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T Marc RICHlR INCONSCIENT, NATURE ET MYTHOLOGIE CHEZ SCHELLING 1. L'intuition intellectuelle chez le premier Fichte Pour mieux apprécier le statut du bewusstlos (sans conscience) et de ce qu'il y a de bewusstlos dans l'intuition intellectuelle chez Schelling, plus particulièrement dans la Ré anse E henma er de 1801, nous dégagerons d'abord bn vement le statut de 'mtùiîiOrî intellectuelle chez le Leune Fichte, eoe.·culier dans la Seconde Introduction à la W-L """'parue e 1797 dans les sécfions4et5~lîqÙè j Fichte da ection 4, n'est rien d'autre que « le retourner en soi» (das Zurückkehren in sich), et il n'est là que pour le philosophe qui s'adonne au philosopher, non pas dans un concept, qui présuppose l'opposition du Non-Moi, mais dans une simple intuition. Ce Moi n'est donc pas une conscience, et pas du tout une conscience de soi, pour lesquelles le surgissement du Non-Moi est nécessaire; par ce dernier, le Moi est transposé dans la possibilité de la conscience de soi, et dès lors de toute autre conscience, sans que surgisse encore eo ipso pour autant une conscience effective. Autrement dit, le philosophe ne peut intuitionner qu'en soi l'acte du Moi, et pour pouvoir l'intuitionner, il ne peut que l'accomplir, à son gré (willkürlich) et librement. Dès lors, c'est lui-même que le philosophe voit (en tant qu'il philosophe); il intuitionne immédiatement son agir (Handeln), il sait ce qu'il fait parce que c'est lui qui le fait, et en cela, déjà, il comprend son acte de philosopher, ce retournement en soi, comme agir revenant en 1. Nous utiliserons le texte édité par F. Medicus et publié chez Meiner, .. Hamburg, 1954, Philosophische Bibliothek, Bd. 239, sous le titre Erste und Zweite Einleitung in die Wissenschaftslehre. Nous citerons dans le cours de notre texte par le signe ZE.W-L, suivi de l'indication de page. ·O

Marc RICHlR · Schelling soi - étant entendu que l'agir n'est pas un être, et l'être pas un agir, et que cet agir se distingue de l' agir en général dont il y a

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Page 1: Marc RICHlR · Schelling soi - étant entendu que l'agir n'est pas un être, et l'être pas un agir, et que cet agir se distingue de l' agir en général dont il y a

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Marc RICHlR

INCONSCIENT NATURE ET MYTHOLOGIE CHEZ SCHELLING

1 Lintuition intellectuelle chez le premier Fichte

Pour mieux appreacutecier le statut du bewusstlos (sans conscience) et de ce quil y a de bewusstlos dans lintuition intellectuelle chez Schelling plus particuliegraverement dans la Reacute anse E henma er de 1801 nous deacutegagerons dabord bn vement le statut de mtugraveiicirciOricirc intellectuelle chez le Leune Fichte eœmiddotculier dans la Seconde Introduction agrave la W-L

parue e 1797 dans les seacutecfions4et5~licircqUgraveegravej Fichte da ection 4 nest rien dautre que laquo le retourner en soiraquo (das Zuruumlckkehren in sich) et il nest lagrave que pour le philosophe qui sadonne au philosopher non pas dans un concept qui preacutesuppose lopposition du Non-Moi mais dans une simple intuition Ce Moi nest donc pas une conscience et pas du tout une conscience de soi pour lesquelles le surgissement du Non-Moi est neacutecessaire par ce dernier le Moi est transposeacute dans la possibiliteacute de la conscience de soi et degraves lors de toute autre conscience sans que surgisse encore eo ipso pour autant une conscience effective Autrement dit le philosophe ne peut intuitionner quen soi lacte du Moi et pour pouvoir lintuitionner il ne peut que laccomplir agrave son greacute (willkuumlrlich) et librement Degraves lors cest lui-mecircme que le philosophe voit (en tant quil philosophe) il intuitionne immeacutediatement son agir (Handeln) il sait ce quil fait parce que cest lui qui le fait et en cela deacutejagrave il comprend son acte de philosopher ce retournement en soi comme agir revenant en

1 Nous utiliserons le texte eacutediteacute par F Medicus et publieacute chez Meiner Hamburg 1954 Philosophische Bibliothek Bd 239 sous le titre Erste

und Zweite Einleitung in die Wissenschaftslehre Nous citerons dans le cours de notre texte par le signe ZEW-L suivi de lindication de page

middot O

Schelling

soi - eacutetant entendu que lagir nest pas un ecirctre et lecirctre pas un agir et que cet agir se distingue de l agir en geacuteneacuteral dont il y a le concept dans lexpeacuterience lagrave ougrave il y a toujours deacutejagrave de lecirctre en rapport avec l agir Cet agir revenant en soi est donc interne inconditionneacute et absolu cest le point de deacutepart de lideacutealisme

transcendantal ( de la W-L) Degraves lors dans la section 5 Fichte deacutefinit lintuition

intellectuelle en ces termes laquo Ce~n~ Q_eacuteSl___meacute du hi so h de lui-mecircme dans laccomplisse ~TackQagravet

L uel le Moi sur middot UI Je ~omme intuition-integraveltectuetre Elle es conscience 1~te-qye ~~euml-reacutel aeumlreraquo--e-ZEW~chacu~ ~a -

ment en soi-mecircme ou ne le trouvera jamais car cette intuition nest lobjet daucune deacutemonstration mais elle survient agrave tout moment de la conscience de tout un chacun Mecircme ajoute Fichte laquo je ne puis faire aucun pas ne mouvoir ni la main ni le pied sans lintuition intellectuelle de ma conscience de soi dans ces actions cest seulement par cette intuition que je sais que je le fais raquo (Ibid) Autrement dit lintuition intellectuelle nest rien ue la erce Tontranseumlecircndagraveniacirc~ctel~

ccedilonscience ou pus preacuteciseacuteme~serepocircrteagravelacircsecfion -o-Ha-eumlonfrontation avec Kant laperception pure le laquo Je

pense raquo par lequel lt(peuvent) ecirctre accomeagneacutees _ 111es repreacutesentationsraquo cest-agrave~core laquo uumlmte originaire de Taperception raquo en tant que le laquo Je pense raquo doit pouvoir accompagner toutes mes repreacutesentations et ecirctre un seul et le mecircme e~ tou_t~ co~science C ~ ~ s~ p~cis _que Fi~hte ~~d lintuition intell_ectu~-_~ ~-e ~Kani mais au sens a une mtu1Uon non _ gnti~~t vz e de tout contenu in 1tl ou s Darstell~n~ intuitive~~~~ Qe ce q~1 a Vl~nt comm~ unMolh- es~_J2as UQ_ ene_ ~e n est phecircnomeumllro10g1qucircemegravefit ~ lir--fougraverirn1 licite de leacuteveil Ue sais que je suis eacuteveilleacute sans devoir y reacutefleacutechir qm peut tocircujours potentiellement devenir actuellement conscient de soi de maniegravere reacutefleacutechie mais qui le plus souvent ne lest pas Ou encore cette intuition vide est celle laquo de la simple (blosse) activiteacute (Tiitigkeit) qui nest rien qui se tient (nichts Steh(~---middot middot mais un avancer (Fortgehen) pas un ecirctre mais ll(ecircvie (ZEW-L 51) Ainsi le philosophe te trouve-Hl cortnnemiddot n middot factwn de la conscience alors mecircme que pour le Moi originaire

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cest une ~acirci~ndlunugrave cest-agrave-dire laquo une pure activiteacute (Tiitigkeit) q 2 n pieacutesiI ose aucun objet mais le porte luishymecircme en avant (hervortbringt) et ougrave par suite lagir (Handeln) devient immeacutediatement action (Tat)raquo (ZEW-L 54) Rappelons enfin ~e l atte ti de e factum est fournie selon FieumlIcircITecircpatlt

vat conscience a -~ et middot middot Jpour lui directe d~~m-c1 la i morale par regarde moi comme e m01-me e acll laquo 1 our moicircicircicircngreacutedience toucirct -a--f ait l rangeiecirccte l eff ecti vi teacute reacuteelle (reelle Wirksamkeit) de mon soi (meines Selbst) dans une conscience qui sans cela ne serait que la conscience dune suite de mes repreacutesentationsraquo (ZEW-L 52) La neacutecessiteacute y compris celle de lexposeacute de la science du systegraveme (W-L) est donc dordre pratique intrinsegraveque agrave la liberteacute originaire et agrave la stricte auto-nomie du Moi Lacte premier du philosophe qui eacutelabore la doctrine scientifique (Lehre) du savoir ou de la philosophe (Wissenschaft Wissen) est donc eacutethique par son attestation dans la conscience du philosophe

Il fallait rappeler cette extraordinaire rigueur fichteacuteenne avant den venir agrave sa reprise par Schelling en T80I et sans insister - ce nest pas ici notre objet - sur les deacuteformation que Fichte fait subir agrave larchitectonique kantienne (entre le champ theacuteori ue et le cham rati ue il a tout labicircmeaelacirceumlrotstegravemeumlshyCritique ont la m_ 1ation est sauteacutee dans sa comp exilef

ltVoyons agrave preacutesent ce que dit Schelling de lmtmuon 1iite1-lectuelle dans la Reacuteponse agrave Eschenmayer

2 Lintuition intellectuelle et son ~ sans conscience raquo chez Schelling en 1801

Comme en eacutecho agrave la Zweite Einleitung fichteacuteenne Schelling eacutecrit quil faut avant toute chose laquo distinguer la philosophie sur le philosopher de la philosophie elle-mecircme raquo pour pouvoir philosopher je dois deacutejagrave avoir philosopheacute (cest pour nous la question de linstitution s~mboligue de la philosophie) Mais il ajoute laquo Il ne fait pase doute que cetteuml philosophie sur le philosopher est subjectivement (en rapport au

2 Ueberden Wahren Begriff der Naturphilosophie sv eacuted Cotta I IV 79 SV 1859 Nous mettrons directement dans notre texte les indications de page

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sujet philosophant) le premier et il fait tout aussi peu de doute que dans la question comment la philosophie est-elle possible je me sois deacutejagrave pris dans la puissance (Potenz) la plus eacuteleveacutee et donc que je reacuteponde agrave cette question seulement pour cette puis_sance raquo (84) Il nest donc pa_s poss_ible de deacuteriver cette puissance de la reacuteponse agrave la question puisque la question la preacutesuppose circulairement Degraves lors laquo aussi longtemps que dans le philosopher je me tiens dans _celaquoe puissance je ne puis regarder (erblicken) aucun obJecllf autrement que dans le moment de son entreacutee (Eintreten) dans la conscience (car cette derniegravere est preacuteciseacutement la puissance la plus eacuteleveacutee agrave laquelle jai eacuteleveacute mon objet une fois pour toutes par la liberteacute) mais au grand jamais dans son s~rgisseme~t (Entstehen) originaire dans le moment de son premier ressort~r (Hervotreten) (dans lactiviteacute sans conscience) - il a tandis quil me vient dans les mains deacutejagrave parcouru toutes les meacutetamorphoses [nous soulignons] qui sont neacutecessaires pour leacutelever dans la conscience Voir lobjectif dans son premier surgissement nest possible que si lon deacutepotentie (depotenziert) Lobjet de tout philosopher qui est= Moi dans la puissance la plus eacuteleveacutee et si lon construit par le deacutebut avec cet objet reacuteduit agrave la premiegravere puissance raquo (84-85)

Ce texte manifestement ru ture ar rapport agrave Fichte contient paradoxaleme lJ te~ lL_a no no ogiej ~-

(~ fond ce ue Schellin rei5roche agrave Fichte - et nous on voir 0 que d reQroc~ et _s aradoxe sappro ITnjiiron_- c_est ~ le

__ regar du Qhilosophe_JLlill nt c ez uiaiiefe picirciiTOsopheitlt

faclYfi ratiQnel (eacutelhiqueQeja_fon c1enc et as veacuten em nt _-ctivicircteacute (pour 1chte du rn)

rerruer sur ssement middot (ce e ms en tant u ac 1v1teacute sans (lff ~nscience 1E~~ns1 middot re ans son t a f ~ pr~erecirc Y puissance raquo orreacutelativement c elling suppose queœt eacutetac-r

parcou tout un ensemble de meacutetamorphoses po~r seacutelever _agrave la derniegravere puissance celle de la conscience Veacutentable ~ans1t pheacutenomeacutenologique (ce sera lobjet de la pheacutenomeacuten_olog1e de lanalyser jusquau plus fin) agrave travers des laquopuissancesraquo (Potenzen) dont le moins quon puisse dire est quelles sont le plus souvent inaperccedilues Restent cependant deux questions meacutethodologiques 1) que signifie la laquo deacutepotentiation raquo Est-ce lactualisation par le philosophe de ce qui autrement demeure en puissance mecircme sil a toujours deacutejagrave agi Mais alors quels

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sont les moyens meacutethodiques de cette actualisation Est-ce lanalyse pheacutenomeacutenologique alors mecircme que Schelling utilise le terme fort peu pheacutenomeacutenologique de laquo construction raquo Que signifie ici laquo construction raquo 2) Il y a quelque mauvaise foi sinon tout simplement une faute de lecture contre Fichte agrave affirmer que le Moi est deacutejagrave dans la puissance la plus eacuteleveacutee Fichte nous a bien expliqueacute que le Moi comme Zuruumlckkehren in sich nest ni conscience ni conscience de soi mais leur possibiliteacute si surgit le Non-Moi C~ai_l OJ ~ g_e de middot egravere ce e reacuteduction du Moi Schellin-ichegraverchela narure ou fegrave genne de l~tuœ ~la mecircrrie u Fic en accep erajamais

On voit toute la comp exit de la situation t lon connaicirct la solution schellingienne trop simple en apparence pour ecirctre prise au mot~Cela [scil la deacutepotentiation] nest possible que par une a straction [nous soulignons] agrave deacuteterminer aussitocirct de plus pregraves et avec cette abstraction on se transpose hors du domaine de la W-L dans celui de la philosophie purement theacuteoreacutetiqueraquo (mLa W-L en effet est toujours deacutejagrave philosophie sur la philosoplue et dautre part laquo l agissant nest pas non plus en soi = Moi il nest = Moi que dans cette identiteacute de l agissant et du reacutefleacutechissant sur cet agissant raquo (ibid) Autrement clit la W-L laquo accueille deacutejagrave son objet (lagissant le produisant) en tant que Moi bien quil ne devienne = Moi que dans la mesure ougrave le reacutefleacutechissant le pose comme identique avec lui ce qui cependant ne se produit que dans l agir libre et conscient l agissant dans l agir libre est encore le mecircme objectif ce qui a agi dans lintuition sans conscience il nest librement agissant que parce quil est poseacute comme identique agrave lintuitionnant raquo(86) Dans nos tenues cela signifie que lidentification de I agissant et du reacutefleacutechissant est une deacuteformation cohugraveente de lagissant sa transposition architectonique depuis un registre ougrave il se situe plus originairement ( laquo en soi raquo) agrave un registre celui du Moi ou de la Potenz plus eacuteleveacutee du Moi qui est registre moins originaire ougrave le registre plus originaire est eacuteclipseacute perdu eacutechappant aux pos~ibiliteacutes du ~oi Cest ce que veut d~e la __ran~q_s~ e l~_gir sans coosc1ence (fewusstlQs1-_en a ir hbre le seul ns en corn te ar Fichte selon Schelling) r poursuit Sc e mg laquo s1 je ais a stractton e ce q middot n est poseacute dans lobjet du philosophe que par agir libre il reste en arriegravere comme un purement objectif par cette abstraction je me transpose [nous

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soulignons] au point de vue du philosopher purement theacuteoreacutetique (libeacutereacute de toute immixtion subjective et prauqueuml) eumlecircpfulosopher purement theacuteoreacutetique donne comme produit la

Q aturphilosop ie car par cette abstraction jobtiens le concept du orsujero ~et (= nature) duquel seulement je meacutelegraveve au sujet-objet de la conscience(= Moi) [ ] raquo (Ibid)

Nous butons ici sur des paradoxes Que signifie cette abstraction quil faut comprendre comme aboutissant agrave une transposition (architectonique) en sens inverse de celle qui a toujours deacutejagrave eu lieu dans la W-L cest-agrave-dire comme eacutetant du point de vue pheacutenomeacutenologie une eacutepochegrave hyperbolique (radicale) de la conscience et de cela mecircme (laperception transcendantale immeacutediate) dont la conscience (libre et eacutethique dans la W-L) est la possibiliteacute Soit Ainsi trouverait-on comme reste de abstraction ou de ce oc

en soi agrave leacutecart de I agissant se retournant sur lm--ll==middot Maicircsacirc ors n est-ce pas comrn middot er a angue

neacuteoplatonicienne labstraction consistait agrave s~ce quUerait une monstruositeacute our le neacute latonisme) le rocirc6acircos ae middotmiddot~~~~~_--~-------i--~~-_ed~ ~~-~ l eacutepistro le reproch ress middot 1c e eacutetant e artir seu ement e ce e emue Ensuite peu -on co e e g prendreprecirc exte e ce que la Tathandlung ne sattccedilste que dan~ lefactum rationnel (eacutethi ue) de la conscience _ou lacircbsorber compt~emen ans ce erruer a ors que Fichte par ai e lingfeacuteaience tout agrave fait trangere de mon soi) Enfin si la nature est un pur sujet-objet en quoi a-t-elle encore un soi Quest-ce qui fait que le laquo purement objectifraquo a lui aussi un soi Et quel est ce soi Est-ce le fond sans conshyscience de La r e io tra cendan a e immeumlacircz7ifeumlavant

