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Master Projet, Innovation, Conception L’INNOVATION DANS LES TELECOMS VUE A TRAVERS LE DEVELOPPEMENT DE NOUVEAUX SERVICES GPRS/UMTS Julien Boyreau Hervé Guiot du Doignon Juillet 2004 Ecole polytechnique - Ecole des Mines de Paris - Ecole des Ponts et Chaussées Entreprise partenaire : Alcatel

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Master Projet, Innovation, Conception

L’INNOVATION DANS LES TELECOMS

VUE A TRAVERS LE

DEVELOPPEMENT DE NOUVEAUX SERVICES GPRS/UMTS

Julien Boyreau

Hervé Guiot du Doignon

Juillet 2004

Ecole polytechnique - Ecole des Mines de Paris - Ecole des Ponts et Chaussées

Entreprise partenaire : Alcatel

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I. Alcatel face aux bouleversements de son environnement : des limites de la « réactivité »4

A. Un contexte de complexification de l‟environnement ................................................... 6

1. Le GSM un projet européen ....................................................................................... 6

2. L‟UMTS, le Wifi et le GPRS : ruptures dans la lignée du GSM ............................. 10

3. Mutation de la relation client ................................................................................... 14

B. Réactions et adaptation de l‟entreprise ......................................................................... 14

1. Les réponses organisationnelles ............................................................................... 15

2. Les réponses stratégiques ......................................................................................... 20

C. Un cas d‟étude d‟un projet en Chine : le switch MSC pour le réseau CDMA ............. 24

1. La release CDMA 2.2 ............................................................................................... 24

2. Réaction à une turbulence extérieure ....................................................................... 26

3. Conclusions sur l‟étude du projet ............................................................................. 30

II. Vers une compréhension des services mobiles aux utilisateurs finaux ............................ 33

A. Mise en perspective d‟une innovation : rupture d‟usages et stabilité économique –

Apport d‟usages des communications mobiles .................................................................... 33

1. Emergence de l‟ubiquité ........................................................................................... 34

2. L‟individualisation de la communication ................................................................. 36

3. Le GSM, enfant direct du fixe ? ............................................................................... 40

B. Caractérisation des services mobiles ............................................................................ 41

1. Une caractérisation des services ............................................................................... 41

2. Type de clientèle ...................................................................................................... 42

3. Produit support ......................................................................................................... 43

4. Processus de back-office .......................................................................................... 45

5. Modèle économique ................................................................................................. 46

6. Contrat ...................................................................................................................... 47

7. Processus de front office .......................................................................................... 48

C. Mise en perspective du modèle de Midler et Lenfle .................................................... 48

1. Extension de l‟innovation répétée aux services : la notion d‟offres de services ...... 49

2. Promouvoir la composition de services : de la nécessité de hiérarchiser les services

50

3. La dissémination des services .................................................................................. 52

III. La recherche de nouvelles lignées chez Alcatel ............................................................... 55

A. Enseignements sur l‟exploration d‟un champ de nouveaux services : la télématique . 55

1. Le GPRS et l‟UMTS : des technologies pour « ordinateurs » embarqués. .............. 55

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2. Analyse de la chaîne de services télématiques : la sécurité ..................................... 56

3. La gestion de la mobilité .......................................................................................... 60

4. Multimédia ............................................................................................................... 62

5. Organisation de l‟exploration chez Alcatel ............................................................. 64

B. Nouveaux usages : régénérer les modèles de conceptions de la communication ........ 66

1. Diversifier les usages de communication ou explorer l‟effervescence des nouveaux

modes d‟Internet ............................................................................................................... 66

2. Présence et assistant virtuel : de la transformation de la communication inter-

personnelle ....................................................................................................................... 74

C. Alcatel vis-à-vis de l‟extérieur : les standards ............................................................. 78

1. Nécessité des standards ............................................................................................ 78

2. Les standards : d‟une contrainte à un moyen d‟innover ........................................... 79

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INTRODUCTION

Le monde des télécommunications mobiles, qui a véritablement pris son envol au début des

années 90, est devenu en seulement quelques années un acteur essentiel du monde

économique. Le taux de pénétration du téléphone mobile numérique, dit 2G, basé sur les

technologies de réseaux cellulaires, a atteint, dans le monde occidental, un niveau tout à fait

extraordinaire en l‟espace de 10 ans que seuls des produits de masse comme la voiture ou la

télévision sont à même de revendiquer.

Cependant, victime de son succès, il connaît aujourd‟hui une phase de stagnation où les

opérateurs télécoms ont de plus en plus de mal à attirer de nouveaux abonnés et où la

congestion des fréquences devient de plus en plus évidentes. Devant cette situation, ces

derniers ont massivement investi dans l‟UMTS, norme de 3ème

génération de téléphonie

mobile. Ils ont ainsi ouvert la brèche d‟un monde du « data », de l‟IP et de l‟Internet,

radicalement différent du leur. C‟est dans ce contexte qu‟Alcatel, fournisseur de premier ordre

des opérateurs télécom évolue. Dans un monde où la concurrence entre équipementiers est

très forte, seuls des stratégies innovantes permettent de se différencier pour survivre.

Nous étudierons dans une première partie, l‟évolution de la filière télécom et les réponses

qu‟Alcatel a su mettre en place pour y faire face. Nous analyserons ainsi où se situent et

comment se sont développées les innovations dans le cadre très standardisé de la filière

télécoms, analysant aussi les conséquences qu‟a le rapprochement du monde Internet vers

celui des télécommunications. Après avoir analysé les réponses d‟Alcatel, nous verrons

certaines limites de la stratégie adoptée à travers le cas d‟un projet chinois : nous mobiliserons

les outils de gestion de projet pour étudier le déroulement d‟un projet télécoms « classique »

et mettrons en perspective le nécessaire intérêt à porter aux services des utilisateurs finaux.

Dans une deuxième partie, après nous être intéressé plus particulièrement à ce que sont

aujourd‟hui les services mobiles de télécommunications, nous chercherons à caractériser

certaines des variables de conception de ces services en les étudiant dans cet environnement à

la frontière des télécoms et de l‟informatique. Après avoir posé les limites du modèle utilisé,

nous proposerons plusieurs voie d‟aide à la conception de services innovants.

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Ceci nous amènera naturellement, dans une troisième partie, à nous interroger sur l‟innovation

dans le domaine des réseaux paquets. Partant de la nécessité de régénérer les modèles

génératifs du secteur, nous proposerons ainsi deux « expansions » illustrant des voies

prometteuses issues de nos activités : la télématique (expansion sur les supports) et les

patterns de communication récents du Web. Fort de ces éléments, nous essaierons de voir

qu‟elles stratégies développables en interne et en externe permettraient à Alcatel d‟innover

dans son environnement.

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I. Alcatel face aux bouleversements de son environnement :

des limites de la « réactivité »

A. Un contexte de complexification de l’environnement

1. Le GSM un projet européen

a) D‟une initiative commerciale a un projet européen

La réalisation d‟un téléphone sans-fil a résulté d‟une très longue phase de maturation où

différents concepts clés se sont dégagés progressivement. Le premier test technique de

communication sans-fil remonte au milieu des années 60, notamment grâce au travaux

d‟ingénieurs de Motorola sur la fabrication d‟un terminal téléphonique sans-fil. Ces premiers

essais confirmèrent la validité du principe de réseau cellulaire c‟est à dire de la

communication du terminal avec un réseau de stations radios ou BTS, organisé en cellules.

Les travaux de développement purement technique se poursuivirent pendant plus de deux

décennies afin d‟améliorer les dialogues entre BTS et permettre ainsi le hand-over entre

cellules, c‟est-à-dire la non-rupture de communication lors d‟un changement de cellule. Ces

techniques permettaient ainsi d‟assurer une continuité de la communication en situation de

mobilité étendue, véritable nécessité pour des individus en déplacement.

Au milieu des années 80, après donc plus de dix ans de développement intensif, apparurent les

premiers réseaux commerciaux sans fils : Radiocom 2000 en France, NMT 450 dans les pays

nordiques et du Bénélux, TACS au Royaume-Uni, C-Netz en Allemagne de l‟Ouest et

RTMI/RTMS en Italie. Ces réseaux, bien que révolutionnaires dans l‟usage de la

communication téléphonique, souffraient de plusieurs problèmes :

- ils s‟étaient développés de façon anarchique au niveau national ou régional et ne favorisait

ainsi pas leur adoption de façon généralisée, en limitant les possibilités de déplacement.

De façon générale, l‟interopérabilité était impossible.

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- la demande croissante en téléphonie mobile entraînerait au début des années 90 la

saturation des réseaux de première génération,

- les combinés utilisés, bien que technologiquement très avancés, restaient très encombrants

en terme de taille et souffraient d‟un cruel manque d‟autonomie.

En 1982, la Conférence des Administrations Européennes des Postes et Télécommunications

(CEPT) regroupait principalement les monopoles nationaux de télécommunications de 26

pays européens ; c‟est pourtant elle qui la première a émis l‟idée que l‟industrie des

télécommunications du futur devrait passer par une coopération paneuropéenne. C‟est dans

cet optique, qu‟elle a constitué le Groupe Spécial Mobile (GSM) dont l‟objectif était de

développer les spécifications pour un réseau de télécommunication mobile paneuropéen

capable de supporter les millions d‟abonnés susceptibles de venir à la téléphonie mobile dans

le futur.

La volonté commerciale d‟établir le GSM était une première étape ; établir un système de

communication unifié au niveau européen nécessitait cependant aussi une forte volonté

politique. C‟est en 1984, grâce à la promotion faite par le CEPT auprès des institutions de

chaque pays que le projet GSM reçu l‟approbation de la Commission Européenne. En 1986, la

Commission Européenne émis ainsi une recommandation et une directive fondamentales pour

le développement du GSM. La recommandation appelait à un lancement coordonné du GSM

en 1991, avec un nombre restreint de services. Il serait suivi par le lancement complet dans les

grandes villes en 1993 avant que celles-ci ne soient interconnectées en 1995 (couverture des

autoroutes tout d‟abord, zones périurbaines puis couverture nationale). La directive quant à

elle demandait à tous les états de réserver la bande de fréquence des 900 MHz. Même si elle

n‟a pas obtenu toute la largeur de bande espérée, l‟industrie des télécommunications avait

acquis par-là un soutien essentiel pour mener son développement à long terme : des

économies d‟échelle étaient assurées pour les constructeurs, au moins au niveau européen.

Les constructeurs étaient ainsi convaincus de l‟intérêt d‟aller vers cette technologie préférant

ainsi un retour sur investissement substantiel à long terme à des gains à court terme en collant

aux technologies analogiques.

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b) Une gestion de projet au niveau européen

Dès le départ, le GSM avait bien en tête de réaliser un standard qui utiliserait les technologies

numériques plutôt qu‟analogiques et opérerait dans la bande de fréquence des 900 MHz. La

technologie numérique apportait à la fois une haute qualité de transmission et permettait plus

d‟appels simultanés sur la bande de fréquence allouée. De plus, un tel choix permettrait à

l‟avenir de développer d‟autres fonctionnalités tels que la sécurisation de la voix et la

transmission de données.

Passer à une technologie numérique permettait de plus d‟utiliser les « very large scale

intagrated silicon technology » (VLSI). Grâce à ces technologies de gravure des composants,

les terminaux pourraient ainsi être moins chers et plus petits. On pourrait même ainsi passer à

des terminaux portables (pas au début mais par la suite…) De plus cette approche par les

technologies numériques permettait d‟être complémentaire de la technologie numérique de

téléphonie fixe Integrated Services Digital Network (ISDN) en cours de développement.

En 1986, le GSM Permanent Nucleus, responsable de coordination des spécifications du

GSM, a mené une campagne de tests essayant huit ou neuf possibilités au niveau des standard

radio. A l‟issu de cette phase de prototypage rapide, le choix se porta sur une seule

technologie : le Time Division Multiple Access (TDMA). Ces performances techniques lui

donnaient le support de gros acteurs comme Nokia, Ericsson et Siemens. On s‟assurait ainsi

un marché concurrentiel au niveau des constructeurs dès le départ, permettant peut-être une

arrivée rapide des produits sur le marché.

S‟appuyer sur des technologies et des standards communs là encore n‟était qu‟une première

étape. Quid du marché ? Il était en effet essentiel que des opérateurs potentiels s‟engagent à

mettre les standards en place à une date donnée. Sans un tel accord, il n‟y aurait ni réseau, ni

terminaux…

Le premier Memorandum of Understanding (MoU) devait être signé entre au moins trois

opérateurs pour avoir de l‟avenir. Il le fut par quinze opérateurs de treize pays.

Après quelques années de doutes sur sa disponibilité à temps et son succès, le passage des

spécifications du GSM sous la coupe de l‟European Telecomunications Standards Institute

(ETSI) relança la course. La coopération entre administrations, opérateurs et constructeurs

permis un développement rapide des spécifications du GSM phase 1 qui furent ainsi publiées

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en 1990. Le PCN anglais, menace au départ contre le GSM, se rallia au projet, l‟adaptant à la

fréquence des 1800 MHz sous le nom DCS 1800 puis GSM 1800 en 1997.

c) Les terminaux : chemin critique du lancement du GSM

Malgré ces développements très encourageants, la date du 1er

juillet 1991 ne put être tenue ; la

démonstration au forum de l‟International Telecomunication Union (ITU) d‟un réseau GSM

pilote fut néanmoins une réussite avec 11000 appels passés sans problème majeur. Le

problème principal retardant le lancement était la disponibilité des terminaux : la procédure

d‟approbation des terminaux n‟était pas encore au point.

Un élément clé du GSM est en effet le roaming. Pour le rendre possible, tous les réseaux et

terminaux doivent en effet être identiques. Avec tant de constructeurs dans tant de pays créant

un si grand nombre de produits, il était nécessaire que chaque terminal subisse un test

rigoureux. Des terminaux déficients pourraient en effet causer des dégâts à tout un réseau.

A posteriori, il est facile de comprendre la raison d‟un tel délai. Un tel test nécessitait en effet

la création d‟un équipement complexe capable de simuler un réseau GSM entier avec lequel

le terminal opèrerait. Le développement d‟un tel simulateur s‟est avéré être considérablement

plus complexe que ce qui avait été envisagé. Mais sans un processus de tests, il n‟y aurait pas

de terminaux et sans terminaux…

La solution était l‟introduction de l‟Interim Type Approval (ITA). La procédure de tests était

simplifiée pour vérifier uniquement que le terminal mobile ne créerait pas de problèmes dans

le réseau. Les terminaux ITA apparurent ainsi en 1992, et de véritables téléphones portables

apparurent sur le marché à la fin de cette année. Le véritable lancement des réseaux GSM eu

ainsi lieu en 1992 en Europe pour treize opérateurs.

d) Développement du GSM et limites pour les opérateurs

Une fois lancé, le GSM s‟est développé à très grande vitesse. Parti d‟un projet européen, des

systèmes GSM ont été installés partout dans le monde : Australie tout d‟abord puis Asie,

Afrique, Amériques… Le milliardième utilisateur du GSM a ainsi été fêté en mars 2004…

Cependant, il apparaît aujourd‟hui presque victime de son succès. Les ambitions des

opérateurs d‟atteindre un taux de pénétration de plus de 100% avec plus d‟un abonnement par

personne ont laissé place à un constat plus pragmatique.

La réalité est que les opérateurs, bien qu‟ils tentent par tous les moyens de séduire de

nouveaux individus, ne réussissent plus à augmenter leur nombre d‟abonnés. La croissance

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d‟abonnées stagne aujourd‟hui à des valeurs de 1 ou 2% par an. L‟ouverture du système de

portabilité du numéro, permettant à un abonné de changer d‟opérateur sans changer de

numéro, ne permet pas de résoudre la crise de croissance du marché.

Devant le faible nombre de nouveaux abonnés, l‟une des solutions est de réussir à augmenter

le revenu par abonné, le fameux ARPU (Average Revenu Per User), mètre étalon des business

models opérateurs.

La première tentative dans cette direction a été l‟introduction en 1998 des SMS, Short

Message Service, petit message limité à 160 caractères, transitant par les canaux GSM. Son

succès, totalement inattendu par bon nombre de spécialistes, est phénoménal. On estime

aujourd‟hui à 15 Milliards le nombre de SMS échangés mensuellement dans le monde. Ce

nouveau marché représente une véritable manne financière pour les opérateurs qui

surfacturent les SMS par rapport à leur coût de revient.

Afin de poursuivre cette croissance par augmentation de l‟ARPU plutôt que par acquisition

systématique de nouveaux abonnés sur un marché GSM saturé, les opérateurs ont ainsi

largement investi sur les technologies de réseaux mobiles de nouvelle génération : le GPRS et

l‟UMTS. Avec l‟introduction de la technologie paquet, les opérateurs, sans l‟avoir vraiment

préparé, ont ainsi ouvert une formidable boîte de Pandore sur un marché risqué et

imprévisible : Internet.

2. L’UMTS, le Wifi et le GPRS : ruptures dans la lignée du GSM

Introduit en 2001 par les opérateurs, le GPRS introduit véritablement la téléphonie mobile au

monde Internet. Cette introduction ne se fait cependant pas sans difficultés : à plusieurs

niveau, elle se situe en rupture avec les technologies précédemment utilisées.

a) Rupture technique

Les technologies GPRS et UMTS introduisent une profonde mutation dans l‟architecture des

réseaux télécom. En doublant le cœur de réseau traditionnel dédié à la voix (cœur de réseau

circuit), d‟un nouveau cœur de réseau destiné aux transmissions de données, l‟opérateur

rapproche son réseau d‟un réseau classique de type Internet. L‟échange de paquets IP peut en

effet se faire directement entre l‟usager et un serveur situé sur Internet, sans que l‟opérateur

n‟intervienne autrement que dans la transmission des données et leur éventuelle taxation.

