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MASTER 2 MENTION ÉDUCATION ET FORMATION Spécialité : Conseil, éducation, management, recherche, formation Parcours : Recherches en éducation, didactique technologies et formation Stéphanie NORGUET épouse PERRIN N° Etudiant : 21207755 INE : 0keepm00kz 5 UE42 CONDUITE DE PROJET DE RECHERCHE La place de la langue dans l’enseignement-apprentissage du français en lycée professionnel à travers l’exemple de l’écriture d’invention en première baccalauréat professionnel. Enjeux et perspectives didactiques. Tome I : Mémoire Marie-Laure ELALOUF Année universitaire 2013-2014

Master 2 Recherches en didactique du français M-L ELALOUF

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MASTER 2 MENTION ÉDUCATION ET

FORMATION

Spécialité : Conseil, éducation, management,

recherche, formation

Parcours : Recherches en éducation, didactique

technologies et formation

Stéphanie NORGUET épouse PERRIN

N° Etudiant : 21207755

INE : 0keepm00kz 5

UE42 CONDUITE DE PROJET DE RECHERCHE

La place de la langue dans l’enseignement-apprentissage du

français en lycée professionnel à travers l’exemple de l’écriture

d’invention en première baccalauréat professionnel.

Enjeux et perspectives didactiques.

Tome I : Mémoire

Marie-Laure ELALOUF

Année universitaire 2013-2014

2

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION ............................................................................................................................ 4

PARTIE I : COMMENT ENSEIGNER LA LANGUE EN LYCÉE PROFESSIONNEL ? ..... 8

CHAPITRE I : Comment travailler la langue en logique de compétences au lycée

professionnel ? .................................................................................................................................. 8

1. Définir une tâche globale complexe à réaliser : de la pédagogie du projet à la logique de compétences. 8

2. Tisser pour donner du sens aux apprentissages. ...................................................................................... 11

CHAPITRE II : De la linguistique du texte aux activités langagières. ..................................... 16

1. Un dispositif d’écriture très encadré ....................................................................................................... 16

2. Des activités langagières décontextualisées. ........................................................................................... 17

CHAPITRE III : Analyse d’un corpus de trois copies d’élèves. ................................................ 23

1. Des stratégies procédurales différenciées. ............................................................................................... 23

2. Des activités langagières au profit de l’épaississement des textes. ......................................................... 29

3. Vers une modélisation des situations didactiques de l’enseignement-apprentissage de la langue au lycée

professionnel ? ................................................................................................................................................. 33

PARTIE II : LE TRAITEMENT DES ÉCARTS À LA NORME ORTHOGRAPHIQUE..... 36

CHAPITRE I : Analyse des erreurs rencontrées dans les trois copies d’élèves ....................... 36

1. Portraits d’élèves : analyse linguistique des copies d’élèves et détermination de profils ....................... 36

2. Enjeux sociétaux et exigences institutionnelles de la maîtrise de la langue. ........................................... 38

3

CHAPITRE II : Proposition d’un outil d’aide à la correction s’appuyant sur les règles

d’orthographe grammaticale. ....................................................................................................... 43

1. Des séances dédiées à la correction ......................................................................................................... 43

2. L’élaboration d’un outil d’aide à la réécriture ......................................................................................... 44

3. Analyse des écarts qui demeurent après la séance de réécriture ............................................................. 45

4. Une question de surcharge cognitive ? .................................................................................................... 46

CHAPITRE III : Nouvelles perspectives didactiques pour une maîtrise progressive de

l’orthographe grammaticale. ........................................................................................................ 52

1. Etat des lieux et perspectives actuelles de l’enseignement de l’orthographe .......................................... 52

2. Des outils de positionnement .................................................................................................................. 55

3. Adaptés à des classes de lycée professionnel .......................................................................................... 58

CHAPITRE IV : Analyse des résultats et présentation de quelques expérimentations menées

avec deux classes de première et de terminale de baccalauréat professionnel. ........................ 66

1. Résultats à l’outil de positionnement : le questionnaire réflexif. ............................................................ 66

2. Résultats à l’outil de positionnement : la dictée suivie du questionnaire métagraphique. ...................... 70

3. D’une situation de justification à des procédures d’identification .......................................................... 76

4. Mise en perspective didactique : vers un protocole de correction ? ........................................................ 80

CONCLUSION ............................................................................................................................... 85

BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................................... 89

4

INTRODUCTION

A l’issue du collège, le lycée professionnel scolarise des élèves, pour la plupart issus de la

troisième, rencontrant souvent d’importantes difficultés d’apprentissage. Un grand nombre de ces

adolescents arrivent en seconde professionnelle en ne maîtrisant pas ou mal les compétences

fondamentales du socle commun malgré, parfois, les divers dispositifs d’accompagnement et de

soutien individualisés mis en place au cours de leur scolarité. Alors que la rénovation de la voie

professionnelle, engagée depuis 2009, ambitionne « l'élévation du niveau de qualification des

jeunes, leur insertion professionnelle, leur poursuite d'études dans l'enseignement supérieur et la

réduction du nombre de sortants sans diplôme »1, l’enseignant de lycée professionnel doit trouver

les ressources didactiques et pédagogiques qui permettent à ces élèves de surmonter les difficultés,

de consolider et de stabiliser les fondamentaux, de les amener sur la voie de la réussite, de

l’intégration sociale et professionnelle.

Ainsi, l’enseignement du français en baccalauréat professionnel poursuit les exigences de

l’enseignement du français au collège, dans la logique du socle commun de connaissances et de

compétences, et vise, notamment, l’acquisition de quatre compétences :

- entrer dans l’échange oral : écouter, réagir, s’exprimer ;

- entrer dans l’échange écrit : lire, analyser, écrire ;

- devenir un lecteur compétent et critique ;

- confronter des savoirs et des valeurs pour construire son identité culturelle.

Ces quatre compétences sont travaillées à partir des trois objets d’étude au programme de chaque

année d’enseignement. Pour chacun, des capacités, des connaissances et des attitudes sont

attendues. La maîtrise de la langue écrite est transversale aux différents objets d’étude. « La

1 https://eduscol.education.fr/cid46824/renovation-voie-professionnelle.html

5

maîtrise des codes oraux et écrits est constamment recherchée, pour approfondir le lexique usuel et

thématique, pour consolider les connaissances des règles de construction de la phrase et pour

améliorer la production de textes organisés et cohérents »2.

Or, les élèves des lycées professionnels forment une population particulière. Généralement issus de

milieux populaires, ils sont souvent orientés par l’échec3. Cette population se distingue parfois

fortement de celle présente dans les lycées d’enseignement général ou même technique. En effet,

leurs origines, leur milieu social, leur rapport au travail et aux enseignements sont souvent

différents. A la rentrée 2011, 5 415 600 élèves suivaient un enseignement du second degré en

France métropolitaine et dans les DOM y compris Mayotte4 : 1 433 084 poursuivaient un second

cycle général et technologique et 691 074 un second cycle professionnel dont 77,2% étaient inscrits

en baccalauréat professionnel. Si 43% des bacheliers professionnels poursuivaient leurs études

après le baccalauréat, seuls 16% obtenaient un diplôme bac+2 et 24% échouaient. Ce détour

statistique pose la nécessité de comprendre les facteurs de réussite ou d’échec pour ces élèves dont

la maîtrise de la langue peut apparaître comme un enjeu transdisciplinaire majeur.

Dès lors, faire lire, écrire, parler ces apprenants nécessite de réfléchir aux pratiques langagières qui

sont mises en œuvre et aux outils linguistiques qu’elles appellent. La pratique langagière est une

pratique sociale. En 2008, dans un colloque intitulé « Ce que l’école fait aux individus », Elisabeth

Bautier, sociolinguiste et chercheuse en sciences de l’éducation, a montré comment les pratiques

langagières scolaires peuvent construire au quotidien des inégalités sociales d’apprentissage, « Si le

langage peut prendre des fonctions très diverses, la façon dont on l’utilise effectivement est

socialement différenciatrice en ce qu’elle renvoie à des habitudes, à des modes de socialisation, à

2 Bulletin officiel spécial n°2 du 19 février 2009, p 2-11.

3 Charlot, 1999.

4 http://cache.media.education.gouv.fr/file/2012/39/0/DEPP-RERS-2012-eleves-second-degre_223390.pdf

6

des rapports au langage, à la communication, à la situation, au monde »5. C’est ainsi qu’à partir

des nouveaux programmes de français, qui posent explicitement l’enseignement de la langue, les

connaissances linguistiques en lien avec les capacités et les objets d’étude dans les apprentissages

et de mon expérience d’enseignante en lycée professionnel, je me suis demandé quelles situations

pédagogiques, quelles démarches didactiques mettre en place pour aider les élèves à s’approprier

les outils linguistiques nécessaires aux productions langagières scolaires attendues. C’est

l’expérience de l’écriture d’invention, menée au sein d’une classe de première baccalauréat

professionnel électrotechnique, composée de 15 garçons âgés de 16 à 18 ans, que j’ai choisi

d’analyser dans la première partie de ce mémoire.

Au-delà des apports langagiers, il s’agit également de questionner la dimension praxéologique de

ce travail d’écriture, en essayant de mesurer la pertinence du choix des consignes, des constructions

de séances, des modes d’intégration des outils de la langue, du statut des écrits intermédiaires et des

choix de réécriture. Autrement dit, comment les choix didactiques de cette situation

d’apprentissage permettent-ils l’acquisition d’outils langagiers et l’épaississement des textes des

élèves ? Comment l’analyse des copies nous aide-t-elle à mieux comprendre le rapport

qu’entretiennent ces jeunes avec le langage ? Et comment peuvent-ils le modifier dès lors que

l’élaboration des outils didactiques s’appuie sur l’identification de leurs besoins en apprentissage

pour réaliser la tâche scolaire attendue ? Pour le chercheur, il s’agit d’analyser la pertinence des

situations d’apprentissage expérimentées ici et de réfléchir à leur possible modélisation.

Une seconde partie s’attache à aborder la question du traitement des écarts à la norme

orthographique et grammaticale dans les copies du corpus. Aussi, après avoir dressé une typologie

des erreurs rencontrées dans les trois copies, je vais mener l’analyse critique d’un outil de

remédiation orthographique fondé sur un rappel des règles grammaticales. Ensuite, j’expliquerai

5 Charlot, Bautier, & Rochex, 1999.

7

comment j’ai été amené à réfléchir à des dispositifs d’évaluation diagnostique des savoirs

grammaticaux de lycéens professionnels à partir d’élèves de première et de terminale6

électrotechnique, soit environ vingt garçons âgés de 16 à 18 ans : treize en terminale et sept en

première. Enfin, je montrerai comment mieux comprendre les procédures de raisonnement que ces

élèves empruntent pour justifier leurs choix morphographiques aide à déterminer le statut des

erreurs orthographiques commises selon qu’elles relèvent d’un défaut de conceptualisation de la

langue ou de gestion des connaissances. Je présenterai également comment cela m’a conduite à

élaborer de nouvelles situations d’apprentissage aboutissant à une possible démarche de protocole

de révision. Pour le chercheur, cette seconde partie engage une réflexion sur le plan

épistémologique, en cernant davantage l’état des connaissances grammaticales des élèves de lycée

professionnel et leurs besoins en apprentissage, et psycholinguistique, en s’intéressant aux

procédures cognitives qu’empruntent les sujets en situation de productions écrites.

6 Les élèves de terminale sont les élèves de première avec lesquels a été réalisée la séquence d’écriture fantastique

analysée dans la première partie de ce mémoire.

8

PARTIE I : COMMENT ENSEIGNER LA LANGUE EN LYCÉE

PROFESSIONNEL ?

Chapitre I : Comment travailler la langue en logique de compétences au lycée

professionnel ?

1. Définir une tâche globale complexe à réaliser : de la pédagogie du projet à la logique

de compétences.

Au début de ma carrière, je construisais mes séquences dans une logique de pédagogie du projet.

L'explicitation de celui-ci avec les élèves, voire sa négociation, avait pour but d'impliquer ses

derniers dans sa réalisation et de favoriser leur motivation. La séquence d'enseignement

décloisonné, qui devait permettre la réalisation finale d'une tâche globale complexe correspondait

en fait à un projet initialement fixé. Elle se devait :

- d'enseigner la langue dans, par et pour les textes;

- de lier les activités de lecture, d'écriture et d'expression orale;

- d'articuler l'étude des œuvres littéraires avec les autres objectifs et activités de

la classe de français7.

Aussi, me pliant à ces exigences, je m'appliquais à imaginer différentes séances, variant les

dominantes de lecture, d'écriture, d'étude de la langue et d'oral, tout en gardant à l'esprit l'objectif

d'apprentissage que je m'étais fixée. Les programmes précisaient que « la séquence globale

d'enseignement n'est jamais une juxtaposition de sous-disciplines émiettées et hétérogènes.

L'apprentissage de la production de discours, même fonctionnels, est toujours articulé avec

7 Extraits du document d'accompagnement des programmes de BEP de 1995.

9

l'approche des œuvres littéraires. L'enseignement du français forme un ensemble organisé

d'activités qui s'appellent les unes les autres »8.

Dans les années 1980, Jean-François Halté9, didacticien du français et co-fondateur de la revue

Pratiques, définissait le travail en projet comme une soumission de l’apprentissage à la logique de

la production. Suivant une démarche constructiviste inspirée de Piaget, il gageait que l’on apprend

dans des situations propices à modifier sa structure cognitive. Il s’agissait de passer d’un rapport

d’enseignement entre l’élève et l’enseignant, où l’élève n’est pas là pour apprendre mais pour

qu’on lui apprenne, à une situation d’apprentissage soumise à la logique de production. Il entendait

par « production à l’école, l’ensemble des pratiques mises en œuvre dans une classe et qui

aboutissent à la fabrication d’un produit … ». Au lieu d’apprendre d’abord, en un temps séparé,

pour l’appliquer ensuite à un modèle, soumettre l’apprentissage à la logique de production

permettait d’investir une masse de savoirs dans la fabrication de l’objet, dans le développement de

la tâche scolaire sous forme de problèmes à résoudre notamment. Outre un levier pour la

motivation, la démarche de projet ambitionnait « que l’on apprenne, plus, en plus grand nombre,

plus de choses ».

Quinze ans plus tard, le didacticien10

constatait que la discipline du français peine à sortir de la

crise du système éducatif, débutée dans les années 1970, en dépit de ses réaménagements constants

et de l’activité « quasi-fébrile », pour reprendre ses termes, qu’elle déploie à l’élaboration

didactique de ses savoirs. Jean-François Halté soulignait, en effet, une émergence tardive de la

didactique du français dans les années 1980, dont les débats internes opposaient les « anciens » aux

« modernes », dans une crise résolument configurationnelle, reposant sur le couple littérature-

langue. L’auteur précisait que l’enseignement de la langue se trouvait dans une relation de

8 Ibid.

9 Halté, 1982.

10 Halté, 2008.

10

dépendance à la scolarisation du littéraire. Corpus d’œuvres hautement légitimées, la littérature

scolarisée représentait également un corpus linguistique permettant de cerner et de décrire la langue

littéraire. L’école s’attachant à enseigner ce qui ne peut pas s’apprendre en dehors de ses murs, la

langue de la communication ne pouvait pas être un objet d’enseignement. Dès lors, pour Jean-

François Halté, la reconfiguration de la discipline du français apparaissait une nécessité. Selon

l’auteur, elle pouvait se réorganiser autour des sciences du langage constituant la langue française

comme objet d’étude dans des textes littéraires et non littéraires.

L’enseignement du français au lycée professionnel dans les nouveaux programmes de BEP de 1993

et de baccalauréat professionnel de 1995 a, me semble-t-il, rapidement amorcé cette

reconfiguration incitant à mettre en œuvre, dans des situations globales complexes, diverses

compétences liées à la lecture et à l’écriture où une connaissance raisonnée de la langue et de son

fonctionnement dans les discours devait aider à comprendre et à produire diverses formes de

discours tant fonctionnels que littéraires.

Ainsi, aborder les programmes de français des classes préparatoires au baccalauréat professionnel

de 2009, en logique de compétences n’a pas conduit à une révolution mais à une simple évolution

de ma pratique professionnelle. La notion de compétences renvoie à la capacité des élèves à

mobiliser des ressources cognitives au service de la réalisation d’une tâche globale complexe, dont

l’explicitation peut toujours avoir valeur de projet au sein de la classe. La question du transfert de

ces ressources, cognitivo-langagières notamment, dans des situations d’apprentissage variées,

nourrit ma réflexion didactique. J’envisage ainsi la pertinence de l’acquisition de ce que

j’appellerai « des outils de la langue » le plus souvent dans des situations d’apprentissage

décontextualisées, au service de la réalisation de la tâche globale complexe visée et du

développement de pratiques langagières transférables dans des situations inédites. Il me semble

répondre ainsi à la difficulté de la plupart des élèves de lycée professionnel qui ne disposent pas

11

des ressources langagières nécessaires pour réaliser les productions scolaires attendues. La

dénomination « outils de la langue » apparaît en 1996 dans les programmes de collège11

. Ils

introduisent la notion de discours et désignent des éléments de lexique et de grammaire abordés

dans une perspective discursive, nécessaires à la conception de tâches complexes auxquelles la

séquence didactique doit permettre de répondre.

Elisabeth Bautier12

constate que les pratiques langagières sollicitées à l’école sont des pratiques

langagières cognitives de haut niveau. Elle pose la question des situations pédagogiques

nécessaires à mettre en place pour aider les élèves à se les approprier. Elle souligne les difficultés

particulières rencontrées par les élèves de milieux populaires ou même d’étudiants à l’université,

ayant des caractéristiques sociologiques et de scolarisation proches de celles des élèves en

difficultés, lorsque l’École sollicite des pratiques langagières non partagées par tous sans en avoir

fait un enseignement spécifique.

C’est cette maïeutique didactique d’une séquence d’enseignement-apprentissage visant la seconde

compétence du programme de français : « entrer dans l’échange écrit : lire, analyser, écrire. »,

portant sur le programme de première et sur l’objet d’étude intitulé « du côté de l’imaginaire » que

je propose d’analyser maintenant.

2. Tisser pour donner du sens aux apprentissages.

J’emploie le terme de « tissage » au sens où Dominique Bucheton13

, didacticienne du français, le

définit « comme une forme d’étayage spécifique qui cherche à donner explicitement du sens, de la

pertinence à la situation et au savoir visé ». Plusieurs niveaux de tissage structurent la séquence :

entre les situations d’apprentissage de la séquence et entre les différentes séances d’une situation

d’apprentissage. Pour des élèves en difficultés, facilement décrocheurs, cette attention portée au

11 http://www2.cndp.fr/archivage/valid/67927/67927-11040-16675.pdf

12 Bautier, octobre 2008.

13 Bucheton, 2009.

12

tissage didactique les aide « à mettre en place des conduites cognitives d’association », comme le

précise Dominique Bucheton14

et à mettre en relation les savoirs visés. En effet, expliciter le lien

qu’il y a dans la succession des activités et des exercices permet aux élèves de construire le sens

des apprentissages.

Ainsi, deux situations d’apprentissage15

tissent cette séquence abordant le registre fantastique.

L’une vise à caractériser le registre fantastique, grâce à la lecture de textes fantastiques des XIXe et

XXe siècles, et l’autre accompagne la rédaction d’une séquence narrative fantastique qui décrit la

peur. Pour le professeur, il ne s’agit pas d’évaluer le pouvoir d’imagination de l’élève mais de

montrer la capacité de celui-ci à s’approprier ses lectures et à les transformer en compétence

d’écriture. « L’écriture d’invention, mise en œuvre dans l’enseignement en lycée général et

technologique depuis 2001, offre aux élèves de la voie professionnelle des occasions variées

d’utiliser la liaison entre lecture et écriture pour étudier des procédés d’écriture, les mettre en

œuvre dans une production personnelle, et à terme enrichir leur expression écrite dans une

perspective personnelle et professionnelle »16

. Cette interaction lecture-écriture devient un geste de

tissage didactique qui aide à cibler les activités, évite la juxtaposition de tâches et facilite la

compréhension de leur continuité cognitive, leur cohérence et la finalité de l’ensemble17

.

14 Ibid.

15 Annexes 1 et 2 p I à V.

16 Ressources baccalauréat professionnel –Écrire- Mai 2009, p 7 eduscol.education.fr/prog.

17 Bucheton, 2009, op.cit. p 11.

13

Trois objectifs de compétence de lecture sont recherchés :

1. découvrir et caractériser le fantastique en tant que genre et registre littéraire grâce à la

lecture analytique de textes représentatifs des objectifs fixés : effets de réels, irruption du

fantastique, nature de l’événement fantastique, effet produit sur le narrateur, rôle du point

de vue interne sur le lecteur. Trois nouvelles de Jacques Sternberg sont étudiées au cours

de la première séance : Les traces, La vitre, et Le train. Ces brefs récits fantastiques ont

pour cadre spatio-temporel un univers quotidien contemporain familier que vient rompre la

clausule qui révèle l’évènement fantastique. L’efficacité de la rupture narrative de la

« chute » accroche les élèves qui entrent ainsi volontiers dans l’analyse des autres

nouvelles.

