Marginalisation Chez Les Populations Amerindiennes Jean Michel Lemonnier

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  • 7/23/2019 Marginalisation Chez Les Populations Amerindiennes Jean Michel Lemonnier

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    MASTER 2 recherche Gographie, amnagement, socits,environnement

    Spcialit Dynamiques spatiales et sociales

    Option Gographie sociale et territoires

    Anne 2006-2007

    Travail de recherche

    MARGINALISATION CHEZ LES POPULATIONS

    AMERINDIENNES :

    LEXEMPLE DES AMERINDIENS DE GUYANE

    par Jean-Michel Lemonnier

    http://www.cnrs.fr/http://www.uhb.fr/
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    MARGINALISATION CHEZ LES POPULATIONSAMERINDIENNES : LEXEMPLE DES AMERINDIENS DE

    GUYANE

    Introduction : Histoire et situation dmo-linguistique des peuplesamrindiens de Guyane.

    I- La marginalisation de lIndien par le jeu les interactions avec la

    population blanche et crole : des strotypes gnrateurs de marginalit.

    II- Ladoption des habitudes des Blancs par imitation et la thoriede ltiquetage appliqu au cas amrindien

    III- Lcole des Blancs : instrument privilgi dans le processus demarginalisation des Amrindiens. La thorie de la rsistance .

    Conclusion

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    Introduction : Histoire et situation dmo-linguistique des peuples amrindiens deGuyane.

    Les premiers habitants de la Guyane sont les Amrindiens. Ils sinstallent sur lactuelterritoire guyanais entre -10000 et6000 ans avant J-C. Ce serait le groupe indien Arawak,venant des Antilles, qui se serait install le premier dans cette zone. Les Indiens Carabes,

    peuple ayant migr partir du bassin de lOrnoque, sinstallrent ensuite en Guyane. Puis,vinrent les Wayanas et les Kalinas qui colonisrent les rives et lembouchure du Maroni(Hurault J-M, 1972). Avant larrive des premiers europens au XVme sicle, le peuplementde lactuelle Guyane est estim 30000 individus, rpartis dans 17 ethnies diffrentes. Troissicles aprs larrive des europens, il ne reste plus que quelques centaines dIndiens sur tout

    le territoire guyanais. Cette prodigieuse chute dmographique est due limportation demaladies virales par les colons blancs, conscutive la rue vers lor partir de 1885(http://www.ac-guyane.fr).

    Depuis la seconde moiti du XXme sicle, on constate un reprise dmographique qui

    permet aujourdhui destimer la population des peuples aborignes de Guyane environ 6000mes, toutes ethnies confondues.

    Aujourdhui, ces premiers habitants se rpartissent dans trois grandes familleslinguistiques :

    -la famille Karib ; ethnies : Kalinas et Wayanas-la famille Tupi-Guarani ; ethnies : Wayampis et Emrillons-Tekos

    -la famille Arawak ; ethnies : Arawaks-Lokonos et Palikur. (Grenand, Bergounioux , 2002)

    Sur la cte guyanaise vivraient outre les Amrindiens Kalinas qui sont majoritairesdans la population Amrindienne de Guyane, environ 1000 individus appartenant lethniePalikur et 200 lethnie Arawak. Mais nombre de ces amrindiens ont t croliss et ontabandonn leur langue. En ce qui concerne la langue Arawak, le nombre de locuteurs rels ne

    slve gure plus dune dizaine.

    La fort amazonienne est quant elle peuple des Amrindiens des groupes Wayana,Wayampi ou et Emerillons. Leur nombre nexcde gure quelques centaines dindividus.Cest lethnie Emerillon avec entre 250 et 400 individus qui est sous reprsente dun point devue dmographique. Cependant, du point de vue linguistique le taux de pratique des langues

    vernaculaires dans ces groupes est voisin de 100%.

