138
610 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE tives de travail conclues par ladite Com- mission paritaire nationale 59 et ren- dues obligatoires par arrêtés royaux ne sont dès lors pas légalement 1 applicables à la demanderesse (violation des arti- cles 1"' de l'arrêté royal du 11 avril 1007, 1er de l'arrêté royal du 12 juin 1968 et 107 de la Constitution) : Attendu qu'aux termes du moyen, seule l'industrie du pétrole et non le commerce du pétrole, auquel appartient la deman- deresse, est représentée à la Commission paritaire nationale pour employés de l'in- dustrie et du commerce du pétrole; Attendu qu'il ne ressort ni de l'arrêté royal du 12 juillet 1965 cité au moyen et prorogeant le mandat des membres de la commission précitée, ni de l'arrêt attaqué, ni d'aucune autre pièce à laquelle la Cour peut ,avoir égard, que les entreprises com- merciales ne sont pas représentées par les organisations dont tlcs délégués sont membres de ladite commission; Attendu que l'examen du moyen obli- gerait la Cour à vérifier des éléments de fait; que le moyen est mélangé de fait et de droit et, dès lors, irrecevable; Par ces motifs, rejdte le pourvoi; con- damne la demanderesse aux dépens. Du 28 février 1973. - 3e ch. - Prés. M. w,auters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Janssens. - Ooncl. conf. M. Lenaerts, avocat général. - Pl. M. Houtekier. l'e CH. - }er mars 1973. POURVOI EN CASSATION. - FORME. - MATIÈRE CIVILE. - MÉMOIRE AMPLIATIF. - MÉ.'11:0IRE NE CONTENANT NI EXPOSÉ DES FAITS NI DÉVELOPPEMENT DES MOYENS. PRODUIT DANS LE SEUL BUT DE DBPOSER DE NO'GVELLES PIÈCES. - IRRECEVABTLITf:. MOYENS DE CASSATION. - MA- TIÈRE CIVILE. - MOYEN INVOQUANT LA VIOLA- TION DE DISPOSITIONS Li<;GALES QUI NE SONT NI D'ORDRE PUBLIC NI IMPÉRATIVES. - MOYEN NON SOUMIS AU JUGE DU FOND ET DONT CELUI-CI NE S'EST PAS SAISI DE SA PROPRE INITIATIVE. - MOYEN NOUVEAU. N'est pas recevable le mémoire amplia- tif qui, ne contenant ni un exposé des faits ni le développement des moyens invoqués dans la requête, est produit dans le seul but de déposer rle nouvelles pièces (1). (Code judic., art. 1087.), Est nouveau et, partant, irrecevable, à i'appui d'un pourvoi en matière civile, le moyen, fondé sur des dispositions légales qui ne sont ni d'ordre public ni impératives, qui n'a pas été soumis au juge du fond et dont celui-ci ne s'est pas saisi de sa propre initiative (2). (KEILINGHAUS, C. SOCIÉ1'f; ANONYME « ANCIENS ÉTABLISSEMENTS G. DUCA~IP ))' EN PRÉSENCE DE DUPONT G. ET .J.) LA COUR; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 23 décembre 1971 par la cour d'appel de Bruxelles; Sur la fin de non-recevoir du mémoire ampliatif déduite de ce que celui-ci ne contient ni un exposé des faits ni le développement du moyen invoqué dans la requête et est produit dans le seul but de déposer de nouvelles pièces : Attendu que le mémoire ampliatif prévu par l'article 1087 du Code judiciaire a pour but de permettre au demandeur de faire un exposé des faits et de développer les moyens indiqués à la requête intro- ductive; que, si, lors de La production <l'un mémoire ampliatif, le demandeur a le droit de joindre de nouvelles pièces au- clossier, le dépôt de ces pièces ne peut cependant, comme en la cause, être le but unique du demandeur; Que le mémoire ampliatif est donc irre- cevable et que les pièces qui y sont jointes doivent être écartées des débats; Sur le moyen pris de la violation des articles 1134, 1135, 1319, 1320 et 1322 du Code civil, en ce que, pour rejeter la défense dé- duite par le demandeur de ce que « Kei- linghaus a soumis le contrat de vente aux conditions de vente V.D.W ... ; que les (1) Cass., 4 octobre 1951 (Bull. et PAsrc., 1952, I, 41); voyez Rapport du Commissaire royal à la réforme judiciaire, Doc. parlem., Sénat, session 1963-1964, no 160, p. 255. (2) Cass., 21 septembre, 24 octobre, 17 no- vembre et 1er décembre 1972, supra, p. 76, 187, 270 et 312.

mars 1973. - KU Leuven1er de l'arrêté royal du 12 juin 1968 et 107 de la Constitution) : Attendu qu'aux termes du moyen, seule l'industrie du pétrole et non le commerce du pétrole,

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

  • 610 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

    tives de travail conclues par ladite Com-mission paritaire nationale n° 59 et ren-dues obligatoires par arrêtés royaux ne sont dès lors pas légalement 1applicables à la demanderesse (violation des arti-cles 1"' de l'arrêté royal du 11 avril 1007, 1er de l'arrêté royal du 12 juin 1968 et 107 de la Constitution) :

    Attendu qu'aux termes du moyen, seule l'industrie du pétrole et non le commerce du pétrole, auquel appartient la deman-deresse, est représentée à la Commission paritaire nationale pour employés de l'in-dustrie et du commerce du pétrole;

    Attendu qu'il ne ressort ni de l'arrêté royal du 12 juillet 1965 cité au moyen et prorogeant le mandat des membres de la commission précitée, ni de l'arrêt attaqué, ni d'aucune autre pièce à laquelle la Cour peut ,avoir égard, que les entreprises com-merciales ne sont pas représentées par les organisations dont tlcs délégués sont membres de ladite commission;

    Attendu que l'examen du moyen obli-gerait la Cour à vérifier des éléments de fait; que le moyen est mélangé de fait et de droit et, dès lors, irrecevable;

    Par ces motifs, rejdte le pourvoi; con-damne la demanderesse aux dépens.

    Du 28 février 1973. - 3e ch. - Prés. M. w,auters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Janssens. -Ooncl. conf. M. Lenaerts, avocat général. - Pl. M. Houtekier.

    l'e CH. - }er mars 1973.

    1° POURVOI EN CASSATION. - FORME. - MATIÈRE CIVILE. - MÉMOIRE AMPLIATIF. - MÉ.'11:0IRE NE CONTENANT NI EXPOSÉ DES FAITS NI DÉVELOPPEMENT DES MOYENS. PRODUIT DANS LE SEUL BUT DE DBPOSER DE NO'GVELLES PIÈCES. - IRRECEVABTLITf:.

    2° MOYENS DE CASSATION. - MA-TIÈRE CIVILE. - MOYEN INVOQUANT LA VIOLA-TION DE DISPOSITIONS Li

  • COUR DE CASSATION 611

    conditions de vente spécifient en matière de garantie sous l'article 7 que le vendeur est responsable pour défectuosités ou dé-fauts de construction ou d'exécution pour une période de six mois à compter du jour de l'expéélition; que la période de garantie est finie depuis 1963 ii, l'arrêt déclare « qu'à tort l'appelée en garantie fait état des conditions de vente V.D.W., qui ne concPrnent que la période pendant laquelle le vendeur est responsable des défectuosités ou défauts de construction ou d'exécution, lesquels ne sont pas invo-qués en la cause, le litige étant basé ... sur l'absence du résultat concret attendu par !'-acheteur et indiqué au vendeur ii,

    alors que l'article 7 desdites conditions de vente, qui concerne la responsabilité du fournisseur du chef des défauts de construction ou d'exécution et limite cette responsabilité à une période de six mois à compter du jour de la livraison, précise que l'absence d'une ou de plusieurs pro-priétés ou qualités stipulées à l'offre con-stitue un défaut au sens de cette clause, d'où il suit que la décision est inconcilia-ble avec le texte même des conditions de vente invoquées par le demandeur (viola-tion des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil) et, de toute manière, mécon-naît leur effet obligatoire (violation des articles 113-1 et 1135 du Code civil) :

    Attendu que le pourvoi n'attaque que la décision rendue sur l'action de la so-ciété anonyme Anciens Etablissements G. Ducamp et qu'il ressort de l'arrêt et des conclusions des parties que les deux actions ne sont ]}as indivisibles; que le sort réservé au moyen ne peut donc exer-cer d'influence sur la décision concernant l'action de Gilbert Dupont et Joseph Du-pont;

    Que relativement à cette décision le moyen est irrecevable à défaut d'intérêt;

    Attendu que, pour le surplus, selon le pourvoi, l'article 7 des conditions de vente, qui concerne la responsabilité du fournis-seur du chef des défauts de construction ou d'exécution et limite cette responsabi-lité à une période de six mois, précise que l'absence d'une ou de plusieurs pro-priétés ou qualités stipulées à l'offre con-stitue un défaut au sens de cette clause;

    Attendu que le demandeur reconnaît lui-même dans sa requête qu'il n'a pas fait spécialement état dans les conclu-Rions qu'il a prises devant la cour d',appel de ladite stipulation sur laquelle il fonde son moyen;

    Que la référence aux conditions de vente prises dans leur ensemble ne consti-tuait pas une invitation faite au juge à examiner la question soulevée par le moyen;

    Que le moyen, fondé sur des disposi-tions légales qui ne sont ni d'ordre public ni impératives, est nouveau et, partant, irrecevable;

    Et attendu que le rejet du pourvoi rend sans intérêt la demande en déclaration d'arrêt commun formée par le demandeur contre Gilbert Dupont et Joseph Dupont;

    Par ces motifs, rejette des débats le mémoire ampliatif et les pièces qui y sont jointes; rejette le pourvoi; condamne le demandeur aux dépens.

    Du l•r mars 1973. - 1re ch. - Prés. M. Valentin, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Ligot. -Concl. conf. M. Charles, avocat· général. - Pl. MM. Fally, Bayart et Philips.

    Fe CH. - }er mars 1973.

    PREUVE. - PREUVE Ll'l'Tf:RALE. - For DUE AUX ACTES. - MATIÈRE CIVILE. - CON-CLUSIONS. - Df:CISêION FONDÉE SUR CE QU'UN FAIT N'EST PAS CONTESTÉ PAR UNE PARTIE. - CONCLUSIONS DE LADITE PARTIE CONTESTANT L'EXISTENCE DE CE FAIT. -VIOLATION DE LA FOI Dl'E A CES CONCLU-SIONS.

    Viole la foi due auœ conclusions d'une partie, qui contestent un fait, le juge qui décide que ce fait n'est pas contesté par ladite partie (1). (Code civil, arti-cles 1319, 1320 et 1322.)

    (COMPAGNIE D' ASSURAXCES « MCTCELLE GÉNf:-RALE FRANÇAISE - ACCIDEXTS ll, C. ADAM, soc1f:1~f; ANO?IYME (( ROYALE BELGE )) ET SO-

    CI'ÉTÉ ANONYME « GARAGE DE LA COLLf:GIALE ll.)

    ARRÊT.

    LA COUR; - Vu l'arrêt attaqué, rendu

    (1) Cass., 13 septembre 1972, sapra, p. 51; comp. cass., 23 février 1963, sapra, p. 593.

