Management, Mondialisation, Écologie Regards Critiques en Sciences de Gestion

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  • 7/24/2019 Management, Mondialisation, cologie Regards Critiques en Sciences de Gestion

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    Confrence annuelle AIMS juin 2010 - Luxembourg

    Table ronde

    Management, mondialisation, cologie : Regards critiques en

    sciences de gestion

    Participants

    Florence Palpacuer (coordinatrice) est Professeur en Sciences de Gestion lUniversit

    Montpellier I o elle coordonne le groupe de recherche Altermanagement, Mondialisation, etEcologie avec Maya Leroy au sein de l'Equipe de Recherche sur la Firme et l'Industrie

    (ERFI). Ses travaux portent sur les consquences humaines des stratgies de globalisation et

    financiarisation, notamment louvrage Sorties de cadre(s) publi aux Editions La

    Dcouverte avec A. Seignour et C. Vercher en 2007, et sur les approches innovantes

    daltermanagement.

    Frdric Le Royest Professeur lUniversit Montpellier I (ISEM) et au Groupe Sup de Co

    Montpellier. Il est directeur de lERFI. Ses recherches portent, dune part, sur le management

    stratgique de la concurrence et dautre part, sur lentrepreneuriat et l'innovation. Il a publi

    de nombreux articles scientifiques et plusieurs ouvrages, dont Stratgies Collectives chez

    EMS, en 2007, avec Sad Yami et Management Stratgique de la Concurrence, chez

    Dunod, en 2009, galement avec Sad Yami.

    Nicolas Balasest doctorant et ATER en Sciences de Gestion lUniversit Montpellier I. Sa

    thse, ralise au sein de lERFI, interroge la nature du lien firme-territoire dans la stratgie

    des firmes multinationales de l'industrie des semi-conducteurs, ainsi que le rle jou par les

    stratgies politiques locales en tant que mouvements d'adaptation et de rsistance la

    dterritorialisation des firmes."

    Maya Leroy est enseignant-chercheur en Sciences de Gestion AgroParisTech - Ecole

    nationale du gnie rural des eaux et des forts (ENGREF) o elle est responsable du groupede recherche Gestion Environnementale des Ecosystmes et Forts Tropicales et dirige le

    Master du mme nom. Elle coordonne galement le groupe Altermanagement,

    Mondialisation, et Ecologie avec Florence Palpacuer au sein de lERFI lUniversit

    Montpellier I. Elle est lauteur du livre Gestion stratgique des cosystmes du fleuve

    Sngal. Actions et inactions publiques internationales sorti en 2006 aux ditions

    lHarmattan.

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    I.ELEMENTS DE CONTEXTE ET INTRODUCTION

    La table ronde rassemble une partie des auteurs et coordinateurs de louvrage collectif

    du mme nom paru en mars 2010 aux Editions Herms Sciences (Palpacuer, F., Leroy, M. et

    Naro, G. (coord.) Management, mondialisation, cologie : regards critiques en sciences de

    gestion ). Elle sinscrit dans une conception pluridisciplinaire du management stratgique

    sintressant aux consquences socitales de la diffusion, lchelle transnationale, dune

    forme de management axe sur la poursuite de rendements financiers court terme non

    seulement dans les grandes firmes du priv mais aussi de plus en plus dans le management

    public. Depuis une dizaine dannes, ce phnomne a gnr de multiples dbats quant ses

    formes, moteurs et consquences pour les socits humaines, dbats o les sciences sociales

    telles lconomie, la sociologie ou la gographie furent largement mobilises tandis que les

    sciences de gestion noccupaient quune part marginale.

    Lorsque les sciences de gestion sintressent au phnomne, cest dans une vise

    essentiellement prescriptive concernant les modles et techniques de gestion par lesquelles les

    firmes accrotre leurs performances, et dans une approche segmente o les dimensions

    financires, productives, et de mise en march sont traites par des disciplines distinctes. Les

    consquences sociales et environnementales des nouvelles pratiques de gestion, les valeurs

    quelles vhiculent et la faon dont elles articulent finalits conomiques, sociales et

    environnementales, restent largement inexplores par les spcialistes du management. La

    rcente mergence dune thmatique de Responsabilit Sociale de lEntreprise (RSE) se

    structure son tour en domaine de spcialit centr sur ltude des pratiques et outils dploys

    par les fonctions du mme nom, cres dans les entreprises en rponse des pressions

    socitales croissantes, fonctions qui se juxtaposent, plutt quelles ne sintgrent, leurs

    activits productives.

    Les pressions socitales et les interrogations que suscitent ces modes de management

    peuvent cependant trouver chos dans lapparition dun courant de pense critique en sciences

    de gestion. Dans les pays anglo-saxons, un courant de ce type se dveloppe au cours des

    annes 1990s. Il questionne la nature et les finalits des connaissances produites dans la

    discipline, dnonant le managrialisme de travaux de recherche qui adoptent implicitement

    les finalits managriales et ce faisant les lgitiment en leur confrant la neutralit dun statut

    technique et scientifique. Ces publications ancrent leurs cadres conceptuels dans diffrents

    courants de pense dinspiration no-marxiste ou post-moderniste, et se proposent dlucider

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    les rapports de pouvoir et de domination dissimuls derrire une vision neutre, a-contextuelle

    et instrumentale du management.

    En France, si les thories critiques ont t largement dveloppes en sciences sociales

    et ont, en grande partie, fourni les fondements thoriques des Critical Management Studies

    anglo-saxonnes, leur essor dans le champ des sciences de gestion est trs rcent. Ce courant

    encore multiforme reprend des points d'ancrage fondamentaux de l'attitude thorique critique :

    mfiance l'gard des normes que la vie sociale, telle qu'elle est organise, fournit

    l'individu, rejet d'une orientation positiviste prtendant la neutralit du chercheur et des

    pratiques de gestion, prise en compte des rapports de pouvoir, mancipation des acteurs de

    lentreprise, rflexivit du chercheur. Il s'agit d'une vision de l'activit intellectuelle qui

    insre celle-ci dans le dveloppement historique plutt que de la placer dans une position

    surplombante.

    En abordant les fondements thoriques de la critique en management selon une

    perspective franaise, louvrage rcemment publi par Golsorkhi, Huault et Leca (2009)

    contribue promouvoir ces nouvelles perspectives pour les chercheurs en gestion. Dans cet

    esprit, et en vue de contribuer lmergence dune vritable cole de pense critique en

    management en France, la prsente table ronde invite chercheurs, enseignants et doctorants

    interroger les limites dun management ax sur la recherche de rentabilit financire et contribuer, dans leur activit de production et diffusion de connaissances, promouvoir un

    management plus respectueux des personnes, des groupes sociaux et des cologies dans

    lesquelles elles sinscrivent. Louvrage sur lequel sappuient les contributions la table ronde

    propose ainsi diffrents regards sur des pratiques de management qui ont contribu

    privilgier des objectifs de performance financire dans la conduite des organisations au cours

    des dernires dcennies. Il sagit ici dancrer la critique dans lanalyse des comportements de

    managers, salaris, syndicalistes, mais aussi dcideurs publics ou encore militants, tels quils

    se dploient dans des structures quentrinent, stabilisent ou contestent diverses institutions et

    mouvements sociaux, au travers de jeux de pouvoir dont la mise jour savre essentielle

    dans une vise politique dmancipation des acteurs. Ce faisant, on interroge les finalits

    attribues aux organisations, aussi bien dans leurs dimensions idologiques et thoriques que

    dans leurs dclinaisons pratiques, en soulignant le caractre fondamental des finalits sociales

    et environnementales du management.

