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Making It L’industrie pour le développement 4e trimestre 2011 Nous pouvons le faire ! n La fin de la croissance ? n Michelle Bachelet de l’ONU-Femmes n Afrique du Sud n L’énergie hydrogène à la rescousse ?

Making It 8 Nous pouvons le faire !

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Le présent numéro de Making It s’intéresse à l’égalité entre les sexes et à l’autonomisation économique des femmes. Comme l’a souligné Kofi Annan, ancien Secrétaire général de l’ONU, « aucun outil de développement n’est plus efficace que l’autonomisation des femmes ».

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MakingItL’industrie pour le développement

4e trimestre 2011

Nouspouvons le faire !

n La fin de lacroissance ?

n Michelle Bachelet de l’ONU-Femmes

n Afrique du Sudn L’énergie hydrogène

à la rescousse ?

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Un magazine trimestriel. Stimulant, critique etconstructif. Forum de discussion et d’échangeau carrefour de l’industrie et du développement.

NUMÉRO 1, DÉCEMBRE 2009lWe must let nature inspire us –Gunter Pauli presents analternative business model that isenvironmentally friendly andsustainable lHot Topic: Is itpossible to have prosperitywithout growth? Is ‘green growth’really possible?

NUMÉRO 2, AVRIL 2010lNobuo Tanaka de l’Agenceinternationale de l’énergiecherche à lancer la transitionénergétique de l’industrie l L’énergie pour tous : KandehYumkella et Leena Srivastavanous parlent des mesures àprendre pour améliorer l’accès àl’énergie

NUMÉRO 3, JUILLET 2010l L’impressionnant essoréconomique de la Chine :Entretien avec le ministre ducommerce, Chen Deming lVers un débat plus productif –Ha-Joon Chang demanded’accepter l’idée que la politiqueindustrielle peut fonctionner

NÚMERO 4, NOVEMBRE 2010lRenforcer la capacité productive –Cheick Sidi Diarra soutient que lesPMA doivent, et peuvent, produiredavantage de biens et de services demeilleure qualité lPatricia Francisnous parle du changementclimatique et du commerce lSujet brûlant : la pertinence del’entrepreneuriat pour ledéveloppement économique

NUMÉRO 5, FÉVRIER 2011lUne fenêtre d’opportunitépour le commerce mondial ? –Peter Sutherland évalue lespossibilités de la conclusiond’un accord commercialmultilatéral lEn route versune prospérité mutuelle – XiaoYe se penche sur les échangesentre l’Afrique subsaharienneet la Chine

NUMÉRO 6, AVRIL 2011lAlimenter un mondesurpeuplé – Kanayo Nwanze, duFIDA, soutient qu’il faut donneraux petits exploitants agricolesl’occasion de devenir desentrepreneurs lPaul Bulcke,PDG de Nestlé, à propos de «créer de la valeur partagée » lSujet brûlant : L’efficacitéénergétique conduit-elle àl’augmentation de laconsommation d’énergie ?

NUMÉRO 7, JUILLET 2011l Le paradoxe de lamondialisation – Dani Rodrik l Le partage non équitable –Thomas Pogge s’exprime sur laresponsabilité des pays richesdans l’augmentation de lapauvreté lSujet brûlant :L’énergie nucléaire est-ellenécessaire pour un avenir sanscarbone ?

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« Les femmes supportent la moitié du ciel », dit un proverbe chinois quisoutient que les femmes contribuent autant que les hommes àl’expérience humaine. Néanmoins, cette affirmation relève plus duneaspiration que d’une constatation factuelle. Dans les pays développéscomme dans les pays en développement, des écarts persistent entre lessexes en matière d’éducation, de santé, de travail, de salaires et departicipation politique.

Le présent numéro de Making It s’intéresse à l’égalité entre les sexes età l’autonomisation économique des femmes. Comme l’a souligné Kofi Annan, ancien Secrétaire général de l’ONU, « aucun outil dedéveloppement n’est plus efficace que l’autonomisation des femmes ».

Au niveau mondial, les femmes effectuent deux-tiers du total desheures de travail, mais elles ne gagnent que 10 % des revenus et nepossèdent que 1 % des propriétés. Les femmes se situent loin derrière leshommes pour ce qui est de l’accès à la terre, aux crédits et aux emploisdécents, bien que de plus en plus d’études montrent que l’amélioration

des options économiques des femmes stimule les économiesnationales. Comme l’a indiqué Ban Ki-moon, l’actuel Secrétaire

général de l’ONU : « Lorsque l’on autonomise les femmes, cesont des communautés, des nations et la famille humaine

tout entière que l’on autonomise ».Selon le premier rapport annuel 2010-11 d’ONU-

Femmes : « Dans les régions où les femmesbénéficient d’un accès égal aux ressourceséconomiques, à des moyens d’existence décents et àdes occasions d’exercer des fonctions de leadership –les éléments de base de l’autonomisation économique– le bien-être économique augmente ».

Nous sommes ravis que l’article principal portesur le défi de l’autonomisation des femmes selon

Michelle Bachelet, la directrice exécutive de l’ONU-Femmes. Making It remercie ses collègues à l’ONU-Femmes

pour leur aide dans la conception de ce numéro.

Editorial

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Éditeur : Charles [email protected]é éditorial : Ralf Bredel, Tillmann Günther, Sarwar Hobohm,Kazuki Kitaoka, Wilfried Lütkenhorst(président), Cormac O’Reilly et JoRoetzer-SweetlandSite Web et assistance : Lauren [email protected] de la couverture : Maya ZankoulDesign : Smith+Bell, UK –www.smithplusbell.comMerci à Donna Coleman pour son aideImprimé par GutenbergPress Ltd, Malte –www.gutenberg.com.mtsur un papier certifié FSC Pour consulter cettepublication en ligne et pour participeraux discussions portant sur l’industriepour le développement, rendez-voussur www.makingitmagazine.netPour vous abonner et recevoir lesprochains numéros de Making It,veuillez envoyer un e-mail contenantvotre nom et votre adresse à[email protected] It: L’industrie pour ledéveloppement est publié parl’Organisation des Nations Unies pourle développement industriel (ONUDI),Vienna International Centre, P.O. Box 300, 1400 Vienne, AutricheTéléphone : (+43-1) 26026-0,Fax : (+43-1) 26926-69E-mail : [email protected] © 2011 The United NationsIndustrial Development Organization Aucun extrait de cette publication nepourra être utilisé ou reproduit sansl’accord préalable de l’éditeurISSN 2076-8508

FORUM MONDIAL6 Lettres8 L’avenir des sociétés – Paul Polak nous expliquecomment créer de nouveaux marchés dynamiquespour des clients vivant avec moins de deux dollarsaméricains par jour10 Sujet brûlant : Croissance : la fin du monde tel quenous le connaissons ? Débat entre Richard Heinberg etMatthew Lockwood sur la « fin de la croissance » ou le «début de la croissance verte »

14Affaires des affaires – actualités et tendances

ARTICLES16Autonomiser des femmes entrepreneurs, dans notrepays et à l’étranger – Jan O’Sullivan considère quel’égalité des sexes est fondamentale dans le cadre duprogramme d’aide au développement de l’Irlande18 Concevoir des solutions respectueuses del’environnement – CarolinaGuerra transforme desdéchets dangereux enproduits utiles et a étélauréate du Women’sInitiative Award de Cartierpour l’Amérique latine en201120 Promouvoir des vies et desmoyens d’existence durables – article d’Omar Traboulsisur les défis auxquels sont confrontées les coopérativesde femmes rurales dans la République du Liban et leurrôle crucial

ARTICLE PRINCIPAL22 Combler les écarts entre les sexes – Michelle Bachelet, directrice exécutive de l’ONU-Femmes, décrit comment l’élaboration depolitiques peut faire avancer l’objectif de l’égalitédes sexes, et comment les obstacles quiempêchent les femmes de saisir des opportunitéséconomiques peuvent être surmontés

MakingItL’industrie pour le développement

Les appellations employées et la présentationréalisée des contenus de ce magazinen’impliquent en aucun cas l’expressiond’opinions de la part du Secrétariat del’Organisation des Nations unies pour ledéveloppement industriel (ONUDI)concernant le statut légal de quelconque pays,territoire, ville, région ou de ses autorités, niconcernant la délimitation de ses frontières oulimites, ni concernant son systèmeéconomique ou son degré de développement.Les termes « développé », « industrialisé » et «en développement » sont utilisés pour desraisons de commodité statistique et n’exprimepas nécessairement de jugement sur le niveaude développement atteint par un pays ou unerégion en particulier. L’évocation de nomsd’entreprises ou de produits commerciaux neconstitue en aucun cas un soutien de la part del’ONUDI. Les opinions, données statistiques etestimations contenues dans les articles signésrelèvent de la seule responsabilité de l’auteur oudes auteurs, y compris ceux qui sont membresou employés de l’ONUDI. Vous ne devez doncpas considérer qu’elles reflètent les opinions ouqu’elles bénéficient du soutien de l’ONUDI. Cedocument a été produit sans avoir étéofficiellement révisé par les Nations Unies.

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Sommaire

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Numéro 8, 4ème trimestre 2011

30Voir plus grand – Gayle Tzemach Lemmon affirmeque les femmes dans les pays pauvres ont besoin de

ressources pour exploiter leur potentiel entrepreneurial32 Faire face à la crise – Zoe Elena Horn examine l’impactde la crise économique internationale sur les femmesdans l’économie informelle34 Zoom sur un pays – Entretien en Afrique du Sud avec laministre des Relations internationales et de laCoopération, Maite Nkoana-Mashabane38 Repartir avec une nouvelle feuille de route – JanezPoto nik, le commissaire européen à l’environnement,explique pourquoi les écologistes et l’industrie doiventtravailler ensemble

POLITIQUE EN BREF40 Développement industriel tenant compte des disparitésentre les sexes 42 Mesurer l’autonomisation économique des femmes44 Solutions contre les écarts de salaire entre les sexes

46 Le mot de la fin – Entretien avec le Dr. MustafaHatipo lu, directeur général d’un projet de l’ONUDIvisant à entrer dans une économie reposant surl’hydrogène

L’illustratrice pour couverture Maya Zankoul est uneillustratrice/conceptrice graphique originaire du Liban et auteured’Amalgam, le blog-bande dessinée transformé en livre. Elle travailleactuellement depuis son bureau à Beyrouth où elle effectue la conceptiongraphique d’applications pour téléphones mobiles et tablettes ainsi quedes illustrations pour des projets personnels et pour des magazines.Parmi ses derniers travaux en date figurent une application en ligne pourla création d’avatars (The Zankoulizer) et une exposition d’affichesillustrées sur le thème de la cuisine et des traditions culinaires libanaises.Son prochain projet est de créer une série de dessins animés inspirés deses travaux. http://pro.mayazankoul.com

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LETTRES

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Économistes auxpieds nusMerci beaucoup pour l’entretienavec Manfred Max-Neef (Making It,numéro 7). Il est tout à fait vrai quela plupart des gens qui discutent,mesurent ou luttent contre lapauvreté ne savent pas ce qu’est lapauvreté. Au-delà des privationsphysiques que l’on observe dans lapauvreté existent l’espoir, lacréativité et le courage requis poury faire face. Les pauvres doiventêtre eux-mêmes impliqués dans laconception de stratégiesd’intervention et de projetsefficaces.

De même, de nombreusespersonnes vulnérables pourraientréussir à sortir de la pauvreté àcondition qu’on leur en donne lesmoyens, notamment par le biaisd’un renforcement de leurscapacités et de la disponibilitéd’institutions, de cadres et depolitiques propices ainsi que deproductivités et de marchésrémunérateurs. Après des annéesde travail avec des groupesvulnérables dans l’agriculture et lesecteur rural, j’ai compris que cesont les contraintes de productionet de commercialisation quiempêchent les foyers agricoles desortir de la pauvreté. Pour luttercontre cette dernière il estnécessaire d’avoir d’unecompréhension approfondie desproblèmes et des perspectivesdans des cadres particuliers et surbeaucoup d’idées apportées parles pauvres eux-mêmes.l Taiwo Osun, Kiel, Allemagne,commentaire sur le site Internet

Il est drôle que Dani Rodrik etManfred Max-Neef figurent dansle même numéro (Making It,numéro 7). Le professeur Rodrik

enseigne à Harvard et estsurement un homme trèsintelligent, mais je pense que l’« économiste aux pieds nus »l’est encore davantage. Leprofesseur Rodrik affirme que lespays qui subventionnent laproduction agricole en paient lecoût et que les pays qui reçoiventces exportations agricolessubventionnées en tirent profit,car les aliments sont moinschers. Il est évident qu’il n’a pascompris que l’effondrement del’agriculture haïtienne s’estproduit à la suite d’un surplus denourriture importée des États-Unis. Comme l’affirmel’économiste haïtien CamilleChalmers, un autre « économisteaux pieds nus » qui travaille enétroite collaboration avec desorganisations de paysans : « Lesconséquences sont désastreuses...chaque année, cent millepersonnes perdent leurs moyensd’existence ». Et pour ce qui estdu prix soi-disant moins élevé dela nourriture à Haïti, eh bien,nous savons tous ce qui arrive ence moment aux prixinternationaux des aliments !l M. Fleurimond, commentairesur le site Internet

Favorable auxtravailleurs ?À ce qu’il paraît, le ministre del’Industrie du Bangladeshprétend que son gouvernementest « favorable aux travailleurs »(Making It, numéro 7). Nousparlons bien du Bangladesh, unpays qui a été dénoncé par laConfédération syndicaleinternationale (ITUC) ? En 2010,dans son rapport sur leBangladesh, l’ITUC écrit : « Lestravailleurs du secteur textile ontinitié des manifestations en avrilpour demander un salaireminimum de 5 000 BDT par

mois (46 €). Ces manifestationsse sont poursuivies tout au longde l’année et ont souvent faitl’objet d’une violente répression :six travailleurs ont été tués et denombreux autres blessés. Desresponsables syndicaux ont étéarrêtés, des dizaines de milliersde travailleurs du secteur textileont été poursuivis pour avoirparticipé aux manifestations et legouvernement a fermé descentaines d’ONG ».

Dans la suite du rapport onpeut lire que : « Un responsablesyndical a estimé que 5 000travailleurs du secteur textile ontété licenciés, accusés d’avoir prispart aux protestations. Bienqu’elle compatît publiquement àla détresse des travailleurs du

secteur textile, la premièreministre Sheikh Hasina étaitconvaincue qu’une “forcemalfaisante” se cachait derrièreune conspiration pour fomenterl’agitation dans le secteur. Uneforce de police spéciale a étécréée pour faire face aux troublesdans le secteur textile ».l Farooq Javed, commentaire surle site Internet

Au-delà duréseau électrique« Une révolution dansl’électricité » (Making It, numéro6) est un excellent article. Il meplait parce qu’il montre quemême ceux qui vivent au-delàdes limites du réseau électriquepeuvent avoir accès à del’énergie, et qu’il s’agit mêmed’une bonne affaire ! Quipourrait le contester ? Je me

La section « Forum Mondial » de Making It est un espace d’interaction et de discussions, danslequel nous invitons les lecteurs à proposer leurs réactions et leurs réponses à propos de tousles problèmes soulevés dans ce magazine. Les lettres destinées à la publication dans les pagesde Making It doivent comporter porter la mention « Pour publication » et doivent être envoyéespar courrier électronique à l’adresse : [email protected] ou par courrier à : The Editor,Making It, Room D2142, UNIDO, PO Box 300, 1400 Vienne, Autriche. (Les lettres ou les courriers électroniques peuvent faire l’objet de modifications pour des raisons d’espace).

FORUM MONDIAL

Une révolution dans l’électricité –Husk Power Systems utilisel’enveloppe des grains de riz pourcréer un gaz qui alimente desmoteurs produisant de l’électricité.

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demande pourquoi lesgouvernements ne font pas plusd’efforts pour utiliser labiomasse comme sourced’énergie. Le statu quo va finirpar dévaster notre planète. Il n’ya donc personne qui s’inquiètede l’avenir de nos enfants ?l Chris Mann, commentaire sur lesite Internet

DélabrementruralJ’ai été fasciné par l’entretienavec Vandana Shiva (Making It,numéro 6). Elle a raisonlorsqu’elle dit que les entreprises« se sont appropriées et ontcolonisé » les semences. Elle aparlé du double danger quereprésentent les modificationsgénétiques et le brevetage dessemences. Mme Vandanamontre à quel point l’attitudedes principales sociétés et

organisations du monde, commela Banque mondiale, estfoncièrement mauvaise à l’égardde l’exploitation agricole dans lespays en développement.

La production agricole dans lemonde a augmenté, mais elle n’apas apporté de prospérité à laplupart de la population rurale(qui représente plus de troismilliards de personnes). C’est àla campagne que les genscourent le plus de risques desouffrir la faim, car les marchésagricoles internationauxfigurent parmi les plusdéséquilibrés au monde. À peine22 % des exportations sonteffectuées des pays endéveloppent vers les paysdéveloppés. Une poignéed’entreprises monopolisent lesapports commerciaux dansl’agriculture. Mme Vandana lemontre clairement avecl’exemple des semences, et celavaut également pour les

fertilisants et l’achat de produitsalimentaires échangés àl’international.

Dans de nombreuses régions dumonde, les paysans les pluspauvres produisent la plupart dela nourriture dont ils ont besoinpour survivre. Ils sont néanmoinsaussi devenus de plus en plusdépendants du travail nonagricole ainsi que de l’argentenvoyé par ceux qui ont migrévers les villes dans leur proprepays ou à l’étranger. Un nombrecroissant de personnes serontencouragées à quitter la terre pourdes travaux non agricoles ou pourmigrer vers les villes.l James Greaves, ville de New York,par courrier électronique

ComplimentsJe vous félicite, car vous publiez unjournal pourvu, intéressant etagréable à lire ! Je viens d’enrecevoir une copie dans mon

courrier et j’ai été trèsimpressionné. J’aimerais ajouterqu’avant d’entrer à l’université deYale en 2001, j’étais éditeur de FarEastern Economic Review à HongKong, et j’ai une idée du niveaud’effort qu’il faut fournir poursortir un magazine comme levôtre.l Nayan Chanda, directeur desPublications, Yale Center for theStudy of Globalization, New Haven,États-Unis

J’aimerais vous remercier dem’avoir envoyé Making It, numéro6, « Agro-industrie : de la ferme àla table ». Je l’ai trouvé très utile etj’ai appris des choses sur certainesinitiatives intéressantes dans ledomaine agricole à travers lemonde. J’ai fait circuler le rapportparmi des membres du comité del’agriculture de la FICCI.l Dr S. Baskar Reddy, service del’agriculture, Federation of IndianChambers of Commerce and

Pour toute discussioncomplémentaire relative aux sujetsévoqués dans Making It, veuillezaccéder au site Web du magazine,à l’adresse www.makingitmagazine.netet à la page Facebook du magazine.Les lecteurs sont invités à parcourirces sites et à participer aux discussionset aux débats en ligne à propos dusecteur pour le développement.

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Il y a trois ans, General Motors, la plus grandeet la plus puissante des entreprises aumonde, a dû courber l’échine pour ne pasavoir réagi rapidement et efficacement face àla concurrence des véhicules importésjaponais plus petits, moins voraces encarburant et moins chers.

Des sociétés comme Wal-Mart, Coca-Colaet Microsoft seront bientôt confrontées aumême tournant que General Motors, devant« agir ou mourir », si elles ne relèvent pasrapidement et efficacement le défi de générerdes profits élevés, à échelle, sur les marchésémergents.

Chaque jour, trente millions de personnesfont leurs courses à Wal-Mart, mais il existetrois milliards de personnes dans le mondequi n’y mettront jamais les pieds. Cela inclut2,6 milliards de clients potentiels qui ontmoins de deux dollars par jour pour vivre. Ilsvivent majoritairement dans des zonesrurales des pays en développement et tirentleurs moyens d’existence d’exploitationsmesurant entre un demi-hectare et unhectare. De nombreux autres habitent dansdes bidonvilles et vivent de ce que leurrapportent des entreprises informelles,comme de petits magasins de vente d’articlesde consommation ou des entreprises deconfection.

Coca-Cola vend un produit qui se résume àde l’eau sucrée pétillante, portant unemarque désirable, au prix de 25 centimes labouteille dans des villages partout en Inde.Dans ces mêmes villages, 50 % des enfantssouffrent de malnutrition. Qu’arriverait-il àCoca-Cola si une entreprise chinoisesolidement financée commençait à vendre

une boisson non alcoolisée nourrissante àcinq centimes de dollar américain la bouteilleà des millions de villages à travers le monde ?Je pense que Coca-Cola se retrouveraitrapidement dans la même situation que celleà laquelle a été confrontée General Motors il ya trois ans.

La fondation Gates a aidé des millions depersonnes à sortir de la pauvreté et a amélioréla santé et l’éducation de millions d’autrespersonnes. Pourtant, autant que je sache,aucun produit de la société mère Microsoftn’est vendu aux 2,6 milliards de personnesdans le monde dont les revenus s’élèvent àmoins de deux dollars par jour.

Les opportunités de créer des entreprisesrentables adaptées aux besoins de ces troismillions de clients jusqu’à présent ignoréssont pourtant illimitées. Par exemple, unmilliard de personnes ne seront jamaisconnectées à l’électricité. Cela correspond àpeu près à la population totale des États-Uniset de l’Europe. Un milliard d’autrespersonnes n’ont pas accès à de l’eau potable.Bon nombre d’entre elles tombent malades etcertaines en meurent.

