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Mon Marathon des Sables Isabelle Wasmes

Marathon des Sables compte-rendu-1 · tente, la tente Trakks, la tente 43, avec Tito, Eric, Peter, Frédéric, Caro, Pierre, Vincent et moi-même. Juju, Bruno et Laurent, les autres

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Mon Marathon des Sables Isabelle Wasmes

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« Au Marathon des Sables, chacun vit des coups durs. C’est alors que le doute cède la place à une logique machinale, mécanique, presqu’inhumaine, qui anesthésie votre état de conscience pour ne garder à l’esprit que votre objectif. L’idée en devient obsessionnelle. Vous y puisez l’énergie pour continuer.

Et vous alignez les foulées, encore et encore. Au point de ne plus ressentir la douleur, la fatigue, la pénibilité de prendre appui dans le sable ou de supporter le sac. Vous mobilisez des ressources insoupçonnées, au tréfonds de votre organisme et de vos émotions les plus froides. Serait-ce le courage, la bravoure ? D’aucuns diraient de l’inconscience, voire de la folie »

Marathon des Sables, Marie-Pierre Fonsny

La décision

J’avais toujours dit « jamais » à une participation au Marathon des Sables. Sans connaître les détails de l’épreuve, je ne comprenais pas l’intérêt d’y participer. J’avais cette image de moi dépérissant dans le sable, un peu comme ce bon vieux Capitaine Haddock, avec des mirages insupportables d’une bouteille géante de coca cola light, pendant que j’agoniserais de déshydratation. Alors quand un ami m’a suggéré d’y prendre part cette année, ma réponse fut d’abord ferme et catégorique : « Non ». Ensuite, évidemment, j’ai visionné les films disponibles sur « Youtube ». Et un peu comme pour un départ d’Ironman qui vous donne la chair de poule, les images vous donnent des frissons d’envie. Il n’a pas fallu beaucoup de temps pour intégrer cette belle épreuve à mon programme de trails de l’année.

En décembre, l’inscription est faite. Reste 4 mois pour me préparer. Je décide de rejoindre l’équipe Trakks, avec 11 autres participants, dont Christophe Thomas, le gérant de l’enseigne. Christophe, alias Tito, sera d’un soutien énorme pour la préparation, que ce soit au niveau du matériel indispensable à l’épreuve, de l’alimentation sur place ou encore de notre motivation. Grâce à lui, j’ai notamment pu rencontrer Lahcen Ahansal, star du désert, de nombreuses fois gagnant du Marathon des Sables.

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La préparation

Depuis l’Ecotrail de Bruxelles et après une année 2013 chargée en terme de kilomètres courus, mon corps se rebellait. En décembre, mes petits problèmes n’étaient pas tout à fait résolus. Des adhérences ont en outre compliqué la préparation, limitant mes possibilités de longue sortie. Un peu désespérée et angoissée, j’ai misé mes entrainements sur le gainage et le stretching. J’espérais que mon corps aie une bonne mémoire et que ma condition de base suffise. J’ai donc enchaîné les rendez-vous chez le kinésiste pour soigner les adhérences et chez Elite Sport Performance pour le gainage. J’essayais tant bien que mal de faire des sorties en course à pied malgré la douleur. J’avoue que la préparation fut émotionnellement et physiquement difficile. Emotionnellement car j’appréhendais vraiment de ne pas être à la hauteur suite au manque d’entrainement et à la douleur liée aux adhérences et physiquement car il fallait intégrer cette préparation à des journées déjà bien chargées avec le boulot et mes trois enfants. Bref, il était vraiment temps de partir !

Le 04 avri l…le départ et arr ivée à Ouarzazate/Merzouga

Paris, aéroport de Orly. 6h15. Les sacs MDS sur le dos des participants font la file. Je reconnais certaines têtes vues sur des trails en Belgique. Après plusieurs heures de vol, nous arrivons à Ouarzazate où une température de 28 degrés et une belle luminosité nous accueillent. Il fera

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évidemment bien plus chaud durant les épreuves. Patrick Bauer, le directeur de course et organisateur de l’épreuve, est sur place et adresse quelques mots de sympathie à chacun d’entre nous. Là, des bus sont prêts pour notre transfert à Merzouga où le bivouac est installé. Le trajet de 350 kms durera 6 heures.

