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IMMENSES REQUINS D a D u p u u h p p i h h n i i d e d d c o c c m p m m é p p t é é i t t t i i i t t o i i n ? ! ? uses sar a a d r r i n i i e s Mordre à l’hamecon Phoques échoués M a l d e m è r e Carpe

Mal de mère

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Une nouvelle des 5ème "infographie" et "activités littéraires" de l'ISJ Carlsbourg.

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IMMENSES

REQUINS

DaDD uaa puu hpp ihh nii dedd cocc mpmm épp téé itt tii itt oii n ?!??

usessaraadrriniies

Mordre à l’hameconPhoques échoués

Mal de mèreCarpe

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A notre amitié, toutes classes confondues,

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Vu par Viktor et Geoffrey

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ours de français, lundi, 9h30. Il gèle ce matin et le bus a patiné sur le chemin de l’école. J’arrive avec quelques minutes de retard. C’est la foule dans les couloirs. Je me faufile maladroitement entre quelques personnes tout en présentant mes excuses à des visages qui, comme chaque matin, me semblent inconnus. Troisième porte à droite, ma classe ! Il faut absolument que j’atteigne ma position stratégique : la chaise du fond de la rangée du milieu. Seul moyen de me fondre dans la masse et de passer inaperçue. La prof est très carrée : elle interroge toujours les extrémités. Bien entendu, pour chaque cours, j’ai ma combine. Le but ultime de la manœuvre : ne pas devoir affronter les « inconnus » en question !

Arrivée à destination, après m’être emmêlé les pieds dans quelques sacs échoués sur le carrelage comme de pauvres phoques en manque de banquise, je pose enfin mes affaires sous ma chaise. Le plus difficile est fait !

Généralement, quand la prof entre dans notre classe, personne ne la remarque tellement le bruit prend le dessus. Elle me fait penser à cet homme-grenouille qui nourrit les habitants de l’aquarium public. Toute seule au milieu des poissons-clowns, des anguilles et des requins-marteaux. Parfois, un gamin demande :

- Maman, comment il s’appelle ce poisson ?

C’est un peu son quart d’heure de gloire. Le reste du temps, elle se confond avec les algues.Déprimant ! Pour essayer d’intéresser son aquarium-auditoire, elle inscrit quelques mots au tableau : « Concours de nouvelle illustrée : les jeunes francophones construisent le monde de demain ». Moi qui ne comprends déjà pas celui d’aujourd’hui, avec son retour d’âge (la fameuse « crise » ), ses guerres génocidaires et ses fontes de glacier qui font couler les îles ; c’est plutôt mal parti … Face à l’enthousiasme homéopathique de la quasi-totalité des élèves, l’anguleuse femme-grenouille décide d’appâter les petits poissons que nous sommes en ajoutant en lettres capitales : « Premier prix : un voyage au Québec pour toute la classe. » Le vague soubresaut apparu sur le banc de sable quelques secondes auparavant se transforme en véritable tsunami. Les commentaires fusent de tous côtés, c’est incroyable comme ces quelques mots de plus changent la donne !

C

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Vu par Marie et Philippe

Chez moi aussi, ils font mouche. Le Québec … pays où ma mère a vécu. Je dois bien avouer que ça me ferait énormément plaisir de gagner

ce concours. C’est l’occasion unique d’en savoir un peu plus sur elle, de m’imprégner des paysages de son enfance. Papa ne veut jamais m’en

parler. Chaque fois que je le lui demande, il répond : « Plus tard ma chérie » ou alors « Je n’ai pas le temps ».

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Pendant quelques secondes, je me suis vu gagner ce concours. Mais le petit nuage sur lequel je flottais mollement s’est subitement vidé de son eau quand la prof nous a précisé que c’était un projet COLLECTIF ! C’est sur la dernière syllabe de ce mot que j’ai vu mes grands rêves de voyage se transformer en écume.

Parce que, si la classe est un aquarium, j’en suis le seul et unique spécimen de carpe existant à des vagues à la ronde. Prendre la parole en public est pour moi une véritable torture. En plus, nous devons nous lever pour présenter nos idées devant toute la classe. Le calvaire continue !

Quand arrive mon tour, je prends une bonne inspiration et essaye d’expliquer patiemment ce que j’ai en tête. Je bégaye, la prof me fait répéter, je sens la gêne monter en moi. Je deviens rouge. Mes mains sont moites. J’ai la bouche pâteuse comme une plage de sable à marée basse.