    Cette table ronde sorganise en quatre volets principaux. Lintervention de Florence

    Palpacuerplante tout dabord le dcor en mettant en vidence les dimensions conomiques,

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    organisationnelles et idologiques des processus de mondialisation par lesquels les finalits de

    la grande firme ont t progressivement rorientes vers la qute de profit court terme au

    cours des dernires dcennies, au dtriment des finalits productives et sociales des

    organisations. Celle de Frdric Le Royinterroge la manire dont les fondements discursifs

    du management stratgique ont accompagn et favoris ces volutions, en sintressant

    lusage de la mtaphore militaire dans la conduite des organisations et aux formes de

    naturalisation de la violence sociale quelle induit dans les rapports intra- et inter-entreprise.

    Nicolas Balas prolonge cette rflexion en sintressant aux effets de la diffusion de

    lidologie managriale dans la conduite des politiques publiques territoriales. Il montre que

    le recours croissant au concept de cluster portrien favorise un glissement des finalits du

    dveloppement local, dune logique de promotion des activits conomiques au service du

    territoire, porte par des acteurs locaux, vers une mise disposition des territoires au service

    de lconomie mondialise. Enfin, Maya Leroy aborde le volet environnemental du

    management stratgique en posant les jalons dune dmarche danalyse stratgique qui situe

    la protection des ressources naturelles comme une vritable priorit face aux enjeux

    conomiques qui tendent gnralement simposer dans les choix de management. Cet

    ensemble dinterventions questionne les finalits du management stratgique et la manire

    dont les rapports de force et prsupposs idologiques qui faonnent son contexte daction

    sont susceptibles dorienter et de rorienter les choix managriaux, dans un contexte social,

    conomique et cologique aujourdhui porteur de fortes incertitudes et appelant un

    renouvellement de la pense et de laction managriales.

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    II.RESUME DES INTERVENTIONS

    I.

    La nouvelle hgmonie managriale mondialise : une lecture no-gramcienne Florence Palpacuer

    Un certain nombre dauteurs issus de lconomie politique et des relations internationales

    ont mobilis lhritage dAntonio Gramsci pour examiner les rouages du systme de

    domination qui sest construit lchelle mondiale sous leffet des phnomnes de

    drgulation des marchs et de globalisation des stratgies des firmes. Ces approches no-

    gramsciennes soulignent lmergence dune classe capitaliste transnationale (Sklair, 1998)

    forme de nouvelles lites managriales, politiques et financires, ainsi que le rle dun

    ensemble dinstitutions incluant les firmes transnationales, grands cabinets de conseil,

    organisations internationales (OCDE, FMI, Banque Mondiale, OMC), laboratoires de

    recherche et grandes coles de management dans la lgitimation et la diffusion de lidologie

    no-librale qui taye ce systme de domination. Dans une perspective gestionnaire,

    lapproche no-gramscienne permet de mettre en vidence la manire dont les grandes firmes

    participent de cette hgmonie no-librale dans les dimensions conomiques (1),

    organisationnelles (2) et idologiques (3) de leurs activits, que nous mettrons ici en vidence

    pour fournir des lments de contexte aux interventions qui vont suivre.

    1. La dimension conomique, ou la qute perptuelle du profit

    Largent, qui possde la qualit de pouvoir tout acheter et de sapproprier tous lesobjets, est par consquent lobjet dont la possession est la plus minente de toutes.Luniversalit de sa qualit est la toute-puissance de son tre ; il est donc considrcomme ltre tout-puissant. Largent est lentremetteur entre le besoin et lobjet, entre

    la vie et le moyen de vivre de lhomme (). Ce que je peux mapproprier grce largent, ce que je peux payer, autrement dit ce que largent peut acheter, je le suis

    moi-mme, moi le possesseur de largent. (). Si largent est le lien qui me relie lavie humaine, la nature, largent nest-il pas le lien de tous les liens ? () Cest ladivinit visible, la mtamorphose de toutes les qualits humaines et naturelles en leurcontraire, la confusion et la perversion universelles des choses

    (Marx, Manuscrits de 1884)

    Marx est aujourdhui rarement cit pour ses talents de philosophes ou sa capacit

    exprimer ce que largent, moyen dinvestissement et dchange, est devenu au fil de

    lexpansion dun systme capitalisme guid par la seule logique daccumulation financire.

    Le rapport du capital au travail, ou celui des actionnaires lentreprise, a ainsi connu une

    mutation profonde amorce aux Etats-Unis dans les annes 1980s et se diffusant en Asie et en

    Europe au cours de la dcennie suivante. Le retour sur capitaux investis, nouveau mantra dellite mondiale des hauts dirigeants, analystes financiers et gestionnaires de fonds, est devenu

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    lalpha et lomga de la gestion des grandes firmes, dclin en cascade auprs des employs,

    sous-traitants, clients et au-del, dans les sphres publiques et sociales quil sagit de

    transformer, chance plus ou moins brve, en nouveaux espaces de march. Dans la sphre

    acadmique, la redcouverte des thses de Jensen et Mecklin offre une lgitimit scientifique

    la conception de lentreprise qui guide des politiques managriales dsormais financiarises,

    cest--dire orientes de manire prpondrante vers la rentabilit des capitaux investis. Entant quapporteur de capitaux, lactionnaire, bien que distant, minoritaire, et peu investi dans

    le pilotage de lentreprise des caractristiques qui portaient dj Veblen critiquer ce

    propritaire absent (absentee owner) dans les annes 1930 est ici considr comme le

    bnficiaire lgitime et prioritaire des richesses gnres par lactivit productive.

    Ce dtournement des finalits de la firme au profit du dsir denrichissement dune petite

    lite a pour principale consquence daccrotre les ingalits, inversant ainsi partir des

    annes 1980 les tendances lhomognisation sociale luvre au cours des trente

    glorieuses dans les pays occidentaux. Le systme de croissance rig en rfrence mondiale

    pour orienter les politiques de dveloppement des pays considrs comme moins avancs se

    rvle ds lors inapte concilier progrs conomique et social. Bien au contraire, les pays

    industrialiss sorientent vers une forme dorganisation sociale o leffritement des classes

    moyennes est symptomatique dune rgression sociale soprant au dtriment des idaux

    dmocratiques de solidarit et de cohsion nationale ayant guid les politiques daprs guerre.