Dans le bus, nous recevons un pique-nique mais aussi le « fameux » roadbook de l’épreuve. C’est avec une certaine impatience que nous découvrons enfin ce qui nous attend. Les épreuves s’enchaîneront avec 34 kms le dimanche, 41 le lundi, 37 le mardi, 81,5 le mercredi, 42,2 le vendredi et enfin les 7 kms de l’Unicef le samedi. Près de 250 kms dans le Sahara Sud-marocain.

Le bus s’arrête deux fois. Les femmes devront se soulager à gauche de la route, les hommes à droite. Très vite, il faudra s’habituer à faire ses petits besoins à la vue de chacun ! Le désert …c’est du sable…et les arbres sont peu nombreux, voire inexistants ! En plus du lunch paquet, nous goûtons le pain local, un délice que nous retrouverons avec bonheur à l’arrivée de la dernière épreuve.

En fin de journée, nous découvrons le bivouac. La réalité du MDS commence à prendre forme. Une bâche, un tapis marocain…ça sera notre lieu de repos des jours à venir. On est 8 sous la tente, la tente Trakks, la tente 43, avec Tito, Eric, Peter, Frédéric, Caro, Pierre, Vincent et moi-même. Juju, Bruno et Laurent, les autres membres de l’équipe dorment sous la tente voisine. On s’installe. Tapis, sac de couchage…nous avons encore notre précieuse valise que nous devrons

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abandonner le lendemain. Nous terminons la soirée par un dîner prévu sur le bivouac. Un bon moment de détente avec notre avant-dernier vrai repas !

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Le 5 avri l…la journée de contrôle et de séparation

Après une nuit difficile où j’ai grelotté dans mon sac de couchage, le stress du contrôle commence pour chacun de nous. Le MDS, c’est une course en auto-suffisance. Hormis l’eau, nous devons assurer notre alimentation nous-mêmes. L’organisation nous impose un total minimum de 14.200 kcalories pour les 7 jours, soit 2.000 kcalories par jour. Des sachets de poudres diverses, des bars et gels rempliront le sac et le lesteront assez rapidement. 2.000 calories par jour, c’est peu pour ce genre d’épreuves. Il faudra vraiment trouver un équilibre entre ses besoins et le poids du sac. A cela s’ajoutent les vêtements de la nuit, la popote pour réchauffer l’eau et le matériel de survie obligatoire imposé. Le sac pèsera vite plus de 9 kilos.

En matinée, nous faisons la file pour les contrôles administratifs et techniques. En plus du contenu imposé pour le sac en terme d’alimentation et de matériel, nous devons fournir un certificat médical et un électrocardiogramme du cœur. L’organisation nous procure la fusée de détresse, le kit de survie, la carte de pointage, les sacs WC, les pastilles de sel et le précieux dossard.

Mon dossard porte le numéro 301. Le 7, mon chiffre porte-bonheur, n’y figure pas. Je suis cependant confiante. J’ai gagné l’écotrail avec le dossard 130…tout y est…je me rattache à ce signe positif !

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Moment difficile…l’abandon de la valise…les questions…l’angoisse de l’oubli…

La journée passe très rapidement. Nous dégustons un spaghetti bolognaise en guise de dernier repas. Nous clôturons ainsi la longue période de préparation. J’ai du mal à concrétiser que le début de l’épreuve est tout proche…

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Le 6 avri l…étape 1…Ouest Erg Chebi / Erg Znaigui…34 kms

On y est. Le réveil est très matinal. Nous devons nous préparer avec hâte car les tentes sont démontées rapidement. Le départ aura lieu à 9h. Là, un stress énorme m’envahit. Je ne trouve pas mes guêtres. Je cherche, je vide mon sac, j’analyse toutes les pochettes….non…introuvables ! Je demande à mes compagnons de course de vérifier dans leur propre sac…rien ! Je réalise que je les ai laissées par mégarde dans ma valise. C’est la catastrophe. Courir sans guêtre, c’est s’assurer des tonnes de sable dans les chaussures ! Quand Juju m’annonce qu’il a une deuxième paire de guêtres, je lui ai sauté au cou et lui ai fait un gros bisou sur la joue. Un signe encore…mon ange-gardien semble être de l’aventure.

