29
Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

Tim Ingold

marcher avec les dragons

2013zones sensibles

Pactum serva

z s

Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

Page 2: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

7

préface

On considère généralement l’anthropologie comme une discipline centrifuge qui envoie ceux qui la pratiquent sur des terrains aussi isolés et éloignés que possible afin qu’ils puissent faire l’expérience de modes de vie aussi différents des leurs que ce qu’ils pourraient espérer ou s’attendre à trouver. J’ai en revanche toujours eu le sen-timent qu’il s’agissait du contraire. Depuis que je me suis lancé dans des études sur le sujet, l’anthropologie a été pour moi une manière de retrouver le chemin du retour à la maison. Au moment d’entreprendre ce cheminement, je ne pouvais pas m’appuyer sur la moindre fondation solide. Ce n’est pas comme si j’avais déjà su, avant même de prendre la route, tout ce qu’il était possible de savoir sur moi-même et sur la personne que j’allais devenir. Comme la plu-part des apprentis anthropologues, je suis moi aussi parti pour une région assez lointaine afin d’y mener un travail de terrain, qui impli-qua dans mon cas un séjour prolongé parmi les Same Skolt à l’extré-mité nord-est de la Finlande. À l’époque, cependant, je n’avais prati-quement aucune idée de qui j’étais, d’où je venais et encore moins où j’allais. J’avais un nom et une adresse, un passeport, un parent proche à contacter en cas d’urgence. J’avais même un diplôme d’une université respectée et une bourse pour m’aider dans mes recherches. Mais la voix avec laquelle je parlais, la main avec laquelle j’écrivais et même l’esprit avec lequel je pensais – ce n’était pas encore moi ; ce n’étaient que des habitudes ou des attitudes que j’avais, à un moment ou à un autre, cherché à imiter ou que l’on m’avait incité à imiter. Au cours de ce séjour en Laponie, cependant, et à travers l’éducation morale qu’il m’offrit, je fis mes premiers pas hésitants sur le chemin du retour. La route fut longue et tortueuse. Je ne suis d’ailleurs pas encore arrivé, et je n’arriverai probablement jamais. Mais je suis désormais convaincu que c’est bel et bien ma voix qui parle, ma main qui écrit et mon esprit qui pense. Et c’est avec ma voix, ma main et mon esprit que j’affirme à présent : voilà qui je suis.

Page 3: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

préfacepréface

8 9

chaque jour un peu plus des vérités qu’il avait assimilées pendant son enfance, il ne cessait au contraire d’y revenir et, en outre, de les défendre avec toute sa force de conviction face aux assauts oppres-sants de la discipline des adultes. Les essais réunis ici, le premier ayant été publié en 1990 et le dernier en 2013, sont autant de combats menés au cours de cette campagne, dans les territoires de l’évolution biologique et culturelle, des environnements humains et animaux, des royaumes de la pensée et de l’action, et des discours rivaux de l’art et de la science.

Pourquoi l’enfant que je suis, ou que je suis redevenu, écrit-il désormais pour s’opposer à une forme de pensée qui, en arrachant la culture à la biologie, nous sépare, nous autres êtres humains, de nous-mêmes ? Parce que cette pensée ne peut s’empêcher de considé-rer l’enfant comme une créature dont la valeur est moindre que celle de l’adulte, plus cultivé, un peu à la manière dont le primitif était tenu pour inférieur au civilisé à une époque antérieure de l’anthro-pologie. À l’évidence, tout être né d’un homme et d’une femme est un humain. Mais la pensée moderne allait soutenir que si tous sont humains, certains sont plus humains que d’autres : l’adulte plus que l’enfant, le scientifique plus que le sauvage. Les enfants, au cours de leurs « premières années », comme les « premiers hommes » dans les manuels consacrés à l’évolution humaine, sont décrits comme des êtres chez qui la part de biologie est plus importante ; des êtres plus proches de leurs origines dans la nature que les hommes d’époques « ultérieures », chez qui la part de culture est en revanche plus impor-tante. Cela n’est pas acceptable à mes yeux. Bien sûr, l’enfant que je suis, comme l’enfant que je fus, est ni plus ni moins un organisme de part en part. Mais à aucun moment, du berceau à la tombe, l’en-fant ne commence ni ne cesse de tisser sa vie avec d’autres vies, à partir desquelles ces modèles que nous appelons « culture » sont continuellement produits. Et si cela est vrai des vies individuelles, cela doit également l’être de l’histoire humaine. De même qu’il n’y a pas de séparation radicale entre la biologie et la culture dans la vie d’un enfant, il ne peut y avoir de séparation radicale entre l’évolution et l’histoire dans la vie des espèces. Nous sommes tous – et avons toujours été – des organismes-personnes.

Pourquoi alors ne pas écrire sur ces organismes-personnes en les décrivant non comme des entités délimitées, mais au contraire comme des nexus composés de fils noués dont les extrémités détendues se répandent dans toutes les directions en se mêlant à d’autres fils dans d’autres nœuds ? Étant enfant, j’ai probablement été davantage influencé que je ne l’avais réalisé par les recherches

Qui est cette personne que je me découvre être peu à peu ? Il semble que ce soit un enfant. Élevé dans une famille heureuse, où sa mère l’autorisait à donner libre cours à sa passion pour les trains miniatures tandis que son père menait des recherches scientifiques sur les mécanismes de la dispersion des spores chez les champi-gnons aquatiques, cet enfant allait passer de longues heures plongé dans les pages de l’imposant chef-d’œuvre de D’Arcy Wentworth Thompson, Forme et croissance, dont son père possédait une copie de l’édition originale de 1917, ou à étudier la mathématique des bulles de savon et les trajectoires des toupies. Il arrivait également à cet enfant de partir marcher dans la campagne, sans prêter la moindre attention à son père lorsque celui-ci identifiait et égrenait les noms latins de toutes les plantes et de tous les champignons devant les-quels ils passaient. Il les connaissait tous ! À l’âge de 12 ans, la mère de l’enfant lui offrit un violoncelle et s’arrangea pour qu’il puisse prendre des leçons. À l’école, sous l’égide de professeurs inspirés, il se tenait assis sur le bord de sa chaise, émerveillé par les mystères de l’univers tels que la science était en train de les démêler. Il expé-rimentait les chambres à brouillard et étudiait la croissance des cristaux plongés dans des solutions chimiques. Il était évident qu’il deviendrait mathématicien et scientifique.

Que se passa-t-il ? Après avoir étudié les sciences naturelles à l’uni-versité de Cambridge pendant un an, le jeune homme perdit ses illu-sions. Après l’enthousiasme qu’avait suscité en lui l’enseignement scolaire de la science, les cours de Cambridge furent une immense déception. Il eut le sentiment que l’essentiel de ce qui était ensei-gné était intellectuellement étriqué, consacré à la recherche systéma-tique et bornée d’objectifs qui semblaient éloignés de l’expérience. À la différence de nombre de ses camarades étudiants, révoltés par la façon dont la science avait renoncé à ses principes démocratiques et par le compromis abject qu’elle avait passé avec les mastodontes du pouvoir industriel et militaire, il ne devint pourtant jamais radi-calement hostile au projet scientifique. Il n’y voyait tout simplement pas de futur pour lui-même. Il voulait étudier une discipline au sein de laquelle il aurait plus de marge de manœuvre, qui lui permettrait à la fois de découvrir le monde et de se découvrir lui-même. C’est ce qui le conduisit à l’anthropologie. Ce qui l’attira (un peu comme la biologie de D’Arcy Thompson auparavant), c’est qu’il y avait en elle quelque chose comme une mathématique pure de la vie réelle où l’expérience et l’imagination pouvaient s’unir. C’est ainsi que commença son odyssée, son voyage de retour vers sa terre natale. Plus il avançait, plus il prenait conscience que loin de s’éloigner

Page 4: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

préfacepréface

10 11

ferroviaire. Ce n’est d’ailleurs pas cela qui me procurait le plus de plaisir ; je préférais placer les yeux à hauteur de la maquette de sorte que mon regard pénètre à l’intérieur du petit monde que j’avais créé, vagabonde parmi les silhouettes miniatures disposées sur le quai de la gare, se faufile aux abords et à l’intérieur des bâtiments et des hangars de la gare, ainsi qu’à travers les forêts et les prairies qui s’étendaient au-delà des rails. Le sol était composé de papier mâché posé sur un grillage, l’herbe était en fils de coton, et les arbres com-posés de lichens que j’avais ramassés en forêt. Il n’y avait là aucun objet ! Rien d’autre qu’un assemblage de matériaux dont les racines sont aussi diverses que celles que nous tissons dans nos vies quo-tidiennes lorsque nous lisons les journaux, cousons nos vêtements, nourrissons les poules ou errons en forêt.

Comment suis-je passer de la science à l’art ? Le premier cours que je donnai, après avoir décroché un poste de maître de conférences à l’université de Manchester, était intitulé « Environnement et techno-logie ». C’était un cours fortement axé sur la science. Je voulais mon-trer que toute anthropologie digne de ce nom devait au moins être compatible avec ce que les sciences biologiques nous avaient appris sur l’évolution et l’écologie de l’espèce humaine. Mes collègues du département d’anthropologie étaient méfiants : c’était l’époque des querelles autour de la sociobiologie, et le simple fait d’aborder le sujet suffisait parfois à se voir accusé de déterminisme génétique, voire pire. Ce cours fut toujours considéré comme un enseignement à part, aux marges des territoires connus de l’anthropologie. Ce n’est pas un hasard si « Environnement et technologie » fut abrégé en e.t., inspirant ainsi des comparaisons moqueuses avec le film de Steven Spielberg. Au fur et à mesure de l’évolution du cours et de ma propre évolution, je commençai cependant à prendre conscience de ce que mon père avait toujours su sans jamais avoir besoin de le dire, parce qu’il le vivait à travers la pratique scientifique dans laquelle j’étais plongé à la maison : il y a de la poésie dans la science. La poésie ne vient pas après la science, pour célébrer le triomphe de la raison sur la nature. Elle vient avant la science, lorsqu’avec davantage d’humi-lité, nous reconnaissons que nous devons notre existence au monde que nous cherchons à connaître. Le glissement de la science vers l’art qui s’est opéré dans ma pensée et dans ma façon d’enseigner ne m’a donc pas éloigné de la science, il m’a au contraire permis d’approfondir la connaissance que j’en avais, de m’interroger sur ses conditions de possibilité. Une fois encore, c’est en allant de l’avant que j’ai retrouvé le chemin du retour. Pour moi, l’art, comme la poé-sie et plus particulièrement la musique (en tant que violoncelliste)

en mycologie de mon père. Ma description de l’organisme-personne pourrait en effet tout aussi bien s’appliquer au mycélium fongique. D’ailleurs, les mycologues sont en grande partie aux sciences biolo-giques ce que les anthropologues sont aux sciences sociales : ils en constituent le groupe le plus gênant, les bouffons, les idiots, ceux qui se glissent furtivement dans les fondations du pouvoir et en sapent progressivement les prétentions. Les champignons, voyez-vous, ne se comportent tout simplement pas comme des organismes devraient se comporter. Ils coulent, ils suintent, leurs limites sont indéfinissables ; ils emplissent l’air de leurs spores et infiltrent le sol avec leurs sinuosités, leurs fibres ne cessant de se ramifier et de s’étendre. Ce que nous voyons à la surface du sol, ce sont sim-plement des organes de fructification. Mais il en va également ainsi avec les hommes. Ils ne vivent pas à l’intérieur de leurs corps, comme les théoriciens de la société se plaisent à l’affirmer. Leurs traces s’impriment sur le sol, via leurs empreintes, leurs sentiers et leurs pistes ; leur souffle se mêle à l’atmosphère. Ils ne restent en vie qu’aussi longtemps que subsiste un échange continu de matériaux à travers des couches de peau en extension et en mutation constante. C’est pourquoi j’en suis venu à interroger ce que nous entendons par « environnement », pour finalement ne plus le concevoir comme ce qui entoure – ce qui est « là-dehors » et non « ici dedans » – mais comme une zone d’interpénétration à l’intérieur de laquelle nos vies et celles des autres s’entremêlent en un ensemble homogène.

C’est également pour cela que j’écris contre la culture matérielle, et contre l’idée selon laquelle c’est par ce qu’ils font avec les objets que les êtres humains créent du sens. Pour moi, il n’y a pas d’objets. L’enfant que je suis voit un monde en construction, non un monde déjà construit. Fabriquer des choses ne consiste pas à imposer une forme à la matière, comme si la finalité de nos actions était déjà établie avant même que ne commence leur exécution. Comment la forme peut-elle précéder le processus qui lui donne naissance ? Comment le futur peut-il précéder le présent et le passé ? Dans mes yeux d’enfant ne sachant pas ce que l’avenir nous réserve, fabriquer des choses consiste continuellement à tisser le monde, à établir une correspondance entre le mouvement matériel et la vision envi-ronnante. Le réseau de train miniature que je construisis lorsque j’étais petit ne fut jamais achevé. Le chantier resta en cours – un peu comme les chantiers des véritables voies ferrées – jusqu’au jour où il fut abandonné lorsque d’autres choses, comme la musique, devinrent plus importantes à mes yeux. Ce n’est qu’occasionnelle-ment, et non sans danger, que des trains circulèrent sur ma ligne

Page 5: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

préface

12

est une manière de redonner vie aux sens et de permettre au savoir de se développer, depuis l’intérieur de l’être, dans le déploiement de la vie. Sans cette renaissance, et sans la connaissance qui en découle, il ne pourrait pas y avoir de science.

Voilà donc ce que j’ai découvert ces dernières années, en ensei-gnant non pas l’anthropologie de l’art, comme si l’art était un objet de l’analyse anthropologique, mais l’art de l’anthropologie. Quelques années avant sa mort, je dis à mon père à quel point je m’amusais avec les étudiants qui suivaient mes cours. Il nous arri-vait par exemple d’apprendre à fabriquer des paniers en saule ou de partir marcher dans les collines. Je ne faisais que suivre une tradi-tion familiale, car je me souviens bien qu’au cours de mon enfance, mon père avait l’habitude d’emmener ses étudiants pour chercher des champignons dans la forêt. Mais il n’en fut pas impressionné. « S’agit-il d’une université », grommela-t-il, « ou d’un jardin d’en-fants ? » Question à laquelle je répondis : « les deux ». Et plus j’y pense, plus il me semble que c’est dans cette ambivalence que se trouve l’es-sence de l’enseignement supérieur. Il s’agit de faire revivre l’émer-veillement, l’espièglerie et l’insatiable curiosité de la petite enfance, mais à travers une profondeur de connaissance, un fonds d’expé-rience et une rigueur intellectuelle auxquels il n’est possible de par-venir qu’à l’issue de nombreuses années de vie et d’étude. Mais la noble profession de chercheur – la quête personnelle du savoir et de la vérité – a été détournée par nos responsables politiques en charge des finances, dans l’esprit borné desquels la recherche est devenue un processus industriel de recueil de données et de traitement de l’information. Les arts sont supposés palier à cette situation en la recouvrant d’une façade séduisante, en rendant hommage à la créa-tivité, et en étant les dépositaires d’un esprit critique qui joue le rôle de la mauvaise conscience pour l’esprit bien-pensant. L’érudition et la poésie, de même que la science et la foi, ont été alignées des deux côtés d’une division entre réalité et imagination. Cette division a causé un tort considérable et doit être effacée. La tâche de l’anthro-pologie, plus que toute autre, est de l’éliminer.

J’ai marché avec les dragons, mais je suis désormais de retour à la maison.

Tim Ingold,Aberdeen, septembre 2013.

Page 6: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

335

xiv

marcher avec les dragonsUne excursion anthropologique du côté sauvage

Se confronter aux faitsEn 1620, le philosophe et homme d’État anglais Francis Bacon

exposa le plan de ce qui devait être une œuvre scientifique de grande envergure, intitulée Instauratio magna 1. Dédiée au roi Jacques ier, qui avait peu de temps auparavant nommé Bacon au poste de lord Chancelier, cette œuvre ne fut jamais achevée. Dans ses prolégo-mènes, cependant, Bacon peste contre les formes traditionnelles du savoir, qui ne cessent de confondre la réalité du monde avec ses représentations dans les esprits des hommes. Selon Bacon, l’esprit pourrait « refléter les rayons de la réalité » seulement s’il était lisse et régulier comme un miroir parfait. Mais ce n’est pas le cas. Fissuré et déformé par des imperfections innées et acquises par l’instinct comme par l’endoctrinement, l’esprit, biaisé par les sens, déforme les images qui sont projetées à sa surface ; s’il est livré à lui-même, l’on ne peut donc pas s’appuyer sur lui pour représenter les choses telles qu’elles sont. Il n’y a selon Bacon qu’une seule manière de sor-tir de cette situation difficile : faire appel aux faits. « Mais », écrivait-il, « quant à ceux dont le dessein n’est pas de conjecturer, de faire les devins, mais d’inventer, de savoir, qui ne se contentent pas de rêver des mondes imaginaires, espèces de singes du grand, mais dont le dessein est de pénétrer dans la vraie nature de ce monde que voilà, et de le disséquer pour ainsi dire, ceux-là doivent tout puiser dans les choses mêmes » (Bacon 1800-1803 [1620], p. 55-56).

