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Le groupe Tissex Cas rédigé par Gilles Marion, ESC Lyon Tissex est un groupe français entièrement consacré à la production et à la vente de tissus élaborés à partir de fils artificiels et synthétiques : 536 millions de chiffre d'affaires et une marge brute commerciale de 17% en 1983 n'ont cependant pas permis d'obtenir un résultat net très important. Une bonne maîtrise des techniques de fabrication (encollage, tissage, teinture, apprêt) et une collaboration technique très poussée avec les producteurs de fils ont jusqu'ici donné à Tissex la possibilité de résister aux autres concurrents français, ainsi qu'à la concurrence européenne et japonaise. Un chiffre d'affaires de 200 millions à l'exportation, principalement dans le Marché Commun, mais aussi aux États-Unis, donne au groupe une dimension internationale. Les produits offerts sont très variés : il s'agit de tissus destinés à la confection masculine et féminine (soierie, polyester), à la doublure des vêtements, aux articles de sport (anoraks, sportwear ... ) et de maison (couettes, couvre-lits ... ), aux matériels de protection (tissus techniques pour l'armée, la gendarmerie, les industries chimiques, pétrolières ... ), aux rubans d'impression (ultérieurement imprégnés d'encre) pour les machines-à-écrire et les ordinateurs. Depuis trois ans, quelques investissements ont été réalisés pour rénover l'outil industriel de l'entreprise : il convient de poursuivre cette politique pour tenir sa place dans la compétition internationale. Henry Bonnet, nouveau directeur général, doit évaluer la performance du groupe, et définir les axes d'une stratégie pour les trois prochaines années. Il fait à haute voix le point de la situation : « Nous disposons de cinq usines situées pour la plupart dans la région lyonnaise, mais, depuis le rachat de St-Renard en 1980, nous disposons de deux autres usines à Roubaix dans le nord de la France. Ce rachat nous a apporté un chiffre d'affaires de 123 millions de francs en 1983, en grande partie produit par l'activité « doublure ». Toutefois, ce qui nous intéressait dans St-Renard, était l'activité « tissus techniques ». Jusqu'ici, notre activité dans ce domaine était très marginale : disons 4 à 5 millions de chiffre d'affaires en 1980. Nous avons regroupé toute la production sur Roubaix, et aujourd'hui, nous représentons 30% du marché avec 33 millions de francs de chiffre d'affaires. Sur un marché qui progresse de 9% par an en moyenne, un tel chiffre est appréciable, d'autant que la marge brute de cette activité représente plus du double de la moyenne du groupe. Les concurrents n'ont pas tardé faire leur apparition, principalement les textiliers du Nord ( surtout Guillez, qui a réalisé 20 millions de chiffre d'affaires en 1983) qui, comme nous, ont commencé exporter. Les autres sont plus petits : 5% à 10% du marché chacun, principalement des Français. Pour le moment, nous sommes bien protégés par les spécifications de nos clients. L'exportation commence doucement, mais nous ne sommes pas pressés. Nous sommes sûrs de notre savoir-faire : les Allemands et les Anglais ne pourront pas nous rattraper tout de suite. De toute façon, chaque pays possède encore ses propres normes dans ce domaine. Il y a tout juste une centaine de clients en Europe qui cherchent d'abord du service. Pour la doublure, les choses sont bien différentes : il s'agit d'un marché totalement dépressif, comme toute la confection traditionnelle; ainsi, l'an prochain, il reculera de 2% ou 3%, comme dans les années passées. La confection féminine se porte un peu mieux, mais, dans l'ensemble, la tendance est médiocre. Nous avons plus de 2 000 clients dans ce secteur, et chaque année nous savons qu’il faudra enregistrer plusieurs faillites. C'est pourquoi chaque représentant a une consigne stricte : pas de livraison sans le feu vert des renseignements commerciaux! La lutte sur les prix est terrible, et quand on est leader européen (avec seulement 12% du marché), les positions sont difficiles à tenir. Les Belges sont les plus dangereux : ils ont largement investi les années passées : ainsi même si Deckerman ne possède que 7% du marché, il gagne plus d'argent que nous. Jusqu'ici, nous tentons de limiter les,frais, mais la marge brute de la doublure est largement inférieure à la moyenne du groupe : 10%, c'est inquiétant! Heureusement, les Japonais ne peuvent pas s'intéresser à ce marché : le prix au mètre est trop bas. Notre objectif est simple : augmenter légèrement les prix pour maintenir les 160 millions de chiffre d'affaires sans trop faire varier les volumes de production, garder nos clients français (45% du chiffre), et récupérer quelques nouveaux marchés (du fait de la disparition de nos concurrents les plus faibles) en France, en ex-République Fédérale Allemande, en Grande-Bretagne, et peut-être hors du marché commun. Nous avons 12 agents multicartes en France, le siège s'occupant de l'étranger. L'usine de Roubaix livre Paris, le Nord, le Bénélux, la Grande Bretagne; l'usine de Roanne livre le Sud de la France et tous les autres pays. L'Allemagne fait l'objet d'un traitement particulier, puisqu'en 1977, nous y avons créé, pour d'obscures raisons, une filiale de commercialisation. Ses résultats sont catastrophiques, et nous cherchons à traiter les grosses commandes directement de France. Roanne nous donne beaucoup de soucis : déjà l'an dernier, il a fallu licencier 90 personnes, en grande partie sur le polyester. Globalement, Roanne aura fait 256 millions de chiffre d’affaires en 1983 dont 70 millions pour la doublure et le reste pour le tissu polyester à destination de la confection. De plus, le tissage de tissus polyester est réparti en deux ateliers équipés de métiers à tisser différents : 1/3 de la production est réalisé avec des métiers récents et rapides, tandis que les 2/3 restants sont toujours produits de façon traditionnelle. Avec 7% de marge brute, l'activité tissu polyester est la plus médiocre du groupe et le marché est parfaitement stable depuis plusieurs années.

