau potable et la vitalité des arbres. Il faut notamment réduire les immissions d’azote.

7. Conserver la surface forestière. L’inter-diction de défricher subsiste. La liste des critères de dérogation est com-plétée dans le sens d’une politique intégrale d’aménagement du terri-toire, ce qui doit permettre dans cer-tains cas de renoncer à la compensa-tion des défrichements.

8. Protéger la forêt des organismes nui-sibles. L’accroissement du commerce

mondial, la mobilité globale et les changements climatiques augmen-tent les dangers biotiques menaçant la forêt. Une stratégie détaillée jet-tera les bases nécessaires pour amé-liorer les mesures d’exécution.

9. Garantir l’équilibre entre la forêt et la faune. Pour y arriver, il faut assurer, avec des essences adaptées, le rajeu-nissement naturel des forêts malgré les dégâts dus aux animaux.

10. Ménager les forêts dans les activités de loisirs et de détente. Il est important de tirer au clair les questions concer-nant la responsabilité des proprié-taires.

11. Garantir une compétence élevée à tous les niveaux grâce au système de for-mation forestière (voir environnement 4/2010, pages 24 et 25: « La sécurité passe par la formation »).

« Nous avons associé les principaux acteurs de la forêt, du bois et de l’en-vironnement à l’élaboration de la po-litique forestière 2020 », indique Rolf Manser, chef de la division Forêts de l’OFEV. « Nous sommes parvenus à nous mettre d’accord sur un bon dénomina-teur commun, avec des objectifs con-traignants, et allons élaborer des me-sures concrètes selon le même processus de concertation. »

CONTACTRolf ManserChef de la division ForêtsOFEV031 324 78 [email protected]

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45Faune sauvage > environnement 4/2011

Les uns le haïssent, les autres le vénèrent et le mythifient. Tout cela ne réussit pas au loup. Un compromis permettant d’assouplir la protection des effectifs tout en garantissant la survie de l’espèce serait utile à tout le monde. Canis lupus en profiterait le premier.

Un compromis pour le loup?GRANDS PRÉDATEURS

Il s’agit encore exclusivement de loups solitaires. Une douzaine d’individus vivraient en Suisse, tous se déplacent seuls. Mais un couple s’est formé au moins une fois, début 2010: les chemins d’un mâle et d’une femelle se sont croi-sés en Valais central.

Le mâle était une vieille connais-sance. Il s’était fait remarquer pour la

première fois en novembre 2006 quand il avait attaqué huit moutons au pied du Stockhorn (BE). Les années suivantes, il avait régulièrement laissé des traces de sa présence sur une surface allant de Thoune, dans l’Oberland bernois, au Pays d’Enhaut (VD) en passant par la vallée de la Simme et le pays de Gesse-nay (BE). L’hiver, sa préférence allait aux

Alpes fribourgeoises et vaudoises, où il s’en prenait aux cerfs. Début 2010, il avait migré vers le Valais.

Le premier couple. Au même moment, une femelle apparue en 2009 dans le Val d’Hérémence (VS) longeait le flanc gauche de la vallée du Rhône en direc-tion du Haut-Valais. C’est là que les deux

Pour le moment, en Suisse, les loups se déplacent encore en solitaires. Mais les premières meutes ne vont pas tarder à se former. Photo: Agence Sutter, Christian König

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environnement 4/2011 > Faune sauvage46

bêtes se sont rencontrées. Elles sont ensuite restées ensemble, traversant le Rhône au printemps dans le bois de Finges. Au début de l’été, elles séjour-naient entre Montana et l’alpage de Varone, au-dessus de Salquenen.

Quelques observateurs disent avoir vu des louveteaux. On n’en a pas trou-vé de preuves, mais la chose n’est pas impossible: le rut a lieu entre janvier et mars.

Le couple a dévoré quinze à vingt moutons sur l’alpage de Varone en juil-let 2010, puis tué une vache et blessé une autre sur le pâturage du Scex voi-sin. Début août, le canton du Valais a autorisé le tir des coupables. Le 11 août, le mâle était abattu.

On n’a plus de traces de la louve depuis. Si elle est toujours en vie, elle a toutes ses chances de retrouver un partenaire. Les femelles sont encore en nette minorité chez les loups d’ici. Sur les 33 bêtes recensées en Suisse depuis 1998, 27 sont – ou étaient – des mâles.

C’est là un phénomène typique: lorsque le loup commence à coloniser de nouveaux espaces, les mâles sont attirés par le vaste monde, tandis que les femelles préfèrent rester dans la région où elles sont nées. Les premiers loups arrivés de France et d’Italie au milieu des années 1990 étaient tous des mâles. La première femelle est apparue en 2002.

A quand la première meute? La forma-tion d’un couple – même temporaire – marque une nouvelle étape du retour du loup en Suisse. Quelques années, sinon moins, suffiront pour que des meutes s’établissent et occupent des ter-ritoires.

Cette réalité n’est pas sans consé-quence sur l’attitude à adopter en Suisse envers les grands prédateurs. Il faut d’abord développer et assurer dura-blement la protection des troupeaux. En 2009, les loups ont tué 340 moutons, 17 chèvres et un veau. C’était une année record pour les dommages causés par

l’espèce. L’année suivante, les pertes de bétail sont tombées à 84 bêtes. A la mi-août 2011, elles étaient déjà remontées à 145. Ce sont surtout des pâturages sans berger ni chien qui ont été tou-chés. La Confédération et les cantons indemnisent les propriétaires des ani-maux de rente.

Entre chiens et loups. L’OFEFP, comme s’appelait alors l’OFEV, avait lancé dès 1999 un projet national de prévention des dommages subis par le petit chep-tel. On a élevé des chiens de protection, encouragé la formation des bergers. Ac-tuellement, quelque 170 chiens de races appropriées – berger de la Maremme et des Abruzzes, Montagne des Pyrénées – veillent sur les moutons. Des centres de compétence ont été installés dans toutes les régions concernées pour conseiller les bergers et leur fournir des chiens en cas de besoin. L’Association suisse pour le développement de l’agriculture et de l’espace rural (Agridea) coordonne ces activités dans ses bureaux de Lausanne.

Un groupe mobile est prêt à inter-venir. Il est composé de trois bergers engagés pour la période d’estivage et de deux personnes disponibles sur demande. Ainsi, en 2007, lorsqu’un pre-mier loup est apparu dans le canton de Vaud et qu’il a tué 19 moutons à la fin août aux environs du Grand Muveran, la bergère Riccarda Lüthi s’est installée sur l’alpage avec deux chiens de pro-tection. La saison s’est terminée sans autres dégâts.

Pour soutenir ces efforts de préven-tion, l’OFEV dispose en 2011 d’un bud-get de quelque 850 000 francs. Cette somme ne suffira vraisemblablement plus à l’avenir. C’est pourquoi l’office est en train d’examiner, en collabora-tion avec l’Office fédéral de l’agricul-

ture (OFAG), quelles bases légales il faut créer pour assurer le financement à long terme de la protection des trou-peaux et à quels coûts on doit s’at-tendre. Le problème de la responsabilité doit également être réglé pour le cas où un chien mord un promeneur, ce qui s’est malheureusement déjà produit. La plupart des accidents étaient dus à une erreur de comportement des passants (voir les conseils page 47). Les chiens qui posent problème sont systématique-ment écartés.

Tirer pour réguler? Il est légal à l’heure actuelle de tirer un loup qui cause des dégâts intolérables en dépit des mesures prises. C’est ce que prévoit le Plan Loup Suisse. Huit loups ont déjà été abattus avec l’aval des autorités.

L’autorisation ne peut être délivrée que pour l’auteur des dégâts, et il doit si possible être tué sur place. Les choses changeront dès que le loup se présen-tera chez nous en meute: l’ordonnance révisée sur la chasse (OChP), qui entrera

en vigueur en 2012, permet également de réguler les effectifs régionaux par des quotas de tir prédéterminés si le loup devait commettre de « gros dégâts » malgré l’existence d’une protection des troupeaux. La condition impérative est toutefois qu’une vaste aire de répar-tition de l’espèce et sa reproduction régulière soient prouvées pour la zone concernée. Le Conseil fédéral l’a précisé dans sa réponse à la motion du conseil-ler national grison Hansjörg Hassler, qui demandait une modification du Plan Loup Suisse sur la base de l’ordon-nance révisée. Le Parlement a accepté l’intervention en 2011.

Une pratique établie en France. La régula-tion des effectifs prévue en Suisse est

Actuellement, quelque 170 chiens de protection veillent sur les moutons.

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47Faune sauvage > environnement 4/2011

Le chien aboie: il veut vous tenir à l’écart des moutons. Restez calme, évitez tout geste provocateur avec un bâton et tout mouvement brusque. Ne vous appro­chez pas davantage des animaux.