- meme qu el e ne se cou le av~ une conscience eacutenrrecircm~ avec une conscience e soi exp ici e egravelonClt1bstfactforrfaf e s ce cou la e d son at estation actue e acircarfs T agir libre et conscient (supposant a i tUeumllflœitt- ampceuml oncl peut-i ecirctre meme eacuterujeacute (viacirceuml) eumllune laquo intultlon raquo De lintuition de quel soi Est-ce le soi que nous dirions aujourdhui laquo inconshyscient raquo qui nest middot en effet un peu en jouant sur les mots plus un Moi mais qui serait pour ainsi dire le fond de la nature en nous cependant fond ou soi en reacutealiteacute anonymes

On en revient donc agrave la question de laccegraves que le philosophe doit se meacutenager si possible meacutethodiquement pour atteindre le pur sujet-objet laquo agrave la puissance O raquo (87) en court-

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circuit des meacutetamorphoses que lui fait subir leacuteleacutevation agrave la puissance (au registre) de la conscience (sujet-objet subjectif) dans laquelle selon Schelling (mais pas selon Fichte) entre toujours deacutejagrave le Moi agrave sa plus haute puissance Il est vrai que demeure la question de ce que nous venons de nommer le laquo couplage raquo potentiel du Moi de laperception transcendantale inuneacutediate agrave la conscience et agrave la conscience de soi Il faut degraves lors explique Schellinglaquo se deacutetacher du subjectif de lintuition intellectuelle raquo (ibid) Plus preacuteciseacutement eacutecrit-il laquo je requiers en vue de la Naturphilosophie lintuition intellectuelle comme elle est requise dans la W-L mais je requiers en outre encore labstraction de l intuitionnant dans cette intuition une abstraction qui mabandonne le pur objectif de cet acte lequel est en soi [nous soulignons] simplement sujet-objet mais daucune faccedilon = Moi [ ] raquo (87-88) Il faut donc rompre le couplage tirer le Moi de sa propre intuition laquo en un mot le poshyser comme sans conscience raquo(88) laquo Mais poursuit Schelling le Moi dans la mesure ougrave il est sans conscience nest pas = Moi car le Moi nest le sujet-objet que dans la mesure ougrave il se reconnaicirct lui-mecircme en tant que tel Les actes qui lagrave eacutetaient eacutetablis comme actes du Moi donc aussitocirct dans la puissance la plus eacuteleveacutee sont proprement ici des actes du pur sujet-objet et ne sont comme tels pas encore sensation intuition etc [ ] raquo (ibid)

La q~stion est bien eacutevidemment quest-ce uu e intuition inteTieumleacuteuumlieumllre~a scienc Autrement dit ques -ce une c tion transcen anta immeacutediate deacutecou eacutee l un exp c1tement reacute middot ui ne serait pas celui d un 01 que n om a nerait aucune conscience econna1ssons que u pom e vue e a c ement pheacutenomeacutenologique cest une pure et simple absurditeacute en dautres termes que cette laquoabstractionraquo de lintuitionnant dans lintuition est plus facile agrave dire quagrave effectuer (agrave supposer quelle le soit) sans compter~ quelle consiste agrave couper agrave la hache dans la enseacutee fichteacuteenne - middot i1-n ant ue Fichte sen soit ind1 ~ ne ~ut- Qlldi e aussi et cest lagrave ue se trouverait le ~ que cet ~~ eil raquo e act1v1t ns anse ence est une orte

re ue inconcevao e d evei oct me filJPlYllJLsect1 av~ e _ dans Lan~ Peut-ecirctre est-ce cela mecircme que-Schelling pressent

confuseacutement comme la nature et ougrave ce qui peut survenir ne

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peut du moins en princi~ ue UJP-re re le hiloso he par son sur issement originairepar ce qui en ui paraicirct co e pro mt agrave laveugle e clu Tond de la nuit dans le laquo purement objectif de lintuition intellectuelleraquo On peut admettre en ce sens ltJUe ce genre de produit comme les recircves ne consiste en rien dautre quen ce quon nomme depuis Freu4 (mais pas avec la theacuteorie de Freud) les laquo ormations raquo -de -rinconscient En termes schellingien ces derniegraveres seraient es traces archaiumlques de la nature (en nous) qui nadviendraienragravela consctence eacutechappant agrave la transpocircsition que parce que la conscience ne saurait pas quen faire ~

~ I nen va ce n as ainsi ni chez Ieacute~ieacuteune Schel_ting) ni plus tard chez _egecirc_ - appelons que le preacutesuppo

rriecircrapnysfqucircedeFicliicircecirceumlh1existence dun savoir (Wissen) ou dun laquosystegravemeraquo de lesprit humain dont la W-L est lexposeacute scientifique (philosophie de la philosophie) Schelling gard~ tout au moins middotus uau tournant de 1809 cette pr supposition en y ajoutant la pt supposition non moins sinon plus meacutetaphysique encore que la nature se constitue originairement en _ egraveme un eu or s s a atup i osop ie a maniegravere neacuteoplatonicienne en laquo tveaux e raquo e lt ui -ance raquo tl s es ue es I an naturel (pro6dos) connait autant

___ e laquo re o rs sur soi raquo epj_stroR middot i qm emeuren eftlfels middot middot (Potenzen t que e pliilosophe nemiddot les a pas porteacutes par la

laquoconstructionraquo agrave lactualiteacute de ce qui doit en principe ecirctre une science

Schelling eacutecrit en effet ceci qui est meacutetaphysique preacutecisons-le dans la mesure ougrave il ny en a aucune justification

hiloso hi ue ni aucune attestatio omeacuterrologlque possib e laquo egrave pur sujet-objet est deacutejagrave deacutetermineacute par sa nature a activiteacute cest-agrave-dire agrave lactiviteacute deacutetermineacutee Cette activiteacute deacutetermineacutee suivie agrave travers toutes ses puissances donne une suite de produits deacutetermineacutes tandis que avec ce qui en elle est illimitable elle se potentie (potenziert) [nous soulignons] uniformeacutement avec ces produits raquo (90) li sagit donc dans la Naturphilosophie dassister de sa construction cette autoshyconstruction des puissances du pur sujet-objet qui donne Schelling y fait explicitement allusion agrave la nature la double dimension spinoziste de la natura naturans (lillimiteacute de lactiviteacute) et de la natura naturata (la limitation du produit) Et lon sait agrave quel point sera laquo fantaisiste raquo ou laquo imaginaire raquo cette

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sorte de laquo physique raquo construite en double de la W-L (Schelling eacutecrit encore p 92 laquo Les actes qui sont deacuteduits dans la partie theacuteoreacutetique de lideacutealisme sont les actes dont les puissances simples existent dans la nature et qui sont eacutetablis dans la Naturphilosophie raquo )

La justification de cette double seacuterie ne peut ecirctre quinstable laquo par lagrave que je fais abstraction de lactiviteacute intuitionnante dans lintuition intellectuelle je ne prends le sujet-objet quagrave partir de sa propre intuition (je le rends sans conscience) [nous soulignons] pas agrave partir de la mienne Il demeure aussi constamment en tant que ma construction compris dans mon intuition et je sais quen geacuteneacuteral je nai agrave faire quavec ma propre constructionraquo (91) Notons dabord encore une fois tout ce quil y a de probleacutematique - tant meacutetaphysiquement que pheacutenomeacutenologiquement - dans la laquo propre intuition sans conscience raquo du sujet-objet par luishymecircme (il f a les Recherches de 1809 our accrocher celui-ci au statut delaquo nature en te raquo et tou ce quil y a s rs ~ para oxa ans e ru e supposer que le pur sujet-objet persiste (en quel eacutetat parce quil y a eacuteteacute actualiseacute) dans mon intuition (intellectuelle) et ne le fait quen tant que ma construction Cela ne fait que reposer encore la question de ce quil faut entendre plus preacuteciseacutement par laquoconstructionraquo Dautant plus quil sagirait comme nous avons cru le comprendre de la laquo construction raquo de leacuteveil nocturne anonyme et aveugle dans la nuit au sein de leacuteveil diurne mais lui-mecircme vide de toute Darstellung intuitive de laperception pure ou de laperception transcendantale immeacutediate de lego Quest-ce donc qui peut controcircler sinon garantir la leacutegitimiteacute de la laquoconstruction_raquo L abstra_ccedilt~~tou~ fai~ folle Ou btenJILS~~~QL_~Qmt ougrave rr6us middot-ue __ cQIDprenOJlS-plus ~1_ Terriofes ambieuftegrave~egraveillleumls avec Jesquelles cnacun se d roui e comme il ut q el

Leif au~ e pr~~fugrave~ laquoU tacirccfie eumlsfacirceumlregraventlfegrave objectif le suJet-obJet et de le tirer hors (herausbringen aus) de lui-mecircme jusquau point ougrave il coiumlncide avec la nature (en tant que produit) le point ougrave il devient nature est aussi celui ougrave lillimitable en lui seacutelegraveve au Moi et ougrave lopposition entre Moi et nature qui est faite dans la conscience commune disparaicirct complegravetement [ougrave] la nature= Moi et le Moi = nature A partir de ce point ougrave tout ce qui est encore activiteacute (non pas produit)

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dans la nature est passeacute dans le Moi la nature ne dure et ne continue agrave vivre quen lui le Moi est maintenant Un et tout et tout est reacutesolu en lui Mais cest preacuteciseacutement de ce point que commence aussi lideacutealismeraquo (Ibid) Autrement dit et au moins en principe la meacutethode consiste agrave nouveau agrave faire abstraction de lintuitionnant subjectif dans lintuition intellectuelle - ce qui est censeacute donner la pure activiteacute illimiteacutee (ou illimitable) - et ensuite pour ainsi ~ agrave eacutepuis~r progressivement cette activiteacute (tirer le sujet-obJet hors de lmshymecircme) jusquagrave ce quelle laisse derriegravere elle la nature comme produit (la natura naturata) po~r se re~uver par un changement de registre - une eacuteleacutevauon de pmssance - dans le Moi compris dans nos termes comme pur eacuteveil Cest donc bien comme si la nature seacutetait eacuteveilleacutee dans le Mot ou comme si leacuteveil du Moi eacutetait de nature vie persistante de la nature face agrave ses produits devenus degraves lors les objets potentiels (pot~ntielshylement reconnaissables) de la conscience et qm seraient agrave reprendre agrave cette puissance ou agrave ~ regi~tre de la na~e dans les mecircmes articulations que les arttculattons systeacutematiques de lideacutealisme (W-L) Il y a quelque chose de laquovicieuxraquo dans cette sorte de garantie en circulariteacute dont Schelling tentera de se sortir dans la philosophie de lidentiteacute en cherchant agrave se deacutegager des articulations de lideacutealisme Mais ce sera nous le savons dans une sorte dintempeacuterance speacuteculative redoubleacutee ougrave la laquo vi~ion raquo meacutetaphysique de la nature et de son eacuteveil certes grandiose se perdra de nouveau Sans doute nest-elle si difficile agrave deacutegager tant sinon plus pour Schelling que pour nous que parce que Schelling pris d~ns l efferve~cence d~ son eacutepoque et lenthousiasme de la Jeuness~ pns aussi par l laquo esprit de systegravemeraquo a eacuteteacute lon~temps _fascineacute_ par les _prouesshyses possibles de la technique ph1losoph1que - Il sera bien plus philosophe ou ne sera vraiment philsophe qua~~egraves les tentatives encore plus fantasques de la phtlosoph1e de l identiteacute ougrave le ltlt dire raquo est encore plus eacuteloigneacute du faire effectif ou de l effectuation reacuteelle (sachlich) Deacutejagrave dans cette Reacuteponse agrave Eschenmayer qui est un eacutecrit de transition la justification et lattestation philosophiques que lon fait bien ce quon dit quon fait sont nettement deacutefaillantes ou quasi-acrobatiqu~s On serait tenteacute de dire quil ne sagit lagrave que d un laquo deacutehre meacutetaphysiqueraquo tout imaginaire dune sorte de jeu de concepts sil ny avait de maniegravere presque imperceptible

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lempreinte du geacutenie (dont la philosophie de lidentiteacute est pour nous une sorte de phase inflatoire) Cest cette empreinte que pour conclure nous allons nous efforcer de mieux deacutegager encore derriegravere laspect fluctuant des deacuterives et des sauts conceptuels Quest-ce que Schelling peut encore apprendre aujourdhui au philosophe et au pheacutenomeacutenologue

3 Quelques proleacutegomegravenes pour une interpreacutetation pheacutenomeacutenologique delameacutetaphysiqueschellingienne

Si nous repartons de laperception pure du Moi ou de laperception transcendantale immeacutediate en tant qu eacuteveil - eacuteveil qui notons-le pour seacuteveiller agrave lui-mecircme ou sattester dans la conscience na pas neacutecessairement besoin comme chez Fichte de la Sittlichkeit - et en tant queacuteveil comme incessant retournement en soi de lactiviteacute on voit bien comme nous lavons deacutejagrave interpreacuteteacute pour simplement comprendre que ce mecircme eacuteveil sil est pris sans conscience ne peut sattester pour nous que comme cette sorte eacutetrange deacuteveil quil y a tout de mecircme dans le recircve quand nous sommes en sommeil Si la nature est dynamisme laquo intuition raquo que Schelling avait en commun avec certains de ses contemporains si elle a en son soi une activiteacute infinie et en elle-mecircme illimitable ce soi est luishymecircme nocturne anonyme et aveugle en sommeil et ses productions sont comme des recircves toujours porteurs dune Potenz dune dynamis malgreacute le registre ougrave le recircve paraicirct se stabiliser la nature nest proprement en acte que quand elle seacuteveille dans la puissance du Moi dans leacuteveil (mais alors elle est objet produit) parce que sans cesse en elle-mecircme elle manque son acte parce que les registres de ses Potenzen atelier des meacutetamorphoses aveugles qui vont du premier surgissement laquo en recircveraquo agrave leacuteveil de la conscience demeurent toujours en tant que tels en puissance sans acte propre Et cela Schellin~ mettra du temps agrave le deacutecouvrir uis u il faudra attendre

eacuteitp i osop ie e a reconnaiss ce u rut ue laquovraieraquo nature e non pas ce e qm est laquoconstruiteraquo est la nature en nous et en Dieu cest-agrave-dtre le champ de la 111Ytholo_gk En 1801 le court-circuit par le spinozisme est trop immeacutediat pour que Schelling puisse sapercevoir que degraves lors le terme de Potenz a un double sens non pas seulement celui

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matheacutematique de leacuteleacutevation agrave la puissance (autoshymultiplication) mais encore celui philosophique decirctre-enshypuissance de demeurer pour une part indeacutefini flou et surtout instable Cest seulement en 1809 que Schelling aura une longue explication avec le spinozisme Court-circuit trop immeacutediat aussi pour que Schelling puisse deacutejagrave se reacutesoudre agrave accepter comme dans les Weltalter et un peu dans lesprit de

-Leibniz que la nature est un inson ble sommeil et quelle peut -se-preefclre agrave laquo recircver raquo s1 e e est en Dieu~ nous-me~s ~ su[llS_ ans e mme ar a producircctfon delaquorecircveuuml - IcircRgtUs disonsmiddot- e es ) s ~~ moms co rents et non pas de reveriesevei s - e producteur _ de reacuteves pOuvant ecirctregraveassl agrave mcons zent e si les deacutecouvertes freudiennes ont montreacute que linconscient symboshylique de la psychanalyse doit beaucoup plus aux laquo systegravemes symboliques raquo dans lesquels vit la conscience quagrave la nature elle-mecircme deacutecideacutement insondable parce que rien dautre que puissance ecirctre-en-puissance Potenz que leacuteleacutevation agrave lacte transpose (nous avons lu le terme chez Schelling et nous le prenons quant agrave nous comme transposition architectonique) agrave un autre registre en hiatus par rapport au premier et qui est tout agrave la fois dans leur couplage celui de leacuteveil et celui de la conscience (au sens technique de ce qui se reacutefleacutechit et a des laquo repreacutesentations raquo )

Pour le dire autrement le sujet-objet objectif qui co middotu ue la natura naturans et la natura naturata est une sorte d- j filt_qnsilJ_enr i_tccedil[ehy~Jqj4e f dont Schelling a pen~eacute dans l in em a orre e sa Jeunesse laquo constrmre raquo le laquo systegraveme raquo - au-delagrave cela va sans dire de toutes les limitations critiques que Kant avait imposeacutees agrave la meacutethode philosophique Sans cesse avant 1809 Schelling retombera dans cette orniegravere de se croire en mesure de deacutevoiler dans lacte du discours philosophique ce gui nest que puissance depuis touJours et a_ Jamais de cette croyance viennent les artifices de la polarisation de lndifferenz et lincompreacutehensible notion de laquo diffeacuterence quantitative raquo qui finalement au-delagrave de lanalyse en discours nest diffeacuterence que pour le concept comme si le hiatus entre registres pouvait ecirctre franchi par la seule parole Dans la mecircme perspective si lon se reacutefegravere agrave partir de 1809 agrave ce qui traverse la penseacutee schellingienne depuis les Weltalter jusquagrave la Spiitphilosophie la mythologie apparaicirct comme une sorte de

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laquo recircve meacutetaphysiqueraquo certes pris chez Schelling dans la structure fondamentale mais progressivement et profondeacutement rem~ieacutee de lonto-theacuteologie et ougrave la Reacuteveacutelation plus preacuteciseacutement l avegravenement du Chnst est censeacute annoncer leacuteveil (reacutealisable en transparence seulement dans leschatologie) En ce sens cest sans doute dans cette laquo derniegravere philosophieraquo tant de fois remise sur le meacutetier et malgreacute ses inextricables difficulteacutes que Schelling a fini par entrevoir une reacuteponse satisfaisante aux questions fondamentales qui nont cesseacute de le hanter Il nous aura a middot s eacutefleacutechir autrement le recircve le

~meil li~cien~J~~~ant ue e e ou IIlle --acircmiddot -amis sans~~amp InsectOJJ_IIlls ar rapport e rgeia ~ ~ qui ~an_~ so~eJron et s n aori ton ut ren re middot