  • 612 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

    le 26 octobre 1971 par la cour d'appel de Bruxelles;

    Sur le premier moyen, pris de la viola-tion des articles 1319, 1320, 1322 du Code civil, 780, 1042 du Code judiciaire et 97 de la Constitution,

    en ce que, pour décider que le défendeur Adam ne peut bénéficier de l'indemnité d'assurance en vertu de la convention conclue, le 10 septembre 1963, entre la défenderesse Royale Belge et la Briquete-rie Adam et compagnie, société anonyme dont ledit défendeur était administrateur, et, en conséquence, pour dire que la de-manderesse doit garantir la responsabilité de la défenderesse Garage de la Collégiale et du préposé de celle-ci, lequel conduisait le véhicule au moment de l'accident, l'ar-rêt relève « qu'aux termes de l'article 7 des conditions générales de la police sou-scrite par la ... Briqueterie Adam et com-pagnie auprès de la ... Royale Belge « ne peuvent bénéficier de l'indemnité d'assu-rance le conducteur du véhicule désigné ainsi que le preneur d'assurance et tous ceux dont la responsabilité civile est cou-verte par le contrat)>; ... qu'il n'est pas contesté que le conducteur désigné comme conducteur habituel dans la proposition d'assurance était le détenteur du véhicule et qu'ainsi l'intimé Adam n'est pas fondé à réclamer la garantie de la .. . Royale Belge, la-quelle n'est pas tenue de réparer le dommage subi par l'intimé Adam qui n'a pas la qualité de tiers vis-à-vis de cet assureur)},

    alors que, dans ses conclusions, la de-manderesse a fait valoir « que . . . la ... Royale Belge soutient que Adam était au moment des faits « détenteur >> du véhi-cule et qu'à ce titre il ne peut bénéficier de la police d'assurance et de l'article 3 de la loi du 1•r juillet 1956 et 3 de la police-type; que, contrairement à ce que soutient la Royale Belge, il faut considé-rer que le détenteur du véhicule était le propriétaire de celui-ci, la société ano-nyme Briqueteries Adam l>, contestant ainsi expressément que le défendeur Adam ffit détenteur du véhicule, d'où il suit que l'arrêt méconnaît la foi due aux conclusions de la demanderesse (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil),

    et alors qu'en tout cas, ni par les motifs reproduits ci-dessus ni par aucun autre, l'arrêt ne donne une réponse régulière àux conclusions susdites où la demande-

    resse opposait que la Briqueterie Adam et compagnie, propriétaire du véhicule, en avait ln détention (violation des arti-cles 780 et 10'12 du Code judiciaire et 97 de la Constitution) :

    Attendu que, d'une part, l'arrêt fonde sa décision sur ce qu'il n'est pas contesté que le conducteur désigné comme conduc-teur habituel dans la proposition d'assu-rance était le détenteur du véhicule et qu'ainsi le défendeur Adam n'est pas fondé à réclamer la garantie de la défen-deresse société Royale Belge, laquelle n'est pas tenue de réparer le dommage subi par le défendeur Adam qui n'a pas la qualité de tiers vis-à-vis de cet assu-reur;

    Que, d'autre vart, la demanderesse fai-sait valoir dans ses conclusions que, con-trairement à ce que soutenait la société Royale Belge, il fallait considérer que le détenteur du véhicule était le propriétaire de celui-ci, la société Briqueterie Adam, ce qui revenait à contester que le défen-deur Adam fû.t détenteur du véhicule;

    Qu'il s'ensuit que l'arrêt méconnaît la foi due aux conclusions de la demande-resse;

    Que le moyen est fondé en sa première branche;

    Par ces motifs, casse l'arrêt attaqué; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision annu-lée; réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond; renvoie la cause devant la cour d'appel de Liège.

    Du 1er mars 1973. - 1re ch. - Prés. M. Valentin, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Ligot. -aoncl. conf. M. Charles, avocat général. - Pl. MM. Fally et Simont.

    ire CH. - Ier mars 1973.

    1 ° PREUVE. - PREUVE LIITÉRALE. - For DUE AUX ACTES. - MATIÈRE CIVILE. - RAP-

    PORT D'EXPERTISE. - JUGE PRENANT EN CON-

    SIDÉRATION CERTAINS ÉLÉME:STS SEULEMENT

    DU RAPPORT A L'EXCLUSION D'AUTRES QU'IL

  • COUR DE CASSATION 613

    ÉNUMÈRE ET NE TENANT PAS COMPTE D'ÉLÉ-MENTS EXTRIXSÈQ1:ES A CE RAPPORT, - POINT DE VIOLATION DE LA FOI DUE AU RAPPORT D'EXPERTISE,

    2° PREUVE. - PREUVE LI'ITÉRALE. - MA-TIÈRE CIVILE. - FOI DUE AUX ACTES, -,JUGE ATTRIBUANT UNE VALEUR PROBA!l'TE PLUS GRANDE A CERTAD'ES PIÈCES QU'A D'AUTRES. - APPRÉCIATION EN FAIT. - POINT DE VIO-LATION DE LA FOI DUE AUX ACTES.

    3° PREUVE. - AVEU. - MATIÈRE CIVILE, - SILENCE D'UNE PARTIE SUR UN FAIT ALLÉ-GUIÉ EN JUSTICE PAR LA PARTIE ADVERSE. -CONDITION REQVISE POUR QU'IL PVISSE CON-STITUER UN AVEU,

    1° Le juge qui, pour fonder sa décision, prend en considération certains élé-ments seulement d'un rapport d'exper-tise à l'exclusion d'autres qu'a énumère, ne viole pas la foi due audit rapport (l).

    2° Le juge qui, usant de son pouvoir souverain d'appréciation en fait, attri-bue une valeur probante plus grande à certaines pièces qu'à d'autres ne viole pas la foi due à ces pièces (2),.

    R0 En matière civile, le silence d'une par-tie sur un fait aUégué en justice par la partie adverse ne peut, sauf disposition légale particulière, constituer un aveu que s'il est accompagné de circonstances lui conférant ce caractère (3),,

    (DUCAMP, C, D ... )

    ARR11ÈT.

    LA COUR; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 22 novembre 1971 par la cour d'appel de Bruxelles;

    Sur le premier moyen, pris de la viola-tion des articles 1319, 1320, 1322 du Code civil, organiques de la foi due aux actes, en l'espèce le rapport des experts commis

    (1) Cons. cass., 11 mai 1967 (Bull. et PAsrc., 1967, I, 1067).

    (2) Cass., 11 mars 1958 (Bull. et PASIC., 1958, I, 764).

    (3) Cass., 18 septembre 1964 et 24 mai 1965 (Bull. et PAsrc., 1965, I, 61 et 1024).

    par le premier juge, et 97 de la Constitu-tion,

    en ce que l'arrêt attaqué dit n'y avoir lieu d'accueillir la demande d'interdiction introduite par le demandeur et, réformant la décision du premier juge, ordonne la mise sous conseil judiciaire de la défen-deresse, aux motifs que : a) les réponses fuites par la défenderesse au cours de son interrogatoire par le premier juge le 2 avril 1968 démontrent dans son chef une conscience claire de la situation de son état et révèlent des sentiments pleins de dignité; que pour expliquer les divergences caractérisées existant entre les constata-tions qu'il fit personnellement à cette oc-casion et les conclusions du rapport d'ex-pertise mentale déposé le 26 mars 1970 par les experts psychiatres désignés par lui, le premier juge considéra qu'il n'était nullement exclu que ledit interrogatoire ait eu lieu pendant un intervalle lucide dans le cours de la maladie mentale, mais que ce n'est là qu'une hypothèse et que l'avis des psychiatres ne lie pas le juge qui reste autorisé à apprécier la valeur du raisonnement qui y conduit; que la cour d'appel estime devoir s'attacher tout spé-cialement à l'étmle des éléments médicaux concomitants et postérieurs à l'interroga-toire de la défenderesse par le premier juge le 2 avril 1968; que l'examen mental de la défenderesse auquel il fut procédé le 13 mars 1969 a permis les constatations suivantes : « Madame D .. , est coopérante, elle est assez bien orientée dans le temps, elle ne commet aucune erreur sur la date; interrogée sur la date du début de son séjour elle se trompe d'un mois mais rectifie après remarque des examinateurs; elle apprécie correctement la longueur de son séjour hospitalier; l'orientation spa-tiale est bonne; l'évocation des souvenirs, tant récents qu'anciens, n'apparaît pas perturbée; l'attention se maintient tout au long d'un entretien prolongé; le rai-sonnement et la compréhension se révè-lent satisfaisants; le vocabulaire utilisé est précis et étendu, jusque dans l'emploi de termes commerciaux et juridiques; le débit verbal est monotone, parfois brus-quement entravé avec une ébauche d'ité-rations syllabiques (mais du fait d'un état extra-pyramidal d'origine médica-menteuse) ; malgré cela, le discours est précipité et souvent prolixe lorsqu'elle détaille ses démêlés conjugaux; elle donne dans l'ensemble l'impression d'un état de surexcitation bien que les propos restent ordonnés et qu'on ne constate, à propre-

  • 614 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

    ment parler, de fuite des idées, mais plu-tôt des idées prévalentes; elle donne l'attitude d'une femme d'affaires habile tout en demandant naïvement à ses inter-locuteurs de garder le secret sur une ac-tion en séparation dont elle reconnaît aussitôt qu'elle est engagée depuis plu-sieurs mois; elle n'a présenté aucune apparence d'excitation psychomotrice au cours de l'examen>>; qu'en résumé le rap-port d'expertise ne peut que constater que : « la patiente est orientée dans le temps et dans l'espace, ne présentant pas de symptômes de détérioration intellec-tuelle, elle est actuellement dans un état de surexcitation passionnelle centrée au-tour d'une conviction de préjudice et déci-dée à revendiquer la reconnaissance de ses droits>>, b) la cour d'appel doit avoir égard également aux différentes constata-tions faites par le docteur G ... , neurologue, qui est le médecin traitant de la défende-resse, d'autant plus que ce spécialiste n'a point, comme les médecins experts, exa-miné la patiente une seule fois, à savoir le 13 mars 1969, mais à plusieurs reprises en 1967, .ainsi qu'en janvier, mars et juin 1968; que le docteur G ... a précisé dans son certificat du 6 mars 1968 que l'examen neurologique objectif de la patiente est normal, qu'il a cependant noté de légers épisodes dépressifs réactionnels liés aux difficultés conjugales de l'intéressée, ajou-tant qu'elle décrit cependant sa situation avec un sens très objectif; que les don-nées de ce certificat ne sont en rien infir-mées par les différentes constatations re-prises ci-dessus lors de l'examen fait par les médecins experts le 13 mars 1969 ; que les examens auxquels le même médecin neurologue a procédé durant les années 1967 et 1968 l'ont conduit à confirmer le diagnostic de syndrome dépressif réac-tionnel sans signe de détérioration psy-chique, l'examen objectif du système ner-veux étant entièrement normal, c) les experts judiciaires ont estimé que la défenderesse était atteinte d'« une psy-chose paranoïde chronique sur laquelle se sont greffés de nombreux épisodes mania-ques>>, mais qu'ils ont dü admettre qu'il n'y avait qu'un affaiblissement des facul-tés directrices de l'intéressée; qu'un exa-men complet de la correspondance de la défenderesse démontre une grande affec-tion pour ses enfants, de nombreuses préoccupations pour ceux-ci et pour la ges-tion de son patrimoine; qu'incontestable-ment, mais uniquement dans des périodes intermittentes, la même correspondance

    laisse apparaître un manque de discerne-ment et des lacunes de la mémoire, voire de la raison; qu'une mesure d'interdiction ne s'impose nullement en présence de sem-blable situation mais que la mise sous conseil judiciaire constitue le régime à appliquer aux personnes dont les lacunes et les défaillances de la raison et de la mémoire ne sont que partielles; que c'était d'ailleurs là la mesure que suggérait le docteur R. S ... en écrivant à l'abbé D ... , fils de la défenderesse, qu'une mesure de mise sous conseil judiciaire doit être préférée à une mesure d'interdiction, tant en raison des circonstances patrimoniales et familiales qu'en raison de l'état de la défenderesse elle-même;

    alors que, première branche, -les consi-dérations de l'arrêt, prises isolément ou dans leur ensemble, laissent sans réponse les conclusions du demandeur, faisant valoir que la défenderesse se trouvait in-contestablement le 13 mars 1969, et donc lorsqu'eut lieu l'examen par les experts désignés par le premier juge, sous l'in-fluence de la thérapeutique qui lui était administrée depuis près de deux mois dans l'établissement hospitalier où elle se trouvait à l'époque, de quoi résulte im-plicitement qu'à elles seules les constata-tions faites à l'occasion de cet examen ne permettent pas de porter un jugement définitif sur l'état mental réel de la dé-fenderesse (violation de l'article 97 de la Constitution) ;

    deuxi()me branche, l'arrêt, s'il relève certaines des observations faites par les experts quand ils examinèrent per-sonnellement la défenderesse le 13 mars 1969, omet le fait qu'ils relatent égale-ment dans leur rapport que l'examen 1mmatique de la défenderesse auquel ils avaient procédé à cette occasion réYèle « un syndrome d'imprégnation par neuro-liptiques », d'où résulte implicitement que la défenderesse se trouvait sous l'in-fluence de médicaments destinés à atté-nuer ses troubles et qu'à elles seules les constatations faites par eux le l3 mars 1969 ne permettent pas de porter un juge-ment définitif sur son état réel; que l'arrêt omet encore le fait que, selon le rapport, il résulte d'une déclaration faite aux experts par un médecin de l'établis-sement où elle était hospitalisée que la défenderesse avait été très agitée au dé-but de son séjour et qu'elle avait dü être isolée; que l'arrêt passe encore sous silence le fait que, si en conclusion de