    2. La dimension organisationnelle, ou le divorce entre besoin, consommation et

    production

    Cette qute insatiable de profits cre une injonction de croissance perptuelle pour des

    firmes qui oprent pourtant, en Occident et lissue des trente glorieuses, sur des marchs o

    les besoins des populations sont dj largement satisfaits. Plutt que denvisager des limites,

    voire des schmas de dcroissance prns par les mouvements sociaux alternatifs, elles

    cherchent au contraire stimuler la consommation par le biais dune prolifration des produits

    que soutiennent dimportants efforts de recherche, dveloppement, diffrenciation etsophistication des prestations proposes. Le consumrisme, posant lacte de consommation

    comme fondement identitaire de lindividu contemporain, constitue ds lors lindispensable

    complment des logiques de financiarisation et stend mme dans les sphres publiques o

    patients, tudiants, et usagers doivent devenir avant tout des clients . Le dtournement des

    besoins de construction de soi, de socialisation et de lien la nature, combin au mythe dune

    satisfaction sans limite des dsirs, favorise des comportements de rptition de lacte dachat

    qui confrent la consommation une dimension compulsive identifie par les psychanalystes

    comme tant associe la pulsion de mort.

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    La dconnection qui sopre entre lusage rel, matriel, dun produit ou service et le dsir

    qui prside son acquisition trouve son pendant, au sein des systmes productifs, dans un

    clivage de plus en plus fort entre la fabrication et lusage du produit. La glorification des

    investissements marketing laval des filires va de pair avec un mpris affich pour les

    activits productives qui sont externalises, dlocalises et relocalises selon des calculs

    managriaux de plus en plus prcis. Considres comme moins cratrices de valeur

    entendons, valeur actionnariale des pans entiers dactivits, salaris et quipements compris,

    sont vendus ou ferms pour y substituer des contrats de prestation commerciale autorisant une

    mobilisation fluctuante, incertaine en volume et en continuit mais bien prvisible quant ses

    exigences continues de rduction des cots. Le modle daffaires de Nike est entirement

    construit sur cette ide, la firme tant cre ds les annes 1970 sans possder aucune usine.

    Le principe est dclin selon des formes varies en fonction des contraintes propres

    diffrentes industries. Tandis que de lointains sous-traitants asiatiques fabriquent des produits

    vestimentaires ou lectroniques aux composants lgers et non prissables, les vignerons de

    Champagne assemblent sur place les cpages du Mot et Chandon pour le compte du

    propritaire de la marque, LVMH, et les franchiss de Jean-Louis David excutent ses coupes

    de cheveux proximit des lieux de vie des clients.

    Des calculs de rationalit conomique guident ces choix de localisation et dorganisationde la production, gnrant une distance non seulement gographique mais aussi cognitive et

    sociale entre les personnes impliques dans la fabrication, la consommation, et les processus

    de dcision. Le dploiement de stratgies de march globales sest en effet accompagn dun

    phnomne de centralisation et de concentration gographique des dcisions managriales

    concernant les produits, le marketing, la fabrication, et lensemble des processus participant

    de lactivit de lentreprise tels que la gestion des ressources humaines, des

    approvisionnements, des systmes dinformation, etc., qui sont de plus en plus loignes de

    leurs lieux dapplication.

    3. La dimension idologique : libert individuelle, culte de lego et dni du collectif

    Lune des questions fondamentales qui porte la rflexion dAntonio Gramsci est de savoir

    pourquoi la rvolution prdite par Marx ne sest pas ralise, ou pourquoi les classes

    domines acceptent un systme social qui les assujettit aux intrts des groupes dominants. Il

    met ainsi jour le rle de lidologie, cest--dire du systme de pense par lequel les acteurs

    adhrent lhgmonie en place. De fait, comme lanalysent remarquablement Chomski et

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    Herman (2008), lhgmonie no-librale repose sur un principe de libert de choix des

    individus. Cest au nom de la libert de choix que se construit largument irrfutable, pierre

    dangle de lhgmonie no-librale, selon lequel, prcisment, il ny a pas dautre choix que

    daller plus avant dans ce systme. Dans le mme ordre dide, au sein de la communaut

    scientifique en gestion, si chacun dplore in pettoles impasses sociales et environnementales

    que produisent des logiques managriales devenues outrancirement financires, peu

    saffranchissent dune forme dautocensure qui les amne choisir, librement, de poursuivre

    une stratgie de publication scientifique qui contribue lgitimer, plutt quelle ne critique,

    cet excs de financiarisation.

    Comment se fait-il que chacun, librement, se soumette une telle absence de choix ? Quels

    sont les moteurs de ladhsion des individus lhgmonie managriale et financire ?

    Pourquoi les cadres, en particulier, acteurs privilgis mais galement victimes de sa mise en

    uvre, expriment-ils si peu de rsistance ? Deux dispositifs semblent luvre pour

    expliquer ces comportements. Ils constituent deux facettes dune mme reprsentation des

    rapports humains dans lentreprise, fonde sur le principe du march et mise en uvre par le

    biais de politiques de management individualises qui reportent sur la personne lessentiel des

    responsabilits quant au contenu et au rsultat de son activit (Courpasson, 2000 ; Palpacuer,

    Seignour, Vercher, 2007). Vers le haut des nouvelles hirarchies, ou lorsque le vent soufflefavorablement sur la carrire de lun ou lautre, le culte de lego constitue un puissant moteur

    dadhsion lhgmonie managriale et financire. La rhtorique simpliste des nouvelles

    cultures dentreprise (Marzano, 2008), la force symbolique de largent, allies celle dun

    pouvoir hirarchique qui peut placer sous la responsabilit dun cadre, parfois trs jeune, le

    futur de centaines ou de milliers de salaris, flattent les dsirs infantiles de toute puissance.

    Vers le bas de la hirarchie, ou lorsque le vent tourne, invitablement, cest la peur, lie

    linscurit que procure ces systmes individuels de management, qui prend le pas pour forcer

    ladhsion des salaris. Cette peur liquide , que gnre une socit de modernit liquide

    (Bauman, 2006) o les individus sont seuls face lincertitude, constitue un puissant vecteur

    de conformisme par lequel les personnes, souvent en se sur-adaptant ou en absorbant par le

    stress, voire la maladie, des niveaux dinjonction sans cesse croissants, mobilisent leur

    nergie au service de finalits productives quelles sefforcent, au mieux, de ne plus

    interroger.

    Cest donc un enjeu majeur de reconstruction du lien social et du lien la nature que

    nous sommes aujourdhui confronts, tant dans nos pratiques individuelles de salaris ou de

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    consommateurs, quen tant quenseignants-chercheurs produisant des cadres danalyse et des

    outils pour le management des organisations. Se pose ds lors la question des formes

    dengagement choisies dans notre discipline pour participer aux dbats concernant les

    consquences sociales et environnementales de cette hgmonie managriale qui porte en elle

    une volont dexpansion permanente des espaces de march au service de la croissance et du

    rendement financier. La dconstruction des prsupposs managriaux contemporains, telle

    que loprent Frdric Le Roy et Nicolas Balas dans les exposs qui vont suivre, participe

    dun tel engagement, tout comme le programme de recherche propos par Maya Leroy en

    matire de management environnemental.