Pourquoi n’existe-t-il pas d’entreprises quise soient investies avec succès sur les marchésémergents ? Il existe plusieurs explications àcela : l Elles n’y voient pas de profit potentiel. l Elles ne savent absolument pas comments’y prendre pour concevoir des produits et desservices extrêmement abordables etrépondant aux besoins des pauvres. l Elles ne savent pas comment concevoir etfaire fonctionner des chaînesd’approvisionnement du dernier kilomètre.

Trois stratégies pratiques clé doivent êtreincorporées par les entreprises souhaitantvendre à des clients vivant avec « deux dollarspar jour » : l De petites marges associées à de grandsvolumes permettent de générer des profitsfinaux intéressants. Les supermarchés ontappliqué cette formule pour remplacer lesépiceries traditionnelles, et Wal-Mart l’aaméliorée. Pour les marchés émergents, ils’agit véritablement d’adopter la stratégie deWal-Mart multipliée par cent. l Concevoir des propositions extrêmementabordables. Un mouvement appelé « Designfor the other 90% » (concevoir pour les 90 %restants) est en train de monter en puissance.Il s’agit d’apprendre à concevoir des choses quisoient abordables pour des personnes vivantavec moins de deux dollars par jour, et quipermettent également de générer des revenus. l Mettre en œuvre des chaînesd’approvisionnement locales rentables.

Spring Health, la société que j’ai constituéeavec mes associés en Inde, créera, si ellefonctionne, une plateforme modèle pour deschaînes d’approvisionnement du dernierkilomètre dans de petits villages ruraux enInde. La mission de Spring Health est devendre de l’eau potable sûre, à l’échelle, à desgens qui n’y ont pas accès actuellement.

En Inde orientale seulement, près de 300millions de personnes n’ont pas accès à l’eaupotable. La plupart d’entre-elles vivent dansde petits villages constitués de 100 à 300familles et qui n’ont pas grand-chose entermes de marchés. Mais ils comptent chacunau moins trois magasins familiaux. Ilsvendent de tout, des cigarettes au savon, enpassant par des bonbons, des biscuits ettoutes sortes d’articles ménagers deconsommation. Spring Health a construitune citerne d’eau en ciment de 3 000 litres,pour un coût d’environ 100 dollars, à côté dechaque magasin. Ensuite, elle a purifié l’eaudans les citernes en utilisant un purificateurd’eau liquide extrêmement abordable. Lecommerçant vend l’eau purifiée aux habitantsdu village pour moins d’un demi-centime lelitre. Nos clients – dont la plupart vivent avecmoins de deux dollars par jour – signalentune baisse radicale des maladies et desdépenses médicales. Chaque famille estimequ’elle paie entre 25 et 250 dollars par an entraitements contre la diarrhée, en visites

L’avenir dessociétés

Paul Polak pense qu’à l’avenir, les entreprises nepourront rester compétitives sur le marchéinternational qu’à condition de créer de nouveauxmarchés dynamiques, adaptés aux besoins de clientsvivant avec moins de deux dollars américains par jour.

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médicales, en remplacements d’électrolytes,en infusions intraveineuses et en séjours àl’hôpital, tout cela pour traiter des maladiescontractées en buvant de l’eau de mauvaisequalité.

La mission de Spring Health est de fournirde l’eau potable sûre à cinq millions depersonnes par l’intermédiaire de 10 000magasins de village dans les trois années àvenir, et à plus de 100 millions de personnesdans 400 000 villages à travers le monde dansles dix prochaines années.

Je suis convaincu qu’il existe des milliersd’opportunités pour la création de nouveauxmarchés et de nouvelles entreprises adaptéesaux besoins de milliards de clients dans lemonde qui sont actuellement ignorés par lesmarchés. Pour y parvenir, il ne faudra rien demoins qu’une révolution dans la façon deconcevoir les entreprises, les prix, lesmarchés et la fourniture des produits et desservices. Mais cette révolution permettra decréer des millions de nouveaux emplois,d’aider plus d’un milliard de personnes àsortir de la pauvreté et de faire un pasgigantesque vers la fin du déséquilibreenvironnemental de la planète.

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PAUL POLAK –fondateur de InternationalDevelopment Enterprises (IDE), une ONG baséedans le Colorado – se consacre audéveloppement de solutions pratiques pourattaquer la pauvreté à ses racines. Au cours des25 dernières années, M. Polak a travaillé avec desmilliers d’exploitants agricoles dans des pays àtravers le monde – notamment au Bangladesh,en Birmanie, au Cambodge, en Éthiopie, en Inde,au Népal, au Vietnam, en Zambie et auZimbabwe – pour aider à concevoir et à produiredes produits peu coûteux et rémunérateurs quiont déjà sorti 17 millions de personnes de lapauvreté.

À droite : Paul Polak dirige undébat sur la conception detechnologies abordables pourles pays en développement àPopTech 2008.

La pompe à pédales est un dispositiffonctionnant à propulsion humaine et que l’oninstalle au-dessus d’un puits. Le pompage estactivé en appuyant alternativement sur lespédales qui actionnent des pistons, créant unesuccion dans le cylindre qui ramène l’eausouterraine à la surface. L’organisationInternational Development Enterprises (IDE) dePaul Polak a joué un rôle fondamental enpopularisant la technologie des pompes àpédales au Bangladesh au début des années 1980,par le biais d’opérations ciblées dans le domainedes chaînes de valeur et du marketing social.Quatre-vingt-quatre fabricants produisent ainsides pompes à pédales et 1,4 millions ont étévendues à des exploitants de petites parcelles auBangladesh depuis 1985. L’Organisation desNations Unies pour l’alimentation et l’agriculture(FAO) et d’autres organisations ont depuis lancéleurs propres initiatives de pompes à pédalesdans d’autres pays.

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Croissance : la fin dumonde tel que nousle connaissons ?

SUJET BRÛLANT

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La fin de lacroissanceRICHARD HEINBERG est un chercheur résidentprincipal au Post Carbon Institute. Auteur de dixouvrages, il est considéré par beaucoup commeun des porte-parole les plus efficaces du besoinurgent de cesser d’utiliser les combustiblesfossiles.

Vous les avez entendus. Les politiciens, leséconomistes et les dirigeants d’entreprisesdisent tous la même chose : « L’économie seredresse ». Se redresse jusqu’où ? – son étatnormal de croissance constante.

Ils ont tort. La croissance économique estbel et bien terminée.

Elle a commencé il y a deux siècles. Desexpansions économiques s’étaient produitesauparavant, mais elles avaient été lentes etcycliques. Des empires étaient montés enpuissance puis s’étaient effondrés. Mais avecla Révolution industrielle, la croissancerapide était devenue normale. Les

économistes nous disent que cela est dû àl’innovation, à la division du travail et àl’augmentation des échanges commerciaux,mais en réalité elle a principalement été lerésultat de l’énergie bon marché. Il faut del’énergie pour faire des choses, et avec ducharbon et du pétrole bon marché, les gensont pu faire plus de choses que jamais.D’abord le charbon, puis le pétrole ontaccéléré le commerce en alimentant enénergie nos précieuses inventions – cheminsde fer, automobiles et avions.

Les économistes ont assumé que lacroissance pourrait se poursuiveindéfiniment. Il s’agissait d’une notionabsurde. Personne ne s’est détenu à penserque cette croissance industrielle se déroulaitsur une petite planète, ne comptant que surdes ressources pétrolières, foncières,forestières et halieutiques limitées. Notrecroissance était en sursis. Nous sommes tousdevenus dépendants de la croissance.L’augmentation du PIB s’est transformée ennotre principale mesure du succès. Qui plusest, « plus gros et plus rapide » étaientsynonymes de « meilleur ».

Le premier signal d’avertissement s’estdéclenché en 1970. Une équipe descientifiques ont programmé un ‰

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Le début dela croissanceverte MATTHEW LOCKWOOD est responsable duchangement climatique à l’Institute ofDevelopment Studies du Royaume-Uni et aprécédemment occupé le poste de directeurassocié en charge du climat, du transport et del’énergie à l’Institute for Public Policy Research.

Il existe de nombreuses raisons pourdéfendre la croissance économique. Elle afavorisé la prospérité massive en Grande-Bretagne au XXe siècle. Elle a fourni lesressources nécessaires pour construire lessystèmes de santé, d’éducation et de sécuritésociale auxquels nous tenons tellement et quiont été si souvent reproduits à travers lemonde.

En même temps, nous avons besoin del’intervention du gouvernement pour traiterles externalités à l’origine du changementclimatique. Les marchés ne réaliseront paseux-mêmes la diminution des émissions degaz carbonique dont nous avons besoin tantque les technologies à faible émission decarbone ne seront pas aussi compétitives quecelles qui consomment des combustiblesfossiles.

Alors, si l’on pouvait avoir tous lesavantages de la croissance sans endommagerl’environnement, ne serait-ce pas l’idéal ? Etn’est-il pas évident que l’intervention desgouvernements est nécessaire pouraccomplir les deux aspects de la croissanceverte ?

Le débat sur la croissance verte montre queles choses ne sont pas aussi simples.

Selon la critique la plus fondamentale, lacroissance verte est tout simplementimpossible : il est utopique de développer etd’investir dans des technologies à faibleémission de carbone suffisamment vite pouréviter un changement climatique dangereuxet un réchauffement de la planète de 3 °C ouplus. Cet argument part du principe qu’il sera

ordinateur avec des données sur lacroissance de la population, l’augmentationde la consommation et l’épuisement desressources. Ils en ont conclu que lacroissance avait des limites. Les économistestraditionnels ont attaqué ces résultats enutilisant des astuces rhétoriques déplorables.Pourtant, 40 ans plus tard, elles restentencore valables. En réalité, les économies despays les plus riches du monde ont commencéà stagner depuis plusieurs années. Au fur et àmesure que les ressources ont commencé às’épuiser, les gouvernements, les entrepriseset les ménages se sont endettés jusqu’à lamoelle, ayant abondamment recours aucrédit facile. Le système financier a créé destitres et des montages de produits dérivés deplus en plus complexes afin d’éponger toutela dette et de réaliser des profits imaginairesen perpétuelle augmentation sur des actifsinexistants.

Mais l’argent et la dette dépendent desressources naturelles. Accumuler de la dette,année après année, la doubler, puis la doublerencore, signifiait que l’on accumulait desexigences relatives aux ressources qui étaienten train de diminuer de plus en plus àmesure que nous les épuisions. Il s’agissaitd’un système pyramidal – la pire bulleimaginable. Finalement, en 2008, elle aexplosé. Les gouvernements et les banquescentrales ont essayé de regonfler la bulle enappliquant des mesures d’urgence et destimulation, financées par la dette publique,mais il existe des limites pratiques enmatière de dette, et nous sommes en train deles atteindre. Les ressources énergétiquesaussi ont des limites, et nous sommeségalement en train de les atteindre. Lacapacité de la planète à absorber nos déchetset nos accidents industriels a clairement deslimites, et nous les avons également atteintes.

On nous dit que l’économie se redresse,mais hormis la nouvelle dette que lesgouvernements ont contractée depuis 2008pour stimuler l’économie, aucune véritablecroissance économique ne s’est produite. Iln’y a pas de redressement. Tout a été fait enaugmentant la dette.

Nous avons déjà hypothéqué l’avenir de nospetits-enfants, mais pour empêcher

l’économie de retomber, nous devonsemprunter encore davantage. C’est la fin de lapartie. Nous avons atteint la limite de lacroissance économique telle que nous l’avonsconnue. Ils vous mentent. Mais ils ne peuventpas faire autrement. Nous sommes tousaccros à la croissance. Nous voulons tous demeilleurs emplois et des retours surinvestissement plus élevés. Mais nous vivonssur une planète limitée. La fin de lacroissance n’est pas la faute d’un politicien oud’un parti politique particulier, maiscertaines personnes ont plus bénéficié de lacroissance que d’autres.

Nous pouvons vivre sans croissanceéconomique, mais nous allons devoircommencer par changer certaines de nosfaçons de faire. Nous devons mesurer etchoisir des voies d’amélioration de notre viepour lesquelles il n’est nécessaire nid’augmenter notre consommation decombustibles fossiles, ou d’autres ressourcesen diminution, ni d’accumuler encoredavantage de dettes : la liberté, passer dutemps avec ceux que l’on aime, être en bonnesanté et avoir du temps pour en profiter, vivredans une communauté sûre et heureuse.

Nous devons travailler ensemble pour bâtirdes économies locales dans lesquelles il soitpossible de vivre et de prospérer mais – et ce « mais » est important – sans combustiblesfossiles et sans emprunter aux générationsfutures. Plus nous attendrons pour le faire etplus il sera difficile d’y parvenir.

La croissance économique est terminée. Ilfaut aller de l’avant.l Extrait de l’ouvrage de Richard Heinbergintitulé The End of Growth: Adapting to OurNew Economic Reality (La fin de la croissanceet l’adaptation à notre nouvelle réalitééconomique).

SUJET BRÛLANT‰

« Personne ne s’est détenu àpenser que cette croissanceindustrielle se déroulait sur unepetite planète, ne comptant quesur des ressources pétrolières,foncières, forestières ethalieutiques limitées. Notrecroissance était en sursis. »

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MakingIt 13

FORUM MONDIAL

impossible de dissocier la croissance et lesémissions de carbone avant que l’impératifclimatique ne devienne évident, et avant quebon nombre de politiques climatiques neproduisent des effets. Néanmoins, bien qu’ils’agisse d’une inquiétude très grave, tout cecin’est pas couru d’avance.

Cette analyse met surtout en évidence ladifficulté à obtenir une croissance qui soitsuffisamment verte. Pour parvenir à unecroissance qui évite un changementclimatique dangereux il faut transformerl’économie, notamment investir à un niveauet à une vitesse sans précédent dans desinfrastructures énergétiques à faibleémission de gaz carbonique. Cela s’applique,évidemment, à l’économie mondiale dansson ensemble, mais les pays développés,comme de Royaume-Uni, devraient être lespremiers à le faire.

Nous en arrivons ainsi à l’aspect qui estprobablement le plus délicat du programmede la croissance verte : la politique. Il existedes problèmes à trois niveaux.Premièrement, pour donner forme à lacroissance verte, il sera nécessaire de menerune intervention plus active sur l’économie,et cette intervention devra être intelligente etferme. Il s’agit d’un défi énorme en matièrede culture politique, car elle repose depuislongtemps sur le principe du laissez-faire.

Il faudra ensuite relever le second défipolitique : parvenir à une croissance verteimplique de restructurer l’économie, etcomme lors de toute restructuration, celasignifie qu’il y aura des gagnants et desperdants. Des coûts additionnels serontencourus à court terme. Cela pose unimportant problème pour toutgouvernement, surtout dans un contexte oùle public est profondément hostile à l’égarddes taxes environnementales, notammentdans des domaines touchant à l’utilisation dela voiture et des transports aériens.

Le troisième problème est lié à la dette. Ilsemble tout à fait logique d’emprunter auxgénérations futures pour financer lesinvestissements nécessaires aujourd’hui afinde décarboniser l’économie. Bien entendu,cela augmentera le montant de la dette donthériteront les générations futures, mais sinous ne le faisons pas, nous leur laisseront unhéritage bien plus dévastateur : celui d’unenvironnement endommagé. Dans ce cas et enraison du caractère irréversible des effets duchangement climatique, l’argent ne suffiraplus pour résoudre les problèmesenvironnementaux. En même temps, ilsemble de plus en plus probable que nousayons besoin d’une forme de relancebudgétaire pour rétablir la croissance à courtterme, et la meilleure façon d’y parvenir seraitd’investir dans les infrastructures. Néanmoins,de nombreux gouvernements, notamment lebritannique, ont tissé autour de leurs optionspolitiques un puissant discours dépeignantune dette écrasante, ce qui rend encore plusdifficile pour eux de prendre rapidement etfacilement des mesures pour le faire.

La croissance verte est donc loin d’êtreinévitable ou simple. Pour y parvenir, ilfaudra relever des défis technologiques etpolitiques sans précédent. Nous avons toutintérêt à nous y mettre dès maintenant. n

« Pour parvenir à unecroissance qui évite unchangement climatiquedangereux il faut transformerl’économie, notammentinvestir à un niveau et à unevitesse sans précédent dansdes infrastructuresénergétiques à faible émissionde gaz carbonique. »

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nLa croissance économique est enperte de vitesse dans la plupart desmarchés émergents, et peu de paysseront en mesure de croître à destaux tendanciels si l’activitééconomique ralentit brutalementdans les pays occidentaux. Auniveau régional c’est l’Asie qui esten meilleure posture. Les donnéesrécentes indiquent un vasteralentissement lié en partie à lapolitique anti-inflationniste, maisle rebond du Japon de l’après-tsunami aide à amortir l’impact decette faiblesse au niveau mondial.Bien qu’il existe maintenant un réeldanger que les économiesasiatiques enregistrent un

continuer de renforcer le modèletraditionnel de croissance à deuxvitesses qui caractérise la région,les économies d’Amérique du Sudenregistrant de meilleuresperformances que celles d’autresrégions du monde.

La reprise en Europe de l’est perdde son dynamisme. Bien que lesexportations et la productionindustrielle continuent deprogresser, les monnaiesrégionales et les marchés boursiersont connu de fortes baisses. Lespectre de la contagion de la crisede la dette souveraine dans la zoneeuro, le marché clé de l’Europe del’est à l’exportation, continue depeser sur la reprise. La croissancerégionale baissera à 3,3 % en 2012.Les perspectives de croissance de laRussie continueront de dépendredes prix mondiaux des matièrespremières.

AFFAIRES DES AFFAIRES

ralentissement grave, un retour à larécession reste néanmoins peuprobable. Contrairement àl’Occident, la plupart des payspourraient répondre à un telscénario en introduisant denouvelles mesures de relancebudgétaire et monétaire. Lacroissance du PIB de la Chineralentira en 2012, tout en restant à unniveau encore impressionnant de8,2 %, en supposant que les autoritésévitent les spirales inflationnistes ouun crash immobilier.

L’Amérique latine a connu uneforte reprise en 2010, mais lacroissance va ralentir à 3,7 % en 2011en partie en raison des efforts mis

en œuvre pour maîtriser lesniveaux élevés d’inflation. Lacroissance sera encore plusmodérée l’an prochain, descendantau niveau de 3,5 %, bien quecertains pays parviendront àdiminuer l’impact de la faibledemande extérieure par un certainrelâchement des politiquesmonétaires. L’expansionéconomique devrait s’accélérer surla période 2013-2016, grâce à uneconsommation intérieure enhausse, à des politiquesmacroéconomiques saines et à lademande asiatique de matièrespremières. Cependant, les prixélevés des matières premières vont

Selon le Forum économiquemondial et le Boston ConsultingGroup, l’esprit, les pratiques et lesmodèles d’affaires de ces « champions de la durabilité »offrent des informationsfondamentales dont peuvent seservir les entreprises basées dansles marchés émergents, lesmultinationales établies et lesgouvernements. Ils peuventprovoquer des effetsmultiplicateurs et favoriser descomportements similaires et uneexpansion parmi les entreprisesopérant sur les marchésémergents. Ils servent aussi depoint de départ pour redéfinirl’avenir de la croissance, qui doitêtre solide et lier efficacementl’ensemble des éléments de ladurabilité : l’économie,l’environnement et le social.

Le Forum économique mondial etle Boston Consulting Group ontpublié un nouveau rapport mettanten évidence les pratiquescommerciales novatrices de 16 « champions de la durabilité » sur les marchés émergents.

Ces entreprises ont été choisiespour avoir créé des solutions nonconventionnelles et rentables ayantun impact positif sur la croissanceéconomique et améliorant ladurabilité globale de leurs régions.

Les chercheurs ont délibérémentrefusé de se tourner vers desgouvernements, des organisationsenvironnementales ou des sociétésmultinationales d’économiesdéveloppées, car s’ils offrent tousdes réponses bien pratiquées,celles-ci restent néanmoinsinsuffisantes. Au lieu de cela, ils sesont tournés vers des agents quisont confrontés à un vaste éventailde contraintes dans leurs activitésquotidiennes : des entreprises àcroissance rapide, originaires etexerçant leurs activités sur lesmarchés émergents, où laprospérité économique et lespopulations sont en croissancerapide, et où les contraintesenvironnementales sont souventplus élevées.

Grâce à un processus derecherche rigoureux, le rapport a

Nouveaux champions de la durabilitéidentifié et évalué 16 nouvellesentreprises basées dans desmarchés émergents et quipartagent un état d’esprit et unensemble de meilleures pratiquescommuns. Ces « nouveauxchampions de la durabilité », situésdans des pays comme le Brésil, leCosta Rica, l’Égypte ou le Kenya,sont des exemples pouvant inspirertoute société à travers le mondesouhaitant relever les défis de laperformance, de l’innovation, de lacroissance et de la durabilité.