Nous sommes 1029 sur la ligne de départ. Le debriefing a lieu. La musique de ACDC « Highway to Hell » retentit…3, 2, 1…c’est parti !

L’épreuve s’annonce difficile. Après 3 kms, nous devons parcourir 12 kms dans les dunes de Merzouga, les dunes les plus hautes du Sahara Sud-marocain. Douze kilomètres à lutter contre ce sable qui se dérobe à chaque pas. Bien que l’étape devienne à nouveau roulante après le CP1 au 15ème kilomètre, les jambes fatiguées m’empêchent de récupérer un rythme de course régulier. Nous terminerons l’épreuve avec un nouveau cordon de dunes avant d’apercevoir le

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bivouac. Consciente des autres épreuves à venir, je décide d’épargner le corps en trottinant et marchant jusque l’arrivée.

Les difficultés du MDS sont enfin évidentes. Il fait chaud, le sac est très lourd et le terrain finalement peu accueillant.

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Le 7 avri l…2ème étape…Erg Znaigui / Oued Moungarf…41 kms

Deuxième jour. Le debriefing de départ nous apprend qu’il y a de nombreux abandons suite à l’étape de la veille, qualifiée comme une des plus dures entamées dans l’histoire de l’épreuve. Nous sommes désormais 1002 participants à prendre le départ.

Le jaune monotone des dunes de la première étape fut remplacé par toutes les couleurs du désert durant la deuxième : le noir des plateaux caillouteux, le blanc des lacs asséchés, l’orange du sable accroché aux flancs des montagnes et le vert de l’herbe à chameaux…

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La difficulté de la journée sera la chaleur accablante. Il fera presque 40 degrés à 13h.

A nouveau, je progresserai sans forcer afin d’épargner le corps pour les étapes qui suivront.

Arrivée au bivouac, une routine s’est déjà installée. La boisson de récup en partageant les émotions de la course avec les autres membres de l’équipe. La douche façon MDS en prenant soin de ne pas gaspiller trop d’eau. Les bouteilles d’eau vides seront coupées en 2…les repas pris dans la partie inférieure…la lessive des vêtements de course dans la partie supérieure. Ensuite, après une petite sieste, la plupart d’entre nous iront à l’infirmerie ou feront la file pour envoyer un message électronique.

L’ambiance dans le groupe est très conviviale. On partage des expériences…on rit beaucoup…J’ai adoré ces moments passés avec mes compagnons de route. Loin du stress de la vie quotidienne et des facilités matérielles, j’étais simplement heureuse d’être là !

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Le 8 avri l…étape 3…Oued Moungarf / Ba Hallou…37,5 kms

Je maîtrise enfin la fermeture de mon sac. Après deux journées, le sac a dû s’alléger d’un bon 1,5 kgs. Je ne sens cependant pas la différence. Des petites ampoules commencent à faire leur apparition mais elles ne seront pas contraignantes pour cette épreuve.

Encore des abandons…nous sommes 978 à partir. Sous une forte chaleur, l’étape nous fait traverser plusieurs oueds et surtout affronter des dunes…de nombreuses dunes…

Comme pour les 2 épreuves précédentes, je gère. J’appréhende vraiment la longue du lendemain. Sans trop forcer, je suis assez satisfaite du classement provisoire…dans les 300 premiers au général…et dans les 20 premières femmes. J’espère secrètement garder cette position dans le classement. Je ressens le manque de préparation mais je pourrai cependant terminer sans faire souffrir le corps si je garde ce rythme. C’est mon objectif. D’autres épreuves importantes suivront cette année et je ne veux surtout pas hypothéquer la réalisation de celles-ci.