  • COUR DE CASSATION 615

    leur examen mental, les experts décla-rent, en résumé, se trouver en présence

  • 616 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

    jugement dont appel elle avait tenté de mettre fin à ses jours dans des conditions telles qu'il a fallu l'amputer de la main gauche, ce qui, d'après lui, confirme que la défenderesse peut au cours de périodes aiguës de sa maladie être dangereuse pour elle-même et pour son entourage, met particulièrement en lumière la gravité de son état et suffirait à démontrer qu'il importe pour son propre bien que la direc-tion de sa personne lui soit retirée, la nomination d'un conseil judiciaire ne suf-fisant pas, lorsqu'il est nécessaire ou utile de donner des soins non seulement à l'administration des biens de la per-sonne, mais encore à sa santé, la décision attaquée, qui dit n'y avoir lieu d'accueil-lir la demande d'interdiction et ordonne la mise sous conseil judiciaire de la dé-fenderesse, énonce cc qu'aucun document médical ni aucune enquête de police, ou d'ailleurs d'autres documents n'établis-sent la réalité de ces graves incidents »,

    alors que l'absence dans les conclusions de la défenderesse de toute dénégation de sa part en ce qui concerne l'existence du fait personnel, précis et circonstancié, allégué contre elle, ne pouvait, dans ces conditions, avoir d'autre signification qu'une reconnaissance par la défenderesse de l'exactitude de ce fait, tout au moins dans ses éléments matériels, en sorte que l'arrêt ne pouvait, sans méconnaître la foi due aux énonciations des conclusions des parties, et spécialement des conclu-sions de la défenderesse, considérer que la réalité des faits allégués par le deman-deur, et dont l'arrêt reconnaît par ailleurs la gravité, n'aurait été établie par aucun document:

    Attendu que le silence d'une partie sur un fait allégué en justice par la partie adverse ne peut, sauf disposition légale particulière, constituer un aveu ou un acquiescement que s'il est accompagné de circonstances lui conférant ce caractère;

    Que le moyen ne peut être accueilli;

    Par ces motifs, rejette le pourvoi; con-damne le demandeur aux dépens.

    Du 1er mars 1973. - tr• ch. - Prés. 1\f. Valentin, conseiller faisant fonctions

    (1) Le Code judiciaire ne contient pas de disposition analogue à celle de l'article 609 du Code de procédure civile. Désormais l'huis-sier de justice instrumentant doit toujours procéder à une distribution par contribution

    de président. - Rapp. M. Ligot. -Gonez. conf. M. Charles, avocat général. - Pl. MM. Faurès et Philips.

    F• CH. - 2 mars 1973.

    SAISIE. - 8.USIE MOBILIÈRE. - VENTE DES BIENS SAISIS A LA REQUftTE DU CRÉANCIER SAISISSANT. - ÛPPOSITI0:'1 FORMÉE PAR UN AUTRE CR'ÉANCIER SUR LE PRIX DE VENTE. -FORMES DE CETTE OPPOSITION PRESCRITES PAR L'ARTICLE 609 I>U CODE DE PROCÉDURE CIVILE. - REXONCIATION A CES FORMALITÉS. - CONDITION.

    Sous l'empire des dispositions de l'arti-cle 609 du Gode de procédure civile, il était permis auœ parties intéressées de renoncer, de commun accord, à la nul-lité d'une opposition formée par un créancier, entre les mains de l'huissier de justice, à la remise au créancier saisissant des sommes provenant de la vente des objets saisis (1).

    (ROCI'ÉTÉ ANONYME « RAXQCE DE Bl!CXELLES », C. VAN MIEGHEM, VAN DYCKE ET ÉTAT BELGE, MIXISTRE DES FfüANCES.)

    ARRftT (traduction).

    LA COUR; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 15 décembre 1970 par la cour d'appel de Gand;

    Sur le moyen pris de la violation des articles 609, 173 (arrêté royal n° 300 du 30 mars 1936, article 10, confirmé par la loi du 4 mai 1936, article unique) du Code de procédure ch-ile, 6 et, pour autant que de besoin, 1131 du Code civil,

    en ce que le juge du fond considère que les deux premiers défendeurs ne savaient ni ne pouvaient tenir compte de l'opposi-tion formée en dehors des formalités prescrites par l'article 609 du Code de

    aux créanciers saisissants ou opposants, confor-mément aux dispositions des articles 1627 et suivants du Code judiciaire. Tout créancier peut faire opposition à cette distribution, ainsi qu'il est dit à l'article 1629.

  • COUR DE CASSATION 617

    procédure civile et attribue ainsi à cette disposition un caractère d'ordre public et un caractère absolu à la sanction de nul-lité qui y est prévue,

    alors que cet article 609 est étranger à l'ordre public et que les parties pouvaient renoncer aux formalités qui y sont pre-scrites, ce qu'elles ont fait en l'espèce en déclarant qu'elles allaient tenir compte de l'opposition téléphonique de la deman-deresse, de sorte que la nullité relative de l'opposition prévue à l'article 609 du Code de procédure civile était couverte et ne pouvait plus être invoquée :

    Attendu que, en réponse aux conclu-sions par lesquelles la demanderesse allé-guait n'avoir eu, en raison du très court délai de publication de la vente sur saisie, que la seule possibilité de téléphoner le jour même de la vente à l'huissier des contributions pour former opposition à la remise du prix de la vente, opposition au sujet de laquelle les deux premiers défen-deurs auraient déclaré qu'ils allaient en tenir compte, ce que la demanderesse of-frait d'établir par témoins, l'arrêt consi-dère que le seul moyen d'éviter l'attribu-tion du prix de la vente au saisissant était une opposition préalable, conformé-ment à l'article 609 du Code de procédure civile, déclaré applicable;

    Attendu que, pour rejeter la demande en justice introduite par la demanderesse et son offre de preuve de l'accord des deux premiers défendeurs concernant l'op-position, la cour d'appel attribue ainsi implicitement, à tort, audit article 609 la portée d'une disposition légale qui, en aucun cas, n'autorise une renonciation à la nullité prévue, même lorsqu'il s'agit de la renonciation à la nullité d'une oppo-sition déjà formée;

    Que le moyen est fondé;

    Par ces motifs, casse l'arrêt attaqué; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision annu-lée; réserve les dépens; dit qu'il sera

    (1) et (2) DE PAGE, t. IV, no 546; LAURENT, t. XXV, nos 351 et 352; BAUDRY-LACANTINERIE et WAHL, t. XX, nos 1369-1371; AUBRY et RAU, Ge éd. (complétée par Es"EIN), t. V, § 369, p. 273 et la note 24; PLANIOL et RIPERT, t. X, n° 623, p. 898; cass. fr., 25 mai 1870 (Dall., 1871, 1, 14).

    La Cour de cassation de France paraît avoir adopté la solution opposée, à savoir que l'ex-tinction des obligations découlant du bail peut

    statué sur ceux-ci par le juge du fond; renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.

    Du 2 mars 1973. - ir• ch. - Prés. Chevalier Rutsaert, conseiller faisant fonc-tions de président. - Rapp. M. Gerniers. - Conol. conf. M. Krings, avocat général. - Pl. MM. Simont et Fally.

    l"" CH. - 2 mars 1973.

    1° CONVENTION. - CONTRATS INNOMÉS.

    - PREUVE. - RÈGLES APPLICABLES.

    2° PREUVE. - MATIÈRE CIVILE. - Ex-TINCTION D'UNE OBLIGATION. - PREUVE. -

    RÈGLES APPLICABLES.

    3° CONVENTION. - EXTINCTION D'UNE OBLIGATION. - PREUVE. - RÈGLES APPLI-

    CABLES.

    4° LOUAGE DE CHOSES. - BAIL EN GÉNÉRAL. RÉSILIATION PAR ACCORD DES

    PARTIES. - PREUVE. - RÈGLES APPLICA-

    BLES.

    1 ° Les contrats sans dénomination propre sont soumis auœ règles générales appli-cables à la matière des contrats ou des obligations résultant de conventions et, notamment, auœ règles légales de la preuve. (Code civil, art. 1107.)

    2° et 3° Les règles légales de la preuve sont applicables non seulement à la for-mation mais aussi à l'eœtinotion des obligations (1).

    4° La preuve de la résiliation, par accord des parties, d'un contrat de bail doit être faite conformément auœ règles du droit commun en matière de preuve et, notamment, à l'article 1341 du Gode civil (2).

    être prouvée par toute voie de droit : cass. fr., ,! juin 1951 (Bull. arr., ch. civ., 1S51, I, n° 170, p. 133); 8 mars 1957 (ibid., 1957, IV, p. 198); 24 mai 1957 (ibid., 1957, IV, n° 600, p. 427). Le Juris-classeur, vo Bail (en général). Cessa-tion du contrat. Résolution, accord des parties, n° 116, se réfère à cette jurisprudence, sans en donner ni commentaire ni explication.

  • 618 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

    (AERTS E'.l' LAUWERS,

    C. DELPLANQUE ET MERTENS.)

    ARRÊT (traduction).

    LA COUR; - Vu l'arrêt attaqué, renùu le 16 novembre 1971 par la cour d'appel ùe Bruxelles;

    Sur le moyen pris de la violation des articles 1341 et 1353 du Code civil,

    en oe que l'arrêt décide qu'a été résiliée le l•r décembre 1961 par accord réciproque tacite la convention conclue le l•r février 1961 par acte sous seing privé entre feu . Jan Delplanque et les demandeurs, stipu-lant, par dérogation aux dispositions de l'acte notarié passé à la même date entre les parties précitées, que les demandeurs fourniraient auùit Jan Dclplanque sa vie durant, à partir du 1•r mars 1961, le loge-ment et l'entretien, qu'en guise de dédom-magement, Jan Delplanque céderait le 24 septembre 1963, ou à une date anté-rieure s'il venait à décéder, un montant de 50.000 francs sur la somme de 70.000 fr. qu'il avait prêtée aux demandeurs, ainsi que les intérêts sur ce montant de 50.000 francs, et payerait en outre 300 fr. par semaine jusqu'au 24 septembre 1963 et 75 francs par jour après cette date, confirme sur la base de cette décision le jugement dont appel, qui avait déclaré que la remise de 50.000 francs d'emprunt n'avait pas eu lieu et que la remise des intérêts sur ladite somme de 50.000 fr. était révoquée et ,avait condamné les demandeurs à payer ces intérêts à partir du 1er décembre 1961 jusqu'au 1er février 1971 inclus, et considère ladite résiliation comme établie par le fait que feu Jan Delplanque a quitté la maison des de-mandeurs le J:er décembre 1961, qu'aucune des parties n'a exposé les circonstances de ce départ, qu'après celui-ci aucune mise en demeure n'a eu lieu et qu'on ne pouvait trouver aucune trace d'une expli-cation quelconque donnée par feu Jan Delplanque,

    alors que, conformément anx disposi-tions des articles précités du Code civil, la résiliation par accord réciproque d'une convention dont l'objet excède la somme de 3.000 francs ne peut être établie par de simples présomptions de fait :

    Attendu que par la convention litigieuse du 1er février 1961 les demandeurs se sont engagés à fournir à feu Jan Delplanque,

    sa vie durant, le logement et les aliments et que celui-ci a déclaré céder aux deman-deurs, soit le 24 septembre 1963, soit avant cette date s'il venait à décéder, un mon-tant de 50.000 francs sur un prêt hypothé-caire de 70.000 francs qu'il leur avait con-senti ce même l" février 1961 et s'est engagé en outre, en guise de dédommage-ment pour le logement et l'entretien, à payer aux demandeurs jusqu'au 24 sep-tembre 1963 la somme de 300 francs par semaine, ensuite la somme de 75 francs par jour, étant entendu que, si toutes les obligations contractées dans la convention étaient remplies, l'intérêt de 7 pour cent prévu pour le prêt hypothécaire ne devait pas être payé sur ce montant de 50.000 francs;

    Attendu que cette convention constitue un contrat sans dénomination propre;

    Attendu qu'en vertu de l'article 1107 du Code civil, les contrats sans dénomina-tion propre sont soumis aux règles fonda-mentales générales en matière de contrats ou d'obligations résultant de conventions et notamment aux règles en matière de preuve;