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Le modèle classique de l‟opérateur consiste à verrouiller ses usagers sur son réseau : il fournit

tous les services dont ses clients ont besoin et se charge de les taxer. L‟opérateur est ainsi le

seul à pouvoir revendiquer l‟apport d‟intelligence aux terminaux de ses usagers. L‟ouverture

vers le monde Internet et l‟augmentation constante de la puissance des terminaux modifie

fondamentalement cette donne. Cette dernière permet en effet aux fabricants de téléphones

mobiles de doter leurs téléphones de systèmes d‟exploitation (Symbian, Windows CE),

véritables plates-formes sur lesquelles des logiciels peuvent être installés. Le client ne se

trouve ainsi plus verrouillé par un opérateur qui lui vend les portables qu‟il veut et où sont

installés sans modification possible les logiciels relatifs aux services qu‟il est à même de

fournir.

L‟i-mode peut être vu comme une étape de transition entre l‟ancienne et la nouvelle économie

des opérateurs. D‟un point de vue technologique, l‟i-mode repose sur du GPRS et sur un

serveur de type serveur Web. Cependant, l‟opérateur a une forte mainmise sur le business

model : le contrôle des pages vues par ses utilisateurs est quasi total, et la taxation passe par

lui, suivant les accords qu‟il a avec les tierces parties fournissant les services. Il faut dire

qu‟au moment du lancement de l‟i-mode, ni Internet, ni les terminaux n‟avaient atteint le

développement qu‟ils ont aujourd‟hui.

Dans le nouveau modèle de services, l‟opérateur, bien malgré lui, peut-être considéré comme

un fournisseur de bande passante. L‟accélération des vitesses de transmission en est en partie

responsable : un serveur situé sur Internet aura quasiment le même temps de latence pour le

service que si celui-ci avait été fourni directement par l‟opérateur. Un fournisseur de service

situé sur Internet va alors utiliser cette bande passante fournie par l‟opérateur pour dialoguer

avec son client connecté au service grâce à un téléphone portable. Le rôle de l‟opérateur s‟en

trouve ainsi diminué, il passe de celui de fournisseur de service à celui de fournisseur de

bande passante.

Concernant le push-to-talk, on peut par exemple imaginer le modèle suivant. Un fournisseur

de service push-to-talk installe un serveur push-to-talk sur Internet. Ses clients équipés d‟un

mobile Symbian téléchargent sur son site l‟application push-to-talk. Une fois installée sur le

portable l‟application se connecte au serveur du fournisseur de service push-to-talk,

s‟enregistre, créé sa liste d‟amis déjà présents chez ce fournisseur de service (ou chez d‟autres

grâce à l‟interopérabilité entre les serveurs push-to-talk) et une communication push-to-talk

peut enfin démarrer. Et si, un tel fournisseur de service était Yahoo! ou MSN ? Cette

ouverture vers le monde Internet fait ainsi apparaître de nouveaux concurrents pour

l‟opérateur et pas des moindres !

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b) Rupture économique

Nous l‟avons vu tout à l‟heure, l‟ouverture du mobile vers l‟Internet peut faire passer les

opérateurs de fournisseurs de services à fournisseurs de bande passante. L‟analogie avec

l‟ADSL est facile : les fournisseurs de services Internet sont en réalité souvent des

fournisseurs d‟infrastructure de transport. Le cas AOL mis à part, ceux-ci fournissent en effet

très peu de services à valeur ajoutée. Le business model le plus utilisé est celui du flat fee :

paiement mensuel pour un accès illimité.

Le business model couramment utilisé par les opérateurs de télécommunications pour les

données est celui du paiement au kilo-octet transféré. Les opérateurs de fait peuvent craindre

de cannibaliser leur marché de téléphonie vocale classique. Les technologies de voix sur IP

(VoIP) commençant à être assez mûres, ce qui est entrain de se produire en téléphonie fixe, à

savoir le passage des communications téléphoniques à moindre coût par les fournisseurs de

service Internet, pourra aussi se produire en téléphonie mobile. Les opérateurs pour se

protéger de cette fuite des usagers vers un canal de transport qu‟ils ne maîtrisent pas sont donc

tentés de garder leurs business model actuel : paiement à la quantité de données échangées

voire même, gros retour en arrière, paiement à la durée d‟utilisation (comme SFR sur

l‟UMTS)

Entre ses business model antagonistes, illimité à la mode Internet qui fournit aux usagers une

souplesse d‟utilisation ou taxé à l‟usage modèle courant du mobile, le modèle économique est

bien différent pour l‟opérateur.

c) Rupture des systèmes de conception

Outre les ruptures techniques et économiques, le rapprochement de l‟informatique et des

télécommunications est le lieu d‟une confrontation entre deux systèmes de conception bien

distinct. Le premier s‟appuie sur de puissants groupes pour organiser la conception à travers

des standards alors que le deuxième repose sur la création de valeur par les entreprises elles-

mêmes, soucieuses de manière individuelles d‟améliorer leurs produits. Nous développerons

ces différences à travers deux produis reposant sur des méthodes de conception différentes : le

Wifi et le GPRS.

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(1) Le 802.11

Au niveau technique, le 802.11 suit une évolution orientée par le concept d’innovation

répétée, bénéficiant des cours délais de normalisation de l‟IEEE et de la décentralisation très

forte des acteurs potentiels dans un marché des équipements très concurrentiel.

Ce mode d‟organisation a permis au 802.11 de bénéficier au cours des 18 derniers mois d‟une

suite constante d‟évolutions techniques sur les différents axes de conceptions envisageables,

comme :

le débit supporté (évolution 802.11a et 802.11b à 54Mbits/s et premiers tests sur la norme

n à 100Mbits/s)

la sécurité (norme 802.11i)

la qualité de service (norme 802.11 e)

le hand-over (travaux en cours)

Le caractère local du 802.11 a donc privilégié une approche bottom-up, entamée avec succès

dans le réseau d‟entreprise depuis le début des années 80, procédant par petits pas.

(2) Le GPRS/UMTS

Techniquement, ces technologies représentent un bon exemple, de la conception en modèle

d’ingénieurie ou d‟une approche Top-Down. Ici, la conception et la maturation du cahier des

charges sont très longues et le développement est très consommateur de ressources. Le

développement et l‟objectif sont orientés vers le client de l‟ouvrage réseau, l‟opérateur

mobile. Ainsi, la topologie du réseau est hiérarchique, prévue à l‟avance. Le temps de

déploiement est long, séquentiel et a priori à visée totale pour l‟ensemble du territoire.

Cette conception permet une maîtrise du réseau de bout en bout et une architecture de

paiement standardisé.

C‟est dans ce contexte de conception que s‟est situé le GPRS. Les services étaient développés

plutôt suivant un mode Internet avec un réseau développé suivant le schéma de

standardisation des telécoms. Les technologies paquets consomment véritablement la rupture

entre les couches de transport et celles de service. Derrière une apparence de services dédiés

au mobile, les services développés actuellement pour la 3G utilisent en fait les technologies IP

comme support et sont donc bel et bien décorrélés totalement de la couche transport UMTS…

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3. Mutation de la relation client

Simultanément à la profonde modification de son environnement technique, l‟environnement

économique d‟Alcatel a fortement changé au cours des dix dernières années. Jusqu‟à il y a 10

ans, les relations entre le CNET (centre R&D de France Télécom) et Alcatel étaient plus que

des relations maître d‟œuvre - maître d‟ouvrage : France Télécom était le client naturel et

privilégié d‟Alcatel qui le lui rendait bien.

Le secteur des télécommunications a maintenant bien changé. La standardisation nécessaire à

l‟interopérabilité a été l‟élément déclencheur d‟une profonde mutation de l‟écosystème des

équipementiers télécoms ; elle a engendré :

une concurrence accrue entre les constructeurs. Auparavant, ceux-ci développaient de

manière quasiment spécifique des technologies pour leurs clients naturels. Maintenant,

tout le monde développe les mêmes éléments constitutifs du réseau. Chacun peut donc se

vendre non plus uniquement sur son marché national mais aussi sur tous les autres

marchés. De plus, de nouveaux acteurs apparaissent, notamment des acteurs chinois

comme Huawei et ZTE qui interviennent sur leur marché national (marché très important

pour les autres acteurs !) mais aussi au niveau international.

une diversification des clients. Puisque tous les éléments constitutifs du réseaux sont

standardisés, de part le monde, tous les clients veulent les mêmes produits et chaque

constructeur peut donc adresser un panel beaucoup plus important de clients. Cette

diversification des clients nécessite une adaptation de la part de l‟entreprise. Ceux-ci ont

de plus bien changé. Ils ne sont plus uniquement les ex-monopoles nationaux. On compte

parmi eux des opérateurs présents quasiment à l‟échelle d‟un continent voire même plus

étendus (Vodaphone, Orange).

La relation client devient ainsi maintenant beaucoup plus une relation maîtrise d‟ouvrage –

maîtrise d‟œuvre à l‟avantage des opérateurs.

B. Réactions et adaptation de l’entreprise

Comme nous avons pu le constater dans le premier paragraphe, la situation externe de

l‟entreprise s‟est fortement modifiée depuis ces quelques dernières années. La dérégulation

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des Télécoms a profondément remodelé la situation concurrentielle et l‟offre de clients

potentiels.

Le changement est donc extérieur mais doit aussi nécessairement s‟accompagner de profonds

bouleversements en interne, tant au niveau de l‟organisation que des compétences et des

savoir-faire. La convergence des mondes informatique et télécoms signifie ainsi une profonde

évolution des compétences fondamentales pour Alcatel car les réseaux nouvellement

construits sont très différents de ceux que l‟entreprise a pu connaître dans le passé, tant au

niveau technique qu‟économique.

Nous allons ici examiner les différentes réponses qui ont pu être apportées jusqu‟ici à ces

défis majeurs de changements. Elles mêlent à la fois des enjeux organisationnels et

stratégiques, notamment dans la problématique d‟acquisitions des nouvelles compétences

nécessaires à la compréhension de technologies qui évoluent de façon beaucoup plus

chaotiques et décentralisées que dans le monde classique très planifié des

télécommunications.

Nous pourrons voir que ces remises en questions sont loin d‟être achevées tant il est difficile

de sortir du régime d‟urgence engendré par un renouvellement technique dans un contexte

mal maîtrisé. Nous avons pu avoir la chance, durant notre mission, d‟être au cœur de ces

réorganisations successives qui nous ont profondément marqués et influencés du point de vue

de l‟inertie et des problématiques inhérentes à ces mouvements permanents des hommes et

des responsabilités.

1. Les réponses organisationnelles

Evolution de la force de vente : un retour sur l’ importance de la relation client.

Il n‟est pas inutile de s‟attarder un instant sur la structure organisationnelle de l‟entreprise

pour y découvrir des éléments importants de la façon dont elle se perçoit et se positionne.

Alcatel présente une structure assez classique dite matricielle où les différentes divisions de

produits s‟entrecroisent avec les éléments de force de ventes et de compétences. Il y a en effet

5 Business Regions (BR), structures transversales représentant chacune une zone

géographique précise et responsables pour l‟ensemble des ventes sur ces régions.

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La déréglementation des Télécoms ayant eu pour effet de multiplier les clients potentiels, les

BR se sont naturellement dotées de Key Account Manager (KAM), véritable point de

focalisation vers le client et se voulant interface unique et relais principal vers les

départements de l‟entreprise concernée par les demandes. Le KAM est notamment important

puisque c‟est normalement lui qui remonte les Request For Quotation (RFQ) et les Request

For Interest (RFI) venant des clients potentiels d‟Alcatel. En pratique, on s‟aperçoit que la

frontière entre le client et Alcatel est souvent assez poreuse, que les contacts sont assez

nombreux et à divers niveaux et qu‟il est très difficile de centraliser tous les échanges en

passant par un KAM. Cette structure aurait pourtant l‟avantage d‟éliminer les redondances qui

peuvent exister lorsque des équipes clientes et Alcatel travaillent en parallèle sur des sujets

proches ou identiques. Les rapports parfois informels que peuvent entretenir des équipes

parallèles peuvent aussi avoir comme conséquence de créer une image spécifique dans l‟esprit

de la partie cliente, image qui devient parfois sa vision d‟Alcatel tout entier. Lorsque les

relations sont correctes et enrichissantes ceci est peu important. Dans le cas contraire, les

conséquences peuvent être catastrophiques pour l‟entreprise tout en entière. Il est donc

important de gérer au mieux l‟image qu „Alcatel donne aux partenaires extérieurs et donc de

la contrôler le mieux possible.

Ces quelques problématiques trouvent tout leur poids dans un contexte environnemental où la

relation client est devenue essentielle.

En effet, comme nous l‟avons déjà abordé précédemment, deux facteurs se conjuguent. La fin

des monopoles d‟opérateurs nationaux a changé l‟organisation des projets et en partie remis

en cause le modèle d‟ingénierie piloté par l‟Etat, qui avait connu un grand succès, notamment

en France et en Allemagne, avec leur concept de « champions nationaux », « ideal-type » dont

Alcatel et Siemens fournissent de bons exemples. Dans ces structures, Alcatel jouait le rôle de

fournisseur et parfois de sous-traitant, en général unique, pour France Télécom. Ce genre de

structure était en général relativement floue et les notions de projets « nationaux »

transcendaient largement les frontières entre les deux entreprises. La vie de l‟ingénieur projet

Alcatel était à la limite de la « fonctionarisation » complète, très détachée de problématiques

« orientés marché ».

L‟ouverture à la concurrence a obligé ses entreprises à fortes compétences techniques à

développer une capacité à séduire sur le marché des clients, souvent nouveaux, et dans un

contexte de compétition exacerbée. Dans un secteur fortement standardisé ou le degré de

substituabilité des produits d‟équipementier est grand pour les opérateurs, une grande partie

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du travail d‟entreprises comme Alcatel consiste à essayer de convaincre par différents moyens

de la qualité des ces produits. L‟activité de relation client et de lobbying est donc essentielle.

Dans ce contexte, durant notre mission, Alcatel a décidé de refondre de manière importante

ses équipes clients, afin de les doter de beaucoup plus de moyens et de responsabilités. Les

simples KAM se sont transformés en Customer Area Team (CAT), structures beaucoup plus

conséquentes et dédiés au support et à la relation client, en relation directe avec les équipes de

support technique de l’Operation and Support Division (OSD) afin d‟optimiser le temps de

traitement des problèmes clients.

Cependant, même avec cette augmentation du poids des équipes clients, nous avons pu

observer plusieurs limites de fait dans la pratique. Nous avons en particulier remarqué

l „énorme problème posé par le processus de NPI (New Product Introduction) dans la partie

industrialisation des nouvelles offres. En effet, ces nouveaux produits représentent souvent

des avancées techniques avec lesquelles le personnel d‟OSD, habitué aux technologies de type

télécom, n‟est pas familiarisé. Nous avons identifier un véritable goulot d‟étranglement dans

le processus de transmission de responsabilités entre la R&D et OSD, division devant assurer

la prise en charge du nouveau produit dans « sa vie série ».

Comme les personnes d‟OSD ne sont en général pas bien familiarisées avec ces nouveautés,

le département de R&D où nous étions s‟est systématiquement retrouvé en première ligne de

front quand des problèmes de maintenance ou d‟installation se sont faits pressants, notamment

sur les First-Off (premiers déploiements). En situation d‟effectifs restreints, cette surcharge de

travail a été difficile à faire passer dans l‟emploi des ressources très serrées du département.

Cette situation a transformé notre chef direct en une sorte de « staffeur » en temps réel,

recherchant à droite à gauche les compétences nécessaires pour envoyer les hommes « sur le

front ». Il est intéressant de remarquer que ce changement de fonctionnement n‟est pas

toujours accepté de manière unanime par un personnel dont l‟age varie de 25 à 50 ans. Autant

il est aisé de convaincre (forcer ?) une jeune recrue sans attache pour partir barouder deux

mois au Nigeria sur l‟installation d‟un nouveau réseau, autant la procédure est moins facile

lorsque le dit personnel approche la cinquantaine et doit dire au revoir à ces enfants pour deux

mois alors qu‟il vient juste de commencer ces vacances.

On découvre ici toute la psychologie nécessaire du manager pour arriver à « faire passer » ces

missions parfois douloureuses. On y découvre aussi un effet pervers assez classique d‟une

situation où un futur très incertain génère une urgence permanente. En effet, lorsque le

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manager en question démontre une formidable capacité à trouver au jour le jour des solutions

à tous les problèmes, il devient un point de passage repéré et ébruité par tous ces collègues,

ces chefs…Finalement, sa capacité à toujours s‟en sortir lui apporte des situations toujours

plus complexes à résoudre. On rentre ainsi dans un cercle vicieux qui a pour grand

désavantage de masquer les problèmes d‟organisations par la grande capacité d‟adaptation du

manager. On observe alors comment l‟élastique se tend de plus en plus, surtout dans un

contexte renonçant aux organigrammes et donc privilégiant l‟informel, qui fait apparaître des

points de passages très sollicités.

