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POINT DE VUE DE L EXPERT / EXPERTS POINT OF VIEW VIDÉOCAPSULE Maladie de Rendu-Osler Osler-Weber-Rendu syndrome G. Gay © Springer-Verlag France 2010 Anomalies dépistées par la capsule et fréquence Maladie de Rendu-Osler (RO)-Weber ou télangiectasies héréditaires hémorragiques Il sagit dune affection autosomique dominante. La muta- tion est localisée sur le chromosome 9q33-q34 qui est res- ponsable des maladies de RO de type 1 qui comporte, dans 40 % des cas, des localisations de malformations artériovei- neuses (MAV) pulmonaires [1]. Dans la maladie de RO de type 2, la mutation est localisée sur le chromosome 12q13, elle comporte seulement 14 % de localisations pulmonaires et le plus souvent des localisations de MAV au niveau du foie [1]. Il existe une troisième mutation au niveau du chro- mosome 5, responsable de maladie de RO de type 3 [1]. Il convient de noter que lassociation entre la polypose juvé- nile et la maladie de RO a été décrite avec une mutation du gène SMAD4 [1]. La fréquence de la maladie est de 15,6 pour 100 000 habi- tants [2]. Les hémorragies gastro-intestinales sont présentes chez 40 % des patients aux quatrième et cinquième décen- nies [36]. Plus jeune, ce sont les épistaxis qui sont les plus fréquentes (90 % des patients). Anomalies mises en évidence par la vidéocapsule endoscopique (VCE) Au niveau de lintestin grêle, les anomalies mises en évidence par la VCE sont des MAV qui correspondent à des dilatations des veinules postcapillaires qui, par épaississement de la paroi et accroissement du diamètre, se connectent aux segments artériolaires des capillaires pour former des MAV, avec une communication directe. Ces MAV sont présentes chez 81 % des patients présen- tant une maladie de RO [79]. La capsule a une sensibilité de 75 % et une valeur prédictive positive de 86 % dans le cadre de cette maladie. Les lésions sont distribuées sur lensemble de lintestin grêle. À titre dexemple, dans un travail comparatif portant sur 93 patients évalués par VCE pour une hémorragie digestive, où 38 patients étaient porteurs ou suspects dune maladie de RO, comparés à 55 patients sans maladie de RO, la VCE détectait des angiodysplasies chez 80 % des patients porteurs de maladie de RO, alors quil en était mis en évidence chez 29 % des patients sans maladie de RO [10]. Dans ce travail, il était possible de définir un nombre minimum de cinq MAV détectées par la capsule, au niveau de lintestin grêle pour suspecter ou évoquer le diagnostic de maladie de RO. Avec cette référence de cinq, la sensibilité était de 75 % avec une valeur prédictive pour le diagnostic de maladie de RO de 86 %. Bénéfice potentiel pour le patient Il est sans doute significatif dans des situations qui restent à définir (anémie sans épistaxis importantes ou anémie sévère). Si la maladie nest pas connue Le saignement digestif obscur peut être la seule manifesta- tion. Si cinq MAVau niveau de lintestin grêle sont présen- tes, il sera possible dévoquer le diagnostic de maladie de RO découverte de façon fortuite (situation rare en pratique), de rechercher les autres localisations en fonction de lano- malie génétique au niveau du foie, du poumon et de la sphère ORL, et dengager les thérapeutiques spécifiques à chaque localisation. G. Gay (*) Unité de médecine interne à orientation digestive, hôpital de Brabois, allée du Morvan, F-54511 Nancy cedex, France e-mail : [email protected] Indications de la HAS : Non, sauf saignement digestif inexpliqué. Acta Endosc. (2010) 40:165-167 DOI 10.1007/s10190-010-0058-3

Maladie de Rendu-Osler

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Page 1: Maladie de Rendu-Osler