    II. Stratgie : analyse critique dun concept Frdric Le Roy

    Le Management Stratgique, comme ensemble de thories et de modles lattention des

    dirigeants dentreprise, est n dans les annes 1960, sous la double impulsion des

    universitaires (Ansoff, 165 ; Learned et al, 1965) et des cabinets de consultants nord-

    amricains comme le BCG. Cette nouvelle discipline sinscrit dans le projet global du

    Management Science, qui consiste rationnaliser les dcisions de lentreprise, en loccurrence

    celles de la direction gnrale.

    Cette nouvelle discipline ou fonction de lentreprise se popularise trs rapidement et trouve

    ses fondements acadmiques dans la cration dune socit savante qui lui est ddie, en

    1980, sous le nom de Strategic Management Society, qui lance le Strategic Management

    Journal. Dans le mme mouvement, des cabinets de conseil comme le BCG, McKinsey,

    ADL, etc. popularisent un certain nombre de modles, comme les matrices de portefeuille, qui

    donnent une trs forte notorit ce nouveau concept de Management Stratgique.

    Cet engouement se fait sans interrogation sur le concept de stratgie en lui-mme, sur ses

    fondements, ses prsupposs et ses limites (Ezzamel et Willmot, 2007). Les ides que

    vhiculent le mot stratgie sont en elles-mmes peu tudies. Le sens vhicul par le mot

    stratgie dans le contexte conomique ainsi que les effets de ce sens sur les comportements

    des organisations et des individus qui les composent ne sont quasiment pas tudis. Or, le mot

    stratgie nest pas neutre. Il nest pas dorigine conomique mais dorigine militaire. Il va

    donc vhiculer un sens dans le contexte conomique qui va mettre laccent sur les

    caractristiques du contexte militaire.

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    Depuis plusieurs annes, des disciplines comme la psychologie cognitive accordent une

    importance croissante la mtaphore. Elle n'est plus conue comme un simple discours

    figuratif mais comme l'un des plus importants mode de comprhension du monde, c'est--dire

    un processus par lequel est compris et structur un domaine. Les mtaphores sont alors

    considres comme des objets de recherche scientifique.

    Sous l'influence de ces volutions, plusieurs auteurs se sont regroups pour proposer que

    les mtaphores deviennent un champ de recherche en sciences de gestion. Le rle des

    mtaphores dans la construction des thories portant sur les organisations devient ainsi un

    objet de recherche. Dans cette perspective, l'objet de ce chapitre est d'tudier les fondements

    mtaphoriques du Management Stratgique, en loccurrence la Mtaphore Militaire (MM),

    afin de mettre en vidence le sens vhicul par le concept de Stratgie, sa porte et, surtout

    ses limites, tant conomiques que morales.

    Quel mode de reprsentation est cr par ces applications mtaphoriques de la stratgie

    militaire? Quelle grille de lecture de l'environnement cible fournissent les modles

    sources ? Toute mtaphore de l'organisation a quatre dimensions: une vision ontologique,

    des concepts (un vocabulaire), des modles (des thories) et des valeurs.

    Dans la vision ontologique, l'application directe de la conception conflictuelle de la

    stratgie militaire, se traduit par une reprsentation de l'entreprise fonde sur la notion de

    conflit. Par nature, les entreprises sont en conflit avec leurs concurrents pour survivre ou se

    dvelopper. Leurs relations sont reprsentes de faon dichotomique o sont opposs les

    ennemis et les allis . L'accent est essentiellement port sur les notions de combat ou

    de victoire: the objective is simple: victory. conflict, not co-operation, is the norm. En

    d'autres termes, sur le plan ontologique, la mtaphore militaire renforce la thse d'un univers

    hypercomptitifdans lequel les entreprises sont condamnes s'agresser mutuellement pour

    survivre.

    Sur le plan du vocabulaire, il est remarquable de constater que, malgr la diffrence de

    nature entre le contexte militaire et le contexte conomique, de nombreux termes militaire

    vont se diffuser dans les recherches en Management Stratgique. Ainsi, la rfrence militaire

    ne sera plus systmatiquement cite quand il s'agira de dfinir les stratgies offensives et

    dfensives , les manuvres concurrentielles , les stratgies dattaque , etc. En ce sens,

    de nombreux termes issus de la stratgie militaire sont en train de devenir des mtaphores

    mortes dans les tudes s'inscrivant dans le paradigme concurrentiel.

    Les modles qui composent la MM sont essentiellement fonds sur la notion de manuvre.

    Le march ou le secteur tant considr comme le champ de bataille , tout le problme de

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    la stratgie consiste manuvrer, de la mme faon qu'une arme se dplace sur un champ de

    bataille physique, pour prendre des positions avantageuses. Deux types de manuvres

    gnriques sont alors possibles: les manuvres offensives et les manuvres

    dfensives .

    Ces modles crent des modes de comprhension du contexte conomique qui permettent

    une reprsentation image de situations complexes. La faible formalisation du transfert,

    caractristique de la mtaphore (par opposition l'analogie), leur donne une flexibilit, une

    rapidit et une crativit qui en ont fait le premier mode de reprsentation de nouveaux

    comportements concurrentiels, comme la conqute des marchs amricains par les

    entreprises japonaises. Ces modles vhiculent alors un certain nombre de valeurs militaires.

    C'est sans doute ce problme des valeurs qui est un des points les plus polmiques de

    l'emploi de la MM. La MM vhiculerait un certain nombre de valeurs positives pour les

    organisations comme la discipline, qui permet de satisfaire le besoin de contrle

    organisationnel, la solidarit de groupe, l'esprit de corps et, plus gnralement, les valeurs

    masculines comme la force, la loyaut et l'endurance. De la mme faon, elle exalterait les

    valeurs de victoire, d'honneur et de dfense de la nation qui sont susceptibles de crer une

    dynamique forte, un esprit de combat , l'intrieur de l'organisation.

    Dans une perspective plus critique, l'emploi du langage militaire est conu comme un

    moyen permettant de maintenir une culture masculine dfavorisant les femmes dans

    l'organisation. La MM est galement accuse de renforcer les valeurs de la planification en

    entretenant le mythe de l'Etat-major qui planifie les actions que les oprationnels, sur la

    ligne de front , mettent en uvre. Dans un mme ordre d'ide, elle entretiendrait le mythe

    des grands leaders , des grands capitaines d'industries qui, par, leur gnie ,

    mneraient les entreprises qu'il dirige la victoire , de la mme faon que le succs

    d'Austerlitz fut essentiellement attribu au gnie de Napolon. En d'autres termes, la MM se

    traduirait par une communication top-downrenforce, c'est--dire par un pouvoir accru de la

    direction .