    Nous tenterons dans cette bref tude de montrer de quelle manire, les peuples

    Amrindiens de Guyane ont t stigmatiss et marginaliss par dautres peuples totalementtrangers leur mentalit, leur mode de pense, leur cosmogonie etc

    Ce travail de gographie sociale, ne peut se dispenser dune approche

    pluridisciplinaire. En effet, le thme abord ici, ncessite de connatre, au moins dans lesgrandes lignes, certains travaux de sociologues, danthropologues ou de linguistes. Car la

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    question Indienne , mme sous langle de la gographie sociale, nest abordable pour lechercheur, que sil tient compte des facteurs qui font que cette question Indienne existe.Or, cette question qui pose problme est lie aussi bien aux problmes linguistiques qulexistence de certains modes de vie antagonistes, par exemple. Mais toutes les dimensionsque recouvrent la question Indienne essaient si on regarde bien, de comprendre

    lopposition culturelle entre les peuples Indiens et les peuples qui les ont soumis, et renvoientpar suite la question de la marginalit. Ainsi, la lecture douvrages et darticles dont lesauteurs sont de formations disciplinaires varies a t ncessaire.

    Nous insisterons particulirement sur un des facteurs principaux ayant conduit cette

    marginalisation : lEcole. Cette dernire, considre comme un pilier du dveloppement, a la base aussi, un objectif dmancipation pour les individus qui la frquentent. Noustudierons donc cet aspect du processus de marginalisation des peuples aborignes de Guyane

    en se positionnant sur certaines thories de laction sociale : thorie de la rsistance , thorie de ltiquetage , linteractionnisme symbolique et en les prouvant

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    I-La marginalisation de lIndien par le jeu les interactions avec la population blanche etcrole : des strotypes gnrateurs de marginalit.

    Le rapport des blancs civiliss avec les Indiens prsente de fortes similitudes dans

    toute lAmrique latine. Quand les Europens prennent possession du territoire de lactuelleGuyane, ceux-ci vont mener une politique totalement trangre aux intrts des peuples quilssoumettent leur autorit. Les politiques des premires explorations des aires civilisationelles

    amrindiennes qui se droulrent au XVIIme sicle prsentent toutes des caractristiques

    similaires : une ngation du milieu gographique et une volont de transposer purement et

    simplement en Guyane, avec son organisation et ses techniques, le modle europen.

    (Hurault (J-M), 1989). Cependant, les chefs de ces diffrentes expditions navaient pas de

    ligne de conduite claire, quant lattitude adopter face ces populations autochtones. Ce quiest sr, cest que ces conqurants ne cherchrent pas rduire en esclavage les peuplesindiens, ni prendre leurs femmes ou les faire travailler leur profit (ibid, 1972).

    Nanmoins, les strotypes, cres par les Blancs, concernant les Indiens sont

    nombreux. Mme si la colonisation en Guyane a t relativement moins brutale quailleurs enAmrique, de part lattitude des franais lgard des Indiens, c elle-ci, na pas pour autant

    permis de faire des populations aborignes les alter ego des franais, jusqu il y a peu.Rappelons que les Amrndiens de Guyane nobtiennent le statut de citoyen franais que dansles annes soixante-dix.

    La conqute du territoire guyanais eut avant tout pour but la recherche de ressources

    naturelles et la mise en valeur du sol. Limmense territoire compos de forts et de savanesqui se prsentent aux conqurants est considr comme une terre vierge mettre en valeur.

    Aussi, le nomadisme des groupes indiens servit-il de justification la confiscation des terres

    indiennes (Rostkowski, 1986). Mais lorganisation sociale des communauts indiennes ne futpas directement remis en cause par cette volont des europens de tirer profit des richesses

    dun territoire conquis. Mais lexploitation restera largement limite la zone de plantation,avec limplantation dune conomie de plantation, principalement (ethnies, 2005).Lespeuples amrindiens furent donc mis lcart de cette nouvelle organisation qui naquit surleurs terres. La mmoire collective des Amrindiens de Guyane ne renvoie pas lide

    desclavage, ni celle dun gnocide () mais toujours lintrusion coloniale et sesconsquences.

