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ENFANT ET SOClI~TI~ maltraitances b enfants et soins medicaux B. ROULLIER La maltraitance a enfants a dtd largement media- tis6e ces derni~res anndes. Les chiffres varient selon les sources et le type de maltraitance qu'elles prennent en compte. Ainsi, pour le ministere des Affaires sociales, en 1992, 30 000 50 000 enfants par an subissent sevices phy- siques, cruaute mentale, abus sexuels et ndgli- gences Iourdes; selon I'Observatoire national de rAction sociale, en 1993, 8 000 a 9 000 enfants par an subissent des mauvais traitements, 30 000 sont en danger. II s'agit la de situations connues repondant a la definition du Pr Courtecuisse (9): c~ On entend par s~vice toute attitude physique ou mentale, tout abus sexuel, toute n~gligence ou mauvais traitement perpetuds sur un mineur du fait de parents ou d'adultes en position de responsabi- litd vis-a-vis de lui ~. Cette ddfinition ne precise toutefois pas le niveau de maltraitance, de mau- vais traitement, de traitement dur. B. ROULLIER, P~diatre, 1 bis rue de Siam, 35400 Saint-Malo. Journal de PCDIATRIEet de PUF:RICULTUREn~ 2-1994 L A litt~rature relative aux s~vices concern6s par les chiffres ci-dessus est abondante. Quant auK ,~ petites >~ maltraitances, non dites, mal r~pertori~es, non publi~es, il nren est pas fait 6tat, et c'est le propos de ce texte. Le probl~me devient de savoir ~i quel niveau on peut parler de maltraitance et ce jugement est, bien stir, subjectif, individuel selon que l'on est le maltrait~, le maltraiteur ou un simple spectateur ; cela renvoie l'~quation personnelle, la culture, les conditions de vie, les syst~mes de r~f~rence.., le sujet s'61argit alors singuli~rement. Dans cet article, je m'attacherai seulement aux maltraitances en rapport avecla prise en charge m~dicale de l'enfant dans notre societY. Ceci recouvre de nombreux domaines : m~decine lib~- rale, hospitali~re, scolaire, m~dico-sociale, de sant~ publique. Je ne pourrai que donner ici le regard d'un m~decin liberal de base ~i partir d'une expe- rience personnelle, en tant qu'acteur (maltraitant ou non), ou observateur. Tout lecteur, comme tool- marne, pourra donc compl&er ce tableau, le propos de cet article &ant, en d~finitive, de susciter une r~flexion personnelle, dans le but, peut-~tre pr~- somptueux, de faire ~voluer les pratiques. I1 ne s'agit pas de se poser en impr~cateur ou d'op~rer un r~glement de comptes, ni surtout, de 97

Maltraitances à enfants et soins médicaux

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Page 1: Maltraitances à enfants et soins médicaux

ENFANT ET SOClI~TI~

m a l t r a i t a n c e s b en fan ts et soins m e d i c a u x

B. ROULLIER

La maltraitance a enfants a dtd largement media- tis6e ces derni~res anndes. Les chiffres varient selon les sources et le type de maltraitance qu'elles prennent en compte. Ainsi, pour le ministere des Affaires sociales, en 1992, 30 000 50 000 enfants par an subissent sevices phy- siques, cruaute mentale, abus sexuels et ndgli- gences Iourdes; selon I'Observatoire national de rAction sociale, en 1993, 8 000 a 9 000 enfants par an subissent des mauvais traitements, 30 000 sont en danger. II s'agit la de situations connues repondant a la definition du Pr Courtecuisse (9): c~ On entend par s~vice toute attitude physique ou mentale, tout abus sexuel, toute n~gligence ou mauvais traitement perpetuds sur un mineur du fait de parents ou d'adultes en position de responsabi- litd vis-a-vis de lui ~. Cette ddfinition ne precise toutefois pas le niveau de maltraitance, de mau- vais traitement, de traitement dur.

B. ROULLIER, P~diatre, 1 bis rue de Siam, 35400 Saint-Malo.

Journal de PCDIATRIE et de PUF:RICULTURE n ~ 2-1994

L A litt~rature relative aux s~vices concern6s par les chiffres c i -dessus est abondan t e . Quan t auK ,~ pet i tes >~ mal t ra i tances , non dites, mal r~pertori~es, non publi~es, il nren

est pas fait 6tat, et c'est le propos de ce texte. Le probl~me devient de savoir ~i quel niveau on peut parler de maltraitance et ce jugement est, bien stir, subjectif, individuel selon que l'on est le maltrait~, le maltraiteur ou un simple spectateur ; cela renvoie

l '~quation personnelle, la culture, les conditions de vie, les syst~mes de r~f~rence.., le sujet s'61argit alors singuli~rement.

Dans cet article, je m'attacherai seulement aux mal t ra i tances en rapport a v e c l a prise en charge m~dica le de l ' e n f a n t dans no t r e societY. Ceci recouvre de nombreux domaines : m~decine lib~- rale, hospitali~re, scolaire, m~dico-sociale, de sant~ publ ique. Je ne pourrai que donner ici le regard d 'un m~decin liberal de base ~i partir d 'une expe- rience personnelle, en tant qu'acteur (maltraitant ou non), ou observateur. Tout lecteur, comme tool- marne, pourra donc compl&er ce tableau, le propos de cet article &ant, en d~finitive, de susciter une r~flexion personnelle, dans le but , peut-~tre pr~- somptueux, de faire ~voluer les pratiques.