Le chien vous bloque le chemin: essayez de contourner le troupeau. Il restera près de ses bêtes.

Le chien vient vers vous: ne le touchez pas. Evitez de le regarder dans les yeux et restez debout.

Le chien vous suit: ne courez pas, éloignez­vous lentement. Il retournera vers son troupeau.

Vous avez vous-même un chien: les chiens de protection réagissent vivement à leurs congénères et essaient de les écarter énergiquement. Mettez votre chien en laisse à temps et tenez­le tout près de vous. Il ne doit en aucun cas courir vers le troupeau. Si les chiens devaient se battre, lâchez la laisse pour qu’ils se débrouillent entre eux.

D’une manière générale, tout mouvement surprenant peut effrayer aussi bien les chiens de protection que les moutons. Il ne faut ni courir ni passer à vélo à proximité des troupeaux.

déjà une réalité en France. Les minis-tères français de l’agriculture et de l’environnement fixent chaque année les quotas de tir par département. Pour la saison 2010/11, six loups pouvaient être abattus. On veut ainsi ralentir l’augmentation de la population, et no-tamment son avancée dans les espaces non encore colonisés, limiter les dégâts et améliorer l’acceptation du loup.

Les effectifs du loup dans les Alpes françaises sont estimés aujourd’hui à 150 individus. Au moins neuf couples se sont reproduits en 2010. La survie de l’espèce en France peut donc être considérée comme à peu près assurée. En Suisse, c’est loin d’être le cas. « Nous préparons l’avenir en impliquant les personnes concernées », dit Reinhard Schnidrig, chef de la section Chasse, pêche, biodiversité en forêt à l’OFEV. Pour ce qui concerne le présent, il espère que les rapports des diverses parties avec le loup vont se détendre un peu: « Les populations rurales devraient lui donner une vraie chance. Et les cita-dins devraient se rendre compte que dans les conditions actuelles, il pourra seulement bénéficier de cette chance si sa protection est assouplie et que les au-torités ne sont pas obligées d’abandon-ner à leur sort les habitants concernés. »

Hansjakob Baumgartnerwww.bafu.admin.ch/magazine2011-4-14

CONTACTReinhard SchnidrigChef de la section Chasse, pêche, biodiversité en forêt, OFEV031 323 03 [email protected]

Chemins de randonnée: comment se comporter face aux chiens de protection?

Berger de la Maremme et des Abruzzes près du troupeau qu’il protège. Photo: Hansjakob Baumgartner

Page 48: Magazine «environnement» 4/2011 - Irremplaçable sol

environnement 4/2011 > Rayonnement non ionisant48

La vigilance reste de miseÉLECTROSMOG

environnement: Monsieur Borbély, pouvez-vous nous expliquer brièvement la différence entre rayonnement ionisant et non ionisant?Alexander Borbély: Le rayonnement ioni-sant provient des centrales atomiques ou des installations de radiographie. Son action cancérogène est prouvée. Le rayonnement non ionisant (RNI) est produit par les appareils électromé-nagers, les téléphones portables, les lignes à haute tension et les antennes de téléphonie mobile. Ses dangers poten-tiels sont mal connus. Eu égard à l’uti-lisation massive d’appareils émettant du RNI, il est important d’étudier son influence sur la santé.

Si vous deviez résumer les résultats duprogramme de recherche PNR 57 en trois phrases, que diriez-vous?Ils ne contiennent aucun indice nou-veau quant à la nocivité du RNI. Les re-cherches confirment toutefois qu’il peut avoir un impact sur l’activité cérébrale et sur certaines cellules. Cela dit, cet impact est très faible et parfois à peine mesurable.

Certains résultats vous ont-ils étonné?En fait, non. Ils correspondent à nos attentes puisqu’ils confortent ou com-plètent les précédents. Mais ils sont in-téressants dans la mesure où ils confir-

ment que le RNI a également des effets dans les fréquences inférieures à celles de la simple production de chaleur. Leur mécanisme reste inconnu.

En mai 2011, la presse a aussi parlé de l’étude d’un biologiste lausannois selon laquelle la téléphonie mobile perturbe gravement les abeilles. Cette étude faisait-elle partie de votre programme?Non, elle n’a aucun lien avec le PNR 57. Je ne sais pas si ses résultats ont déjà paru dans des publications scien-tifiques. L’important, c’est qu’ils soient validés ensuite par d’autres chercheurs. Les médias et Internet propagent à pro-pos du RNI d’innombrables informa-tions non confirmées sur le plan scienti-fique voire fantaisistes.

Le PNR 57 n’a pas voulu mettre l’accent sur la recherche contre le cancer. Pourquoi?De nombreux travaux se concentrent déjà sur ce domaine à l’échelle inter-nationale. Par ailleurs, nos ressources financières et notre agenda ne nous l’auraient pas permis.

Une équipe de la Fondation de recherche IT’IS est parvenue à une constatation pré-occupante en ce qui concerne les cuisinières à induction. Les femmes enceintes ne peuvent donc plus préparer les repas?

Si. A condition de se tenir à dix ou vingt centimètres de la cuisinière. A cette dis-tance déjà, l’intensité du champ magné-tique diminue massivement. Cela étant, les risques pour la santé du fœtus n’ont pas été étudiés. Les chercheurs ont uni-quement prouvé que les valeurs limites admissibles sont dépassées. Il faut donc rester prudent et notamment bien pro-téger les enfants à naître.

Pour la première fois, les chercheurs du PNR 57 ont examiné de plus près la quantité totale de rayonnement à laquelle la popu-lation suisse est exposée quotidiennement. Quelles sont leurs principales conclusions?Ils ont constaté que pour la plupart des gens, les téléphones portables sont la principale source de rayonnement. En utilisant des écouteurs pour téléphoner, on peut diviser par dix l’exposition du cerveau.

Des chercheurs de l’Université de Zurich affirment que si je me sers de mon téléphone portable juste avant d’aller me coucher, mon activité cérébrale sera modifiée, mais que je n’en dormirai pas moins bien.C’est exact. L’équipe de Peter Acher-mann a établi que les ondes cérébrales se modifient pendant les périodes de sommeil si les sujets ont été exposés, avant de s’endormir, au rayonnement

Le programme national de recherche PNR 57, qui a étudié pendant trois ans l’influence du rayonnement non ionisant (RNI) sur l’environnement et la santé, s’est achevé en mai 2011. Alexander Borbély, président de son comité de direction, s’exprime pour environnement sur les résultats des onze projets terminés.

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49Rayonnement non ionisant > environnement 4/2011

« Pour la plupart des gens, les téléphones portables sont la principale source de rayonnement. » Alexander Borbély, PNR 57

de la téléphonie mobile durant une demi-heure. Cette exposition n’a toute-fois d’impact ni sur la qualité subjective du sommeil ni sur sa structure mesurée.

De nouvelles méthodes de recherche ont été testées dans le cadre du PNR 57. Certaines peuvent-elles être qualifiées de révolution-naires?Les simulations par ordinateur de l’im-pact du rayonnement sur le cerveau et le fœtus sont tout à fait fascinantes.

L’équipe de Niels Kuster d’IT’IS a réa-lisé une première. De même, l’appareil conçu par Andreas Christ et Myles Caps-tick, qui permet simultanément d’irra-dier des cellules et de les examiner au microscope, ouvre de nouvelles perspec-tives.

D’après une enquête, les gens qui se dé-crivent comme électrosensibles ne réa-gissent pas plus violemment aux rayons que les autres. Tous des hypocondriaques?C’est une question très difficile, car

même s’il est vrai que l’effet du rayon-nement n’est pas prouvé scientifique-ment, la souffrance de ces personnes reste authentique.

En laboratoire, les cellules humaines et animales réagissent fortement au RNI. Malgré cela, les chercheurs se veulent rassurants. Pourquoi?Alors que la nocivité directe du rayon-nement ionisant pour l’ADN est irré-futable, les essais effectués en labo-ratoire sur des cellules humaines ne

permettent pas de tirer les mêmes conclusions en ce qui concerne le RNI. Bien qu’on ait observé une augmen-tation des cassures de brins d’ADN, il semble s’agir non pas d’une action dommageable directe, mais plutôt d’un impact sur le processus permanent de synthèse et de dégradation de l’ADN. Les chercheurs pensent que les cellules sont capables de réparer elles-mêmes ces cassures. Cette hypothèse ne vaut cependant que pour l’essai en ques-tion, réalisé avec un champ magnétique

Un jeune homme est exposé avant son sommeil aux champs électromagnétiques de la téléphonie mobile. Le rayonnement a un impact sur l’activité du cerveau, mais pas sur la qualité du sommeil.Photos: PNR 57; A. Borbély: Dominique Meienberg

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de 50 hertz. Il nous faudrait d’autres études pour des fréquences supérieures et d’autres types de cellules. Cela dit, en l’état actuel de nos connaissances, l’ef-fet est encore plus faible dans les hautes fréquences.