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Le 9 avri l…étape 4…Ba Hallou/Rich Merzoug…81,5 kms…

Voilà…c’est l’heure de vérité…j’ai tellement angoissé pour cette longue épreuve que je me rends compte que tous mes souvenirs concernent surtout les 15 heures qu’il aura fallu pour la terminer. Je souhaitais arriver avant minuit pour un départ à 9h, afin de profiter du jour de repos. Je me souviens étrangement de chaque détail, comme si le MDS s’était finalement limité à cette journée difficile. Malgré l’ascension du Jebel El Oftal, avec une pente de 30%, les 30 premiers kilomètres furent très roulants et je me surprends à courir facilement jusqu’au 3ème ravitaillement. Là, nous recevons une unique bouteille d’eau, qui me glisse des mains au moment de remplir la gourde. Je quitte donc le CP3 avec 75ml d’eau pour 13 kms à un moment très chaud de la journée. Je continue à courir mais cela induit la soif et je dois gérer mon hydratation. Je m’hydratais au compte-goutte. Un autre jebel à monter…un champ de dunettes…les kilomètres pour arriver au CP4 furent interminables. Arrivée au ravito, je décide de me reposer 15 minutes et de m’alimenter. Impossible d’avaler un taboulé. J’opte pour une crème vanille et un sport dej, que je ne mange qu’à moitié finalement. Je reprends la route en direction du CP5. Le parcours est « facile » mais le manque d’hydratation m’a fortement réduite au niveau physique. J’ai du mal à courir. La nuit tombe. La lampe frontale devient indispensable. Les pieds souffrent. Je sens les ampoules se multiplier dans les chaussures. C’est dur. Avec soulagement, apparaît enfin le CP5. Là, je décide de faire soigner mes pieds. Sans déposer mon sac, je m’assois sur le sol et j’enlève péniblement les chaussures. Je découvre le côté dramatique de la situation. Des ampoules à chaque doigt de pied ! L’assistante médicale me soigne et panse chaque orteil, ce qui ne me rassure pas. Les pieds sont déjà gonflés…comment vais-je mettre les pieds dans les chaussures ? Il reste 23,5 kms. La jeune fille me conseille de me reposer. Il en est évidemment hors de question. Je peux encore arriver vers minuit en reprenant la route. Je me lève et les premiers pas sont douloureux. J’avoue avoir mordu sur mes lèvres et m’être retenue de pleurer. Beaucoup restaient sur les points de contrôle pour se reposer. J’ai continué…seule…dans le silence du désert. Les kms parcourus jusqu’au dernier CP furent longs. Je marchais. Le sol sablonneux m’empêchait d’être rapide. J’avais mal aux pieds…j’avais mal au dos. Au CP6, on m’annonce qu’il reste 11,8 kms. Là, il fallait que je trouve une solution pour terminer. Mon Ipod…Muse…Survival et ses paroles… «Race…life is a race… I’m gonna win, yes I’m gonna win…”. Une énergie nouvelle m’a envahie et m’a permis d’oublier les douleurs des pieds et du dos. Je dépassais parfois certains coureurs silencieux…concentrés…ayant le même objectif…terminer cette putain d’épreuve. A 5 kms de l’arrivée, une multitude de points lumineux s’offrirent à ma vue…le bivouac…la maison…un sentiment de soulagement et de joie…une boule dans la gorge…des larmes dans les yeux... Dans moins d’une heure, j’y serai. Je pense déjà à ce que je vais faire devant la webcam. Un signe de victoire ou une chorégraphie personnelle que je danse souvent avec les enfants ? Voilà…j’y suis…je m’arrête devant la ligne d’arrivée…et je saute par-dessus en criant « yes » ! J’avance vers la webcam…un grand sourire victorieux aux lèvres…et finalement, je me lâche…signe de victoire et choré…tout s’enchaîne ! I can…I will…and I did ! Il est 0h45…

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Le 10 avri l…jour de repos

Tous les jours vers 17 heures, nous recevons les mails. C’est un moment important attendu avec impatience par chacun de nous. Après l’émotion de la veille à la vue des lumières du bivouac, c’est la lecture des mails reçus lors de la longue épreuve qui m’a bouleversée.