1. Ce texte a paru pour la première fois dans Animals as religious subjects: transdisciplinary perspectives, éd. par C. Deane-Drummond, D. Clough et R. Artinian-Kaiser, Londres, Bloomsbury, 2013, p. 35-58.

Page 7: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

marcher avec les dragonsépilogue

336 337

matérielles3. Une fois nos espoirs et nos rêves noyés dans l’éther de l’illusion, c’est la vie elle-même qui semble amoindrie. Réduite à sa fonction biochimique, elle n’est plus source ni d’émerveillement ni d’étonnement. En fait, pour ceux d’entre nous qui ont été éduqués dans les valeurs d’une société où l’autorité du savoir scientifique règne sans partage, la division de la réalité en deux domaines mutuellement exclusifs, celui du fait et celui de la fable, est à ce point enracinée qu’elle en est devenue évidente. S’est alors posé le problème suivant : comment établir une passerelle entre ces deux domaines ? Comment faire une place à l’art et à la littérature, à la religion ou aux croyances et pratiques des peuples indigènes dans une économie de la connais-sance au sein de laquelle la véritable nature des choses est devenue la prérogative exclusive de la science rationnelle ? Nous acceptons que l’imagination subsiste parmi nous et nous tolérons son penchant à la fantaisie, mais n’est-ce pas simplement pour satisfaire un besoin d’en-chantement dans un monde qui a par ailleurs cessé de nous émerveil-ler ? Nous la conservons comme un symbole de créativité et de civi-lisation, mais n’est-ce pas simplement par respect envers la diversité culturelle, ou même uniquement pour notre divertissement4 ? Ces questions sont inévitables, mais en les posant, nous oublions à quel point il est difficile de détacher la réalité de notre vie dans le monde, et du monde dans lequel nous vivons, des élans méditatifs de notre imagination. Le problème n’a en fait rien à voir avec la manière dont nous le posons : il ne s’agit pas de se demander comment réconcilier les rêves de notre imagination avec les caractéristiques du monde, mais de s’interroger sur le moyen de les séparer.

Historiquement, cette séparation émergea lentement et pénible-ment au cours des bouleversements religieux liés à la Réforme et des débuts agités de la première science moderne, pour laquelle Bacon

– ainsi que son contemporain Galilée – joua un rôle crucial. Mais ce processus se répète aujourd’hui dans l’éducation de chaque écolier à qui l’on apprend, sous peine de rater ses examens, à se méfier des sens, à valoriser l’intellect au détriment de l’intuition, et à considérer l’imagination comme une fuite et non comme un moteur de la vie

3. Ici, je développe un argument que j’avais initialement présenté dans un article intitulé « Life beyond the edge of nature? Or, the miracle of society » (in Greenwood 1997, p. 231-252).4. Cette dernière position est illustrée par les déclarations des décideurs des politiques scientifiques, qui soutiennent le financement public des bourses dans les arts et les sciences humaines sous prétexte qu’elles contribuent directement ou indirectement aux « industries créatives ».

Il y a incontestablement quelque chose de contemporain dans les mots de Bacon. La science d’aujourd’hui continue à fonder sa légiti-mité sur son recours aux données, qui sont à maintes reprises véri-fiées et revérifiées dans une interminable recherche de la vérité2. Et, pour l’essentiel, les sciences de l’esprit et de la culture, la psycho-logie et l’anthropologie, reposent elles aussi sur cette même entre-prise. Autrement dit, elles ont toutes deux accepté la division entre ce que Bacon appelait le monde « lui-même », la réalité de la nature qui ne peut être découverte que par une recherche scientifique sys-tématique, et les différents mondes imaginaires que les hommes, en des lieux et à des époques différentes, ont inventé, et qu’ils ont pris pour la réalité elle-même parce qu’ils ignoraient la science et ses méthodes. Alors que les anthropologues se consacrent à l’ana-lyse comparative de ces mondes imaginaires, les psychologues pré-tendent étudier les mécanismes, supposés universels, qui président à leur construction. Tous s’accordent à penser que les royaumes de la réalité et de l’imagination ne devraient en aucun cas être confondus, car l’autorité de la science repose sur sa prétention à révéler, derrière les produits de notre imagination qui voilent notre regard, les faits du monde tel qu’il est réellement. On peut bien sûr étudier les pro-duits de l’imagination et les faits afin d’apporter des explications que beaucoup d’anthropologues continuent à appeler « émiques » (par opposition à « étiques »), mais mélanger ces deux types d’explica-tions, c’est accepter que nos jugements soient obscurcis par l’erreur et l’illusion. « Car Dieu sans doute ne permettroit pas », comme le dit Bacon, « que nous donnassions pour une copie fidelle du monde, un pur rêve de notre imagination » (Bacon 1800-1803, p. 70).

Je veux montrer dans ce texte que l’injonction de Bacon, que l’on retrouve au cœur de la science moderne, a eu des conséquences catas-trophiques sur la vie humaine et sur son rapport au monde, en déta-chant l’imagination de ses liens terrestres et en la laissant flotter tel un mirage au-dessus de la voie que nous suivons dans nos vies

2. Alors que j’écrivais ce texte, une équipe de scientifiques menée par le pro-fesseur Antonio Ereditato a rapporté que les neutrinos qu’ils avaient propul-sés à travers un tunnel des Alpes avaient atteint des vitesses supérieures à celle de la lumière. Les découvertes de l’équipe, qui s’appuient sur environ 15 000 observations distinctes, ont alors semé la panique (avant que les résul-tats ne soient démentis six mois plus tard). Commentant le tollé, l’éditoria-liste du Guardian (24 septembre 2011) fit remarquer que « la première tâche de la science est de se confronter aux faits ; ce n’est que dans un deuxième temps qu’elle doit en dégager le sens ». Plus ça change…

Page 8: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

marcher avec les dragonsépilogue

338 339

aux mâchoires béantes. Convaincu que le dragon était sur le point de le dévorer, tremblant de peur, il appela les frères à l’aide. Ceux-ci arri-vèrent en courant, mais aucun d’entre eux ne vit le moindre dragon. Ils laissèrent néanmoins le renégat – toujours sous le choc de son expérience – réintégrer le monastère. À partir de ce jour, le moine ne s’égara plus jamais, il n’en eut même plus la pensée. Selon l’épi-logue de l’histoire, « les prières du saint [Benoît] lui avaient fait voir le dragon qui le menaçait : ce dragon qu’il avait suivi jusque-là sans le voir 6 ».

La forme de la peurPeut-être le moine de ce conte moral souffrait-il simplement de

cauchemars. Mais les hommes du Moyen Âge n’auraient pas été aussi facilement rassurés que les hommes modernes s’ils avaient réa-lisé qu’en rencontrant des dragons et d’autres monstres, ils n’avaient fait que rêver. Ils n’étaient évidemment pas assez crédules pour pen-ser que les dragons existaient, au sens précis du terme exister qu’in-voquent les hommes modernes lorsqu’ils affirment, au contraire, que les dragons n’existent pas. Ce n’est pas comme si le moine, dans notre histoire, s’était retrouvé face à une autre créature que nous, hommes modernes, rétrospectivement et grâce à nos connaissances scientifiques, pourrions identifier, par exemple, comme une espèce de reptile. Souvenons-nous que les frères qui vinrent à son secours ne virent aucun dragon. Ils ne virent rien du tout. En revanche, comme en témoigne à plusieurs reprises le récit de Grégoire, ils virent que le moine tremblait. Il ne fait donc pas de doute qu’ils virent la ter-reur gravée sur son visage. Et pourtant, quand le moine appela pour être sauvé des mâchoires du dragon, les frères comprirent immédia-tement la situation difficile dans laquelle il se trouvait. Ils ne réa-girent cependant pas à sa crise – alors qu’un psychiatre réagirait aujourd’hui aux divagations d’un fou échappé d’un asile –, comme si elle avait exprimé des hallucinations, peut-être causées par la drogue, caractéristiques d’un esprit fiévreux et perturbé qu’il vaudrait mieux enfermer et condamner à la réclusion solitaire pour prévenir toute contagion. Au contraire, ils reconnurent tout de suite dans la vision du dragon l’expression du trouble du moine et se mirent eux-mêmes en danger pour répondre, affectivement autant que physiquement, à sa détresse7. Le moine était sur le point d’être consommé par la

6. Selon Vie et règle de saint Benoît, traduit par Daniel Demongeot, Médiaspaul Éditions, Paris, 2006.7. Je suis reconnaissant à Godelieve Orye pour cette idée.

réelle. Il semble que l’imaginaire soit irréel presque par définition : c’est notre mot pour désigner ce qui n’existe pas. Prenons l’exemple des dragons : comme le savent tous les parents d’aujourd’hui, les dragons n’existent pas. En tant qu’adultes, nous sommes convain-cus que les dragons sont des créatures imaginaires. Toutefois, la plupart d’entre nous n’auraient aucun mal à en décrire un. Ayant vu des images de dragons dans les livres que nous lisions lorsque nous étions enfants, et dans ceux que nous lisons à notre tour à nos propres enfants, nous sommes familiarisés avec leur apparence glo-bale : des corps verts couverts d’écailles, de longues queues four-chues, des naseaux dilatés, des dents aux allures de sabre et des bouches enflammées. Ces monstres parcourent le terrain imaginaire de la littérature pour enfants aux côtés d’une foule d’autres créatures tout aussi fictives. Certains d’entre eux, bien sûr, ont de véritables équivalents zoologiques. Le tyrannosaure rex – peut-être la créature la plus proche d’un dragon qui ait jamais existé – s’est éteint, ce qui arrange tout le monde, mais d’autres animaux (des cobras aux cro-codiles et des ours aux lions) vivent encore, et il leur arrive même de tuer des hommes5. Et c’est à raison que nous les craignons lorsque nous les rencontrons en chair et en os.

Leurs cousins fictifs, en revanche, n’inquiètent personne, car les seuls hommes qu’ils mangent sont aussi imaginaires qu’eux. Tout comme la matière des cauchemars, ces créatures sont isolées dans une zone d’apparitions et d’illusions rigoureusement dissociée du domaine de la vie réelle. Nous calmons le dormeur qui se réveille ter-rifié, sur le point d’être dévoré par un monstre, en utilisant ces mots rassurants : « Ne t’inquiète pas, ce n’était qu’un rêve. » Ainsi, la fron-tière entre le fait et le fantasme, qui avait semblé temporairement mise en doute au moment du réveil, est immédiatement restaurée. Que dire alors du récit qui provient de la Vie de saint Benoît de Nursie écrite par Grégoire le Grand en 594 ? C’est l’histoire d’un moine qui rencontra un dragon. Ce moine était agité : son esprit ne cessait de s’égarer et l’idée d’échapper à la réclusion et au confinement de la vie monastique le démangeait. Finalement, le vénérable frère Benoît, qui en avait assez des plaintes du moine, lui intima l’ordre de partir. Mais aussitôt qu’il eut franchi les limites du monastère, le moine fut horrifié en découvrant que son chemin était bloqué par un dragon

5. À cette liste pourrait s’ajouter le dragon de Komodo, la plus grande espèce de lézard encore en vie dans le monde, qui habite les îles du sud-est de l’Indoné-sie. Bien qu’ils soient rares, ces animaux sont extrêmement dangereux, et les attaques contre des humains ont augmenté au cours de ces dernières années.

Page 9: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

marcher avec les dragonsépilogue

340 341

réellement. Lorsqu’il sortit du monastère, il perdit complètement ses moyens, faisant l’expérience d’une forme de désorientation corpo-relle qui survient quand une personne est jetée dans un environne-ment totalement inconnu. C’est comme si le sol s’était dérobé sous ses pieds. Au moment où le dragon se cabra sous ses yeux, obstruant son chemin, il paniqua. Il découvrit qu’il ne pouvait pas aller plus loin. En réalité, conclut l’histoire, Benoît rendit un grand service au moine en le jetant à l’extérieur, car il lui permit de voir – et ainsi de connaître – le dragon qu’il avait auparavant suivi aveuglément. Pour les écrivains de la tradition monastique, comme le souligne très clai-rement le récit, il fallait voir pour savoir, et ces deux activités sui-vaient des trajectoires en mouvement. Pour comprendre le sens de leurs propos, nous devons penser la connaissance, comme l’explique Carruthers, en « termes de chemins et de “voies” ». Le penseur médié-val, en un mot, était un voyageur accomplissant un trajet dans son esprit de lieu en lieu, élaborant sa réflexion au fur et à mesure de sa progression (Carruthers 1998, p. 70 ; voir aussi Ingold 2011a [2007], p. 25-27 et 126-127).

Rêves et réalitéJe reviendrai en temps voulu sur cette notion de trajet. Pour le

moment, permettez-moi d’introduire un autre exemple. Parmi les Ojibwas, des chasseurs et trappeurs indigènes du Nord canadien, on dit qu’il existe un oiseau dont le bruit, lorsqu’il fend le ciel, ressemble à celui d’un coup de tonnerre. Peu d’hommes l’ont vu, mais on attri-bue à ceux qui l’ont vu des pouvoirs visionnaires exceptionnels. Selon l’ethnographe Alfred Irving Hallowell, parmi ces quelques per-sonnes se trouvait un garçon d’environ douze ans. Hallowell raconte qu’au cours d’un violent orage, le garçon sortit en courant de sa tente et vit un oiseau étrange posé sur les rochers. Il revint en courant pour appeler ses parents, mais lorsqu’ils arrivèrent, l’oiseau avait disparu. Le garçon était certain qu’il s’agissait de Pinesi, l’Oiseau Tonnerre, mais ses aînés n’étaient pas convaincus. C’est seule-ment quand un homme qui avait rêvé de l’Oiseau confirma la des-cription du garçon que la question fut tranchée et le récit du jeune homme accepté (Hallowell 1960b, p. 32). À l’évidence, Pinesi n’est pas un oiseau ordinaire, tout comme le dragon n’est pas un reptile ordi-naire. Comme le son du tonnerre lui-même, la présence de l’Oiseau Tonnerre se fait sentir non comme un objet du monde naturel, mais comme un phénomène de l’expérience (Ingold 2000a, p. 278-279). C’est la forme incarnée d’un bruit qui résonne à travers l’atmosphère et submerge la conscience de tous ceux qui l’entendent. De la même

peur et il sentait déjà les symptômes qui accompagnaient la désinté-gration de la personne. Le dragon n’était pas la cause objective de la peur, il était la forme même de la peur.

Pour les frères des communautés monastiques, cette peur était tout à fait normale et bien connue de tous, elle était gravée en eux par une rigoureuse discipline spirituelle et corporelle. Pendant leur formation, des histoires et des images de dragons et d’autres monstres tout aussi terrifiants étaient utilisées, non pas comme nous le ferions aujourd’hui, pour créer une zone de confort et de sécurité en reléguant tout ce qui pourrait être effrayant dans l’imagi-naire, mais en insufflant la peur dans l’esprit des novices pour qu’ils en fassent l’expérience, sachent en reconnaître les manifestations et

– par une discipline stricte d’exercices mentaux et corporels – la sur-monter. En tant que forme manifeste d’un sentiment fondamental chez l’homme, le dragon était l’incarnation tangible de ce que signi-fiait « connaître » la peur. Ainsi, dans l’ontologie médiévale, le dragon existait pour autant que la crainte existe, non comme une menace extérieure mais comme une souffrance imprimée au cœur même de la personne qui la subissait. En tant que tel, il était aussi réel que l’expression de son visage ou l’insistance de sa voix. Mais il ne pou-vait être vu ou entendu que par celui qui en était lui-même effrayé. Voilà pourquoi les sauveurs du moine ne virent eux-mêmes aucun dragon. Ils étaient probablement motivés par un sentiment de com-passion, qui pouvait leur faire penser – dans le langage de l’époque – à l’image de la sainteté, d’une lumière irradiante. Dans l’imagination monastique, les saints – comme les dragons – étaient fabriqués à par-tir de fragments de textes et d’images montrées aux novices au cours de leur formation. En ce sens, pour utiliser la formule employée par Mary Carruthers, les saints comme les dragons étaient des « produits de l’imagination » (Carruthers 1998, p. 187). Mais pour les penseurs médiévaux, ces produits, loin d’être isolés à l’écart de la « vie réelle », étaient des expressions de l’expérience humaine, qui était vécues dans un espace de rupture entre le Paradis et l’Enfer.