    Nous voyons ainsi que la marginalisation des groupes amrindiens dbute ds les

    premiers contacts avec les Europens. Plutt bien traits par les envahisseurs venus de

    l Ancien Monde , il nen demeure pas moins que lintrusion des Europens sur le territoiredes Amrindiens marque le dbut dune priode de soumission plus ou moins directe desmentalits, des rgles, des codes, totalement trangers ces peuples dits originaires ou

    peuples premiers . La cration dune conomie de plantation impliquant lesclavage dAfricains imports ayant pour consquence ensuite la cration dune classe sociale noire

    puis crole, une fois lesclavage aboli, est aussi largement responsable de la relgation des

    Amrindiens au rang de parasites de la socit guyanaise.

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    Les Amrindiens revendiquent depuis toujours le statut de premier occupant . Cette

    ide, largement rpandue en milieu Indien, napporte rien ces peuples, part le fait quellepermet de rappeler que lautre en Guyane, quel quil soit, est en quelque sorte un tranger (ibid., 2005). Cette mise lcart des peup les amrindiens narrte pas de peser dans cetterelation lautre, quil soit Blanc, Crole ou Noir-Marron.

    Un autre strotype, tout aussi lourd de consquences, est celui du guerrier vaincu,

    du dernier des Mohicans, du peuple en voie de disparition (ibid., 1986). Mais, ce strotype

    est vraiment commun la situation de tous les peuples premiers dAmrique, de lAlaska laTerre de Feu. LIndien sacrifi, est intgr un pass mythique, dont on dplore lesinjustices, mais sur lequel on ne peut pas revenir (ibid, 1986). Voici donc les raisons pour

    lesquelles, la situation actuelle des peuples premiers dAmrique, intresse peu finalement.

    II- Ladoption des habitudes des Blancs par imitation et la thorie de ltiquetage

    applique au cas indien

    Contrairement aux poncifs les plus rpandus, les Indiens de Guyane nont pas cder la violence pour vivre comme les Europens. Ils nont fait que cder une forte suggestion(Hurault, 1968). En effet, la violence a souvent constitu un facteur de prservation des

    communauts indiennes et de leur culture. Nombre de groupes qui vcurent dans des

    conditions matrielles trs dures durant les guerres de colonisation se sont effondrs, une fois

    la paix revenue, par leffet conjugu des pidmies et de lalcool (ibid., 1968). Lalcoolismechez les Indiens, eut, et a encore aujourdhui, des consquences psychologiques dsastreusessur ceux-ci, entranant la destruction des mnages et de lordre familial dans lescommunauts.

    Une fois accoutum et dpendant de lalcool, lIndien est dpossd progressivementde son identit et perd sa dignit. LAmrndien, peu dispos gntiquement lingestiondalcool en grande quantit devient vite incapable dactions coordonnes pour se librer delemprise de lalcool. Il se met mendier. LIndien se soumet alors, souvent, au pouvoir de

    personnes cupides qui lexploitent commercialement et le rduisent un semi-esclavage (ibid.1968). Pour le Blanc, mais aussi pour sa communaut dorigine, lIndien devient un marginal

    et est lobjet de tous les mpris.Lalcoolisme est une tare dans notre socit occidentale. Or, la dviance est cre par la

    socit. Non pas que les causes de la dviance se trouvent dans la situation sociale du dviant

    ou dans des facteurs sociaux qui sont lorigine de son action , mais que les groupes sociauxcrent la dviance en instituant des normes. La transgression de ces normes constitue la

    dviance (Coulon, 1993). Si lindividu nintgre pas ces normes (ici, ne pas boire ), alorscelui-ci est tiquet comme dviant.

    Mais, linfluence des Blancs, mme si elle est continue et intense ne produit que deshommes en tat de suggestion (ibid., 1968). Les Amrndiens vivant sur la cte guyanaise,

    sont vtus comme les Blancs ou les Croles le plus souvent. Ils sont plus ou moins intgrs lactivit conomique du pays. Mais, les fondements sociaux, juridiques, politiques et

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    conomiques de la socit laquelle ils se trouvent relis leur sont trangers ou du moins

    ltaient il y a encore quelques dcennies. Ils ne peuvent, par suite, y adhrer pleinement. Ilsne font que suivre passivement limpulsion qui leur est donne de lextrieur, jour aprs jour,par contact avec des populations extrieures leur groupe (ibid., 1968).

