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EDITORIAL Enfin la guerre contre Daech commence Lire en page 2 10 DH - 1 € - MENSUEL - 32 pages www.maroc-diplomatique.net N° 7 - 26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015 Ross, une mission qui débouche sur l’impasse ? Pour la deuxième fois, en un mois, la visite du médiateur de l’ONU est sans effet SAHARA MAROCAIN CONSEILLÈRE DE TROIS PREMIERS MINISTRES Nezha Lahrichi témoigne d’une époque à cœur ouvert L a visite au Maroc de Christopher Ross, envoyé spécial de Ban Ki-moon au Sahara s’apparente à une promenade de santé. L’audience que Salaheddine Me- zouar lui a accordée, mercredi 25 novembre à Rabat, n’a été marquée par aucun signe par- ticulier qui dénoterait une quelconque évolu- tion dans sa démarche de médiateur. Tant et si bien que d’aucuns, à tort ou à raison, n’ont pas hésité à qualifier cette visite de « dernière », marquant leur lassitude face à l’attentisme qui caractérise le processus de règlement. Un règlement qui - s’il advenait quelque jours - ne s’écarterait pas, en revanche, de l’esprit constructif et de la dimension politique exigés par la communauté mondiale. Un règlement que l’Algérie n’a cessé de saborder, soufflant le chaud et le froid, méprisant les populations sahraouies, fourvoyant le monde entier, mo- bilisant ses ressources en armement et en campagnes de dénigrement du Maroc. Le Roi Mohammed VI a infligé la réponse ap- propriée à cette tragédie dans son discours du 6 novembre dernier, prononcé à Lâayoune. Il a mis le doigt sur la plaie, soulignant à la fois la mauvaise fois et le cynisme des dirigeants algériens. Du « plan de partage » de 2001, au refus catégorique du Plan d’autonomie propo- sé en 2007, en passant par le sabotage du pro- cessus d’identification prévu en 1981-88 pour le référendum et la manipulation subversive de la Minurso, l’Algérie n’a cessé de torpiller les efforts de paix, arcboutée sur son réflexe expansionniste, alors même que des voix, au sein du FLN, s’élèvent pour dénoncer son jeu machiavélique. Christopher Ross a-t-il accompli son ultime mission ? n HASSAN ALAOUI Lire en page 5 N ezha Lahrichi est une écono- miste connue. Elle est égale- ment la 1ère femme docteur en économie au Maroc. Professeur des sciences économiques à l’Université Hassan II, à Casablanca, à l’ISCAE et consultante, elle a été, pendant des années, conseillère spéciale de trois Premiers ministres : Abderrahmane El Youssoufi, Driss Jettou et Abbas El Fas- si. Entre l’enseignement et la réflexion sur les problématiques liées à cette disci- pline - l’énergie, la monnaie et la finance entre autres -, son parcours est riche voire exemplaire, en tant que femme. Elle a été PDG de la SMAEX et présidente du CNCE (Conseil national du commerce extérieur). Nous publions son parcours à travers un entretien qui, bien évidem- ment, ne peut être exhaustif. n Lire en pages 22 et 23 Salaheddine Mezouar recevant Christopher Ross. COUP DE GUEULE Quand la Santé et l’Education crient leur malaise Page 4 DOSSIER SAHARA Au-delà de la diplomatie, le spectre de la guerre ! Page 7 ANNIVERSAIRE BMCE BANK Plaidoyer de Othman Benjelloun pour un nouvel avenir Page 14 MAROC-SUEDE Une chaude alerte…et maintenant ? Page 24 EDUCATION La réforme de l’école est-elle réalisable ? Page 27 LIVRES « Routes des Zaërs », l’actualité romancée Page 30 IN MEMORIAM Touria Chaoui : Une fiancée de l’air sans noces Pae 28 RAGARDS D’AILLEURS - Boualem Sansal : un regard éclairé et réaliste sur le monde - «Un pays sans frontières» : Cinq questions à Fouad Laroui Page 29 DOSSIER DU MOIS MAROC diplomatique SOUAD MEKKAOUI U ne vraie démocratie ne repose-t- elle pas initialement sur l’égalité des sexes dans la vie économique, politique, sociale et culturelle afin d’assurer l’équilibre de la société ? N’est-ce pas là un droit humain et surtout un enjeu d’évolution ? Les textes et les réformes constitution- nelles ne cessent de brandir et de souligner des avancées quant à la participation des femmes dans l’évolution du pays. Pourtant, l’effectivité est loin d’être satisfaisante et laisse à désirer au simple constat de la place accordée au sexe féminin dans le fonction- nement des institutions et sur le plan écono- mique. Par conséquent, les discriminations à l’égard des femmes font que le Maroc est toujours à la traîne dans les classements internationaux à cause des chiffres qui le catégorisent au cœur des pays de culture traditionaliste par rapport à l’acceptabilité du rôle socio-économique de la communau- té féminine au sein de la société. En effet, pour ce qui est de la question d’écart de genre, en 2014, et sur 142 pays, le Maroc RÉGIONALISATION L’INFORMATION QUI DÉFIE LE TEMPS Un vecteur des politiques publiques» Entretien avec Jean-Paul Bachy P résident de la région française Champagne-Ardenne depuis plus de dix ans, Jean-Paul Bachy, natif de Charleville, fut au- paravant député européen, puis dé- puté à l’Assemblée nationale avant d’être élu maire de la ville de Sedan. M. Bachy est également membre du conseil d’administration d’Ubifrance (l’Agence française pour le dévelop- pement international des entreprises), président de l’Association des régions européennes viticoles, vice-président de l’Association des régions de France en charge de la coopération et des rela- tions internationales et vice-président de l’Association internationale des régions francophones, en charge du développement économique.n Lire pages 12 et 13 DANS CE NUMÉRO FEMMES ET POLITIQUE Osons le féminisme politique ! est au 133ème rang alors qu’il occupait la 129è place en 2013 et la 127è en 2010 ! Pour la participation économique de la femme, il est classé 128è sur 135 pays et se situe au 116è rang sur 128 pays pour l’efficacité des politiques et mesures d’autonomisation économique des femmes. Sur 30 pays, il est 24è quant aux politiques et mécanismes d’appui et d’accompagnement des entre- prises féminines. Ces mêmes estimations internationales de l’écart salarial entre les femmes et les hommes placent le Maroc au 130è rang bien loin de certains pays arabes, tels que le Qatar, le Koweït, le Bahreïn et la Tunisie, et africains, tels que le Sénégal. Pourtant, la présence de la femme dans le domaine politique est un indicateur de taille de bonne santé et de maturité d’un pays qui se veut démocrate, moderne et développé. n Lire en pages 16, 17, 18 et 19 GRANDS ENTRETIENS Naila Tazi, seule femme élue au bureau de la deuxième Chambre. AFRICA SECURITY FORUM L’expertise au service de la défense de nos valeurs L es derniers attentats de Paris, de Bamako et du Cameroun, les me- naces qui pèsent désormais sur de nombreux Etats - dont le Maroc- ne laissent pas de surprendre par leur am- pleur. Daech, ou le groupe Etat islamique, n’a jamais autant constitué le sujet privi- légié d’une aussi grande réflexion plané- taire. Il est au cœur des stratégies, natio- nale et internationale, des gouvernements et pour bien longtemps. Son expansion a remis en question la conception de sécurité de nos sociétés, de nos entreprises, de nos sites et tout simplement de nos citoyens. Il y a quelques semaines, un séminaire in- ternational réuni à Casablanca, Africa Se- curity Forum, s’est efforcé d’analyser les thématiques de la sécurité sous ses divers aspects : politique, économique, financier, diplomatique, voire militaire…n H.A. Lire en page 21

MAROC diplomatiqueEn 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des

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Page 1: MAROC diplomatiqueEn 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des

EDITORIAL

Enfin la guerre contre Daech commence

Lire en page 2

10 DH - 1 € - MENSUEL - 32 pages www.maroc-diplomatique.net N° 7 - 26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

Ross, une missionqui débouche sur l’impasse ?Pour la deuxième fois, en un mois, la visite du médiateur de l’ONU est sans effet

SAHARA MAROCAINCONSEILLÈRE DE TROIS PREMIERS

MINISTRES

Nezha Lahrichi témoigned’une époque à cœur ouvert

La visite au Maroc de Christopher Ross, envoyé spécial de Ban Ki-moon au Sahara s’apparente à une promenade

de santé. L’audience que Salaheddine Me-zouar lui a accordée, mercredi 25 novembre à Rabat, n’a été marquée par aucun signe par-ticulier qui dénoterait une quelconque évolu-tion dans sa démarche de médiateur. Tant et si bien que d’aucuns, à tort ou à raison, n’ont pas hésité à qualifier cette visite de « dernière », marquant leur lassitude face à l’attentisme qui caractérise le processus de règlement. Un règlement qui - s’il advenait quelque jours -

ne s’écarterait pas, en revanche, de l’esprit constructif et de la dimension politique exigés par la communauté mondiale. Un règlement que l’Algérie n’a cessé de saborder, soufflant le chaud et le froid, méprisant les populations sahraouies, fourvoyant le monde entier, mo-bilisant ses ressources en armement et en campagnes de dénigrement du Maroc. Le Roi Mohammed VI a infligé la réponse ap-propriée à cette tragédie dans son discours du 6 novembre dernier, prononcé à Lâayoune. Il a mis le doigt sur la plaie, soulignant à la fois la mauvaise fois et le cynisme des dirigeants

algériens. Du « plan de partage » de 2001, au refus catégorique du Plan d’autonomie propo-sé en 2007, en passant par le sabotage du pro-cessus d’identification prévu en 1981-88 pour le référendum et la manipulation subversive de la Minurso, l’Algérie n’a cessé de torpiller les efforts de paix, arcboutée sur son réflexe expansionniste, alors même que des voix, au sein du FLN, s’élèvent pour dénoncer son jeu machiavélique. Christopher Ross a-t-il accompli son ultime mission ? n

Hassan alaouiLire en page 5

Nezha Lahrichi est une écono-miste connue. Elle est égale-ment la 1ère femme docteur

en économie au Maroc. Professeur des sciences économiques à l’Université Hassan II, à Casablanca, à l’ISCAE et consultante, elle a été, pendant des années, conseillère spéciale de trois Premiers ministres : Abderrahmane El Youssoufi, Driss Jettou et Abbas El Fas-si. Entre l’enseignement et la réflexion sur les problématiques liées à cette disci-pline - l’énergie, la monnaie et la finance entre autres -, son parcours est riche voire exemplaire, en tant que femme. Elle a été PDG de la SMAEX et présidente du CNCE (Conseil national du commerce

extérieur). Nous publions son parcours à travers un entretien qui, bien évidem-ment, ne peut être exhaustif. n

Lire en pages 22 et 23

Salaheddine Mezouar recevant Christopher Ross.

COUP DE GUEULE Quand la Santéet l’Education crient leur malaise Page 4

DOSSIER SAHARA Au-delà de la diplomatie, le spectre

de la guerre ! Page 7ANNIVERSAIRE BMCE BANK

Plaidoyer de Othman Benjelloun pour un nouvel avenir Page 14

MAROC-SUEDE Une chaude alerte…et maintenant ? Page 24

EDUCATION La réforme de l’école est-elle réalisable ? Page 27

LIVRES « Routes des Zaërs », l’actualité romancée Page 30

IN MEMORIAM Touria Chaoui :Une fiancée de l’air sans noces Pae 28

RAGARDS D’AILLEURS- Boualem Sansal : un regardéclairé et réaliste sur le monde - «Un pays sans frontières» : Cinq questions à Fouad Laroui

Page 29

DOSSIER DU MOIS

MAROCdiplomatique

souad Mekkaoui

Une vraie démocratie ne repose-t-elle pas initialement sur l’égalité des sexes dans la vie économique,

politique, sociale et culturelle afin d’assurer l’équilibre de la société ? N’est-ce pas là un droit humain et surtout un enjeu d’évolution ?

Les textes et les réformes constitution-nelles ne cessent de brandir et de souligner des avancées quant à la participation des femmes dans l’évolution du pays. Pourtant, l’effectivité est loin d’être satisfaisante et laisse à désirer au simple constat de la place accordée au sexe féminin dans le fonction-nement des institutions et sur le plan écono-mique. Par conséquent, les discriminations à l’égard des femmes font que le Maroc est toujours à la traîne dans les classements internationaux à cause des chiffres qui le catégorisent au cœur des pays de culture traditionaliste par rapport à l’acceptabilité du rôle socio-économique de la communau-té féminine au sein de la société. En effet, pour ce qui est de la question d’écart de genre, en 2014, et sur 142 pays, le Maroc

RÉGIONALISATION

L ’ I N F O R M A T I O N Q U I D É F I E L E T E M P S

Un vecteur des politiques

publiques»Entretien avec

Jean-Paul Bachy

Président de la région française Champagne-Ardenne depuis plus de dix ans, Jean-Paul

Bachy, natif de Charleville, fut au-paravant député européen, puis dé-puté à l’Assemblée nationale avant d’être élu maire de la ville de Sedan. M. Bachy est également membre du conseil d’administration d’Ubifrance (l’Agence française pour le dévelop-pement international des entreprises), président de l’Association des régions européennes viticoles, vice-président de l’Association des régions de France en charge de la coopération et des rela-tions internationales et vice-président de l’Association internationale des régions francophones, en charge du développement économique.n

Lire pages 12 et 13

DANS CE NUMÉRO

FEMMES ET POLITIQUE

Osons le féminisme politique !

est au 133ème rang alors qu’il occupait la 129è place en 2013 et la 127è en 2010 ! Pour la participation économique de la femme, il est classé 128è sur 135 pays et se situe au 116è rang sur 128 pays pour l’efficacité des politiques et mesures d’autonomisation économique des femmes. Sur 30 pays, il est 24è quant aux politiques et mécanismes d’appui et d’accompagnement des entre-prises féminines. Ces mêmes estimations

internationales de l’écart salarial entre les femmes et les hommes placent le Maroc au 130è rang bien loin de certains pays arabes, tels que le Qatar, le Koweït, le Bahreïn et la Tunisie, et africains, tels que le Sénégal. Pourtant, la présence de la femme dans le domaine politique est un indicateur de taille de bonne santé et de maturité d’un pays qui se veut démocrate, moderne et développé. n

Lire en pages 16, 17, 18 et 19

GRANDS ENTRETIENS

Naila Tazi, seule femme élue au bureau de la deuxième Chambre.

AFRICA SECURITY FORUM

L’expertise au service de la défense de nos valeursL es derniers attentats de Paris, de

Bamako et du Cameroun, les me-naces qui pèsent désormais sur

de nombreux Etats - dont le Maroc- ne laissent pas de surprendre par leur am-pleur. Daech, ou le groupe Etat islamique, n’a jamais autant constitué le sujet privi-légié d’une aussi grande réflexion plané-taire. Il est au cœur des stratégies, natio-nale et internationale, des gouvernements et pour bien longtemps. Son expansion a

remis en question la conception de sécurité de nos sociétés, de nos entreprises, de nos sites et tout simplement de nos citoyens. Il y a quelques semaines, un séminaire in-ternational réuni à Casablanca, Africa Se-curity Forum, s’est efforcé d’analyser les thématiques de la sécurité sous ses divers aspects : politique, économique, financier, diplomatique, voire militaire…n

H.a.Lire en page 21

Page 2: MAROC diplomatiqueEn 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des

????? MAROC

diplomatique2

ÉDITORIAL

De toutes les guerres que l’humanité a connues, celle du terrorisme est sans doute la plus ancienne et la moins

connue. Que le terrorisme connaisse à présent une nouvelle connotation et soit présenté comme une «guerre» n’étonne, à vrai dire, que ceux qui jouent plus sur la symbolique que sur le conte-nu sémantique. La guerre, c’est la guerre. Et la meilleure illustration en a été donnée dès le XIXème siècle par Carl von Clausewitz, son théo-ricien prussien qui disait que «la guerre est la continuité de la politique par d’autres moyens» ! Jamais si pertinent apophtegme n’aura été si vrai…Si l’on remonte dans le fil de l’Histoire, hormis les guerres puniques, celles que les pays arabo-musulmans avaient livrées, les guerres de religion en Europe, les conquêtes coloniales sanglantes en Afrique, en Asie, au Moyen-Orient et aux Amériques, un fil conducteur se distingue avec sa particularité : le pouvoir idéologique.

En 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des Hasissiyne (branche religieuse des musulmans chiites nizârites) appelés par la suite «assassins», Alamut a nourri l’imaginaire des Occidentaux, et ceux-ci ont construit une série de légendes comme celle de l’existence en ce fort de jardins paradisiaques, où poussent fleurs et senteurs, la drogue et autres élixirs. On connaît la suite ! Les régimes totalitaires ou les groupes totalitaires se sont servis de l’endoctri-nement des masses pour assouvir leur faim de puissance. Et Daech en incarne le prototype qui remet en selle le livre de Vladimir Bartol, publié à l’époque alors que Staline en Russie et Hitler en Allemagne étaient au faîte de leur pouvoir totalitaire.

Un débat furieux agite la France depuis les attentats du vendredi 13 novembre qui ont été perpétrés par un groupe de jihadistes, avec une violence inouïe, contre le Stade de France, des cafés, des restaurants et la grande salle de spectacle, le Bataclan. Ils ont fait 130 morts et des centaines de blessés graves. Le Premier mi-nistre français, Manuel Valls, a aussitôt parlé d’une «France en guerre contre le terrorisme». Il a suscité l’ire d’une frange d’intellectuels de

gauche prompts à trouver comme d’habitude des excuses – le retour psychologique ou psy-chiatrique à l’enfance et aux conditions sociales des jeunes jihadistes - qui vont jusqu’à l’auto-culpabilisation démentielle. Mais, dans sa ma-jorité, la classe politique française a condamné les meurtres et exigé même une politique ferme, une «guerre juste» contre les assassins. À la quasi-unanimité aussi, les États et les gouver-nements du monde entier soutiennent la France et expriment, encore une fois, leur engagement à éradiquer le terrorisme et la lâche guerre que Daech commandite de loin, en instrumentalisant les jeunes dans cette Europe de plus en plus ex-posée, fragilisée, menacée constamment et vivant sur le qui-vive émotionnel.

Le débat sur le terrorisme n’est pas nouveau, pas plus qu’il nous surprend. On savait la France menacée, on savait qu’elle serait attaquée, ce que l’on ignorait, en revanche, c’était la date et le lieu, certainement aussi le modus operandi. Le fil noir du terrorisme traverse donc Paris et nous conduit jusqu’en Belgique, il remonte dans le temps aussi, en sens inverse. À Amman, rappelons-le, un officier de l’armée jordanienne, à la surprise de tout le monde, a assassiné deux instructeurs américains et s’est donné la mort. L’enquête a révélé que, officier et gradé, il avait fait allégeance au groupe de l’Etat islamique. Dans le Sinaï, c’est un avion russe, de type A321 qui, on le découvrira tout de suite, explose en plein ciel au-dessus du Sinaï, en Égypte, faisant 224 morts, Daech encore une fois revendiquant l’attentat. Le 12 novembre dernier, c’est au tour de Beyrouth d’être agressée par Daech qui visait le Hezbollah chiite, provoquant la mort de 42 personnes, le 13 novembre Paris est attaqué, ensuite toute l’Europe est en état d’alerte maxi-male.

Dans la foulée, le président français a imposé un état d’urgence de trois mois, recourant à un texte de loi de 1955, exigé un renforcement inédit de la sécurité, de la surveillance, des contrôles, accordé la possibilité aux policiers français de porter des armes, même en vie civile, d’inter-peller les citoyens partout, et enfin – nouveauté urgente – il a demandé à son Premier ministre de procéder à une réforme constitutionnelle. On

voit se dessiner une carte sécuritaire différente qui se caractérise par une volonté rédhibitoire de serrer davantage les mesures antiterroristes, restreindre les libertés individuelles ou collec-tives des citoyens, au risque de jouer la carte du Front national qui savoure, de toute évidence, sa montée en puissance. Indirectement donc, Daech favorise le triomphe des thèses du Front natio-nal, entendu par là qu’une collision objective s’opère entre l’islamo-fascisme de Daech et le néofascisme du Front national.

Il faut, en effet, élargir la réflexion sur l’exten-sion des potentiels dangers que représente l’isla-misme radical, et prendre en compte ses retom-bées sur le Maghreb, voire sur le Maroc. Notre pays doit sa protection à nos forces sécuritaires dont on ne soulignera jamais l’engagement et l’efficacité mondialement reconnus. Le Maroc a payé le prix du terrorisme, en mai 2003 à Casa-blanca, ensuite le 28 avril 2011 dans l’attentat contre le café Argana de Marrakech. Nos forces sécuritaires ne cessent depuis lors de déjouer les dizaines de tentatives d’attaques, neutrali-sant des groupuscules constitués et se réclamant plus ou moins ouvertement du groupe de l’Etat islamique, des individus en partance pour la Sy-rie, d’autres «planqués» ici et là et jouant les «cellules dormantes» ou les «loups solitaires», enfin des réseaux nichés notamment dans ce nord du Maroc – à Laroui, Nador et Fnideq – qui ont connu ce Rafael Maya, devenu «Mostafa Maya Amaya», marié à une Marocaine, ayant fui Nador en 2013 après avoir formé 200 jihadistes marocains et rattrapé à Mellilia par la police espagnole…

Rien n’est moins sûr que ce «degré zéro» qui nous mettrait à l’abri d’un attentat ou d’une agression ! Il n’existera jamais. Une double ac-tion est nécessaire : la prévention et la surveil-lance, mais aussi la «déradicalisation» auprès des jeunes et tous ceux qui seraient sensibles à la propagande de Daech ou autre organisation criminelle. Nos forces de police sont, de l’avis de tous, exemplaires, il leur faudra cependant plus de moyens et l’accès aux nouvelles technologies pour continuer à nous protéger, à assurer cette paix de notre modèle de société si cher et exposé.

Hassan alaoui

IMPRESSION

(Al Ahdath Al Maghribia)

MAROCdiplomatique

Enfin la guerre contre Daech commence !

SOCIÉTÉ :Maroc diplomatique SARL

Tél : 05 22 20 69 1905 22 20 98 68

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26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

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3 MAROCdiplomatique 26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

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HUMEUR MAROC

diplomatique4 26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

Par Souad Mekkaoui

Fallait-il prendre tout ce détour et faire perdre aux futurs méde-cins – et surtout à l’État – deux longs mois pour un projet qui a, dès son annonce, fait des dégâts ? Fallait-il passer par tant

de manifestations et de grèves pour se rendre compte qu’il y a des moments où la flexibilité est de mise surtout quand il est question de l’avenir de nos enfants et de la santé du citoyen ? Fallait-il s’entêter et persister en lançant des défis aux étudiants «ou vous ou moi !» ou encore «libre à eux s’ils veulent une année blanche ou noire» ? En imposant son tir au poignet aux futurs médecins, le ministre de la Santé, Houcine El Ouardi, était à mille lieues d’imaginer la tournure que prendraient les choses. Ce qui est sûr aujourd’hui c’est qu’il a perdu son tournoi de bras de fer devant des étudiants animés par une force de résistance inébranlable qu’ils ont su mettre en exergue le mercredi 28 octobre dernier lors de leur manifestation qui nous a interpellés à plus d’un égard. C’est en effet une marche qui est venue pour remettre les choses dans leur cadre sans laisser l’ombre d’un doute au gouvernement que les manifestants ne se laisseraient pas faire et qu’ils refusaient toute solution palliative ne serait-ce que pour un laps de temps – indéterminé. Et c’est pour faire entendre leur cri, une voix très forte comme celle d’un stentor sorti de l’Iliade pour dire «Nous résistons et nous n’avons pas peur d’une année blanche» qu’un spectacle solennel de vagues blanches de manifestants a cou-vert les lieux devant le ministère de la Santé et devant le Parlement. Dès lors, tous les Marocains ne peuvent plus se soustraire à cette affaire devenue celle de tout un peuple. Elle sera gravée dans l’His-toire du ministère de la Santé du Royaume puisque c’est la première fois que de futurs médecins ont boycotté l’année universitaire qui, au lieu de commencer le 1er septembre, n’a été entamée que le mer-credi 4 novembre. Nous sommes tous concernés parce qu’il y va de la santé des citoyens étroitement liée au sort de ces étudiants im-muables dans leur détermination et leurs revendications. Ce bras de fer, qui a longtemps duré, n’a fait que fragiliser davantage le gou-vernement qui s’est montré défaillant quant à la gestion de ce dossier dont on a voulu faire un point d’honneur pour les dirigeants qui se sont montrés, dans un premier temps, solidaires avec le ministre de la Santé avant de commencer à tirer la couverture chacun de son côté à partir du moment où la situation a commencé à se compliquer.

La marche de «La Résistance»Le mercredi 28 octobre, des milliers d’étudiants en médecine ont

manifesté contre le projet de loi instituant le SMO de deux ans. Cette manifestation a été décidée après deux mois de grève et après moult rounds de «dialogue» avec Houcine El Ouadi, puis Lahcen Daoudi et finalement Abdelilah Benkirane. Le lundi 26 octobre, le ministre de la Santé et celui de l’Enseignement supérieur ont annoncé par le biais d’un communiqué considéré «flou» par les étudiants que les indemnités seraient augmentées et payées plus rapidement et que le projet de service médical obligatoire dans les régions enclavées allait être suspendu en attendant de trouver un accord définitif avec les étudiants ou une solution alternative. Mais contre leur attente, ces derniers ont rejeté les solutions proposées par le ministère parce qu’ils les trouvaient palliatives sans pour autant résoudre les vrais problèmes. Aussi, ont-ils refusé toute solution momentanée.

Toutefois, et malgré le recul du gouvernement, les étudiants, inébranlables dans leur position, ont maintenu leur manifestation, conscients de leur position de force face à une gestion déficiente de la part du gouvernement. Tant et si bien qu’ils ont signé et persisté qu’ils ne reprendraient les cours que si le ministre de la Santé four-nissait un engagement écrit sur tous les points ayant fait l’objet d’un accord.

Le projet de la colèreCe projet initié par le ministre visait à instaurer un service médical

obligatoire de manière à améliorer le niveau du secteur de la santé et faciliter l’accès aux soins aux citoyens des zones défavorisées, notamment dans le milieu rural. Cela ne pouvait qu’être applaudi pour l’intention louable du ministre. Or, il a été catégoriquement rejeté par les étudiants des cinq facultés de médecine du Royaume et par les médecins internes et résidents. Ceux-ci ont été appuyés dans leur manifestation par des médecins des deux secteurs public et pri-vé ainsi que par les parents qui – loin de se sentir une partie de cette problématique – sont tout de même conscients que les doléances de leurs progénitures relèvent de leur plein droit et ont accompagné, de loin, les étudiants pour montrer leur soutien sans faille à cette cause estudiantine qui risquait d’être un coup de massue pour la médecine au Maroc.

Si pour réaliser son rêve de devenir médecin, on doit faire entre huit et treize ans d’études afin de décrocher son diplôme, comment peut-on imposer deux autres années à un cursus déjà long sans que

ce ne soit dans le cadre d’intégration dans le secteur public ? «Il ne résulte pas du contrat énoncé, dans aucun cas, le droit à la titularisa-tion» directe, précise l’article 17 du projet de loi. Comme si le taux de chômage continuellement en hausse ne suffisait pas !

Pour ainsi dire, bien des bacheliers des années à venir abandonne-ront, probablement, leur rêve qu’ils ont longtemps nourri et caressé si monsieur le ministre persiste encore dans son entêtement et dans ses décisions imprévisibles.

Il est vrai que tout citoyen marocain a droit aux soins médicaux. Il est vrai que le ministère de la Santé avait soulevé un énorme dé-séquilibre dans la répartition des médecins et cadres paramédicaux dont 45%, selon le ministère, seraient installés à Rabat et à Casa-blanca, c.-à-d. deux régions sur douze. Mais qui est responsable de cette aberration et de cette absence de ventilation ? Ce ne sont cer-tainement pas les médecins qui décident, valident et signent leurs affectations !

Récupération sans résultatsVoyant qu’un terrain d’entente n’était pas prévisible entre les

deux parties, le chef de gouvernement a voulu arrondir les angles en recevant, vendredi 23 octobre, les représentants des étudiants en médecine ainsi que les médecins internes et résidents pour discu-ter de l’ensemble des revendications. Rencontre qui s’est soldée par la déception des étudiants qui n’ont pas trouvé d’écoute de la part du chef de gouvernement dont les paroles ont balayé tout l’espoir qui planait autour de cette entrevue. «Il est difficile de répondre par l’affirmative à vos revendications», leur dira-t-il en brandissant en étendard les charges du budget de l’État.

Par ailleurs, ces étudiants sont dans la légitimité absolue dans leurs revendications surtout quand on sait qu’ils n’ont jamais été contre le fait de servir les habitants des régions défavorisées comme l’a prétendu le ministre de la Santé. En choisissant ce métier noble, ils se vouent, de prime abord, au service des citoyens dans les quatre coins du Maroc. Mais ils demandent à ce qu’ils le fassent dans le cadre de l’intégration de la fonction publique. Or, ce service obliga-toire – d’après les étudiants – allait servir à les exploiter durant deux années avant de les propulser dans les méandres de l’inconnu. On a su monter les citoyens contre les futurs médecins qu’ils ont clas-sés d’emblée dans la catégorie des «charcutiers» et des «cupides». Pourtant, c’est pour fuir le privé et c’est pour se tenir au service du Marocain lambda qui n’a pas de moyens pour se faire soigner que les étudiants ont manifesté plus d’une fois.

Que d’anachronismes à réfuter!Ce projet de loi qui a fait déborder le vase risquait – s’il était

maintenu et voté – de creuser un énorme cratère entre les étudiants du public et ceux du privé. Non seulement ils se regarderaient en chiens de faïence, mais la rage et la haine sociales auraient atteint leur paroxysme ! Ces étudiants des universités privées ne sont-ils pas initialement favorisés par la vie et surtout dès leur accès à cette université, eux qui n’avaient pas à se soucier du seuil «infranchis-sable» qui constitue la hantise des étudiants en plus du concours presque inaccessible ? Et pour comble de grâce, les étudiants des universités privées n’étaient pas concernés par le nouveau projet de loi, comme le précise l’article 20 de l’avant-projet de loi sur le SMO. Il est exclu de l’application de cette loi «les médecins militaires, ainsi que […] les détenteurs de diplômes d’établissements de l’en-seignement privé ou d’établissements de l’enseignement supérieur affiliés à des institutions à but non lucratif».

Les réalisations du ministre de la SantéC’est l’évidence même et il serait injuste de vouloir le nier, le

ministre de la Santé Houcine El Ouardi, persuadé que le système de santé souffre de problèmes structurels nécessitant des actions «auda-cieuses», a osé et réussi certaines opérations que bien d’autres avant lui ne se sont même pas hasardé à approcher.

En plus du Régime d’assistance médicale Ramed, le ministère de la Santé a procédé à la réduction des prix de près de 1 700 médica-ments majoritairement utilisés par les malades souffrant de cancers, de diabète, d’asthme ou de maladies cardiovasculaires.

Par ailleurs, le don d’organes a connu une promotion sans précé-dent grâce à monsieur le ministre allant même jusqu’à mettre sur les rails, en collaboration avec le ministère des Habous et des affaires islamiques, un programme salutaire qui consiste en la formation et la sensibilisation de quelque 50 000 imams dans ce sens pour préparer ceux-ci à pouvoir convaincre les gens et les accompagner afin de faire don de leurs organes.

Force est de constater aussi que le ministère de la Santé est, depuis 2012, à cheval sur la qualité du matériel médical et le contrôle des ventes de tout équipement mis au service du corps médical. Et bien sûr, le grand exploit du ministre était l’évacuation du site Bouya

Omar, où les malades mentaux subissaient des pratiques inhumaines et moyenâgeuses, qui avait longtemps entaché l’image du Royaume même si le devenir de ces malades pose toujours un grand point d’interrogation. Le ministère de la Santé a connu une autre avancée, celle de la mise en activité de trois hélicoptères (Héli SMUR) pour Marrakech, Oujda et Laâyoune.

Tout cela est bien entendu salutaire et le passage du ministre Houcine El Ouardi ne sera pas inaperçu et serait un mandat presque parfait s’il ne persistait pas dans le bras de fer dans sa gestion des problèmes.

Le soulèvement des blouses blanches C’est dire que l’année 2015-2016 s’est annoncée sous le signe de la

guerre entre les futurs médecins et le ministre de la Santé.Et comme une grève ne vient jamais seule, les blouses blanches se

sont passé la contagion. Si les étudiants-médecins ont enfin repris leurs cours, les médecins internes et résidents maintiennent leur grève de-puis le 1er octobre. N’étant pas satisfaits des promesses du ministre de la Santé, ils exigent l’amélioration des conditions de travail dans les CHU, une augmentation de salaire, la rémunération des gardes assu-rées chaque mois, la révision de leur statut et la réhabilitation financière du doctorat en médecine (le diplôme obtenu équivaut à un master au lieu d’un doctorat !). Ainsi, le ministre de la Santé n’est pas sorti de l’auberge même si les facultés de pharmacie et de médecine ont repris vie. En effet, les médecins internes et résidents, dans une première au Maroc, entament une procédure auprès des tribunaux administratifs de plusieurs villes du Royaume contre Houcine El Ouardi pour ponction de salaire des médecins grévistes et retard des rémunérations de garde qui date de 2007.

«Après obtention d’un Bac scientifique avec mention très bien, puis d’un doctorat en médecine avec mention très honorable, je deviens mé-decin interne pendant deux ans et puis résidente en cardiologie au sein du CHU Hassan II de Fès. Je fais des consultations, je fais énormément de gardes et je ferai bientôt des astreintes. J’ai une famille et un enfant. Avec un Bac + 12, je suis payée à 3 500 DH et je n’ai même pas de cou-verture sanitaire…» N’est-ce pas là un témoignage plus que désolant ?

L’heure est grave ! Et si le gouvernement continue à ignorer les do-léances des médecins internes et résidents, c’est le citoyen qui encaisse-ra, encore une fois, les coups puisque les CHU et les services d’urgences seront désertés. D’autant plus que 3 600 médecins résidents menacent de démissionner !

Et parce que nous sommes habitués aux résolutions improvisées et surtout intempestives prises à la hâte avec comme seul but de remédier de façon temporaire, la série des manifestations reprend de plus belle dans un autre ministère. D’autres blouses blanches viennent se joindre à l’immense masse qui déferle et qui menace de soulever d’horribles tempêtes qui s’abattront, cette fois-ci, sur le ministère de l’Éducation nationale.

C’est ainsi que les futurs enseignants ou «étudiants stagiaires» (et non enseignants stagiaires) emboîtent le pas à leurs concitoyens en méde-cine et boycottent les cours pour crier leur révolte contre les décrets mi-nistériels adoptés par le gouvernement, le 23 juillet 2015, qui instaurent un nouveau système de bourses dont le montant mensuel passe de 2 450 à 1200 DH, en plus de l’organisation de concours et du système de contrats qu’on veut introduire dans la fonction publique.

Le temps n’est-il pas encore venu pour se dire que les résolutions palliatives et surtout abusives du gouvernement, loin de servir le citoyen marocain, le plongent encore plus dans l’opacité d’un avenir aléatoire ? Il est clair que la Santé et l’Enseignement sont dans le collimateur sous recommandations de la Banque mondiale, et des résolutions hasar-deuses ne peuvent que fragiliser encore plus ces maillons déjà faibles dans notre pays.

A quand une vraie vision stratégique gouvernementale ?n

Quand la santé et l’éducation crient leur malaise

Houcine El Ouardi, du sursaut à la bousculade

COUP DE GUEULE

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5NATION MAROC

diplomatique

Ross, une mission qui débouchesur l’impasse ?

Pour la deuxième fois, en un mois, la visite du médiateur de l’ONU est sans effet

On ne compte plus le nombre de visites que Christopher Ross ef-fectue dans la région du Maghreb

depuis sa nomination par Ban Ki-moon en janvier 2010 comme son représentant spé-cial au Sahara. Elles sont nombreuses et invariables, à telle enseigne qu’une certaine lassitude semble gagner les esprits, enta-mant la patience des uns et des autres, ins-pirant même de nombreuses interrogations.

L’envoyé spécial de l’ONU a entamé le 23 novembre à Alger sa tournée dans la région, se rendant ensuite à Rabat bien en-tendu. Il a été reçu à Alger par le président Bouteflika, Ramtan Lamamra, ministre des Affaires étrangères, et Abdelkader Mes-sahel, ministre algérien des Affaires ma-ghrébines. Ses rencontres avec Salaheddine Mezouar, ministre des Affaires étrangères et de la coopération, et Mme M’Barka Bouayad, ministre déléguée aux Affaires étrangères, s’inscrivent dans l’esprit du dia-logue – qui n’est pas à proprement parler une négociation – instauré entre les Nations unies et le Maroc, en application des ré-solutions que l’organisation internationale a votées. Il convient de souligner que la visite de Christopher Ross au Maroc, en Algérie, en Mauritanie et à Tindouf, sur-vient trois semaines après la commémora-tion du 40ème anniversaire de la Marche verte, marqué notamment par l’important discours que le Roi Mohammed VI a pro-noncé à Lâayoune, axé essentiellement sur le Sahara. Sa tournée, contrairement aux précédentes, durera quelque dix jours, mettant ainsi en exergue l’importance qu’il lui accorde, ainsi que sa volonté de faire entériner ses propositions pour une solution acceptable par toutes les parties.

L’interrogation au niveau marocain de-meure la même : quelle autre option M. Ross proposerait-il en dehors de l’Auto-nomie avancée que le Maroc a élaborée et soumise à l’assentiment du Conseil de sé-curité et de l’ONU le 30 avril 2007 ? Com-ment le diplomate américain au service de l’ONU pourrait-il s’écarter d’un projet que les États-Unis, en premier, la majorité des pays européens, les États du Moyen-Orient, la Russie ont qualifié de «crédible» et de base sérieuse pour un dénouement politique au Sahara ? Le recours à des termes aussi précis que «crédible» ne sacrifie nullement à la rhétorique ou aux finasseries diploma-tiques… Avant de soumettre son plan d’au-tonomie à l’ONU, le Maroc l’a présenté aux différents acteurs concernés, notamment les représentants des populations du Sahara, le Corcas, les partis et autres composantes pour en débattre démocratiquement et dans un esprit dont le moins que l’on puisse dire est qu’il s’inspire du réalisme et d’une volonté d’avancer. Sans doute, en effet,

devrait-on rappeler pour mémoire que le polisario et ses commanditaires algériens, pris de court et abasourdis par l’initiative du Maroc, n’avaient-ils trouvé mieux à dire et à faire que de la combattre violem-ment, sans pour autant y apporter une ré-ponse constructive, ni non plus proposer un plan de rechange. Bien évidemment, polisario et gouvernement algérien ont cru concocter un plan contradictoire dont la rudimentaire portée n’a guère convaincu les responsables de l’ONU… En revanche, ils se sont attelés à une bien médiocre et ignominieuse tâche de destruction : mettre des bâtons dans les roues du représentant de l’ONU de l’époque – le prédécesseur de Ross –, Peter van Walsum, fin et rigoureux diplomate néerlandais, connaisseur s’il en est du dossier du Sahara. D’une intrigue à un sabotage ouvert, faisant de lui la «bête noire» de leur propagande, ils ont fini par «avoir sa peau» en 2009, imposant à Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU, un autre médiateur en la personne de Chris-topher Ross.

Hormis les néophytes ou les cyniques, tout le monde savait pourquoi Peter van Walsum a été poussé par les Algériens à quitter sa fonction de médiateur et d’émis-saire de Ban Ki-moon au Sahara. Convoqué le 21 avril 2008 par les membres du Conseil de sécurité, réunis à huis clos, Peter van Walsum n’a pas résisté à l’envie de leur livrer sa perception du problème du Saha-ra. Il a tout simplement déclaré que «l’in-dépendance du territoire saharien n’était pas un objectif réalisable (atteignable)», ajoutant qu’il avait déjà prévenu en janvier 2006 «qu’un Sahara occidental indépen-dant n’était pas une proposition réaliste». La conclusion du rapport confidentiel qu’il avait soumis au Conseil de sécurité en ce 21 avril 2008 était plus qu’édifiante, elle ne perd pas un seul iota de son intérêt ni de son actualité brûlante : «Le “statu quo”, affirmait Peter van Walsum, est “trop faci-lement accepté” par “des partisans du Front polisario profondément impliqués, qui ne vivent pas eux-mêmes dans les camps, mais sont convaincus que ceux qui y vivent pré-fèreraient y rester indéfiniment plutôt que de se résoudre à toute solution négociée ne permettant pas une pleine indépendance.» Plus que prémonitoire, ce propos tombait comme un couperet et, bien évidemment, il concernait au premier titre les dirigeants algériens.

On ne s’étonnera guère lorsque 7 ans plus tard, dans le discours commémorant le 40ème anniversaire de la Marche verte qu’il a prononcé, au milieu d’une défer-lante humaine rarement vue, le Roi Mo-hammed VI soulignera à la fois la détresse des populations séquestrées dans les camps de Tindouf Lahmada et l’oppression exer-cée par le pouvoir algérien sur elles, cette irascible répression qu’il lance à tout bout de champ contre elles. Le pouvoir algérien est resté désarçonné par le contenu du dis-cours royal de Lâayoune, tant il démystifie la surenchère algérienne et interpelle – par sa force et ses arguments – la communauté mondiale sur un drame camouflé depuis 40 ans maintenant. Le Souverain a notamment déclaré : «(…) les populations de Tindouf, en Algérie, continuent à endurer les affres de la pauvreté, de la désolation et de la pri-vation et à pâtir de la violation systématique de leurs droits fondamentaux. Ceci incite à s’interroger légitimement : – Où sont passées les centaines de millions d’euros accordées sous forme d’aides humanitaires, lesquelles dépassent les 60 millions d’euros par an, sans compter les milliards affectés à l’armement et au soutien de la machine

de propagande et de répression utilisée par les séparatistes ? »

Peut-être, devrait-on souligner que le discours du 6 novembre à Lâayoune marque-t-il un tournant décisif dans l’évo-lution du conflit du Sahara, peut-être aussi Christopher Ross en a-t-il ou devrait-il en prendre acte, parce que le Roi Mo-hammed VI n’a nullement sacrifié à la rhétorique, encore moins à l’arrogance contrairement à ce qu’affirment les médias algériens qui, dans leur culture mouton-nière habituelle, n’y ont rien saisi et se sont empressés à y voir comme une provoca-tion, quand le Roi a simplement dit leur vérité aux sycophantes d’Alger et nommé les choses de leur nom. On en veut pour preuve ce passage d’un article publié par le quotidien algérien «Al Watan», voix de son maître à la veille de l’arrivée du mé-diateur de l’ONU à Alger, truffé d’amal-games, marqué au sceau de l’ignorance grandiloquente et digne d’une propagande éculée : «L’émissaire de l’ONU pour le Sahara occidental, Christopher Ross, était attendu dans la région ce week-end pour tenter de relancer les négociations entre le Maroc et les dirigeants de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Il avait visité la région fin septembre, mais sans grand succès. Le Sahara occidental est la dernière colonie sur le continent afri-cain. Le Maroc a envahi militairement ce petit territoire en novembre 1975. Depuis, il exploite illégalement les ressources du pays et réprime durement les Sahraouis.» La logomachie de la presse algérienne sur cette histoire du «Sahara, dernière colonie sur le continent», ou encore sur «le Maroc a envahi militairement ce petit territoire», relève de toute évidence de l’ineptie quand ce n’est de la pire méconnaissance.