~ t agraveicircilQis l1bre~~ ~~aryeumlegraveelagrave ce~us ne sommes plus aujouracirchuCcedil tregraves assureacutes et il reviendra agrave la pheacutenomeacutenologie de laquo retrouver raquo meacutethodiqueshyme~t ces p~ofondeurs abyssales et infinies agrave travers la probleacuteshymatique qui manque chez Schelling de la Leiblichkeit de notre Leib - no Leiblichkeit soit laquo nature raquo comme la un

u cru Merleau-Ponty mais qu e e porte eacutesorrnais tot~s es middot ti~ar esque s nous avons pens re rer ce que c e mg cherchrut avec la nature -=

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Page 2: Marc RICHlR · Schelling soi - étant entendu que l'agir n'est pas un être, et l'être pas un agir, et que cet agir se distingue de l' agir en général dont il y a

Schelling

soi - eacutetant entendu que lagir nest pas un ecirctre et lecirctre pas un agir et que cet agir se distingue de l agir en geacuteneacuteral dont il y a le concept dans lexpeacuterience lagrave ougrave il y a toujours deacutejagrave de lecirctre en rapport avec l agir Cet agir revenant en soi est donc interne inconditionneacute et absolu cest le point de deacutepart de lideacutealisme

transcendantal ( de la W-L) Degraves lors dans la section 5 Fichte deacutefinit lintuition

intellectuelle en ces termes laquo Ce~n~ Q_eacuteSl___meacute du hi so h de lui-mecircme dans laccomplisse ~TackQagravet

L uel le Moi sur middot UI Je ~omme intuition-integraveltectuetre Elle es conscience 1~te-qye ~~euml-reacutel aeumlreraquo--e-ZEW~chacu~ ~a -

ment en soi-mecircme ou ne le trouvera jamais car cette intuition nest lobjet daucune deacutemonstration mais elle survient agrave tout moment de la conscience de tout un chacun Mecircme ajoute Fichte laquo je ne puis faire aucun pas ne mouvoir ni la main ni le pied sans lintuition intellectuelle de ma conscience de soi dans ces actions cest seulement par cette intuition que je sais que je le fais raquo (Ibid) Autrement dit lintuition intellectuelle nest rien ue la erce Tontranseumlecircndagraveniacirc~ctel~

ccedilonscience ou pus preacuteciseacuteme~serepocircrteagravelacircsecfion -o-Ha-eumlonfrontation avec Kant laperception pure le laquo Je

pense raquo par lequel lt(peuvent) ecirctre accomeagneacutees _ 111es repreacutesentationsraquo cest-agrave~core laquo uumlmte originaire de Taperception raquo en tant que le laquo Je pense raquo doit pouvoir accompagner toutes mes repreacutesentations et ecirctre un seul et le mecircme e~ tou_t~ co~science C ~ ~ s~ p~cis _que Fi~hte ~~d lintuition intell_ectu~-_~ ~-e ~Kani mais au sens a une mtu1Uon non _ gnti~~t vz e de tout contenu in 1tl ou s Darstell~n~ intuitive~~~~ Qe ce q~1 a Vl~nt comm~ unMolh- es~_J2as UQ_ ene_ ~e n est phecircnomeumllro10g1qucircemegravefit ~ lir--fougraverirn1 licite de leacuteveil Ue sais que je suis eacuteveilleacute sans devoir y reacutefleacutechir qm peut tocircujours potentiellement devenir actuellement conscient de soi de maniegravere reacutefleacutechie mais qui le plus souvent ne lest pas Ou encore cette intuition vide est celle laquo de la simple (blosse) activiteacute (Tiitigkeit) qui nest rien qui se tient (nichts Steh(~---middot middot mais un avancer (Fortgehen) pas un ecirctre mais ll(ecircvie (ZEW-L 51) Ainsi le philosophe te trouve-Hl cortnnemiddot n middot factwn de la conscience alors mecircme que pour le Moi originaire

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cest une ~acirci~ndlunugrave cest-agrave-dire laquo une pure activiteacute (Tiitigkeit) q 2 n pieacutesiI ose aucun objet mais le porte luishymecircme en avant (hervortbringt) et ougrave par suite lagir (Handeln) devient immeacutediatement action (Tat)raquo (ZEW-L 54) Rappelons enfin ~e l atte ti de e factum est fournie selon FieumlIcircITecircpatlt

vat conscience a -~ et middot middot Jpour lui directe d~~m-c1 la i morale par regarde moi comme e m01-me e acll laquo 1 our moicircicircicircngreacutedience toucirct -a--f ait l rangeiecirccte l eff ecti vi teacute reacuteelle (reelle Wirksamkeit) de mon soi (meines Selbst) dans une conscience qui sans cela ne serait que la conscience dune suite de mes repreacutesentationsraquo (ZEW-L 52) La neacutecessiteacute y compris celle de lexposeacute de la science du systegraveme (W-L) est donc dordre pratique intrinsegraveque agrave la liberteacute originaire et agrave la stricte auto-nomie du Moi Lacte premier du philosophe qui eacutelabore la doctrine scientifique (Lehre) du savoir ou de la philosophe (Wissenschaft Wissen) est donc eacutethique par son attestation dans la conscience du philosophe

Il fallait rappeler cette extraordinaire rigueur fichteacuteenne avant den venir agrave sa reprise par Schelling en T80I et sans insister - ce nest pas ici notre objet - sur les deacuteformation que Fichte fait subir agrave larchitectonique kantienne (entre le champ theacuteori ue et le cham rati ue il a tout labicircmeaelacirceumlrotstegravemeumlshyCritique ont la m_ 1ation est sauteacutee dans sa comp exilef

ltVoyons agrave preacutesent ce que dit Schelling de lmtmuon 1iite1-lectuelle dans la Reacuteponse agrave Eschenmayer

2 Lintuition intellectuelle et son ~ sans conscience raquo chez Schelling en 1801

Comme en eacutecho agrave la Zweite Einleitung fichteacuteenne Schelling eacutecrit quil faut avant toute chose laquo distinguer la philosophie sur le philosopher de la philosophie elle-mecircme raquo pour pouvoir philosopher je dois deacutejagrave avoir philosopheacute (cest pour nous la question de linstitution s~mboligue de la philosophie) Mais il ajoute laquo Il ne fait pase doute que cetteuml philosophie sur le philosopher est subjectivement (en rapport au

2 Ueberden Wahren Begriff der Naturphilosophie sv eacuted Cotta I IV 79 SV 1859 Nous mettrons directement dans notre texte les indications de page

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sujet philosophant) le premier et il fait tout aussi peu de doute que dans la question comment la philosophie est-elle possible je me sois deacutejagrave pris dans la puissance (Potenz) la plus eacuteleveacutee et donc que je reacuteponde agrave cette question seulement pour cette puis_sance raquo (84) Il nest donc pa_s poss_ible de deacuteriver cette puissance de la reacuteponse agrave la question puisque la question la preacutesuppose circulairement Degraves lors laquo aussi longtemps que dans le philosopher je me tiens dans _celaquoe puissance je ne puis regarder (erblicken) aucun obJecllf autrement que dans le moment de son entreacutee (Eintreten) dans la conscience (car cette derniegravere est preacuteciseacutement la puissance la plus eacuteleveacutee agrave laquelle jai eacuteleveacute mon objet une fois pour toutes par la liberteacute) mais au grand jamais dans son s~rgisseme~t (Entstehen) originaire dans le moment de son premier ressort~r (Hervotreten) (dans lactiviteacute sans conscience) - il a tandis quil me vient dans les mains deacutejagrave parcouru toutes les meacutetamorphoses [nous soulignons] qui sont neacutecessaires pour leacutelever dans la conscience Voir lobjectif dans son premier surgissement nest possible que si lon deacutepotentie (depotenziert) Lobjet de tout philosopher qui est= Moi dans la puissance la plus eacuteleveacutee et si lon construit par le deacutebut avec cet objet reacuteduit agrave la premiegravere puissance raquo (84-85)

Ce texte manifestement ru ture ar rapport agrave Fichte contient paradoxaleme lJ te~ lL_a no no ogiej ~-

(~ fond ce ue Schellin rei5roche agrave Fichte - et nous on voir 0 que d reQroc~ et _s aradoxe sappro ITnjiiron_- c_est ~ le

__ regar du Qhilosophe_JLlill nt c ez uiaiiefe picirciiTOsopheitlt

faclYfi ratiQnel (eacutelhiqueQeja_fon c1enc et as veacuten em nt _-ctivicircteacute (pour 1chte du rn)

rerruer sur ssement middot (ce e ms en tant u ac 1v1teacute sans (lff ~nscience 1E~~ns1 middot re ans son t a f ~ pr~erecirc Y puissance raquo orreacutelativement c elling suppose queœt eacutetac-r

parcou tout un ensemble de meacutetamorphoses po~r seacutelever _agrave la derniegravere puissance celle de la conscience Veacutentable ~ans1t pheacutenomeacutenologique (ce sera lobjet de la pheacutenomeacuten_olog1e de lanalyser jusquau plus fin) agrave travers des laquopuissancesraquo (Potenzen) dont le moins quon puisse dire est quelles sont le plus souvent inaperccedilues Restent cependant deux questions meacutethodologiques 1) que signifie la laquo deacutepotentiation raquo Est-ce lactualisation par le philosophe de ce qui autrement demeure en puissance mecircme sil a toujours deacutejagrave agi Mais alors quels

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sont les moyens meacutethodiques de cette actualisation Est-ce lanalyse pheacutenomeacutenologique alors mecircme que Schelling utilise le terme fort peu pheacutenomeacutenologique de laquo construction raquo Que signifie ici laquo construction raquo 2) Il y a quelque mauvaise foi sinon tout simplement une faute de lecture contre Fichte agrave affirmer que le Moi est deacutejagrave dans la puissance la plus eacuteleveacutee Fichte nous a bien expliqueacute que le Moi comme Zuruumlckkehren in sich nest ni conscience ni conscience de soi mais leur possibiliteacute si surgit le Non-Moi C~ai_l OJ ~ g_e de middot egravere ce e reacuteduction du Moi Schellin-ichegraverchela narure ou fegrave genne de l~tuœ ~la mecircrrie u Fic en accep erajamais

On voit toute la comp exit de la situation t lon connaicirct la solution schellingienne trop simple en apparence pour ecirctre prise au mot~Cela [scil la deacutepotentiation] nest possible que par une a straction [nous soulignons] agrave deacuteterminer aussitocirct de plus pregraves et avec cette abstraction on se transpose hors du domaine de la W-L dans celui de la philosophie purement theacuteoreacutetiqueraquo (mLa W-L en effet est toujours deacutejagrave philosophie sur la philosoplue et dautre part laquo l agissant nest pas non plus en soi = Moi il nest = Moi que dans cette identiteacute de l agissant et du reacutefleacutechissant sur cet agissant raquo (ibid) Autrement clit la W-L laquo accueille deacutejagrave son objet (lagissant le produisant) en tant que Moi bien quil ne devienne = Moi que dans la mesure ougrave le reacutefleacutechissant le pose comme identique avec lui ce qui cependant ne se produit que dans l agir libre et conscient l agissant dans l agir libre est encore le mecircme objectif ce qui a agi dans lintuition sans conscience il nest librement agissant que parce quil est poseacute comme identique agrave lintuitionnant raquo(86) Dans nos tenues cela signifie que lidentification de I agissant et du reacutefleacutechissant est une deacuteformation cohugraveente de lagissant sa transposition architectonique depuis un registre ougrave il se situe plus originairement ( laquo en soi raquo) agrave un registre celui du Moi ou de la Potenz plus eacuteleveacutee du Moi qui est registre moins originaire ougrave le registre plus originaire est eacuteclipseacute perdu eacutechappant aux pos~ibiliteacutes du ~oi Cest ce que veut d~e la __ran~q_s~ e l~_gir sans coosc1ence (fewusstlQs1-_en a ir hbre le seul ns en corn te ar Fichte selon Schelling) r poursuit Sc e mg laquo s1 je ais a stractton e ce q middot n est poseacute dans lobjet du philosophe que par agir libre il reste en arriegravere comme un purement objectif par cette abstraction je me transpose [nous

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soulignons] au point de vue du philosopher purement theacuteoreacutetique (libeacutereacute de toute immixtion subjective et prauqueuml) eumlecircpfulosopher purement theacuteoreacutetique donne comme produit la

Q aturphilosop ie car par cette abstraction jobtiens le concept du orsujero ~et (= nature) duquel seulement je meacutelegraveve au sujet-objet de la conscience(= Moi) [ ] raquo (Ibid)

Nous butons ici sur des paradoxes Que signifie cette abstraction quil faut comprendre comme aboutissant agrave une transposition (architectonique) en sens inverse de celle qui a toujours deacutejagrave eu lieu dans la W-L cest-agrave-dire comme eacutetant du point de vue pheacutenomeacutenologie une eacutepochegrave hyperbolique (radicale) de la conscience et de cela mecircme (laperception transcendantale immeacutediate) dont la conscience (libre et eacutethique dans la W-L) est la possibiliteacute Soit Ainsi trouverait-on comme reste de abstraction ou de ce oc

en soi agrave leacutecart de I agissant se retournant sur lm--ll==middot Maicircsacirc ors n est-ce pas comrn middot er a angue

neacuteoplatonicienne labstraction consistait agrave s~ce quUerait une monstruositeacute our le neacute latonisme) le rocirc6acircos ae middotmiddot~~~~~_--~-------i--~~-_ed~ ~~-~ l eacutepistro le reproch ress middot 1c e eacutetant e artir seu ement e ce e emue Ensuite peu -on co e e g prendreprecirc exte e ce que la Tathandlung ne sattccedilste que dan~ lefactum rationnel (eacutethi ue) de la conscience _ou lacircbsorber compt~emen ans ce erruer a ors que Fichte par ai e lingfeacuteaience tout agrave fait trangere de mon soi) Enfin si la nature est un pur sujet-objet en quoi a-t-elle encore un soi Quest-ce qui fait que le laquo purement objectifraquo a lui aussi un soi Et quel est ce soi Est-ce le fond sans conshyscience de La r e io tra cendan a e immeumlacircz7ifeumlavant

- meme qu el e ne se cou le av~ une conscience eacutenrrecircm~ avec une conscience e soi exp ici e egravelonClt1bstfactforrfaf e s ce cou la e d son at estation actue e acircarfs T agir libre et conscient (supposant a i tUeumllflœitt- ampceuml oncl peut-i ecirctre meme eacuterujeacute (viacirceuml) eumllune laquo intultlon raquo De lintuition de quel soi Est-ce le soi que nous dirions aujourdhui laquo inconshyscient raquo qui nest middot en effet un peu en jouant sur les mots plus un Moi mais qui serait pour ainsi dire le fond de la nature en nous cependant fond ou soi en reacutealiteacute anonymes

On en revient donc agrave la question de laccegraves que le philosophe doit se meacutenager si possible meacutethodiquement pour atteindre le pur sujet-objet laquo agrave la puissance O raquo (87) en court-

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circuit des meacutetamorphoses que lui fait subir leacuteleacutevation agrave la puissance (au registre) de la conscience (sujet-objet subjectif) dans laquelle selon Schelling (mais pas selon Fichte) entre toujours deacutejagrave le Moi agrave sa plus haute puissance Il est vrai que demeure la question de ce que nous venons de nommer le laquo couplage raquo potentiel du Moi de laperception transcendantale inuneacutediate agrave la conscience et agrave la conscience de soi Il faut degraves lors explique Schellinglaquo se deacutetacher du subjectif de lintuition intellectuelle raquo (ibid) Plus preacuteciseacutement eacutecrit-il laquo je requiers en vue de la Naturphilosophie lintuition intellectuelle comme elle est requise dans la W-L mais je requiers en outre encore labstraction de l intuitionnant dans cette intuition une abstraction qui mabandonne le pur objectif de cet acte lequel est en soi [nous soulignons] simplement sujet-objet mais daucune faccedilon = Moi [ ] raquo (87-88) Il faut donc rompre le couplage tirer le Moi de sa propre intuition laquo en un mot le poshyser comme sans conscience raquo(88) laquo Mais poursuit Schelling le Moi dans la mesure ougrave il est sans conscience nest pas = Moi car le Moi nest le sujet-objet que dans la mesure ougrave il se reconnaicirct lui-mecircme en tant que tel Les actes qui lagrave eacutetaient eacutetablis comme actes du Moi donc aussitocirct dans la puissance la plus eacuteleveacutee sont proprement ici des actes du pur sujet-objet et ne sont comme tels pas encore sensation intuition etc [ ] raquo (ibid)

La q~stion est bien eacutevidemment quest-ce uu e intuition inteTieumleacuteuumlieumllre~a scienc Autrement dit ques -ce une c tion transcen anta immeacutediate deacutecou eacutee l un exp c1tement reacute middot ui ne serait pas celui d un 01 que n om a nerait aucune conscience econna1ssons que u pom e vue e a c ement pheacutenomeacutenologique cest une pure et simple absurditeacute en dautres termes que cette laquoabstractionraquo de lintuitionnant dans lintuition est plus facile agrave dire quagrave effectuer (agrave supposer quelle le soit) sans compter~ quelle consiste agrave couper agrave la hache dans la enseacutee fichteacuteenne - middot i1-n ant ue Fichte sen soit ind1 ~ ne ~ut- Qlldi e aussi et cest lagrave ue se trouverait le ~ que cet ~~ eil raquo e act1v1t ns anse ence est une orte

re ue inconcevao e d evei oct me filJPlYllJLsect1 av~ e _ dans Lan~ Peut-ecirctre est-ce cela mecircme que-Schelling pressent

confuseacutement comme la nature et ougrave ce qui peut survenir ne

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peut du moins en princi~ ue UJP-re re le hiloso he par son sur issement originairepar ce qui en ui paraicirct co e pro mt agrave laveugle e clu Tond de la nuit dans le laquo purement objectif de lintuition intellectuelleraquo On peut admettre en ce sens ltJUe ce genre de produit comme les recircves ne consiste en rien dautre quen ce quon nomme depuis Freu4 (mais pas avec la theacuteorie de Freud) les laquo ormations raquo -de -rinconscient En termes schellingien ces derniegraveres seraient es traces archaiumlques de la nature (en nous) qui nadviendraienragravela consctence eacutechappant agrave la transpocircsition que parce que la conscience ne saurait pas quen faire ~