2. identifier le projet d’écriture de l’auteur du récit et comprendre en quoi le registre

fantastique peut être un moyen d’expression des angoisses et des peurs de ceux qui les

inventent, et en quoi ils sont révélateurs des questionnements sociétaux d’une époque.

Si la lecture analytique des deux premières nouvelles de Jacques Sternberg aide à identifier le

ressort du registre fantastique, à savoir la rupture avec la réalité par l’irruption d’un événement

irrationnel qu’on ne peut expliquer, la troisième nouvelle, mettant en scène la réitération de la

déportation, permet la mise en relation de la biographie de l’auteur et son projet d’écriture, qui

exprime, par le registre fantastique, son traumatisme des camps de concentration.

De même, la lecture cursive de différentes nouvelles des 19e et 20

e siècles : La Cafetière de

Théophile Gautier, Le portrait ovale et Le cœur révélateur d’Edgar Allan Poe, L’hallucination

de Stanley Fleming d’Ambrose Bierce, Le spectre d’Aloysius Block, La Peur de Maupassant,

Au bord du Précipice et Appel longue distance de Richard Matheson amènent les élèves à

s’interroger sur les projets d’écriture des auteurs, à les mettre en relation avec leurs

connaissances historiques, et à discuter de l’intérêt du registre fantastique pour l’écrivain et

pour le lecteur.

14

3. identifier des procédés d’écriture et comprendre leurs effets dans le texte : rôle de la

personnification du décor, repérage du lexique des émotions et notamment de la peur, rôle

du point de vue interne. Ces outils linguistiques sont identifiés grâce à la lecture analytique

d’un extrait de La Peur de Maupassant, de « c’était l’hiver dernier, dans une forêt du nord-

est de la France. » à « Au pied du mur, contre la porte, le vieux chien gisait […]. Il était

sorti de la cour en creusant un trou sous une palissade ».

Enfin, l’évaluation finale porte sur la mise en relation d’un extrait du Horla et de la biographie de

Maupassant.

Cette première situation d’enseignement-apprentissage permet donc aux élèves de « s’imprégner »

de textes fantastiques, d’en constituer une ressource pour enrichir leur imaginaire et d’identifier des

outils linguistiques transférables dans l’activité d’écriture de la seconde situation d’apprentissage.

En effet, cette seconde situation centrée sur un travail d’écriture reprend, outre les caractéristiques

du registre fantastique, certains outils linguistiques identifiés en lecture analytique et qui seront

approfondis au cours d’activités langagières.

Ainsi :

1. la première séance vise la rédaction du début du récit présentant le contexte de l’histoire,

les lieux, les conditions atmosphériques, de façon inquiétante en ayant recours à la

personnification.

2. la deuxième séance, après avoir fait choisir aux élèves, à partir d’une liste, l’événement

perturbateur qu’ils souhaitent introduire dans leur récit, doit leur permettre d’enrichir leur

expression écrite de noms et d’expressions de peur et les aider à décrire la peur croissante

que ressent le héros face aux événements fantastiques auxquels il est confronté.

3. la troisième séance aborde la modalisation du doute dans une séance de grammaire

décontextualisée. Les élèves doivent réinvestir dans la scène finale de l’écrit fantastique

15

des outils langagiers permettant de montrer que le narrateur de l’histoire doute de la réalité

des événements qu’il vient de vivre et d’installer une certaine ambiguïté propre au récit

fantastique.

C’est ainsi que l’attention portée au tissage de ces deux situations d’apprentissage aide les élèves à

lier l’enjeu discursif du registre fantastique aux outils de la langue qui le servent.

Enfin, à l’intérieur même des deux situations, la rédaction progressive du bilan de savoir sur le

registre fantastique, d’une part, et les écrits intermédiaires de la séquence narrative, d’autre part,

servent de fil conducteur et donnent du sens aux savoirs graduellement acquis. Ainsi, les bilans de

savoir permettent aux élèves de consigner au fur et à mesure ce qu’ils ont appris et de mettre en

œuvre des pratiques langagières nouvelles. Ils nécessitent une distanciation et une organisation du

contenu disciplinaire transformé en objet de savoir, une mise en perspective et une mise en relation

des connaissances acquises au cours des différentes séances18

et participent ainsi à ce que Bernard

Charlot appelle « le processus d’objectivation-dénomination du savoir »19

. De même, les allers-

retours entre activités langagières et leur réinvestissement dans les écrits intermédiaires, au profit

de l’avancée du récit, tissent des relations entre langue et discours.

On peut donc constater qu’au cœur des interpellations didactiques en tension dans cette séquence,

l’étude et la pratique de la langue, dont les enjeux sont explicités, jouent un rôle moteur. C’est elle

qui, entre outils linguistiques et usages langagiers, tisse les apprentissages et en construit le sens.

En quelque sorte, la langue étaye et guide l’écriture progressive des élèves. C’est cela que je me

propose d’éclairer maintenant.

18 Annexe 3 p VI.

19 Charlot, Bautier, & Rochex, 1999, op.cit., p 6.

16

Chapitre II : De la linguistique du texte aux activités langagières.

1. Un dispositif d’écriture très encadré

Pour les élèves de lycée professionnel, écrire vient rarement tout seul. Ce constat est souvent

encore plus prégnant chez les garçons issus de filière industrielle, comme la classe avec laquelle

j’ai mené ce travail. Réfugiés derrière un apparent manque d’imagination associé surtout à de

réelles difficultés à trouver les mots pour pouvoir exprimer ce qu’ils souhaitent, et enfermés dans

l’image d’une écriture à jamais fautive : écrire est un labeur.

Aussi, pour contourner cet écueil, j’ai conçu un dispositif d’écriture très encadré qui fixe en trois

étapes l’écriture du récit20

, et induit ainsi les élèves à emprunter une trame narrative pré-établie. A

l’aide de listes, ils choisissent successivement le lieu, le moment et les conditions atmosphériques

puis l’évènement fantastique. Ils composent ainsi progressivement le scénario de leur histoire. De

cette façon, l’imagination des élèves est accompagnée et l’angoisse de la page blanche est atténuée.

Les listes de lieux et d’évènements fantastiques sont caractéristiques du genre et rappellent ceux

rencontrés dans les lectures précédentes. Le point de vue interne est imposé.

Le cadre énonciatif ainsi posé, l’introduction successive, à chaque étape d’élaboration du scénario,

d’outils langagiers vient soutenir la textualité des récits et assurer une temporalité dynamique à

l’écriture. Elle engage les scripteurs dans des stratégies lexicales et syntagmatiques à chaque fois

nouvelles. Chaque séance s’organise autour d’une activité langagière différente, réinvestie dans

l’écrit. Elle sert également une stratégie pragmatique, laquelle, propre aux textes fictionnels,

instaure un acte de langage et de communication particulier entre l’énonciateur et le lecteur :

communiquer l’inquiétude au travers de la description du contexte, puis la peur croissante du héros

20 Ce travail est inspiré d’une formation de formateurs animée par Caroline Masseron en octobre 2005 à Tours et

consacrée à la réécriture. C’est dans ce cadre que Caroline Masseron a présenté le travail suivant : « Pour une topique de

la peur : analyse sémiotique, linguistique et didactique des noms de peur. Comment concevoir l’enseignement du

lexique?».

17

et enfin le doute21

. Selon Caroline Masseron22

, ces trois stratégies rédactionnelles « doivent à terme

devenir complémentaires, ou également disponibles lors de consignes d’écriture qui deviendront

au fil des années du cursus plus complexes, dont la difficulté réside très probablement dans de

l’hétérogénéité […]».

Dès lors, les consignes d’écriture finale reprennent précisément la tâche d’écriture complexe à

effectuer et objectivent ainsi les critères d’évaluation. Notons qu’il s’agit en définitive d’évaluer la

capacité des élèves à introduire les outils langagiers préalablement travaillés dans un processus

rédactionnel en opérant, notamment, des choix syntaxiques et lexicaux appropriés. Caroline

Masseron23

remarque que, contrairement aux Anglo-saxons, les travaux français ont peu porté sur

l’analyse des relations entre des procédures rédactionnelles et des réalisations syntaxiques. Elle

avance prudemment l’hypothèse « que la « langue » et la rhétorique des discours sont, en France

plus qu’ailleurs, fortement soumises aux réglages stylistiques des genres et au modèle grammatical

de l’écrit littéraire ». Elle note enfin l’absence d’encouragement institutionnel à mener des

recherches en ce sens alors que des travaux précurseurs ont été réalisés par différents chercheurs.

2. Des activités langagières décontextualisées.

Dans un article consacré aux indicateurs langagiers et aux stratégies scripturales, Caroline

Masseron24

montre, à travers l’analyse d’un corpus de six productions d’élèves de CE2, les

différentes stratégies scripturales empruntées par les auteurs et les fragilités langagières qu’elles

révèlent. Il s’agit de stratégies :

- lexicale qui se caractérise par des énumérations, une progression du texte à

thème constant .

21 Annexe 4 p VII à XIII.

22 Masseron C. , 2005.

23 Masseron C. , 2011.

24 Masseron C. , 2005, op. cit. p 17.

18

- sémantique qui se centre sur l’inventivité, la signification globale du texte.

- pragmatique qui s’appuie sur des actes de discours inspirés des conversations

ordinaires pour faire avancer l’histoire, tels que des répliques de dialogues

et/ou des dialogues finalisés.

En effet, selon elle, c’est à terme la maîtrise de ces trois stratégies complémentaires

qui permet aux élèves de traiter des consignes scripturales complexes et rend ainsi les

scripteurs compétents. Aussi, s’agit-il de trouver, pour les élèves les plus fragiles, les

meilleures passerelles de travail possible entre les stratégies procédurales et les

structures d’énoncés qui, selon elle, passent par des temps d’apprentissage

décontextualisés, spécifiques, dédiés à l’apprentissage du lexique et de la grammaire

et destinés à être recontextualisés dans l’écrit finalisé. « C’est en effet dans les

interactions proximales entre le discours et la langue que se nouent - ou se dénouent

pour les élèves les plus fragiles - les fils d’un apprentissage dynamique. D’où

l’importance […] de faire simultanément travailler les élèves sur des productions

d’écrits complexes et finalisés (le but du texte) et des structures d’énoncés

décontextualisés (le lexique grammaire de la langue)». Les élèves de lycée

professionnel peuvent être associés aux élèves les plus fragiles que décrit Caroline

Masseron et nécessitent pour cela des temps d’enseignement de la grammaire et du

lexique décontextualisés pour s’approprier des outils langagiers qu’ils pourront ensuite

plus aisément transférer dans des consignes variées. Dans cette logique, j’envisage des

activités langagières, en amont de l’écriture, utiles à l’élaboration du récit. C’est dans

cet aller-retour de la langue au discours que se construit, selon moi, la fonction

pragmatique du langage qui fait sens pour les élèves auxquels j’enseigne. Ainsi, au

cœur de la production scripturale, s’élabore une relation dialogique, résultat de

19

l’interaction entre la langue et le contexte d’énonciation, telle que l’a montré le

linguiste M. Bakhtine25

. Aussi, pour construire les situations d’enseignement-

apprentissage, je me demande quels sont les besoins langagiers des élèves pour

réaliser la production attendue. C’est leur anticipation qui guide mes choix littéraires

et les activités langagières.

Dans ce travail d’écriture, l’introduction de chaque outil langagier est envisagée comme marqueur

d’organisation et de structuration textuelles. Ainsi, en premier lieu, pour décrire les lieux et les

conditions atmosphériques de façon inquiétante, les élèves ont travaillé le procédé stylistique de la

personnification. Utiliser ce procédé d’écriture est difficile pour eux parce qu’il nécessite

d’employer le langage au sens métaphorique. Or, les élèves en difficultés manient difficilement ce

langage abstrait alors qu’ils le reconnaissent assez aisément dans les textes littéraires. A partir d’un

exemple identifié lors de la lecture analytique d’un extrait de La Peur de Maupassant26

, j’ai

construit l’exercice27

en proposant des verbes, habituellement destinés à l’action humaine, dont il

fallait retrouver le nom construit sur la même base (crier/cri), puis associer l’un ou l’autre à la

description des lieux et/ou des conditions atmosphériques préalablement choisies. De cette façon,

j’apporte aux élèves une sorte « d’aide procédurale » à l’élaboration d’un premier écrit

intermédiaire qui se résume à quelques phrases destinées à être intégrées au premier récit et à

produire cette « réalité inquiétante » propre aux situations initiales des récits fantastiques.

Dans la deuxième séance, les articles Peur et Craindre du Dictionnaire du Français Usuel28

(DFU)

de Jacqueline Picoche et un tableau des énoncés de peur élaboré par Caroline Masseron, structurent

une séance lexicale autour des noms et des expressions de peur. Dans les programmes de français

du baccalauréat professionnel, l’enseignement du lexique apparaît comme une nécessité face à des

25 Bakhtine, 1984. 26

Annexe 1 : séance 5 du tableau de séquence p II et III. 27

Annexe 4 : exercice 3 p VII. 28

Picoche, 2002.

20

élèves dont le vocabulaire actif peut être limité en situation de lecture et d’écriture et s’avérer un

obstacle tant en lecture cursive d’un texte qu’en production. « Pour atteindre ces objectifs, le

professeur de français fait acquérir aux élèves les connaissances lexicales définies pour chaque

objet d’étude. Elles sont réparties en deux catégories :

- Un lexique qu’on peut qualifier d’« usuel » et dont l’étude doit permettre à l’élève

de comprendre ce qui est travaillé dans l’objet d’étude. […]

- Un lexique « thématique », dont l’étude doit permettre à l’élève de réaliser les

activités proposées par le professeur, en lien avec les capacités et les attitudes de

chaque objet d’étude»29

.

La lexicologue Jacqueline Picoche30

rappelle que « la plupart des mots usuels sont polysémiques et

permettent de parler de différentes choses, et non d'une seule. Si certains outils servent à une seule

chose bien précise, d'autres peuvent avoir différents usages ». Ainsi, le dictionnaire permet

d’inventorier les différents sens d’un « polysème ». En partant de la réalité linguistique du mot

jusqu’à une réalité extra-linguistique qui débouche sur un vocabulaire étendu, il permet de passer

du plus connu au moins connu, du plus concret au plus abstrait. Nombre de locutions sont donc

proposées exprimant souvent un sens symbolique, voire métaphorique. Grâce à la lecture de ces

articles, les élèves repèrent différents noms de peur, mais aussi leur degré d’intensité, que le

classement du dernier exercice31

essaie de leur faire retrouver. La proposition de catégorisation des

différentes expressions de peur, selon qu’elles expriment un ressenti psychologique ou une

transformation physique, permet de les faire approcher du sens symbolique et métaphorique de

certaines d’entre elles. Enfin, le tableau élaboré par Caroline Masseron propose une grande variété

29 http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Programmes/04/8/RessourcesBacPro_EtudierLangue_109048.pdf

30 Voir aussi http://jpicochelinguistique.free.fr/

31 Annexe 4 p IX à XI.

21

sémantique de noms de peur. Les élèves doivent retrouver les dérivés, à l’aide du dictionnaire par

exemple, et construire progressivement le sens des suffixes :

-ANT (a) : qualifiant l’élément-source, ce qui provoque la peur (cause active)

-É(b) : qualifiant le siège de la peur, le sujet passif qui fait l’expérience de la peur

(ressent les effets de )

-(I, A)BLE(c) : qualifiant un objet susceptible de déclencher la peur

TERRIFIANT-TERRIFIÉ-TERRIBLE : représente la série-type

En définitive, les élèves doivent se servir de ces exercices pour varier les énoncés de peur et leur

degré d’intensité.

La 3ème

séance aborde la modalisation du doute dans une séance de grammaire décontextualisée32

,

construite selon la démarche active de découverte (DADD), proposée par la didacticienne

québécoise Suzanne Chartrand33

. Trois extraits de textes, suffisamment représentatifs du fait de

langue étudié, ont été regroupés dans un corpus d’observation, à partir duquel les élèves vont

identifier les différents outils lexicaux et grammaticaux qui permettent à un locuteur d’exprimer le

doute dans son énoncé, mais également de montrer qu’il remet en question ce qu’il pense ou ce

qu’il dit. Des exercices d’identification, de manipulation et d’écriture intermédiaire sont des

préalables au réinvestissement dans la scène finale de l’écrit fantastique. Des outils langagiers

permettent de montrer que le narrateur de l’histoire doute de la réalité des événements qu’il vient

de vivre et d’installer une certaine ambiguïté propre au récit fantastique. La démarche active de

découverte est intéressante à bien des égards. Fondamentalement, elle amène l'élève à être actif tout

au long de son apprentissage, car il est dans une situation de recherche. Elle lui fait expérimenter

32 Annexe 5 p XIV à XVIII.

33 http://www.oasisfle.com/documents/apprendre_la_grammaire_par_la_demarche_active_de_decouverte.htm et

http://www.enseignementdufrancais.fse.ulaval.ca/

22

des procédures d'observation et de manipulation et favorise la discussion entre pairs. Si ce statut de

chercheur est désarmant au début pour des élèves de lycée professionnel souvent habitués à la

passivité ou à la résignation face à la grammaire, elle permet rapidement de les décomplexer.

Chacun peut émettre des hypothèses à propos du fonctionnement de la langue devenue objet

d’observation et de manipulation, en ayant recours à un métalangage minimal et suffisant pour

désigner les faits de langue.

Dès lors, quels apports de cet enseignement-apprentissage de la langue dans les récits de peur des

élèves peut-on mesurer ? C’est ce que nous nous proposons de faire à travers l’analyse d’un

corpus d’écrits de trois élèves.

23

Chapitre III : Analyse d’un corpus de trois copies d’élèves.

1. Des stratégies procédurales différenciées.

Les fiches de travail de l’accompagnement rédactionnel visent l’autonomie des élèves et ont une

vocation dialogique. Cependant, si les processus rédactionnels, sollicités dans la situation

d’apprentissage, passent par des temps nécessaires de planification du texte en lien avec les

activités langagières, d’écriture intermédiaire et de révision, à partir des indications du support

didactique, du maître ou parfois d’un pair, ils nécessitent une appropriation individuelle du travail,

des modalités de mobilisation des savoirs et savoir-faire procéduraux souvent différenciés. Dans ce

cadre, le professeur occupe une place plus décentrée, servant de médiateur entre les savoirs, les

savoir-faire convoqués et l’apprenant et peut opérer certains ajustements individualisés. Les fiches

de travail contiennent le discours instructeur, c’est-à-dire de l’enseignement, guidant l’élève pas à

pas dans les activités cognitives. J’ai pu constater au travers de la qualité de l’implication des

élèves dans la tâche scripturale que ce dispositif est tout à fait opérant pour enseigner auprès d’un

public pour lequel des formes pédagogiques plus dialoguées sont moins efficaces en terme

d’implication et d’appropriation des savoirs. Elisabeth Bautier34

montre comment certaines

pratiques langagières pédagogiques, sollicitant les interventions orales des élèves dans la

construction des savoirs, recourent à des usages littéraciés du langage, secondarisés, comme le

définit le linguiste M. Bakhtine35

, non partagés par tous, notamment par les élèves de milieu

populaire, et participent ainsi à la construction au quotidien des inégalités sociales d’apprentissage,

« on peut même défendre que le développement actuel des formes pédagogiques dialoguées

renforce les implicites plus qu’il ne les lève et développe ce que B. Bernstein a nommé des

pédagogies invisibles».

34 Bautier E., octobre 2008, op.cit. p 11. 35 Bakhtine, 1984, op.cit. p 19.

24

Les conduites des élèves devant la tâche révèlent, par ailleurs, des rapports aux savoirs et au travail

scolaire de l’écriture très individualisés. Comme le précisent Dominique Bucheton et Jean-Claude

Chabanne36

dans un ouvrage consacré à l’état des lieux des recherches sur l’activité réelle des

élèves dans la classe, observée au travers de leurs pratiques langagières écrites et orales, celles-ci

peuvent être « socialement et scolairement formatées : les écrits manifestent ainsi un petit nombre

de postures d’écriture, parfois à l’intérieur d’un même texte. Elles se traduisent par diverses

formes de mise à distance, par diverses conduites de jeu ou de détournement de la tâche (tel élève

qui pour donner l’impression d’avoir « fait » son travail se contente de recopier la consigne ou un

morceau du texte support, tel autre qui, quel que soit le sujet posé le ramène à ses préoccupations

centrales du moment…». Cette catégorisation des diverses façons de gérer la tâche scripturale

attendue a guidé mon choix de copies analysées dans ce mémoire. En effet, le corpus présente les

écrits intermédiaires et l’écriture finale de trois élèves dont l’implication et la gestion de la tâche

d’écriture traduisent à la fois des parcours singuliers mais aussi représentatifs de profils d’élèves de

lycée professionnel.