Il faut rappeler que la Marche verte a constitué l’ultime moyen pour libérer le Sahara en 1975, face au vrai colonisateur incarné par le maréchal Franco d’Espagne qui avait réduit le territoire saharien à un néant, dépouillé et réduit à la pauvreté. Et, surtout, qui restait enferré jusqu’à sa mort en novembre 1975 dans sa position hos-tile à une rétrocession du territoire maro-cain. Les responsables algériens – et leur presse – ignorent que la Cour internationale de justice a rendu son avis le 15 octobre 1975 en soulignant que le Sahara, au mo-ment de sa colonisation par l’Espagne, n’était pas «terra nullius», autrement dit n’était pas une terre vide, inhabitée et dé-solée… mais abritait des populations qui, n’en déplaise à nos adversaires, avaient des liens historiques avec le Maroc, prêtaient allégeance aux Rois du Maroc.

Manoeuvres machiavéliques

de l’AlgérieLe 14 novembre 1975, à Madrid, soit

six jours après la Marche verte, le Maroc, l’Espagne et la Mauritanie avaient signé l’Accord tripartite qui mettait fin à la co-lonisation espagnole au Sahara, entérinait sa rétrocession, accord acté solennellement cinq semaines plus tard par l’Assemblée générale de l’ONU et qui mettait fin au contentieux colonial maroco-espagnol. Le pouvoir algérien n’a commencé à s’in-téresser au Sahara qu’à partir de 1974 en s’alliant à l’Espagne franquiste, récupérant ainsi les groupuscules de jeunes sahraouis, tous marocains, encourageant leur sédition avant de créer en mai de la même année le polisario… L’étrange, l’inexplicable am-bivalence, voire le plus cynique, est que la même année, au Sommet arabe de Rabat, le

président algérien Boumediene annonçait solennellement le soutien total de l’Algérie au Maroc pour récupérer son territoire. A ses dépens, le Maroc mettra du temps à comprendre ce jeu suicidaire…

Pour ce qui est de «l’exploitation des ressources du Sahara occidental par le Ma-roc», on en reste ébahi ! La propagande al-gérienne, alimentée de mensonges et de dé-sinformation, avance sans autre vérification que le Maroc «dilapide les richesses» de ce territoire ! C’est d’autant plus ahurissant que les phosphates de Boukrâa représentent moins que 2% du volume des ressources to-tales du Maroc. Il est à souligner que OCP Group valorise ses 2% de phosphates en renforçant et en modernisant les infrastruc-tures, alors que l’Espagne – qui en avait usé et abusé des décennies durant – les avait laissées dans un état lamentable. Les phosphates du Sahara, contrairement à la propagande du polisario, de ses comman-ditaires algériens et de la presse étrangère qui les relaye ne représentent qu’un très faible taux de l’ensemble des phosphates nationaux. Bien au contraire,

Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Salaheddine Mezouar a reçu, mercredi 25 novembre à Rabat, Christopher Ross, émissaire spécial de Ban Ki-moon pour le Sahara en tournée dans la région depuis samedi 21 novembre. Le mé-diateur de l’ONU a programmé une tournée de 10 jours qui l’a conduit successivement à Alger, Rabat, Nouakchott et Tindouf.

« Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, m’a demandé d’intensifier les efforts pour la recherche d’une solution conforme aux résolutions successives du Conseil de sécurité de l’ONU », a affirmé Christopher Ross, indiquant que Ban Ki-moon exprime son souhait de visiter la région au cours des prochains mois, pour « apporter lui-même une contribution à la recherche d’une solution à ce conflit qui a duré trop longtemps ».

Avant de quitter New York il a fait part de sa volonté de déployer des efforts ex-ceptionnels, à la fois pour favoriser une issue au conflit et pour faciliter des négo-ciations directes entre le Maroc et le poli-sario. Il convient de rappeler que la tournée de l’émissaire de l’ONU dans la région survient dans un contexte marqué par la méfiance voire la défiance pour une série de raisons : en 2012, le Maroc estimant qu’il s’était écarté de la ligne impartiale et de la neutralité exigée dans ce dossier , a retiré sa confiance à Christopher Ross, allant jusqu’à susciter une mini crise avec

l’ONU. Si les choses ont été rétablies, un sentiment de suspicion demeure, d’autant plus qu’il est soupçonné de vouloir mettre en place une proposition qui va dans le sens des adversaires du Maroc. En l’occurrence une « fédération au Sahara » que le Maroc ne saurait en aucun cas accepter et qui fait le jeu de nos adversaires, sans compter qu’elle procède d’une volonté d’attenter à l’intégrité territoriale de notre pays.

Peut-être devrait-on rappeler que son avant-prédécesseur, James Baker, qui fut aussi Secrétaire d’Etat américain sous Georges Bush père, s’était fendu en 2001 d’un plan, dénommé « Plan Baker 1 » dont la durée a été courte pour ne pas dire éphé-mère. Sa portée était néanmoins décisive, parce qu’il préconisait ni plus, ni moins une « autonomie élargie au Sahara », tout comme le texte fondateur de l’Initiative du Maroc proposée au Conseil de sécurité en avril 2007. Le Maroc avait immédiatement – de guerre lasse – accepté le « Plan Baker 1 »comme formule à approfondir, notam-ment après l’échec et le sabotage par l’Al-gérie et le polisario du processus d’identifi-cation des populations sahraouies appelées à voter au référendum que le Maroc avait accepté au Sommet de Nairobi en 1981… Ce « Plan Baker 1 » prenait aussi le nom de « 3ème voie » ! On sait que l’Algérie s’est obstinée à combattre ce plan qui eût ouvert une possibilité de règlement et permis aux Sahraouis réunis de gérer leurs affaires tout en s’intégrant dans l’esprit de la souverai-neté marocaine, principal acteur et intéres-sé. Alger ne trouva mieux à contre-proposer qu’une dilatoire manœuvre : la partition en 3 du territoire saharien : l’une pour le Maroc, l’autre pour l’Algérie et la dernière revenant au polisario.

Mais c’était sans compter sur la vigilance du Maroc qui a débusqué et dénoncé le piège. Le plus grave et paradoxal est que l’Algérie avait déjà soumis dans les années 80 un projet d’autonomie élargie. Un do-cument des services américains, déclassifié en 2009, l’a révélé tout bonnement , poin-tant ainsi l’ambiguïté algérienne, suscitant également l’ire habituelle et démentielle de la presse algérienne. La réalité du diffé-rend sur le Sahara, c’est feu Hassan II qui l’avait bien située lorsqu’il proposa à Alger la construction d’un couloir qui prendrait son départ vers l’Atlantique, en traversant le territoire du Sahara pour acheminer le pé-trole et le gaz algériens, ce qui diminuerait conséquemment le coût de leur transport en Méditerranée. n

Hassan alaoui

26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

L’interrogation au niveau marocain demeure la même : quelle autre option M. Ross proposerait-il en dehors de l’Autonomie avancée que le Maroc a élaborée et soumise à l’assentiment du Conseil de sécurité et de l’ONU le 30 avril 2007 ?

Salaheddine Mezouar et Christopher Ross.

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NATION MAROC

diplomatique6LE DISCOURS ROYAL DU 40ÈME ANNIVERSAIRE DE LA MARCHE VERTE

Programme inédit de développement du Sahara et rappel ferme à l’Algérie

Le Roi Mohammed VI a prononcé le vendredi 6 novembre dernier à Lâayoune un important discours dans le cadre de la commémoration du 40ème anniversaire de la Marche verte qui a pris une dimension particulière. Allocution de haute teneur, elle comporte plusieurs mes-sages, au niveau national, à la communauté internationale et aux diri-geants algériens qui ont été pris de court tant les propos du Souverain ont sonné comme une vérité rédhibitoire. Ne sacrifiant ni à la langue de bois, ni à la complaisance, le discours du 6 novembre a tordu le cou aux mensonges colportés par les propagandistes algériens sur le Sahara. Le discours annonce un programme inédit de développement des provinces et, notamment, la mise en œuvre de la Régionalisation avancée, prélude à un règlement du conflit qui empêche l’émergence d’un Maghreb uni.

Voici le texte du discours royal.

«La commémoration du 40ème anniversaire de la Marche Verte est loin d’être un évènement ordinaire ou une célébration passagère. Nous la voulons plutôt comme une étape décisive dans l’histoire

du parachèvement de l’intégrité territoriale du Royaume. En effet, après l’épopée de la libération de la terre et de la consolidation

de la sécurité et de la stabilité, notre pays a veillé à ce que les fils du Sahara puissent se prévaloir des attributs d’une citoyenneté pleine et entière et des conditions d’une vie libre et digne.

Aujourd’hui, après quarante années et ce qu’on peut inscrire à leur ac-tif comme à leur passif, nous voulons opérer une véritable rupture avec les méthodes adoptées jusque-là dans la prise en charge des affaires du Sahara : rupture avec l’économie de rente et des privilèges et la défaillance de l’initiative privée, et rupture avec la mentalité de la concentration administrative.

Pourquoi donc aujourd’hui, et précisément après quarante années ?.Eh bien, c’est parce que, au terme d’années de sacrifices et d’efforts au plan politique et en matière de développement, nous sommes arrivés au stade de la maturité. Et aussi parce que nous avons créé les conditions de mise en chantier d’une étape nouvelle dans le processus de consolidation de l’intégrité territoriale et d’intégration totale de nos provinces du Sud au sein de la mère patrie.

C’est dans ce cadre que s’inscrivent la mise en œuvre du modèle de dé-veloppement des provinces du Sud, et la mise en œuvre de la régionalisation avancée. Nous tenons à ce que les fils de nos provinces du Sud disposent des moyens nécessaires pour gérer leurs propres affaires et montrer leur capacité à assurer le développement de la région.

En effet, les Sahraouis sont connus pour être depuis toujours des hommes de commerce et de savoir, vivant de leur labeur, dignes et fiers, n’attendant l’aide de personne, si pénibles que soient les circonstances. Nous parlons ici des Sahraouis authentiques, des patriotes sincères, qui sont restés fidèles aux liens d’allégeance les unissant, eux et leurs ancêtres, à travers l’histoire, aux Rois du Maroc. Quant à ceux, peu nombreux, qui se laissent berner par les thèses des ennemis et s’évertuent à les répandre, il n’y pas de place pour eux parmi nous. Mais pour ceux qui se sont ressaisis et repentis, la patrie est clémente et miséricordieuse. L’application du modèle de développement de nos provinces du Sud traduit Notre fidélité à Notre engagement auprès des citoyens dans nos provinces du Sud pour ériger celles-ci en un véritable modèle de développement intégré.

Vers la mise en place dans les provinces du Sud d’un hub de transport aérien desservant l’Afrique.

Nous l’entendons comme un pilier d’appui pour l’insertion définitive de ces provinces dans la patrie unifiée, et pour le renforcement du rayonnement du Sahara, comme centre économique et comme trait d’union entre le Maroc et son prolongement africain. C’est pourquoi Nous avons décidé de mobili-ser, avec l’aide de Dieu, tous les moyens disponibles pour la réalisation de grands chantiers et de projets sociaux et médico-éducatifs, dans les régions de Laâyoune Sakia El-Hamra, Dakhla Oued Eddahab et Guelmim – Oued Noun. Ainsi, dans le domaine des infrastructures, il sera procédé au renforcement du réseau routier de la région, à travers la réalisation d’une voie express, aux normes internationales, entre Tiznit, Laâyoune et Dakhla. Parallèlement, Nous invitons le gouvernement à réfléchir à la mise en place dans les provinces du Sud d’un hub de transport aérien desservant l’Afrique.

Nous caressons également le rêve de construire une ligne ferroviaire de Tanger à Lagouira, pour relier le Maroc au reste de l’Afrique. Nous prions pour que Dieu nous aide à trouver les ressources financières qui nous manquent aujourd’hui en vue de parachever la ligne Marrakech-Lagouira. De même, nous comptons construire le grand port Atlantique de Dakhla, réaliser d’importants projets d’énergie solaire et éolienne dans le Sud, et connecter la ville de Dakhla au réseau électrique national. Nous espérons, en outre, relier ces réseaux et ces infrastructures aux pays africains, et contribuer ainsi à leur développement.

Convaincu que ces infrastructures ne sont pas suffisantes, à elles seules, pour améliorer les conditions de vie des citoyens, Nous entendons continuer à promouvoir le secteur économique et à le soutenir par des projets de dévelop-pement humain. A cet égard, Nous réaffirmons la nécessité de continuer à faire investir les revenus des ressources naturelles au profit des habitants de la région, en concertation et en coordination avec eux. C’est dans cette perspective que Nous avons décidé de réaliser une série de projets qui permettront de valoriser et d’exploiter les ressources et les produits locaux. Il s’agit notamment de la mise en œuvre du grand projet de dessalement de l’eau de mer à Dakhla, et de la mise en place d’unités et de zones industrielles à Laâyoune, Marsa et Boujdour.

Nous tenons à conforter ces initiatives en mettant en place un cadre juri-dique incitatif pour l’investissement, garantissant au secteur privé national et étranger, la visibilité et les conditions de compétitivité nécessaires pour contribuer au développement de la région. En outre, il sera créé un fonds de développement économique ayant vocation à renforcer le tissu économique, soutenir les entreprises et l’économie sociale et assurer l’emploi et un revenu stable, surtout pour les jeunes. Ce qui nous intéresse, c’est de préserver la dignité des fils du Sahara, surtout les générations montantes, et d’instiller en eux l’amour et l’attachement à la patrie.

Une volonté de préserver le patrimoine sahraoui et de promouvoir sa culture C’est pourquoi Nous avons chargé le gouvernement de restructurer le dispo-

sitif de soutien social pour le rendre plus transparent et plus équitable, dans le respect des principes d’égalité, et de la justice sociale réclamée par la majorité des catégories concernées. Compte tenu de la place particulière qu’occupe

la culture Hassanie dans la conscience collective des fils du Sahara, nous nous employons à renforcer les mécanismes de préservation et de sensibilisation en faveur du patrimoine sahraoui, en édifiant notamment des théâtres, des musées et des maisons de culture dans les régions du Sud.

S’agissant du volet des droits de l’Homme, le Maroc est parvenu, avec l’aide de Dieu, à déjouer les manœuvres des ennemis de la patrie, grâce à la mo-bilisation collective, à la gouvernance sé-curitaire et à l’ouverture sur les acteurs de la société civile. De même, le Conseil national des droits de l’Homme, avec ses commissions régionales, en tant qu’ins-titution constitutionnelle pour la défense et la protection des droits et des libertés, s’emploie en toute indépendance à traiter tout abus, dans le cadre du dialogue et de la coopération avec les pouvoirs publics, les organisations associatives et les citoyens. Le Maroc, en mettant en applica-tion la régionalisation avancée, ne fait que conforter sa crédibilité et réaffirmer le respect de ses engagements.

Comme je l’ai dit dans mon discours devant le parlement, la légitimité démocratique et populaire qu’ils ont acquise fait des élus les représentants au-thentiques des populations des provinces du Sud, tant au niveau des institutions nationales que dans leurs rapports avec la communauté internationale. Pour illustrer Notre volonté de donner la primauté aux provinces du Sud dans le processus d’application de la régionalisation avancée, il est prévu de mettre au point des contrats-programmes entre l’Etat et les Régions, où seront définies les obligations de chaque partie pour la réalisation des projets de développement.

Nous appelons donc le gouvernement à activer la mise en œuvre des dis-positions juridiques relatives au transfert des compétences du centre vers ces Régions, et à soutenir celles-ci en leur affectant les compétences humaines et les ressources matérielles nécessaires, dans la perspective de la généralisation de cette expérience parmi les autres régions du Royaume. Il convient aussi d’accélérer l’élaboration d’une véritable charte de déconcentration adminis-trative, qui confère aux services régionaux les prérogatives nécessaires pour assurer la gestion des affaires des régions au niveau local.

A cet égard, Nous tenons à souligner la nécessité d’impliquer les popula-tions, en assurant des espaces et des mécanismes permanents pour le dialogue et la concertation, permettant à celles-ci de s’approprier les programmes et de s’investir dans leur réalisation. Ainsi, nous mettons les habitants de nos provinces du Sud et leurs représentants devant leurs responsabilités, maintenant que nous leur avons assuré les mécanismes institutionnels et de développement pour gérer leurs affaires et répondre à leurs besoins.

Nous ne brandissons pas de slogans creux, pas plus que nous ne vendons d’illusions comme le font les autres

Lorsque le Maroc fait une promesse, il la tient par l’acte et la parole. Il ne s’engage que sur ce qu’il peut honorer. Aussi, Nous adressons un message au monde : Nous ne brandissons pas de slogans creux, pas plus que nous ne vendons d’illusions comme le font les autres. En revanche, nous souscrivons des engagements et nous les respectons et veillons à leur concrétisation sur le terrain.

- Le Maroc a promis d’appliquer la régionalisation avancée. Aujourd’hui, c’est une réalité tangible, avec ses institutions et leurs attributions respectives.

- Le Maroc a promis la démocratie et s’est engagé à mettre les habitants de ses provinces du sud en capacité de gérer leurs affaires locales. Aujourd’hui, cette population choisit ses représentants et participe aux institutions locales en toute liberté et en toute responsabilité.

- Le Maroc a également promis un modèle de développement propre à ses provinces du Sud. Aujourd’hui, Nous en avons lancé les chantiers structurants et les projets générateurs de richesse et d’emplois.

- Le Maroc s’est engagé à garantir la sécurité et la stabilité. Le Sahara marocain est aujourd’hui l’une des zones les plus sûres dans la région du Sahel et du Sahara.

- Le Maroc s’engage aujourd’hui à faire du Sahara marocain un centre d’échanges et un axe de communication avec les pays africains subsahariens et à mettre en place les infrastructures nécessaires à cet effet. Encore une fois, notre pays va honorer ses engagements, au grand désespoir des ennemis.

En revanche, les populations de Tindouf, en Algérie, continuent à endurer les affres de la pauvreté, de la désolation et de la privation et à pâtir de la vio-lation systématique de leurs droits fondamentaux. Ceci incite à s’interroger légitimement :

- Où sont passées les centaines de millions d’euros accordées sous forme d’aides humanitaires, lesquelles dépassent les 60 millions d’euros par an, sans compter les milliards affectés à l’armement et au soutien de la machine de propagande et de répression utilisée par les séparatistes ?.

- Comment expliquer la richesse insolente des leaders du séparatisme, qui possèdent des biens immobiliers et disposent de comptes et de fonds en banque, en Europe et en Amérique latine ?.

- Pourquoi l’Algérie n’a rien fait pour améliorer les conditions de vie des habitants des camps de Tindouf estimés tout au plus à 40 mille individus, soit l’équivalent de la population d’un quartier de taille moyenne dans la capitale Alger ?. Cela veut dire qu’en quarante ans, elle n’a pas pu ou n’a pas voulu doter ces populations de quelque 6000 logements pour préserver leur dignité, soit une moyenne annuelle de 150 unités de logement.

- Pourquoi l’Algérie, qui a dépensé des milliards dans sa croisade militaire et diplomatique contre le Maroc, accepte-t-elle de laisser la population de Tindouf vivre cette situation dramatique et inhumaine ?.

Etes-vous satisfaits des conditions dramatiques dans lesquelles vous vivez à Tindouf ?

L’Histoire jugera ceux qui ont réduit les enfants libres et dignes du Sahara

à l’état de quémandeurs d’aides humanitaires. Elle retiendra aussi à leur sujet qu’ils ont exploité le drame d’un groupe parmi les femmes et les enfants du Sahara en faisant d’eux un butin de guerre, un fonds de commerce illégitime et un moyen de lutte diplomatique. Je tiens à poser aux habitants des camps de Tindouf cette question: Etes-vous satisfaits des conditions dramatiques dans lesquelles vous vivez ? Les mères acceptent-elles le désespoir et la frustration de leurs enfants qui buttent sur un horizon bouché ?.

Je récuse cette situation inhumaine qui vous est imposée. Mais si vous vous en accommodez, n’en faites le reproche qu’à vous-mêmes en voyant le Maroc assurer le développement de ses provinces du Sud et créer pour leurs habitants les conditions d’une vie digne et libre. La question du Sahara n’est pas le premier problème auquel le Maroc a été confronté au fil de son histoire. Il a déjà connu les jours de la Siba et de l’anarchie et vécu sous le Protectorat et l’Occupation. Il a été également le théâtre des luttes et des dissensions de la période postindépendance touchant à la construction de l’Etat moderne. Mais il a toujours surmonté les situations difficiles dont il sortait uni, fort et la tête haute. Il y est parvenu grâce à la foi du peuple marocain qui croit à la communauté de son destin, à sa mobilisation pour la défense des valeurs sacrées du pays et de son intégrité territoriale et à la forte symbiose qui l’unit à son Trône. En entreprenant l’application de cette régionalisation et de ce modèle de développement, le Maroc veut donner de plus grandes chances à la recherche d’une solution définitive au conflit artificiel autour de notre intégrité territoriale.

Fermement convaincu de la justesse de notre Cause, le Maroc a répondu favorablement, en 2007, à l’appel lancé par la communauté internationale pour avancer des propositions permettant de sortir de l’impasse où l’affaire se trouve désormais. Aussi, Nous avons présenté l’Initiative d’autonomie pour les provinces du Sud, dont la communauté internationale a reconnu le sérieux et la crédibilité. Comme Je l’ai affirmé dans le Discours de la Marche Verte de l’année dernière, cette Initiative est le maximum que le Maroc peut offrir. Son application reste tributaire de l’impératif de parvenir à une solution politique définitive dans le cadre des Nations Unies.

Il se leurre celui qui attend du Maroc qu’il fasse une tout autre concession. Car le Maroc a tout donné. Il a donné la vie de ses enfants pour défendre le Sahara. Devons-nous donner encore plus, comme le souhaitent certaines organisations internationales et non gouvernementales ? Nous connaissons les dessous de ces positions hostiles qui veulent diviser le pays. Nous savons aussi que ces organisations n’ont pas le droit de s’immiscer dans les affaires du Maroc. C’est le même principe qui régit notre relation avec certains cercles au sein d’organisations internationales, qui ignorent l’histoire du Maroc, et qui cherchent à présenter des conceptions éloignées de la réalité car concoctées dans des bureaux feutrés, comme autant de propositions pour régler le différend régional suscité autour de la marocanité du Sahara.

Le Maroc refuse toute aventure aux conséquences incertaines, potentielle-ment dangereuses, ou toute autre proposition creuse ne servant à rien d’autre qu’à torpiller la dynamique positive enclenchée par l’Initiative d’autonomie. Le Maroc s’opposera aussi aux campagnes hostiles qui visent les produits éco-nomiques marocains, avec le même sens du sacrifice et le même engagement dont il fait preuve dans les domaines politique et sécuritaire pour défendre son unité et ses valeurs sacrées.

Nous ne faisons pas de distinction entre les régions Nord et Sud du RoyaumePour ceux qui, en violation du droit international, veulent boycotter ces

produits, libre à eux de le faire. Mais, ils devront assumer les conséquences de leurs décisions. Le Maroc a le droit d’ouvrir la porte à ses partenaires, Etats et entreprises mondiales, pour profiter des opportunités d’investissement que la région va offrir grâce aux grands projets qui seront lancés. Vu que Nous ne faisons pas de distinction entre les régions Nord et Sud du Royaume, il n’y a pas pour Nous de différence entre les tomates d’Agadir et celles de Dakhla, les sardines de Larache et celles de Boujdour et le phosphate de Khouribga et celui de Boucraa, même si ce dernier représente moins de 2% des réserves nationales de cette ressource, comme l’attestent les données mondialement reconnues. Avec la même fermeté et la même rigueur, le Maroc fera face à toutes les tentatives visant à remettre en question le statut juridique du Sahara marocain et à contester l’exercice par notre pays de la plénitude de ses pouvoirs sur son territoire, tant dans ses provinces du Sud qu’au Nord.

Cela exige de chacun de redoubler d’efforts et de rester vigilant et mobilisé pour faire connaitre la justesse de notre Cause et le progrès dont jouit notre pays, et contrecarrer les manœuvres des adversaires. Il nous échoit à tous le devoir de promouvoir le développement de nos provinces du Sud, de préser-ver la dignité de leurs habitants et de défendre l’intégrité territoriale du pays, avec le même esprit d’engagement et le même sacrifice qui ont caractérisé la Marche Verte. C’est le meilleur gage de fidélité à la mémoire de l’artisan de cette épopée, Notre Vénéré Père, Sa Majesté le Roi Hassan II, que Dieu ait Son âme, et au souvenir des vaillants martyrs de la Patrie. » n

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Page 7: MAROC diplomatiqueEn 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des

Au-delà de la diplomatie, le défi de la guerre

Dossier réalisé par Jamal Hafsi

F ort de la légitimité que confèrent nombre de textes, de conventions, de correspondances…à sa reven-

dication sur le territoire du Sahara dit Occidental et de l’arrêt rendu par la Cour internationale de Justice (CIJ) de La Haye, le Maroc a pressé le pas et engagé ses ad-versaires, l’Algérie et l’Espagne, dans une course contre la montre que feu Hassan II savait, avec plus de certitude que de doute, qu’elle allait être gagnée, non sans diffi-culté certes, mais gagnée tout de même.

L’enjeu pour le Maroc était d’agir vite, de manière forte et spectaculaire, mais néanmoins pacifique, et d’assurer solide-ment ses arrières pour prendre possession de ses territoires sahariens spoliés que l’Espagne s’apprêtait à quitter sous l’effet de la pression diplomatique exercée par le Maroc.

Et la Marche Verte fut ! Bien naïf est celui qui pourrait croire

un seul instant que feu Hassan II aurait pu engager 350000 Marocains dans la Marche Verte, armés chacun du seul dra-peau national, du seul Saint Coran, du seul portrait du Roi et de la foi en la justesse de sa cause, sans s’assurer que son voisin de l’Est n’allait pas tenter quelque coup fourré qui pourrait transformer cette Marche paci-fique en une aventure sanglante. D’autant plus qu’il était notoirement connu que le colonel Boumediene était du genre à se départir de tout état d’âme dès lors que son égo, démesurément hypertrophié, prenait le dessus sur sa raison…Ce qui arrivait assez souvent, disent ceux qui l’ont bien connu.

À moins de créer un grave casus belli, l’armée algérienne ne pouvait plus rien

En effet, feu Hassan II, dont on sait qu’il ne laissait absolument rien au hasard, avait pris toutes les dispositions nécessaires pour que son coup de génie, la Marche Verte, réussisse. Mais aussi et surtout pour que les Forces armées royales (FAR) puissent pa-rer efficacement à toute tentative d’infiltra-tion à l’Est et d’occupation de la moindre parcelle du Sahara par l’armée populaire nationale (ANP) algérienne qu’il savait en état d’alerte maximale et dont l’essentiel des troupes qu’elle comptait alors était cantonné dans la région de Tindouf et un peu plus au sud face à la portion de fron-

tière que l’Algérie partage avec le Saha-ra. Et la tentation de le faire était d’autant plus grande pour l’armée algérienne que la situation à l’Ouest où l’armée espagnole faisait face à 350000 marcheurs pouvait dégénérer à tout moment.

S’engagea alors une course contre la montre. Et, une fois encore, ce seront les Forces armées royales qui prendront le dessus. En effet, pendant que les mar-cheurs marocains se dirigeaient vers le poste frontalier du Tah, des unités des FAR sont allées, dans une totale discré-tion, occuper le terrain sur tout le long de la frontière qui sépare l’Algérie du Sahara. Et à moins de créer un grave casus belli, l’armée algérienne, qui guettait, ne pouvait plus rien.

En réussissant le pari de la Marche Verte et en empêchant toute infiltration sérieuse d’éléments de l’ANP dans ses territoires sahariens, le Maroc remportait ainsi la pre-mière manche du conflit artificiel que lui imposait l’Algérie…Jusque-là uniquement sur le plan diplomatique.

Entre-temps, le polisario était passé totalement sous contrôle algérien. «Au point d’adhérer à l’accord secret passé entre Lopez Bravo et Abdelaziz Boute-flika», comme le relève Edouard Moha, le fondateur du Morehob in «Le Sahara Occidental, où la sale guerre de Boume-diene», éditions Jean Picollec.

Un air de désir de vengeance

et une escaladeLa décolonisation du Sahara , quasiment

réglée dans les faits, par la Marche Verte, par le retrait de l’Espagne du territoire et par la signature de l’accord tripartite de Madrid (14 novembre 1975), qui consigna le transfert de souveraineté par l’Espagne au Maroc et à la Mauritanie, le régime de Boumediene n’arrivait pas à se faire à l’idée d’essuyer une telle avalanche de re-vers en une seule semaine. Un air de désir de vengeance planait. Et Boumediene opta franchement pour l’escalade. De «partie intéressée», comme il le clamait, parfois, à qui voulait bien le croire,au défenseur du «droit du peuple sahraoui à l’autodé-termination», qu’il ressassait à l’envi dans d’autres situations, le régime de Boume-diene s’est franchement mis à exhiber ses biceps et à user d’un langage pour le moins menaçant à l’endroit du Maroc. Il devenait

ainsi «partie concernée», dévoilant son vi-sage au fur et à mesure.

Rares étaient, alors, ceux qui n’avaient pas déduit que Boumediene n’était «intéres-sé» que par ce qui se passait aux frontières de l’Algérie. D’aucuns avaient compris qu’il tenait à sa part du «gâteau». Voire au «gâteau» tout entier. Comme si l’énorme «pence» qui dépasse jusqu’à presque at-teindre l’Atlantique ne lui suffisait pas.

Pendant ce temps, le Maroc, lui, ne ces-sait d’expliquer autant à la communauté internationale qu’au régime algérien qu’il n’y avait pas plus de «gâteau» que de territoire à partager. Encore moins à cé-der. Le Maroc était chez lui. Point barre ! Ce message avait quelque mal à passer à cette époque. Et il était d’autant plus dif-ficile à faire passerque l’heure était, dans le camp des prosoviétiques, au soutien des Mouvements de libération, en dépit, parfois, de tout bon sens et du caractère contestable de cette revendication. Dans l’autre camp, dit celui du monde libre, la rhétorique algérienne, quand bien même ne s’articulerait-elle qu’autour de slogans creux et détournés, faisait néanmoins re-cette parce qu’elle paraissait coïncider avec des valeurs sur lesquelles se fondent nombre d’opinions publiques, peu, mal et contre informées.

Le Polisario, lui, alternait rezzous et embuscades. Aussi retrouvait-on dans la panoplie d’armes qu’il utilisait lors de ses premières attaques, menées par de petites unités, contre les positions marocaines, essentiellement des véhicules 4X4 Toyo-ta ou Santana sur lesquels étaient mon-tés des canons de 105 ou 106 mm, des canons antiaériens bitubes ZU-2 14,5 et ZU-23-2, des mitrailleuses 12,7mm, des mortiers de différents calibres, des RPG7... Et comme armes individuelles des fusils d’assaut AK47. Et n’eût été la familiarité du terrain et l’effet de surprise qu’offrait aux combattants polisariens leur posture d’agresseurs, il n’y avait jusque-là rien qui puisse inquiéter outre mesure les unités des FAR.

Le conflit va prendre une tout autre di-mension dès lors que Boumediene décide d’impliquer directement l’armée algé-rienne dans la guerre qu’il menait, jusque-là, au Maroc, par Polisario interposé. Des unités de l’ANP, comptant environ 600 à 800 hommes (selon les sources), accompa-gnées de combattants polisariens, ont, en effet, opéré, le 27 janvier 1976 une intru-sion en territoire marocain dans le dessein évident d’en occuper une parcelle. Elles

furent cueillies, le 29 du même mois, par des éléments des FAR dans les environs d’Amgala, à 250 kilomètres à l’ouest de la frontière algéro-marocaine. C’est pour dire que ces unités n’ont pas débordé à l’inté-rieur du Sahara marocain par erreur…L’in-tention était claire.

Le bilan de cette première confron-tation directe entre les deux armées fut relativement lourd pour l’ANP qui lais-sa deux cents morts sur le terrain. 109 militaires algériens et 12 combattants polisariens furent faits prisonniers. La panoplie d’armes saisies et présentées à la presse internationale par le Maroc ne laissait aucun doute sur les intentions des assaillants.

Et encore une fois, même confondu par cette agression caractérisée contre le Maroc, Boumediene crie à tue-tête, au-tant pendant les discours qu’il multiplia que dans les centaines de lettres dont il inonda la planète, prétendant qu’il ne fait que défendre «le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination». Beaucoup se demandent à ce jour si cette intrusion n’était pas un ballon-sonde destiné à tester autant la détermination du Maroc que sa capacité à défendre son territoire jusque dans les confins les plus reculés de son Sahara.

On ne le saura peut-être jamais. Néan-moins, on peut le penser, comme le laisse suggérer en partie cet extrait des mé-moires de Chadli Bendjedid : «...Nous débattîmes longuement de la question du Sahara Occidental lors d’une réunion du Conseil de la Révolution et examinâmes le sujet sous tous ses angles. Houari Bou-mediene insista pour connaître l’avis de chacun d’entre nous. Il posa le problème de la disposition de l’armée algérienne en cas de déclenchement des hostilités. Aucun membre du Conseil ne prit la parole. Il me demanda mon avis et je lui dis: «L’armée manque de moyens et d’organisation. Objectivement, nous ne serons pas en mesure de ravitailler nos unités loin de leurs bases en cas de guerre.» Je n’avais pas le droit de lui mentir dans des circonstances aussi graves. Ce qu’il avait entendu lors de la réunion ne lui a pas plu. Il ré-agit violemment : « Alors, cela veut dire que je n’ai pas d’hommes!» Quand je lui répétai que je ne lui avais dit que la stricte vérité et qu’il fallait que nous la prenions en considération, il me ré-pondit, plus calme: «Je ne parlais pas de toi, Chadli!» Puis, il s’adressa à Abde-laziz Bouteflika: «Dans ce cas, prépare tes bataillons, Si Abdelaziz!» Il voulait dire que nous n’avions d’autre choix que de privilégier la solution diplomatique.»

Et un mois plus tard, soit le 27 février 1976, il fait cristalliser son machiavélique projet autour d’un «Etat» qu’il crée et do-micilie à Tindouf, sous la supervision des hommes de Kasdi Merbah. De son vrai nom Abdellah Khalef, Merbah, qui est natif de Fès, était à cette époque le patron de la Sécurité militaire, l’ancêtre du DRS auquel plusieurs sources imputent son as-sassinat en 1993.

Feu Hassan II dut user de toute sa pa-tience et de toute sa sagesse pour ne pas laisser entrainer le Maroc dans une aven-ture dont la partie algérienne ne semblait visiblement pas saisir toutes les désas-treuses conséquences qui pouvaient en découler. Aussi, dut-il user de tout le poids du respect que lui vouaient les officiers supérieurs des FAR pour contenir leur en-vie d’en découdre avec ce voisin dont le bellicisme dépassait franchement toutes les bornes. n

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Bien naïf est celui qui pourrait croire un seul instant que feu Hassan II aurait pu engager 350 000 Marocains dans la Marche Verte, armés chacun du seul drapeau national, du seul Saint Coran, du seul portrait du Roi et de la foi en la justesse de sa cause, sans s’assurer que son voisin de l’Est n’allait pas tenter quelque coup fourré qui pourrait transformer cette Marche pacifique en une aventure sanglante.

Rares étaient, alors, ceux qui n’avaient pas déduit que Boumediene n’était «intéressé» que par ce qui se passait aux frontières de l’Algérie. D’aucuns avaient compris qu’il tenait à sa part du «gâteau». Voire au «gâteau» tout entier. Comme si l’énorme «pence» qui dépasse jusqu’à presque atteindre l’Atlantique ne lui suffisait pas.

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Les FAR au Sahara pour riposter aux combattants polisariens aux environs d’Amghala.

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Nombre d’observateurs et d’experts militaires avaient estimé qu’après la bataille d’Amgala, qui s’est terminée fin janvier 1975 en désastre pour l’ar-mée algérienne, l’ANP n’allait pas en rester là. Qu’elle allait chercher à se venger. Et qu’elle allait engager mas-sivement ses troupes dans le conflit. D’autant plus qu’elle disposait, di-sait-on, d’une armée mieux équipée que l’armée marocaine sur la plupart des armes (Infanterie, blindés, avia-tion, artillerie…) achetées en Union soviétique. Or, Boumediene lui-même en doutait.

I l doutait quant à la capacité de son armée à imposer sa loi sur un terrain dont l’armée marocaine commençait

à avoir une certaine maîtrise. Aussi sa-vait-il que gagner une guerre est aussi, et surtout, une affaire d’hommes bien en-trainés et gonflés à bloc par la foi qu’ils ont dans la cause qu’ils défendent. Et cela faisait cruellement défaut aux élé-ments de l’ANP, qui souffraient d’un dé-ficit en formation et qui n’avaient, pour ainsi dire, aucune cause à défendre. Si ce n’est d’assouvir l’ambition injustifiée et démesurée de leur chef.

Amgala II, une attaque à la sauvette et à la traitre

Pour toute vengeance, Boumediene se suffira de demander à ses troupes, appuyées par des éléments du polisa-rio, d’attaquer, dans la nuit du 14 au 15 février, la garnison d’Amgala, cette fois-ci, à la sauvette et à la traitre. Y sta-tionnaient alors des éléments des Forces auxiliaires. L’attaque eut lieu pendant que le gros des unités marocaines qui as-suraient la défense du secteur d’Amgala s’en était éloigné et pour aller assurer le contrôle de la localité d’Al Mahbes, située à une cinquantaine de kilomètres de la frontière algérienne, et de sa ré-gion. Les assaillants qui ne tinrent évi-demment pas la position se replièrent en territoire algérien.

Boumediene n’assuma pas. Il nia la participation des éléments de l’ANP à cette attaque, laquelle se solda par l’ex-termination de plusieurs dizaines d’élé-ments des Forces auxiliaires équipés de leurs seules armes individuelles.

Une douzaine de jours après cet inci-dent, le 27 février pour être précis, les

troupes espagnoles évacuent le dernier de leur soldat encore présent au Sahara. Le même jour, Alger franchit un nou-veau pas dans l’escalade, mais cette fois-ci sur le registre politico-diplo-matique : un «État» sahraoui, la «rasd» n’ayant aucun des attributs d’un Etat, est proclamé à Bir Lahlou. À cet «État», les Algériens choisiront le qualificatif «arabe» pour caresser dans le sens des poils les tenants du panarabisme et lui choisiront un drapeau qui rappelle celui de la Palestine auquel on a simplement rajouté une étoile et un croissant comme ceux figurant sur le drapeau algérien. Un projet de 49ème Wilaya algérienne était ainsi mis en gestation.

Une reconnaissance à 50 millions de dollars

Aussi faisons-nous noter, juste pour l’anecdote, que moins d’une semaine avant la proclamation de cet «État», El Moudjahid, l’organe du FLN, alors parti unique au pouvoir, titrait, en caractère gras sur toute la largeur de sa Une : «l’Algérie fait un don de 50 millions de dollars à Madagascar». Le pouvoir dans cette dernière venait de tomber, alors, à la faveur d’un coup d’État, entre les mains du capitaine de frégate Didier Ratsiraka. Et, curieusement, le lendemain de la proclamation de «la République sahraouie», soit le 28 fé-vrier, Madagascar est le premier pays au monde à la reconnaitre. Avant même sa génitrice qui, elle, ne le fera que le 6 mars. Le Burundi le fera le 29 février, l’Angola le 9 mars, le Mozambique et la Guinée Bissau le 11 mars, et le Togo le 15 du même mois. C’est dire toute la légèreté avec laquelle certains pays africains ont reconnu l’appendice polisa-rien qui sera à l’origine de la plus grave crise qu’ont connue l’OUA et l’UA. Des reconnaissances qui ont été, pour la plupart, arrachées à coup de valises de dollars, quand elles ne l’ont pas été par la menace. Notamment pour ce qui est de pays de la région sahélo-saharienne.

Le 7 mars, le Maroc rompt ses rela-tions diplomatiques avec Alger. Et, outre son engagement ferme et résolu dans la guerre militaire que lui menait l’Algé-rie par polisario interposé, il relève le défi d’une guerre diplomatique d’une nouvelle dimension et d’une rare inten-sité. Des moyens énormes sont mis à

disposition de la diplomatie algérienne, que pilotait alors Abdelaziz Boutefli-ka, pour faire reconnaitre la république de Tindouf par un maximum d’États, dans la perspective de son admission, d’abord, au sein de l’Organisation de l’unité africaine, et, plus tard, à l’ONU.

Des chars et blindés, des BM-21, des missiles Sam 6, 7 et 9…pour le polisario

En fournissant au polisario, qui les introduisait dans le terrain des opéra-tions, de nouvelles armes lourdes, no-tamment des chars T-54 et T-55, plus tard des T-62, des EE-9 Cascavel, des BRDM-2, une puissante artillerie avec des BM-21 (orgues de Staline), des D-30 de 122 mm, des mortiers de 120 mm, des KITOLOV-2M…une DCA comp-tant les redoutables missiles Sam-6, 7 et 9, et les non moins redoutables ZSU-23-2 et ZSU-23-4, un armement dont les armées de beaucoup de pays, en Afrique et ailleurs, n’étaient pas dotées, l’Algérie signait la nouvelle envergure qu’elle voulait donner au conflit sur le plan militaire. Elle savait le Maroc in-suffisamment et mal équipé pour faire face aux attaques répétées et de plus en plus violentes d’un polisario qui avait les arsenaux de l’ANP grand-ouverts de-vant lui et le chéquier de Kadhafi prêt à être dégainé. D’évidence, le dessein était de mettre le Maroc à genoux, en l’engageant dans un effort de guerre

au-dessus de ses moyens. Aussi, le Maroc était-il confronté à une double contrainte. Il s’agissait pour lui d’en-tretenir une armée qui gonflait d’année en année en effectifs pour être à même de contrer un ennemi dispersé sur une étendue de plus de 260 milles km². Un effort qui était d’autant plus difficile à soutenir que feu Hassan II ne souhaitait pas lui voir des incidences sur le quo-tidien des Marocains. Le Maroc avait, par ailleurs, quelques difficultés, à cette époque, à obtenir auprès de ses alliés, notamment les Etats-Unis, l’armement à même de lui permettre de se défendre efficacement.