    Les plus violentes critiques faites MM sont essentiellement d'ordre thique. Ainsi, elle

    vhiculerait un certain nombre de prsupposs idologiques trs dangereux comme la

    ngation de la valeur de la vie humaine, la violence de groupe, l'esprit de revanche, le

    rabaissement de la nature humaine et le contrle par la menace.

    Dfinir des stratgies pour les entreprises revient introduire une faon de penser dorigine

    militaire, dans laquelle ces entreprises sont en situation de conflit vital, o le plus agressif

    survit. Cette faon de penser justifie de lemploi de la violence interne sur les salaris,

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    vritables soldats de la guerre conomique , quil faut donc tre prt sacrifier. Elle

    justifie aussi lemploi de la violence externe sur les rivaux, vritables ennemis , quil faut

    sattacher rduire ltat de vaincu . Tous les moyens sont donc bons, dans un vritable

    vacuum moral, pour triompher de lennemi.

    Ltudiant en management se voit ainsi dot dune impunit morale pour ses futures

    fonctions de manager. La ruse, le subterfuge, la tromperie, la dsinformation, etc., ne sont pas

    immorales mais, au contraire, sont des comportements qui sont efficaces dans lobjectif

    dobtenir la victoire. Le manager stratge a toute lgitimit pour employer tous les moyens

    qui lui semblent ncessaires pour abattre ladversaire et, comme les soldats de larme, les

    employs quils dirigent doivent mettre en uvre ses dcisions sans questionner leurs

    fondements thiques.

    Toute forme de compassion, de considration vis--vis de ladversaire ou mme vis--vis

    de ses propres employs, nest rien dautre quune faiblesse dont lennemi risque de profiter.

    Le manager stratge, comme le bon gnral en situation de guerre, ne peut avoir aucune

    considration pour les consquences humaines de ses choix. Monstre froid et calculateur, le

    stratge utilise la vie humaine comme une ressource interchangeable et ne questionne pas le

    cot humain de ses choix. Un gnral qui prendrait trop en considration la vie de ses soldats,

    voire celles des soldats et de la population ennemie, ne peut pourrait tre amen qu

    connatre la dfaite.

    Le Management Stratgique est donc tout sauf neutre. Il participe la lgitimation dune

    caution de comportements que la socit considrerait comme immoraux par ailleurs. Qui

    peut recommander de dsinformer volontairement ses semblables, de les duper, de les

    espionner, de les anantir physiquement et/ou psychiquement ? Cest la pense stratgique,

    qui justifie ces comportements par leur finalit originelle, en loccurrence la victoire militaire.

    III. Le management stratgique est-il performatif ? Clusters

    portriens et ples de comptitivit Nicolas Balas

    La thorie du management, littrature de business school pour business school,

    remplit une fonction tout fait semblable celle des crits des juristes europens

    des XVIe et XVIIe sicles qui contribuent faire lEtat sous apparence de le

    dcrire (Bourdieu, 2000 : 245).

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    En mobilisant la notion de performativit, dveloppe par le courant de recherche qui

    a merg la suite de lagenda propos par M. Callon (1998), cette intervention propose

    dexplorer et de caractriser les liens qui relient les thories du management stratgique

    lempirie. Dans la ligne des travaux rcents prnant un tournant linguistique des sciences

    sociales, nous analysons le management stratgique sous langle de sa rhtorique et des

    noncs quelle produit (Ezzamel et Willmott, 2007 ; Suddaby et Greenwood, 2005). Ces

    rcits managriaux ne jouent alors plus le simple rle de mdia transparent des pratiques

    observables. Ils prennent la forme dune narration instrumentale qui donne voir plus quelle

    ne dcrit, et de ce fait, influence les subjectivits et les pratiques mme des acteurs au sein des

    organisations (Kahane, 2005).

    Emprunte au linguiste J.L. Austin (1962), la notion de performativit fait rfrence

    un nonc qui ne se contente pas de transmettre de linformation ou de dcrire quelque chose,

    mais qui revient effectuer une action. Ce caractre pragmatique du langage aurait pour

    consquence que nos descriptions ne feraient pas immuablement rfrence des choses, mais

    linverse, que les choses tendraient ressembler la manire dont on les dcrit. Lhypothse

    du caractre performatif des noncs scientifiques suppose denvisager sous un nouveau jour

    lactivit de production de thories. Il sagit en premier lieu, de prendre en compte les

    lments qui vont influer sur la manire dont la ralit est dcrite, notamment lidologie. En

    second lieu, il convient danalyser les conditions restrictives dans lesquelles les discours ainsi

    produits sur la ralit parviennent tre constitutifs de pratiques concrtes. Pour MacKenzie

    (2004), il sagit par l dapprhender les effets de ladoption dune thorie par la pratique sur

    sa vridiction (verisimilitude), autrement dit sur la manire dont une proposition acquiert

    un plus grand degr de vrit ds lors quelle devient largement adopte.

    Si la capacit performative des noncs produits par le management stratgique a dj

    t tudie sous langle des rcits stratgiques labors par le top management des firmes

    (Kahane, 2005 ; Micu et al., 2005), la question de la performativit des discours produits non

    pas par les praticiens, mais par les thoriciens du management stratgique semble disposer

    dun potentiel danalyse davantage prometteur. Traditionnellement, la fonction des thories

    stratgiques consiste moins adresser des problmatiques spcifiques une entreprise, qu

    identifier des principes porte plus gnrale en matire de positionnement concurrentiel,

    dutilisation des ressources, de mode dorganisation, etc. Selon certains auteurs, il serait ainsi

    plus rare que les acteurs se saisissent des thories stratgiques pour orienter leurs actions

    (Mintzberg, 2005 ; Hambrick, 1994). Dans le meilleur des cas, les modles issus du

    management stratgique ne feraient que dcrire les pratiques observes au sein des

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    organisations, sans aucun effet sur leur vridiction. Pourtant, que penser ds lors du lien tabli

    par S. Ghoshal entre thorie et pratique, lorsquil affirme quune thorie managriale,

    lorsquelle atteint une crdibilit suffisante, transforme les comportements des managers qui

    ralisent alors leurs actions conformment la thorie (2005 : 77) ? Comment ignorer les

    effets de lenseignement de la thorie de lagence de M. Jensen et W. Meckling dans toutes

    les business schoolsde la plante, sur la ralit des pratiques de maximisation de la valeur

    actionnariale au sein des organisations contemporaines (Ghoshal, 2005) ? Comment faire

    abstraction des consquences de la thorisation de lopportunisme par O. Williamson, sur la

    gnralisation des pratiques de contrle des comportements dans et entre les organisations ?