I1 ne s 'agit pas de se poser en impr~cateur ou d'op~rer un r~glement de comptes, ni surtout, de

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ENFANT ET SOCII~T(::

donner une image n~gative de la prise en charge mddicale de l 'enfant dans notre soci&8 ; mais plut6t de met t re en relief deux principes directeurs qui doivent gu ider l 'o rdonnateur de soins mSdicaux vers l 'enfant :

- Comment l 'enfant ressent-il ces soins ? Quelle comprehension en a-t-il ?, sachant que ses repr&en- tations sont &olutives (7, 8, 17).

- Que ferais-je s'il s 'agissai t de m o n propre enfant ?, de moi-m~me ?

Cet ordonnateur pouvant 8tre le mSdecin, l'auxi- liaire mSdical, le parent, l ' inst i tut ion ou l'Etat.

On assiste actuellement ~t un important mouve- ment de prise en compte de la douleur chez l'en- fant, sous l ' impulsion d'anesthSsistes pSdiatriques en part iculier . I1 faut souhai ter qu ' i l en soit de m~me vis-a-vis des faits que je vais ~voquer (1, 14).

Le fil conducteur de cette rSflexion pourrait &re cette citation de Janusz Korczak (pddiatre polonais

Varsovie en 1942) dans Quand je redeviendrai petit : << Vous dites, c'est fatigant de frequenter les enfants. Vous avez raison. Vous ajoutez : parce qu'il faut se mettre ~ leur niveau, se baisser, s'incliner, se cour- ber, se faire petit. Lg, vous avez tort. Ce n'est pas cela qui fatigue le plus. C'est plut6t le fait d'&re oblig6 de s'dlever jusqu'~t la hauteur de leurs senti- ments, de s'&irer, de s'allonger, de se hisser sur la pointe des pieds. Pour ne pas les blesser ,,.

s i t u a t i o n s d e m a l t r a i t a n c e

On peut en faire 8tat fi diff&ents niveaux : en m4decine hospitaliSre, en cabinet de ville, en m~de- cine de sant6 publique, en institution. Les exemples qui seront cites ne repr&entent pas un catalogue exhaustif, la notion de maltraitance pourra d'autre part para{tre discutable ; seul, en fait, le vdcu de l 'enfant ~ l'dgard du soin peut en donner la mesure.

b I ' h 6 p i t a l

Pdriode ant&atale

Le d~veloppement rScent de la procreation m~di- calement assist~e suscite de nombreuses interroga- tions soumises aux comit& d'&hique et au 14gisla- teur. Celles-ci r8veillent les questions relatives l ' interruption volontaire de grossesse, en particulier de savoir quand le produit de conception devient humain et alors, s'il est humain, de quelle mani~re on peut agir sur lui. Que penser des rSductions embryonnaires , de la congdlat ion d ' embryon en terme d' individu ?

PrgmaturC

Actuellement se dSveloppent de nouvelles formes de prise en charge du pr6matur8 le situant en tant que personne (unit& Kangourou. . . ) (12), ceci dfi, sans doute, pour beaucoup, au regard nouveau sur l 'enfant qu 'ont apport8 des auteurs comme Fran- goise Dolto. Pour autant, il reste beaucoup ~ faire quan t aux soins donnSs ~ ces enfants. Certaines 6quipes mSdicales, am&icaines, en particulier, font ainsi &at de succSs de prise en charge de tr~s grands prSmatur& comme d 'un exploit *, d'autres en sont encore ~ considSrer que l 'enfant de petit poids, ceci &ant laiss8 ~ l 'appr&iation individuelle de l 'inter- venant concern6, ne dolt pas b~n~ficier de soins de r~animation minimale et dolt donc &re d6laiss~. La r6flexion prSalable d 'une ~quipe, et non d'une seule personne , appara~t alors 8tre la rSfdrence en la matiSre, cela n'est pas toujours le cas (5).

Cet enfant devra bSn6ficier de soins et d'une sur- veillance particuliers, ce sera le cas le plus frSquent ; ma lheureusement , pour des imp&at i fs commer- ciaux, certains enfants soit sont gard~s en mil ieu non adaptS, soit sont transf&& loin de leur m~re pour ne pas induire chez les parents l'id6e qu 'en dSfinitive la naissance aurait dfi avoir lieu dans un autre &ablissement ressenti comme concurrent.

Grenier a bien montr~ que les soins de nursing avaient ~ cet Rge une importance considdrable : << II est impor tant de se souvenir que les nouveau-n4s malades et les pr4matur~s trait6s en unit6s de soins intensifs nSo-natals sont de futurs marcheurs et demandent ~ &re installSs dans des positions qui ne cr&nt aucune ing&ence darts l 'acquisition ~ venir de cette fonction ,,. Ces enfants, sans force, sur le dos, ne peuvent placer leurs membres inf&ieurs qu'en flexion-rotation extrSme des hanches et des genoux ; une position de fonction simple ~ l'aide de coussins prot~gera l ' int6gri t8 des hanches de ces enfants, cela vaut pour tout nouveau-n~ ou nourris- son immobilisS, mais cette mesure simple n'est pas t o u j o u r s app l iqu~e (10). Que l le ( s ) dou leu r ( s ) entra~ne cette posture obligSe ?

Nouveau-nd en maternitg

Certaines 8quipes obst&rico-p~diatr iques font preuve d 'une dynamique visant ~ assurer le bien- &re de l 'enfant et de ses parents, sa m~re en particu- lier, lors de ce sSjour en redonnant ~t celui-ci son caract~re naturel, non pathologique.