Marketing - Partie 2

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Le groupe Tissex

Cas rédigé par Gilles Marion, ESC Lyon Tissex est un groupe français entièrement consacré à la production et à la vente de tissus élaborés à partir de fils artificiels et synthétiques : 536 millions de chiffre d'affaires et une marge brute commerciale de 17% en 1983 n'ont cependant pas permis d'obtenir un résultat net très important. Une bonne maîtrise des techniques de fabrication (encollage, tissage, teinture, apprêt) et une collaboration technique très poussée avec les producteurs de fils ont jusqu'ici donné à Tissex la possibilité de résister aux autres concurrents français, ainsi qu'à la concurrence européenne et japonaise. Un chiffre d'affaires de 200 millions à l'exportation, principalement dans le Marché Commun, mais aussi aux États-Unis, donne au groupe une dimension internationale. Les produits offerts sont très variés : il s'agit de tissus destinés à la confection masculine et féminine (soierie, polyester), à la doublure des vêtements, aux articles de sport (anoraks, sportwear ... ) et de maison (couettes, couvre-lits ... ), aux matériels de protection (tissus techniques pour l'armée, la gendarmerie, les industries chimiques, pétrolières ... ), aux rubans d'impression (ultérieurement imprégnés d'encre) pour les machines-à-écrire et les ordinateurs. Depuis trois ans, quelques investissements ont été réalisés pour rénover l'outil industriel de l'entreprise : il convient de poursuivre cette politique pour tenir sa place dans la compétition internationale. Henry Bonnet, nouveau directeur général, doit évaluer la performance du groupe, et définir les axes d'une stratégie pour les trois prochaines années. Il fait à haute voix le point de la situation : « Nous disposons de cinq usines situées pour la plupart dans la région lyonnaise, mais, depuis le rachat de St-Renard en 1980, nous disposons de deux autres usines à Roubaix dans le nord de la France. Ce rachat nous a apporté un chiffre d'affaires de 123 millions de francs en 1983, en grande partie produit par l'activité « doublure ». Toutefois, ce qui nous intéressait dans St-Renard, était l'activité « tissus techniques ». Jusqu'ici, notre activité dans ce domaine était très marginale : disons 4 à 5 millions de chiffre d'affaires en 1980. Nous avons regroupé toute la production sur Roubaix, et aujourd'hui, nous représentons 30% du marché avec 33 millions de francs de chiffre d'affaires. Sur un marché qui progresse de 9% par an en moyenne, un tel chiffre est appréciable, d'autant que la marge brute de cette activité représente plus du double de la moyenne du groupe. Les concurrents n'ont pas tardé faire leur apparition, principalement les textiliers du Nord ( surtout Guillez, qui a réalisé 20 millions de chiffre d'affaires en 1983) qui, comme nous, ont commencé exporter. Les autres sont plus petits : 5% à 10% du marché chacun, principalement des Français. Pour le moment, nous sommes bien protégés par les spécifications de nos clients. L'exportation