La plupart des messages étaient évidemment des encouragements et des félicitations pour le parcours déjà accompli. Je profite encore de ce compte-rendu pour remercier toutes les personnes qui ont pensé à moi.

Deux personnes m’ont cependant touchée, ma maman et mon frère Joé. Je me suis rendu compte qu’ils m’avaient tous les deux suivie sur internet en m’adressant un message à chaque CP. Il faut savoir qu’il y avait deux heures de décalage entre le Maroc et la Belgique. Quand j’ai franchi la ligne d’arrivée, il était presque 3h du matin en Belgique et malgré l’heure tardive, ils ont patienté. « Ca y est, c’est fait…je t’ai vue sur la webcam…super sister ». En écrivant ces lignes, je suis à nouveau émue. C’est ça, le MDS…des choses à priori banales qui prennent une toute autre dimension dans l’énormité du désert !

Je ne suis pas la seule à avoir éprouvé ces émotions. Peter passe la journée à préparer sa demande en mariage. Il la fera devant la webcam à l’arrivée de l’ultime étape du lendemain. Le MDS aura changé la vie de certains !

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Le 11 avri l…étape 5…Rich Merzoug / Igadoun Tarhbalt…42,2 kms

Aujourd’hui, c’est un grand jour. Dans quelques heures, 926 concurrents recevront peut-être cette « putain » de médaille. Le départ est différé à 8h30 pour les 200 premiers. Nous partirons à 7h, ce qui nous soulagera quelque peu de la chaleur en début de course. Le parcours est plat et roulant. Le rythme sera rapide. Je cours. Le sac est enfin léger. J’oublie les ampoules douloureuses. Au CP2, je tombe sur Vincent et nous décidons de courir ensemble jusque la fin. Le temps passera plus vite en parlant ! Le parcours entre le CP2 et le CP3 semble facile et permet de belles accélérations. Une impression de liberté m’envahit. Juste avant l’arrivée au CP3, le paysage se verdit avec des palmiers, donnant un caractère paradisiaque à l’épreuve. Nous sommes étonnés d’être accueillis par une foule de supporters au ravitaillement. Il reste 10 kms. Vincent se fait soigner les pieds et nous repartons. La dernière partie du parcours est beaucoup plus difficile. Le relief est caillouteux et sablonneux. A chaque fois que le pied tape sur un caillou, la douleur est vive. Les dunes démotivent Vincent (il va détester lire ça !). On ralentit le rythme. A 3 kms de l’arrivée, le bivouac apparaît…bonheur ! Frédéric nous rattrape et on décide à l’unanime de terminer ensemble…main dans la main…finalement, on représentait l’équipe Trakks…quoi de plus beau que de terminer à trois !

Que dire ? J’ai passé la ligne d’arrivée. Les participants font la file pour recevoir la médaille des mains de Patrick Bauer. Magali, une autre belge, vient me rejoindre en hurlant « on l’a fait, on l’a fait ! »…elle est en larmes…comme bien d’autres. J’aperçois Caroline, déjà médaillée, qui me fait des grands signes. Je réponds par un petit pas de danse !

Patrick me met la médaille autour du cou. Il ajoute « ce qui est incroyable avec les femmes, c’est qu’elles ont toujours le sourire ». Et le mien est grand ! Be Brave…Be Free…Be Happy…

Mon objectif est atteint…je termine 24ème femme et 349ème au classement général.

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Le 12 avri l…Etape Charity Unicef…Igadoun Tarhbalt / Ait Ichchou…7,7 kms

Après une dernière nuit au bivouac, nous prenons le départ pour l’étape charité de 7,7kms avec le T-shirt de l’Unicef. Dans 8 kms, je pourrai enfin enlever ces chaussures et libérer mes pauvres pieds.