    Attendu •que les règles légales en ma-tière de preuve et notamment l'article 1341 du Code civil sont applicables non seule-ment à la formation, mais aussi à l'ex-tinction et notamment à la résiliation des conventions;

    Attendu qu'ainsi, en cas de contestation sur la résiliation d'une convention de bail par accord des parties, les règles du droit commun en matière de preuve et notamment l'article 1341 du Code civil sont applicables;

    Attendu que partant, même si, comme les défendeurs le soutiennent, la conven-tion litigieuse était un bail à nourriture, les règles légales en matière de preuve et notamment l'article 1341 précité seraient applicables à la résiliation de cette con-vention;

    Attendu que l'arrêt n'a pu, dès lors, sans violer les articles 1341 et 13;;3 du Code civil, décider que les obligations con-tractées entre parties par acte sous seing privé du J:er février 1961 étaient résiliéeR par accord réciproque tacite, au seul motif que feu Delplanque avait quitté le l•r décembre 1961 dans des circonstances inconnues l'habitation des demandeurs sans qu'une mise en demeure s'en f1'1t suivie, et sans constater l'impossibilité, pour les parties, de se procurer une preuve écrite;

    Que le moyen est fondé;

  • COUR DE CASSATION 619

    Par ces motifs, casse l'arrêt attaqué; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge

  • 620 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

    vice, le simple fait d'avoir omis ou négligé de prendre les mesures adéquates pour écarter de l'établissement litigieux les quelques personnes qui y auraient utilisé des drogues, semblables omissions ou né-gligences, fussent-elles même fautives, ne pouvant donner lieu à sanctions pénales que dans l'hypothèse où la loi les aurait expressément érigées en infraction :

    Attendu que l'artic.le 3 de la loi du 24 février 1921 érige en infraction notam-ment le fait d'avoir facilité à autrui l'usage, à titre onéreux ou à titre gratuit, de substances soporifiques et stupéfiantes, soit en procurant à cet effet un local, soit par tout autre moyen;

    Attendu que l'arrêt relève que les « deux prévenus (ici les demandeurs) se sont rendu compte que plusieurs clients s'adonnaient à la drogue dans leur éta-blissement; (qu'ils) savaient donc que le local dont ils avaient la responsabilité servait à des drogués pour satisfaire leur vice; qu'ils ont continué à recevoir cette clientèle; ... que ces agissements tombent sous le coup rle la loi, même si l'objectif principal des prévenus consistait dans l'organisation rle représentations artisti-ques et musicales ll ;

    Que, de ces considérations, l'arrêt a pu légalement dérluire que le demandeur a facilité à autrui l'usage de drogues en procurant un 1-0cal à cet effet ;

    Que le moyen manque en droit; Et attendu, pour le surplus, que les for-

    malités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi;

    B. Sur le pourvoi de Wouters : Attendu que les forma.lités substantiel-

    les ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la. décision est conforme à la loi;

    Par ces motifs, rejette les pourvois; condamne les demandeurs chacun aux frais rle son pourvoi.

    Du 5 mars 1973. - 2" ch. - Prés. M. Perrichon, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Legros. -Concl. conf. M. Depelchin, avocat géné-ral. - Pl. M. Faurès.

    2" CH. - 5 mars 1973.

    MOTIFS DES JUGEMENTS ET AR-

    R:ÊJTS. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - DÉCI-

    SION DE CONDAMNATION RENDUE SUR L'ACTION

    PUBLIQUE. - PAS D'INDICATION D'UNE DISPO-

    SITION LÉGALE :ÉTABLISSANT UNE PEINE.

    DÉCISION NON MOTIVÉE.

    N'est pas motivée en droit la décision de condamnation rendue sur l'action publi-que, qui omet d'indiquer une disposi-tion légale établissant une peine pour le fait déclaré constitutif de l'infrac-tion (1),. (Constit., art. 97.)

    (LEFEBVRE.)

    ARRÊT.

    LA COUR; - Vu le jugement attaqué, rendu le 26 octobre 1972 par le tribunal correctionnel de Mons, statuant en degré d'appel;

    Sur le moyen pris, d'office, de la viola-tion de l'article 97 de la Constitution :

    Attendu que, si le jugement attaqué in-dique la disposition légale qui énonce les éléments constitutifs de l'infraction, il omet toutefois d'indiquer une disposition légale établissant une peine;

    Que, dès lors, le jugement n'est pas mo-tivé en droit;

    Par ces motifs, casse le jugement atta-qué; ordonne que mention rlu présent ar-rêt sera faite en marge de la décision annulée; laisse les frais à charge de l'Etat; renvoie la cause au tribunal cor-rectionnel de Tournai, siégeant en degré d'appel.

    Du 5 mars 1973. - 2" ch. - Prés. M. Perrichon, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Legros. -Concl. conf. M. Depelchin, avocat général.

    2° CH. - 5 mars 1973.

    1° APPEL. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - UNA-NIMITÉ. - TRIBUNAL CORREC'l'IONNEL AGORA-

    (1) Cass., 12 décembre 1972, supra, p. 360; cons. cass., 19 septembre 1972, supra, p. 64.

  • COUR DE CASSATION 621

    VANT L'EMPIUSONliEMENT SUBSIDIAIRE PRO-NONCÉ PAR LE TRIBUNAL DE POLICE. -UNANlMI'l'É REQUISE.

    2° APPEL. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - UNA-NUHTÉ. - TRIBUNAL CORRECTIONNEL MAIN-TENANT LA PEINE PRONONCÉE PAR LE TRIBUNAL DE POLICE MAIS SUPPRIMANT LE SURSIS A L'EXÉCUTION DE LA PEINE. - UNANIMITf: RE-QUISE.

    1° Le tribunal correctionnel statuant en degré d'appel ne peut, sans statuer à l'unanimité de ses membres, aggraver l'emprisonnement subsidiaire prononcé par le tribunal de police, même s'ii ne majore pas l'amende (1). (Code d'instr. crim., art. 21lbis.)

    2° Le tribunal correctionnel statuant en degré d'appel ne peut, sans statuer à l'unanimité de ses membres, supprimer le sursis à l'eœécution de la peine ac-cordé par le tribunal de police, s'il ne réduit pas la peine prononcée par ce-lui-ci (2). (Code d'instr. crim., arti-cle 2llbis.)

    (PROCUREUR DU ROI A LIÈGE, C. OGER.)

    ARRÉT.

    LA COUR; - Vu le jugement attaqué, rendu le 12 octobre 1972 par le tribunal correctionnel de Liège, statuant en degré d'appel;

    Sur le moyen pris de la violation de l'article 21lbis du Code d'instruction cri-minelle,

    en ce que le jugement attaqué aggrave la condamnation prononcée par le premier juge à charge de la défenderesse, sans constater que le tribunal d'appel a statué à l'unanimité de ses membres :

    Attendu que, par jugement rendu le 7 septembre 1972, le tribunal de police de Liège n condamné la défenderesse à une peine d'amende augmentée de décimes additionnels, à une peine d'emprisonne-ment subsidiaire de huit jours et à une partie des frais de l'action publique; que

    (1) Cass., 23 octobre 1972, supra, p. 181. (2) Cass., 29 mai 1972 (Bull. et PASIC., 1972,

    I, 902); comp. cass., 11 octobre 1954 (Bull. et PAsIC., 1955, I, 93); cons. cass., 11 mai 1970 (ibid., 1970, I, 789) et 4 octobre 1971 (ibid., 1972, I, 122).

    ledit jugement accordait à la défenderesse un sursis d'un an pour le payement de l'amende;

    Attendu que sur l'appel du ministère public, tout en prononçant la même peine d'amende, le tribunal correctionnel fixe la durée de l'emprisonnement subsidiaire à quinze jours et retire à la défenderesse le bénéfice du sursis;

    Attendu qu'en majorant la durée de l'emprisonnement subsidiaire et en reti-rant, en outre, à la condamnée le bénéfice du sursis, le juge d'appel aggrave la condamnation prononcée par le premier juge et qu'en ne constatant pas que le tribunal d'appel a statué à l'unanimité de ses membres, le jugement viole la dispo-sition légale visée au moyen;

    Que celui-ci est fondé;

    Par ces motifs, casse le jugement atta-qué, en tant qu'il statue sur l'action publi-que exercée contre la défenderesse ; or-donne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision partielle-ment annulée ; laisse les frais à charge de l'Etat; renvoie la cause, ainsi limitée, au tribunal correctionnel de Huy, siégeant en degré d'appel.

    Du 5 mars 1973. - 2" ch. - Prés. M. Perrichon, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Closon. -Goncl. conf. M. Depelchin, avocat général.

    2e CH. - 6 mars 1973.

    1° MOYENS DE CASSATION. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION PCBLIQCE. - PEINE UNIQUE PRONONCÉE POUR PLUSIEURS INFRAC-TIONS. - MOYEN l\'E CONCERNANT QUE L'UNE DE CES INFRACTIONS. - PEINE LÉGALEMENT JUSTIFIÉE PAR UNE Al'TRE I:l'FRAC1'10N. -MOYE:\' IRRECEVABLE.

    2° LOIS ET ARRÊJTÉS. - APPLICATION DANS LE TEMPS. - LOI NOUVELLE MODIFIANT LES MODALITÉS DE RÉPARATION D'UNE INFRAC-TION. - POINT D'EFFET RÉTROACTIF, SAUF VOLONTÉ CONTRAIRE DU LÉGISLATEUR.

    3° URBANISME. - Exf:CUTION DE TRAVAUX SANS AUTORISA'rION. - REMISE DES LIEUX EN f:TAT. - REMISE E:1' ÉTAT l\'E POUVANT

  • 022 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

    PLUS, DEPUIS L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA

    LOI DU 22 DÉCEMBRE 1970 MODIFlA'.'iT CELLE DU 29 MARS 1962, ÊTRE ORDONNÉE QU'A LA DEMANDE DU FONCTIONNAIRE DÉLÉGUÉ OU DU

    COLLÈGE DES BOURGMESTRE ET ÉCIIEVINS. -

    MÊME LORSQUE L'INFRAO'l'ION A ÉTÉ COMMISE

    AVANT CETTE ENTRÉE EN VIGUEUR.

    1 ° Lorsqu'une peine unique a été pronon-cée pour plusieurs infractions, est irre-cevable, à défaut d'intérêt, la demande de cassation de la décision rendue sur l'action publique qui est fondée sur un moyen ne concernant que l'une de ces infractions, alors que la peine prononcée demeure légalement justifiée par une autre infraction (1). (Code d'instr. crim., art. 411 et 414.)

    2° Une loi qui modifie les modalités de ré-paration d'une infraction, établies par une loi antérieure, n'a point d'effet rétroactif, sauf volonté contraire, ex-presse ou tacite, du législateur (2). (Code civil, art. 2.) (Solution implicite.)

    3° Lorsque des travaux ont été exécutés sans permis de bO,tir ou de lotir, la remise des lieux en état ne peut plus, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 22 décembre 1970, être ordonnée qu'à la demande du fonctionnaire délégué ou du collège des bourgmestre et échevins, même lorsque l'infraction a été commise avant l'entrée en vigueur de ladite loi (3). (Loi du 29 mars 1962, modifiée par la loi du 22 décembre 1970, art. 64, 65 et 76bis.)

    (VON ESCHEN ET LAMBEAU.)

    ARRÊT (traduction).

    !.,A COUR; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 28 juin 1972 par la cour d'appel de Bruxelles;

    Sur le premier moyen, pris de la Yiola-tion des articles 97 de la Constitution, 44 et 64 de la loi du 29 mars 1962 organique de l',aménagement du territoire et de l'urbanisme,

    en ce que l'arrêt attaqué, confirmant Je jugement dont appel, condamne chacun des demandeurs à une amende, pour avoir

    (1) Cass., 8 mars 1971 (Ball. et PAsrc., 1971, I, 619); 19 février 1973, supra, p. 583.