POINT DE VUE DE L’EXPERT / EXPERT’S POINT OF VIEW VIDÉOCAPSULE

Maladie de Rendu-Osler

Osler-Weber-Rendu syndrome

G. Gay

© Springer-Verlag France 2010

Anomalies dépistées par la capsuleet fréquence

Maladie de Rendu-Osler (RO)-Weber ou télangiectasieshéréditaires hémorragiques

Il s’agit d’une affection autosomique dominante. La muta-tion est localisée sur le chromosome 9q33-q34 qui est res-ponsable des maladies de RO de type 1 qui comporte, dans40 % des cas, des localisations de malformations artériovei-neuses (MAV) pulmonaires [1]. Dans la maladie de RO detype 2, la mutation est localisée sur le chromosome 12q13,elle comporte seulement 14 % de localisations pulmonaireset le plus souvent des localisations de MAV au niveau dufoie [1]. Il existe une troisième mutation au niveau du chro-mosome 5, responsable de maladie de RO de type 3 [1].Il convient de noter que l’association entre la polypose juvé-nile et la maladie de RO a été décrite avec une mutation dugène SMAD4 [1].

La fréquence de la maladie est de 15,6 pour 100 000 habi-tants [2]. Les hémorragies gastro-intestinales sont présenteschez 40 % des patients aux quatrième et cinquième décen-nies [3–6]. Plus jeune, ce sont les épistaxis qui sont les plusfréquentes (90 % des patients).

Anomalies mises en évidence par la vidéocapsuleendoscopique (VCE)

Au niveau de l’intestin grêle, les anomalies mises enévidence par la VCE sont des MAV qui correspondentà des dilatations des veinules postcapillaires qui, par

épaississement de la paroi et accroissement du diamètre, seconnectent aux segments artériolaires des capillaires pourformer des MAV, avec une communication directe.

Ces MAV sont présentes chez 81 % des patients présen-tant une maladie de RO [7–9]. La capsule a une sensibilité de75 % et une valeur prédictive positive de 86 % dans le cadrede cette maladie. Les lésions sont distribuées sur l’ensemblede l’intestin grêle.

À titre d’exemple, dans un travail comparatif portant sur93 patients évalués par VCE pour une hémorragie digestive,où 38 patients étaient porteurs ou suspects d’une maladie deRO, comparés à 55 patients sans maladie de RO, la VCEdétectait des angiodysplasies chez 80 % des patients porteursde maladie de RO, alors qu’il en était mis en évidence chez29 % des patients sans maladie de RO [10]. Dans ce travail,il était possible de définir un nombre minimum de cinq MAVdétectées par la capsule, au niveau de l’intestin grêle poursuspecter ou évoquer le diagnostic de maladie de RO. Aveccette référence de cinq, la sensibilité était de 75 % avecune valeur prédictive pour le diagnostic de maladie de ROde 86 %.

Bénéfice potentiel pour le patient

Il est sans doute significatif dans des situations qui restent àdéfinir (anémie sans épistaxis importantes ou anémiesévère).

Si la maladie n’est pas connue

Le saignement digestif obscur peut être la seule manifesta-tion. Si cinq MAV au niveau de l’intestin grêle sont présen-tes, il sera possible d’évoquer le diagnostic de maladie deRO découverte de façon fortuite (situation rare en pratique),de rechercher les autres localisations en fonction de l’ano-malie génétique au niveau du foie, du poumon et de la sphèreORL, et d’engager les thérapeutiques spécifiques à chaquelocalisation.

G. Gay (*)Unité de médecine interne à orientation digestive,hôpital de Brabois, allée du Morvan,F-54511 Nancy cedex,Francee-mail : [email protected]

Indications de la HAS : Non, sauf saignement digestif inexpliqué.

Acta Endosc. (2010) 40:165-167DOI 10.1007/s10190-010-0058-3

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Si la maladie est connue

La VCE permet de détecter une source de saignementau niveau de l’intestin grêle chez 55 à 75 % des patientsexplorés [11–13] en tenant compte :

• de la fréquence très élevée des épistaxis qui sont lapremière cause de saignement chronique, bien avant leslocalisations digestives ;

• de l’intérêt probable de la vidéocapsule dans un sous-groupe, dont la fréquence est à définir, de patients ayantun saignement chronique sans épistaxis importantes.