Ainsi, à l’issue de la première séance, consacrée à l’écriture de la situation initiale décrivant une

réalité inquiétante grâce à l’introduction des exemples de personnification d’éléments du lieu, du

moment et/ou des conditions atmosphériques préalablement précisés et imaginés en amont, les

auteurs s’engagent dans trois voies différentes.

A l’écoute de la présentation orale du projet d’écriture, Christopher mobilise d’emblée ses

connaissances du registre littéraire, acquises au cours de la première situation d’apprentissage et

consignées dans les bilans de savoir, et se lance dans l’écriture complète d’un récit fantastique37

. Si

l’on peut y retrouver le lieu et le moment choisis, les conditions atmosphériques retenues, ce

36 Chabanne & Bucheton, 2002. 37

Annexe 6 p XIX. Le 1er jet de Christopher coïncide avec l’écriture bleue, sans les modifications apportées au crayon de

papier qui lui sont postérieures.

25

premier jet ne comporte aucune trace d’énoncés ayant recours à la personnification. Pour rendre le

contexte réaliste inquiétant, l’élève a recours au lexique avec l’emploi de l’adjectif « inquiétante»

associé au modalisateur adverbial « très » pour qualifier « la nuit », ce que cherche également à

appuyer la formule présentative : « C’était une nuit noire et très inquiétantes »38

, de la même façon

qu’elle introduit le moment de la journée et les conditions atmosphériques dans la première phrase

du récit : « C’était une après-midi glaciale en hiver ». C’est donc l’axe sémantique qu’emprunte

spontanément Christopher pour répondre à la consigne d’écriture : on pourrait penser qu’il s’agit

également d’une stratégie d’évitement pour contourner la difficulté du travail requis sur la langue.

Or, une observation plus fine peut mettre à jour la stratégie procédurale de Christopher dans cette

activité scripturale. En effet, le premier jet pose le cadre énonciatif. Ensuite, Christopher classe

dans le tableau les énoncés qui reprennent des éléments lexicaux des deux premières colonnes du

tableau de l’exercice 3, qu’il avait certainement complétées avant de se lancer dans la rédaction39

.

C’est à ce moment-là que j’interviens, privilégiant un ajustement individualisé pour amener l’élève

à une observation réfléchie des énoncés classés dans la troisième colonne du tableau. Partant de la

définition du procédé stylistique de la personnification, je l’amène à déterminer des critères de

reconnaissance, à savoir l’association d’un verbe décrivant une action humaine à un objet, un

animal ou un élément inanimé. De là, je l’invite à valider ou invalider ses énoncés. Si nous

convenons que l’emploi du verbe « s’approcher » associé au brouillard peut relever du procédé,

Christopher élimine les énoncés suivants. Ainsi, dans la réécriture finale de cette première partie, il

inclut un nouvel énoncé qui utilise vraiment le procédé de la personnification : « les nuages se

mîrent à fuir comme si ce brouillard étais une menace »40

. Plus tard, il en élabore d’autres pour

38 L’orthographe d’origine des textes d’élèves est conservée.

39 Annexe 7 p XX. Les énoncés de la 3ème colonne du tableau correspondent à des énoncés du texte de l’annexe 6 qui

emploient certains noms et verbes classés dans les deux premières colonnes du tableau. 40

Annexe 7 p XXI.

26

traduire la peur du héros, comme nous le montre l’écriture finale41

: « le vent se mit à gémir

brutalement, les vagues immense frappèrent avec une force colossale contre la coque du bateau »,

« la masse blanchâtre avait déjà encerclé le navire et semblait faire une danse angoissante autour

de moi ». Ceci nous prouve que l’élève s’est réellement approprié l’outil linguistique et est capable

de l’utiliser dans une stratégie pragmatique. Plus encore, l’observation du brouillon, duquel part

constamment Christopher, s’épaissit des différents outils langagiers mis en œuvre au cours des

étapes suivantes d’écriture. Christopher est ainsi passé d’une stratégie sémantique fondée

essentiellement sur un investissement énonciatif à un investissement langagier au service d’une

stratégie pragmatique servant les buts du texte et du discours.

Dans le cas de Rémy, c’est sa capacité imaginative qui l’aide vraisemblablement à s’emparer du

dispositif d’écriture et du procédé de la personnification, comme nous l’indiquent les énoncés qu’il

élabore dans l’exercice 3.42

, tels que «le hurlement du vent qui frappe contre le toit de l’hôtel »,

« la course des ballots de paille à l’extérieur », « la danse de la porte qui s’ouvre et se ferme à

chaque coup de vent », etc. Ces derniers témoignent de la richesse des images mentales de l’élève

qui servent de moteur à l’écriture. D’ailleurs, il est intéressant de noter que ce premier jet, écrit

directement, ne comporte aucune reprise. Néanmoins, si l’on pressent les prémices de l’entrée dans

une stratégie sémantique, l’enchaînement des énoncés personnifiés créent un effet-liste dans la

deuxième partie du texte43

qui montre qu’à défaut d’avoir un projet narratif suffisamment défini,

l’élève opte pour une stratégie lexicale. Dans la deuxième étape de l’écriture, Rémy est peu

impliqué dans les activités langagières. Tout au plus, il effectue l’exercice b) du 2. et complète une

partie du tableau44

. On peut l’interpréter comme un évitement d’exercices dont il ne voit pas

l’intérêt et préfère s’investir dans la narration. Dès lors, c’est la stratégie sémantique qui l’emporte

41 Annexe 16 p XL-XLI : colonne de droite ; écrit n°2 : version finale. Les énoncés rouges utilisent le procédé de la

personnification. 42

Annexe 8 p XXII. 43

Annexe 8 p XXIII. 44

Annexe 9 p XXIV à XXVII.

27

traduisant un fort investissement énonciatif, puisqu’il rédige une page et demi, et emploie, en

définitive, peu d’énoncés de peur. Mais le texte apparaît plus comme la description d’un film ou

d’un jeu vidéo qu’une narration. Rémy se positionne moins comme auteur du texte que comme un

acteur à qui il prête même ses pensées : « je me souvins que dans les films leur point faible était de

leur donner un coup sur le crâne bien fort ». En demandant à l’élève de relire son texte en y

soulignant les énoncés de peur, celui-ci est amené à distinguer les mots qui font référence à la peur,

soulignés en bleu et au nombre de quatre : « énorme frisson », « hurlement de frayeur »,

« sursaut », « la peur » et à surligner en orange ce qu’il désigne comme des « phases d’horreur »45

.

Un bref échange nous permet de conclure que décrire des scènes qui font peur n’est pas exprimer la

peur. La réécriture du texte montre un emploi plus diversifié des énoncés de peur et une contraction

textuelle qui augure une mise à distance de l’énonciation.

Martin, quant à lui, est resté bloqué sur sa fiche pendant deux heures. S’il opère les choix du lieu,

du moment et des conditions atmosphériques, il complète les deux colonnes du tableau, rédige

vraisemblablement un énoncé utilisant la personnification, qu’il efface finalement46

. La difficulté

de Martin est de construire et d’enchaîner des unités phrastiques. Dans un premier temps, je lui

réexplique le fonctionnement de la fiche, puis je l’invite à présenter le contexte dans lequel va se

dérouler son récit en reprenant les éléments choisis et en les introduisant par le présentatif

« C’était ». Je procéderai de la même façon dans la deuxième séance d’écriture en lui proposant de

débuter son texte par la locution adverbiale « Tout à coup ». Dans les deux cas, cela suffit à

déclencher l’écriture47

. Ainsi, ce premier jet de trois unités phrastiques48

contient une insertion et

trois éléments barrés dont un est repris : « Quand » est remplacé par « au moment où ». Martin

essaie de trouver les mots qui conviennent le mieux. La première unité phrastique, introduite par le

45 Annexe 10 p XXVIII-XXIX.

46 Annexe 11 p XXX.

47 Annexe 12 p XXXII.

48 Annexe 11 p XXXI.

28

présentatif « c’était », présente le lieu. La suivante, plus complexe, est composée de deux

propositions, reliées par la locution conjonctive « au moment où », et décrit un événement associé

aux conditions atmosphériques : « Dans cet hotel inquietant, un cri térifiant permanent samblé

raisonait au moment ou la pluis heurta la fenêtre de ma chambre ». Enfin, la dernière introduit le

point de vue interne, « je penser a un hurlement ». Comme Christopher, Martin mobilise ses

ressources acquises au cours de la première situation d’apprentissage centrée sur la lecture de textes

fantastiques. Il tente de décrire une atmosphère inquiétante par l’emploi de l’adjectif « inquiétant »

pour qualifier l’hôtel, la peur par l’emploi de l’adjectif « terrifiant » associé au cri que le narrateur

semble associer à « un hurlement » : « je penser a un hurlement », au sujet duquel il n’y a pas

d’autres précisions. Cependant, Martin parvient difficilement à mettre en place une stratégie

sémantique pour entrer dans l’activité scripturale parce qu’il éprouve des difficultés à enchaîner des

unités phrastiques, notamment à valeur causale, pour assurer la progression du texte et la cohérence

de l’histoire. Ainsi, dans la deuxième unité phrastique, l’expression modalisante qui utilise

l’imparfait « semblait raisonner » dans le premier prédicat peut s’opposer à la valeur du passé

simple du second prédicat, « un cri terrifiant semblait résonner au moment où la pluie heurta la

fenêtre ». De même, la dernière unité phrastique « je penser a un hurlement » emploie le verbe

penser pour montrer que le narrateur interprète le cri terrifiant comme un hurlement, à défaut, sans

doute, de pouvoir l’exprimer autrement, par un verbe ou une tournure de phrases plus appropriés.

Ainsi, l’analyse de la première séance d’écriture permet de montrer la prégnance de la stratégie

sémantique engagée par les trois élèves pour entrer dans l’activité scripturale. Face à un récit

d’invention, les élèves mobilisent leurs ressources : soit les connaissances acquises lors de la

première situation d’apprentissage, comme Martin et Christopher, soit leur faculté d’imagination

comme Rémy. Par ailleurs, les tentatives de contournement ou d’évitement de l’activité langagière

proposée peuvent révéler des difficultés à réaliser la tâche comme chez Martin, mais aussi un

rapport aux activités langagières scolaires, comme chez Christopher, dont les finalités ne sont pas

toujours comprises. Des gestes d’ajustement sont donc indispensables pour accompagner l’élève de

29

façon individualisée, l’aider à lever des blocages en ayant recours, notamment, à des phases

d’observation réfléchie de l’utilisation et du fonctionnement de la langue dans son texte.

Dès lors, comment les activités langagières suivantes vont-elles permettre aux élèves de développer

des stratégies complémentaires, notamment lexicales et pragmatiques, nécessaires à la réalisation

de la tâche d’écriture complexe visée ? Dans quelle mesure permettent-elles l’épaississement des

textes ? C’est ce que je propose d’analyser maintenant.

2. Des activités langagières au profit de l’épaississement des textes.

Pour Martin49

, les activités langagières se sont avéré un véritable soutien à la textualité de son récit.

En effet, l’emploi des énoncés de peur en assure la progression. Chaque unité phrastique contient

un nom de peur exprimant un degré d’intensité différent et assure de cette façon la progression du

texte. Ainsi, le héros est « effrayé », puis « angoissé », « paniqué », « terrifié », « angoissé de plus

en plus », « terrorisé », « tellement paniqué » et finit par en subir les effets physiques en devenant

« vert de peur ». Martin puise dans les exercices pour épaissir son texte et s’empare du lexique

pour qualifier la horde de zombis comme « horrible » et les bruits du couloir comme « stressants ».

Il procède de façon identique dans la dernière partie du texte : chaque unité phrastique contient un

procédé de la modalisation du doute. Là encore, il utilise essentiellement le lexique avec l’emploi

des verbes hésiter et étonner, de l’adjectif « bizarre » et de l’interrogative finale « Avais-je

rêvé ? ». On peut donc constater que les différents outils langagiers, notamment lexicaux, l’ont aidé

à tisser la trame narrative de son récit et, au final, ont débloqué l’écriture. Plus encore, ce

franchissement de l’obstacle rédactionnel que pouvait représenter pour Martin le travail d’écriture,

tant sur le plan linguistique que de l’élaboration fictionnelle, lui a servi à devenir auteur d’un texte,

« à être quelqu’un pour dire quelque chose », pour reprendre les propos de Jean-Claude Chabanne

49 Annexe 13 p XXXIV.

30

et Dominique Bucheton50

. Ces derniers précisent que « ce « quelqu’un » se construit par les

pratiques langagières : je deviens quelqu’un parce que je dis à d’autres quelque chose qui

m’appartient et en même temps m’élabore ». Plus encore, pour Martin, cela a modifié sans aucun

doute un rapport au langage et au travail d’écriture scolaire dont les effets positifs sur l’image de

soi ont eu des répercussions sur la suite des apprentissages, notamment en termes d’implication et

de prise de parole plus risquée au sein de la classe.

De son côté, Rémy est très engagé dans la narration. Comme je l’ai souligné précédemment, il se

positionne non en auteur mais presqu’en acteur d’une histoire qu’il vit sur le papier au rythme des

émotions ressenties pas le héros, insérant des commentaires et des images très personnels51

: « de

suite je comprit que ce n’était pas vraiment un être vivante mais plutôt un zombie comme on en voit

dans les films », « mon courage est tombé aussi bats que les tours du 11 septembre », « il s’écroula

au sol comme un footballeur qui cherche la faute ». La nécessité de se conformer à l’emploi des

outils langagiers, explicités dans les consignes d’écriture, l’obligent à un retour réflexif sur le texte.

Ainsi, pour parvenir à la deuxième étape de l’écriture, Rémy supprime une grande partie de son

texte originel, notamment toutes les parties contenant les insertions précédemment citées. Le

deuxième jet52

est une véritable re-composition du premier jet. Les ajouts replacent le narrateur-

héros au centre du récit. Ils correspondent, pour la plupart, à des unités phrastiques débutant par le

pronom-sujet « je », imposé par le point de vue interne et ils intègrent des énoncés de peur

qualifiant l’émotion ressentie par le héros : « j’apprhéhenda le pire devant cette hotel », « j’en

profita pour le regardé … en voillant tout ce rouge sur lui je sentie le stress monté en moi », « je

ne savait pas quoi faire avec cette panique qui m’avait envahi », « je ne sait pas pourquoi j’ai agit

comme sa, surement a cause de la peur que j’ai en moi ». Les remplacements, opérés dans le texte,

concernent des reformulations de passages narratifs descriptifs dont la condensation contribue à

50 Chabanne & Bucheton, 2002, op. cit. p 24. 51

Annexe 14 p XXXV-XXXVI : colonne de gauche. 52

Annexe 14 p XXXV-XXXVI : colonne de droite.

31

recentrer la narration sur l’action du héros. Ainsi, par exemple, « pas de réponse, toujours aucune

réaction, aucun mouvement… mais d’un coup il releva la tête, me fixa avec c’est yeux remplis de

sang et commencer a craché de la bave et du sang… il se précipitat sur moi en courant en poussant

des hurlements encore plus fort que les premiers », devient « après 2 mn sans réaction ni geste

l’homme remonta sa tete brusquement et me fixa de ces yeux rouge et effrayent, il se mit a craché

du sang et recommença ses hurlements affolent ! Jusqu’au moment ou il se mit a courir en

continuant c’est crie horrible ». L’insertion des adjectifs « effrayant », « affolant » et « horribles »

pour qualifier l’évènement fantastique participe à construire le point de vue du narrateur et à établir

une relation dialogique avec le lecteur dans une stratégie pragmatique. Tout comme Martin, Rémy

utilise le lexique de la peur pour étayer son texte et assurer sa progression jusqu’au troisième écrit.

Ainsi, on passe d’une peur ressentie physiquement dans le deuxième jet du deuxième écrit :

« j’avait beaucoup de frissons », « me fit sursauter », « je sentie le stress monté en moi », « je le

frappa jusqu’à la mort en défoulent tout mon stress », associée à une peur plus psychologique dans

le troisième écrit : « l’angoisse me gagna et mon cœur palpita », « appeuré je me mit a paniqué »,

etc.53

. Dans ce dernier écrit, les digressions narratives sont moins dominantes et le travail de

réécriture est moins important54

. Néanmoins, si Rémy a recours à la formulation d’interrogatives

directes pour traduire le doute du héros-narrateur face aux évènements étranges qu’il vient de vivre,

il ne peut s’empêcher de contextualiser ce questionnement dans un dialogue fictif avec un

psychologue, ce qu’il précise par deux ultimes ajouts55

, dans la réécriture finale, au début et à la fin

du texte. Jean-Claude Chabanne et Dominique Bucheton56

expliquent que les opérations par

lesquelles l’élève est amené à choisir, à catégoriser, à hiérarchiser pour tisser son texte s’élaborent

à partir de savoirs, d’expériences, de systèmes de valeurs, de modèles culturels déjà-là. Les

53 Annexe 14 p XXXVI : colonne de gauche ; écrit n°3 : 1er jet.

54 Annexe 15 p XXXVIII.

55 Annexe 15 p XXXVIII : colonne de droite.

56 Chabanne & Bucheton, 2002, op.cit. p 24.

32

réagencements textuels révèlent des opérations symboliques, des processus de sémiotisation qui

traduisent ce que signifie le texte pour le scripteur.

La démarche de Christopher témoigne, quant à elle, d’une importante réflexivité langagière telle

que la définissent Jean-Claude Chabanne et Dominique Bucheton « comme l’entrelacement de

différents plans : cognitifs, socio-affectifs, linguistiques, etc., entrelacement dynamique sur le plan

verbal par lequel le sujet sémiotise son expérience, la culture rencontrée, les discours entendus.

…. On constate qu’il instrumente le sujet dans sa capacité à penser »57

. Ainsi, Christopher se

distingue par l’abondance d’écrits intermédiaires : trois jets pour les deux premiers écrits, deux

pour le troisième, un brouillon initial, un autre intermédiaire avant la réécriture finale. Il procède à

l’épaississement de l’avant-texte, élaboré lors de la première séance d’écriture, par ajouts successifs

des outils langagiers travaillés en amont qu’il parvient à utiliser dans une véritable stratégie

pragmatique. De cette façon, il utilise de nouveau la personnification, dans le second écrit, pour

décrire l’évènement fantastique de façon inquiétante58

que l’emploi de substituts, dans la réécriture

finale, tels qu’ « une masse blanchâtre », « une fumée » continue d’accroître. De même, si les

énoncés de peur qualifient le sentiment ressenti par le héros : « un sentiment de peur horrible »,

« ce brouillard m’avait glacé tout mon sang », l’élève parvient également, comme l'indiquait la

consigne, à augmenter leur degré d’intensité, c’est-à-dire de l’expression de peur la moins intense

« j’étais terrifié », à la plus intense « commençaient vraiment à m’épouvantaient », « s’affolait »,

« m’avait glacé tout mon sang et les os jusqu’à la moelle ». Mais Christopher les utilise aussi pour

décrire l’évènement fantastique : « une masse blanchâtre horrifiante », « des hurlements

inquiétants », « des gémissements effroyables qui venaient de l’intérieur »59

, etc. De même, on peut

remarquer, qu’il n’hésite pas à supprimer des expressions de peur pour les remplacer par des

adjectifs qu’il juge plus adéquats. Ainsi, « les vagues très stressantes » deviennent « les vagues

57 Ibid.

58 Annexes 16 et 17 p XXXIX à p XLII.

59 Annexe 17 p XLI ; colonne de droite. Les termes en vert correspondent aux énoncés de peur.

33

immenses »60

. Les ajouts présents dans la réécriture finale témoignent de la réelle compétence

scripturale qu’a développée Christopher au cours de la situation d’apprentissage : « les hurlements

inquiétants » deviennent « inquiétants et insupportables », « le brouillard repoussant

s’approchait » devient « cette fumée avançait vers moi tel une faucheuse vers sa proie ».

Christopher s’emploie à mobiliser toutes ses ressources : cognitives, culturelles, linguistiques au

service de l’épaississement du texte, de la tension dramatique qu’il souhaite développer.

Résolument il se pose comme auteur, libre de penser et d’agir par et pour son texte grâce à la

langue.

3. Vers une modélisation des situations didactiques de l’enseignement-apprentissage de

la langue au lycée professionnel ?