Le moine de l’histoire était évidemment déchiré entre les deux. Renvoyé du monastère par Benoît, un homme proche de la sainteté, le diable – sous la forme du dragon – l’attendait à l’extérieur. Secouru juste à temps, il fut reconduit à l’intérieur du monastère. L’histoire se déroule donc en suivant un mouvement : de l’intérieur vers l’ex-térieur, puis de nouveau vers l’intérieur. Mais dès le début, nous dit-on, l’esprit du moine avait tendance à s’égarer. D’ailleurs, dans un curieux rebondissement à la fin du récit, Grégoire raconte que, pendant tout ce temps, le moine avait suivi le dragon sans le voir

Page 10: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

marcher avec les dragonsépilogue

342 343

précisément dans cette veine que Kekulé poursuivit son discours, en donnant à son audience le conseil suivant : « Laissez-nous apprendre à rêver, messieurs, peut-être ainsi trouverons-nous la vérité […] Mais prenons garde à ne pas publier nos rêves tant qu’ils n’ont pas été confirmés par une réflexion consciente » (Benfey 1958). De fait, des expérimentations ultérieures réalisées en laboratoire prouvèrent que l’hypothèse de Kekulé était en grande partie fondée, à tel point qu’elle devint une pierre angulaire du champ émergent de la chimie organique, au contraire du rêve lui-même. À la lumière crue du jour, le rêve tomba dans l’oubli. La science concède donc à l’imagination le pouvoir de faire des hypothèses – ou, comme nous le disons, de « sortir des sentiers battus » –, mais seulement en la bannissant de la réalité même dont elle nous offre un aperçu. Pour les Ojibwas, en revanche, c’est le contraire. Pour eux, la vérité des choses n’est pas seulement découverte mais également vérifiée par l’expérience onirique personnelle, raison pour laquelle l’observation du Pinesi par le garçon pouvait être corroborée par le rêve de son aîné. Dans cette quête d’un savoir passant par l’expérience, les puissantes créa-tures non humaines qui habitent le cosmos ojibwa, dont l’Oiseau Tonnerre, ne sont pas des ressources analogiques mais des interlo-cuteurs vivants. Ce cosmos est polyglotte, un mélange de voix par les-quelles différents êtres, dans leurs différentes langues, annoncent leur présence, se font sentir et ont des effets. Pour mener votre vie comme une personne ojibwa vous devez être attentif à ces voix, les écouter et répondre à ce qu’elles vous disent.

Une autre histoire d’Oiseau Tonnerre relatée par Hallowell – qui, il est vrai, lui a été racontée par un informateur – illustre parfaite-ment ce point. L’informateur était assis dans une tente avec un vieil homme et sa femme. Un coup de tonnerre retentit. Le vieil homme se tourna immédiatement vers sa femme. « As-tu entendu ce qui a été dit ? », lui demanda-t-il. « Non, je n’ai pas bien saisi », lui répondit sa femme. Commentant cette discussion, Hallowell remarque que le vieil homme « a réagi à ce bruit de la même manière qu’il aurait réagi à un être humain dont il n’aurait pas compris les paroles » (Hallowell 1960b, p. 34). Mais il ne s’agissait pas d’un simple échec de traduction. Ce n’était pas comme si l’Oiseau Tonnerre avait eu un message pour le vieil homme, et que celui-ci n’avait pas réussi à le saisir à cause de sa maîtrise imparfaite du langage des Oiseaux. « Dans l’ensemble », observe Hallowell, « les Ojibwas ne s’attendent pas à recevoir un message chaque fois qu’un coup de tonnerre retentit. » Il s’est avéré que cet homme, dans sa jeunesse, s’était familiarisé avec l’Oiseau Tonnerre grâce aux rêves qu’il avait fait lors de sa puberté,

manière que les moines, au moment où ils accoururent pour secou-rir leur confrère, ne virent aucun dragon, les parents du garçon n’ob-servèrent aucun Pinesi. Mais s’ils l’avaient vu, l’image de l’oiseau, comme celle d’une puissante sensation auditive, leur aurait été par-faitement familière. L’Oiseau Tonnerre est peut-être un produit de l’imagination, mais c’est une imagination qui imprègne toute l’expé-rience phénoménale.

Souvenons-nous que l’observation du garçon, avait été confir-mée par un rêve. Bacon aurait été mortifié. Pour nous modernes, il est plus courant et bien entendu plus acceptable que les rêves soient confirmés par l’observation. En voici un exemple célèbre : l’histoire racontant la façon dont le chimiste Friedrich August Kekulé décou-vrit la structure de la molécule de benzène, composée d’un anneau de six atomes de carbone. Selon le récit, certes rétrospectif et proba-blement embelli, de Kekulé lui-même – prononcé lors d’un discours au Berlin City Hall célébrant le vingt-cinquième anniversaire de sa découverte –, celle-ci eut lieu une nuit de 1865, alors qu’il se trouvait dans la ville belge de Gand. Il avait veillé tard dans son bureau, étu-diant un manuel. Comme il n’avançait pas beaucoup, il avait tourné sa chaise en direction du feu et s’était assoupi. En rêvant, il vit alors des atomes gambader devant ses yeux et s’entortiller en un mouve-ment évoquant l’ondulation d’un serpent.

« Mais regardez ! Qu’est-ce que c’était ? L’un des serpents s’était emparé de sa propre queue, et la forme s’était mise à tourbillonner de façon moqueuse sous mes yeux. Je me suis réveillé comme si j’avais été saisi par un éclair […]. J’ai passé le reste de la nuit à dégager les conséquences de l’hypothèse » (Benfey 1958, p. 22 ; voir aussi Roberts 1989, p. 75-81).

Peu importe ce que Kekulé a pu sentir au moment de son réveil, nous pouvons être sûrs qu’une fois évanoui l’éclair qui l’avait arra-ché à son sommeil, le serpent tournoyant de son rêve ne fut plus une apparition mais une figure abstraite de la pensée – un serpent avec lequel « il était bon de penser » – susceptible de l’aider à déchif-frer la structure d’une réalité donnée. Le serpent et l’anneau de ben-zène peuvent donc être rangés d’un côté ou de l’autre d’une division ontologique imperméable entre l’imagination et la réalité. C’est ce qui permet à l’un de représenter l’autre de façon métaphorique. La convergence du serpent et de l’anneau renforce la division au lieu de la faire éclater.

L’hypothèse suscitée par le rêve n’est donc qu’une chimère tant qu’elle n’est pas soumise à une vérification empirique. C’est

Page 11: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

marcher avec les dragonsépilogue

344 345

je l’ai déjà observé – la pratique méditative de la lecture des textes liturgiques s’apparentait à une sorte de trajet. Encore et toujours, ils comparaient leurs textes à un terrain à travers lequel il leur fallait se frayer un chemin comme des chasseurs sur une piste, puisant ou s’arrêtant sur les choses sur les choses auxquelles ils se trouvaient confrontés, ou sur les événements dont ils étaient témoins au cours de leur voyage. Le mot latin employé pour décrire les étapes de ce trajet était tractare, dont provient le mot anglais « treatise », au sens de texte écrit. À mesure que les moines avançaient, les différents per-sonnages qu’ils rencontraient sur leur chemin, dont les histoires étaient inscrites sur les pages qu’ils lisaient, leur parlaient avec des paroles de sagesse qu’ils écoutaient et dont ils tiraient les enseigne-ments. Ces paroles étaient nommées voces paginarum, les « voix des pages » (Leclercq 2008, p. 21 ; Olson 1998 [1994], p. 211 et Ingold 2011a [2007], p. 23-25). D’ailleurs, lire était en soi une pratique vocale et les bibliothèques monastiques bourdonnaient des bruits de la lec-ture. Les moines murmuraient les voix des pages, ils engageaient la conversation avec elles comme si elles avaient été audibles. Lire, en son sens médiéval originel, c’était être conseillé par ses voix, ou prendre conseil auprès d’elles, tout comme le vieil Ojibwa aurait été conseillé par la voix de son mentor l’Oiseau Tonnerre si seulement il avait entendu ce qu’il disait8 !

Entouré par les voix des pages à la manière dont le chasseur est entouré par les voix de la terre, le lecteur médiéval suivait une tra-dition. Dans son étude encyclopédique sur la présence des ani-maux dans les mythes, les légendes et la littérature, Boria Sax sou-ligne que le mot « tradition » provient du mot trade, qui signifiait à l’origine « trace ». « Étudier une tradition », écrit Sax, « c’est suivre les traces d’une créature, comme si l’on était un chasseur, dans un loin-tain passé » (Sax 2001, p. x ; je remercie Maan Barua d’avoir attiré mon attention sur cette étude). Chaque créature est son histoire, sa tra-dition, et la suivre, c’est à la fois accomplir un acte de mémoire et s’ouvrir au futur, tout en s’inscrivant dans la continuité des valeurs du passé. Souvent, le nom de la créature est lui-même une histoire condensée ; il suffit alors de le prononcer pour que l’histoire se révèle. Mais elle se révèle également dans les appels ou les vocalisations des créatures elles-mêmes – si elles ont une voix – tout comme dans leur présence et leur activité manifeste et visible (Ingold 2011b, p. 165-175). En tant que nœud dans un écheveau de représentations, d’histoires, d’appels et d’observations, dont aucune n’est ontologiquement

8. Sur le sens de la lecture au début du Moyen Âge, voir Howe 1992.

développant peu à peu une étroite relation de tutelle avec Pinesi (Hallowell 1966, p. 459). Dans le contexte de cette relation, écouter et répondre au tonnerre ne relevait pas de la traduction mais de l’empa-thie ; il s’agissait d’établir une communion de sentiment et d’affect, ou, en résumé, de s’ouvrir soi-même à l’être d’un autre (Ingold 2000a, p. 106 ; voir aussi Gieser 2008) ; et c’est surtout dans le rêve, lorsque les frontières qui entourent le moi dans la vie consciente se dis-solvent, que cette ouverture survient.

Mais un scientifique aussi sérieux que Kekulé n’aurait même pas pu envisager une telle ouverture. Pour lui, la voie menant à la véri-table connaissance ne reposait pas sur un dialogue avec les êtres du monde non humain, mais sur une interprétation précise et litté-rale des faits qui y étaient consignés. Le chercheur qui « suivrait les voies de l’Éclaireur », avertissait Kekulé, « doit prendre note de chaque empreinte, de la courbure de chaque brindille, de chaque feuille sur le sol. Alors, se tenant à l’extrémité atteinte par ses prédécesseurs, il n’aura aucun mal à percevoir où le pied d’un pionnier ultérieur pourra s’appuyer sur un sol solide » (Benfey 1958, p. 23). Le but, tel que Bacon l’avait exposé, était d’offrir « la véritable vision des vestiges et des caractères que l’auteur des choses a imprimés dans ses créa-tures » (Bacon 1800-1803 [1620], p. 71). Il s’agissait de révéler les secrets de la nature. Pour cela, il vous faut une clé, ou plutôt plusieurs clés, afin d’ouvrir les portes les unes après les autres. Le serpent de Kekulé offrait l’une de ces clés, sous la forme d’un anneau. Dans L’Essayeur (1623), Galilée trouva ses propres clés dans les caractères mathéma-tiques, dans les « triangles, cercles et autres figures géométriques » qui composent le langage propre aux mathématiques. « La philoso-phie », écrivait Galilée, « est écrite dans ce vaste livre constamment ouvert devant nos yeux ( je veux dire l’univers), et on ne peut le com-prendre si d’abord on n’apprend à connaître la langue et les carac-tères dans lesquels il est écrit » (Chauviré 1980, p. 141).

Des mots et des œuvresL’idée du livre de l’univers, ou de la nature, est extrêmement

ancienne – elle était aussi courante parmi les penseurs médiévaux qu’elle le fut par la suite pendant l’essor de la science moderne. Elle reposait à l’origine sur une homologie entre le verbe de Dieu (ver-bum dei), s’exprimant dans la rédaction des écritures, et les œuvres de Dieu, se manifestant dans la création du monde et de ses créa-tures. La question était : « Comment les humains pourraient-ils lire ces livres jumeaux ? » (Bono 1995, p. 11). Cette question nous permet de revenir aux moines de l’époque médiévale, pour qui – comme

Page 12: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

marcher avec les dragonsépilogue

346 347

Lire le nouveau livre de la natureAu début du xvie siècle, Martin Luther exhorta ses lecteurs à

abandonner les rêves et les fantaisies qui étaient nés chez leurs pré-décesseurs lorsque ceux-ci essayaient de s’accorder aux voix qui, pen-saient-ils, leur parlaient à travers les pages des manuscrits. Il les incita également à distinguer clairement le sens littéral des mots et leurs interprétations ultérieures (Olson 1998 [1994], p. 177-180). Il n’y avait dès lors plus qu’un pas à franchir pour étendre ce raisonne-ment des mots aux œuvres, c’est-à-dire au livre de la nature. C’est ce que fit Bacon, un siècle plus tard, en insistant sur une distinction absolue entre les rêves de l’imagination et les caractéristiques du monde. Je voudrais attirer l’attention sur trois corollaires découlant de cette transition. Le premier est lié à l’anticipation du futur. Les hommes du Moyen Âge étaient conseillés par les voix de la nature et du monde non humain ; ils suivaient ces conseils et s’appuyaient sur leur propre expérience pour se frayer un chemin dans le futur. Grâce à une sensibilité fondée sur des liens de perception intimes avec leurs environnements, ils pouvaient non seulement parler du passé, mais également prédire le futur. Mais un tel présage, comme le montre Olson, doit être clairement distingué du type de prédiction à laquelle aspire une lecture scientifique du livre de la nature (Olson 1998 [1994], p. 195-196). Car prédire, ce n’est pas ouvrir une voie à tra-vers le monde mais fixer à l’avance un point final. Alors que le pré-sage est guidé par un dialogue avec la nature, la prédiction se livre à des extrapolations à partir de faits observables. Faire appel à ces faits, c’est spéculer sur le futur mais pas voir en lui.

Le deuxième corollaire concerne l’acte. J’ai montré comment, pour les lecteurs du Moyen Âge, l’activité vocale et gestuelle de la lec-ture à voix haute produisait le sens. L’action et la connaissance, dans ce cas précis, étaient tout aussi indissociables que la mastication et la digestion – une analogie que l’on retrouve explicitement dans l’ancienne caractérisation de la pensée comme processus de rumi-nation. Ruminer, c’est cogiter sur les choses – à la manière dont le bétail rumine l’herbe – et digérer leurs significations (Carruthers 2002 [1990], p. 216 ; Ingold 2011a [2007], p. 28). Comme nous l’avons vu, c’est en abordant la lecture sous forme de trajet que les hommes du Moyen Âge lisaient le livre de la nature. La connaissance de la nature se forgeait donc en mouvement, dans le processus même de la recherche. Ce savoir était performatif au sens strict ; il se formait à travers les allées et venues de ceux qui l’habitaient. La lecture en tant qu’acte donnait donc forme à la fois à des mots et à un monde. Comme le démontre clairement le cas des Ojibwas et de l’Oiseau

première ou plus « réelle » qu’une autre, toute créature – pourrions-nous dire – n’est pas tant un être vivant que l’illustration d’une cer-taine manière d’être vivant, chacune de ces manières d’être ouvrant pour le penseur médiéval une voie vers l’expérience de Dieu. Il en allait également de même des lettres et des symboles du manuscrit écrit au VIIe siècle qui, selon Isidore de Séville, permettait au lecteur de réécouter et de garder en mémoire les voix de ceux qui n’étaient pas physiquement présents (Carruthers 2002 [1990], p. 137). Le livre de la nature se reflétait donc dans la nature du livre : une seconde nature composée non d’œuvres mais de mots (Clingerman 2009).