Ce m o m e n t est un temps p e n d a n t lequel les roots, les pe t i t s inc iden t s p r e n n e n t une valeur

* 8 novembre 1991, Quotidien du m6decin : Une petite fille de 310 grammes, au terme de 18 semaines de gesta- tion, a et6 maintenue en vie aux Etats-Unis...

98 Journal de PE~DIATRIE et de PUI~RICULTURE n ~ 2-1994

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considerable et ceci, pour le court et le long terme. Le mauvais fonctionnement, le discours discordant, alarmiste, peuvent alors appara~tre comme des mal- traitances potentielles faites ~ l 'enfant et ~i sa m~re ; ainsi Fexemple de ce p~diatre insistant maladroite- ment, dans son discours, sur Fincidence de la mort subite du nourrisson, information sans doute n&es- saire, mais qui peut devenir rapidement traumati- sante, pr&is~ment ~ ce moment.

L'examen du nouveau-n4 dolt montrer le respect que l 'on porte ~ ce b4b~, or cet examen est encore enseign~ c o m m e la recherche, ent re autres , de r~flexes archa'iques, recherche d ' in t&& discutable mais, sans doute, douloureuse pour cet enfant qui a dfi descendre la fili~re g~nitale auparavant, ce qui peut lui avoir donn4 quelques courbatures !

Cet examen est parfois rdalis6 hors pr&ence de la m&re ; dans d'autres maternit6s, la conception archi- tecturale des chambres est telle que Fexamen est fait sur un plan de travail proche du lit maternel mais off l ' examina teur doi t s ' interposer entre le b~bd et sa m~re alitde, cachant le b~b~ ~i celle-ci. Bien souvent, le bdb~ a ~td rdveill~, il va pleurer, il r&lame ~i t&er, il va pleurer encore plus fort, sa m~re, s~par~e de lui par l 'examinateur, interdite par le pouvoir de la blouse blanche n ' in tervient pas, situation probablement stressante pour le b~bd et pour sa m~re. I1 suffirait pour tan t d 'examiner le bdb6 sur le lit maternel, de le r&eiller doucement, de lui donner fi manger ou ~t tdter si besoin, de per- mettre ~t sa m~re de le cflliner pendant l 'examen par les mots ou le toucher ! La force de l 'habitude dans certains services (service de qui ?) fait que cette dis- position simple paralt tout ~i fait d~rangeante et ce type d'examen du nouveau-nd se p&ennise.

Quelle id6e donne-t-on de l 'enfant ~i venir lors- qu'on le fait naltre ~ l'heure de convenance de l'ac- coucheur.., ou de ses parents ? Ainsi Fhistoire de ces j umeaux que l 'on fai t na?tre fi 38 semaines de terme, par c~sarienne, pour la seule raison que l'ac- coucheur partait en vacances ; ils ont une d&resse respiratoire, doivent &re hospitalisds, s~par6s... On est alors loin de la prise en compte des rythmes de vie de l 'enfant ! *

Pourquoi accueille-t-on encore souvent l 'enfant par une injection de vitamine K alors que la voie orale est 6quivalente ?, par un ramonage des losses nasales quand un simple abaisse-langue m&allique sous le nez du b~b6 permet de v&ifier la ventilation nasale ?

* S'il y a une periode de la vie oO I'individu peut evoluer au rythme naturel, c 'est essent ie l lement en per iode neo- natale ; pourquoi ne la preserverait-on pas le plus possible ? (cela vaut ainsi pour les horaires des repas, reveille-t-on un adulte pour lui donner & manger ?).

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ENFANT ET SOCII~TI~

L'allaitement maternel est pr&onis~ mais dans ce domaine que de discours discordants, que d'~checs qui auraient pu &re ~vit&. I1 faut souligner que son enseignement est n~glig~ au cours des &udes m~dicales, ce qui explique bien des interruptions indues pour cause de <~ lymphangite ~, par exemple, cette solution &ant alors plus l ib&atrice pour le m~decin que pour la m~re ! En plus, celle-ci regoit parfois un traitement antibiotique injectable inutile ! Sanc t ion ? C o m m e n t e n t e n d r e ce t te f r~quente r~flexion maternelle ~ propos du lait artificiel : ~ I1 supporte bien son lait ~ ? Regret maternel, culpabi- litY... ? Quand on salt les aspects b~ndfiques de l'al- lai tement maternel en pr&ent ion de la pathologie du nourrisson, pourquoi les pouvoirs publics ne mettent-i ls pas en oeuvre sa promotion de meilleure mani~re ?

Quel lait artificiel choisir, faut-il donner les laits hypoallerg~niques ~i tous les b~b~s puisquTils sont th~oriquement moins allergisants ?, d'autres laits ?

Ce s~jour en maternit~ dolt &re consid&~ comme un temps-cl~ pour la pr&ent ion de la maltraitance, la m~re &ant alors disponible, c'est malheureuse- ment le plus souvent l'aspect technique m~dical qui pr6domine. L'annonce du handicap est un exemple de s i tuat ion ~i haut risque de maltrai tances ul t& rieures, c 'est un travail d '~quipe qui pe rme t t r a d 'aborder cette s i tuat ion de fagon coh~rente (21, 22).

Faut-il encore parler de service de maternit@, de service d 'obst6tr ique ? Et l 'enfant ?, pourquoi ne pas parler p lu t6 t de << maison de la naissance , , pourquoi n'en donnerait-on pas la direction ~i des sages-femmes plut6t qu'aux obst&riciens hommes ?