Pouvez-vous exclure de parvenir dans dix ans à un autre résultat, moins optimiste?Non, on ne le peut pas et on ne le doit pas. La science ne peut prouver que l’existence d’une chose, pas sa non-exis-tence.

Quelles sont les tâches fédérales qui découlent des résultats du PNR 57?

L’OFEV et l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) ont pour mission de protéger la nature et la population, par exemple en édictant des valeurs limites adéquates. Les résultats du PNR 57 ne donnent pas matière à les renforcer, mais il n’y a aucune raison non plus de les abaisser. Il me semble par ailleurs important d’investir dans de nouveaux projets de recherche.

Le volet social du programme de recherche révèle un déficit de communication entre les chercheurs et la population. Qu’est-ce que les gens ignorent?Certains aspects techniques sont sou-vent mal connus. La plupart des gens ne savent pas que les immissions de leur propre téléphone portable sont jusqu’à mille fois plus fortes que celles

de l’antenne de téléphonie mobile dans le voisinage. Ce que peu savent aussi, c’est que plus un téléphone portable est éloigné d’une antenne, plus le rayonne-ment qu’il émet pour entrer en contact avec elle et maintenir la communica-tion est puissant. De ce point de vue, il vaudrait mieux placer les antennes au centre des localités.

On a également constaté que des résultats d’étude rassurants rassurent les personnes favorables à la technique et rendent les sceptiques encore plus sceptiques.C’est une question de confiance. Beau-coup de gens se méfient des autorités et

de la science parce qu’ils ont peur d’être manipulés. Ils constituent certainement un défi de taille en matière de commu-nication.

Les organisations qui se mobilisent pour la protection contre le rayonnement déclarent qu’elles n’ont pas été suffisamment inté-grées dans l’étude.Dès le début, nous avons reçu des de-mandes, dont quelques-unes laissaient transparaître une certaine suspicion. Mais un projet national de recherche ne peut accepter pour partenaires ni l’industrie ni des représentants d’autres groupes d’intérêts.

Propos recueillis par Mirella Judith Wepfwww.bafu.admin.ch/magazine2011-4-15

environnement 4/2011 > Rayonnement non ionisant50

« La science ne peut prouver que l’existence d’une chose, pas sa non-existence. » Alexander Borbély, PNR 57

CONTACTJürg Baumann Chef de la section Rayonnement non ionisant, OFEV031 322 69 64 [email protected]

Bientôt un monitoring du RNI (BJ) A l’heure actuelle, la Suisse n’a pas encore de réseau national d’observation du RNI. Deux projets du PNR 57 se sont attachés à y remédier. L’équipe du pre­mier a établi des cartes d’immissions à partir de calculs du rayonnement émis par la téléphonie mobile ainsi que par les antennes de radio et de télévision. En complément, des volontaires ont porté une semaine durant un nouvel appareil de mesure qui enregistre les immissions des principaux types de radiocommuni­cation sur le corps humain. Les jeux de données obtenus reflètent les variations de ces impacts selon le lieu et l’heure. Au cours du deuxième projet, les cher­cheurs ont étudié comment, pour mieux protéger la santé humaine, réduire à un même dénominateur le rayonnement d’émetteurs fonctionnant près du corps, comme les téléphones portables, et celui d’émetteurs éloignés, comme les an­tennes de téléphonie mobile. Un consor­tium de recherche se fonde actuellement sur les conclusions de ces travaux pour élaborer une stratégie de monitoring national du RNI.

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51Protection de l’air > environnement 4/2011

Les premières niveleuses lourdes équi-pées a posteriori de filtres à parti-cules ont été engagées en 1999, pour construire de nouvelles aires de station-nement sur l’aéroport de Zurich- Kloten. Mais certains chauffeurs n’étaient guère enthousiastes, car le gros pot métallique placé devant la cabine leur masquait partiellement la vue. Les ingé-nieurs qui avaient conçu ces bulldozers n’avaient tout simplement pas pensé à ménager la place nécessaire aux filtres.

Le canton de Zurich, où se trouve le plus grand aéroport de Suisse, était alors à l’avant-garde en matière d’hy-giène de l’air. Poussé par la pollution excessive dans certains périmètres den-sément peuplés, il avait été parmi les

premiers à exiger que tous les puissants moteurs diesel utilisés sur les grands chantiers soient équipés d’un dispositif d’épuration des gaz d’échappement. Les particules de suie représentent en effet une fraction particulièrement nocive des poussières fines. Mais comme aucun constructeur ne proposait à l’époque des engins de chantier munis d’emblée d’un filtre, il fallait le monter après coup.

Une professionnalisation progressive. « Nous avons eu une phase de bricolage, assez vite suivie d’une professionnalisa-tion progressive à tous les niveaux », se souvient Silvio Sax, spécialiste en filtres à particules auprès du marchand de

machines Robert Aebi AG. Cette société diffuse notamment les tombereaux, chargeuses à pneus et pelles à chenilles du fabriquant suédois Volvo en Suisse et dans le sud de l’Allemagne. Elle fait partie des leaders du marché helvétique dans ce domaine. La technique mise en œuvre a dû surmonter des défauts de jeunesse – filtres bouchés, moteurs souf-frant d’une contrepression excessive, nids d’abeilles en céramique fondus ou durée d’immobilisation prolongée – comme n’importe quelle innovation. Il fallait parfois brancher longuement un chauffage électrique additionnel pour que les filtres atteignent une tempéra-ture permettant de brûler toutes les suies de diesel interceptées.

Les machines neuves fonctionnant au diesel sont de plus en plus équipées en usine d’un filtre à particules efficace. Cela permet d’accorder au mieux la technique d’épuration des gaz d’échappement aux divers moteurs. En limitant le nombre de particules admis dans les rejets des engins de chantier, la Suisse a contribué à améliorer la qualité de l’air bien au-delà de ses frontières.

FILTRES À PARTICULES

La Suisse joue les catalyseurs

Coupe d’un filtre à particules diesel moderne dont Volvo, le fabricant suédois d’engins de chantier, équipe ses nouvelles chargeuses à pneus. Le brûleur plein flux (à gauche) assure la combustion régulière et sûre des particules de suie accumulées dans le filtre.Toutes les photos: Volvo

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environnement 4/2011 > Protection de l’air 5252

Les expériences fâcheuses sur le terrain ont rapidement appris aux fabricants de filtres à particules et d’engins de chan-tier que les matériaux utilisés, le type de dispositif, sa taille et son système de régénération doivent être adaptés le plus précisément possible à l’utilisation des moteurs diesel et aux sollicitations auxquelles ils doivent faire face.

La liste de filtres de l’OFEV. « Il y a une grande différence entre une machine exploitée régulièrement à plein régime, dont les rejets ont une température éle-vée, et une machine rarement employée à la limite de sa puissance », explique l’ingénieur en mécanique Giovanni D’Urbano, de la section Trafic de l’OFEV. « Dans le premier cas, les suies collec-tées dans le filtre brûlent normalement toutes seules. Mais si un moteur tourne rarement à fond, la régénération passive fonctionne médiocrement et il faut lui préférer un système actif, comme un brûleur plein flux. »

En 2002, lorsque la Confédération a publié la Directive Air Chantiers, qui prescrivait un dispositif d’épuration des gaz d’échappement pour tous les puissants engins œuvrant sur les grands chantiers, aucune solution standard n’était disponible. Il fallait choisir le filtre de cas en cas, selon une approche modulaire encore appliquée de nos jours pour rééquiper les moteurs diesel.

Les spécialistes se référaient à la liste des filtres à particules testés et homolo-gués en Suisse, publiée et régulièrement mise à jour par l’OFEV.

L’OPair limite le nombre de particules. De-puis janvier 2009, les effluents gazeux des engins de chantier fonctionnant au diesel sont soumis aux mêmes prescrip-tions dans toute la Suisse. Notre pays est le premier au monde à limiter sévère-ment le nombre de particules – en plus

des directives européennes visant à res-treindre leur masse.

En l’état actuel de la technique, seuls les systèmes fermés sont à même de respecter la limite fixée par l’ordon-nance sur la protection de l’air (OPair), car le taux de rétention des particules de suie doit atteindre 97 % au moins. Les fournisseurs sont libres de prouver que le filtre seul ou l’engin dans son en-semble est conforme aux dispositions de l’ordonnance. Les examens sont réalisés par des laboratoires accrédités, suisses ou étrangers, et les résultats sont homo-logués par le Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (Empa). On constate que les fabricants sont tou-

jours plus nombreux à faire contrôler les machines entières.