Pour Isidore, la lecture devait se faire en silence. Elle ne pouvait toutefois être entièrement silencieuse puisqu’elle dépendait des mouvements de la bouche et de la gorge : il n’y avait à l’époque pas d’espaces entre les mots d’un manuscrit (Saenger 1982, p. 384). La seule manière de lire était donc de lire à voix haute, de suivre les lignes des lettres à la manière dont on suit les lignes d’une partition, laissant les mots émerger à travers la lecture elle-même. Au xiie et au début du xiiie siècle, un changement eut lieu : le lecteur se mit peu à peu à lire uniquement avec les yeux, sans accompagner sa lec-ture ni par la voix ni par les gestes. Cette transition fut rendue pos-sible par la division de la ligne du texte en mots segmentés, chacun d’entre eux pouvant être saisi au premier regard grâce aux espaces entre chaque mot. Le médiéviste et paléographe Paul Saenger a mon-tré comment, suite à l’adoption de cette lecture silencieuse, les voix des pages sont effectivement devenues muettes (Saenger 1982, p. 378 et 397). Tant que toutes les personnes présentes dans une biblio-thèque monastique lisaient à voix haute, le son de sa propre voix suf-fisait à occulter le son des autres voix. En revanche, comme le sait tout étudiant actuel, lorsqu’une personne essaie de lire en silence, le moindre bruit peut être source de distraction. Le silence en vint à régner à l’intérieur des monastères. À l’extérieur, par contre, dans la société laïque, la lecture orale continua à prédominer jusqu’aux xive et xve siècles. Comme l’a souligné l’historien des sciences cognitives David Olson, c’est la Réforme qui annonça la transition décisive des formes de lecture, de la lecture entre les lignes à la lecture de ce qui est sur les lignes, de la recherche de révélations ou d’« épiphanies » à la découverte du sens littéral unique déposé dans le texte et acces-sible à toute personne disposant de la clé nécessaire pour le dégager (Olson 1998 [1994], p. 168).

Page 13: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

marcher avec les dragonsépilogue

348 349

connus que par leurs traditions, et dont il n’existait aucune preuve dans la nature, furent tout simplement délaissées. Il n’y a ni dragons ni Oiseau Tonnerre dans les taxinomies scientifiques. Non seule-ment ils n’existent pas dans le nouveau livre de la nature, mais ils ne peuvent pas y exister, car leur constitution imaginaire est fondamen-talement incompatible avec un projet de classification. Les dragons, parmi d’autres êtres qui se cabrent et font sentir leur présence sur les routes du monde, peuvent être racontés mais ils ne peuvent pas être catégorisés. Ils ne peuvent évidemment pas non plus être loca-lisés de façon précise, comme sur une carte. De la même manière qu’ils furent délaissés par la taxinomie, les dragons furent, comme le dit Michel de Certeau, « rejetés comme dans les coulisses » d’une cartographie scientifique où il n’y avait pas de place pour les mouve-ments et les itinéraires de la vie (de Certeau 1990 {1980}, p. 179). Cela s’applique évidemment aussi aux aux bruits du tonnerre et aux phé-nomènes impliquant la peur qui ne peuvent pas non plus être clas-sés ou cartographiés, même si cela ne les rend pas moins réels pour une personne effrayée ou piégée au cœur d’une tempête.

Science et silenceManifestement, à mesure que les pages perdaient leur voix avec

l’avènement de l’époque moderne, le livre de la nature était lui aussi plongé dans le silence. Et de fait, il ne nous parle plus et ne nous dit plus rien. Et pourtant, cette nature prétendument silencieuse peut être, et est souvent, un lieu assourdissant. Comme l’observe le philo-sophe Stephen Vogel (2006), le monde de la nature est extrêmement mouvant, et une grande partie de ce mouvement se manifeste en tant que sons : pensez au grondement du tonnerre et au hurlement du vent, au craquement de la glace et au grondement d’une cascade, au bruissement des arbres et aux chants des oiseaux. Nous pouvons éga-lement admettre que d’un certain point de vue, la parole humaine peut être comprise comme une gestuelle vocale, et que la voix mani-feste la présence humaine dans le monde de la même manière que le chant manifeste la présence de l’oiseau et le grondement celle du tonnerre. À ce niveau, la voix, le chant et le tonnerre sont ontologi-quement équivalents : tout comme la voix est l’être humain dans son expression sonore, le chant est l’oiseau et le grondement est le ton-nerre. Mais Vogel soutient que tous ces éléments ne permettent pas de conclure que les entités naturelles conversent réellement avec les êtres humains, et encore moins les unes avec les autres, ceci princi-palement pour deux raisons. Premièrement, pour qu’il y ait conversa-tion, les participants doivent être attentifs et se répondre les uns aux

Tonnerre, dans une forme de connaissance performative – qui suit un processus –, les frontières entre le soi et l’autre, ou entre l’esprit et le monde, ne sont pas figées, elles sont provisoires et foncièrement instables. Dans une science construite dans l’esprit de Bacon, en revanche, connaître n’est plus se joindre au monde par un acte, mais être informé par ce qui est déjà présent face à nous. Plutôt que de chercher à suivre les pistes d’un terrain familier qui se dévoile conti-nuellement, le scientifique cherche à cartographier une terra inco-gnita, c’est-à-dire à découvrir, à travers des processus de décodage et de déchiffrement, ce qui existe déjà dans la réalité. Le livre de la nature ayant été ins-crit par le Créateur dans le langage des choses, la tâche du scientifique – pour Bacon comme pour Galilée – était de dés-ins-crire, ou pour le dire en un mot, de « décrire » ce qui y était écrit (Bono 1995, p. 244). C’est une manière d’acquérir la connais-sance non par une lecture à voix haute mais par un processus d’in-tériorisation. Et au moment où la lecture à voix haute laissa place à l’intériorisation, le monde cessa d’être un conseiller et devint un entrepôt de données qui, en elles-mêmes, n’aidaient en rien à savoir ce qu’il faudrait en faire. Les faits sont une chose, les valeurs en sont une autre, et la source de ces dernières n’est pas dans la nature mais dans la société humaine. La sagesse fut dès lors subordonnée à l’information.

Le troisième corollaire nous ramène à l’idée que les animaux et les autres êtres du monde non humain étaient connus à l’époque médiévale par leurs traditions, que l’on conçevait comme des éche-veaux d’histoires, de représentations et d’observations. Suivre la trace d’un animal dans le livre de la nature, c’était comme suivre la ligne d’un texte. Mais de la même manière que l’introduction de l’es-pace entre les mots fragmenta la ligne en différents segments, les créatures – dans le livre de la nature – apparurent de plus en plus comme des entités séparées et limitées et non comme des lignes de devenir en extension permanente. Il n’était dès lors plus question de suivre la nature comme l’on suit une trace. La nature fut au contraire peu à peu soumise à un processus de classification. Les lignes furent brisées, mais les objets qui prirent leur place pouvaient être classés et ordonnés dans les compartiments de la taxinomie selon la percep-tion que l’on avait de leur ressemblance ou de leur différence. Il était pour la première fois possible de parler des composantes de base de la nature, et non plus de son tissage ou de son architecture. Pour résumer, la nature n’était plus tissée par des lignes, elle était consti-tuée par des éléments. Et les créatures de ce monde naturel n’étaient plus des traditions mais des espèces. Ces créatures qui n’étaient

Page 14: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

marcher avec les dragonsépilogue

350 351

gestes et à la présence humaine dans des formes significatives pour eux comme pour nous (Klenk 2008).

Il est vrai que les non-humains ne peuvent pas comparer leurs per-ceptions de l’environnement avec les humains dans le but commun d’établir la vérité de ce qui est « là-dehors ». Mais insister sur le fait que les conversations ne peuvent prendre que cette forme, soutient Klenk, c’est adopter une conception de la conversation si étroite qu’elle exclurait presque tout ce que nous avons l’habitude d’appe-ler conversation dans le monde humain. Pour la majorité d’entre nous, la plupart du temps, converser, c’est essayer de comprendre ce que les autres nous disent, de « saisir l’histoire correctement », et non de vérifier si cette histoire est vraie (Klenk 2008, p. 333). Les êtres humains qui s’efforcent de rendre par des mots ce que dit la nature sont donc des traducteurs et non des ventriloques. Pour Klenk, c’est précisément ce qui se passe dans la recherche scientifique. Si ce n’était pas le cas, conclut-elle, les interprétations scientifiques seraient de simples fictions créées par le dialogue des hommes entre eux, et non les résultats d’une interaction et d’une observation minutieuse des éléments du monde naturel. Sur ce point, je pense néanmoins que Klenk se trompe. Ou, pour être plus précis, elle se trompe tant que nous restons attachés aux protocoles méthodolo-giques de la science traditionnelle. En tant que pratique spécialisée de la connaissance, l’ambition de la science est de chercher à véri-fier si l’histoire est vraie, et non seulement de la saisir correctement. Depuis Bacon, la science a toujours insisté sur la nécessité de décou-vrir la réalité en elle-même, et donc également sur une stricte sépara-tion entre fait et interprétation. En lisant sur les lignes du livre de la nature, et non entre les lignes, les scientifiques insistent particuliè-rement sur le fait qu’ils n’écoutent pas « les voix de ces êtres avec les-quels ils interagissent », contrairement à Klenk qui pense qu’il s’agit de leur priorité numéro un (Klenk 2008, p. 334)9. Il est au contraire probable que les scientifiques font tout ce qu’ils peuvent pour évi-ter d’écouter, de peur que cela n’interfère avec leurs résultats et n’en compromette l’objectivité.

9. À l’exception des défenseurs de la science goethéenne, pour qui s’enga- ger dans une recherche scientifique, c’est « entrer en conversation avec la nature et écouter ce qu’elle a à dire » (Holdrege 2005). Le mépris dans lequel est tenue l’approche goethéenne par le courant dominant de la science tend néanmoins à en faire l’exception qui confirme la règle.

autres. Les humains sont d’ailleurs attentifs et sensibles aux bruits de la nature ; ils guettent les chants d’oiseaux et sont émus, parfois même terrifiés, par le tonnerre. Mais, s’interroge Vogel, la nature répond-elle aux êtres humains ? « Arrive-t-il que les entités expres-sives de la nature auxquelles nous sommes attentifs et sensibles nous accordent pleinement leur attention […], discutent avec nous et répondent à nos attentes ? » (Vogel 2006, p. 148). Il est convaincu que la réponse est « non ». Les bruits de la nature, suggère-t-il, res-semblent davantage aux ordres d’un monarque indifférent à ses sujets mais les obligeant à obéir. Deuxièmement, une conversation porte nécessairement sur quelque chose (Vogel 2006, p. 151-152). Elle permet à ceux qui y participent de comparer leurs différentes per-ceptions du monde dans le but commun de comprendre comment il est réellement. Les interlocuteurs humains le font, mais ce n’est pas le cas des oiseaux, des arbres, des rivières, du tonnerre et des vents. Ce n’est pas qu’ils soient des interlocuteurs indifférents, mais plutôt qu’ils ne sont pas des interlocuteurs du tout (Vogel 2006, p. 157).

Pour Vogel, quels que soient les bruits que l’on peut y entendre, la nature est silencieuse car elle ne prend pas part aux conversa-tions que nous tenons à son propos. Nous pourrions avoir l’impres-sion que la nature parle, mais c’est une illusion. « J’ai écouté atten-tivement », écrit Vogel, « et je n’ai rien entendu » (Vogel 2006, p. 167). Souvenez-vous du vieil homme Ojibwa et de l’Oiseau Tonnerre. Il pensait que le tonnerre lui parlait, mais n’arrivait pas à com-prendre ce qu’il lui disait. Était-ce du à un problème de traduction, comme semble le suggérer Hallowell ? J’ai soutenu que cela était plu-tôt du à un manque d’empathie. Mais pour Vogel, même si le vieil homme avait compris la parole du tonnerre, il n’aurait réussi ni à la traduire ni à s’y identifier. Il aurait plutôt accompli un acte de ventri-loquie. Tandis que le traducteur exprime la parole d’un autre mais dans sa propre langue, le ventriloque projette ses propres mots sur un objet muet tout en créant l’illusion que c’est l’objet lui-même qui parle (Vogel 2006, p. 162). Cette accusation de ventriloquie est évi-demment au fondement de l’horreur qu’inspire à la science l’an-thropomorphisme, qui amène certaines personnes à affirmer leur empathie pour des créatures non humaines, ou à prétendre qu’elles savent ce qu’elles ressentent. Ces personnes sont accusées de pro-jeter leurs pensées et leurs sentiments sur leurs sujets inconscients. Mais le bien-fondé de cette accusation a été contesté. À l’occasion d’un important débat mené dans les pages de la revue Environmental Values, Nicole Klenk a adopté une position contraire. Elle affirme que les animaux peuvent répondre et répondent de fait à la voix, aux

Page 15: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

marcher avec les dragonsépilogue

352 353

scientifiques – adhèrent-ils à des représentations de la réalité qui sont manifestement fausses10 ? Mais lorsque nous nous demandons si c’est la religion ou la science qui offre la meilleure représentation du monde, nous faisons fausse route, car la véritable question se situe à un autre niveau : nos processus de connaissance et d’imagi-nation s’inscrivent-ils dans un engagement existentiel avec le monde dans lequel nous nous trouvons ? Comparer la religion et la science en interrogeant leur approche respective d’une réalité à laquelle nous sommes nous-mêmes entièrement indifférents, c’est répondre par la négative ; en d’autres termes, c’est supposer que lorsque nous délibérons consciemment, que ce soit à un niveau religieux ou scien-tifique, le monde ne nous doit rien, et que nous ne lui devons rien non plus. Mais si, d’un autre côté, nous devons notre existence au monde, et si le monde, au moins dans une certaine mesure, nous doit son existence, ne devons-nous pas plutôt nous interroger sur la nature de ces engagements et de cette réciprocité ? De quelle manière les savoirs et l’imagination nous permettent-ils, ainsi qu’aux créa-tures qui nous entourent, d’être ? Car c’est sûrement dans leur rejet à l’intérieur de l’être – c’est-à-dire dans la reconnaissance, comme le dit l’anthropologue Stuart McLean, d’une continuité essentielle entre le « fonctionnement de l’imagination humaine » et « les proces-sus qui forment et transforment l’univers matériel » – que l’on peut trouver le fond commun entre la religion et la science (McLean 2009).

C’est sur ce point que Klenk pourrait, après tout, avoir raison. Toute science repose sur l’observation, et l’observation elle-même repose sur une association étroite et immédiate, dans la perception et dans l’action, entre l’observateur et ces objets du monde qui sont l’objet de son attention (Ingold 2011b, p. 75). La caractéristique la plus frappante de la science moderne, c’est peut-être l’ampleur avec laquelle elle a nié et occulté les engagements pratiques et observa-tionnels sur lesquels elle repose. Mettre l’accent sur ces engagements (être attentif aux pratiques de la science et non à ses prescriptions formelles), c’est réhabiliter ces protocoles expérientiels et perfor-matifs tacites et méconnus qui ont été délaissés ou « rejetés dans

10. La littérature de plus en plus abondante consacrée à ce casse-tête pose le problème en ces termes : pourquoi l’imagination humaine est-elle dispo-sée à créer des représentations d’entités qui, si elles existaient – comme les esprits –, violeraient les principes fondamentaux de la causalité physique ou biologique (voir par exemple Boyer 2000). Selon la perspective que nous défendons ici, cette littérature qui considère la religion comme une illusion cognitive n’est absolument pas convaincante.

Connaître en étantJ’affirme qu’il y a dans la vision moderne du monde une véritable

ressemblance entre le livre de la nature et la nature du livre : l’un comme l’autre sont des œuvres achevées dont les contenus peuvent être lus par ceux qui ont les clés pour les déchiffrer. Cette ressem-blance repose sur l’idée suivante : ils peuvent tous deux être lus en silence, non pas au cours d’une conversation où les différents par-ticipants ne cessent de s’ouvrir les uns aux autres et dont les his-toires s’entrelacent, mais comme un ensemble de résultats qui – ren-dus inertes et impassibles, dans des formes objectives et objectivées

– nous ont tourné le dos, n’offrant à notre examen que ce que Mae-Wan Ho a appelé une « surface de littéralité opaque, plate et gelée » (Ho 1991, p. 348). Pour la science, les faits correspondent à ce que nous appelons les « données ». Mais le monde ne fait pas don de lui-même à la science comme s’il y était obligé par une forme d’engage-ment. Ce qui est « donné », dans la science, c’est précisément ce qui est sorti de la circulation pour devenir une sorte de résidu, débar-rassé du mouvement de la vie. C’est ce résidu – pressé, trié et purifié – qui est soumis à un processus d’analyse, dont les résultats finaux apparaissent sur une page écrite sous la forme de mots, de figures et de diagrammes. La connaissance se crée ainsi sous la forme d’une couverture, à l’extérieur de l’être. Après avoir plongé le monde dans le silence, nous puisons nos connaissances dans le silence du livre. Le concept même d’homme, dans sa forme moderne, exprime le dilemme d’une créature qui ne peut connaître le monde dont elle fait partie qu’en le quittant. Pourtant, nous habitons le monde en nous déplaçant à travers lui et non en parcourant sa surface exté-rieure. Dans cette expérience, notre connaissance ne résulte pas d’une accumulation extérieure ; elle se développe et se déploie de l’intérieur même de notre être terrestre. Nous nous développons dans le monde de la même manière que le monde se développe en nous. Il est possible que cette fondation de la connaissance à l’inté-rieur de l’être soit au cœur de la sensibilité que nous avons tendance à appeler « religieuse ».