Service de pgdiatrie

L'am@nagement des conditions d'hospitalisation de l 'enfant a connu une am@lioration notable ces derni~res ann~es, il faut en f@liciter particuli~re- ment les infirmi~res pr6sentes le plus souvent pros des enfants.

II reste encore ~t faire, plusieurs parents d'enfant hospitalisd pourraient en t6moigner. Peut-&re est- ce au corps m@dical qu'il faut demander encore plus de se remettre en cause ~ travers ses prescriptions, ses attitudes.

Parler d 'humanisation, de prise en charge de la douleur de l 'enfant, th~mes d'actualit~, est haute- ment n@cessaire.

Ainsi, une enqu&e rapportai t r~cemment qu'~t l ' issue de l ' hosp i t a l i sa t ion d ' u n enfant , il &ai t demand@ aux p a r e n t s , aux i n f i r m i ~ r e s et aux internes si l 'enfant avait souffert : 7 1 % des parents, 5 1 % des i n f i rmi~ res et 28 % s e u l e m e n t des internes r6pondaient par l 'affirmative !

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ENFANT ET SOCII~TI~

au c a b i n e t m e d i c a l

�9 Un examen mSdical , off Pexamin~ dev ien t objet , est toujours une si tuat ion inquiStante pour celui-ci. L'adulte connalt la fonction de cet examen dont il est demandeur, le pet i t enfant non. I1 faut donc le pr@arer, le pr~venir, c'est le r61e du parent surtout, r61e qui dolt 8tre suggSr~ par le m~decin (message dans la salle d*attente, discours...) ; pr~- venu, on accepte mieux, mSme si on n'a pas une notion claire de ce qui va arriver.

�9 Au cours de l 'examen, le silence du rSf~rent est p r o b a b l e m e n t un autre m o t i f d*inqui&ude pour l 'enfant. A tout prendre, peut-Stre vaut- i l mieux que celui-ci entende << C'est pour ton bien ,, (15), , C'est fini ~,, alors que l 'examen n'est pas fini, alors que l 'examinateur accomplit le travail demand~ par le p a r e n t . E t c o m m e n t l ' e n f a n t e n t e n d - i l ces r~ f l ex ions p a r e n t a l e s : ,< C ' e s t du c i n e m a , d u cirque... ~a suffit.., mSme pas de larmes ~>.

�9 Cet examen dolt 8tre de manipuler doucement cet enfant, de lui laisser un vStement , enveloppe protectrice, de poser sur son thorax un st&hoscope r~chauffS, d 'examiner ses tympans en ayant dSgag$ le condui t audi t i f de la maniSre la moins doulou- reuse possible, en ayant annoncS, expliqu8 ces gestes d'apparence agressive, intrusive, et ceci particuli~re- ment entre 5, 6 mois et 2 ans, 2 ans et demi, ~ge au cours duquel les examens, les contacts avec F~tran- ger sont vScus de mani~re tr~s inqu iS tan te (les s~ances chez le coiffeur sont parfois ressenties de la mSme mani~re). La comprShension de tout cela est impor tan te ~i 8tudier ?i par t i r du poin t de vue de Penfant (7, 8, 17). Ainsi, pourquoi certains alnSs cherchent-ils ~ dSfendre leur pu~n8 contre le mdde- Gin ?

Au total, la situation est difficile pour les trois p e r s o n n a g e s ( e n t r e l e s q u e l s la s y m p a t h i e est variable) : l 'enfant, malade ou non, l 'accompagnant, le mSdecin. La survenue de mort subite du nourris- son apr~s visite mSdicale, vaccination, pourrait-elle 8tre le fair du stress subi lors de l 'examen ?

�9 Vient alors l 'Stape paracl inique et th8rapeu- tique, le m~decin dolt garder en mSmoire Paxiome ,< p r imum non nocere ,> et celui-ci para~t quelque- lois malmen~.

- La prescription croissante de drogues s$datives l 'enfant qui ne dort pas, qui est ,~ intenable ~ alors

que la parole et l 'am~nagement de son cadre de vie pourraient plus probablement amener la solution.

- Les antibiothSrapies excessives, r@~t$es pour ~, angine ,, dans les p remieres ann~es ; l ' angine , douleur en avalant selon la d~finition, n '&ant bien souvent qu 'une rhino-pharyngi te simple d 'origine virale et l 'enfant de 2, 3 ans ne sait gu~re exprimer une douleur de gorge.

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- Les dSsensibilisations injectables interminables imposdes ~ des enfants allergiques ou taxSs d'aller- giques par un allergologue complaisant vis-a-vis des r6sultats de ses explorations.

- Les radiographies de hanches faites encore sys- tS m a t iq u em en t fi t o u s l e s enfants de 3, 4 mois ; l ' u t i l i t8 de ce d@is t age sys tSmat ique ~i t o u s l e s enfants n'est plus v8rifiSe, seul restant valable un d@is tage orientS. Parfois la radiographie est de mauvaise qualitY, elle induit un mauvais diagnostic, un trai tement, des contr61es...