C’est notamment le cas chez Volvo. « Compte tenu des prescriptions suisses, notre fournisseur suédois a décidé d’in-tégrer systématiquement le traitement des gaz d’échappement dans la concep-tion du moteur de ses engins de chan-tier », déclare Silvio Sax. « Pour être sûr d’atteindre son but, il a porté son choix sur un filtre à revêtement catalytique régénéré activement par un brûleur die-sel. Ce système satisfait à tous les usages sur un chantier. » Un laboratoire d’essai suédois agréé par l’OFEV a testé les nouveaux moteurs et attesté qu’ils rem-plissent les exigences sévères de l’OPair.

Des engins propres dans toute l’Europe. Au cours des six mois suivant la pre-mière livraison de mi-février 2011, la société Robert Aebi AG a écoulé une quarantaine d’engins de chantier Volvo

de dernière génération sur le marché helvétique. Comme ce filtre à particules efficace est devenu la norme chez le fabricant suédois, les consignes suisses devraient bientôt contribuer à amélio-rer la qualité de l’air au voisinage des chantiers aussi dans le reste de l’Europe.Mais Silvio Sax signale que cette tech-nique innovante sera pénalisée dans le sud de l’Allemagne par le surcoût dû à l’épuration des gaz tant que l’Union eu-ropéenne appliquera des valeurs limites moins contraignantes et que la concur-rence n’aura pas suivi. D’après Giovanni D’Urbano, d’autres grands fabricants de moteurs diesel destinés aux gros engins de chantier, comme Caterpillar, Cum-

L’idéal est d’équiper d’emblée les nouveaux engins de chantier en usine, et de garantir ainsi une harmonie parfaite entre le moteur et le traitement des gaz d’échappement.

Le taux de rétention des particules de suie doit atteindre 97 % au moins.

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53Protection de l’air > environnement 4/2011

mins ou Deutz, étudient toutefois de leur propre chef des systèmes intégrés de traitement des effluents gazeux.

Les avantages de l’équipement en série. Les filtres à particules sont en train de triompher depuis que les motoristes se mettent à en installer aussi d’emblée sur les engins diesel utilisés hors des réseaux routiers. « Du point de vue de l’hygiène de l’air, il vaut encore la peine, dans une phase transitoire, d’ajouter un filtre aux vieux moteurs pour réduire rapidement leurs rejets de suies de diesel cancérogènes », estime Martin Schiess, chef de la division Pro-tection de l’air et RNI de l’OFEV. Mais du point de vue technique, il vaut bien sûr mieux équiper les engins en usine, car les machines OEM (pour « Original Equipment Manufacturer ») garantissent une parfaite harmonie entre le moteur et le traitement des gaz d’échappement – comme pour le catalyseur des voitures à essence. « Les clients ont moins de pro-blèmes, d’autant plus que la question de la garantie est réglée clairement. » Ils peuvent ainsi se décharger d’une bonne partie de leur responsabilité quant au système de traitement qu’ils utilisent, du moins pour les engins de chantier neufs.

Une avancée sur les routes. En Europe, les nouvelles voitures de tourisme diesel sont soumises depuis janvier 2011 à la norme EURO 5, qui impose une limite sévère à la masse des particules émises. L’étape intermédiaire EURO 5b assignera pour la première fois une valeur limite au nombre de particules rejetées par les véhicules routiers, qui s’appliquera dès janvier 2013 aux voitures de tourisme neuves. Comme seuls les filtres fermés sont à même de répondre aux exigences concernant le nombre de particules, cette technique s’est largement imposée

dans les voitures diesel. Les véhicules utilitaires lourds suivent maintenant la même évolution. « Tous les grands constructeurs de camions travaillent activement à des dispositifs satisfaisant à la norme EURO VI, qui sera obligatoire dès 2014 », relève Giovanni D’Urbano. « Ils privilégient aussi les filtres efficaces qui retiennent plus de 99 % des parti-cules fines nocives. »

Et les machines agricoles? La ten dance est moins claire en ce qui con cerne les tracteurs. La phase IIIB des normes antipollution pour le trafic non routier, introduite progressivement en Europe depuis janvier 2011, n’assigne aucune limite au nombre de particules émises par leurs moteurs. Pour l’instant, les motoristes arrivent à respecter la masse limite des particules – également en vigueur en Suisse – en jouant sur l’archi-tecture interne de leurs produits, sans poser de filtre. Certains fabricants de machines agricoles se contentent d’ap-pliquer la réduction catalytique sélective des oxydes d’azote en présence d’urée. Cela devrait suffire au moins jusqu’au prochain durcissement, qui sera intro-duit par la phase IV en 2014.

L’Américain John Deere, qui détient 20 % du marché suisse des tracteurs par l’intermédiaire de son partenaire de distribution Matra, ne s’arrête pas là. Depuis l’automne 2011, les nouveaux

modèles des machines agricoles qu’il livre en Europe sont équipés en série d’une recirculation des gaz d’échappe-ment refroidis, d’un filtre à oxydation et d’un filtre à particules de suie régé-néré activement. Ce système robuste est bien adapté aux rudes conditions de tra-vail dans l’agriculture et la sylviculture, avec leur alternance de haut et de bas régime.

Cette avancée est d’autant plus étonnante que les agriculteurs suisses avaient montré peu d’intérêt pour la proposition de Matra de livrer les nou-veaux tracteurs avec un filtre à parti-cules – moyennant un supplément. Le marché helvétique ne joue toutefois aucun rôle pour John Deere, contrai-rement au cas des engins de chantier, relativise Christian Eggenberger, chef du service à la clientèle de Matra à Lyss (BE). « Ce sont essentiellement la légis-lation environnementale et le marché intérieur américains qui ont fait pen-cher la balance en faveur d’un traite-ment efficace des effluents gazeux. »

Beat Jordiwww.bafu.admin.ch/magazine2011-4-16

CONTACTGiovanni D’UrbanoSection TraficOFEV031 322 93 [email protected]

Les systèmes robustes de traitement des gaz d’échappement pour moteurs diesel résistent aussi à des contraintes extrêmes et à de fortes variations de régime.

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environnement 4/2011 > Faune sauvage54

Le cormoran venait naguère en Suisse pour y passer l’hiver. Mais depuis une dizaine d’années, il niche dans nos contrées. Gros consommateur de poissons, il suscite l’ire des pêcheurs professionnels.

Le cormoran en point de mirePÊCHE PROFESSIONNELLE

Au début des années 1980, quand Fritz Hulliger, pêcheur à Uerikon, sur les bords du lac de Zurich, apercevait un cormoran, c’était une petite sensation. L’événement ne se répétait pas plus de deux ou trois fois par hiver. Ses collè-gues en disent de même, et plus d’un devait consulter son guide pour être sûr que l’oiseau noir était bien un Phalacro­corax carbo (grand cormoran). Mais la joie procurée par cet hôte rare n’a pas duré. « Au cours de l’hiver 1987, les cor-morans sont soudain arrivés par nuées, dévorant les poissons directement dans nos filets », se rappelle Fritz Hulliger.

Les ornithologues ont effectivement enregistré une brusque augmentation des populations suisses de cormorans à

partir de 1985. Un pic a été atteint du-rant l’hiver 1992, où l’on comptait 8400 oiseaux. La plupart venaient des Pays-Bas, du Danemark, d’Allemagne et de Suède. L’espèce ayant été mise sous pro-tection en Europe dans les années 1970, les effectifs nicheurs étaient passés dans ces pays de quelque 3600 à 80 000 couples entre 1971 et 1993. L’oiseau pro-fitait également de la prolifération des poissons dans des lacs surfertilisés.

Une menace pour les ombres. Le cormoran est un excellent plongeur. Son plumage perméable lui permet d’atteindre ra- pidement des profondeurs de plus de 30 mètres. Selon les lieux et les proies, il chasse seul ou en groupe – parfois de

plusieurs centaines d’oiseaux. Son appé-tit est impressionnant: il mange 400 à 500 grammes de poisson par jour.

En Suisse, le cormoran se nourrit essentiellement de poissons à chair blanche (carpes, gardons) et de perches vivant dans les lacs ou les étages de rete-nue des fleuves. Parfois, il chasse égale-ment dans les eaux courantes et les frayères, où il peut décimer les popula-tions d’ombres, déjà menacées, et même de truites.