Carter refuse de livrer de l’armement défensif au Maroc

L’administration démocrate de Jimmy Carter refusait en effet de livrer au Ma-roc des avions de reconnaissance OV-10 Branco, des hélicoptères Cobra et des chars M-60, pour remplacer ses M-48 A5 arrivés en fin de carrière. Derrière ce refus, le motif invoqué, tiré par les cheveux il faut le reconnaitre, était que cet armement était de nature à rompre l’équilibre militaire dans la région. Il suffisait, en effet, de voir de quoi était composé l’arsenal militaire de l’ANP, en face, pour se convaincre de l’absurdité d’une telle assertion. Et cette assertion est d’autant plus absurde que cet arme-ment était destiné à un usage défensif.

Et il a fallu attendre jusqu’en 1980 pour qu’une partie de ce matériel mili-taire US, hormis les Cobra, soit livrée aux FAR. On était déjà sous l’ère de Ronald Reagan que liait alors une ami-tié forte à feu Hassan II. Sous Jimmy Carter, on se demandait à quoi ont bien pu servir tous les efforts fournis par le Maroc, parfois au détriment de ses inté-rêts, pour la promotion des valeurs que prônaient le «monde libre» et l’Amé-rique en particulier.

Après avoir essuyé quelques revers sur le terrain, essentiellement durant la période qui va de 1976 à 1980, lesquels n’étaient, cependant, d’aucune incidence majeure sur l’ensemble du conflit armé, les FAR ont repris définitivement le des-sus sur l’armée polisarienne, l’ont bou-tée hors du Sahara et cadenassé celui-ci en érigeant, à partir de 1981,un mur de défense quasi infranchissable.

Étouffé dans son antre à Tindouf, le polisario n’avait d’autre choix que de se plier aux exigences du cessez-le-feu décrété, en 1991, sous supervision des Nations unies, alors dirigées par Perez de Cuellar. Aucune incursion de ses élé-ments dans le territoire du Sahara maro-cain n’a été enregistrée depuis.

Et ce ne sont certainement pas les quelques séances photos auxquelles il lui arrive de convier par intermittence, à Tifariti, quelques tenants de l’exo-tisme saharien qui changeront quoi que ce soit à la donne : sur le plan militaire, le Maroc a définitivement plié l’affaire de son Sahara…il y a de cela un quart de siècle. n

J.H.

Le 7 mars, le Maroc rompt ses relations diplomatiques avec Alger. Et, outre son engagement ferme et résolu dans la guerre militaire que lui menait l’Algérie par polisario interposé, il relève le défi d’une guerre diplomatique d’une nouvelle dimension et d’une rare intensité. Étouffé dans son antre

à Tindouf, le polisario n’avait d’autre choix que de se plier aux exigences du cessez-le-feu décrété, en 1991, sous supervision des Nations unies, alors dirigées par Perez de Cuellar. Aucune incursion de ses éléments dans le territoire du Sahara marocain n’a été enregistrée depuis.

Le mur de défense pour endiguer les assauts des séparatistes.

Quand le Maroc résiste, prendle dessus et cadenasse son Sahara

26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

Page 9: MAROC diplomatiqueEn 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des

L e colonel Houari Boumediene, qui nourrissait des ambitions prus-siennes pour l’Algérie sans avoir ni

l’envergure ni les moyens d’un Bismarck, a été de toutes les manœuvres qui visaient l’endiguement du Maroc. Aussi ce colonel qui s’affichait comme le chantre de la lutte contre le jouge colonial est-il allé jusqu’à s’acoquiner avec certains généraux espa-gnols dans ce dessein. De trahisons en sournoiseries, Boumediene a usé de tous les coups bas que n’autorisent ni la morale ni le voisinage pour empêcher le Maroc de recouvrer ses territoires sahariens sous domination espagnole. Retour sur une in-gratitude, une trahison et plusieurs sour-noiseries…

Plusieurs sources, notamment des télé-grammes diplomatiques américains ren-dus publics par Wikileaks, dont ceux qui l’ont été le lundi 8 avril 2013, apportent des éclairages hautement intéressants sur les tractations qui ont eu lieu entre les trois pays maghrébins (Maroc, Algérie et Mauritanie), concernés d’une manière ou d’une autre par le devenir du territoire du Sahara Occidental occupé par l’Espagne, et sur la posture adoptée par chacun des trois protagonistes.

Dans l’un de ces télégrammes, adressé le 27 juillet 1973, au département d’Etat américain et aux ambassades améri-caines dans les Etats concernés, Stuart W. Rockwel, alors ambassadeur des Etats Unis au Maroc, s’étale assez longuement sur la teneur de l’entrevue qu’il a eu avec le ministre marocain des affaires étran-gères, Ahmed Taïb Benhima. Ainsi dira t-il qu’il avait demandé à ce dernier de l’informer sur les détails de la rencontre qui, quelques jours auparavant, les 23 et 24 juillet, avait réuni à Agadir, à propos du Sahara, les trois chefs d’Etat, le roi du Maroc, Hassan II, le président algérien, Houari Boumediene, et le président mau-ritanien, Mokhtar Ould Daddah. Benhima apprit en substance à W. Rockwel que Hassan II accusa, lors de cette rencontre, directement l’Algérie d’avoir trahi sa pa-role et « a reproché à Boumediene de ré-clamer le Sahara après que le Maroc a fait des sacrifices sur l’accord frontalier. », se-lon les propos rapportés par Ahmed Taïeb Benhima à l’ambassadeur américain.

Trahison et retour sur les engagements pris

En parlant de trahison et de sacrifices sur l’accord frontalier, feu Hassan II fai-sait évidemment allusion à la « Conven-

tion relative au tracé de la frontière d’état » conclue entre l’Algérie et le Maroc une année auparavant – le 25 juin 1972 –. De par cette Convention qui venait en appli-cation du Traité d’Ifrane du 15 Janvier 1969, lequel traité augurait, croyait-on, d’une ère nouvelle dans les relations algé-ro-marocaines, après la fratricide « Guerre des sables » - Octobre 1963 - ; de la Dé-claration commune de Tlemcen du 27 Mai 1970, avec notamment l’évocation de l’exploitation commune du minerai de fer de la région de Gara-Djebilet – région de Tindouf -, de loin plus rentable à faire évacuer vers la côte atlantique, en emprun-tant un couloir qui aboutit à Tarfaya, que vers la côte méditerranéenne, trois fois plus éloignée ; du Communiqué commun de Rabat du 6 Juin 1972 et de la Décla-ration algéro-marocaine de Rabat du 25 Juin 1972.

De par cette Convention donc, le Maroc et l’Algérie s’étaient, en effet, engagés à apurer définitivement le contentieux terri-toriale frontalier qui les opposait.

Aussi en échange des grands sacrifices consentis par le Maroc, qui abandonnait, du fait de la signature de cette Conven-tion délimitant le tracé des frontières entre les deux Etats, ses revendications sur les larges territoires, qui lui avaient été amputés et annexés par la France, au lendemain de sa victoire à Isly sur les troupes marocaines (1844), au profit de son département algérien ( Touat, Gou-rara, Tidikelt, Saoura, Colomb Bechar, Tindouf), l’Algérie avait fait comprendre de manière solennelle au Maroc qu’elle ne revendiquerait pas le Sahara Occiden-tal. Mieux : qu’elle appuierait tout ac-cord auquel parviendraient le Maroc et la Mauritanie au sujet du Sahara alors sous domination espagnole.

Il n’en sera évidemment rien. La trahi-son et le retour de Boumediene sur l’en-gagement qu’il avait pris ne se feront pas attendre. L’Algérie renouvèlera, en effet, toute honte bue, quelque temps après, ses intentions de récupérer le Sahara devant l’Assemblée générale des Nations unies.

Face à cette posture, où la trahison le dispute au sournois, le Maroc opposa sa ferme résolution quant à « ne pas tolérer que cette région, traditionnellement sur la route des invasions vers le Maroc, puisse tomber entre les mains d’un régime local faible pour devenir facilement la proie de l’influence algérienne ou libyenne », rap-porte l’ambassadeur américain à Rabat, dans un autre télégramme.

Hassan II brandit la menace d’une guerreEt cette détermination du Maroc est

d’autant plus affirmée que feu Hassan II n’hésite pas à brandir la menace d’une guerre si la perspective d’un Sahara rat-taché à l’Algérie ou indépendant devait se produire. Comme cela est clairement signifié par le ministre marocain des Af-faires étrangères, Ahmed Taïb Benhima, à l’ambassadeur américain, lors de leur entrevue de juillet 1973 : « Si c’est ce que l’Algérie a en tête, le roi mettrait fin à sa politique d’endiguement, lèverait ses troupes et partirait en guerre ». On ne peut plus clair !

Et d’ajouter, que Hassan II envisage aussi de réunir l’Istiqlal et l’UNFP pour former un gouvernement et libèreraient les forces du nationalisme marocain. « Avec un tel gouvernement, la ratifica-tion marocaine de l’accord frontalier serait impossible et la frontière maro-co-algérienne ne resterait pas calme », aurait expliqué Hassan II à Boumediene à Agadir.

Il y a lieu de rappeler par ailleurs que la rencontre tripartite d’Agadir s’est te-nue dans un contexte assez particulier. Un contexte marqué par une série d’évè-nements, comme le rapporte Mohamed Rguibi, connu sous le nom d’Edouard Moha, dans son ouvrage : « Le Sahara Occidental ou la sale guerre de Boume-diene ». Notamment, par l’important accrochage qui, le 17 mai 1972, avait opposé les éléments du mouvement de libération à l’armée espagnole dans le territoire de la Saquia el Hamra. Par la tenue également, le 26 mai suivant, à Tan Tan du grand Moussem annuel de Sidi Mohammed Laghdef Al Galgami, auquel participent les tribus sahraouies de Tindouf, de Saquia el Hamra, de Dakhla…mais aussi des tribus de la région d’Agadir, de Oued Noun, Oued Draa, de Mauritanie, du Mali…et qui verra les jeunes des tribus sahraouies manifester en portant le drapeau maro-

cain, avant que survienne l’intervention malheureuse de l’autorité locale – voir création du Polisario - .

Le 6 décembre, la commission de tutelle des Nations Unies invite l’Espagne à or-ganiser un référendum d’autodétermina-tion, dont il ne faisait aucun doute que le résultat dégagerait une très large majorité en faveur du rattachement à la mère patrie. S’engageant dans une série de manœuvres dilatoires « qui vont tout compliquer et qui seront utilisées par Boumediene pour faire naître de toutes pièces un problème qui n’existe pas », dira Edouard Moha, le gouvernement de Madrid édicte le 28 dé-cembre un décret d’intégration du Sahara.

Boumediene et ses compères destituent le GPRA et rendent caduque l’accord du 6 juillet 1961

En reniant l’engagement qu’il avait pris avant la signature de la « Convention relative au tracé de la frontière d’état », Boumediene n’était pas à sa première tra-hison à l’endroit du Maroc. Encore moins à son premier coup hautement déloyal et bassement pernicieux.

Et il ne fallait pas s’attendre à moins de la part du colonel Boumediene qui n’avait, pour ainsi dire, par de rival à sa mesure sur le registre de la trahison et de la sournoiserie. En atteste, évidemment, l’ingratitude qu’il manifesta, avec un rare zèle, il faut le souligner, à l’endroit du Maroc qui pourtant l’avait hébergé, protégé et souvent fourni en armes, lui et ses troupes de l’Etat major général de l’ALN et de la 5ème région militaire, cantonnée en territoire marocain. Mais en atteste aussi la vague d’assassinats perpétrés, sans état d’âme aucun, à l’en-contre de nombre de ses compagnons d’armes, directement par lui ou sur ses ordres, avant et après l’indépendance de l’Algérie.

9NATION MAROC

diplomatique

« Le Maroc ne tolèrera pas que cette région, traditionnellement sur la route des invasions vers le Maroc, puisse tomber entre les mains d’un régime local faible pour devenir facilement la proie de l’influence algérienne ou libyenne »

« Si c’est ce que l’Algérie a en tête, le roi mettrait fin à sa poli-tique d’endiguement, lèverait ses troupes et partirait en guerre ».

« Pendant que Boume-diene était en réunion, à Agadir, avec le Roi Hassan II et le pré-sident Mokhtar Ould Daddah, Bouteflika né-gociait secrètement avec Lopez Bravo la création d’un Etat indépendant au Sahara Occidental »

De la trahison et des sournoiseries de Boumediene

Nous sommes le jeudi 16 octobre 1975, le fondateur et édi-torialiste du Nouvel Observateur - Nouvel Obs - Jean Da-niel, est à Alger pour les besoins d’une interview que doit

lui accorder, ce jour là, le président algérien, Houari Boumedienne. Aussi par un étrange hasard du calendrier, ou qui sait peut être que le célèbre éditorialiste était parfum, est annoncée quelques heures avant l’entame de l’interview, la Marche verte. Le monde retenait son souffle et Boumedienne difficilement sa colère. « Il ne cachait pas sa colère sans l’extérioriser brutalement », dira Jean Daniel qui connaissait suf-fisamment l’homme pour être capable de lire autant dans son regard que dans les frémissements de sa moustache rousse.

Installés dans un salon de la présidence, les deux hommes venaient d’engager la discussion, en abordant, évidemment, en premier la Marche verte, quand apparurent sur l’écran de télévision placé devant eux les images du roi Hassan II prononçant le discours pendant lequel le défunt souverain avait annoncé l’organisation d’une Marche verte qui dans les jours qui allaient suivre allait s’élancer vers les provinces sahariennes. « Là, le visage de Boumediene s’est métamorphosé. Un mélange de sourire nerveux et de fureur crispait son visage. Un moment, le roi parle de l’Algérie sur un ton conciliant et amical. Le Président lui lance, en arabe, une injure et, à ma stupeur, il avance son bras droit et délivre un magistral bras d’honneur. Tel un voyou de Bab el Oued. Le

Président austère qui se donnait à voir quelques instants plus tôt avait disparu. J’avais devant moi un autre homme. Un jeune garnement des rues prêt à tout.

Pour être né, de parents juifs, et avoir vécu jusqu’à ses vingt ans à Blida, une petite ville située à 50 kilomètres au sud d’Alger, Jean Da-niel, comprenait parfaitement l’injure lancée en arabe par Boumediene.

Et de poursuivre : Il s’est levé de son fauteuil et s’est mis à sautiller de façon étrange. Un peu hystérique. Je ne saurais dire s’il sautait de joie ou de colère, mais, je le revois très bien, il a bondi à plusieurs reprises. Il trépignait, comme s’il avait perdu le contrôle de son personnage. Les insultes contre Hassan II pleuvaient. J’étais stupéfait. Jamais je n’avais vu un chef d’Etat dans cet état. Ce n’était qu’un torrent d’invectives à un niveau insoutenable de grossièreté, d’obscénité, de vulgarité. Sans transition, ont suivi les menaces. Hassan II ne l’emportera pas au paradis. Il ne sait pas ce qui l’attend. L’Algérie ne se fera pas rouler dans la farine. L’Algérie ne se laissera pas marcher sur les pieds. Elle rétorquera de tous ses moyens et on verra ce qu’on verra », conclu Jean Daniel, citant Boumediene.

Cet état d’esprit et cette extrême agitation du président Boumedie-ne, relevés par l’Editorialiste du Nouvel Obs, sont rapportés dans les archives déclassifiées du Département d’Etat américain remontant au mois d’octobre 1975, au moment de l’annonce par feu le Roi Hassan

II de la Marche verte. Lesdites archives rapportent, en effet, que lors de son déplacement dans la région en octobre 1975, la tension y était alors à son summum, Kurt Waldheim, le secrétaire général de l’ONU, a eu des entretiens à Rabat, Nouakchott, Alger et Madrid

De retour à New York, Waldheim s’est entretenu au téléphone avec le secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger. « A Madrid, nous avons dis-cuté d’une solution de compromis avec une administration intérimaire, composée des Marocains, des Mauritaniens et de représentants des po-pulations du Sahara espagnol », explique Waldheim à Henry Kissinger. Mais en Algérie, ajouta-t-il, le président Boumediene était hors de lui: « Je n’ai jamais vu Boumediene aussi furieux […] J’ai été frappé par la manière dure et émotionnelle avec laquelle Boumediene a réagi. Il a dit que si cette solution venait à être appliquée, la région prendrait feu ». « Il est toujours très maître de lui.», rétorqua Henry Kissinger, visi-blement surpris par l’attitude de président algérien. Aussi le sera-t-il davantage quand il entendit la suite du récit de Kurt Waldheim : « Il a fait une référence rapide à la résistance du Polisario, mais il a dit que cela ne serait pas le pire. Que si cela arrive, cela aurait des répercussions non seulement sur les pays voisins mais aussi au Moyen-Orient. […] Je veux insister sur l’état d’esprit de Boumediene qui est très déterminé et qui semble décidé à faire tout ce qui est en son pouvoir pour bloquer toute solution décidée entre le Maroc et l’Espagne » n

A l’annonce de la Marche Verte, Boumediene se transforme en garnement des rues…

Feu S.M. Hassan II, et les défunts prési-dents Boumedienne et Mokhtar Daddah.

26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

Page 10: MAROC diplomatiqueEn 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des

NATION MAROC

diplomatique10

Après la démonstration de Laâyoune, on fait quoi ? L e pouvoir algérien ne semble toujours

pas convaincu de l’irréversibilité de la récupération par le Maroc de son

Sahara. Et c’est là le signe d’une grande cé-cité politique que partagent nombre d’ob-servateurs et d’analystes. Y compris dans les rangs de ceux qui, à un moment ou à un autre, avaient accompagné ce régime dans sa délirante aventure.

Le monde a changé. Le pouvoir algérien, lui, vit encore à l’heure des envolées à la hus-sarde qui, aujourd’hui, ne portent pas plus loin que les faubourgs d’El Mouradia. Même les caciques du régime n’y croient plus. Ils font comme ci, mais, dans leur grande ma-jorité et dans leurs moments de lucidité, ils admettent que rien ne pourra déloger le Ma-roc de son Sahara.

En effet, il n’est pas un seul être sain d’es-prit, à Alger ou ailleurs, qui pourrait conce-voir que le Maroc, après avoir résisté, vingt-cinq années durant, avec un rare courage et une très grande détermination, aux assauts militaires des hordes polisariennes et plus de quarante années, avec autant de courage et de détermination, à ceux des légions de la diplomatie algérienne, puisse abandonner ne serait-ce qu’un mètre de ce Sahara que

convoite, appelons les choses par leur nom, l’Algérie ?

Ménager à Alger n’est plus d’à-propos

Jusque il n’y a pas très longtemps, il a été de tradition de ne pas dire à Alger ce que l’on pense réellement de sa conduite à l’endroit du Maroc. En Afrique, parce qu’on craint sa ca-pacité de nuisance quand on ne succombe pas à ses sirènes trébuchantes. En Europe, parce qu’il est de bon ton de s’afficher républicain quand on est un pays du Sud. Nombre d’es-prits chagrins ne se font en effet toujours pas à l’idée que puisse exister sur la rive sud-mé-diterranéenne une monarchie qui puise sa lé-gitimité dans une indéniable profondeur his-torique. Et qui plus est traitait, il n’y a pas si longtemps que ça, d’égal à égal avec les plus grandes puissances de ce monde. Et il semble qu’on a encore quelque mal, dans certains pays d’Europe, à « pardonner » au Royaume du Maroc son « insolence » historique. En Amérique du Nord, en particulier aux USA, les choses sont sensiblement différentes : prises en étau entre un pays ami, le Maroc, et un pays grand producteur de gaz et de pé-trole, l’Algérie, les différentes administrations

américaines ont joué, indépendamment de leur référentiel idéologique, aux équilibristes pour tenter de ménager l’ami marocain et le fournisseur d’énergie algérien. Aussi faut-il souligner que cela ne s’est pas toujours fait dans le respect des intérêts justifiés du Maroc. Et pour cause : l’Algérie a plus d’une fois taillée sa loi sur les hydrocarbures en fonction des attentes pour ne pas dire des injonctions des groupes pétroliers américains…

Une évolution à l’avantage du Maroc

La position des uns et des autres, tout comme celle de l’opinion publique interna-tionale, par rapport à la question du Sahara, est en train d’évoluer sensiblement à l’avan-tage du Maroc. Derrière cette évolution, plu-sieurs raisons : la présentation par le Maroc du projet d’Autonomie élargie pour les pro-vinces sahariennes a tiré le dossier du Sahara de l’enlisement dans lequel l’avait entrainé le tandem algéro-polisarien. Un référendum d’autodétermination ayant été considéré comme alternative irréaliste par l’ancien en-voyé spécial du secrétaire général de l’ONU, Peter van Walsum, lequel a déclaré, par ail-leurs, que l’indépendance du Sahara, n’était,

à ses yeux, pas « un objectif atteignable » et qu’un « Sahara indépendant n’était pas une proposition réaliste », étaient autant d’ar-guments qui ont plaidé en faveur du projet marocain. Soumis à plusieurs tentatives de torpillage de la part de l’Algérie, notamment à travers la velléité d’élargissement des préro-gatives de la Minurso aux droits de l’homme, le projet d’Autonomie a gardé intactes son attractivité et sa pertinence. Aussi continue-t-il de recueillir des adhésions de plus en plus nombreuses.

Un acteur sérieux face à un pays en déliquescence

Pendant que le Maroc s’affirme de plus en plus comme acteur sérieux et d’impor-tance sur la scène internationale autant sur le plan politique que sur le plan économique, l’Algérie, elle, donne l’image d’un pays en pleine déliquescence. La chute des cours des hydrocarbures n’étant pas pour arranger les choses, elle commence à pomper drastique-ment dans ses réserves de changes. Oui, mais jusqu’à quand ?...

Aussi avec un président qui semble-t-il ne contrôle plus rien et une lutte de clans pour sa succession qui laisse augurer que celle-

ci pourrait aboutir à une situation de chaos, l’Algérie présente de graves signes d’inquié-tude, comme le relève chaque jour la presse internationale.

Alors ! On fait quoi ?L’Algérie a tablé sur le facteur temps. Sur

ses capacités financières qui, pensait-elle, al-laient lui permettre de soutenir indéfiniment sa croisade contre le Maroc. Et qu’en face, celui-ci allait avoir toutes les peines du monde pour tenir quelques années avant de plier.

Quarante années après, sont venus cet his-torique voyage, ces bains de foule, ce dis-cours, qui doit encore retentir par son audace et sa pertinence dans l’oreille des décideurs algériens, et ce long séjour du Roi Moham-med VI à Laâyoune, pour signifier à Alger combien elle a calculé faux…

Un proverbe marocain dit (la traduction est approximative, mais nos frères algériens comprendront) : « Qui compte seul a souvent du reste ».

Alors ! On fait quoi ? Une paix des braves, comme l’exige le bon sens. Ou on continue sur le même tempo ? Le Maroc a encore du souffle et du ressort pour ça… qu’on se le dise. n

J.H.

Est-ce à dire que le Maroc doutait alors de ses capacités à assu-rer la récupération de ses provinces sahariennes et que par conséquent il n’allait pas s’opposer à la poursuite de leur occupation ? Rien n’est moins faux ! Deux années plus tard Hassan II lancera la Marche verte. Un coup de génie qui permettra au Maroc de récupérer ses provinces sahariennes spoliées, sans avoir à tirer un seul coup de feu sur quiconque.

« Le Gouvernement de sa Majesté et le Gouverne-ment provisoire de la république Algérienne, animées par des sentiments de solidarités et de fraternité Maghré-bines, conscients de leur destin africain et désireux de concrétiser les aspirations communes de leurs peuples, ont convenu de ce qui suit :

Fidèles à l’esprit de la conférence de Tanger du mois d’avril 1958 et fermement attachés à la charte et aux résolutions adoptées à la conférence de Casablanca, les deux gouvernements décident d’entreprendre l’édi-fication du Maghreb Arabe sur la base d’une fraternelle association notamment dans le domaine politique et

économique.Le Gouvernement de sa majesté le roi du Maroc,

réaffirme son soutien inconditionnel au peuple algérien dans sa lutte pour l’indépendance et son unité nationales. Il proclame son appuie sans réserve au Gouvernement provisoire de la république Algérienne dans ses négocia-tions avec la France sur la base du respect de l’intégrité du territoire Algérien.

Le Gouvernement de sa majesté le roi du Maroc, s’op-posera par tous les moyens à toute tentative de partage du territoire algérien.

Le Gouvernement provisoire de la République algé-

rienne reconnaît pour sa part que le problème territorial posé par la délimitation imposée arbitrairement par la France entre les deux pays, trouvera sa solution dans des négociations entre le Gouvernement du Maroc et celui du gouvernement de l’Algérie indépendante.

A cette fin, les deux gouvernements décident de la création d’une commission algéro-marocaine qui se ré-unira dans les meilleurs délais pour procéder à l’étude et à la solution de ce problème dans un esprit de fraternité et d’unité maghrébine.

De ce fait le Gouvernement provisoire de la répu-blique Algérienne réaffirme que les accords qui pourrons

intervenir à la suite des négociations Franco-Algériennes ne sauraient être opposables au Maroc, quant aux déli-mitations territoriales algéro-marocaine. »

Fait à Rabat le 6 Juillet 1961

Texte intégral de l’accord du 6 juillet 1961

C’est dire que le Maroc n’avait pas d’illusion à se faire sur les intentions de ce Colonel qui, déjà en juillet 1962, s’était illustré en évinçant le Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA) et en confis-quant l’indépendance de l’Algérie. Rentrés à dos de chars à Alger, lui et ses compères du clan de Tlemcen, où de Oujda, comme il plait à certains de les appeler, s’emploieront à faire de l’Algérie la grosse source de nuisance pour ses voisins, en particulier pour le Maroc, qu’elle n’a cessé d’être depuis.

Pour rappel : un protocole d’accord signé, le 6 juillet 1961, entre Feu Hassan II et Ferhat Abbas, alors président du GPRA, au sujet de la délimitation des frontières, laissait entrevoir un règlement pacifique de la question des fron-tières entre les deux pays voisins. Cet accord stipulait notamment que « le gouvernement provisoire de la république algérienne recon-nait le problème territoriale posé par la déli-mitation imposée arbitrairement par la France entre les deux pays qui trouvera sa solution dans des négociations entre le gouvernement du Royaume du Maroc et le gouvernement de l’Algérie indépendante. » - voir le texte intégral de cet accord en encadré.

La « guerre des sables » pour faire diversion

En mars 1963, Ahmed Ben Bella confir-mait l’existence de ce protocole d’accord à l’occasion de la visite effectuée par Hassan II à Alger. Visite au cours de laquelle furent notamment offerts par le Maroc des blindés neufs à la jeune armée nationale populaire al-gérienne. Et au sujet de la mise en application de ce protocole d’accord, Hassan II rapportera dans ses mémoires ce que Ben Bella lui avait déclaré :

« Je demande à votre majesté de me lais-ser le temps de mettre en place en Algérie les nouvelles institutions. Lorsque, en septembre ou octobre, cela sera fait, alors nous ouvrirons ensemble le dossier des frontières. Il va sans dire que l’Algérie indépendante ne saurait être

l’héritière de la France en ce qui concerne les frontières algériennes. »

Pendant que le Maroc attendait l’ouverture du dossier des frontières, comme l’avait pro-mit Ben Bella, l’armée algérienne lance, le 2 octobre 1963, une attaque surprise et s’em-pare de Tinjoub, Ich et Hassi Beïda. Les chars offerts par Feu Hassan II y auraient servi…

Confrontés à de nombreuses insurrections, conduites par leurs compagnons d’armes, no-tamment par Hocine Ait Ahmed qui, opposé à la main mise des militaires sur la révolu-tion algérienne et aux déviations qu’a connue celle-ci, créa un maquis dans les Aurès, où il prit la tête du Front des forces socialistes (FFS) et par le colonel Chaâbani, alors à la tête de la 6ème wilaya, lequel, pour les mêmes motifs, se rebella et créa un front dissident dans le Sud algérien, Ben Bella et Boume-diene optèrent pour cette attaque du territoire marocain. L’objectif était de faire diversion et de provoquer un sursaut national visant à soutenir les militaires qui avaient prit le pou-voir en dépit de toute légalité. Ait Ahmed et Chaâbani furent notamment accusés d’être entrés en collusion avec le Maroc pour porter atteinte à la révolution algérienne.

Collusion algéro-espagnole

Plusieurs sources ont fait également état de négociations secrètes tenues par Boumedie-ne, bien avant le début de l’agonie du général Franco, avec des généraux espagnols qui ne voyaient pas d’un bon œil la récupération du Sahara Occidental par le Maroc. L’objectif visé alors par Boumediene était de favoriser la création d’un Etat indépendant dans ces territoires sous le couvert de principes idéo-logiques détournés et manipulés. Notamment le sacro-saint principe du « droit des peuples à disposer d’eux même », qu’il n’évoquait curieusement jamais du temps où le coloni-sateur espagnol persécutait les sahraouis qui réclamaient son départ et exigeaient le retour du territoire au Maroc.

Il y a lieu de noter également, au titre du double jeu auquel s’adonnait Boumediene avec un rare cynisme, cette rencontre secrète qui avait réuni, au moment même où se te-nait la rencontre tripartite d’Agadir, Abdelaziz Bouteflika, alors ministre algérien des Af-faires étrangères et son homologue espagnol Lopez Bravo. En tête de l’ordre du jour de cette rencontre des deux ministres des Affaires étrangères figurait la conclusion d’un accord secret entre l’Algérie et l’Espagne visant à isoler le Maroc et favoriser la création d’un Etat sahraoui indépendant sur le territoire du Sahara Occidental. En échange de quoi l’Al-gérie s’engageait, entre autres, à suspendre toute aide et tout appui aux revendications des séparatistes basques de l’ETA se trou-vant sur ou en dehors de son territoire. L’ac-cord prévoyait également des dispositions économiques avantageuses pour l’Espagne, notamment la livraison du gaz algérien à un prix préférentiel.

De la fermeté du MarocFace à l’Espagne dont une partie de l’armée

et de la classe politique privilégiait également la solution d’un Etat indépendant sur le terri-toire du Sahara, le Maroc ne s’est pas montré moins ferme. Un autre document déclassifié du Département d’Etat américain, daté du 31 mars 1973, fait état de cette détermination marocaine. Le ministre des Affaires étran-gères espagnol, Gregorio Lopez Bravo, en visite à Rabat, rencontre, le 26 mars 1973, son homologue marocain Ahmed Taïeb Ben-hima. Quelques jours après cette rencontre, l’ambassadeur US au Maroc va naturellement voir ce dernier pour s’enquérir de ce que les deux ministres, marocain et espagnol, ont pu se dire. « Benhima m’a répondu qu’il avait parlé fermement à Lopez Bravo. Il a dit que si l’Espagne essayait de mettre le Maroc de-vant le fait accompli du référendum, qu’il en résulte soit la décision de continuer l’associa-tion du Sahara espagnol avec l’Espagne, soit l’indépendance, le Maroc créerait une situa-tion d’insécurité pour l’Espagne au Sahara et

avait les moyens de le faire ». Ces propos sont ainsi transcrits dans le télégramme envoyé par l’ambassadeur U.S, le 31 mars 1973, au département d’Etat américain, et aux ambas-sades américaines dans les pays concernés.

Soucieux d’être tenu au courant de l’évolu-tion des positions des uns et des autres et d’être au plus près de la moindre information en rap-port avec l’affaire du Sahara, l’ambassadeur américain rencontre l’ambassadeur espagnol à Rabat, Martin Gamero, pour être informé des résultats de la visite d’Ahmed Taïeb Benhima à Madrid, le 9 mai 1973. La réponse de Game-ro traduisait la ferme détermination du Maroc quant à empêcher l’Algérie de l’endiguer : « Les Espagnols ont eu clairement l’impression que le Maroc préférait définitivement la conti-nuation du statu quo à l’accession du Sahara à l’indépendance. Il semble clair aux Espagnols qu’il n’y a pas d’espoir de solution immé-diate pour les problèmes territoriaux comme le Sahara, Ceuta et Melilla ».

Est-ce à dire que le Maroc doutait alors de ses capacités à assurer la récupération de ses provinces sahariennes et que par conséquent il n’allait pas s’opposer à la poursuite de leur occupation ? Rien n’est moins faux ! Deux années plus tard Hassan II lancera la Marche verte. Un coup de génie qui permettra au Ma-roc de récupérer ses provinces sahariennes spoliées, sans avoir à tirer un seul coup de feu sur quiconque.

Entre temps, le président Boumediene s’était spectaculairement distingué lors du Sommet de la ligue arabe, tenu à Rabat en octobre 1974, en donnant sa pleine mesure à son art consommé de la fourberie et du Machiavélisme. Il avait notamment déclaré : « Nous sommes avec le Maroc et la Maurita-nie pour la libération de chaque parcelle, non seulement du Sahara occidental, ou le Sahara encore sous domination espagnole, mais éga-lement Sebta et Melilla et toutes les îles encore sous domination espagnole ».

Difficile, en effet, de faire mieux…Quoique… n

J.H.

26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

Signé:Sa Majesté Hassan II

Roi du Maroc

SignéSon Excellence Ferhat Abbas

Président du gouvernement provisoire de la république

Algérienne

Page 11: MAROC diplomatiqueEn 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des

Jamal Hafsi

L e hasard nous réserve parfois d’assez étranges surprises. Comme en témoigne le récit que vous livre votre serviteur.

Nous étions le 2 décembre de l’année 2008. Une journaliste suédoise, Christina Forsne, m’a contacté par email pour m’apprendre qu’elle avait lu un de mes papiers que j’avais consacré aux prisonniers de guerre marocains anciennement détenus à Tindouf. Dans ce papier était notamment cité, parmi d’autres, le nom de l’un de ces prisonniers, Mohamed Astati pour ne pas le nommer.

Et de m’apprendre, aussi, qu’elle se souvenait avoir rencontré Astati lors de deux de ses déplacements pro-fessionnels dans les camps de Tindouf au tout début des années 80. Il y était détenu dans les horribles conditions que l’on sait. «Le lieutenant aux yeux bleus», avait-elle écrit. En fait, les yeux d’Astati étaient verts. Aussi m’avait-elle demandé si je pouvais la mettre en contact avec lui. Ce que je fis non sans plaisir.

Jusque-là, je ne savais pas, pour ainsi dire, qui était au juste cette journaliste. Dans mon esprit, il s’agissait d’une reporter qui avait couvert à cette époque le conflit du Sahara pour le compte de la télévision suédoise. Sans plus. Je ne pouvais me douter qu’il s’agissait en fait de la célèbre journaliste suédoise, connue dans le landerneau politique français pour avoir été pendant de longues an-nées (de 1980 à 1995) la maîtresse de l’ex-président fran-çais, François Mitterrand. Elle était alors correspondante à Paris pour le quotidien Aftonbladet et pour la télévision publique suédoise. De sa relation avec Mitterrand serait même né un enfant illégitime, Hravn. Une sorte de Ma-

zarine Pingeot au masculin. Sauf que là, le géniteur était président de la République française et l’enfant, lui, était de mère étrangère. C’est pour dire que l’on s’employa à l’Élysée pour garder au secret cette liaison. Et, plus encore, l’existence de cet enfant, né le 12 novembre 1988 à la clinique du Belvédère, à Boulogne Billancourt, qui s’appelle officiellement Thomas Forsne pour l’état civil, mais qui préfère qu’on l’appelle Hravn Forsne.

Comme on pouvait se douter, et malgré le black-out imposé par l’Élysée autour de cette affaire, une partie de la presse de l’Hexagone s’empara rapidement de l’in-formation faisant état de l’existence d’une relation entre Mitterrand et la célèbre journaliste suédoise. L’existence d’un enfant illégitime né de cette relation ne sera pour sa part ébruitée que bien plus tard.

Christina Forsne attendra le 15 août 2012 pour recon-naître sur les colonnes du quotidien suédois Atfonbladet avoir eu une liaison avec l’ancien président de la Répu-blique. «Il m’a répété, encore et encore, que j’étais la femme de sa vie», dira-t-elle. Et si elle n’a pas hésité à se confier sur sa relation avec François Mitterrand, elle a cependant toujours refusé de révéler l’identité du père de son fils. C’est son fils, Hravn, qui a décidé de se lancer dans une carrière politique sous les couleurs du Moderaterna, un parti conservateur et libéral situé à droite, qui lèvera une partie du voile qui entoure l’affaire de cette filiation. «Je veux être jugé pour ce que je suis, pas pour qui était mon père. Mais d’accord, c’est comme ça. François Mitterrand était mon papa», a-t-il confié au Kungsbacka-Posten.

Interrogé lui aussi à l’époque par un média français, sur l’existence d’un éventuel demi-frère établi en Suède, Jean-Christophe, le fils de François Mitterrand, apporta

cette réponse pour le moins évasive : «Peut-être ! Je ne sais pas !»

En prévision de son arrivée au Maroc pour nous rencontrer, Astati et moi, un déplacement qu’elle avait programmé pour mai 2009, je voulais en savoir davan-tage sur Christina Forsne, du moins un peu plus que ne pouvaient m’apprendre les journalistes qui avaient traité de l’affaire de sa relation avec Mitterrand. Et surprise ! Je découvre qu’elle avait écrit un livre en 1996. Publié en suédois dans sa version originale sous le titre : «Alskar ni inte livet ?», Editions Fisher & Co. Le livre a été traduit en français et publié chez les Éditions Le Seuil sous le titre «François». Un livre qui ne souffre d’aucune équivoque quant à son contenu.

Oui, mais direz-vous : hormis sa nationalité suédoise, quel est le rapport entre la crise maroco-suédoise, la relation que Christina Forsne a pu entretenir avec le président français et le livre qu’elle a pondu au sujet de cette relation ? Question légitime ! Mais rassurez-vous, si rapport il y a et il est édifiant à plus d’un titre : arrivé, pendant ma lecture du livre de Christina, à la page 123, au chapitre intitulé «La nuit africaine» j’ai lu ceci : « En tant que journaliste, pendant des années j’ai suivi de près le conflit du Sahara, et souvent j’ai visité la région ; j’ai interviewé aussi bien le président Chadli que le roi Has-san II sur ce conflit et, bien sûr, j’ai évoqué la question avec François Mitterrand».

Il était tout à fait conscient que les hommes jeunes formant la direction du Polisario étaient opposés aux régimes en place au Maroc et en Mauritanie, et que le Po-lisario était une création de l’Algérie, une tentative pour déstabiliser le voisin à l’Ouest et, éventuellement, une possibilité de trouver une ouverture vers l’Atlantique. Il

n’ignorait pas non plus que ce mouvement de libération était fourni en argent et en armes lourdes par le colonel Kadhafi, à travers la «piste Kadhafi» qui passait par le Sud algérien. Il n’y avait naturellement pas de politique plus sensée que de se tenir en dehors de ce conflit ré-gional, où un engagement de la France ne pouvait avoir pour elle que des conséquences désastreuses.

François Mitterrand refusa toujours de céder aux pres-sions du Parti socialiste pour venir en aide au Polisario. – voir le fac simili -

Après la lecture de ce passage, édifiant à plus d’un titre, j’ai demandé à Christina si sa perception du conflit autour du Sahara, elle qui nourrissait quelque sympathie à l’endroit du mouvement séparatiste, avait changé et si elle pouvait me faire une déclaration dans ce sens. Elle refusa sans me fournir d’explication. Néanmoins, j’avais remarqué qu’elle ne parlait plus du Sahara occidental, mais du Sahara tout court.

Ma première question : y a-t-il quelqu’un au dépar-tement des Affaires étrangères et de la coopération qui aurait lu ce livre ? J’en doute fort ! Aussi m’a-t-il été donné au moment des faits relatés plus haut d’en parler à un responsable de la communication de ce départe-ment… Je ne vous dis pas toute la suffisance qu’il avait alors affichée… Et tout le désintérêt qu’il apporta à la question de ce livre et de ce passage.

Ma seconde : pourquoi nos amis suédois et suédoises sont-ils toujours enclins à faire un sacré tintamarre dès lors qu’ils sont convaincus, même à tort, de la justesse d’une cause, mais observent, souvent, un silence des plus assourdissants, dès lors qu’ils sont confrontés à des vérités qui mettent à mal leur conviction première ?

Allez-y savoir pourquoi ! n

11NATION MAROC

diplomatique

CHRONIQUE SUR LA POINTE DES MOTS…

Sahara : Mitterrand savait…Sa maîtresse suédoise aussi

Par mustaPHa Dalil*

A l’occasion de l’ouverture de la première ses-sion de la 5ème année législative de la 9ème législature, S.M. le Roi Mohammed VI a

consacré son discours devant les deux chambres du Parlement aux questions institutionnelles, notamment la région. À ce propos, S.M. a confirmé «quenous n’avons d’autre choix que de mettre en place des institutions régionales efficientes, pour que le Ma-roc ne manque pas ce rendez-vous important avec l’histoire». Aussi, a-t-il ajouté, «la vie politique ne devrait pas reposer sur les personnes, mais plutôt sur les institutions».

Dans cet esprit, la région/zone économique,simple «... ensemble de provinces qui, sur les plans tant géogra-phique qu’économique et social, entretiennent ou sont susceptibles d’entretenir des relations de nature à stimuler leur développement» a connu une évolution progressive, mais sûre, de son statut. Par ailleurs, les partis politiques ont œuvré pour sa responsabilisation en gestion et en investissement dans les domaines économique, social, culturel, environnemental et d’équipements ne revêtant pas une dimension nationale. Elle est considérée comme «un nouvel instrument de solidarité qui ne peut que renforcer la cohésion nationale qui constitue le ciment de l’identité marocaine» et un moyen de pilotage d’un développement territorial solidaire et intégré. En plus des motifs ayant conduit à sa promotion au stade d’une collectivité territoriale avec des structures exécutives et délibératives, la loi y est relative s’est étendue sur sa fonction socioéconomique.

Ainsi, la régionfut-elle conçue comme un pôle de développement et de consolidation de l’unité nationale par excellence. Mais, comment la territorialisation de l’action de l’État pourrait-elle faire de la région un pôle de développement ? C’est par «la préservation de chacune des régions du Maroc, la préservation du patrimoine et des acquis de chaque tribu et de chaque province,

la conciliation, en même temps, entre les besoins des uns et ceux des autres, la stimulation des volontés et le regroupement des potentialités de tous pour satisfaire les uns et les autres…» de manière à ce que «chaque région, qu’il s’agisse du Nord ou du Sud puisse devenir un pôle de développement capable d’accueillir des activités de production génératrices d’emplois…».

À travers les différentes réformes de lois sur laRégion, y compris la loi organique n° 111-14 relative aux régions, les pouvoirs publics étaient et sont tenus de se mobiliser pour son édification en tant que cadre de décentralisation territoriale et centre économique de décision. Car la pertinence de la région est conditionnée par sa capacité à donner un contenu concret à la décentralisation et à l’approfondissement du processus de la déconcentration administrative.