    III- Lcole des blancs : instrument privilgi dans le processus de marginalisation des

    Indiens. La thorie de la rsistance .

    1-Un contexte spcifique

    Lorganisation mme du territoire guyanais rend difficile, une cohrence danslorganisation de la scolarisation. Face un littoral relativement peupl se dresse la fort

    amazonienne dans laquelle une population amrindienne mais galement Bushinengue(Noirs-marrons) vit dans des sites isols. Il existe dans les communauts indiennes une double

    opposition culturelle: celle qui oppose les groupes amrindiens la population blanche et

    crole et celle qui oppose les Amrindiens de la bande ctire, principalement les Kalinas, qui

    bnficient dun accs relativement ais aux services publics, leurs homologues vivant enmilieu forestier et quasiment abandonns par le pouvoir central. Ces sites isols situs en

    Amazonie franaise et daccs trs difficiles -certains sites ntant accessibles quen pirogue-ne permettent que laborieusement la construction dinfrastructures ncessaires laconstruction dcoles et par suite la cration de postes denseignants, malgr une pressiondmographique relativement fortes dans les communauts Amrindiennes. La non-

    scolarisation des jeunes Amrindiens est donc massive dans ces zones (Launay, 2005). Elle

    affecte ainsi principalement, les peuples Wayana et Teko-Emrillons et Lokono-Arawak , que

    lon pourrait qualifierdIndiens de lintrieur. Cest au sein de ces peuples que lon trouvele plus denfants monolingues.

    Nous voyons bien ici que, la situation gographique de ces peuples a jou un rle

    majeur dans le processus de marginalisation quils ont du subir. Il ne sagit pas de tomberpour autant dans un dterminisme pur et simple qui invoquerait un milieu physique difficile

    qui empcherait toute possibilit de saffranchir de celui-ci. Car, une vrai volont politique deaurait pu faire en sorte que les populations dites marginales et relgues dans des zones

    dlaisses par le pouvoir central puissent trouver leur place dans la socit guyanaise. Par

    ailleurs, des groupes ethniques comme les Amrindiens Kalinas vivent quant eux sur lelittoral , donc dans un milieu physique totalement matrisable et matris, tout comme la

    population blanche mtropolitaine et les Croles (le groupe ethnique majoritaire de Guyane)

    ont longtemps t considrs, mme sils le sont moins aujourdhui, comme un populationindsirable par le reste de la socit guyanaise. Il nous faut videmment invoquer dautresfacteurs pour expliquer la construction de la marginalit des groupes Amrindiens de Guyane.

    Avant 1848, ce sont les congrgations religieuses qui sont en charge de lducation enGuyane. Lcole est cependant rserve aux fils de colons. Il faut attendre la Monarchie deJuillet pour que soit mises en place les premires structures ducatives incluant les personnes

    de couleur.

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    En 1930, le territoire de lInini est cre juridiquement. Cet espace destin contrler laproduction aurifre localis en Amazonie, rduit la colonie guyanaise sa frange littorale.

    Ce territoire est administr directement par le gouverneur de la Colonie, reprsent sur place

    par des gendarmes. Ce rgime administratif donne aux populations Amrindiennes de

    lintrieur un statut dexception de nations indpendantes sous protectorat (Hurault, 1972

    : 257).

    -Ladministration nintervenait pas dans les affaires intrieures des villages, quidemeuraient sous lautorit exclusive des chefs coutumiers. Ces chefs recevaient une petitesolde en argent, qui ntait pas une marque de dpendance mais seulement une marque dedistinction.

    -Les Amrindiens ntaient pas soumis la loi civile franaise : tat des personnes, mariag es,adoptions, etc. et dpendaient exclusivement du droit coutumier.

    -Ils ne payaient pas dimpt, mme symbolique.-La gendarmerie tenait jour un fichier, mais ils ntaient pas astreints aux dclarations lEtat civil.