Durant notre stage, il n‟a jamais cassé. Mais on en vient presque à espérer le grippage de

l‟engrenage afin de pouvoir poser clairement le problème sur la table. Nous ne nous étendrons

pas plus avant sur cette problématique de la relation client pour l‟instant, mais nous sommes

convaincus qu‟Alcatel ne pourra pas éluder éternellement le « goulot » de la passation entre

les deux départements.

L’organisation des Business Units : plutôt par types de clients que par compétences.

A côté des structures géographiques de ventes et de support, Alcatel compte trois principaux

groupes. Cette structure affirme réalité historique d’équipementier réseau généraliste de

l‟entreprise. Les trois groupes sont :

Le Fixe Communication Group (FCG), regroupant tous les produits et services à

destination des opérateurs de télécommunication fixes (OTF).

Le Mobile Communication Group (MCG), regroupant tous les produits et services à

destination des opérateurs de télécommunication mobiles (OTM)

Le Private Communication Group (PCG), regroupant toutes activités à destination des

clients non-opérateurs, en particulier les entreprises et les activités autour des satellites.

On remarquera, à travers cette brève description, que le principal trade-off dans la structure se

fait par rapport à la nature du client, à savoir s‟il est opérateur ou non. Même si les

évolutions récentes du secteur nous donneront l‟occasion de discuter de cette macro

organisation, on peut remarquer que cette organisation est fortement liée à l‟historique dans le

sens où la branche mobile a pu faire apparaître un certain nombre de spécificités. Dans la

suite, nous allons nous pencher sur le groupe mobile dans lequel nous avons évolué dans ces

quinze derniers mois.

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Comme les autres groupes de l‟entreprise, MCG se découpe lui-même en divisions qui

répartissent en fonctions des produits sur les différentes parties des réseaux mobiles. Au

moment de la fin de notre stage, le découpage était le suivant, se structurant autour de trois

principales entités :

La Mobile Radio Division (MRD), regroupant les activités relatives aux éléments radios

mobiles, autant pour la 2G (BTS et BSC), 3G (NodeB et RNC) que des technologies

émergentes comme le Wimax.

La Mobile Solution Division (MSD), regroupant la plupart des activités reliées au cœur

de réseaux et aux applications et services aux utilisateurs finaux.

La Mobile Phone Division, occupée à la conception de téléphones mobiles.

Ce découpage appelle plusieurs commentaires.

D‟une part, cette échelon d‟organisation est très mouvante et a du mal à s‟établir comme un

échelon cohérent, victimes des attaques provenant du niveau supérieur, le Group, qui a

progressivement récupéré les activités essentielles de Strategic Marketing et du niveau

inférieur, la Business Unit (BU), qui représente l‟échelon important d‟organisation, le cœur

de la vie de l‟entreprise, réplique à l‟échelle d‟une entreprise complète avec un département

Marketing, un centre de R&D, des ingénieurs d „affaires dédiées… Au niveau de la Business

Unit, le raisonnement est identique à celui d‟une entreprise, on y parle chiffre d‟affaire, ROI,

marge…

A l‟intérieur de MSD, on compte aujourd‟hui deux Business Units :

La Mobile Application Business Unit (MABU), responsable des activités sur les

applications.

La Mobile Core Business Unit (MCBU), spécialisé sur la conception du cœur de réseau

mobile, principalement les deux nœuds UMTS/GPRS que sont le SGSN et le GGSN

Nous étions affectés à la R&D de MCBU. Dans ce contexte, nous avons pu observer le

mouvement permanent de changements organisationnels. Une division avait été divisée en

deux juste avant notre arrivée (Fixed Mobile Solution Division scindée en MSD et FSD)

Durant les quinze mois de notre présence, une autre a été démantelée (la partie radio et

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MCBU était précédemment regroupée en une même division appelée Mobile Network

Division), deux Business Units ont fusionné (Mobile Solution Intégration et Mobile

Application Software sont devenues MABU) et une dernière division a tout simplement

changé de propriétaire (MPD devenant une société possédée à peu près à parts égales par

Alcatel et le Chinois TCL).

Ce mouvement perpétuel d‟organisations qui ne durent que 6 mois peut sembler anodin à

l‟observateur théorique qui regarde l‟entreprise de loin. Dans la réalité, on remarque que les

esprits des personnels sont beaucoup plus longs à adapter que le temps nécessaire à dessiner

des bulles sur un organigrammes. Nous avons rencontré plusieurs personnes qui se trouvaient

déstabilisées par ces changements perpétuels. En effet, pour beaucoup de salariés, il

apparaissait indispensable (à juste titre) de connaître les personnes responsables de leur unité

afin de savoir à qui s „adresser en cas de problème. Nous avons vécu deux réorganisations en

un an et côtoyé après le deuxième changement des gens qui n‟avaient pas assimilé les

modifications antérieures effectuées six mois plutôt. Un certain manque de communication et

de visibilité sur l „avenir ne peuvent qu‟aggraver le sentiment d‟un grand nombre d‟être

baladés sans savoir vraiment vers où. Les gens ne sont pas par nature rétifs au changement.

Encore faut-il savoir présenter la chose de façon compréhensible et concertée. De notre vécu,

nous retirons la conviction profonde qu‟une meilleure consultation des salariés sur

l‟organisation est primordiale pour éviter les situations que nous avons pu connaître.

Car nous avons pu observer à quel point les organisations peuvent créer des tensions et des

murs invisibles souvent difficiles à dépasser, notamment dans le cas de positions un peu

bancales comme celle que nous avons occupé pendant un an. Dans la relation avec un certain

nombre de collaborateurs, nous avons mesuré que l‟appartenance à un groupe, une unité à la

mission entérinée par l‟organigramme, donne souvent la légitimité nécessaire pour être pris au

sérieux et obtenir les réponses aux interrogations que nous pouvions soulever.

Ceci est d‟autant plus vrai lorsque est sollicitée une collaboration inter-BU car celles-ci

contrôlent un élément essentiel : le budget. Lorsque des explorations nécessitent une vision

qui transcende celles des BU, le problème des budgets sont toujours en première ligne.

2. Les réponses stratégiques

Les différentes évolutions et limites structurelles énoncées précédemment mettent en lumière

les grands bouleversements qu‟Alcatel subit depuis une dizaine d‟années. Ils illustrent aussi le

basculement de l‟entreprise dans un environnement où la course à l‟innovation technologique

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est permanente, non-linéaire et extrêmement décentralisée, modèle hérité de la Silicon Valley

dont l‟influence est très grande de part la convergence des technologies du monde télécom et

informatique.

Alcatel vient d‟une industrie centenaire qui profitait de l‟implication étatique pour planifier

sur le long terme des projets d‟ingénierie de grande envergure où les problèmes de rentabilité

à moyen terme étaient secondaires. La structuration de la progression du savoir était elle aussi

très encadrée, par de grands organismes de standardisation, (l‟ETSI et l‟Union Internationale

des Télécoms, l‟ITU), regroupant tous les acteurs (opérateurs et équipementiers) et

normalisant les différentes évolutions techniques (toute la série de normes X.xx), dans un

contexte d‟évolution contrôlée.

De plus, les coûts d‟investissements des réseaux avaient tendance à décourager toute tentative

d‟innovation en marge des normes. En effet, plus les investissements sont importants, plus les

coûts de déviations en cas d‟établissement d‟un standard trop divergent sont importants.

Aujourd‟hui, le monde informatique a familiarisé les acteurs télécoms avec des données très

différentes. Dans l‟informatique, beaucoup de standards sont souvent des standards de fait

résultant du succès de l‟entreprise créatrice et aux effets de réseaux générés par l‟uniformité à

certains points critiques de la chaîne de valeur. (cf le cas Microsoft).

Intel a aussi montré la viabilité économique d‟une politique d‟obsolescence rapide où

l‟avance technologique permanente garantit l‟exploitation répétée de rentes d‟innovations

momentanées.

Ainsi, un des éléments essentiels de cet environnement concurrentiel est l‟acquisition, la

contextualisation, l‟accumulation et la génération de savoirs et de savoir-faire, touchés

fréquemment par une obsolescence rapide et remis en cause par des évolutions fortement non-

linéaire et chaotique.

Il est intéressant de se demander d‟où viennent ces savoirs. Sont-ils les résultats de

générations internes et des explorations progressives des départements de R&D et R&I de

l‟entreprise ? Où sont-ils des conséquences nécessaires du développements d‟approche

technique externe que l‟entreprise découvre souvent trop tard et qui donne lieu à de coûteuses

campagnes de rattrapage souvent en décalage avec les pionniers ?

Il nous a semblé que l‟histoire récente d‟Alcatel est plutôt marquée par la deuxième

alternative, à savoir une grande difficulté à anticiper les évolutions techniques majeures

ponctuées par des phases rapides et complexes pour combler le fossé qu‟ont pu creuser

certaines technologies. Cette logique est particulièrement dangereuse en environnement à

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obsolescence rapide. En effet, ne pas avoir participer à l‟émergence de nouvelles idées ou

technologies comportent le grand risque d‟y appliquer des grilles de lecture en retard qui ne

permettront pas de comprendre les évolutions ou itérations suivantes. Alors que l‟entreprise

s‟efforce de se mettre à jour avec un champs de connaissance A, les pionniers de cette

technologie ont peut-être déjà évolué dans une direction plus avant. De grandes ruptures

technologiques sont souvent porteuses d‟idées ou de concepts essentiels et nouveaux souvent

enrobés dans un ensemble d‟éléments secondaires du registre de la matérialisation. Le risque

majeur pour l‟entreprise retardataire est de se laisser aveuglée par les problèmes techniques

superficiels et de ne pas pénétrer les idées fortes.

Nous aurons l‟occasion de revenir sur ces questions dans une partie ultérieure. Dans le cas

d‟Alcatel, qui se situe plutôt dans la deuxième catégorie, il est nécessaire d‟acquérir les

compétences nécessaires à l‟extérieur. Nous avons pu observer deux stratégies différentes :

La Joint Venture, créé avec Fujitsu sur l‟UMTS afin de développer des équipements

radios

Le rachat d‟entreprise « start-up »

Nous ne reviendrons pas sur le cas de la Joint Venture, largement documenté dans nombres

d‟ouvrages et que nous avons peu eu le temps d‟observer (n‟étant pas en contact régulier avec

les personnes de la division Radio)

Par contre, dans le cas de rachat d‟entreprise, nous avons eu la chance de vivre en temps réel

le processus de rachat et d‟intégration d‟une petite entreprise américaine (WaterCove, WC) et

de côtoyer régulièrement les personnels d‟une autre entreprise rachetée trois ans auparavant

(Nextenso, Nx).

Le contraste fut saisissant et montre l‟importance primordiale de ce type de processus et ces

effets potentiellement destructeurs sur le reste de l‟entreprise. En effet, Nx est restée depuis

son rachat une structure très autonome au sein de sa Business Unit. La communication de

l‟unité au sein de même de sa BU apparaissait extrêmement difficile et les tensions étaient

permanentes. Le ton est encore monté d‟un cran lorsqu‟une redondance certaine a été mise au

grand jour avec une autre ligne de produits issus d‟une plate-forme technique différente. Il est

assez frappant d‟assister alors à une véritable de guerre de religions entre les différents camps,

confrontation où tout argument devient plus ou moins irrationnel et où chacun tente à tous

prix de maintenir ces positions hors de toute considération plus globale. Dans un

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environnement où le recours à l‟offshore R&D est de plus en plus courant, les décisions

d‟évolutions techniques se doublent d‟une dimension hautement politique et de ressources

humaines car les choix technologiques peuvent se mêler à des questions d‟emploi.

Au final, au-delà du coût de la redondance due au maintien de deux plates-formes, cette

compétition interne mal maîtrisée et floue a, en plus, un effet particulièrement pervers car les

deux entités ne vivent pas en parallèle mais plutôt essaient de se détruire mutuellement.

Finalement, on se trouve dans un contexte de « Compete against » plutôt que dans un

« Compete with » de saine émulation.

A côté de cette expérience, l‟intégration de WC semble jusqu‟ici positive car elle s‟appuie en

particulier sur un bon positionnement stratégique : le produit développé par WaterCove

remplace « pièce pour pièce » un produit d‟un concurrent jusqu‟ici utilisé par défaut, faute

d‟offre maison. Il propose des fonctionnalités novatrices jusqu‟ici inexistantes au sein

d‟Alcatel et qui viennent compléter les offres présentes. Durant cette intégration, le défi était

de deux ordres, à la fois technique pour incorporer dans les processus Alcatel un produit en

fin de développement et culturel pour acclimater au mieux des américains organisés en Start-

up pas forcément enchantés de découvrir les pesanteurs bureaucratiques d‟Alcatel.

Au niveau des hommes, afin de faire le lien avec cette entreprise, l‟intégration s‟est fait en

deux temps.

En premier lieu, Alcatel a envoyé plusieurs français quasiment à plein temps aux USA chez

WC à la fois pour superviser la suite du développement mais aussi pour mieux connaître les

personnels, multiplier les conférences avec la France et très vite créer des liens d‟équipe entre

les deux entités.

Dans un second temps, les personnes clés de WC ont été intégrées au management général

d‟Alcatel afin de « dissoudre » la structure de WC dans celle d‟Alcatel et ne pas garder de

division séparée qui aurait pu cultiver un repli identitaire semblable à celui de certaines

parties de Nextenso.

Au niveau technique, il a fallu planifier les différents tests du produit prévu afin de supporter

les délais qui avait été demandés. Une campagne d‟analyse et de prioritarisation a permis de

ramener le nombre de tests prévus de 5000 à 500 ! Malgré cela, toutes les fonctionnalités

n‟ont pas pu être intégré et il a été décidé de proposer une version « simple » du produit,

allégé de certaines fonctionnalités, pour passer la DR4 (fin officiel du développement) dans

les temps. Il est donc intéressant de remarquer la sensibilité et l‟importance des délais et la

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relative flexibilité des produits vis-à-vis de la conception. Les logiciels développés sont par

nature suffisamment modulaires pour décider d‟implémenter le cahier de charges par étapes et

par morceau plutôt que comme un tout monolithique.

La détermination des features ou fonctions prioritaires est donc essentielle.

Dans le paragraphe suivant nous allons pouvoir méditer tous ces éléments exprimés jusqu‟ici

en étudiant en détail un projet particulier.

C. Un cas d’étude d’un projet en Chine : le switch MSC pour le

réseau CDMA

1. La release CDMA 2.2

a) Fonctionnalités du MSC

Le MSC, Mobile Services Switching Centre est un équipement complexe du cœur de réseau

des opérateurs télécom. Il gère l'établissement des communications depuis ou vers un mobile,

la transmission des messages courts (SMS) et l'exécution d'un handover entre deux BSC

différentes. D‟autre part, il dialogue avec le VLR pour gérer la mobilité des usagers :

vérification des caractéristiques des abonnés visiteurs lors d'un appel sortant, transfert des

informations de localisation...

Au niveau du MSC, il faut distinguer deux types d‟appels :

- Mobile – mobile : dans ce cas, il établit une liaison avec une autre MSC.

- Mobile – réseau fixe RTC : il doit alors posséder une fonction passerelle ou GMSC

(Gateway MSC), qui est activée au début de chaque appel d'un abonné mobile vers un abonné

fixe. Cette fonction est différente de la fonction MSC pure, elle aurait pu être implantée dans

les commutateurs du RTC (réseau classique filaire). En réalité, elle est réalisée par les MSC

pour minimiser l'impact sur le RTC. En effet lorsqu'un mobile se déplace et change de MSC,

la communication doit, elle aussi, changer de MSC. Le réseau fixe n'a pas été conçu pour ce

genre de tâche : dans ce cas l'interconnexion continue avec l'ancien MSC qui établit lui-même

une communication vers le nouveau MSC dont dépend le mobile.

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Le MSC est en général couplé avec le VLR (Visitor Location Register) ou enregistreur de

localisation visiteur. C'est une base de données qui mémorise les informations concernant les

abonnés présents dans la zone géographique du MSC. Plusieurs MSC peuvent être reliés au

même VLR, mais en général, il y en a un seul par VLR.

Les données mémorisées par le VLR sont similaires aux données du HLR mis à part une

information de localisation plus précise, mais elles concernent seulement les abonnés mobiles

présents dans la zone considérée. La séparation matérielle entre VLR et MSC proposée par la

norme n'est que rarement respectée. Certains constructeurs dont Alcatel intègrent le VLR dans

le MSC. Les dialogues nécessaires pour l'établissement d'appel sont alors simplifiés. D'autres

établissent un découpage différent entre MSC et VLR en utilisant l'approche “ réseau

intelligent ”. Le MSC est alors un commutateur pur sans fonction de traitement d'appel. Un

équipement, le RCP (Radio Control Point), assure les fonctions de commande du MSC et du

VLR sans posséder de fonction de commutation.