Plus précisément, ces entreprises :l transforment de manièreproactive les contraintes enopportunités grâce à l’innovation ;l intègrent la durabilité dans leurculture d’entreprise ;l façonnent activement leurenvironnement commercial.

lBroad Group – République populaire de Chine lEquity Bank –Kenya lFlorida Ice & Farm – Costa Rica lGrupo Balbo – BrésilJain Irrigation Systems – Inde lManila Water Company –Philippines lMasisa – Chili lTR Corporation – Chine, HongKong SAR lNatura – Brésil lNew Britain Palm Oil – Papouasie-Nouvelle-Guinée lSekem – Égypte lShree Cement – Inde lSuntech – République populaire de Chine lSuzlon – Inde lWoolworths – Afrique du Sud lZhangzidao Fishery Group –République populaire de Chine

Les « nouveaux champions de la durabilité » sont :

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Des bouleversements politiqueset des troubles civils ont sapé lacroissance économique dans devastes régions du Moyen-Orient etd’Afrique du Nord. Cependant, larégion devrait enregistrer unereprise l’année prochaine. En dépitdes perspectives inquiétantes pourle monde développé et des coursmondiaux du pétrole en légèrebaisse, la croissance régionales’accélèrera, tirée parl’investissement public massif enArabie Saoudite, par la fortecroissance en Irak et, en supposantque les fortes turbulencespolitiques cessent, par un rebonddans les pays touchés par lePrintemps arabe. La croissanceéconomique en Afrique sub-saharienne s’accélèrera pouratteindre 5 % en 2012. Lescontraintes structurellesdemeurent importantes, mais les

économies régionales tireront leurvitalité des prix élevés des matièrespremières, de la hausse desinvestissements étrangers, desdépenses budgétaires et desréformes économiquessporadiques. (Economist IntelligenceUnit)

nUn nouveau rapport dePricewaterhouseCoopers (PWC) sepenche sur les menaces et lesopportunités liées à l’atteinte del’excellence dans la production etl’approvisionnementmanufacturiers.

« Des événements tels que letremblement de terre au Japon ontmis en évidence la grande facultéde reprise de la chaîned’approvisionnement. Nous vivonsdans un monde où les liens en avalet en amont de la chaîned’approvisionnement, ainsi qu’à

l’intérieur des entreprises et avecme monde extérieur qui lesentoure, sont de plus en plusimportants ». Dans ce contexte, lerapport, Achieving excellence inproduction and supply, met enévidence cinq questions qui,d’après PWC, joueront un rôleimportant dans la déterminationdu niveau d’excellence,d’acceptabilité ou de médiocrité dela production :l Identifier et prévenir les risquesau niveau de la chaîned’approvisionnement.lLier la planification de lademande à l’ensemble de la chaînede valeur.lMatérialiser la collaborationentre les clients et les fournisseurs.lÉtudier les perspectives du cyclede vie et faire preuve d’une valeurdurable.lAttirer les personnes et les

compétences nécessaires pourl’avenir.

Le rapport conclut en indiquantque « le fait que les entreprisescommuniquent et établissent demeilleurs rapports avec les clients,les fournisseurs et le monde quiles entoure, est un facteurimportant, commun aux cinqpoints précédents. Les entreprisesqui sont déconnectées des clientsou ne parviennent pas à dialoguerconvenablement avec eux,manqueront la possibilitéd’atteindre l’excellence ou, pireencore, pourraient déclencher desbombes à retardementinterrompant définitivement laproduction etl’approvisionnement. Celles quiparviendront à nouer ces lienspourront progresser et devancerclairement leurs pairs ».(pwc.com/industrialmanufacturing

Le Global Green Growth Forum(3GF) qui s’est tenu en octobre àCopenhague, au Danemark, a faitprogresser des partenariatsambitieux entre le public et leprivé, axés sur les secteurs del’énergie, des transports, ducommerce et des finances,éléments clé d’une révolutionindustrielle verte.

Le Secrétaire général des NationsUnies, M. Ban Ki-Moon, leSecrétaire général de l’OCDE, M.Angel Gurría, le Premier ministred’Éthiopie, Meles Zenawi, lePremier ministre du Kenya, RailaOdinga, et 12 ministres etministres adjoints, cinq dirigeantsd’organisations des Nations Unies,50 responsables d’entreprisesd’envergure mondiale, desreprésentants des principalesorganisations de la société civile etdes experts de la croissance verte,ont participé à 3GF. Les 200participants étaient issus de 27pays répartis sur les cinqcontinents.

Dans son discours d’ouverture, leSecrétaire général des NationsUnies, M. Ban Ki-moon, a soulignél’importance de la collaborationentre le public et le privé : « Le faitque la croissance verte soit à l’ordredu jour peut constituer un moteurde progression du développement

durable au XXIe siècle. Elle estfavorable aux affaires, à lapolitique et à la société ».

Le Directeur général del’Organisation des Nations Uniespour le développementindustriel (ONUDI), M. KandehK. Yumkella, qui a égalementparticipé à la 3GF, a déclaré : « Pour que notre avenir soitdurable et économiquementviable, nous devons nous assurerque notre industrie ne nuise pasà l’environnement et ne favorisepas le changement climatiquemondial. C’est le butfondamental de l’industrie verte.L’ONUDI aide les pays endéveloppement à assurer unecroissance basée sur uneutilisation efficace des ressourceset à faible émission de carbone, età créer de nouveaux emplois vertstout en protégeantl’environnement. Nous aidonségalement les pays endéveloppement à passer auxtechnologies propres et à mettreen œuvre des accordsenvironnementaux, y compris leProtocole de Montréal ».

Global Green Growth Forum

Le Premier ministre du Danemark, Helle Thorning-Schmidt lors de l’ouverture dela 3GF : « Nous avons déjà entendu des discours sur l’environnement. Il s’agitmaintenant de les traduire en actions. Nous devons travailler aux côtés de nosindustries et nos entreprises afin de trouver des solutions intelligentes, dedévelopper des cadres réglementaires pertinents, et de fixer des priorités enmatière de recherche et de développement ».

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Nous estimons que l’égalité des sexes fait partie desdroits de l’Homme. Nous estimons également quedes sociétés égalitaires sont plus à même de créerdes économies plus solides et durables, et mieuxplacées pour participer au commerce international.

L’accroissement des échanges, au niveaurégional et mondial, est au cœur de la croissanceéconomique soutenue des pays les moins avancésdu monde. Cependant il doit prendre en comptel’égalité des sexes. La capacité d’un pays à tirerprofit d’une plus forte libéralisation du commercedépend de la solidité et de la productivité de sonéconomie nationale, qui doit inclurel’autonomisation économique des femmes. Ainsi,en tant que ministre pour le Commerce et leDéveloppement de l’Irlande, une partie essentiellede mon travail consiste à soutenir une activitééconomique axée sur l’autonomisation desentrepreneurs (hommes et femmes) comme moyende diminuer la pauvreté en Afrique.

Dans les pays en développement, un certainnombre de facteurs importants limitent souvent lacapacité des femmes à tirer parti des possibilitéséconomiques, y compris lorsqu’elles proviennentde l’augmentation du commerce. L’accès limité et lecontrôle des actifs productifs, tels que la terre et lecrédit, représentent des contraintes majeures pourde nombreuses femmes qui tentent de créer ou dedévelopper leurs propres entreprises. Il est difficilepour une femme qui ne possède pas son propreterrain d’obtenir un crédit.

La participation des femmes à l’économie dumonde en développement est souvent limitée ausecteur informel. Les femmes sont nettementsurreprésentées dans les emplois les plusvulnérables, tels que le travail familial nonrémunéré, les emplois agricoles occasionnels et lesemplois en tant que gens de maison. Le poids dessoins non rémunérés à la maison est un autrefacteur qui limite la capacité des femmes à se lancerdans une activité commerciale à l’extérieur de leurdomicile.

Cependant, il est également important deréfléchir sur des questions plus larges relatives auxdroits et à l’autonomisation. Par exemple,l’éducation des filles est sans doute l’un des outilsles plus puissants pour l’autonomisation desfemmes. L’éducation fournit aux femmes lesconnaissances, les compétences et la confiance ensoi dont elles ont besoin pour profiterd’opportunités économiques. Le rôle des femmesdans la prise de décision est également unequestion cruciale. Cela va de la participation desfemmes au niveau communautaire et local, à lareprésentation accrue au sein des associationscommerciales et d’agriculteurs, en passant parl’accroissement du nombre de femmes auparlement. L’accès à une santé maternelle etreproductive de qualité, permettant aux femmes demaîtriser leur fécondité, constitue un autre aspectclé de l’autonomisation.

L’expérience irlandaiseL’Irlande a de l’expérience dans ce domaine et peutpartager des leçons sur l’égalité des sexes etl’autonomisation économique des femmes.

De nombreuses choses ont changé pour lesfemmes en Irlande au cours des 50 dernières

Jan O’Sullivan TD, ministre d’État irlandais pour leCommerce et le Développement, considère l’égalité dessexes comme fondamentale dans le cadre du programmed’aide au développement de l’Irlande

JAN O’SULLIVAN a été élu membre du parlement irlandais en 1998,et en mars 2011 il a été nommé ministre d’État au ministère desAffaires étrangères, chargé du commerce et du développement.

Autonomiserles femmesentrepreneurs, dans notre pays

et à l’étranger

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années. Le mouvement des droits des femmes estdevenu de plus en plus actif au cours des années1960, lorsque les femmes ont commencé à exigerune plus grande égalité. La gratuité del’enseignement secondaire a ouvert de vastespossibilités nouvelles. Dès les années 1970, ungrand nombre de femmes ont commencé àfréquenter les universités et autres établissementsd’enseignement supérieur. Le milieuprofessionnel a entamé une évolution. Les femmesn’étaient plus contraintes de renoncer à leuremploi dans la fonction publique après leurmariage. La réforme législative sur l’égalitésalariale, de l’emploi et de la protection sociale a étéintroduite. En 1985, après une longue campagnemenée par le mouvement des femmes, la loi sur lasanté (planification familiale) (amendement) a étéadoptée, légalisant la vente de contraceptifs à toutepersonne de plus de 18 ans.

Pourtant, malgré près d’un demi-siècle dechangements et une augmentation importante dunombre de femmes dans la population active,l’Irlande, comme de nombreux autres paysdéveloppés, compte toujours trop peu de femmesentrepreneurs. Seuls 15 à 18 % des entrepreneurssont des femmes. Les femmes sont beaucoup plusenclines à lancer leur activité dans les secteurs liésà la consommation. Elles sont beaucoup moinsnombreuses à le faire dans les secteurs des servicesaux entreprises et manufacturiers. Les enquêtesmettent en évidence de profondes différentesentre les hommes et les femmes quant à leur façond’envisager le fait de devenir des entrepreneurs etde développer leurs propres entreprises. Leshommes sont plus nombreux que les femmes àêtre certains qu’ils disposent des compétences etdes connaissances nécessaires pour démarrer uneentreprise (57 % des hommes contre 42 % desfemmes), et ce malgré que les femmes démarrantleur société ont un niveau d’éducation plus élevéque les hommes. La peur de l’échec parmi lesentrepreneurs en phase de démarrage est plusélevée chez les femmes que chez les hommes (43 %contre 34 %).

Les femmes entrepreneursQuels sont donc les principaux défis auxquels sontconfrontées les femmes entrepreneurs en Irlande,et pourquoi sont-elles moins présentes sur lesmarchés d’exportation ?

De toute évidence, le choix du secteur est l’undes problèmes, mais il existe toujours desquestions culturelles et relatives au sexisme quilimitent les opportunités des femmes. Les troiscauses les plus fréquentes de l’échec desentreprises menées par des femmes sont l’absencede financement adéquat, le manque d’expérienceapproprié, et la formation insuffisante. Cesfacteurs contribuent également à l’échec desentreprises appartenant à des hommes. Mais si l’oncreuse un peu plus, il existe d’autres questions plusenracinées liées à la problématique hommes-femmes qui ont un impact sur le succès d’uneentreprise. Des études ont montré que les femmessont moins susceptibles de se voir comme descréatrices d’entreprises et évitent les formations etles cours qui ciblent les « entrepreneurs ».L’impact de la vie familiale, la garde des enfants

ainsi que l’absence de modèles identificatoires dehaut niveau sont d’autres facteurs qui limitent ledéveloppement d’entreprises par les femmes.

Le soutien des femmes entrepreneurs est l’undes objectifs clé de la Stratégie nationale pour lesfemmes (National Women’s Strategy) (2007-2016) del’Irlande. Il s’agit d’un programme d’action positivesur l’entrepreneuriat féminin qui favorise lesoccasions de réseautage et de formation. Une desinitiatives cible les femmes entrepreneurs qui ont lacapacité de développer leurs entreprises. Quarantefemmes qui ont ce profil sont sélectionnées chaqueannée pour prendre part à un programme gratuitde mentorat fournit par certaines des femmesentrepreneurs les plus couronnées de succèsd’Irlande.

La stratégie vise également à améliorer l’accèsdes solutions de garde d’enfants, à rendre plusflexible l’organisation du travail et à augmenter lescongés parentaux. En 2010, le gouvernement aadopté le Programme d’éducation et de prise encharge de la petite enfance (Early Childhood Careand Education Programme) qui fournit un accèsaccru à l’éducation préscolaire gratuite pour lesenfants âgés de trois à cinq ans.

Aide irlandaise au développement Ces expériences et ces leçons apprises sont en grandpartie reflétées dans les programmes d’aide audéveloppement de l’Irlande. Comme l’ontdémontré les propres avancées de l’Irlande enmatière d’égalité des sexes, l’accès équitable à unesanté et à une éducation de qualité est le fondementsur lequel repose l’autonomisation économique etpolitique des femmes. Par exemple, en 2010, l’aideirlandaise au développement a fourni 25,5 millionsd’euros aux secteurs de l’éducation en Zambie, auLesotho, au Mozambique et en Ouganda. La paritéentre les sexes dans tous ces pays, y compris auniveau secondaire, s’est considérablementaméliorée au cours des dernières années. AuLesotho et en Éthiopie, l’Irlande a travaillé avec desassociations de planification familiale afin defournir un meilleur accès aux programmes de santéreproductive.

Nous avons soutenu les réformes politiques etlégislatives nationales, telles que l’introductiond’une nouvelle législation sur les droits desuccession et sur la réforme agraire, dans des paystels que l’Ouganda et la Sierra Leone.

Les organisations de la société civile travaillantsur l’égalité des sexes et l’autonomisation desfemmes sont des partenaires clé dans notre travail.Un partenaire de la société civile fournissant desmicrocrédits à des femmes dans le Timor-Leste aconstaté que l’augmentation des revenus des

ménages grâce à la participation aux activitéscommerciales a permis aux femmes d’améliorerleur statut au sein de la famille et descommunautés, et d’influencer les décisions clé enmatière, par exemple, d’éducation des enfants.

Le commerce équitableLe réseautage, la création de partenariats et lerenforcement des capacités sont d’autrescomposantes de notre travail dans ce domaine.L’aide au développement de l’Irlande soutient lesorganisations de commerce équitable en Amériquecentrale et en Afrique de l’Est depuis déjà un certainnombre d’années. En 2010, elle a soutenu la mise enplace d’une section locale de « Women in CoffeeAlliance » au Kenya, l’un des rares organismes vouéà l’amélioration des conditions des femmes dans lesecteur du café par le biais de la formation et durenforcement des capacités. Les expériences desprogrammes sur le commerce équitable dans lemonde en développement indiquent que ce type desoutien est essentiel, comme l’accent du commerceéquitable sur la croissance et le commerce descultures d’exportation pouvant souvent entraîner lamise à l’écart des femmes. Le soutien auprogramme de l’ Organisation internationale dutravail pour l’égalité des sexes et le développementde l’entreprenariat des femmes (Women’sEntrepreneurship Development and GenderEquality programme) a permis le renforcement descapacités de plus de 230 femmes en Tanzanie etl’accroissement de leur accès au marché,notamment par la participation à des expositions età des foires commerciales à l’intérieur et àl’extérieur du pays.

Il est donc clair que, bien que la dynamique, lerythme et l’orientation du changement diffèrentselon les pays et les cultures, les expériences del’Irlande nous ont appris un certain nombre dechoses que nous pouvons partager avec nospartenaires. Tout d’abord, un accès équitable àl’éducation et une santé maternelle et reproductivede qualité sont les fondements de l’égalité et del’autonomisation. Les réformes législative etpolitique sont essentielles. Il ne fait aucun doute queles influences extérieures, telles que l’adhésion del’Irlande à l’Union européenne, ont constitué desmoments clé pour le processus de réformelégislative et politique qui a commencé dans lesannées 1970. Le mouvement des femmes a favoriséun changement ascendant en Irlande, tout commele mouvement des femmes dans de nombreux paysen développement, et continuera de recevoir lesoutien de l’aide au développement de l’Irlande. Lesfemmes ont besoin de modèles identificatoires et deréseaux de soutien qui leur démontrent ce qui estpossible. Enfin, les rôles traditionnels des femmesen matière de « garde des enfants », l’inégalité dansle partage de ces rôles entre hommes et femmes,ainsi que nos perceptions de ce que sont les rôlesappropriés pour les femmes et les hommes à la fois àla maison et dans l’économie, continuent d’être lesprincipaux obstacles à l’autonomisationéconomique des femmes. Les progrès sur cesquestions peuvent véritablement faire avancer leschoses en matière d’égalité et d’autonomisation desfemmes dans tous les pays et, en fin de compte,permettre de créer des économies durables. n

« L'accès équitable à une santéet à une éducation de qualitéest le fondement sur lequelrepose l'autonomisationéconomique et politique desfemmes. »

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Les Women’s Initiative Awards deCartier récompensent les meilleursplans d’affaires au niveau international ;ce prix a été créé en 2006 par Cartier, leWomen’s Forum, McKinsey & Companyet l’INSEAD. Les prix visent àencourager la catégorie la plusvulnérable des entrepreneurs, au coursde la phase la plus précaire de leuractivité : les femmes entrepreneurs quidémarrent une entreprise.

Chaque année, un jury sélectionne18 finalistes parmi plus de 1 000 projetsprésentés – les trois meilleurs projetsissus de six régions (Amérique latine,Amérique du Nord, Europe, Afriquesub-saharienne, Moyen-Orient etAfrique du Nord, et Asie-Pacifique) – sur la base de leurs plans d’affaires. Les finalistes sont ensuite invitées enFrance pour la finale, qui inclut laprésentation d’un plan d’affairesdétaillé devant le jury.

En fonction de la qualité du plan etde leur capacité à prouver leur créativitéexceptionnelle, la viabilité financière duprojet et son impact social, une lauréateest sélectionnée dans chacune des sixrégions. Chacune reçoit le prixWomen’s Initiative Awards de Cartier,un an de coaching personnalisé, et 20000 dollars américains de financement.

Page 19: Making It 8 Nous pouvons le faire !

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Carolina Guerra a créé son entreprise,Ingerecuperar, dans la ville de Cali, à l’ouest dela Colombie, en 2007. Comme son noml’indique – « inge » pour ingénierie, « recuperar» pour récupération – la société crée dessolutions de récupération des déchets ; il nes’agit toutefois pas de n’importe quel type dedéchets, mais de résidus dangereux. « Toutd’abord, nous avons étudié la meilleure façonde lutter contre les déchets en question. Nousavons par la suite appliqué un procédé pour lesréutiliser à l’échelle industrielle », dit Guerra.

L’idée d’Ingerecuperar lui est venue alorsqu’elle travaillait dans une entreprise quigénérait des scories d’aluminium, un déchetrésiduel produit lors de tout processus de fonted’aluminium. « En dépit de tentatives pournous débarrasser de ce type de déchet enrespectant l’environnement, il n’existait enColombie aucune entreprise pouvant nousaider en ce sens ! D’autres entreprises ont misau point des solutions pour recycler les piècesmétalliques de ces déchets, mais pas ce quirestait de ce processus ».

Une bonne occasion Guerra a ainsi décidé d’unir ses forces à cellesde deux collègues et de rechercher des moyensd’utiliser les scories dans leur totalité. « Lesrésultats ont été excellents ! Compte tenu duvolume de scories d’aluminium produites dansnotre région, nous avons identifié une bonneoccasion de créer une entreprise qui soitutile ».

La société de Guerra a réussi à décrocher laseule licence environnementale dans le payspour recycler les scories d’aluminium.L’initiative est une étape importante dans lalutte pour traiter de manière appropriée lesdéchets dangereux en Colombie.

Comme l’explique Guerra : « Il existe unevaste législation en Colombie contre lesdéchets dangereux, et, peu à peu, les industriesqui produisent ces déchets prennentconscience de l’importance de s’y conformer etcommencent à les traiter de façon appropriée.Néanmoins, un pourcentage élevéd’entreprises industrielles n’ont toujours paspris conscience des dégâts qu’elles peuventcauser aux rivières et à l’environnement au senslarge. D’autres entreprises ne respectent pas lalégislation environnementale en matière dedéchets, car elles manquent de ressources ».

Alternative gagnant-gagnant La société de Guerra offre une alternativegagnant-gagnant. « Dans notre pays, une dessolutions pour le traitement de ce type dedéchets consiste à les remettre à des déchargesde déchets dangereux, pour un coût allantjusqu’à 700 dollars américains par tonne.Certaines entreprises se tournent vers dessolutions moins éthiques, d’autres vont mêmejusqu’à se défaire de ces produits. Quant ànotre entreprise, elle paie pour obtenir ceproduit précieux ! »

Nous avons eu beaucoup de mal à obtenirune licence environnementale pour recycler lesscories d’aluminium. « Il a fallu beaucoup depatience pour convaincre les autorités »,indique Guerra, « il s’agissait en effet d’unesolution totalement nouvelle dans le pays ».

Ingerecuperar compte aujourd’hui 10employés à temps plein, et en 2010 la société arecyclé 195 tonnes de scories d’aluminium, unchiffre qui a doublé au cours du premiersemestre 2011 seulement. La société transformeune partie des scories d’aluminium pourproduire une forme de ciment qu’elle utilisepour fabriquer des blocs de construction, desbancs et des poteaux de clôture.

La Colombie produit environ 500 000tonnes de déchets dangereux chaque année, et,pour en tirer parti, Guerra analyse d’autresvoies de recherche et solutions techniques.Parmi ces nouvelles perspectives figurent desprojets visant à recycler les cendresd’incinérateurs, que l’on trouve par exempledans les incinérateurs de déchets hospitaliers,et la « poussière de conduite » qui est extraitedes conduites industrielles et recueillies dansdes filtres. « Elle est très dangereuse », affirmeGuerra, « car elle est pleine de métaux lourds ».