Après une minute de « silence » durant laquelle, plongée dans les profondeurs abyssales de mon esprit, j’ai cru tenir un discours plus ou moins cohérent face à un public médusé ; je refais peu à peu surface. Aucun parmi le banc de joyeuses sardines qui se trouve en face de moi n’a probablement rien compris à mon charabia et je ne peux pas les blâmer. En y réfléchissant, je me demande même si ce sont bien des mots qui sont sortis de ma bouche et pas plutôt de gros hoquets d’angoisse. L’occasion rêvée pour Charlène, la petite sirène de notre merveilleux bocal, de me lancer son regard méprisant.

Une demi-douzaine d’exposés plus tard, la fin du cours approche et aucun d’entre nous ne semble trouver une trame commune. L’adepte de la géométrie sous-marine décide alors de constituer des groupes de travail. Le cauchemar continue. Je crois même que j’entends des voix :

- Toi la carpe, tu feras équipe avec la petite sirène.

Il ne manquait plus que Nathan, pour compléter le tableau : un dauphin de compétition !Le plus beau garçon de la classe, celui qui fait craquer toutes les filles. Moi aussi je l’avoue, mais bon, tout le monde sait qu’il est raide dingue de Charlène. Bien sûr, ils n’ont pas l’air trop enchantés de se retrouver dans le même groupe que moi. J’ai envie de disparaître, de me cacher comme les poissons, derrière un corail. Ouf, la sonnerie retentit enfin.

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Mardi, 10h45. Après plusieurs tentatives infructueuses de la part de mes camarades pour changer les groupes, nous nous retrouvons finalement autour d’une table au fond de la classe. Charlène, grossière, étend ses jambes sur le dossier de la chaise devant. Comme d’habitude, elle dirige tout. Quant à Nathan, il boit ses paroles et la dévore de ses gros yeux de merlan frit.

On a deux heures pour se mettre d’accord sur les personnages et les différentes actions qui se dérouleront. Je devrais plutôt dire « ILS » ont deux heures. Car aucun d’eux ne semble remarquer ma présence. Mise à l’écart du duo, je sors discrètement mon carnet de croquis. De la main droite, j’esquisse quelques formes au crayon. De l’oreille gauche, j’écoute Nathan risquer de temps en temps une réflexion :

- Pourquoi ne parler que des jeunes « francophones » ? C’est de la ségrégation, l’avenir nous concerne TOUS ! Ce qu’il faut, c’est une bonne révolution. On ne peut plus continuer à vivre comme ça ! Mettons à sac cette société de consommation, trouvons de nouveaux leaders parmi les jeunes, osons …

Blablabla … J’avais oublié de préciser que Nathan est une sorte d’écolo-politico-anarchiste convaincu. Il a un blog pour « changer le monde » sur lequel il passe

la plupart de son temps. A côté de ça, il est très présent sur les réseaux sociaux. Flash mob pour la paix en Afghanistan, diapo contre le réchauffement climatique, soutien à différents groupes alter-mondialistes : tout cela posté quotidiennement sur son mur. Ce n’est pas comme beaucoup de jeunes : petits harengs pris dans les mailles du filet, blasés, vivant dans le monde du loisir et du « tout, tout de suite » et pas vraiment prêts à se remuer la nageoire

dorsale au nom d’une cause humanitaire. Lui au moins, il s’implique ! Le seul hic, c’est qu’à

côté de ses belles idées, c’est l’exemple type du consommateur extraverti,

toujours à l’affût du dernier gadget technologique. Loin d’être parfait mon gentil dauphin ! Comme tout le monde, quoi …

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Pendant que Nathan énumère les problèmes du monde actuel, j’observe du coin de l’oeil le manège de la petite sirène. Elle prend note. Enfin, non. Elle écrit. Pour elle-même. Ses idées. Charlène n’écoute pas. Elle n’écoute jamais. Semblant soudain émerger de ses pensées, elle relève la tête et coupe Nathan :

- J’adore les BD que tu publies sur ton mur. T’es vraiment doué. Avec mon talent littéraire et ton don pour le dessin, on va cartonner, c’est certain !

- Mais je …

- Je termine d’écrire la nouvelle et je te l’envoie pour que tu l’illustres.