La menace que le prédateur faisait planer sur certaines espèces a entraîné, en 1995, la signature d’un compromis entre les associations de pêcheurs, les organisations de protection des oiseaux et les autorités. Les lignes directrices

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55Faune sauvage > environnement 4/2011

Le cormoran est un excellent plongeur. Qu’il se trouve en plein vol, à l’arrêt sur l’eau ou en train de nager, il pique vers sa proie avec la même aisance. Son plumage perméable lui permet d’atteindre rapidement des profondeurs de plus de 30 mètres.Illustration: Ruth Schürmann

80 cm

élaborées de concert pour la gestion du cormoran autorisaient des tirs et des opérations d’effarouchement de durée limitée près des rivières et des étangs en dehors de la période de chasse. Elles ex-cluaient en revanche toute intervention sur les grands lacs afin de protéger les oiseaux d’eau de passage. Depuis, on ti-rait tous les ans 1000 à 1500 cormorans. La stratégie avait fait ses preuves. Et le fait que les effectifs hivernaux étaient retombés à quelque 5500 individus au tournant du siècle avait contribué à apaiser la situation.

Les premiers couples nicheurs de Suisse. C’est en 2001 qu’on a observé les pre-mières nichées sauvages dans la réserve naturelle du Fanel, au bord du lac de Neuchâtel. Deux couples élevaient cinq petits. Quatre ans plus tard, les îles ar-tificielles du Fanel abritaient déjà 99 couples. Aucun doute n’était plus permis: le cormoran avait pris ses quar-tiers. En 2005, avec les associations de pêcheurs et les organisations de protec-tion des oiseaux, l’OFEV a actualisé le plan de mesures, qui envisage doréna-vant d’effaroucher les cormorans aussi

en été. Mais la situation s’est encore dé-tériorée depuis: en 2011, selon les don-nées provisoires de la Station ornitholo-gique suisse, on dénombre déjà 796 couples de cormorans nichant dans le pays. A la grande colère des pêcheurs, qui craignent pour leur rendement, ils s’installent de préférence dans les ré-serves nationales ou cantonales lon-geant les grands lacs.

Selon l’Association suisse des pê-cheurs professionnels, les cormorans de passage ou hivernant en Suisse consom-meraient, d’octobre à mars, davantage de poissons des lacs que les pêcheurs n’en attrapent pendant la même pé-riode. On estime à 440 tonnes la quan-tité de poisson ingurgitée par l’oiseau, pour 432 tonnes prises dans les filets. Les couples nicheurs et leurs petits en-gloutissent 100 tonnes supplémentaires. Fritz Hulliger exige par conséquent que les cormorans soient ramenés à leurs effectifs de 2005.

Dégâts aux filets et aux poissons capturés. La concurrence ne justifie pas à elle seule une régulation des effectifs d’oi-seaux nicheurs dans les réserves. « Le fait que les cormorans mangent du poisson n’est pas un dégât causé par la faune au sens où l’entend le droit fédéral sur la chasse », explique Reinhard Schnidrig, chef de la section Chasse, pêche, bio-diversité en forêt à l’OFEV. « Seuls des dommages intolérables apportés aux instruments et aux prises des pêcheurs peuvent légitimer des interventions régulatrices dans les colonies des ré-serves. »

En 2011, on a recensé 315 nids au Fanel. Les cormorans se servent dans les filets des 41 pêcheurs professionnels du lac de Neuchâtel, déchirant les mailles de leur bec et de leurs griffes acérées. Partant d’un sondage réalisé en 2007, le bureau Aquarius a évalué à 1120 francs

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environnement 4/2011 > Faune sauvage56

En mars 2010, les cantons de Fribourg, Vaud et Neuchâtel ont demandé à l’OFEV l’autorisation de réguler la colo­nie de cormorans vivant dans la réserve du Fanel, au bord du lac de Neuchâtel. L’OFEV a accédé à leur requête pour une période probatoire limitée à 2011. Cet essai devait notamment servir à montrer si la réduction du nombre des cormorans nicheurs permettait de limiter les dégâts causés aux filets de pêche. La Confédé­ ration a donc autorisé des mesures visant à ralentir la ponte, comme la sup­pression des résidus de nids de la sai­son précédente, le montage de clôtures et – dans un second temps – l’appli­cation d’huile sur les œufs pour en sus­pendre la maturation.

Une régulation par des tirs restait interdite dans les réserves. L’OFEV avait également prévenu les cantons que ces in­

terventions ne devaient pas remettre en question les objectifs de protection et que les perturbations causées devaient rester minimes.

Trois organisations environnemen­tales ont fait recours contre la décision de l’OFEV auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF). Elles contestaient la léga­lité de ces interventions dans des réserves nationales tout comme les « dégâts intolé­rables » invoqués par les pêcheurs. Dans un premier arrêt, le TAF a provisoire­ment interdit aux cantons d’enduire les œufs d’huile tout en autorisant les deux autres mesures.

En avril 2011, il a rendu son verdict à la suite d’un deuxième recours des ONG: si le droit en vigueur autorise en prin­cipe les interventions prévues, les dégâts subis par les pêcheurs professionnels ne suffisent pas en l’espèce à justifier des

mesures de régulation. Les cantons n’ont pas employé tous les moyens de préven­tion acceptables, et les mesures deman­dées n’auraient que des effets restreints sur les effectifs. Elles ne sont pas appro­priées non plus pour éviter les dégâts aux filets, qui sont dus aussi aux oiseaux migrateurs venant d’Europe du Nord.

La décision du TAF étaye ainsi l’argu­mentation de l’OFEV selon laquelle des mesures de régulation peuvent aussi être légales dans une réserve naturelle d’importance internationale. Elle donne toutefois raison, dans le cas présent, aux organisations en jugeant que les dégâts déclarés par les pêcheurs ne constituent pas une base suffisante. L’arrêt aura des répercussions sur l’orientation future de la gestion cantonale et fédérale du cor­moran.

par personne et par an les dégâts maté-riels subis par les pêcheurs neuchâte-lois. Viennent s’ajouter – selon la décla-ration de la branche – les pertes de plusieurs milliers de francs dues aux poissons blessés dans les nasses, soit un total de 5000 à 6000 francs. Une somme qui correspond au salaire mensuel d’un pêcheur professionnel.

A partir d’observations faites dans le cadre d’un projet de prévention de l’OFEV (voir ci-dessous), la Haute école des sciences appliquées de Zurich (Hochschule für angewandte Wissen-schaften, ZHAW) a toutefois chiffré les pertes du début de l’été 2010 à un ni-veau nettement inférieur: 800 francs par pêcheur et par an.

Pour une fois, pêcheurs profession-nels et protecteurs des oiseaux sont du même avis: ils demandent que la Confé-dération et les cantons dédommagent ces pertes. Le Parlement s’y est opposé, arguant qu’il s’agit là de risques profes-sionnels normaux.

Une solution pragmatique pour les zones protégées. La plupart des colonies de cormorans nicheurs se sont formées ces dernières années dans les réserves natu-

relles, appréciées pour leur tranquillité. C’est pourquoi le Conseil fédéral a don-né son feu vert, en mai 2009, à une révi-sion de l’ordonnance sur les réserves d’oiseaux d’eau et de migrateurs d’im-portance internationale et nationale (OROEM). Elle autorise les cantons, en cas de dégâts intolérables, à prendre aussi des mesures de régulation dans les zones protégées.

Cette stratégie pragmatique a l’aval d’une majorité du Parlement fédéral: une motion adoptée en 2010 par les deux Chambres charge l’OFEV d’éla-borer avec les cantons une aide à l’exé-cution sur le cormoran, et notamment des directives sur la régulation des colo-nies nicheuses, en particulier dans les réserves naturelles.

Prévenir plutôt que guérir. La Confé dé-ration étudie des mesures tant préven-tives que régulatrices. La ZHAW a exami-né, à la demande de l’OFEV, ce que les pêcheurs peuvent faire pour protéger leurs filets. Les spécialistes recom-mandent de les relever le matin, avant l’activité principale des cormorans, pour réduire le risque d’attaques, et d’inter-dire l’élimination des restes de poissons

dans les lacs pour ôter à l’oiseau vorace une partie de son alimen tation.

Ces mesures peuvent désamorcer un conflit local, mais le cormoran vit dans un système ouvert qui ne connaît pas de frontières. « Il se choisit des régions à fort potentiel, et la Suisse en possède plus d’une », explique Reinhard Schni-drig. Selon les sources consultées, l’Eu-rope compterait un demi-million à un million et demi de cormorans. « Il est difficile de prévoir l’évolution générale, commente-t-il, d’autant plus que les 27 Etats membres de l’UE ont des stratégies très diverses. » En effet, le cormoran est protégé aux Pays-Bas; en France, plus de 30 000 oiseaux sont tués tous les ans; les Danois limitent les effectifs et l’Alle-magne connaît seize ordonnances diffé-rentes. Seule une gestion coordonnée à grande échelle permettrait de réguler efficacement les populations.