commence doucement, mais nous ne sommes pas pressés. Nous sommes sûrs de notre savoir-faire : les Allemands et les Anglais ne pourront pas nous rattraper tout de suite. De toute façon, chaque pays possède encore ses propres normes dans ce domaine. Il y a tout juste une centaine de clients en Europe qui cherchent d'abord du service. Pour la doublure, les choses sont bien différentes : il s'agit d'un marché totalement dépressif, comme toute la confection traditionnelle; ainsi, l'an prochain, il reculera de 2% ou 3%, comme dans les années passées. La confection féminine se porte un peu mieux, mais, dans l'ensemble, la tendance est médiocre. Nous avons plus de 2 000 clients dans ce secteur, et chaque année nous savons qu’il faudra enregistrer plusieurs faillites. C'est pourquoi chaque représentant a une consigne stricte : pas de livraison sans le feu vert des renseignements commerciaux! La lutte sur les prix est terrible, et quand on est leader européen (avec seulement 12% du marché), les positions sont difficiles à tenir. Les Belges sont les plus dangereux : ils ont largement investi les années passées : ainsi même si Deckerman ne possède que 7% du marché, il gagne plus d'argent que nous. Jusqu'ici, nous tentons de limiter les,frais, mais la marge brute de la doublure est largement inférieure à la moyenne du groupe : 10%, c'est inquiétant! Heureusement, les Japonais ne peuvent pas s'intéresser à ce marché : le prix au mètre est trop bas. Notre objectif est simple : augmenter légèrement les prix pour maintenir les 160 millions de chiffre d'affaires sans trop faire varier les volumes de production, garder nos clients français (45% du chiffre), et récupérer quelques nouveaux marchés (du fait de la disparition de nos concurrents les plus faibles) en France, en ex-République Fédérale Allemande, en Grande-Bretagne, et peut-être hors du marché commun. Nous avons 12 agents multicartes en France, le siège s'occupant de l'étranger. L'usine de Roubaix livre Paris, le Nord, le Bénélux, la Grande Bretagne; l'usine de Roanne livre le Sud de la France et tous les autres pays. L'Allemagne fait l'objet d'un traitement particulier, puisqu'en 1977, nous y avons créé, pour d'obscures raisons, une filiale de commercialisation. Ses résultats sont catastrophiques, et nous cherchons à traiter les grosses commandes directement de France. Roanne nous donne beaucoup de soucis : déjà l'an dernier, il a fallu licencier 90 personnes, en grande partie sur le polyester. Globalement, Roanne aura fait 256 millions de chiffre d’affaires en 1983 dont 70 millions pour la doublure et le reste pour le tissu polyester à destination de la confection. De plus, le tissage de tissus polyester est réparti en deux ateliers équipés de métiers à tisser différents : 1/3 de la production est réalisé avec des métiers récents et rapides, tandis que les 2/3 restants sont toujours produits de façon traditionnelle. Avec 7% de marge brute, l'activité tissu polyester est la plus médiocre du groupe et le marché est parfaitement stable depuis plusieurs années.