~ I nen va ce n as ainsi ni chez Ieacute~ieacuteune Schel_ting) ni plus tard chez _egecirc_ - appelons que le preacutesuppo

rriecircrapnysfqucircedeFicliicircecirceumlh1existence dun savoir (Wissen) ou dun laquosystegravemeraquo de lesprit humain dont la W-L est lexposeacute scientifique (philosophie de la philosophie) Schelling gard~ tout au moins middotus uau tournant de 1809 cette pr supposition en y ajoutant la pt supposition non moins sinon plus meacutetaphysique encore que la nature se constitue originairement en _ egraveme un eu or s s a atup i osop ie a maniegravere neacuteoplatonicienne en laquo tveaux e raquo e lt ui -ance raquo tl s es ue es I an naturel (pro6dos) connait autant

___ e laquo re o rs sur soi raquo epj_stroR middot i qm emeuren eftlfels middot middot (Potenzen t que e pliilosophe nemiddot les a pas porteacutes par la

laquoconstructionraquo agrave lactualiteacute de ce qui doit en principe ecirctre une science

Schelling eacutecrit en effet ceci qui est meacutetaphysique preacutecisons-le dans la mesure ougrave il ny en a aucune justification

hiloso hi ue ni aucune attestatio omeacuterrologlque possib e laquo egrave pur sujet-objet est deacutejagrave deacutetermineacute par sa nature a activiteacute cest-agrave-dire agrave lactiviteacute deacutetermineacutee Cette activiteacute deacutetermineacutee suivie agrave travers toutes ses puissances donne une suite de produits deacutetermineacutes tandis que avec ce qui en elle est illimitable elle se potentie (potenziert) [nous soulignons] uniformeacutement avec ces produits raquo (90) li sagit donc dans la Naturphilosophie dassister de sa construction cette autoshyconstruction des puissances du pur sujet-objet qui donne Schelling y fait explicitement allusion agrave la nature la double dimension spinoziste de la natura naturans (lillimiteacute de lactiviteacute) et de la natura naturata (la limitation du produit) Et lon sait agrave quel point sera laquo fantaisiste raquo ou laquo imaginaire raquo cette

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sorte de laquo physique raquo construite en double de la W-L (Schelling eacutecrit encore p 92 laquo Les actes qui sont deacuteduits dans la partie theacuteoreacutetique de lideacutealisme sont les actes dont les puissances simples existent dans la nature et qui sont eacutetablis dans la Naturphilosophie raquo )

La justification de cette double seacuterie ne peut ecirctre quinstable laquo par lagrave que je fais abstraction de lactiviteacute intuitionnante dans lintuition intellectuelle je ne prends le sujet-objet quagrave partir de sa propre intuition (je le rends sans conscience) [nous soulignons] pas agrave partir de la mienne Il demeure aussi constamment en tant que ma construction compris dans mon intuition et je sais quen geacuteneacuteral je nai agrave faire quavec ma propre constructionraquo (91) Notons dabord encore une fois tout ce quil y a de probleacutematique - tant meacutetaphysiquement que pheacutenomeacutenologiquement - dans la laquo propre intuition sans conscience raquo du sujet-objet par luishymecircme (il f a les Recherches de 1809 our accrocher celui-ci au statut delaquo nature en te raquo et tou ce quil y a s rs ~ para oxa ans e ru e supposer que le pur sujet-objet persiste (en quel eacutetat parce quil y a eacuteteacute actualiseacute) dans mon intuition (intellectuelle) et ne le fait quen tant que ma construction Cela ne fait que reposer encore la question de ce quil faut entendre plus preacuteciseacutement par laquoconstructionraquo Dautant plus quil sagirait comme nous avons cru le comprendre de la laquo construction raquo de leacuteveil nocturne anonyme et aveugle dans la nuit au sein de leacuteveil diurne mais lui-mecircme vide de toute Darstellung intuitive de laperception pure ou de laperception transcendantale immeacutediate de lego Quest-ce donc qui peut controcircler sinon garantir la leacutegitimiteacute de la laquoconstruction_raquo L abstra_ccedilt~~tou~ fai~ folle Ou btenJILS~~~QL_~Qmt ougrave rr6us middot-ue __ cQIDprenOJlS-plus ~1_ Terriofes ambieuftegrave~egraveillleumls avec Jesquelles cnacun se d roui e comme il ut q el

Leif au~ e pr~~fugrave~ laquoU tacirccfie eumlsfacirceumlregraventlfegrave objectif le suJet-obJet et de le tirer hors (herausbringen aus) de lui-mecircme jusquau point ougrave il coiumlncide avec la nature (en tant que produit) le point ougrave il devient nature est aussi celui ougrave lillimitable en lui seacutelegraveve au Moi et ougrave lopposition entre Moi et nature qui est faite dans la conscience commune disparaicirct complegravetement [ougrave] la nature= Moi et le Moi = nature A partir de ce point ougrave tout ce qui est encore activiteacute (non pas produit)

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dans la nature est passeacute dans le Moi la nature ne dure et ne continue agrave vivre quen lui le Moi est maintenant Un et tout et tout est reacutesolu en lui Mais cest preacuteciseacutement de ce point que commence aussi lideacutealismeraquo (Ibid) Autrement dit et au moins en principe la meacutethode consiste agrave nouveau agrave faire abstraction de lintuitionnant subjectif dans lintuition intellectuelle - ce qui est censeacute donner la pure activiteacute illimiteacutee (ou illimitable) - et ensuite pour ainsi ~ agrave eacutepuis~r progressivement cette activiteacute (tirer le sujet-obJet hors de lmshymecircme) jusquagrave ce quelle laisse derriegravere elle la nature comme produit (la natura naturata) po~r se re~uver par un changement de registre - une eacuteleacutevauon de pmssance - dans le Moi compris dans nos termes comme pur eacuteveil Cest donc bien comme si la nature seacutetait eacuteveilleacutee dans le Mot ou comme si leacuteveil du Moi eacutetait de nature vie persistante de la nature face agrave ses produits devenus degraves lors les objets potentiels (pot~ntielshylement reconnaissables) de la conscience et qm seraient agrave reprendre agrave cette puissance ou agrave ~ regi~tre de la na~e dans les mecircmes articulations que les arttculattons systeacutematiques de lideacutealisme (W-L) Il y a quelque chose de laquovicieuxraquo dans cette sorte de garantie en circulariteacute dont Schelling tentera de se sortir dans la philosophie de lidentiteacute en cherchant agrave se deacutegager des articulations de lideacutealisme Mais ce sera nous le savons dans une sorte dintempeacuterance speacuteculative redoubleacutee ougrave la laquo vi~ion raquo meacutetaphysique de la nature et de son eacuteveil certes grandiose se perdra de nouveau Sans doute nest-elle si difficile agrave deacutegager tant sinon plus pour Schelling que pour nous que parce que Schelling pris d~ns l efferve~cence d~ son eacutepoque et lenthousiasme de la Jeuness~ pns aussi par l laquo esprit de systegravemeraquo a eacuteteacute lon~temps _fascineacute_ par les _prouesshyses possibles de la technique ph1losoph1que - Il sera bien plus philosophe ou ne sera vraiment philsophe qua~~egraves les tentatives encore plus fantasques de la phtlosoph1e de l identiteacute ougrave le ltlt dire raquo est encore plus eacuteloigneacute du faire effectif ou de l effectuation reacuteelle (sachlich) Deacutejagrave dans cette Reacuteponse agrave Eschenmayer qui est un eacutecrit de transition la justification et lattestation philosophiques que lon fait bien ce quon dit quon fait sont nettement deacutefaillantes ou quasi-acrobatiqu~s On serait tenteacute de dire quil ne sagit lagrave que d un laquo deacutehre meacutetaphysiqueraquo tout imaginaire dune sorte de jeu de concepts sil ny avait de maniegravere presque imperceptible

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lempreinte du geacutenie (dont la philosophie de lidentiteacute est pour nous une sorte de phase inflatoire) Cest cette empreinte que pour conclure nous allons nous efforcer de mieux deacutegager encore derriegravere laspect fluctuant des deacuterives et des sauts conceptuels Quest-ce que Schelling peut encore apprendre aujourdhui au philosophe et au pheacutenomeacutenologue

3 Quelques proleacutegomegravenes pour une interpreacutetation pheacutenomeacutenologique delameacutetaphysiqueschellingienne

Si nous repartons de laperception pure du Moi ou de laperception transcendantale immeacutediate en tant qu eacuteveil - eacuteveil qui notons-le pour seacuteveiller agrave lui-mecircme ou sattester dans la conscience na pas neacutecessairement besoin comme chez Fichte de la Sittlichkeit - et en tant queacuteveil comme incessant retournement en soi de lactiviteacute on voit bien comme nous lavons deacutejagrave interpreacuteteacute pour simplement comprendre que ce mecircme eacuteveil sil est pris sans conscience ne peut sattester pour nous que comme cette sorte eacutetrange deacuteveil quil y a tout de mecircme dans le recircve quand nous sommes en sommeil Si la nature est dynamisme laquo intuition raquo que Schelling avait en commun avec certains de ses contemporains si elle a en son soi une activiteacute infinie et en elle-mecircme illimitable ce soi est luishymecircme nocturne anonyme et aveugle en sommeil et ses productions sont comme des recircves toujours porteurs dune Potenz dune dynamis malgreacute le registre ougrave le recircve paraicirct se stabiliser la nature nest proprement en acte que quand elle seacuteveille dans la puissance du Moi dans leacuteveil (mais alors elle est objet produit) parce que sans cesse en elle-mecircme elle manque son acte parce que les registres de ses Potenzen atelier des meacutetamorphoses aveugles qui vont du premier surgissement laquo en recircveraquo agrave leacuteveil de la conscience demeurent toujours en tant que tels en puissance sans acte propre Et cela Schellin~ mettra du temps agrave le deacutecouvrir uis u il faudra attendre

eacuteitp i osop ie e a reconnaiss ce u rut ue laquovraieraquo nature e non pas ce e qm est laquoconstruiteraquo est la nature en nous et en Dieu cest-agrave-dtre le champ de la 111Ytholo_gk En 1801 le court-circuit par le spinozisme est trop immeacutediat pour que Schelling puisse sapercevoir que degraves lors le terme de Potenz a un double sens non pas seulement celui

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matheacutematique de leacuteleacutevation agrave la puissance (autoshymultiplication) mais encore celui philosophique decirctre-enshypuissance de demeurer pour une part indeacutefini flou et surtout instable Cest seulement en 1809 que Schelling aura une longue explication avec le spinozisme Court-circuit trop immeacutediat aussi pour que Schelling puisse deacutejagrave se reacutesoudre agrave accepter comme dans les Weltalter et un peu dans lesprit de

-Leibniz que la nature est un inson ble sommeil et quelle peut -se-preefclre agrave laquo recircver raquo s1 e e est en Dieu~ nous-me~s ~ su[llS_ ans e mme ar a producircctfon delaquorecircveuuml - IcircRgtUs disonsmiddot- e es ) s ~~ moms co rents et non pas de reveriesevei s - e producteur _ de reacuteves pOuvant ecirctregraveassl agrave mcons zent e si les deacutecouvertes freudiennes ont montreacute que linconscient symboshylique de la psychanalyse doit beaucoup plus aux laquo systegravemes symboliques raquo dans lesquels vit la conscience quagrave la nature elle-mecircme deacutecideacutement insondable parce que rien dautre que puissance ecirctre-en-puissance Potenz que leacuteleacutevation agrave lacte transpose (nous avons lu le terme chez Schelling et nous le prenons quant agrave nous comme transposition architectonique) agrave un autre registre en hiatus par rapport au premier et qui est tout agrave la fois dans leur couplage celui de leacuteveil et celui de la conscience (au sens technique de ce qui se reacutefleacutechit et a des laquo repreacutesentations raquo )

Pour le dire autrement le sujet-objet objectif qui co middotu ue la natura naturans et la natura naturata est une sorte d- j filt_qnsilJ_enr i_tccedil[ehy~Jqj4e f dont Schelling a pen~eacute dans l in em a orre e sa Jeunesse laquo constrmre raquo le laquo systegraveme raquo - au-delagrave cela va sans dire de toutes les limitations critiques que Kant avait imposeacutees agrave la meacutethode philosophique Sans cesse avant 1809 Schelling retombera dans cette orniegravere de se croire en mesure de deacutevoiler dans lacte du discours philosophique ce gui nest que puissance depuis touJours et a_ Jamais de cette croyance viennent les artifices de la polarisation de lndifferenz et lincompreacutehensible notion de laquo diffeacuterence quantitative raquo qui finalement au-delagrave de lanalyse en discours nest diffeacuterence que pour le concept comme si le hiatus entre registres pouvait ecirctre franchi par la seule parole Dans la mecircme perspective si lon se reacutefegravere agrave partir de 1809 agrave ce qui traverse la penseacutee schellingienne depuis les Weltalter jusquagrave la Spiitphilosophie la mythologie apparaicirct comme une sorte de

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laquo recircve meacutetaphysiqueraquo certes pris chez Schelling dans la structure fondamentale mais progressivement et profondeacutement rem~ieacutee de lonto-theacuteologie et ougrave la Reacuteveacutelation plus preacuteciseacutement l avegravenement du Chnst est censeacute annoncer leacuteveil (reacutealisable en transparence seulement dans leschatologie) En ce sens cest sans doute dans cette laquo derniegravere philosophieraquo tant de fois remise sur le meacutetier et malgreacute ses inextricables difficulteacutes que Schelling a fini par entrevoir une reacuteponse satisfaisante aux questions fondamentales qui nont cesseacute de le hanter Il nous aura a middot s eacutefleacutechir autrement le recircve le

~meil li~cien~J~~~ant ue e e ou IIlle --acircmiddot -amis sans~~amp InsectOJJ_IIlls ar rapport e rgeia ~ ~ qui ~an_~ so~eJron et s n aori ton ut ren re middot

~ t agraveicircilQis l1bre~~ ~~aryeumlegraveelagrave ce~us ne sommes plus aujouracirchuCcedil tregraves assureacutes et il reviendra agrave la pheacutenomeacutenologie de laquo retrouver raquo meacutethodiqueshyme~t ces p~ofondeurs abyssales et infinies agrave travers la probleacuteshymatique qui manque chez Schelling de la Leiblichkeit de notre Leib - no Leiblichkeit soit laquo nature raquo comme la un

u cru Merleau-Ponty mais qu e e porte eacutesorrnais tot~s es middot ti~ar esque s nous avons pens re rer ce que c e mg cherchrut avec la nature -=

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Page 3: Marc RICHlR · Schelling soi - étant entendu que l'agir n'est pas un être, et l'être pas un agir, et que cet agir se distingue de l' agir en général dont il y a

Schelling

sujet philosophant) le premier et il fait tout aussi peu de doute que dans la question comment la philosophie est-elle possible je me sois deacutejagrave pris dans la puissance (Potenz) la plus eacuteleveacutee et donc que je reacuteponde agrave cette question seulement pour cette puis_sance raquo (84) Il nest donc pa_s poss_ible de deacuteriver cette puissance de la reacuteponse agrave la question puisque la question la preacutesuppose circulairement Degraves lors laquo aussi longtemps que dans le philosopher je me tiens dans _celaquoe puissance je ne puis regarder (erblicken) aucun obJecllf autrement que dans le moment de son entreacutee (Eintreten) dans la conscience (car cette derniegravere est preacuteciseacutement la puissance la plus eacuteleveacutee agrave laquelle jai eacuteleveacute mon objet une fois pour toutes par la liberteacute) mais au grand jamais dans son s~rgisseme~t (Entstehen) originaire dans le moment de son premier ressort~r (Hervotreten) (dans lactiviteacute sans conscience) - il a tandis quil me vient dans les mains deacutejagrave parcouru toutes les meacutetamorphoses [nous soulignons] qui sont neacutecessaires pour leacutelever dans la conscience Voir lobjectif dans son premier surgissement nest possible que si lon deacutepotentie (depotenziert) Lobjet de tout philosopher qui est= Moi dans la puissance la plus eacuteleveacutee et si lon construit par le deacutebut avec cet objet reacuteduit agrave la premiegravere puissance raquo (84-85)

Ce texte manifestement ru ture ar rapport agrave Fichte contient paradoxaleme lJ te~ lL_a no no ogiej ~-

(~ fond ce ue Schellin rei5roche agrave Fichte - et nous on voir 0 que d reQroc~ et _s aradoxe sappro ITnjiiron_- c_est ~ le

__ regar du Qhilosophe_JLlill nt c ez uiaiiefe picirciiTOsopheitlt

faclYfi ratiQnel (eacutelhiqueQeja_fon c1enc et as veacuten em nt _-ctivicircteacute (pour 1chte du rn)

rerruer sur ssement middot (ce e ms en tant u ac 1v1teacute sans (lff ~nscience 1E~~ns1 middot re ans son t a f ~ pr~erecirc Y puissance raquo orreacutelativement c elling suppose queœt eacutetac-r

parcou tout un ensemble de meacutetamorphoses po~r seacutelever _agrave la derniegravere puissance celle de la conscience Veacutentable ~ans1t pheacutenomeacutenologique (ce sera lobjet de la pheacutenomeacuten_olog1e de lanalyser jusquau plus fin) agrave travers des laquopuissancesraquo (Potenzen) dont le moins quon puisse dire est quelles sont le plus souvent inaperccedilues Restent cependant deux questions meacutethodologiques 1) que signifie la laquo deacutepotentiation raquo Est-ce lactualisation par le philosophe de ce qui autrement demeure en puissance mecircme sil a toujours deacutejagrave agi Mais alors quels