La région au Maroc, cadre de consolidation de l’unité nationale par excellence et de mise en synergie des di-verses richesses locales, y compris la richesse culturelle, est l’expression de la diversité qui englobe les ressources humaines, géographiques, démographiques, linguistiques et culturelles, et aussi un espace générateur de solidarité et d’échange.Elle constitue en outre le cadre d’impulsion d’une dynamique nouvelle impliquant les partenaires locaux par le renforcement des pratiques démocratiques, de la réflexion, du dialogue et de l’action commune et partenariale. À ce titre, elle est consacrée de plus en plus commeun terrain favorable à la création de nouvelles méthodes de gestion territoriales valorisant les ressources humaines, naturelles et écologiques.

En somme, la région, en devenant un axe de sti-mulation et de mobilisation des énergies territoriales qui réunit les conditions nécessaires de l’attractivité et avec l’allègement de la tutelle, servira de toute évidence de territoire de développement local. Dans ce sens, la condition principale pour une meilleure attractivité des territoires réside dans la proximité des infrastructures de transport aux investisseurs. Les entreprises, quelle que soit leur taille, ne peuvent survivre dans un espace

régional clos avec des localités enclavées compliquant la desserte de leurs établissements. De même, elles au-raient besoin de l’abondance et la qualité de la main-d’œuvre locale. Car, en l’absence d’une main-d’œuvre qualifiée et abondante, la mission promotionnelle de la région se trouvera forcément handicapée et mise en échec. D’autant plus que la région, en tant qu’instrument de refonte de l’action publique locale, est prédisposée plus que toute autre collectivité territoriale à arrêter les mesures incitatives globales en faveur des entreprises économiques, en intervenant en leur faveur au moyen de l’offre, par exemple, de locaux ou de terrains, en les soutenant par un système de communication fiable et par des aides sous différentes formes ou par des en-couragements fiscaux.

La région est un lieu d’authentique communauté de destin et expression de cohérence. Il en résulte un dis-cours qui attribue à l’entité régionale une place centrale dans la dynamique endogène des territoires ainsi que l’émergence d’une conscience régionale exprimant une identité et une cohérence.Le Maroc présente, certes, un pluralisme culturel qui est pris en considération pour la redéfinition de l’assise territoriale du découpage régional. Et personne ne nie les diversités culturelles régionales surtout à un moment où les responsables intègrentles provinces du Sud marocain dans une politique de régio-nalisation élargie. Ce sentiment d’appartenance à une région ne signifiant pas un enfermement territorial est pris pour une référence d’appartenance à des groupes et de se reconnaître dans le territoire à partir deperceptions communes et partagées.

Dans ce sens, le territoire correspond à une concep-tion nouvelle de l’action publique articulée sur la région et sur une vision nouvelle de la gestion de l’espace régional qui valorise le sentiment d’appartenance des acteurs socioéconomiques au territoire. L’État n’a pas manqué de se lancer audacieusement dans la territoria-lisation de son action en s’appuyant sur la capacité des citoyens à prendre solidairement en main leur destin.

«L’expérience prouve que ce ne sont pas les seules caractéristiques physiques ou géographiques d’un terri-toire qui font son développement, mais bien la capacité de tous les acteurs concernés à travailler ensemble au profit de leur territoire».

Dans le même sens, la structuration du développement autour du concept régional a commencé à prendre de l’importance au Maroc, «tant en termes de déconcentra-tion, c’est-à-dire en délégation de pouvoirs des instances nationales au profit de leurs représentations locales, qu’en termes de décentralisation, dans le sens de dévolution de pouvoirs au profit des instances élues au niveau local».

La région est un interlocuteur de l’État au défi de la péréquation territoriale. Il s’ensuit une déclinaison régio-nale de la politique nationale d’aménagement du territoire une coordination par le dialogue interrégional. C’est le lieu où se place un cadre régional multipartite et où se rencontraient périodiquement les chefs des exécutifs des provinces et des communes urbaines et rurales, en plus du wali, gouverneur du chef-lieu de la région. Cette structure régionale facilite sans doute la coordination entre les entités décentralisées et déconcentrées, en matière de programmation des investissements, de l’aménagement du territoire et du développement économique. Elle fa-vorise l’institution d’une péréquation en son sein grâce à ses potentialités et à sa capacité de contrôler l’évolution de l’ensemble du territoire ainsi qu’à son aptitude à jouer un rôle moteur dans la redistribution des moyens d’action et dans la requalification des localités qui la composent.

La capacité de la région à construire la dynamique d’un territoire se concrétise par la capacité de la mobi-lisation des richesses de ce territoire en vue de la mise en place d’un réseau d’échanges local et de la création d’une synergie entre les secteurs de développement parce que le territoire, en tant que tel, est lié à la recherche de l’espace optimal pour mener à bien une action territoriale «descendante» et pour conduire avec réussite un projet «ascendant» mobilisateur. n

* Docteur en droit public

La Région à l’épreuve de la dualité unité-diversité

26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

Page 12: MAROC diplomatiqueEn 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des

NATION MAROC

diplomatique12ENTRETIEN AVEC JEAN-PAUL BACHY

La régionalisation doit être le vecteur des politiques publiques»

Président de la région fran-çaise Champagne-Ar-denne depuis plus de dix

ans, Jean-Paul Bachy, natif de Charleville, fut auparavant député européen, puis député à l’Assemblée nationale avant d’être élu maire de la ville de Sedan. M. Bachy est également membre du conseil d’adminis-tration d’Ubifrance (l’Agence française pour le développement international des entreprises), président de l’Association des régions européennes viticoles, vice-président de l’Association des régions de France en charge de la coopération et des relations internationales et vice-président de l’Association internationale des régions francophones, en charge du développement éco-nomique.

l Maroc Diplomatique : La coopéra-tion n’est pas aujourd’hui le seul fait des États, mais c’est aussi un domaine dé-cliné par d’autres acteurs des territoires comme les villes, les communes, les ré-gions qui ont aussi voix au chapitre inter-national. Comment analysez-vous cette inflexion pour le Maroc et la France ?

- JEAN-PAUL BACHY : Les deux pays, le Maroc et la France, ont en com-mun d’être engagés l’un et l’autre dans un profond mouvement de décentralisation qui touche les régions, mais aussi toute la gestion publique, au plus près du terrain. C’était une des dimensions intéressantes du contact entre le président de la Répu-blique française et le Roi du Maroc que de voir quel pourrait être l’ensemble des applications de leur coopération pas seule-ment d’État à État, mais aussi pour réaliser des investissements et moderniser nos ter-ritoires par un échange gagnant-gagnant. Les collectivités ont aujourd’hui une mission importante dans le domaine du développement économique. On demande et on attend beaucoup d’un président de région ou du maire d’une ville en termes de développement, de création d’emplois, de création de valeur ajoutée. Les collecti-vités jouent de plus en plus un rôle pilote dans les échanges entre PME-PMI, dans la formation des jeunes, dans l’aménagement d’espaces ou réalisations d’équipements publics qui répondent aux besoins des po-pulations. On comprend alors pourquoi la coopération décentralisée peut occuper

une place importante dans les échanges entre nos régions et nos pays.

l Nous sommes à un moment clef de déclinaison de la réforme territoriale en France et de mise sur les rails du projet du chantier de régionalisation avancée au Maroc. Il y a 13 régions en France au lieu de 22 et 12 régions au Maroc au lieu des 16. Les réformes devraient apporter ici et là, avance-t-on, une plus grande visibilité et efficacité. Quel est en fait le véritable enjeu ?

- L’enjeu essentiel est de démontrer qu’entre les collectivités locales et l’Etat, le niveau régional est un niveau de plus en plus pertinent de la mise en œuvre des po-litiques publiques, transports, gestion des déchets, environnement, formation, santé publique… Les régions, proches du ter-rain, restent identifiables par les citoyens. En même temps, elles sont à un niveau de ressort territorial et de compétence suffi-samment large pour mener des politiques structurantes. Il est important en effet que la décision se prenne à l’échelon le plus pertinent quand il s’agit d’aménager le territoire, de moderniser et d’améliorer la vie quotidienne des citoyens.

l De fait, il y a une répartition entre les fonctions régaliennes de l’État et les fonctions des collectivités locales ?

- Tout à fait. L’État est en charge de la justice, de la sécurité, de la diplomatie. À l’échelon de la région, c’est l’amé-nagement du territoire, c’est la création d’activités et la réponse aux besoins des populations, notamment des jeunes.

«Il n’y a pas de modèle, il y a des expériences

et l’expérience française dans ses réussites et ses

échecs peut être une bonne base de travail»l On parle aussi de la diplomatie des

villes, de la coopération décentralisée. La région est-elle devenue un acteur de la coopération internationale ?

- Quand deux présidents de régions se rencontrent, quand les maires de villes im-portantes se rencontrent, de quoi parlent-ils ? De leurs projets, des voies et moyens pour trouver des investissements, des bons interlocuteurs. Les échanges d’expé-riences sont riches, facilitent les échanges entre entreprises et permettent d’anticiper les marchés. Le dialogue direct entre élus territoriaux est un levier de croissance et de dynamisme qui complète celui des coo-pérations interétatiques.

l Alain Marleix, alors ministre de la Coopération, déclarait aux Assises de 2009 à Agadir que «la coopération décentralisée franco-marocaine était vivante, diversifiée et qu’elle était en phase de structuration». Qu’en est-il aujourd’hui de cette coopération entre les deux pays? Quel bilan avez-vous tiré lors des dernières assises?

- À l’heure actuelle, il y a une dizaine de régions françaises qui ont des accords de partenariat direct avec des régions ma-rocaines. Les Assises de la coopération décentralisée se tiennent régulièrement, les dernières ont eu lieu à Agadir. Elles ont débouché sur la mise en place d’un fonds commun d’appui à la décentralisa-tion. C’est un co-investissement, c’est-à-dire une enveloppe commune des deux

gouvernements qui est mobilisable en ap-pui à la réalisation d’un certain nombre d’objectifs communs. Je fais partie de la commission d’attribution des aides qui examine les dossiers et les propositions bilatérales des maires, présidents de ré-gions. Beaucoup de projets ont été finan-cés et on peut évoquer un bilan positif. Il faudrait pérenniser le fonds commun qui est un élément d’incitation efficace pour travailler ensemble.

l La question de la formation de ce qui est en charge de la gestion des terri-toires est une question nodale. Que peut apporter l’expérience française ?

- Gérer une collectivité, c’est se confronter à des problèmes quotidiens de financement, de programmation et de réglementation qui ne sont pas simples. Il faut donc former constamment les élus et les administrations locales qui les aident, car les choses évoluent constamment. À cet égard, la Constitution marocaine qui est un pas en avant va nécessiter une mo-bilisation pour une formation approfondie des élus du terrain. Si l’expérience fran-çaise peut être utile, je suis de ceux qui sont prêts à se mobiliser à y travailler. Il n’y a pas de modèle, il y a des expériences et l’expérience française dans ses réus-sites et ses échecs peut être une bonne base de travail pour éviter les erreurs comme celles que nous avons faites.

l Exemple d’erreur ?- Par exemple, on ne peut pas parler de

décentralisation sans poser le problème des moyens. Donner des responsabilités à des élus locaux, c’est une bonne chose à condition de les rendre maitres des moyens dont ils disposent pour répondre à leurs compétences. Cela ne s’improvise pas, car il nécessite un processus de trans-fert progressif de telle sorte que l’argent public soit géré dans de bonnes conditions pour permettre aux collectivités de tra-vailler aussi dans de bonnes conditions financières et réglementaires.

Être élu du peuple, c’est une lourde

responsabilité qui implique intégrité,

rigueur et engagement.l La cartographie politique des

grandes villes du Maroc a changé. La coopération peut-elle se décliner si les sensibilités politiques des maires sont différentes ?

- Cela n’a rien à voir avec la sensibi-lité politique. Le suffrage désigne ceux ou celles qui vont avoir à assumer la res-ponsabilité. Quelle que soit la sensibilité politique, il faut que les partis politiques comprennent qu’être maire ou président d’une région, ce n’est pas disposer de prestige, mais c’est assumer de lourdes responsabilités. C’est travailler au service de l’intérêt général, ce qui nécessite une formation et une préparation. Beaucoup de gens pensent qu’une fonction d’élu, c’est une rente de situation où l’on profite d’un statut privilégié, protégé. Ce n’est pas vrai ! Être élu du peuple pour exercer la représentation d’une collectivité, d’un territoire, c’est une lourde responsabilité qui implique une parfaite intégrité, de la rigueur, et le sens du sacrifice et de l’en-gagement.

l Mais aussi le respect de la démocra-tie locale qui est toujours en construc-tion ?

- François Mitterrand avait inspiré un profond changement dans les années 80 en rapprochant les processus de décision des citoyens. Non seulement on instaure un partage de responsabilité et un outil démocratique, mais on rend aussi la dé-cision plus efficace ! En la rapprochant du terrain, on la rend plus flexible, plus proche de la complexité et de la réalité des problèmes que vivent au jour le jour les populations. On gagne du temps, on fait moins d’erreurs et on a un outil d’or-ganisation et de gestion plus pertinent. Les élus sont à l’écoute des citoyens, mais tout ceci doit aussi s’inscrire dans une cohérence nationale. C’est le rôle des gouvernements d’établir par exemple entre des régions pauvres et des régions riches une péréquation. De décider des grands investissements au nom de l’in-térêt général. Les collectivités doivent ainsi comprendre que leur action s’inscrit dans le cadre des priorités nationales. Au Maroc, je pense au plan Maroc Vert, aux équipements autoroutiers et autres grands projets qui dépassent la compétence des collectivités locales et qui ne peuvent être gérés et traités qu’au niveau national. Il y a une articulation à trouver entre le lo-cal et le national. En France, nous avons résolu en partie cette question grâce aux contrats Plan Région qui permettent de se donner des objectifs communs entre les ministères et les élus du territoire et les financements pour les 5 années pro-chaines. Cela permet de donner un cap et une vision claire et ainsi de faire attention à l’argent public.

Les échanges d’expériences sont riches, facilitent les échanges entre entreprises et permettent d’anticiper les marchés. Le dialogue direct entre élus territoriaux est un levier de croissance et de dynamisme qui complète celui des coopérations interétatiques.

M. Jean-Paul Bachy

Jean-Paul Bachy est président de la région française Champagne-Ardenne depuis plus de dix ans.

26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

Page 13: MAROC diplomatiqueEn 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des

13NATION MAROC

diplomatique

l Quel regard portez-vous sur les évolutions des territoires au Maroc et en France?

Au Maroc comme en France, l’objet des réformes est d’avoir défini une carte des territoires qui soit plus pertinente. Moi qui suis partenaire de la région de l’Oriental, je trouve que c’est une excellente chose d’avoir rapproché l’Oriental avec la région de Tanger-Tétouan, car cela va faciliter l’aménagement de la rocade méditer-ranéenne et de l’ensemble du territoire côtier qui se trouve au nord du Rif. De Tanger à Saidia à la frontière algérienne, il y aura une continuité d’aménagement et des grands programmes qui sans cela seraient plus difficiles à mettre en œuvre.

l Un mot peut-être sur la coopération entre les régions Champagne-Ardenne et Oriental ?

- C’est une ancienne coopération qui avait été initiée par Bernard Stasi depuis 25

ans ! Elle s’est inscrite dans les domaines comme l’agriculture puisque nous avons contribué à la labellisation d’un certain nombre de produits du terroir : clémentines de Berkane, dattes de Figuig, nèfles, race des moutons Benguil… cette labellisation qui permet d’identifier l’origine géogra-phique des produits a donné une valeur ajoutée et une image de marque plus forte.

Une coopération diversifiée dans la région de l’Oriental : labellisation 

des produits du terroir, création d’un observatoire, 

numérisation du patrimoine du bâti…Cela a permis aux producteurs locaux

de développer leurs filières et l’exporta-tion. On a facilité la mise sur pied d’un observatoire régional de l’agriculture

de l’Oriental qui est un outil d’analyse et de développement de l’agriculture dans la région. À la suite de nombreuses rencontres notamment celles qui ont eu lieu en marge du Salon de l’agriculture de Meknès, on va également contribuer à la mise en place d’un centre de géné-tique des races de l’Oriental qui pour-ront ainsi être améliorées. Dans le do-maine de la formation professionnelle, on a par exemple développé des cycles dans l’emballage et le conditionnement. Avec le PNUD, nous avons travaillé sur la numérisation du patrimoine bâti pour faire en sorte qu’il y ait un travail de mise en fiche et de compilation des don-nées par informatique. Autre exemple, celui de l’action culturelle où nous avons donné des formations aux jeunes dans les villes pour les sensibiliser à la vie du quartier.

l Quels sont les ingrédients d’une

bonne coopération décentralisée ?- Il faut qu’il y ait une volonté po-

litique partagée, il faut ensuite des personnes ressources qui appuient le processus d’une manière technique performante. De ce point de vue là, l’Agence de l’Oriental était très pré-cieuse. Il faut aussi trouver sur le ter-rain des personnes qui puissent servir de relais et faire le travail au quotidien. Depuis plus de 20 ans, j’ai compté sur le bureau de représentation de notre région à Oujda avec des personnes comme Fa-rid Chourak puis Mohamed Zaoui et son équipe qui nous ont aidés sur place pour mener à bien nos projets. Sur le terrain, ils nous ont beaucoup apporté en étant des relais auprès des administrations et organismes, des animateurs. Sans eux, nous n’aurions pu mener à bien nos pro-jets. J’ai aussi des regrets, nous n’avons pas suffisamment travaillé à la mise en relation directe des PME-PMI françaises et marocaines ; il y a là un chantier im-portant à développer.

l Qu’en est-il de la coopération dans un futur proche ?

- Dans le cadre de nos régions reconfi-gurées, l’Oriental élargi à Tanger-Tétouan et la région Champagne-Ardenne incluse dans une grande région de l’est de la France avec nos voisins de Lorraine et d’Alsace, les futurs responsables de ces régions auront à cœur de pérenniser l’en-semble des initiatives lancées. Pour ma part, je ne suis pas candidat aux futures élections, car il faut laisser la place aux jeunes. Mon souhait est que la coopéra-tion franco-marocaine soit poursuivie à titre public ou à titre privé dans le cadre d’un développement que ma femme a créé sur place à Casablanca. Les chantiers sont immenses d’autant que l’on peut prolon-ger cette coopération avec l’Afrique. Nous devons faire face à de grands dé-fis mondiaux, changements climatiques, terrorisme, sécurité alimentaire... Mais si les défis sont globaux, les solutions sont locales, d’où l’importance de la coopé-ration décentralisée qui est un moyen de renforcer les liens entre nos pays. Des liens très forts comme en témoigne dans ma région la présence d’une forte commu-nauté marocaine qui vit en paix et qui a contribué au développement de la région.

En témoignent aussi les tombes qui datent de la guerre 14-18 et qui rappellent que nombre de Marocains ont payé de leurs vies la défense de la France. Ce sont des liens de sang qui valent plus que l’héritage de la colonisation !

l Des liens qui sont parfois mis à mal dans cette période de turbulence régionale et de montée des extrémismes de part et d’autre. Vous avez accompa-gné le président Hollande au Maroc, quel bilan peut-on faire de cette visite ?

- J’ai constaté entre les deux hommes un contact à respect mutuel et une bonne entente qui montre que la volonté poli-tique transcende les quelques moments difficiles que les deux pays ont traversés. À l’occasion de cette visite, qui n’était pas une simple visite de courtoisie, il y a eu des opérations concrètes. Je pense à l’inauguration du centre de maintenance du LGV qui permettra une desserte grande vitesse au Maroc, à la visite de Tanger Med où des entreprises françaises ont réalisé des équipements importants… Il y a eu aussi l’appel de Tanger et il faut rappeler que la France passe le relais au Maroc pour cette question des défis cli-matiques. C’est un beau symbole de prise de conscience commune de l’importance des enjeux climatiques entre le Nord et le Sud de la Méditerranée et entre deux continents, l’Europe et l’Afrique. L’ap-pel commun lancé à Tanger est de nature aussi à peser diplomatiquement pour la réussite de la COP21 de Paris.

l Qu’en est-il des questions sen-sibles qui ont été abordées ?

- Les deux chefs d’État ont convenu de la nécessité que les deux pays travaillent ensemble sur les sujets du terrorisme. Pour avoir assisté à la signature de la convention qui portait sur la formation des imams, j’ai constaté que nous étions tous d’accord pour dire que la religion ne devait pas être source d’intolérance ou de violence, mais de tolérance et de paix. Il y a malheureusement de plus en plus de personnes qui utilisent le fait religieux comme outil du terrorisme et de violence et ceci n’est pas tolérable et requiert une grande vigilance. n

ProPos recueillis ParHassan alaoui

Réflexions sur la régionalisationAu Maroc : L’enjeu de la régionalisation : gouvernance, proximité et efficacité

Par le Pr abdelgHani abouHani

«Le projet de régionalisation s’est inscrit au Maroc dans le cadre du changement du mode de gouvernance territoriale. La régionalisation élar-gie permet de corriger les travers du centralisme, d’élargir les niveaux de participation et d’enclencher un cercle vertueux : plus les élites locales par-ticipent à l’élaboration des politiques publiques, plus elles adhèrent à ces politiques et plus ces politiques ré-pondent à des besoins réels et auront des effets bénéfiques sur les populations concernées. La régionalisation contri-bue ainsi à une meilleure gouvernance territoriale. Elle devient un outil pour rendre plus efficientes les politiques publiques»

l Vers un exécutif régional bicéphale ?- Le wali de région et le président du conseil

régional. Le wali de région représente l’Etat, veille au maintien de l’ordre et la sécurité et assure la coordination des services de l’État qui opèrent dans la région. Le président du conseil régional exécute les délibérations dudit conseil.

La région aura donc son propre exécutif. Le pré-sident du conseil régional doit avoir suffisamment de compétences non seulement pour faire prévaloir

le point de vue des élus régionaux, mais aussi et surtout pour influer sur la conception et l’exécution des politiques nationales qui concernent sa région. Par ailleurs, le président de région exécute les déli-bérations du conseil régional et prend les mesures nécessaires à cet effet et en assure le contrôle. À ce titre, il exécute le budget et établit le compte administratif, prend les arrêtés fixant le taux des tarifs et droits divers, procède à la conclusion des conventions d’emprunt, conclut les marchés des travaux, de fourniture ou de services, conserve et administre les biens de la région, procède aux actes d’acquisition, de vente ou d’échange portant sur les biens de la région, prend les mesures néces-saires pour la gestion du domaine public régional. Enfin, il conclut les conventions de partenariat, de coopération et de jumelage et représente la com-mune en justice. La réforme a donc fait émerger, en face du wali, un nouveau leadership, un pôle de décision qui sera d’autant plus influent qu’il sera issu du suffrage universel.

Wali, président de région : des fonctions 

complémentaires Les fonctions de wali et du président de région

doivent être complémentaires. Le président de région doit avoir suffisamment de pouvoir pour non seulement bien exprimer les besoins de la région, mais aussi contribuer à transformer les

besoins en projets et en poli-tiques publiques régionales et à faire participer la région à leur réalisation. Pour sa part, le wali doit avoir suffisam-ment de pouvoirs pour mobi-liser les services de l’État dans l’objectif de la réalisation des programmes de développement définis avec la région.

Le wali de région définit avec les services de l’État les mesures d’application des politiques publiques au ni-veau des régions. À cet effet, il assure avec les services de l’État représentés au niveau des régions la programmation des tranches régionales des programmes des équipements d’infrastructures (les routes, les autoroutes, les ports, les aéroports, les gares routières et ferroviaires), la carte sco-laire et sanitaire régionale. Il peut sur demande du président du conseil régional ou sur sa propre initiative modifier la programmation des équipe-ments susmentionnés.

Par ailleurs, le wali de région homologue par arrêté le budget régional, le plan économique et social régional, le schéma régional d’aménagement

du territoire, le schéma d’aménagement urbain, les plans d’aménagement des communes, le schéma régional de lutte contre l’habitat insalubre. Le pro-gramme des équipements d’infrastructures régio-nales (routes, autoroutes, port, aéroport, chemin de fer), le schéma régional de gestion des ressources hydrauliques, la carte scolaire et universitaire ré-gionale, la carte sanitaire régionale. n

Pr Abdelghani Abouhani

26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

Page 14: MAROC diplomatiqueEn 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des

ÉVÉNEMENT MAROC

diplomatique1455ÈME ANNIVERSAIRE DE BMCE BANK ET 20ÈME DE SA FONDATION

Fervent plaidoyer de Othman Benjelloun pour un nouvel avenir

Dans un décor féerique dans toutes ses dimensions futuristes, à l’âge de la technologie et de méticulo-sité, le président de BMCE Bank of Africa, Othman

Benjelloun, face aux centaines de convives triés sur le volet, a prononcé, le 31 octobre dernier, le discours qui célèbre les 55 ans de la banque qu’il préside et le 20ème anniversaire de la Fondation BMCE Bank. Un discours prémonitoire aux yeux de toutes et tous ceux qui adhèrent à la vision qu’il défend, avec l’optimisme qu’il cultive et la jeunesse qu’il inspire.

Excellences,Très Chers Amis, Honorables invités venus d’Afrique,

d’Amérique, d’Asie et d’Europe.Excellencies,Very Dear friends, Honorable guests from Africa, America,

Asia and Europe,Quelle émotion de revivre ensemble ces journées inou-

bliables de novembre 1955, l’année du recouvrement de l’Indépendance de notre cher Royaume.

60 ans déjà…Pour ceux d’entre nous qui avons partagé cette époque de

l’Indépendance, ce qui revient à l’esprit, ce sont des émotions de joie, d’espoir, d’optimisme.

Ces moments de grâce et de volupté nous rassemblent au-jourd’hui, pour une belle célébration. Nous célébrons, en fait, l’environnement de liberté et d’initiatives, l’environne-ment de dignité, de paix et de sérénité dans lequel a évolué ce Royaume béni sous les règnes successifs de feus Leurs Majestés Mohammed V et Hassan II et, aujourd’hui, sous la conduite sage et éclairée de Sa Majesté Mohammed VI.

Nous célébrons un Royaume, riche de son capital humain et de sa civilisation nourrie de la confluence des cultures amazi-ghe, arabe, africaine, et européenne, un pays phare en Afrique

et ouvert sur le monde… Cet environnement nous donne, aujourd’hui, l’opportunité de célébrer, comme il se doit :

– L’anniversaire d’une Institution financière, née à l’aube de cette Indépendance, l’anniversaire d’une grande banque moderne créée pour accompagner l’émergence de l’économie du Maroc indépendant ;

– L’anniversaire de sa Fondation qui s’investit dans l’in-novation de l’Éducation ainsi que dans la protection de l’En-vironnement.

«La Banque marocaine du Commerce extérieur»«BMCE Bank of Africa»Leila et moi-même vous exprimons alors, du plus profond

de notre cœur, les sentiments de notre grande fierté et gratitude d’être parmi nous ce soir. Leila and I infuse from the depths of our heart, feelings of our greatest pride and gratitude for being with us tonight.

Très Chers Amis, Very Dear friends, Je vous invite tous à fermer les yeux… Quelques se-

condes…I invite you to close your eyes for few seconds…1. Nous allons découvrir ensemble le Monde dans 100 ans

un Nouveau Monde. We are going to discover together the World in one hundred years: A New World

60 ans d’Indépendance du Royaume.55 ans d’histoire de notre banque.Et dans 100 ans – en 2115 ?Où serons-nous ? Où en sera BMCE Bank of AfricaOù en seront le Maroc, l’Afrique et le Monde ?

Où en seront le Maroc, l’Afrique et le Monde en 2115 ?...60 years of Independence of the Kingdom.55 years of history of our bank.And in 100 years- in 2115?Where will we be? Where will BMCE Bank of AfricaWhere would Morocco, Africa and the world?Where would Morocco, Africa and the world in 2115? 2. En

ce monde global plein d’interrogations et de désarroi, tentons, par le rêve et l’imagination magnifiés, de nous projeter dans l’avenir. Il est vrai qu’aujourd’hui, nous vivons une période d’incertitudes et de peurs.

L’Humanité entière a peur. Elle a peur : Des peurs climatiques,Des peurs environnementales,Des peurs technologiques,Des peurs civilisationnelles…Des peurs politiquesDes peurs sociétales.Pour imaginer l’avenir.... tournons-nous un instant vers le passé.Il y a 1 000 ans, 5 000 ans, 10 000 ans, 100 000 ans et même1 million d’années, nos ancêtres aussi avaient peur...Ils avaient peur des orages, des animaux sauvages, ils avaient

peur de la nuit…Pour maîtriser cette peur, ils ont inventé le feu et se sont tournés

vers les étoiles.Il y a 100 ans seulement, nos ancêtres avaient encore peur:en découvrant le moteur, l’électricité, les automobiles, l’avion…en entendant la voix enregistrée sur des disques…en découvrant le téléphone, cet objet magique qui rapprochait

la voix d’une personne lointaine.Quel chemin exceptionnel parcouru depuis les cent dernières

années !

D’aucuns prévoient des cataclysmes imprévisibles... mais nous ne nous laisserons pas envahir par la peur...

Certainement que l’Humanité connaîtra des épreuves difficiles, mais, comme par le passé, elles continueront, en définitive, de for-ger la nature humaine. Elles nous pousseront à être plus inventifs et plus intelligents.

L’accélération des innovations technologiques sera alors sans précédent:

On aura su remplacer les vieilles énergies par des technologies aussi radicalement novatrices qu’a été l’énergie nucléaire par rap-port aux machines à vapeur du XVIIIème siècle ! Les scientifiques du monde entier y travaillent déjà...

En 2050, les centrales solaires seront sur orbite.Vers 2060, on aura inventé des capteurs d’énergie cosmique

donnant accès à une énergie gratuite et illimitée qui permettra une Nouvelle révolution industrielle.

La conquête de l’Espace sera une réalité.Les Nations unies se seront organisées dans une Nouvelle ins-

tance : l’Organisation des Planètes Unies afin de réguler les droits de propriété et d’exploitation des ressources planétaires.

Des liaisons permanentes grâce à des capsules ascension-nelles le long de câbles géants faits de nanotubes de carbone permettront de rejoindre de grandes gares spatiales en orbite géostationnaire.

Les navettes, propulsées grâce à l’énergie cosmique, nous conduiront vers les stations aménagées de la Lune, Mars, Jupiter…

Dans 100 ans ! Des preuves de vie extraterrestre auront été trouvées. Quel choc immense pour nous, les Humains ! Notre

perception du monde, que dis-je ? Notre perception de l’Univers aura changé !

Dans 100 ans, des centaines de millions d’humains vivront naturellement en dehors de la Terre.

Vous pouvez, dès à présent, ouvrir vos comptes dans nos Agences spatiales...

A cet effet, nous avons déjà acquis des parts dans 711 satellites.Vous aimez BMCE Bank of Africa – Vous serez les bienvenus

et vous adorerez Space Bank of Africa!Dans 100 ans… En médecine, les progrès auront été continus...On aura découvert le vaccin contre le virus du Sida en 2033, le

traitement des cancers par faisceaux de micro-ondes pulsées en 2044, le vaccin contre tout type de pathologie en 2055.

En 2077, on saura introduire des nano-robots à l’intérieur du corps capable de surveiller tous nos organes et les réparer de l’in-térieur si nécessaire.

Les robots, nous ne pourrons pas nous en passer. Cependant, jamais on ne pourra créer un enfant avec un robot !

Dans 100 ans en 2115...L’amour humain sera toujours une réalité, une merveille…Nous serons plus grands, plus beaux, plus performants que

les robots.Dans 100 ans… Nous serons télépathes, reliés en permanence à des ordinateurs

et génétiquement améliorés pour être plus intelligents.Nos mains, nos doigts seront davantage connectés à notre cer-

veau. Nos mains, nos doigts seront équipés d’une multitude de puces électro-spatiales. Nos mains seront notre ordinateur, notre iPad, notre iPhone. Nos doigts assureront notre agenda pour les 100 prochaines années…

Dans 100 ans, nous volerons même avec nos propres ailes…!3. Comment ne pas dans ce contexte rêver d’Afrique

et rêver pour l’Afrique – ce Nouveau Monde – ?Après le temps de la vieille Europe, de l’Amérique conqué-rante, après le temps de la Chine Éternelle, viendra le temps de l’Afrique Entreprenante ! Notre continent fut, il y a des centaines de milliers d’années, le berceau de la civilisation universelle. Il sera placé au cœur de ce Nouveau Monde !

En 2115, avec près de 5 milliards d’habitants, l’Afrique représentera près de 40% de la population mondiale et sans doute se hissera au palmarès des pre-mières économies mondiales. Cette Afrique aura été construite, équipée, nourrie et vêtue… Les technologies de l’information et de la communication ont déjà com-mencé à en transformer l’économie.

Voilà ce que sera l’Afrique notre continent – un modèle pour le reste du Monde – .4. Rien de ce que l’on peut imaginer ou rêver ne peut

se réaliser sans qu’à la base, nous ayons réussi dans le domaine de l’Éducation.

C’est le devoir de chacun et de tous.L’Éducation, cette étincelle qui allume les feux

les plus éblouissants que l’on voit dans les yeux de l’Enfance, ces feux de l’Intelligence dans l’Innocence. Alors, continuons de rêver de 2115 ! L’Afrique, et le Maroc au premier chef, auront réussi à éradiquer du continent l’analphabétisme et à hisser le niveau d’édu-

cation qui y est dispensé aux meilleurs standards mondiaux...Parmi les ingrédients de cette réussite, l’alliance entre la péda-

gogie et les technologies de l’information et de la communication. C’est nourrie de ces mêmes rêves qu’il y a 20 ans, la Fondation

BMCE Bank, sous la Présidence de Leila – mon épouse –, a initié son programme pédagogique innovant de construction et de ges-tion d’Ecoles communautaires dans le monde rural marocain et africain, le programme des «Mille et Une Ecoles».

Leila et moi rêvons que, dans 100 ans, le modèle de la Fondation BMCE Bank aura «fait école».

Alors notre monde, ce Nouveau Monde, porté par ces rêves et ceux de nos enfants, sera plus beau que le monde d’aujourd’hui.

5. Ces propos de rêverie et de songe éveillé ne sont que le début de notre voyage.

Je vous propose, ce soir, de vivre ce voyage dans l’espace et dans le temps, au Maroc, en Afrique et dans le futur…

J’espère que cette soirée sera pour vous comme un élixir d’op-timisme, un élixir de joie et un élixir de jouvence et de Rêves à l’infini...

J’espère que vous en retiendrez, en définitive, le profond op-timisme qui nous anime et qui me porte alors, à vous fixer ren-dez-vous dans 100 ans !

Est-ce qu’on se retrouvera dans l’espace ou sur terre ? Moi, en tout cas, je serai en même temps dans les deux et je

vous y attendrai !!! N’oubliez pas : Rendez-vous dans 100 ans… Vous recevrez chacun votre SAVE THE DATE – qui sera un Mini-Robot parlant chantant et dansant.

Alors, à très bientôt, très Chers Amis, dans 100 ans… n

26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

Siège de la BMCE

Page 15: MAROC diplomatiqueEn 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des

15????????? MAROC

diplomatique 26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

Page 16: MAROC diplomatiqueEn 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des

DOSSIER DU MOIS MAROC

diplomatique16

FEMMES ET POLITIQUE

Osons le féminisme politique !Souad Mekkaoui

Etat de droits et d’égalité démocratique ? Tant s’en faut !

Une vraie démocratie ne repose-t-elle pas ini-tialement sur l’égalité des sexes dans la vie économique, politique, sociale et culturelle

afin d’assurer l’équilibre de la société ? N’est-ce pas là un droit humain et surtout un enjeu d’évolution ?

Les textes et les réformes constitutionnelles ne cessent de brandir et de souligner des avancées quant à la participation des femmes dans l’évolution du pays. Pourtant, l’effectivité est loin d’être satisfaisante et laisse à désirer au simple constat de la place accordée au sexe féminin dans le fonctionnement des institutions et sur le plan économique. Par conséquent, les discri-minations à l’égard des femmes font que le Maroc est toujours à la traîne dans les classements internationaux à cause des chiffres qui le catégorisent au cœur des pays de culture traditionaliste par rapport à l’accep-tabilité du rôle socio-économique de la communauté féminine au sein de la société. En effet, pour ce qui est de la question d’écart de genre, en 2014, et sur 142 pays, le Maroc est au 133ème rang alors qu’il occupait la 129è place en 2013 et la 127è en 2010 ! Pour la participation économique de la femme, il est classé 128è sur 135 pays et se situe au 116è rang sur 128 pays pour l’efficacité des politiques et mesures d’au-tonomisation économique des femmes. Sur 30 pays, il est 24è quant aux politiques et mécanismes d’appui et d’accompagnement des entreprises féminines. Ces mêmes estimations internationales de l’écart salarial entre les femmes et les hommes placent le Maroc au 130è rang bien loin de certains pays arabes, tels que le Qatar, le Koweït, le Bahreïn et la Tunisie, et africains, tel que le Sénégal. Pourtant, la présence de la femme dans le domaine politique est un indicateur de taille de bonne santé et de maturité d’un pays qui se veut démocrate, moderne et développé.

Entre réalité et discours, le statut de la femme vacille

Il est évident que la Constitution marocaine de 2011 stipule l’égalité entre femmes et hommes et énonce que «le Royaume du Maroc s’engage à combattre et bannir toute discrimination à l’égard de quiconque en raison du sexe». L’article 19 souligne une égalité totale entre les hommes et les femmes sauf que la réalité est plutôt désolante et décevante. La femme reste écartée du champ politique comme si celui-ci est lié au genre.

Il est évident que plus d’un demi-siècle s’est écoulé depuis que le Maroc a eu son indépendance. Il est bien évident aussi que depuis, le Royaume a connu plusieurs mutations sur tous les plans, surtout socio-logique, qui ont fait que la femme a fait une entrée massive sur le marché du travail et a investi toutes les sphères. Toutefois, les institutions politiques repré-sentatives se sont montrées résistantes par rapport à l’intégration des femmes, ce qui n’arrange pas le dé-veloppement politique, économique et social du pays.

Parité dites-vous ?Dans un pays où l’égalité démocratique peine à

s’affirmer et où la femme est quasiment absente au sein d’un gouvernement qui ne lui accorde qu’un se-cond rôle et où les propos du chef de gouvernement rappellent avec insistance, voire obsession, le rôle rabaissant de «la femme lustre», il serait prétentieux d’aspirer à une vraie démocratie alors que le principal corollaire de celle-ci, à savoir l’égalité entre femmes et hommes, n’est qu’un slogan qu’on arbore et qu’on répète en chœur lors de campagnes électorales. Si la femme est quasiment absente au sein du gouvernement en cours, cela dénote malheureusement un énorme décalage entre les discours théoriques et la réalité so-ciale, économique, politique et culturelle d’un pays qui a du mal à cacher la bipolarité de ses décideurs politiques. Ceux-ci, conscients du potentiel féminin efficient, ne ménagent pas leur «complotisme» or-chestré par un machiavélisme volontaire et nourri pour garder la mainmise sur les femmes. Et cela ne date pas d’aujourd’hui bien évidemment puisque toutes les discriminations à l’égard de la femme trouvent leurs racines dans l’accès inégal à l’éducation régi par une culture patriarcale nourrie de clichés qui font écho à une lecture machiste et restrictive du texte religieux. La discrimination quant à son droit en matière notamment de l’accès à la propriété foncière des terres collectives en est le meilleur exemple. C’est dire que tout ce qui

concerne la femme constitue encore un tabou pour une société patriarcale traditionaliste tiraillée entre modernisme et conservatisme.

État des lieux et désenchantement

Tout tend à croire que loin de toute parité, la «concoc-tion» et la «conspiration» politique sont régies surtout par la force des muscles et que tout se négocie selon un caractère discriminatoire de lois abusives en fonc-tion de sexe. En effet, les dernières élections commu-nales et surtout régionales ont été une preuve de plus de non-démocratie et de dénigrement à l’égard de la femme. Et dire que cette dernière n’a pas eu de cesse de faire montre de compétence et de potentiel politique, économique et social !D’ailleurs, l’histoire est là pour nous rappeler qu’au Maroc, les femmes ont été aussi présentes que les hommes et ont participé massivement dans toutes les étapes de l’évolution du pays et dans différentes luttes politiques et sociales qui remontent à l’époque coloniale. Ensuite, elles se sont engagées tout comme les hommes dans le grand projet d’émancipa-tion du Maroc. Récemment, les voix féminines se sont élevées dans les révolutions arabes en passant par les revendications des droits de l’homme, le combat des libertés et de la démocratie.

La femme marocaine : Histoire d’un combat perpétuel

Les années quarante ont connu l’apparition du mou-vement féministe avec la première association féminine l’Union des femmes du Maroc qui a vu le jour en 1944. Deux années plus tard, le Parti de l’Istiqlal s’est doté de la Commission des femmes istiqlaliennes dans le but d’une mobilisation plus importante. En 1946 toujours, le Parti démocratique et de l’Indépendance crée Akhawat al-Safaa. Et c’est cette dernière asso-ciation qui entame un long chantier associé aux luttes politiques qui se présentent sous forme de revendications de droit à la scolarisation, de soutien légal au sein de la famille et de droit à la visibilité politique. Puis, l’indépendance apporte un nouveau souffle mais qui n’était pas innocent : craignant que l’opposition ne fédère et n’envahisse le champ social féminin, grand nombre de partis politiques ont créé des sections féminines. En 1971, l’État se dotera de l’Association marocaine de planification familiale. Pour couronner toutes ces avancées, le Roi Mohammed V nommera Son Altesse Royale Lalla Aïcha ambassadrice en Italie puis au Royaume-Uni.

Pendant les années 1980, la première as-sociation féministe l’UAF (Union de l’action féminine) est créée. C’est alors que le premier journal féministe marocain voit le jour. Le «8 Mars» dont le premier numéro paraît en 1983 était dirigé par l’avocate Aïcha Loukhmass. Par ailleurs, et chemin faisant, l’UAF qui n’a pas ménagé ses efforts durant de longues an-nées de combat a fini par collecter plus d’un million de signatures en moins de trois mois en faveur de la réforme de la Moudawana qui reven-diquait l’égalité des droits et des obligations pour les deux époux, l’interdiction de la polygamie, la suppres-sion du tutorat, l’instauration du divorce judiciaire et la tutelle de la femme sur les enfants au même titre que l’homme. Ce qui a valu la colère des milieux conserva-teurs islamistes hostiles aux revendications féministes qui y voyaient une menace à la continuité religieuse musulmane du Royaume sachant que la mobilisation féministe a connu un énorme succès, voire un exploit.