Au niveau du grêle

Il est possible de traiter par entéroscopie (simple ou doubleballon) en utilisant le plasma argon. Un certain nombre deprécautions doivent être utilisées : APC en mode pulsatileplus qu’en mode coagulation forcée, en utilisant une énergieplus faible que dans les autres territoires du tube digestif(entre 10 et 30 watts). Lorsque les MAV sont nombreuseset regroupées sur un segment intestinal, la méthode dudouble ballon est supérieure à celle de l’entéroscopie simpleballon. Le système Spirus® est utile également pour obtenirune très bonne stabilité en vue de mieux contrôler les tirsà l’APC.

Examen du duodénum

Il convient de souligner que l’examen du duodénum peutêtre incomplet par la VCE du fait du passage extrêmementrapide de la capsule au niveau du duodénum, et qu’ilconvient de compléter cet examen par des explorationsendoscopiques, utilisant des appareils à vision axiale ou,mieux, latérale pour rechercher les MAV situées au niveaudes premier et deuxième duodénum et du bulbe duodénal.

Risques pour le patient avec l’examen parcapsule et/ou ses conséquences

Dans les différentes données de la littérature publiées surl’utilisation de la VCE dans le cadre de la maladie de RO,il n’y a pas de complication spécifique liée à son utilisation.Le principal risque est lié aux procédures thérapeutiques quisont ensuite mises en œuvre pour traiter ces MAV par APC.Il faut insister également sur la possibilité de lésions repéréesen vidéocapsule qui ne sont pas ensuite retrouvées en enté-roscopie du fait du caractère évanescent de certaines de cesMAV lié aux conditions de réalisation de l’entéroscopie(insufflation). Toute endoscopie dans la maladie de ROexpose à un risque d’épistaxis lors du geste, dont les consé-quences peuvent être importantes (inhalation).

Degré de démonstration du rapportrisque/bénéfice (niveau de preuve)

Vidéocapsule chez les patients porteurs d’unemaladie de RO

La vidéocapsule doit être mise en œuvre chez les patientsporteurs d’une maladie de RO de façon à dépister les locali-sations grêles de la maladie qui sont présentes dans les dif-férentes formes de cette affection. Elle doit être mise enœuvre dans le même cadre que l’exploration de l’estomacpar œsogastroduodénoscopie et le côlon par coloscopie.Elle sera réalisée avant l’entéroscopie, quelles que soientses modalités, puisqu’il a été clairement démontré qu’elle aune incidence diagnostique plus élevée que l’entéroscopiedouble ballon dans cette indication [14].

Angiodysplasies du grêle

En dehors de la maladie de RO, la découverte d’angio-dysplasies du grêle par la capsule endoscopique influence,de façon significative, la stratégie thérapeutique des patientsdans 46 % des cas (23/50 patients), en sachant qu’il estpossible d’obtenir un arrêt des transfusions chez 91 % despatients (21/23 patients) [9]. Cependant, la situation estbeaucoup moins certaine dans le cadre d’une maladie deRO, et ces patients font partie dans les séries endoscopiques(anciennes) des plus mauvais résultats de l’endoscopiethérapeutique. Des études à plus long terme sont nécessairespour juger de l’efficacité du traitement par APC, puisqu’enfonction de l’évolution de la maladie, de nouvelles MAVapparaîtront [15].

Conclusion, utilité, précautions

L’examen par VCE dans le cadre d’une maladie de ROconnue pourrait être utile dans un groupe sélectionné depatients, principalement les anémies sans épistaxis impor-tantes. Elle présente l’avantage d’être un examen totalementnon invasif sans risque de déclencher un saignement ORL, aucontraire d’une endoscopie classique. Elle pourrait égalementêtre utilisée dans la surveillance de la maladie après traite-ment, bien qu’il n’existe pas de données publiées sur cesujet. L’interprétation sera attentive, car la VCE peut manquerdes localisations duodénales. Il conviendra de noter, avec leplus de précision possible, les localisations de ces différentesMAV de façon à les retrouver en endoscopie pour les traiter,en sachant qu’il est parfois difficile, compte tenu desconditions d’examen de cette endoscopie, de les retrouver.

Conflit d’intérêt : aucun.

166 Acta Endosc. (2010) 40:165-167

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