    De plus les Amrindiens et les Businenge ntaient pas non plus soumis lobligationscolaire ; lintrieur de la Guyane tant de toutes manires lpoque totalement dpourvudcoles.

    Quarante ans aprs sa cration, le territoire de lInini disparut. Les ethnologuesprotestrent car ils estimrent que le statut dexception dont les populations de lintrieuravait profit depuis 1930 tait parfaitement adapt leurs besoins et leur situation relle

    (Ibid.), le droit coutumier garantissant lui seul la paix et [l] quilibre social (Hurault,1989). On peut toutefois se demander dans quelle mesure ce rgime na pas constitu pourles Amrindiens et les Businenge une sorte de mise au banc de la socit guyanaise qui a

    largement contribu par la suite leur stigmatisation. En effet, un systme unique en son

    genre qui privilgie toute une catgorie de personnes fait forcment des envieux et accentue la

    rancur et le mpris des uns envers les autres.

    2-Une ducation longtemps monolingue et monoculturelle, facteur dexclusion

    Lcole a longtemps t linstrument privilgi de la marginalisation. LIndien quifrquentait lcole mise en place par les colons europens dveloppait au final un complexedinfriorit. Quand il partait tudier en ville, le jeune avait honte de ses origines, ne revenaitpas dans son village et finissait par vivre en marge du reste de la population urbaine, du fait

    de son origine ethnique.

    La Rpublique franaise tant une et indivisible, les diffrents groupes ethniques

    prsents sur le territoire guyanais nont pas dexistence juridique proprement parler. Lecorollaire cette non reconnaissance de lethnicit est finalement la ngation de lexistencedes langues de ces dites minorits. Les langues des minorits ethniques ont longtemps t

    interdites au nom de lunit de la nation franaise: En vertu de larticle 2 de la Constitution,le franais demeure la langue officielle de ce dpartement: La langue de la Rpublique est le

    franais. Malgr le grand nombre de langues en usage, seul le franais bnficie dunereconnaissance juridique. Nanmoins, la Guyane, dpartement franais depuis 1946, dispose

    de certaines comptences en vertu de la loi n 84-747 du 2 Aot 1984, au mme titre que la

    Guadeloupe et la Martinique. Ces comptences concernent les activits ducatives etculturelles complmentaires relatives la connaissance des langues et des cultures rgionales.

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    Plus rcemment des progrs en faveur de la reconnaissance de la pluriethnicit en Guyane ont

    t faits. La loi dorientation pour lOutre-Mer (ou loi 2000-1207 du 13 dcembre 2000)entre en vigueur le 14 dcembre 2000 signale larticle 34 que les langues rgionales enusage dans les dpartements d'Outre-mer font partie du patrimoine linguistique de la Nation

    et quelles bnficient du renforcement des politiques en faveur des langues rgionales afin

    d'en faciliter l'usage. Mais ces lois en faveur de la reconnaissance et lenseignement deslangues dites rgionales restent le plus souvent lettre morte en Guyane.

    La perscution des langues maternelles des enfants non-francophones est contre-

    productive par rapport aux valeurs et aux objectifs de lcole (favoriser lgalit des chances,aider mieux connatre et mieux comprendre le monde, former de futurs citoyens) ; et ce,

    parce que linhibition de la langue maternelle est une inhibition du langage en gnral, avecles consquences attendues sur lensemble des apprentissages (Launay, 2005).

    Jusqu trs rcemment, les programmes ducatifs en Guyane ne tenaient pas comptedes spcificits culturelles des peuples auxquels ils taient destins. Linterdiction faite aux

    Indiens de parler leurs langues vernaculaires entranait systmatiquement lchec scolaire.Nous sommes, dans ce cas, proche des ides dveloppes par G. Witty qui labora la thorie

    de la rsistance (Coulon, 1993). En effet, celui-ci montra que les enfants issus des classes

    populaires rsistent la dculturation que reprsente limposition des valeurs des classesdominantes, travers les programmes scolaires (ibid., 1993). Par suite, lapprentissagescolaire ne peut donc se faire que si lenfant, ici Amrindien, a la possibilit de parler lalangue de la communaut do il est issu.