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sont les moyens meacutethodiques de cette actualisation Est-ce lanalyse pheacutenomeacutenologique alors mecircme que Schelling utilise le terme fort peu pheacutenomeacutenologique de laquo construction raquo Que signifie ici laquo construction raquo 2) Il y a quelque mauvaise foi sinon tout simplement une faute de lecture contre Fichte agrave affirmer que le Moi est deacutejagrave dans la puissance la plus eacuteleveacutee Fichte nous a bien expliqueacute que le Moi comme Zuruumlckkehren in sich nest ni conscience ni conscience de soi mais leur possibiliteacute si surgit le Non-Moi C~ai_l OJ ~ g_e de middot egravere ce e reacuteduction du Moi Schellin-ichegraverchela narure ou fegrave genne de l~tuœ ~la mecircrrie u Fic en accep erajamais

On voit toute la comp exit de la situation t lon connaicirct la solution schellingienne trop simple en apparence pour ecirctre prise au mot~Cela [scil la deacutepotentiation] nest possible que par une a straction [nous soulignons] agrave deacuteterminer aussitocirct de plus pregraves et avec cette abstraction on se transpose hors du domaine de la W-L dans celui de la philosophie purement theacuteoreacutetiqueraquo (mLa W-L en effet est toujours deacutejagrave philosophie sur la philosoplue et dautre part laquo l agissant nest pas non plus en soi = Moi il nest = Moi que dans cette identiteacute de l agissant et du reacutefleacutechissant sur cet agissant raquo (ibid) Autrement clit la W-L laquo accueille deacutejagrave son objet (lagissant le produisant) en tant que Moi bien quil ne devienne = Moi que dans la mesure ougrave le reacutefleacutechissant le pose comme identique avec lui ce qui cependant ne se produit que dans l agir libre et conscient l agissant dans l agir libre est encore le mecircme objectif ce qui a agi dans lintuition sans conscience il nest librement agissant que parce quil est poseacute comme identique agrave lintuitionnant raquo(86) Dans nos tenues cela signifie que lidentification de I agissant et du reacutefleacutechissant est une deacuteformation cohugraveente de lagissant sa transposition architectonique depuis un registre ougrave il se situe plus originairement ( laquo en soi raquo) agrave un registre celui du Moi ou de la Potenz plus eacuteleveacutee du Moi qui est registre moins originaire ougrave le registre plus originaire est eacuteclipseacute perdu eacutechappant aux pos~ibiliteacutes du ~oi Cest ce que veut d~e la __ran~q_s~ e l~_gir sans coosc1ence (fewusstlQs1-_en a ir hbre le seul ns en corn te ar Fichte selon Schelling) r poursuit Sc e mg laquo s1 je ais a stractton e ce q middot n est poseacute dans lobjet du philosophe que par agir libre il reste en arriegravere comme un purement objectif par cette abstraction je me transpose [nous

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Schelling

soulignons] au point de vue du philosopher purement theacuteoreacutetique (libeacutereacute de toute immixtion subjective et prauqueuml) eumlecircpfulosopher purement theacuteoreacutetique donne comme produit la

Q aturphilosop ie car par cette abstraction jobtiens le concept du orsujero ~et (= nature) duquel seulement je meacutelegraveve au sujet-objet de la conscience(= Moi) [ ] raquo (Ibid)

Nous butons ici sur des paradoxes Que signifie cette abstraction quil faut comprendre comme aboutissant agrave une transposition (architectonique) en sens inverse de celle qui a toujours deacutejagrave eu lieu dans la W-L cest-agrave-dire comme eacutetant du point de vue pheacutenomeacutenologie une eacutepochegrave hyperbolique (radicale) de la conscience et de cela mecircme (laperception transcendantale immeacutediate) dont la conscience (libre et eacutethique dans la W-L) est la possibiliteacute Soit Ainsi trouverait-on comme reste de abstraction ou de ce oc

en soi agrave leacutecart de I agissant se retournant sur lm--ll==middot Maicircsacirc ors n est-ce pas comrn middot er a angue

neacuteoplatonicienne labstraction consistait agrave s~ce quUerait une monstruositeacute our le neacute latonisme) le rocirc6acircos ae middotmiddot~~~~~_--~-------i--~~-_ed~ ~~-~ l eacutepistro le reproch ress middot 1c e eacutetant e artir seu ement e ce e emue Ensuite peu -on co e e g prendreprecirc exte e ce que la Tathandlung ne sattccedilste que dan~ lefactum rationnel (eacutethi ue) de la conscience _ou lacircbsorber compt~emen ans ce erruer a ors que Fichte par ai e lingfeacuteaience tout agrave fait trangere de mon soi) Enfin si la nature est un pur sujet-objet en quoi a-t-elle encore un soi Quest-ce qui fait que le laquo purement objectifraquo a lui aussi un soi Et quel est ce soi Est-ce le fond sans conshyscience de La r e io tra cendan a e immeumlacircz7ifeumlavant

- meme qu el e ne se cou le av~ une conscience eacutenrrecircm~ avec une conscience e soi exp ici e egravelonClt1bstfactforrfaf e s ce cou la e d son at estation actue e acircarfs T agir libre et conscient (supposant a i tUeumllflœitt- ampceuml oncl peut-i ecirctre meme eacuterujeacute (viacirceuml) eumllune laquo intultlon raquo De lintuition de quel soi Est-ce le soi que nous dirions aujourdhui laquo inconshyscient raquo qui nest middot en effet un peu en jouant sur les mots plus un Moi mais qui serait pour ainsi dire le fond de la nature en nous cependant fond ou soi en reacutealiteacute anonymes

On en revient donc agrave la question de laccegraves que le philosophe doit se meacutenager si possible meacutethodiquement pour atteindre le pur sujet-objet laquo agrave la puissance O raquo (87) en court-

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circuit des meacutetamorphoses que lui fait subir leacuteleacutevation agrave la puissance (au registre) de la conscience (sujet-objet subjectif) dans laquelle selon Schelling (mais pas selon Fichte) entre toujours deacutejagrave le Moi agrave sa plus haute puissance Il est vrai que demeure la question de ce que nous venons de nommer le laquo couplage raquo potentiel du Moi de laperception transcendantale inuneacutediate agrave la conscience et agrave la conscience de soi Il faut degraves lors explique Schellinglaquo se deacutetacher du subjectif de lintuition intellectuelle raquo (ibid) Plus preacuteciseacutement eacutecrit-il laquo je requiers en vue de la Naturphilosophie lintuition intellectuelle comme elle est requise dans la W-L mais je requiers en outre encore labstraction de l intuitionnant dans cette intuition une abstraction qui mabandonne le pur objectif de cet acte lequel est en soi [nous soulignons] simplement sujet-objet mais daucune faccedilon = Moi [ ] raquo (87-88) Il faut donc rompre le couplage tirer le Moi de sa propre intuition laquo en un mot le poshyser comme sans conscience raquo(88) laquo Mais poursuit Schelling le Moi dans la mesure ougrave il est sans conscience nest pas = Moi car le Moi nest le sujet-objet que dans la mesure ougrave il se reconnaicirct lui-mecircme en tant que tel Les actes qui lagrave eacutetaient eacutetablis comme actes du Moi donc aussitocirct dans la puissance la plus eacuteleveacutee sont proprement ici des actes du pur sujet-objet et ne sont comme tels pas encore sensation intuition etc [ ] raquo (ibid)

La q~stion est bien eacutevidemment quest-ce uu e intuition inteTieumleacuteuumlieumllre~a scienc Autrement dit ques -ce une c tion transcen anta immeacutediate deacutecou eacutee l un exp c1tement reacute middot ui ne serait pas celui d un 01 que n om a nerait aucune conscience econna1ssons que u pom e vue e a c ement pheacutenomeacutenologique cest une pure et simple absurditeacute en dautres termes que cette laquoabstractionraquo de lintuitionnant dans lintuition est plus facile agrave dire quagrave effectuer (agrave supposer quelle le soit) sans compter~ quelle consiste agrave couper agrave la hache dans la enseacutee fichteacuteenne - middot i1-n ant ue Fichte sen soit ind1 ~ ne ~ut- Qlldi e aussi et cest lagrave ue se trouverait le ~ que cet ~~ eil raquo e act1v1t ns anse ence est une orte

re ue inconcevao e d evei oct me filJPlYllJLsect1 av~ e _ dans Lan~ Peut-ecirctre est-ce cela mecircme que-Schelling pressent

confuseacutement comme la nature et ougrave ce qui peut survenir ne

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peut du moins en princi~ ue UJP-re re le hiloso he par son sur issement originairepar ce qui en ui paraicirct co e pro mt agrave laveugle e clu Tond de la nuit dans le laquo purement objectif de lintuition intellectuelleraquo On peut admettre en ce sens ltJUe ce genre de produit comme les recircves ne consiste en rien dautre quen ce quon nomme depuis Freu4 (mais pas avec la theacuteorie de Freud) les laquo ormations raquo -de -rinconscient En termes schellingien ces derniegraveres seraient es traces archaiumlques de la nature (en nous) qui nadviendraienragravela consctence eacutechappant agrave la transpocircsition que parce que la conscience ne saurait pas quen faire ~

~ I nen va ce n as ainsi ni chez Ieacute~ieacuteune Schel_ting) ni plus tard chez _egecirc_ - appelons que le preacutesuppo

rriecircrapnysfqucircedeFicliicircecirceumlh1existence dun savoir (Wissen) ou dun laquosystegravemeraquo de lesprit humain dont la W-L est lexposeacute scientifique (philosophie de la philosophie) Schelling gard~ tout au moins middotus uau tournant de 1809 cette pr supposition en y ajoutant la pt supposition non moins sinon plus meacutetaphysique encore que la nature se constitue originairement en _ egraveme un eu or s s a atup i osop ie a maniegravere neacuteoplatonicienne en laquo tveaux e raquo e lt ui -ance raquo tl s es ue es I an naturel (pro6dos) connait autant

___ e laquo re o rs sur soi raquo epj_stroR middot i qm emeuren eftlfels middot middot (Potenzen t que e pliilosophe nemiddot les a pas porteacutes par la

laquoconstructionraquo agrave lactualiteacute de ce qui doit en principe ecirctre une science

Schelling eacutecrit en effet ceci qui est meacutetaphysique preacutecisons-le dans la mesure ougrave il ny en a aucune justification

hiloso hi ue ni aucune attestatio omeacuterrologlque possib e laquo egrave pur sujet-objet est deacutejagrave deacutetermineacute par sa nature a activiteacute cest-agrave-dire agrave lactiviteacute deacutetermineacutee Cette activiteacute deacutetermineacutee suivie agrave travers toutes ses puissances donne une suite de produits deacutetermineacutes tandis que avec ce qui en elle est illimitable elle se potentie (potenziert) [nous soulignons] uniformeacutement avec ces produits raquo (90) li sagit donc dans la Naturphilosophie dassister de sa construction cette autoshyconstruction des puissances du pur sujet-objet qui donne Schelling y fait explicitement allusion agrave la nature la double dimension spinoziste de la natura naturans (lillimiteacute de lactiviteacute) et de la natura naturata (la limitation du produit) Et lon sait agrave quel point sera laquo fantaisiste raquo ou laquo imaginaire raquo cette

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sorte de laquo physique raquo construite en double de la W-L (Schelling eacutecrit encore p 92 laquo Les actes qui sont deacuteduits dans la partie theacuteoreacutetique de lideacutealisme sont les actes dont les puissances simples existent dans la nature et qui sont eacutetablis dans la Naturphilosophie raquo )

La justification de cette double seacuterie ne peut ecirctre quinstable laquo par lagrave que je fais abstraction de lactiviteacute intuitionnante dans lintuition intellectuelle je ne prends le sujet-objet quagrave partir de sa propre intuition (je le rends sans conscience) [nous soulignons] pas agrave partir de la mienne Il demeure aussi constamment en tant que ma construction compris dans mon intuition et je sais quen geacuteneacuteral je nai agrave faire quavec ma propre constructionraquo (91) Notons dabord encore une fois tout ce quil y a de probleacutematique - tant meacutetaphysiquement que pheacutenomeacutenologiquement - dans la laquo propre intuition sans conscience raquo du sujet-objet par luishymecircme (il f a les Recherches de 1809 our accrocher celui-ci au statut delaquo nature en te raquo et tou ce quil y a s rs ~ para oxa ans e ru e supposer que le pur sujet-objet persiste (en quel eacutetat parce quil y a eacuteteacute actualiseacute) dans mon intuition (intellectuelle) et ne le fait quen tant que ma construction Cela ne fait que reposer encore la question de ce quil faut entendre plus preacuteciseacutement par laquoconstructionraquo Dautant plus quil sagirait comme nous avons cru le comprendre de la laquo construction raquo de leacuteveil nocturne anonyme et aveugle dans la nuit au sein de leacuteveil diurne mais lui-mecircme vide de toute Darstellung intuitive de laperception pure ou de laperception transcendantale immeacutediate de lego Quest-ce donc qui peut controcircler sinon garantir la leacutegitimiteacute de la laquoconstruction_raquo L abstra_ccedilt~~tou~ fai~ folle Ou btenJILS~~~QL_~Qmt ougrave rr6us middot-ue __ cQIDprenOJlS-plus ~1_ Terriofes ambieuftegrave~egraveillleumls avec Jesquelles cnacun se d roui e comme il ut q el

Leif au~ e pr~~fugrave~ laquoU tacirccfie eumlsfacirceumlregraventlfegrave objectif le suJet-obJet et de le tirer hors (herausbringen aus) de lui-mecircme jusquau point ougrave il coiumlncide avec la nature (en tant que produit) le point ougrave il devient nature est aussi celui ougrave lillimitable en lui seacutelegraveve au Moi et ougrave lopposition entre Moi et nature qui est faite dans la conscience commune disparaicirct complegravetement [ougrave] la nature= Moi et le Moi = nature A partir de ce point ougrave tout ce qui est encore activiteacute (non pas produit)

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Schelling

dans la nature est passeacute dans le Moi la nature ne dure et ne continue agrave vivre quen lui le Moi est maintenant Un et tout et tout est reacutesolu en lui Mais cest preacuteciseacutement de ce point que commence aussi lideacutealismeraquo (Ibid) Autrement dit et au moins en principe la meacutethode consiste agrave nouveau agrave faire abstraction de lintuitionnant subjectif dans lintuition intellectuelle - ce qui est censeacute donner la pure activiteacute illimiteacutee (ou illimitable) - et ensuite pour ainsi ~ agrave eacutepuis~r progressivement cette activiteacute (tirer le sujet-obJet hors de lmshymecircme) jusquagrave ce quelle laisse derriegravere elle la nature comme produit (la natura naturata) po~r se re~uver par un changement de registre - une eacuteleacutevauon de pmssance - dans le Moi compris dans nos termes comme pur eacuteveil Cest donc bien comme si la nature seacutetait eacuteveilleacutee dans le Mot ou comme si leacuteveil du Moi eacutetait de nature vie persistante de la nature face agrave ses produits devenus degraves lors les objets potentiels (pot~ntielshylement reconnaissables) de la conscience et qm seraient agrave reprendre agrave cette puissance ou agrave ~ regi~tre de la na~e dans les mecircmes articulations que les arttculattons systeacutematiques de lideacutealisme (W-L) Il y a quelque chose de laquovicieuxraquo dans cette sorte de garantie en circulariteacute dont Schelling tentera de se sortir dans la philosophie de lidentiteacute en cherchant agrave se deacutegager des articulations de lideacutealisme Mais ce sera nous le savons dans une sorte dintempeacuterance speacuteculative redoubleacutee ougrave la laquo vi~ion raquo meacutetaphysique de la nature et de son eacuteveil certes grandiose se perdra de nouveau Sans doute nest-elle si difficile agrave deacutegager tant sinon plus pour Schelling que pour nous que parce que Schelling pris d~ns l efferve~cence d~ son eacutepoque et lenthousiasme de la Jeuness~ pns aussi par l laquo esprit de systegravemeraquo a eacuteteacute lon~temps _fascineacute_ par les _prouesshyses possibles de la technique ph1losoph1que - Il sera bien plus philosophe ou ne sera vraiment philsophe qua~~egraves les tentatives encore plus fantasques de la phtlosoph1e de l identiteacute ougrave le ltlt dire raquo est encore plus eacuteloigneacute du faire effectif ou de l effectuation reacuteelle (sachlich) Deacutejagrave dans cette Reacuteponse agrave Eschenmayer qui est un eacutecrit de transition la justification et lattestation philosophiques que lon fait bien ce quon dit quon fait sont nettement deacutefaillantes ou quasi-acrobatiqu~s On serait tenteacute de dire quil ne sagit lagrave que d un laquo deacutehre meacutetaphysiqueraquo tout imaginaire dune sorte de jeu de concepts sil ny avait de maniegravere presque imperceptible

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lempreinte du geacutenie (dont la philosophie de lidentiteacute est pour nous une sorte de phase inflatoire) Cest cette empreinte que pour conclure nous allons nous efforcer de mieux deacutegager encore derriegravere laspect fluctuant des deacuterives et des sauts conceptuels Quest-ce que Schelling peut encore apprendre aujourdhui au philosophe et au pheacutenomeacutenologue

3 Quelques proleacutegomegravenes pour une interpreacutetation pheacutenomeacutenologique delameacutetaphysiqueschellingienne