- Les pa racen t~ses , ges tes d o u l o u r e u x chez l ' adu l te pour qui on le p ra t ique sous anes tMsie g~nSrale, mais p o u r t an t d 'usage f rSquent encore pour beaucoup d ' O R L alors que l 'o t i te moyenne aigue guSrit la plupart du temps tr~s bien sous trai- t e m e n t mSdical . I1 faut no te r que bien souven t I ' O R L a la m a i n forc~e par son c o r r e s p o n d a n t m~decin qui lui demande de faire cette paracentSse. I1 en est de mSme pour les indications d'adSnoYdec- t o m i e , de pose d ' a~ ra t eu r s t r a n s t y m p a n i q u e s , d 'amygdalectomie. I1 y a toutefois d iminut ion rela- tive de ce type d ' in tervent ion qu 'on a pu aupara- vant consid~rer comme presque syst6matique (11). Avant d'Stre chirurgien, I 'ORL dolt d 'abord agir en m6decin.

- Ceci vaut aussi pour certaines appendicecto- mies, cures de phimosis. . . (quand on salt de plus que la r4mun~rat ion du m4decin prescr ipteur est inscrite ~ la nomenclature comme assistance ~ inter- vention !).

Le dernier volet de l 'examen mSdical est celui de la prevention et de l '~ducation sanitaire. Est-il sou- vent mis en oeuvre ? Et pourtant , ~ partir de 1~, que de maux pourrai t -on ~viter ; difficile d'y accorder du temps lorsqu'on examine 30 ou 40 personnes par jour ! Ainsi, interrog~s sur les motifs de non-vacci- nation rougeole au cours d 'un sondage r4alis4 par le minist~re de la Sant$, 28 % des parents indiquaient que le mSdecin ne la leur avait pas propos6e.

en m e d e c i n e d e s a n t d p u b l i q u e

La dSmarche de Pexamen dol t rester la mSme alors que le rapport mSdecin-examin8 tend ?i deve- nir plus impersonnel.

M6decine scolaire

La m~decine scolaire a pour r61es la r6alisation de bilans de sant8 et de bilans d'orientation, la raise en place d ' ac t ions de p r o t e c t i o n , de p rSven t ion et d '4ducat ion ~l la sant~, d ' in t6gra t ion d 'enfants et d'adolescents handicapds, 8norme programme qui se heurte ~i bien des difficult6s :

- de la part des parents, qui ne suivent pas tou- jours les recommandations issues de ces bilans ;

Journa l de PE~DIATRIE et de PUI~RICULTURE n ~ 2-1994

Page 5: Maltraitances à enfants et soins médicaux

- de la part des mddecins traitants, qui se sen- tent parfois remis en cause et acceptent mal cet autre regard sur << leur >~ malade ;

- du fait des moyens mis ~i disposition. Un tel programme, pour &re mend ~ bien, n&essite des personnels motivds, disposant d 'une connaissance optimale de l 'enfant, d&enteurs d 'un rdel pouvoir d ' i n t e r v e n t i o n aupr~s du corps ense ignan t , des structures ~ducatives, tous dldments gages du res- pect portd ~ leur fonction. Ce n'est malheureuse- ment pas le cas et ceci gdn~re le d~couragement, le d&int&& et en d~finitive une prise en charge de l 'enfant souvent insuffisante par rapport aux objec- tifs, voire des erreurs graves, ainsi l 'orientation << ~i tort * de jeunes non handicapds, en &hec scolaire pour raison familiale, vers des structures mddico- dducatives.

PMI

La PMI, en premiere l igne quan t aux sdvices graves ~t enfants, bute sur des probl~mes identiques : manque de moyens, administration paralysante.

CAMSP

Les centres d ' A c t i o n mddico-soc ia le prdcoce (CAMSP) mis en place en tant que structures de prdvention pr&oce des handicaps sont parfois absor- b& ~i l ' int&ieur de centres mddico-psycho-pddago- giques (CMPP) et voient ainsi leur projet de ddpart d&ourn~ dans des perspectives de r&updration de pathologies &ablies, avancdes. Dans certains de ces centres, qui recrutent souvent directement sur indi- cation portde par le milieu enseignant, on peut par- ler de psychiatrisation des probl~mes scolaires. L'en- fant repdrd en classe par l ' e n s e i g n a n t pour un probl~me scolaire se volt bientdt imposer une psy- choth&apie l~t off un rapport personnalis~, une prise en charge s imple au ra ien t pu suffire. L ' en fan t devient le faire-valoir du << thdrapeute , .

Le placement d'enfants et les institutions

<~ Bon air ou d~sadaptation ? ~> a-t-on pu &tire en 1971 (20) ~i propos de placements dits sociaux, la question dolt toujours rester prdsente ~l l'esprit du d~cideur et fait encore l 'objet de poldmiques (19).

Quel v~cu pour l 'enfant placd en insti tution ? Le livre de Tomkiewicz et Vivet (18) montre bien le caract~re maltraitant de certaines d'entre elles. Des enfants s'y re t rouvent plac8s avec un diagnost ic mddical parfois discutable mais qui les suivra le long de leur sdjour sans 8tre remis en cause, ent& rind r~guli~rement par les professionnels de l'insti- tution dont la curiosit8 dventuelle pourrait d&dqui- librer le syst~me et fragiliser leur propre place.