Page 2: Marketing - Partie 2

Les Japonais nous ont fait très mal. Aujourd'hui, ils tiennent plus de 5% du marché européen, avec des produits de très bonne qualité qu'ils peuvent vendre plus cher que nous. Avec nos 1%, nous restons très loin d'eux. Nous exportons cependant encore 40% de la production grâce à la qualité de nos réseaux commerciaux, mais à des niveaux de prix effroyablement bas; et il est difficile de demander plus aux clients. De toute façon, là aussi, le marché se concentre, et les disparitions sont nombreuses : nous avions 2 500 clients il y a 5 ans, aujourd'hui, il nous en reste 800 en France et 600 dans le reste de l’Europe. No s allons encore voir ce chiffre diminuer et ne garderons que les clients les plus intéressants. Heureusement, il y a Lyon : 157 millions de chiffre d'affaires en 1983, et 6% à 7% de croissance en valeur par an. C'est le marché « tissus sport » qui progresse le plus vite, 8% par an, contre 6% pour les rubans d'impression destinés à la bureautique et l'informatique (encore que les rubans progressent de 20% aux USA). En fait, l'usine de Lyon se consacre à deux activités assez différentes, et je me demande s'il ne faudrait pas les séparer encore plus nettement. Le responsable de l'usine a de grosses difficultés avec son planning de production. Nous n'avons qu'un tout petit stock pour le ruban d'impression. Ce qui est produit est immédiatement livré, et nous faisons les « trois huit ». Les métiers à tisser sont très rapides (à jet d'eau ou à jet d'air), et ce qui compte, c'est la constance dans la qualité. Nos clients nous connaissent très bien ; d'ailleurs ils sont peu nombreux, peut-être 90 dans le monde dont 10 en France. Il faut dire que nous exportons près de 60% de la production. En 1980, les Japonais ont été les premiers à baisser les prix brutalement de 30%, mais là, nous avons pu suivre et nous avons investi dans du matériel suisse, très moderne. Nous avons 5% du marché mondial, à quelques points seulement des deux premiers (un Japonais et un Allemand). Les Espagnols et les Anglais investissent aussi et la bagarre sera chaude. Nous espérons simplement que le marché se maintiendra suffisamment longtemps pour nous permettre d'amortir nos investissements : disons encore 2 ou 3 ans. Dans 5 ans, le marché aura changé, il faudra s'adapter, mais pour le moment, 30% de marge brute, c'est convenable. Le sport est tout de même moins risqué. Il y a encore beaucoup de choses à faire dans le domaine des qualités de tissu particulières que nous offrons et nos clients ne s'en sortent pas trop mal. Les 67 millions de chiffre d'affaires sont solidement répartis chez plus de 30 clients et, si nous exportons peu, nos clients eux, savent exporter. Certes, Sporting tient le haut du pavé avec 20% du marché français, mais nous sommes 2 ou 3 à les talonner sérieusement. Nous devons aller plus vite que les autres, et je pense g e nous rattraperons Sporting, car ils ont eu récemment beaucoup de difficultés de livraison et de qualité à cause d'une grève de leur fournisseur de fil. Nous cherchons toujours à disposer de plusieurs sources d'approvisionnement pour éviter ce type de problème. Grâce aux ennuis de Sporting, nous sommes entrés chez des clients auparavant inaccessibles. Si nous savons exploiter ces contacts, nous passerons de 15% à 20% du marché l'an prochain ou dans deux ans. Bien sûr, les Italiens ont fait quelques tentatives pour venir nous concurrencer, mais le marché évolue trop vite pour eux. Il faut être sur place pour anticiper un peu la demande et gérer convenablement les stocks. La plupart des clients sont dans la région lyonnaise ou à Paris, et nous les connaissons bien. Notre réseau commercial est de bonne qualité, nous travaillons main dans la main avec chacun d'eux. Mais notre directeur commercial actuel va prendre sa retraite à la fin de l'année, et je crois que j'en profiterai pour me séparer de deux représentants multicartes qui travaillent avec nous. La marge brute est même meilleure que dans les tissus techniques - 36% - , et j'entends bien maintenir le niveau de prix de vente actuel. »

Questions

1. Identifiez les principaux segments de marchés couverts par Tissex.

2. Procédez à l'analyse du portefeuille d'activités de Tissex en utilisant la méthode d'analyse qui vous semble la plus appropriée.

3. Quelles sont les stratégies de développement que vous recommandez pour chaque activité stratégique ?