Et c’est ainsi que l’année 1993 sera une nouvelle ère pour les féministes marocains puisque et pour la première fois la femme marocaine accèdera au Parle-ment. Badia Skalli de l’USFP est élue présidente d’une commission parlementaire et Latifa Bennani-Smirès du PI membre du bureau du Parlement.

Avant 1995, la fonction de secrétaire général de ministère était une exclusivité masculine. Et seul le Haut-Commissariat aux handicapés était dirigé par une femme sinon aucune autre femme ne faisait partie du gouvernement ni n’occupait un poste dans les hautes instances politiques officielles ou administratives. Et c’est d’ailleurs le 14 août de la même année que feu le Roi Hassan II a créé un événement historique en dési-gnant au poste de secrétaire d’État du gouvernement Zoulikha Nasri à l’Entraide nationale, Aziza Bennani à la Culture, Nawal El Moutawakkil au Sport et Amina Benkhadra au Développement du secteur minier.

En 1998, Fatima Bennis est nommée directeur géné-ral de la Bourse des valeurs à Casablanca puis directeur général de l’Office national du Tourisme. La même année, Rahma Bourqia est désignée par dahir, doyenne de la faculté des Lettres et des Sciences humaines de l’Université de Mohammedia. Plusieurs institutions ont été réservées à l’homme, notamment l’officiel Conseil consultatif des droits de l’Homme et le Conseil du suivi du dialogue social en plus des syndicats, des Chambres et Organisations professionnelles. Et c’est le syndi-cat de gauche la CDT (Confédération démocratique du travail) qui créera le changement en élisant une femme dans ses instances dirigeantes. La formation du gouvernement de transition a redonné espoir aux féministes dont l’enthousiasme n’a malheureusement pas duré vu que parmi 41 portefeuilles, seuls deux sont accordés à Aïcha Belarbi en tant que secrétaire d’État à la coopération et Nezha Chekrouni, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Emploi, chargée des handica-

pés. Cette dernière deviendra ministre déléguée auprès du ministre de l’Emploi, chargée de la femme et de la protection de la famille lors du remaniement minis-tériel de 2001. Depuis 1999, et avec l’avènement du règne du Roi Mohammed VI, le projet d’intégration de la femme au développement économique et social a de nouveau fait revivre une lueur d’espoir. Mais les milieux conservateurs ne tardent pas à s’y opposer et œuvrer pour le faire échouer. Force est de rappeler que le 8 mars 2000 a connu deux grandes marches dont la symbolique n’est pas des moindres puisque la division de la société marocaine était flagrante. Au moment où les modernistes manifestaient, à Rabat, en faveur du «Plan Saâdi» (projet du plan d’intégration), les traditionalistes suivaient la voix des islamistes du PJD (Parti de la justice et du développement) appuyés dans leur action par le mouvement Justice et bienfai-sance à Casablanca. Et criaient leur opposition à ce plan d’intégration de la femme au développement. Au grand malheur des féministes, les conservateurs ont marqué le point par une mobilisation plus importante.

Le 27 avril 2001, le Roi ne ratant aucune occasion pour montrer sa position en faveur de l’implication de la femme dans le développement du pays ,annonce la formation de la Commission royale consultative char-gée de la révision de la Moudawana. Ce qui a abouti à l’élaboration d’un code de la famille assez progressiste

en matière des droits de la femme malgré les voix sépa-ratistes qui s’élevaient au sein même de la Commission présidéee par M’hamed Boucetta.

Et c’est toujours dans le même esprit que le gou-vernement adopte, en 2002, le quota de 10% de sièges féminins, et ce, par le biais d’une liste nationale réser-vée théoriquement aux femmes. Cette même année, les élections législatives marqueront une première quant à la représentation de la femme au sein de la Chambre basse du Parlement avec 10,8% contre 0,61% lors des élections précédentes. N’est-ce pas là une régression criante à dénoncer en comparaison avec les taux actuels ?

Toujours dans le but de mettre de l’avant la repré-sentativité de la femme, la monarchie nomme, en 2003, des femmes au Conseil consultatif des droits de l’Homme, aux Conseils de l’audiovisuel et de la magistrature, et à la Commission Justice et vérité.

Dernièrement, pour améliorer la représentativi-té féminine en politique, le Conseil de gouverne-ment a adopté un amendement à la loi électorale incluant une disposition qui permet désormais, dans la plupart des circonscriptions, l’élection de deux élus municipaux dont obligatoirement une femme conseillère. Pour la première fois donc, la loi élec-torale accorde, dans chaque circonscription électo-rale un siège réservé à une femme. Il s’agit là, bien entendu, d’une nouveauté qui permettrait au Maroc de consolider son processus démocratique et de se hisser en tête des pays arabes où la femme jouit pleinement de ses droits.

Le naturel rebondit au quart de tour

Mais aujourd’hui, le gouvernement, loin d’apporter des changements conjoncturels salutaires, creuse encore plus le cratère entre les hommes et les femmes en mar-

ginalisant, cruellement, celles-ci et en se dressant avec résistance à la consolidation de la parité homme/femme.

La femme quoique présente sur tous les fronts, sa participation aux élites politiques et au processus de prise de décision est trop faible pour un pays tel que le Maroc. Pourtant, un Maroc qui porte en lui des femmes de la trempe de la présidente de la CGEM (Confédéra-tion générale des entreprises du Maroc) la patronne des patrons marocains, Miriem Bensalah Chaqroun, de la directrice générale du Centre international d’agricul-ture biosaline (CIAB) à Dubaï Ismahane Elouafi, ou de la ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères et de la coopération, Mbarka Bouaida, ou Neila Tazi, élue Vice-Présidente de la Chambre des conseillers, ou encore Nabila Mounib, la secrétaire générale du Parti socialiste unifié qui a présidé la dé-légation politique marocaine envoyée à Stockholm, se doit de ne plus écarter la femme porteuse d’es-poir et de projets, de lui aménager plus d’espace et de renforcer sa politique «féministe». Malheureusement, et alors qu’on s’attendait à une avancée significative quant à la représentativité de la femme lors des élec-tions communales et régionales du 4 septembre2015, on a eu droit à une déception de plus dans la série des désillusions, dans la mesure où elle essuie d’un revers de main tous les efforts et recommandations du Roi Mohammed VI dans ce sens. n

Aujourd’hui, le gouvernement, loin d’apporter des changements conjoncturels salutaires, creuse encore plus le cratère entre les hommes et les femmes en marginalisant, cruellement, celles-ci et en se dressant avec résistance à la consolidation de la parité homme/femme.

26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

Le gouvernement reflète la disparité et l’inégalité entre hommes et femmes.

Page 17: MAROC diplomatiqueEn 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des

17DOSSIER DU MOIS MAROC

diplomatique

FEMMES ET POLITIQUE

Récits d’expériences vécues

L a politique n’est pour moi qu’une forme d’engagement parmi tant d’autres. Mon histoire dans ce sens a commencé tôt, pen-

dant mon enfance. Il se manifestait dans de petits détails d’enfants justement, mais on pouvait le voir : à l’école, j’étais celle qui demande à la maîtresse de reporter l’examen, celle qui accompagne un enfant qui est tombé et qui s’est blessé, celle qui organise les journées nettoyage et décoration de la classe...

Cet engagement a pris d’autres dimensions au fil du temps. Pendant mes études secondaires et universitaires, j’ai intégré des associations et j’en ai créé aussi, du sport au caritatif, en passant par le gouvernement des étudiants.

Une fois dans le monde professionnel, la vie réelle a montré son vrai visage : injustice, précarité, dé-faillances, absence des fondamentaux d’une vie dé-cente pour beaucoup de personnes et dans plusieurs régions du Maroc... S’engager devient ici un devoir non un choix, mais cette fois avec un nouvel état d’esprit : la société civile fait avancer les choses, mais ce ne sont que les politiques qui ont le pouvoir de les changer. Je me mets donc à la politique, en devenant sympathisante du RNI à partir de 2007 puis membre de son Conseil national en 2011.

Les lectures des résultats des communales et ré-gionales du 4 septembre sont multiples. Ces élec-tions ont eu le mérite d’avoir introduit sur la scène politique de nouveaux acteurs, et surtout d’y avoir amené des jeunes et des femmes qui sont souvent restés loin, par choix ou par contrainte. Elles ont également démontré que le citoyen marocain a pris conscience des enjeux de la politique et de son rôle déterminant dans le choix de ses dirigeants, et a exprimé clairement son mécontentement à l’égard de certains agissements politiques en pénalisant les partis qui les adoptent.

Toutefois, la grande déception de ces dernières échéances électorales est la faible représentation des femmes dans les instances dirigeantes des villes et des régions : 0 femme maire, 0 femme présidente de région et 0 femme présidente de conseil préfectoral. Le message est fort !

Ce fut ma première expérience de campagne élec-torale. J’avais participé activement à la campagne du RNI pour les législatives 2011, mais comparer les 2 expériences n’est pas pertinent.

La campagne électorale pour les communales est pleine de challenges : l’élaboration du programme, le choix des supports de communication, le recru-tement de l’équipe de campagne, la veille... Mais la meilleure partie reste le contact avec le citoyen, qui permet de rentrer dans le détail de ses préoccu-

pations, les comprendre et l’impliquer dans l’éla-boration de la solution, et ceci a été ma démarche.

Quant aux obstacles, il y en a assez. Ils ne me concernent pas spécialement, mais concernent toutes les femmes qui se présentent aux élections. Tout d’abord, le caractère machiste de notre socié-té fait que le regard que le citoyen porte sur une candidate femme est différent de celui qu’il porte sur un homme : le citoyen a du mal à prendre les propos d’une femme au sérieux, il sous-estime ses compétences, il remet en cause ses capacités... Notre système électoral ne facilite pas les choses, il ne place pas la femme au même niveau que l’homme, mais la relègue au rang de complément. Les partis politiques sont plus regardants dans le choix des candidats hommes que des femmes, car, pour celles qui se présentent dans la liste des femmes, elles ne sont pas considérées actrices de l’opération élec-torale. Nous avons souvent entendu : «Elles n’ont pas besoin de faire de campagne, c’est le nombre de votes qu’obtiendra la liste principale à laquelle elle est affiliée.»

La parité au Maroc?Pour cette question, revenez me voir en 2025, je

serai peut-être plus décontractée à vous répondre. Mais pour le moment, j’ai encore du mal à en parler.

Lorsque la loi des élections prévoit un quota de 30% pour les femmes et on ne le respecte même pas, on comprend que le chemin est encore long, et que le travail doit commencer à la base, dans la sensibilisation et l’explication, en donnant comme exemples des pays qui nous ont devancés et qui ont réussi une évolution considérable dans leur société et leur économie en adoptant les principes de parité à tous les niveaux et en mettant en place les méca-nismes pour la réussir.

Les résultats du scrutin ne reflètent ni la socio-logie du Maroc ni les compétences de ses femmes. Mettre des lois est un grand pas vers l’instauration d’un système qui donne aux femmes leur place, mais reste à faire respecter ses lois par la sensibilisation et la sanction, et ensuite la faire évoluer.

Sur 12 conseils de régions, nous devons en avoir 6 présidés par des femmes et pareil pour les conseils communaux.

Les 15 dernières années ont vu la condition des femmes au Maroc évoluer considérablement avec deux grandes actions : le Code de la famille et la Constitution de 2011. La volonté de permettre aux femmes d’occuper la place qu’elles méritent a été exprimée au plus haut sommet de l’État, le tour est aux politiques. n

C omme beaucoup de citoyens maro-cains, il y a énormément de choses qui me déplaisent au Maroc et tout parti-

culièrement celles qui touchent aux secteurs de la santé et de l’enseignement sans oublier celles dépendant d’une gestion directe des élus communaux comme la propreté, les infrastruc-tures de proximité sportives et culturelles.

J’ai donc décidé de me lancer dans les élec-tions du 4 septembre et d’essayer de participer à un changement, de l’intérieur, au lieu de me lamenter tous les jours de l’extérieur. Je vou-lais également me sentir moi EX. Marocaine du Monde participer à ce Maroc qui bouge.

Or, ma lecture des résultats de ces dernières élections, c’est qu’on ne peut pas ou plus parler de majorité ni de volonté et choix de l’électeur. En back-office avec des alliances inimaginables et des calculs liés à des intérêts autres que ceux des citoyens, avec l’argent sale qui pourrit la vie politique, l’électeur retrouve en fin de compte sa gestion locale confiée à celui qu’il a sanctionné ou qu’il n’a pas choisi. Est-ce que vraiment le Maroc a changé dans ce volet-là ? Je ne le pense pas malheureusement.

Mon expérience lors de la campagne élec-torale a nécessité beaucoup de courage de ma part pour vivre cette aventure qui fut une expérience très enrichissante. Je n’ai certes pas gagné aux élections, mais j’ai pu toucher de près la vie de tous les jours de quelques citoyens dans les bidonvilles de Casablanca. J’ai pu discuter avec des jeunes et des femmes et tous les soirs je rentrais chez moi et me posais la question : comment des élus et des

responsables dans ce pays puissent-ils dormir tranquillement le soir chez eux ? La campagne n’a pas été facile. Premier obstacle, j’étais can-didate dans une région de Casablanca-Settat où en «Région et communes» les noms sonnaient fort : Moncef Belkhayat, Yasmina Baddou, Nabila Mounib, Mohamed Sajid….. des per-sonnalités très connues et en plus avec les moyens qu’il faut pour faire de belles cam-pagnes !

Oui, j’en referais peut-être l’expérience parce que je suis une femme qui cède difficilement, qui va jusqu’au bout de ses convictions… Je ne me suis pas encore fixée. Je ne vous cacherais pas que plusieurs partis m’ont approchée.

Mais pour ce qui est de la parité ! Vous y croyez encore vous ? Non, elle n’a jamais existé et n’existera jamais ou peut-être quand nous ne serons plus là pour nous en féliciter. Parler de parité permet de bien vendre à l’in-ternational ! Citez-moi l’existence de la parité quelque part ! Par contre, nous pouvons nous les femmes nous féliciter de nos compétences.

Dans beaucoup de secteurs, la parité n’est pas présente, mais le peu de femmes qui y tra-vaillent sont d’une compétence remarquable.

Il est clair que les résultats du scrutin sont loin de la réalité sociologique du Maroc. Pour ces élections, nous avions le sentiment que la majorité des femmes ont été utilisées comme accessoires pour compléter les listes et d’ail-leurs les résultats le prouvent.

Tant qu’on n’aura pas opté pour des quotas de femmes un peu partout et de façon équi-table, ne parlons plus de parité. n

Khadija Idrissi Janati Entrepreneure, activiste de la société civile

et membre du Conseil national du RNI

Hayat JabraneSecrétaire générale de la Confédération nationale

du Tourisme, Tête de liste Femmes, région Casablanca-Settat (Mouvement populaire)

26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

Page 18: MAROC diplomatiqueEn 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des

DOSSIER DU MOIS MAROC

diplomatique18

C e qui m’a poussée à intégrer le champ politique, c’est le sentiment d’urgence. Tout simplement, j’étais arrivée à un niveau où je ne pouvais plus me complaire dans

le rôle de spectatrice surtout en assistant à toutes les difficultés auxquelles les associations et organisations féminines doivent faire face et sous un gouvernement qui avait pourtant nourri de grandes aspirations et beaucoup d’espoir quant au statut de la femme marocaine et grâce à la nouvelle Constitution. Et c’est là qu’a commencé mon histoire avec la politique au sein du PAM (Parti authenticité et modernité) que j’ai intégré depuis 2012.

En ce qui concerne les élections du 4 septembre, et malgré les quelques infractions que l’opération a connues, on peut tout de même saluer la participation des électeurs qui a marqué un taux plus élevé par rapport à ce qui a précédé. En plus, le PAM a su s’imposer en se positionnant au premier rang faisant preuve d’engagement vis-à-vis de la population qui croit en lui et en ses idéaux.

Quant à ma première expérience en tant que candidate tête de liste régionale du parti à Sidi Slimane, je n’étais pas la seule à vivre cette aventure pour la première fois mais c’était le cas de plusieurs noms des listes aussi bien locale que régionale. Toutefois, je peux vous assurer que je n’appréhendais pas le contact direct avec le peuple surtout que nous avions tracé au préalable une stratégie de travail. En plus, nous avions élaboré un programme national, régional et local qui permettrait au citoyen d’avoir une vision globale des objectifs du parti sur tous les plans. Lors de ma campagne électorale, j’ai été agréablement surprise de voir la réaction positive, l’écoute et l’implication même des citoyens qui se sont montrés attentifs aux plans de chaque parti.

C’est une expérience enrichissante que je referai volontiers lors du prochain scrutin.

La nouvelle Constitution, en stipulant l’égalité entre les femmes et les hommes, a ravivé l’espoir. Nous nous attendions à une nouvelle ère où les droits de la femme allaient être protégés. Or, le gouvernement nous a plutôt surpris par ses tendances mas-culines, et ce, dès sa constitution où ne figurait qu’un seul nom de femme. Cela a été souligné et de manière flagrante quand le chef de gouvernement a brandi la liste des gouverneurs et walis préparée par le ministre de l’Intérieur, et qui, contre toute attente, ne comportait aucun nom de femme ! Ces faits montraient à quel point Abdelilah Benkirane et ses ministres ne trouvaient dans la marginalisation de la femme des postes de décision aucune violation des textes constitutionnels pourtant clairs dans ce sens. Désormais, il faut savoir que la femme en réclamant ses droits ne demande pas de faveur et c’est pourquoi elle est de plus en plus consciente qu’elle doit les arracher.

D’ailleurs, tout le monde s’accorde à dire que la source du problème est que les partis politiques ne supportent pas ses femmes. Or, on ne demande pas que les partis nous poussent ou nous appuient, on veut des partis où la femme est une compo-sante incontournable et où elle est côte à côte avec l’homme tout comme à l’école ou au travail. Le PAM a dépassé justement ces considérations insensées. Seule la compétence est de mise peu importe le sexe. Malheureusement, le candidat de l’Istiqlal a été élu président de la région Dakhla-Oued Eddahab avec 18 voix contre 15 pour notre candidate. Ainsi, si tous les partis traitaient leurs militants de la même manière sans discriminations de genre, nombreuses seraient les femmes présidentes de régions. n

M on implication politique est l’aboutisse-ment d’une longue expérience dans le do-maine associatif, syndical et ordinal. Mon

envie de donner et de partager était tellement grande qu’étudiante déjà, j’étais bénévole dans pas mal d’as-sociations (ALCS Rabat, Bouregreg, Action urgence, Actions bucco-dentaires avec le ministère de la Santé).

Après mon intégration au syndicat et au Conseil de l’ordre régional des médecins dentistes, il m’a sem-blé que les partis politiques pouvaient m’apporter un encadrement et une vision générale de la réalité de la Société marocaine.

Je suis optimiste et satisfaite quant au processus démocratique qui s’opère dans notre pays. Les votes se sont déroulés, en général, dans une grande trans-parence et à mon sens, les résultats des urnes reflètent bien le choix du peuple. Par contre, quelques pratiques moyenâgeuses m’ont déçue par rapport à des trac-tations surprenantes. Ce qui a faussé les attentes de beaucoup d’électeurs.

L’expérience que j’ai vécue lors de la campagne électorale est très enrichissante et la réalité du terrain est tout autre que tout ce que l’on peut penser. La première difficulté est de composer avec un nombre important de candidats de différents profils, et plus il y a d’intervenants plus la coordination et la collaboration deviennent difficiles. Ceci est relatif à la mentalité ambiante.

Pour ma part, j’ai pu constater la précarité de popu-lations habitant Anfa, Maârif et Sidi Belyout et surtout leur désespoir de ne plus croire en rien. Cela m’a beau-coup touchée lors de mes sorties journalières.

J’ai eu à travailler avec des gens formidables et on a vu nos liens se renforcer durant cette campagne, car nous avons partagé ensemble des moments forts en émotion. Je referai l’expérience avec plaisir cette fois mieux armée et plus avertie.

La parité au Maroc est un grand débat. Nous sommes sur la bonne voie conformément à la volon-té de Sa Majesté le Roi de voir la femme marocaine devenir, de plus en plus, une composante active dans tous les domaines de la société.

C’est aux femmes de défendre leurs places et po-sitions en s’imposant. Qu’on le veuille ou non, nous sommes encore dans une société patriarcale.

Il faut d’abord que la mentalité des femmes change parce qu’autour de moi, je vois pas mal de femmes émancipées diplômées avoir un comportement et un discours nous reléguant à un second rôle en se sous-es-timant d’un «je ne suis qu’une femme» ! Cela m’exas-père aussi d’entendre, des fois, des amies d’un certain niveau intellectuel dire que je perdais mon temps et que j’avais mieux à faire…

Malheureusement, la majorité écrasante des femmes n’ont même pas confiance en leurs capacités, alors comment voulez-vous que les décideurs leur fassent

confiance ?Étonnamment, au-

cune femme ne s’est présentée pour présider une région, par contre je crois que certaines com-munes ont été présidées par des femmes.

Il ya encore un travail de fond à faire, mais surtout une volonté générale pour pouvoir appliquer la notion de parité.

Autrement, les résul-tats ne reflètent pas du tout la réalité sociolo-gique de notre cher pays où la femme représente plus de 50%de la po-pulation. Il me semble que la cause principale est le taux élevé d’anal-phabétisme touchant surtout les femmes dans le milieu rural ainsi que le désintérêt total de cer-taines citadines. n

Ce qui m’a poussée à faire de la politique, tout d’abord, c’est

une affaire d’amour, l’amour de son pays et du peuple ma-rocain surtout qu’il souffre de manque d’humanité et cela doit nous pousser à avoir un sens de responsabilité et d’engagement pour essayer de développer le social.

Personnellement, je ne crois pas à la noblesse ni à la grandeur de la politique dans le monde entier. Mais si chacun de nous n’y croit plus et ne pense pas que c’est une affaire personnelle, on fi-nira par se faire diriger par des gens qui ne sont pas aptes à le faire.

Lors des dernières élec-tions, le PJD a remporté une victoire historique plus nette que celle de 2011 puisque le taux de vote a augmenté. Ces élections ont donné un aper-çu du climat politique qui règne dans le pays. Je crois que certains citoyens – je ne sais pas si je peux dire qu’ils sont majoritaires – cherchent à faire augmenter les chances du PJD parce qu’ils conti-nuent à y croire surtout que les années précédentes n’ont pas suffi à faire des changements propices et palpables, mais la fiabilité du parti a poussé les gens à voter pour lui. Sauf que d’autres n’ont pas eu la même chance pour prouver leurs capacités.

La politique et la campagne électorale étaient une nouvelle expérience pour moi, un nouveau monde que je n’imaginais même pas. Les anciens – des hommes bien sûr – se chargeaient de tout et pro-grammaient toute la campagne. Déjà, un premier problème se posait : les objectifs tracés pour atteindre des buts que je ne comprenais pas vraiment. C’était un peu normal puisque j’étais la toute nouvelle et la plus jeune qu’on sous-estimait ! Cela se compre-nait aussi, mais ce n’était pas une raison pour qu’on réponde à mes questions par un… grand sourire…

J’étais confrontée à plusieurs obstacles, car à vrai dire, je n’ai pas fait grand-chose et je ne crois pas que je referai l’expérience à l’avenir.

La parité au Maroc ? On en est vraiment loin. Le pays souffre d’une inégalité flagrante des chances,

de traitement et de rémunération. La femme ma-rocaine fait l’objet de discriminations politique et économique. Et c’est ce qui la met dans une situation de vulnérabilité. Par ailleurs, une partie importante de femmes marocaines travaillent dans le secteur informel, sans aucune protection sociale et sans rémunération conséquente, dans l’agriculture, les activités saisonnières et le travail à domicile.

Les facteurs qui limitent la participation des femmes à diriger une région ou un conseil communal comprennent les stéréotypes de genre et la discrimi-nation pure et simple, les contraintes personnelles, telles que le manque de confiance en soi, le rôle au foyer que leur confèrent les traditions culturelles, une faible éducation des électeurs, mais surtout des régimes électoraux fondés sur le principe de la sélection et des institutions politiques qui ne favo-risent pas l’équilibre entre la vie de famille et la vie politique. Donc, les résultats ne reflètent en aucun cas la réalité sociologique du Maroc où la femme représente plus de 50% de la population. n

Meryem JbaraMembre du Conseil national de l’Organisation féminine du PAM, membre du Conseil national

de l’Organisation démocratique du travail (ODT) et membre du Conseil national du Mouvement Vigilance citoyenne

Aouatif Benabdelkhalek Médecin dentiste, Région Casablanca-Settat,(RNI)

Chaymae SebtiChirurgien dentiste, Région Fès, (Mouvement populaire)

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Page 19: MAROC diplomatiqueEn 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des

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diplomatique

Situation juridique de la femme marocaine

26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

LeiLa aLaOUi BeNHaCHeM

1 Réflexions sur la mise en œuvre du principe de « l’égalité » et dela« parité »

Lecture de l’article 19 de la Constitution Marocaine de 2011.

Avec l’avènement de la nouvelle Constitution de 2011, la société marocaine en pleine mutation, participe au ren-forcement d’un Etat de droit démocratique.

L’amélioration de la condition féminine consiste en un enjeu important pour l’accomplissement de cet objec-tif. La réforme de la Constitution a permis d’entériner le prince de l’égalité entre l’Homme et la Femme. Plus que jamais, la mise en œuvre de ces principes fondamentaux est nécessaire pour assurer une cohésion sociale et un développement prospère de la société marocaine.

Pour comprendre de quelles manières ces principes peuvent être mis en œuvre, il est utile de connaitre les nouveaux droits reconnus aux citoyens par la Constitution.

Ses derniers sont en effet appelés à se mobiliser davan-tage, par l’intermédiaire de la justice, pour s’impliquer dans l’amélioration des normes de droits existantes en participant à la promotion de nos droits fondamentaux.

Ainsi, Comment concrétiser les principes édictés par l’article 19 de la Constitution marocaine ?

Face à des réalités sociétales complexes, et malgré la consécration du principe de l’égalité, il est nécessaire d’accroitre les efforts entrepris pour une mise en œuvre effective de l’article 19.

L’égalité : un principe ConstitutionnelLa nouvelle Constitution, votée par referendum1 , dis-

pose désormais que : « L’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental, énoncés dans le présent titre et dans les autres dispositions de la Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes in-ternationaux dûment ratifiés par le Royaume et ce, dans le respect des dispositions de la Constitution, des constantes et des lois du Royaume. L’Eta marocain Œuvre à la ré-alisation de la parité entre les hommes et les femmes. Il est créé, à cet effet, une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination ».

2. La notion d’égalité remise en cause par des ré-alités sociétales

Intéressons-nous à la première partie de ce premier alinéa.

« L’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental, (…) »

Constater La mise en œuvre du principe d’égalité des droits et des libertés entre Femme et Homme, se me-sure d’une part, au regard de la parité des droits dont ils disposent en raison de leur qualité de citoyen : et c’est l’égalité civile et politique ; et d’autre part, en leur qualité d’individu qui ont le droit à un traitement équitable, et c’est l’égalité économique et sociale. Mais les indicateurs nationaux mettent en exergue de grosses disparités dans la mise en œuvre de ce principe. Prenons l’exemple de la Femme au travail : le régime juridique de la femme marocaine s’appréhende plus aisément, en s’intéressant particulièrement au droit social et matrimonial.

Le Conseil économique, social et environnemental 2 (CESE), dans son dernier rapport 3 sur l’égalité entre

les Hommes et les Femmes, dresse un tableau sombre de la situation des femmes actives. Il apparait que l’emploi des femmes reste une situation précaire ; surtout que les emplois qui leurs sont proposés «sont concentrés dans des activités peu valorisantes sur le marché du travail, et elles sont victimes de discriminations salariales»

Près de la moitié des citadines ne disposent pas d’un contrat de travail. Seules 37,5% sont liées à leurs em-ployeurs par des contrats écrits, à durée indéterminée. Les Femmes n’occupent que 12% des postes de direction. Les rédacteurs du rapport estiment que les femmes «se heurtent, aussi bien dans le public que dans le privé, au plafond de verre, défini comme un ensemble de barrières invisibles, créées par des préjugés d’ordre comportemen-tal ou organisationnel empêchant des individus qualifiés d’avancer dans leur organisation». Dans la fonction pu-blique, près de 88,3% des femmes responsables sont des chefs de service ou de division. En face, le taux de fémi-nisation de certaines fonctions comme secrétaire général ou directeur ne dépasse pas respectivement 6% et 11%. Le CESE n’hésite pas à critiquer la faible présence des femmes dans les nominations dans les hautes fonctions.

Réflexions sur la mise en œuvre du principe de l’égalité et de la parité

Or, par exemple, la loi relative à la nomination aux fonctions supérieures,4 dispose dans son article 4 en ce qui concerne les principes de nominations (…) pro-mouvoir La non-discrimination, sous toutes ses formes, dans le choix des candidates et candidats aux fonctions supérieures, y compris (…) du sexe, (…) ou pour tout autre motif incompatible avec les principes des droits de l’homme et des dispositions de la constitution, et promou-voir, la parité entre les hommes et les femmes, en tant que principe dont l’Etat œuvre à la réalisation (…)

En réalité, sur 300 nominations aux hautes fonctions en 2013, on ne compte que 38 femmes, soit 12,6%, bien loin de l’objectif de l’égalité stipulé dans la Constitution.

Les rédacteurs du rapport estiment que «les pratiques de gestion des ressources humaines sont à l’origine des discriminations indirectes». Ces pratiques qui sont «sou-vent conçues sur le modèle du travailleur masculin, dont

les obligations familiales sont soit minimes, soit prises en charge par la conjointe, s’avèrent défavorables aux femmes». Ainsi, un processus d’appel à candidature pour des postes de responsabilité, «bien qu’ouvert, peut exclure de facto les femmes, en imposant des critères qu’elles ne sont pas en mesure de satisfaire, comme le nombre d’an-nées d’expérience préalables en tant que responsable».

Mais alors comment garantir aux citoyens le respect de leurs droits fondamentaux et leur mise en œuvre ? Comment peuvent-ils s’impliquer pour participer à la promotion de leurs droits fondamentaux ? Comment lutter contre des mentalités récalcitrantes?

La primauté du droit international sur le droit national

C’est dans cette seconde partie du premier alinéa de l’article 19 que nous pouvons trouver quelques moyens d’actions majeurs.

L’article 19 dispose que les droits dont jouissent les Hommes et les Femmes sont « énoncés dans le présent titre et dans les autres dispositions de la Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le Royaume et ce, dans le respect des dispositions de la Constitution, des constantes et des lois du Royaume »

Le droit à l’égalité est un droit universel reconnu no-tamment par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, et les Pactes des Nations Unies relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, so-ciaux et culturels. Le Maroc adhère à ce pacte5, il est alors tenu d’assurer la promotion de ce principe, conformément à sa Constitution. Il le fait dans la mesure de son référent culturel et religieux : l’Islam.

Dans le préambule de la Constitution de 2011, le Royaume déclare Accorder aux conventions interna-tionales dûment ratifiées par lui, la primauté sur le droit interne du pays, et harmonise en conséquence les dispo-sitions pertinentes de sa législation nationale.

Dans cette dynamique malgré la lenteur dans la mise en œuvre et dans l’adoption de ces textes fondamentaux, qui s’explique aussi, en raison des spécificités culturelles de notre pays ; en juin 2015, la Chambre des représen-tants a adopté à l’unanimité le projet de loi 125.12 por-tant approbation du protocole facultatif et subsidiaire à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), ratifiée par le Maroc en 1993 et adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 6 octobre 1999 à New York.

Le Maroc formulait jusque-là des réserves sur cer-taines des dispositions de cette convention. En effet, tout en stipulant clairement ce principe, l’adoption d’une norme internationale est conditionnée par « le respect des constantes fédératrices du pays » : Comme l’explique Docteure Asmaa LAMRABET6 , Il est ainsi entendu « par constante fédératrice», et comme l’énonce la même constitution (en son préambule), on veut dire explicite-ment l’islam modéré(...). Ainsi, Il y a bien de véritables « décalages » au sein de la configuration sociale, (…) entre d’une part, la modernisation et émancipation des femmes et d’autre part la persistance d’un conservatisme religieux(…) Ainsi, pour atténuer ces « décalages » cette adoption renforce les moyens juridiques dont disposent les citoyens pour faire valoir leur droit matière d’égalité.

Par la CEDAW, le pays membres reconnaissent la compétence du Comité pour l’élimination de la discri-mination à l’égard des femmes, compétent pour statuer au sujet des communications présentées par des particuliers ou des groupes de particuliers qui prétendent être victimes de violation d’un des droits énoncés dans la Convention CEDAW. Ce comité est compétent pour examiner une plainte dès lors que toutes les voies de recours internes ont été épuisées.

Il faut désormais porter un coup d’accélérateur pour entériner ses réformes. Et il appartient aussi à nos juridic-tions de veiller à insuffler ce principe d’égalité à chaque fois qu’à l’occasion de situations spécifiques, une situation discriminante est constatée.

En attendant ces mises en œuvre effective, et en tant que citoyen, il est possible d’agir en faveur de l’intérêt général pour dénoncer des textes qui sont obsolètes en raison de leur inadéquation avec le principe d’égalité. Le citoyen comprend désormais que certaines mesures sont dépassées. Si ces textes ne se sont plus en adéquation avec les principes édictés par la Constitution, il faut les abroger ou du moins s’y intéresser par le débat public via les nouveaux droits consacrés par la Constitution.

Les moyens pour la mise en œuvreSelon la Constitution, dans son article 14, « Les ci-

toyennes et les citoyens disposent (…) du droit de présen-ter des propositions en matière législative (…) », ou en-core, l’article 15 dispose quant à lui, que « Les citoyennes et les citoyens disposent du droit de présenter des pétitions aux pouvoirs publics. (…) ». Malheureusement, les lois organiques supposées entériner ces principes fondamen-taux n’ont pas encore vu le jour, l’examen des deux projets de lois est toujours en cours

Le ministère chargé des Relations avec le parlement et la société civile n’a déposé les deux projets de loi orga-nique sur les conditions de dépôt des pétitions, le projet de loi 44-14, et le projet de loi n° 64-14 concernant le droit des présenter des propositions de lois auprès des pouvoirs publics et du parlement, qu’en avril 2015.

Le retard du Maroc en la matière est souvent pointé du doigt, la lenteur de la mise en œuvre des dispositifs dont le but est d’enraciner les droits garantis par la Constitution

est un frein majeur dans le processus démocratique. Il n’a pas été prévu, pour autre exemple, dans la nouvelle loi organique relative à la Cour Constitutionnelle, une nouvelle procédure protectrice des droits des citoyens.

Le rôle majeur de la Cour Constitutionnelle Selon l’article 133 de la Constitution, la Cour Constitutionnelle, est compétente pour connaître d’une exception d’inconsti-tutionnalité 7 soulevée au cours d’un procès et qui porterait atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. La loi de cette Cour a pourtant été promulguée8 mais elle n’a pas prévue 9 les conditions de mise en œuvre, ce sera pour plus tard !

Il faut rappeler brièvement les difficultés que connait encore le domaine de la Justice : le manque de moyens, la nécessité de former à ces nouveaux textes les fonc-tionnaires de la justice… Autant d’éléments qui peuvent expliquer aussi pourquoi il est encore difficile d’envisager une telle procédure en l’état actuel des choses.

Cette mesure aurait toutefois permis pour la première fois au citoyen de se pourvoir devant la Cour Constitution-nelle pour soulever une exception d’inconstitutionnalité.

Un tribunal ordinaire peut saisir la Cour constitution-nelle que ce soit en première instance, en appel ou en cassation. C’est un domaine entièrement nouveau, aussi bien du point de vue politique que juridique. Cela revient à expérimenter une démarche qui conforte l’État de droit (…) C’est déjà un point important qui ouvre la voie vers une véritable justice constitutionnelle, vers la création de nouvelles normes juridiques, donc vers le raffermissement de l’État de droit», selon M. Khalid Naciri.

Mis à part ces mécanismes juridiques, des mesures de promotion, qui consistent en des mesures de parité, doivent accompagner le cadre législatif et réglementaire pour permettre de lutter contre des mentalités récalci-trantes.

De la parité pour tendre à l’égalitéPromouvoir l’égalité de la Femme et de l’Homme c’est

promouvoir des mesures pour lutter contre les inégalités, et c’est donc instaurer des mécanismes pour tendre vers cet objectif : c’est instaurer la parité.

L’égalité, principe de droit, n’est pas dissociable de la parité, et une légère distinction

s’impose. La notion de parité constitue le fondement des politiques de lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes.

Au nom de ce principe ont été édictées plusieurs lois visant à réduire les disparités dans les domaines des sa-laires, de l’emploi, de l’éducation, de la représentation des femmes dans les instances de pouvoir politique et économique.

Doit-on établir une égalité absolue entre l’homme et la femme ou instituer une égalité fondée sur une discrimi-nation positive en faveur de la femme?

C’est toute la particularité liée à la promotion des droits des femmes. Prenons pour exemple la sécurité sociale : pour que le parcours professionnel de la femme soit comparable, en termes de bénéfices perçus par la sécurité sociale, avec l’homme, des mesures spécifiques de parités doivent être promulguées.

Destinées aux femmes de manière temporaire, ces me-sures permettent de bénéficier de droits à caractère civils, économiques, sociaux ou autres, de manière égale à celle des Hommes. Elles ne sont pas discriminatoires, elles n’ont pas pour objectif d’offrir un traitement préférentiel à la femme comparativement à l’homme, mais d’offrir aux deux sexes les mêmes conditions et traitement pour l’exercice d’un droit, d’une prestation etc.

La CEDAW précise d’ailleurs dans son article 4 que «L’adoption par les Etats parties des mesures temporaires spéciales visant à accélérer l’instauration d’une égalité de fait entre les hommes et les femmes n’est pas considérée comme un acte de discrimination (…), mais ne doit en au-cune façon avoir pour conséquence le maintien de normes inégales distinctes. Ces mesures doivent être abrogées dès que les objectifs en matière d’égalité de chances et de traitement ont été atteints».

Les conditions actuelles telles que les contraintes so-cio-économiques et culturelles ne favorisent pas l’égalité entre les sexes. Ainsi, comme le précise Monsieur Jean Carbonnier « La loi doit accompagner le changement de la société, sans le précipiter, ni tenter de l’arrêter ».

Au Maroc, En matière de couverture médicale, la qua-si-totalité des femmes actives occupées en milieu rural (98,8%) et plus de la moitié en milieu urbain (53,3%) n’en disposent pas10

Enjeux et perspectivesLe Maroc, pays riche de ses particularités et de ses va-

leurs traditionnelles auxquelles il est attaché, doit œuvrer dans la promotion de mesures qui assurent à la femme la pleine jouissance de ses droits.

Le Maroc œuvre dans le fond et la forme à harmoniser ses dispositions avec les droits fondamentaux tels qu’ils sont internationalement reconnus.

La Constitution dispose que « (…) L’Etat marocain Œuvre à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes. Il est créé, à cet effet, une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination1

Les défis à relever par cette autorité, qui n’a pas encore vu le jour12, sont multiples : droit social, droit à la sécurité sociale, droit à un statut à part entière des femmes aux foyers. Œuvrer pour la promotion de moyens qui per-mettent de maintenir la femme sur le marché du travail : formation professionnelle destinées aux mères désireuses de reprendre le travail, moyens de gardes appropriés et

pris en charge par les pouvoirs publics pour leur permettre de poursuivre un travail continue…

Autant de mesures d’accompagnements nécessaires dans une société patriarcale en profonde mutation.

Malheureusement loin de ses impératifs, Certaines ONG féministes m’ont pas manqué de pointer du doigt l’insuffisance des pouvoirs alloués à l’Autorité à travers ce projet de loi, cette instante ne pourra que «présenter un avis, présenter des propositions, présenter des recomman-dations, organiser des formations, sensibiliser et élaborer des études», selon Samira Bikarden, la présidente de l’As-sociation démocratique des femmes du Maroc (ADFM). Pour cette dernière «l’instance ne pourra aucunement influer sur les politiques publiques relatives à l’instaura-tion de l’égalité, de la parité et de la lutte contre les dis-criminations à l’égard des femmes» avec ces attributions.

Si, comme il l’entend le Maroc considère que la famille est la cellule de base de la société13 et qu’il s’engage à garantir par la loi la protection de la famille sur les plans juridique, social et économique, de manière à garantir son unité, sa stabilité et sa préservation ; il doit poursuivre et accentuer ses efforts, pour que la Femme, pilier de la fa-mille au même titre que l’Homme, puisse évoluer dans la société avec autant de facilités dont dispose actuellement son partenaire masculin.

Par ailleurs, pour soutenir les avancées enregistrées en la matière, il est nécessaire que la mobilisation citoyenne se développe, s’accroit et se démocratise : s’approprier la loi fondamentale qui nous gouverne et la promouvoir tout à chacun, voilà un des éléments, certainement clé, pour le développement positif de notre société. D’ailleurs lors du 8 mars 2015, une manifestation d’envergure, rassem-bla plus de 15 000 personnes à Rabat. La société civile réclame ainsi une accélération dans la mise en œuvre des réformes, notamment en ce qui concerne le respect du principe de parité dans le gouvernement14.

Il est regrettable que des blocages structurels empêchent aujourd’hui aux femmes d’évoluer dans la société en dé-pit de la richesse qu’elles contribuent à créer. Les partis politiques sont tenus de donner l’exemple, force est de constater qu’il n’en a rien été, et qu’une partie de leur électorat, n’est pas représenté. Il est aussi regrettable de constater, que plus de 4 ans après la promulgation de la Constitution, lors des dernières élections communales et régionales de septembre 2015, la représentativité féminine n’était pas au rendez-vous. La classe politique semble encore s’organiser autour de mécanismes institutionnels dépassés qui ne permettent pas aux femmes de béné-ficier de mesures de parité pour pouvoir accroitre leur représentativité.

Enfin, il est indispensable de rappeler le rôle de l’éducation et de l’école en la matière. Docteure As-maa LAMRABET rappelle justement à ce titre que « l’école doit transmettre une culture de l’égalité hommes femmes dont la source serait aussi bien le référentiel religieux réformiste que le référentiel droit humaniste » (…) « il s’agit d’ancrer dès l’enfance qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre les deux référentiels» (...) « Ce qui explique comment l’égalité malgré sa formulation sur le plan constitutionnel, reste de l’ordre du théorique puisque sur le plan pratique ».

1 Le Maroc a voté par référendum l le 1er juillet 2011 la nouvelle constitution du pays, à près de 98% de « oui ».Dahir n°1611691 du 27 chaabane 1432 (29 juillet 2011).

2 Dahir n° 1-14-124 du 3 chaoual 1435 (31 juillet 2014) portant promulgation de la loi organique n° 128-12 relative au Conseil économique, social et environne-mental

3 Promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie économique, sociale, culturelle et politique. Les discriminations à l’égard des femmes dans la vie économique : réalités et recommandations, rapport de CESE 2014

4 Dahir n°1612620 du 27 chaabane 1433 (17 juillet 2012)

portant promulgation de la loi organique n° 02612 relative à la nomination aux fonctions supérieures en application des dispositions des articles 49 et 92 de la constitution marocaine.