Si nous repartons de laperception pure du Moi ou de laperception transcendantale immeacutediate en tant qu eacuteveil - eacuteveil qui notons-le pour seacuteveiller agrave lui-mecircme ou sattester dans la conscience na pas neacutecessairement besoin comme chez Fichte de la Sittlichkeit - et en tant queacuteveil comme incessant retournement en soi de lactiviteacute on voit bien comme nous lavons deacutejagrave interpreacuteteacute pour simplement comprendre que ce mecircme eacuteveil sil est pris sans conscience ne peut sattester pour nous que comme cette sorte eacutetrange deacuteveil quil y a tout de mecircme dans le recircve quand nous sommes en sommeil Si la nature est dynamisme laquo intuition raquo que Schelling avait en commun avec certains de ses contemporains si elle a en son soi une activiteacute infinie et en elle-mecircme illimitable ce soi est luishymecircme nocturne anonyme et aveugle en sommeil et ses productions sont comme des recircves toujours porteurs dune Potenz dune dynamis malgreacute le registre ougrave le recircve paraicirct se stabiliser la nature nest proprement en acte que quand elle seacuteveille dans la puissance du Moi dans leacuteveil (mais alors elle est objet produit) parce que sans cesse en elle-mecircme elle manque son acte parce que les registres de ses Potenzen atelier des meacutetamorphoses aveugles qui vont du premier surgissement laquo en recircveraquo agrave leacuteveil de la conscience demeurent toujours en tant que tels en puissance sans acte propre Et cela Schellin~ mettra du temps agrave le deacutecouvrir uis u il faudra attendre

eacuteitp i osop ie e a reconnaiss ce u rut ue laquovraieraquo nature e non pas ce e qm est laquoconstruiteraquo est la nature en nous et en Dieu cest-agrave-dtre le champ de la 111Ytholo_gk En 1801 le court-circuit par le spinozisme est trop immeacutediat pour que Schelling puisse sapercevoir que degraves lors le terme de Potenz a un double sens non pas seulement celui

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matheacutematique de leacuteleacutevation agrave la puissance (autoshymultiplication) mais encore celui philosophique decirctre-enshypuissance de demeurer pour une part indeacutefini flou et surtout instable Cest seulement en 1809 que Schelling aura une longue explication avec le spinozisme Court-circuit trop immeacutediat aussi pour que Schelling puisse deacutejagrave se reacutesoudre agrave accepter comme dans les Weltalter et un peu dans lesprit de

-Leibniz que la nature est un inson ble sommeil et quelle peut -se-preefclre agrave laquo recircver raquo s1 e e est en Dieu~ nous-me~s ~ su[llS_ ans e mme ar a producircctfon delaquorecircveuuml - IcircRgtUs disonsmiddot- e es ) s ~~ moms co rents et non pas de reveriesevei s - e producteur _ de reacuteves pOuvant ecirctregraveassl agrave mcons zent e si les deacutecouvertes freudiennes ont montreacute que linconscient symboshylique de la psychanalyse doit beaucoup plus aux laquo systegravemes symboliques raquo dans lesquels vit la conscience quagrave la nature elle-mecircme deacutecideacutement insondable parce que rien dautre que puissance ecirctre-en-puissance Potenz que leacuteleacutevation agrave lacte transpose (nous avons lu le terme chez Schelling et nous le prenons quant agrave nous comme transposition architectonique) agrave un autre registre en hiatus par rapport au premier et qui est tout agrave la fois dans leur couplage celui de leacuteveil et celui de la conscience (au sens technique de ce qui se reacutefleacutechit et a des laquo repreacutesentations raquo )

Pour le dire autrement le sujet-objet objectif qui co middotu ue la natura naturans et la natura naturata est une sorte d- j filt_qnsilJ_enr i_tccedil[ehy~Jqj4e f dont Schelling a pen~eacute dans l in em a orre e sa Jeunesse laquo constrmre raquo le laquo systegraveme raquo - au-delagrave cela va sans dire de toutes les limitations critiques que Kant avait imposeacutees agrave la meacutethode philosophique Sans cesse avant 1809 Schelling retombera dans cette orniegravere de se croire en mesure de deacutevoiler dans lacte du discours philosophique ce gui nest que puissance depuis touJours et a_ Jamais de cette croyance viennent les artifices de la polarisation de lndifferenz et lincompreacutehensible notion de laquo diffeacuterence quantitative raquo qui finalement au-delagrave de lanalyse en discours nest diffeacuterence que pour le concept comme si le hiatus entre registres pouvait ecirctre franchi par la seule parole Dans la mecircme perspective si lon se reacutefegravere agrave partir de 1809 agrave ce qui traverse la penseacutee schellingienne depuis les Weltalter jusquagrave la Spiitphilosophie la mythologie apparaicirct comme une sorte de

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laquo recircve meacutetaphysiqueraquo certes pris chez Schelling dans la structure fondamentale mais progressivement et profondeacutement rem~ieacutee de lonto-theacuteologie et ougrave la Reacuteveacutelation plus preacuteciseacutement l avegravenement du Chnst est censeacute annoncer leacuteveil (reacutealisable en transparence seulement dans leschatologie) En ce sens cest sans doute dans cette laquo derniegravere philosophieraquo tant de fois remise sur le meacutetier et malgreacute ses inextricables difficulteacutes que Schelling a fini par entrevoir une reacuteponse satisfaisante aux questions fondamentales qui nont cesseacute de le hanter Il nous aura a middot s eacutefleacutechir autrement le recircve le

~meil li~cien~J~~~ant ue e e ou IIlle --acircmiddot -amis sans~~amp InsectOJJ_IIlls ar rapport e rgeia ~ ~ qui ~an_~ so~eJron et s n aori ton ut ren re middot

~ t agraveicircilQis l1bre~~ ~~aryeumlegraveelagrave ce~us ne sommes plus aujouracirchuCcedil tregraves assureacutes et il reviendra agrave la pheacutenomeacutenologie de laquo retrouver raquo meacutethodiqueshyme~t ces p~ofondeurs abyssales et infinies agrave travers la probleacuteshymatique qui manque chez Schelling de la Leiblichkeit de notre Leib - no Leiblichkeit soit laquo nature raquo comme la un

u cru Merleau-Ponty mais qu e e porte eacutesorrnais tot~s es middot ti~ar esque s nous avons pens re rer ce que c e mg cherchrut avec la nature -=

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Page 4: Marc RICHlR · Schelling soi - étant entendu que l'agir n'est pas un être, et l'être pas un agir, et que cet agir se distingue de l' agir en général dont il y a

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soulignons] au point de vue du philosopher purement theacuteoreacutetique (libeacutereacute de toute immixtion subjective et prauqueuml) eumlecircpfulosopher purement theacuteoreacutetique donne comme produit la

Q aturphilosop ie car par cette abstraction jobtiens le concept du orsujero ~et (= nature) duquel seulement je meacutelegraveve au sujet-objet de la conscience(= Moi) [ ] raquo (Ibid)

Nous butons ici sur des paradoxes Que signifie cette abstraction quil faut comprendre comme aboutissant agrave une transposition (architectonique) en sens inverse de celle qui a toujours deacutejagrave eu lieu dans la W-L cest-agrave-dire comme eacutetant du point de vue pheacutenomeacutenologie une eacutepochegrave hyperbolique (radicale) de la conscience et de cela mecircme (laperception transcendantale immeacutediate) dont la conscience (libre et eacutethique dans la W-L) est la possibiliteacute Soit Ainsi trouverait-on comme reste de abstraction ou de ce oc

en soi agrave leacutecart de I agissant se retournant sur lm--ll==middot Maicircsacirc ors n est-ce pas comrn middot er a angue

neacuteoplatonicienne labstraction consistait agrave s~ce quUerait une monstruositeacute our le neacute latonisme) le rocirc6acircos ae middotmiddot~~~~~_--~-------i--~~-_ed~ ~~-~ l eacutepistro le reproch ress middot 1c e eacutetant e artir seu ement e ce e emue Ensuite peu -on co e e g prendreprecirc exte e ce que la Tathandlung ne sattccedilste que dan~ lefactum rationnel (eacutethi ue) de la conscience _ou lacircbsorber compt~emen ans ce erruer a ors que Fichte par ai e lingfeacuteaience tout agrave fait trangere de mon soi) Enfin si la nature est un pur sujet-objet en quoi a-t-elle encore un soi Quest-ce qui fait que le laquo purement objectifraquo a lui aussi un soi Et quel est ce soi Est-ce le fond sans conshyscience de La r e io tra cendan a e immeumlacircz7ifeumlavant

- meme qu el e ne se cou le av~ une conscience eacutenrrecircm~ avec une conscience e soi exp ici e egravelonClt1bstfactforrfaf e s ce cou la e d son at estation actue e acircarfs T agir libre et conscient (supposant a i tUeumllflœitt- ampceuml oncl peut-i ecirctre meme eacuterujeacute (viacirceuml) eumllune laquo intultlon raquo De lintuition de quel soi Est-ce le soi que nous dirions aujourdhui laquo inconshyscient raquo qui nest middot en effet un peu en jouant sur les mots plus un Moi mais qui serait pour ainsi dire le fond de la nature en nous cependant fond ou soi en reacutealiteacute anonymes

On en revient donc agrave la question de laccegraves que le philosophe doit se meacutenager si possible meacutethodiquement pour atteindre le pur sujet-objet laquo agrave la puissance O raquo (87) en court-

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Marc RCHIR

circuit des meacutetamorphoses que lui fait subir leacuteleacutevation agrave la puissance (au registre) de la conscience (sujet-objet subjectif) dans laquelle selon Schelling (mais pas selon Fichte) entre toujours deacutejagrave le Moi agrave sa plus haute puissance Il est vrai que demeure la question de ce que nous venons de nommer le laquo couplage raquo potentiel du Moi de laperception transcendantale inuneacutediate agrave la conscience et agrave la conscience de soi Il faut degraves lors explique Schellinglaquo se deacutetacher du subjectif de lintuition intellectuelle raquo (ibid) Plus preacuteciseacutement eacutecrit-il laquo je requiers en vue de la Naturphilosophie lintuition intellectuelle comme elle est requise dans la W-L mais je requiers en outre encore labstraction de l intuitionnant dans cette intuition une abstraction qui mabandonne le pur objectif de cet acte lequel est en soi [nous soulignons] simplement sujet-objet mais daucune faccedilon = Moi [ ] raquo (87-88) Il faut donc rompre le couplage tirer le Moi de sa propre intuition laquo en un mot le poshyser comme sans conscience raquo(88) laquo Mais poursuit Schelling le Moi dans la mesure ougrave il est sans conscience nest pas = Moi car le Moi nest le sujet-objet que dans la mesure ougrave il se reconnaicirct lui-mecircme en tant que tel Les actes qui lagrave eacutetaient eacutetablis comme actes du Moi donc aussitocirct dans la puissance la plus eacuteleveacutee sont proprement ici des actes du pur sujet-objet et ne sont comme tels pas encore sensation intuition etc [ ] raquo (ibid)

La q~stion est bien eacutevidemment quest-ce uu e intuition inteTieumleacuteuumlieumllre~a scienc Autrement dit ques -ce une c tion transcen anta immeacutediate deacutecou eacutee l un exp c1tement reacute middot ui ne serait pas celui d un 01 que n om a nerait aucune conscience econna1ssons que u pom e vue e a c ement pheacutenomeacutenologique cest une pure et simple absurditeacute en dautres termes que cette laquoabstractionraquo de lintuitionnant dans lintuition est plus facile agrave dire quagrave effectuer (agrave supposer quelle le soit) sans compter~ quelle consiste agrave couper agrave la hache dans la enseacutee fichteacuteenne - middot i1-n ant ue Fichte sen soit ind1 ~ ne ~ut- Qlldi e aussi et cest lagrave ue se trouverait le ~ que cet ~~ eil raquo e act1v1t ns anse ence est une orte

re ue inconcevao e d evei oct me filJPlYllJLsect1 av~ e _ dans Lan~ Peut-ecirctre est-ce cela mecircme que-Schelling pressent

confuseacutement comme la nature et ougrave ce qui peut survenir ne

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Schelling

peut du moins en princi~ ue UJP-re re le hiloso he par son sur issement originairepar ce qui en ui paraicirct co e pro mt agrave laveugle e clu Tond de la nuit dans le laquo purement objectif de lintuition intellectuelleraquo On peut admettre en ce sens ltJUe ce genre de produit comme les recircves ne consiste en rien dautre quen ce quon nomme depuis Freu4 (mais pas avec la theacuteorie de Freud) les laquo ormations raquo -de -rinconscient En termes schellingien ces derniegraveres seraient es traces archaiumlques de la nature (en nous) qui nadviendraienragravela consctence eacutechappant agrave la transpocircsition que parce que la conscience ne saurait pas quen faire ~

~ I nen va ce n as ainsi ni chez Ieacute~ieacuteune Schel_ting) ni plus tard chez _egecirc_ - appelons que le preacutesuppo

rriecircrapnysfqucircedeFicliicircecirceumlh1existence dun savoir (Wissen) ou dun laquosystegravemeraquo de lesprit humain dont la W-L est lexposeacute scientifique (philosophie de la philosophie) Schelling gard~ tout au moins middotus uau tournant de 1809 cette pr supposition en y ajoutant la pt supposition non moins sinon plus meacutetaphysique encore que la nature se constitue originairement en _ egraveme un eu or s s a atup i osop ie a maniegravere neacuteoplatonicienne en laquo tveaux e raquo e lt ui -ance raquo tl s es ue es I an naturel (pro6dos) connait autant

___ e laquo re o rs sur soi raquo epj_stroR middot i qm emeuren eftlfels middot middot (Potenzen t que e pliilosophe nemiddot les a pas porteacutes par la

laquoconstructionraquo agrave lactualiteacute de ce qui doit en principe ecirctre une science

Schelling eacutecrit en effet ceci qui est meacutetaphysique preacutecisons-le dans la mesure ougrave il ny en a aucune justification

hiloso hi ue ni aucune attestatio omeacuterrologlque possib e laquo egrave pur sujet-objet est deacutejagrave deacutetermineacute par sa nature a activiteacute cest-agrave-dire agrave lactiviteacute deacutetermineacutee Cette activiteacute deacutetermineacutee suivie agrave travers toutes ses puissances donne une suite de produits deacutetermineacutes tandis que avec ce qui en elle est illimitable elle se potentie (potenziert) [nous soulignons] uniformeacutement avec ces produits raquo (90) li sagit donc dans la Naturphilosophie dassister de sa construction cette autoshyconstruction des puissances du pur sujet-objet qui donne Schelling y fait explicitement allusion agrave la nature la double dimension spinoziste de la natura naturans (lillimiteacute de lactiviteacute) et de la natura naturata (la limitation du produit) Et lon sait agrave quel point sera laquo fantaisiste raquo ou laquo imaginaire raquo cette

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gt

Marc RCHJR

sorte de laquo physique raquo construite en double de la W-L (Schelling eacutecrit encore p 92 laquo Les actes qui sont deacuteduits dans la partie theacuteoreacutetique de lideacutealisme sont les actes dont les puissances simples existent dans la nature et qui sont eacutetablis dans la Naturphilosophie raquo )

La justification de cette double seacuterie ne peut ecirctre quinstable laquo par lagrave que je fais abstraction de lactiviteacute intuitionnante dans lintuition intellectuelle je ne prends le sujet-objet quagrave partir de sa propre intuition (je le rends sans conscience) [nous soulignons] pas agrave partir de la mienne Il demeure aussi constamment en tant que ma construction compris dans mon intuition et je sais quen geacuteneacuteral je nai agrave faire quavec ma propre constructionraquo (91) Notons dabord encore une fois tout ce quil y a de probleacutematique - tant meacutetaphysiquement que pheacutenomeacutenologiquement - dans la laquo propre intuition sans conscience raquo du sujet-objet par luishymecircme (il f a les Recherches de 1809 our accrocher celui-ci au statut delaquo nature en te raquo et tou ce quil y a s rs ~ para oxa ans e ru e supposer que le pur sujet-objet persiste (en quel eacutetat parce quil y a eacuteteacute actualiseacute) dans mon intuition (intellectuelle) et ne le fait quen tant que ma construction Cela ne fait que reposer encore la question de ce quil faut entendre plus preacuteciseacutement par laquoconstructionraquo Dautant plus quil sagirait comme nous avons cru le comprendre de la laquo construction raquo de leacuteveil nocturne anonyme et aveugle dans la nuit au sein de leacuteveil diurne mais lui-mecircme vide de toute Darstellung intuitive de laperception pure ou de laperception transcendantale immeacutediate de lego Quest-ce donc qui peut controcircler sinon garantir la leacutegitimiteacute de la laquoconstruction_raquo L abstra_ccedilt~~tou~ fai~ folle Ou btenJILS~~~QL_~Qmt ougrave rr6us middot-ue __ cQIDprenOJlS-plus ~1_ Terriofes ambieuftegrave~egraveillleumls avec Jesquelles cnacun se d roui e comme il ut q el

Leif au~ e pr~~fugrave~ laquoU tacirccfie eumlsfacirceumlregraventlfegrave objectif le suJet-obJet et de le tirer hors (herausbringen aus) de lui-mecircme jusquau point ougrave il coiumlncide avec la nature (en tant que produit) le point ougrave il devient nature est aussi celui ougrave lillimitable en lui seacutelegraveve au Moi et ougrave lopposition entre Moi et nature qui est faite dans la conscience commune disparaicirct complegravetement [ougrave] la nature= Moi et le Moi = nature A partir de ce point ougrave tout ce qui est encore activiteacute (non pas produit)