Le rôle des autorités Le contrôle des déchets dangereux enColombie est la responsabilité de deuxautorités environnementales. Commel’explique Guerra : « D’une côté, on a leministère de l’Environnement qui se chargehabituellement de produire la législationpertinente, et de l’autre, les Sociétés régionalesautonomes (Corporaciones AutónomasRegionales) qui sont censées la faire respecter.Toutefois, les Sociétés régionales se plaignentde ne disposer ni des ressources ni dupersonnel nécessaires pour surveiller toutes les

entreprises. En conséquence, de nombreusesentreprises ne respectent pas la législation,sans pour autant être sanctionnées ».

Lorsqu’on lui demande ce qu’elle aimeraitchanger pour améliorer l’environnementcommercial, Guerra est claire. « Je voudrais unplus grand soutien du gouvernement auxpetites entreprises comme la nôtre – qui sonten phase de lancement et dont l’activité estfavorable à l’environnement – en abaissant lesimpôts et en leur offrant davantaged’assistance. J’aimerais enfin que les Sociétésrégionales autonomes soient plusperformantes et qu’elles obligent réellementles secteurs générateurs de déchets dangereuxà livrer leurs déchets à des entreprises commela nôtre ».

En ce qui concerne la sensibilisation pluslarge des entreprises à la notion d’industrieverte, Guerra considère qu’il reste encorebeaucoup à faire. « Le concept d’éco-industrieest à peine entré dans l’esprit de la plupart desentrepreneurs. Il est très difficile pour lespetits entrepreneurs, qui doiventquotidiennement se battre pour survivre, deprendre des mesures favorables àl’environnement dans leurs entreprises. Lesgrandes entreprises sont les seules quiprennent en compte ces questions ».

Être une femme d’affairesGuerra affirme qu’elle ne fait pas l’objet d’unediscrimination fondée sur le sexe, mais elle sesouvient tout de même d’un incident enparticulier. Un fournisseur dont le contratn’avait pas été renouvelé a appeléIngerecuperar pour convaincre la société de leréintégrer, mais il n’exprimait pas clairementl’objet de son appel. « Quand je lui ai demandéde s’expliquer, il a perdu son sang-froid et ademandé à parler au patron, en disant qu’ilrefusait de se justifier auprès d’une secrétaire.Il a ensuite menacé de me faire licencier pouravoir été impolie et a raccroché ! »

En ce qui concerne la situation des femmesentrepreneurs en Colombie, Guerra considèrequ’en général « elle n’est pas très différente dela situation des hommes. Faire des affaires esttrès difficile dans notre pays, aussi bien pourles hommes que pour les femmes. Il m’estarrivé qu’un homme refuse de négocier avecmoi parce que j’étais une femme, mais cecomportement n’est pas courant ». n

Carolina Guerra est une pionnière de l’éco-entreprenariat originaire de Colombie qui transforme les déchets dangereux en produits utiles. En octobre 2011,

elle a remporté le Women’s Initiative Award de Cartier pour l’Amérique latine.

Concevoir des solutions respectueuses de l’environnement

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Au Liban, les producteurs agricoles locaux se sontorganisés dans le cadre de coopératives. La clé dece type d’organisations est de se réunir desressources et de les mettre en commun : deséquipements de production agricole et d’autresintrants, mais également des connaissances et descompétences en négociation, afin que sesmembres tirent un meilleur parti de leursactivités.

Il existe environ 1 350 coopérativesenregistrées dans le pays. En général, lescoopératives d’agriculteurs sont principalementcomposées d’hommes, mais les coopérativesagro-industrielles comptent également desfemmes. Il existe environ 125 coopératives defemmes rurales impliquées dans l’agro-alimentaire, la plupart d’entre elles étant situéesdans les régions administratives du Bekaa, duNord et du Sud. Leur activité requiert latransformation de produits agricoles bruts enproduits désirables sur le marché, y compris denombreux aliments renommés. La coopérativepermet aux membres de s’assurer une place pourla production de leurs produits, d’obtenir deséquipements et des matières premières, et les aideà pénétrer sur les marchés locaux ou autres.

Les défis Toutes les coopératives rurales, aussi bien cellesdominées par les hommes que celles composéesde femmes, doivent surmonter d’importantesdifficultés pour accéder aux marchés locaux etinternationaux. Les principaux problèmes sontliés aux décennies de négligence du secteuragricole, notamment un manque de politiques enmatière d’investissement, en particulier dans lesecteur coopératif. La part du budget nationalallouée au secteur agricole dépasse rarement les 2%. Une autre difficulté qui se présente est celle dumauvais état des infrastructures, surtout les

routes et les canaux d’irrigation. Cela réduit leschances d’obtenir une bonne récolte et d’assurerla fraicheur des produits à leur arrivée sur lesmarchés.

La mauvaise protection contre les risquesest également problématique. Les travailleurs etles exploitants agricoles n’ont généralement pasaccès aux filets de sécurité, comme l’assurancecontre les mauvaises récoltes ou la sécuritésociale. Comme tout autre habitant du Liban, lesagriculteurs et les producteurs agricolestravaillent dans un contexte d’instabilité à la foispolitique et économique. Les ralentissementséconomiques et les conflits rendent trèsdifficiles de faire face aux dégâts des bâtiments,des biens fonciers et des ressources, auxinterruptions de la production, à l’effondrementdes marchés locaux, et ainsi de suite.

Jusqu’à très récemment, le soutien oul’accompagnement offert par le ministère del’Agriculture aux coopératives rurales n’était quetrès limité. À un niveau plus général, une volontépolitique est nécessaire pour contrecarrer lesméfaits des politiques nationales, régionales etmondiales qui permettent aux marchandisesétrangères d’accéder au marché sans imposer deréglementation, créant ainsi une concurrencedéloyale qui sape les produits locaux. Au niveauplus local, de nombreuses coopératives rurales ontdu mal à répondre à diverses exigences juridiqueset administratives et à suivre les processusinternes de gouvernance participative et inclusive.

Bien qu’à première vue les obstaclesmentionnés ci-dessus semblent affecter aussibien les hommes que les femmes, ils ont unimpact plus grave sur ces dernières qui, en outre,pâtissent d’autres contraintes sexospécifiques.

Tous ces défis s’accumulent et rendentl’activité agricole précaire, angoissante et peutrentable. Il en résulte une tendance croissante

des membres de coopératives de sexe masculin àabandonner l’agriculture, du moins en tant queprincipale source de revenus et à exercer desactivités et des professions non agricoles. Lesfemmes ont en règle générale moins d’options,mais lorsqu’elles peuvent trouver des activitésplus rentables, elles quittent aussi le mondeagricole.

De quoi les coopératives ont-elles besoinpour arrêter cette tendance ? Il leur faut, de touteurgence, un soutien et des investissements. Lesagriculteurs et les agro-transformateurs duLiban ont besoin d’un leadership dugouvernement favorisant l’optimisme et ledynamisme du secteur, d’une reconnaissance durôle crucial qu’ils jouent dans la vie économiquedu pays et d’un soutien pour aider le secteuragricole à croître et à prospérer. En outre, si celeadership vise à permettre aux femmesmembres de coopératives au Liban de jouerpleinement le rôle dont elles sont capables, ildoit comprendre les enjeux spécifiques quicaractérisent la vie des femmes dansl’agriculture.

Les différences sexospécifiques Au Liban, dans un contexte de forte migrationdes hommes vers les zones urbaines etd’augmentation des veuvages liés à la guerre, lesfemmes rurales ont dû se transformer enprincipaux contributeurs à la productionagricole, de la plantation à la commercialisation.

Le développement des coopératives defemmes rurales a commencé, semble-t-il, aumilieu des années 1990, peu après la fin duconflit armé de 15 ans dont a souffert le Liban.Après la guerre, le pays a reçu une aide financièreinternationale considérable destinée à lareconstruction, dont une partie a été investiepour créer des structures génératrices de

Omar Traboulsi décrit les défis rencontréspar les coopératives de femmes rurales dansla République du Liban et présente uneinitiative qui soutient le rôle crucial qu’ellesjouent dans la vie économique du pays.

OMAR TRABOULSI est legestionnaire de programme duCollective for Research andTraining on Development-Action(CRTD-A), une organisation nongouvernementale basée àBeyrouth (République du Liban). Le CRTD-A a pour objectif decontribuer au développementsocial des communautés et desorganisations locales par lerenforcement des capacités,notamment en matière d’analysede la problématique homme-femme, la problématique homme-femme et le développement, lapauvreté et l’exclusion.

Promouvoir des vies et des moyensd’existence durables

Sur la photo : Coopérative defemmes rurales pour latransformation d’aliments,Rashayya, Gouvernorat du Bekaa.

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revenus pour les femmes. Quelques50 coopératives de femmes rurales ont été misesen place et ont bénéficié d’interventionscomprenant la fourniture de matérielinformatique, ainsi que de formations portantprincipalement sur la production technique etla comptabilité.

Toutefois, ces initiatives avaient beauimpliquer des investissements élevés, elles netenaient néanmoins pas compte de certainsfacteurs critiques qui allaient déterminer leursuccès ou leur échec. Au début des années 2000,il devint évident que l’accent mis sur lescoopératives de femmes avait été mal planifié etallait être de courte durée. Malgré le savoir-fairetraditionnel des femmes rurales et l’importancede leurs revenus pour garantir des moyens desubsistance durables, les coopératives defemmes rurales sont confrontées à plusieursproblèmes.

Tout d’abord et surtout, l’énorme problèmede l’accès au marché pour les coopératives defemmes rurales subsiste, malgré qu’ellesproduisent des produits de bonne qualité grâceà leurs compétences et à leurs connaissances.

La mobilité limitée des femmes est uneexplication possible de cette situation. Lesfemmes membres de coopératives ruralessignalent que même si ce sont elles quiproduisent les produits et réalisent tout le travaildans leurs petites agro-entreprises, les normessociales sont si restrictives qu’elles ne sont pasen mesure de voyager toutes seules et d’utiliserles transports en commun. En conséquence,elles ne peuvent pas explorer de nouveauxmarchés, rencontrer les clients et lesfournisseurs et négocier avec eux, ou livrer et/ouacheter des marchandises.

En outre, les femmes ont besoin de soutienpour développer et acquérir des compétences

dans le domaine commercial. Les femmesrurales ont bénéficié de moins d’opportunités deformations et d’enseignement formel, limitantainsi l’acquisition des connaissances et descompétences techniques dont elles ont besoinpour concurrencer les intérêts commerciaux surun pied d’égalité. Bien que certaines femmesrurales aient des capacités et des compétencesinnées hors du commun, elles manquenttoutefois en général d’expérience pour organiseret gérer seules les activités commerciales,administrer d’importantes sommes d’argent,effectuer des opérations financières et établir desrelations directes avec les institutions publiques.La plupart des « intermédiaires » sont deshommes, ce qui complique encore davantagel’accès des femmes au marché, permet auxhommes de s’octroyer les profits du travail desfemmes et renforce la domination masculine surles marchés existants.

L’énorme charge de travail quotidienne desfemmes, en dehors de leurs activités agricoles,est également source de problèmes. Le fardeaudu travail domestique, qui est non rémunéré,non comptabilisé et invisible, et qui doit, quoiqu’il advienne, être réalisé, provoquel’épuisement et le manque de sommeil et deloisirs des femmes rurales.

Favoriser l’accès au marchéEn 2002, le Collective for Research and Trainingon Development-Action a lancé une initiativenationale auprès des coopératives de femmesrurales portant sur quelques 40 coopérativesactives situées principalement dans la région deBekaa. Plus de 600 femmes figurent parmi lesmembres de ces coopératives, dont la plupartsont des chefs de ménage ou contribuent demanière significative aux revenus du foyer.

L’initiative combine la recherche qualitative,

le soutien direct aux femmes s’organisant encoopératives de femmes rurales et le dialoguepolitique avec les décideurs. En s’appuyant surl’expérience concernant les lacunes desprécédentes initiatives, l’accent a été mis sur lapromotion des connaissances et du leadershipdes femmes, ainsi que sur leur accès à la sphèrepublique et politique. Le projet part du principequ’une transformation des relations entre lessexes au sein des ménages est nécessaire pourque les femmes puissent se livrer à des activitéséconomiques rentables et être actives dans lasphère publique. Les recherches actuelles sur cesujet visent à identifier l’impact des coopérativesde femmes rurales en matière d’émergence d’unleadership des femmes rurales ainsi que lesnouvelles possibilités créées pour unecommercialisation solidaire durable. Un autreaxe de recherche essentiel est celui de l’impact etde l’importance de la valeur ajoutée du travaildes coopératives de femmes rurales, à savoirl’utilisation intelligente et rationnelle desressources naturelles pour favoriser des vies etdes moyens d’existence durables.

Le dialogue politique a été renforcé grâce à larécente création par le ministère de l’Agricultured’un comité national, dans l’optique d’élaborerune stratégie nationale en faveur descoopératives. L’un des principaux aspects decette stratégie est l’accès durable au marché,surtout pour les coopératives de femmes rurales,en mettant particulièrement l’accent sur leurutilisation rationnelle des ressources naturelles.

Le feu prix Nobel, Mme Wangari Maathai, adéclaré : « Il ne faut pas traiter uniquement lessymptômes. Il faut parvenir aux causes profondesen favorisant la réhabilitation de l’environnementet l’autonomisation des individus. Les initiativesmise en œuvre sans impliquer les personnesvisées sont vouées à l’échec ».n

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Femmesparticipant à unmeeting politique,Bangalore (Inde),mars 2007.

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Michelle Bachelet, Directrice exécutive d’ONU Femmes, explique pourquoi l’organisation met l’accent sur l’autonomisation économique des femmes, comment les politiquesmacroéconomiques et l’élaboration de politiques peuvent faire avancer l’objectif d’égalité entreles sexes et de quelle manière les obstacles du marché du travail et sociaux qui empêchent lesfemmes d’accéder à de plus vastes possibilités économiques peuvent être surmontés.

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ENTRELES SEXES

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« Seulement 13 des 500plus grandes entreprisesau niveau mondial avaientun PDG femme en 2009 »

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L’indicateur le plus immédiat et important del’autonomisation et du bien-être est obtenu en calculant lesmoyens d’existence, généralement issus d’un emploirémunéré ou d’activités entrepreneuriales. Comme d’autrespartenaires de développement, l’ONU Femmes reconnaît queles efforts pour réduire la pauvreté doivent principalementviser l’autonomisation économique des personnes et leurpermettre ainsi d’augmenter leurs moyens d’existence et depasser au-dessus du seuil de pauvreté.

Les femmes vivent différemment la pauvreté que leshommes, en raison d’inégalités structurelles dans les sociétéset les ménages qui limitent leur capacité à gagner et àcontrôler les revenus. Lorsqu’elles deviennent autonomes auplan économique, les femmes exercent un plus grandcontrôle sur leur vie et peuvent remettre en cause les relationsde pouvoir personnelles et sociales qui limitent leurs optionset perpétuent leur dépendance. (Le concept d’autonomisation implique ainsi de la puissanced’agir, des atouts, des opportunités et des capacités et il est à lafois une question de droits de l’Homme et un problème dedéveloppement).

Pour que l’autonomisation économique des femmesdevienne une réalité, il faut combler plusieurs écarts entre lessexes. Globalement, la part des femmes occupant un emploirémunéré en dehors du secteur agricole a continué d’être à latraîne par rapport à celle des hommes. En Afrique australe, enAsie occidentale et en Afrique du Nord, 20 % seulement despersonnes employées en dehors du secteur agricole sont desfemmes. L’inégalité des sexes sur le marché du travail est aussiun sujet de préoccupation en Afrique sub-saharienne oùseulement un emploi rémunéré sur trois en dehors dusecteur agricole est occupé par des femmes. Cependant,même lorsque les femmes représentent une part importantedes travailleurs salariés, leurs emplois ne sont pas forcémentde qualité ni stables. Les femmes sont en effet généralementmoins bien payées et ont un emploi moins sûr que leshommes. Par exemple :l l’Organisation internationale du Travail (OIT) estime quel’écart salarial moyen entre hommes et femmes est de 10 à 30%. En Europe, l’écart salarial, dans les 30 pays analysés, varie de15 à 25 %, et augmente en fonction des niveaux d’instruction etd’expérience.lAu niveau mondial, plus de la moitié des travailleuses (53 %)

occupent des emplois vulnérables, pour leur proprecompte ou en tant que travailleuses familiales, peu ou nonrémunérées, et n’ont aucune sécurité ni avantages ; danscertaines parties d’Asie et d’Afrique, plus de 80 % destravailleuses appartiennent à cette catégorie.lÀ l’autre extrémité de l’échelle, en 2009 seules 13 (3 %) des500 plus grandes entreprises mondiales avaient un PDGfemme. En Europe, région pour laquelle il existe plus dedonnées comparables, la part moyenne des femmesprésidant des conseils d’administration de sociétésimportantes est également de 3 % seulement.lEn 2009, il existait plus de 200 millions de petites etmoyennes entreprises dans le monde appartenant à desfemmes, soit près de 30 % du total. Les États-Uniscomptaient en 2010 plus de huit millions d’entreprisesappartenant à des femmes, employant plus de 23 millionsde travailleurs et générant 2 860 milliards de dollars US.Dans la région Asie-Pacifique, environ 35 % de l’ensembledes petites et moyennes entreprises sont dirigées par desfemmes. Pourtant, les grandes institutions financières ontété lentes à répondre aux besoins de ces entrepreneurs.lDe nombreuses femmes, en particulier dans les zonesrurales, n’ont pas de terres ou d’autres formes de garantiesnécessaires à l’accès au capital. Pourtant, l’Organisation desNations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)indique que des disparités flagrantes entre les sexespersistent dans toutes les régions concernant lesexploitations agricoles, au niveau de la propriété maisaussi en termes de taille et de qualité des parcelles. lDes études sur l’utilisation du temps dans 44 paysmontrent que les femmes passent au moins deux fois plusde temps que les hommes au travail domestique nonrémunéré, et travaillent davantage, jonglant entre travauxrémunérés et non rémunérés.

Combler ces écarts entre les sexes est essentiel, nonseulement pour les femmes mais aussi pour leséconomies, pour les sociétés et pour les entreprises. Il estde plus en plus reconnu que les pays ne peuvent pas sedévelopper et prospérer sans l’égalité des droits etl’autonomisation des femmes qui représentent la moitiéde leur population.

Ainsi, s’il existe déjà des arguments moraux et fondés surles droits justifiant que l’on lutte contre les inégalités ‰

MICHELLE BACHELET est la première Sous-Secrétaire générale et Directrice exécutive d’ONUFemmes, l’entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes crééele 2 juillet 2010. Elle a été la présidente du Chili de 2006 à 2010. Pendant sa présidence, elle a été àl’origine de la réforme du système de retraite de 2008, comprenant la création d’une retraite de basepour les femmes de foyers pauvres n’ayant jamais perçu de salaire en dehors du ménage et d’uneallocation par enfant pour toutes les mères. Chile Crece Contigo (le Chili progresse avec toi) est unautre programme phare de son administration, reproduit dans d’autres pays d’Amérique latine,fournissant un soutien aux parents et aux enfants depuis leur naissance jusqu’à l’âge de quatre ans.La création d’un grand nombre de garderies et d’écoles maternelles gratuites, donnant aux femmesune plus grande liberté pour entrer sur le marché du travail et une loi visant à combler l’écart salarialentre les sexes, sont d’autres progrès majeurs pour les femmes mis en œuvre au cours de songouvernement. Michelle Bachelet est de longue date un défenseur des droits des femmes, et elle aplaidé en faveur de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes tout au long de sa carrière.

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entre les sexes, je suis également déterminée, depuis maposition à l’ONU Femmes, à continuer de présenter despreuves convaincantes du fait que l’égalité des sexes estfavorable à la prospérité économique et au bien-être social.

Cette argumentation existe déjà en grande partie. Lerapport du Forum économique mondial sur l’écart entre lessexes montre que, dans les 134 pays étudiés, il existe unecorrélation positive entre l’égalité des sexes et le PNB parhabitant. Ce résultat semble pertinent : la Banque mondialeet d’autres organisations ont montré que l’augmentation dela part des femmes dans la population active et la création derevenus favorisent la croissance économique et ont un effetmultiplicateur sur la société dans son ensemble,notamment en termes d’éducation et de santé.

La FAO estime que démocratiser l’accès des femmes à laterre et à d’autres intrants agricoles stimulerait laproductivité agricole et réduirait de 100 à 150 millions lenombre de personnes souffrant de la faim.

Dans le secteur privé, une étude réalisée par la société deconseil en gestion McKinsey & Co. montre que lesentreprises qui comprennent au minimum trois femmesdans leur conseil d’administration ou parmi les cadressupérieurs, ont surperformé de 53 % celles qui n’encomptaient aucune.

Comment les politiques macroéconomiques peuvent faireprogresser l’égalité des sexesLes gouvernements ont un rôle clé dans la redéfinition desobjectifs nationaux et l’élaboration de cadresmacroéconomiques pour atteindre ces objectifs en facilitantune stratégie de développement caractérisée par unecroissance plus équitable et inclusive, et une plus grandestabilité économique.

Les gouvernements doivent se concentrer sur larégulation des marchés – du travail, du crédit et des biens etdes services – de manière à préserver la qualité du travail, àfavoriser l’égalité des chances et à garantir que la politique etles institutions macroéconomiques, y compris l’architecturefinancière internationale, visent à assurer une croissancestable et durable des marchés.