Nicolas Gattlenwww.bafu.admin.ch/magazine2011-4-17

CONTACTReinhard Schnidrig, voir page 47

Une régulation contestée au Fanel

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57environnement 4/2011

Le 16 juin 2011, la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) a fixé les

premiers objectifs nationaux de formation pour l’enseignement obligatoire. Parmi les domaines traités: les

sciences naturelles, déterminantes pour l’éducation à l’environnement. De 2005 à 2011, la conférence

avait établi des normes de formation communes sous la forme de compétences de base, dans le cadre de

l’accord intercantonal sur l’harmonisation de la scolarité obligatoire (concordat HarmoS). Après prise en

compte des avis des groupes d’experts, ces buts communs ont maintenant été adoptés au plan politique

pour être repris dans les programmes d’enseignement.

> Standards nationaux de formation, Sandra Hutterli, 031 309 51 22, www.cdip.ch > HarmoS > Objectifs

nationaux de formation

Découvrir et comprendre la biodiversitéA l’occasion de la Décennie des Nations Unies pour la biodiversité (2011–2020), l’Académie suisse des sciences natu-relles (SCNAT) et la Fondation suisse d’éducation pour l’environnement (FEE) ont mis à jour, sur educa.ch, un choix de ressources permettant d’approfondir à l’école la thématique de la diversité bio-logique.> http://guides.educa.ch/fr/biodiversité

L’environnement mis à l’index L’Institut des sciences de l’environ-nement de l’Université de Genève a mis sur pied une base de données qui répertorie plusieurs centaines d’institu-tions publiques et privées actives dans des secteurs liés à l’écologie. L’Index suisse de l’environnement s’adresse aux enseignants, aux chercheurs, aux professionnels ainsi qu’aux membres d’associations.> http://cms.unige.ch/index/environne-ment

Du nouveau chez GlobeLa campagne internationale de Globe pour la recherche climatique a débuté au mois de septembre. Les classes de tous les pays sont invitées à y participer en amenant leurs propres observations. Quant au site de Globe Suisse, il propose désormais de suivre l’évolution du noise-tier tout au long de l’année.> www.globe-swiss.ch

Naturalistes de Suisse romandeLes associations, sociétés scientifiques et cercles spécialisés actifs dans le do-maine de la nature en Suisse romande ont désormais leur porte d’entrée sur Internet. Le site www.natures.ch réper-torie les différentes activités par canton. A côté d’un moteur de recherche thé-matique, il propose aussi un agenda des manifestations et expositions ainsi qu’un coin livres et revues.> www.natures.ch

BLOC-NOTES

Les thèmes liés à l’agriculture et aux filières alimen-

taires permettent un enseignement actif et riche en

expériences. La ferme, ses habitants et ses produits

constituent des sujets passionnants. Diverses orga-

nisations du monde agricole ont édité des brochu-

res d’information, dossiers pédagogiques ou fiches

de travail. Pour guider les enseignants dans cette

abondante documentation, l’Agence d’information

agricole romande (AGIR) a préparé un répertoire qui

classe les divers supports par thème, les décrit briè-

vement et en mentionne le public cible.

> www.agirinfo.com

Des objectifs de formation communs

Agriculture: un répertoire pédagogique

Le Parc régional Chasseral propose aux classes de

la 6e à la 11e année un projet de science partici-

pative. La recherche porte sur l’utilisation de ni-

choirs par les abeilles sauvages et permet d’étudier

dans son ensemble le milieu naturel de la haie. Les

élèves construisent les nichoirs. Les séquences sur

le terrain sont complétées par un travail de prépara-

tion et d’analyse. L’enseignant est encadré par un

professionnel. Durant l’année scolaire 2010–2011,

quatorze classes avaient déjà participé à un projet

proposé par le parc régional sur le thème de la bio-

diversité.

> Association Parc régional Chasseral, Viviane Vienat,

032 942 39 49, [email protected],

www.parcchasseral.ch > Ecoles > Campagne éducative

Graine de chercheur

mise à disposition

Filières et formations

mise à disposition

Page 58: Magazine «environnement» 4/2011 - Irremplaçable sol

environnement 4/201158

Musique d’enterrement pour les vilains pylônesA l’avenir, il faudra enfouir plus fréquemment les lignes à haute tension afin de protéger les paysages.

Entre Beznau et Birr (AG), le groupe énergétique Axpo SA souhaitait remplacer la ligne aérienne à double terne de 220 kV par une autre de 380/ 220 kV, en modifiant son itinéraire. La commune de Riniken et de nombreux particuliers ont exigé que la nouvelle installation soit partiellement enter-rée, afin de préserver le paysage. L’Office fédéral de l’énergie (OFEN), puis le Tribunal administratif fédéral ayant rejeté tous les recours et oppositions, l’affaire a été portée devant le Tribunal fédéral (TF). Ce dernier a accepté les recours. L’OFEN doit donc élaborer un projet concret pour l’enfouissement partiel de la ligne sur le territoire de Riniken.

Les recourants se sont fondés sur une expertise du professeur Heinrich Brakelmann, de l’Université de Duisburg-Essen (Allemagne), pour montrer de manière convaincante que le câblage, grâce au pro-grès technique, est devenu plus performant, plus fiable et meilleur marché. Dans le cas examiné, les coûts d’investissement plus élevés seront en bonne partie compensés durant la période d’exploitation. En effet, les pertes de courant des lignes aériennes sont nettement supérieures à celles des lignes enterrées.

Jusqu’ici, le prix élevé du câblage souterrain et ses autres désavantages faisaient qu’il était unique-ment considéré comme justifié dans les paysages particulièrement dignes d’être protégés au sens de la loi sur la protection de la nature et du paysage (LPN). Au vu de la nouvelle situation, le TF estime que cette solution doit aussi être prise en compte pour les paysages dont l’importance est moyenne ou locale. A une condition toutefois: le tracé con-cerné doit être facilement accessible et ne présenter aucune difficulté topographique ou géologique.

Christoph Fisch, division Droit, OFEV, 031 324 78 35, [email protected]; Tribunal fédéral: ATF 1C_398/2010

Du côté du droit

Paru récemment

Page 59: Magazine «environnement» 4/2011 - Irremplaçable sol

59environnement 4/2011

Environnement en généralL’environnement suisse – Statistique de poche 2011. Petite bro chure publiée par l’Office fédéral de la statistique (OFS) et l’OFEV; 36 p.; F, D, I, E; gratuit; à commander auprès de l’OFS, 2010 Neuchâtel, 032 713 60 60, fax 032 713 60 61, [email protected], www.environment-stat.admin.ch, numéro de commande: 522-1100. Avec des données clés, des graphiques et des commentaires succincts, la statistique de poche présente l’évolution de l’environnement en un bref tour d’horizon. Cette publication était jointe aux exemplaires d’environnement 3/2011.

Environnement Suisse 2011. Publié par l’OFEV et l’Office fédéral de la statistique (OFS). 100 p.; F, D, I, E; 10 francs; numéro de commande de la version imprimée: 810.400.051f; commande et téléchargement: www.bafu.admin.ch/ud-1039-f Ce rapport bisannuel de la Confédération donne une vue d’ensemble de l’état de l’environnement en Suisse. AirNABEL – La pollution de l’air en 2010. Résultats du Réseau national d’observation des polluants atmosphériques (NABEL). 126 p.; F, D; pas de version imprimée; téléchargement: www.bafu.admin.ch/uz-1118-f

Liste des systèmes de filtres homologués et des moteurs confor-mes aux exigences de l’OPair. Version en ligne mise à jour régulière-ment. F, D, I, E; pas de version imprimée; téléchargement: www.bafu.admin.ch/partikelfilterliste/index.html?lang=fr

Biodiversité, organismesEspèces exotiques en Suisse. Inventaire des espèces exotiques et des menaces qu’elles représentent pour la diversité biologique et l’économie en Suisse. 154 p.; F, D, E; pas de version imprimée; téléchar-gement: www.bafu.admin.ch/uw-0629-f

BiotechnologieClassification des organismes: bactéries. Etat juillet 2011. 204 p.; F, D, I, E; pas de version imprimée; téléchargement: www.bafu.admin.ch/uv-1114-f

Classification des organismes: virus. Etat juillet 2011. 32 p.; F, D, I, E; pas de version imprimée; téléchargement: www.bafu.admin.ch/uv-1115-f

Dangers naturels, droitFondements juridiques de la gestion intégrée des risques en matière de protection contre les dangers naturels. Avis de droit. Résumé de la publication « Rechtliche Verankerung des integralen Risikoma-nagements beim Schutz vor Naturgefahren » (uw-1117-d, 125 p.); 2 p.; F; pas de version imprimée; téléchargement: www.bafu.admin.ch/uw-1117-f