    Comment, enfin, ignorer limpact du modle des cinq forces de M. Porter sur

    llargissement du champ dapplication de la concurrence aux fournisseurs, aux clients, voire

    aux salaris de la firme, et aux institutions de rgulation ? Cette liste dexemples suggrant le

    caractre performatif des thories managriales pourrait certainement tre allonge. La

    capacit des modles orienter le rel, lgitimant certaines pratiques, en dlgitimant dautres

    en les excluant du champ des possibles, ouvre un large terrain dinvestigation des processus

    de domination luvre dans la production de thories. Cette intervention entend mettre

    jour les ressorts de ce phnomne en analysant les liens entre la diffusion de la thorie

    portrienne des clusterset le lancement en 2005 en France des ples de comptitivit.

    1. Clusters portriens et ples de comptitivit

    Le concept de cluster , initi par les travaux de Michael Porter (1990a ; 1990b), et

    la question de la comptitivit des territoires, constituent un matriau de choix pour tudier

    lempreinte des rcits managriaux (Bristow, 2005). Les initiatives cluster ont en effet

    trouv, depuis le milieu des annes 1990, une rsonnance importante auprs des acteurs du

    dveloppement local et de lamnagement du territoire, au point den devenir le paradigme

    central. Dans les orientations rcentes de lOCDE (OECD, 1999), de la Commission

    Europenne (CE, 2008), ou encore des gouvernements nationaux travers lEurope (Burfitt et

    al, 2006), le cluster est en effet devenu lunit danalyse vers laquelle convergent les

    politiques du territoire.

    Nous cherchons ici montrer quen introduisant le lexique et la grammaire du

    management stratgique dans le champ du dveloppement local, le concept de clusteret les

    crits de M. Porter ont sensiblement transform les visions du monde, les pratiques, et le rle

    des acteurs traditionnels. Afin dexplorer cette problmatique, notre rflexion se fonde sur

    ltude de la gnalogie du dispositif franais des ples de comptitivit. Le lancement des

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    clusters la franaise durant lt 2004 (Tixier et Castro Gonalvez, 2008 : 103)

    intervient alors que ces dispositifs sont prsents comme le seul moyen pour les conomies

    rgionales de lutter pour la premire place en contexte de globalisation et de concurrence

    technologique (Malecki, 2004 : 1101). Le recours largumentation de M. Porter consiste

    montrer que si la concentration spatiale des firmes est lorigine de leur avantage

    concurrentiel, elle amliore dans le mme temps la capacit dinnovation, la productivit, le

    niveau demploi et la comptitivit du territoire sur lequel ces firmes sont implantes (Porter,

    1998a ; 1998b ; 2000). En ce sens, les intrts des rgions et des firmes se confondent, et les

    territoires sont assimils des firmes, luttant pour la conqute de parts de march au sein dun

    environnement concurrentiel.

    Les discours politiques qui sappuient sur la rhtorique cluster lgitiment la porte

    universelle du concept, sans qu aucun moment son manque de robustesse thorique, sa

    faible validation empirique et son ambigut smantique ne soient points ou davantage

    problmatiss. Les rpercussions des travaux de M. Porter semblent en effet paradoxales.

    Dun ct, llasticit et le manque de prcision entourant la dfinition du cluster, et sa facult

    carter du champ thorique les travaux des conomistes, politistes, gographes et autres

    sociologues qui lont prcd, attestent du faible contenu thorique et du manque de

    cohrence interne du concept. De lautre, M. Porter fait lobjet dune certaine clmence dans

    le monde acadmique, voire dun rel engouement, si lon sen rfre la manire dont le

    terme de cluster tend unifier des champs thoriques aussi distincts que le lien firme-

    territoire, les rseaux inter-firmes, linnovation, la gouvernance, etc.Plus encore, cest aussi et

    surtout, le vif succs quil rencontre dans les cercles politiques qui dfie lanalyse.

    Dans la mouvance des travaux sur la performativit (MacKenzie, 2004 ; MacKenzie et

    Millo, 2003), la question au cur de cette intervention est la suivante : quest-ce qui explique

    le succs empirique de la thorie portrienne des clusters? Il sagit de dterminer plus

    prcisment si cette thorie sest construite partir de lobservation de rgularits pr-

    existantes dans lvolution des systmes productifs et des stratgies des firmes, ou si elle sest

    ralise empiriquement parce que les acteurs y ont eu recours lors de la mise en uvre des

    ples de comptitivit.

    2. La performativit du cluster portrien

    Au terme de cette intervention, nous entendons montrer quen plus de reprsenter un

    mode de dveloppement local radicalement distinct de ceux qui lont prcd, le dispositif des

    ples de comptitivit sen dmarque par le processus qui a prsid son laboration. Dans le

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    modle des systmes productifs locaux, le recours la thorie par les praticiens consistait

    thoriser des pratiques existantes afin de les faire connatre plus largement encore. Ladoption

    de la thorie navait alors aucun effet sur sa vridiction. Dans le cas des ples de

    comptitivit, leffet fut inverse. Le recours la thorie portrienne poursuivait en effet

    lambition dlaborer un modle de dveloppement local qui nexistait pas auparavant.

    Lintroduction de la rhtorique cluster a permis de donner un gage de lgitimit un

    ensemble de mesures transformant les pratiques antrieures des acteurs en les faisant

    converger vers une plus grande conformit vis--vis du modle-source. La thorie portrienne

    des clusters a ainsi autoris lexistence des ples de comptitivit, en fournissant

    largumentaire qui a fini par triompher des oppositions lintroduction dun tel dispositif,

    quelles mettent en avant lhritage du modle redistributif, le rle dun Etat-stratge dans la

    spcialisation industrielle nationale, ou encore les risques associs une trop grande

    rgionalisation des politiques conomiques. La notion de performativit permet alors de

    mettre jour la capacit de la rhtorique stratgique transformer le rel , inversant de ce

    fait la perspective traditionnelle qui voit dans les thories du management stratgique

    uniquement un miroir des pratiques des organisations.

    Lanalyse du dispositif des ples de comptitivit nous amne cependant affirmer

    que ni la thorie des clusters, ni lloquence de M. Porter nont pu performer elles seules

    les pratiques de dveloppement local sans autre forme de soutien. La mise en uvre dun tel

    dispositif est ncessairement le rsultat de confrontations multiples entre des acteurs

    institutionnels varis, engags dans des luttes de performation , autrement dit des luttes

    de pouvoir entre des programmes en comptition (Callon, 2007). Dans ce cadre, la question

    de la performativit doit tre analyse en tant que processus politique mettant en scne les

    performances, au sens thtral du terme, dacteurs politiques traditionnels (dputs, ministres,

    lus locaux), de lobbys industriels ou de think tanks (lERT), dinstitutions supranationales

    (Commission europenne, OCDE), etc., qui contribuent extraire les thories managriales

    de leur cage acadmique pour les librer dans le monde sauvage de lconomie et des

    organisations (Callon et al., 2002 : 196). Cette intervention sera loccasion de mettre en

    exergue les ressorts idologiques et institutionnels, ainsi que les rapports de pouvoir qui sous-

    tendent ce processus politique de performation des thories du management stratgique.

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    IV.