Journal de PI~DIATRIE et de PUI~RICULTURE n ~ 2-1994

ENFANT ET SOCII~TI~

<< Qu'est-ce qui fait, par exemple, que ce qui est inhumain, violent, b&e ou inad~quat, perdure dans des institutions accueillant des enfants pour les die- ver, les ~duquer, les instruire ou les rSparer ? ~ (N. Monteggia, L'Enfant d'abord, fSvrier 1992).

les a c t e u r s d e m a l t r a i t a n c e s

On peut situer trois niveaux : les mddecins et le personnel paramedical, les parents et la structure publique, les d&ideurs.

le personnel medical

Pourquoi devient-on mddecin ou soignant ? Cer- tains ont attribud au jeu du docteur chez l 'enfant le rdle d'assouvir un ddsir de vengeance..., sans trans- poser cette hypoth~se quant au choix de la profes- sion mddicale, on ne peut regarder le m o n d e m~di- cal c o m m e un modu le p a r f a i t e m e n t a l t ru i s t e , d~sint&ess& C'est plutdt un reflet parmi d'autres de la soci&d avec ses beaux c6t& et ses imperfections.

Pourquoi devient-on pddiatre plus pr&isdment ? Ce second choix est sans doute plus significatif, il explique pour partie la fdminisation importante de cette sp~cialit&

Sans vouloir 6laborer une rdponse rapide on pour- rait rapprocher ceci de l'id~e que ces mddecins ont q u e l q u e chose de non r~gld vis-~i-vis de leur enfance, un peu comme les enseignants ~ propos desquels E. Mounier dcrit (trait~ du caract~re) : ,~ On devient ense ignant par crainte du monde adulte, on reste dans le monde des enfants, aurdold de la facile sup&iorit~ de pouvoir exercer une auto- rit~ ,~. Peut-on parler d'adultes qui ne sauraient pas gu&ir de leur enfance ? Peut-&re aussi recherchent- ils 1~ une position de super papa ou super maman ?

Pour autant, le pddiatre, comme tout mddecin, peut ~tre maltraitant de plusieurs mani~res :

Par exc~s

- Exc~s d'investigations physiques, ainsi Pinsis- tance douloureuse ?~ vouloir examiner un tympan cachd par un d~p6t de c&umen (reals il y a n~cessit~ d 'examiner ce tympan) , dTinvestigations paracli- niques : bilans sanguins rdp&ds, explorations inva- sives.

- Exc~s de p resc r ip t ions m ~ d i c a m e n t e u s e s , mddicaments injectables lfi o~l la vole orale aurait la m~me efficacitd, mddicaments toxiques.

- Exc~s dans l'usage des mots, celui-ci est diffi- cile ; sa rdsonance est individuel le , raisons suffi- santes pour inciter ~i la prudence de langage, ~ la

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Page 6: Maltraitances à enfants et soins médicaux

ENFANT ET SOCII~TI~

recherche de sa bonne comprehension. Ceci vaut aussi pour les mots &rits : les traces, commentaires, r~sultats inscrits sur le carnet de sant~ pr~sentent le m~me risque.

Le p4diatre du fait de son exp&ience de la dou- leur chez l 'enfant peut ~i la fois y devenir plus insen- sible qu 'un autre m~decin moins accoutumd ou, plus ~i l 'dcoute, du fait du regard qu ' i l porte sur l'enfant. I1 faut ici saluer encore le travail mend sur la douleur de l 'enfant par les anesth6sistes p~dia- triques et souligner l'~volution rapide dans un sens moins agressif des techniques p6diatriques au cours des derni~res ann4es. Pourtant la douleur de l 'enfant est encore sous-estim~e (1, 14).

Par dgfaut

- Erreur, << errare humanum est ,,, en toute hon- n&et~ ; tout mddecin garde en conscience le souve- nir de ses erreurs m~dicales.

- Ddfaut de comp&ence par mauvaise acquisi- tion de sa formation ou mauvais entretien de celle- ci (faut-il rendre la formation continue du m4decin obligatoire ?) (13), l '&olution des connaissances est telle qu'il parah immoral de ne pas les actualiser pour agir << conform~ment aux donn&s acquises de la science ~,, mais en ga rdan t toutefois le recul ndcessa i re p o u r 4v i te r de s ' e n g a g e r dans des erreurs. << Le grand malheur pour un malade, c'est d ' e t r e so ign~ par un m ~ d e c i n i g n o r a n t . La conscience sans la science est inutile. La sensibilitd qui cache Fincomp&ence est dangereuse ,~, &rit le Pr Jean Bernard.

De m~me, le Pr Malinas (Quotidien du mgdecin, 9 juin 1993) dit : << L'ignorance du m4decin dchappe tant qu'il traite des dtats b~nins, de loin les plus nombreux, mais elle &late lorsqu'il tombe sur une maladie de haute gravit~ ,~ (citation d'apr~s Hippo- crate), cette ant ique diatr ibe reste per t inente au si~cle de la m~decine de Knock. En obst&rique, la m~dicalisation des grossesses normales ou le traite- ment de dystocies imaginaires, habituellement tol& r&s par les femmes et les foetus normaux, procurent d'apparents succ~s, et le naufrage est attribud ~i la malchance. L 'argumentat ion ne varie gu~re : ~< Je proc~de toujours ainsi et je n'ai jamais eu d'acci- dent... , .

Le syst~me actuel est tel qu ' i l valorise le c6td relationnel, commergant du m~decin ; un m~decin comp&ent gu~rira ses malades, les verra donc moins souvent et sera moins r~mundrd alors qu 'un autre m~decin, fi l 'entregent facile, avec des r~sultats de moindre qualitY, le sera plus par le patient consom- mateur de soins.

C'est peut-~tre ~ ce niveau qu'on peut situer la pol~mique soulev~e par le Pr B&aud en 1992 qui

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d6nonce ~i propos d'exc~s, les activit& inefficaces mais non intentionnelles; d'abus, les exc~s inten- tionnels et de fraudes, les activitSs illdgales dont se rendent coupables selon lui certains m~decins (ce que l 'on peut v&ifier dans le bulletin de l 'Ordre des m~decins aux d&isions de la section disciplinaire).