DéchetsExportation de biens de consommation – marchandises d’occasion ou déchets? Informations pratiques pour les commerçants, les transporteurs et les œuvres d’entraide. 12 p.; F, D, I, E; gratuit; numéro de commande de la version imprimée: 810.400.052f; commande et téléchargement: www.bafu.admin.ch/ud-1042-f

Eaux, paysage Renaturation des eaux. Aide à l’exécution. Premiers modules dispo- nibles sur Internet. F, D, I; pas de version imprimée; téléchargement: www.bafu.admin.ch/umsetzungshilfe-renaturierung/index.html?lang=fr

EconomieImpact environnemental de la consommation et de la production suisses. Combinaison d’une analyse entrées-sorties et d’analyses de cycle de vie. Synthèse de la publication « Environmental Impacts of Swiss Consumption and Production. A combination of input-output analysis with life cycle assessment » (uw-1111-e, 171 p.); 14 p.; F, D; pas de version imprimée; téléchargement: www.bafu.admin.ch/uw-1111-f

Forêts et boisPotentiels d’exploitation dans la forêt suisse. Scénarios d’exploi-tation et évolution des forêts. 78 p.; F, D, résumé I; 18 francs; numéro de commande de la version imprimée: 810.300.123f; commande et télécharge-ment: www.bafu.admin.ch/uw-1116-f

PaysageLandscape fragmentation in Europe. Joint report of the European Environment Agency (EEA) and the Swiss Federal Office for the En-vironment (FOEN). 92 p.; E; pas de version imprimée; téléchargement: www.bafu.admin.ch/ud-1046-e

Toutes les publications de l’OFEV sont disponibles sous forme électronique; les fichiers PDF peuvent être téléchargés gratuitement sous www.bafu.admin.ch/publications

Certains ouvrages existent également en version imprimée; ils peuvent être commandés à l’adresse suivante:OFCL, Diffusion des publications fédérales, CH-3003 Bernetél. +41 (0)31 325 50 50, fax +41 (0)31 325 50 58verkauf.zivil@bbl.admin.chwww.publicationsfederales.chwww.bafu.admin.ch/publications

N’oubliez pas le numéro de commande de la publication souhaitée! Vous trouverez un bulletin de commande inséré dans ce numéro. Des frais de port sont prélevés pour les grandes quantités, sauf si la publication est gratuite.

Sous www.bafu.admin.ch/newsletter, vous avez la possibilité de vous abonner à une lettre d’information électronique ou à un flux RSS qui vous tiendra au courant des nouvelles publications de l’OFEV.

Téléchargement ou commande

Indications bibliographiques:Titre. Sous-titre. Editeur (autre que l’OFEV seul). Nombre de pages; langues disponibles; prix (pour les versions imprimées); numéro de commande (pour les versions imprimées); lien pour le téléchargement gratuit du fichier PDF.

Page 60: Magazine «environnement» 4/2011 - Irremplaçable sol

environnement 4/201160

En train et bus vers les pistes

Le « Guide écomobilité » publié par l’ATE évalue

14 grandes destinations de sport d’hiver des

Alpes suisses selon des critères de mobilité

durable. L’association a également sorti une

nouvelle version de sa brochure « Ride & Glide »,

qui fournit des conseils sur la meilleure ma-

nière d’atteindre les pistes en transports pu-

blics. Une nouvelle application est en outre dis-

ponible sur Internet pour permettre aux sportifs

de choisir leur station.

> Commande: 0848 611 613 (tarif normal),

[email protected], Association Transports et Environne-

ment (ATE), Aarbergergasse 61, case postale 8676,

3001 Berne; www.ate.ch

62 arbres jurassiensDans le cadre de l’Année internationale de la

forêt, l’Office de l’environnement jurassien

a recensé 62 arbres remarquables avec le

concours de la population, des professionnels

de la forêt ainsi que des propriétaires fonciers.

Des fiches descriptives présentent chaque

spécimen, son propriétaire et une idée de ba-

lade familiale.

> www.jura.ch/arbres_remarquables

Le temps, la nature et nousL’exposition « Homo temporis » au Centre Nature

Les Cerlatez explore les liens complexes qui re-

lient le temps, la nature et l’homme. En effet,

ce dernier, par ses questionnements, ses inno-

vations et la trace qu’il imprime dans le monde,

fait évoluer la donne, voire l’inverse ou la bou-

leverse. L’exposition, réalisée en collaboration

avec la Fondation Horlogère de Porrentruy, dure

jusqu’à fin octobre 2012.

> www.centre-cerlatez.ch

Mon vert sapinVous aimeriez avoir un sapin de Noël durable

dans les deux sens du terme? Si vous habitez

dans le canton de Vaud ou de Genève, la so-

ciété Ecosapin peut vous livrer un spécimen

qui ne perdra pas ses épines puisqu’il vous

parviendra en pot. Par ailleurs, après les fêtes

de fin d’année, l’entreprise viendra récupérer

son protégé pour le ramener en pépinière et le

replanter.

> www.ecosapin.ch; autre adresse présentant des

services similaires en Suisse romande:

www.feuilleverte.ch

Vaud recense ses jardins Tout un chacun peut participer au recensement

des parcs et jardins historiques vaudois grâce

à une plateforme d’échange d’informations et

de données mise à disposition du public par le

canton. Tous les espaces libres dont la concep-

tion est antérieure à 1979 sont pris en compte.

Le terme « jardins » est considéré au sens large

et englobe les allées, les places, les cimetières,

les terrains de jeux ou encore les abords d’une

école. L’objectif du recensement est d’identifier

les jardins dignes d’intérêt afin d’assurer leur

protection.

> www.patrimoine.vd.ch/jardins-historiques

Tu veux une pomme?On peut se jeter sans arrière-pensée sur les

petits snacks de l’entreprise OU BIEN? sise à

Genève, car ils sont certifiés locaux, authen-

tiques, bio et sains. Conditionnés par la fonda-

tion Foyer Handicap à Genève, les en-cas ont

en plus la fibre sociale. Les inventeurs sont

d’ailleurs lauréats 2011 de la bourse cantonale

du développement durable. Dans l’assortiment,

on trouve des dés de pommes et de poires sé-

chées. Les produits sont livrables à domicile.

> www.ou-bien.ch

Chauds les marrons

Marrons chauds ou châtaignes grillées? Quoi

qu’il en soit, vous raffolez de ces typiques fruits

de l’automne et aimeriez en savoir davan tage

sur eux. Cap donc sur le Musée d’histoire

naturelle de Fribourg, qui présente toutes les

facettes du marronnier et du châtaignier, leur

histoire ainsi que leur description botanique,

en passant par leurs propriétés sylvicoles et les

subtilités de leur dénomination. L’exposition est

à déguster jusqu’au 5 février 2012.

> www.fr.ch/mhn

Faits et gestes

wapico

Page 61: Magazine «environnement» 4/2011 - Irremplaçable sol

61environnement 4/2011

Bien choisir ses vacances

L’entreprise mondoeco aide les voyageurs à

trouver des établissements (pensions, hôtels,

etc.), des parcs naturels (itinéraires, réserves

de biosphère...) et des institutions culturelles

(musées) exploités de manière écologique et

durable. Des cartes sur Internet permettent de

les localiser facilement dans toute l’Europe.

> www.mondoeco.ch

En quête d’un conducteur ou d’un passager« Economique, convivial et écologique »: c’est

ainsi que les initiateurs d’e-covoiturage.ch

décrivent leur projet. Sur leur site, on peut re-

chercher ou proposer des trajets pour lesquels

on souhaite partager un véhicule. Les offres

sont déjà nombreuses, surtout pour la Suisse

romande.

> www.e-covoiturage.ch

La nature mois après moisSuspendre un beau calendrier est à la fois utile

et esthétique, une année durant. Parfois, cela

permet aussi de soutenir des projets de con-

servation de la nature. environnement a sélec-

tionné diverses offres pour ses lecteurs.

> www.pronatura.ch > Shop > Shop Pro Natura >

Rechercher « calendrier » (plusieurs produits)

www.shop.wwf.ch/fr/ (32.90 francs)

www.mondberge.com > Produkte > Artenschutz-

kalender (99.90 euros, série limitée, en allemand)

La nature les pieds au secLa Suisse compte plus de cent musées liés aux

sciences naturelles. On peut désormais les re-

chercher de manière ciblée sur la plateforme

museums.ch. Des critères complémentaires

peuvent aussi être appliqués (lieu, accessibili-

té, intérêt pour les familles et les enfants, etc.).

> www.museums.ch > Guide des musées >

Catégorie: Musées de sciences naturelles

Pour faire la nique au mauvais tempsDans les serres des jardins botaniques, les plantes exotiques s’épanouissent même en hi-ver. Les liens ci-dessous vous feront accéder à diverses idées d’excursions par temps maus-sade.