    Les programmes denseignement en Guyane nont eut pour but, pendant longtemps,ainsi que lcrivit cet inspecteur de lducation nationale dans un rapport dat de 1976, quecelui d initier les peuples primitifs aux connaissances les plus utiles de notre civilisation,aux rgles et aux valeurs qui rgissent notre socit et leur apporter certains lmentsgnrateurs de progrs [ ] Lcole en Guyane, souligne ainsi lethnologue Eric Navet en1984, joue aujourdhui le mme rle destructurant et acculturateur que celui qui lui taitdvolu par la 3

    meRpublique dans les campagnes franaises au sicle dernier . Ces

    politiques ducatives nont jamais eut dautres effets que de mener la marginalisation desAmrindiens. Cest une vritable machine produire de lexclusion, de lchec scolaire, delillettrisme qui fut mise en place en Guyane pendant de trs nombreuses annes (Puren,2005). La politique linguistique instaure en Guyane fut donc largement responsable du taux

    dchec scolaire record dans cette acadmie et par suite du faible niveau de qualification desjeunes sortis du systme scolaire. Nous pourrions mme parler dexclusion de fait, vulinadquation des objectifs fixs par lEducation Nationale avec la demande des populationslocales.

    3-Quelle ducation pour sortir de la marginalit ?

    Cette fameuse demande rcurrente des populations Amrindiennes peut se rsumer en

    la mise en place denseignements bilingues-biculturels, prenant en compte les spcificitssocio-linguistiques des peuples concerns. Dans ce systme ducatif ; la langue officielle doit

    permettre, quant elle, louverture des communauts sur la socit nationale. Le franais enGuyane, doit donc servir et est ncessaire au dialogue interethnique. Ce type dducation,qualifie dethnoducation, a pour base les lments culturels du groupe avec lequel on

    travaille, et qui sont utiliss comme support ducatif avec lobjectif de fortifier lidentit du

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    groupe ethnique, ceci permettant lquipe ducative de travailler partir de la ralit socio -culturelle des ethnies, sans risques dalination culturelle.

    Conclusion :

    Les Amrindiens de Guyane sont par dfinition des populations autochtones. Or, leur

    langue, leur culture, leur mentalit, sont apprhendes comme si elles appartenaient des

    populations trangres stant installes rcemment sur le territoire guyanais, linstar decertains immigrs africains sur le territoire franais mtropolitain. A partir de ce constat, nous

    pouvons dire que toute action partant de cette ide et mene pour sortir ces populationsAmrindiennes de la marginalit est caduque.

    Nous pensons ici aux politiques ducatives, ncessairement mancipatrices (cest enthorie une de leurs vocations premires), destines aux peuples Amrindiens de Guyane.

    Nous avons vu, que, malgr les efforts entrepris dans le domaine de lenseignement destinaux populations aborignes, lapprentissage de lAmrindien lcole est fait de manire ceque celui-ci se retrouve dans la position dun immigr qui essaye de sadapter une culturequi nest pas la sienne. Or, cette position est intenable. Lcole doit donc prendre en compte,avant tout la ralit locale de ces peuples. Le jeune Indien ne peut et ne doitpas saffranchirde sa culture, de son mode de pense. Autrement dit, il ne peut se dconnecter du monde

    duquel il est issu, si lon veut quil intgre les connaissances, la ralit du monde du reste dela socit. Pour russir son intgration et sortir de la marginalit, lAmrindien doit avant tout,sancrer fermement dans la ralit de la communaut dont il est issu. Ce nest quaprs avoiraffirmer son identit dAmrindien, que le processus de rapprochement avec le reste de lasocit doit tre mis en uvre. Et cest lcole de tenir ce rle, grce des enseignementsbi-culturels et bilingues. Lcole doit sadapter au terrain local et aller vers le mondeAmrindien et non pas linverse.

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    Articles :

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