Pour ce faire, les gouvernements doivent disposer d’uneparte d’une marge de manœuvre suffisante dans leurpolitique budgétaire, permettant de détendre les exigences

d’équilibre budgétaire et les plafonds de la dette et d’autrepart d’investissements publics ciblés, de façon à éviter larécession, à conserver les emplois, à soutenir la croissance àmoyen et long terme, et à générer ainsi des revenus accruspour rembourser la dette future. Et, tout aussi important, ilsdoivent pouvoir utiliser activement cette marge afin qu’elleprofite à toutes les personnes, notamment les plusvulnérables. L’impact de la crise économique et financièrede 2008-2009 ainsi que les réponses des gouvernements àtravers le monde, illustrent ce que j’ai souvent dit dans lepassé, « l’État ne peut être neutre ».

Surmonter les obstacles à l’autonomisation économiquedes femmesLes stratégies de l’ONU Femmes pour faire progresserl’autonomisation économique des femmes reposent surtrois piliers : un environnement juridique et d’élaborationde politiques favorable ; l’élargissement de l’accès auxopportunités économiques, y compris l’éducation et laformation, l’emploi et l’entrepreneuriat ; et ledéveloppement du leadership et de la participation dans lesdécisions politiques qui les concernent.

Bon nombre d’économies ne sont plus en mesure degénérer suffisamment d’emplois et de moyens d’existencepour le nombre croissant de nouvelles personnes entrantannuellement sur le marché du travail, ce qui rend larecherche d’emplois difficile pour les femmes et les hommes,et en particulier pour les jeunes. De plus en plus depersonnes ayant perdu leur emploi ou de nouveauxmembres de la population active doivent trouver un travaildans l’économie informelle.

L’ONU Femmes plaide pour une politiquemacroéconomique plus cohérente et plus équitable entreles sexes, axée sur la croissance interne avec un niveaud’emploi élevé plutôt qu’une politique privilégiant uneinflation faible. Elle doit également être ciblée sur lesinvestissements publics et non sur les réductions de servicespublics et des infrastructures. Notre objectif est de mobiliserun soutien coordonné à l’échelle du système des NationsUnies en faveur des pays qui accordent la priorité àl’autonomisation économique des femmes, de les aider àmettre l’égalité des sexes au cœur de leur programme detravail, notamment en matière de protection sociale, et

« En 2009, il y avait plus de 200 millionsde petites et moyennes entreprisesappartenant à des femmes dans lemonde, près d'un tiers du total ... »

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d’adopter des mesures visant à accroître l’accès desfemmes aux actifs productifs et leur contrôle sur cesderniers.

Cela exige de reconnaître et de soutenir le potentieléconomique des femmes. Les décideurs doivent revoir lemodèle classique selon lequel l’homme est le principalsoutien de la famille et les femmes sont des soutiens« accessoires ». Avec le déclin du secteur manufacturier dansde nombreux pays développés, en particulier depuis la criseéconomique mondiale, de nombreux hommes ont perdudes emplois bien rémunérés qui soutenaient ce modèle. AuxÉtats-Unis, par exemple, les femmes étaient les soutiens defamille principaux ou à égalité avec les hommes dans deux-tiers des foyers en 2010. Ailleurs, les femmes dans lesménages pauvres jouent de plus en plus ce rôle en émigrantpour travailler ; en 2009 elles représentaient au moins 50 %des flux de travailleurs migrants en provenance d’Afrique etd’Amérique latine et jusqu’à 75 et 80 % dans certaines partiesd’Asie du Sud et du Sud-Est. Même lorsque les revenus deshommes sont encore plus élevés que ceux des femmes,comme c’est toujours le cas dans la grande majorité des pays,les revenus des femmes sont souvent la clé pour que le niveaude vie des ménages soit supérieur au seuil de pauvreté.

L’impact de la crise sur l’emploi des femmesCependant, alors que, en particulier dans les paysindustrialisés, l’impact de la crise sur l’emploi des femmes aété généralement moins fort que sur l’emploi des hommes,en raison notamment de la concentration des femmes dansles emplois du secteur public, la croissance de l’emploi quis’est produite au cours de la reprise partielle de 2010 a étémoins favorable à l’emploi des femmes qu’à celui deshommes, en particulier dans les pays en développement.Cette tendance se poursuit en raison des réductions depostes dans le secteur public dans le cadre des politiquesd’austérité qu’adoptent actuellement les gouvernements, soitpour satisfaire les conditions des prêts du FMI, soit pourpacifier les marchés obligataires. Que la perte d’un emploirémunéré concerne un homme ou une femme, quel que soitle pays, ce sont toujours les femmes qui se chargent des soinsnon rémunérés (les soins de santé, d’un enfant ou d’unepersonne âgée), pour compenser la perte des services publicsainsi que la baisse des revenus du ménage.

Un environnement politique équitable entre les sexesappelle également à la fourniture accrue d’une protectionsociale minimale, comme l’a demandé le Groupe consultatifsur le socle de protection sociale de l’OIT. Cela permettraitd’assurer un revenu de base par le biais de transferts sociauxen espèces ou en nature, comme des pensions, desallocations familiales, des garanties et des services à l’emploipour les chômeurs et les travailleurs pauvres, tout en offrantun accès universel à un prix abordable aux services sociauxessentiels, tels que la santé, l’éducation, les transports et lesautres services, y compris la garde d’enfants. Les femmesbénéficient tout particulièrement de ces mesures quidiminuent considérablement leur charge de travail liée auxsoins non rémunérés.

La protection sociale doit être considérée comme uninvestissement et non comme un coût. Elle favorised’importantes retombées futures en termes d’améliorationdes résultats de développement humain et en tantqu’instrument clé pour déverrouiller la capacité productivedes femmes. Ces mesures permettraient aux femmes departiciper plus activement à la vie économique en tant quetravailleurs, employeurs, consommateurs et citoyens.

Parmi les autres types d’investissements publicssusceptibles de promouvoir l’égalité entre les sexes figurent: les technologies économes en main-d’œuvre et les sourcesd’énergies alternatives pour la préparation et la cuisson de lanourriture ; l’amélioration des installations d’eau etd’assainissement afin de réduire le temps de collecte de l’eaupar les femmes ; l’amélioration du transport afin dediminuer le temps passé pour se rendre sur les marchés etl’accès aux services publics. Ces investissement réduiraientgrandement le nombre d’heures de travail des femmes etleur permettre ainsi de chercher un emploi rémunéré ou delancer une activité, y compris de travailler sur les marchés etde créer une petite entreprise.

Le suivi de l’impact sur l’égalité entre les sexes desinvestissements et des dépenses publics de toutes sortes, àtravers une analyse sexospécifique des budgets nationaux etlocaux, a permis à des femmes de divers pays et régionsd’analyser l’utilisation de ces fonds et d’utiliser les résultatsde ces recherches pour plaider en faveur de budgets prenanten compte la problématique hommes-femmes dans tous lessecteurs de l’économie, et pas exclusivement dans

« L’augmentation de la part des femmes dans lapopulation active et la création de revenusfavorisent la croissance économique et ont un effetmultiplicateur sur la société dans son ensemble »

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l’éducation et la santé. L’ONU Femmes développeactuellement ses activités dans ce domaine, favorisantl’autonomisation des femmes afin qu’elles exigent de leursgouvernements que leurs engagements en faveur del’égalité des sexes portent également sur d’autres secteurs,comme l’agriculture ou le commerce.

Dans la perspective de Rio +20, l’ONU Femmes met lapriorité sur l’autonomisation économique des femmes parla promotion de stratégies en matière d’économie verte etde cadres institutionnels et de gouvernance prenant encompte la problématique hommes-femmes, ainsi que destratégies nationales de sécurité alimentaire soutenant lestravailleuses agricoles à petite échelle et autres catégoriesde femmes rurales. Nous plaiderons pour le renforcementdes liens entre le développement économique et social etla protection de l’environnement en faveur de l’égalité dessexes et de l’autonomisation des femmes.

Collaboration avec le secteur privé L’ONU Femmes collabore avec les entreprises du secteurprivé pour renforcer leurs capacités à soutenirl’autonomisation économique des femmes tout au long deleur chaîne de valeur. Cela comprend le soutien desfemmes en leur qualité d’exploitants agricoles,producteurs, travailleurs, fournisseurs et recycleurs, entreautres. Ce soutien revêt de nombreuses formes : lerenforcement des capacités, au moyen de formationsprofessionnelles, par exemple ; le soutien aux entreprises ;l’information et le partage des connaissances ; la facilitationde l’accès des femmes au financement et aux réseaux et lamise en place de marchés favorables aux femmes.

Étant donné le nombre croissant de femmestravaillant en tant qu’indépendants il devient nécessairede renforcer les compétences économiques des femmes,d’augmenter leurs connaissances relatives aux exigencesdu marché (concernant, par exemple, de qualité et denormes), d’améliorer leur accès aux marchés et de faire ensorte qu’elles bénéficient du soutien des autorités localeset des organisations d’appui au commerce. Il fautdévelopper et reproduire les pratiques existantes qui ontfait leurs preuves. L’une d’elle est la création d’installationsmultiservices pour les femmes entrepreneurs etpropriétaires d’entreprises afin de les aider à surmonter les

obstacles auxquels elles sont confrontées.Dans cette optique, nous renforçons également notre

partenariat avec le Pacte mondial des Nations Unies pourfaire progresser l’engagement du secteur privé aux principesd’autonomisation des femmes, encourageant les entreprisesà revoir leurs politiques de recrutement et de promotion afind’assurer l’égalité des chances, à nommer de façon proactivedes femmes aux conseils d’administration et aux postes dedirection, et à élargir les appels d’offres afin d’inclure lesfemmes entrepreneurs et les entreprises appartenant à desfemmes.

Dans son rôle de convocateur sur l’égalité des sexes, et dansle cadre de son mandat de coordination du travail sur l’égalitédes sexes du système des Nations Unies dans son ensemble,l’ONU Femmes met l’accent sur le renforcement des réseauxde praticiens pour l’autonomisation économique desfemmes, en réunissant des experts, des dirigeants et desgroupes de femmes, en partageant les connaissances et lesbonnes pratiques et en promouvant la collaboration Sud-Sud.

Nous conseillons également aux gouvernements et ausecteur privé de soutenir la participation et le leadership desfemmes dans l’élaboration des politiques économiques, enfaisant la démonstration, dans tous les pays, que cela estfavorable à l’économie, aux entreprises et aux communautésau sens large.

À travers chacune de ces actions, nous devons éviter qu’aulieu de voir leur autonomisation renforcée, les femmes soientexploitées. Nous y parviendrons en mettant en rapportl’autonomisation économique des femmes et leurs droitséconomiques et sociaux et en faisant le lien entre la politiqueéconomique et l’obligation des gouvernements de faireprogressivement avancer les droits économiques et sociaux.Cela rend plus probable le renforcement réel del’autonomisation des femmes, en particulier des plus pauvres,par leur participation aux marchés.

D’ici à 2015, date limite pour la réalisation des Objectifs duMillénaire pour le développement, l’ONU Femmes estdéterminée à travailler avec les Nations Unies et lespartenaires nationaux pour mettre l’égalité des sexes au cœurdes efforts nationaux et mondiaux visant à atteindre les OMD; notre travail pour améliorer les moyens de subsistance et lebien-être des femmes dans le monde constitue un deséléments clé de ces efforts. n

Des membres de laconférence de l’ONU Femmesen train de plaisanter : « La participation politiquedes femmes – transformerl’égalité des sexes dans lapolitique en réalité, New York,septembre 2011. »

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La microfinance peut constituer un point dedépart important vers l’entreprenariat, maisbien trop souvent les conversations concernantles femmes commencent et finissent au niveaudu microprojet. Aujourd’hui, on a tendance àassocier « entrepreneurs » avec les hommes et« microfinance » avec les femmes. Il est temps defaire évoluer les mentalités. La micro-entreprisen'est pas l'apanage des femmes.

Quand j’ai commencé les reportages sur lesfemmes entrepreneurs dans les zones de conflitou d’après-conflit en 2005, presque tout lemonde, depuis les fonctionnaires du Fondsmonétaire international dans leurs bureauxjusqu’aux travailleurs humanitaires sur leterrain, m’a dit que les seules femmes que jerencontrerais « vendraient du fromage sur lebord de la route ». On ne cessait de me répéterque les entreprises des femmes n’étaient pas decelles qui se développement et qui créent del’emploi et de la croissance économique. Celaétait, semblait-il, strictement réservé auxentreprises des hommes.

Bien que le pourcentage des femmesengagées dans l’entrepreneuriat soitgénéralement plus faible que celui des hommes,il existe cependant des exceptions. Le Ghana, parexemple, compte 120 femmes entrepreneurspour 100 hommes.

Au-delà de la micro-entrepriseMême dans les pays les plus pauvres ettraditionnels, les femmes sont propriétaires decommerces qui prospèrent au-delà du niveau demicro-entreprise. Au Rwanda, j’ai rencontré unepropriétaire de station-service avec plusieursemployés et une femme vendant des fruits et deslégumes, non pas « sur le bord de la route », maissous la forme d’exportations vers la Belgiquedeux fois par semaine. Son entreprise donnaitdu travail à huit personnes simultanément, ycompris son mari, et lui permettait de subveniraux besoins de ses enfants et de plusieurs autresenfants adoptés. À Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine, j’ai rencontré la chef d’entreprised’une nouvelle usine textile implantée près desanciennes lignes de front dont la société, quivend du linge de maison, emploie 20 personnes,majoritairement des femmes, qui peuventaujourd’hui se permettre d’envoyer leursenfants à l’école.

En Afghanistan, un pays réputé présenter undes plus durs contextes pour le développementdes femmes, j’ai rencontré une jeune femme quiavait osé rejeter l’offre de travail d’uneorganisation d’aide internationale, bienrémunéré et avec de nombreux avantages, afin demonter un cabinet de conseil aux entreprises qui,

selon elle, créerait des emplois pour elle-même etbeaucoup d’autres personnes. « Si je décide detravailler pour une agence internationale, je vaisrecevoir un salaire important, mais ce ne sera quepour moi et ma famille, cela n’aidera personned’autre », m’expliquait Kamila Sidiqi à cetteépoque, en 2005. « Si je travaille au lancement dema propre société, je pourrai former et aiderbeaucoup de gens ». J’ai raconté son histoire dansmon livre intitulé The Dressmaker of Khair Khana,publié en 2011.

D’après des études menées par Ernst &Young, les femmes possèdent entre 40 et 50 % desentreprises des pays développés. Une autredonnée issue du Centre for Women’s BusinessResearch (Centre de recherche sur les femmeschefs d’entreprises) révèle qu’aux États-Unis lesfemmes propriétaires d’entreprises ont unimpact économique annuel de 2 800 milliards dedollars. Ces tendances mettent en évidence unpotentiel important, étant donné que lesfemmes, au-delà des frontières et des continents,partagent une même conviction : que l’expansion

des entreprises peut aider une communauté àsortir de la pauvreté. Les femmes du mondeentier contribuent activement à l’amélioration deleurs communautés et bien que les contextessoient différents, les défis auxquels elles sontconfrontées se ressemblent étrangement :

Des défis analoguesTout d’abord, il est difficile pour les femmesd’accéder au capital. À l’échelle mondiale, lesfemmes entrepreneurs rapportent que l’obtentionde fonds est le principal obstacle qu’elles doiventaffronter lors du démarrage et de l’expansiond’une entreprise. Des lois et des traditionsdiscriminatoires en matière de droit de propriétéet de succession exacerbent les difficultésrencontrées par les femmes dans l’obtention degaranties pour les prêts. L’héritage échappe trèssouvent aux femmes et les terres – et les noms –demeurent aux mains des hommes, laissant lesfemmes sans garanties acceptables par lesbanques. De nombreuses femmes actuellementpropriétaires d’entreprises ont dû utiliser leurs

GAYLE TZEMACH LEMMON est membre duConseil des affaires étrangères et auteure de TheDressmaker of Khair Khana. Depuis 2005, elle a écritsur les femmes entrepreneurs dans les zones deconflit ou d’après-conflit telles que l’Afghanistan, leRwanda ou la Bosnie-Herzégovine et elle rédigeaujourd’hui des articles pour Newsweek/Daily Beast.Pour en savoir plus sur son travail, consultez le site :http://www.gaylelemmon.com/journalism

grandVoirplus

Gayle Tzemach Lemmon affirme que les femmesdans les pays pauvres ont besoin de ressourcespour exploiter leur potentiel entrepreneurial etfaciliter l’expansion de leurs petites entreprises.

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propres liquidités pour soutenir leurs sociétés,une limitation qui entrave leur capacité à investiret à obtenir des contrats plus importants.

Ensuite, les femmes n’ont qu’un accès limitéaux différents marchés. Des contraintes socialeset culturelles contribuent à la réduction de lamobilité des femmes, entravant ledéveloppement de leur réseau au-delà de leurscommunautés locales. Les réseauxprofessionnels et les associations, lorsqu’ils sontbien gérés, peuvent aider à surmonter cesobstacles, mais leur financement est souventincomplet. En outre, atteindre des acheteursinternationaux coûte cher en termes d’argentcomme de temps. Les femmes peinent à trouverde nouveaux débouchés, car leurs réseauxconcurrencent difficilement ceux desentrepreneurs masculins, beaucoup plusdéveloppés.

Enfin, les femmes manquent souvent deconnaissances en gestion d’entreprise et decompétences techniques, un désavantage quirésulte des inégalités plus générales entre leshommes et les femmes dans l’accès à uneéducation de qualité. Par exemple, deux tiers des793 millions d’adultes illettrés sont des femmeset, en dépit d’une augmentation du nombre defilles inscrites en école primaire et secondaire, lahausse des taux de scolarisation ne s’est pastraduite par des gains identiques au niveau de laparticipation ou de l’indépendance économiquedes femmes. Les programmes d’enseignementdes affaires pour les femmes sont importants, car,

selon les conclusions du Centre international derecherche sur les femmes, « ils vont bien au-delàdu simple renforcement des compétencestechniques ». En effet, ces formations donnentaux femmes la possibilité de développer leurssociétés, ce qui est également favorable àl’ensemble de la productivité économique et del’investissement social, puisque les femmes sontplus susceptibles d’investir dans l’éducation et lasanté pour elles-mêmes et pour leurs familles.

Potentiel entrepreneurial En dépit de ces nombreux obstacles, les femmesentrepreuneurs que j’ai rencontrées n’ont jamaisbaissé les bras. Aujourd’hui, leur ténacité devraitêtre soutenue par un investissement dans lesressources pour exploiter leur potentielentrepreneurial et faciliter la naissance de petitesentreprises et leur expansion. Accompagner lesfemmes qui montent leurs entreprises et créerdes produits financiers répondant à leursbesoins serait bénéfique non seulement pourleurs familles, mais aussi pour l’économie locale.Dans un article publié dans Bloomberg en mars2011, Hillary Clinton, alors Secrétaire d'État desÉtats-Unis, expliquait que les femmesreprésentent un marché émergent et que quandelles « ont la liberté de monter leurs entreprises,les bénéfices économiques, politiques et sociauxs’étendent bien au-delà de leur propre foyer ». Enignorant la moitié de leurs ressources enentrepreneurs de talent, les pays du mondeentier brident leur potentiel économique.

Les organisations telles que Mercy Corps,Goldman Sachs 10 000 Women, Bpeace et PeaceDividend Trust, entre autres, ont concentré leurattention sur ces femmes d’affaires dans despays telles que Le Salvador, le Libéria etl’Afghanistan, afin de les aider à saisir lesopportunités de marché et à acquérir lesconnaissances indispensables à la croissance deleurs nouvelles entreprises. Leur travail nedevrait plus constituer l’exception, mais plutôtdevenir la règle pour que le monde aille au-delàdu microprojet et voie plus grand pour lesfemmes.

Au cours des dix dernières années, de plus enplus de personnes dans le monde considèrent lamicrofinance comme le meilleur moyen desortir les femmes de la pauvreté. Les histoires defemmes propriétaires de vaches, vendant desfleurs ou fabriquant des objets artisanaux se sontrépandues, et la reconnaissance de l’importancedes femmes en tant que partenaires dans la luttecontre la pauvreté et la création d’un monde plusstable a progressé.

Pourtant, si la microfinance fait sans aucundoute partie de la solution, il faut veiller à ne pastomber dans le travers consistant à penser qu’ellereprésente la totalité de la solution dans le cas desfemmes. À trop nous concentrer sur les vertus dupetit, nous avons largement ignoré le moyen, demême que les contributions des femmes et lesluttes qu’elles mènent dans le monde entier pourtransformer leurs start-ups en grandesentreprises florissantes. n

Couturièreafghane,Kaboul.

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L’héritage le plus persistant de la criseéconomique mondiale est probablement celui del’irréductible crise de l’emploi qui pèse sur lamain d’œuvre du monde entier. Le chômageatteint des niveaux record dans bon nombre despays les plus riches du monde, mais c’est le sous-emploi qui menace les travailleurs les pluspauvres et les plus vulnérables de la planète. Ne comptant que sur un accès limité auxopportunités d’emploi formel – avant commeaprès la crise – la plupart des sources potentiellesde revenus des habitants des pays endéveloppement se trouve dans l’économieinformelle. Ce type d’emplois se caractériseprincipalement par des salaires bas et des risquesélevés, ainsi qu’une protection juridique etsociale limitée. L’augmentation du sous-emploiindique que de plus en plus de personnestravaillent mais ne gagnent pas suffisammentd’argent pour échapper à la pauvreté. Et tandisqu’une nouvelle série de sauvetages financiersdes économies les plus riches du monde sembleimminente, la pression s’accroît à la base de lapyramide mondiale.