> www.unine.ch/jardin,

www.unifr.ch/jardin-botanique,

www.papiliorama.ch, www.bguz.uzh.ch,

http://pages.unibas.ch/botgarten,

www.boga.unibe.ch,

www.botanischergarten.stadt.sg.ch

Taupe et compagnieLa vie sous terre est passionnante. Parmi les

bestioles qui la peuplent dans nos contrées,

on trouve la taupe et le campagnol terrestre.

Tous deux remueurs et aérateurs du sol, ils

contribuent à sa bonne santé. Pour familiari-

ser le public avec les deux micromammifères,

le Musée d’histoire naturelle de Fribourg leur

a aménagé deux galeries vitrées. Des vidéos,

des dessins, des écrans interactifs complètent

l’exposition. A voir jusqu’au 8 janvier 2012.

> www.fr.ch/mhn

mise à disposition

Impressum 4/11, novembre 2011 | Le magazine environnement paraît quatre fois par an; l’abonnement est gratuit; n° ISSN 1424-7135 | Editeur: Office fédéral de l’environne-

ment (OFEV). L’OFEV est un office du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) | Direction du projet: Bruno Oberle,

Thomas Göttin | Conception, rédaction, production: Georg Ledergerber (direction), Charlotte Schläpfer (suppléante); Bernhard Hammer, Roland von Arx, Christoph Wenger et

Hansjakob Baumgartner (dossier Sol), Hansjakob Baumgartner et Beat Jordi (articles hors dossier); Luc Hutter (version en ligne); Cornélia Mühlberger de Preux (responsable rédac-

tion Suisse romande); Valérie Fries (secrétariat de la rédaction) | Collaborations externes: Urs Fitze, Nicolas Gattlen, Stefan Hartmann, Gregor Klaus, Kaspar Meuli, Beatrix Mühle-

thaler, Lucienne Rey, Mirella Judith Wepf; Peter Bader – textatelier.ch (rubriques); Danielle Jaurant (coordination et rédaction linguistique de la version française) | Traductions: Anne

Anderson, André Carruzzo, Nadine Cuennet, Stéphane Cuennet (éditorial, rubriques), Tatiana Kolly, Christian Marro, Stéphane Rigault, Catherine Trabichet | Réalisation et mise en

page: Atelier Ruth Schürmann, Lucerne | Délai rédactionnel: 14 octobre 2011 | Adresse de la rédaction: OFEV, Communi cation, rédaction environnement, 3003 Berne, tél. 031

323 03 34, fax 031 322 70 54, [email protected] | Langues: français, allemand; italien (extraits) uniquement sur Internet | Publication sur Internet: sauf les rubriques, le

contenu du magazine se retrouve sur www.bafu.admin.ch/magazine | Papier: Cyclus Print, 100 % de vieux papier sélectionné | Tirage: 18 000 environnement, 47 000 umwelt | Im-

pression et expédition: Swissprinters St. Gallen AG, 9001 St-Gall, www.swissprinters.ch | Abonnement gratuit, changement d’adresse et commande de numéros supplé-

mentaires: environnement, Swissprinters St. Gallen AG, service lecteurs, 9001 St-Gall, tél. 058 787 58 65, fax 058 787 58 15, [email protected], www.bafu.admin.ch/ma-

gazine | Copyright: reproduction du texte et des graphiques autorisée avec indication de la source et envoi d’un exemplaire justificatif à la rédaction.

Page 62: Magazine «environnement» 4/2011 - Irremplaçable sol

environnement 4/2011 62

A l’office

C’est surtout en hiver que les prome-neurs recherchant le calme en forêt sont dérangés par le bruit des tronçonneuses ou tombent sur des chemins barrés d’un grand « Danger, coupe de bois ». Les réac-tions sont souvent négatives: on associe cette situation à des visions de surex-ploitation et de pillage en forêt tropi-cale. Les travailleurs forestiers ont droit à des remarques désagréables, quand la colère citoyenne ne s’exprime pas par des lettres enflammées dans le courrier des lecteurs. Le tournant énergétique et les tendances actuelles du bâtiment de-vraient toutefois accroître fortement la demande de matière première ligneuse.

Dans ce contexte, l’OFEV a lancé une vaste campagne pour améliorer l’image de l’exploitation du bois indigène. La population doit savoir qu’on n’enlève

pas plus de matériau à la forêt qu’elle n’en produit. Les travaux respectent l’écosystème, car la loi sur les forêts prescrit une sylviculture proche de la nature.

Au cinéma, en forêt et ailleurs. La cam-pagne a été lancée début novembre 2011 avec un spot en français, en allemand et en italien diffusé à la télévision et au cinéma. Des affiches seront placées dans toute la Suisse en février 2012. Le site notrebois.ch – relié au réseau social Facebook – appuiera encore le message. Le recours aux médias sociaux permet de toucher aussi les jeunes générations. Du matériel d’information à placer directe-ment en forêt sera disponible, puisque c’est souvent là que l’indignation des habitants se déclenche.

« Notre bois, notre fierté » sera visible cet hiver et l’hiver prochain. Cette cam-pagne fait partie du Plan d’action bois 2009–2012 que la Confédération met en œuvre avec les cantons et les mi-lieux économiques concernés. « Comme le secteur sylvicole participe lui aussi, nous comptons sur l’effet complémen-taire des diverses activités », explique Susanne Arnold, chargée de la commu-nication pour le plan d’action.

Encore une chose: pendant que vous lisiez ce texte, la forêt suisse a produit un cube de bois dont l’arête mesure trois mètres!

La politique des ressources menée par la Confédération vise à garantir une utilisation cohérente et durable du bois issu de nos forêts. Afin que la population voie d’un bon œil le renforcement prévu de l’exploitation sylvicole, l’OFEV a lancé la campagne « Notre bois, notre fierté ».

L’OFEV mène campagne pour le bois

CONTACTSusanne ArnoldCommunication du Plan d’action boisDivision Forêts, OFEV031 322 92 [email protected]

Une des cinq affiches de la campagne: la forêt et le bois nous aident à limiter le réchauffement climatique.

Page 63: Magazine «environnement» 4/2011 - Irremplaçable sol

63environnement 4/2011

Avec sa forme fuselée, notre taupe commune (Talpa europaea) est faite pour jouer les tunneliers. Aucune partie de son anatomie ne gêne sa pro-gression dans le sol: sa tête est fine, ses oreilles invisibles, son poil ras et son cou inexistant. Elle peut ainsi se déplacer à quatre kilomètres-heure dans les galeries qu’elle a creusées.

Même sans pavillon, ses oreilles fonctionnent parfaitement. De plus, la taupe perçoit les vibra-tions sur tout son corps. Comme le chat, elle porte de longs poils sur le museau: ces mous-taches, les vibrisses, constituent un organe tactile. Le plus souvent, pourtant, c’est grâce à l’odorat que l’insectivore s’oriente, en humant la terre et ses futures proies.

Ses pattes avant, que l’animal tient tournées vers l’extérieur, lui servent de pelles. Les griffes qui équipent le bout de ses doigts repoussent constamment. Les articulations permettent tous les mouvements d’une pelle mécanique très per-formante. Les courts avant-bras, à côté de son crâne aplati, l’aident à protéger son museau sen-sible.

Ce mammifère consomme beaucoup d’énergie pour ses travaux d’excavation, et le contact avec

la terre froide lui vole de la chaleur corpo relle. Or l’oxygène est rare dans le sol. Le sang de Talpa europaea contient donc beaucoup d’hémo globine qui fixe cette molécule, comme celui d’un spor-tif d’élite qui s’entraînerait en altitude. De plus, la taupe chasse presque en permanence et avale d’innombrables vers blancs et larves de taupins.

Utile, l’animal maîtrise toutefois l’art d’ir-riter les jardiniers du dimanche. Lorsqu’il élargit ses galeries ou creuse des grottes pour son nid ou son garde-manger, il repousse la terre vers la surface du sol, faisant apparaître d’inesthétiques monticules dans les gazons. Ses tunnels forment un système souvent complexe centré sur le nid. La taupe ne sort à la lumière du jour que pour chercher des insectes ou rassembler les feuilles et l’herbe dont elle a besoin pour sa litière.

Si d’aventure une taupinière devait émer-ger dans votre jardin, dispersez-la de quelques coups de râteau et – plutôt que de vous énerver – songez à l’animal fascinant qui se cache sous vos pieds.

Georg Ledergerber

www.bafu.admin.ch/magazine2011-4-18

Une moustachue ventre à terre

Portrait

La taupe est protégée. Elle ne s’attaque pas aux plantes. Par contre, un animal de cent grammes dévore en une année quelque trente kilos de vers, de larves, d’insectes et d’araignées.Photo: Agence Sutter, Alain Saunier

Page 64: Magazine «environnement» 4/2011 - Irremplaçable sol

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