Cette ultime étape reste sous le régime de l’auto-suffisance alimentaire. « Cela permettra de prolonger une soirée supplémentaire l’esprit de camaraderie des participants, de rester entre compagnons, au coeur du bivouac » explique Patrick Bauer.

La veille, après la remise des prix et des médailles, la soirée s’est terminée par un concert des musiciens de l’Opéra de Paris. Invraisemblable au milieu du désert !

A l’arrivée, nous recevons notre pique-nique avec à nouveau un morceau de ce délicieux pain. Je rejoins Tito, Juju, Bruno, Frédéric, Vincent et Laurent en dessous d’une grande tente, où s’était improvisé un bar d’accueil avec boissons fraîches. On dévore le pique-nique…les Tuc, les Babybel, les salades en conserve, les compotes de fruit, les cacahuètes, les saucissons…tout y passe ! Les bières et sodas s’accumulent sur la table.

Avec Tito, Vincent, Juju et Frédéric, on évite le long trajet en bus en prenant un taxi jusque Ouarzazate. Les 3 heures de trajet nous font à nouveau prendre conscience des paysages merveilleux qu’offre le Maroc.

Nous voilà à l’hôtel. La première douche est un réel bonheur. Les pieds restent rouges, colorés par les soins à l’éosine.

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Le retour à la v ie normale et l ’héritage du MDS

On entend souvent que le Marathon des Sables change votre vie. Avec certains membres de l’équipe, nous avons réfléchi à la question. En ce qui me concerne, ça ne sera pas le cas. Le MDS a cependant mis en évidence certaines choses dont j’étais déjà consciente, un peu comme si je fluoresçais un objectif de vie parmi tant d’autres.

A côté des changements personnels à opérer, il y a la réflexion sur le bonheur. Ma perception du bonheur a énormément changé ces dernières années avec les expériences de la vie et le MDS confirme ce que j’en pense. J’étais simplement heureuse durant cette épreuve.

Passer du temps avec des gens extraordinaires, découvrir la nature et des paysages insolites, vivre des expériences fortes en émotions, loin des obligations professionnelles et des considérations matérielles, sont à mes yeux les ingrédients d’une vie heureuse.

L’équipe…

Comme je l’ai dit, le MDS m’a permis de faire la connaissance de gens extraordinaires. Je parlerai surtout de l’équipe Trakks, avec qui j’ai passé la majorité du temps. On remerciera d’ailleurs le réchaud d’Eric, qui nous a évité une chasse quotidienne à la brindille pour faire un feu et les ciseaux de Pierre, qui nous ont permis de faire nos pansements comme des pros.

Ensuite, deux personnes méritent une médaille spéciale à mes yeux…Frédéric pour sa zénitude et Vincent pour son courage hors du commun. Je suis d’ailleurs heureuse d’avoir franchi la ligne d’arrivée à leur côté.

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Et enfin…ça doit être dit . . . les toi lettes au MDS…

Je vous rassure. Nous n’avons pas été obligés de creuser des trous dans le sable pour faire nos petits besoins. Les toilettes avaient été judicieusement conçues et s’avéraient assez pratiques. Le tout était d’avoir son « sac à caca » sous la main. Ces « sacs à caca » étaient normalement disponibles dans un panier devant les toilettes. Etrangement, à croire que la demande était plus forte que l’offre, ce panier était souvent vide. Heureusement, l’esprit de solidarité était bien présent dans l’équipe Trakks. A chaque fois que le panier était rempli, on en profitait pour faire un ravito pour tous les autres !

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Conclusion

Est-ce que je referai un jour le Marathon des Sables ? A priori, à l’heure où j’écris ces mots, ma réponse est à nouveau ferme et catégorique : « Non ». Mais vous savez maintenant que je change d’avis facilement ! Il est fort probable que l’idée germe à nouveau dans ma tête dans quelques années, si un ami me titille sur le sujet.

En attendant, une belle page se tourne et une autre s’ouvre, avec la saison des trails en montagne. Cette année, c’est l’UTMB…un autre rêve…un autre défi…des nouvelles émotions…des paysages fantastiques…bref, le bonheur continue !

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