    (2) et (3) Cass., 21 novembre 1972, supra, p. 281.

    tant avant qu'après le 10 janvier 1970, construit une maison à Sterrebeek sans permis préalable écrit et exprès du collège des bourgmestre et écheyins et avoir maintenu ces travaux, et rejette le moyen par lequel les demandeurs soutenaient en conclusions d'appel qu'un permis de bâtir régulier, n° 2555, daté des 21 mars 1968 et 16 octobre 1969, leur avait été délivré et que les travaux effectués étaient confor-mes aux plans approuvés et aux condi-tions indiquées dans le permis de bâtir; qu'il fonde sa décision sur la considéra-tion que le fait qu'une terrasse de pierre, d'une largeur de 1,65 mètre, partielle-ment construite sur pilotis et s'étendant du milieu de la façade ouest à la façade sud incluse, ait été indiquée par des traits croisés sur les plans originairement ap-prouvés n'implique pas l'autorisation de bâtir une terrasse et qu'à défaut de dessin précis à cet égard les demandeurs ne peuvent invoquer leurs propres négligence et imprécision pour excuser les faits; qu'ils devaient d'ailleurs savoir que le plan particulier d'aménagement du quar-tier comprenait un espace libre d'au moins trois mètres par parcelle et que l'autorisation ne pouvait dès lors être accordée,

    alors que les demandeurs avaient fait valoir en conclusions que, non seulement ils niaient toute contravention au plan particulier d'aménagement, mais encore qu'ils possédaient une autorisation admi-nistrative pour la construction projetée et qu'à défaut de violation d'obligations contractuelles ou de voisinage prévues par le Code civil ils avaient fait un usage licite des attributs du droit de propriété; qu'aux termes de l'article 2 de la loi organique tous les plans d'aménagement sans distinction ont force obligatoire,

    et que, en se bornant à constater qne la construction n'est pas conforme aux plans approuvés, sans se prononcer sur l'éven-tuelle responsabilité de l'autorité commu-nale en raison d'une lecture ou interpré-tation erronées des plans de construction, l'arrêt ne permet pas à la Cour de vérifier si les juges ont fait une exacte application des dispositions légales invoqnées ci-dessus et, partant, ne répond pas de manière adéquate au moyen soulevé par les demandeurs, défaut de réponse qui équivaut à l'absence de la motivation requise par l'article 97 de la Constitu-tion:

    Et sur le second moyen, pris de la

  • COUR DE CASSATION 623

    violation des articles 1317, 1319, 1320 et 1322 du Code civil,

    en ce qite, quant au remblayage effectué par les

  • 624 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

    marge de la décision partiellement annu-lée; condamne les demandeurs à la moitié des frais et laisse l'autre moitié à charge de l'Etat; renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Gand.

    Du 6 mars 1973. - 2" ch. - Prés. M. Delahaye, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Versée. -Oonol. oonf. M. Krings, avocat général. - Pl. M. Vanderseypen (du barreau de Louvain).

    2• CH. - 6 mars 1973.

    1° PREUVE. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. CAS OÙ LA LOI N'IMPOSE PAS UN MODE SPÉ-CIAL DE PREUYE. - POUVOIR DU JUGE.

    2° APPRÉCIATION SOUVERAINE PAR LE ,JUGE DU FOND. - MATIÈRE RÉ-PRESSIVE. - NÉCESSITÉ OU OPPORTUNITÉ D'UNE MESURE D'INSTRUCTION. - APPRÉCIA-TION SOUVERAINE.

    3° DROI'l'S DE LA DÉFENSE. - MA-TIÈRE RÉPRESSIVE. - DEMANDE D'INSTRUC-TION COMPLÉMENTAIRE ET NOTAMMENT D'AU-DITION DE TÉMOINS. - MESURE REFUSÉE PAR LE JUGE EN RAISON DE SON INUTILITÉ. - POINT DE VIOLATION DES DROITS DE LA DÉFENSE.

    1° En matière répressive, lorsque la loi ne prescrit pas un mode spécial de preuve, le juge du fond apprécie souve-rainement, en conscience, la valeur pro-bante des éléments de fait qui lui sont soumis (1).

    2° Le juge du fond apprécie souveraine-ment la nécessité ou l'opportunité d'une mesure d'instruction et, notamment, de l'audition de témoins à l'audiençe (2).

    3° Ne viole point les droits de la défense le juge qui rejette une demande d'in-struction complémentaire, notamment

    (1) Cass., 30 octobre 1967 (Bull. et PAsrc., 1968, I, 306); cons. cass., 19 décembre 1972, supra, p. 389.

    (2) Cass., 19 juin 1972 (Bull. et PAsrc., 1972, I, 963) et 21 novembre 1972, supra, p. 2'86.

    13) Cass., 4 janvier 1972 (Bull. et PAsrc., 1972, 1, 430).

    une demande d'audition de témoins, en raison de ce que cette mesure n'est pas nécessaire pour asseoir sa conviction (3).

    (NEYRINCK.)

    ARRtT (traduction).

    LA COUR; - Vu le jugement attaqué, rendu le 6 octobre 1972 par le tribunal correctionnel de Courtrai, statuant en de-gré d'appel;

    Sur le premier moyen, pris de la viola-tion des articles 97 de la Constitution et 62 de la loi relative à la police de la circulation routière,

    en ce que le jugement attaqué condamne le demandeur du chef d'infraction à l'ar-ticle 48, 1 °, de la loi relative à la police de la circulation routière au seul motif qu'un procès-verbal fait foi jusqu'à preuYe contraire,

    alors que, si ce principe, consacré par l'article 62 précité, est exact en soi, il en a été fait une application erronée en l'espèce; qu'un procès-verbal relatif à une contravention en matière de roulage ne fait foi que des constatations de l'agent verbalisant lui-même et non de l'exacti-tude ni de la sincérité des déclarations reproduites; qu'en l'espèce l'agent verba-lisant n'a rien constaté par lui-même mais s'est borné à reproduire une déclaration; que, s'il peut être considéré comme établi que le demandeur a fait une déclaration, on ne peut toutefois prétendre que l'exac-titude du contenu de cette déclaration est établie jusqu'à preuve du contraire; que cette motivation erronée équivaut à une absence de motifs et que, dès lors, le jugement viole la Constitution :

    Attendu que le jugement considère « que l'aveu fait par l'appelant (ici demandeur) aux agents verbalisants et consigné dans un procès-verbal régulier fait pleinement foi jusqu'à preuve contraire; qu'une sim-ple dénégation ultérieure de l'appelant ne suffit pas à apporter cette preuYe >>;

    Attendu que par cette considération le jugement n'entend pas que le contenu du procès-verbal fait foi jusqu'à preuve con-traire, mais décide qu'il y a lieu de faire crédit à l'aveu du demandeur, à moins qu'il soit établi que cet aveu n'est pas conforme à la réalité, et qu'à cet égard une simple dénégation du demandeur est, en l'espèce, insuffisante;

  • COUR DE CASSATION 625

    Attendu que le jugement n'applique donc pas l'article 62 de la loi relative à la police de la circulation routière, mais une règle générale concernant l'adminis-tration de la preuve en matière répressive, à savoir que le juge apprécie souveraine-ment la valeur probante des éléments de fait de la cause ;

    Que le moyen, qui procède d'une inter-prétation erronée du jugement, ne peut être accueilli ;

    Sur le second moyen, pris de la viola-tion des droits de la défense,

    en ce que le tribunal a refusé d'enten-dre le nommé Cools Jozef sous serment à l'audience, ou même à titre de simple renseignement :

    Attendu que le jugement relève que la prévention est établie à suffisance de droit par l'aveu du demandeur; qu'il constate ainsi l'inutilité de l'enquête sollicitée en conclusions par le demandeur et motive par là même le rejet de la demande;

    Attendu que le juge du fond apprécie souverainement la nécessité ou l'opportu-nité d'une mesure d'instruction, notam-ment de l'audition de témoins, et que lorsqu'il rejette une demande à cette fin au motif qu'il considère la mesure solli-citée comme superflue pour asseoir sa conviction, il ne viole pas les droits de la défense;

    Que le moyen ne peut être accueilli ; Et attendu que les formalités substan-

    tielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est con-forme à la loi;

    Par ces motifs, rejette le pourvoi; con-damne le demandeur aux frais.

    Du 6 mars 1973. - 2" ch. - Prés. M. Delahaye, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Versée. -Ooncl. conf. M. Krings, avocat général. - Pl. M. Godeeris (du barreau de Cour-trai).

    2e CH. - 6 mars 1973.

    1° LANGUE FRANÇAISE - LANGUE NÉERLANDAISE (EMPLOI). - MA-TIÈRE RÉPRESSIVE. - PROCÉDURE DEVANr

    LA COUR DE CASSATION. - DÉCISION ATTA-

    QUÉE RENDUE EN NÉERLANDAIS. - DEMAN-

    DEUR SOLLICITANT Ql:E LA PROCÉDURE SOIT

    FAITE E'.'I LANGl:E FRANÇAISE. - DEMANDE

    IRRECEVABLE.

    2° POURVOI EN CASSATION. - MA-TIÈRE RÉPRESSIVE. - ARRÈT DE LA CHAMBRE

    DES MISES EN ACCUSATION DÉCIDANT LE MAIN-

    TIEN DE LA DÉTENTION PUÉVE'.'ITIVE DU PRÉ-

    VENU. - MISE EN LIBERTÉ ULTÉRIEURE. -

    POURVOI DEVENU SANS OBJET.

    1 ° La partie qui se pourvoit en cassation est irrecevable à demander que la procé-dure devant la Oour soit faite en lan-gue française, lorsque la décision atta-quée a été rendue en néerlandais (1),. (Loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire, art. 27.)

    2° Devient sans objet le pourvoi formé par le prévenu contre un arret de la cham-bre des mises en accusation décidant le maintien de la détention préventive du prévenu, s'il a été ultérieurement mis fin à cette détention (2).

    (MESBAHI EL AYD.)

    ARdT (traduction).

    LA COUR; - Vu les arrêts attaqués, rendus les 28 novembre 1972 et 27 décem-bre 1972 par la chambre des mises en accusation de la cour d'appel de Gand;

    Attendu que les pourvois dirigés contre ces arrêts sont connexes;

    Quant à la requête du demandeur ten-dant à entendre ordonner que la cause sera instruite en français devant la Cour :

    Attendu que, les décisions attaquées ayant été rendues en néerlandais, la pro-cédure devant la Cour doit, aux termes de l'article 27 de la loi du 15 juin 1935 con-cernant l'emploi des langues en matière judiciaire, être faite en cette langue;

    Que la loi ne permet pas, même à la demande du demandeur en cassation, de déroger à cette règle;

    Quant aux pourvois : Attendu que les arrêts décident le main-

    (1) Cass., 21 juin 1965 (Bull. et PASIC., 1965, I, 1152).

    (2) Cass., 22 décembre 1958 (Bull. et PAsrc., 1959, I, 424); 12 janvier 1970 (ibid., 1970, I, 399); cons. cass., 21 septembre 1971 (ibid., 1972, I, 70).

  • 626 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

    tien de la détention ordonnée par les juges d'instruction de Termonde;

    Attendu que le 28 décembre 1972 le demandeur a été mis en liberté par le juge d'instruction de Termonde;

    Que les pourvois sont irrecevables à dé-faut d'objet;

    Par ces motifs, joint les pourvois; re-jette la requête en modification de la lan-gue de la procédure devant la Cour; rejette les pourvois; condamne le deman-deur aux frais.

    Du 6 mars 1973. - 2• ch. - Prés. et Rapp. M. Delahaye, conseiller faisant fonctions de président. - Ooncl. conf. M. Krings, avocat général. - Pl. M. Aron-stein (du barreau de Bruxelles).

    2• CH. - 6 mars 1973.

    POURVOI EN CASSATION. - DÉLAI. -MATIÈRE RÉPRESSIVE. - DKCISION SE BOR-NAN'.l' A ORDONNER LA RÉOUVERTURE DES DÉ-BATS. POURVOI AVANT LA DÉCISION DÉFINITIVE. - IRRECEVABILITÉ.

    Est irrecevable le pourvoi formé, avant la décision définit'ive, contre une décision qui, sans statuer sur une contestation de compétence, se borne à ordonner la réouverture des débats (1). (Code d'in-struction crim., art. 416.)

    (VAN CRAEM.)

    ARRi:T (traduction).

    Arrêt conforme à la notice.

    Du 6 mars 1973. - 2• ch. - Prés. et Rapp. M. Delahaye, conseiller faisant fonctions de président. - Ooncl. conf. M. Krings, avocat général.

    (1) Cass., 18 janvier 1965 (Bull. et PASIC., 1965, I, 484); cons. cass., 23 mars 1971 (ibid., 1971, I, 682) ; 18 décembre 1972, supra, p. 385.