Les femmes sont en général grandement sur-représentées au sein de la main d’œuvreinformelle. En Inde, par exemple, neuf femmessur dix travaillant en dehors du secteur agricolesont en situation d’emploi informel. Qui plus est,il existe une forte corrélation entre le fait d’êtreune femme, le fait de travailler dans l’économieinformelle et celui d’être pauvre. Par rapport àleurs homologues masculins, les femmes sontplus susceptibles d’être des travailleusesindépendantes et sous-traitantes, et moinssusceptibles d’être des employeuses ou desemployées rémunérées d’entreprisesinformelles. Elles sont aussi très souvent lessoutiens de famille ou contribuent largement aubudget du ménage. Ainsi, les femmes employéesdans le secteur informel se retrouvent-elles à latête de bon nombre des ménages les plusvulnérables du monde au plan aussi bienéconomique que social.

Bonnes et mauvaises époquesBien qu’il soit difficile de nier qu’elle augmentede jour en jour, la main d’œuvre informelle estpourtant rarement prise en compte dans le cadredes discussions sur la crise économique, que cesoit comme point d’intérêt, ou comme sujetd’étude ou d’intervention. On part généralementdu principe que l’économie informelle estsuffisamment flexible pour s’adapter aux chocséconomiques tout en offrant un refuge auxtravailleurs formels retranchés. La réalité estautre. Dans une économie mondiale où leséconomies formelles et informelles sont liées defaçon dynamique, les travailleurs informels nepeuvent être immunisés contre les effets de lacrise. L’économie informelle se caractérise parune sensibilité à la demande, une fluctuation desprix et le jeu des dynamiques de la concurrencependant les périodes de vaches grasses et devaches maigres.

Fin 2008, les partenaires du projet Villesinclusives, avec l’orientation et la coordinationglobale du réseau international « Women in

Un tableau moroseUn an plus tard, les répondants ont dépeint untableau tout aussi morose : quelques évolutionspositives, mais un retard général de la reprise dessalaires et de l’amélioration des conditions detravail. Le chômage et le sous-emploi persistantsavaient poussé de plus en plus de travailleurs versle secteur informel et de nombreux répondantsavaient continué à travailler plus d’heures pour unsalaire réduit. Tandis qu’en 2009, 77% desrépondants avaient indiqué que leurs revenusavaient chuté au cours du premier semestre 2009,55% d’entre eux signalaient une diminutionsupplémentaire entre juin 2009 et juin 2010.Certains répondants ont annoncé uneaugmentation, mais aucun n’a vu ses revenusremonter au même niveau qu’avant la crise, etdans la plupart des cas, la hausse des revenusn’avait pas suffi à compenser l’augmentation ducoût de la vie.

La vulnérabilité – la probabilité qu’un chocne se traduise par une diminution du bien-être –avait augmenté pour les ménages dépendant desrevenus issus du travail informel, les femmes etles enfants étant particulièrement exposés.Fortement motivées à continuer de travaillerpour le bien-être de leurs familles, les femmess’étaient battues davantage encore pour lesalimenter, tout en fournissant des niveauxsimilaires, voire supérieurs, de soins et de tâchesdomestiques non rémunérés. Ces femmes quitravaillent, affectent souvent l’intégralité deleurs revenus aux dépenses du ménage – unfardeau de plus en plus lourd à porter en raisondu chômage chronique et du sous-emploi quitouchent d’autres supports financiers du foyer.Bien que consacrant de plus en plus en temps autravail rémunéré, les femmes avaient de moinsen moins les moyens de payer les quelquesfacilités qui auraient pu alléger leur fardeau nonrémunéré, comme des repas préparés ou desservices de garde d’enfants.

De nombreux répondants étaientconfrontés à une diminution des ressources quise poursuit encore, étant donné que les prix desaliments et des combustibles sont restés élevésdepuis début 2008. Forcées de limiter à la fois laquantité et la qualité de la nourriture, lesfemmes servaient moins de repas, tandis que lesarticles de « luxe » comme le lait et la viandeavaient été éliminés dans de nombreux foyers.Les coûts liés à l’école étaient égalementdifficiles à couvrir. Tandis que peu d’enfantsavaient quitté l’école en 2009, les abandons ontaugmenté en 2010 en raison des contraintesmontantes. Les femmes étaient inquiètes desconséquences de ces mesures sur leurs enfants,soulignant le fait que la crise avait accentué lerôle des femmes en tant que gardiennes dutransfert de la pauvreté d’une génération àl’autre.

RéponseIl est essentiel que les décideurs politiquesreconnaissent que l’économie informelle estune source fondamentale d’emploi pendant lespériodes de vaches maigres et de vaches grasses.Dans un contexte où les prévisions d’instabilité

Zoe Elena Horn examinel’impact de la criseéconomique internationalesur les femmes dansl’économie informelle.Informal Employment: Globalizing andOrganizing (WIEGO) », ont commencé à pallierle manque d’information concernant l’impact dela crise sur les travailleurs informels, enparticulier les femmes. Les chercheurs ontprocédé à l’organisation d’entretiens individuelset de groupes de discussion dans 14 localitésurbaines à travers l’Afrique, l’Asie et l’Amériquelatine, et dans trois segments de l’économieinformelle : le travail effectué à domicile, lecommerce dans la rue et la collecte de déchets.

Les premières conclusions, tirées début 2009,suggéraient que les participants avaient été toutautant atteints par la crise que leurs homologuesformels. Les travailleurs indépendants avaientsouffert directement ou indirectement de ladiminution de la consommation et de la baisse dela demande sur les marchés locaux. Les clientsétant à court d’argent, les vendeurs dans la rue etles producteurs travaillant à domicile avaient dûbaisser leurs prix, malgré l’augmentation des prixdes intrants. Les ramasseurs de déchets s’étaientretrouvés confrontés à l’effondrement des prixdes matériaux collectés en raison d’unediminution de la demande mondiale en matièrede recyclage. Les travailleurs salariés avaient pâtide la chute des commandes de travail pour desproduits destinés à l’exportation. Pour couronnerle tout, les travailleurs informels avaient vu laconcurrence augmenter avec l’arrivée denouveaux entrants sur leur marché, alors qu’ils necomptaient pas sur aucun filet de sécurité socialou économique pouvant les soutenir.

FAIREFACE ÀLA CRISE

ZOE ELENA HORN a coordonné l’étude des Villesinclusives relative aux effets de la crise économiquesur les travailleurs informels. Elle est égalementl’auteure de No Cushion to Fall Back On: The GlobalEconomic Crisis and Informal Workers et de Copingwith Crisis: Lingering Recession, Rising Inflation, andthe Informal Workforce. Villes inclusives est unecollaboration entre des organisations fondées surl’adhésion de travailleurs pauvres, des alliancesinternationales d’organisations fondées surl’adhésion et des organisations de soutienengagées dans l’amélioration de la situation destravailleurs pauvres.

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économique se prolongent et où une quantitétoujours croissante de main d’œuvre opte pourles moyens d’existence informels, l’extension dela protection sociale et économique pour cestravailleurs est devenue plus vitale que jamais.L’emploi informel reste une énigme pour denombreux décideurs politiques. La consultationavec les travailleurs informels est donc plusessentielle que jamais dans le cadre dudéveloppement d’une stratégie de réponse à lacrise. En 2009 et 2010, on a demandé auxrépondants à l’étude sur les Villes inclusives deproposer différentes interventions possiblespour affronter la crise et de les classer. Sanssurprise, les travailleurs ont alors dénoncé lesmesures bouche-trou et classé commeprioritaire la reconnaissance des activités quileur procurent des moyens d’existence.

Il faut, par-dessus tout, permettre auxtravailleurs de gagner leur vie. La diminution desobstacles au travail informel – harcèlement,rafles, interdiction d’accéder aux déchets –permet aux travailleurs de continuer d’alimenterleurs familles pendant les époques difficiles. Laprotection des salaires et l’inclusion d’un régimede salaire minimal sont égalementfondamentales pour protéger les revenus destravailleurs. De plus, de petits investissementssur les lieux de travail – l’accès à l’eau et auxtoilettes dans les marchés, des équipements pourla manipulation des déchets, la subvention del’électricité pour les personnes travaillant à leurdomicile – auraient pu avoir des effetsconsidérables en termes d’augmentation desrevenus et du bien-être. Les travailleurspourraient aussi grandement profiter deprogrammes visant à améliorer l’éducationfinancière et l’accès aux services financiers.Préoccupés par leur avenir, les répondantsétaient très demandeurs de formations et derenforcement de leurs compétences, ainsi qued’améliorations dans l’accès et la connaissancedes marchés, par exemple grâce à leur inclusiondans des programmes municipaux de ramassagedes déchets. Enfin, le principal investissementdoit être effectué dans la création de mesures deprotection sociale ciblées pour les travailleursinformels – comme des services de santé et degarde d’enfants spécialisés – pour faire face auxinsécurités chroniques auxquelles sontconfrontés ces travailleurs dans les domaines del’alimentation, de la santé et de l’éducation .

Les femmes employées de façon informellejoueront un rôle particulièrement important entant qu’agents du changement. Les femmes sontsouvent les moins visibles et les plus vulnérablesau sein de l’économie informelle, alors qu’ellessont souvent les agents économiques et sociauxles plus puissants de leur ménage et de leurcommunauté. Leur mobilisation et leur rôle deleadership seront fondamentaux pourl’amélioration des vies de nombreux travailleurset de leurs familles à travers le monde endéveloppement. C’est pour cette raison qu’il estessentiel qu’à l’avenir les gouvernements, commeles institutions économiques et internationales,surveillent de plus près les aspects sexospécifiquesde l’économie informelle.n

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Johannesburg est lacapitale de la provincede Gauteng – la plusriche d’Afrique du Sud– et elle est aussi lacapitale économique etfinancière de l’Afriquesubsaharienne.

L’Afrique du Sud, la superpuissance incontestéede l’Afrique, a la plus grande économie ducontinent. Depuis la fin de l’apartheid et lespremières élections multiraciales en 1994, lepays a connu une forte croissance économique.Si la crise économique mondiale de 2009 adéclenché la première récession du pays en17 ans, dès la fin de l’année 2010 se dessinait déjàune reprise générale, principalement due aurenouvellement de la demande mondiale demarchandises, aux dépenses liées à la Coupe dumonde 2010, à la reprise de l’industrieautomobile et à la demande croissante deproduits chimiques.

Principalement réputée pour ses métauxprécieux, ses fruits et son vin, l’Afrique du Sudest passée, ces dernières années, d’une économiedominée par les exploitations minières etagricoles à une économie où les produitsmanufacturés et les services financiers sont àl’origine de la majorité du produit intérieur brut(PIB).

L’Afrique du Sud fournit un large éventailde produits de grande consommation,notamment des denrées alimentaires, destextiles et des vêtements, des chaussures et desproduits issus de la métallurgie, de la chimie etdu papier. Néanmoins, ce secteur s’est affaiblilorsque, à la fin du régime de protection deséchanges établi du temps de l’apartheid,

quelques industries de grande consommationse sont avérées peu compétitives sur le marchémondial. En parallèle, depuis 1994, le volumedes moyens de production – c’est-à-dire desobjets qui sont utilisés pour produire d’autresbiens et services – a augmenté. Les métaux etl’ingénierie, en particulier les produits associésà l’acier et l’industrie automobile, sont leséléments clés de ce secteur. Au cours des dixpremières années du XXIe siècle, un boom desprojets de construction axés sur lesinfrastructures a été à l’origine d’une fortedemande en biens associés tels que lesmachines électriques, le fer et l’acier, lesproduits en métal non ferreux, les produitsmétallurgiques et les machines.

Aujourd’hui, l’industrie manufacturièrecontribue à 15 % du PIB et joue un rôleessentiel en tant qu’employeur et sourced’exportations. Certains sous-secteurs commele textile continuent de souffrir de laconcurrence des fournisseurs asiatiques moinschers, mais le segment vital de l’automobile, quiest la plus importante industriemanufacturière, voit sa croissance futureassurée grâce au récent investissement de lapart de multinationales clés.

La croissance de l’économie au cours desdernières années a permis une baisse sensible dela pauvreté de revenu. Parmi les réussites

Afrique du Sud

ZOOM SURUN PAYS

notables en matière de développementfigurent : une nette hausse des inscriptions àl’école secondaire, passant de 45 à 72 % entre1991 et 2008 ; la construction de 1,6 milliond’unités de logements gratuits pour les famillesà faible revenu depuis 1994 ; une hausse del’accès à l’électricité, passant de 34 % en 1993 à81 % en 2007 – des améliorations analogues ontété rapportées pour l’eau et l’hygiène publique –et une plus grande couverture du système deprotection sociale qui subvient avant tout auxbesoins des enfants, et qui est passé de2,5 millions de bénéficiaires en 1999 à plus de13 millions en 2009.

En dépit de ces progrès, l’Afrique du Sud esttoujours aux prises avec des différencesextrêmes en matière de revenus et de richesse.Les inégalités augmentent et les pauvrescontinuent d’avoir un accès limité auxdébouchés économiques et aux services de base.Les défis du développement humain pèsentlourd. L’espérance de vie n’est que de 51 ans etl’Afrique du Sud compte aussi le plus grandnombre de personnes porteuses du VIH/SIDAdans le monde (plus de 5,5 millions). Lesproblèmes de santé actuels sont hérités del’apartheid et du système du travail migrantresponsable de transformations sociales qui ontmené à la destruction de la vie de famille, à desabus d’alcool et à des violences (notamment à

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l’égard des femmes). Le système de santéfavorise encore grandement les élites.

Le niveau de chômage élevé constitue undes défis clés de l’économie. L’Afrique du Sudpossède l’un des plus bas taux de participationau marché du travail au monde et l’un des plushauts taux de chômage. Selon un récent rapportde l’Organisation de coopération et dedéveloppement économiques (OCDE), sur les32 millions de personnes en âge de travailler,seules 13 millions (soit 40 %) ont un travail,contre environ 60 à 75 % sur d’autres marchésémergents à revenu intermédiaire. Un Sud-Africain sur trois en âge de travailler, dont lamoitié des jeunes noirs âgés d’entre 15 et 24 ans,est au chômage.

Les autorités, reconnaissant la gravité de lasituation, ont mis la création d’emplois en têtede liste de leurs priorités pour les budgets desannées 2010 et 2011. La Nouvelle voie decroissance (New Growth Path ou NGP enanglais) détermine un objectif ambitieux : créercinq millions d’emplois supplémentaires dansles dix prochaines années, afin de réduire de10 % le taux de chômage. La stratégie de la NGPrepose sur l’augmentation des investissementsdans cinq secteurs clé, le développement descompétences, l’amélioration de la qualité desservices publics et une intégration économiquerégionale accrue. Pravin Gordhan, le ministre

des Finances, estimait récemment qu’il faudraitatteindre une croissance économique de 6 % paran durant les 20 ou 30 prochaines années pourpouvoir constater une avancée significativedans le domaine de l’emploi. Comme lescritiques l’ont souligné, un tel niveau decroissance soutenue n’a pas été atteint depuis lemilieu des années 1960 et il semble peuprobable qu’il soit retrouvé à l’heure actuelle.

Le président Jacob Zuma a placé l’aide auxéconomies émergentes et les alliances parmi lespriorités de sa présidence. En avril 2011,l’Afrique du Sud a officiellement intégré legroupe BRIC (désormais BRICS), aux côtés desgéants économiques que sont le Brésil, laRussie, l’Inde et la Chine. L’Afrique du Sudprend également beaucoup plus au sérieux sonappartenance au forum de dialogue IBSA, unregroupement international visant àpromouvoir la coopération mondiale entrel’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud. L’IBSArenforce la collaboration Sud-Sud entre ces troisgrands pôles et leur offre une plate-forme dediscussion en vue d’une coopération dans lesdomaines, entre autres, de l’agriculture, ducommerce, de la culture et de la défense.

Le changement climatique et les émissionsde carbone s’annoncent comme un autre déficonsidérable, d’autant plus que l’économie dupays génère énormément d’émissions de CO2.

L’Afrique du Sud couvre 77 % de ses besoinsd’énergie grâce au charbon et ses émissions decarbone par tête sont plus élevées que dansn’importe quel pays développé, et ce, bien quede nombreuses personnes n’aient pas accès àl’électricité. Le travail se poursuit pour mettreen œuvre une politique officielle sur lechangement climatique, basée sur les énergiesrenouvelables, l’efficacité énergétique et lesindustries vertes à faible émission de carbone.Lors de son discours à l’Organisation desNations Unies pour le développementindustriel (ONUDI) lors du Forum de l’énergiede Vienne en juin 2011, Dipuo Peters, ministrede l’Énergie, a déclaré que le soleil et le ventétaient d’excellentes sources d’énergiepermettant de satisfaire des besoins limités, telsque l’éclairage du foyer, mais pas la demande debase de l’industrie lourde. Elle a ajouté quel’Afrique du Sud avait d’importants besoinsénergétiques et d’abondantes réserves decharbon et que par conséquent deux grandescentrales électriques au charbon de 4 500 MWallaient être construites. En réponse auxcritiques portées au sujet des émissions decarbone, Peters a précisé que ces nouvellescentrales à charbon utiliseraient lestechnologies de captage et de stockage ducarbone. n

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Vous avez récemment déclaré que les défisclimatiques ne pouvaient être relevés sans laprésence de femmes indépendantes etinstruites. Pouvez-vous expliquer pourquoi ?Les femmes des pays en voie de développementdépendent grandement des ressourcesnaturelles locales pour leur subsistance, parcequ’elles sont responsables del’approvisionnement de leur famille en eau, ennourriture et en énergie pour cuisiner et sechauffer. Les effets du changement climatiques,notamment la sécheresse, une pluviositéincertaine et la déforestation compliquentl’obtention de ces ressources. Par conséquent,tous les efforts consacrés à la lutte contre lamenace du changement climatique serontinsuffisants s’ils ne sont pas accompagnés del’autonomisation et de l’éducation des femmes.

À l’échelle internationale, les femmes sontbien positionnées pour œuvrer comme agentsdu changement par le biais d’activitésd’atténuation et d’adaptation au sein de leurfoyer, sur leur lieu de travail et au sein de leurcommunauté et de leur gouvernement. Elles nepeuvent être ignorées dans le cadre de l’effortmondial visant à relever les défis posés par lechangement climatique. Des femmesautonomes et instruites peuvent faire des choixenvironnementaux plus sages, en particulier

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Anticipant la Conférence de la Convention-cadre des Nationsunies sur les changements climatiques (CCNUCC) qui a eu lieu à Durban du 28 novembre au 9 décembre 2011, le magazineMaking It s’est adressé à Maite Nkoana-Mashabane, la ministresud-africaine des Relations internationales et de la Coopération.

Afrique du SudZOOM SURUN PAYS

Les agentschangement

du

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lorsqu’il s’agit de se procurer les ressourcesnaturelles indispensables à leur subsistance.Elles peuvent aussi opter pour des solutions plus« vertes » pour le chauffage, la cuisine et l’énergie.

Dans les pays en voie de développement, lesfemmes produisent jusqu’à 80 % de lanourriture, comme c’est le cas ici, en Afrique duSud. L’acquisition de connaissances permettraaux femmes de cultiver de manière plusintelligente, en utilisant des semences et desproduits mieux adaptés à l’environnementmondial actuel en mutation. Ce n’est que si lesfemmes reçoivent le même accès à la formation, à l’information, au crédit et aux programmes dedéveloppement des compétences qu’elles serontcapables de participer pleinement aux initiativessur le changement climatique.Quelles sont les mesures et les actionsd’adaptation au changement climatique quiaideront à faire progresser l’émancipation desfemmes d’Afrique ? Un effort mondial est nécessaire pour garantirnon seulement le soutien aux femmes qui sontconfrontées à des catastrophes, mais aussi pourprocéder à des interventions significatives pourrésoudre le problème du changementclimatique. Je pense les politiques d’atténuationet d’adaptation qui ne tiennent pas compte del’égalité entre les sexes seront inefficaces etaugmenteront la pauvreté et l’insécuritéalimentaire.

Une approche cohérence est indispensablepour aborder les défis particuliers auxquels lesfemmes se trouvent confrontées et leur rôle enfaveur du développement durable. Une telleapproche se doit d’inclure une adaptation auchangement climatique qui permette de lutter lechangement climatique et de réduire lavulnérabilité des systèmes naturels et humainsface à ses effets.

Pour que l’Afrique s’adapte de façon à créerun climat propice à la poursuite del’émancipation des femmes, les accordsinternationaux conclus sur le changementclimatique doivent, avant tout, bénéficier d’unsoutien à l’adaptation sous toutes ses formes,qu’il s’agisse de la technologie, des compétencesou de la finance. L’Afrique est l’un des continentsles plus vulnérables en raison de l’étendue desrépercussions attendues et de la faible capacitéd’adaptation de la région. L’adaptation doit parconséquent tenir une place centrale dans lesconclusions de la Conférence de Durban sur lechangement climatique (COP17/CMP7) etprendre en compte le besoin urgent d’une aideimmédiate et adéquate en termes de mesures etd’actions, notamment la mise à disposition deressources financières publiquessupplémentaires et conséquentes, detechnologies protectrices de l’environnement et

le renforcement des compétences de manièresûre et rapide.