L’objectif de cette partie était de montrer comment des activités langagières, menées en amont de

l’écriture, dans des séances de langue décontextualisées pouvaient aider les élèves à développer des

stratégies sémantiques, pragmatiques et lexicales, utiles à l’élaboration de leurs récits. Ce travail

illustre selon moi comment deux types de langage sous-tendent l’architecture d’une séquence et

révèlent la grammaire d’une pratique professionnelle : des règles définitoires qui s’appuient

notamment sur le référentiel et des règles stratégiques gouvernant les processus d’acquisition. Cette

grammaire de la séquence révèle la structure, l’architecture de l’ensemble et la logique des

différentes séances qui la constituent et dont les activités, se complétant les unes les autres, aident

les élèves à parvenir à la réalisation de la tâche complexe visée.

Guy Brousseau61

, didacticien des mathématiques, présente, pour l’élaboration du savoir en

mathématiques, des temps où le savoir constitué est décontextualisé et dépersonnalisé et des temps

où le professeur propose des situations de recontextualisation du savoir acquis par l’élève. C’est

tout-à-fait la conception didactique de cette séquence d’enseignement-apprentissage où s’articulent

60 Annexe 17 p XLI.

61 Brousseau, 1998.

34

des temps spécifiques décontextualisés dédiés à l’apprentissage d’un outil langagier et des temps de

réinvestissement, de recontextualisation de cet outil dans les productions écrites. Ces temps

d’enseignement des connaissances langagières constituent une situation didactique et les temps de

réinvestissement des temps adidactiques. L’élève agit dans un but qui n’est pas l’apprentissage, il

agit pour résoudre le problème posé, en l’occurrence ici la consigne d’écriture complexe. Le maître

n’intervient pas pour proposer des connaissances mais pour réguler les savoirs en jeu, ajuster « les

règles du jeu ».

C’est le principe de « l’action conjointe » de G. Sensevy62

, professeur de sciences de l’éducation à

l’ESPÉ de Bretagne et dont les recherches portent sur l’étude, en didactique, de l’enseignement et

de l’apprentissage, et de leurs relations, que j’ai pu retrouver dans l’analyse de l’accompagnement

rédactionnel des trois élèves du corpus. En effet, pour chacun, il a fallu des gestes d’ajustement

pour leur permettre de poursuivre « le jeu ».

Pour G. Sensevy, agir conjointement c’est « s’ajuster à autrui ». Il s’agit de prendre en compte

« l’arrière-plan », c’est-à-dire le cadre de référence de la situation et de l’action. La logique

d’élaboration, s’appuyant sur l’identification et l’anticipation des besoins langagiers des élèves

pour réaliser la tâche globale visée, rejoint la définition de la grammaticalité que donne G. Sensevy

« la grammaticalité … est une manière de voir comme les gens sont inclinés à voir, lorsqu’on les

pense jouant aux jeux (grammaire) qu’on a élaborés pour tenter de les comprendre ». Pour

comprendre l’action d’autrui, il est nécessaire d’identifier les modèles que les individus suivent

pour garantir la poursuite du « jeu ». Au terme de cette séquence didactique d’écriture complexe, se

pose la question de la remédiation orthographique des écrits des élèves. Comment identifier les

difficultés linguistiques et les procédures de raisonnement que les élèves empruntent pour

orthographier leurs écrits ? Quels outils didactiques élaborer pour les aider à réviser leurs textes ?

Autant de questions que j’ai été amené à me poser en essayant de suffisamment circonscrire

62 Sensevy G. , 2011.

35

« l’arrière-plan » à l’aide d’outils diagnostiques qui m’ont aidé à préciser les savoirs et les

procédures de raisonnement empruntés par les élèves. A partir de cette analyse, j’ai ensuite cherché

à concevoir « un milieu didactique » destiné à former le contexte et les conditions dans lesquelles

les élèves pouvaient agir sur un problème de langue, faire opérer leurs connaissances et aboutir à sa

résolution. C’est ce cheminement didactique que je propose d’analyser dans la deuxième partie de

ce mémoire.

36

PARTIE II : LE TRAITEMENT DES ÉCARTS À LA NORME

ORTHOGRAPHIQUE

Chapitre I : Analyse des erreurs rencontrées dans les trois copies d’élèves

1. Portraits d’élèves : analyse linguistique des copies d’élèves et détermination de profils

Les annexes 18 à 2063

présentent l’analyse linguistique des erreurs morphographiques produites par

les élèves au cours du premier jet d’écriture, puis dans la version finale. Afin de faciliter une

analyse comparative entre les élèves, les erreurs ont été classées dans quatre grandes catégories

relevant de l’orthographe lexicale, de l’orthographe grammaticale, de la morphosyntaxe verbale et

de l’homophonie. A l’intérieur de cette typologie, les dysfonctionnements morphographiques sont

ensuite décrits au plus près de la réalité linguistique qu’ils recouvrent et conduisent à déterminer les

profils des élèves.

Evidemment, la quantité des erreurs est également à mettre en relation avec la longueur des textes

produits. Ainsi, Rémy est amené à produire beaucoup plus d’erreurs que Martin dont le texte est

plus court. Néanmoins, la lecture comparative des tableaux illustre la prégnance de certains types

d’erreurs selon les scripteurs. J’ai choisi de mener une analyse comparative entre ces trois élèves en

traitant successivement chacune des grandes catégories d’erreur.

Ainsi, les erreurs d’orthographe lexicale sont relativement importantes chez Rémy et chez Martin.

Un certain nombre de mots relèvent d’une transcription phonographique et non morphographique.

L’élève cherche à reproduire le son entendu et à l’encoder selon une association graphème-

phonème. La transcription des sons j, i et des finales muettes dans certains mots demeure encore

purement phonétique chez Rémy. De même, les règles de position de certaines lettres gouvernant la

production des sons s ou j sont fragiles. Les accents posent également problème, notamment

pour Martin. Christopher, en revanche, produit peu d’erreurs de ce type.

63 Annexes 18 à 20 p XLIII à XLVII.

37

Les erreurs d’orthographe grammaticale constituent la source de dysfonctionnement

orthographique principal chez les trois élèves. Chacun rencontre des difficultés à accorder les

constituants du groupe nominal, même si le déterminant comporte une marque de nombre, ou alors

appose une marque indue au déterminant ou à l’adjectif. Néanmoins, on note que Rémy opère de

façon apparemment très aléatoire ce qui tend à prouver que ses connaissances grammaticales sont

fragiles voire confuses. Tantôt, il omet les marques de nombre, tantôt il élude les marques de genre.

Le nombre de marques indues est relativement important. Chez Martin, des difficultés analogues se

rencontrent mais dans une moindre proportion, sa production étant plus courte. Christopher

commet des erreurs mais qui semblent provenir d’un raisonnement orthographique. En effet, il

accorde l’adjectif « inquiétantes » avec l’adverbe d’intensité « très » au lieu du groupe nominal

« une nuit noire ». De même, il accorde le verbe « s’approchaient » avec le groupe prépositionnel

« d’hommes » expansion du groupe nominal masculin singulier « un petit groupe ». Enfin, il

désigne à plusieurs reprises « l’équipage » par le féminin.

Les erreurs de morphosyntaxe verbale sont très importantes pour chaque élève. Le récit nécessitait

d’écrire au passé, notamment à l’imparfait et au passé simple, ce qui a conduit les scripteurs à

produire de nombreuses erreurs de désinences. Rémy ne parvient pas à conjuguer correctement les

verbes. Tout au long du texte, on relève des désinences de troisième personne du singulier

employées pour la première personne du singulier ou des désinences redoublées comme dans « il

trébuchat », « je le frappas », etc. De même, il emploie assez souvent les désinences d’un mode

impersonnel pour un mode personnel telles que « je partie », « un homme sortie », « la porte se

rouvrie », etc. et inversement, notamment pour orthographier le participe présent où il utilise la

désinence du présent de l’indicatif de la troisième personne du pluriel pour former le son an,

comme par exemple dans « soleil tapent », « en se ferment », etc. Chez Christopher et Martin, on

constate les mêmes difficultés mais principalement pour les finales verbales en E, portant les

marques d’un adjectif ou d’un participe passé en « é », de l’infinitif ou encore « ez » pour désigner

un passé simple d’un verbe du premier groupe ou un imparfait à la première personne. Cette brève

38

analyse montre l’importance du déficit cognitif du système verbal que l’on retrouve également dans

un certain nombre de fautes d’accord au sein du groupe verbal. Néanmoins, si Rémy et Martin

présentent une orthographe relativement labile, Christopher, au contraire, opère des types d’erreurs

très réguliers. Ainsi, il remplace quasiment tous les infinitifs par « é », que ce soit après une

préposition ou après un premier verbe conjugué. Il accorde le verbe avec le groupe nominal au

pluriel en mettant un « s » après le « és » comme dans « les vagues frappés ». De même, il redouble

la désinence de personne pour les verbes du premier groupe conjugués au passé simple à la

troisième personne du singulier, alors qu’il n’appose aucune marque de personne pour les verbes

du troisième groupe formant leur passé simple en « u ».

Enfin, les homophones sont une source d’erreurs importante. Rémy et Martin confondent

quasiment tous les homophones grammaticaux. Ils emploient l’auxiliaire « a » à la place de la

préposition « à » et mettent au participe passé le verbe qui suit, comme pour le passé composé, au

lieu de l’infinitif. Christopher, lui, utilise à bon escient la préposition « à » mais conjugue le verbe

qui suit comme ses camarades.

Ainsi, cette analyse des copies tend à démontrer l’importance du déficit cognitif des élèves en

matière d’orthographe grammaticale associé à des difficultés en orthographe lexicale pour Martin

et Rémy. Si ces derniers semblent peu ou mal maîtriser les règles qui régissent le système de la

langue, Christopher, lui, apparaît raisonner mais vraisemblablement à partir de connaissances

erronées.

2. Enjeux sociétaux et exigences institutionnelles de la maîtrise de la langue.

Si l’on compare cette analyse orthographique et grammaticale avec les compétences attendues du

socle commun, on se rend compte que les élèves dont nous avons observé les copies n’ont

39

manifestement pas acquis les connaissances et les compétences du pallier 2 de la fin de cycle 3 de

l’école primaire64

relatives à la maîtrise de la langue.

La présentation du socle commun de connaissances et de compétences stipule qu’en matière

d’orthographe, il est nécessaire d’atteindre une maîtrise correcte de l’orthographe dans les écrits

spontanés des élèves dès la fin de l’école primaire. Or, si l’on se réfère, par exemple, à l’une des

acquisitions attendues au cours du CE165

, soit être capable d’« orthographier correctement des

formes conjuguées, respecter l’accord entre le sujet et le verbe, ainsi que les accords en genre et

en nombre au sein du groupe nominal »66

, les productions présentées plus haut démontrent que ces

procédures ne sont pas maîtrisées. Dès lors, la formule modalisée suivante, rendant compte des

attentes concernant la fin de la scolarité obligatoire, à savoir « le perfectionnement de

l’orthographe jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire est cependant une nécessité » paraît fort

éloignée des compétences orthographiques réelles acquises par certains élèves de lycée

professionnel. En effet, dans les exemples présentés plus haut, il ne s’agit vraisemblablement pas

d’un « perfectionnement » mais bien d’une poursuite des acquisitions de base qui est à envisager.

Si l’on s’appuie sur le référentiel du baccalauréat professionnel, l’une des finalités du programme

de français est de stabiliser les fondamentaux et de poursuivre les exigences du socle commun de

compétences. Quelles sont-elles en matière d’orthographe grammaticale ?

A la fin de la scolarité obligatoire, les élèves de lycée professionnel doivent atteindre le pallier 3 du

socle commun de connaissances et de compétences67

, et sont sensés :

64 http://www.education.gouv.fr/archives/2012/refondonslecole/wp-

content/uploads/2012/07/dgesco_grilles_de_reference_pour_l_evaluation_et_la_validation_du_socle_palier_2.pdf 65

http://media.education.gouv.fr/file/27/02/7/livret_personnel_competences_149027.pdf 66

Il est important de faire remarquer que cette prescription ne s’appuie pas sur des recherches en didactique voir l’article

Elalouf, Cogis, & Gourdet, 2011. Les auteurs soulignent qu’une exigence précocément élevée perd beaucoup d’élèves. 67

http://www.education.gouv.fr/archives/2012/refondonslecole/wpcontent/uploads/2012/07/dgesco_grilles_de_reference

_pour_l_evaluation_et_la_validation_du_socle_palier_3.pdf

40

- écrire lisiblement un texte, spontanément ou sous la dictée, en respectant

l’orthographe et la grammaire, et pour cela, ils doivent être capables de vérifier la

lisibilité de l’écriture et pratiquer la dictée sous différentes formes (préparée ou

non, argumentée…)

- utiliser des capacités de raisonnement, des connaissances sur la langue et savoir

faire appel à des outils variés pour améliorer leur texte.

L’enseignant doit aider les élèves à relire et à corriger leurs productions écrites tant sur le plan de la

grammaire, de l’orthographe, que de la ponctuation.

Il doit leur apprendre à analyser leurs erreurs, en menant, par exemple, un travail spécifique sur les

erreurs lexicales, grammaticales et orthographiques, et/ou en leur faisant justifier oralement ou par

écrit la correction proposée. La grande difficulté pour l’enseignant de français réside dans l’analyse

linguistique des copies d’élèves et l’explication des dysfonctionnements observés. Le socle

commun nous invite à accompagner les procédures de contrôle orthographique alors qu’il me

semble que les connaissances de base et la maîtrise des règles grammaticales ne sont pas acquises.

Dès lors, il faut trouver les meilleures stratégies d’apprentissage possible pour stabiliser les

fondamentaux dans un volume horaire hebdomadaire relativement restreint68

et où il n’est pas

prévu de temps d’enseignement spécifique dédié à l’apprentissage de la langue comme à l’école

primaire.

Dans une conférence du 25 janvier 201269

intitulée « La lecture à l’ère du numérique : nouveaux

textes, nouveaux lecteurs ? » Jean-François Rouet, chercheur en psychologie et spécialiste de la

compréhension, précise que l’accès à l’écrit détermine désormais le taux d’employabilité dans les

68 Une année scolaire au lycée professionnel correspond à environ 25 semaines de cours et le volume horaire de français

est de trois heures hebdomadaires en moyenne. 69

http://www.cndp.fr/crdp-creteil/component/content/article/214-seminaires-et-formations/861-les-mercredis-de-creteil--

jean-francois-rouet

41

pays de l’OCDE, ce qui n’était ni le cas en France il y a cinquante ans, et qui n’est ni le cas dans les

pays qui enregistrent un taux de développement et de littéracie plus faibles. Désormais, les

environnements de travail nécessitent de lire et d’écrire de nombreux textes, fonctionnels

notamment. Les enquêtes PISA, commandées par l’OCDE, cherchent à évaluer la capacité des

jeunes à utiliser les acquis de leur scolarité obligatoire dans la vie courante et portent sur les élèves

de quinze ans. Associées aux résultats des évaluations PIRLS, elles ont montré que, depuis une

dizaine d’années, le pourcentage d’élèves en difficulté face à l’écrit a augmenté de manière

significative et près d’un élève sur cinq est aujourd’hui concerné en début de 6ème

. Alors que la

maîtrise des mécanismes de base de la lecture reste stable, les compétences langagières

(orthographe, vocabulaire, syntaxe) sont en baisse, ce qui explique l’aggravation du déficit de

compréhension des textes écrits, parmi les élèves les plus faibles.

Enfin, il convient de rapprocher ces résultats de la spécificité de l’enseignement professionnel en

France qui tente à la fois de garantir l’accès à l’insertion professionnelle tout en régulant la

difficulté, voire l’échec scolaire. Plus d’un tiers des élèves sont aujourd’hui scolarisés au lycée

professionnel. Ils entretiennent un rapport aux savoirs spécifiques qu’Aziz Jellab, sociologue, a

présenté dans un article paru dans la Revue Française de Pédagogie en 200370

. A partir d’une

enquête de terrain menée auprès d’élèves de CAP et de BEP, il a dégagé quatre formes dominantes

de rapport aux savoirs :

- une forme de rapport pratique aux savoirs désigne les élèves qui investissent

surtout les savoirs préparant aux métiers et ne considèrent les enseignements

généraux que comme contenu obligatoire et peu formateur en soi.

70 Jellab, 2003.

42

- Une forme réflexive de rapport aux savoirs concerne les élèves qui tentent de

revivre autrement leur expérience antérieure du collège « en investissant les

savoirs généraux et décontextualisés ».

- La forme intégrative-évolutive caractérise ceux qui se mobilisent sur l’ensemble

des savoirs parce qu’ils perçoivent « qu’apprendre et savoir, c’est maîtriser des

situations professionnelles, en même temps que maîtriser des rapports sociaux ».

- Enfin, une forme de rapport désimpliquée aux savoirs spécifie les élèves qui ne se

mobilisent sur aucun contenu.

Les formes « réflexive et intégrative-évolutive » de rapport aux savoirs sont des appuis pour

renouer avec l’apprentissage de la langue. La forme dite « pratique » peut également être une

ressource pédagogique pour dispenser un enseignement de la langue en lien avec la spécialité

professionnelle, dès lors que les élèves en perçoivent l’importance pour leur formation. Dans le

cadre de la rénovation de la voie professionnelle, il existe un volume horaire dédié aux

enseignements généraux en lien avec la spécialité71

.

Il y a donc un enjeu social et professionnel fort à trouver les stratégies d’apprentissage qui aident

les élèves à renouer avec la langue et à progresser vers sa maîtrise. C’est ce que j’ai tenté de mettre

en place en organisant des séances spécifiques dédiées à la correction orthographique fondées sur

un outil d’aide à la réécriture qui rappelle des règles de grammaire.

71 http://eduscol.education.fr/cid45841/l-organisation-des-enseignements-dans-le-cadre-de-l%19autonomie-des-

etablissements%C2%A0-approches-organisationnelles-et-pedagogiques.html

43

Chapitre II : Proposition d’un outil d’aide à la correction s’appuyant sur les règles

d’orthographe grammaticale.

1. Des séances dédiées à la correction

Pour la séquence analysée dans ce mémoire, aucune indication de reprise grammaticale,

orthographique ou lexicale n’a été apposée sur les textes des élèves, souhaitant ainsi réduire toute

surcharge cognitive et ne pas bloquer le processus rédactionnel. Néanmoins, au terme de leur

travail d’écriture, les scripteurs doivent assembler leurs écrits intermédiaires et procéder, pour cela,

à une révision qui peut se subdiviser en deux étapes : celle d’une relecture impliquant une

éventuelle réécriture du point de vue sémantique conditionnée à la vérification que le texte

correspond bien aux buts poursuivis. Dans ce but un tableau d’auto-évaluation, récapitulatif des

attentes72

, est fourni comme guide à une relecture critique. Cette relecture implique rarement une

remise aux normes orthographiques et syntaxiques du texte spontanée. Une dernière étape de

correction est donc nécessaire et doit aider les élèves à traiter les écarts à la norme orthographique

qui subsistent dans les textes.

Daniel Bessonnat, professeur de français au collège et coordonnateur d’un numéro de la revue

Pratiques consacré à la réécriture73

, pose la question de savoir pourquoi et comment mobiliser la

réécriture dans le travail de la classe de français. Dans un retour réflexif sur la notion de réécriture,

il définit l’action de corriger comme le rétablissement d’une version textuelle conforme à ladite

norme et la distingue ainsi de la réécriture qui agit au niveau du texte, non d’unités phrastiques, et

fait appel à des connaissances procédurales plutôt que déclaratives. En ce sens, la correction relève

du métalinguistique, fait en effet appel à des connaissances déclaratives, à des règles.

72 Annexe 21 p.L.

73 Bessonat, 2000.

44

Aussi, compte-tenu de l’insuffisance des connaissances grammaticales pour la maîtrise des règles

et des normes du français chez la plupart des élèves, qu’elles soient déclaratives, comme la

connaissance des règles d’accord, conditionnelles, comme la reconnaissance des contextes

linguistiques où ces règles s’appliquent ou procédurales, c’est-à-dire liées à la maîtrise de

procédures opérantes qui permettent, par exemple, le repérage du ou des mots-clés renvoyant à une

règle, des séances de travail sont exclusivement dédiées à l’étape de la correction.