5 Dahir n°1-79-186 du 17 hija 1399 (8 novembre 1979) portant publication du pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels et du pacte international relatif aux droits civils et politiques (B.O. n° 3525 du mercredi 21 mai 1980)

6 Evolution du statut des femmes au Maroc : 10 ansaprès la réforme du code de la famille, Asma Lamra-bet- Mars 2014

7 Situation où il existe une mesure i compatible avec la constitution, qui soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

8 Dahir n° 1-14-139 du 16 chaoual 1435 (13 août 2014) portant promulgation de la loi organique n°066-13 relative à la Cour constitutionnelle (CC)

9 Article 28 de la loi du CC10 Rapport pré cité du CESE11 Article 19 alinéa 2 de la constitution marocaine de 201112 Un projet de loi 79-14 vient tout récemment d’être dé-

posé (mars 2015)13 Article 32 constitution marocaine 201114 En 2015, seules 6 femmes sont membres du gouver-

nement, sur un total de 39 portefeuilles.

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Au cœur d’un continent porteur d’opportunités, le Groupe BMCE Bank poursuit son essor, s’appuyant sur l’extension continue du groupe BANK OF AFRICA, contribuant avec confiance au développement des affaires et du progrès social. Avec ses 11.000 collaborateurs mobilisés dans 19 pays africains, son assise financière, son positionnement de banque universelle soutenu par les synergies d’un groupe multi métiers aux ambitions internationales, et ses valeurs de tolérance et de partage, BMCE Bank et BANK OF AFRICA ouvrent la voie d’une finance durable sur le continent africain.

Ensemble, posons les bases d’une finance durablesur le continent africain

26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

Page 21: MAROC diplomatiqueEn 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des

21TERRORISME ET SÉCURITÉ MAROC

diplomatique

AFRICA SÉCURITY FORUM

L’expertise au service de la défense de nos valeurs

Dire que la sécurité est aujourd’hui le sujet prio-ritaire des Etats et des gouvernements relève à coup sûr d’un truisme. Il y a quelques se-

maines, le groupe « Alomra international », spécialisé en sécurité, a organisé à Casablanca une rencontre qui a constitué en elle-même un événement : « Africa security forum » dont l’organisation et la mise en œuvre a été confiée au Think-Tank « Atlantis ». Pendant deux jours, en effet, plus d’une centaine de personnalités, venues des quatre coins du monde, mais dont la majorité re-présentant vingt pays d’Afrique, ont échangé et débattu des problématiques sécuritaires, des migrations, des réfugiés, des contrôles aux frontières, du blanchiment, des technologies numériques et biométriques , ainsi que des politiques de surveillance de manière générale. Ex-perts en géopolitique, économistes, anciens militaires, représentants d’organismes spécialisés en sécurité ont pris part à cette manifestation qui s’est déroulée quasi-ment à hui clos avec des participants triés sur le volet. La présence du ministre délégué à l’Intérieur, Charki Draiss, et surtout le discours qu’il a prononcé à cette occasion, ainsi que d’autres personnalités ont conféré à cette rencontre une dimension exceptionnelle.

« Atlantis », Centre de recherches géostratégiques s’est associé à cet effet avec le FITS ( Forum interna-tional des technologies de la sécurité). Atlantis est dirigé par Driss Benomar, qui préside également aux destinées du groupe Alomra International. La coopération entre les deux organismes s’est illustrée donc avec l’organi-sation de ce forum qui a constitué un événement majeur, d’autant plus significatif qu’il tombe à point nommé à un moment où – d’une attaque terroriste de Boko Haram en Afrique à un mouvement migratoire sauvage en Hongrie -, la sécurité a été ébranlée. Les débats de « L’Africa sé-curity forum » ont coïncidé avec cette actualité brûlante qui a interpellé l’Europe, l’Afrique, les Etats-Unis, le monde arabe et l’Asie. Ils ont porté sur la sécurité des frontières, les flux financiers irréguliers, les migrations et autres thématiques. Le mérite du Forum est d’avoir réuni autour de ces sujets des experts qui réfléchissent sur leur contenu et les hommes du terrain qui mettent en œuvre les stratégies.

L’Africa Security Forum 2015 a dégagé une plate-forme de recommandations dont les plus importantes portent sur l’impératif d’une meilleure concertation continentale et régionale ; sur la mue qu’opèrent les trafiquants de toutes sortes qui se transfigurent en terroristes, menaçant des régions entières en Afrique notamment. Enfin, il a été question notamment de la prise en compte des nouvelles technologies, comme la biométrie et ses apports largement exposée par un expert américain. Croisées, transversales, les allocutions ont apporté une valeur ajoutée, une expertise avérée à la

réflexion des décideurs – fussent-ils publics ou privés – sur les thèmes majeurs qui nous interpellent comme l’intelligence économique, la sécurité industrielle, la cybercriminalité et les délits financiers.

Le phénomène des migrations – dont le Sommet de Malte a illustré l’insoutenable réalité - Il convient de souligner que l’émigration constitue un révélateur, à la fois des politiques laxistes de part et d’autre de la Méditerranée et de la nécessité impérieuse de trouver une solution commune et coordonnée à ce nouveau phénomène. L’ampleur qu’il prendra à coup sûr dans à l’avenir, si elle n’est pas prise en compte, mettra à la fois l’Afrique et l’Europe entière dans une posture plus que critique. Pour ne s’en tenir qu’au continent africains, Driss Benomar a déclaré à notre confrère « Les Echos » que «l’Afrique est en train de vivre des mutations pro-fondes : les mutations climatiques, qui vont chambouler beaucoup d’équilibres sur les continent, les mutations démographiques... C’est la région du monde qui va croître, en termes de population, de la manière plus importante, avec tous les problèmes que cela pose. Pour ce qui est des mutations économiques, tout le monde s’accorde à dire que l’Afrique va devenir le prochain pôle de développement mondial après la Chine. Il ne faut pas oublier la sécurité: on ne peut penser évolution qu’à partir du moment où les systèmes de sécurité fonc-tionnent au niveau des États et organisations ».

Les conférenciers se sont relayés en deux langues, le français et l’anglais, donnant bien évidemment une portée intercontinentale à leurs travaux, offrant une pa-lette de partage en termes d’apports et d’expériences. Leur dénominateur commun ? Le souci d’éclairer les responsables à tous les niveaux, celui « d’échanger les informations et les données en matière de réflexion stra-tégiques », portant sur l’évolution accélérée que connait le monde, caractérisé par des frontières poreuses ou inexistantes quand elles ne sont pas tout simplement violées par les flux humains. Les événements des mois de septembre et d’octobre derniers, caractérisés par un immense flux d’immigrés et de réfugiés qui ont submer-gé l’Europe et mis celle-ci à mal, ont démontré surtout la fragilité de l’espace Schengen et l’inefficacité des politiques européennes en la matière. Ils ont poussé les gouvernements de France, d’Allemagne, d’Italie, d’Espagne, de Hongrie, de Croatie pour ne parler que de ceux-ci à réviser en urgence leur politique d’accueil. Or, le vrai problème est que les contrôles d’identité sont devenus difficiles voire impossibles, le flux étant incessant et les candidats à l’émigration – en provenance du Moyen Orient , de Libye et d’Afrique – étant chaque jour démultipliés. Un autre phénomène est celui des candidats au statut de réfugiés, en provenance de Syrie et des zones de guerre, difficilement reconnaissables

par l’Europe qui a craint pour sa sécurité et sa stabilité. Un débat s’est engagé sur le lien qui pourrait exister entre les réfugiés normaux et les possibles et potentiels terroristes.

Gilles de Kerchove, coordinateur européen pour la lutte contre le terrorisme a simplement souligné qu’en matière de terrorisme , et eu égard au plan de destruction de Daech, ce dernier s’emploie à faire douter l’Europe en annonçant que les réfugiés sont de potentiels terro-ristes, afin de pousser les gouvernements européens à renoncer à leur soutien envers les réfugiés. Il n’en a pas moins précisé par la suite que « la meilleure manière de ne pas entrer dans ce piège qui serait d’associer les migrations et le terrorisme – est d’être vigilant, car cela nous amènerait à ne pas faire ce que nous devons faire, c’est-à-dire accueillir les réfugiés. Il nous faut imposer des contrôles systématiques en terme d’immigration et de sécurité des personnes qui rentrent dans l’Union européenne ». C’est vrai qu’à l’Africa Security Forum, un grand débat s’est imposé sur l’identité numérique et donc le contrôle systématique par le biais des cartes. Et Driss Benomar, président d’Atlantis et co-organisateur du forum, insiste sur l’efficacité de l’identité numérique, affirmant que « le Maroc est le premier Etat d’Afrique en matière de technologie numérique » !

L’Africa Sécurity Forum est devenu un rendez-vous incontournable, puisqu’il affiche, forte de succès, sa volonté de s’institutionnaliser. Il sera un rendez-vous annuel, un Sommet casablancais de l’intelligence géos-tratégique et sécuritaire, mais aussi ouvert sur les pro-blématiques diverses. La prochaine édition portera sur la sécurisation de la Ville, « Safe Cities », avec ce que ce thème comme interdisciplinarités, urbaine, économique, sociétale, humaine, et sécuritaire. n

Driss Benomar prononçant son discours inaugural.

Le ministre délégué à l’Intérieur, Charki Draïss, entouré du Wali de Casablanca, Khalid Safir, de Driss Benomar, président du groupe Alomra international et du Think Tank « Atlantis » et du président du FITS, Alain Juillet.

26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

MICE, au cœur de l’événement Africa

Security ForumC’est l’agence de communication MICE

(Meeting Incentive Communication and Event) , dirigée par Kenza Alaoui et Hi-cham Tayek qui s’est occupée de l’orga-nisation et de la mise en œuvre de cette première édition d’Africa Security Forum 2025. Celui-ci, c’est le moins que l’on puisse dire, s’illustre par un franc succès, tant l’organisation, l’accueil, l’encadre-ment, notamment au niveau de la com-munication, de la diffusion des éléments nécessaires – badges et plaquettes - et de la documentation ont été bien menés.

Pas un faux pas, à vrai dire et les tra-vaux du forum se sont déroulés de ma-nière fluide, accessibles en trois langues. Il est vrai que l’agence MICE n’en est pas à son premier événement international, ni non plus à son premier succès. A son actif, il y a ASF+ Casablanca Arbitration days pour le compte de CFC qui a connu un fort succès, incitant ses dirigeants à reconduire MICE pour l’organisation de la 2ème édition prévue en ce mois de dé-cembre 2015. Là encore , l’exigence de la qualité en matière de gestion d’un grand événement sera mise en avant.

MICE opère entre autres pour le groupe Alomra International, le groupe CFC, Coca, le groupe Azura et Al Mabrouk. Emblématiques et connus sur la place, ces groupes n’ont de cesse d’exprimer leur satisfaction à l’égard d’une agence qui se développe et concentre ses activités sur un savoir-faire, l’expertise et la valo-risation des atouts des uns et des autres. Kenza Alaoui et Hicham Tayek sont au principe de ce succès, y mettant ardeur et compétence.

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GRANDS ENTRETIENS MAROC

diplomatique22

CONSEILLÈRE DE TROIS PREMIERS MINISTRES

Nezha Lahrichi témoigned’une époque à cœur ouvert

EntrEtiEn réalisé par Hassan alaoui

Nezha Lahrichi est une écono-miste connue. Elle est également la 1ère femme docteur en économie au Maroc. Professeur des sciences éco-nomiques à l’Université Hassan II, à Casablanca, à l’ISCAE et consul-tante, elle a été, pendant des années, Conseillère spécial de trois Premiers ministres : Abderrahmane El Yous-soufi, Driss Jettou et Abbas El Fassi. Entre l’enseignement et la réflexion sur les problématiques liées à cette discipline - l’énergie, la monnaie et la finance entre autres -, son parcours est riche voire exemplaire, en tant que femme. Elle a été PDG de la Smaex et présidente du CNCE (Conseil na-tional du commerce extérieur). Nous publions son parcours à travers un entretien qui, bien évidemment, ne peut être exhaustif.

l Maroc Diplomatique : Vous avez été conseillère de trois Premiers ministres et témoin d’une décennie importante de l’his-toire politique récente du Maroc, quelle est votre lecture ?

- NEZHA LAHRICHI : Effectivement, il s’agit d’une période déterminante, celle de la gestation, du déroulement et de l’accom-pagnement de l’alternance. J’ai rejoint la pri-mature pour six mois, j’y suis restée 10 ans ! Une bonne illustration du temps politique et surtout, avec trois Premiers ministres et six gouvernements, une période d’observation suffisante de la dialectique tradition-moder-nité politique.

J’ai rejoint le gouvernement Filali en juil-let 1994, juste après sa formation au mois de juin, c.-à-d. à un moment où le dialogue et la concertation avec la Koutla étaient en marche. Le fait historique qui mérite d’être rappelé est l’abstention de la Koutla lors du référendum de la Constitution en 1992 et sur-tout l’effervescence intellectuelle et les débats pertinents qui ont marqué l’après-campagne référendaire et qui d’ailleurs nourrissaient les négociations avec l’opposition relative à l’alternance. Le gouvernement Filali était alors un gouvernement de transition pour quelques mois. Il était question de former un gouvernement d’union nationale avant la fin de 1994. Il a fallu attendre mars 1998 pour la mise en place de l’alternance «consensuelle», le principe de l’alternance était accepté, mais le cheminement de sa mise en œuvre a été long. C’est pour dire que la période des gou-vernements Filali a constitué une phase dé-terminante du processus politique engagé par feu Hassan II, un tournant historique après 40 ans de lutte, de crises, de ruptures, de scissions, de révoltes et près d’une décennie de négociation, l’opposition est arrivée au pouvoir représentée par son principal sym-bole, Abderrahmane Youssoufi, artisan de ce compromis historique.

l Quelles sont les raisons qui ont amené l’opposition à accepter le principe de l’al-ternance ?

- La situation économique était en constante détérioration. Début des années 90, c’est la sortie du Programme d’ajustement structurel avec toutes ses implications sur le plan social. À cela, il faut ajouter l’exode rural suite à la sécheresse récurrente, une situation qui s’est traduite par les pressions des organisations internationales pour me-ner des réformes structurelles. Tout appelait donc à ce que les deux partis se rejoignent, mais la Koutla considérait que le minimum

pour participer au gouvernement n’était pas acquis. En août 1995, il a fallu un signal de feu Hassan II, soit l’élection au suffrage di-rect de tous les membres de la Chambre des représentants pour que l’opposition reprenne l’initiative, et ce, en présentant en avril 1996 un mémorandum des réformes constitution-nelles et politiques, entre-temps la situation économique et sociale s’est détériorée et a trouvé son expression dans le fameux rapport de la Banque mondiale publié en 1995 qui pointe du doigt l’insuffisance des réformes structurelles, le problème de la gouvernance et l’opacité de la bureaucratie. C’est dans ce contexte qu’il faut inscrire la campagne d’assainissement, un des traits marquants des gouvernements Filali, car il y en a eu trois : le premier n’a duré que 8 mois, de juin 1994 à janvier 1995, le second a été le plus long, deux années et demie, de janvier 1995 à août 1997, et le troisième d’août 1997 au14 février 1998 soit 7 mois.

l  À propos de la campagne d’assainisse-ment, quelle est votre lecture ?

- Je commencerai par souligner le com-portement du Premier ministre et son re-fus de l’arbitraire et de l’injustice lors de la campagne d’assainissement, un épisode tumultueux de l’histoire du pays, une page douloureuse que j’ai vécue avec une grande inquiétude. Après la première phase d’arres-tations, Driss Basri avait préparé un projet de circulaire qui allait être fatal pour l’éco-nomie du pays, il visait le recouvrement des arriérés d’impôts par toutes les voies, y compris la contrainte par corps. J’en ai in-formé le Premier ministre qui est intervenu pour empêcher sa publication, un élément qui a contribué à arrêter le processus de la campagne d’assainissement à propos de la-quelle les arguments des politologues sont multiples. Pour certains, il fallait que les gouvernants échappent aux accusations de complicité avec les milieux d’affaires suite aux pressions des organisations internatio-nales en matière de bonne gouvernance, pour d’autres, il s’agissait de sanctionner le monde des affaires qui n’a pas joué son rôle histo-rique de promotion de la croissance en inves-tissant, en produisant, en créant des emplois, et ce, sans fraude fiscale, sans contrebande et sans corruption. C’est l’État qui a enfanté la bourgeoisie et partant celle-ci doit non seu-lement bien jouer son rôle économique, mais éviter d’avoir des velléités d’indépendance et d’avoir une posture d’acteur politique en mesure de constituer un contre -pouvoir. L’essentiel est que cet épisode s’est soldé par un gentlemen’s agreement qui prévoit des mesures pour une normalisation de la vie économique.

l Revenons à l’alternance, quelle signifi-cation donner à sa qualification de «consen-suelle» ?

- La monarchie constitutionnelle démocra-tique et sociale est inscrite dans la Constitu-tion de 1962 sauf que c’est un horizon après des étapes à franchir par la société marocaine et toutes ses composantes : partis politiques, associations, presse, administration, etc. : l’alternance est un accord négocié avec l’opposition, négocier les domaines sujets à délégation, le partage des responsabilités de l’action publique entre la monarchie et la classe politique. Consensuelle parce qu’il y a un cadre préétabli dans lequel se place la délégation d’une partie du pouvoir, c’est une sorte de cohabitation à la marocaine comme dirait Abdellah Laroui. En outre, la délégation de pouvoir était à répartir entre plusieurs partis. De ce fait, la formation du gouvernement a été une équation difficile à

résoudre, d’où le gouvernement pléthorique constitué par Abderrahmane Youssoufi de 43 ministres issus de 7 partis. Une équation complexe en plus du défi de concilier pro-messes sociales et contraintes budgétaires, une équation partiellement résolue avec le resserrement des postes ministériels lors du changement de gouvernement intervenu à mi-mandat, en septembre 2000. Le gouver-nement Youssoufi II est caractérisé par la réduction de 43 à 33 ministres, mais surtout sans Driss Basri limogé en novembre 1999. Cette formation est aussi caractérisée par l’ar-rivée de Abbas El Fassi qui prend en charge le volet social : emploi, formation profes-sionnelle, développement social et solidarité. Mais le plus important est de préciser que ce gouvernement a été formé une année après l’intronisation de Sa Majesté le Roi Moham-med VI : un nouveau dynamisme est donc insufflé au gouvernement Youssoufi II qui porte davantage les valeurs de la réforme.

l Après les élections de 2002, l’USFP est restée au gouvernement, mais en renonçant à la primature. Peut-on parler d’une remise en cause de l’expérience d’alternance ?

- Effectivement, un second tournant his-torique s’est produit en septembre 2002. Lors des élections législatives, les deux partis majoritaires arrivent avec des scores très proches : 50 sièges pour l’USFP et 48 pour l’Istiqlal, d’où une lutte entre les deux partis pour la primature qui a produit un Pre-mier ministre dit technocrate, Driss Jettou, qui, en fait, a agi en vrai politique et dont la nomination avait suscité un grand débat : la première thèse considère que c’est une en-torse à la méthodologie démocratique qui veut que le chef du gouvernement soit issu du parti ayant obtenu le plus grand nombre de sièges au Parlement. La seconde soutient qu’il s’agit d’un choix guidé par l’urgence économique et sociale. Le gouvernement Youssoufi ayant lancé des chantiers et ou-vert des pistes, il fallait accélérer le rythme d’exécution sachant que le rythme des ré-formes est aussi important que les réformes elles-mêmes. La nomination de Jettou a fait resurgir le vieux débat de la relation entre démocratie et développement économique et social : la démocratie est-elle un impératif préalable au développement ou l’inverse ? le développement permet-il d’avoir une société mûre pour la démocratie ? Il est évident que chaque postulat a ses partisans et ses argu-ments, mais la tendance va vers la complé-mentarité des deux : pour se consolider, la démocratie doit trouver son prolongement dans des mesures économiques et sociales

et réciproquement, les politiques de dévelop-pement ont besoin pour être mises en œuvre d’être validées par la participation démo-cratique. Le plus important est de souligner l’importance que revêt une redistribution des richesses aussi bien pour la démocratie que pour le développement économique et de garder à l’esprit que le débat démocratie- li-béralisation économique ne doit pas occulter le débat sur le développement économique et social toujours à l’ordre du jour.

Driss Jettou a reconduit l’alternance sans Youssoufi, mais avec l’aide de Youssoufi qui a accepté la participation de l’USFP au gouvernement Jettou. Un gouvernement de coalition est formé en novembre 2002 après un mois et demi de négociation, un gouver-nement qui envoie un message de renouvel-lement des générations, mais pas encore de féminisation. Il a fallu attendre le gouverne-ment d’Abbas El Fassi en 2007 pour avoir sept femmes ministres et secrétaires d’État sans qu’aucune ne soit affiliée à l’USFP dont la débâcle ne justifie pas l’entorse à son ca-ractère «progressiste». Entre-temps, le 8 juin 2004, un remaniement ministériel est opéré. Le 2ème gouvernement Jettou est caractérisé par un resserrement avec 9 ministres sortants.

Il s’agit donc de trois contextes spéci-fiques : phases de préparation de l’alternance, de son déroulement et de son accompagne-ment marquées par des styles différents des trois Premiers ministres.

l Dans quelle mesure peut-on dire que le contexte et les circonstances déterminent un style de gouvernement ? Si les styles dif-férents, quelle en est votre appréciation ?

- Pour contextualiser, je dirai qu’avec Ab-dellatif Filali, le rôle consistait à faire aboutir le processus engagé en 1992 et faire parti-ciper l’opposition au gouvernement à la fin de l’année 1994. En outre, le gouvernement Filali qui devait gérer la transition politique pendant six mois s’est vu investi de la gestion de questions économiques urgentes. Parmi les chantiers qui ont marqué cette période et qui constituaient une réponse aux difficultés économiques, je citerai les privatisations et les télécommunications. En effet, 52 en-treprises publiques ont été privatisées et la réforme du secteur des télécommunications a été achevée sur le plan institutionnel et juri-dique. Deux illustrations de la capacité d’ar-bitrage du Premier ministre pour clore des dossiers économiques stratégiques. Homme de conviction, il voulait concrétiser un niveau de modernisation économique pour pouvoir donner un contenu concret à l’alternance politique.

Le gouvernement Youssoufi ayant lancé des chantiers et ouvert des pistes, il fallait accélérer le rythme d’exécution sachant que le rythme des réformes est aussi important que les réformes elles-mêmes. La nomination de Jettou a fait resurgir le vieux débat de la relation entre démocratieet développement économique et social : la démocratie est-elle un impératif préalable au développement ou l’inverse ? le développement permet-il d’avoir une société mûre pourla démocratie ?

Nezha Lahrichi.

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Page 23: MAROC diplomatiqueEn 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des

C’était l’homme de la situation avec un profil adapté aux questions de l’heure, un homme du sérail, un homme d’apaisement, tempéré, pacifique, des qualités nourries par l’épaisseur de son vécu et en même temps un démocrate qui manie avec finesse tout l’art de la diplomatie, c.-à-d. qu’il était acquis à la culture de l’écoute, du dialogue et de solutions où aucune partie ne se sent per-dante. Son sens de la démocratie peut être illustré par la profondeur de son féminisme. Lorsqu’il a décrit à son entourage le profil du conseiller économiste qu’il souhaitait recru-ter, la réponse a été : «il y a une personne, mais c’est une femme», il a répondu com-ment osez-vous dire mais c’est une femme ? Je veux la voir ! Le second fait a été la pré-sence, dès le début de la décennie 90, de huit femmes dans son cabinet au ministère des Affaires étrangères et le troisième, et non le moins important, a été la nomination, pour la première fois, de quatre femmes ministres dans son troisième gouvernement.

l Un fait étonnant : en écrivant ses mémoires, il a passé sous silence tout le travail effectué pour l’aboutissement de l’alternance. Est-ce la preuve de sa légen-daire discrétion ? Ou est-ce que sa passion pour la diplomatie qu’il a exercée pendant de longues années a pris le dessus sur le vécu d’une période de fortes turbulences certes, mais charnière de notre histoire contemporaine ?

- Concernant Abderrahmane Youssoufi, je crois que le personnage est la combinaison de deux éléments : il y a les circonstances historiques, car il faut un contexte, des épreuves et des combats pour faire émerger un dirigeant historique, mais il y a surtout sa détermination, pour ne pas dire son obses-sion, à réussir l’alternance et ouvrir la voie à la transition démocratique. Il est doué d’une ténacité à toute épreuve, mais une ténaci-té dans la sérénité, de là découle son style nourri par son intelligence politique : pas de ruptures, pas de recherche de résultats immédiats. Sa démarche consistait à privi-légier les mesures susceptibles de produire du consensus et à esquiver les conflits. Bref, donner du temps au temps, car son ambition s’inscrivait dans le long terme, une transi-tion qui prépare au changement. Un homme consensuel pour une transition consensuelle, seule façon de gagner la confiance variable, clé du succès de l’expérience. Derrière son style, il y a les qualités d’un homme que chacun lui reconnait : au-delà de sa probité, de son intégrité et de sa rigueur morale, il y a sa discrétion, sa courtoisie et sa simplicité, un calme et un sang-froid légendaires. Un homme secret et donc silencieux, une tombe dit-on ! Et quand il parle, il mesure ce qu’il dit. À cela, il faut ajouter son patriotisme et sa loyauté, lesquels combinés à son sens de l’histoire expliquent son sens de la respon-

sabilité et sa lucidité. Le défunt roi l’avait qualifié à l’occasion de la présentation du 1er gouvernement d’alternance de «nationaliste et pragmatique».

Permettez de préciser que de nombreux observateurs considèrent que la mission du gouvernement d’alternance était éminem-ment politique, c’est évident, mais pas seu-lement ; ce n’est pas le lieu pour faire le bilan socioéconomique, car de nombreux chan-tiers ont été ouverts alors que l’alternance tant attendue, tant souhaitée était chargée de tous les espoirs, mais il est possible pour souligner sa modernité à travers des apports qualitatifs :

1- il a institutionnalisé le droit d’inven-taire dans la mesure où des bilans de l’action gouvernementale étaient régulièrement pré-sentés au Parlement.

2- il a impulsé le devoir de mémoire en hissant sur les murs de la primature les por-traits de tous les Premiers ministres depuis l’indépendance, lesquels ont assisté à une cérémonie organisée à cet effet et où les défunts étaient représentés par leurs enfants.

3- il a permis l’instauration de la tradition d’un élément important de la transparence budgétaire, et ce, grâce au binôme Youssou-fi-Oualalou qui a bien fonctionné. Il s’agit de l’accompagnement du projet de la loi des Finances par de nombreux rapports et documents annexes : rapport économique et financier, rapport sur les dépenses fiscales, rapport sur les établissements et entreprises publics, sur les comptes spéciaux du Tré-sor, budget genre, etc. C’est une avancée qui mérite d’être soulignée au-delà du bilan positif du ministre des Finances, connu et reconnu qui s’articule autour des réformes et des mesures qui ont permis à notre pays de bénéficier d’une stabilité macroéconomique pendant plusieurs années. C’est pour dire qu’ont été posés les premiers jalons d’une démocratie constitutionnelle afin que le Par-lement joue pleinement son rôle.

Pour conclure, je dirai qu’en tant que Pre-mier ministre, il n’a pas bénéficié du soutien de tous ceux qui n’ont pas compris le sens de l’histoire, mais l’histoire finira par rendre justice à son abnégation et son éthique, tel est le destin des grands hommes ! La dif-fusion du documentaire pour la 1ère fois par la chaine 2M, le 1er mars 2015, alors que le film a été tourné en 2002 «Il était une fois Abderrahmane Youssoufi» est un signe, la politique est affaire de signe comme chacun sait !

Quant à Driss Jettou, il s’est construit une solide réputation de gestionnaire, compte tenu des nombreux postes qu’il a occupés et en même temps en tant que ministre de l’Intérieur. Il a été l’artisan des élections de 2002, les premières législatives jugées propres et transparentes sans oublier de rappeler le rôle qu’il avait joué lors de la campagne d’assainissement en 1996 en

s’opposant à feu Driss Basri, autant d’élé-ments qui font qu’il inspire la confiance des politiques et des milieux d’affaires natio-naux et étrangers.

Il n’est pas un technocrate, il est bel et bien un homme politique sans qu’il soit affi-lié à un parti politique, il se caractérise donc par une indépendance d’esprit qui conforte ses qualités qui lui sont reconnues : homme de dialogue et donc d’écoute, patient et consensuel, pragmatique, discret, affable et humble. Je me permets de mettre l’accent sur sa grande capacité de travail, son bon sens et sa démarche méthodique et spécifique qui expliquent son efficacité, car le bilan du gouvernement est considéré comme positif.

Un mot de sa méthode : s’entourer d’un noyau dur constitué d’un nombre restreint de ministres choisis pour leurs compétences et sur lesquels il s’appuie pour avancer, une démarche qui d’ailleurs s’inspire de celle de feu Adellatif Filali où Jettou faisait partie de sa garde rapprochée. Sa méthode découle également de sa bonne connaissance de l’ap-pareil administratif grâce à son expérience. Par exemple, il s’adressait directement aux directeurs des administrations et aux respon-sables des grands établissements publics. Autrement dit, il manageait lui-même les questions qu’il juge stratégiques et quand il reçoit des fiches de ses collaborateurs, il les étudie, les annote, tient des réunions, réoriente l’analyse jusqu’au moment où il est convaincu que son arbitrage a muri. À ce niveau, on retrouve le troisième élé-ment de sa méthode dans la mesure où il hiérarchise ses priorités et se consacre aux dossiers un par un qu’il traite jusqu’à leur aboutissement, jusqu’à ce que mort s’en-suive comme je disais à mes collègues sous pression d’un dossier ! Il arbitre, il tranche, mais en connaissance de cause doublé de son bon sens, un bon sens décidé !

En définitive, il est possible de dégager des traits communs malgré la spécificité des contextes historiques : discrétion et donc absence d’attitudes ostentatoires, sens de la diplomatie, grande humilité, autant de caractéristiques qu’impose le poids d’une responsabilité complexe et donc stimulante, mais qui reste malgré tout lourde à porter et donc anxiogène.

Pour conclure, le défi à relever reste la gestion de la dialectique tradition-modernité politique, une modernité institutionnelle qui préserve la légitimité historique, la synthèse entre tradition et modernité est en train d’ac-quérir un sens fondamental avec la nouvelle Constitution à condition que son esprit soit bien assimilé et qu’elle soit appliquée.

Vous avez évoqué le rôle du Parlement, quelle est votre appréciation de l’institu-tion suite à votre expérience que vous avez écourtée en démissionnant ?

En fait, j’y ai passé une année et j’ai dé-missionné pour incompatibilité avec ma

fonction de PDG de la Smaex, une courte expérience qui m’a permis de constater qu’il y a un problème de reconnaissance du travail parlementaire lié au manque de connaissance de cette institution : que fait le Parlement ? Quel est son rôle ? Comment il fonctionne ? Il est normal qu’il y ait de l’indifférence à l’égard d’un système qui n’est pas compris. Le travail parlementaire est souvent asso-cié au débat relatif à la loi de Finances avec une focalisation quasi exclusive sur le débat fiscal, mais le rôle du Parlement va au-delà, c’est une machine à faire des lois, c.-a.-d établir des règles auxquelles nous devons obéir sous peine de sanctions, des règles qui concernent le fonctionnement de l’économie et l’organisation de la société. Il convient alors de mettre en évidence l’importance du pouvoir d’influence du Parlement, et plus ce pouvoir augmente, plus la machine à faire des lois devient une machine démocratique qui consommera encore plus de temps et d’énergie, car il faut admettre qu’à partir du moment où on décide de donner de l’importance à l’avis des citoyens dans la décision publique, il faut prendre le temps de la discussion, des échanges de points de vue, d’opinions et d’arguments. La lenteur du travail parlementaire souvent critiquée est inhérente à ses missions et fait partie de son ADN. Elle peut certes être atténuée, mais pas supprimée. Pour rester au niveau de l’analyse de l’exécutif, je n’en dirai pas plus même si les bonnes questions ne se sa-tisfont pas de réponses rapides.

l Que pensez-vous du gouvernement actuel et du style de Benkirane ?

- Il y a deux attitudes en matière de té-moignage : témoigner au moment des évè-nements ou d’une façon rétrospective. J’ai une préférence pour la seconde, c-à-d après décantation. Cependant, la question qui in-terpelle est que l’action de ce gouvernement se passe à un moment où le Maroc s’inscrit de plus en plus dans la révolution du numé-rique qui bouleverse le fonctionnement des États et modifie les rapports de pouvoir : quel est le pouvoir du citoyen à l’ère du numérique ? Comment cerner ou faire face à la nouvelle exigence démocratique du 21ème siècle ? Les réseaux sociaux et les médias interactifs ont manifesté un réel in-térêt pour les élections communales et régio-nales impliquant une participation politique stimulante. Internet apparait ainsi comme un instrument de repolitisation et de remo-bilisation des citoyens sauf qu’internet est politique et profite aux plus doués qui savent l’utiliser pour véhiculer leurs projets et leurs valeurs, un atout contrebalancé cependant par la possibilité pour le citoyen de contester sur le Net toute forme d’autorité ou de déma-gogie : les stratégies offensives impliquent nécessairement des tactiques défensives. Malgré l’importance croissante d’internet, la télévision et la radio restent les sources d’information jugées les plus fiables. Il est admis que les médias structurent l’opinion publique, mais jusqu’où va le pouvoir des réseaux sociaux au Maroc comme ailleurs ? La réponse à cette question ouvre le champ complexe du processus de construction de l’opinion publique à l’ère du numérique, où le téléphone portable permet d’être constam-ment en réseau. Un champ d’analyse avec une question centrale de la relation pouvoir/communication dans la société de communi-cation où les contenus et les programmes ne sont pas l’essentiel et où la communication est érigée en valeur et en clé de succès. Il en résulte des comportements émotionnels qui sont considérés comme des éléments déter-minants du processus de la prise de décision et de la façon dont la politique construit le sens. Les messages à contenus émotionnels ont un impact qui dépend du contexte de leur réception. Plus le niveau d’éducation est éle-vé, plus les citoyens disposent de capacités intellectuelles qui leur permettent de ratio-naliser les perceptions erronées issues des émotions. C’est pour dire que les symboles les plus forts ne relèvent pas des théories de la croissance économique ! Un constat qui ne doit pas faire oublier que les enjeux restent fondamentalement économiques créant des articulations entre politique et économie. n

23GRANDS ENTRETIENS MAROC

diplomatique

J’ai rejoint la primature pour six mois, j’y suis restée 10 ans !

Plus le niveau d’éducation est élevé, plus les citoyens disposent de capacités intellectuelles qui leur permettent de rationaliser les perceptions erronées issues des émotions. C’est pour dire que les symboles les plus forts ne relèvent pas des théories de la croissance économique ! Un constat qui ne doit pas faire oublier que les enjeux restent fondamentalement éco-nomiques créant des articulations entre politique et économie.

26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

Page 24: MAROC diplomatiqueEn 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des

TOUR D’HORIZONS MAROC

diplomatique24MAROC-SUÈDE

Une chaude alerte… et maintenant ? Jamal Hafsi

Il aura fallu attendre siffler tout près des oreilles des Maro-cains un deuxième boulet suédois, celui-là nettement plus menaçant que le premier coup de semonce essuyé en décembre novembre 2012, pour que nombre d’ana-lystes politiques, relayés par la majorité des médias que compte le pays, se mettent à admettre qu’il y a péril en la demeure.

S’il y a un registre sur lequel le gou-vernement Abdelilah Benkirane a en-registré l’un des reculs les plus nets,

c’est celui de la diplomatie. Aussi l’accent est-il mis par les uns et les autres sur le fait que ce recul est d’autant plus inquiétant qu’il concerne au premier chef la question de l’intégrité territoriale du Royaume pla-cée, depuis toujours, en tête des priorités nationales.

Les réseaux sociaux se sont, pour leur part, enflammés dès les premières minutes qui ont suivi l’annonce de l’intention du gouvernement suédois de reconnaitre la république domiciliée à Tindouf. Dans des baraquements, pas loin des camps, sont par-qués depuis quatre décennies entre 50 et 90 000 Sahraouis. L’Algérie ayant toujours refusé de les recenser, il serait difficile d’être plus précis.

Signant leur unanimisme autour de la question de l’intégrité territoriale, lequel ne s’est visiblement pas bougé d’un iota, facebooknautes et twitternautes marocains ont en effet inondé les réseaux sociaux de posts et de commentaires pour dénoncer de manière très ferme cette velléité hautement inamicale et injustifiée de la Suède. Mais aussi pour fustiger, sans ménagement aucun, les carences dont pâtissent autant la diplo-matie officielle que la diplomatie parallèle dont on sait qu’elle est, pour ainsi dire, quasi inexistante dans les faits.

Des ratés ! À qui la faute ?

Ce constat établi, il s’agit maintenant d’essayer de comprendre le pourquoi des ratés de la diplomatie officielle marocaine et celui de l’absence, à tout le moins éton-nante, d’une diplomatie parallèle – Partis politiques et ONG – sur ce registre, malgré les nombreux appels du souverain incitant à la nécessité de l’activation de cette dernière. Des appels qui, force est de le constater, n’ont visiblement pas suscité les réactions espérées.

Pour surprenante qu’elle puisse paraitre, la dernière offensive algéro-polisarienne en Suède, quand bien même aurait-elle été menée dans une relative discrétion, n’a en vérité surpris que ceux qui ne voulaient pas la voir venir. Et, dans une moindre mesure, les naïfs qui continuent de penser que l’una-nimisme national autour de la question de l’intégrité territoriale peut à lui seul faire efficacement rempart contre les tentatives d’une Algérie qui semble plus décidée que jamais à engager plus de forces dans la guerre diplomatique.

Des relations algéro-suédoises

Si Alger a plus ou moins réussi à trou-ver des clients en Suède pour sa propa-gande séparatiste, c’est d’abord en raison du capital sympathie qu’elle compte dans ce pays où elle a bonne presse depuis as-sez longtemps. Du moins depuis la fin des années 50. Mais aussi parce qu’elle y parade en solo, en tenant par la main son rejeton polisarien, depuis des lustres. Et sur ce registre, il est important de rappe-ler que les relations politiques et écono-miques entre la Suède et l’Algérie ont de tout temps été plus solides et plus impor-tantes que ne le sont celles qui unissent Rabat à Stockholm.

Aussi avaient-elles atteint leur plus haut niveau du temps où l’ex-Premier ministre social-démocrate suédois, Olof Palme (as-sassiné en 1986) et l’ex-président algé-rien, Houari Boumediene, étaient au pou-voir. Et ce, du fait de considérations liées essentiellement au soutien apporté par la Suède à la lutte de l’Algérie pour son indépendance. Notamment son vote, en 1959, à l’Assemblée générale de l’ONU, en faveur de l’indépendance de l’Algérie, alors que la question de l’avenir de cette dernière évoluait vers l’idée d’autonomie. La Suède fut le premier et le seul pays de l’Europe de l’Ouest à voter pour l’indé-pendance de l’Algérie.

Les relations entre les deux pays connaitront un léger fléchissement après le décès de Boumediene en 1978, puis un autre plus net après l’entrée de l’Algérie dans la spirale de la guerre civile (1992-2002) et de la Suède dans une grave crise économique au début des années 90.

Plus convaincu que jamais de la néces-sité de ratisser large auprès des décideurs politiques scandinaves pour leur arracher plus de soutien au projet séparatiste poli-sarien, le président Abdelaziz Bouteflika s’emploiera, quelque temps après son ac-cession à la magistrature suprême du pays en 1999, à donner une nouvelle impulsion aux relations algéro-suédoises. Notam-ment par l’entreprise d’une démarche s’articulant autour du développement des échanges commerciaux entre les deux pays, fut-il aux dépens de l’économie al-gérienne qui n’avait pour ainsi dire rien à vendre à la Suède, pas même son pétrole que concurrence largement celui du voisin norvégien, et d’une dynamisation de l’ac-tivisme du polisario en Europe du Nord, particulièrement en Norvège et en Suède, avec l’aide conséquente et soutenue des ambassades d’Algérie à Stockholm et à Oslo.

Le tandem algéro-polisarien trouva en Suède un pays traditionnellement por-té sur les questions liées aux droits de l’homme, un terrain propice à la promo-tion du projet séparatiste.

L’activisme débordant du Polisario en Europe

du NordCeci aidant, l’activisme débordant

des représentants successifs du Polisario dans ce pays, d’abord Brahim Mokhtar ensuite Alyen Habib Al Kantaoui, quand bien même relevant pour l’essentiel de la pure propagande, trouva un large écho auprès de la société civile suédoise.

Aujourd’hui, force est de relever qu’une centaine d’ONG suédoises apportent un solide appui aux thèses séparatistes. Et c’est ainsi que ces ONG, à défaut d’avoir été approchées par les parties marocaines, «dénoncent l’échec de la communauté in-ternationale à faire pression sur le Maroc pour mettre fin à son exploitation illégale des ressources naturelles du Sahara», et incriminent «la puissance coloniale ma-rocaine qui inflige les pires souffrances à la population sahraouie». Des assertions

répétées à souhait par les Suédois et dont le Maroc aurait pu faire l’économie si sa diplomatie avait joué la carte de l’antici-pation, laquelle exige une présence sou-tenue sur tous les terrains, aussi éloignés soient-ils, où il y a velléité de porter la voix du séparatisme.

Pour mesurer l’ampleur réelle du dan-ger suédois qui guette le Maroc, il est également utile de relever au titre des soutiens dont bénéficie le Polisario en Suède celui de Hans Corell, un ancien ambassadeur suédois à la retraite et an-cien sous-secrétaire général adjoint aux Affaires juridiques et conseiller juridique des Nations unies, qui jouit d’une excel-lente réputation dans les cercles politiques et diplomatiques suédois. Et de souligner que c’est sur la base d’un avis juridique émis par Hans Corell que la Suède a jus-tifié son vote de 2013 contre la reconduc-tion du Protocole de pêche entre le Maroc et l’UE. Un avis qui est en totale contra-diction avec un autre avis (S/2002/161) rédigé en janvier 2002 par le même Hans Corell, adressé au Conseil de Sécurité sur l’exploration et l’exploitation des res-sources naturelles du Sahara, comme le démontre dans son chapitre III «le rapport Amadeus sur l’exploitation des richesses du Sahara» : http://goo.gl/s2LNrm.