Un ensemble MSC/VLR peut gérer plusieurs dizaines de milliers d'abonnés pour un trafic

moyen par abonné de 0,025 Erlang (consommation moyenne d‟une minute trente de

communication par heure). Les MSC sont en général des commutateurs de transit du réseau

téléphonique sur lesquels ont été implantées des fonctions spécifiques au réseau GSM. La

capacité en est fortement réduite, puisqu'un central téléphonique peut gérer plusieurs

centaines de milliers d'abonnés. En effet à l'établissement des communications s'ajoutent les

fonctions de répondeur, de connexion à des réseaux numériques (Internet, messagerie

électronique), de contrôle des messages courts SMS…

b) Analyse de la situation et mise en place du projet :

Les switch MSC CDMA actuel peuvent supporter uniquement jusqu‟à 600.000 utilisateurs

auquel s‟ajoutent une capacité de sécurité de 10 %. Certains modèles de trafic très particuliers

(indien par exemple) font très fortement tomber cette capacité. L‟objectif de la release CDMA

2.2 va être de doubler la capacité du MSC / VLR en gardant une capacité de sécurité de 10 %

soit d‟atteindre au total 1.320.000 d‟abonnés. Toutes les autres performances du système

doivent être gardées identiques à celles de la release CDMA 2.1. L‟opérateur China Unicom

est dès le départ pressenti comme pouvant être intéressé par cette release pour faire face à la

croissance extrêmement rapide de son nombre d‟abonnés.

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Le 24 septembre 2002, le projet CDMA 2.2 passe la DR1, jalon d‟avancement du projet

verrouillant fonctionnalités, planning, budget, allocation des ressources, plan de qualité et

design global. 148 personnesans vont alors travailler sur cette release.

2. Réaction à une turbulence extérieure

a) Le CRBT

Lors de l‟appel d‟un correspondant, avant que celui-ci ne décroche, l‟appelant entend une

sonnerie, la « sonnerie d‟attente », bête « dring » qui lui indique que le combiné de son

correspondant est entrain de sonner.

Le Color Ring-Back Tone propose à l‟abonné de personnaliser sa sonnerie d‟attente ; ainsi

quand il sera appelé, ses correspondants entendront autre chose qu‟une banale sonnerie, peut-

être une musique qu‟il aura choisi voire même un message spécifiquement destiné à celui qui

l‟appelle, en tout cas, jusqu‟à ce que l‟appel commence, autre chose que la sonnerie d‟attente

habituelle.

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Plusieurs fonctionnements sont possibles : le CRBT peut fonctionner seul ou être intégré à un

portail d‟infotainment. Suivant l‟infrastructure du réseau opérateur, plusieurs moyens de

lancer le service sont envisageables.

Son environnement de développement ouvert permet de stimuler la créativité et ainsi

d‟adresser des marchés de niche.

La taxation est très flexible et peut être adaptée à toutes les attentes du marché local.

Typiquement, l‟utilisateur paie un abonnement mensuel pour une sélection limitée de

sonneries et un montant par transaction chaque fois qu‟il choisit une sonnerie d‟attente ou une

musique parmi les milliers disponibles comme des chansons populaires, de la musique

classique ou des messages préenregistrés.

Ils peuvent choisir la sonnerie de façon individuelle – un pour leur épouse, un autre pour leur

chef de service, etc, - ou par groupe et peuvent faire varier les sonneries grâce à de multiples

fonctionnalités. Les abonnés ont accès à une grande sélection de musiques, sons, blagues, etc..

continuellement mise à jour avec les dernières tendances. Les abonnés peuvent faire leur

choix par une interface web, wap ou par un menu interactif par téléphone.

La solution est ouverte à plusieurs fournisseurs de contenus, les abonnés peuvent donc

accéder à une très large sélection de sonnerie d‟attente.

Les tendances montrent que le CRBT a des qualités naturelles pour l‟auto-promotion. Les

appelants entendent parler de cette nouvelle fonctionnalité lorsqu‟ils cherchent à joindre un

abonné au CRBT et s‟y inscrivent alors, augmentant ainsi le nombre de clients ayant

connaissance de ce service. Des services à valeur ajoutée comme la cadeau de sonnerie

d‟attente à un ami permettent de renforcer cet effet et ont un grand pouvoir incitatif.

La service CRBT fait parti de ces services en vogue où les 10 sonneries d‟attente les plus

demandées influencent l‟abonné dans son choix et le poussent à changer continuellement de

sonnerie. Les statistiques du marché asiatique montrent que les abonnés changent en moyenne

plusieurs fois par mois de sonnerie.

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b) Demande d‟Unicom et étude d‟Alcatel

En octobre 2002, donc juste après la DR1 du projet CDMA 2.2, Unicom demande à Alcatel si

la fonction CRBT sera incluse dans la prochaine release du MSC. Shanghai Unicom n‟a pas à

ce moment là annoncé de manière officielle qu‟il requérait cette fonction ; la release

qu‟Alcatel lui vend à ce moment là est encore la release CDMA 2.1.

Le CRBT n‟est pas une fonctionnalité définie par les standards. Il n‟y a donc pas de

spécification qui en donne le scénario détaillé. Selon les études faites par la BU à ce moment

là, le scénario CRBT a un gros impact sur le scénario de l‟appel standard. Il convient en effet

de modifier le scénario d‟appel mais aussi de nombreux autres scénario de services gérés par

le MSC : transfert d‟appel (direct ou sur non réponse), appel multi-parties, signal d‟appel. Il

est aussi nécessaire de gérer tous les « cas à problèmes » : serveur CRBT hors fonction ou

surchargé, abonnés en roaming…

L‟introduction de cette fonctionnalité entraîne ainsi de profondes modifications du scénario

standard d‟appel téléphonique et de toute l‟architecture de la release CDMA 2.2. L‟ajout de la

fonctionnalité n‟est pas simplement l‟ajout d‟une fonctionnalité à la manière d‟un plug-in, elle

modifie en profondeur la structure du logiciel apportant son lot d‟instabilités…

Au niveau du process, la release CDMA 2.2 a déjà passé la DR1 lorsque intervient la

demande d‟Unicom ; à ce moment là, on considère qu‟il n‟est pas souhaitable que le projet

soit impacté par une si grosse fonctionnalité en terme de charge.

Au niveau de l‟effort demandé, on a pu voir que le développement de cette fonctionnalité était

très gourmand. Au moment où la demande d‟Unicom tombe, le projet souffre de problème de

qualité ; le développement d‟une nouvelle fonction a ainsi une priorité moins importante que

la résolution de ces problèmes très critiques.

La BU arrive ainsi à la conclusion qu‟Alcatel ne tirera aucun bénéfice du développement

d‟une telle fonctionnalité. Il est pour eux trop risqué pour la release de modifier le scénario

d‟appel standard à ce stade du projet. Elle signifie donc en octobre 2002 à Shanghai Unicom

qu‟elle ne développera pas la fonctionnalité CRBT dans la release CDMA 2.2.

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c) Du côté d‟Unicom

Parallèlement, chez Unicom, le scénario n‟est pas tout à fait le même : deux départements

s‟affrontent au siège. Le premier, value-added department, est très pressé de lancer le CRBT.

Ils pensent que le CRBT apportera un revenu important à Unicom. Le deuxième, mobile

department, pense que cette fonctionnalité a un gros impact sur la stabilité du réseau et refuse

de la lancer. Après des discussions internes, ils se mettent d‟accord pour lancer le CRBT mais

uniquement la solution basée sur le MSC, pas l‟autre possibilité qui consiste à proposer le

CRBT en Intelligent Network. Une autre raison qui les aurait poussé à favoriser la solution

MSC vient du fait que cette fonctionnalité aurait été poussée chez Unicom par Lucent qui l‟a

déjà installée en Corée du Sud.

Eté 2003 : Unicom fait alors pression sur Alcatel pour que soit développé le CRBT. Dans ce

rapport de force, Unicom affirme à Alcatel que s‟il ne développe pas le CRBT, il n‟aura pas le

marché CDMA mais n‟aura pas non plus le marché des switchs pour backbone chez Unicom

où Alcatel a actuellement 100 % des parts de marché. Unicom demande spécialement à ce que

la fonctionnalité soit mise en place dans le MSC et non en solution Intelligent Network

pourtant plus facile à développer et moins coûteuse. Unicom demande la disponibilité du

CRBT pour octobre 2003. Après négociation, un accord est trouvé pour décembre 2003 qui

deviendra finalement janvier 2004.

d) Urgent Late Requirement

Le choix s‟est posé de savoir à quelle release du CDMA inclure cette fonctionnalité :

- CDMA 2.1

- CDMA 2.2

Les releases devant être « compliant » entres elles (une version supérieure a au moins les

mêmes fonctionnalités que la précédente), il a été choisi de ne l‟intégrer qu‟à la release

CDMA 2.2 à l‟état de « Urgent Late Requirement ».

Une nouvelle DR1 est ainsi passée le 5 septembre 2003 afin d‟ajouter la fonction CRBT au

projet. D‟autres fonctionnalités spécifiques demandées par d‟autres opérateurs sont aussi

intégrées à ce moment là. Suite à cette DR1, de nombreux changements ont lieu dans le

projet : replanification, modification de la structure du programme, intégration de nouvelles

personnes au projet, etc.

Un projet parallèle est créé pour gérer le CRBT ; il est chargé de développer le module

remplaçant le module de gestion de l‟appel standard dans le cas d‟appels CRBT ; il utilisera 7

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hommesans. Il faut voir ce module quasiment comme une duplication du module de gestion

de l‟appel standard : ce module va s‟occuper de l‟appel pendant toute sa durée bien que la

fonction CRBT n‟intervienne que pendant les premières secondes de l‟appel. Le but est de

distinguer clairement cette fonctionnalité de l‟appel standard. Le développement de la release

CDMA 2.2 va ainsi continuer en deux projets parallèles : un projet qui gère les appels de type

CRBT et un projet qui gère les appels de type standard ainsi que toutes les fonctionnalités

communes aux deux types d‟appels.

3. Conclusions sur l’étude du projet

a) Maîtrise d‟œuvre vs. maîtrise d‟ouvrage

Le projet CDMA 2.2 est issu de la constatation que le produit actuel ne permettrait pas de

donner satisfaction au client dans un futur assez proche. C‟est donc une démarche proactive

de compréhension des besoins des clients qui a permis le lancement du projet. C‟est donc un

projet orienté produit qui a été pensé à la base : amélioration du produit actuel sans connaître

exactement les demandes du client mais en sachant qu‟il lui portera de l‟intérêt à l‟avenir. Le

métier d‟Alcatel consiste aussi à être maître d‟œuvre pour les réseaux des opérateurs. Il doit

donc répondre aux demandes de ses clients en utilisant le plus possible des produits

développés en interne de manière non spécifique pour les clients. La conjugaison de ces deux

approches est source de difficultés qui doivent être prises en compte en interne. Dans le cas de

la release CDMA 2.2, parti d‟une volonté de développer un produit, le projet à été rejoint par

une demande de maîtrise d‟œuvre. Dans le cas de ce projet, le rapport de force à joué en

faveur d‟Alcatel maître d’œuvre. L‟écosystème dans lequel se trouve Alcatel favorise ce type

de comportement : le nombre de clients est assez faible et le nombre de concurrents

relativement important. Ainsi la satisfaction du client (différente de la satisfaction des clients)

est primordiale. Un produit développé par Alcatel pour le marché global peut ainsi être

modifié afin de satisfaire un seul client. C‟est bien ce qui s‟est passé dans le cas du CDMA

2.2 où le produit a été globalement perturbé pour satisfaire China Unicom.

On voit aussi ici une des limites de la standardisation : elle concerne la difficulté à mettre en

place des innovations dans un contexte de standardisation. Le cas du CRBT est un bon

exemple. Son développement s‟est passé en dehors des standards et c‟est ainsi que lorsque

l‟innovation développée s‟impose sur le marché les problèmes commencent. Tout au moins

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les problèmes commencent pour ceux qui n‟ont pas développé le produit à la base. Les autres,

ceux qui ont innové, ont l‟avantage du first mover :

- avantage en terme de temps : ils peuvent fournir le produit immédiatement à la demande

d‟un opérateur (donc satisfaction du client)

- avantage au niveau du standard : si l‟innovation doit continuer à se développer à travers

un standard, celui qui l‟a développée initialement a une forte avance sur les autres et peut

imposer ses choix technologiques. Ces choix technologiques peuvent être guidés par

l‟architecture du reste de son réseau et lui laisser ainsi un avantage concurrentiel dans ce

domaine. Dans le cas du CRBT, il a d‟abord été proposé par Lucent sous la forme intégrée

au MSC. C‟est ainsi que Lucent a certainement poussé pour une telle solution alors

qu‟Alcatel aurait préféré une solution en Intelligent Network plus souple à développer et

mettre en place.

Mais pourquoi faire passer l‟innovation par des standards ? Ceci peut-être nécessaire, comme

nous l‟avons vu précédemment, pour assurer l‟interopérabilité entre les systèmes. Mais

l‟innovation n‟a pas toujours besoin de cette interopérabilité : dans le cas du CRBT, il n‟y en

a pas eu besoin, le système fonctionnant chez l‟opérateur de l‟appelé et n‟impactant pas le

reste de la chaîne d‟appel. Dans le cas du push-to-talk, elle est par contre nécessaire pour

permettre à des clients de deux opérateurs différents de communiquer ensemble. C‟est ainsi

que pour standardiser un système push-to-talk rapidement, quelques opérateurs se sont réunis

en dehors d‟un groupe classique de standardisation pour discuter ensemble et proposer des

spécifications. Les membres de ce groupe de standardisation étant les grands noms des

équipementiers télécom, ils veulent par ce biais imposer un standard de fait.

b) La prospective en question

Le projet CDMA 2.2 bousculé par le CRBT met en évidence la nécessité d‟un suivi plus

approfondi des nouveaux services proposés. En effet, en avril 2002, SKT opérateur coréen

mettait en place le CRBT qui s‟annonçait dès le départ comme un service à forte valeur

ajoutée pour l‟opérateur. En septembre 2002, donc avant que la demande d‟Unicom ne soit

faite à Alcatel pour cette fonctionnalité, la pénétration du service CRBT atteignait 20 % en

Corée… taux de pénétration assez exceptionnel pour un service si récent ! Alcatel Taiwan

avait bien identifié la nécessité de se pencher sur ce service mais avait cherché une solution à

travers un partenariat avec une petite société.

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On met donc aussi en évidence la nécessite d‟une meilleure circulation de l‟information :

- entre les différentes entités d‟Alcatel,

- entre les différents services d‟Alcatel : marketing et système par exemple.

Si l‟équipe système avait compris que le client exigerait à terme le CRBT, il n‟est cependant

pas évident qu‟elle aurait réussi à convaincre l‟équipe système et l‟équipe de développement

qu‟il fallait dès à présent réfléchir à une implémentation du service. A la fin du

développement, ce service était en effet toujours vu par le chef de projet comme étant un

gadget qui ne marcherait pas en Chine : « But till now, we still insist this feature will not such

successful in China. Because the subscriber behaviour is quite different between Korea and

China. For example, in our department, almost everyone applied CRBT when China Mobile

launch this feature in GSM. But no one use it more than one month, when China Mobile start

to charge it. »

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II. Vers une compréhension des services mobiles aux

utilisateurs finaux

A. Mise en perspective d’une innovation : rupture d’usages et

stabilité économique – Apport d’usages des communications

mobiles

Dans la première partie, nous avons étudié la situation interne de l‟entreprise et remarqué

comment ces bouleversements avaient généré des changements brutaux et des réactions qui

tentent difficilement de répondre aux nouveaux enjeux posés. L‟étude du projet chinois,

symbole du modèle d‟ingénierie, a montré la difficulté d‟adapter le lourd processus de

développement aux perturbations externes liées aux attentes de clients puissants que l‟on ne

peut négliger. Ces attentes sont de plus en plus liées au déploiement de nouveaux services aux

utilisateurs finaux. Les cycles de vie de ces services sont souvent différents de ceux pratiqués

habituellement et perturbent les développements.

Or, nous avons aussi vu que l‟évolution des techniques de réseaux dissocie de plus en plus la

partie des services et applications de l‟infrastructure réseau proprement dite. Les opérateurs,

dans leur volonté d‟être « customer-oriented » déportent de plus en plus leur attentes vers la

partie service et applications.

Si Alcatel veut pouvoir espérer anticiper les évolutions techniques et limiter les turbulences,

une grande réflexion sur les services et les usages futurs est nécessaire. Dans ce contexte, il

est aussi nécessaire de s‟interroger sur l‟évolution passée pour comprendre le futur.

La description du processus historique d‟évolution et d‟émergence de technologies et des

usages est souvent interprétée de la même façon par des auteurs différents. Il est en général

caractérisé par des phases de longues expansions, amélioration et diversification autour d‟une

ou deux idées ou concepts essentiellement novateurs que l‟on peut qualifier de paradigme

(Kuhn), de Dominant Design ou d’innovation de rupture (Christensen). Cette dichotomie,

bien que forcément imparfaite, a le mérite de souligner le caractère non-linéaire de

l‟innovation et des progrès technologiques entre ces moments d‟intense remise en question

des éléments fondateurs et ses périodes plus « calmes », où les principes généraux sont

déclinés de façon diverse, périodes que l‟on appellera lignée chez Le Masson ou science

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normale chez Kuhn. L‟étude Téfal de Chapel (2000), a montré l‟intérêt d‟interpréter à

posteriori l‟histoire d‟une entreprise en terme de lignée et de trend afin de replacer les succès

d‟une entreprise comme miroir des attentes et des désirs d‟une époque. Dans le cas de Téfal,

la lignée de produits, suivant un certain nombre de Dominant Designs de conception et de

fonctionnalités, réussit car elle colle au trend d‟évolution des mœurs (libération des femmes,

simplification de la cuisine, ère du cocooning…). Elle représente un formidable exemple

d‟innovation où des ruptures techniques (le Téflon) sont utilisées au profit de nouveaux

produits en phase avec leur époque. En allant plus loin, on peut d‟ailleurs se demander qui du

trend ou de la lignée créent l‟autre. On est rapidement amené à penser que le mouvement est

largement circulaire, l‟un et l‟autre s‟influençant mutuellement.