2. L’élaboration d’un outil d’aide à la réécriture

Pour conduire ces séances, j’ai conçu un code de correction74

qui renvoie à des règles consignées

dans un fascicule75

. D’autres outils sont mis à disposition des élèves : dictionnaires, Bescherelle

d’orthographe et de conjugaison. Pour ne pas surcharger l’activité, les erreurs qui reviennent le plus

souvent sont encodées et celles pour lesquelles les élèves ne peuvent pas trouver seuls la solution

sont corrigées directement. Ce fascicule est destiné à être enrichi au fil du temps, en fonction des

besoins identifiés dans les copies. Il s’appuie sur l’idée que les élèves ont bénéficié d’un

enseignement de la langue depuis l’école primaire et qu’une réactivation des règles grammaticales

peut les aider à corriger leurs erreurs. Les élèves sont alors obligés d’aller et venir entre le code, le

fascicule, dans lequel ils doivent retrouver la règle qui correspond à leur erreur, et les différents

outils. Ce retour réflexif sur le fonctionnement de la langue dans leur propre texte a pour but

d’aider les scripteurs à s’emparer des règles et à améliorer ainsi leur écrit. C’est assez souvent

l’occasion d’un débat entre pairs et les élèves travaillent spontanément à plusieurs et s’entraident

pour trouver des solutions.

Or, les écrits finalisés après correction présentent des écarts à la norme orthographique et

grammaticale parfois encore importants.

74 Annexe 22 p.LI.

75 Annexe 23 p LII à p LXVI.

45

3. Analyse des écarts qui demeurent après la séance de réécriture

Les annexes 18 à 20 présentent les erreurs qui persistent ou qui apparaissent dans la réécriture

finale. Elles indiquent en bleu, dans la colonne du 1er jet, les graphies erronées qui ont été

maintenues ou qui ont été remplacées par une autre graphie erronée.

Rémy a corrigé des erreurs mais un certain nombre persiste. Il s’agit soit d’erreurs qu’il n’a pas

corrigées, soit d’erreurs qu’il a reproduites au cours de la réécriture alors qu’il les avait corrigées

sur le brouillon, soit de nouvelles erreurs commises à la faveur d’ajouts ou de transformation du

texte. Elles portent essentiellement sur les accords au sein du groupe nominal et sur la morphologie

verbale. Christopher a corrigé les erreurs de conjugaison mais a maintenu toutes les erreurs de

morphographie verbale concernant l’infinitif. Martin a corrigé un grand nombre de ses erreurs mais

il a été aidé par des camarades.

La morphographie est liée aux domaines de l’orthographe et de la grammaire et correspond à la

morphologie écrite de la langue. Les morphogrammes sont des marques morphologiques qui ne

s’entendent pas nécessairement mais qui participent d’un rôle grammatical comme les marques de

pluriel par exemple.

Je remarque que la séance fonctionne pour les quelques élèves dont les copies présentent peu

d’erreurs ou vraisemblablement des erreurs que l’on pourrait qualifier d’inattention. Pour les autres,

les corrections demeurent aléatoires voire inexistantes comme l’infinitif chez Christopher. L’outil

de réécriture fondé sur un rappel des règles grammaticales n’apparaît pas très efficace et les élèves

n’appliquent pas les règles qui s’y trouvent de façon systématique.

L’hypothèse, avancée par Jean-Claude Chabanne et Dominique Bucheton76

, est « que l’élève, pris

par la dynamique de l’écriture, est amené à aller au-delà de ses compétences, et donc à prendre

76 Chabanne & D. Bucheton, 2002, op.cit. p 24.

46

des risques, tout autant de ce qu’il a à dire … que du côté des solutions linguistiques. Il se trouve

donc à produire des fautes qui ne sont pas à comprendre seulement comme des manques, mais

aussi comme des signes de l’activité linguistique conçue comme une prise de risques autorisée ».

Cela m’engage à m’intéresser au fonctionnement de la mémoire de travail lorsque les élèves

doivent tout à la fois penser la planification du texte, la révision pour vérifier la conformité de leur

écrit aux exigences posées dans la consigne et s’assurer de la mise aux normes orthographiques et

syntaxiques.

4. Une question de surcharge cognitive ?

En 1995, la revue Linx proposait un numéro spécial consacré aux difficultés linguistiques des

jeunes en formation professionnelle courte. A cette occasion, Jean-Pierre Jaffré, linguiste et

chercheur au CNRS et Françoise Bollengier, professeure au lycée professionnel d’Antony77

, avait

rendu compte des actes d’écriture d’une classe de terminale BEP électrotechnique d’un lycée de la

grande banlieue parisienne. Les écarts morphographiques constatés relevaient essentiellement,

selon les auteurs, d’un calcul cognitif et fonctionnel. Il s’agissait d’unités graphiques n’ayant pas

d’équivalents phonémiques et qui nécessitent de « calculer » une fonction linguistique et de la

représenter à l’écrit (c’est le cas par exemple des finales verbales en /E/). Le calcul fonctionnel

nécessaire au traitement de ces écarts était lui-même tributaire, selon les auteurs, « d’un espace

mental, la mémoire de travail, qui, pendant l’écriture, est occupé par d’autres opérations (gestion

des idées et mise en texte). On peut donc penser qu’en libérant cet espace mental, on facilite le

déroulement d’un tel calcul. C’est ce qui se passe lors d’une réécriture centrée sur les aspects

formels ».

La mémoire de travail est donc une structure mentale qui permet le traitement de tâches cognitives

complexes grâce au maintien temporaire et à la manipulation d’informations dans notre cerveau.

77 Jaffré & F. Bollengier, 1995.

47

S’intéresser à son rôle lors de la production d’écrits permet de mieux comprendre les conditions

d’une surcharge cognitive et, dans la perspective d’un développement du traitement des écarts

morphographiques dans des protocoles de relecture et de correction autonomes des textes,

d’envisager un meilleur traitement des ressources cognitives et/ou un développement des capacités

de la mémoire de travail.

C’est dans cette perspective que j’ai abordé la lecture du chapitre d’un ouvrage intitulé La mémoire

de travail : une place centrale dans les apprentissages scolaires fondamentaux, écrit par Nathalie

Gavens et Valérie Camos78

. Les auteures sont deux chercheuses en psychologie cognitive. Nathalie

Gavens est professeure à l’Université de Nancy et membre du Laboratoire Interuniversitaire des

Sciences de l’Education et de la Communication (LISEC). Sa thèse de doctorat portait sur Le

développement des empans de mémoire de travail et ses déterminants. Valérie Camos est

professeure à l’Université de Fribourg. Ses recherches portent sur la compréhension des

mécanismes d’apprentissage chez les enfants en âge de scolarisation. Ce chapitre propose d’abord

une mise au point théorique sur la mémoire de travail et les principaux modèles permettant de

rendre compte de son fonctionnement et de son développement. Puis, les auteures font le bilan de

leurs connaissances sur le rôle exact de la mémoire de travail dans les trois apprentissages

fondamentaux : la lecture, la production d’écrits et le nombre. Enfin, elles évoquent les méthodes

actuelles d’évaluation de la mémoire de travail et leur utilité dans la prédictivité de la réussite

scolaire.

Ce sont deux cogniticiens, Alan Braddeley et Graham Hitch qui, dans les années 1970, ont

participé à définir la mémoire à court terme comme une mémoire de travail conçue comme un

système dynamique assurant le stockage et le traitement des informations dans notre cerveau par

des structures cognitives spécialisées.

78 Gavens & V. Camos, 2006.

48

Ainsi, il existe des systèmes de mémoire temporaire, la boucle phonologique et le calepin visuo-

spatial, qui assurent le maintien respectif des représentations langagières et imagées et un système

de contrôle appelé le centre exécutif ou l’administrateur central, chargé de traiter des fonctions du

plus haut niveau telles que la planification, la coordination, l’inhibition et la récupération

d’informations.

Ces deux fonctions de traitement et de stockage nécessitent des ressources attentionnelles. Elles

constituent la capacité de la mémoire de travail et sont limitées. Si le coût cognitif de stockage de

l’information, par la boucle phonologique et le calepin visuo-spatial, n’excède pas la capacité de la

mémoire de travail, l’administrateur central dispose de suffisamment de ressources pour effectuer

le contrôle et la gestion des opérations de traitement. En cas de surcharge cognitive, c’est-à-dire

lorsque l’ensemble des ressources n’est pas suffisant pour maintenir les informations actives,

l’administrateur central ne reçoit plus de ressources pour assurer ses fonctions. L’enjeu est donc de

gérer de manière la plus économique et la plus efficace possible la quantité de ressources

disponibles.

La production de textes implique la mise en œuvre de trois composantes : la formulation,

l’exécution et le contrôle. Chacune d’elles est constituée de deux processus rédactionnels.

La formulation consiste à planifier des idées et à les traduire en langage : deux instances très

coûteuses en ressources attentionnelles. La planification mobilise essentiellement le calepin visuo-

spatial en récupérant des idées sous forme d’images mentales tandis que l’administrateur et la

boucle phonologique se chargent du traitement de recherche lexical et de la construction

syntaxique.

L’exécution grapho-motrice mobilise peu la mémoire de travail.

Le contrôle vise à améliorer le texte en cours de production et peut avoir lieu à tout moment au

cours de la rédaction. Il fait appel à des processus de lecture, permettant notamment d’évaluer son

49

texte, et d’édition impliquant la modification et la correction du texte. Ces deux composantes

nécessitent une importante mobilisation de la mémoire de travail en ayant un recours constant à la

boucle phonologique (processus de lecture) et à l’administrateur central (processus de lecture et

d’édition).

L’automatisation des processus rédactionnels entraînent une libération partielle des ressources

cognitives disponibles pouvant dès lors être allouées à des traitements plus coûteux.

Les épreuves d’empans mesurant les capacités en mémoire de travail servent à prédire la réussite

aux apprentissages scolaires. Deux études ont été conduites en France et en Angleterre, à partir des

évaluations nationales effectuées à différents âges. Les auteures en ont conclu que les faibles

performances enregistrées aux évaluations nationales tenaient plus au fonctionnement inefficace de

l’administrateur central qu’à un défaut de connaissances ou de compétences. Par ailleurs, elles ont

également montré que ce n’est pas la complexité de l’activité de traitement qui permet d’évaluer la

capacité de la mémoire de travail mais c’est sa capacité à capturer l’attention qui est une valeur

prédictive de performance scolaire.

Si toute activité cognitive complexe fait appel à une partie ou à l’ensemble des instances de la

mémoire de travail, celles-ci puisent dans une réserve limitée de ressources attentionnelles. Celle-ci

se partage donc entre traitement et maintien d’informations. « Ainsi, lorsqu’une de ces activités est

difficile pour un élève, elle mobilise une grande partie de ces ressources au détriment de l’autre

activité, le conduisant plus ou moins rapidement à une situation d’échec. Les difficultés observées

en classe chez certains élèves pourraient donc être davantage liées à un défaut de mémoire de

travail qu’à un réel déficit des connaissances ». Cette conclusion rejoint les propos de Jean-Pierre

Jaffré, cités plus haut.

Ainsi, pour éviter toute surcharge cognitive, notamment pour les élèves les plus en difficultés qui

mobilisent une grande part de leur mémoire de travail à l’une des deux fonctions de la mémoire de

50

travail au détriment de la deuxième, il convient de réfléchir aux allègements qui peuvent être

envisagés sur l’une ou l’autre de ces composantes.

La conclusion de cet article corrobore les enseignements de la première partie du mémoire. En

effet, le traitement d’activités langagières en séances décontextualisées, réintroduites dans des

temps d’écriture, représentant les étapes progressives de la réalisation d’une tâche d’écriture

complexe, semble le plus efficient pour les élèves les plus en difficultés. Les auteures nous ont

montré combien la mémoire de travail pouvait être sollicitée dans les activités cognitives

complexes notamment en situation de production d’écrits.

Les erreurs en orthographe grammaticale dans les premiers jets d’écriture révèlent une surcharge

cognitive évidente que les chercheurs, cités au début de notre propos, ont soulignée. Néanmoins,

dans le cadre du travail d’écriture étudié dans cette étude, les étapes de correction ont été effectuées

dans un temps spécifique, à distance de l’écriture et de la révision du texte, à l’aide de supports

variés. Je peux donc supposer que les erreurs morphographiques persistantes traduisent l’état des

connaissances du fonctionnement de l’orthographe par les élèves et leur capacité à mettre en œuvre

cette connaissance.

S’il y a vingt ans, Jean-Pierre Jaffré émettait l’hypothèse qu’en soulageant la mémoire de travail

par des séances spécifiquement dédiées à la correction, on résout en partie les écarts

morphographiques, on peut avancer aujourd’hui que ces séances de correction menées à distance de

l’écriture ne sont pas suffisantes en elles-mêmes pour résoudre les erreurs et nécessitent un étayage

particulier pour aider les élèves à trouver les solutions linguistiques adéquates.

Ce constat tend à confirmer que depuis vingt ans, la chute du niveau orthographique des

adolescents tient à leur mauvaise maîtrise de l’orthographe grammaticale et à un défaut de

conceptualisation. Aussi, envisager la mise en place d’outils de relecture autonome plus centrés sur

le code et réfléchir aux solutions didactiques pour amener les élèves à développer une progressive

automatisation des opérations de traitement des solutions linguistiques contribuerait à soulager la

51

mémoire de travail en situation de productions d’écrits et à diminuer les erreurs morphographiques.

Mais la détermination de ces outils didactiques nécessitent de mieux circonscrire le niveau des

élèves en orthographe grammaticale de façon à prendre en compte la zone proximale de

développement de chaque élève et d’ajuster au mieux les outils proposés.

52

Chapitre III : Nouvelles perspectives didactiques pour une maîtrise progressive de

l’orthographe grammaticale.

1. Etat des lieux et perspectives actuelles de l’enseignement de l’orthographe

En 2009, la revue Langage pratiques consacrait son numéro 43 à l’orthographe. Danièle

Manesse, professeure de sciences du langage, et Caroline Begin, psyhopédagogue, y rendent

compte79

des résultats obtenus dans l’enquête orthographique auprès d’élèves français du CM2 à la

dernière année du collège et développés plus amplement dans un ouvrage paru en 2007

« Orthographe à qui la faute ?»80

. Les auteures déclarent que « la chute du niveau orthographique

des adolescents tient essentiellement à la mauvaise maîtrise de l’orthographe grammaticale » :

c’est la « zone à haut risque » pour reprendre l’expression de Danièle Gogis. Le nombre d’erreurs

de ce type a plus que doublé en vingt ans et est particulièrement accentué chez les élèves les plus

fragiles de ZEP dont une grande partie est orientée après la 3ème

vers l’enseignement professionnel

ou la vie professionnelle. Danièle Manesse montre que la continuité école-collège est mal assurée.

Pour les élèves les moins armés, ceux qui n’ont pas automatisé les règles d’application, les

connaissances se dilapident et le passage au collège devient improductif. Il faut s’inquiéter qu’à ce

stade, ces élèves ne bénéficieront plus d’un enseignement systématique de la langue. Leur

apprentissage est terminé et ne peut s’appuyer désormais que sur une aide extérieure ou familiale

ou d’un enseignement ponctuel au gré des enseignants de la formation professionnelle.

Danièle Cogis, professeure de sciences du langage, dont les recherches portent sur l’acquisition et

l’apprentissage de l’orthographe à l’école et au collège, fait le point, dans cette même revue, sur les

démarches d’apprentissage à partir des apports de la recherche sur l’acquisition de l’orthographe

grammaticale81

. Elle part du principe que pour conduire l’apprentissage de l’orthographe, il faut

79 Manesse & C. Begin, 2009.

80 Manesse & Cogis, 2007.

81 Cogis, 2009.

53

partir de ce que les élèves savent et comprennent pour leur faire faire le pas suivant. Depuis 2001,

plusieurs ouvrages proposent d’établir de nouveaux rapports entre connaissance de l’orthographe et

activité d’écriture ; ils mettent l’accent sur les processus d’apprentissage en considérant que

l’erreur est un indice du niveau de compréhension atteint par le sujet.

Il convient donc d’identifier ainsi les obstacles que rencontrent les élèves selon deux axes :

1) Celui de leurs connaissances du fonctionnement de l’orthographe

2) Celui de la capacité à mettre en œuvre cette connaissance

L’auteure précise que la correction par rappel des règles reste inefficace face à des conceptions qui

s’enracinent précisément dans les règles enseignées et la faible conceptualisation des catégories

grammaticales sollicitées. Elle défend l’idée qu’il est indispensable d’inclure ce que les élèves

savent à leurs écrits dans des activités de révision spécifiques. Elle préconise des activités

particulières où les élèves sont invités à expliciter leurs graphies et à confronter leurs points de vue.

Selon cette universitaire, ce sont ces situations d’élucidation qui amènent les élèves à des prises de

conscience sur le fonctionnement de la langue.

Noëlle Cordary, professeure de français et membre de l’équipe INRP « L’argumentation en

français au collège et au lycée », a expérimenté cette démarche qu’elle a intitulée « gammes de

correction » et qu’elle a présentée, dans un numéro de 2003 du Français aujourd’hui82

. A partir

d’une série d’énoncés fautifs, trouvés dans les copies, les élèves doivent identifier les erreurs, les

corriger et expliquer leur choix de correction selon l’exemple suivant :

82 Cordary, 2003.

54

Gammes de correction

1) La mission de la corvette est d'amené en France Lantenac.

2) Lantenac à jeter un sac de sable contre les roue du canon ce qui l’à arreté.

3) Lantenac a décoré le canonnier mais la fait fusillé pour sa negligence.

Corrigez ces phrases.

Expliquez les erreurs et vos corrections.

Corrections et explications

Amener, jeter, fusiller : on remplace par un verbe du troisième groupe pour savoir si on met -er, ou

-é(es).

Les roues: faute d'accord.

Le canonnier a jeté. Ce qui l'a arrêté : il faut remplacer a par avait: si cela coïncide, il n'y a pas

d'accent, sinon il y en a un.

Négligence: accent.

L'a fait fusiller: on peut dire « l'avait fait ».

Extrait de Cordary, N. (2003). Les gammes de correction au lycée. Le français aujourd'hui, 1

(140), pp 60-61.

Ici, il n’est pas question de revenir sur le fonctionnement abstrait de la langue et d’entrer par la

terminologie grammaticale, mais de favoriser le développement d’un raisonnement grammatical

qui repose sur une intuition de la langue. En effet, les lycéens auxquels enseigne Noëlle Cordary

ont reçu un enseignement grammatical, le plus souvent traditionnel, fondé sur l’énoncé d’une règle

et son application dans divers exercices ; celui-ci s’est avéré, pour un certain nombre d’entre eux,

inefficace. L’objectif est donc de favoriser une démarche de correction qui rende les élèves acteurs

de la révision orthographique de leurs propres textes. La perspective est celle de passer d’une

55

intuition à un raisonnement grammatical explicite qui serait la preuve d’une véritable maîtrise de la

langue.

C’est la démarche qu’a empruntée Thierry Geoffre, dans une thèse récente portant sur le contrôle

orthographique au cycle 3 de l’école primaire83

. Cet enseignant-chercheur a travaillé pendant trois

ans auprès d’une classe à triple niveau : CE2, CM1 et CM2, cherchant à accéder aux raisonnements

que font ces jeunes élèves sur la langue et à automatiser certaines procédures dans des phases de

révision autonome de leurs productions écrites. En effet, il montre comment la révision

orthographique peut être une tâche scolaire qui s’apprend et dont le raisonnement pourrait être

automatisé comme en mathématiques. Pour cela, il propose plusieurs outils didactiques

d’apprentissage intermédiaire, pour l’enseignant et pour l’élève, dont il serait possible de s’inspirer

pour les élèves de lycée professionnel. Dans ses recherches, l’auteur développe un axe

praxéologique, distinguant des outils didactiques destinés à l’enseignant et d’autres destinés à

l’élève.

2. Des outils de positionnement

Parmi ceux dévolus aux enseignants, les outils de positionnement m’ont paru pertinents pour tenter

d’exhumer les connaissances et les procédures conduisant les élèves à effectuer des choix

orthographiques. Ils permettent, en quelque sorte, une évaluation diagnostique pouvant aider à

définir les besoins en apprentissage. Réalisés à différents moments de la scolarité, ils peuvent

également révéler les progrès accomplis, les difficultés persistantes, les fragilités.

Le premier est un questionnaire réflexif organisé en huit questions dont le but est d’évaluer la

capacité des élèves à verbaliser leurs méthodes de travail, leur identification d’une catégorie

grammaticale ou la réalisation de certaines procédures d’accord comme le montre les énoncés

suivants :

83 Geoffre, novembre 2013.

56

- Que fais-tu pour réussir la phrase dictée du jour ?

- Que fais-tu pour réussir la phrase donnée du jour ?

- Explique comment tu fais pour reconnaitre un nom commun dans une phrase.

- Explique comment tu fais pour reconnaitre un verbe dans une phrase.

- Explique comment tu fais pour savoir si le groupe nominal est au masculin ou au féminin.

- Explique comment tu fais pour savoir si le groupe nominal est au singulier ou au pluriel.

- Quelle méthode utilises-tu pour accorder les différents mots du groupe nominal (det - N - adj) ?

- Quelle méthode utilises-tu pour accorder le sujet et le verbe ?