Des ONG et des partis politiques aux abonnés absents

D’aucuns se demandent aujourd’hui à quoi ont bien pu servir les millions de di-rhams alloués aux Organisations non gou-vernementales marocaines, supposées de-voir aller aux quatre coins du monde pour expliquer et convaincre de la justesse de la revendication marocaine sur ses provinces sahariennes. Mais aussi et surtout, pour-quoi les partis politiques marocains, toutes tendances confondues, n’ont pas jugé utile d’aller porter la voix et défendre les thèses du Maroc en Europe du Nord, alors que nombre d’indicateurs auguraient depuis au moins un bail que la Norvège et la Suède allaient s’inviter avec force dans le dossier saharien. Notamment sur les volets liés à l’exploitation des ressources naturelles des provinces sahariennes et au respect des droits de l’homme. Des indicateurs que la diplomatie marocaine officielle semble avoir, elle aussi, sous-estimés, quand elle ne les a tout simplement ignorés.

Quand le Polisario flirte avec l’extrême

droite suédoiseFort du soutien sans réserve et sans limite

de l’ambassade d’Algérie à Stockholm, le représentant du Polisario en Suède, Alyen Habib El Kantaoui, et son équipe ont pu ainsi parader des mois durant, en 2012, sur l’ensemble du territoire suédois pour tenir langue avec la société civile au sujet de leur «cause», et pu également arpenter régulièrement les couloirs du Parlement suédois pour y promouvoir leur projet séparatiste, sans que cela inquiète outre mesure les responsables de la diplomatie marocaine. El Kantaoui avait, faut-il le rappeler, réussi à convaincre les députés sociaux-démocrates, ceux du parti de la Gauche et du parti de l’Environnement que l’heure était venue pour demander au gou-vernement de Stockholm de reconnaitre la république du Grand Songe algérien. Et comme pour donner du sens à l’expres-sion «sans scrupule», le Polisario est allé jusqu’à s’acoquiner avec les dirigeants du parti Sverigedemokraterna Suédois (démo-crates suédois) – un parti d’extrême droite disposant de 20 sièges au Parlement – en jouant sur la fibre anti-islamiste de certains de ses dirigeants, notamment Pär Norling pour qui, et il le clame tout haut, tous les

musulmans doivent être expulsés de Suède. Aussi, curieux pour ne pas dire stupide, un arrêt fut vite décrété par les députés de l’extrême droite suédoise, un arrêt qui fait du Sahara «un pays laïc opprimé par une monarchie islamiste». Non, ce n’est pas une blague, même si elle en a tous les attri-buts : le Polisario fait campagne main dans la main avec l’extrême droite suédoise.

Et ce qui devait fatalement arriver arri-va : la question de la reconnaissance de la pseudo-RASD par la Suède fait désormais partie du débat politique en Suède, pendant que le reste des pays scandinaves en suit les péripéties avec beaucoup d’attention.

Lobbying et chantage aux contrats

Et c’est là le fruit de l’énorme travail de lobbying abattu par Alyen El Kantaoui et ses mentors locaux, mais aussi de pres-sions exercées par Alger sur les politiques suédois. Lesquels ne sont pas sensibles qu’aux arguments portant sur le devenir du «Sahara Occidental». Quand un juteux contrat d’armement est miroité juste der-rière, cela rend évidemment, par les temps qui courent, plus faciles les choses. Et cela tout le monde l’avait compris, dès lors que fut signé le contrat portant sur la vente par l’avionneur suédois Saab, à travers sa fi-liale Saab Bofors Dynamics, de missiles anti-navires, RBS 15 mark III, destinés à équiper les deux frégates allemandes Meko vendues à la marine de guerre algérienne. Et ces missiles dont la portée est de 250 km, dans la variante RBS-15 Mk.III qui a été vendue à l’Algérie, sont capables, outre de fait d’être employés depuis des navires ou des aéronefs, de pouvoir atta-quer également des cibles terrestres depuis le bâtiment qui les porte… Et des cibles terrestres à portée de ces missiles il n’y en a pas beaucoup dans le voisinage de l’Algérie. Mais passons, là n’est l’objet de notre propos.

Sur le registre du «chantage au contrat» l’Algérie a placé la barre assez haut : une rumeur tenace courant depuis plusieurs mois fait état du souhait de l’Algérie de remplacer 34 Mig-29S et que des négocia-tions seraient en cours avec le constructeur suédois Saab pour les remplacer par des Gripen NG. Un avion multi-rôles de qua-trième génération disposant des systèmes de liaison de données les plus aboutis du monde. Et cette rumeur est d’autant plus crédible que l’Algérie vient de passer une commande ferme à la Russie pour l’acqui-sition de 14 Sukhoi SU-30MKA, et non un patch de 44 comme prévu depuis un mo-ment. Aussi Alger a-t-elle insisté pour que ces 14 SU-30MKA soient livrés en janvier 2016. On ne sait d’ailleurs pourquoi.

Le boulet passa à côté, mais…

Ni Saâd Dine El Otmani, premier ti-tulaire du poste de chef de la diplomatie marocaine (de janvier 2012 à octobre 2013) dans le gouvernement de Abdelilah Benkirane, ni Salaheddine Mezouar, son successeur à la tête du même département, ne semblent avoir considéré à sa juste va-leur (menace) le premier coup de semonce de la coalition parlementaire suédoise réu-nissant les députés du PSD (centre droit), ceux de la gauche et des Verts. Laquelle coalition, alors dans l’opposition, avait introduit, rappelons-le, une motion par le biais de laquelle elle demandait au gouvernement suédois de reconnaitre la république de Tindouf. Après son adop-tion par le Parlement, à la majorité des voix, la motion buta sur l’attitude ferme du gouvernement qui refusa de lui donner une suite, arguant que la reconnaissance des États relève des seules prérogatives du gouvernement.

Si Alger a plus ou moins réussi à trouver des clients en Suède pour sa propagande séparatiste, c’est d’abord en raison du capital sympathie qu’elle compte dans ce pays où elle a bonne presse depuis assez longtemps. Du moins depuis la fin des années 50. Mais aussi parce qu’elle y parade en solo, en tenant par la main son rejeton polisarien, depuis des lustres.

Conférence de presse de la délégétion de la gauche marocaine à Stokholm.

26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

Page 25: MAROC diplomatiqueEn 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des

Ouf ! Le boulet passa à côté... Mais pas suffisamment loin pour consi-dérer qu’une reconnaissance de la RASD par la Suède est définitivement exclue. D’autant plus que nombre d’indicateurs auguraient de la probable arrivée de l’op-position suédoise au pouvoir. Celle-là même qui introduisit la motion appelant à la reconnaissance de la RASD. Au département des Affaires étrangères et de la Coopération, on a fait fi de cette pos-sibilité et des règles de prudence qu’exi-geait la nouvelle situation ainsi créée en Suède. On a considéré, à tort évidemment, que le rejet de la mise en application de la motion de reconnaissance de la RASD par le gouvernement suédois était de nature à permettre de s’endormir sur ses lauriers. Et que le ralliement au Maroc de Aylen Habib El Kantaoui signait la fin de l’aven-ture polisarienne en Suède. On a même fait mieux : on a considéré que l’on pouvait faire l’économie de l’accréditation d’un ambassadeur à Stockholm. En effet, et aussi incroyable que cela puisse paraitre, le Maroc n’a depuis trois ans pas d’am-bassadeur accrédité auprès du Royaume de Suède, sans que l’on sache pourquoi. Et comme on peut s’en douter, ce n’est pas le ministère des Affaires étrangères et de la coopération, habitué à ne pas voir ses décisions et ses actes soumis au crible de la critique, qui se donnera la peine d’expli-quer le pourquoi de cette ambassade sans ambassadeur. Encore moins le pourquoi de la grande légèreté avec laquelle a été appréhendée l’offensive algéro-polisa-rienne en Suède, en particulier, et dans les pays scandinaves, en général. Une lé-gèreté qui, à défaut d’une rapide reprise en main de la situation, pourrait ouvrir une sacrée brèche en Europe pour les tenants du séparatisme.Les sceptiques quant à la manière avec laquelle a été appréhendé l’activisme al-géro-polisarien en Suède n’ont pas attendu longtemps pour être confortés dans leur impression. En effet, la velléité d’une re-connaissance de la RASD par le gouver-nement suédois est, de nouveau, remise sur le tapis. Et elle est plus que jamais d’actualité.

Une alerte plus sérieuseEt cette fois-ci, l’alerte est d’autant plus sérieuse que cette reconnaissance est dans le pipe du gouvernement suédois, mal-gré les «arrondis» exprimés ici et là par quelques politiques et diplomates suédois. Des «arrondis» qui visent plus à tenter de circonscrire une éventuelle grosse crise avec Rabat qu’à tourner définitivement le dos à cette reconnaissance. C’est dire combien la partie s’annonce difficile et serrée pour le Maroc qui doit user de tous les moyens dont il dispose et de toutes les alliances qu’il compte à l’internatio-nal pour ne pas laisser se refermer sur lui le dangereux piège que lui ont tendu en Suède les adversaires de son intégrité territoriale. Ouvrir une brèche en Europe à partir de

Stockholm, dont une partie de la classe politique et de la société civile, sensible aux sirènes algéro-polisariennes de tout ordre, montre, depuis quelques années, des prédispositions à reconnaitre la république créée par Alger, est à ne pas en douter un objectif majeur dans la stratégie algé-rienne visant à contrebalancer les acquis enregistrés par le Maroc au titre de son projet d’Autonomie élargie pour les pro-vinces sahariennes. Un projet considéré aujourd’hui par la plupart des capitales comme étant sérieux et crédible et qui a permis au Maroc de marquer. Aussi, la tentative d’ouvrir cette brèche européenne fait-elle suite à celle qui a visé à en ouvrir une autre dans le monde arabe, en passant par l’Égypte dont une partie de la presse a été mobilisée en 2014 après avoir été grassement rétribuée et invitée à une escapade dans les camps de Tindouf. Quand bien même le dessein inavoué de cette entreprise serait-il perceptible depuis la lune, les équipes de Ramtane Lamamra, ministre algérien des Affaires étrangères et artisan en chef des coups tordus de la diplomatie algérienne, ceux du Comité national algérien de solidarité avec le peuple sahraoui, dont on sait que c’est la succursale du FLN ayant à charge de chauffer tambours et Derboukas dès lors qu’il s’agit de danser la Guedra au rythme de la propagande polisarienne, ont tenté de maquiller très grossièrement cette entreprise en avançant que celle-ci vise à «contourner le black-out médiatique imposé par le Maroc à l’opinion publique arabe», pour reprendre les propres propos de Brahim Ghali, ambassadeur de la répu-blique de Tindouf à Alger. Mais si cette tentative se termina par l’échec patent que l’on sait et les quelques journalistes égyptiens qui avaient trempé sciemment dans la manipulation algé-rienne en ont eu pour leur grade, il en va tout autrement du cas suédois qu’il fau-drait prendre de toute évidence plus au sérieux. De quelles alternatives de riposte dispose le Maroc

Des rétorsions économiques ?

L’affaire du nouveau point de vente Ikea auquel les autorités casablancaises ont refusé, le mardi 29 septembre, l’inaugu-ration au motif que lui manque un certi-ficat de conformité, tout comme celle du jugement rendu exécutoire, quelques jours après, à l’encontre du concessionnaire de la marque Volvo sommé de vider des lo-caux qu’il occupe à Casablanca, sont à l’évidence des mesures de rétorsion dont il n’y a pas lieu de se cacher, quand bien même pourraient-elles sembler quelque peu tirées par les cheveux. Le Maroc a souvent agi ainsi dans l’urgence. Certes, l’enseigne Ikea est suédoise à l’origine, mais le groupe Ikea est, depuis 1982, sous la tutelle d’une fondation de droit néerlan-dais, Ingka Holding. Et qui plus est, elle

est représentée au Maroc en franchise via le groupe koweïtien Al Homaizy. Il est à noter par ailleurs que les échanges commerciaux entre la Suède et le Maroc ont atteint, en 2014, le chiffre de 410 mil-lions d’euros, avec un fort excédent (69%) en faveur de la Suède du fait de la présence significative au Maroc de grands groupes suédois comme ABB, Volvo, Ericsson... Outre cette considération, un éventuel boycott des produits suédois s’il est mis en pratique par le Maroc buterait de front sur les règles de l’OMC dont le Maroc est membre. Sur ce registre, et quand bien même la jurisprudence internationale est ambiguë, hors le cadre très réglementé, le critère de justification le plus souvent établi est celui de la «sécurité nationale», ce qui semblerait peu recevable dans le cas d’espèce si l’affaire venait à être portée devant un tribunal de l’OMC», comme le rapportent, à juste titre, nombre de nos confrères européens. La manifestation réunissant quelques mil-liers de citoyennes et citoyens marocains devant l’ambassade de Suède à Rabat re-lève de la même démarche : il s’agit de signifier autant aux politiques suédois qu’à l’opinion internationale que la question de l’intégrité territoriale est une ligne rouge dont il est conseillé de ne pas trop s’en approcher. Visiblement surpris par la ferme réaction des autorités marocaines et plus encore par celle non moins ferme et bruyante des citoyens, les autorités suédoises ont feint amorcer un recul par rapport à la question de la reconnaissance de la RASD.

La gauche marocaine à Stockholm

Ne l’entendant pas de cette oreille, et pa-rant à toute possible surprise à venir, les plus hautes autorités du pays ont décidé de dépêcher à Stockholm, dans l’urgence, une délégation composée exclusivement de représentants de partis de la gauche marocaine. Étaient de ce voyage, Na-bila Mounib, la secrétaire générale du Parti socialiste unifié (PSU) à qui a échu la mission de présider cette délégation, Mohamed Benabdelkader de l’USFP et membre du trio représentant l’USFP au sein de l’Internationale socialiste, Rachida Tahri, députée et membre du bureau poli-tique du PPS, et enfin Mustapha Bouaziz, historien et membre du PSU. À l’issue de cette visite qui a duré deux jours et quelques heures, les membres de la délégation ont tenu une conférence de presse, à Rabat, au cours de laquelle furent brièvement exposées les conditions dans lesquelles celle-ci s’est déroulée et les parties suédoises qui ont été contac-tées. Nabila Mounib, dont l’enthousiasme débordant quant à servir son pays sur le registre de l’intégrité territoriale, ce qui n’échappe à personne, conclura sur une note optimiste en affirmant que cette visite fut «un grand succès». Un sentiment que nous sommes loin de partager, si l’on s’en tient aux informations que nous avons pu glaner ici et là au sujet de cette visite et au refus des membres de la délégation de répondre pendant la conférence de presse à nos questions portant sur les sujets de fond. C’est pour dire que nous sommes restés sur notre faim et que le brouillard qui enveloppait la position suédoise était presque de la même épaisseur qu’avant le départ de la délégation à Stockholm. En effet, la partie suédoise a, tout au plus, donné des «assurances» pour «apaiser la tension avec le Maroc» et assuré qu’elle «soutient les efforts de l’ONU en vue d’une solution pacifique et négociée». Sur le pro-jet de reconnaissance de la «république des sables de Tindouf», la partie suédoise qui le soutient n’a à aucun moment déclaré qu’elle y sursoit définitivement. Et ce n’est certainement pas faute d’avoir crânement essayé d’expliquer aux Suédois la justesse de la cause marocaine que la mission conduite par la délégation de la gauche marocaine n’a pas atteint l’objectif escompté. La raison est ailleurs : le Ma-roc s’y est pris tard, pour aller dans cette

Europe du Nord d’où lui parvenaient pour-tant, depuis un moment, moult indices in-diquant que Norvégiens et Suédois étaient plutôt sensibles et accordaient du crédit à la chansonnette algéro-polisarienne au sujet de la question du Sahara.

La droite emboîte le pasPoursuivant son offensive en direction de la Suède, le Maroc a dépêché à Stockholm, dans la foulée de la délégation de la gauche marocaine et celle des syndicats marocains, une troisième, cette fois-ci de droite, re-groupant les représentants du PJD (Saâd Dine El Otmani) qui présidait la déléga-tion, du PAM (Fatiha Ayadi), du RNI (Chafiq Rachadi) et de l’UC (Mohamed Sajid). Aussi cette deuxième visite est-elle intervenue trois jours avant la tenue d’une Conférence au parlement suédois, sur «les 40 ans de colonisation du Sahara occiden-tal», à laquelle allait participer la séparatiste préférée d’Alger, Aminatou Haidar. «Nous allons expliquer à nos interlocu-teurs suédois la position marocaine sur les provinces sahariennes en donnant un aperçu sur leur histoire et fournir les élé-ments nécessaires pour préciser l’origine du conflit créé par les adversaires de notre intégrité territoriale», a notamment déclaré Saâd Dine El Otmani à un confrère élec-tronique, avant l’entame de cette visite. Expliquer aux Suédois, quarante ans après l’éclatement du conflit artificiel autour du Sahara, les fourberies algériennes qui le sous-tendent est un indicateur qui renseigne suffisamment sur tout le temps qu’ont pris certains politiques pour se rendre enfin compte qu’il y a une cause, «la mère de toutes les causes» dirons-nous, qui mérite d’être expliquée et défendue auprès de tous les pays, abstraction faite de leur locali-sation. La délégation présidée par Saâd Dine El Otmani a très peu communiqué autour de cette visite pour que l’on puisse en évaluer les résultats. Peut-être que les têtes étaient encore à l’heure des arrangements et des bilans des dernières élections…

Une délégation économique

Après la carte du politique, le Maroc joua celle de l’économie. Et par les temps qui courent, il y a lieu de penser qu’elle pourrait être d’une plus grande efficacité. Oui, oui ! Même quand on est Suédois, on reste très sensible à l’épaisseur de son carnet de bons de commandes. Fort de sa conviction en cette évidence, le ministre de l’Industrie, du commerce et des nouvelles technolo-gies, Moulay Hafid Elalamy, s’est rendu, le jeudi 15 octobre, à Stockholm à la tête d’une délégation d’hommes et de femmes d’affaires, comprenant notamment Meriem Bensalah, présidente de la CGEM, Othman Benjelloun, président de la BMCE et du groupement des banques du Maroc, Ha-kim Marrakchi, président du Conseil des affaires auprès de la CGEM, et Nabila Frei-dji, présidente de la Commission chargée des relations avec les Organisations inter-nationales. Cette visite qui visait la pros-pection des opportunités d’affaires à même d’augmenter le volume des échanges entre le Maroc et la Suède, quitte à creuser da-vantage le déficit de leur balance en faveur de la Suède (aujourd’hui à 69%), entre éga-lement dans le cadre de la sensibilisation à la cause nationale. Aussi, dirons-nous, que rien n’est trop cher payé pour cette cause.

Et maintenant ? En un mot comme en mille : la question de l’intégrité territoriale ne doit plus faire les frais de la léthargie ou de l’incompétence des uns et des autres. Elle se doit d’être ef-ficacement défendue, jusque chez les Inuits de l’Alaska s’il le faut. Aussi, plus personne ne pourra, pour tenter de justifier ses manquements, se retrancher derrière l’argument qui laisse entendre que «la question de l’intégrité territoriale relève des seules prérogatives du Palais». Au-jourd’hui, rien n’est moins faux que cette assertion. En attestent les derniers discours du souverain. n

25TOUR D’HORIZONS MAROC

diplomatique

La partie suédoise a, tout au plus, donné des «assurances» pour «apaiser la tension avec le Maroc» et assuré qu’elle «soutient les efforts de l’ONU en vue d’une solution pacifique et négociée». Sur le projet de reconnaissance de la «république des sables de Tindouf», la partie suédoise qui le soutient n’a à aucun moment déclaré qu’elle y sursoit définitivement.

La délégétion de la gauche marocaine en compagnie du responsable suédois à Stokholm.

26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

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TRIBUNE LIBRE MAROC

diplomatique26

La leçon du scrutin du 4 septembre MohaMMed el Maazouzi*

A fin de mieux comprendre les résultats des élections communales et régionales du 4 septembre, il nous semble que le

recours à l’approche anthropologique est néces-saire, car permettant de décrypter de façon assez juste le comportement électoral d’une bonne par-tie des électeurs marocains.

Dans ce cadre, on peut mettre en avant une hypothèse selon laquelle ce comporte-ment électoral, principalement caractérisé par une dichotomie hybride comme le dé-note le vote dans les grandes villes au profit du PJD et du PAM, ne relève pas de choix po-litiques intentionnels.

Les raisons susceptibles de justifier le sens de cette hypothèse ne manquent pas. Notons à ce propos la tendance de l’opinion publique urbaine à s’enliser sporadiquement dans une ambivalence négative entre un esprit nourri des valeurs de la modernité et une farouche vo-lonté de préservation des inerties culturelles et comportementales. Le vote pour le PJD dans les grandes villes, et pour le PAM en deuxième lieu, sachant que ces deux parties antagonistes portent deux projets contra-dictoires, reflète un comportement électoral confus. Est-ce que la grande ville marocaine comme Casablanca, par exemple, a raté l’in-tériorisation culturelle de la modernité et la représentation savante de la pseudo-ouverture démocratique qu’a connues le Maroc après les contestations du 20 Février, et l’instauration de la nouvelle Constitution ?

Comment peut-on expliquer l’avantage politique/électoral d’un parti conservateur et traditionnel, dans les grandes villes suppo-sées être l’enceinte du modernisme et de l’ou-verture ?

À cette question s’ajoute le fait du mé-contentement des acteurs économiques et le refus systématique d’une grande frange des urbains de la politique gouvernementale menée par le PJD, en tant que parti majoritaire dans le gouvernement.

Aussi, comment pourrait-on expliquer le vote en faveur du PAM dans les grandes villes, parti qui est considéré par une grande partie de l’élite comme étant un parti fabriqué par l’Etat et sans légitimité popu-laire ?

Ici, on se trouve donc véritablement face à une contradiction au niveau de l’ordre po-litico-intellectuel qui nous incite à procéder autrement dans l’analyse, au-delà de l’ap-proche descriptive étoffée par les chiffres qui demeurent enfin de compte muets devant la complexité du sujet.

Comment comprendre alors cette contra-diction?

Il faut rappeler qu’on est bien devant une dichotomie négative basée sur deux extré-mités, connotant un champ sémantique très signifiant : un modernisme brouillé cohabi-tant avec un conservatisme hybride. De même, une opinion publique qui porte continuelle-ment sur des contradictions en exprimant sans

relâche le contraire de ce qu’elle croit.Certes, ce constat nous incite à renvoyer

dos à dos l’approche considérant cette di-chotomie comme une donnée objective rele-vant de la nature composite de la société et de la culture marocaines. Néanmoins, on est pratiquement devant des comportements so-ciaux qui contredisent l’esprit caché, l’esprit profond de la société elle-même.

Peut-on considérer, alors, que l’état né-buleux de cet esprit qualifié de contradic-toire jouit d’une influence fondamentale sur le comportement électoral du 4 septembre dans les villes?

Certes, il faut reconnaître que l’esprit de vote en tant que structure profonde de la re-présentation et de l’inconscient culturel, et le comportement électoral en tant que pratique politique, sont extrêmement soudés.

Cependant, il y a ceux qui confir-ment, contrairement à ce qu’on croit, que les grandes villes marocaines ne se sont pas exprimées dans le vote, et que le vote réel s’est déroulé dans les pétrifies. Les défenseurs de cette thèse s’appuient sur des exemples pré-cis. La circonscription d’Agdal Hay Riad, fief de la classe moyenne et des personnes épa-nouies, a enregistré un taux de participa-tion qui n’a pas dépassé 28%.Donc, le vote souhaité de l’élite dans cette circonscription n’a pas eu lieu. A Hay Yacoub Al Mansour, le vote s’est concentré dans les douars, comme El Garaa. À EL Yousoufia, c’est douar Al Hajja et douar Doum qui ont voté, etc.

Le même phénomène s’était produit dans des grandes villes comme Casablanca (bidon-villes), Rabat et Fès.

Donc, la classe moyenne et l’élite ur-baine, selon ce point de vue, s’étaient abs-tenues aux échéances du 4 septembre, et ce qui s’était révélé décisif dans les résultats de ces élections c’était le vote de la classe dému-nie, des illettrés et des nécessiteux.

Néanmoins, cette explication demeure su-perficielle, puisqu’elle favorise aveuglé-

ment les chiffres au détriment des fondements, et du signifié, qui régissaient l’ensemble du comportement électoral.

Cette approche qui se base sur les chiffres est en effet loin de répondre, objective-ment, à la question essentielle relative aux causes qui justifient ce comportement.

Si on vérifie là où se trouvent les pétrifies dans les grandes villes marocaines en ques-tion, on s’aperçoit que ces dites périphé-ries, comme les bidonvilles de Casablanca ou de Rabat, font partie intégrante de la grande ville marocaine, aussi bien au niveau spatial qu’au niveau social et intellectuel, avec seu-lement quelques différences.

Il faut rappeler qu’une bonne partie de la po-pulation résidant dans les périphéries dispose d’un niveau scolaire élevé, contrairement à ce qu’on croit, comme c’est le cas des diplô-més chômeurs, des petits cadres et techniciens qui puisent leur volume horaire quotidien en travaillant, en permanence, dans le centre(la ville).Ceci dit, beaucoup de résidents dans les périphéries portent une conscience civile ou intellectuelle capable de provoquer la diffé-rence lors des élections entre les candidats, et oriente, a priori, la tendance du vote.

D’où l’explication possible qu’on peut avancer ici pour comprendre, plus au moins, la complexité du scrutin du 4 septembre qui est la suivante :

L’ambiguïté du comportement électoral au Maroc incarne fondamentalement un dehors (les comportements) avec plusieurs faces contradictoires qui ne reflètent pas le de-dans(les inerties de la tradition culturelle et les convictions internes) de la personnalité de base du citoyen d’aujourd’hui. Cette di-chotomie, dehors et dedans, avec l’ambiguïté complexe qu’elle comporte, a déterminé lour-dement le récent comportement électoral. On comprend ainsi pourquoi le vote ne s’est pas ré-alisé sur la base d’un débat politique autour des programmes électoraux, ou sur des choix idéo-logiques. Sans oublier l’utilisation massive de l’argent pour l’achat des voix qui a sévi malgré toutes les mesures dissuasives déclarées. Cette pratique courante, notons-le, n’est qu’un as-pect parmi d’autres de l’esprit de fraude qui relève de l’ambiguïté, de la contradiction et de l’hypocrisie sociale et politique qui règne au sein de notre société. Le cas des élections des présidents des régions qui a floué la norme des alliances et la transparence politique en témoigne incontestablement. Si on ajoute à l’état de cette dichotomie l’extension rapide du manque de confiance en la politique et l’état de faillite où s’enliassaient les partis politiques depuis déjà un certain temps, tout cela génère un comportement cynique glo-

bal voisin au vote insignifiant, comme le vote pour le PAM dans le rural et pour le PJD dans les villes. Qu’on le dise clairement, ce com-portement qualifié de cynisme risque d’être un facteur générateur d’égarement irréversible au niveau de l’éthique nationale, gage de la stabilité politique dans notre pays.

Face à cette réalité, il importe de ques-tionner les agissements de l’Etat à l’égard de la politique elle-même telle qu’elle est me-née par ses institutions et par les partis poli-tiques. Ses agissements ne donnent guère l’im-pression qu’il possède un regard profond à même de pouvoir réguler le champ politique. Il agit passivement vis-à-vis de cette dichoto-mie en croyant que l’approche sécuritaire, de-puis longtemps entretenue au détriment de l’approche politico-scientifique, est la seule à pouvoir garantir la continuité durable de l’institution monarchique. Or que ce soit pour des raisons d’équilibre politique ou à cause de l’illettrisme et de la fragilité sociale, justifiant ses agissements, la question de la démocratie et du développement ne peut être réduite au seul défi de la sécurité qui fait du Maroc un espace de contrôle et de calcul muet.

Aujourd’hui encore, le déroulement des élec-tions du 4 septembre continue à susciter beau-coup de questions autour des résultats et des personnes qui vont gérer les communes, les villes et les régions. Or, ce serait sûrement passer à côté des bonnes réponses que de faire trop confiance à l’approche sécuritaire. Cela risque même d’être très grave pour l’avenir de la démocratie dans notre pays, car ce à quoi nous assistons au-jourd’hui c’est à un phénomène révélateur d’un égarement d’éthique nationale qui est un com-portement cynique, synonyme de l’absurde et du non-sens. n

* Chercheur en anthropologie

Est-ce que la grande ville marocaine comme Casablanca, par exemple, a raté l’intériorisation culturelle de la modernité et la représentation savante de la pseudo-ouverture démocratique qu’a connues le Maroc après les contestations du 20 Février, et l’instauration de la nouvelle Constitution ?

Comment peut-on expliquer l’avantage politique/électoral d’un parti conservateur et traditionnel, dans les grandes villes supposées être l’enceinte du modernisme et de l’ouverture ?

Il faut rappeler qu’une bonne partie de la popu-lation résidant dans les périphéries dispose d’un niveau scolaire élevé, contrairement à ce qu’on croit, comme c’est le cas des diplômés chômeurs, des petits cadres et techniciens qui puisent leur volume horaire quotidien en travail-lant, en permanence, dans le centre(la ville).

Mohammed El Maazouzi

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27ÉDUCATION MAROC

diplomatique

La réforme de l’école est-elle réalisable ?

Par abdallah belghiti alaoui *

La question éducative fut et demeure une entreprise qui avait suscité de grands espoirs quant au rôle de l’école

d’assurer une réelle émancipation de la société marocaine. Or, depuis pratiquement l’avène-ment de l’indépendance du pays et malgré tous les efforts consentis en vue d’arrimer l’école aux grands chantiers desquels dépendent à la fois le développement socioéconomique et le renouveau culturel, la réhabilitation du système éducatif semble être reléguée à un avenir incertain.

Cet état de fait nous interpelle, et ce, à plusieurs titres. En effet, plus de soixante ans après l’indépendance du Maroc, la réforme éducative figure en premier lieu parmi les échecs qui continuent de peser lourdement sur le bilan global de l’État marocain en matière de développement économique et d’émanci-pation sociale et culturelle des larges couches de la société. D’un autre côté, d’autres pays et quelques fois avec des moyens plus modestes ont réussi à moderniser leur système éducatif et à valoriser leur patrimoine humain et ma-tériel en moins de temps, parmi ces pays une partie est même considérée comme étant un modèle de réussite dans ce domaine. Notons aussi que pratiquement depuis la fin des an-nées cinquante, les mesures et les propositions susceptibles de fonder une école publique ré-pondant à la fois aux aspirations du peuple marocain au savoir et aux exigences du déve-loppement global du pays ne manquaient pas de pertinence ni d’audace. Cette époque s’est distinguée au contraire par un enthousiasme extraordinaire qui s’est manifesté par l’adhé-sion massive des hommes et des femmes dans les premières campagnes d’alphabétisation, la valorisation de l’instruction et du savoir et l’implication de l’ensemble des acteurs po-litiques et sociaux dans les débats consacrés à l’école.

À ce titre, on peut rappeler l’engagement personnel du roi feu Mohammed V dans cette belle action dédiée à l’éradication de l’anal-phabétisme, l’encouragement de la scolari-sation et le patronage des débats consacrés à la question éducative. Rappelons aussi à cet effet la participation active du Prince héritier Moulay Hassan et la princesse Lalla Aicha aux rencontres et aux conférences sur le même thème. Les propos du Prince héritier et de la Princesse au séminaire de Toumliline à Azrou en 1957 témoignent sans détour de cet enga-gement.

La mémoire populaire avait salué avec ferveur cet engagement, les chansons popu-laires de l’époque n’ont pas manqué de rendre hommage à cette action engagée. Qui ne se rappelle pas de la fameuse chanson clamée à la gloire de Mohammed V « Le bâtisseur des écoles ». Dans le même sillage, les écoles libres initiées par le Mouvement nationaliste n’avaient pas seulement bénéficié de l’adhé-sion populaire, mais aussi drainé le soutien matériel des notables et des différentes com-munautés rurales et citadines.

En termes de réflexion et de planification, les propositions élaborées par les cercles de recherches initiés par les nationalistes et les libéraux français à l’attention du premier gouvernement marocain demeurent jusqu’à aujourd’hui d’actualité en ce qui concerne la réforme éducative. Par ailleurs, et depuis cette époque et jusqu’à nos jours, on ne peut relater d’une manière exhaustive le nombre de colloques, de conférences et de mesures accordées à la réhabilitation de l’école, la mise à niveau de l’université et la valorisation du savoir et de la culture au Maroc.

Ce prélude débouche inévitablement sur un grand paradoxe dont il faut tenir compte en rapport à l’évaluation du bilan de l’ensemble des mesures ayant été entreprises en vue de réformer l’école marocaine, en termes d’éla-boration d’une politique éducative alternative et enfin en termes de conception des modalités de mise en œuvre des mesures d’application et de redressement. Ce paradoxe s’exprime de telle manière qu’il met en décalage flagrant les attentes de la société marocaine relayées par les énormes moyens attribués au secteur de l’éducation et le bilan plus que mitigé de la mise en place d’une réforme éducative ef-fective.

Cette démarche ne pourrait se contenter de formuler encore une compilation de mesures et de recettes qui par le passé comme au pré-sent ne furent que trop relatées sans qu’elles soient mûrement réfléchies ni mises en œuvre avec grand succès. Notons à cet effet que le Maroc avait placé depuis le début du siècle dernier la réforme éducative comme étant une priorité nationale, la charte de la réforme du système de l’éducation et de la formation fut dédiée à cette entreprise. Dix ans après, les deux départements de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur et de la forma-tion des cadres avaient initié le fameux plan d’urgence ayant bénéficié d’un financement considérable. Pourtant, les propos alarmistes du président délégué du Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique concernant l’état de l’école nous rappellent que les résultats concrets devant être atteints sont encore une fois reportés à des lendemains incertains.

La gravité de la question éducative ne se prête guère à une condamnation sommaire des politiques éducatives mises en œuvre pendant plusieurs décennies ni à des procès d’intention malveillants. Par contre, le débat sur l’école devrait plutôt se centrer sur la na-ture d’approche et les outils d’appréhension mobilisés en vue d’établir un diagnostic des dysfonctionnements majeurs qui freinent la marche du système éducatif et les modalités de conception et de mise en œuvre des politiques alternatives. Il va sans dire que l’esprit de la réforme devrait en dernier lieu susciter une réelle mobilisation sociale afin que la société marocaine puisse s’engager sans faille dans l’entreprise du redressement éducatif et du

renouveau culturel.Dans cette perspective, il semble que les

initiateurs des projets de réforme de l’école, au passé comme au présent, se sont peu intéressés à la question pourtant cruciale de la nature des savoirs, lesquels devraient être mobilisés afin d’appréhender la complexité de l’institution scolaire, et ce, avant même de s’évertuer à exposer l’ensemble des mesures miraculeuses susceptibles de remédier définitivement à tous les dysfonctionnements entachant l’institution scolaire et universitaire.

À ce propos, il faut signaler sans détour que cette attitude ne relève pas uniquement du manque de discernement de la part des décideurs politiques et du déficit de compé-tences des « experts » éducatifs. Ce constat représente l’une des conséquences néfastes de la manoeuvre de sape ayant visé les fon-dements mêmes des sciences humaines dans les universités et les centres de recherche au Maroc. D›ailleurs, tout le monde s’accorde actuellement à admettre que la bonne volonté politique et la mobilisation des moyens, quelle que soit leur importance, ne suffisent pas à atteindre les objectifs tracés, dans la mesure où l’amorce du processus du changement so-cial dépend en grande partie de la capacité d’appréhender la réalité sociale et d’assurer l’adhésion et l’implication des acteurs sociaux.

De ce qui précède, il en résulte que le pré-alable incontournable en matière de réforme éducative relève d’une triple approche à carac-tère historique, sociologique et économique. Cette même approche ne peut se suffire à elle-même en l’absence d’une vision philo-sophique globale qui met l’acte éducatif au centre de la fondation de la cité et au cœur de la démarche fondatrice des valeurs régissant le bien-vivre en commun. La dimension psy-chologique s’impose du fait que l’institution scolaire perçue comme vecteur majeur de socialisation ne peut agir efficacement qu’en étant en mesure de contribuer efficacement au changement des mentalités et de pouvoir façonner les attitudes et les comportements des individus et des communautés.

Cette démarche ne concerne pas unique-ment le souci méthodologique, car sa por-tée détermine en grande partie la possibilité même d’agir en termes de réforme éducative. Ainsi, on peut d’une façon sommaire donner quelques indications à titre d’illustration :

- Sachant que le fait éducatif requiert une importance particulière en termes de sociali-sation et en matière de production des expres-sions symboliques et de diffusion du savoir, il s’imprègne nécessairement par l’évolution historique ayant marqué les systèmes de transmission du savoir, et ce, à l’échelle d’une société particulière comme à l’échelle univer-selle. Partant de ce postulat de base, on ne peut admettre qu’on puisse approcher la question éducative au Maroc sans se soucier d’établir d’une manière exhaustive les modalités ayant régi la production et la diffusion du savoir au sein de la société marocaine.

Cela nous ramène à appréhender le fait édu-catif comme faisant partie fondamentale de la question relative au rapport de la tradition à la modernité autant qu’il nous permet de mettre en évidence les aspects positifs aussi bien que les zones d’ombre qui ont marqué l’attitude de la société marocaine vis-à-vis de l’institution éducative et des différents vecteurs de trans-mission du savoir.

- L’intérêt de l’approche sociologique s’agissant de l’institution scolaire repose sur deux registres complémentaires. D’un côté, autant l’appréhension de l’histoire d’une so-ciété éclaire quant à son rapport au savoir, l’approche sociologique demeure incontour-nable en vue d’élucider les meilleurs moyens à même d’assurer l’appropriation de la commu-nauté de l’institution éducative et de garantir la pérennité de son engagement en faveur de l’école. D’un autre côté, l’investigation socio-logique en matière éducative est considérée depuis longtemps comme un outil incontour-

nable permettant d’explorer à la fois les causes de l’échec scolaire et les moyens de rendre l’école plus équitable et au service de tous.

- L’approche économique en termes d’éva-luation du coût de la scolarité et de l’estimation de la contribution des différentes couches so-ciales dans l’entreprise du financement se jus-tifie par elle-même vu l’impact crucial de cet aspect sur le déroulement futur de tout effort qui vise la mise à niveau de l’école. On peut signaler à ce propos que les différents plans de réforme évitent soigneusement d’aborder ce même aspect au moment même où ils se hasardent allégrement à relater les meilleurs moyens et les belles alternatives susceptibles de désamorcer la crise de l’école et assurer sa réhabilitation.

Cette triple approche demeure tributaire d’un cadrage philosophique qui découle de son côté de la nature des choix sociétaux fon-damentaux dont le Maroc se réclame. Ces choix se résument à la fois dans l’aspiration à la démocratie et l’avènement de la modernité à travers ses multiples expressions. De la sorte, nulle réforme n’est en mesure d’aboutir si au préalable elle évite d’opérer sans détour des choix philosophiques qui expriment l’esprit des temps modernes. Il va sans dire que cet esprit se présente comme une totalité indis-sociable en termes politique, économique, culturel et social. Ainsi, on ne peut dissocier le libéralisme économique de la modernité politique comme on ne peut moderniser les structures sociales en l’absence d’une révolu-tion culturelle porteuse des valeurs universel-lement admises. La philosophie de l’éducation qui exprime l’esprit des temps modernes se fonde aussi sur la valorisation de la raison et la refondation de l’ensemble des connais-sances conformément aux investigations des sciences dans le domaine de l’appréhension du monde social et naturel. La totale liberté de conscience et l’institution des valeurs de tolérance représentent aussi à cet égard une importance particulière.

Cette présentation sommaire se justifie du moins par le fait qu’elle permet un travail d’explicitation qui situe le débat autour de l’école à un niveau qui nous oblige à penser la complexité du fait éducatif bien avant de s’évertuer à décréter des soins miraculeux afin de soigner un mal dont on ne connait ni les causes profondes ni l’étendue désastreuse.

En guise de conclusion, on ne peut s’empê-cher de s’interroger sur la réelle utilité d’une telle approche, comme on peut se demander en quoi les mesures préconisées en termes de réforme seront-elles sans effet ? n

* Directeur de publication de la revue « Al Azmina Al Hadita »

L’école à l’épreuve des réformes.

Qui ne se rappelle pas de la fameuse chanson clamée à la gloire de Mohammed V « Le bâtisseur des écoles ». Dans le même sillage, les écoles libres initiées par le Mouvement nationaliste n’avaient pas seulement bénéficié de l’adhésion populaire, mais aussi drainé le soutien matériel des notables et des différentes communautés rurales et citadines.

Il semble que les initiateurs des projets de réforme de l’école, au passé comme au présent, se sont peu intéressés à la question pourtant cruciale de la nature des savoirs, lesquels devraient être mobilisés afin d’appréhen-der la complexité de l’institution scolaire, et ce, avant même de s’évertuer à exposer l’ensemble des mesures miraculeuses susceptibles de remédier définitivement à tous les dysfonctionne-ments entachant l’institution scolaire et universitaire.

Plus de soixante ans après l’indépendance du Maroc, la réforme éducative figure en premier lieu parmi les échecs qui continuent de peser lourdement sur le bilan global de l’État marocain en matière de développement économique et d’émancipation sociale et culturelle des larges couches de la société.

26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

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IN MEMORIAM MAROC

diplomatique28TOURIA CHAOUI

Une fiancée de l’air sans nocesSouad Mekkaoui

Qui de nous ne connaît pas Antoine de Saint-Exu-péry ou Jean Mermoz, ces deux aviateurs qui ont sillonné le ciel de long en large à tel point

qu’ils sont devenus deux figures légendaires de l’avia-tion. Nombreux parmi nous sont ceux qui se rappellent avec amertume que ces deux pilotes de ligne ont payé cher leur passion. Rarissimes sont, par contre, ceux qui savent qu’en novembre 1955, une jeune Marocaine flirtait déjà avec l’altitudesur le quartier des Touar-gaen gratifiant ses compatriotes d’un spectacle des plus époustouflants qui s’inscrivait dans l’Histoire d’un Royaume. Dans une parade acrobatique, la jeune pilote était à bord d’un avion dompté d’où s’éparpillaient des tracts heureux annonçant le retour du souverain Mohammed V de son exil en Corse puis à Madagas-car. Le 16 novembre, jour de l’arrivée du monarque dans son Royaume, après deux ans d’absence forcée, la jeune pilote accueillait le sultan à sa manière en l’escortant et en paradant avec son avion monoplace jusqu’à l’aéroport de Rabat. Pourtant, TouriaChaoui ne soupçonnait nullement que l’aube de l’indépendance allait lui apporter les couleurs funèbres du crépuscule.

Un nom prédestiné au cielNée le 14 décembre 1936, dans une famille de la

haute bourgeoisie marocaine de Fès, son père lui fait prendre des cours de français à domicile avant de l’ins-crire en 1944 à l’école An-najah, tenue par les natio-

nalistes. En 1946, elle obtient son Certificat d’études primaires. Après, elle commence des cours de sténo-graphie arabe qu’elle ira perfectionner à Tunis pendant six mois. À son retour, elle est embauchée comme secrétaire à l’Agence marocaine d’information et de publicité à Casablanca où la famille Chaoui s’était installée en 1948.