    (2) Dans le cas d'espèce, le contrat d'emploi liant les parties a été rompu le 5 juillet 1966. L'article 35 des lois coordonnées relatives au contrat d'emploi a été remplacé par la loi du

    3° CH. - 7 mars 1973.

    LOUAGE D'OUVRAGE. - LOUAGE DE TRA-VAIL. - CONTRAT D'EMPLOI. - ÂRTICLE 35, .ILINFA 5, DES LOIS COORDONNÉES. - ANNf:E A:VTÉHIEURE. - NOTION.

    Au sens de l'article 35, alinéa 5, des lois coordonnées relatives au contrat d'em-ploi, les mots « année antérienre ll dési-gnent l'année civile qui précède i'année au cours de laquelle s'est produit l'évé-nement qui entraîne l'application de cette disposition légale (2).

    (SOCIÉTÉ ANONYME « ENTENTE DES PATRONS BOUCHERS

    ET CHARCUTIERS)), C. MARON.)

    ARRf:T.

    LA COUR; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 4 juin 1971 par la cour du travail de Bruxelles;

    Sur le premier moyen, pris de la viola-tion des articles 3-l et 35, spécialement alinéas 1er et 5, des lois relatives au con-trat d'emploi, coordonnées par l'arrêté royal du 20 juillet 1955, pour autant que de besoin dudit article 34, tel qu'il a été modifié par l'article 56 de la loi du 21 no-vembre 1969, 1er et 2 de la loi du 30 juillet 196.'l fixant le statut des représentants de commerce,

    en ce qne l'arrêt déclare que l'action

  • COUR DE CASSATION 627

    sont calculés sur le montant de la rémuné-ration de l'année antérieure et qu'il faut entendre par là les commissions et les avantages de l'année civile qui précède l'événement donnant lieu à leur détermi-nation, en l'occurrence le renvoi sans préavis :

    Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que la rémunération du défendeur consis-tait principalement en commissions, que le contrat d'emploi qui liait les parties a été rompu le 5 juillet 1966, et que l'action n'a été introduite que le 10 décembre 1968;

    Attendu que, suivant l'article 3i des lois relatives au contrat d'emploi coor-données le 20 juillet 1955, les actions nais-sant d'un contrat d'emploi sont prescri-tes un an après la cessation du contrat;

    Qu'antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 21 novembre 1969, cette règle n'était applicable qu'au contrat d'emploi rlont la rémunération annuelle convenue ne dépassait pas 180.000 francs;

    Attendu qu'avant d'être modifié par la loi du 21 novembre 1969, .l'article 35, ali-néa 5, des lois coordonnées disposait que, pour l'application de cet article, les com-missions et avantages variables devaient être calculés sur le montant de la rémuné-ration de l'année antérieure;

    Attendu que l'article 35, alinéa 5, pré-cité ne comporte aucune ambiguïté : que, dans ce texte, les mots « année anté-rieure )) ne peuvent désigner que l'année civile qui précède l'année au cours de laquelle le contrat d'emploi a pris fin;

    Que, dès lors, en substituant au mode de calcul des commissions prescrit par la loi pour déterminer son champ d'appli-cation, un autre mode de cnlcul qui a été établi par la loi à d'autres fins, le juge a violé l'article 35 des lois relatives au contrat d'emploi;

    Qne le moyen est fondé ;

    Par ces motifs, casse l'arrêt attaqué; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision annu-lée; réserve les dépens afin qu'il soit sta-tué sur ceux-ci par le juge du fond; renvoie la cause devant la cour du travail de Liège.

    Du 7 mars l!J73. - 3c ch. - Prés. et Rapp. M. Polet, conseiller faisant fonc-tions de président. - Goncl. conf. M. Du-chatelet, avocat général. - Pl. M. Fally.

    3° CH. - 7 mars 1973.

    POURVOI EN CASSATION. - DÉSISTE-

    MENT. - MATIÈRE CIVILE. - DÉSISTEMENT

    NON SIGNIFIÉ MAIS ACCEPTÉ PAR LE DÉFEX-

    DEUR. - DÉCRÈTDIE."iT.

    En matière civile, la Gour décrète le désistement du pourvoi en cassation, qui n'a pas été signifié au défendeur, mais est accepté par lui (1). (Code judic., art. 824 et 1042.)

    {SOCIÉTÉ ANONYME « LOWETTE )), C. NISSEN.)

    Arrêt conforme à la notice.

    Du 7 mars 1973. - 3"' ch. - Prés. M. Polet, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Chevalier de Schaet-zen. - Goncl. conf. M. Duchatelet, avocat général. - Pl. MM. van Hecke et Simont.

    3e CH. - 7 mars 1973.

    1° MOYENS DE CASSATION. - MATIÈRE CIVILE. - MOYEN REPROCHANT AU JUGE

    D'AVOIR DÉCIDÉ QUE LE CONTRAT LIANT DEUX

    PARTIES N''ÉTAIT PAS UN CONTRAT D'EMPLOI,

    - MOYE.'! N'INDIQUANT, COMME DISPOSITIONS

    IJÉGALES VIOLÉES, Q'CE LES AHTICLES 14, 15 ET 20 DES LOIS COORDONNÉES RELATIVES AU CONTRAT D'EMPLOI, - MOYEN IRRECEVABLE.

    2° MOTIFS DES JUGEMENTS ET AR-RÊTS. - CONC'LPSTONS. - MATIÈliE CI-

    VILE. - JUGE DU FOND RE-JETANT LE FOXDE-

    MENT D'UNE DEMANDE OU D'l:NE DÉFENSE FOR-

    MFTJf:E EX CONCLUSIO'.'.S, EN ÉXONÇANT LES

    FAITS Jl:STIFIANT CE REJET. - RE.TET IMPLI-

    QUANT CELUI DE LA DÉDUC'J'ION TIHÉE DE CE'l'IE

    DEMANDE OU DE CETTE DÉFEXSE. - DÉCISIO:S

    RÉGULIÈRE~fE:'iT MOTIVl:E.

    3° MOTIFS DES JUGFJMENTS ET AR-RÊTS. - MA'l'IÈRE CI\'ILE. - ARGI:~IEXT.

    - POINT D'OBLIGATION POUR LE JUGE DE

    LE REXCONTRER.

    (1) Cass., 16 septembre 1971 et 14 avril 1972 (Bull. et PASIC., 1972, I, 52 et 750) ; cons. cass.,

    1 13 septembre 1972, supra, p. 51.

  • 628 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

    1° Est irrecevable, en matière civile, le moyen qui, reprochant au juge d'avoir décidé que le contrat liant deuœ parties n'était pas un contrat d'emploi, n'indi-que, comme dispositions légales violées, que les articles 14, 15 et 20 des lois coordonnées relatives au contrat d'em-ploi. (Code judic., art. 1080.)

    2° Le juge du fond qui rejette, en relevant des faits différents ou contraires, les éléments sur lesquels se fonde une de-mande ou une défense formulée en conclusions, repousse la déduction tirée de cette demande ou de cette défense en motivant régulièrement sa déci-sion (1). (Constit., art. 97.)

    :1° Le juge n'est pas tenu de répondre auœ éléments d'une défense qui ne consti-tuent pas des moyens distincts mais de simples arguments (2). (Constit., arti-cle 97.)

    (NAUWELAERTS, C. STEVENS ET ADAMS.)

    ARRl1:T.

    LA COUR; - Vu la sentence attaquée, rendue le 20 octobre 1970 (3) par lè conseil de prud'hommes d'appel de Bruxelles;

    Vu le moyen pris de la violation des articles 14, 15, 20 des lois relatives au contrat d'emploi, coordonnées le 20 juillet 1955, et 97 de la Constitution,

    en ce que la sentence attaquée met à néant les deux sentences rendues par le premier juge et déboute la demanderesse de son action, pour les seuls motifs que « les éléments de la cause ne démontrent pas que l'intimée (la demanderesse) a travaillé sous les ordres, la direction et la surveillance de l'appelante ii, que la dé-fenderesse devait faire confiance à la demanderesse, que celle-ci se considérait elle-même comme exploitante, ne s'étant pas déclarée à l'Office national de sécurité sociale, et qu'elle exerçait ses fonctions « non en qualité de subordonnée, mais en exécution d'un mandat qui lui fut con-fié)),

    alors qiie, première branche, les cir-

    (1) Cass., 17 mai 1972 (Bull. et PAsrc., 1972, I, 857).

    (2) Cass., 18 février 1971 (Bull. et PAsrc., 1971, I, 560); 28 avril 1972 (ibid., 1972, I, 796).

    (3) Le pourvoi a été introduit le 7 juillet 1972.

    constances invoquées par la sentence sont insuffisantes pour écarter la qualification de contrat d'emploi alléguée par la de-manderesse, que le fait que la défende-resse devait faire confiance à la demande-resse n'exclut nullement que celle-ci se soit trouvée sous ses ordres, sa direc-tion et sa surveillance et que l'abs,~nce d'affiliation à l'Office national de sécurité sociale n'exclut pas davantage l'existence d'un contrat d'emploi (violation des arti-cles 14, 15 et 20 des lois coordonnées du 20 juillet 1955 sur le contrat d'emploi),

    et, seconde branche, la sentence atta-quée a négligé de répondre aux conclu-sions régulièrement prises par la deman-deresse devant le conseil ùe prud'hommes d'appel de Bruxelles, en tant que ces conclusions faisaient valoir que la deman-deresse avait l'obligation de rendre compte, que ses fonctions s'exerçaient pendant toute la journée et au lieu d'ex-ploitation du commerce, sous les ordres directs de la défenderesse pendant un an et demi, et qu'entre le louage de services et le mandat, il fallait, en cas de doute, préférer le louage de services en raison du caractère de bienfaisance du mandat (violation de l'article 97 de la Constitu-tion):

    Sur la fin de non-recevoir déduite de ce que la première branche du moyen ne vise que les articles 14, 15 et 20 des lois relatives au contrat d'emploi coordonnées le 20 juillet 1955; que ces dispositions légales ne permettent pas de déterminer la nature du contrat litigieux et partant ne sont pas celles dont le grief articulé impliquerait la violation :

    Attendu que, suivant l'article 1080 du Code judiciaire, la requête en cassation doit contenir, entre autres, l'indication des dispositions légales dont la violation est invoquée;

    Attendu qu'en l'espèce les articles visés au moyen sont étrangers au grief allégué dans la première branche;

    Qu'en cette branche le moyen est ir-recevable;

    Sur la seconde branche :

    Attendu que la demanderesse soutenait que le contrat litigieux n'était pas un mandat, mais un contrat d'emploi;

    Attendu qu'à cet égard la sentence relève « qu'il n'est pas contesté que l'ap-pelante (la défenderi>.ise) était, au mo-

  • COUR DE CASSATION 629

    ment du décès de sa mère, au service de l'Unesco en France et qu'elle s'y trouva jusque fin octobre 1963, date à laquelle elle revint à Bruxelles a,ec son mari et s'installa dans l'immeuble où était ex-ploité le restaurant, s'initiant progressi-vement à sa gestion; que, ne connaissant rien de l'exploitation d'un restaurant et ayant ses propres fonctions à assumer, elle avait accepté l'offre faite par l'inti-mée (la demanderesse), qui était liée d'amitié avec sa mère, de maintenir le restaurant en exploitation pendant son absence >> et précise « que les éléments de la cause ne démontrent pas que l'intimée a travaillé sous les ordres, la direction et la sur.ei11ance de l'appelante>>;

    Qu'ainsi la sentence indique les motifs sur lesquels elle se fonde pour écarter la thèse proposée par la demanderesse et répond de manière adéquate à ses con-clusions; que le juge n'était pas tenu, en outre, de rencontrer chacun des argu-ments qui étaient invoqués à l'appui de cette thèse ;

    Qu'en cette branche le moyen ne peut être accueilli ;

    Par ces motifs, rejette le pourvoi; con-damne la demanderesse aux dépens.

    Du 7 mars 1973. - 3" ch. - Prés. M. Polet, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Closon. - OoncZ. conf. M. Duchatelet, avocat général. -Pl. MM. Van Ryn et Philips.

    CH. RÉUNIES. - 8 mars 1973.

    1° CASSATION. - CHAMBRES RÉUNIES. -MATIÈRE CIVILE. - COMPÉTENCE.