- Je ne sais pas si …

- T’inquiète, je te ferai un petit croquis de ce que je veux pour chaque page.

Pas moyen. Même Nathan n’arrive à rien avec cette fille. Il me jette un regard dépité, s’étant peut-être rendu compte que je n’avais rien perdu de la conversation. Je baisse les yeux sur mon carnet, rouge comme un homard.

Vendredi, 9h20. Il faut montrer à la prof ce que nous avons déjà fait. Charlène et Nathan entrent sans me regarder et s’assoient. La petite sirène sort une nouvelle de son sac. Celle-ci est tout simplement magnifique. Elle parle d’adolescents belges qui participent à un échange culturel avec des jeunes francophones d’autres régions du monde : la Suisse, Les Antilles, le Mali et bien entendu, le Québec ! Elle est quand même franchement douée avec un stylo, si seulement elle n’était pas si hautaine.

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Vu par Mathieu

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Vu par Mathieu

Je n’avais pas envie d’aller à la réunion ce matin..

De toute façon, ils n’auraient pas remarqué mon absence. Mais bon, il y a Nathan, alors j’y suis allée quand même. Quand je suis arrivée, ils étaient en train de se disputer. J’étais comme un petit poisson perdu au milieu de deux énormes requins. Depuis la deuxième réunion, Charlène attend que Nathan apporte ses croquis pour

Cher journal,

illustrer la nouvelle mais il trouve toujours une excuse pour ne pas les montrer. D’habitude, Charlène ne dit rien, mais aujourd’hui, elle s’est énervée. Nathan a craqué et a avoué qu’il trouvait ses dessins sur Internet, il avait voulu le dire à Charlène lors de la première réunion, mais elle ne l’avait pas laissé en placer une. Elle l’a traité de plagieur. Il est sorti de la pièce en claquant la porte. Je me suis levée pour le rattraper, mais je suis vite revenue sur mes pas. Qu’est-ce que j’aurais bien pu lui dire ?

Lundi 11 février 2012

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Quand je suis rentrée dans la classe, j’ai retrouvé Charlène en train de feuilleter mon carnet de croquis. Pendant la dispute, son soda était tombé sur mes feuilles et c’est en voulant le redresser qu’elle a remarqué mes dessins.

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Vu parMelanie et Mathieu

J’aurais voulu prendre la défense de Nathan, mais je ne savais plus quoi dire. C’était une occasion inespérée de montrer ce que je savais faire. Alors j’ai accepté.

- Waouh … C’est vraiment pas mal ce que tu fais ! Pourquoi tu n’as jamais dit que tu savais dessiner ?

Je suis restée muette. Elle a repris la parole.

- Tu pourrais illustrer la nouvelle ? Ce serait mieux que l’autre imposteur !

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Vu parArnold et Jean-Cyril

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En parlant toutes les deux, j’ai découvert une autre facette de

Charlène. Derrière la petite sirène superficielle se cache une adolescente

qui a, elle aussi perdu sa mère très jeune et qui fait son possible pour

aider son père à élever sa petite sœur. Si elle se montre si sûre d’elle,

c’est parce qu’elle profite de l’école pour s’échapper un peu de sa

vie de famille. Comme un crabe, elle s’est forgée une carapace pour

affronter les autres.

On a décidé d’aller ensemble voir Nathan . Charlène s’est excusée et il

a accepté de s’occuper de la mise en page de la nouvelle. Avec un

ordinateur dans les mains, il assure ! Voilà ! C’est fou quand même comme tout peut basculer grâce à une

simple bouteille de soda. Je te laisse, j’ai encore beaucoup de boulot

pour terminer les croquis et les envoyer à Nathan. On doit rendre notre

projet lundi.

A demain.