Mais n’était-ce pas au nom de la religion que les leaders de la Réforme insistèrent sur la nécessité d’inverser la relation entre la connaissance et l’être ? En mettant l’accent sur la vérité litté-rale des mots et des œuvres, la religion des réformistes cédait face à la science alors même qu’elle prétendait s’en détacher. Car dans toute dispute concernant les faits, il est inévitable que la science gagne et que la religion perde. Une énigme demeure néanmoins : pourquoi les hommes – y compris, il faut le dire, de nombreux

Page 16: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

marcher avec les dragonsépilogue

354 355

une mission pour transmettre la foi anglicane aux hommes de la région de la rivière McKenzie. Tout au long des décennies suivantes, McDonald travailla sans relâche à introduire les enseignements chrétiens dans les communautés autochtones Gwich’in. Beaucoup d’hommes et de femmes qu’il rencontra au cours de ses voyages l’ai-dèrent à transcrire les textes liturgiques dans leur propre langage, connu à l’époque sous le nom de Tadukh. McDonald consacra sa vie à la traduction de la Bible et n’acheva pas ce travail avant 1898.

La Bible Tadukh fut chaleureusement accueillie par les Gwich’in, mais sa réception ne fut pas exactement celle que McDonald avait souhaité. À la différence de ses rivaux de la mission catholique, qui adoptaient une attitude plutôt détendue, McDonald était imprégné des traditions de l’église réformée et pensait que la Bible devait être lue au sens littéral, comme l’expression d’une vérité unique non sus-ceptible d’être discutée. À son grand désarroi, cependant, beaucoup d’hommes Gwich’in – parmi lesquels bon nombre de ses propres élèves – commencèrent à avoir des visions au cours desquelles, leur semblait-il, les pages de la Bible leur parlaient, délivrant des ins-tructions et révélant des prophéties. Ces pages parlaient avec les voix de leurs aînés, celles des personnes avec lesquelles McDonald avait travaillé pour traduire le texte (leurs idiosyncrasies dialec-tales s’étaient même incorporées au texte), et même avec la propre voix de McDonald. Pour les Gwich’in, lire la Bible, c’était engager la conversation avec ces aînés, écouter leurs voix, leur enseignement, et apprendre. McDonald était pour sa part extrêmement mécontent, et il se sentit obligé de dénoncer les « fausses prophéties » qui étaient débitées par certains (Loovers 2010, p. 117). Mais la discordance entre ces différentes manières de lire ne se réduisait pas à la Bible. Elle a continué à se manifester dans d’autres contextes, tout particulière-ment dans l’interprétation des traités et des accords sur les reven-dications territoriales rédigés avec des représentants du gouverne-ment canadien. Dans ces cas-là, la consternation était du côté des Gwich’in, qui étaient surpris de découvrir que des documents grâce auxquels ils pensaient établir un dialogue avec ceux dont les voix y étaient exprimées, étaient considérés par la bureaucratie comme des textes figés, silencieux et inflexibles (Loovers 2010, p. 138).

Loovers montre avec élégance qu’une discordance identique se retrouve dans les différentes manières de lire la terre. Pour les colons, les explorateurs, les scientifiques et tous ceux qui sont venus sur cette terre depuis l’extérieur, que ce soit pour la civiliser, la déve-lopper, y mener des recherches ou en apprécier la beauté naturelle, il ne faisait aucun doute qu’elle soit une présence immuable et figée,

les coulisses » par les conceptualisations scientifiques. N’oublions pas le conseil d’August Kekulé : « suivre les voies de l’Éclaireur, c’est prendre note de chaque trace, de la courbure de chaque brindille, de chaque feuille sur le sol. » Dans leur pratique, les scientifiques sont des éclaireurs autant que les hommes de foi, ils marchent inévita-blement là où d’autres ont marché avant eux, toujours attentifs aux bruissements et aux chuchotements de leur environnement. Les scientifiques ne s’intéressent pas seulement aux formes finales des choses, ils cherchent à pénétrer au cœur des processus de leur for-mation. Ce faisant, ils ne se contentent pas de recueillir ce que le monde leur offre, ils l’acceptent. Ils peuvent, par égard pour les pro-tocoles officiels, feindre de ne pas écouter les voix des êtres qui les entourent, mais ils doivent cependant les écouter s’ils veulent aller au-delà de la simple collecte d’informations et comprendre réelle-ment le monde. Que cela nous plaise ou non, ils sont eux aussi rede-vables au monde. C’est dans cette pratique plus humble, et non en s’arrogeant la capacité exclusive à représenter une réalité don-née, que la recherche scientifique se rapproche de la sensibilité reli-gieuse comme une forme de connaissance dans l’être. C’est la voie de l’imagination.

La Bible et la terrePermettez-moi de conclure par un nouvel exemple issu de l’eth-

nographie du nord circumpolaire et provenant d’une récente étude menée par Peter Loovers parmi les Teetl’it Gwich’in, peuple vivant à et autour de Fort McPherson, dans les territoires du Nord-Ouest du Canada (Loovers 2010)11. Cette étude est exceptionnelle car elle asso-cie une description sensible de la manière dont les gens entrent en relation avec leur environnement lorsqu’ils chassent, piègent et se déplacent sur la terre et sur l’eau, à une histoire détaillée des rela-tions des Gwich’in avec l’écrit – surtout à travers la traduction et la réception de la Bible chrétienne. L’immense travail de traduction de la Bible fut entrepris par Archdeacon Robert McDonald. Né en 1829 d’un père écossais – employé de la Compagnie de la baie d’Hud-son – et d’une mère ojibwa, McDonald fut éduqué à l’école de la mission anglicane du village de Red River. Il officia pendant près d’une décennie parmi les Ojibwas avant de s’engager, en 1862, dans

11. J’ai eu la chance de superviser le travail de Peter – avec mon collègue David Anderson – et c’est en l’aidant à rassembler les chapitres de sa thèse sur les liens entre la lecture, l’écriture, la vie et la terre que j’ai eu pour la pre-mière fois l’idée de cet article.

Page 17: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

marcher avec les dragonsépilogue

356 357

et transportée dans la rue sur le dos du dragon. Le père de Billy, de retour du travail, est surpris de découvrir que sa maison a disparu. Mais un voisin lui vient en aide et lui indique la direction qu’elle a suivie. Au moment où la famille finit par se réunir, la mère de Billy a reconnu à contrecœur que le dragon, après tout, existait peut-être. Le dragon commence alors immédiatement à rétrécir jusqu’à ce qu’il ait retrouvé une taille raisonnable. « Les dragons de cette taille ne me dérangent pas », reconnaît Mrs Bixbee alors qu’elle est confortable-ment assise dans un fauteuil en train de le caresser.

La morale de cette histoire, bien entendu, est que des pro-blèmes qui sont initialement sans importance – si nous avons peur de les reconnaître ou de les désigner par leur nom, par peur d’en-freindre les normes de la conduite rationnelle – peuvent s’aggraver au point de bouleverser notre vie sociale ordinaire. Je pense qu’il y a aujourd’hui un dragon parmi nous, et qu’il grandit dans de telles proportions qu’il devient de plus en plus difficile d’adopter un mode de vie durable. Ce dragon habite la rupture que nous avons créée entre le monde et notre imagination. Nous savons d’expérience que cette rupture n’est pas viable, mais nous refusons de reconnaître son existence car cela nous obligerait à remettre en cause la rationa-lité scientifique conventionnelle. J’estime que cette reconnaissance aurait dû avoir lieu depuis longtemps. J’ai suggéré dans cet article que l’étude du monachisme médiéval et de ce que l’on appelle les ontologies indigènes pourrait nous aider à lire et à écrire autrement, et ainsi à prendre à nouveau conseil auprès des voix des pages et de celles du monde qui nous entoure, à écouter et à s’instruire de ce qu’elles nous disent, et à réparer la rupture entre l’être et la connais-sance. Cette réparation doit être une première étape vers l’adoption d’un mode de vie plus durable. Alors, peut-être, le dragon se calmera.

attendant d’être découverte, expliquée et peut-être transformée par les mains et les esprits des hommes. La position des Gwich’in est en revanche assez différente. Lire la terre, pour eux, c’est être attentif aux multiples indices qui révèlent les activités et les intentions de ses divers habitants humains et non humains. Ces indices, nous dit Loovers, « comprennent les mouvements des animaux, les pistes, les anciens et les nouveaux campements ou cabanes, les traces sur le sol, le bois, les conditions de la neige et de la glace en hiver, les rives des rivières en été, et des lieux où des événements ont eu lieu » (Loovers 2010, p. 300). Ou qu’ils aillent, les Gwich’in écoutent, assimilent, apprennent, consultent la terre. C’est une enseignante, et pas seule-ment un dépôt dans lequel peuvent être extraits des matériaux des-tinés à la construction d’un savoir propositionnel. La terre s’adresse donc aux hommes à travers de nombreuses voix, exactement comme la Bible. Devons-nous alors suivre Archdeacon McDonald et conclure comme lui que cette manière de lire la terre est fausse, ou soutenir qu’elle repose sur des illusions auxquelles les peuples autochtones, prétendument primitifs, ont toujours été soumis aux yeux des occi-dentaux ? Même McDonald, avec son éducation ojibwa, savait que les interprétations indigènes ne se réduisaient pas à cela. C’est aussi, à la lumière de ce que nous avons soutenu dans ce texte, notre cas.

ÉpilogueLes dragons ça n’existe pas. C’est le titre d’un des grands clas-

siques de la littérature pour enfants, écrit par Jack Kent (2011 [1976]). Il raconte l’histoire d’un petit garçon, Billy Bixbee, qui se réveille un matin et découvre un dragon dans sa chambre. Il est assez petit, et remue sa queue de façon plutôt amicale. Billy va prendre le petit déjeuner avec le dragon, qu’il présente à sa mère. « Les dragons ça n’existe pas », déclare-t-elle d’un ton ferme tout en continuant à pré-parer des pancakes pour le petit déjeuner. Billy s’assied à la table du petit déjeuner tandis que le dragon s’assied sur la table. Il n’est nor-malement pas permis de s’asseoir sur la table dans la maison des Bixbee, mais il n’y a rien à faire, car si les dragons n’existent pas, vous ne pouvez pas leur dire de descendre de la table. Le dragon a faim et mange la plupart des pancakes, mais cela ne dérange pas Billy. Alors que sa mère continue à ignorer le nouvel arrivant, le dragon com-mence à grandir. Il n’arrête plus de grandir. Il occupe bientôt toute l’entrée, et la mère de Billy a du mal à nettoyer la maison car elle ne peut plus aller d’une chambre à l’autre qu’en passant par les fenêtres. Toutes les portes sont bloquées. Le dragon continue de grandir – il est désormais aussi grand que la maison. Puis la maison est soulevée

Page 18: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

359

bibliographie

Agamben, G. (2006 [2002]), L’Ouvert : de l’homme et de l’animal, Paris, Payot & Rivages.

Alberti, L. B. (2004 [1485]), L’Art d’édifier, texte traduit du latin, présenté et annoté par Pierre Caye et Françoise Choay, Paris, Éditions du Seuil.

— (2007 [1436]), De Pictura, Paris, Éditions Allia.Alexander, C. (1971 [1964]), De la synthèse de la forme: essai, Paris, Dunod.Alexander, R. D. (1974), « The evolution of social behaviour », Annual Review

of Ecology, Evolution, and Systematics, vol. 5, p. 325-383.Alpers, S. (1990 [1983]), L’Art de dépeindre : la peinture hollandaise au xviie siè-

cle, Paris, Gallimard.Altmann, S. A. (1965), « Sociobiology of rhesus monkeys. II: Stochastics of

social communication », Journal of Theoretical Biology, vol. 8, p. 490-522.Anderson, D. (2000), Identity and ecology in Arctic Siberia, Oxford, Oxford

University Press.Ardener, E. (1985), « Social anthropology and the decline of modernism », in

Reason and morality, éd. par J. Overing, Londres, Tavistock. Bacon, F. (1800-1803 [1620]), Œuvres de François Bacon, traduites par Ant.

Lasalle, avec des notes critiques, historiques et littéraires..., t. 1, Dijon, imprimerie de L. N. Frantin.

Barber, K. (2007), « Improvisation and the art of making things stick », in Creativity and cultural improvisation, éd. par E. Hallam & T. Ingold, Oxford, Berg, p. 25-41.

Barnes, B. & Bloor, D. (1982), « Relativism, rationalism and the sociology of knowledge », in Rationality and relativism, éd. par M. Hollis & S. Lukes, Oxford, Blackwell.

Page 19: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

bibliographiebibliographie

360 361

Boyer, P. (2000), « Functional origins of religious concepts: ontological and strategic selection in evolved minds », Journal of the Royal Anthropological Institute, vol. 6 (2), p. 195-214.

Brand, S. (1994), How buildings Llearn: what happens to them after they’re built, Harmondsworth, Penguin.

Brightman, R. (1993), Grateful prey: Rock Cree human-animal relationships, Berkeley, University of California Press.

Brookfield, H. C. (1969), « On the environment as perceived », Progress in Geography, vol. 1, p. 53-80.

Brown, D. E. (1991), Human universals, New York, McGraw Hill.Bryson, N. (2003), « A walk for walk’s sake », in The stage of drawing: gesture

and act, éd. par C. de Zegher, Londres, Tate Publishing ; New York, The Drawing Center, p. 149-158.

Campbell, D. T. (1975), « On the conflicts between biological and social evo-lution and between psychology and moral tradition », American Psycholo-gist, vol. 30, p. 1103-1126.

Carpenter, E. (1968 [1966]), « La création d’images dans l’art arctique », in Signe, image, symbole, éd. par G. Kepes, Bruxelles, Connaissances, p. 160-179.

Carruthers, M. (1998), The craft of thought: meditation, rhetoric and the making of images, 400-1200, Cambridge, Cambridge University Press.

— (2002 [1990]), Le Livre de la mémoire. La mémoire dans la culture médiévale, Paris, Macula.

Cassirer, E. (1975 [1944]), Essai sur l’homme, Paris, Éditions de Minuit.Cavalli-Sforza, L. L. & Feldman, M. W. (1981), Cultural transmission and

evolution: a quantitative approach, Princeton, Princeton University Press.Chomsky, N. (1980 [1968]), Le Langage et la pensée, Paris, Petite bibliothèque

Payot.Clark, A. (1997), Being there: putting brain, body and the world together again,

Cambridge (Mass.), M.I.T. Press.Clark, J. D. (1990), The common heritage. The significance of hunter-gatherer

societies for human evolution, Canberra, Australian National University. Clifford, J. (1990), « Notes on (field)notes », in Fieldnotes: the making of

anthropology, éd. par R. Sanjek, Ithaca, Cornell University Press, p. 47-70.Clingerman, F. (2009), « Reading the book of nature: a hermeneutical

account of nature for philosophical theology », Worldviews: Global Reli-gions, Culture, Ecology, vol. 13 (1), p. 72-91.

Cloak, F. T. (1975), « Is a cultural ethology possible? », Human Ecology, vol. 3, p. 161-182.

— (1977), « Comment on W. H. Durham: “The adaptive significance of cultural behaviour” », Human Ecology, vol. 5, p. 49-52.

Cohen, A. P. (1985), The symbolic construction of community, Londres, Tavistock.

Bateson, G. (1995 [1973]), Vers une écologie de l’esprit, t. 1, Paris, Éditions du Seuil.

— (2008 [1973]), Vers une écologie de l’esprit, t. 2, Paris, Éditions du Seuil.— (1984 [1980]), La Nature et la pensée, Paris, Éditions du Seuil.Beattie, J. (1972 [1964]), Introduction à l’anthropologie sociale, Paris, Payot.Benfey, O. T. (1958), « August Kekulé and the birth of the structural theory

of organic chemistry in 1858 », Journal of Chemical Education, vol. 35 (1), p. 21-23.

Berger, J. (2005), Berger on drawing, éd. par J. Savage, Cork, Occasional Press.