Tableau 2.3 : questionnaire réflexif (année 1 du suivi)

Extrait de la thèse de Thierry Geoffre page 123

Le second outil est un questionnaire métagraphique proposé par écrit aux élèves juste après une

dictée. Des justifications de choix orthographiques sont demandées à partir de quelques items de la

dictée. Le corpus des justifications ainsi recueilli permet d’identifier les raisonnements poursuivis

par les élèves et de mesurer leurs connaissances. L’outil participe à l’élaboration d’une vision plus

fine de l’élève, impliquant la mise en place d’un enseignement adapté et différencié.

Le choix des énoncés des dictées repose sur l’exploitation de deux axes qui se croisent en chaque

point d’une unité phrastique : un axe paradigmatique et un axe syntagmatique. L’axe

paradigmatique désigne les relations d’équivalences et de substitutions possibles entre des termes

dans le même contexte syntaxique, par exemple en remplaçant le verbe conjugué par un verbe du

troisième groupe pour reconnaître un infinitif. L’axe syntagmatique concerne les relations

effectives entre les mots. A l’école primaire, on désigne le concept de syntagme par la notion de

« groupe ». L’axe paradigmatique peut être associé à une orthographe de transformation et l’axe

syntagmatique à une orthographe de relation, comme l’a proposé Catherine Brissaud, dans une

thèse consacrée à l’acquisition de l’orthographe du verbe au collège84

, pour rendre compte de la

réalité de l'orthographe en tant qu'objet d'enseignement à l'école élémentaire et dans le secondaire,

84 Brissaud, 1998.

57

et sur laquelle s’est appuyé Thierry Geoffre. Reprenant également la notion de chaîne

syntagmatique définie par Jean-Pierre Jaffré et Daniel Bessonat dans le n°77 de la revue

Pratiques85

comme ce qui désigne, « à l'intérieur d'une phrase, les suites d'éléments qui

entretiennent une solidarité morphologique entre eux », l’enseignant-chercheur a préféré substituer

aux quatre types de chaînes présentés par les auteurs, des types d’extension différents constituant

une phrase, plus appropriés, selon lui, à des élèves de l’enseignement primaire. Ainsi, il distingue

une chaîne syntagmatique:

– d'extension 1 qui inclut les mots directement associés au nom dans le syntagme nominal

(déterminant, adjectif), par exemple la chaine les jeunes enfants,

– d'extension 2 qui inclut l'accord sujet-verbe (les enfants jouent),

– d'extension 3 qui s'étend au-delà de la relation sujet-verbe (attribut du sujet dans le cas d'une

construction avec un verbe de type "être" ou participe passé, par exemple elles étaient belles ; ou

bien le cas d’une relative en complémentation du nom comme, par exemple, il avait un chat qui

s’appelait Cajou.

– d’extension 4 qui s’étend au-delà de la phrase avec un pronom en position de reprise anaphorique

et dont les caractéristiques de genre, nombre et/ou personne sont directement liées à celles d’un SN

d’une phrase précédente (ou suivante), par exemple l'enchainement Arthur finissait ses devoirs

Ensuite, il pourrait jouer.

Dans une chaine syntagmatique d'extension 1, lorsque le nom noyau régit l'accord du déterminant

et de l'éventuel adjectif, il est un donneur : il transmet ses caractéristiques morphologiques de genre

et de nombre (ses traits grammaticaux) au déterminant et à l'adjectif qui sont des receveurs. En

règle générale, le donneur est un nom ou un pronom et le receveur est un déterminant, un adjectif,

85 Jaffré & Bessonnat, 1993.

58

un verbe, un verbe auxiliaire ou un participe passé. Le receveur ne reçoit que deux des trois traits

grammaticaux du donneur :

- Le genre et le nombre pour le déterminant, l’adjectif et le participe passé ;

- La personne et le nombre pour le verbe ou le verbe auxiliaire.

Ainsi, sur les trois autres chaînes, les règles d’accords sont déterminées en fonction des solidarités

entre les catégories de donneurs et de receveurs d’accord au sein des syntagmes.

Ce sont ces références théoriques et ces choix didactiques que j’ai cherché à transposer dans

l’élaboration d’outils de positionnement à destination de deux classes de première et de terminale

baccalauréat électrotechnique de lycée professionnel. Les difficultés orthographiques, identifiées

plus haut, rendent compte, a priori, de difficultés orthographiques proches, pour un certain nombre

de lycéens professionnels, d’élèves du primaire. Les outils de positionnement doivent pouvoir nous

aider à déterminer plus finement dans quelle mesure les erreurs orthographiques commises par ces

élèves relèvent d’un défaut de conceptualisation de la langue ou de gestion des connaissances. Une

erreur de conceptualisation se signale par une incompréhension du système alors qu’une erreur de

gestion se reconnaît au fait que celui qui l’a produite peut se corriger et justifier sa correction86

.

3. Adaptés à des classes de lycée professionnel

Au cours des séances de grammaire, je me heurte très souvent à la difficulté des élèves à nommer

les constituants simples d’une phrase comme le nom, le groupe nominal, le verbe, l’adjectif, etc.

Or, les enseignants emploient volontiers ce métalangage grammatical, partant du principe qu’étant

enseigné depuis le CE1, il doit être acquis. Cet outil cherche donc à mesurer le déficit cognitif du

métalangage grammatical d’une part et à évaluer, de cette façon, comment son emploi peut faire

obstacle à la compréhension de ce que l’élève doit accomplir en séances de langue. Ainsi, la

86 Bessonnat & Brissaud, 2001.

59

première partie du questionnaire vise à déterminer dans quelle proportion les élèves sont capables

d’identifier deux classes de mots majeures, le nom et le verbe, et la deuxième partie s’attache à

mettre en relation des donneurs et des receveurs d’accord, à partir des quatre énoncés suivants :

1) Expliquez comment vous faites pour reconnaître un nom commun dans une phrase.

2) Expliquez comment vous faites pour reconnaitre un verbe dans une phrase.

3) Quelle méthode utilisez-vous pour accorder les différents mots du groupe nominal (dét-N-

adj) ?

4) Quelle méthode utilisez-vous pour accorder le sujet et le verbe ?

Le questionnaire métagraphique contourne le métalangage grammatical puisqu’il s’agit pour les

élèves de justifier certaines de leurs graphies dans les énoncés dictés. Ce deuxième outil de

positionnement, outre d’approcher le raisonnement grammatical, est aussi une sorte de

photographie, à un moment donné, des capacités en orthographe grammaticale des élèves et peut

être comparé à d’autres moments de la formation. Il m’a semblé opportun de chercher des énoncés

de dictée qui soient à la fois suffisamment à même de sonder les erreurs récurrentes commises par

les élèves, mais aussi représentatifs de ce qu’on peut attendre d’un collégien à la fin du cycle, et

auquel peut être apparenté un élève de lycée professionnel. J’ai donc inventorié les dictées du

Diplôme National du Brevet qui représentent un ancrage intéressant pour envisager une progression

vers le pallier 3 de fin de scolarité obligatoire, vers lequel les élèves de lycée professionnel doivent

être menés. Ces énoncés sont particulièrement intéressants à observer car ils contiennent de

nombreuses formes en /E/, à l’origine de fréquentes erreurs chez les élèves, et notamment chez les

élèves testés dans ce mémoire, car la discrimination phonologique de ces finales est impossible.

Les choix morphographiques doivent donc reposer sur un raisonnement conceptualisé de la langue.

En cela, ils permettent une évaluation diagnostique très pertinente au regard des besoins en

apprentissage en orthographe grammaticale. J’ai également cherché à ce que les items croisent

suffisamment les deux axes, paradigmatiques et syntagmatiques, en jeu dans l’orthographe

grammaticale et que l’ensemble des chaînes d’extension y soit testé. J’ai donc choisi deux énoncés

transformés en quatre phrases de dictée de façon à alléger la charge cognitive de l’exercice. De

60

même, le vocabulaire est facilement compréhensible pour ne pas complexifier la tâche et faciliter

l’analyse des phrases. Ces deux dictées ont été réalisées dans deux séances différentes à quelques

jours d’intervalle et ce, pour les deux classes. Le questionnaire métagraphique a été proposé

immédiatement après chaque dictée.

Voici le texte initial de la dictée n°1 :

Sur la place de la gare, une foule éperdue tourbillonnait. Beaucoup de gens étaient venus dans

l'espoir de prendre le train, pour gagner quelque autre ville qu'ils pensaient épargnée par le fléau.

Mais sur les portes closes, une affiche tracée à la main annonçait que rien ne fonctionnait plus. Des

hommes avaient traîné leur famille entière [...], la mère et tous les enfants encombrés de colis.

Ils arrivaient à la gare, se heurtaient aux portes fermées, lisaient l'avis et reprenaient, effarés, le

chemin de leur domicile. Que faire, où aller, comment quitter la capitale où ils ne trouveraient

bientôt plus de quoi manger? Certains, découragés, s'asseyaient sur leurs valises, et mêlaient leurs

larmes à la sueur qui coulait sur leur visage. [...]

Extrait de René Barjavel, Ravage (dictée brevet des collèges 1997)

Le texte initial est transformé en deux phrases de dictées :

La mère et tous les enfants, encombrés de colis, arrivent à la gare, se heurtent aux portes

fermées, lisent l’avis et reprennent, effarés, le chemin de leur domicile. Que faire, où aller,

comment quitter la capitale où ils ne trouveraient bientôt plus de quoi manger ?

Les items sont analysés selon une double modalité :

Un axe syntagmatique avec le traitement des chaînes syntagmatiques :

o 4 chaines d’extension 1 : tous les enfants, la mère et tous les enfants encombrés +

participe passé ayant valeur d’adjectif détaché, effarés, portes fermées ;

o 5 chaines d’extension 2 : la mère et tous les enfants arrivent, se heurtent, lisent,

reprennent, ils ne trouveraient ;

o 1 chaine d’extension 4 : ils, pronom personnel en reprise du syntagme, la mère et

tous les enfants

Un axe paradigmatique :

- avec la discrimination entre formes verbales en/E/ :

Trois infinitifs (aller, quitter, manger)

61

Deux participes passés employés comme adjectifs (encombrés, effarés)

Un conditionnel (trouveraient)

- avec l’homophone « où »

Le questionnaire de justification de choix d’orthographe, qui succède à la dictée, est assez

sommaire de façon à ne pas surcharger la tâche. Il porte sur quelques mots dont la morphographie

ne peut pas être guidée par une discrimination phonologique. Le mot est rappelé à l’oral, mais seule

la première initiale est indiquée à l’écrit selon le principe suivant :

Expliquez vos choix d’orthographe pour les mots :

T………………. (tous)

E………………..(encombrés)

A………………..(arrivent)

E………………...(effarés)

O………………...(où )

Q…………………(quitter)

I…………………..(ils )

Voici le texte initial de la dictée n°2 :

Tous les émigrants n'étaient pas obligés de passer par Ellis Island. Ceux qui avaient suffisamment

d'argent pour voyager en première ou en deuxième classe étaient rapidement inspectés à bord par

un médecin et un officier d'état civil et débarquaient sans problèmes. Le gouvernement fédéral

estimait que ces émigrants auraient de quoi subvenir à leurs besoins et ne risqueraient pas d'être à la

charge de l'Etat. Les émigrants qui devaient passer par Ellis étaient ceux qui voyageaient en

troisième classe […] dans de grands dortoirs non seulement sans fenêtres mais pratiquement sans

aération et sans lumière, où deux mille passagers s'entassaient sur des paillasses superposées.

Laurent Gaudé, Le soleil des Scorta, (dictée DNB 2013)

Le texte initial est transformé en deux phrases de dictées :

Tous les émigrants n'étaient pas obligés de passer par Ellis Island1. Les émigrants qui

devaient passer par Ellis étaient ceux qui voyageaient en troisième classe […] dans de

62

grands dortoirs non seulement sans fenêtres mais pratiquement sans aération et sans lumière,

où deux mille passagers s'entassaient sur des paillasses superposées.

1 l’orthographe du lieu est donnée.

Les items sont analysés selon une double modalité :

Un axe syntagmatique avec le traitement des chaînes syntagmatiques :

o 4 chaines d’extension 1 : tous les émigrants, les émigrants, de grands dortoirs,

deux mille passagers, des paillasses superposées ;

o 3 chaines d’extension 2 : ceux qui voyageaient, les émigrants étaient, deux mille

passagers s'entassaient ;

o 3 chaînes d’extension 3 : Tous les émigrants n'étaient pas obligés, les émigrants

qui devaient ;

o 1 chaine d’extension 4 : ceux, pronom démonstratif en reprise du syntagme, les

émigrants

Un axe paradigmatique avec :

- La discrimination entre formes verbales en/E/ :

deux infinitifs (passer 2)

un participe passé dans une forme verbale composée (obligés)

quatre imparfaits (étaient, devaient, voyageaient, s’entassaient)

- les homophones : ceux, et, où

Le questionnaire métagraphique porte sur les justifications d’orthographe des noms suivants, selon

les mêmes modalités que la dictée n°1 :

Expliquez vos choix d’orthographe pour les mots :

O……………..(obligés)

P……………..(passer (les deux))

D……………..(devaient)

C……………..(ceux)

S……………...(superposées)

63

Dans la dictée n°1, seize items représentent des difficultés orthographiques relatives aux accords,

au sein du syntagme nominal, du verbe avec le sujet selon des constructions simples et détachées.

Sur l’axe syntagmatique, il est à noter qu’aucune des formes de pluriel ou de féminin au sein des

syntagmes nominaux ne s’entendent à l’oral de sorte que l’accord ne peut pas être induit par la

phonologie. Sur l’axe paradigmatique, seules les finales des verbes « lire » et « reprendre » à la

3ème

personne du pluriel du présent de l’indicatif peuvent guider les élèves. De même, dans le

second énoncé, le verbe « faire » à l’infinitif peut, éventuellement, aider les élèves à orthographier

les verbes « aller » et « quitter », également à l’infinitif. Pour cela, les élèves peuvent procéder par

analogie en ayant recours à la commutation, c’est-à-dire au remplacement de ces verbes du premier

groupe par des verbes du troisième groupe dont l’infinitif présente une discrimination

phonologique guidante pour le choix orthographique. La Grammaire méthodique du français87

définit la commutation comme ce qui « consiste à substituer l’un à l’autre des éléments qui entrent

dans les mêmes constructions (morphèmes, mots et groupes de mots) ou qui figurent dans les

mêmes contextes phoniques (phonèmes et syllabes)». Jacques David et Odile Guyon, professeurs de

sciences du langage et Catherine Brissaud88

ont consacré une étude à la conduite de raisonnements

analogiques au service du marquage des formes verbales homophones en /E/ auprès d’élèves de

CE2 et de CM2. Les auteurs ont pu constater que l’expérimentation avait très nettement profité aux

élèves pour la résolution des infinitifs en –er. Le dispositif peut aider à vérifier si les élèves

recourent à ces procédures.

La dictée n°2 repose sur 18 items dont les difficultés orthographiques relèvent également d’accord

au sein du syntagme nominal, et du verbe avec le sujet. Le pronom démonstratif « ceux » en reprise

du syntagme « les émigrants » nécessite de raisonner sur la chaîne syntagmatique, « ceux »

désignent les émigrants et portent la marque du pluriel, mais également sur l’axe paradigmatique :

87 Riegel, Pellat, & Rioul, 2009.

88 David, Guyon, & Brissaud, 2006.

64

« ceux » peut être remplacé par « les émigrants » ou « ceux-là ». Là, encore, les élèves peuvent

raisonner par analogie, à condition que ceux-ci aient identifié qu’il ne s’agit pas du pronom réfléchi

« se », autre source d’erreur fréquente chez les élèves. Par ailleurs, les formes verbales en /E/, cette

fois, sont principalement des désinences de l’imparfait. Un plus-que-parfait et un auxiliaire modal à

l’imparfait suivi d’un infinitif en « –er » se succèdent dans la dictée et peuvent induire les élèves en

erreur. Dans un article de 2010 de la revue Repères89

, Morgane Beaumanoir-Secq, doctorante en

sciences du langage à l’université de Cergy Pontoise, Danièle Cogis, citée plus haut et Marie-Laure

Elalouf, professeure en sciences du langage à l’université de Cergy Pontoise et dont les recherches

portent notamment sur les apprentissages métalinguistiques et leurs relations aux pratiques

langagières en classe de français, ont rapporté comment des élèves de cycle 3 utilisent la

commutation dans la résolution de problèmes orthographiques. La partie concernant le

remplacement d’une forme verbale en /E/ par un verbe du 3ème

groupe pour vérifier sa graphie est

riche d’enseignements. L’exemple de David montre comment en suivant la règle des « deux verbes

qui se suivent », il orthographie un participe passé en « er » justifiant que le participe passé est un

second verbe placé après le verbe être et donc nécessite de porter la marque de l’infinitif. En effet,

les auteures expliquent que la caractéristique essentielle de la commutation est de faire travailler

sur l’axe paradigmatique. Or, dans cette démarche, les composants utilisés et analysés ne figurent

pas sous les yeux de l’apprenti qui procède à la commutation. Ainsi, il opte pour des règles, comme

celle « des deux verbes qui se suivent », qui nécessitent de prendre en compte deux éléments clés

sur l’axe syntagmatique dont l’identification est erronée. Les annotations portées sur la copie de

Christopher, analysée plus haut, soumettaient cette règle dont l’élève n’a pas fait cas. Réinvestir

cette difficulté dans l’outil de positionnement peut aider à comprendre la graphie de Christopher, à

mieux cerner les connaissances et le raisonnement qui la justifient.

89 Beaumanoir-Secq, Cogis, & Elalouf, 2010.

65

Ces dictées sont difficiles pour des élèves de lycée professionnel, mais particulièrement

intéressantes pour observer leurs procédures, envisager de nouvelles situations d’apprentissage et

développer des outils de révision stables.

66

Chapitre IV : Analyse des résultats et présentation de quelques expérimentations

menées avec deux classes de première et de terminale de baccalauréat professionnel.

1. Résultats à l’outil de positionnement : le questionnaire réflexif.

a) Méthodologie et présentation globale des résultats

L’annexe 2490

présente les résultats du questionnaire réflexif sous forme de tableaux

récapitulant les réponses des élèves pour chaque question et ventilées selon les classes

interrogées. Le total est précisé en chiffres et en pourcentages pour faciliter l’analyse

quantitative des résultats. Chaque item correspond à des réponses d’élèves dont la formulation

a été conservée, mais dont l’orthographe a été corrigée pour une meilleure lecture. Deux

grandes tendances se dessinent sur l’ensemble du questionnaire :

1) Peu de réponses sont verbalisées de la même manière alors qu’il s’agit de décrire de

grandes catégories grammaticales, le nom et le verbe, et des procédures orthographiques de

base : accorder les éléments du groupe nominal et accorder le sujet avec le verbe. Pour les

questions 1 et 2, la plupart des réponses s’appuie sur un seul critère de reconnaissance et

pour les questions 3 et 4, les justifications méthodologiques portent, pour la majorité, sur

un seul élément.

2) Le nombre de réponses exprimant soit une méconnaissance, soit l’impossibilité d’expliquer

la catégorie ou la procédure grammaticale est relativement élevé, de 40 à 50 %, excepté

pour la question 2) se rapportant au verbe. Si l’on ajoute les réponses erronées ou très

approximatives, cela augmente encore le taux.

De façon globale, les résultats au questionnaire réflexif laissent percevoir une réelle

incompréhension du métalangage et de la réalité grammaticale qu’il recouvre. Par ailleurs, il est

90 Annexe 24 p LXVII.

67

intéressant de noter la difficulté globale des élèves à expliquer leurs procédures soit de

reconnaissance, soit méthodologiques. En effet, la plupart des réponses aux questions 1) et 2)

portant sur la reconnaissance d’un nom et du verbe, se traduisent par un essai de définition « un

nom, c’est …» par exemple, plutôt que l’explicitation d’une procédure telle que « Pour reconnaître

un nom, je… ». Cela démontre combien les élèves sont peu entraînés à conduire des raisonnements

métaréflexifs de la morphographie et révèle en ce sens un enseignement de la grammaire

relativement figé.

b) Analyse des résultats par questions

Les réponses à la question 1, portant sur la reconnaissance du nom commun dans une phrase, ont

été classées en quatre ensembles. 40% des élèves déclarent « je ne sais pas » ou « je ne sais pas ce

que c’est », sous-entendu qu’ils ne peuvent pas expliquer comment on fait pour reconnaître un nom

puisqu’ils ne savent ce que c’est. Les réponses précisant « c’est instinctif », sont associées à ce

groupe et désignent, en fait, des élèves qui ont contourné la tâche sans avoir à dire qu’ils ne savent

pas. Rappelons que la population interrogée est exclusivement constituée d’adolescents garçons

tout-à-fait conscients d’être questionnés sur des savoirs de base qu’ils ne maîtrisent pas. Les

réponses se répartissent ensuite en deux grands groupes : celles qui s’appuient sur un seul critère de

reconnaissance, classé selon leur type (sémantique, morphologique ou syntaxique) et celles qui en

associent deux. Ainsi, 40% des réponses sont justifiées par un seul critère et 15% des réponses en

présentent au moins deux, (une seule réponse fait apparaître trois éléments). Ce qui fait au total

55% de réponses s’appuyant sur des critères justes, mais incomplets. Ceci tend à montrer que les

élèves interrogés ne sont pas dépourvus de connaissances grammaticales mais qu’elles restent

incomplètes voire approximatives. Qu’en est-il pour le verbe ?