    Lcologie comme finalit et comme responsabilit Maya Leroy

    Il s'agit ici de souligner les fondements critiques du champ de l'environnement, commeconcept et comme mouvement social, dans un contexte o l'avnement du dveloppement

    durable tend en luder ou mme en contester la porte. Le retour une critique

    environnementale s'avre ncessaire face un phnomne de mondialisation qui voit se

    dvelopper des pratiques managriales, des dispositifs de gestion environnementale, des

    dynamiques territoriales et de nouvelles technologies qui ne rpondent pas leurs

    engagements de crer un monde plus respectueux de lenvironnement.

    Lefficacit tant au cur de la problmatique gestionnaire, lenjeu est de mettre en uvre

    une vritable approche gestionnaire, stratgique et critique, face linsuffisante recherche

    defficacit lorsquil sagit de rsoudre les problmes cologiques. Pour cela lauteur mobilise

    un cadre thorique et mthodologique spcifique, celui de lanalyse stratgique de la gestion

    environnementale (Mermet et al., 2005). Laction environnementale y est envisage comme

    une stratgie au sens fort, elle ne consiste pas simplement informer, dissiper des

    malentendus ou organiser la recherche commune de solutions, elle doit pour russir

    surmonter les rsistances dlibres dacteurs dont les stratgies visent soit lignorer, soit

    la mettre en chec.

    On dfend ici la ncessit dun suivi la trace et dune valuation des dispositifs de

    gestion, en particulier ceux qui annoncent la mise en uvre du dveloppement durable ou la

    prise en charge des enjeux denvironnement. Lauteur insiste sur le manque de recherches qui

    sintressent loprationnalisation, la mise en gestion , des principes de dveloppement

    durable et dfend que pour ce faire, il faut une approche qui remette au centre de lanalyse la

    performance environnementale des dispositifs tudis, et qui sappuie sur une attitude

    thorique critique contextualisant ces dispositifs, refusant leur naturalisation, assumant une

    interpellation sur un enjeu minoritaire, reconnaissant les rapports de force, et assumant une

    vise politique par la volont dassurer lexercice de la responsabilit environnementale.

    1- Assumer la normativit de la critique environnementale

    Accepter la texture normative de ce qu'implique une proccupation environnementale,

    c'est reconnatre qu'il y a un souci de rsultat sur l'tat cologique de notre cadre de vie. Ceci

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    implique dexpliciter la proccupation environnementale en prcisant les critres,

    ventuellement en discussion, qui la qualifient en termes cologiques. Ce repre normatif

    sappuie gnralement sur les engagements environnementaux qui ne dterminent pas un tat

    spcifique de lenvironnement mais sexpriment plus gnralement en termes de limitation,

    ou de non augmentation, des dgradations ou des dommages : viter la disparition dune

    espce, prserver un cosystme, diminuer la production de gaz effets de serre, limiter la

    pollution, etc. Lpreuve critique est une demande de rsultat, c'est--dire de performance

    environnementale du dispositif : A-t-on effectivement vit la disparition de telle ou telle

    espce, ou la production de gaz effet de serre ? Elle ne peut se satisfaire dune rponse en

    termes de moyens (telle que des techniques ou des connaissances ont t mobilises , des

    fonds ont t dbloqus , des experts sont intervenus , des populations ont particip au

    dispositif , des organisations ont t mises en place , etc.).

    2- Refuser la naturalisation des dispositifs

    Les dispositifs de gestionconstituent un concept plus large que les outils ou

    instruments de gestion, spcifiant quels types darrangements des hommes, des objets, des

    rgles et des outils paraissent opportuns un instant donn Moisdon (1997 :10). Ce sont

    dans ces arnes que stablissent les processus de rationalisation pour atteindre lobjectif fix.

    Il est ainsi essentiel de sextraire dune vision o les dispositifs de gestionrelveraient dune

    simple mise en uvre des choix politiques, perus sous un angle purement technique, dans

    une vision fonctionnaliste. Car ils mobilisent, traduisent et organisent, au contraire, des

    dynamiques sociopolitiques et scientifiques spcifiques, et poussent rationaliser les actions

    selon des doctrines de gestion et avec des instruments (Lascoumes et Le Gals, 2004) qui vont

    avoir des effets sur les hommes et sur les cosystmes quil faut rendre lisibles.

    3- Refuser une polarisation local vsglobal des situations de gestion

    On semble aujourdhui tre tiraill entre deux doctrines : celle d'une justice mondiale

    fonde sur une rationalit scientifique capable d'clairer la socit sur la gestion locale des

    cosystmes, et celle d'un collectivisme idyllique, small is beautiful, capable de s'autorguler

    pour laisser merger une gestion globale efficace. Nos travaux ont vit une telle dichotomie

    et ont, au contraire, cherch analyser les processus qui semblent construire et rgir ces

    entre-deux . Car, dans un contexte mouvant o les rapports de lindividu aux institutions

    sont en pleine mutation, o les hommes et les territoires semblent de plus en plus largement

    connects travers une multitude de rseaux qui vhiculent normes, techniques, finances,

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    informations , lenjeu rside surtout dans la comprhension des articulations de ces niveaux

    imbriqus. Cest particulirement vrai pour des enjeux de gestion de lenvironnement qui

    relvent de problmes le plus souvent territorialiss. La gestion des cosystmes dpend de

    processus la fois cologiques et anthropiques qui ne se dveloppent nanmoins pas

    forcment aux mmes chelles, lapproche multiscalaire permet de clarifier ladquation de

    tels processus Nos recherches ont montr la puissance et la complexit des structurations

    inter-organisationnelles, et la faiblesse des dispositifs peu connects (Leroy, 2006).

    4- Contextualiser les dispositifs par un suivi la trace de la mise en uvre managriale

    Les instruments de gestion de lenvironnement et de dveloppement durable qui

    s'laborent au niveau international, dans une arne mouvante, sont largement repris et

    hybrids dans les dispositifs de gestion plus territorialiss. Mais qu'ils mobilisent des

    approches par le march ou par les parties prenantes, nos travaux montrent quils ne

    russissent le plus souvent pas inflchir srieusement la situation de gestion

    environnementale. Tout au long de la construction et de la mise en acte des dispositifs,

    ceux-ci changent d'orientation, les objectifs atteindre sont re-catgoriss, des glissements

    imperceptibles s'oprent. Ces r-encodages ont lieu dans le processus mme de gense du

    projet de rationalisation que les dispositifs tentent de concrtiser (Lascoumes, 1994). Les

    lieux de ngociation s'parpillent, les routines canalisent les discussions, et les opposants

    perdent leurs forces, suivant avec difficult le processus en cours et les modifications qui

    s'oprent. Il serait erron de considrer qu'il s'agit ici d'opposer une bonne (ou une mauvaise)

    formulation , de bonnes (ou de mauvaises) conditions de mise en uvre . Ces

    dispositifs sont simplement analyss, de faon synchronique et diachronique, dans les

    systmes d'actions concrets o ils prennent place et dans lesquels ils voluent, dans leur

    dimension stratgique et politique. Il n'est pas, non plus, question, d'un dysfonctionnement

    observ ex-post, dont l'analyse permettrait d'opposer des contraintes socioculturelles,

    politiques ou physiques, des dispositifs de gestion devenus autonomes qui imposeraient

    leurs lois. Non, il s'agit bien d'arrangements, d'hommes, de ressources matrielles, et de

    ressources symboliques, qui s'hybrident en fonction des croyances et des intrts en jeu dans

    un processus qu'il s'agit de suivre la trace .