Pendant tout ce temps, Touria Chaoui, comme bap-tisée sous le signe de l’air, n’avait qu’un rêve et une passion qui la distinguaient de toutes les filles de son âge. Les avions et le pilotage remplissaient l’univers de ses rêves depuis l’âge de quatre ans alors qu’elle était amenée à faire un tour en avion en compagnie de son père parce qu’elle souffrait d’une complication respiratoire. Obsédée dès lors par ces oiseaux de fer, elle dévorait tous les journaux et magazines qui en parlaient et passait des heures à regarder le ciel pour ad-mirer l’envol surtout que la maison familiale était située non loin d’un aérodrome. Son rêve, elle se devait d’en faire une réalité en intégrant la seule école spécialisée à l’époque et qui n’était autre que Les Ailes chérifiennes de Tit Mellil, aux alentours de Casablanca. Toutefois, l’accès s’était avéré difficile face à l’élite française qui accaparait les lieux sous le protectorat français. Mais le poids de son père Abdelwahed Chaoui, l’un des premiers journalistes de renom dans le temps grâce au journal Le Courrier du Maroc et homme de théâtre, a joué en la faveur de la jeune fille. D’ailleurs, celle-ci, âgée alors de dix ans, se vit attribuer un rôle dans un film du cinéaste français André Zwobada La Septième porte, aux côtés de son père qui avait un rôle princi-pal et de Maria Casarès et Georges Marchall. Mais le cinéma ne lui avait pas fait oublier sa vocation et sa passion pour l’aviation surtout appuyée par un père

avant-gardiste et moderniste. Son rêve prendra enfin forme en 1952 alors qu’elle n’était âgée que de seize ans. TouriaChaoui, la détermination chevillée au corps et au cœur, réussira non sans peine et avec grande fierté à décrocher son diplôme de l’école de pilotage une fois qu’elle a obtenu son brevet de capacité puis sa licence de pilote tout en étant l’unique fille marocaine dans l’école. Les événements dépassent le songe de la jeune fille qui est consacrée première aviatrice marocaine et arabe sous la coupe du protectorat français de par-des-sus le marché. L’information fait la Une de plusieurs journaux nationaux et internationaux qui s’emparent du destin hors du commun de la jeune femme et en font une reconnaissance pour le Maroc, mais plus encore pour la femme en général. Par ailleurs, des organi-sations féminines félicitent Touria Chaoui pour son exploit dans un monde jusqu’alors étroitement viril et la pilote française et nièce du président Vincent Auriol, Jacqueline Auriol, lui envoie une photo dédicacée. Le Roi Mohammed V, quant à lui, invite la jeune fille, qui faisait son spectacle à l’Aéro Club de Tit Mellil et dont un grand nombre de Marocains venaient appré-cier les exhibitions, en compagnie de son père dans le Palais royal pour lui présenter personnellement ses félicitations, et ce, en présence des Princesses Lalla Aïcha et Lalla Malika, symbole de la modernité et de la libération de la femme marocaine.

Mais le 1er mars 1956 fut un jour tristement macabre pour la famille Chaoui et pour le Maroc d’alors. La vie de la jeune aviatrice est tragiquement interrompue au moment où elle était au volant de sa voiture. Elle est

abattue de deux balles alors qu’elle n’avait que dix-neuf ans. Assassinée devant le domicile familial, et devant les yeux de son frère âgé uniquement de onze ans et de sa mère au balcon de leur appartement, à 18h20, rue de Bergerac à 400 mètres du fief de François Avival, propriétaire de la Brasserie de la Gironde, les raisons de cet homicide n’ont jamais été confirmées. Le journal Le Petit Maro-cain rapportait le lendemain du crime que : «L’assassin et un complice, après avoir perpétré leur forfait, prenaient la fuite, tirant un deuxième coup de feu pour stopper les passants qui avaient fait mine de les prendre en chasse. Les assassins se perdirent dans les ruelles sombres de la Médina proche».

Ses funérailles se font dans un cli-mat lourd d’émotion et de douleur de quelques milliers de Marocains qui ont tenu à l’accompagner jusqu’à sa dernière demeure, inhumant avec la défunte l’il-lusion d’une indépendance sans douleur.

Une légende oubliée ?Ce qui est regrettable en plus de ce des-

tin brisé, c’est que les faits démontrent que bien que Touria Chaoui ait émergé et piloté un avion avant l’indépendance à un moment où la femme marocaine étouffait sous la tutelle masculine, son nom qui s’est inscrit dans celle du pays n’a pas tardé à se faire oublier entraînant tout un pan de l’histoire du Maroc dans

les arcanes de l’oubli. Il est vrai que la jeune fille est passée en coup de vent dans la vie, mais ce n’est pas pour autant que les nouvelles géné-rations doivent ignorer un nom qui a fait parler de lui dans les quatre coins du monde et une femme qui a sillonné le ciel marocain dans les années cinquante et qui a émergé du lot au cours du siècle passé jusqu’à devenir une gloire nationale.

Touria Chaoui est un nom qui de-vait briller non seulement pour cet exploit professionnel qui n’était pas des moindres à une période critique du Maroc, mais aussi pour ses idées nationalistes et ses positions de mi-litante avertie qu’elle n’hésitait pas à exprimer haut et fort au risque de s’attirer les foudres des colons. La lucidité de ses dix-huit ans l’a poussée à intégrer le parti de l’Istiqlal ayant été dès son jeune âge imprégnée par les idéaux des grands nationalistes du Maroc, tels Allal El Fassi et Ahmed Balafrej que côtoyait son père. Pilote douée, jeune femme instruite, cultivée et émancipée, elle était aussi une militante engagée contre le colonialisme, mais aussi dans les causes nationales et féminines tant et si bien qu’elle a été invitée à fonder et à présider une association d’œuvres sociales portant le nom de la Prin-cesse Lalla Amina afin d’aider les femmes à se libérer du joug et de la tutelle masculine.

Quelle Vérité dans les vérités ?Aujourd’hui encore, le mystère de son assassinat n’a

jamais été élucidé même si le nom de l’assassin est bien connu. Au moment où certains accusaient des mains conservatrices malveillantes pour lesquelles la jeune fille symboliserait une «liberté excessive et dangereuse tendant à l’occidentalisation des femmes marocaines», d’autres par contre maintiennent qu’Ahmed Touil l’au-rait tuée parce qu’avec d’autres résistants, ils voyaient d’un mauvais œil que la jeune fille sortait avec un pilote français de l’armée de l’air française, celui même qui lui avait appris à piloter un avion et qui paraissait souvent à ses côtés sur les photos que les journaux de l’époque tels Le Petit Marocain ou encore La Vigie publiaient. Or une autre version opte pour l’éventualité d’un crime passionnel mais cela n’a jamais été prouvé.

Pourtant, force est de rappeler que la famille subis-sait de fortes pressions du Groupe Présence française qui œuvrait contre l’indépendance. Allal El Fassi aurait même suggéré à Abdelouahed Chaoui d’aller se réfugier, avec sa famille, quelque temps à l’étranger. Toutefois, l’intrigue ne sera jamais démystifiée puisque le criminel avait subi le même sort juste quelque temps après son acte ignoble, au boulevard El Fida, en plein jour au vu de tout le monde. Vendetta ou mesure sécuritaire pour le faire taire à jamais ? Nul ne peut y répondre vu le mystère qui entourait ce personnage qui avait lui-même lutté contre le protectorat en apprenant à un bon nombre de résistants le maniement des armes. Son adhésion au parti Choura fera de lui le convoyeur d’armes attitré et participera à l’assassinat de plusieurs de ses anciens

compagnons, à savoir Rahal Meskini, Ahmed Sidki et bien d’autres. C’est bien entendu lui qui enlèvera Fatima Thami, l’une des sages-femmes les plus connues du pays. Cet enlèvement aurait été commis par erreur, dit-on, étant donné que c’était TouriaChaoui qui était visée.Les ravisseurs la libéreront après le 2 mars.

Une reconnaissance qui n’a pas duré

Si l’auteur polonais J.Grzedzinski lui a dédié un livre dans les années soixante et si des documents de Casablanca des années cinquante signés du nom de ce colonel ou de Christian Ostroga sous le titre de «En vol» ou «Carnet de vol» citent le nom de Touria Chaoui comme étant une pilote révolutionnaire, une bibliographie signée par ses compatriotes fait défaut ou du moins n’est pas très abondante dénotant pour ainsi dire une non-reconnaissance à l’égard de cette aviatrice hors norme, icône de l’Histoire du Maroc. À l’exception de quelques bribes de souvenirs sorties des limbes de l’oubli grâce à l’IER (Instance Équité et Réconciliation), le nom de Touria Chaoui est injuste-ment méconnu.

Il est vrai qu’elle n’a pas eu le temps de réaliser de nombreux accomplissements puisqu’elle est partie à la fleur de l’âge, mais son passage quoique bref n’a pas été inaperçu. L’effort humain n’a pas d’âge. Touria Chaoui, la pionnière du ciel qui faisait de son métier une passion et un art, avait l’âge de l’ambition, des es-pérances et de ses réalisations exceptionnelles et mérite tous les hommages. Une révélation qui s’est vite tue, mais un nom qui doit demeurer dans l’Histoire d’un pays qui se doit de préserver sa mémoire collective et de faire sortir de l’ombre ses grands oubliés que les nouvelles générations ont le droit de connaître.

Qui a tué la première femme pilote de l’Histoire du Maroc et pourquoi ? L’assassinat commis à la veille de l’indépendance ne sous-entend pas un certain com-plot dont les signataires seraient probablement les en-nemis du développement du Maroc avant et à l’aube de l’indépendance ? Des questions qui resteront à jamais sans réponses et des hypothèses qui n’ont jamais été confirmées ou infirmées. n

Des funérailles dans un climat lourd d’émotion et de douleur.

Touria Chaoui, première aviatrice marocaine et arabe.

Touria Chaoui. la légende oubliée.

26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

Page 29: MAROC diplomatiqueEn 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des

29REGARDS D’AILLEURS MAROC

diplomatique

BOUALEM SANSAL :UN REGARD ÉCLAIRÉ ET RÉALISTE SUR LE MONDE

« Il faut un travail de modernisationdes structures culturelles et mentales »l Maroc Diplomatique : A votre avis, qu’est-ce

qu’être intellectuel ? -BOUALEM SANSAL : C’est un lourd fardeau.

Parce que, comme nos sociétés, vu les traditions, n’ont pas l’habitude qu’on débatte de tout : de religion, de sexualité. Il y a plein de sujets qui sont tabous et sur lesquels il est très difficile de travailler et d’en parler. Par exemple au Maroc, le fait que quelqu’un a tourné un film sur la prostitution.

l...Nabil Ayouch ?- Oui. Voilà, chaque fois que quelqu’un fait quelque

chose du genre, cela provoque des débats compliqués, mais aussi des anathèmes et des accusations graves. Les gens sont obligés de quitter le pays. Donc, le métier d’in-tellectuel dans nos pays est très difficile en raison des tabous et des difficultés d’abord, puis parce qu’on ne peut pas organiser dans nos pays de véritables débats.

l C’est quoi pour vous un véritable débat ?- J’appelle un véritable débat lorsqu’on rassemble des

gens qui ne s’autocensurent pas et ne sont pas censurés. Chez nous, ça devient des monologues et des récitations pour faire plaisir. Mais ceci dit, je ne crois pas pour le moment que nos sociétés peuvent évoluer par l’impulsion des intellectuelles.

l Qu’est-ce qui empêche d’amorcer le débat et com-ment évoluent nos sociétés ?

- Les intellectuelles ne peuvent pas débattre. Ils ne peuvent pas interpeller la société sur des sujets délicats. Ils ne peuvent pas travailler avec la société pour changer de regard sur ceci et cela. Ils ne peuvent pas jouer leur rôle d’intellectuel tout simplement. Nos sociétés évoluent autrement. Elles évoluent soit par le fait du prince, donc, c’est le prince qui décide : à partir d’aujourd’hui on va s’habiller comme ça, on va faire ceci et cela. Ou alors c’est des influences extérieures qui provoquent petit à petit des transformations minuscules de la société. Par exemple, dans nos pays, maintenant, on peut s’habiller comme ça (désignant nos habits). Qui l’a décidé ? Per-sonne. C’était des petites observations et des petits chan-gements au cours des siècles qui ont fait qu’aujourd’hui on s’habille comme nous le faisons aujourd’hui. Ce n’est pas le prince qui a décidé. Comme c’était le cas en Tur-quie dans le temps du Kémalisme où il a été décidé de porter le turban et le serwal. Pour des raisons qui étaient les siennes. Il avait un projet politique à long terme. Chez nous, ça évolue par mimétisme. Doucement. Nos ar-rière-grands-parents, un jour, ils se sont dits : après tout la veste européenne n’est pas mal. Et ils l’ont mise avec serwal traditionnel et puis, petit à petit, un jour ils ont enlevé le turban et ainsi de suite. C’est très long.

l À quand un véritable changement politique suite aux événements qui ont secoué le monde arabe il y a quelques années ? Et à quand ce changement radical que l’on crie partout ? Est-ce que c’est encore toujours tôt de parler d’un vrai changement ?

- Vous parlez des printemps arabes. Moi, je n’y crois pas vraiment. Les indépendances étaient un choc plus important que les printemps arabes. Voilà des pays qui étaient gérés de Paris, de Rome, de Madrid et de Londres. L’indépendance était une véritable révolution. Ce qu’on n’a pas pu obtenir par les printemps arabes, on a pu l’avoir tout de suite. Et dire si cela a provoqué des changements au sein de nos sociétés, pas du tout. On a la même socié-té patriarcale archaïque. Les printemps arabes sont des tout petits chocs. Quelques heures de manifestations. Et qu’est-ce que cela a changé ? Rien ! Les fondamentaux lourds des pays sont toujours les mêmes. Des sociétés restent archaïques. La femme conserve son statut de de-mi-citoyen. Le citoyen marocain, algérien et tunisien n’a pas de vrais droits comme en Europe, en Suède ou aux États-Unis. Il a quelques droits bien sûr, mais pas les droits fondamentaux. Regardons ce qu’on fait avec les femmes et les homosexuels.

l Est-ce que cela veut dire que la société refuse d’être court-circuitée par un mode de pensée jugé dangereux ?

- C’est un processus. Et on n’aura pas les éléments de la transformation. C’est-à-dire une classe, une société civile des intellectuels qui travaillent la société et le pouvoir. Puis, petit à petit, vient le changement.

l Vous parlez là d’une classe politique, d’une élite et des intellectuels comme d’un groupe éclairé qui veut l’intérêt général ?

- Oui, une classe qui travaille pour l’intérêt de tous les citoyens. Qui réfléchit et qui éduque le peuple. Re-gardez dans les pays du Golfe, malgré tous les moyens qu’ils ont, les investissements colossaux... Le Qatar et les autres, ils n’auront pas de contraintes. Ils ont de l’argent. Ils peuvent faire venir les experts qu’ils veulent. S’ils veulent des pierres et des métaux, ils vont les acheter. Mais si on enlève tous ce qu’ils ont importé et tout ce qui est artificiel, il n’y restera rien. Ils seront des bédouins au désert. l Vous parlez du système de la rente... -Absolument. Ils ne produisent rien. Leur société est

toujours la même. La famille reste ce qu’elle a toujours été. Cela veut dire que si on leur enlève le pétrole, ils feront un pas de dix siècles en arrière. Tout va s’arrêter. Les ascenseurs et les climatiseurs vont s’arrêter et ils se-ront obligés de quitter leurs immeubles dans la journée et retourneront sous leurs tentes. Ils n’ont pas les éléments de reconstituer une vie moderne sans l’aide des autres.

Moi, je le vois en Algérie indépendante : on a trouvé le pétrole sur place. On a acheté tout. On a acheté des usines, des ateliers et des fabriques. Et puis, il a suffi que le prix du pétrole baisse. En 1986, le pétrole a perdu toute la moitié de sa valeur, et du jour au lendemain toute cette industrie est devenue de la ferraille. Elle s’est arrê-tée. On est redevenus ce qu’on a été avant. Des sociétés archaïques qui importent ce dont elles ont besoin pour vivre. On importe nos vêtements, nos voitures, nos ordi-nateurs et nos télévisions. On importe nos programmes. On importe tout. Tant que le pétrole le permet. C’est toute une difficulté.

l Vous êtes pessimiste ?- Oui. Et pourquoi ne pas l’être. Je suis pessimiste

parce que ceux qui peuvent changer la société, donc les intellectuelles, ne vivent pas dans leurs pays. Qui va faire bouger les choses.

l Ce que vous évoquez est transposable aux pays du Maghreb aussi ?

- Oui, effectivement. En Afrique et sur l’ensemble du monde arabe. C’est ce travail de modernisation de structures culturelles et mentales qui n’est pas encore fait. Donc, le développement matériel est importé et n’est pas produit et adapté à la société. Le jour où on n’a pas d’argent pour importer, tout s’arrêtera.

l Quid de la place des jeunes et de l’éducation au Maghreb ? Si je fais la jonction et j’aborde l’éducation des jeunes, celle-ci est le maillon faible de nos sociétés.

Est-ce vraiment une politique que celle de ne pas édu-quer le peuple ? Sachant que tout tenait à la politique. Rousseau disait en substance : «La première tâche n’est-elle pas de former de bons citoyens. La politique suppose une bonne éducation.»

- Pour répondre, je vais parler de la structure dirigeante. Les dirigeants ont besoin de former. Car ils ont besoin de faire fonctionner la cité d’ingénieurs, de médecins pour soigner les gens et d’informaticiens. Je prends l’exemple de Bourguiba qui a pu faire des réalisations, mais avec beaucoup de limites. Il n’y avait pas de parti. Il contrôlait la politique, les opposants étaient durement réprimés. Nos sociétés évoluent lentement. Et ce n’est pas acquis. Par ce qu’il faut aussi intérioriser les choses et les pé-renniser. Car on peut, comme en Algérie, importer des milliers de coopérants techniques. Ils ont modernisé le pays et ont participé à la gestion de ce pays. Et le jour où ils sont partis, tout s’est arrêté.

l Vous parlez de la formation et l’éducation des ci-toyens ?

- Oui. Regardez au Qatar et aux Émirats, là-bas ils sont à la pointe en matière de communication, d’informatique et du progrès. Ils ont des bourses extraordinaires, mais ils ne forment pas de citoyens. Un citoyen qui vit sa vie de citoyen libre. Qui s’habille comme il veut. Qui peut vivre comme il veut. Qui peut croire à ce qu’il veut. C’est comme ça que se crée le processus de développement interne. n

ProPos recueillis Par abderrahim bourkia

Abderrahim Bourkia et Boualem Sansal à Paris.

Fouad Laroui.

l D’où vient l’idée d’écrire sur l’exil et sur sa littérature ?- C’est assez naturel pour moi d’écrire

sur l’exil vu que cela fait presque trente ans que je vais en dehors de mon pays natal, le Maroc. J’ai vécu et travaillé en France, en Belgique, en Angleterre, et puis je me suis fixé à Amsterdam, en Hollande. Je crois donc bien connaître la question même s’il ne s’agit pas à proprement parler d’exil, mais simplement du fait de vivre ailleurs que dans l’endroit où on est né et grandi. Quant au choix de la littérature, il s’impose de lui-même puisqu’on dispose ainsi de textes, d’un corpus qui permet d’approcher la question de diverses manières.

l Comment s’est effectué ce choix ?

Est-ce d’une manière spontanée ou est-ce une idée qui a fait son chemin depuis un moment ?

- Par nature, je suis attiré par ce genre de livres. Au cours des années, j’ai publié ici

et là des articles sur les livres et puis j’ai fini par en faire un recueil.

l Il est ici question de deux représen-

tations que tout oppose à première vue : écrivains émigrés et écrivains réfugiés. A-t-on affaire à deux types de profil, ou si je peux dire à deux types d’exil ?

- Ceux qui partent d’eux-mêmes pour s’installer ailleurs le font par choix. Leur cas est donc a priori moins grave, moins tragique que celui des vrais exilés, qui ont dû un jour tout quitter, parfois en urgence absolue (je pense par exemple au cas de Soljenitsyne), et qui se sont trouvés soudain à l’étranger. Mais au fil du temps, les différences s’amenuisent et il reste cette situation commune de ne pas être chez soi.

l Quel est l’effet recherché derrière

le fait de croiser les regards ? Cherche-riez-vous à trouver des réponses à des questions posées en amont ? En quoi cela fait-il écho à votre parcours ? Que souhaitez-vous exprimer à travers votre choix des textes et des écrivains ?

- Chaque expérience est singulière. Mais croiser tout cela permet de dégager les points communs, de repérer ce qu’un scientifique appellerait les «régularités».

En procédant ainsi, on passe du particulier à l’universel. Mon parcours personnel n’a d’importance que pour moi. Ce qui est important, c’est ce qui est commun, ce qui définit en quelque sorte la condition de l’émigré ou de l’exilé, qui est un aspect de la condition humaine.

l Est-il ici question de perte d’iden-

tité ?- Encore faudrait-il pouvoir définir

l’identité… Mais en supposant qu’on puisse le faire de façon rigoureuse, il va de soi que partir, quitter le sol natal, vivre ailleurs va forcément changer quelque chose en soi. Est-ce une perte d’identi-té ? Je ne le crois pas. Dans certains cas, on constate plutôt le contraire, une sorte de crispation identitaire. Vous connaissez le cas de ces gens qui rentrent dans leur pays natal, par exemple le Maroc, après une absence de dix ou quinze ans, et qui constatent que leur pays a davantage chan-

gé qu’eux-mêmes…Le fameux miroir, est-ce ce que vous

l’aviez évoqué à Lauzerte lors de notre rencontre en 2013 ? Si vous vous souve-nez bien, vous m’aviez dit (j’ai essayé de retranscrire au mieux votre idée en ces mots): «Quand tu te réveilles le matin et que tu regardes ton miroir, t’es toi-même [ toi ou moi, Fouad Laroui] et quand tu sors de chez toi, les autres te renvoient l’image d’un autre (étranger) que tu n’es pas»

Oui, ça va de soi. C’est l’une des diffi-cultés quand on veut définir l’identité. En fait, on s’aperçoit qu’elle est souvent dé-finie par les autres ou par le contact avec les autres. Je crois qu’aucun Chinois ne se définirait lui-même comme «jaune». C’est l’Européen qui lui révèle cet aspect (inessentiel, en fait) de son «identité». Quand on se regarde dans le miroir, on ne voit jamais ce que les autres voient…

ProPos recueillis Par a.b.

«UN PAYS SANS FRONTIÈRES»

Cinq questions à Fouad Laroui

26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

Page 30: MAROC diplomatiqueEn 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des

LIVRES MAROC

diplomatique30

Souad Mekkaoui

A lors que le tango continue de plus belle entre le Maroc et la France dans un vaste éventail de tempos et

dans une danse improvisée, à chaque fois, sans que les pas ne soient prévus à l’avance, le dernier roman de Guillaume Jobin, paru au mois de mai 2015, inspiré d’une période trouble et édité par «Editeur de Talents», vient piquer au vif la colère de certains journalistes français rivalisant d’hostilité et de malveillance envers tout ce qui a trait au Maroc. En effet, le pays est devenu, depuis quelque temps, une cible facile ou la proie rêvée d’une certaine frange de journalistes français anti-Maroc.

«Route des Zaërs»Le best-seller de Guillaume Jobin, en tête

des ventes au Maroc, depuis juin 2015, a pro-voqué une levée de boucliers dès sa parution. Dès lors, il a fait du président de l’École de journalisme de Paris et de Rabat, l’objet tant convoité de « lynchage médiatique » de cer-tains supports revanchards. Ceux-ci ayant tro-qué la neutralité et la déontologie qu’impose le journalisme contre l’animosité subjective pour faire de cet auteur l’opportunité tant at-tendue et avoir leur vengeance, même à tort. Par ailleurs, ils sont allés jusqu’à incriminer Jobin et l’accuser de travailler tantôt pour les services secrets marocains et… tantôt pour leurs homologues français. Cette réaction épidermiquement allergique était – pour le moins qu’on puisse dire – prévisible puisque le roman, où il est question d’espionnage et de journalistes corrompus, est sorti juste trois mois avant l’éclatement de l’affaire du chan-tage de l’année Graciet & Laurent.

En effet, et après sa trilogie sur les relations franco-marocaines «Mohammed V, le Sul-tan», «Lyautey, le Résident» et «Hassan II, le Prince», qui est prévu pour 2016, l’auteur marque son empreinte dans un autre genre d’écriture, à savoir le roman policier en prou-vant qu’il est de ces écrivains qui, comme dirait Diderot, mènent le lecteur par le bout du nez, le maintenant en haleine et le menant dans le labyrinthe du suspense.

«Le vrai couloir central du Pouvoir»

De Rabat, Guillaume Jobin fait le giratoire ou l’épicentre d’enjeux politiques qui remuent une partie du monde, un univers inhabituel,

voire intrigant, d’espionnage dans lequel le lecteur est aisément plongé avec beaucoup de doigté et de maîtrise. Au fil de la lecture, celui-ci se retrouve en plein dedans, à telle enseigne qu’il n’est plus aisé de discerner où s’arrête la réalité et où commence la fiction. Le livre se convertit alors en film divertissant où se filent des péripéties et où se croisent des personnages dont l’apparence est ordi-naire mais autour desquels plane le mystère. La route des Zaërs où siègent la DGED, la résidence de l’ambassadeur de France, les ambassades américaine, espagnole, russe et algérienne devient alors le théâtre d’événe-ments hallucinants.

S’ouvrent alors des tiroirs qui multi-plient les scènes et les intrigues qui s’en-trelacent pour construire, à la fin, une histoire captivante.

Elle a pour cadre principal le monde du secret, celui des services de rensei-gnement, des espions professionnels et des opérations clandestines des États. Entre diplomates français étrangers vé-reux et journalistes corrompus transparaît la mise en valeur de «la guerre secrète» qui est loin d’être nourrie d’idéaux che-valeresques. Le lecteur est pris dans une spirale de suspense à donner des sueurs froides dans le dos. Le personnage princi-pal, Alexandre, est un journaliste envoyé au Maroc en pleine période de troubles politiques avec la France. La mission de cet agent des services extérieurs français (DGSE), envoyé comme correspondant pour un support médiatique russe, est d’essayer de comprendre ce qui se passe au pays du couchant lointain afin de dé-crypter les tenants et les aboutissants de la crise avec la France. En simple obser-vateur des mœurs du Royaume, il s’intro-duit donc dans le monde des diplomates et des hauts fonctionnaires de l’État, mais côtoie aussi des journalistes, des espions, des pirates informatiques et des agents de force spéciaux. Tous gravitent autour d’informations qu’ils s’arrachent et dont chacun détient une partie. Le journaliste missionnaire s’en sert pour comprendre et informer les uns et les autres des vraies raisons de la brouille entre les deux pays, notamment la schizophrénie française tan-tôt pro-Maroc et tantôt pro-Algérie.

L’auteur tisse alors une histoire saisis-sante autour d’événements isolés qui ont fini par irriter les liens diplomatiques (les deux journalistes français expulsés du Ma-roc, des activistes pro-polisario, le pouvoir français, une partie de la presse française marocophobe, les rapports complexes entre États…).

Un roman d’investigation ?

Au-delà de la fiction, «Route de Zaërs» est un roman qu’on hésite à classer dans un genre spécifique comme celui du polar ou d’espionnage tellement les ingrédients et les composantes en font une sorte d’enquête où l’auteur s’investit dans un travail de recherche et d’investigation inspiré de faits réels qui s’enchâssent et se suivent telle une métaphore filée. On pourrait donc parler d’un roman ré-aliste surtout que le journaliste-écrivain a usé de lieux existants et communément connus en plus de personnages facilement identifiables bien qu’il ait changé les noms pour brouiller les pistes et déstabiliser le lecteur. Ces faits qui faisaient l’actualité à ce moment-là se sont imposés à l’auteur et ont piqué l’instinct d’in-vestigateur et le spécialiste de l’histoire des relations entre le Maroc et la France qu’il est et qui ne pouvait se suffire à de simples faits relatés par la presse. Ses nombreux contacts dans le monde des diplomates et des hauts fonctionnaires de la capitale administrative lui facilitent la tâche en lui fournissant plu-sieurs données. C’est ainsi que dans une trame du récit qui prend ses racines dans la réalité, les événements se succèdent suivant un rapport de cause à effet. L’auteur usant de ses différents dons de journaliste, historien et romancier ne pouvait que réussir avec brio et beaucoup d’aisance son récit brodé autour d’un fait réel et ficelé, de fil en aiguille, de manière professionnelle à la James Bond.

Une fiction romancéeDans «Route des Zaërs», les dessous de

la brouille – ou du moins des hypothèses formulées par Guillaume Jobin selon un raisonnement logique – entre les deux pays sont disposés tels les différents éléments d’un puzzle confectionné minutieusement et har-monieusement.

Force est de constater que l’auteur s’est basé sur des recherches bien documentées. D’ailleurs, son travail sur le personnage louche de Catherine Graciet le propulse dans des découvertes ahurissantes à propos de cette journaliste qui transpire la haine du Maroc et de la Monarchie et qu’elle a, par ailleurs, dé-versée dans le livre dont elle est co-auteur «Le Roi prédateur». Entre autres, elle est l’un des motifs à l’origine des tensions diplomatiques entre la France et le Maroc, irritation excitée davantage par l’expulsion du journaliste Jean-Louis Perez qui devient «pieds nickelés» dans le livre. Corinne Henriot et Patrick Allibert ne sont donc, en quelque sorte, que la réincar-nation de Catherine Graciet et Éric Laurent. D’ailleurs, d’autres personnages comme les deux Ali, Ahmed ou Zineb retrouvent bien leurs modèles de peinture dans notre vie quo-tidienne. La protagoniste centrale est décrite comme une journaliste qui se retrouve plus dans des livres à charge et préfère vendre sa

plume au plus offrant. Elle s’improvise aussi coach du champion du monde du catch Jilali Allali qui use de harcèlement à l’égard des plus hautes autorités du pays pour avoir un poste de fonctionnaire auquel il prétend avoir droit. On devine, sans confusion aucune, qu’il s’agit, bien entendu, du Franco-Marocain Za-karia Moumni. Dans le livre, l’auteur rappelle aussi l’incident de l’ambassade du Maroc à Paris suite à la fouille qu’a subie un diplomate marocain à l’aéroport de Paris.

Patrick Allibert, quant à lui, «écrivait des livres insipides à la gloire de Hassan II qui passait plus de temps à corriger le style de son “nègre” qu’à lui expliquer son règne». Il ne tardera pas à faire son chantage et mena-cera de publier un livre qui serait « dévasta-teur » pour la Monarchie. Il finira par publier un brûlot à charge sur des investissements de la famille royale.

Si son premier livre «Lyautey, le Résident» est un ouvrage qui puise son ton dans l’His-toire, dans «Mohammed V, le Sultan» l’auteur s’initiait déjà au monde de l’espionnage dans les arcanes de la guerre, de l’exil et des services de la résidence. Genre littéraire qui a apparem-ment saisi l’auteur qui s’essaie à un nouveau style d’écriture dans son dernier roman où la politique, la diplomatie et les médias s’entre-mêlent dans des volutes vertigineuses.

Le dernier opus de Guillaume Jobin attise la colère d’une partie des médias français qui se sont sentis visés dans cette «fiction véridique» ou «réalité fictive» qui pointe du doigt la corruption dans une partie du monde journalistique français. Constat que l’auteur assume avec assurance et conviction et qu’il décrit dans un livre qui ne finira pas de faire parler de lui tant il est criant de véri-tés. « Route des Zaërs » n’est pas un simple roman qu’on lit et qu’on aime ou n’aime pas. Mais c’est un ouvrage qui nous interpelle à plus d’un égard. N’a-t-il pas valu à son au-teur la colère noire des journalistes français courroucés par la parution de cet écrit ayant provoqué une levée de bouchers ?

Donnons alors la parole à l’écrivain lui-même pour nous éclairer davantage. n

« Route des Zaërs » :L’actualité romancée

Le dernier roman de Guillaume Jobin, paru au mois de mai 2015, inspiré d’une période trouble et édité par «Editeur de Talents», vient piquer au vif la colère de certains journalistes français rivalisant d’hostilité et de malveillance envers tout ce qui a trait au Maroc.

De Rabat, Guillaume Jobin fait le giratoire ou l’épicentre d’enjeux politiques qui remuent une partie du monde, un univers inhabituel, voire intrigant, d’espionnage dans lequel le lecteur est aisément plongé avec beaucoup de doigté et de maîtrise. Au fil de la lecture, celui-ci se retrouve en plein de-dans, à telle enseigne qu’il n’est plus aisé de discerner où s’arrête la réalité et où commence la fiction.

L’auteur usant de ses différents dons de journaliste, historien et romancier ne pouvait que réussir avec brio et beaucoup d’aisance son récit brodé autour d’un fait réel et ficelé, de fil en aiguille, de manière professionnelle à la James Bond.

26 NOVEMBRE/15 DÉCEMBRE 2015

Guillaume Jobin

Page 31: MAROC diplomatiqueEn 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des

31INTERVIEW MAROC

diplomatique

l Maroc Diplomatique : Le vendredi 18 septembre, vous avez été invité par France Inter dans le cadre de l’émis-sion d’enquête « Secrets d’Info ». Était-ce pour parler de votre dernier livre « Route des Zaërs » ou plutôt de l’affaire de chantage Éric Laurent-Ca-therine Graciet ?

- GUILLAUME JOBIN : Mon ro-man, best-seller francophone 2015 au Maroc, hélas, n’intéresse les journalistes français que par sa « révélation », avec trois mois d’avance d’une affaire Éric Laurent-Catherine Graciet. Le jour-naliste a été très clair, seul ce point l’intéressait. Je n’étais pas dupe, je les connais les médias publics français où règne une anarchie syndicalisée mas-sive et politisée, sans aucune pression gouvernementale possible… Mais, quel auteur refuserait un peu de publicité gra-tuite ?

Je ne regrette qu’une seule chose, c’est que la première édition était déjà épuisée en deux mois quand l’affaire est sortie fin juillet. La veille de mon passage chez France Inter, en revanche, j’ai été interviewé de façon profession-nelle chez Radio Orient à Paris, par des journalistes français honnêtes qui connaissent le Maroc et un patron liba-nais, à qui « on ne la fait pas ! » Alors, ne jetons pas l’opprobre sur 35 000 jour-nalistes français !

l Vous avez été interviewé pendant près d’une heure et demie lors de l’émission en question, mais contre toute attente, vous avez été censuré et vos propos largement tronqués au montage. Quel a été votre sentiment et surtout votre réaction face à un com-portement qui relève apparemment de la marocophobie de la part d’une radio publique française censée défendre la liberté d’expression ?

- Mes propos n’ont pas été tronqués, ils ont été totalement éliminés ! Le journaliste Benoît Collombat m’a écrit quelques heures avant la diffusion de l’émission : « Malheureusement, je n’ai pas conservé votre interview dans le montage final, sans plus d’explica-tion ». Leur « enquête » est reproduite sous forme d’une émission radio et d’un article sur le site de France Inter où je suis cité, ils ont même donné la parole

à Éric Laurent contre moi, je le cite : « Je suis consterné par la médiocrité de cette attaque... Je suis presque obligé d’en rire. Je m’interroge sur “ le ti-ming ” de la publication de ce livre, en mai 2015, au moment même où nous sommes en train de travailler sur notre enquête… »

Quel travail ? Moi, je suis intime-ment convaincu que leur soi-disant livre n’existe pas ; le précédent n’était d’ail-leurs qu’une compilation d’articles de TelQuel et de feu Le Journal ! Le silence de France Inter à mon égard s’explique par le fait que je les dérange en ayant des informations que j’ai rassemblées moi-même, un point de vue indépendant et documenté, que je suis resté ferme face à des questions dignes d’un procureur allant chercher des arguments vingt ans en arrière, voire plus loin, me demandant qui me payait et combien ! Alors que mes droits d’auteur sont reversés à une fondation de Salé pour la préservation de la broderie traditionnelle !l  Comment interprétez-vous un tel

acharnement à l’égard de votre roman, dont les faits sont fictifs comme vous

le mentionnez au début du livre, de la part d’une certaine presse française, sachant que votre opus a pris une di-mension non seulement nationale, mais internationale ?

- Mon livre dérange en France parce qu’il montre, pour les initiés, que Ca-therine Graciet est le tentacule visible et probablement coordinatrice d’une large action antimarocaine, regroupant à mon avis des appuis de toutes parts : polisario, sa marraine et les nébuleuses gauchistes/tiers-mondistes (voir l’affaire suédoise), conservateurs américains et espagnols, sécuritaires français pro-FLN, etc. J’ai eu un « silence radio », sans jeu de mots, hallucinant de la part des journalistes et des officiels français. Mais ces derniers, par contre, sont beaucoup plus explicites en privé :« Dans votre livre, tout est vrai, crédible, ou possible, mais en tout cas bien vu ! » m’a dit un diplomate du Quai d’Orsay.

Éric Laurent n’est, hélas, qu’un de ces parasites de palais que génèrent tous les pouvoirs, de la Maison-Blanche au Kremlin, une sorte d’effet indésirable ! Je suis persuadé que ce n’est pas sa pre-mière tentative, il aurait même proposé à Basri de publier ses mémoires et ragots pour se venger du Souverain qui n’avait pas eu recours à sa plume mercenaire. Le corporatisme est hallucinant, sur la douzaine de journalistes français qui m’ont interviewé, seuls trois étaient sans a priori ! Les autres évoquaient une machination des Services maro-cains, voire français, sans aucun début de commencement d’argumentation ou de fait, encore moins de preuve.

l  Avez-vous reçu des explications suite à la censure insensée et abusive de la part de l’émission en question ?

- Je n’ai demandé aucune explication, parce que je connais leurs motivations et leur mode de pensée unique, c’est une fois de plus un réquisitoire quasi soviétique contre le Maroc, orchestré après le retour de François Hollande de Tanger, soit en deux jours : une émis-sion de France Inter, un article dans Le Monde, un « Complément d’enquête » sur France2 et un documentaire sur Ben Barka. Sans faire de « complotite », le hasard n’explique pas cette conjonc-tion. L’émission de France Inter a été enregistrée vers le 20 septembre, pour-quoi n’est-elle pas diffusée que le 2 octobre ? Une journaliste marocaine de Paris a tenté d’avoir des explications sur « mon » affaire, on ne lui a pas répondu non plus. Pour eux, il n’existe pas de pensée indépendante au Maroc, tous les étrangers sont payés par « le Makhzen » (je cite).

l A votre avis, pourquoi une partie

de la presse française s’attaque avec virulence au Maroc, manifestant un parti pris antimarocain au moment où François Hollande venait juste de quit-ter le Maroc après une visite qui – on l’espérait tous – allait donner un autre ton aux relations entre les deux pays ?

La marocophobie est vieille comme Lyautey en France. Une partie de la gauche française déteste le Maroc pour ce qu’il est : une monarchie, un pays sûr de lui, dirait de Gaulle, une bourgeoi-sie marchande importante, un « pays de droite », rangé dans le clan occidental pendant la Guerre froide, trois Rois qui connaissent la France et les Français sur le bout des doigts ! Pourquoi croyez-vous que les historiens de gauche,

comme Daniel Rivet, et leurs complices d’extrême droite, comme Bernard Lu-gan, ont habillé Lyautey en aristocrate (qu’il n’était pas) et en royaliste (qu’il n’était qu’au Maroc) ?

Par ailleurs, le Maroc dérange les xé-nophobes et islamophobes aujourd’hui, comme il dérangeait les colons soixante ans auparavant, un des rares pays arabes où ne sévissent ni l’anarchie ni le des-potisme. Mais, je crois que la princi-pale qualité de François Hollande est un réalisme à toute épreuve et qu’il sait intimement que le Maroc est une pièce maitresse de la politique de la France depuis 1956 que ce soit sur le plan éco-nomique, militaire ou sécuritaire. Enfin, une certaine presse française, antima-rocaine, voudrait revivre les sensations d’une lutte tiers-mondiste et attaque le Maroc, où elle ne risque que de ne pas être réinvitée à La Mamounia !

l Quiconque lirait votre livre consta-

terait sa dimension prémonitoire, car il« annonce » l’affaire Laurent-Gra-ciet, et ne pourrait s’empêcher de re-lever des similitudes avec l’affaire de ces deux journalistes escrocs. Votre fiction devient finalement une réalité dérangeante et votre affaire d’espion-nage résonne fortement avec l’actua-lité. Pure coïncidence ou aviez-vous en tête Laurent et Graciet ?

- J’avais pour projet, en janvier dernier ,d’écrire un roman, incité par mon ami Réda Dalil (Prix de La Ma-mounia 2014 pour « Le Job »), un récit d’espionnage pour moi, car seul ce genre me plaît). Mon attention a été attirée par l’affaire des deux journalistes expulsés de Rabat, en février. Ce que j’ai décou-vert à leur sujet, c’est qu’ils voulaient faire une version TV du livre « LeRoi prédateur », que l’auteur de leur scéna-rio était Catherine Graciet, que celle-ci était la chargée de relations publiques de Zakaria Moumni, que celui-ci était décrit par l’ambassade de France, en off, comme un escroc, etc. Ayant sous-en-tendu ces faits sur les réseaux sociaux, je me suis fait attaqué par toute la bande « d’éditocrates » parisiens, y compris le Mustapha Adib qui avait forcé l’entrée de l’hôpital militaire du Val-de-Grâce, avec comme conclusion de Graciet : « On verra bien ce que Jobin a à dire ! ». Et bien, je conclurai en disant : c’est tout vu, non ?

ProPos recueillis Par souad Mekkaoui

Guillaume Jobin, l’écrivain censuré par France Inter

Mon livre dérange en France parce qu’il montre, pour les initiés, que Catherine Graciet est le tentacule visible et probablement coordinatrice d’une large action antimaro-caine, regroupant à mon avis des appuis de toutes parts : polisario, sa marraine et les nébuleuses gauchistes/tiers-mondistes (voir l’affaire suédoise), conservateurs américains et espagnols, sécuritaires français pro-FLN

Un réquisitoire quasi soviétique contre le Maroc, orchestré après le retour de François Hollande de Tanger, soit en deux jours : une émission de France Inter, un ar-ticle dans Le Monde, un « Complément d’enquête » sur France 2 et un documentaire sur Ben Barka. Sans faire de « complotite », le hasard n’explique pas cette conjonction.

Je suis intimement convaincu que le soi-disant livre de Graciet/Laurent n’existe pas. Le précédent n’était d’ailleurs qu’une compilation d’articles de TelQuel et de feu «Le Journal».

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Page 32: MAROC diplomatiqueEn 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des

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