Le tableau 2 présente les résultats à la question 2) concernant la reconnaissance du verbe. Seul un

élève a répondu ne pas pouvoir expliquer comment le reconnaître. 45% des réponses s’appuient sur

les variations morphologiques de la terminaison. 30% associent deux critères de reconnaissance

68

dont la moitié désigne la présence d’un pronom personnel devant le verbe ou la possibilité de le

conjuguer avec un pronom personnel. Ils associent donc le verbe à la conjugaison dont on peut

douter, compte tenu de la formulation des réponses, qu’elle soit envisagée dans le contexte de la

phrase, mais plutôt associée aux tableaux d’apprentissage de la conjugaison. Deux élèves précisent

que le verbe a une place dans la phrase, qualifiée de « précise » pour l’un et « située après le

sujet » pour l’autre. Un seul élève envisage le verbe sur le plan syntaxique comme receveur de la

personne et du nombre du donneur sujet. Là encore, l’analyse des réponses démontre la difficulté à

se représenter le verbe dans le contexte de la phrase alors qu’il en est un des constituants de base.

Un langage grammatical, en lien avec le verbe est cependant employé: conjugué/er, conjugable,

terminaison, infinitif, pronom personnel renvoyant aux caractéristiques morphologiques du verbe

alors que les critères sémantiques sont quasiment inexistants. En effet, seules deux réponses font

référence à la valeur du verbe comme désignant une action. Aucune, ne précise que les variations

morphologiques du verbe permettent de situer dans le temps le fait ou l’événement dont il est

question dans la phrase. Ceci confirme nos précédentes remarques, à savoir que la conjugaison,

élément principal d’identification du verbe, n’est pas reliée à sa valeur sémantique dans le contexte

de la phrase.

Les réponses aux questions concernant les procédures d’accord au sein du groupe nominal et du

groupe verbal présentent un taux important de réponses mentionnant l’impossibilité de pouvoir

expliquer une démarche : 50% pour le groupe nominal et 45% pour le groupe verbal. Si on y

associe, des réponses très approximatives ou erronées, le taux atteint 65% des réponses produites

dans les deux cas. On note dans ces dernières, la présence d’importantes confusions, notamment du

groupe nominal avec le groupe verbal, et du mot « conjugaison », sorte de métaterme qui paraît

désigner toute transformation morphologique au sein du groupe verbal comme du groupe nominal.

Ainsi, pour accorder les différents éléments du groupe nominal, un élève déclare « je les conjugue

en même temps (ex/ présent, futur, imparfait) ». Et pour accorder le verbe avec le sujet, un autre

précise « en utilisant la bonne conjugaison », employé sans doute dans le sens de terminaison. Par

69

ailleurs, les réponses considérées comme acceptables s’élèvent à 35% pour le groupe nominal

comme pour le groupe verbal. Elles présentent, pour la plupart, des réponses incomplètes. Pour les

éléments du groupe nominal, seule une réponse mentionne le rôle de donneur d’accord du nom au

sein du groupe nominal, le déterminant et l’adjectif étant présentés comme les receveurs d’accord :

« j’accorde le déterminant et l’adjectif par rapport au nom ». Les autres réponses montrent que les

élèves ont bien compris qu’il existait une interaction entre les différents éléments du groupe mais

ne parviennent pas à l’expliciter complètement. Concernant le groupe verbal, les élèves du 1er

groupe de réponses semblent avoir bien perçu que le sujet ou le pronom sujet donne sa personne et

son nombre au verbe. Une réponse explicite une manipulation pour s’assurer de la bonne

terminaison du verbe : il remplace le sujet par un pronom qui lui correspond.

c) Conclusion

Ainsi, les résultats au questionnaire réflexif révèlent des procédures de reconnaissance du nom et

du verbe fragiles et, pour la plupart, incomplètes. Les critères avancés sont souvent justes mais

insuffisants. Par ailleurs, les résultats explicitant les démarches méthodologiques empruntées

montrent la difficulté des élèves à conduire des raisonnements métareflexifs sur la morphographie,

mais aussi à raisonner les éléments grammaticaux au niveau de la phrase. On perçoit des savoirs

grammaticaux relativement figés et éloignés de tout contexte syntaxique. On note cependant une

grande disparité dans les réponses révélant une conceptualisation de la langue relativement

hétérogène. Néanmoins, pour confirmer cette analyse, il est intéressant d’observer les procédures

des élèves dans la pratique de l’écriture. C’est l’objectif poursuivi par le deuxième outil de

positionnement. En effet, je peux supposer qu’un élève, bien que ne sachant pas définir un nom

commun, sache le reconnaître dans une phrase et l’utiliser dans une procédure orthographique.

70

2. Résultats à l’outil de positionnement : la dictée suivie du questionnaire

métagraphique.

a) Méthodologie

Les choix morphographiques opérés par les élèves pour les items des deux dictées ont été

consignés dans les annexes 2591

et 2792

. Le nombre de réponses associé à chaque proposition

est précisé. Les graphies correctes apparaissent en gras dans le tableau et sont exprimées en

nombre et en pourcentage. Les graphies incorrectes sont également exprimées en nombre et en

pourcentage de façon globale pour pouvoir mener une analyse comparative entre la proportion

de graphies correctes et la proportion de graphies incorrectes au sein du groupe d’élèves. Le

pourcentage le plus élevé pour l’une ou l’autre des graphies est précisé en rouge et en gras dans

le tableau. De cette façon, j’ai obtenu une présentation précise des choix orthographiques

effectués pour chacun des items des dictées, qualitative et quantitative.

Les résultats des questionnaires métagraphiques ont été présentés dans les annexes 2693

et 2894

.

Pour chaque item, le nombre de propositions morphographiques a été reporté ainsi que les

justifications proposées par les élèves. Leurs formulations ont été conservées mais

l’orthographe a été corrigée pour faciliter la lecture. Les justifications communes ont été

rassemblées, chaque type de justification est quantifié.

J’ai choisi un code couleur pour faire apparaître le degré de pertinence des procédures de

raisonnement : le vert désigne les justifications pertinentes et le rouge celles qui reposent sur

une erreur de conceptualisation de la langue. Celles qui apparaissent en vert et en gras sont

jugées les plus pertinentes et proposent généralement une justification morphosyntaxique qui

91 Annexe 25 p LXXII-LXXIII.

92 Annexe 27 p LXXVII-LXXVIII.

93 Annexe 26 p LXXIV à p LXXVI.

94 Annexe 28 p LXXIX à p LXXXI.

71

précise une logique d’accord à partir d’un mot ou d’un groupe de mots support ou une

opération de substitution. J’ai laissé en noir, les réponses qui ne présentent aucune justification

recevable ou que je n’ai pas comprises.

J’aurais pu dresser une typologie des réponses, mais j’ai choisi de conserver les mots des

élèves qui traduisent mieux leurs connaissances et leurs confusions. Ainsi, par exemple, un

élève raisonne correctement pour justifier un infinitif en s’appuyant sur la présence d’une

préposition antéposée, mais la désigne par le terme « déterminant ». De la même façon, un

élève déclare avoir mis à « l’indicatif » le verbe « quitter » car il ne peut pas dire « comment

prendre », confondant ainsi la terminologie désignant le mode de l’indicatif avec celle

désignant l’infinitif. Les procédures employées sont dans les deux cas pertinentes ; la confusion

traduit la difficulté à utiliser un métalangage grammatical adéquat pour désigner une catégorie

grammaticale et non une erreur de conceptualisation.

C’est l’aller-retour entre l’observation des graphies et les justifications de certaines d’entre

elles dans le questionnaire métagraphique qui vont servir de base à l’analyse qui suit.

b) Analyse des résultats

Dans la dictée n°1, pour la plupart des items, les élèves ont choisi majoritairement la bonne

solution orthographique. Néanmoins, il convient d’apporter quelques nuances. En effet, je

constate que les 4 chaînes d’extension 2 reposant sur l’accord du syntagme nominal pluriel « la

mère et tous les enfants » avec les verbes du premier groupe « arrivent, se heurtent, lisent et

reprennent » atteignent un taux de réussite compris entre 70.58 % et 78.94 %. De même, sur

l’axe paradigmatique, le choix de l’infinitif pour « aller, quitter et manger » a été correctement

effectué pour 73.68 à 89.94 % des élèves. Dans le questionnaire métagraphique, l’ensemble des

procédures justifiant la désinence du verbe « arrivent » sont pertinentes ; un seul élève a

déclaré l’avoir orthographié « au hasard ». Onze justifications sur les quinze avancées sont

considérées comme très pertinentes. Parmi elles, quatre réponses s’appuient sur une opération

72

de substitution : le syntagme nominal « la mère et tous les enfants » est remplacé par le pronom

personnel « ils » pour trouver la bonne désinence. Sept réponses relèvent d’une justification

morphosyntaxique. De même, l’infinitif du verbe « quitter » est justifié dans huit réponses sur

dix-sept par le remplacement par un verbe du troisième groupe. Dans la dictée n°2, j’observe

que le recours à la substitution est toujours un facteur fiable de réussite. Ainsi, quatre élèves

l’utilisent pour justifier l’infinitif du premier verbe « passer », deux réitèrent leurs procédures

pour l’infinitif du deuxième verbe « passer ». Enfin, un élève y a également recours pour

identifier le participe passé « obligés ».

Il est cependant curieux de constater que le taux de réussite varie en fonction du verbe comme

dans la dictée n°1 où le choix des désinences verbales appartenant au premier groupe pourrait

reposer sur la même justification. On peut supposer, que les élèves peinent à maintenir un

raisonnement orthographique stable sur l’ensemble de la phrase, notamment lorsque celle-ci est

complexe, comme c’est le cas ici. Or, Danièle Cogis a montré95

, au travers de l’analyse

linguistique des résultats à une dictée du CM2 à la troisième, que les élèves ne traitent pas

l’accord sujet-verbe de façon uniforme dans un texte, non parce qu’ils éprouvent des difficultés

d’attention, mais parce que leur degré d’identification du verbe est variable selon son rôle dans

la phrase.

Je m’étonne également de la difficulté rencontrée pour orthographier les désinences de

l’imparfait dans la dictée n°2. Globalement, les élèves procèdent au bon choix

morphographique pour l’auxiliaire du plus-que-parfait « étaient obligés », pour l’auxiliaire

modal « devaient « et pour le verbe « étaient ». Les justifications portant sur la morphographie

de « devaient » sont toutes pertinentes et de nature morphosyntaxique pour six d’entre elles ;

une s’appuie sur une procédure de substitution du syntagme nominal « les émigrants » par le

95 Manesse & Cogis, 2007, op.cit. p 52.

73

pronom personnel sujet « ils » pour justifier la désinence choisie. Une repose sur du

métalangage : « c’est la 3ème

personne du pluriel à l’imparfait », les trois suivantes optent pour

une justification morphosémantique en référence au sens global de la phrase sans préciser à

quel mot de la chaîne syntagmatique, elles se réfèrent. Trois réponses n’apportent pas de

justification. Je note qu’aucun élève n’a recours au remplacement par un verbe du troisième

groupe pour identifier le temps de l’imparfait. Or, les élèves proposent, pour 52.94 % d’entre

eux, une mauvaise désinence pour les verbes « voyageaient » et « s’entassaient ». Dans les

deux cas, seuls huit élèves parviennent à les orthographier correctement. Malheureusement, le

questionnaire métagraphique ne demandait pas aux élèves de justifier leur graphie pour ces

deux verbes. Je peux supposer que la structure de la relative « ceux qui… » a pu dérouter

certains élèves, pourtant le pronom « ceux » a été convenablement orthographié par 76.47 %

d’entre eux, l’identifiant comme un terme de reprise du syntagme nominal « les émigrants ».

Vraisemblablement, les élèves n’identifient pas le pronom de reprise comme un donneur

d’accord au verbe de la proposition relative. Les erreurs commises semblent révéler un

problème essentiellement d’ordre syntaxique.

Par ailleurs, le taux de réussite est plus modeste concernant le conditionnel « trouveraient »

dont le nombre de solutions orthographiques proposées s’élève à 5 alors que 94.73 % des

élèves ont su orthographier correctement le pronom personnel sujet « ils » en reprise du

syntagme nominal « la mère et tous les enfants ». Le temps employé a certainement gêné de

nombreux élèves qui ne l’ont pas reconnu et se sont égarés dans diverses propositions, mais là

encore le questionnaire métagraphique ne demandait pas sa justification.

Les participes passés « encombrés » et « effarés » de forme adjectivale de la dictée n°1 sont

riches d’enseignement. Les propositions orthographiques sont multiples et présentent presque

toutes les finales en /E/ possibles, tant celles relevant d’un adjectif que d’un verbe. Bien que se

rapportant tous deux au syntagme nominal « la mère et tous les enfants », les propositions

varient, mais on retrouve la terminaison de l’infinitif « er », celle d’un participe passé en « é »,

74

et celle du féminin pluriel « ées ». Les justifications apportées nous montrent que les élèves

peinent à distinguer s’il s’agit du verbe, « encombrer » ou « effarer » ou de l’adjectif. Je peux

également faire cette même remarque pour l’adjectif épithète « fermées » pour lequel on

retrouve les mêmes propositions morphographiques. En effet, plusieurs justifications

confirment ces hésitations. Un élève a finalement opté pour « encombrés » parce qu’à

l’imparfait, cela n’avait pas de sens. Je suppose que c’est la procédure de substitution qui l’a

mis sur la voie. Un autre justifie une finale verbale en « aient » parce qu’ils sont plusieurs et

« c’est de la conjugaison ». Par ailleurs, les choix morphographiques au féminin et au féminin

pluriel sont clairement justifiées et reproduits pour les deux adjectifs : « ils sont plusieurs et il y

a une fille donc « ées » », « c’est la mère qui est encombrée donc c’est au féminin ». Ces

justifications s’appuient sur des connaissances erronées mais suffisamment stables pour que les

élèves s’y réfèrent dans la même situation.

De même, le choix orthographique des homophones en « où » reposent sur des procédures

relativement confuses. Si huit élèves s’appuient sur une justification morphosémantique pour

expliquer leur choix, les élèves qui recourent à la substitution se trompent soit en utilisant la

bonne procédure de remplacement pour justifier une mauvaise graphie soit pour justifier le bon

homophone mais impropre dans la phrase. D’ailleurs, les choix morphographiques du verbe

« se heurtent » montrent également les erreurs de conceptualisation du pronom réfléchi « se »,

autre homophone grammatical qui pose vraisemblablement problème aux élèves alors que le

pronom démonstratif « ceux» n’a pas suscité autant d’hésitation dans la dictée n°2, les élèves

s’étant laissé guider par le sens de la phrase.

Enfin, dès lors que les élèves butent sur le sens d’un mot, les erreurs morphographiques se

multiplient. Ainsi, dans la dictée n°2, la chaine d’extension 1 « des paillasses superposées » a

donné lieu à huit propositions morphographiques différentes. Les justifications

morphographiques avancées pour l’adjectif « superposées » montrent que les élèves n’ont pas

75

compris le sens du mot « paillasses » et ont tenté de raisonner sur le sens du mot « superposé »,

associé à des lits, donc « és » ou « er » car « ce sont les lits qui sont superposés ».

c) Conclusion

La dictée et le questionnaire métagraphique ont permis de montrer que la plupart des

procédures de raisonnement pertinentes utilisaient la commutation. Or, celle-ci est, pour

l’essentiel, employée de façon ponctuelle au cours de la révision du texte et majoritairement

dédiée à la procédure du remplacement pour la reconnaissance de l’infinitif, ainsi qu’au genre

et au nombre du syntagme nominal donneur d’accord. Ces pratiques sont sans doute à mettre

en relation avec les programmes de l’école primaire dont ont bénéficié ces élèves. En effet,

Morgane Beaumanoir-Secq, Danièle Cogis et Marie-Laure Elalouf96

ont étudié les curricula de

l’école primaire et du collège depuis 1971 et ont souligné la présence dans les Programmes de

1995 du cycle 2 de la procédure du « remplacement d’un nom ou d’un GN par un pronom »

pour mettre en évidence une propriété syntaxique des pronoms assumant les mêmes fonctions

que le nom. Les programmes de 2002 préconisaient, quant à eux, de vérifier en fin de cycle 3,

la capacité à « effectuer des manipulations dans un texte écrit (déplacement, remplacement,

expansion, réduction) ». Les élèves dont les travaux sont présentés dans ce mémoire ont

bénéficié de ces méthodes à l’école primaire puisqu’ils sont nés entre 1996 et 1998. Elles

constituent un appui intéressant qui pourrait servir de base à un protocole de relecture

autonome et être étendu à la reconnaissance de l’imparfait par exemple.

Par ailleurs, les graphies incorrectes présentent peu de justifications. Néanmoins, elles révèlent

la difficulté à distinguer un verbe d’un adjectif, les règles erronées mais stables sur lesquelles

s’appuient certains élèves, les grandes confusions qui régissent le choix des homophones

grammaticaux.

96 Beaumanoir-Secq, Cogis, & Elalouf, 2010, op.cit. p 64.

76

3. D’une situation de justification à des procédures d’identification

Les énoncés de la dictée n°1 ont été dissociés en deux exercices de justification de choix de finales

verbales et adjectivales muettes et en /E/. Les classes de première et de terminale ont réalisé le

travail pour le premier énoncé. Seules les terminales ont poursuivi l’exercice sur le deuxième

énoncé. J’ai repris l’ensemble des finales muettes et en /E/ que j’avais pu recueillir en situation de

dictée et j’ai proposé aux élèves de choisir celle qui leur semblait convenir en expliquant comment

ils avaient procédé. Cela m’a permis de comparer les choix effectués avec ceux de l’outil de

positionnement, d’obtenir des justifications pour chaque mot concerné et de saisir plus précisément

ce qui justifie les changements morphographiques dans des situations analogues de fonctionnement

de la langue. L’exercice se présentait selon le modèle suivant :

Les finales que je n’entends pas

Choisissez la finale qui vous semble convenir et expliquez comment vous avez procédé.

1ère

phrase de dictée :

La mère et tous les enfants, encombr de colis, arriv à la gare, se heurt

aux portes ferm , lis l’avis et reprenn , effar le chemin

de leur domicile.

- er

- é

- és

- ées

- ait

- aient

- ez

- e

- es

- ent

- e

- es

- ent

- er

- é

- és

- ées

- ait

- aient

- ez

- e

- es

-

ent

- e

- es

- ent

- er

- é

- és

- ées

- ait

- aient

- ez

77

2ème

phrase de dictée :

Que faire, où all , comment quitt la capitale où ils ne trouveraient

bientôt plus de quoi mang ?

J’ai proposé aux élèves les moins assurés de couper le premier énoncé de dictée en deux en

s’arrêtant à « fermées » et de compléter la deuxième partie ultérieurement à partir des

enseignements de la séance. C’est pourquoi l’annexe 2997

, qui présente les choix

morphographiques et les justifications des élèves, n’analyse que les items de la première partie de

l’énoncé. On peut remarquer que dans cet exercice, le nombre de propositions morphographiques

s’est réduit et leurs justifications sont plus développées. Les indices qui prouvent un raisonnement

ont été indiqués en gras dans le tableau. L’exercice consiste, en effet, en une révision ciblée du

texte sur les finales muettes et en /E/ où le contrôle s’exerce à partir d’une relecture d’un énoncé

écourté, soulagé de la tâche scripturale. Comme nous l’avons décrit plus haut, la production d’écrit

est coûteuse en ressources attentionnelles, vraisemblablement même en situation de dictée où

l’élève doit construire le sens du texte et se concentrer également sur l’orthographe lexicale. Ce

nouvel exercice allège la charge de traitement et de gestion des informations et génère une

97 Annexe 29 p LXXXII à p LXXXIV.

- er

- é

- és

- ées

- ait

- aient

- ez

- er

- é

- és

- ées

- ait

- aient

- ez

- er

- é

- és

- ées

- ait

- aient

- ez

78

amélioration de la réussite pour les élèves les plus faibles. L’exemple de Théo en est une parfaite

illustration.