- D~faut de prestation, l 'examen n'&ant pas r6a- lis4 dans les r~gles, trop court, incomplet.

- Ddfaut de vouloir ~viter un t raumat isme en prenant des risques inutiles, ainsi diff&er une hos- pitalisation n6cessaire pour ~viter le choc psycholo- gique que pourrait gdn&er cette hospitalisation, ce qui a pu avoir de graves cons4quences ; on peut alors parler d'effet Dolto pervers, d'illusion d'~viter tout traumatisme.

I1 faut aussi signaler le triste aboutissant de la rivalitd p~diatre-gdn~raliste, certains de ces derniers consid~rant le pddiatre comme un m4decin inutile p r6 f&eron t hosp i ta l i se r l ' en fan t p l u t 6 t que de d e ma n d e r l 'avis du p~diatre consu l t an t , lequel pourrait alors parfois rdsoudre le probl}me au domi- cile. I1 est vrai que le p6diatre dans nos r4gions parah exercer une m~decine de luxe, qui pourrait &re prise en charge en grande partie par le g6n&a- liste ; il est tout aussi vrai que l 'enfant peut aussi bien grandir sans m6decin !

- D4faut d'investissement, le m~decin doit-il se cantonner ~i son r61e de technicien de l'acte m4dical ou, compte tenu de sa connaissance de la socidtd ~i travers ses patients, doit-il investir ce savoir dans la vie collective se consid~rant alors comme un tra- vailleur social, un avocat de l 'enfant ?

les parents

Interm6diaires entre l 'enfant et le mddecin, cer- tains auront recours ~t celui-ci au moindre pro- blame, imposant ainsi des examens r6p6t~s ~i leur enfant pour calmer leur(s) angoisse(s). On peut m~me about i r au syndrome de Miinchausen par procuration dans lequel le parent se d4brouille pour que les s4vices les plus importants soient faits par les m~decins eux-m~mes suite ~ des allegations de sympt6mes ou de maladie de son enfant dits ou cr64s par le parent (6).

D'autres, au contraire, pra t iqueront une auto- m~dication dangereuse, ou adapteront ~ leur gr6 les prescriptions ; d'autres ne prendront aucune initia- tive th&apeu t ique devant leur enfant f4brile ou douloureux ; certains feront le choix de th&apeu- tiques ~ consonance douce, magique, en rejetant dans le m~me temps les acquis de la m~decine clas- sique tels les vaccinations : pour quel risque ? Faut- il rappeler ce titre de quotidien : << Les parents vou- laient un accouchement dans l'eau, le b~bd se noie ~t

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la naissance ,~ en septembre 1990 ? L 'a t t i tude de certains parents au cours de l 'examen : absence de r6ponse aux demandes, aux pleurs de l'enfant, voire menaces ou violences pour faciliter, imposer cet exa- men dolt apparaltre ~t l 'enfant comme d'autant plus maltraitante qu'elle lui est incomprehensible.

Que penser de l 'histoire de Ma : d6calottd dans sa premiere ann ie ; le souvenir de ce d&alo t t age a sans doute ~t6 tel que, depuis, il refuse de le faire (il faut ajouter qu'il a eu aussi de multiples paracen- t~ses). A l'~ge de 12 ans, ses parents le conduisent consu l te r un n6phro logue r & e m m e n t instal l6, celui-ci d&lare qu'i l y a phimosis et oriente vers l 'urologue qui propose l ' intervention, les parents consuhent alors le p4diatre pour une autre raison, pddiatre qui avait autrefois d&alott6 M a ; celui-ci persuade alors Ma d'essayer seul et Ma se d&alotte ! Le p~diatre avait &~ form~ par ses mahres et d~ca- lottait donc r~guli~rement ; constatant le caract~re douloureux durable de ce geste, il en est venu ~i remettre en question cet enseignement et ne volt plus de raison de modifier cette atti tude. I1 s'agit l?i d 'une vieille discussion dont l 'enfant fait encore souvent les frais sous caution mddicale alors que le v6ritable phimosis concerne moins de 1 % des gar- cons (4).

Autre exemple, Ro pr6sente une inf lammat ion sous-pr6putiale, la verge est gonfl&, rouge, sensible ; sa m~re appelle le m~decin qui propose un rendez- vous quelques heures plus tard, trop tard pour celle- ci qui emm~ne Ro ~i l'h6pital. I1 y est vu par le chi- rurgien qui, au lieu d 'un simple d&alot tage avec t o i l e t t e du g l and , ges te qui sera i t sans d o u t e momentandment douloureux mais rapidement sal- vateur, proc~de ~ une circoncision dont le r6sultat esth&ique d&esp~re la m~re depuis.

Que penser de ces parents impliquSs dans la prise en charge par l 'enfant de son dnur&ie, de son ob& sit~ ; certains viennent chercher une recette chez le m~decin qui leur demande de soutenir l 'enfant dans sa ddcision, ils ne le font pas ; pourquoi l 'enfant s'impliquerait-il, si m~me ses parents n'y accordent pas plus d' importance ?