Bergson, H. (1962 {1907}), L’Évolution créatrice, Paris, Éditions Rombaldi.— (1993 {1896}), Matière et mémoire, Paris, Presses Universitaires de France. Berlin, B., Breedlove, D. & Raven, P. (1973), « General principles of classification

and nomenclature in folk biology », American Anthropologist, vol. 75, p. 214-242.Billeter, J.-F. (1989), L’Art chinois de l’écriture, Genève, Skira. Blier, S. P. (1987), The anatomy of architecture, Cambridge, Cambridge Uni-

versity Press.Bloch, M. (1991), « Language, anthropology and cognitive science », Man

(ns), vol. 26, p. 183-198.— (2005), Essays on cultural transmission, Oxford, Berg.Boas, F. (1936), « History and science in anthropology: a reply », American

Anthropologist, vol. 38, p. 137-141.— (1940), Race, language and culture, New York, Free Press.— (2003 [1927]), L’Art primitif, Paris, Adam Biro.Bock, K. E. (1980), Human nature and history. A response to sociobiology, New

York, Columbia University Press.Bohm, D. (1990 [1980]), La Plénitude de l’univers, Paris, Le Rocher.Bono, J. J. (1995), The word of God and the languages of man: interpreting nature

in early modern science and medicine, Madison, University of Wisconsin Press.

Boon, J. A. (1982), Other tribes, other scribes, Cambridge, Cambridge University Press.

Botscharow, L. J. (1990), « Paleolithic semiotics: behavioral analogs to speech in Acheulean sites », in The life of symbols, éd. par M.L. Foster & L.J. Botscharow, Boulder, Colorado Westview Press.

Bourdieu, P. (1977 [1972]), Outline of a theory of practice, Cambridge, Cam-bridge University Press.

Boyd, R. & Richerson, P. J. (1978), « A dual inheritance model of the human evolutionary process, I: basic postulates and a simple model », Journal of Social and Biological Structures, vol. 1, p. 127-154.

— (1985), Culture and the evolutionary process, Chicago, University of Chicago Press.

Page 20: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

bibliographiebibliographie

362 363

— (1994), « Sociality among humans and non-human animals », in Compa-nion encyclopedia of anthropology. Humanity, culture and social life, éd. par T. Ingold, Londres, Routledge, p. 756-782.

Durham, W. H. (1979), « Towards a coevolutionary theory of human bio-logy and culture », in Evolutionary biology and human social behaviour: an anthropological perspective, éd. par N. A. Chagnon & W. Irons, North Sci-tuate, Duxbury Press.

— (1991), Coevolution. Genes, culture and human diversity, Stanford, Stanford University Press.

Durkheim, E. (1914), « Le dualisme de la nature humaine et ses conditions sociales », Scientia, vol. xv, p. 206-221.

— (1998 {1912}), Les Formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, Les Presses universitaires de France.

— (2010 {1894}), Les Règles de la méthode sociologique, Paris, Flammarion.Eisenberg, L. (1978), « The “human” nature of human nature », in The

sociobiology debate, éd. par A. L. Caplan, New York, Harper & Row.Elden, S. (2006), « Heidegger’s animals », Continental Philosophy Review,

vol. 39, p. 273-291.Elkins, J. (1996), The object stares back: on the nature of seeing, New York,

Simon & Schuster.— (2000), What painting is, Londres, Routledge. Ellen, R. F. (1982), Environment, subsistence and system: the ecology of small-

scale social formations, Cambridge, Cambridge University Press.Evans, F. T. (1998), « Two legs, thing using and talking: the origins of the crea-

tive engineering mind », Artificial Intelligence and Society, vol. 12, p. 185-213.Evans-Pritchard, E. E. (1950), « Social anthropology: past and present »,

Man, vol. 198, p. 118-124.— (1961), Anthropology and history, Manchester, Manchester University Press.— (1969 [1951]), Anthropologie sociale, Paris, Payot.Fabian, J. (2006 [1983]), Le Temps et les autres : comment l’anthropologie cons-

truit son objet, Toulouse, Anacharsis.Feit, H. (1973), « The ethnoecology of the Waswanipi Cree: or how hunters

can manage their resources », in Cultural ecology: readings on the Cana-dian Indians and Eskimos, éd. par B. Cox, Toronto, McClelland and Stewart, p. 115-125.

Flusser, V. (1999), The shape of things: a philosophy of design, Londres, Reaktion.

— (2002 [1999]), Petite philosophie du design, Belval, Circé.Foley, R. (1987), Another unique species: patterns in human evolutionary eco-

logy, Londres, Longman.Frampton, K. (1995), Studies in tectonic culture: the poetics of construction in

nineteenth and twentieth century architecture, Cambridge (Mass.), M.I.T. Press.

Collingwood, R. G. (1946), The idea of history, Oxford, Clarendon Press.Cooney, G. (2003), « Introduction : seeing the land from the sea », World

Archaeology, vol. 35 (3), p. 323-328.Costall, A. (1985), « Specious origins? Darwinism and developmental

theory », in Evolution and developmental psychology, éd. par G. Butterworth et al., Brighton, Harvester Press.

Cribb, R. (1991), Nomads in archaeology, Cambridge, Cambridge University Press.

Cutting, J. E. (1982), « Two ecological perspectives: Gibson vs. Shaw and Tur-vey », American Journal of Psychology, vol. 95, p. 199-222.

Darwin, C. (1870 [1862]), De la fécondation croisée des orchidées par les insectes et des bons résultats du croisement, Paris, C. Reinwald.

— (1891), La Descendance de l’homme et la sélection sexuelle (troisième édition), Paris, C. Reinwald.

— (2008 [1859]), L’Origine des espèces, Paris, GF Flammarion.Dawkins, R. (1978 [1976]), Le Gène égoïste, Paris, Éditions Mengès.— (1989 [1986]), L’Horloger aveugle, Paris, Robert Laffont.de Certeau, M. (1990 {1980}), L’Invention du quotidien, t. 1, Paris, Gallimard.Deleuze, G. & Guattari, F. (2009 {1980}), Mille Plateaux : capitalisme et schi-

zophrénie, Paris, Éditions de Minuit. Dent, C. H. (1990), « An ecological approach to language development.

An alternative functionalism », Developmental Psychobiology, vol. 23, p. 679-703.

Descola, P. (2005), « On anthropological knowledge », Social Anthropology, vol. 13 (1), p. 65-73.

Dewey, J. (1976 [1898]), Lectures on psychological and political ethics, New York, Hafner Press.

Dobzhansky, T. (1966 [1962]), L’Homme en évolution, Paris, Flam- marion.

Douglas, M. (2001 [1966]), De la souillure: essai sur les notions de pollution et de tabou, Paris, La Découverte.

Dreyfus, H. L. (1991), Being-in-the-world: a commentary on Heidegger’s “Being and Time, Division I”, Cambridge (Mass.), M.I.T. Press.

Dreyfus, H. L. & Dreyfus, S. E. (1986), Mind over machine, New York, Free Press.

Dumont, L. (1983), Essais sur l’individualisme : une perspective anthropolo-gique sur l’idéologie moderne, Paris, Éditions du Seuil.

Dunbar, R. I. M. (1987a), « Review of P. J. Gray: Primate sociobiology », Man (NS), vol. 22, p. 179.

— (1987b), « Darwinizing man: a commentary », in Human reproductive beha-viour: a Darwinian perspective, éd. par L. L. Betzig et al., Cambridge, Cam-bridge University Press.

Page 21: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

bibliographiebibliographie

364 365

Gould, S. J. & Vrba, E. S. (1982), « Exaptation – a missing term in the science of form », Palaebiology, vol. 8, p. 4-15.

Greenwood, J. B. (1997), The mark of social, Lanham, Rowman & Littlefield.Griffin, D. R. (1984), Animal thinking, Cambridge, Harvard University Press.Groves, C. P. & Sabater Pi, J. (1985), « From ape’s nest to human fix point »,

Man (ns), vol. 20, p. 22-47.Gudeman, S. (1986), Economics as culture: models and metaphors of livelihood,

Londres, Routledge & Kegan Paul.Guss, D. M. (1989), To weave and sing: art, symbol and narrative in the South

American rain forest, Berkeley (Californie), University of California Press.Hägerstrand, T. (1976), « Geography and the study of the interaction

between nature and society », Geoforum, vol. 7, p. 329-334.Hallowell, A. I. (1955), Culture and experience, Philadelphie, University of

Pennsylvania Press.— (1960a), « Self, society and culture in phylogenetic perspectives », in Evolu-

tion after Darwin – Vol. ii: The evolution of man, éd. par S. Tax, Chicago, Chicago University Press.

— (1960b), « Ojibwa ontology, behavior and world view », in Culture in history: essays in honor of Paul Radin, éd. par S. Diamond, New York, Columbia University Press.

— (1966), « The role of dreams in Ojibwa culture », in Contributions to anthropo- logy: selected papers of A. Irving Hallowell, éd. par R. D. Fogelson, F. Eggan, M. E. Spiro, G. W. Stocking, A. F. C. Wallace & W. E. Washburn, Chicago, University of Chicago Press, p. 449-474.

Hannerz, U. (1993), « Mediations in the global ecumene », in Beyond bounda-ries: understanding translation and anthropological discourse, éd. par Gisli Palsson, Providence, berg, p. 41-57.

Haraway, D. J. (1976), Crystals, fabrics and fields: metaphors of organicism in twentieth-century developmental biology, Cambridge, Cambridge Univer-sity Press.

Harpending, H., Rogers, A. & Draper, P. (1987), « Human sociobiology », Yearbook of physycal Anthropology, vol. 30, p. 127-150.

Harris, R. (1980), The language-makers, Londres, Duckworth.Harrison, P. (2007), « The space between us: opening remarks on the

concept of dwelling », Environment and planning D: society and space, vol. 25, p. 625-647.

Harvey, J. (1974), Cathedrals of England and Wales, Londres, B. T. Batsford.Hediger, H. (1977), “Nest and home”, Folia Primatologica, vol. 28, p. 170-187.Heidegger, M. (1971), Poetry, language, thought, New York, Harper and Row.— (1978 [1954]), Essais et conférences, Paris, Gallimard.— (1992 [1929]), Les concepts fondamentaux de la métaphysique : monde, finitude,

solitude, Paris, Gallimard.

French, M. J. (1988), Invention and evolution: design in nature and enginee-ring, Cambridge, Cambridge University Press.

Frisch, K. von (1975 [1974]), Architecture animale, Paris, Albin Michel.Galilée (1980 [1623]), L’Essayeur, trad. par C. Chauviré, Paris, Les Belles

Lettres.Geertz, C. (1964), « The transition to humanity », in Horizons of anthropology,

éd. par S. Tax, Chicago, Aldine.— (1973), The interpretation of cultures, New York, Basic Books.— (1983), Bali : interprétation d’une culture, Paris, Gallimard.Gell, A. (1979), « The Umeda language-poem », Canberra Anthropology, vol. 2

(1), p. 44-62.— (2009 [1998]), L’Art et ses agents, une théorie anthropologique, Dijon, Les

presses du réel, coll. « Fabula ».Gibson, J. J. (1979), The ecological approach to visual perception, Boston,

Houghton Mifflin.— (1982), Reasons for realism: selected essays of James J. Gibson, éd. par E. Reed

& R. Jones, Hillsdale (New Jersey), Lawrence Erlbaum.Giddens, A. (1979), Central problems in social theory, Londres, Macmillan.Gieser, T. (2008), « Embodiment, emotion and empathy: a phenomeno-

logical approach to apprenticeship learning », Anthropological Theory, vol. 8 (3), p 299-318.

Gladwin, T. (1964), « Culture and logical process », in Explorations in cultural anthropology, éd. par W. H. Goodenough, New York, McGraw-Hill, p. 167-177.

Gluckman, M. (1967), « Introduction », in The craft of social anthropology, éd. par A. L. Epstein, Londres, Tavistock.

Godelier, M. (1984), L’Idéel et le matériel, Paris, Fayard.Goodman, N. (2006 [1978]), Manières de faire des mondes, Paris, Gallimard,

coll. « Folio ».Goodwin, B. C. (1982), « Biology without Darwinian spectacles », Biologist,

vol. 29, p. 108-112.— (1984), « A relational or field theory of reproduction and its evolutionary

implications », in Beyond neo-Darwinism: an introduction to the new evolutio-nary paradigm, éd. par M-W. Ho & P. T. Saunders, Londres, Academic Press.

— (1988), « Organisms and minds: the dialectics of the animal-human inter-face in biology », in What is an animal?, éd. par T. Ingold, Londres, Unwin Hyman.

Gordon, D. (1987), « The dynamics of group behaviour », in Perspectives in ethology, vol. 7, « Alternatives », éd. P. P. G. Bateson & P. H. Klopfer, New York, Plenum.

Gosden, C. (1994), Social being and time, Oxford, Blackwell.— (2005), « What do objects want? », Journal of Archaeological Method and

Theory, vol. 12 (3), p. 193-211.

Page 22: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

bibliographiebibliographie

366 367

— (1986b), Evolution and social life, Cambridge, Cambridge University Press.— (1988), « The animal in the study of humanity », in What is an animal?, éd.

par T. Ingold, Londres, Unwin Hyman.— (1989), « The social and environmental relations of human beings and other

animals », in Comparative socioecology, éd. par V. Standen & R. A. Foley, Oxford, Blackwell Scientific.

— (1991), « Becoming persons: consciousness and sociality in human evolu-tion », Cultural Dynamics, vol. 4, p. 365-378.

— (1992a), « Culture and the perception of the environment », in Bush base: forest farm. Culture, environment and development, éd. par E. Croll & D. Par-kin, Londres, Routledge, p. 39-56.

— (1992b), « Foraging for data, camping with theories: hunter-gatherers and nomadic pastoralists in archaeology and anthropology », Antiquity, vol. 66, p. 790-803.

— (1993), « The reindeerman’s lasso », in Technological choices: transformation in material cultures since the Neolithic, éd. P. Lemonnier, Londres, Rout-ledge, p. 108-125.

— (1996), « Human worlds are culturally constructed: against the motion (i) », in Key debates in anthropology, éd. par T. Ingold, Londres, Routledge, p. 112-118.

— (1998a), « The evolution of society », in Evolution. Society, science and the uni-verse, éd. par A. C. Fabian, Cambridge, Cambridge University Press, p. 79-99.

— (1998b), « From complementarity to obviation. On dissolving the bounda-ries between social and biological anthropology, archaeology and psycho-logy », Zeitschrift für Ethnologie, vol. 123, p. 21-52.

— (2000a), The Perception of the Environment: Essays on Livelihood, Dwelling and Skill, Londres, Routledge.

— (2000b), « Making culture and weaving the world », in Matter, materiality and modern culture, éd. par P. Graves-Brown, Londres, Routledge, p. 50-71.

— (2000c), « Evolving skills », in Alas poor Darwin. Arguments against evolu-tionary psychology, éd. par H. Rose & S. Rose, Londres, Jonathan Cape, p. 225-246.

— (2001), « From the transmission of representations to the education of attention », in The debated mind. Evolutionary psychology versus ethnogra-phy, éd. par H. Whitehouse, Oxford, Berg, p. 113-153.

— (2002), « Between evolution and history. Biology, culture and the myth of human origins », Proceedings of the British Academy, vol. 112, p. 43-66.

— (2003), « Two reflections on ecological knowledge », in Nature knowledge: ethnoscience, cognition, identity, éd. par G. Sanga & G. Ortalli, New York, Berghahn, p. 301-311.

— (2004a), « Buildings », in Pattern ground, éd. par S. Harrison, S. Pile & N. Thrift, Londres, Reaktion, p. 238-240.

— (1999 [1949]), Chemins qui ne mènent nulle part, Paris, Gallimard.— (2011 [1942-1943]), Parménide, Paris, Gallimard.Hewes, G. W. (1976), « The current status of the gestural theory of language

origins », in Origins and evolution of language and speech, éd. par S. R. Harnad, H. D. Steklis & J. Lancaster, Annals of the New York Academy of Sciences, vol. 280, p. 482-504.

Hinde, R. A. (1987), Individuals, relationships and culture, Cambridge, Cam-bridge University Press.

— (1991), « A biologist looks at anthropology », Man (NS), vol. 25, p. 583-608.Ho, M-W. (1991), « The role of action in evolution: evolution by process and

the ecological approach to perception », Cultural Dynamics, vol. 4 (3), p. 336-354.

Ho, M-W. & Fox, S. W. (éd. par) (1988), Evolutionary processes and metaphors, Chichester, John Wiley.

— & Saunders, P. T. (1979), « Beyond neo-Darwinism: an epigenetic approach to evolution », Journal of theoretical Biolology, vol. 78, p. 573-591.