Dans notre cas, la téléphonie mobile, un énorme succès, sera amenée dans son évolution à

rencontrer le monde l‟Internet, autre énorme phénomène jusqu‟ici quasiment indépendant.

Muni des outils décrits plutôt, nous tentons d‟autopsier le premier phénomène afin de

répondre à une question majeure. Est-elle l‟émergence d‟une nouvelle lignée de produits et

d‟usages ou l‟itération supplémentaire de la « science normale » de la téléphonie fixe. Comme

nous allons le voir, la réponse est contrastée.

1. Emergence de l’ubiquité

Une des éléments les plus importants, selon nous, de la téléphonie mobile, est un lieu

commun : avec le GSM, le téléphone devient ubiquitaire c‟est à dire que l‟utilisateur est

potentiellement joignable à tout endroit. Avec l‟assertion que le mobile est constamment

porté par son propriétaire, un des corollaires important est que le détenteur est potentiellement

joignable à tout moment. On a donc virtuellement une abolition des limitations à la fois

spatiale et temporelle à la communication interpersonnelle.

Jusqu‟ici, la contrainte du combiné fixe restreignait de manière importante les possibilités de

correspondance entre les personnes. Au mieux, les personnes pouvaient goûter au

nomadisme, en particulier grâce aux cabines téléphoniques capables d‟accueillir des

utilisateurs en pleine ville, sur la voie publique. Dans ce cas, cependant, l’établissement de la

communication était généralement unidirectionnel, le correspondant d‟un utilisateur de

cabine ignorant le numéro lui permettant de joindre son alter ego.

En mobilisant le vocabulaire décrit plus haut, on peut dire que la mobilité ubiquitaire

constitue une rupture en terme d’usage vis-à-vis du fixe en modifiant surtout le contexte de

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communication plus que l‟échange lui-même. L‟activité elle-même est peu changée (nous y

reviendrons ) mais les occasions de procéder à cet échange sont multipliées. La téléphonie

mobile introduit une dissociation entre l‟action et le contexte de l‟activité.

Il est intéressant de remarquer que cet élément d‟ubiquité est donc fortement novateur et

presque unique. En effet, la majorité des activités humaines sont, en général, massivement

« contextualisées », dans le temps et dans l‟espace. Les actions entreprises, notamment la

consommation de médias (journaux, télévision, musique, cinéma, livre…), sont souvent

fortement dépendantes du moment (journaux du matin, informations télévisuels de 20 h ou du

lieu (bibliothèques, salle de cinéma…).

Ces lieux et ces moments sont inconsciemment attachés aux consommations et échanges

concernés. Les bousculer ou les remettre en cause sont une piste particulièrement intéressante

d‟exploration et fournit des exemples éclairants.

Le journal Metro a forgé une grande partie de sa réussite par l‟association d‟un média (un

journal) et d‟un contexte (le transport quotidien). Les cinémas UGC ont dû subventionner

fortement par des baisses de prix conséquentes leur offres de séances du matin pour espérer

rompre et dissocier l‟usage classique des séances du soir. L‟usage même du média est

fortement différent entre un journal du soir comme Le Monde et un journal du matin comme

Le Figaro. Le temps représente donc un paramètre essentiel des principaux médias et patterns

de communication d‟aujourd‟hui (on parle de quotidien, d‟hebdomadaire, de mensuel…).

Ainsi, l‟ubiquité de consommation est tout sauf courante dans les communications et les

échanges via média. La dissociation de contexte est d‟autant plus renforcée par le motif de

communication du téléphone. Celui-ci est profondément un processus de « Trial and Error ».

Les appelants potentiels n‟ont aucune information préalable sur la disposition à répondre ou le

contexte courant des appelés. De la même façon, les moyens d‟adaptation au contexte du

combiné sont extrêmement faibles et se résument en général à un simple On/Off sur le

terminal.

Nous voyons dans ce grand « tout ou rien » un des grands paradoxes du GSM qui oscillent

entre une « joignabilité » quasi totale et incontrôlée et une absence, un isolement intégral.

Nous aurons l‟occasion de revenir sur ce véritable « paradoxe de l’ubiquité » quand nous

chercherons à développer de nouveaux sentiers d‟innovations. Ici, nous pouvons cependant

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remarquer que cet élément est aujourd‟hui fortement perturbateur pour un certain nombre de

personnes et engendre des tensions notamment dans les lieux publics ou les salles de réunion

car il abolit complètement le contexte, à distance et de manière aveugle, les actions courantes

et contextuelles de l‟appelé qui n‟a, comme nous l‟avons vu, qu‟une procédure « totale »

disponible pour se défendre (éteindre son téléphone).

Cependant, il peut être intéressant de remarquer que cette notion, ce concept, dissocié de

l‟action téléphonique elle-même, semble bien convenir à la notion de paradigme ou de rupture

dont nous avons parlé. Armé de cette « ligne de pente », de cette expansion en langage C-K,

nous avons trouvé un premier élément essentiel du processus d‟innovation du GSM. D‟autres

cependant existent.

2. L’individualisation de la communication

A côté de l‟ubiquité, qui représente un premier élément de rupture se mariant avec les

représentations habituelles des processus d‟innovation, nous avons identifié un deuxième

point très intéressant qui semble lui aussi à première vue évident : la téléphonie mobile GSM

a fait apparaître une individualisation de la communication et cela sur au moins deux axes.

En premier lieu sur le service lui-même avec un forfait, généralement individuel et unique

par utilisateur

En deuxième lieu de l‟outil de communication lui-même qui est devenu un élément

fortement personnel alors qu‟il était essentiellement partagé dans la téléphonie fixe.

a) Individualisation du service : l‟exemple du SMS et l‟émergence du CRBT

Le service de téléphonie mobile se caractérise donc d‟abord par une volonté d‟individualiser

le service et de le rendre le plus personnel possible. Ces éléments sont vrais quels que soient

les moyens de communication utilisés.

Le cas du SMS est particulièrement révélateur à ce sujet. Lancé à la fin des années 90, il a

connu une première phase de croissance assez lente où la majorité des opérateurs ne croyaient

pas beaucoup à son expansion. Il est, depuis, devenu un succès phénoménal engendrant une

part des revenus croissants des opérateurs. Le SMS représente aujourd‟hui près de 90% des

revenus des opérateurs hors communications vocales et entre 5 et 15 % de leur revenus

globaux. Le comptage simple et l „unité de mesure « message » a permis de mettre en place

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un Business Model très simple dans la droite ligne de la philosophie des opérateurs mobiles, à

l‟unité, formule qui a ensuite été enrichie d‟offres dégressives par forfait. Plusieurs remarques

s‟imposent à la vue de la réussite exemplaire de ce service :

Il a beaucoup souffert du manque d‟interopérabilité entre les différentes offres opérateurs.

L‟explosion du trafic correspond aux accords d‟inter opération entre opérateurs,

supprimant les contraintes non techniques à cette réalisation et permettant de faire jouer à

plein régime l‟effet de réseau : le nombre croissant d‟utilisateurs attirent un nombre

croissant de nouveaux usagers.

Les utilisateurs se sont fortement appropriés ce service au point d‟adapter leur formulation

à la limitation du clavier et de créer parfois de nouveaux mots et même des vocabulaires

entiers afin d‟optimiser le service. On retrouve donc ici la fameuse co-création de valeur,

chère à beaucoup de littérature sur les services où le service est optimisé et continue à

évoluer sous l‟influence de ces utilisateurs.

C‟est fondamentalement un service qui repose sur la profonde coupure et intimité qu‟il

procure vis-à-vis du reste du monde. Dialoguer par SMS se fait à l‟abri des regards et

apporte un niveau d‟intimité sans équivalent dans le monde du téléphone, activité qui est

fortement intrusive dans l‟environnement de l‟utilisateur. Cet élément explique en grande

partie le succès auprès des jeunes, population souvent en recherche d‟indépendance vis-à-

vis de leurs parents.

Durant notre voyage en Chine, nous avons aussi découvert le CRBT, service qui permet à des

gens appelés de personnaliser l‟attente avant décrochage pour les appelants avec de la

musique ou un message personnel. Ce service nous a donné l‟occasion de mettre en

application la méthodologie C-K (Hatchuel, Weil, Le Masson) pour établir des arbres de

concepts à partir de l‟idée de personnalisation du service.

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b) Individualisation du combiné : du simple terminal support à plus d‟autonomie

Au début, le mobile était essentiellement un terminal, c‟est à dire un élément dépendant ou

produit support d‟un service, sans réelle existence ou rôle autonome. Il est intéressant de

remarquer que cette évidence technique, dans la droite ligne des terminaux peu intelligents du

téléphone fixe, a structuré l‟organisation de la chaîne de valeur. En effet, les opérateurs

mobiles ont fortement subventionné les téléphones mobiles pour les utilisateurs, s‟imposant

comme éléments moteurs et point de centralisation de la chaîne de valeur mobile. Ils sont

devenus un fort stimulateur économique pour les fabricants de terminaux grâce à leur pouvoir

marketing et parce qu‟ils représentaient les interlocuteurs privilégiés pour les services de

communications.

Cependant, les choses ont beaucoup évolué depuis. Ces dernières années le mobile a gagné

beaucoup d‟importance, renforçant son importance sur la chaîne de valeur :

Il est devenu un objet de valeur en lui-même au niveau du design et du style qu‟il arbore,

les fournisseurs de services proposant une personnalisation importante par le jeu des

coques variées et interchangeables. Certains, comme Siemens, ont poussé cette voie

Service mobile

personnalisé

Off-line On-line

Data WAP /

imode

Téléphonie

personnalis

é

SMS / MMS

Avant Penda

nt

Après

Service mobile : on/off line

? Quel type de com ?

Personaliser = modifier supprimer enrichi

r Quand ?

Quel type de média ?

CRBT

Qui en profite ? Appela

nt

Appel

é

Son Image

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jusqu‟à proposer le concept de collection de mobiles « design » (sur le modèle de la haute

couture) avec la marque Xelibri, déclinaison de concepts originaux et souvent chèrement

vendus et réservés à une clientèle adepte de la différentiation sociale par les attributs

extérieurs. Après une première année prometteuse, Siemens a, cependant, stoppé cette

collection.

Il est devenu l‟un des principaux pourvoyeurs de nouveautés et de services par la greffe

d‟un certain nombre de périphériques physiques. Le meilleur exemple est pour l‟instant

l‟appareil photo intégré, rendu nécessaire pour justifier le service MMS. L‟intégration

d‟une puce de paiement par DoCoMo et Sony ou d‟un lecteur de puces RFID par Nokia

représente des tendances intéressantes sur ce front.

Il s‟est fortement « informatisé » en adoptant un certain nombre de caractéristiques des

ordinateurs PC à savoir la nécessité d‟une évolution rapide des fonctions, la

reconnaissance de la supériorité du Software dans ce domaine donc son importance

grandissante et ainsi la logique apparition de Système d’exploitation ouvert (OS)

mutualisant des services redondants à toutes les applications et proposant une interface

avec le hardware.

Aujourd‟hui, le mobile, avec ses chiffres faramineux (plus de 500 millions de ventes en 2003)

fait rêver toute l‟industrie informatique et génère une course à la puissance identique à celle

du PC, où les acteurs historiques (Nokia, Symbian, Motorola, TI) voient arriver des nouveaux

entrants qui ont fait leurs preuves sur le marché du PC (Windows, HP, Intel).

Devant ces bouleversements, les opérateurs craignent fortement de perdre la main et tentent

de garder au maximum le contrôle en émettant leurs propres spécifications techniques

(DoCoMo) où en développant leur propre interface logicielle (Vodafone).

Le relatif échec de Nokia avec le N-Gage, véritable console de jeu autonome, tient aussi en

partie à la faible implication des opérateurs dans la promotion d‟un produit dont une grande

partie de la valeur est largement indépendante des réseaux.

En résumé, après l‟ubiquité, l‟individualisation, autant du service que du combiné terminal,

représente un deuxième élément essentiel de rupture par rapport au parent fixe. Cet élément

présente cependant des inconvénients car il complexifie sensiblement l‟offre possible par la

multiplication des combinatoires et les relations entre les opérateurs de réseau et des

constructeurs de combinés renforcés par la puissance informatique acquise qui leur assurent

une pouvoir plus important dans la création de valeur.

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3. Le GSM, enfant direct du fixe ?

Les deux premiers paragraphes nous ont permis d‟identifier des éléments de rupture,

processus d‟innovation technique (puissance du terminal) et de contexte d‟usage (ubiquité).

Mais comme Schumpeter l‟a fait remarquer en son temps l‟innovation est marquée par

différentes variables, différents axes sur lesquelles l‟innovation est possible. Le processus

global d‟innovation que représente le GSM est donc largement à appréhender dans sa

globalité et c‟est là que réside une part importante de son intérêt. L‟innovation et la rupture se

font sur certaines lignes de pentes de conception et pas sur d‟autres. Bien que certaines choses

aient changé, d‟autres éléments placent clairement le GSM dans la lignée du téléphone fixe et

ont particulièrement contribué à son succès :

Le passage du téléphone fixe au téléphone mobile s‟est fait à modèle économique et

structuration de marché largement invariante. Comme le fixe, le mobile fonde son

modèle économique sur des éléments quantitatifs et mesurables, comme la durée de

communication basée sur une unité de mesure incompressible, modulé par

l’éloignement géographique, en fonction des pays des intervenants de la

communication. Ceci a incontestablement représenté un avantage de visibilité vis-à-vis

des clients, habitués à cette formule dans le domaine du fixe. De même, la structuration

du marché est restée centrée autour de la figure de l‟opérateur mobile, souvent lui-même

opérateur fixe, selon la logique un réseau = un service. La limitation légale du nombre

d‟opérateurs a permis une pression concurrentielle assez faible ne nécessitant pas une

différentiation, autour d‟un modèle économique éprouvé, facilitant encore une fois la

visibilité au client.

L‟évolution du fixe au mobile s‟est aussi fait à usage constant. En effet, l‟utilisation

basique d‟un téléphone mobile n‟étant pas sensiblement différente d‟un fixe, le GSM n‟a

pas (ou peu ) eu à souffrir d‟un grand besoin d‟apprentissage de la part de ses clients,

élément qui est souvent essentielle pour qu‟une innovation s‟étende (mais qui est

possible comme nous l‟avons vu avec le SMS).

Ces deux éléments invariants du processus d‟évolution expliquent grandement le succès du

GSM mais fournissent aussi des clés pour comprendre les défis des réseaux GPRS / UMTS

d‟aujourd‟hui et les fausses pistes et ratés des premiers déploiements.

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En effet, les réseaux de données sont techniquement différents du GSM et plus proche de

l‟Internet dont le modèle économique est radicalement différent. Depuis le début, les

opérateurs ont essayé d‟appliquer la même philosophie que les modèles économiques du

GSM. Après avoir échoué à simplement garder la minute dans la première version du Wap, ils

ont adopté le Kilo-Octet pour le GPRS. Contrairement à la minute, le Ko est beaucoup moins

compréhensible par la plupart des utilisateurs et s‟est très vite heurté à des difficultés pour se

faire accepter. Il a aussi l‟inconvénient de ne correspondre à aucun service facilement

repérable pour l‟utilisateur et d‟appliquer une mesure quantitative à des contenus multimédias

essentiellement qualitatifs (la valeur perçue d‟un livre est assez fortement découplée de son

nombre de pages). Aujourd‟hui la viabilité de ce modèle est remise en cause.

De plus, de par les convergences techniques, les services GPRS/UMTS et Internet PC se

retrouve souvent partiellement en concurrence, au moins dans l‟esprit des utilisateurs.

L‟adoption de ces nouveaux services nécessite donc des apprentissages d‟usage beaucoup

plus importants que dans le cas du GSM simple et les usages qui font souvent intervenir un

écran, de taille réduit, pâtissent de comparaison avec leurs équivalents PC souvent gratuits et

beaucoup plus riche. Les études de Bouygues sur son offre i-mode ont, par exemple, montré

que la plupart des premiers utilisateurs de leur service n‟étaient pas les « early adopters »

jeunes, technophiles et internautes prévus mais plutôt des personnes qui, souvent, n‟avaient

jamais (ou peu) eu de contacts avec Internet ou les PC.

Ainsi, dans notre première mise en perspective du GSM, nous avons pu mettre en évidence

deux concepts d‟expansion, l‟ubiquité et l‟individualisation, qui caractérisent deux axes

d‟innovations. Mais comme nous l‟avons vu, en terme d‟usage et de modèle économique,

d‟autres caractéristiques invariantes, qui ont largement contribué au succès du service de

téléphonie mobile, semblent aujourd‟hui représenter des freins pour les applications des

nouveaux réseaux.

B. Caractérisation des services mobiles

1. Une caractérisation des services

Cette analyse étant faite, conscient des innovations et des freins, pour mieux explorer les

possibilités offertes, il faut nous doter d‟outils et de modèles pour caractériser les services

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futurs : le nombre de variables paraît potentiellement énorme et nécessite donc une

classification qui nous permette d‟interpréter les pistes déjà étudiées. C‟est dans cette logique

que nous allons utiliser le modèle de service de Midler-Lenfle. Celui-ci distingue 6 variables

de conception. On retrouve :

- Un type de clientèle visée (particulier, flotte…) ;

- Un produit support (type de véhicule, équipement embarqué…) ;

- Un processus de front-office (modalité des interactions avec le client) ;

- Un contrat qui va spécifier les droits et les obligations des parties ;

- Un processus de back-office qui va permettre la délivrance du service ;

- Un modèle économique de financement du service.