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Schelling

dans la nature est passeacute dans le Moi la nature ne dure et ne continue agrave vivre quen lui le Moi est maintenant Un et tout et tout est reacutesolu en lui Mais cest preacuteciseacutement de ce point que commence aussi lideacutealismeraquo (Ibid) Autrement dit et au moins en principe la meacutethode consiste agrave nouveau agrave faire abstraction de lintuitionnant subjectif dans lintuition intellectuelle - ce qui est censeacute donner la pure activiteacute illimiteacutee (ou illimitable) - et ensuite pour ainsi ~ agrave eacutepuis~r progressivement cette activiteacute (tirer le sujet-obJet hors de lmshymecircme) jusquagrave ce quelle laisse derriegravere elle la nature comme produit (la natura naturata) po~r se re~uver par un changement de registre - une eacuteleacutevauon de pmssance - dans le Moi compris dans nos termes comme pur eacuteveil Cest donc bien comme si la nature seacutetait eacuteveilleacutee dans le Mot ou comme si leacuteveil du Moi eacutetait de nature vie persistante de la nature face agrave ses produits devenus degraves lors les objets potentiels (pot~ntielshylement reconnaissables) de la conscience et qm seraient agrave reprendre agrave cette puissance ou agrave ~ regi~tre de la na~e dans les mecircmes articulations que les arttculattons systeacutematiques de lideacutealisme (W-L) Il y a quelque chose de laquovicieuxraquo dans cette sorte de garantie en circulariteacute dont Schelling tentera de se sortir dans la philosophie de lidentiteacute en cherchant agrave se deacutegager des articulations de lideacutealisme Mais ce sera nous le savons dans une sorte dintempeacuterance speacuteculative redoubleacutee ougrave la laquo vi~ion raquo meacutetaphysique de la nature et de son eacuteveil certes grandiose se perdra de nouveau Sans doute nest-elle si difficile agrave deacutegager tant sinon plus pour Schelling que pour nous que parce que Schelling pris d~ns l efferve~cence d~ son eacutepoque et lenthousiasme de la Jeuness~ pns aussi par l laquo esprit de systegravemeraquo a eacuteteacute lon~temps _fascineacute_ par les _prouesshyses possibles de la technique ph1losoph1que - Il sera bien plus philosophe ou ne sera vraiment philsophe qua~~egraves les tentatives encore plus fantasques de la phtlosoph1e de l identiteacute ougrave le ltlt dire raquo est encore plus eacuteloigneacute du faire effectif ou de l effectuation reacuteelle (sachlich) Deacutejagrave dans cette Reacuteponse agrave Eschenmayer qui est un eacutecrit de transition la justification et lattestation philosophiques que lon fait bien ce quon dit quon fait sont nettement deacutefaillantes ou quasi-acrobatiqu~s On serait tenteacute de dire quil ne sagit lagrave que d un laquo deacutehre meacutetaphysiqueraquo tout imaginaire dune sorte de jeu de concepts sil ny avait de maniegravere presque imperceptible

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Marc RICHIR

lempreinte du geacutenie (dont la philosophie de lidentiteacute est pour nous une sorte de phase inflatoire) Cest cette empreinte que pour conclure nous allons nous efforcer de mieux deacutegager encore derriegravere laspect fluctuant des deacuterives et des sauts conceptuels Quest-ce que Schelling peut encore apprendre aujourdhui au philosophe et au pheacutenomeacutenologue

3 Quelques proleacutegomegravenes pour une interpreacutetation pheacutenomeacutenologique delameacutetaphysiqueschellingienne

Si nous repartons de laperception pure du Moi ou de laperception transcendantale immeacutediate en tant qu eacuteveil - eacuteveil qui notons-le pour seacuteveiller agrave lui-mecircme ou sattester dans la conscience na pas neacutecessairement besoin comme chez Fichte de la Sittlichkeit - et en tant queacuteveil comme incessant retournement en soi de lactiviteacute on voit bien comme nous lavons deacutejagrave interpreacuteteacute pour simplement comprendre que ce mecircme eacuteveil sil est pris sans conscience ne peut sattester pour nous que comme cette sorte eacutetrange deacuteveil quil y a tout de mecircme dans le recircve quand nous sommes en sommeil Si la nature est dynamisme laquo intuition raquo que Schelling avait en commun avec certains de ses contemporains si elle a en son soi une activiteacute infinie et en elle-mecircme illimitable ce soi est luishymecircme nocturne anonyme et aveugle en sommeil et ses productions sont comme des recircves toujours porteurs dune Potenz dune dynamis malgreacute le registre ougrave le recircve paraicirct se stabiliser la nature nest proprement en acte que quand elle seacuteveille dans la puissance du Moi dans leacuteveil (mais alors elle est objet produit) parce que sans cesse en elle-mecircme elle manque son acte parce que les registres de ses Potenzen atelier des meacutetamorphoses aveugles qui vont du premier surgissement laquo en recircveraquo agrave leacuteveil de la conscience demeurent toujours en tant que tels en puissance sans acte propre Et cela Schellin~ mettra du temps agrave le deacutecouvrir uis u il faudra attendre

eacuteitp i osop ie e a reconnaiss ce u rut ue laquovraieraquo nature e non pas ce e qm est laquoconstruiteraquo est la nature en nous et en Dieu cest-agrave-dtre le champ de la 111Ytholo_gk En 1801 le court-circuit par le spinozisme est trop immeacutediat pour que Schelling puisse sapercevoir que degraves lors le terme de Potenz a un double sens non pas seulement celui

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Schelling

matheacutematique de leacuteleacutevation agrave la puissance (autoshymultiplication) mais encore celui philosophique decirctre-enshypuissance de demeurer pour une part indeacutefini flou et surtout instable Cest seulement en 1809 que Schelling aura une longue explication avec le spinozisme Court-circuit trop immeacutediat aussi pour que Schelling puisse deacutejagrave se reacutesoudre agrave accepter comme dans les Weltalter et un peu dans lesprit de

-Leibniz que la nature est un inson ble sommeil et quelle peut -se-preefclre agrave laquo recircver raquo s1 e e est en Dieu~ nous-me~s ~ su[llS_ ans e mme ar a producircctfon delaquorecircveuuml - IcircRgtUs disonsmiddot- e es ) s ~~ moms co rents et non pas de reveriesevei s - e producteur _ de reacuteves pOuvant ecirctregraveassl agrave mcons zent e si les deacutecouvertes freudiennes ont montreacute que linconscient symboshylique de la psychanalyse doit beaucoup plus aux laquo systegravemes symboliques raquo dans lesquels vit la conscience quagrave la nature elle-mecircme deacutecideacutement insondable parce que rien dautre que puissance ecirctre-en-puissance Potenz que leacuteleacutevation agrave lacte transpose (nous avons lu le terme chez Schelling et nous le prenons quant agrave nous comme transposition architectonique) agrave un autre registre en hiatus par rapport au premier et qui est tout agrave la fois dans leur couplage celui de leacuteveil et celui de la conscience (au sens technique de ce qui se reacutefleacutechit et a des laquo repreacutesentations raquo )

Pour le dire autrement le sujet-objet objectif qui co middotu ue la natura naturans et la natura naturata est une sorte d- j filt_qnsilJ_enr i_tccedil[ehy~Jqj4e f dont Schelling a pen~eacute dans l in em a orre e sa Jeunesse laquo constrmre raquo le laquo systegraveme raquo - au-delagrave cela va sans dire de toutes les limitations critiques que Kant avait imposeacutees agrave la meacutethode philosophique Sans cesse avant 1809 Schelling retombera dans cette orniegravere de se croire en mesure de deacutevoiler dans lacte du discours philosophique ce gui nest que puissance depuis touJours et a_ Jamais de cette croyance viennent les artifices de la polarisation de lndifferenz et lincompreacutehensible notion de laquo diffeacuterence quantitative raquo qui finalement au-delagrave de lanalyse en discours nest diffeacuterence que pour le concept comme si le hiatus entre registres pouvait ecirctre franchi par la seule parole Dans la mecircme perspective si lon se reacutefegravere agrave partir de 1809 agrave ce qui traverse la penseacutee schellingienne depuis les Weltalter jusquagrave la Spiitphilosophie la mythologie apparaicirct comme une sorte de

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Marc RICHIR

laquo recircve meacutetaphysiqueraquo certes pris chez Schelling dans la structure fondamentale mais progressivement et profondeacutement rem~ieacutee de lonto-theacuteologie et ougrave la Reacuteveacutelation plus preacuteciseacutement l avegravenement du Chnst est censeacute annoncer leacuteveil (reacutealisable en transparence seulement dans leschatologie) En ce sens cest sans doute dans cette laquo derniegravere philosophieraquo tant de fois remise sur le meacutetier et malgreacute ses inextricables difficulteacutes que Schelling a fini par entrevoir une reacuteponse satisfaisante aux questions fondamentales qui nont cesseacute de le hanter Il nous aura a middot s eacutefleacutechir autrement le recircve le

~meil li~cien~J~~~ant ue e e ou IIlle --acircmiddot -amis sans~~amp InsectOJJ_IIlls ar rapport e rgeia ~ ~ qui ~an_~ so~eJron et s n aori ton ut ren re middot

~ t agraveicircilQis l1bre~~ ~~aryeumlegraveelagrave ce~us ne sommes plus aujouracirchuCcedil tregraves assureacutes et il reviendra agrave la pheacutenomeacutenologie de laquo retrouver raquo meacutethodiqueshyme~t ces p~ofondeurs abyssales et infinies agrave travers la probleacuteshymatique qui manque chez Schelling de la Leiblichkeit de notre Leib - no Leiblichkeit soit laquo nature raquo comme la un

u cru Merleau-Ponty mais qu e e porte eacutesorrnais tot~s es middot ti~ar esque s nous avons pens re rer ce que c e mg cherchrut avec la nature -=

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Page 5: Marc RICHlR · Schelling soi - étant entendu que l'agir n'est pas un être, et l'être pas un agir, et que cet agir se distingue de l' agir en général dont il y a

Schelling

peut du moins en princi~ ue UJP-re re le hiloso he par son sur issement originairepar ce qui en ui paraicirct co e pro mt agrave laveugle e clu Tond de la nuit dans le laquo purement objectif de lintuition intellectuelleraquo On peut admettre en ce sens ltJUe ce genre de produit comme les recircves ne consiste en rien dautre quen ce quon nomme depuis Freu4 (mais pas avec la theacuteorie de Freud) les laquo ormations raquo -de -rinconscient En termes schellingien ces derniegraveres seraient es traces archaiumlques de la nature (en nous) qui nadviendraienragravela consctence eacutechappant agrave la transpocircsition que parce que la conscience ne saurait pas quen faire ~

~ I nen va ce n as ainsi ni chez Ieacute~ieacuteune Schel_ting) ni plus tard chez _egecirc_ - appelons que le preacutesuppo

rriecircrapnysfqucircedeFicliicircecirceumlh1existence dun savoir (Wissen) ou dun laquosystegravemeraquo de lesprit humain dont la W-L est lexposeacute scientifique (philosophie de la philosophie) Schelling gard~ tout au moins middotus uau tournant de 1809 cette pr supposition en y ajoutant la pt supposition non moins sinon plus meacutetaphysique encore que la nature se constitue originairement en _ egraveme un eu or s s a atup i osop ie a maniegravere neacuteoplatonicienne en laquo tveaux e raquo e lt ui -ance raquo tl s es ue es I an naturel (pro6dos) connait autant

___ e laquo re o rs sur soi raquo epj_stroR middot i qm emeuren eftlfels middot middot (Potenzen t que e pliilosophe nemiddot les a pas porteacutes par la

laquoconstructionraquo agrave lactualiteacute de ce qui doit en principe ecirctre une science

Schelling eacutecrit en effet ceci qui est meacutetaphysique preacutecisons-le dans la mesure ougrave il ny en a aucune justification

hiloso hi ue ni aucune attestatio omeacuterrologlque possib e laquo egrave pur sujet-objet est deacutejagrave deacutetermineacute par sa nature a activiteacute cest-agrave-dire agrave lactiviteacute deacutetermineacutee Cette activiteacute deacutetermineacutee suivie agrave travers toutes ses puissances donne une suite de produits deacutetermineacutes tandis que avec ce qui en elle est illimitable elle se potentie (potenziert) [nous soulignons] uniformeacutement avec ces produits raquo (90) li sagit donc dans la Naturphilosophie dassister de sa construction cette autoshyconstruction des puissances du pur sujet-objet qui donne Schelling y fait explicitement allusion agrave la nature la double dimension spinoziste de la natura naturans (lillimiteacute de lactiviteacute) et de la natura naturata (la limitation du produit) Et lon sait agrave quel point sera laquo fantaisiste raquo ou laquo imaginaire raquo cette

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Marc RCHJR

sorte de laquo physique raquo construite en double de la W-L (Schelling eacutecrit encore p 92 laquo Les actes qui sont deacuteduits dans la partie theacuteoreacutetique de lideacutealisme sont les actes dont les puissances simples existent dans la nature et qui sont eacutetablis dans la Naturphilosophie raquo )

La justification de cette double seacuterie ne peut ecirctre quinstable laquo par lagrave que je fais abstraction de lactiviteacute intuitionnante dans lintuition intellectuelle je ne prends le sujet-objet quagrave partir de sa propre intuition (je le rends sans conscience) [nous soulignons] pas agrave partir de la mienne Il demeure aussi constamment en tant que ma construction compris dans mon intuition et je sais quen geacuteneacuteral je nai agrave faire quavec ma propre constructionraquo (91) Notons dabord encore une fois tout ce quil y a de probleacutematique - tant meacutetaphysiquement que pheacutenomeacutenologiquement - dans la laquo propre intuition sans conscience raquo du sujet-objet par luishymecircme (il f a les Recherches de 1809 our accrocher celui-ci au statut delaquo nature en te raquo et tou ce quil y a s rs ~ para oxa ans e ru e supposer que le pur sujet-objet persiste (en quel eacutetat parce quil y a eacuteteacute actualiseacute) dans mon intuition (intellectuelle) et ne le fait quen tant que ma construction Cela ne fait que reposer encore la question de ce quil faut entendre plus preacuteciseacutement par laquoconstructionraquo Dautant plus quil sagirait comme nous avons cru le comprendre de la laquo construction raquo de leacuteveil nocturne anonyme et aveugle dans la nuit au sein de leacuteveil diurne mais lui-mecircme vide de toute Darstellung intuitive de laperception pure ou de laperception transcendantale immeacutediate de lego Quest-ce donc qui peut controcircler sinon garantir la leacutegitimiteacute de la laquoconstruction_raquo L abstra_ccedilt~~tou~ fai~ folle Ou btenJILS~~~QL_~Qmt ougrave rr6us middot-ue __ cQIDprenOJlS-plus ~1_ Terriofes ambieuftegrave~egraveillleumls avec Jesquelles cnacun se d roui e comme il ut q el

Leif au~ e pr~~fugrave~ laquoU tacirccfie eumlsfacirceumlregraventlfegrave objectif le suJet-obJet et de le tirer hors (herausbringen aus) de lui-mecircme jusquau point ougrave il coiumlncide avec la nature (en tant que produit) le point ougrave il devient nature est aussi celui ougrave lillimitable en lui seacutelegraveve au Moi et ougrave lopposition entre Moi et nature qui est faite dans la conscience commune disparaicirct complegravetement [ougrave] la nature= Moi et le Moi = nature A partir de ce point ougrave tout ce qui est encore activiteacute (non pas produit)

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Schelling

dans la nature est passeacute dans le Moi la nature ne dure et ne continue agrave vivre quen lui le Moi est maintenant Un et tout et tout est reacutesolu en lui Mais cest preacuteciseacutement de ce point que commence aussi lideacutealismeraquo (Ibid) Autrement dit et au moins en principe la meacutethode consiste agrave nouveau agrave faire abstraction de lintuitionnant subjectif dans lintuition intellectuelle - ce qui est censeacute donner la pure activiteacute illimiteacutee (ou illimitable) - et ensuite pour ainsi ~ agrave eacutepuis~r progressivement cette activiteacute (tirer le sujet-obJet hors de lmshymecircme) jusquagrave ce quelle laisse derriegravere elle la nature comme produit (la natura naturata) po~r se re~uver par un changement de registre - une eacuteleacutevauon de pmssance - dans le Moi compris dans nos termes comme pur eacuteveil Cest donc bien comme si la nature seacutetait eacuteveilleacutee dans le Mot ou comme si leacuteveil du Moi eacutetait de nature vie persistante de la nature face agrave ses produits devenus degraves lors les objets potentiels (pot~ntielshylement reconnaissables) de la conscience et qm seraient agrave reprendre agrave cette puissance ou agrave ~ regi~tre de la na~e dans les mecircmes articulations que les arttculattons systeacutematiques de lideacutealisme (W-L) Il y a quelque chose de laquovicieuxraquo dans cette sorte de garantie en circulariteacute dont Schelling tentera de se sortir dans la philosophie de lidentiteacute en cherchant agrave se deacutegager des articulations de lideacutealisme Mais ce sera nous le savons dans une sorte dintempeacuterance speacuteculative redoubleacutee ougrave la laquo vi~ion raquo meacutetaphysique de la nature et de son eacuteveil certes grandiose se perdra de nouveau Sans doute nest-elle si difficile agrave deacutegager tant sinon plus pour Schelling que pour nous que parce que Schelling pris d~ns l efferve~cence d~ son eacutepoque et lenthousiasme de la Jeuness~ pns aussi par l laquo esprit de systegravemeraquo a eacuteteacute lon~temps _fascineacute_ par les _prouesshyses possibles de la technique ph1losoph1que - Il sera bien plus philosophe ou ne sera vraiment philsophe qua~~egraves les tentatives encore plus fantasques de la phtlosoph1e de l identiteacute ougrave le ltlt dire raquo est encore plus eacuteloigneacute du faire effectif ou de l effectuation reacuteelle (sachlich) Deacutejagrave dans cette Reacuteponse agrave Eschenmayer qui est un eacutecrit de transition la justification et lattestation philosophiques que lon fait bien ce quon dit quon fait sont nettement deacutefaillantes ou quasi-acrobatiqu~s On serait tenteacute de dire quil ne sagit lagrave que d un laquo deacutehre meacutetaphysiqueraquo tout imaginaire dune sorte de jeu de concepts sil ny avait de maniegravere presque imperceptible

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lempreinte du geacutenie (dont la philosophie de lidentiteacute est pour nous une sorte de phase inflatoire) Cest cette empreinte que pour conclure nous allons nous efforcer de mieux deacutegager encore derriegravere laspect fluctuant des deacuterives et des sauts conceptuels Quest-ce que Schelling peut encore apprendre aujourdhui au philosophe et au pheacutenomeacutenologue