— & — (1982), « The epigenetic approach to the evolution of organisms – with notes on its relevance to social and cultural evolution », in Learning, deve-lopment and culture: essays in evolutionary epistemology, éd. par H. C. Plot-kin, Chichester, John Wiley.

— & — (éd. par) (1984), Beyond neo-Darwinism: an introduction to the new evo-lutionary paradigm, Londres, Academic Press.

Holdrege, C. (2005), « Doing Goethean science », Janus Head, vol. 8 (1), p. 27-52.Hollis, M. & Lukes, S. (1982), « Introduction », in Rationality and relativism, éd.

par M. Hollis & S. Lukes, Oxford, Blackwell.Holloway, R. L. (1969), « Culture, a human domain », Current Anthropology,

vol. 10, p. 395-412.Howe, N. (1992), « The cultural construction of reading in Anglo-Saxon

England », in The ethnography of reading, éd. par J. Boyarin, Berkeley, Uni-versity of California Press.

Howells, W. W. (1967), Mankind in the making: the story of human evolution, Harmondsworth, Penguin.

Hull, D. (1981), « Units of evolution: a metaphysical essay », in The philosophy of evolution, éd. par U. J. Jensen & R. Harré, Brighton, Harvester Press.

Ingber, D. E. (1998), « The architecture of life », Scientific American, vol. 278 (1), p. 30-39.

Ingold, T. (1980), Hunters, pastoralists and ranchers: reindeer economies and their transformations, Cambridge, Cambridge University Press.

— (1983), « The architect and the bee: reflections on the work of animals and men », Man (ns), vol. 18, p. 1-20.

— (1986a), The appropriation of nature: essays on human ecology and social rela-tions, Manchester, Manchester University Press.

Page 23: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

bibliographiebibliographie

368 369

— (1952), The nature of culture, Chicago, University of Chicago Press.Kroeber, A. L. & Kluckhohn, C. (1952), Culture, a critical review of concepts

and definitions, Cambridge (Mass.), Peabody Museum of American Archaeology and Ethnology.

Langer, S. K. (1953), Feeling and form: a theory of art, Londres, Routledge and Kegan Paul.

— (1957), Philosophy in a new key, Cambridge (Mass.), Harvard University Press.

Latour, B. (1991), Nous n’avons jamais été modernes : essai d’anthropologie symétrique, Paris, La Découverte.

— (1999), « On recalling ant », in Actor network theory and after, éd. par J. Law & J. Hassard, Oxford, Blackwell, p. 15-25.

— (2005), Reassembling the social: an introduction to actor-network theory, Oxford, Oxford University Press.

— (2007 {1999}), L’Espoir de Pandore : pour une version réaliste de l’activité scientifique, Paris, La Découverte.

Lave, J. (1990), « The culture of acquisition and the practice of understan-ding », in Cultural psychology: essays on comparative human development, éd. par J. W. Stigler, R. A. Shweder & G. Herdt, Cambridge, Cambridge Uni-versity Press, p. 309-327.

Lawrence, D. L. & Low, S. M. (1990), « The built environment and spatial form », Annual Review of Anthropology, vol. 19, p. 453-505.

Lawrence, R. J. (1987), « What makes a house a home? », Environment and Behavior, vol. 19, p. 154-168.

Leach, E. R. (1967), A runaway world? (The Reith Lectures, 1967), Londres, Oxford University Press.

— (1968 [1961]), Critique de l’anthropologie, Paris, Les Presses universitaires de France.

— (1976), Culture and communication, Cambridge, Cambridge University Press.— (1982), Social anthropology, Londres, Fontana.Leakey, M. D. (1971), Olduvai Gorge, vol. 3, Cambridge, Cambridge University

Press. Leclercq, J. (2008), L’Amour des lettres et le désir de Dieu, Paris, Éditions du

Cerf. Lefebvre, H. (1974), La Production de l’espace, Paris, Anthropos.Lehrman, D. S. (1953), « A critique of Konrad Lorenz’s theory of instinctive

behavior », Quarterly Review of Biology, vol. 28, p. 337-363.Lestel, D. (1998), « How chimpanzees have domesticated humans: towards

an anthropology of human-animal communication », Anthropology Today, vol. 14 (3), p. 12-15.

Lévi-Strauss, C. (1983), Le Regard éloigné, Paris, Plon.— (1987 {1952}), Race et histoire, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais ».

— (2004b), « Culture on the ground: the world perceived through the feet », Journal of Material Culture, vol. 9 (3), p. 315-340.

— (2006), « Review of Doreen Massey », For Space. Journal of Historical Geogra-phy, vol. 32 (4), p. 891-893.

— (2011a [2007]), Une brève histoire des lignes, Bruxelles, Zones sensibles. — (2011b), Being alive: essays on movement, knowledge and description, Londres,

Routledge. Ingold, T & Hallam, E. (2007), « Creativity and cultural improvisation: an

introduction », in Creativity and cultural improvisation, éd. par E. Hallam & T. Ingold, Londres, Berg, p. 1-24.

Janáček, L. (1989), Janáček’s uncollected essays on music, trad. et éd. par M. Zermanová, Londres, Marion Boyars.

— (2009), Écrits, choisis, traduits et présentés par Daniela Langer, Paris, Fayard.

Kandel, E. R. & Hawkins, R. D. (1992), « The biological basis of learning and individuality », Scientific American, vol. 267, p. 53-60.

Kandinsky, V. (1991 [1926]), Point et ligne sur plan, Paris, Gallimard.Kawada, J. (n. d.), « Postures de portage et de travaux manuels, en rapport

avec d’autres domaines de la vie japonaise », article présenté lors du col-loque de la Fondation Fyssen, « Culture and the uses of the body », Saint-Germain-en-Laye, mars 1996.

Kay, L. E. (1998), « A book of life? How the genome became an information system and a DNA language », Perspectives in Biology and Medecine, vol. 41, p. 504-528.

Keller, C. M. (2001), « Thought and production: insights of the practitio-ner », in Anthropological Perspectives on Technology, éd. par M. B. Schiffer, Albuquerque (Nouveau-Mexique), University of New Mexico Press, p. 33-45.

Keller, E. F. (2001), « Beyond the gene but beneath the skin », in Cycles of contingency. Developmental systems and evolution, éd. par S. Oyama, P. E. Griffiths & R. Gray, Cambridge (Mass.), M.I.T. Press, p. 299-312.

Kent, J. (2011 [1976]), Les dragons ça n’existe pas, Namur, Mijade.Klee, P. (1977 [1973]), Écrits sur l’art II, Paris, Dessain et Tolra.— (1980 [1973]), Écrits sur l’art I, Paris, Dessain et Tolra.Klenk, N. (2008), « Listening to the birds: a pragmatic proposal for forestry »,

Environmental Values, vol. 17 (3), p. 331-351.Kluckhohn, C. (1949), Mirror for man, New York, McGraw-Hill.Knappett, C. (2005), Thinking through material culture: an interdisciplinary

perspective, Philadelphie (Pennsylvanie), University of Pennsylvania Press. Koestler, A. & Smythies, J. R. (éd. par) (1969), Beyond reductionism: new

perspectives in the life sciences, Londres, Hutchinson.Kroeber, A. L. (1935), « History and science in anthropology », American

Anthropologist, vol. 37 (4), p. 539-569.

Page 24: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

bibliographiebibliographie

370 371

Maynard Smith, J. (1969), « The status of neo-Darwinism », in Towards a theoretical biology 2: Sketches, éd. par C. H. Waddington, Édimbourg, Edinburgh University Press.

Mayr, E. (1989 [1982]), Histoire de la biologie : diversité, évolution et hérédité, Paris, Fayard.

McLean, S. (2009), « Stories and cosmogonies: imagining creativity beyond “nature” and “culture” », Cultural Anthropology, vol. 24 (2), p. 213-245.

Mead, G. H. (1963 [1934]), L’Esprit, le soi et la société, Paris, Les Presses univer-sitaires de France.

Mech, L. D. (1970), The Wolf, Garden City, Natural History Press.Medawar, P. B. (1957), The uniqueness of the individual, Londres, Methuen.— (1967), The art of the soluble, Londres, Methuen.Meggitt, M. J. (1962), Desert people: a study of the Walbiri Aborigines of Cen-

tral Australia, Sydney, Angus & Robertson.Mellaart, J. (1975), The neolithic of the Near East, Londres, Thames and

Hudson.Mellars, P. & Stringer, C. (1989), The human revolution. Behavioural and

biological perspectives on the origins of modern humans, Édimbourg, Edin-burgh University Press.

Merleau-Ponty, M. (1996/2001 {1945}), Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard.

— (1995 {1964}), L’Œil et l’esprit, Paris, Gallimard.Michaels, C. F. & Carello, C. (1981), Direct perception, Englewood Cliffs

(New Jersey), Prentice-Hall.Miller, D. (1998), « Why some things matter », in Material cultures: why some

things matter, éd. par D. Miller, Londres, UCL Press, p. 3-20. Mills, C. W. (1997 [1959]), L’Imagination sociologique, Paris, La Découverte.Mitchell, V. (1997), « Textiles, text and techne », in Obscure objects of desire:

reviewing the crafts in twentieth century, éd. par T. Harrod, Londres, Crafts Council, p. 324-332.

— (2006), « Drawing threads from sight to site », Textile, vol. 4 (3), p. 340-361.Mol, A. & Law, J. (1994), « Regions, networks and fluids: anaemia and social

topology », Social Studies of Science, vol. 24, p. 641-671.Molleson, T. (1994), « The eloquent bones of Abu Hureyra », Scientific Ameri-

can, vol. 271, p. 60-65.Monod, J. (1970), Le Hasard et la nécessité : essai sur la philosophie naturelle

de la biologie moderne, Paris, Éditions du Seuil.Montalenti, G. (1974), « From Aristotle to Democritus via Darwin », in

Studies in the philosophy of biology, éd. par F. J. Ayala & T. Dobzhansky, Londres, Macmillan.

Morgan, L. H. (2010 [1868]), Le Castor américain et ses ouvrages, Dijon, Les presses du réel.

— (1995 {1955}), Tristes Tropiques, Paris, Pocket. — (2003 {1958}), Anthropologie structurale, Paris, Pocket. Lewontin, R. C. (1982), « Organism and environment », in Learning, develop-

ment and culture, éd. par H. C. Plotkin, Chichester, Wiley.— (1983), « Gene, organism and environment », in Evolution from molecules to

men, éd. par D. S. Bendall, Cambridge, Cambridge University Press.— (1992), « The dream of the human genome », The New York Review, 28 mai

1992, p. 31-40.Lieberman, P. (1985), « Comment on S. T. Parker, “A socio-technical model

for the evolution of language” », Current Anthropology, vol. 26, p. 628.Lock, A. J. (1980), The guided reinvention of language, Londres, Academic

Press. Loovers, J. P. L. (2010) « You have to live it »: pedagogy and literacy with

Tweetl’it Gwich’in, thèse de doctorat non publiée, université d’Aberdeen.Lovejoy, A. O. (1936), The great chain of being, Cambridge (Mass.), Harvard

University Press. Lovejoy, C. O. (1988), « Evolution of human walking », Scientific American,

vol. 259, p. 82-89.Lowie, R. H. (1935 [1921], Traité de sociologie primitive, Paris, Payot.— (1971 [1937]), Histoire de l’ethnologie classique : des origines à la Seconde

Guerre mondiale, Paris, Payot.Lumsden, C. J. & Wilson, E. O. (1981), Genes, mind and culture, Cambridge

(Mass.), Harvard University Press.Lutz, C. (1988), Unnatural emotions, Chicago, University of Chicago Press.Mack, J. (2007), « The land viewed from the sea », Azania: Archaeological

Research in Africa, vol. 42 (1), p. 1-14.Manning, E. (2009), Relationscapes: movement, art, philosophy, Cambridge

(Mass.), M.I.T. Press. Marx, K. (1945 [1852]), Le 18-Brumaire de Louis Bonaparte, Paris, Éditions

sociales. — (1969 [1867]), Le Capital, livre 1, Paris, Garnier Flammarion.— (1972 [1844]), Critique de l’économie politique, Paris, 10/18.Mauss, M. (1999a {1950}), Sociologie et anthropologie, Paris, Les Presses uni-

versitaires de France.— (1999b {1950}), « Une catégorie de l’esprit humain : la notion de personne,

celle de “moi” », in Sociologie et anthropologie, Paris, Les Presses universi-taires de France, p. 333-362.

Mauss, M. & Beuchat, H. (1999 {1904-1905}), « Essai sur les variations saison-nières des sociétés Eskimos : étude de morphologie sociale », in Sociologie et anthropologie, Paris, Presses Universitaires de France.

Maxwell, M. (1984), Human evolution: a philosophical anthropology, Londres, Croom Helm.

Page 25: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

bibliographiebibliographie

372 373

Pels, P. (2003), « Spirits of modernity: Alfred Wallace, Edward Tylor and the visual politics of fact », in Magic and modernity. Interfaces of revelation and concealment, éd. par B. Meyer & P. Pels, Stanford, Stanford University Press, p. 241-271.

Pollard, J. W. (éd. par) (1984), Evolutionary theory: paths into the future, Chichester, John Wiley.

Protevi, J. (2001), Political physic: Deleuze, Derrida and the body politic, Londres, Athlone Press.

Pulliam, H. R. (1983), « On the theory of gene-culture co-evolution in a variable environment », in Animal cognition and behaviour, éd. par R. L. Mellgren, Amsterdam, North Holland.

Radcliffe-Brown, A. R. (1951a), « The comparative method in social anthro-pology », Journal of the Royal Anthropological Institute, vol. 81, p. 15-22.

— (1951b), « Review of E. E. Evans-Pritchard’s Social Anthropology », British Journal of Sociology, vol. 2, p. 364-366.

— (1953), « Letter to Lévi-Strauss », in An Appraisal of Anthropology Today, éd. par S. Tax, Chicago, University of Chicago Press.

— (1957), A Natural Science of Society, New York, Free Press.— (1972 [1952]), Structure et fonction dans la société primitive, Paris, Éditions

du Seuil, coll. « Points ».Rapoport, A. (1994), « Spatial organisation and the built environment »,

Compagnon encyclopedia of anthropology: humanity, culture and social life, éd. par T. Ingold, Londres, Routledge, p. 460-502.

Rappaport, R. A. (1968), Pigs for the ancestors: ritual in the ecology of a New Guinea people, New Haven, Yale University Press.

Rayner, A. D. M. (1997), Degrees of freedom: living in dynamic boundaries, Londres, Imperial College Press.

Reed, E. S. (1987a), « Why do things look as they do? The implications of J. J. Gibson’s “The ecological approach to visual perception” », in Cognitive Psychology in Question, éd. par A. Costall & A. Still, Brighton, Harvester Press.

— (1987b), « James Gibson’s ecological approach to cognition », in Cognitive Psychology in Question, éd. par A. Costall & A. Still, Brighton, Harvester Press.

Renne, E. P. (1991), « Water, spirits and plain white cloth », Man (ns), vol. 26, p. 709-722.

Roberts, R. M. (1989), Serendipity: accidental discoveries in science, New York, Wiley.

Rybczynski, W. (1989), The most beautiful house in the world, New York, Penguin.

Rykwert, J. (1976 [1972]), La Maison d’Adam au paradis, Paris, Éditions du Seuil.

Morphy, H. (1991), Ancestral connections: art and an Aboriginal system of knowledge, Chicago, University of Chicago Press.

Myers, F. R. (1986), Pintupi country, Pintupi self: sentiment, place, and politics among Western Desert Aborigines, Washington, Smithsonian Institution Press.

Myers, R. E. (1976), « Comparative neurology of vocalization and speech: proof of a dichotomy », in Origins and evolution of language and speech, éd. par S. R. Harnad, H. D. Steklis & J. Lancaster, Annals of the New York Aca-demy of Sciences, vol. 280, p. 745-757.

Nadel, S. F. (1957), The Theory of Social Structure, Londres, Cohen & West.— (1970 [1957]), La Théorie de la structure sociale, Paris, Éditions de Minuit. Noble, W. G. (1981), « Gibsonian theory and the pragmatist perspective »,

Journal of the Theory of Social Behaviour, vol. 11, p. 65-85.Norberg-Schulz, C. (1985), Habiter: vers une architecture figurative, Milan-

Paris, Electa Moniteur.Odling-Smee, F. J. (1988), « Niche-constructing phenotypes », in The role of

behaviour in evolution, éd. par H. C. Plotkin, Cambridge (Mass.), M.I.T. Press.

Olson, D. R. (1998 [1994]), L’Univers de l’écrit. Comment la culture écrite donne forme à la pensée, Paris, Retz.