Les priorités de l’Afrique résident dans lamise en place de programmes de lutte contre lechangement climatique et de projets pouratteindre ses objectifs de développement,notamment les Objectifs du Millénaire pour ledéveloppement. À cet égard, il est important queles pays développés et les partenaires apportentun soutien total à l’application des stratégies enAfrique, et plus particulièrement à la mise enœuvre des programmes nationaux d’action etd’adaptation pensés pour les pays les moinsdéveloppés d’Afrique. En tant que nouvelleprésidente du COP17/ CMP7, l’un de mesprincipaux objectifs est de garantir quel’ensemble des accords adoptés à Durban sebasera sur ces principes. C’est ainsi que j’aiobtenu le soutien de l’Union africaine au sein delaquelle les chefs d’État ont déjà rendu prioritairel’adaptation au changement climatique.Comment peut-on garantir que lesmécanismes de financement pourl’adaptation seront suffisamment flexiblespour prendre en compte les besoins et lespriorités des femmes ? Nous savons que les répercussions duchangement climatique et les mesuresd’atténuation et d’adaptation affectentdifféremment les femmes et les hommes. Les femmes sont non seulement davantagedépendantes des ressources naturelles les plusmenacées par le changement climatique, maiselles n’ont en outre qu’un accès limité au crédit,aux technologies et à l’information.

Un Comité transitoire constitué dereprésentants de 25 pays en voie dedéveloppement et de 15 pays développés a étéchargé de créer le Fonds vert pour le climat. Il lui a été demandé de soumettre sesrecommandations pour approbation auCOP17/CMP7 à Durban en novembre 2011. Les femmes dirigeantes présentes à Durbandevraient par conséquent examiner lesditesrecommandations pour garantir qu’ellesreflètent bien les priorités et les besoins desfemmes. Vous avez déclaré qu’il faut garantir laparticipation des femmes aux initiatives sur lechangement climatique. Sachant que les femmes sont fréquemment sous-représentées lors du processus de prise dedécisions en matière de gouvernanceenvironnementale, comment le rôle des groupeset des réseaux de femmes peut-il être renforcé ?

Le fait que les femmes soient sous-représentées lors du processus de prise dedécisions en matière de gouvernanceenvironnementale constitue une inquiétudemajeure pour moi et pour d’autres femmes

dirigeantes. À l’instar de bon nombre dedirigeants au niveau mondial, je pense que lesfemmes devraient être représentées à égalitédans les structures de prise de décisions afin deleur permettre de partager leur expertise et leurpoint de vue à la fois uniques et précieux dans ledomaine du changement climatique.

En tant que nouvelle présidente duCOP17/CMP7, je fais appel à toutes les partiesconcernées pour faciliter et accroître laparticipation des femmes, et toutparticulièrement au niveau local, dans les prisesde décisions. Il est vital que, avant même demettre en œuvre des politiques de changementclimatique, les gouvernements, les programmesdes Nations Unies, les fonds, les agences et autresorganismes compétents prennent les mesuresnécessaires pour permettre aux femmes departiciper pleinement à tous les niveaux de laprise de décisions en rapport avec le changementclimatique.

Dans le cadre du travail que nous effectuonsen préparation du COP17/CMP7, legouvernement sud-africain entamera unprofond dialogue avec les différentescommunautés d’Afrique du Sud et les femmesparticiperont à ces échanges. Nous souhaitonsencourager les femmes de toute l’Afrique du Sudà prendre part au dialogue et à partager leursidées et leurs préoccupations avec nous.

Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pourgarantir aux femmes une voix forte à Durban.Les pays du groupe BASIC (Brésil, l’Afriquedu Sud, Inde et Chine) figurent parmi ceuxdont l’industrialisation est la plus rapide aumonde et, en tant que tels, ils devraient jouerun rôle central pour relever les défis duchangement climatique. Comment le groupeBASIC peut-il demander aux autres pays delimiter leurs émissions de gaz à effet de serre(GES) alors qu’il en produit lui-même de plusen plus ? Le groupe BASIC souhaite un accord commun,juste et équitable sur le changement climatiquequi soit favorable aussi bien aux pays développésqu’aux pays en voie de développement. Ce grouped’économies en voie de développementpréconise un accord qui reconnaisse que tous lespays, y compris les leurs, aient une responsabilitécommune envers la réduction des émissions,mais sans que cela n’entrave le développementdes pays en voie de développement.

L’Afrique du Sud met actuellement en placedes actions d’atténuation nationales quiaboutiront à la réduction de 34 % des émissionsd’ici à 2020 et de 42 % d’ici à 2025. Nous sommeségalement en train de terminer notre livre blancsur la politique nationale de réponse auchangement climatique qui mettra en valeurnotre leadership dans ce domaine. n

<< Les politiques d’atténuation et d’adaptation qui ne tiennent pas compte de l’égalité entre les sexes seront inefficaces. >>

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Au cours du XXe siècle, la population mondialea été multipliée par 4, la production économiquepar 40, l’utilisation de combustibles fossiles par16, les captures de poissons par 35 et laconsommation d’eau par neuf. Ce phénomène aété appelé la « grande accélération », expressionqui colle bien avec la métaphore inspirée del’automobile du titre de cet article.

Il y a cent ans, quand la population était de1,5 milliard de personnes, cette croissancesoutenue convenait parfaitement. Elle nousprocurait santé, bien-être et richesse. Ce n’estplus le cas avec une population de 7 milliardsd’individus. Chaque jour, 140 000 personnessupplémentaires voient le jour et partagent uneplanète qui, elle, conserve la même taille. Nousn’avons pas d’autre planète : nous n’avons doncpas d’autre choix que d’utiliser de manière plusrationnelle les ressources qu’elle nous offre.

L’utilisation rationnelle des ressources n’estpas un choix : c’est une nécessité. Le seul choixqui s’offre à nous consiste à décider d’agir dèsmaintenant ou à attendre d’y être forcés et queles ressources naturelles essentielles soientépuisées et deviennent hors de prix. Pourrevenir à la métaphore inspirée de l’automobile,si nous voulons continuer à accélérer, nousdevons changer de route, car sinon, nous filonsdroit dans le mur.

Prix et coûtsÀ quoi devrait alors ressembler cette nouvellefeuille de route ? Examinons ce qui nous arendus jusqu’à présent si compétitifs pour voirce qui est en train de changer.

L’Europe a peu de ressources minérales.Nous importons 48 % du minerai de cuivre, 64 %du zinc et de la bauxite et 78 % du nickel. Nousimportons tout le cobalt, le platine, le titane et levanadium que nous utilisons. Notre continentétant hautement dépendant des importations,on pourrait s’attendre à ce que nous gérionsefficacement nos ressources. Pourtant, en raisonde la baisse des prix en termes réels au cours des150 dernières années, ce n’est pas le cas, saufpendant les guerres et les crises pétrolièresponctuelles.

Pendant la même période, le coût du travaila continué à augmenter. Pour rester compétitifs,nous avons dû déployer toute notre ingéniositépour répondre à l’augmentation des coûts parune augmentation massive de la productivité,que nous avons multipliée par 20 pendant cesmêmes 150 ans. Cette augmentation conjointedes coûts et de la productivité a alimenté lemoteur de notre progrès technologique.

Ingéniosité et innovationLa principale tendance actuelle est la fin desressources bon marché. Le coût des matièrespremières s’élève à plus de 40 % des coûts totauxde l’industrie manufacturière alors que le coûtde la main-d’œuvre ne dépasse pas 20 %, il estainsi clair que nous devons désormais fairepreuve de la même ingéniosité et capacitéd’innovation pour augmenter la productivitédes ressources, comme nous l’avons faitautrefois avec le travail.

Repartir –avec unenouvellefeuille derouteJanez Potočnik, le commissaire européen à l’environnement, explique pourquoi lesécologistes et l’industrie en Europe doiventtravailler ensemble pour dissocier lacroissance de l’épuisement des ressources.

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Dans un monde aux ressources limitées,notre manque de ressources signifie que lecycle traditionnel du « j’extrais, j’utilise, je jette,j’extrais, j’utilise, je jette » ne fera qu’accentuernotre dépendance vis-à-vis des sources externesd’approvisionnement et notre vulnérabilité faceaux hausses de prix.

C’est ce message qui me saute aux yeux à lalecture des documents de travail. C’est cemessage que je déchiffre dans la politiqueindustrielle du Japon et de la Corée. C’est cemessage que je retrouve dans le dernier planquinquennal chinois.

EnfermésIl s’avère qu’après quelques siècles de croissancebasée sur une utilisation intensive desressources, nous sommes « enfermés » dans desinfrastructures, dans un système économiqueet financier, dans des business models et dansdes comportements basés sur une utilisationinefficace des ressources. C’est notre défi. C’estaussi un problème que n’ont pas à affronter lesBRIC, qui sont capables de changer rapidementde direction pour faire face à la limitation desressources. Si nous voulons rester compétitifsen Europe, nous allons devoir réaliser unetransformation structurelle majeure.

Il n’y aura pas de croissance s’il n’y a pas de« croissance verte ». C’est pourquoi lesécologistes et l’industrie doivent abandonnerleurs anciennes polémiques et travailler enpartenariat. La politique environnementale nepeut plus se contenter de punir les pollueurs.Nous devons la construire en repensant la façonmême dont nous produisons et nousconsommons.

Si nous y arrivons, nous commencerons àenvisager la politique environnementale nonpas comme un frein à la compétitivité, maisbien au contraire comme un élément essentielpermettant d’assurer notre compétitivitéfuture. Autrement dit, il ne s’agit pas tant deprotéger l’environnement du business que del’utiliser pour protéger l’environnement.

L’initiativeJe demeure optimiste parce qu’une desressources dont nous ne manquons pas enEurope, c’est notre capacité d’initiative. Lepouvoir de nos idées et de notre créativité nousdonne un avantage comparatif pour lacroissance future. L’innovation nous offred’ailleurs une grande marge d’efficacité dansl’utilisation de nos ressources :l la transformation du charbon en lumière n’aun rendement que de 3 % ;l seuls 15 % de l’énergie utilisée pour remplirvotre réservoir d’essence sert réellement à fairerouler votre voiture ;l 80 % de ce que nous produisons est jeté aprèsune seule utilisation ;l 80 % des ressources mondiales sont utiliséespar 20 % de la population ;l seul 1 % des métaux rares présents dans lesproduits arrivés en fin de vie est recyclé.

Si nous sommes les premiers à nousattaquer à ces utilisations irrationnelles, nous

aurons l’avantage d’être les premiers sur lemarché mondial avec nos technologies.

Mais l’innovation ne suffit pas. En tantqu’économiste, j’ai appris que la première règlede la compétitivité est la répartition rationnelledes ressources et c’est à ça que servent les prixsur nos marchés. Mais comment peut-onespérer être rationnels et efficaces si les prix ontaussi peu de rapport avec la valeur desressources ? La plupart des matières premièressont échangées et plutôt bien administrées,mais nous ne pourrons jamais administrerd’autres ressources précieuses, comme l’eau oules forêts, tant que nous ne serons pasencouragés à le faire. Les instruments dumarché sont là pour fournir cesencouragements.

Difficile à digérerC’est là que nous atteignons l’aspect le plusdifficile de la relation entre utilisationrationnelle des ressources et compétitivité enEurope. Je ne vous cacherai pas que le prix decertaines ressources devra augmenter et quenotre niveau de consommation devra êtreréduit. Ces messages ne sont pas faciles àdigérer pour l’industrie, permettez-moi de lesdévelopper. D’abord, il peut sembler illogiquede suggérer que l’augmentation des prix decertains éléments peut nous rendre pluscompétitifs, mais uniquement si l’on adopteune vision à court terme.

Mieux fixer les prix ne signifie passeulement que nous administrerons mieux lesressources naturelles, mais aussi que nousaurons une gestion durable nous évitant de filerdroit dans le mur, comme je le mentionnaisprécédemment. Il ne faut pas se leurrer, nous nepouvons plus compter sur des ressourcesnaturelles à bon marché. Nous devons prévoirune politique tarifaire sur le long terme quidonne à l’industrie le temps d’investir afin degarantir que la productivité des ressourcesaccompagne la hausse de leur prix.

Ensuite, lorsque nous parlons de réduire laconsommation, nous parlons en fait de réduirele nombre de « choses » que nousconsommons. Ce qui ne veut pas dire réduireles profits. Nous devons développer desproduits plus intelligents qui aient les mêmesfonctions, mais avec moins de ressources. Etnous devons vendre les services associés. Nousavons besoin de nouveaux business models quiencouragent une augmentation de la valeur

ajoutée et plus de réflexions sur le cycle de viecomme le leasing chimique. Nous avonségalement besoin de développer des outilsfinanciers et des compétences à même degarantir la continuité et la fluidité dudéveloppement de ces approches.

Avancer ensembleJe veux que la « Feuille de route pour uneEurope efficace dans l’utilisation desressources » de la Commission européenne soitvue comme un partenariat supplantant lesvieilles oppositions. Alors même que le paquetlégislatif énergie-climat de 2009 qui, eninstaurant la réduction des émissions de CO2des nouvelles voitures et des transports, a misd’accord les deux parties en montrant qu’unesolution était possible, je veux quel’environnement et l’industrie s’associent pourreconnaître que l’environnement et l’économiedoivent coexister et dépendent l’un de l’autre.

Antonio Tajani, commissaire chargé del’Industrie et de l’Entreprenariat, et moi-mêmesommes déjà sur la même longueur d’onde,mais les outils disponibles à Bruxelles nesuffiront pas à faire réussir notre projet dedissocier la croissance européenne de lararéfaction des ressources naturelles. Nousavons besoin d’une initiative publique et del’appui du secteur privé.

Le rôle des ministres européens del’Industrie sera central dans l’obtention d’unecroissance rationnelle et j’ai hâte de travailleravec eux pour m’assurer que… faire plus avecmoins sera notre avantage comparatif de ceXXIe siècle. n

Janez Potočnik, discours de laconférence de presse sur laFeuille de route vers uneutilisation rationnelle desressources en Europe,septembre 2011.

« Messieurs les ministres de l’Industrie,nous n’avons pas d’autre planète et nousn’avons donc pas d’autre choix qued’utiliser de manière plus rationnelle lesressources que la terre nous offre. »

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POLITIQUE EN BREF

Par le Comité directeur pour l’égalité entre lesfemmes et les hommes de l’Organisation desNations Unies pour le développement industriel(ONUDI)

Le mandat de l’ONUDI est ciblé sur lapromotion du développement industrielpour diminuer la pauvreté, pour unemondialisation inclusive et pour unenvironnement durable. Cela ne peut êtreaccompli sans prendre en comptel’intégralité du potentiel des femmes. Nous pensons que l’élargissement desopportunités économiques pour les femmesdevrait être au cœur de toutes les

Développement industrieltenant compte desdisparités entre les sexes

Groupe de femmesproductrices debeurre de karitérecevant uneformation au Mali.

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POLITIQUE EN BREF

qualité, la certification des produits et lacommercialisation, et en les rapprochant desmarchés internationaux sur lesquels ellespeuvent vendre leurs produits.

Au nord du Maroc, l’ONUDI a mis aupoint un programme d’entreprenariat pouraugmenter les opportunités de revenus de lapopulation rurale, tout en améliorant lacompétitivité de la production d’huile d’olive àpetite échelle, des textiles et des groupes dedessiccation de fruits et de légumes gérés pardes femmes. Les femmes participant auprogramme ont vu leur productivitéaugmenter de 40 % et leurs revenus de 50 %.De plus, un réseau solide d’institutions locales

a été créé pour offrir du soutien en matière detechnologie de production, de gestion desaffaires et de commercialisation. Cela a permisaux femmes entrepreneuses d’être mieuxorganisées, de mieux utiliser les matièrespremières locales et de vendre leurs produitssur les marchés locaux et internationaux. Quiplus est, et tout en respectant les valeursculturelles, le projet a aussi aidé à autonomiserles femmes rurales au plan économique : ellescréent dorénavant de la richesse, emploientd’autres personnes, et leur position au sein deleur famille et de leur communauté s’estaméliorée.

L’éducation, aussi bien formellequ’informelle, est nécessaire si nous voulonsque les femmes et les jeunes filles aient accès àun travail décent et soient capables d’améliorerleur niveau de vie. L’ONUDI aide les pays endéveloppement à lutter contre les attitudesdiscriminatoires et les stéréotypes relatifs auxdifférences entre les sexes dans le systèmeéducatif, en promouvant l’éducation etl’acquisition de compétences favorables audéveloppement industriel grâce à unprogramme de promotion de l’espritd’entreprise dans les établissements. Leprogramme permet à des jeunes, garçons etfilles, de suivre des cours pratiquesd’entreprenariat dans les écoles secondaires etprofessionnelles. Dans le cadre de ces cours,les filles sont encouragées à prendre desinitiatives entrepreneuriales qui défient lesstéréotypes de la société et encouragent uneattitude positive envers l’entrepreneuriat, lesaffaires et le développement personnel. Leprojet a été lancé au Ouganda en 2001 et s’estpoursuivi dans plusieurs autres pays. Au coursde la période 2006-2009, plus de 416 000étudiants ont suivi ces cours dans 1 397 écoles.

Les femmes, en particulier dans les zonesrurales, passent une grande partie de leurtemps à se procurer du combustible, devantsouvent pour cela parcourir de longuesdistances. Cette activité pénible les expose, desurcroît, à des risques potentiels de violence,de viol et d’abus. Si des sources d’énergiemodernes étaient disponibles dans les régionssituées en dehors du réseau, cela allégeraitgrandement le fardeau domestique de cesfemmes et leur permettrait de poursuivre desétudes, une activité économique ou d’autresopportunités. Cela réduirait égalementleur exposition à des fumées nocives et leur

« Investir dans undéveloppement industrieltenant compte des disparitésentre les sexes a un effetmultiplicateur sur laproductivité, l’efficacité et ladurabilité de la croissanceéconomique, ainsi que sur lerenforcement des droits desfemmes. »

interventions et les politiques dedéveloppement, en se concentrant sur lacréation d’emplois tenant compte desdisparités entre les sexes, la fourniture deressources productives, comme des fonds, desinformations sur le marché, des technologies,des compétences et de l’énergie durable, etl’investissement simultané dans les services degarderie qui diminuent le fardeau des femmesen matière de travail domestique et de garded’enfants non rémunéré. L’ONUDI vise ainsi àatteindre l’objectif d’une autonomisationéconomique des femmes grâce à des conseilsen matière de politiques, des programmes decoopération technique et des stratégiesorganisationnelles pour un développementindustriel tenant compte des disparités entreles sexes, et cela dans un cadre d’égalité totaleentre les femmes et les hommes au niveauinstitutionnel.

Nos conseils sur les politiques et nosprogrammes de coopération technique seconcentrent principalement sur le transfertdes compétences et des technologies pouraider les femmes à entrer sur le marché dutravail formel en tant que travailleusesindépendantes. L’ONUDI a plus de 30 ansd’expertise dans le développement del’entreprenariat féminin, en utilisant diversoutils et mécanismes comme le renforcementdes capacités au niveau politique,institutionnel et des entreprises, en créant unenvironnement favorable pour les femmesentrepreneurs grâce au renforcement desservices de soutien et en les aidant à accéderaux ressources productives et financières.Nous organisons également les femmes engroupes pour faciliter leur accès collectif à auxmatières premières, aux informations, auxtechnologies et aux marchés.

Par exemple, l’un des projets en cours del’ONUDI, au sud du Mali, dans une des régionsles plus pauvres d’Afrique, est en train derenforcer les capacités de groupes de femmespour produire des produits à base de karité. Lebeurre de karité est un ingrédient très envogue dans les produits cosmétiques pour sesbienfaits considérables en termes de santé etde beauté. Comment aidons-nous ces groupesde femmes à tirer profit de cette demande ? Enleur faisant découvrir des technologiesadéquates qui augmentent leur productivité,en les sensibilisant et en fournissant desformations sur les systèmes de contrôle de ‰

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POLITIQUE EN BREF

Par GILLIAN GAYNAIR, écrivaine et éditrice pourle Centre international de recherche sur lesfemmes.

L’autonomisation économique des femmesest essentielle pour diminuer la pauvreté etatteindre des objectifs plus généraux enmatière de santé et de développement. Ilexiste néanmoins peu de données sur lafaçon dont les programmes peuvent rendreles femmes plus autonomes au planéconomique et sur les mesures quipermettraient de déterminer si lesprogrammes sont efficaces.

Aucun programme ne peut à lui seulapporter des solutions pour tous les facteurssous-jacents qui influencent le processus deprogression économique des femmes. C’estpour cette raison que ceux qui travaillentdans le développement économiqueinternational devraient choisir un domainedu processus dans lequel ils peuventvéritablement changer les choses – etmesurer les effets de leurs actions, selon unarticle du Centre international de recherchesur les femmes (ICRW).

Cette brève analyse définitl’autonomisation économique des femmes etpropose un cadre mis au point par l’ICRWpour aider à concevoir, mettre en œuvre etévaluer des programmes de progressionéconomique. Le cadre est construit selon desconcepts que les experts de l’ICRW ont tiréaussi bien des textes existants que de leurexpérience personnelle en matièred’intégration de l’émancipation économiquedes femmes dans des programmes et de sonévaluation.

« De plus en plus de gouvernements,d’entreprises et d’organisations donatricesreconnaissent que l’implication des femmessur le marché international est fondamentalepour diminuer la pauvreté », a expliqué AnneGolla, économiste principale et spécialiste del’évaluation à l’ICRW. « Mais il nous estapparu clairement que bon nombre d’entreeux ne sont pas certains de savoir commentdéterminer si leur travail – et leursinvestissements – permet réellementd’autonomiser les femmes au planéconomique. »

« Nous pensons que le cadre de l’ICRWpermettra d’apporter quelques conseils auxprofessionnels, aux donateurs et aux autreschercheurs travaillant sur cette question », a-t-elle affirmé.