En détaillant si après chacune de ces six variables de conception, nous allons essayer de

mieux analyser le monde de services dans lequel se situe Alcatel pour ensuite tenter de mettre

en évidence des pistes d‟innovation potentielles.

2. Type de clientèle

Au niveau des offres commerciales, le découpage professionnels – particuliers est le

découpage classique chez les opérateurs. Cette partition des clients s‟explique assez

facilement par des attentes disjointes de part et d‟autres :

- appels internes à l‟entreprise, communications data ou gestion centralisée des factures

pour les professionnels par exemple,

- forfaits soirs et week-ends, mini-messages, téléchargement de sonneries et autres services

qui n‟intéressent pas les professionnels !

Pour les professionnels, un service mobile sera intéressant s‟il permet de dégager un retour sur

investissement positif : gain en efficacité des collaborateurs, réduction globale des coûts de

téléphonie, apport de nouvelles fonctionnalités. Le gain en efficacité n‟est pas le plus facile à

mesurer : qu‟il s‟agisse d‟un moyen d‟accéder à de nouveaux composants métiers (mails, base

de données, etc.) ou d‟un moyen de mieux communiquer entre les collaborateurs, identifier le

retour sur investissement de l‟entreprise constitue un véritable défi.

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Parmi les professionnels, un autre type de communication a un avenir prometteur. Il s‟agit de

la télémétrie et ses avatars (télématique, télépaiement). L‟objectif de la télémétrie est de

récupérer des informations émises par du matériel qui appartient à l‟entreprise. Un container

frigorifique pourra ainsi prévenir la société à laquelle il appartient si sa température dépasse

un certain seuil. Pour l‟entreprise, le gain peut être très important : ne pas perdre le contenu du

container en envoyant immédiatement quelqu‟un voir ce qui se passe sur place par exemple.

Pour ce type d‟application, le retour sur investissement est peut-être plus facile à identifier.

En ce qui concerne le segment des particuliers, la diversité des clients est très importante :

entre le jeune early-adopter technophile et la personne âgée souhaitant pouvoir téléphoner en

cas d‟accident de la route, les services mobiles utilisés ne seront pas les mêmes.

Pour les offres data, le marché a du mal à décoller. Contrairement au Japon où à son

lancement l‟imode était pour beaucoup le seul moyen d‟accès à Internet, son lancement

ultérieur en Europe n‟a pas permis de s‟appuyer sur ce phénomène. Le moyen d‟accès à

Internet est en effet (pour l‟instant !) l‟ordinateur, maintenant connecté par l‟ADSL. La

différence de débit avec l‟imode s‟en ressent d‟autant plus, reléguant de manière générale

l‟usage de l‟imode à des situations très ponctuelles. Les technophiles (forcément équipés de

l‟ADSL) qui auraient donc pu le plus être accrochés par l‟imode ne trouvent ainsi qu‟assez

peu d‟utilité à un tel portail. Il en est globalement de même pour les autres portails d‟accès de

type Internet sur les mobiles. Mais l‟ouverture en mobilité aux transmissions de données ne

signifie pas pour autant uniquement l‟accès à Internet. Le téléchargement de sonneries et

d‟images sur les téléphones mobiles est ainsi en pleine explosion. Il est assez clair que le

marché intéressé se limite vraiment au segment des jeunes… Une autre partition du segment

des particuliers serait donc jeunes – non-jeunes.

3. Produit support

Le produit support vit actuellement une véritable révolution. Au lancement du GSM, l‟unique

service mobile disponible était la téléphonie. Le produit support associé le téléphone portable

était quasiment une copie conforme des combinés téléphoniques classiques. Du point de vue

des usages, la facilité d‟utilisation était telle qu‟un abonné à la téléphonie filaire comprenait

sans problème comment utiliser un tel téléphone. Le produit support est aujourd‟hui entrain

de quitter la lignée « téléphone combiné téléphonique » ; cette différenciation de la lignée

mère se fait à plusieurs niveaux :

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- modularisation du téléphone : le téléphone n‟est ainsi plus toujours constitué que d‟un seul

élément regroupant toutes les fonctions de numérotation de microphone et de haut-parleur.

L‟apparition des kits mains-libres en était ainsi la prémisse : il permettait de séparer les

fonctions utilisées en cours de conversation (parler et entendre de manière générale) des

autres fonctions. Les oreillettes bluetooth maintenant de plus en plus courantes sont dans

la continuité de cette lignée mais font apparaître de manière plus radicale la modularité

des mobiles : certains mobiles seront-ils bientôt constitués uniquement d‟une oreillette

bluetooth et d‟un élément rassemblant les fonctions écran (est-il vraiment nécessaire ? cf.

text-to-speech) et clavier (même question : reconnaissance vocale !) Aura-t-on un jour une

oreillette bluetooth et dans la poche un élément servant uniquement d‟interface entre le

réseau radio et l‟oreillette ?

- ouverture des produits supports : la mise en place généralisée de systèmes d‟exploitation

dans les téléphones portables permet ainsi l‟apparition d‟applications fournissant de

nouveaux services aux usagers. L‟avantage pour l‟opérateur est qu‟un nouveau service

disponible est potentiellement utilisable immédiatement par une large population : tous

ceux qui ont un portable disposant d‟un système d‟exploitation ; il n‟est plus disponible

uniquement sur les nouveaux téléphones mobiles fournis par l‟opérateur comme ça a été le

cas pour l‟imode. L‟avantage pour le client est l‟évolutivité du téléphone : ces

fonctionnalités pourront être enrichies au fur et à mesure de l‟apparition de nouveaux

services.

- spécialisation du produit support : de nouvelles lignées de conception apparaissent se

différentiant des mobiles classiques. Les smart phones constituent ainsi la fusion entre les

PDA et les téléphones : doués de capacité de transmission de données, ils rassemblent en

un seul élément deux outils de travail utilisés par certains cadres.

- intégration dans un sur-système : les fonctionnalités de transmission de données se

trouvent ainsi être mises à disposition de nouveaux systèmes les utilisant pour dialoguer

avec un serveur distant. La télématique automobile et la télémétrie en sont deux exemples.

Dans le dernier cas, un exemple concret est la mise en place de systèmes de

communication GPRS dans des distributeurs de boissons permettant ainsi de remonter des

informations sur le distributeur : état du monnayeur, température interne, historique des

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transactions effectuées, etc. Le produit support a alors perdu toutes ressemblances avec un

combiné pour devenir un composant informatique.

Le rapprochement des mondes des télécommunications et de l‟informatique constitue ainsi

une des tendances structurant très fortement les produits supports de services mobiles.

4. Processus de back-office

La fourniture de services mobiles peut maintenant passer par une multitude de back-offices.

Au niveau des technologies d‟accès, de nombreux canaux de distribution de données sont

disponibles : GSM, GSM-data, SMS, GPRS, EDGE, UMTS, Wifi, Wimax. Après l‟erreur des

années 2000 où les opérateurs ont mis en avant les technologies utilisées, ils reviennent

maintenant à une présentation de leur offre par les usages : il est en effet inintéressant pour un

client de savoir s‟il est en Wifi ou en UMTS, ce qu‟il veut c‟est par exemple être averti dès

qu‟un mail arrive et être en mesure de faire un téléchargement rapide des nouveaux messages

arrivés sur sa boîte mail.

Derrière la multiplication des processus d‟accès, il y a aussi une multiplication des process de

fourniture des services mobiles : les « machines » qui fournissent le service peuvent se situer

à différents endroits stratégiques du réseau. Comme nous l‟avions décrit dans la première

partie, l‟architecture de type IP tend à renvoyer la fourniture de service en dehors du cœur de

réseau qui lui n‟effectue que le transport. Nous avons pourtant vu que des services comme le

CRBT étaient fournis depuis l‟intérieur du réseau ; la question du choix des architectures

d‟implantation des services mobiles est donc toujours d‟actualité…

Nous avons dégagé dans les parties précédentes que la télémétrie représentait un champ

d‟application des services mobiles encore assez peu exploré. Concernant le back office, la

télémétrie constitue là encore un véritable challenge : les informations remontées par les

équipements distants doivent être reçues et intégrées par l‟entreprise ; des informations

remontées jusqu‟à l‟entreprise, stockées dans une base de donnée mais jamais lues ne servent

en effet à rien ! L‟intégration des données, étape cruciale du processus, est difficile à mettre

en place ; elle consiste à donner à l‟entreprise les outils pour qu‟elle puisse utiliser les

données qui lui arrivent des équipements distants. Le mode d‟intégration peut être très

différent d‟une entreprise à l‟autre : certaines peuvent choisir une intégration totale avec leur

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systèmes de gestion déjà en place alors que pour d‟autres, il ne s‟agira que de fournir un

moyen de visualiser les données acquises.

5. Modèle économique

Le modèle économique le plus couramment utilisé en téléphonie est le modèle du paiement à

la durée (d‟abord à la minute, maintenant à la seconde). Ce modèle est issu de la téléphonie

fixe où il est en ce moment entrain d‟être fortement remis en cause.

L‟usage envisagé du GPRS est lui un usage de type Internet : visualisation de pages issues

d‟un site web ; comme l‟a malheureusement pour lui démontré le WAP 1.0, le paiement à la

durée de visualisation des pages n‟est pas viable. La technologie GPRS permettait, elle, un

paiement à la quantité de données transmises (dans les deux sens). Parallèlement à

l‟apparition du GPRS, la démocratisation d‟Internet puis de l‟accès ADSL ont transformé le

modèle de paiement de type flat fee en standard d‟accès à du contenu web.

L‟UMTS data que l‟on pourrait voir comme un ADSL mobile souffre pour l‟instant d‟un

problème de business model ; celui-ci est en partie dû à l‟apparition de la voix sur IP. En

effet, grâce à cette technologie, deux usagers équipés de téléphones UMTS et disposant d‟une

application de VoIP seront à même de se « téléphoner » sans utiliser le service de téléphonie

mobile de l‟opérateur.

Mais quel modèle de paiement utiliser pour l‟échange de données en UMTS ?

flat fee : l‟opérateur craint de voir disparaître une part importante de ses bénéfices, les

appels étant tous passés en VoIP,

paiement à la quantité de données échangées. L‟opérateur Orange UK vend, en UMTS, 1

Giga octet pour 112€/mois ; pour consommer ce Go disponible, en utilisant un logiciel de

téléphonie peer-to-peer comme skype, il faudra 81h ; cela ramène le prix de la minute à

0.023 €/min à comparer au 0.11 €/min prix minimal atteint actuellement… Les opérateurs

devront donc baisser le tarif des communications UMTS s‟ils ne veulent pas faire face à

une fuite des clients vers des systèmes de téléphonie externes… Le contrat SFR 3G

spécifie que « les usages tels que le Peer to Peer, le Streaming et la voix sur IP sont

interdits ».

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Le passage du cœur de réseau en tout IP permettra peut-être aux opérateurs de sortir de

l‟impasse : en alignant les prix des communications téléphoniques sur le coût de la bande

passante en voix sur IP, ils pourront garder leurs clients en téléphonie.

Concernant le paiement des nouveaux services, un nouveau modèle apparaît aussi : le

coefficient multiplicateur. SFR a ainsi jugé que les communications visiophoniques seraient

décomptées au double de leur temps : un forfait SFR Pro 3G de trois heures en téléphonie

classique ne devient plus qu‟un forfait d‟une heure et demi en visiophonie. Le push-to-talk

fera certainement lui aussi apparaître ce type de coefficients multiplicateurs : une

communication push-to-talk vers cinq mobiles coûtera cinq fois plus cher qu‟une

communication push-to-talk vers un seul mobile. Pour le client, le gros inconvénient est

l‟évaluation du décompte de ses communications : l‟estimation intuitive deviendra l‟affaire

des forts en maths…

6. Contrat

Comme illustré par l‟historique du GSM, le lien entre le produit support et le réseau est un

lien de dépendance très fort. On retrouve aujourd‟hui ce lien très fort, dans l‟attitude des

opérateurs qui subventionnent de manière très importante l‟achat par les nouveaux clients de

leur téléphones portables. Outre ce lien très fort, on pourrait peut-être aller jusqu‟à dire que le

téléphone portable constitue le support de vente des opérateurs (qui n‟ont en propre que la

carte SIM). Le client qui veut prendre un nouvel opérateur repartira ainsi dans la très grande

majorité des cas avec un téléphone portable. Le téléphone portable permet de plus à

l‟opérateur d‟établir un contrat le liant au client sur une durée déterminée. Ce dernier est en

effet la propriété de l‟opérateur pendant la durée de l‟abonnement (avant renouvellement

éventuel). Ce contrat lie donc le client beaucoup plus fortement à l‟opérateur que s‟il lui avait

fourni uniquement une carte SIM.

Par ce type de contrat, l‟opérateur descend dans la chaîne de valeur vers la fourniture du

produit support et se place ainsi dans une situation où il ne constitue pas uniquement une

infrastructure de transport. Le décalage plus haut dans la chaîne de valeur vers les

services constitue l‟autre alternative permettant aux opérateurs de renforcer leur pouvoir.

C‟est d‟ailleurs ce que font nombre d‟opérateurs tel Vodafone qui s‟oriente de plus en plus

vers les services.

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7. Processus de front office

Concernant les services de téléphonies mobiles, le processus de front office est de manière

générale assez limité. On distingue deux processus différents :

celui qui permet la vente du produit support notamment à travers des enseignes qui

assurent la commercialisation des téléphones mobiles,

celui qui assure la coproduction du service, ce peut être l‟opérateur pour nombre de

services (centre d‟appel, portail Internet), ou des tierces parties (téléchargement de

sonneries…)

Dans le cas des services aux professionnels avec intégration à un back office, le processus de

front office gagne aussi en importance ; le back office et le front office s‟associent en effet

pour fournir le service au client. Dans le cas d‟une intégration au systèmes d‟informations, le

front office peu quasiment disparaître intégré dans le système d‟information du client.

C. Mise en perspective du modèle de Midler et Lenfle

Dans cette partie, nous nous interrogeons sur la viabilité de l‟approche du modèle de service.

En effet, cette caractérisation semble pouvoir nous servir au moins de deux façons distincts :

Interpréter a posteriori un service qui a déjà été proposé afin de fournir des grilles de

lecture permettant une meilleure analyse et compréhension.

Générer des nouveaux concepts ou servir de support à l‟exploration des champs

d‟innovations possibles d‟un domaine.

La première logique a été utilisée précédemment pour observer des domaines déjà existants et

bien établis. Durant notre mission, nous avons été aussi amenés à nous placer dans la

deuxième approche afin de générer de nouvelles idées. Nous pouvons ainsi confronter notre

expérience au modèle afin de dégager des éléments susceptibles de l‟améliorer ou d‟en

montrer les limitations actuelles afin d‟en faire un élément réellement instrumental.

Il est intéressant de remarquer que cette étude de modélisation sur les services est

relativement en phase avec l‟évolution des pratiques dans le domaine des NTIC et

notamment dans celui des architectures logicielles où le concept de service s‟impose comme

une des grandes tendances des années à venir. Tous les grands fournisseurs de solutions

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s‟organisent aujourd‟hui autour du concept de Service-oriented Architecture (SoA),

présentant les différentes logiques métiers d‟applications dans des modules découplés et

réutilisables, appelés services, dont l‟interaction avec l‟extérieur est explicitement définie

dans un contrat de service.

Les compétences et connaissances acquises sur ce sujet nous permettent de rebondir sur le

modèle de M-L pour enrichir la discussion.

1. Extension de l’innovation répétée aux services : la notion

d’offres de services

La plupart des entreprises se retrouvent aujourd‟hui dans l‟obligation d‟innover afin de

proposer en permanence des nouvelles offres et d‟améliorer les anciennes. Cette nécessité

s‟accompagne souvent d‟un investissement massif et systématique dans les départements de

R&D. Or la plupart des études récentes montrent qu‟il n‟existe en général aucune corrélation

entre les investissements R&D et la réussite des nouveaux projets et offres (Le Masson,

2001). Certains de ces auteurs recommandent d‟ailleurs de limiter au maximum les grands

investissements coûteux. Dans ce contexte, le concept d’innovation intensive de Weil et Le

Masson est à rapprocher de la notion de Marketing expéditionnaire prôné par Hamel et

Prahalad ou de l‟expérience de Téfal dans les sorties multipliés de nouveaux produits. Dans

cette logique, le produit se construit non plus dans le laboratoire mais au contact des

consommateurs, en « grandeur nature ». Récemment, Nokia semble avoir de cette façon

avancer sur le N-Gage, sa console portable / téléphone, en itérant la version initiale en 6 mois

pour corriger des problèmes fonctionnels apparus à l’usage.

Cette notion d‟apprentissage permanent et de co-conception répétée est tout à fait en phase

avec la description en Rupture / Lignée vue précédemment. Elle peut aussi être réutilisée dans

le cadre des services, où l‟aspect co-création est une des parties prenantes des définitions qui

en sont souvent données.

Cet aspect met en évidence la dynamique de l‟innovation sur les services qui nous manquent

sur le modèle précité. Dans la plupart de nos travaux, l‟exploration intellectuelle a été préférée

à l‟apprentissage sur le terrain. Il est sûr que la structure actuelle d‟Alcatel ne favorise pas le

déploiement de stratégie de petits pas rapides, tant l‟entreprise est habituée à la rigueur

organisationnelle et méthodologique de développement à grande échelle.