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Ca y est, le jour des résultats est arrivé. La tension est à son comble. Tout le monde est dans la cour, ça bavarde et ça rigole dans tous les coins mais le stress est palpable. Les nouvelles ont été envoyées il y a plus de trois semaines et personne n’a osé en reparler depuis mais, avec la plume de Charlène, le génie informatique de Nathan et mes dessins, notre groupe est presque certain de remporter un prix. Toute la classe

se repose sur nous pour partir au Québec : destination rêvée pour un voyage de fin d’études secondaires ! La sonnerie retentit dans l’air froid et brumeux du matin. Les groupes

se disloquent, les rangs se forment. Mlle Ozon arrive au loin. Un grand sourire est affiché sur son visage : c’est un bon présage. Les élèves entrent un par un dans la classe en retirant leur bonnet et en se frottant vigoureusement les mains. Chacun s’assied à sa place. Nathan se retourne et me fait un clin d’œil, je rougis. La prof nous fait languir, elle commence son cours en nous rendant les contrôles de la semaine passée sans dire un mot sur le concours. Mais au bout de quelques minutes, Charlène ne tient plus et lui demande de nous communiquer les résultats. La prof sourit mais ne répond toujours pas, on dirait que ça lui fait plaisir de nous faire attendre comme ça. Enfin, elle se décide à parler.

- Á ce que je vois, vous êtes tous très impatients de savoir si nous avons remporté un prix !

Tout le monde se regarde en hochant la tête.

- Et bien, j’ai reçu une lettre hier matin et je pense que ça ne surprendra personne, vu les heures de travail acharné que vous avez passées sur ce projet, on fait effectivement partie des gagnants. Les applaudissements retentissent. Nous sommes les stars du jour. On se regarde tous les trois, heureux.

- Dans quelques semaines, poursuit notre charmante prof, nous partons tous trois jours à Paris !

Le temps s’arrête. Tout le monde se regarde. Les applaudissements diminuent. La déception de ne pas aller au Québec peut se lire sur tous les visages. On y avait cru, on se voyait déjà là-bas, surtout moi. Voir enfin ce pays où ma mère a passé toute son enfance, où elle a eu ses premiers amis, ses premiers amours, ses premières peurs, ses premières tristesses …

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Pour Charlène, obtenir le premier prix, c’était plus qu’une victoire mais le moyen d’obtenir le respect et l’admiration de ses camarades de classe pour autre chose que sa garde-robe et surtout, la reconnaissance de ses talents d’écrivain.

Et pour Nathan et bien … pour lui, c’était juste pour le fun mais il n’en a pas l’air moins dépité pour autant.

C’est alors, que pour la première fois de ma vie, j’ose me lever et prendre la parole devant toute la classe.

- Pourquoi faites-vous tous cette tête ? Vous n’avez toujours pas compris ?

Tout le monde me regarde comme si j’étais une anguille hors de l’eau. Mais aussitôt Charlène et Nathan se lèvent pour m’encourager à continuer sur ma lancée.

- C’est vrai, finalement, réfléchissez un peu au thème de ce concours. Moi, cette aventure m’a apporté bien plus qu’un voyage au Québec ! Pour construire le monde de demain, il faut déjà commencer par apprendre à se connaître.

Je vois mes deux acolytes acquiescer. Et c’est à ce moment précis que notre prof croit bon d’ajouter.

- C’est une réelle leçon que Pauline nous donne là. Et j’espère que, comme elle, vous pourrez retirer quelque chose de cette expérience. En tout cas, j’ai adoré vos nouvelles et mon coup de cœur va à celle de Maxime, Maud et Valentin. Elle nous parlait d’Internet : outil permettant à de jeunes francophones issus des quatre coins du monde de créer des réseaux et d’échanger des idées pour améliorer le quotidien. Félicitations car c’est grâce à vous que nous partons à Paris !

Et vlan ! Nouveaux applaudissements. On s’est regardé tous les trois, incrédules, on n’a rien dit, pas besoin : on s’était compris. Ça a finit en un formidable éclat de rire ! On s’est promis qu’en sortant de rhéto, on partirait tous les trois faire un petit voyage de fin d’études. J’ai hâte de trouver un job d’étudiant cet été pour mettre un peu d’argent de côté. Fini l’aquarium, les petits poissons que nous sommes vont traverser l’océan pour aller passer trois semaines au Québec !

Sur les traces de ma mère d’abord. Et puis surtout pour découvrir ce pays qui a fait naître notre amitié ...

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Vu par Arnaud et Mathieu

... après tout, on lui doit bien ça !

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DaDD uaa puu hpp ihh nii dedd cocc mpmm épp téé itt tii itt oii n ?!??Un banaa c de je oye use

saraadrriniies

Mordre à l’hamecon

ISJ Carlsbourg 2012

L’équipe de choc !!!

Texte : les 5G “Activités Littéraires”Illustration et mise en page : les 5TQ Infographie