L’annexe 3098

présente ses résultats à la dictée n°1 et à l’exercice de tri ; l’annexe 3199

compare ses

justifications de quelques items communs aux deux exercices. On remarque que lors de la dictée,

Théo est davantage centré sur la graphie et non sur l’orthographe. D’ailleurs, il justifie ses choix

orthographiques par « ça s’écrit ». Sa mémoire de travail semble être alors mobilisée à la recherche

de mots qu’il peut associer à ceux de la dictée. Cette opération de traitement s’effectue en fonction

du sens du texte qu’il construit. On lui doit d’avoir écrit l’auxiliaire modal « devaient » de la dictée

n°2 « devez » car, explique-t-il « c’est leur devoir ». De même, il justifie la graphie de l’adjectif

« superposées » à l’infinitif car « ce sont les lits qui se superposent ». Alors que dans l’exercice de

tri, ses justifications sont de type morphosémantique et se réfèrent même au groupe nominal pour

l’adjectif « encombrés ». Les résultats de Théo à la dictée n°1 auraient pu nous conduire à penser

que l’élève présentait de grandes difficultés de conceptualisation de la langue. Or,

vraisemblablement, ses difficultés paraissent relever de troubles dyslexiques.

A l’échelle de la classe, l’exercice de tri a permis de mieux comprendre les raisonnements erronés

des élèves. Ainsi pour les adjectifs « encombrés » et « fermés », seules trois graphies subsistent :

celles portant la marque du masculin pluriel et du féminin pluriel et celle présentant la désinence de

l’imparfait à la troisième personne du pluriel. L’analyse des justifications montrent qu’un certain

nombre d’élèves ne connaissent pas les règles d’accord en genre de l’adjectif dans le groupe

nominal. En effet, certains procèdent à l’accord seulement en fonction du nombre et orthographie

l’adjectif « fermé » avec un « s » car il y a plusieurs portes. D’autres ont mis « ées » à l’adjectif

« encombré » car le groupe nominal est mixte. En fonction des réponses obtenues, j’ai donc

98 Annexe 30 p LXXXV.

99 Annexe 31 p LXXXVI.

79

constitué des binômes justifiant des morphographies différentes ou présentant des justifications

complémentaires.

D’autres justifications démontrent la difficulté à reconnaître un verbe d’un adjectif et les

justifications morphosémantiques avancées par les plus experts n’ont pas aidé les plus faibles. La

position post-posée d’un mot après le groupe nominal prouve, pour certains élèves, qu’il s’agit d’un

verbe et explique, de ce point de vue, certaines réponses au questionnaire réflexif. Pour identifier

les catégories grammaticales, ces élèves se réfèrent au modèle de la phrase canonique : sujet ou

groupe nominal + verbe + complément, associent, par analogie, les mots qu’ils rencontrent en

fonction de la place qu’ils occupent dans la phrase et déterminent ainsi les morphogrammes

correspondants.

J’ai donc proposé des manipulations syntaxiques pour identifier l’adjectif et le verbe, telles que

j’avais pu les lire dans un ouvrage de la didacticienne québécoise Suzanne Chartrand100

. Elle y

définit les manipulations syntaxiques comme « des opérations (ou test) menées de façon volontaire

et consciente sur une unité de la langue : un mot, un groupe de mots, une phrase subordonnée ou

une phrase définie du point de vue syntaxique. Le but est de mettre en évidence certaines

caractéristiques syntaxiques de l’unité en question ». L’auteure distingue six manipulations

syntaxiques : l’ajout, le dédoublement, le déplacement, l’effacement (ou suppression),

l’encadrement et le remplacement (dont la substitution et la pronominalisation font partie). Ainsi,

l’encadrement par « ne…pas » permet de distinguer un verbe d’un nom ou d’un participe passé de

forme adjectivale, dans des cas d’homonymie, comme ici avec « encombré » et « fermé ». Si le

résultat est une phrase grammaticale, alors on sait que c’est un verbe, car seul le verbe peut être

encadré par « ne…pas ». Pour identifier un adjectif qualifiant, on peut ajouter un adverbe

d’intensité, comme « très » ou « peu ». Les élèves ont ensuite vérifié ou complété la seconde partie

100 Chartrand, 2013.

80

de l’énoncé à l’aide de ces nouveaux savoirs. Ils ont globalement tous réussi et ont été très réceptifs

à cet enseignement.

L’exercice de tri de la seconde phrase de l’énoncé a été réalisé par la classe de terminale mais n’a

pas donné lieu à une mise en commun collective, faute de temps. Néanmoins, l’exercice permet, là

encore, d’approcher plus finement le raisonnement des élèves. L’annexe 32101

présente les résultats

à l’exercice de tri. Je peux constater que les choix se sont précisés. Les morphogrammes oscillent

entre la forme de l’infinitif et une désinence de l’imparfait. Tous les élèves qui utilisent le procédé

de substitution avec un verbe du troisième groupe enregistrent 100% de réussite. Les trois élèves

qui justifient l’infinitif des verbes « aller » et « quitter » par l’absence de pronom, accordent le

verbe « manger » avec le pronom « ils » et le conjuguent à l’imparfait. Pour reconnaître l’infinitif,

le procédé de substitution par un verbe du troisième groupe est très efficace. En revanche, la seule

reconnaissance de l’infinitif par la morphologie du verbe n’est pas suffisante. Un échange par

binômes, selon les mêmes principes que précédemment, aurait très certainement permis de faire

évoluer les stratégies de reconnaissance de l’infinitif.

4. Mise en perspective didactique : vers un protocole de correction ?

L’expérience rapportée dans cette seconde partie du mémoire a peu exploité les interactions orales

entre les élèves et entre les élèves et moi-même. Le lancement de ces séances, bien qu’ayant été

présentées comme formatives et non soumises à une évaluation notée, ont suscité des tensions,

surtout en terminale. L’expérience de la première dictée a provoqué le départ d’un élève qui a

préféré quitter la classe plutôt que poursuivre le travail. Cet incident a engagé un débat très

intéressant entre les élèves et moi-même autour de « l’utilité » de la maîtrise de la langue. Objet

d’enseignement scolaire, nous avons admis finalement qu’aujourd’hui, plus qu’hier, l’écrit était

omniprésent dans le monde professionnel. Si j’ai pu constater combien certains s’étaient résignés à

101 Annexe 32 p LXXXVII.

81

ne jamais devoir orthographier correctement un texte, d’autres, au contraire, ont confié les

questionnements orthographiques qu’ils se posent quotidiennement lors de la rédaction de textos,

lorsqu’il s’agit de communiquer ainsi avec une entreprise pour convenir d’un rendez-vous par

exemple. Pour ces grands adolescents, cette difficulté peut s’apparenter à un handicap social et oser

le surmonter, c’est se risquer à dévoiler des lacunes anciennes vécues comme des manques, comme

une défiance à l’égard du système éducatif en général et du professeur de français en particulier, à

révéler des souffrances encore douloureuses, comme en témoigne l’incident rapporté plus haut.

C’est pourquoi, j’ai abandonné l’idée d’enregistrer d’éventuelles interactions orales pour éviter des

crispations improductives à la poursuite des apprentissages.

J’ai donc choisi de laisser le temps de la réflexion faire son chemin et je me suis adaptée à la

demande. Quinze jours après les tests de positionnement, un grand nombre d’élèves a manifesté le

désir de connaître et de comprendre les erreurs commises. Nous avons donc poursuivi « le jeu » par

les exercices de tri. L’élève qui avait quitté la classe a investi de façon inattendue les séances

suivantes.

De son côté, la classe de première a souhaité approfondir la démarche en cherchant à savoir

comment faire pour distinguer les homophones « ceux, ce et se ». Guillaume a précisé savoir qu’un

des « ce » était un démonstratif et qu’un autre se situait à côté d’un verbe. L’exemple donné à

l’oral : « Ce matin, il se lève » a soulevé de nombreuses questions et les connaissances

grammaticales exposées plus haut n’ont pas suffi à déterminer les bons choix grammaticaux. Nous

avons réfléchi ensemble à des manipulations syntaxiques qui pourraient servir à identifier les

différentes unités lexicales. Nous décidons que remplacer le pronom démonstratif « ce » par

« celui-là » ou encadrer le nom par « ce… là » et remplacer le pronom « il » par « je » paraît

pertinent pour distinguer ces homophones. La séance suivante, je propose aux élèves deux

nouveaux énoncés de dictée dont les morphogrammes peuvent être déterminés par les

manipulations syntaxiques vues ensemble.

82

Voici l’énoncé de cette dictée :

Ce matin, Léa et Lucie se lèvent encore fatiguées par les épreuves de la veille mais prêtes à

affronter celles d’aujourd’hui. Ceux qui avaient prédit qu’elles échoueraient avaient tort.

Ce court texte réinvestit les difficultés précédentes en présentant un certain nombre de finales

muettes et en /E/ non discriminantes phonologiquement et comportant les trois homophones « ce,

se et ceux ». Ainsi, les difficultés morphographiques peuvent être envisagées de nouveau selon les

deux axes, syntagmatique et paradigmatique, au travers de 16 items.

Sur l’axe syntagmatique, on retrouve :

o 3 chaînes d’extension 1 : Léa et Lucie encore fatiguées, prêtes, les épreuves.

o 4 chaînes d’extension 2 : Léa et Lucie se lèvent, ceux qui avaient prédit, avaient

tort, elles échoueraient.

o 2 chaînes d’extension 4 : ceux, pronom démonstratif qui désigne un référent

indéterminé : les gens qui… , elles pronom personnel de reprise du syntagme Léa

et Lucie.

Sur l’axe paradigmatique, sont traitées les difficultés suivantes :

- La discrimination de formes verbales en /E/ :

Un participe passé employé comme adjectif (fatiguées)

Un infinitif (affronter)

Un conditionnel (échoueraient)

- Les homophones : ceux, se et ce.

Le lexique ne présente pas de difficultés particulières toujours pour éviter de surcharger la

tâche. L’outil de positionnement devient un outil didactique ciblant des points

grammaticaux sur lesquels l’enseignant s’attache à faire travailler les élèves dans des

83

opérations de révision et de contrôle orthographique ciblés. L’annexe 33102

présente les

résultats de cette dictée, réalisée par quatre élèves de première.

D’emblée, on remarque que les homophones « ceux, ce et se » ont été correctement orthographiés

pour tous les élèves. Les justifications révèlent la mise en place de procédures de remplacement qui

manifestement les ont aidés à choisir le bon morphogramme. Nombre de justifications expriment

des tentatives de raisonnement à travers les questions « Qui est-ce qui ? C’est qui ? Qui ?... ».

Certes, elles sont encore guidées par une entrée sémantique, mais les hésitations de graphie

témoignent, selon moi, d’un investissement différent dans l’activité de contrôle et de révision

orthographique du texte. Des écueils demeurent pour distinguer les verbes des adjectifs surtout

lorsque ceux-ci sont détachés comme « prêtes » et homonymes de la forme verbale.

Nous procédons donc à une révision collective orale du texte de Guillaume que je vais

préalablement recopier au tableau en veillant à respecter tous les choix morphogrammiques. A

partir de cet énoncé, un autre élève vérifie les graphies en utilisant les différentes manipulations

syntaxiques vues en classe et corrige si besoin le texte. Les résultats de ce travail sont présentés

dans l’annexe 34103

. Nous avons relu le texte et essayé de distinguer les adjectifs des verbes en

utilisant les manipulations syntaxiques d’encadrement et d’ajout. Globalement, la manipulation

fonctionne bien, mais certains élèves peinent à encadrer le verbe par la négation, la juxtaposant

plutôt au verbe de façon anté-posée, concluant ainsi que la phrase n’étant pas grammaticale, ce

n’est pas un verbe. C’est toute la difficulté de la manipulation qui nécessite un entraînement et un

accompagnement de l’enseignant avant que les élèves les plus faibles puissent l’utiliser en

autonomie. Le même écueil apparaît lorsqu’il s’agit de vérifier l’infinitif du verbe « affronter ». Le

remplacement par un verbe du troisième groupe comme « mordre » rend la phrase peu

compréhensible ce qui fait hésiter les élèves les plus faibles. Certains trouvent rapidement des

102 Annexe 33 p LXXXVIII-LXXXIX.

103 Annexe 34 p XC.

84

verbes du troisième groupe dont le sens ne gêne pas la compréhension de la phrase et débloquent

ainsi la situation. Les justifications avancées par le groupe, dans le questionnaire métagraphique de

la dictée n°3, montrent la prépondérance des justifications morphosémantiques dont la plupart des

réponses se réfèrent au sens global de la phrase sans préciser sur quel autre mot de la chaîne

syntagmatique elles s’appuient. Le niveau de conceptualisation de la langue de ce petit groupe

d’élèves nécessite de prendre en compte leur difficulté d’abstraction et de procéder à un

accompagnement pas à pas dans ces procédures. Néanmoins, la confrontation des justifications

avancées pour la dictée n°1 à celles de l’exercice de tri montre que les explications pouvaient

progresser si on prenait le temps de travailler les procédures et les connaissances simultanément en

ciblant les points de langue et en réfléchissant à partir d’énoncés représentatifs même très courts.

85

Conclusion

En m’interrogeant sur les situations pédagogiques et les démarches didactiques à mettre en place

pour développer les compétences langagières attendues par les programmes de 2009 de français du

baccalauréat professionnel, j’ai été amenée à anticiper les besoins langagiers des élèves pour

réaliser les tâches globales complexes visées et à envisager leurs apprentissages dans des séances

de langue décontextualisées.

L’analyse, dans la première partie de ce mémoire, d’une situation d’enseignement-apprentissage

d’écriture complexe de récits fantastiques décrivant la peur et d’un corpus d’écrits de trois élèves

issus d’une classe de première baccalauréat professionnel électrotechnique, a été l’occasion de

mesurer les apports langagiers d’un tel dispositif au travers de l’épaississement des textes.

L’examen des stratégies scripturales des copies d’élèves a aidé à mieux cerner les procédures

qu’opèrent les scripteurs pour entrer dans l’écriture. Il révèle la prévalence de la stratégie

sémantique comme première réponse à la consigne d’écriture et, par là même, l’importance du

transfert des connaissances littéraires et linguistiques acquises lors de la première situation

d’apprentissage, centrée sur la lecture analytique d’un groupement de textes fantastiques. En effet,

les élèves de la classe sont peu lecteurs ; un rapide tour de table, en début de séquence, m’avait

confirmé que très peu connaissaient le genre fantastique, quasiment aucun ne déclarait en avoir lu.

Un des intérêts du tissage didactique reposant sur les interactions lecture-écriture est d’assurer une

certaine continuité cognitive des activités, notamment littéraires et linguistiques, mais aussi de

constituer une ressource bienvenue pour aider les élèves à entrer dans l’écriture d’invention.

L’engagement spontané des scripteurs dans la voie sémantique fait également apparaître les besoins

langagiers utiles à la réalisation de la tâche d’écriture complexe, que ce soit pour les élèves bloqués

à l’écrit comme Martin, emportés dans la narration comme Rémy ou n’ayant pas donné de sens réel

aux activités langagières comme Christopher.

86

Envisager les activités langagières au cours de séances décontextualisées a donné à chacun

l’occasion de s’approprier la langue et de pouvoir développer des stratégies lexicales et

pragmatiques servant les buts du texte et du discours. Le dispositif didactique très dirigé de la tâche

scripturale a permis de dépasser le cadre fictionnel, comme refuge ou obstacle à l’écriture, pour

épaissir le texte d’outils langagiers qui soutiennent la textualité des récits de peur et inscrivent les

scripteurs dans une stratégie pragmatique où peut s’exercer leur liberté de pouvoir s’exprimer et

penser eux-mêmes comme auteurs et avec les autres comme lecteurs. En effet, la remise des récits

finalisés et évalués a donné lieu à une lecture improvisée et oralisée des textes où chacun a pu

exprimer son avis sur l’histoire elle-même, mais aussi sur l’efficacité des stratégies linguistiques

empruntées.

Cette activité rédactionnelle a, par ailleurs, participé à l’amélioration de l’image de soi pour un

certain nombre d’élèves, dont Martin, et a modifié leur rapport à la tâche d’écriture scolaire et au

langage. Les activités langagières les ayant quasiment tous aidés à dépasser la difficulté initiale de

l’écriture, les élèves se sont investis plus volontiers dans les tâches scripturales suivantes et

notamment les activités langagières qui les sous-tendent, en saisissant, désormais, davantage leur

finalité. On peut alors envisager le possible transfert des procédures acquises dans une situation

complexe nouvelle.

En 1997, Dominique Bucheton, avait mené une réflexion didactique à propos des conduites

d’écriture au collège et au lycée professionnel au sein de l’académie de Versailles104

. Il s’agissait de

chercher à comprendre pourquoi certains élèves n’entrent pas dans l’écrit et ce qui, dans le cadre

des pratiques ordinaires de la classe, peut participer à rendre l’élève « un sujet écrivant ». La

chercheuse définit la didactique de l’écriture et le projet de l’élève « sujet écrivant » comme l’idée

que l’écriture va amener le scripteur à occuper une position sociale et personnelle importante.

104 Bucheton, 1997.

87

Françoise Bollengier, professeure de lycée professionnel, avait participé à ces travaux en

conduisant une réflexion sur l’écriture de nouvelles avec des élèves de BEP électrotechnique. Elle

avait également constaté que le projet d’écriture longue, outre de faire évoluer les représentations,

avait démontré aux élèves qu’ils étaient capables d’écrire et de progresser. L’expérience avait

modifié leur attitude face à l’écrit et l’image qu’ils avaient d’eux-mêmes. A presque vingt d’écart,

ces deux expériences confortent l’idée que faire écrire les élèves de lycée professionnel participe de

leur socialisation, du sens donné aux savoirs scolaires.

Alors que cette même classe de BEP électrotechnique avait servi de laboratoire d’observation et

d’expérimentation pour mieux saisir la nature des difficultés orthographiques d’élèves de lycée

professionnel, Jean-Pierre Jaffré et Françoise Bollengier105

concluaient qu’en soulageant la

mémoire de travail par des séances de correction spécifiques menées à distance de l’écriture, on

pouvait réduire les erreurs de traitement orthographique. Certes, les élèves les plus faibles peuvent

consacrer une grande partie de leur mémoire de travail à la planification du texte, à l’exécution

grapho-motrice, lorsque que celle-ci est source de difficultés, ce qui tend à nuancer les propos des

cogniticiens présentés dans ce travail106

, ou à la compréhension d’énoncés lorsqu’il s’agit de

dictées, délaissant les opérations de contrôle et/ou de révision du texte. Ils commettent alors de

nombreuses erreurs d’orthographe. Cependant, notre étude a montré que vingt ans plus tard, cette

explication n’est plus suffisante pour comprendre les erreurs commises en orthographe

grammaticale. Un savoir orthographique existe pour la plupart des élèves, mais il n’est pas suffisant

pour produire la norme grammaticale. Les erreurs de conceptualisation révèlent une approche le

plus souvent sémantique ou morphologique, rarement syntaxique. Leurs compétences

métalinguistiques sont fragiles et ils peinent à effectuer des différences catégorielles entre noms,

verbes, adjectifs et sont peu entraînés à raisonner sur le plan syntaxique.

105 Jaffré & F. Bollengier, 1995, op.cit. p 46.

106 Gavens & V. Camos, 2006, op.cit. p 47.

88

La difficulté de l’enseignant réside en la capacité à anticiper les besoins langagiers des apprenants

nécessaires à la résolution d’une tâche complexe et à les transformer en activités langagières

efficientes, mais surtout à identifier les difficultés linguistiques qui demeurent dans les productions

de façon à pouvoir accompagner l’élève dans une observation réfléchie de son texte et à trouver les

gestes d’ajustement qui lui permettent de franchir les obstacles. Il s’agit de compétences

professionnelles qui paraissent essentielles pour dispenser un enseignement ambitieux y compris

pour les élèves les plus en difficultés.

Les lycéens de lycée professionnel peuvent encore apprendre et progresser, mais il paraît

primordial de partir de leurs connaissances, des procédures de raisonnement qu’ils utilisent et de

mieux repérer les obstacles qu’ils rencontrent. Pour le chercheur, il s’agit certes de développer un

axe praxéologique pour identifier les meilleures stratégies d’apprentissage possibles aux

acquisitions langagières, mais également d’envisager un axe épistémologique qui aiderait à mieux

cerner l’état des connaissances des élèves à partir des outils de positionnement et de l’analyse

linguistique des productions par exemple. Enfin, une approche psycholinguistique servirait peut-

être à catégoriser les élèves en fonction de leur niveau de développement orthographique et à

pouvoir envisager des outils didactiques et des situations d’enseignement les plus ajustés possibles

à leurs besoins en apprentissage.

89

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