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Comprendre la dynamique des services nécessite l‟intégration d‟un très grand nombre de

paramètres et surtout de l‟intégration et de la relation qui existent entre eux. Cela nécessite

aussi la capacité de construire en permanence une offre de services capable de répondre au

besoin de l‟innovation intensive et qui puisse si possible s‟accorder à la logique du Marketing

expéditionnaire.

Pourtant, un des grands malentendus de cette approche doit être vite dissipé : dans notre

intérêt pour le modèle d‟innovation de service répétée, nous ne préconisons pas de tomber

dans l‟innovation débridée, dépourvue de toute logique. L‟innovation intensive, reliée à la

notion de lignée, encourage au contraire à travailler autour des concepts originaux afin

d‟affiner les idées plutôt que de viser la révolution permanente. Ce précepte doit nous

prémunir du risque de lancer des services ou des offres dans toutes les directions. Cette

attitude est de toute façon intenable sur le long terme.

Dans ce contexte, le modèle de M-L fait peu appel aux modèles d‟innovations répétée et

présente tous les services sur un pied d’égalité. En cela, son utilisation naïve risque de nous

faire tomber dans l’atomisme c‟est-à-dire dans une situation où les services s‟ajoutent les uns

aux autres sans proposer la moindre synergie.

Une offre de services, au contraire, pour se mettre en accord avec une capacité d‟innovation

répétée doit présenter un certain nombre de propriétés.

2. Promouvoir la composition de services : de la nécessité de

hiérarchiser les services

L‟étude que nous avons pu faire sur le cas d‟un service de Film sur Borne Wifi (voir en

annexe) illustre bien le fait qu‟aujourd‟hui, beaucoup de services résultent de la composition

d‟une multitude de prestations complémentaires qui sont elles-mêmes proposées. Comme

dans les chaînes de valeurs produits, un réseau complexe de compétences et de responsabilités

engendrent des prestations construites en processus complexes d‟interactions.

Cette composition est d‟ailleurs réalisable aussi bien avec des services tous internes à une

seule entreprise mais aussi de plus en plus en coordination d‟un grand nombre d‟entreprises

différentes. Le but est de répondre au besoin d’un client selon la procédure définie

explicitement ou implicitement dans un contrat. Comme cela a été déjà plusieurs fois répétée,

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le service (comme le produit dans le marketing expéditionnaire) exhibe une co-création de

valeur définissant les rôles des clients et de prestataires. Il est important de remarquer que le

client est plus ou moins impliqué dans la prestation autant dans la réalisation de la procédure

du contrat que dans le choix des services ou produits intermédiaires.

Au-delà de l‟étude des services vue comme des entités complètement indépendantes, il est

donc nécessaire de s‟interroger sur leur composition et leur intégration. En effet, cette analyse

est essentielle dans l‟optique de l‟innovation intensive où l‟on veut être capable d‟évoluer sur

des pentes d‟innovation fortes par des offres de services mais sans avoir à tout remettre en

cause à chaque nouveauté.

Or, cette problématique est d‟autant plus difficile dans un environnement qui fait

nécessairement intervenir un grand nombre de sociétés différentes ayant à collaborer sur des

prestations communes.

Lorsque des très grandes entreprises dominent des secteurs ou des chaînes de valeur comme

c‟est le cas des opérateurs mobiles ou des constructeurs automobiles, la situation ne se pose

pas et l‟on sait à l‟avance qui sera l’entreprise étendard qui aura en général le rôle de front-

office vis-à-vis du client final. Cependant, des études récentes (Mustar, 2001) montrent que la

diversification des savoirs amènent nécessairement les constructeurs à prendre leur place dans

un réseau complexe de relations inter-entreprises. Les équipementiers automobiles, comme

Bosch ou Valeo, sont devenus des acteurs incontournables de la scène automobile en

atteignant une masse critique leur permettant de devenir plus que des sous-traitants, des vrais

fournisseurs d‟innovation et de « modules ».

Dans cette logique, le constructeur reste l‟assembleur, l‟intégrateur ou le composeur des

modules et prestations pour produire un tout cohérent au client final.

L‟étude que nous avons effectuée sur l‟exemple de la télématique (voir plus loin) montre que

la situation est beaucoup plus complexe et nécessite la collaboration d‟entreprises aux

compétences complémentaires mais de taille identique si l‟on compare les constructeurs

automobiles et les opérateurs ou intégrateurs de l‟industrie informatique et télécoms.

Dans ce domaine de la télématique, la question de savoir qui représente le front-office et est

donc le principal « propriétaire » du client, se pose. Dans notre étude, nous choisissons

arbitrairement et successivement une entreprise étendard pour montrer la richesse de

possibilité d‟un scénario de service, qui remplit à peu près la même prestation vue du client

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final mais qui diffère fortement du point de vue de l‟implémentation du service qui fait

intervenir de multiples compositions de services entre entreprises concernées. Ces

compostions qui peuvent largement rester invisible au client, génèrent en revanche des

rapports de force entre entreprises sous-jacentes. Ainsi, à iso-usage, les différentes

implémentations forgent des futurs variés.

Ici, la typologie de M-L ne nous dit rien pour pouvoir « prévoir » l‟issue des différents

modèles que nous construisons. Or, cette nécessité d‟orienter les modèles dans une direction

donnée semble nécessaire si l‟on veut pouvoir s‟engager sur une ligne d‟innovation intensive

en limitant au maximum les irréversibilités dues aux investissements à effectuer pour explorer

plus avant certaines pistes.

3. La dissémination des services

La composition des services s‟intéresse à la constructions de prestations à travers l‟interaction

entre un grand nombre d‟entreprises.

La dissémination elle apparaît aussi en phase avec l‟innovation intensive puisqu „elle

questionne l‟exposition des services à partir des structures existantes. On peut la rapprocher

de la notion de compétences internes ou fondamentales de l‟entreprise telle qu „elle est

exposée par Hamel et Prahalad. Dans cette logique, on s‟interroge sur la réutilisation des

composants dispersés que l‟on possède pour les exposer comme des supports de services.

Cette approche insiste donc sur la réutilisation et tente d‟éviter la vision atomiste des services,

incohérente avec la logique d‟innovation intensive.

Elle permet d‟identifier au moins deux types de développement d‟offres de services reposant

sur des logiques différentes, par le back-office ou par le front-office, et montre la nécessité

d‟identifier son modèle de déploiement et ses capacités afin de construire une stratégie d‟offre

de service cohérente :

déploiement par le back-office :

Back office

Front-

Office Front-

Office

Front-

Office

Front-

Office

Client

Client Client

Client

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Cette structure s‟adapte bien à des entreprises possédant un fort savoir faire et des

compétences fondamentales bien maîtrisées. Le back-office est en général déjà très

informatisé car il est important et demande une capacité organisationnelle et opérationnelle.

Développer une offre de service conséquente consistera à décliner les forces de ce Back-office

en ajoutant des front-offices spécialisés. Le temps de déploiements peut être en général assez

court et permet de saisir des opportunités très rapidement. Une entreprise comme Dell, par

exemple, est passé maître dans l‟art du back-office avec un temps extraordinairement court

pour l‟assemblage de ces machines.

Le risque de cette structure est l‟atomisation trop grande de la clientèle dans des front-offices

très variés et la possible difficulté de communication entre les fronts-offices

déploiement par le font-office

Ici, l‟entreprise possède une forte attache avec des clients dont l‟interaction est bien connue et

tente d‟enrichir son offre de manière verticale en proposant par le même « canal » d‟autres

services à ces clients. Internet a notamment renforcé la possibilité de cette approche en

mutualisant dans la page de site Web un ensemble de compétences pour les présenter sous un

point focalisant. Cependant, la grosse difficulté de ce modèle est le risque que la faiblesse du

Back-Office nécessite la collaboration en interne avec d‟autres entreprises qui possèdent les

Front-office

Client

Client Client

Back-office

Back-office

Back-office

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compétences complémentaires, en gros que l‟un des back-offices dessinés appartiennent à une

entreprise partenaire.

Dans ce modèle la relation entre les deux back-office est primordiale et l‟entreprise doit

veiller à éviter que la situation ne s‟inverse et que l‟entreprise complémentaire la déborde en

proposant elle-même son propre front-offices.

Ainsi, cette brève étude met en évidence l‟influence différente que peuvent jouer les

différentes variables de M-L lorsqu‟il s‟agit d‟exposer ou de disséminer des services à partir

d‟infrastructure déjà existante. Elle est difficile mais nécessaire pour envisager déployer une

offre de service à géométrie variable en déclinant des forces bien comprises (Back-office ou

Front-office) plutôt qu‟en réinventant toutes les variables à chaque coup.

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III. La recherche de nouvelles lignées chez Alcatel

A. Enseignements sur l’exploration d’un champ de nouveaux

services : la télématique

1. Le GPRS et l’UMTS : des technologies pour « ordinateurs »

embarqués.

a) Dépasser la vision purement « téléphonique »

Quand on pense nouveaux services GPRS / UMTS, on a tendance à penser aux service de

téléchargement d‟images, de vidéo ou à la visiophonie que permettent ces technologies.

Pourtant, nous en avons déjà parlé, le GPRS ou l‟UMTS ne constituent que des moyens de

transporter des données. Un des intérêts de ces technologies, souligné dans la partie

précédente est l‟ubiquité, cette possibilité de transférer ces données où que le terminal soit. Le

deuxième intérêt concerne les débits de transmission qui sont relativement élevés. Le terminal

n‟est donc pas forcément un téléphone mais plutôt un équipement qui a besoin d‟envoyer

et/ou de recevoir des informations. Une des pistes d‟étude que nous avons suivi a ainsi été de

s‟intéresser à un équipement fortement mobile : la voiture.

Comment des services disponibles dans la voiture pourraient-ils tirer profit du GPRS ou de

l‟UMTS ?

Avant de s‟intéresser à cette question, nous allons essayer de voir quelles sont les

technologies alternatives ? A première vue, peu d‟équipements permettent les mêmes

fonctionnalités que l‟UMTS et le GPRS : en général, il faut choisir entre ubiquité et vitesse de

transmission. Pour le Wifi par exemple, les hotspots permettent des débits très élevés mais

sont très localisés. Les SMS eux offrent certes l‟ubiquité mais avec des débits très faibles…

Le choix entre les différentes technologies va donc dépendre très fortement du service

envisagé ; pour certains le Wifi est un bon concurrent ; pour d‟autres, sa couverture restreinte

l‟élimine d‟office.

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b) Contraintes de conception sur le produit support

Nous venons de voir que le choix du service était déterminant dans le choix du mode de

communication envisagé ; nous allons maintenant rapidement constater les liens entre des

variables de conception et le produit support qu‟on retiendra.

Deux caractéristiques du produit support sont essentielles pour la détermination des services

que l‟on sera à même de fournir :

- intelligence : s‟agit-il d‟un produit support disposant d‟un client logiciel lourd intelligent

ou d‟un client léger ? La question est de savoir quelle est l‟intelligence de l‟équipement

embarqué. Est-ce quasiment un ordinateur portable sur lequel le fournisseur de service

peut télécharger des services supplémentaires ou est-ce un équipement basique qui a un

stimulus donné enverra un message au fournisseur de service sans grande évolutivité

possible ?

- intrusivité : comment est-il intégré au véhicule ? Est-il seulement « posé » dans le

véhicule ou est-il véritablement relié au réseau de communication du véhicule, capable

d‟en décoder les informations et d‟en envoyer certaines ?

De ces deux variables de conception découlent des modèles de services différents.

L‟intelligence du terminal est déterminante sur l‟architecture du service. A service équivalent,

il y a un trade off entre l‟intelligence du terminal et la taille du back-office. A client « bête »,

back office intelligent donc important… et réciproquement.

2. Analyse de la chaîne de services télématiques : la sécurité

Concernant les services paquets, on peut réaliser leur cartographie en trois grands domaines :

la sécurité, la gestion de la mobilité et le multimédia.

Service de télématique

automobile

Sécurité Gestion de la

mobilité

Multimédia

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(1) Exemples :

Le télédiagnostic. Les voitures récentes sont toutes dotées d‟un réseau interne né du

besoin de trouver une solution de communication série dans des véhicules qui ont

tendance à intégrer de plus en plus de commandes électroniques (cf. fig. 7). En 2005, on

estime qu‟une centaine de microcontrôleurs seront ainsi intégrés dans les véhicules.

L‟ordinateur de bord dispose donc d‟informations sur tous les équipements de la voiture et

connaît par exemple l‟état de l‟ABS à tout instant. Les différents contrôleurs envoient

donc régulièrement à l‟ordinateur de bord les erreurs qu‟ils rencontrent, erreurs que

l‟ordinateur de bord sauvegarde. Actuellement, les garagistes sont équipés d‟outils qui en

se connectant sur la CAN (Car Area Network) permettent de décoder les données

enregistrées et le cas échéant de régler les disfonctionnement du système.

Le télédiagnostic permettrait d‟effectuer cette opération à distance. En reliant un système

de communication à l‟ordinateur de bord, le garagiste serait alors capable, en théorie,

d‟identifier la panne à distance. On peut imaginer par exemple, que grâce à ce système un

dépanneur arrive avec la pièce à changer en ayant identifié la pièce défectueuse avant de

venir.

Figure 7 : Schéma d'un Controler Area Network

La mise à jour de l‟électronique embarquée. La multiplication des contrôleurs dans la

voiture a introduit dans le monde automobile un des fléaux de l‟informatique : les failles

de sécurité. Si un redémarrage de l‟ordinateur n‟est pas une catastrophe dans bien des cas,

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on imagine sans peine qu‟un redémarrage du système de gestion du moteur, ou une

extinction des feux de route inopinée peuvent conduire à des accidents dont le

constructeur serait responsable. Ces derniers ne peuvent donc pas se permettre de lancer

sur le marché des systèmes aux comportements instables. Il arrive pourtant que de tels

problèmes apparaissent après la sortie du véhicule ; aujourd‟hui, dans ce cas, le

constructeur rappelle tous les véhicules en concession. Cet opération est extrêmement

coûteuses pour le constructeur, sur le plan financier mais aussi en terme d‟image. Un

système de mise à jour à distance de l‟électronique embarquée permettrait de s‟affranchir

de ces coût tout en maintenant la sûreté des véhicules.

La balise d‟urgence intelligente. Lors d‟un accident, le déclenchement des airbags est

détecté par l‟ordinateur de bord du véhicule. Le véhicule peut alors envoyer sa position

(connue grâce à un système GPS) à un central qui alerte les secours.

Un business model de type assurance est imaginé pour ce type de service : de même que

lorsqu‟on installe tel type d‟alarme la prime d‟assurance du véhicule diminue, on peut

imaginer que l‟assureur serait prêt à baisser sa prime si on installe un service de balise

d‟urgence. En effet, grâce à un tel système, le temps avant l‟arrivée des secours sur les lieux

de l‟accident diminue, augmentant ainsi les chances de survie de blessés graves éventuels.

Puisque l‟assureur a intérêt à ce qu‟un tel système soit mis en place, il est envisageable qu‟il

favorise financièrement l‟émergence d‟un tel service.

(2) Un marché sous tutelle des constructeurs

Une forte interaction avec le bus vital : Les trois services que nous avons regroupé sous le

terme sécurité ont tous les trois besoins d‟une forte interaction entre le bus vital de la voiture

et le terminal de communication. Il nécessite un produit support qui suivant les variables de

conception utilisées tout à l‟heure sera fortement intrusif. En effet, le terminal devra dialoguer

avec au moins un équipement pour récupérer les données qu‟il doit transmettre soit vers

l‟extérieur – déclenchement des airbags, télédiagnostic – soit vers l‟intérieur de la voiture –

mise à jour de logiciels embarqués. Un problème majeur apparaît alors, celui de la sécurité

informatique : la connexion du terminal aux équipements sensibles de la voiture ouvre des

portes à d‟éventuels piratages. Les constructeurs ne peuvent pourtant tolérer aucune intrusion

par ce biais. En effet, si un pirate réussit à faire éteindre les feux de route d‟une voiture ou

pire dans quelques années s‟il est capable de « prendre le volant » virtuellement, le

constructeur qui endosse cette responsabilité peut aller au devant de graves problèmes!!!

Même si les services ne se connectent pas au réseau Internet, il a été envisagé le cas où un

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pirate serait équipé d‟une BTS (station radio de base du réseau GSM) et capable de simuler le

réseau. S‟il connaît la structure des messages qu‟échange la voiture avec le gestionnaire du

service, il sera capable de prendre éventuellement contrôle de la voiture ou tout du moins de

provoquer des dégâts, en téléchargeant une mise à jour vérolée des logiciels de bord par

exemple. Des solutions informatiques assez lourdes peuvent être mise en place pour éviter ce

genre de désagréments. Malheureusement, comme toujours en informatique, des failles de

sécurité peuvent exister qui pourraient être utilisées par des pirates.

Un compromis à trouver : un autre problème avec ce type de service est le compromis qui

doit être trouvé entre le prix du boîtier télématique, la place qu‟il prend et ses capacités. Vu le

type de services envisagés, l‟intérêt du constructeur est que ce module télématique soit

présent sur toute la gamme : un constructeur tel que PSA n‟envisage pas d‟autres solutions

que d‟avoir un module télématique toutes gammes. De la 106 au Partner, la diversité de taille

et de gamme des voitures impose de trouver des solutions à faible coût et occupant peu de

place.