    5- Oprer une lecture des rapports de forces et observer les dplacements et re-

    catgorisations

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    Les problmes denvironnement gnrent le plus souvent des tensions entre des

    acteurs qui cherchent changer la situation1 pour une plus grande prise en compte de

    lenvironnement et des acteurs qui rsistent ces changements. Nos travaux montrent que ces

    acteurs denvironnement sont le plus souvent en situation dasymtrie de pouvoir,

    minoritaires. Les problmes de gestion de lenvironnement, quils sexpriment une chelle

    locale, nationale, transnationale, sont trs souvent ramens des situations de comptition et

    de conflits pour des ressources rares, o chacun va chercher tirer parti des rapports de force.

    Ainsi dans les dispositifs que nous avons tudis nous montrons que les acteurs, gnralement

    responsables des dommages, imposent leurs logiques et leurs instruments de gestion dans un

    contexte o, soit les acteurs denvironnement sont exclus du dispositif2ou deviennent petit

    petit minoritaires, soit les acteurs les plus impactants3

    napparaissent pas ( un moment ou a

    une chelle donne) alors quils vont tre dterminants (Leroy, 2006). Ainsi les instruments

    de gestion sont modifis, des donnes sont exclues, les objectifs atteindre sont re-

    catgoriss, tous ces micro-dplacements font que le dispositif savre finalement

    environnementalement inefficace.

    6- Rflexivit et engagement du chercheur

    Le choix de mobiliser la rflexivit des acteurs dans lanalyse des situations de

    gestion auxquelles ils sont confronts, est rapidement impossible mener sans assumer sa

    propre place de chercheur. Le chercheur doit donc dvelopper une capacit rflexive sur sa

    propre pratique, clarifier ses prsupposs, mais aussi clarifier comment, et avec qui, il entre

    sur le terrain . Car pour les acteurs la place du chercheur nest jamais neutre (Arnaud, 1996).

    Pour les enjeux de gestion environnementale, assumer et affirmer quil y a, par la recherche

    mise en uvre, une volont de prendre acte de la ralit pour pouvoir agir savre dans

    beaucoup des situations de gestion tudies essentiel.

    7- Pour rester dans lpreuve critique : dvelopper un systme embarqu daide au pilotage

    Lefficacit environnementale des dispositifs de gestion doit pouvoir tre value en

    permanence. La comprhension des modifications qui soprent dans la construction et la

    mise en uvre des dispositifs de gestion de lenvironnement doit donc tre articule une

    valuation au regard d'un repre normatif qui permet didentifier les rsultats produits sur

    1

    Les acteurs denvironnement 2Parfois exclus eux-mmes par lassitude ou se sentant incapables de modifier le cours de laction3Ou les entits qui y sont lies

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    l'volution cologique du milieu. Car cest en identifiant l'ampleur des dcalages que peuvent

    tre apprcies les marges de manuvre capables de rorienter les dispositifs, et que peuvent

    tre clarifis avec les protagonistes les principes sous-jacents lpreuve. Ceci ne peut se

    baser que sur une comprhension, dans les grandes lignes, des contraintes bio-physico-

    chimiques auxquelles le milieu est soumis, et sur un bilan des processus dommageables en

    cours. Cest ce que nous avons appel un systme embarqu daide au pilotage. Il permet de

    montrer que les logiques propres chaque dispositif aboutissent des dynamiques de

    dgradation plus ou moins acclres (sur chacun des enjeux environnementaux sil y en a

    plusieurs). L'approche multiscalaire permet, pour sa part, en comparant les dispositifs selon

    une mme grille, de rvler la cohrence, ou les incohrences, qu'ils ont entre eux. Elle

    montre ainsi les embotements stratgiques de rpartition des interventions et des

    responsabilits environnementales entre les dispositifs tudis. Elle rend lisible la tendance

    dlguer les responsabilits environnementales dans une logique de subsidiarit qui tend

    transfrer le problme une autre chelle sans assumer le plus souvent les liens fonctionnels

    qu'une telle dlgation impose. Ce systme embarqu daide au pilotagepermet de rester dans

    l'preuve. Comme toute analyse critique, il permet d'viter le parasitage, les dplacements

    d'une preuve l'autre. Il rend lisibles les diffrences, dans ce qui se prsente comme

    amalgam, obscur, non matrisable (Boltanski et Chiapello, 1999). Dans un tel contexte, la

    recherche-intervention peut difficilement se cantonner un service du chercheur rendu un

    client, elle prend, elle aussi, un tour critique. Elle devient une entreprise vitale de clarification,

    pour ouvrir de nouvelles marges d'action et de discussion.

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    III.ELEMENTS DE CONCLUSION

    Lampleur des perturbations sociales et environnementales caractrisant la phase

    actuelle dexpansion dun capitalisme financiaris et globalis permet de plus en plus

    difficilement aux enseignants et chercheurs en management de se focaliser sur loptimisation

    des modes de gestion des organisations sans questionner les finalits politiques de leurs

    actions. Une telle mise en questionnement ouvre un large ventail de possibilits quant aux

    formes et degrs de la critique que chacun peut souhaiter mobiliser, lclectisme voire, la

    dispersion tant un trait caractristique des approches critiques en gestion. Elle nen apparat

    pas moins salutaire au regard des effets pervers que diverses interventions se sont efforces de

    mettre en vidence dans cette table ronde, quil sagisse des traits caractristiques des grandes

    organisations apprhendes dans une perspective no-gramscienne ou des valeurs sous-

    jacentes aux rapports sociaux que vhiculent le management stratgique, dans les entreprises

    classiques comme dans les organisations publiques. Les critiques extrieures la discipline,

    manant par exemple de la philosophie (Marzano, 2008) ou de la sociologie (De Gaulejac,

    2007), tendent identifier lactivit mme de management et par extension, celles de son

    tude et son enseignement, aux formes de rationalisation financire largement dshumanises

    qui guident aujourdhui les choix de gestion dans un certain nombre de contextes

    organisationnels. En dveloppant une critique interne et/ou en explorant des formes de

    management alternatives plus respectueuses des personnes et de lenvironnement dans

    dautres contextes que celui de la grande firme, le management stratgique pourra non

    seulement largir son champ de rfrence et renouveler les sources de sa crativit, mais

    galement attester, vis--vis des autres sciences sociales, de sa capacit de distanciation vis--

    vis de son objet dtude et son souci dinscription dans une conception humaniste de lactivit

    scientifique.

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