Que penser de ces parents qui, ~i 8 h le matin, demandent pour leur enfant f~brile (<~ il me fait de la fi~vre >>) un rendez-vous apr~s 18 h (fin de leur travail) et le met ten t ~ l '&ole route la journ$e ? I1 faut remettre en marche cet enfant ddrangeant qui ne fonctionne pas bien ! Que penser de ces s~jours de cure, de sdjour c l ima t ique pour infect ions ~i r~p&ition, dnur~sie ; ils ont parfois l 'allure d~une d6portat ion sur tout quand on salt que les signes sont ~i prendre comme un appel, comme le reflet d 'un probl~me familial ? Et ces parents qui deman- dent pour le fr~re d 'un enfant justiciable de cure thermale la m~me cure thermale , alors que cet

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enfant est en bonne sant6 ! (16) (~< Cela lui fera du bien ! ~,).

Si on pense ceci ~t propos de thalassothdrapie pour l 'adulte (remise en forme) pourquoi n'en fait-on pas profiter les enfants (probl~me de rentabilit~ &ono- mique ?).

r E t a t

Ses choix de santd publique aboutissent parfois une forme de maltraitance. Ainsi, l 'autorisation de mise sur le march~ du vaccin anti-Haemophilus b, a 4t4 donn& sans accorder le remboursement. La dose de vaccin est vendue 160 F, 3 doses sont n$cessaires avant 6 mois ; on comprend alors qu ' i l puisse y avoir s61ection de fait par l 'argent. Y aurait-il alors le c h o i x p o l i t i q u e de la isser ce r t a ins en fan t s contracter une m~ningite ~ Haemophilus plut6t que d'autres ? *

Autres exemples, le vaccin anti-hSpatite A dont l 'utilit8 para~t inddniable dans le cadre des creches, des services de restauration scolaire. Ce vaccin, non remboursable, devrait-il &re pris en charge par la coltectivit~ compte tenu de la morbidit6 qu'il peut 8viter ? De mSme, la prise en charge des produits acaricides pour les sujets allergiques aux acariens, le bSnSfice en terme de maladie et de cofit parah 6vi- dent.

Point n'est besoin de rappeler Faffaire du sang contamin8 et son lot de souffrances, comment peut- on alors s'en dire responsable mais non couPable ?

Les visites dites obligatoires du nourrisson au cours des premiers mois sont prises en charge 100 % quel que soit le mSdecin, pour tan t seules cer ta ines catSgories de p o p u l a t i o n u t i l i sen t cet avantage en ayant plut6t recours au pddiatre ; pro- blame d~information, de motivat ion parentale ? A priori , le pddiatre parah en mesure d'assurer un suivi op t imum de l'enfant, mSme s'il va bien.

Le 18gislateur, le d4cideur, in i t i a teur de poli- t iques sociales, &onomiques , dir igeant des orga- nismes de santS, a un r61e essentiel en mati~re de pr6vention de la mahraitance ~i enfants. II faut sou- halter que l'enfant, en tant que tel, apparaisse, mal- gr8 son manque de reprSsentation, comme une par- tie de la population ~ prendre en compte autant que d'autres (~i quand un secr&ariat d 'Etat ~ l 'enfant ?) ; cela dolt &re publi6, m~diatisS. Malheureusement, les mddias induisent de plus en plus un systSme de valeurs nouveau oil l 'argent devient valeur essen- tielle au ddtr iment de celles qui ont fond$ notre soci&4.

*Le vaccin est rembours~ & 65 % depuis le 20 d~cembre 1993.

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On pourrait m~me sugg&er de proposer ~ la nais- sance de chaque enfant un ~< contra t de parent ,,, engagement de ceux-ci a t testant qu' i ls ont fair le choix de concevoir cet enfant pour lui assurer soins, ~duca t i on , p r o t e c t i o n , r e spec t de la m e i l l e u r e mani~re. Ce contrat associerait chez les nouveaux parents l 'estime ~i l'dgard de ce nouvel &re. N'&ai t - ce pas l~i un peu la fonction du bapt~me ?

Le Pr Malinas n '4crirai t alors plus L'enfant du siacle : ~< Nourr i ~i la demande d~s le berceau, il dort ~i sa fantaisie ~. << I1 se r4glera plus tard ~ dit-on aux parents 4puis&. A deux ans, d~part pour la creche aux aurores : il y apprend la vie collective dans un m o n d e anonyme dont une ~trang~re, sa m~re, le s4pare chaque soir pour le met t re au lit. Vient le temps de l'~cole : ~< ramass8 ~ ~i 6 h 45, il rentre vers 18 h, satur~ d 'ennui , impa t i en t de retrouver

l 'univers dSbile et violent de son pet i t &ran. Elev6 autrefois par sa famille, maladroitement, imparfai- t e m e n t p e u t - & r e , dans un m d lan g e e m p i r i q u e d ' am o u r , de co n t r a in t e s et d ' i n d u l g e n c e , il est a u j o u r d ' h u i s c i e n t i f i q u e m e n t ~ form~ ~ sur des normes moyennes, par des sp&ialistes dipl6m~s, sur fond de vidSo, dans un isolement affectif total. Les troubles du sommeil (entre autres) t~moignent du dSsarroi de l 'enfant, imaginatif, enthousiaste, exces- sir, avide d'affection et de merveilleux, et pas n&es- sa i rement surdou~, devant une soci&8 d 'adul tes 8go~'stes et de vieillards dSsabusSs oil il fait figure de gSneur. I1 n 'y conserve qu 'une toute pe t i te place comme obje t privil~gi6 d 'exp&iences m6dicales, socio-culturelles et p~dagogiques ~.

Et le Dr Boudar t n 'Scrirait pas : ~< On tue les petits enfants... ~. Utopie ? �9

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