    2°, 3°, 4° et 5° ACCIDENT DU TRA-

    (1) Cass., 16 janvier 1964 (Bull. et PAsrc., 1964, I, 520) et la note 3; 24 juin 1964 (ibid., 1964, I, 1148) et la note 1, p. 1149; 16 septem-bre 1969 (ibid., 1970, I, 46) et la note 1, p. 47; cons. cass., 2 mai 1969 (ibid., 1969, I, 781) et la note 2.

    (2) Cass., 9 novembre 1967 (Bull. et PAsrc., 1968, I, 332) et la note 4, p. 333; 8 mars 1972 (ibid., 1972, I, 637).

    V AIL. - ACCIDENT SUR LE CHEMIN DU TRAVAIL. - NOTION.

    1 ° Relève des chambres réunies de la Cour l'eœamen du moyen invoqué à l'appui d'un pourvoi dirigé contre le jugement d'un tribunal de première instance rendu sur renvoi, après cassation, lors-que ce jugement est inconciliable avec l'arrêt de cassation et que le moyen est le même que celui qui a été accueilli par ledit arrêt (1). (Code judic., arti-cle 1119.)

    2° Le chemin rfa travail s'entend du trajet normal que le travailleur doit parcourir pour se rendre du lieu de sa résidence ou du lieu oü il prend son repas, au lieu de l'eœécution du travail et inver-sement, ou encore pour se rendre au lieu du payement des salaires et pour en revenir (2). (Arrêté-loi du 13 décem-bre 1945, art. l•r.)

    3° Si le juge peut a

  • 630 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

    (SOCIÉTÉ A'.'iONYME « SOCIÉ'l'É SUISSE D' ASSU-RANCE CONTRE LES ACCIDE:'lTS, A WINTER-

    THUR ll, C, DE NUTTE J., DE SAEDELEER, DE

    NUT'fE L. ET VAN LAEKEN.)

    ARRll:T (traduction).

    LA COUR; - Vu le jugement attaqué, rendu en degré d'appel, le 8 juin 1971, par le tribunal de première instance d'Aude-narde, statuant sur renvoi;

    Vu l'arrêt rendu par la Cour le 23 sep-tembre 1966 (1);

    Vu l'arrêt rendu par la Cour le 6 mars 1970 (2), cassant le jugement du 31 janvier 1969 du tribunal de première instance de Gand statuant en degré d'appel et sur renvoi, et renvoyant la cause devant le tribunal de première instance d'Aude-narde;

    Sur le moyen pris de la violation des articles l•r et 2 de l'arrêté-loi du 13 dé-cembre 19--15 relatif à la réparation des dommages résultant des accidents surve-nus sur le chemin du travail et 97 de la Constitution,

    en ce que le jugement attaqué, bien qu'il admette en fait que l'accident qui a entraîné le décès, le 17 septembre 1963, de l'époux de la première défenderesse est survenu lorsque celui-ci se rendait à son travail, venant non de sa résidence à Hekelgem mais de l'habitation de ses parents à Erembodegem où il avait occa-sionnellement passé la nuit, décide néan-moins qu'il s'agit en l'espèce d'un acci-dent survenu sur le chemin àu travail au sens de l'arrêté-loi du 13 àécembre 1945; aux motifs qu'au moment de l'accident la victime avait déjà suivi sur une distance de deux kilomètres le trajet qu'elle par-courait journellement en partant de son domicile, qu'en raison des circonstances dans lesquelles il est survenu, cet accident est inhérent aux risques normaux du tra-jet, qu'il s'agit donc seulement de savoir si le fait qu'au jour de l'accident la vic-time ne soit pas partie de sa résidence est conciliable avec ce que prescrit l'alinéa 2 de l'article l•r de l'arrêté-Toi précité, -qu'en l'espèce le lieu de l'acciàent est situé sur un point du chemin géographique entre la résidence de la victime et le lieu de l'exécution de son travail, que l'accident

    (1) Bull. et PASIC., 1967, I, 82. (2) Bull. et PASIC., 1970, I, 587.

    survenu sur le trajet géographiquement délimité entre la résidence de la victime et son lieu de travail est considéré comme un accident du travail par application des dispositions de l'arrêté-loi du 13 décembre 1945, que l'on ne peut alléguer que cette manière de voir étendrait la notion même des trajets définis par les alinéas 2 et 3 de l'article ;t•r de cet arrêté-loi, que la question de savoir si la victime n'aurait suivi ce chemin géographiquement déli-mité qu'à partir d'un certain endroit est, dès lors, sans intérêt, et qu'en l'espèce il est également sans intérêt d'examiner si la maison des parents de la victime à Erembodegem peut être considérée comme sa seconde résidence ou comme une rési-dence temporaire, puisqu'il est établi que l'accident est survenu sur un trajet nor-mal entre le domicile de la victime et le lieu où elle devait se présenter au travail,

    alors qu'aux termes de l'article 1•r de l'arrêté-loi du 13 décembre 1915, le che-min du travail s'entend du trajet normal que le travailleur doit parcourir pour se renàre du lieu de sa résidence ou du lieu où il prend son repas, au lieu de l'exécu-tion du travail et inversement, ou encore pour se rendre au lieu du payement des salaires et pour en revenir, et que le jugement attaqué étend illégalement la notion même des trajets limitativement définis par les alinéas 2 et 3 de l'article 1•r précité, en décidant que l'accident sur-venu sur un point du trajet géographique-ment délimité entre la résidence de la victime et son lieu de travail, est consi-déré comme un accident du travail par application des dispositions de l'arrêté-loi du 13 décembre 1945, même si au moment de l'accident la victime ne parcourait pas le trajet entre sa résidence et le lieu de son travail,

    et que, partant, le jugement qui se fonde sur cette interprétation erronée du chemin du travail viole les dispositions légales précitées en décidant que l'acci-dent qui a causé le décès de l'époux de la première défenderesse lorsqu'il se rf'ndait au lieu de son travail, venant non

  • COUR DE CASSATION 631

    tant de son domicile, le jugement consi-dérant à cet égard que le fait que la victime n'aurait suivi ce chemin géogra-phiquement délimité qu'à partir d'un cer-tain endroit est sans intérêt en la cause, et qu'en l'espèce il est aussi sans intérêt d'examiner si la maison des parents de la victime à Erembodegem peut être considé-rée comme sa seconde résidence ou comme une résidence temporaire :

    Attendu que la décision faisant l'objet du moyen est inconciliable avec l'arrêt de renvoi;

    Que le moyen est identique à celui qui fut accueilli par cet arrêt;

    Qu'il doit, dès lors, être examiné par les chambres réunies de la Cour;

    Attendu que le jugement constate que l'accident survenu à la victime s'est pro-duit alors que ceUe-ci, ayant occasionnel-lement passé la nuit avec son épouse dans la maison de ses parents, se rendait de cet endroit au lieu de son travail, faisant un léger détour pour conduire son épouse enceinte chez les parents de ceUe-ci ;

    Que le jugement constate en outre qu'au moment de l'accident la victime avait déjà suivi depuis deux kilomètres le tra-jet qu'elle aurait normalement parcouru si eUe était partie de sa résidence;

    Attendu qu'en se fondant sur ces con-statations le jugement décide que l'acci-dent est survenu sur le chemin du travail, aux motifs, d'une part, qu'il est sans intérêt d'examiner si la maison des pa-rents de la victime peut être considérée comme sa seconde résidence ou comme une résidence temporaire, puisqu'il est établi que l'accident s'est produit sur un trajet normal entre sa résidence et le lieu de son travail, et, d'autre part, que l'arti-cle l•r de l'arrêté-loi du 13 décembre 1945 n'exige pas que le travailleur, pour se trouver sur le chemin du travail, quitte sa résidence, mais se borne à déterminer le trajet qu'il doit suivre en fixant son point de départ ou d'arrivée, selon qu'il se rend à son travail on en revient, au « lieu de sa résidence il, c'est-à-dire à l'endroit où ladite résidence se situe ;

    Attendu qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté-loi du 13 décembre 1945, le che-min au travail s'entend du trajet normal que le travailleur doit parcourir pour se rendre du lieu de sa résidence ou du lieu où il prend son repas au lieu de l'exécu-tion du travail et inversement, ou encore pour se rendre au lieu du payement des salaires et pour en revenir ;

    Attendu que, si le juge peut admettre la légitimité des causes de détour ou d'interruption du trajet qui ne rendent pas celui-ci anormal, il ne peut toutefois étendre la notion même des trajets limita-tivement définis par les alinéas 2 et 3 du-dit article l•r;

    Attendu que cette disposition exige que, pour se trouver sur le chemin du travail, le travailleur soit parti de l'endroit où sa résidence se situe;

    Attendu que le jugement, ne constatant pas que la victime avait une seconde rési-dence ou une résidence temporaire au domicile de ses parents, n'a pu légale-ment décider que le trajet parcouru par la victime entre ce lieu, d'où elle était par-tie, et le lieu de son travail était le che-min du travail;

    Attendu qu'à cet égard il est sans inté-rêt que le lieu de l'accident se trouve sur « un trajet normal ll que la victime aurait parcouru si elle s'était rendue de sa rési-dence au lieu de l'exécution du travail, puisqu'il ne ressort pas des constatations du jugement qu'elle l'a fait, ni qu'elle a parcouru l'un des trajets dont les ris-ques sont prévus et couverts par l'arrêté-loi;

    Que le moyen est fondé ;

    Par ces motifs, casse le jugement atta-qué; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision annulée; vu la loi du 20 mars 1948, condamne la demanderesse aux dépens; renvoie la cause devant la cour du travail de Gand; dit qu'en vertu de l'article 1120 du Code judiciaire, cette juridiction se conformera à la décision de la Cour sur le point de droit jugé par eUe.

    Du 8 mars 1973. - Oh. réunies. Prés. M. Belpaire, premier président. Rapp. M. Meeùs. - Ooncl. conf. M. Gans-bof van der Meersch, procureur général. - Pl. M. De Druyn.

    CH. RÉUNIES. - 8 mars 1973.

    1° CASSATION. - OHAMilllES RÉUNIES.

    MATIÈRE CIVILE. - COMPÉTENCE.

    2° PEINE. - ARTICLE 65 DU CODE PfaAL. -DISPOSITION OBLIGEANT LE JL'GE SAISI DE

  • 632 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

    L'ACTION PUBLIQUE A NE PRONONCER QU'UNE

    SEULE PEINE LORSQU'UN DÉFAUT DE PRÉ-

    VOYANCE OU DE PRÉCAUTION, 'ÉRIGÉ EN IN-

    FRACTION DISTINCTE, CONSTITUE UN ÉLÉMENT

    D'UN DÉLIT D'IMPRUDENCE.

    3° CHOSE JUGÉE. - MATIÈRE RÉPRES-SIVE. - JUGE PÉNAL AYANT PRONONCÉ DEUX

    PEINES, RESPECTIVEMENT, DU CHEF D'UN DÉLIT

    D'IMPRUDENCE ET POUR UN FAIT CONSTITUTIF

    DE DÉFAUT DE PRÉVOYANCE OU DE PRÉCAUTION,

    ÉRIGÉ LUI-MitME EN INFRACTION. - EFFET

    DE CETTE DÉCISION SUR L'ACTION CIVILE.

    4° CHOSE JUGÉE. - MATIÈRE RÉPRES-SIVE. - AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE SUR

    L·"ACTION PUBLIQUE. - AUTORITÉ NE S'ÉTEN-

    DANT PAS A CE QUI N'A PAS ÉTÉ CERTAINEMENT

    JUGÉ.

    5° CHOSE .JUGÉE. - MATIÈRE RÉPRES-SIVE. - DÉCISION DU JUGE SAISI DE L' AC-

    TION PUBLIQUE ENTACHÉE DE CONTRADICTION.

    - POINT D'AUTORITÉ SUR L'ACTION CIVILE.

    6° CHOSE .JUGÉE. - MATIÈRE RÉPRES-SIVE. - JUGE SAISI DE L'ACTION Pt:BLIQl:E

    AYANT PRONONCÉ DEUX PEINES, RESPECTIVE-

    MENT DU CHEF D'UN DÉLIT D'IMPRUDENCE ET

    DU CHEF D'UN FAIT CONSTITUTIF DE DÉFAUT

    DE PRÉVOYANCE OU DE PRÉCAUTION, ÉRIGÉ

    LUI-MitME E:\' INFRACTION, MAIS DÉCIDANT QUE

    CETTE INFRACTION EST UN ÉLfaiENT DU DÉLIT

    D'IMPRUDENCE. - EFFET DE CETTE DÉCISION,

    ENTACHÉE DE CONTRADICTION, SUR L'ACTION

    CIVILE.