Olwig, K. (2008a), « Performing on landscape versus doing landscape: perambulatory practice, sight and the sense of belonging », in Ways of wal-king: ethnography and practice on foot, éd. par T. Ingold & J. Lee Vergunst, Aldershot, Ashgate, p. 81-91.

— (2008b), « The Jutland cipher: unlocking the meaning and power of a contested landscape », in Nordic landscapes: region and belonging on the northern edge of Europe, éd. par M. Jones & K. R. Olwig, Minneapolis, Uni-versity of Minnesota Press, p. 12-49.

Oyama, S. (1985), The Oontogeny of information: developmental systems and evolution, Cambridge, Cambridge University Press.

Paine, R. B. (1985), « The claim of the Fourth World », in Native power, éd. par J. Brosted et al., Oslo, Universitetsforlaget.

Pearson, M. P. & Richards, C. (1994), « Ordering the world: perceptions of architecture, space and time », in Architecture and order: approaches to social space, éd. par M. P. Pearson & C. Richards, Londres, Routledge, p. 1-37.

Pearson, K. A. (1999), Germinal life: the difference and repetition of Deleuze, Londres, Routledge.

Pelegrin, J. (2005), « Remarks about archaeological techniques and methods of knapping: elements of a cognitive approach to stone knap-ping », in Stone knapping: the necessary conditions for a uniquely hominin behaviour, éd. par V. Roux & B. Bril, Cambridge, McDonald Institute for Archaeological Research, p. 23-33.

Page 26: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

bibliographiebibliographie

374 375

Tanner, A. (1979), Bringing home animals: religious ideology and mode of production of the Mistassini Cree hunters, New York, St Martin’s Press ; Londres, Hurst.

Thelen, E. (1995), « Motor development: a new synthesis », American Psycho-logist, vol. 50, p. 79-95.

Thompson, D’Arcy W. (2009 [1917]), Forme et croissance, Paris, Éditions du Seuil.

Thomson, J. A. (1911), Introduction to science, Londres, Williams & Norgate.Tönnies, F. (1944 [1887]), Communauté et société : catégories fondamentales de

la sociologie pure, Paris, Les Presses universitaires de France. Tooby, J. & Cosmides, L. (1992), « The psychological foundations of culture »,

in The adapted mind: evolutionary psychology and the generation of culture, éd. par J. H. Barkow, L. Cosmides & J. Tooby, New York, Oxford University Press, p. 19-136.

Turnbull, C. M. (1965), Wayward servants: the two worlds of the African Pyg-mies, Londres, Eyre & Spottiswoode.

Turnbull, D. (1993), « The ad hoc collective work of building Gothic cathe-drals with templates, string and geometry », Science, Technology and Human Values, vol. 18, p. 315-340.

— (2000), Masons, tricksters and cartographers, Amsterdam, Harwood Academic.

Tylor, E. B. (1876 [1871]), La Civilisation primitive, Paris, C. Reinwald.Tyrrell, J. (1994), Intimate letters: Leoš Janáček to Kamila Stösslová, éd. et

trad. par J. Tyrrell, Londres, Faber & Faber. Viollet-le-Duc, E. (1875), Histoire de l’habitation humaine, depuis les temps

préhistoriques jusqu’à nos jours, Paris, Hetzel.— (1990), The architectural theory of Viollet-le-Duc: readings and commentary,

éd. par M. F. Hearn, Cambridge (Mass.), M.I.T. Press.Vogel, S. (2006), « The silence of nature », Environmental Values, vol. 15 (2),

p. 145-171.von Bertalanffy, L. (1955), « An essay on the relativity of categories », Philo-

sophy of Science, vol. 22, p. 243-263.von Glasersfeld, E. (1976), « The development of language as purposive

behaviour », in Origins and evolution of language and speech, éd. par H. Steklis, S. Harnad & J. Lancaster, New York, Annals of the New York Aca-demy of Sciences, vol. 280.

von Uexküll, J. (1965 [1934]), Mondes animaux et monde humain suivi de Théorie de la signification, Paris, Éditions Gonthier.

— (2010 [1934]), Milieu animal et milieu humain, Paris, Éditions Payot & Rivages.

Vygotski, L. S. (1962), Thought and language, Cambridge (Mass.), M.I.T. Press.

— (1991), “House and home”, Social Research, vol. 58, p. 51-62.Saenger, P. (1982), « Silent reading: its impact on late medieval script and

society », Viator, vol. 13, p. 367-414.Sahlins, M. D. (1980a [1976]), Critique de la sociobiologie : aspects anthropolo-

giques, Paris, Gallimard.— (1980b [1976]), Au cœur des sociétés : raison utilitaire et raison culturelle, Paris,

Gallimard.Sanjek, R. (1991), « The ethnographic present », Man (NS), vol. 26, p. 609-628.Savage-Rumbaugh, E. S. & Rumbaugh, D. M. (1993), « The emergence of

language », in Tools, language and cognition in human evolution, éd. par K. R. Gibson & T. Ingold, Cambridge, Cambridge University Press.

Saussure, F. de (1979 {1916}), Cours de linguistique générale, Paris, Payot.Sax, B. (2001), The mythical zoo: an encyclopaedia of animals in world myth,

legend and literature, Santa Barbara, abc-clio.Schama, S. (1999 [1995]), Le Paysage et la mémoire, Paris, Éditions du Seuil.Scott, C. (1989), « Knowledge construction among Cree hunters: metaphors

and literal understanding », Journal de la Société des Américanistes, vol. 75, p. 193-208.

Semper, G. (2007), Du style et de l’architecture : écrits : 1834-1869, Marseille, Éditions Parenthèses.

Shweder, R. (1990), « Cultural psychology – what is it? », in Cultural psycho-logy: essays on comparative human development, éd. par J. W. Stigler, R. A. Shweder & G. Herdt, Cambridge, Cambridge University Press.

Sillitoe, P. (2007), « Anthropologists only need apply: challenges of applied anthropology », Journal of the Royal Anthropological Institute, vol. 13, p. 147-165.

Simondon, G. (1969 {1958}), Du mode d’existence des objets techniques, Paris, Aubier-Montaigne.

Siza, Á. (1997), Architecture writings, éd. par A. Angelillo, Milan, Skira Editore. Stanner, W. E. H. (1968), « A. R. Radcliffe-Brown », International Encyclopae-

dia of the Social Sciences, New York, Crowell Collier and Macmillan, vol. 13, p. 285-290.

Steward, J. H. (1955), Theory of culture change, Urbana, University of Illinois Press.

Stocking, G. W. (1968), Race, culture and evolution, New York, Free Press.Strathern, M. (1988), The gender of the gift, Berkeley, University of Califor-

nia Press.— (1990), « For the motion », in The concept of society is theoretically obsolete, éd.

par T. Ingold, Group for Debates in Anthropological Theory, Manchester.Street, B. V. (1975), The savage in the literature: representations of “primitive”

society in english fiction, 1858-1920, Londres, Routledge & Kegan Paul.Sussman, R. W. (1987), « Review of R. I. M. Dunbar: Reproductive decisions: an

economic analysis of gelada baboon social strategies », Man (ns), vol. 22, p. 178-179.

Page 27: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

bibliographie

376

Wallace, A. R. (1872), La Sélection naturelle, Paris, C. Reinwald. Webmoor, T. & Whitmore, C. L. (2008), « Things are us! A commentary

on human/thing relations under the banner of a “social” archaeology », Norwegian Archaeological Review, vol. 41 (1), p. 53-70.

Webster, G. & Goodwin, B. C. (1982), « The origin of species: a structuralist approach », Journal of Social Biology, vol. 5, p. 15-47.

Weiss, P. (1969), « The living system: determinism stratified », in Beyond reductionism: new perspectives in the life sciences, éd. par A. Koestler & J. R. Smythies, Londres, Hutchinson.

Whitehead, A. N. (2010 [1929]), Procès et réalité : essai de cosmologie, Paris, Gallimard.

— (2006 [1938]), La Science et le monde moderne, Francfort, Ontos Verlag.Wikan, U. (1993), « Beyond the words: the power of resonance », in Beyond

boundaries: understanding translation and anthropological discourse, éd. par Gisli Palsson, Providence, berg, p. 184-209.

Willis, R. G. (1990), « Introduction », in Signifying animals: human meaning in the natural world, éd. par R. G. Willis, Londres, Unwin Hyman.

Wilson, E. O. (1987 [1980]), La Sociobiologie, Paris, Éditions du Rocher.Wilson, P. J. (1987), « Review of J. Wind, Essays in human sociobiology », Man

(ns), vol. 22, p. 181.— (1988), The domestication of the human species, New Haven, Yale University

Press.Wittgenstein, L. (1975 [1953]), Remarques philosophiques, Paris, Gallimard.Woodburn, J. (1982), « Egalitarian societies », Man (ns), vol. 17, p. 431-451.

377

index nominum

Alberti, Leon Battista, 223-224, 235, 238, 242-243

Alexander, Christopher, 124, 174, 244

Aristote, 221-222, 242Bacon, Francis, 335-337, 342, 344,

347-348, 351Barnes, Barry S., 276Bateson, Gregory, 19, 21-22, 24-

27, 195-196, 319Berger, John, 233-235Bergson, Henri, 109, 112, 197Bloch, Maurice, 160, 323-324Bloor, David, 276Boas, Franz, 89-90, 209-210, 215,

309, 313Bohm, David, 110-111, 144, 319Boon, James A., 278Bourdieu, Pierre, 61, 274, 277,

289, 298Boyd, Robert, 66, 102, 117-118Brookfield, Harold C., 141Bryson, Norman, 234-235Butler, Samuel, 127-128Carruthers, Mary, 340-341,

346-347Cassirer, Ernst, 109Clark, Andy, 85, 196, 319Clifford, James, 152, 179, 327Cloak, Ted, 117, 127

Cohen, Anthony, 278Cosmides, Leda, 83, 174Darwin, Charles, 72, 75, 77-82,

84, 94-95, 104, 106-107, 112, 156, 191, 193

Dawkins, Richard, 106-107, 116, 153

de Certeau, Michel, 349Deleuze, Gilles, 190-192, 195, 199,

221-223, 226, 229, 231-233, 253-255, 257, 259

Descartes, René, 290Descola, Philippe, 328Dewey, John, 111Douglas, Mary, 140Durkheim, Émile, 102, 317-318Elkins, James, 226-227, 234Ellen, Roy, 141Evans-Pritchard, Edward E.,

313-316Fischer, Ronald A., 106Flusser, Vilém, 229, 247-249, 251,

253, 255-256Fortes, Meyer, 311Frampton, Kenneth, 247-249,

256Galilée, 337, 344, 348Geertz, Clifford, 54, 67, 132, 152,

161, 179Gell, Alfred, 227, 231, 295

Page 28: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

index nominumindex nominum

378 379

Reed, Edward S., 138, 145Richerson, Peter J., 66, 102, 117-

118Rickert, Heinrich, 309Rybczynski, Witold, 245Saenger, Paul, 346Sahlins, Marshall, 102, 132, 142-

143, 179Sanjek, Roger, 268Saunders, Peter T., 107-108, 111,

151Saussure, Ferdinand de, 31, 118Sax, Boria, 345Schama, Simon, 243Semper, Gottfried, 246-249, 253,

255Shannon, Claude, 57, 86Shweder, Richard A., 160, 276Siza, Alvaro, 225Spencer, Herbert, 77-78, 81Stanner, William E. H., 316Steward, Julian H., 131-132, 146Strathern, Marilyn, 123, 270Thompson, D’Arcy W., 8, 110,

209-210, 214

Tönnies, Ferdinand, 279Tooby, John, 83, 174Tylor, Edward, 71, 264-266, 268Vygotski, Lev, 120Vogel, Stephen, 349-350von Bertalanffy, Ludwig, 136,

275von Glasersfeld, Ernst, 136von Uexküll, Jakob, 134-135, 152,

156-159, 175, 181, 184-185, 187, 190Wallace, Alfred Russell, 77, 81-

82, 84Weismann, August, 104-106, 112Weiss, Paul, 113, 320Whitehead, Alfred N., 28, 127,

137, 176, 181, 317-318, 331Wiener, Norbert, 57, 86Willis, Roy G., 135-136Wilson, Edward O., 114-117, 122,

127Wilson, Peter J., 31, 115, 161-162,

165Windelband, Wilhelm, 308-309Wittgenstein, Ludwig, 285Woodburn, James, 279

Gibson, James J., 28, 32, 133, 135, 137-138, 140-141, 143, 145, 151, 181-185, 189-190, 197, 204, 250, 272-273, 300

Gluckman, Max, 325Godelier, Maurice, 161, 175Goodwin, Brian, 63, 107-108,

111, 113, 213Grégoire le Grand, 338-340Guattari, Félix, 191-192, 195, 199,

221-223, 226, 229, 231-233, 253-255, 257, 259

Hägerstrand, Torsten, 193Hallowell, Alfred Irving, 147-

148, 319, 324, 341, 343-344, 350Harris, Roy, 294Heidegger, Martin, 151, 172-173,

186-190, 218-219, 229, 234, 251-253, 259

Héraclite, 316Hewes, Gordon, 292Hinde, Robert A., 64, 122-123Ho, Mae-Wan, 62, 65, 98, 107-108,

111, 151, 352Hull, David, 116Huxley, Julian, 72, 106, 308Huxley, Thomas Henry, 72, 106,

308Isidore de Séville, 346Jacques i er, 335Janáček, Leoš, 34-37, 39Jung, Carl Gustav, 22Kekulé, August F., 342-344, 354Kent, Jack, 356Klee, Paul, 221-222, 229, 231, 252Klenk, Nicole, 350-351, 353Kluckhohn, Clyde, 118, 263Kroeber, Alfred L., 166, 263, 310-

314Lamarck, Jean-Baptiste, 79, 103Langer, Suzanne, 33-34, 286Latour, Bruno, 193-195, 227

Lave, Jean, 300-301Leach, Edmund, 127-128, 140,

277-278, 314-315, 317, 320Lefebvre, Henri, 193Lehrman, David, 91Lévi-Strauss, Claude, 19, 22-26,

259, 315-317Lewontin, Richard C., 28, 61-62,

91, 111, 133, 135, 182Linné, Carl Von, 71-72Loovers, Peter, 354-356Lowie, Robert, 264-266, 268, 276Luther, Martin, 347Lutz, Catherine, 281Malinowski, Bronislaw, 314Marett, Robert Ranulph, 313-314Marx, Karl, 75, 136, 142-143, 204-

205Mauss, Marcel, 53, 88, 119, 154, 293Mayr, Ernst, 93, 97, 103McDonald, Archdeacon Robert,

354-356McLean, Stuart, 353Mead, George Herbert, 143, 278Mendel, Gregor, 106Merleau-Ponty, Maurice, 36,

151, 173, 290, 296Miller, Daniel, 230Mills, Charles Wright, 325-326Monod, Jacques, 106, 109, 112Montalenti, Giuseppe, 108Morgan, Lewis Henry, 71, 154Myers, Ronald, 291-292Nadel, Siegfried, 311, 314Neumann, John von, 57, 86Olson, David, 345-347Olwig, Kenneth, 243, 251Oyama, Susan, 28, 62, 91, 151Paine, Robert, 280Radcliffe-Brown, Alfred R.,

119, 308-310, 313-318, 320-322Rappaport, Roy, 141-142

Page 29: marcher avec les dragons - zones-sensibles.org · Tim Ingold marcher avec les dragons 2013 zones sensibles Pactum serva z s Traduit de l'anglais par Pierre Madelin

table des matières

Préface 7

prologue1. Culture, nature, environnement. Vers une écologie de la vie 13

par-delà biologie et culture2. Tels que nous sommes. Le concept de l’homme anatomiquement moderne 433. Par-delà biologie et culture. Le sens de l’évolution dans un monde relationnel 774. Le regard d’un anthropologue sur la biologie 97

milieu animal et milieu humain5. Culture et perception de l’environnement 1316. Bâtir habiter vivre. Comment hommes et animaux construisent-ils leur demeure dans le monde ? 1497. Point, ligne, contrepoint. De l’environnement à l’espace fluide 179

tissage et fabrication8. Tisser un panier 2039. La textilité de la fabrication 22110. La hutte conique au centre du monde terre-ciel 239

l’art de l’anthropologie11. L’art de la traduction dans un monde continu 26312. Poétique de l’usage des outils. De la technologie, du langage et de l’intelligence à l’artisanat, au chant et à l’imagination 28313. L’anthropologie n’est pas l’ethnographie 307

épilogue14. Marcher avec les dragons. Une excursion anthropologique du côté sauvage 335

Bibliographie 359 Index nominum 377