3 Quelques proleacutegomegravenes pour une interpreacutetation pheacutenomeacutenologique delameacutetaphysiqueschellingienne

Si nous repartons de laperception pure du Moi ou de laperception transcendantale immeacutediate en tant qu eacuteveil - eacuteveil qui notons-le pour seacuteveiller agrave lui-mecircme ou sattester dans la conscience na pas neacutecessairement besoin comme chez Fichte de la Sittlichkeit - et en tant queacuteveil comme incessant retournement en soi de lactiviteacute on voit bien comme nous lavons deacutejagrave interpreacuteteacute pour simplement comprendre que ce mecircme eacuteveil sil est pris sans conscience ne peut sattester pour nous que comme cette sorte eacutetrange deacuteveil quil y a tout de mecircme dans le recircve quand nous sommes en sommeil Si la nature est dynamisme laquo intuition raquo que Schelling avait en commun avec certains de ses contemporains si elle a en son soi une activiteacute infinie et en elle-mecircme illimitable ce soi est luishymecircme nocturne anonyme et aveugle en sommeil et ses productions sont comme des recircves toujours porteurs dune Potenz dune dynamis malgreacute le registre ougrave le recircve paraicirct se stabiliser la nature nest proprement en acte que quand elle seacuteveille dans la puissance du Moi dans leacuteveil (mais alors elle est objet produit) parce que sans cesse en elle-mecircme elle manque son acte parce que les registres de ses Potenzen atelier des meacutetamorphoses aveugles qui vont du premier surgissement laquo en recircveraquo agrave leacuteveil de la conscience demeurent toujours en tant que tels en puissance sans acte propre Et cela Schellin~ mettra du temps agrave le deacutecouvrir uis u il faudra attendre

eacuteitp i osop ie e a reconnaiss ce u rut ue laquovraieraquo nature e non pas ce e qm est laquoconstruiteraquo est la nature en nous et en Dieu cest-agrave-dtre le champ de la 111Ytholo_gk En 1801 le court-circuit par le spinozisme est trop immeacutediat pour que Schelling puisse sapercevoir que degraves lors le terme de Potenz a un double sens non pas seulement celui

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Schelling

matheacutematique de leacuteleacutevation agrave la puissance (autoshymultiplication) mais encore celui philosophique decirctre-enshypuissance de demeurer pour une part indeacutefini flou et surtout instable Cest seulement en 1809 que Schelling aura une longue explication avec le spinozisme Court-circuit trop immeacutediat aussi pour que Schelling puisse deacutejagrave se reacutesoudre agrave accepter comme dans les Weltalter et un peu dans lesprit de

-Leibniz que la nature est un inson ble sommeil et quelle peut -se-preefclre agrave laquo recircver raquo s1 e e est en Dieu~ nous-me~s ~ su[llS_ ans e mme ar a producircctfon delaquorecircveuuml - IcircRgtUs disonsmiddot- e es ) s ~~ moms co rents et non pas de reveriesevei s - e producteur _ de reacuteves pOuvant ecirctregraveassl agrave mcons zent e si les deacutecouvertes freudiennes ont montreacute que linconscient symboshylique de la psychanalyse doit beaucoup plus aux laquo systegravemes symboliques raquo dans lesquels vit la conscience quagrave la nature elle-mecircme deacutecideacutement insondable parce que rien dautre que puissance ecirctre-en-puissance Potenz que leacuteleacutevation agrave lacte transpose (nous avons lu le terme chez Schelling et nous le prenons quant agrave nous comme transposition architectonique) agrave un autre registre en hiatus par rapport au premier et qui est tout agrave la fois dans leur couplage celui de leacuteveil et celui de la conscience (au sens technique de ce qui se reacutefleacutechit et a des laquo repreacutesentations raquo )

Pour le dire autrement le sujet-objet objectif qui co middotu ue la natura naturans et la natura naturata est une sorte d- j filt_qnsilJ_enr i_tccedil[ehy~Jqj4e f dont Schelling a pen~eacute dans l in em a orre e sa Jeunesse laquo constrmre raquo le laquo systegraveme raquo - au-delagrave cela va sans dire de toutes les limitations critiques que Kant avait imposeacutees agrave la meacutethode philosophique Sans cesse avant 1809 Schelling retombera dans cette orniegravere de se croire en mesure de deacutevoiler dans lacte du discours philosophique ce gui nest que puissance depuis touJours et a_ Jamais de cette croyance viennent les artifices de la polarisation de lndifferenz et lincompreacutehensible notion de laquo diffeacuterence quantitative raquo qui finalement au-delagrave de lanalyse en discours nest diffeacuterence que pour le concept comme si le hiatus entre registres pouvait ecirctre franchi par la seule parole Dans la mecircme perspective si lon se reacutefegravere agrave partir de 1809 agrave ce qui traverse la penseacutee schellingienne depuis les Weltalter jusquagrave la Spiitphilosophie la mythologie apparaicirct comme une sorte de

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Marc RICHIR

laquo recircve meacutetaphysiqueraquo certes pris chez Schelling dans la structure fondamentale mais progressivement et profondeacutement rem~ieacutee de lonto-theacuteologie et ougrave la Reacuteveacutelation plus preacuteciseacutement l avegravenement du Chnst est censeacute annoncer leacuteveil (reacutealisable en transparence seulement dans leschatologie) En ce sens cest sans doute dans cette laquo derniegravere philosophieraquo tant de fois remise sur le meacutetier et malgreacute ses inextricables difficulteacutes que Schelling a fini par entrevoir une reacuteponse satisfaisante aux questions fondamentales qui nont cesseacute de le hanter Il nous aura a middot s eacutefleacutechir autrement le recircve le

~meil li~cien~J~~~ant ue e e ou IIlle --acircmiddot -amis sans~~amp InsectOJJ_IIlls ar rapport e rgeia ~ ~ qui ~an_~ so~eJron et s n aori ton ut ren re middot

~ t agraveicircilQis l1bre~~ ~~aryeumlegraveelagrave ce~us ne sommes plus aujouracirchuCcedil tregraves assureacutes et il reviendra agrave la pheacutenomeacutenologie de laquo retrouver raquo meacutethodiqueshyme~t ces p~ofondeurs abyssales et infinies agrave travers la probleacuteshymatique qui manque chez Schelling de la Leiblichkeit de notre Leib - no Leiblichkeit soit laquo nature raquo comme la un

u cru Merleau-Ponty mais qu e e porte eacutesorrnais tot~s es middot ti~ar esque s nous avons pens re rer ce que c e mg cherchrut avec la nature -=

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Page 6: Marc RICHlR · Schelling soi - étant entendu que l'agir n'est pas un être, et l'être pas un agir, et que cet agir se distingue de l' agir en général dont il y a

Schelling

dans la nature est passeacute dans le Moi la nature ne dure et ne continue agrave vivre quen lui le Moi est maintenant Un et tout et tout est reacutesolu en lui Mais cest preacuteciseacutement de ce point que commence aussi lideacutealismeraquo (Ibid) Autrement dit et au moins en principe la meacutethode consiste agrave nouveau agrave faire abstraction de lintuitionnant subjectif dans lintuition intellectuelle - ce qui est censeacute donner la pure activiteacute illimiteacutee (ou illimitable) - et ensuite pour ainsi ~ agrave eacutepuis~r progressivement cette activiteacute (tirer le sujet-obJet hors de lmshymecircme) jusquagrave ce quelle laisse derriegravere elle la nature comme produit (la natura naturata) po~r se re~uver par un changement de registre - une eacuteleacutevauon de pmssance - dans le Moi compris dans nos termes comme pur eacuteveil Cest donc bien comme si la nature seacutetait eacuteveilleacutee dans le Mot ou comme si leacuteveil du Moi eacutetait de nature vie persistante de la nature face agrave ses produits devenus degraves lors les objets potentiels (pot~ntielshylement reconnaissables) de la conscience et qm seraient agrave reprendre agrave cette puissance ou agrave ~ regi~tre de la na~e dans les mecircmes articulations que les arttculattons systeacutematiques de lideacutealisme (W-L) Il y a quelque chose de laquovicieuxraquo dans cette sorte de garantie en circulariteacute dont Schelling tentera de se sortir dans la philosophie de lidentiteacute en cherchant agrave se deacutegager des articulations de lideacutealisme Mais ce sera nous le savons dans une sorte dintempeacuterance speacuteculative redoubleacutee ougrave la laquo vi~ion raquo meacutetaphysique de la nature et de son eacuteveil certes grandiose se perdra de nouveau Sans doute nest-elle si difficile agrave deacutegager tant sinon plus pour Schelling que pour nous que parce que Schelling pris d~ns l efferve~cence d~ son eacutepoque et lenthousiasme de la Jeuness~ pns aussi par l laquo esprit de systegravemeraquo a eacuteteacute lon~temps _fascineacute_ par les _prouesshyses possibles de la technique ph1losoph1que - Il sera bien plus philosophe ou ne sera vraiment philsophe qua~~egraves les tentatives encore plus fantasques de la phtlosoph1e de l identiteacute ougrave le ltlt dire raquo est encore plus eacuteloigneacute du faire effectif ou de l effectuation reacuteelle (sachlich) Deacutejagrave dans cette Reacuteponse agrave Eschenmayer qui est un eacutecrit de transition la justification et lattestation philosophiques que lon fait bien ce quon dit quon fait sont nettement deacutefaillantes ou quasi-acrobatiqu~s On serait tenteacute de dire quil ne sagit lagrave que d un laquo deacutehre meacutetaphysiqueraquo tout imaginaire dune sorte de jeu de concepts sil ny avait de maniegravere presque imperceptible

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Marc RICHIR

lempreinte du geacutenie (dont la philosophie de lidentiteacute est pour nous une sorte de phase inflatoire) Cest cette empreinte que pour conclure nous allons nous efforcer de mieux deacutegager encore derriegravere laspect fluctuant des deacuterives et des sauts conceptuels Quest-ce que Schelling peut encore apprendre aujourdhui au philosophe et au pheacutenomeacutenologue

3 Quelques proleacutegomegravenes pour une interpreacutetation pheacutenomeacutenologique delameacutetaphysiqueschellingienne

Si nous repartons de laperception pure du Moi ou de laperception transcendantale immeacutediate en tant qu eacuteveil - eacuteveil qui notons-le pour seacuteveiller agrave lui-mecircme ou sattester dans la conscience na pas neacutecessairement besoin comme chez Fichte de la Sittlichkeit - et en tant queacuteveil comme incessant retournement en soi de lactiviteacute on voit bien comme nous lavons deacutejagrave interpreacuteteacute pour simplement comprendre que ce mecircme eacuteveil sil est pris sans conscience ne peut sattester pour nous que comme cette sorte eacutetrange deacuteveil quil y a tout de mecircme dans le recircve quand nous sommes en sommeil Si la nature est dynamisme laquo intuition raquo que Schelling avait en commun avec certains de ses contemporains si elle a en son soi une activiteacute infinie et en elle-mecircme illimitable ce soi est luishymecircme nocturne anonyme et aveugle en sommeil et ses productions sont comme des recircves toujours porteurs dune Potenz dune dynamis malgreacute le registre ougrave le recircve paraicirct se stabiliser la nature nest proprement en acte que quand elle seacuteveille dans la puissance du Moi dans leacuteveil (mais alors elle est objet produit) parce que sans cesse en elle-mecircme elle manque son acte parce que les registres de ses Potenzen atelier des meacutetamorphoses aveugles qui vont du premier surgissement laquo en recircveraquo agrave leacuteveil de la conscience demeurent toujours en tant que tels en puissance sans acte propre Et cela Schellin~ mettra du temps agrave le deacutecouvrir uis u il faudra attendre

eacuteitp i osop ie e a reconnaiss ce u rut ue laquovraieraquo nature e non pas ce e qm est laquoconstruiteraquo est la nature en nous et en Dieu cest-agrave-dtre le champ de la 111Ytholo_gk En 1801 le court-circuit par le spinozisme est trop immeacutediat pour que Schelling puisse sapercevoir que degraves lors le terme de Potenz a un double sens non pas seulement celui

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Schelling

matheacutematique de leacuteleacutevation agrave la puissance (autoshymultiplication) mais encore celui philosophique decirctre-enshypuissance de demeurer pour une part indeacutefini flou et surtout instable Cest seulement en 1809 que Schelling aura une longue explication avec le spinozisme Court-circuit trop immeacutediat aussi pour que Schelling puisse deacutejagrave se reacutesoudre agrave accepter comme dans les Weltalter et un peu dans lesprit de

-Leibniz que la nature est un inson ble sommeil et quelle peut -se-preefclre agrave laquo recircver raquo s1 e e est en Dieu~ nous-me~s ~ su[llS_ ans e mme ar a producircctfon delaquorecircveuuml - IcircRgtUs disonsmiddot- e es ) s ~~ moms co rents et non pas de reveriesevei s - e producteur _ de reacuteves pOuvant ecirctregraveassl agrave mcons zent e si les deacutecouvertes freudiennes ont montreacute que linconscient symboshylique de la psychanalyse doit beaucoup plus aux laquo systegravemes symboliques raquo dans lesquels vit la conscience quagrave la nature elle-mecircme deacutecideacutement insondable parce que rien dautre que puissance ecirctre-en-puissance Potenz que leacuteleacutevation agrave lacte transpose (nous avons lu le terme chez Schelling et nous le prenons quant agrave nous comme transposition architectonique) agrave un autre registre en hiatus par rapport au premier et qui est tout agrave la fois dans leur couplage celui de leacuteveil et celui de la conscience (au sens technique de ce qui se reacutefleacutechit et a des laquo repreacutesentations raquo )

Pour le dire autrement le sujet-objet objectif qui co middotu ue la natura naturans et la natura naturata est une sorte d- j filt_qnsilJ_enr i_tccedil[ehy~Jqj4e f dont Schelling a pen~eacute dans l in em a orre e sa Jeunesse laquo constrmre raquo le laquo systegraveme raquo - au-delagrave cela va sans dire de toutes les limitations critiques que Kant avait imposeacutees agrave la meacutethode philosophique Sans cesse avant 1809 Schelling retombera dans cette orniegravere de se croire en mesure de deacutevoiler dans lacte du discours philosophique ce gui nest que puissance depuis touJours et a_ Jamais de cette croyance viennent les artifices de la polarisation de lndifferenz et lincompreacutehensible notion de laquo diffeacuterence quantitative raquo qui finalement au-delagrave de lanalyse en discours nest diffeacuterence que pour le concept comme si le hiatus entre registres pouvait ecirctre franchi par la seule parole Dans la mecircme perspective si lon se reacutefegravere agrave partir de 1809 agrave ce qui traverse la penseacutee schellingienne depuis les Weltalter jusquagrave la Spiitphilosophie la mythologie apparaicirct comme une sorte de

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laquo recircve meacutetaphysiqueraquo certes pris chez Schelling dans la structure fondamentale mais progressivement et profondeacutement rem~ieacutee de lonto-theacuteologie et ougrave la Reacuteveacutelation plus preacuteciseacutement l avegravenement du Chnst est censeacute annoncer leacuteveil (reacutealisable en transparence seulement dans leschatologie) En ce sens cest sans doute dans cette laquo derniegravere philosophieraquo tant de fois remise sur le meacutetier et malgreacute ses inextricables difficulteacutes que Schelling a fini par entrevoir une reacuteponse satisfaisante aux questions fondamentales qui nont cesseacute de le hanter Il nous aura a middot s eacutefleacutechir autrement le recircve le

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Schelling

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-Leibniz que la nature est un inson ble sommeil et quelle peut -se-preefclre agrave laquo recircver raquo s1 e e est en Dieu~ nous-me~s ~ su[llS_ ans e mme ar a producircctfon delaquorecircveuuml - IcircRgtUs disonsmiddot- e es ) s ~~ moms co rents et non pas de reveriesevei s - e producteur _ de reacuteves pOuvant ecirctregraveassl agrave mcons zent e si les deacutecouvertes freudiennes ont montreacute que linconscient symboshylique de la psychanalyse doit beaucoup plus aux laquo systegravemes symboliques raquo dans lesquels vit la conscience quagrave la nature elle-mecircme deacutecideacutement insondable parce que rien dautre que puissance ecirctre-en-puissance Potenz que leacuteleacutevation agrave lacte transpose (nous avons lu le terme chez Schelling et nous le prenons quant agrave nous comme transposition architectonique) agrave un autre registre en hiatus par rapport au premier et qui est tout agrave la fois dans leur couplage celui de leacuteveil et celui de la conscience (au sens technique de ce qui se reacutefleacutechit et a des laquo repreacutesentations raquo )

Pour le dire autrement le sujet-objet objectif qui co middotu ue la natura naturans et la natura naturata est une sorte d- j filt_qnsilJ_enr i_tccedil[ehy~Jqj4e f dont Schelling a pen~eacute dans l in em a orre e sa Jeunesse laquo constrmre raquo le laquo systegraveme raquo - au-delagrave cela va sans dire de toutes les limitations critiques que Kant avait imposeacutees agrave la meacutethode philosophique Sans cesse avant 1809 Schelling retombera dans cette orniegravere de se croire en mesure de deacutevoiler dans lacte du discours philosophique ce gui nest que puissance depuis touJours et a_ Jamais de cette croyance viennent les artifices de la polarisation de lndifferenz et lincompreacutehensible notion de laquo diffeacuterence quantitative raquo qui finalement au-delagrave de lanalyse en discours nest diffeacuterence que pour le concept comme si le hiatus entre registres pouvait ecirctre franchi par la seule parole Dans la mecircme perspective si lon se reacutefegravere agrave partir de 1809 agrave ce qui traverse la penseacutee schellingienne depuis les Weltalter jusquagrave la Spiitphilosophie la mythologie apparaicirct comme une sorte de

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