    1 ° Relève des chambres réunies de la Gour l'eœamen d'un mo11en invoqué à l'appui d'un pourvoi dirigé contre l'ar-rêt d'une cour d'appel, rendu sur renvoi après cassation, lorsque cet arrêt est inconciliable avec l'arrêt de cassation et que le m01fen est le même qite celui qui a été accueilli par ledit arrêt (1). (Code judic., art. 1119.)

    (1) Cass., 16 septembre 1969 (Bul(. et PASIC., 1970, I, 46). Voy. aussi l'arrêt rendu à la même date que celui-ci, supra, p. 629.

    (2) Cass., 19 septembre 1968 (Bull. et PASIC., 1969, 1, 72) et les notes; 2 février 1970 (ibid., 1970, 1, 474) et les notes 1 et 2; 21 mai 1970, rendu en audience plénière (ibid., 1970, 1, 827), et les conclusions du ministère public; 24 juin 1970, rendu en audience plénière (ibid., 1970, 1, 945); 27 novembre 1970 et 11 mars 1971 (ibid., 1971, 1, 277 et 643); 4 novembre 1971 et 27 janvier 1972 (ibid., 1972, I, 221 et 512).

    (3) Cass., 24 juin 1970 rendu en audience plénière (Bull. et PAsrc., 1970, 1, 945) ; 11 mars 1971 (ibid., 1971, 1, 643); 4 novembre 1971 (ibid., 1972, I, 221).

    2° Lorsque le défaut de prévoyance ou de précaution, élément d'·un délit d'impru-dence, fait en outre l'objet d'une ou de plusieurs préventions distinctes, le juge est tenu, en raison de l'indivisibilité du fait et en application de l'article 65 du Gode pénal, de ne prononcer qu'une seule peine, la plus forte (2).

    3° De ce que le juge pénal, appelé à sta-tuer s·ur un défaut de prévo11ance ou de précaution, élément d'un délit d'impru-dence, qui fait en outre l'objet d'une ou de plusieurs préventions distinctes, ne peut prononcer, en raison de l'indivisi-bilité du fait et en application de l'arti-cle 65 du Gode pénal, qu'une seule peine - la plus forte - il se déduit que, lorsque le juge pénal a prononcé des peines distinctes, le juge saisi de l'ac-tion civile est tenu en principe de consi-dérer comme étrangère au délit d'im-prudence la faute ayant fait l'objet d'une prévention distincte (3). (Prin-cipe général de l'autorité de la chose jugée en matière répressive.)

    4° L'autorité de la chose jugée sur l'ac-tion publique ne s'étend pas à ce qui n'a pas été certainement jugé par la juridiction répressive (4). (Principe gé-néral de l'autorité de la chose jugée en matière répressive.)

    ri 0 Le juge saisi de l'action civile n'est pas lié par la décision du juge pénal enta-chée de contradiction (5). (Principe gé-néral de l'autorité de la chose jugée en matière de répression.),

    "6° Lorsque le juge pénal a, d'une part, condamné le prévenu à des peines dis-tinctes pour avoir conduit un véhicule alors qu'il était en état d'intoœication aicoolique et pour un délit de blessures involontaires, et que, d'autre part, il a constaté que cet état d'intoœication, élé-

    (4) Cass., 13 avril 1972 (Bull. et PAsrc., 1972, 1, 742) ; cons. cass., 22 mai 1969 (ibid., 1969, I, 870) et la note 2; cass., 4 février 1972 (ibid., 1972, 1, 524), les conclusions du ministère pu-blic avant cass., 21 mai 1970 (ibid., 1970, 1, 832 à 835, spécialement p. 834), et la traduc-tion du discours prononcé par M. le premier avocat général Mahaux à l'audience solennelle de la Cour du ter septembre 1971 sur « La chose jugée et le Code judiciaire », Journal des tribunaux, 1971, p. 588 et 589.

    (5) Cass., 18 septembre 1970 (Bnll. et PASIC., 1971, I, 44) et les conclusions du mi-nistère public dans Arr. cass., 1971, 51; 4 no-vembre 1971 (ibid., 1972, 1, 221); 27 janvier 1972 (ibid., 1972, 1, 512).

  • COUR DE CASSATION 633

    ment du délit d'imprudence, a été la cause ou l'une des causes de l'accident, le juge safai de l'action civile n'est pas lié par la décision pénale, dans la me-sure où celle-ci est entachée de cette contradiction (1). (Principe général de l'autorité de la chose jugée en matière de répression.)

    (SNOECK LÉON, C. SOCIÉTÉ ANONYME D'ASSU-

    RANCES « UNION DES PROPRIÉTAIRES BEL-GES».)

    M. le procureur général Ganshof van der Meersch a dit en substance:

    Une fois de plus, la Cour est saisie d'un pourvoi qui l'invite à se prononcer tant sur les impératifs qui se déduisent de la notion du concours idéal d'infractions que sur les principes qui gouvernent l'autorité de la chose jugée au pénal sur le procès civil ultérieur.

    Par votre arrêt du 19 septembre 1968 (2), vous avez décidé que, lorsque le juge de répression a prononcé pour homicide par défaut de prévoyance ou de précaution à charge d'un prévenu une peine distincte de celle qu'il a prononcée pour avoir con-duit un véhicule alors qu'il était en état d'intoxication alcoolique, il était certaine-ment et nécessairement jugé que l'état d'intoxication alcoolique n'a été ni la cause ni l'une des causes de l'homicide involontaire.

    Vous releviez que, lorsque le défaut de prévoyance ou de précaution que constitue le fait d'avoir conduit un véhicule alors que le conducteur se trouve en état d'in-toxie

  • 634 J"CRISPRUDENCE DE BELGIQUE

    soit nécessaire pour répondre à son objet. Or, on constate que, dans tous les cas où le juge a appliqué des peines distinctes au lieu de se soumettre à la règle qu'énonce l'article 65 du Code pénal, il est dPmeuré largement en deçà du maximum de la peine.

    * * * L'arrêt attaqué admet la légalité du

    jugement qui décide que l'état d'intoxica-tion alcoolique ,a été la cause ou l'une des causes de l'homicide involontaire, dont le demandeur était l'auteur, alors que le juge pénal a prononcé des peines distinc-tes pour chacune de ces infractions.

    Contrairement à ce que soutient le pourvoi, l'arrêt attaqué conteste le prin-cipe formulé par l'arrêt du 19 septembre 1968; il se réfère aux dérogations prévues par l'arrêt du 21 mai 1970 et par l'arrêt du 18 sPptembre 1970.

    Il est inconciliable avec votre arrêt de renvoi du 19 septembre 1968.

    D'autre part, le moyen développé par le demandeur à l'appui du pourvoi est, dans sa partie essentielle, le même que celui que la Cour a accueilli par l'arrêt de renvoi. En effet, le demandeur soutient que c'est à tort que l'arrêt attaqué décide que, bien que le juge pénal l'ait condamné à des peines distinctes du chef d'homicide par imprudence et du chef d'avoir conduit un véhicule en état d'intoxication alcoo-lique, il existait une re1ation causale évi-dente entre l'intoxication et l'accident.

    On lit dans le moyen :

  • COUR DE CASSATION 635

    termes de ce1ui-ci, et, d'autre part, qu'il a violé l'autorité de la chose jugée qui s'at-tache à l'arrêt.

    * * *

    J'ai quelque scrupule à commenter à nouveau devant la Cour l'arrêt du 19 sep-tembre 1968 par lequel elle a cassé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Liège le 8 mars 1967 et renvoyé la cause devant la cour d'appel de Bruxelles. Je pense, néan-moins, qu'il faut, pour examiner le moyen que le pourvoi vous soumet, remonter aux sources de votre jurisprudence.

    Vous avez rappelé, dans cet arrêt, à la fois les impératifs de l'article 65 du Code péna1 dans le cas du concours idéal d'in-fractions et les conséquences qui s'en déduisent quant à l'autorité de la chose jugée au pénal. J (7).

    Vous alliez d'ailleurs préciser votre pensée en appliquant au concours du délit

    11 mars 1971 (ibid., 1971, I, 6t3); 4 novembre 1971 et 27 janvier 1972 (ibid., 1972, I, 221 et 512).

    (3) Bull. et PASIC., 1970, I, 827. (4) Conclusions du ministère public précédant

    cass., 21 mai 1970, audience plénière (Bull. et PASIC., 1970, I, 827, spéc. p. 831 et 832).

    (5) et (7) Cass., 2 février 1970 (Bull. et PASIC., 1970, I, 474).

    (6) Bull. et PASIC., 1955, I, 923.

  • 636 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

    d'imprudence avec un défaut de pré-voyance ou de précaution érigé par la loi en infraction distincte la règle que vous veniez d'énoncer, mais avec une double réserve : « le juge de répression, saisi d'une poursuite exercée à charge d'un même prévenu du chef d'infraction aux articles -!18 et 419 ou 418 et 420 du Code pénal et du chef d'infraction à l'article 34, 1 °, ou 35 de la loi relative à la police de la circulation routière, ne peut pronon-cer qu'une seule peine lorsqu'il constate que l'état d'ivresse ou l'état d'intoxica-tion alcoolique est la cause ou l'une des causes des lésions corporelles involontai-res et lorsque, en l'absence de toute inter-ruption de fait dans la conduite du véhi-cule, le prévenu continuait à commettre la même infraction audit article 34, 1°, ou 35, au moment où la victime a été atteinte; qu'en pareil cas il s'agit, en effet, non pas d'un concours matériel d'infractions successives, mais d'un fait pénal unique, l'infraction à l'article 34, 1 °, ou à l'article 35 précités ne prenant pas fin avant que l'infraction aux arti-cles 418 et 419 ou 418 et 420 du Code pénal ne soit commise et se confondant dès lors avec elle )) (1).

    Vous introduisiez donc une première dérogation :m principe que vous aviez énoncé en 1968 : vous réserviez le cas de l'interruption dans la conduite du véhi-cule, alors même que l'ivresse ou l'état d'intoxication ont été la cause de l'homi-cide ou des blessures involontaires, ayant en vue la légalité d'une condamnation éventuelle à des peines distinctes dans le cas d'une succession de faits qui compor-teraient un concours idéal et un concours matériel d'infractions.

    La seconde dérogation sur laquelle j'attirais votre attention, dans les mêmes conclusions, concernait le principe général de la prééminence de l'action publique sur

    (1) Cass., 2 février 1970 (Bull. et PAsrc., 1970, ·I, 474).

    (2) et (3) R. HAYOIT DE TERMICOURT, « Considé-rations sur le projet de Code judiciaire », discours prononcé à l'audience solennelle de la Cour le 1er septembre 1966, Bull. des arrêts de la Cour, 1966, p. 12 à 15. Voy. aussi Doc. parlem., Chambre, session 1965-1966, n° 59-49, p. 4 à 7.

    (4) « Het rechterlijk gewijsde en het Ge-rechtelijk Wetboek », discours prononcé à l'audience solennelle de la Cour le l•r septem-bre 1971, Bull. des arrêts de la Cour, 1971, spéc. p. 34 à 37; R. W., 1971-1972, col. 105 et suiv., spéc. 122 et 123. Traduct. : « La chose

    l'action civile. C'est-à-dire celui de l'au-torité de la chose jugée au répressif, que le demandeur estime, je pense à tort, être réglé par les articles 23 et suivants du Code judiciaire; l'autorité de la chose jugée afférente à une décision rendue sur l'action publique, exercée au nom de la société et dans son intérêt, vaut erga om-nes (2). Les règles du Code judiciaire ne sont pas applicables « dans la mesure où elles ne sont pas compatibles avec la nature de l'action exercée)) (3). Comme M. le premier avocat général Mahaux l'a exposé récemment, l'autorité qui s'at-tache aux décisions rendues en matière répressive constitue un principe général de droit (4).

    Vous alliez bientôt, conduits par d'au-tres constatations du juge du fond, intro-duire dans votre raisonnement une se-conde dérogation au principe énoncé dans votre arrêt du 19 septembre 1968. Il s'agis-sait cette fois de la notion de ce qui a été « nécessairement et certainement jugé » par le juge de répression (5). Il peut se faire qu'il y ait plusieurs dispositifs dans l'arrêt pénal dont l'autorité est discutée; les juges qui conna