Anne Golla a néanmoins souligné quepour qu’une femme vivant dans des

Mesurer l’autonomisationéconomique des femmes

fournirait l’énergie nécessaire pour créerdes activités rurales et artisanales à domicile.En plus des programmes de coopérationtechnique qu’elle mène pour apporter dessolutions énergétiques dans les régionsrurales excentrées, l’ONUDI travailleactivement au niveau international, auxcôtés de ses partenaires au sein d’ONU-Énergie et du Groupe de haut niveau surl’énergie durable pour tous du Secrétariatgénéral, pour augmenter la prise deconscience quant au rôle essentiel que jouel’accès à l’énergie dans le développementdurable et l’autonomisation économiquedes femmes.

L’ONUDI est en première ligne desefforts destinés à promouvoir ledéveloppement industriel durable par lebiais de son initiative en faveur d’uneindustrie verte (Green Industry Initiative).L’objectif est de parvenir à une productionindustrielle qui se caractérise par uneutilisation efficace des ressources et unefaible empreinte carbone, en s’assurant qu’àtravers le monde les industries adoptent desméthodes de production, des techniques etdes politiques plus propres. Cela s’appliqueégalement aux micro-industries dans lesrégions rurales, dans lesquelles les femmessont fortement impliquées. L’ONUDIpromeut le transfert de méthodes deproduction plus propres et de solutionspouvant substituer les approchestraditionnelles, afin de réduire les émissionsde gaz à effet de serre et d’améliorer lesmoyens d’existence des femmes et de leurscommunautés.

Ces exemples ne constituent quequelques illustrations pratiques de l’effetmultiplicateur que les investissementsfavorables à un développement industrieltenant compte des disparités entre les sexesont sur la productivité, l’efficacité et ladurabilité de la croissance économique,ainsi que sur le renforcement des droits desfemmes. Parmi tous les typesd’investissements en faveur dudéveloppement, l’autonomisation desfemmes est celui qui produit le plus derésultats, et l’ONUDI continuera d’investirdans les femmes et les jeunes filles et des’assurer qu’elles restent intégrées et qu’ellesparticipent aux activités de développementindustriel.n

« Mesurer l’autonomisationéconomique des femmeséquivaut à mesurer les résultatsen termes de réduction de lapauvreté », a remarqué AnjuMalhotra, vice-présidente de larecherche, l’innovation etl’impact à l’ICRW, et coauteurede l’étude. « Il s’agit d’unprocessus complexe, mais ilpeut et doit être mesuré. »

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POLITIQUE EN BREF

conditions de pauvreté arrive à s’armer pourpouvoir prendre ses propres décisions etréussir au plan économique, elle doit passerpar un processus complexe etmultidimensionnel. « Il n’existe pasd’approche unique permettant de garantir lesuccès des programmes axés surl’autonomisation économique des femmes etqui cherchent à la mesurer », a-t-elle ajouté.« Cela dépend du contexte dans lequel noustravaillons et des facteurs sous-jacentscontribuant à l’autonomisation des femmessur lesquels nous avons décidé de travailler ».

Ces facteurs sont variables, selon l’articlede l’ICRW. Ils peuvent inclure toutes sortes dechoses, depuis les ressources disponiblespour aider une femme à prospérer, commedes formations professionnelles et des prêts,jusqu’aux institutions qui déterminentcomment ces ressources parviendrontjusqu’à elles (des organismes juridiques parexemple). Chacune d’elles influence lechemin emprunté par les femmes versl’autonomisation économique.

La clé pour la création de programmesd’émancipation économique sérieux est desélectionner un aspect du processuscomplexe d’autonomisation économique,celui où l’on peut produire le plus d’effet –compte tenu de la période du projet et dufinancement – et de se concentrer sur cetaspect. L’ICRW recommande également quel’évaluation du projet soit alignée avec l’aspectparticulier qu’il traite.

Afin d’apporter davantage de conseils,dans chacun de ses cadres de mesure, l’ICRWprésente plusieurs exemples d’indicateurs desuccès, aux niveaux non seulement individuelet des ménages, mais aussi de la communautéet institutionnel.lUnderstanding and Measuring Women’sEconomic Empowerment (Comprendre etmesurer l’autonomisation économique desfemmes) a été publié par l’ICRW en octobre 2011.

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Par Soroptimist International des Amériques

Malgré des décennies de lois anti-discrimination et de changements dans lespolitiques des entreprises et des affaires dansle monde entier, les femmes continuent degagner moins que les hommes sur le marchédu travail. Ainsi, il existe des écarts de salaireentre les sexes à travers la planète. Il s’agitd’un problème complexe qui nécessite dessolutions à plusieurs niveaux. Parmi cesmesures figurent :

ÉducationUne des stratégies les plus importantes pourgarantir que les filles et les garçons comptentsur des opportunités de salaires identiqueslorsqu’ils seront adultes est de leur fournir unaccès identique à l’éducation. Il est égalementnécessaire de promouvoir les carrières dansles sciences, la technologie, l’ingénierie et lesmathématiques de façon à les rendreattirantes pour les filles, ainsi que de lesencourager à suivre des cours avancés enmathématiques. De plus, il est fondamentald’augmenter les ressources dédiées auxformations à des compétences nontraditionnelles et d’améliorer l’accès à laformation professionnelle, surtout pour lesmères célibataires. Il est aussi important defournir aux filles et aux jeunes femmes quisont encore à l’école des informations sur lesoptions de carrière, car elles sont bien tropnombreuses à être découragées de suivre unenseignement supérieur et/ou des

formations les menant vers des métiers oùl’on ne trouve traditionnellement pas defemmes.

Les jeunes filles et les femmes devraient,néanmoins, se sentir libres d’étudier pourtravailler dans l’enseignement, en tantqu’infirmières ou personnel soignant, ou àtout autre poste que l’on qualifiepéjorativement de « ghetto rose », et elles nedevraient pas considérer ces fonctionscomme dégradantes ou insignifiantes. Il nefaut pas juger la réussite dans une carrière «uniquement en fonction de la quantitéd’argent, de prestige et de pouvoir évident quel’on trouve dans certains emploistraditionnellement masculins ». Il est aussiimportant que le monde compte sur desinfirmières et des enseignantes que sur desavocats et des comptables. Ces emploisdoivent être rémunérés au plan financier etappréciés en fonction du travail en soi et nonen fonction de critères reposant sur le sexe.

Alors que dans les pays développés lesfemmes ont fait de grands progrès dans ledomaine de l’éducation, dépassant parfois leshommes, il faut encore éliminer les partispris sexistes des programmes scolaires dansles pays en développement. Lesgouvernements, les parents et les donateursinternationaux doivent, compte tenu de leurrôle, « travailler ensemble pour faire en sorteque les écoles accueillent favorablement lesfilles ». Cela inclut, entre autres mesures, degarantir que les écoles soient situées àproximité des foyers des jeunes filles (pourdiminuer les aller-retour longs et dangereux)et d’éliminer les violences sexistes desinstallations scolaires.

Aider les familles qui travaillentLes longues journées de travail ont des effetsdisproportionnés sur les femmes, car ellesrestent les principales responsables de laprise de soin de la famille, « ce qui limite leurs

options quant à savoir si elles vont travailler,où elles vont travailler et dans quel typed’emploi ». Les gouvernements, l’industrie etles entreprises doivent, en tant que tels, créerdavantage de lieux de travail favorables auxfamilles et de politiques sur le lieu de travail.Il s’agit d’une question fondamentale, car elleinflue sur les revenus des femmes, raisonpour laquelle il faut penser à : rendre leshoraires plus flexibles sur les lieux de travail ;fournir des congés parentaux et des congéspayés en cas de maladie ou s’il est nécessairede prendre soin de la famille ; offrir dessolutions de garde d’enfants abordables et debonne qualité et encourager ledéveloppement de plus d’emplois à tempspartiel bien rémunérés et offrant égalementdes avantages intéressants. De tellespolitiques/avantages sont non seulementpositifs pour les mères qui travaillent, maisaussi pour les entreprises qui ont besoind’attirer une main d’œuvre féminine si ellesveulent survivre au départ en retraite denombreux « baby boomers ».

De plus, si les mères qui travaillentgagnaient autant que les hommes, leursrevenus augmenteraient de 17 % et le taux depauvreté parmi elles baisserait de moitié,passant de 25,3 % à 12,6 %. Des aides sontégalement nécessaires pour les femmes quisont responsables de leur foyer. « Lorsque desmères célibataires, qui sont confrontées à ladiscrimination et à des revenus plus faiblessur le marché du travail, sont à la tête de leurfamille, celles-ci courent davantage de risquesde vivre dans la pauvreté. » Par conséquent,ces femmes ont besoin d’un meilleur soutienen termes de garde d’enfants et d’un accès à laformation professionnelle.

Bien que de nombreuses entreprisesoffrent des environnements favorables à lafamille, il arrive que la culture de cesorganisations encourage encore les retoursde bâton, la culpabilité et la discrimination.Certaines femmes qui travaillent ontl’impression que les organisations lesinondent de belles paroles à propos de leurspolitiques familiales, mais elles ont lesentiment tacite que les employés quiappliquent ces politiques sont considéréscomme moins engagés que les autres enversles organisations en question. D’autresaffirment que si les employeurs mettent enplace sur le papier des politiques allant dans

« Aucun programme ne peut àlui seul apporter des solutionspour tous les facteurs sous-jacents qui influencent leprocessus de progressionéconomique des femmes »

Solutionscontre lesécarts desalaire entreles sexes

POLITIQUE EN BREF

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le sens de l’équilibre travail/vie personnelle, ils’avère néanmoins difficile pour les employésd’en profiter réellement.

De meilleures données et analysesBien qu’il existe suffisamment d’étudesmontrant que les femmes ont tendance àtravailler plus et à gagner moins que leshommes, des analyses plus détaillées de cettequestion sont nécessaires. Lesgouvernements doivent collecter et partagerdes données fiables sur les revenus nationauxà partir desquelles il sera possible de calculeret de comparer les écarts de salaire entre lessexes au niveau d’un pays. Cela permettrait «d’identifier les différentes possibilitésd’affronter le problème de façon ciblée etd’identifier les améliorations pouvant êtreapportées aux cadres juridiques existants,susceptibles d’engendrer une diminution

significative des écarts de salaire ».Apprendre aux femmes à réclamer une

meilleure rémunérationLes femmes doivent assumer que la

plupart des choses dans leur vie sontnégociables et qu’elles ne doivent pas accepterl’idée selon laquelle le statu quo est rigide etse contenter de ce qui leur est offert. « Cechangement d’état d’esprit peut produire desrésultats extraordinaires chez les femmes ».Les femmes peuvent non seulement voir lemonde comme un lieu plus négociable, maisaussi commencer à envisager différemmentla négociation – en la considérant comme uneoccasion bénéfique pour tous plutôt quecomme un acte agressif ou de confrontation.« De cette façon, elles peuvent recadrer leursnégociations de telle sorte qu’elles se sententplus à l’aise vis-à-vis de l’ensemble duprocessus ».

Les nouvelles générations de jeunesfemmes d’aujourd’hui se sententprobablement plus à l’aise pour discuter deleurs salaires et de leur pouvoir d’achat engénéral et peuvent donc négocier de meilleurssalaires. Parmi ces femmes, les informationsrelatives aux salaires sont échangéesouvertement, tout au moins entre amis.Plusieurs travailleuses âgées de moins de 25 ansont affirmé : « une plus grande transparencesalariale entre amis est tout à fait logique à uneépoque où énormément d’information peutêtre consultée librement en ligne ». Un telpartage de l’information sur les salaires aide lesfemmes à déterminer à quel moment ellesdoivent exiger une augmentation, commencerà chercher un autre travail ou envisager deprendre des mesures juridiques.lExtrait du livre blanc du Soroptimist : The GenderWage Gap (L’écart salarial entre les sexes)

POLITIQUE EN BREF

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Une employéedomestique àBangalore, en Inde.

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LE MOT DE LA FIN

Anticipant le prochain numéro qui portera sur latroisième révolution industrielle, le magazineMaking Ita interviewé le DR. MUSTAFAHATIPOĞLU, directeur général du Centreinternational pour la technologie de l'utilisationde l'énergie de l'hydrogène (CITEH), un projet del’ONUDI soutenu par le ministère turc del’Énergie et des Ressources naturelles.

Une « économie hydrogène », c’est-à-dire unsystème fournissant de l’énergie à partir del’hydrogène, est envisagée comme solutionpossible à certains des effets négatifs del’utilisation de combustibles hydrocarbonés.À quoi ressemblerait une économiehydrogène dans la pratique ?

Aujourd’hui, le monde dépend largementdes produits dérivés des combustibles fossilesqui fournissent une part considérable de nosactuels besoins en énergie. Une économiehydrogène entrainerait l’utilisation del’hydrogène à chaque fois que les énergiesfossiles sont utilisées. L’hydrogène est un gazqui peut être brûlé de la même manière que legaz naturel ou qui peut être utilisé pourproduire de l’électricité grâce à un appareilappelé pile à combustible. Il peut être utilisépour remplacer directement les produitspétroliers dans les moteurs à combustioninterne, les systèmes de chauffage et tout autreapplication similaire. Comme il s’agit d’un gazélémentaire, il ne contient pas de carbone et sacombustion ne libère aucun produit carbonédans l’atmosphère, ce qui rend son usagetotalement propre.

L’hydrogène se trouve lié à l’oxygène dansl’eau et dans le méthane, ou d’autrescomposés, lié au carbone. Pour libérer del’hydrogène, il faut utiliser de l’énergie

fournie par d’autres sources. C’est pour celaqu’il ne peut pas être considéré comme unesource primaire d’énergie, mais plutôtcomme un vecteur ou un porteur d’énergie.

Les bénéfices de l’utilisation d’énergiesrenouvelables comme les énergies solaire,éolienne, géothermique, hydroélectrique oumarémotrice sont bien connus. Cependant,un problème commun à de nombreusesénergies renouvelables est qu’elles sontintermittentes, autrement dit, elles ne sontdisponibles qu’à certains moments. Parexemple, l’énergie solaire est disponibleseulement de jour, l’énergie éolienne ne peutpas être obtenue par temps calme et l’énergiehydroélectrique est disponible uniquementquand les flux sont maximaux. Ce qui signifieque pour qu’un réseau électrique soit à mêmede répondre à un pic de consommation, il fautpouvoir stocker l’énergie créée par ces sourcesintermittentes, pour surmonter les périodespendant lesquelles elles ne sont pasproductives. L’hydrogène est un excellent

moyen de stockage. Lorsque l’électricité estproduite en excès, il est possible de laconvertir en hydrogène grâce à l’électrolyse del’eau, et inversement, pendant les pics deconsommation, l’hydrogène peut être ànouveau converti en électricité. Dans lamesure où toutes les régions de chaque payspossèdent sa part d’énergie renouvelable,l’énergie serait produite et utilisée localement,au lieu d’être importée et distribuée. Un des aspects principaux de l’économiehydrogène repose sur l’extension del’utilisation de véhicules à pile àcombustible. Comment marchent cesvéhicules ? Les piles à combustible sont constituéesd’une série de membranes, ou électrolytessolides, prises en sandwich entre deuxarrivées de gaz : l’hydrogène d’un côté etl’oxygène, ou l’air, de l’autre. Quandl’hydrogène entre en contact avec la plaqued’électrolyse, les électrons sont libérés desatomes d’hydrogène et les protons chargéspositivement migrent à travers l’électrolytejusqu’à se combiner aux molécules d’oxygènesituées sur la face opposée pour former de lavapeur d’eau. Les électrons libérés formentun courant électrique en parcourant le circuitexterne. Plus la quantité de gaz utilisée estgrande, plus le nombre d’électrons en

Vers uneéconomie reposant sur l’hydrogène

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Dr. Mustafa Hatipoğludémontrant une « Ecocarthydrogène » du CITEH àl’Hydrogen and Fuel CellExhibition à Hanovre,Allemagne.

« L’ère de la technologiehydrogène arrive. Leschangements climatiques,l’épuisement des énergiesfossiles et les problèmes desécurité énergétiques des paysla rendent inévitable. »

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LE MOT DE LA FIN

circulation augmente et plus le courant estimportant.

Les piles à combustible peuventremplacer les batteries des voituresélectriques et d’autres véhicules. Le tempsde charge d’une batterie est en moyennesupérieur à huit heures, alors qu’il ne fautque quelques minutes pour remplir unréservoir à hydrogène comprimé. Alors queles véhicules à batterie ont une autonomied’environ 130 km, les véhicules récents àpiles à combustible ont une autonomie de500 à 800 km. Cependant, les piles àcombustible sont plus chères à l’achat etont un rendement énergétique moinsimportant que les batteries.Pouvez-vous nous rappeler quelles sontles directions prises à l’échelle mondialepour augmenter l’usage des véhicules àpile à combustible.Actuellement, presque tous les grandsconstructeurs automobiles du mondedéveloppent des voitures à hydrogène,qu’elles utilisent un moteur à combustioninterne modifié ou une pile à combustible.De même, presque toutes les grandescompagnies pétrolières se diversifient et setournent vers les énergies renouvelables,parmi lesquelles l’hydrogène joue un rôlemajeur. Il existera ainsi des constructeursautomobiles capables de fournir desvéhicules à hydrogène et des compagniespétrolières capables de fournir del’hydrogène. Le défi va être d’obtenir lesdeux en quantité suffisante. On attend trèsprochainement le déploiement devéhicules en Californie et dans certainesparties de l’Allemagne où l’infrastructureva être implantée. Il y aura aussi des pointsd’approvisionnement en hydrogène dansun certain nombre de villes situées hors deces régions. C’est une espèce de noyau quipermettra à cette infrastructure de serépandre. Si la volonté politique encouragepar différents types d’incitations à utiliserdes systèmes basés sur l’hydrogène, il y auratoujours des entrepreneurs prêts et enclinsà exploiter de potentiels nouveaux produitset concepts. La clef réside donc dans lareconnaissance par les gouvernementsnationaux que l’introduction detechnologies de transports plus propresrequiert un soutien et une collaborationconsidérables de leur part.

Aujourd’hui, le monde est concentrésur les voitures électriques et non sur lesvoitures à pile à combustible parce qu’ellescoûtent moins cher, mais cela ne durerapas lorsque le public découvrira leslimitations des batteries liées à leur faibleautonomie et à leur longue durée decharge. Le besoin de plus d’autonomiefavorisera la création de véhicules à pile àcombustible et des infrastructurescorrespondantes. La date de mise en œuvrefixée à 2015 pourrait être repoussée à 2020ou un peu plus tard, mais dans tous les cas,l’ère de la technologie hydrogène arrive.Les changements climatiques,l’épuisement des énergies fossiles et lesproblèmes de sécurité énergétiques despays la rendent inévitable.Est-ce que l’économie hydrogèneconcerne juste les pays riches ou a-t-elleaussi quelque chose à offrir aux pays endéveloppement ?Les technologies reposant sur l’hydrogènene sont certainement pas bon marchécomparées aux coûts actuels des énergiesfossiles. Néanmoins, comme les prix dupétrole augmentent, que ce soit à cause del’augmentation de la concurrence avec lespays en voie de développement ou à causede la lente mais inexorable disparition desressources, le jour viendra où les coûts destechnologies conventionnelles et non-conventionnelles s’équilibreront. Lesavantages d’une énergie propre etrenouvelable deviendront alors plusintéressants. A ce moment-là, l’hydrogènesera incontournable pour tous les pays, etpas seulement pour les pays développés etindustrialisés. Nombre de pays en voie dedéveloppement, comme la Chine, l’Inde, laMalaisie, l’Afrique du Sud ou la Turquie,ont déjà développé, ou sont en train de lefaire, des programmes hydrogène et l’ons’attend à ce qu’ils adoptent l’économiehydrogène. Il se pourrait même que cespays puissent exporter des énergiescomme l’hydrogène vers les pays duindustrialisés du Nord. Déjà, certainsprojets envisagent la possibilité d’exporterl’énergie issue des énormes potentielséoliens de la côte atlantique du Maroc et dela Mauritanie et de la transporter sousforme d’hydrogène par pipeline versl’Europe.n

MakingIt 47

Azim, Firdous and Sultan, Maheen (eds) – MappingWomen’s Empowerment: Experiences fromBangladesh, India and Pakistan

Edigheji, Omano – Constructing a democraticdevelopmental state in South Africa: Potentials andchallenges

Eisenstein, Heather – Feminism Seduced: How GlobalElites Use Women’s Labour and Ideas to Exploit theWorld

Iversen, Torben and Rosenbluth, Frances – Women, Work,and Politics: The Political Economy of GenderInequality

Jacka, Tamara and Sargeson, Sally (eds) – Women, Genderand Development in Rural China

Kristof, Nicholas and WuDunn, Sheryl – Half the Sky:Turning Oppression into Opportunity for WomenWorldwide

Marais, Hein – South Africa Pushed to the Limit: ThePolitical Economy of Change

Pearson, Ruth and Sweetman, Caroline – Gender and theEconomic Crisis

Polak, Paul – Out of Poverty: What Works When TraditionalApproaches Fail

Shiva, Vandana – Staying Alive. Women, Ecology andDevelopment

Visvanathan, Nalini, Duggan, Lynn et al. (eds) – TheWomen, Gender and Development Reader

World Bank – 2012 World Development Report onGender Equality and Development

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www.womenofchina.cn – All-China Women’s Federationworks to unite and mobilize women to take part inChina’s reform, opening-up, and socialistmodernization programmes, and to promote scientificdevelopment and social harmony.

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