Des contraintes de disponibilité : Les services associés à la sécurité ne sont pas fait pour

fonctionner souvent : que ce soit la balise d‟urgence en cas d‟accident, le télédiagnostic en cas

de panne ou la mise à jour de l‟électronique à distance si le système présente un trou de

sécurité, moins un service est utilisé mieux ses utilisateurs potentiels se portent ! Ces services

doivent par contre être disponibles dès qu‟on a besoin d‟eux : il en va de la vitalité ou du

confort des utilisateurs. Les assurances répondent au même type de description, un business

model envisageable est ainsi celui du type assurance : un sondage GartnerG2 montre que les

utilisateurs sont de fait prêts à payer pour que leur voiture soit équipée d‟un système

d‟urgence.

Fortement intégré à la chaîne de valeur de part l‟adhérence nécessaire entre le terminal de

communication et le système vital de la voiture, le constructeur automobile n‟est pour

l‟instant pas moteur dans le domaine de la télématique tant les contraintes qui pèsent sur lui

sont nombreuses. La valeur ajoutée qu‟il a à installer de tels équipements n‟est en effet pas

avérée. Le cas de OnStar soutenu par General Motors est assez révélateur : malgré le succès

témoigné par ses deux millions d‟utilisateurs, le service OnStar coûte à General-Motors. Thilo

Koslowski, analyste chez Gartner, explique la non validité du business model par la mauvaise

approche de la télématique qui est faite : OnStar essaie de reproduire les services disponibles

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sur PC et essaie de faire payer les consommateurs pour des services dont ils ne veulent pas ou

n‟ont pas besoin.

3. La gestion de la mobilité

a) La navigation distribuée

Les systèmes actuels de navigation reposent sur trois modules essentiels :

un cd-rom ou dvd-rom contenant une base de données cartographiques

un calculateur de bord capable de calculer l‟itinéraire entre le lieu actuel et un lieu entré

par l‟utilisateur et d‟indiquer la direction à prendre à tout instant grâce aux informations

contenues dans le cd/dvd.

un récepteur GPS qui permet au calculateur de localiser le véhicule et de donner les

indications de direction en conséquence

La navigation distribuée constitue une évolution de ce système où le calculateur d‟itinéraire

ne se trouve plus dans la voiture mais sur un serveur qui prend en compte les informations de

trafic en temps réel, les accidents, les routes barrées, …

Le découpage du système est donc le suivant :

un récepteur GPS

une terminal de communication qui établit le lien entre la voiture et le serveur de

navigation distribuée, il fait remonter les informations de position de la voiture et récupère

les indications de navigation.

La navigation distribuée permet de remédier aux critiques souvent faites aux systèmes de

navigation standard : les informations cartographiques contenues sur le serveur sont toujours à

jour. D‟autre part, l‟enrichissement de la navigation par des informations en temps réel sur le

trafic ouvre une voie vers une utilisation plus courante de ce système : il ne servira plus

uniquement dans les moments où l‟utilisateur ne connaît pas son chemin mais aussi dans ceux

où il veut connaître l‟état du trafic, évaluer le temps de son trajet ou envisager un chemin plus

rapide.

b) La gestion de flotte

Dans un marché de véhicules utilitaires qui s‟élevait en 2001 à 1.9 millions de véhicules et de

véhicules industriels à 341.000 unités, la gestion de flotte constitue pour les entreprises un

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moyen nouveau pour suivre l‟ensemble de leurs véhicules. Grâce à un terminal de

communication embarqué dans la voiture, une entreprise peut connaître en permanence la

position de ses véhicules, leurs kilométrage, le temps de conduite du chauffeur, bref, toutes

les informations du véhicule qui l‟intéresse. Elle est aussi capable de dialoguer avec le

conducteurs au moyen d‟une interface adaptée au besoins de l‟entreprise.

Un tel système a été déployé par le centre de régulation Medi-callcenter de SOS Médecins

Essonne. Cette nouvelle solution de gestion et d'optimisation des moyens d'urgences à partir

d'un centre d'appel s'appuyant sur une plate-forme de gestion de flotte (celle d‟Opteway

intégrée par Masternaut) s‟est traduite par :

une meilleure pertinence pour affecter le médecin sur l'urgence : le médecin envoyé sur

les lieux est automatiquement le médecin disponible le plus proche

une efficacité accrue de l'acheminement du médecin sur les lieux d'interventions grâce à

un système de navigation intégré à la solution

une optimisation des distances d‟où une disponibilité accrue des médecins pour répondre

aux patients soit deux visites supplémentaires par vacation de 10 heures

une baisse significative des coûts d'exploitation pour SOS Medecins (kilometrage,

entretien, ..).

Seulement trois mois après la mise en place de cette plate-forme, SOS Médecins Essonne

réalise une optimisation des trajets des médecins qui apporte un gain de disponibilité de plus

de 10%. Les premiers résultats, hors boîtier GSM/GPS et PDA, démontrent un retour sur

investissement par voiture et par médecin inférieur à 10 semaines.

Au vue d‟un tel retour sur investissement, on peut espérer que les entreprises se montrent

intéressées par les plates-formes de gestion de flotte

Si des solutions sont actuellement prêtes, développées par des start-up, elles bénéficient de

peu de visibilité face à des clients qui exigent un partenaire sûr. Dans ce cadre, Alcatel

pourrait devenir une vitrine pour ces sociétés qui profiteraient de sa renommée et de ses forces

de vente. L‟intérêt pour Alcatel est double :

- obtenir des gains substantiels sur les ventes opérées par ses partenaires

- augmenter l‟ARPU des opérateurs grâce à l‟introduction de terminaux dans les véhicules ;

l‟augmentation de l‟utilisation des réseaux opérateurs favorisera alors leur investissement

dont Alcatel bénéficiera en tant qu‟équipementier.

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4. Multimédia

Le multimédia présente un potentiel très important pour l‟occupation des passagers en place

arrière. Jusqu‟à maintenant, les constructeurs ont accordé peu d‟importance à ces derniers, les

innovations concernant plus largement le conducteur et la voiture. Les passagers en place

arrière, entièrement disponibles, présentent des clients de choix pour des applications

multimédia. On peut en effet imaginer divers types de services :

- jeux en réseau : l‟arrivée des technologies haut débit entraîne un développement

spectaculaire du marché du jeu en réseau, le marché des jeux vidéos dépassant

actuellement celui du cinéma. Grâce à des écrans installés en places arrières les passagers

pourront jouer avec quiconque connecté au réseau Internet.

- Vidéo à la demande : ces mêmes écrans pourraient aussi servir à diffuser des films

récupérés grâce à des connexions rapides UMTS ou WiFi.

Ces applications multimédia sont gourmandes en bande passante, le débit fourni par les

connexions GPRS n‟est donc pas suffisant et c‟est grâce au Wifi et à l‟UMTS que ce marché

pourra émerger. Ce marché est envisagé à terme comme étant le plus important.

Le marché adressé par ces services est essentiellement un marché grand public. Le manque de

maturité des technologies et le faible engouement des utilisateurs pour de tels services ne le

rendent pas attrayant pour l‟instant. Les business model pour les services multimédia

embarqués devront a priori s‟appuyer sur ceux existants sur Internet pour des services du

même type. Malheureusement, les business model pour ces services ne sont pas encore

trouvés sur Internet.

Actuellement, des services de musique à la demande apparaissent malgré une concurrence très

importante des réseaux peer-to-peer. Ceux-ci s‟adressent à un public averti qui constitue pour

l‟instant les plus gros utilisateurs d‟Internet. On peut imaginer que l‟arrivée de plus en plus

importante d‟utilisateurs novices ainsi que les restriction légales à l‟utilisation de réseaux

peer-to-peer permettront un décollage du marché du on-demand.

Ces services sont aussi en concurrence avec des matériels non connectés : Media2go et autres

baladeurs multimédia permettent de visualiser des vidéos où qu‟on se trouve, s‟affranchissant

de connexion mobile grâce à des disques durs à fortes capacités.

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On peut aussi imaginer que le marché du on-demand n‟émerge pas en premier à travers

Internet mais à travers la télématique automobile. En effet, en situation de mobilité, on

accepte de payer des services qu‟on ne paie pas habituellement ou qu‟on paie beaucoup moins

cher : le prix des canettes dans les distributeurs est ainsi entre deux et trois fois plus cher

qu‟en grande surface. Il est donc envisageable que les usagers soient prêts à payer pour

visualiser des vidéos en voiture.

Il s‟agit alors de trouver le levier qui permettra d‟introduire de tels services dans les véhicules.

Des contraintes légales assez lourdes pèsent sur les constructeurs quant à l‟intégration de

systèmes vidéo télématiques. Ils doivent en effet connaître les répercussions qu‟ont les

appareils intégrés sur la sécurité des passagers du véhicule. Ainsi, des équipements tels que

des écrans vidéo au plafonnier ou dans les sièges arrières peuvent être dangereux pour les

passagers en cas de choc. Par exemple en cas de choc frontal, un enfant non attaché en place

arrière au lieu de passer par le pare-brise se prendra l‟écran vidéo avant de passer par ce

même pare-brise. L‟écran vidéo au plafond de la voiture présente donc un danger pour les

passagers.

Ces contraintes qui pèsent sur les constructeurs automobiles ne pèsent pas sur les installateurs

en deuxième monte. L‟introduction de systèmes multimédia communicants pourra donc

certainement se faire plus facilement sur l‟after-market que directement chez les

constructeurs. Des systèmes multimédia sont déjà en vente : lecteurs DVD avec écran 5‟‟ à

partir de 400€. Un système communicant WiFi paraît être une solution envisageable

applicable dès maintenant mais la chaîne de valeur à mettre en place est alors encore plus

complexe que pour ce même service en UMTS :

de trois opérateurs UMTS, on passe à une multitude d‟opérateurs WiFi qui n‟acceptent

pas tous le « roaming »

le prix des communications WiFi est actuellement assez cher, à 10€ l‟heure, la

transmission d‟un film coûtera au minimum 8€ en considérant un débit de 2 Mbps,

d‟autres parties doivent être rémunérées lors de cette diffusion : le diffuseur du film, les

droits du film, etc…

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5. Organisation de l’exploration chez Alcatel :

a) Exploration externe

Lancé en avril 2003 sur le sujet de la télématique automobile, l‟exploration s‟est au départ

beaucoup appuyée sur Internet. L‟ouverture que représente Internet permettait en effet

d‟accéder à un ensemble de savoir dispersé par de nombreuses sociétés nous créant ainsi une

culture sur ce domaine qui nous était inconnu. Internet présente cependant un gros

inconvénient : on ne connaît rien de la réalité de ce qui est présenté par la page web. Cela peut

aussi bien toucher des produits présentés (produit en cours de développement au moment de

la bulle Internet mais arrêté depuis par exemple) que des consortiums censés se rassembler

pour travailler ensemble sur un sujet mais qui sont en fait des coquilles vides (cas de Signant).

Après cette phase de découverte du sujet, nous avons cherché à rencontrer des acteurs

potentiellement intéressés par le domaine :

- constructeur automobile

- constructeur IT

- des fournisseurs de plates-formes à même d‟être intégrées dans des véhicules

- un assureur.

L‟exploration externe s‟est d‟autre part appuyée sur des rencontres avec des acteurs du

domaine rencontrés lors de salons.

b) Exploration interne

Une société telle qu‟Alcatel qui regroupe plus de 60 000 personnes a en interne nombre de

compétences qui peuvent servir sur un sujet comme celui que nous étudions. Nous avons ainsi

cherché à rencontrer différents acteurs qui pourraient jouer un rôle dans la création d‟une

solution par Alcatel. Plusieurs types de contacts ont présenté de l‟intérêt :

- contact avec un solution manager travaillant sur un domaine très connexe à la

télématique : la télémétrie. Il envisageait de plus de faire évoluer son activité vers la

télématique

- contact avec des personnes travaillant sur des solutions de localisation, compétence

indispensable en télématique,

- rencontre avec l‟ensemble des acteurs s‟intéressant de près ou de loin au monde

automobile,

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- contact avec l‟équipe business development du groupe Private Communication. Ce

contact nous a permis d‟entrer en relation avec un assureur intéressé par une intégration de

la télématique à son business model

c) Abandon de la démarche

Malgré tous ces contacts et des avancées notables, la démarche télématique automobile chez

Alcatel a été abandonnée. En fin d‟exploration, la question du produit support devenait de

plus en plus cruciale. Après avoir identifié la plate-forme qui pourrait être le support des

services télématiques, nous avons rencontrés deux acteurs concurrents à même de fournir de

tels systèmes.

En décembre, le fournisseur avec lequel nous avions eu le plus de relation a été mis en

liquidation. Un rachat par Alcatel était envisageable. General Motors proposait d‟autre part

d‟investir si Alcatel investissait aussi : un constructeur partenaire aurait ainsi été tout trouvé.

Le choix d‟Alcatel s‟est pourtant porté sur un retrait de ce domaine. De manière générale, la

stratégie d‟Alcatel jusque là était de se retirer du marché des produits supports (téléphones

portables, modem ADSL,…) Fidèle à cette stratégie, l‟opportunité d‟aller vers de tels

systèmes n‟a pas été identifiée comme prioritaire en vue d‟investir un nouveau marché.

Le choix d‟investir ou non signait de toute façon la fin de l‟exploration :

- dans le cas négatif, le choix de ne pas investir était un choix de ne pas aller vers ce

domaine,

- en cas d‟investissement, l‟exploration se serait arrêtée au profit du début d‟un projet.

Mais comment réaliser un arbitrage : go / no go ? Intéressons-nous aux critères qui ont pu

pencher dans le sens d‟un non-engagement :

- l‟exploration n‟était certainement pas allée assez loin au moment où l‟arbitrage a du être

réalisé. Ce choix est venu trop tôt dans l‟exploration, du fait de la mise en liquidation de la

société partenaire éventuelle. Un projet ne pouvait donc pas être véritablement lancé

rapidement sans un effort très important d‟Alcatel.

- un business model avec un retour sur investissement positif avait bien été réalisé mais il

s‟appuyait sur un scénario trop peu étayé pour véritablement convaincre

- le domaine appréhendé par le projet aurait été inconnu, avec des acteurs d‟un écosystème

autre que celui habituel d‟Alcatel. Quand toutes les sociétés se recentrent sur leur cœur de

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métier, aller en sens inverse peut témoigner d‟une volonté d‟innover mais être un facteur

d‟échec important.

L‟analyse des risques a ainsi du pencher en faveur d‟un désengagement de cette activité. Si

cette activité s‟est présentée comme n‟étant pas intéressante pour Alcatel, il serait cependant

important de se demander quel rôle Alcatel va pouvoir jouer dans les nouveaux

environnements de communications émergeants.

B. Nouveaux usages : régénérer les modèles de conceptions

de la communication

1. Diversifier les usages de communication ou comment explorer

l’effervescence des nouveaux modes d’Internet

L‟étude de la télématique a représenté une bonne partie de notre temps d‟exploration et une

première application d‟expansion vis-à-vis des éléments analysés qui nous portaient à nous

intéresser à d‟autres environnements de communications, dans de nouveaux contextes tels que

la voiture.

Cette activité ayant été repoussée faute de moyens suffisants, nous avons ensuite réorienté

notre activité vers d‟autres pistes d‟explorations qui nous paraissaient intéressantes et qui

recoupaient les analyses déjà effectuées. L‟individualisation de la communication engendrée

par le téléphone mobile a renforcé la singularité de la communication inter-personnelle en

créant un média intime et relatif à des individus particuliers.

Cette individualisation de la communication a cependant forgé une première phase de

déploiements de services de données qui, au-delà du SMS, ont tenté de reprendre le modèle

d‟usage de l‟Internet et plus particulièrement de l‟application Web. Celle-ci instaure un

asynchronisme entre les deux parties de la communication résultant de l‟application d‟un

modèle client-serveur de communication. Dans un tel mode, les rôles des parties ne sont plus

égaux (autant en terme d‟engagement de contrats que de puissance informatique nécessaire

pour rendre le service ) et un déséquilibre se produit. Contrairement au début de l‟Internet, les

adresses Internet Protocol (IP), qui assure une indépendance de l‟ordinateur vis-à-vis des

réseaux sous-jacents et une égale joignabilité, sont devenues des ressources rares qui ont été

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attribuées aux fournisseurs de services et aux sites Web. L‟utilisateur lambda ne possède pas

la plupart du temps sa propre adresse et ne peut donc pas mettre en place sa propre version de

site Web sans l‟intervention d‟un prestataire fournisseur d‟accès ou fournisseur

d‟hébergement. Il se dégage ainsi une fracture dans les différents intervenants du Web.

Dans le cas du mobile, le WAP a cherché la déclinaison du Web en gardant ce modèle

asynchrone et en le renforçant même vu le faible nombre d‟acteurs capables de fournir les

interfaces vers les utilisateurs aux fournisseurs de services potentielles.

L‟énorme différence entre le service GSM et le WAP est que ce dernier n‟offre pas en général

d‟effet de réseau important. L‟apport de nouveaux abonnés au service GSM renforce

l‟attractivité du service. Dans la plupart des cas, un utilisateur supplémentaire d‟un service

WAP, comme par exemple un service de cartographie, n‟apporte aucune valeur

supplémentaire aux utilisateurs déjà présents. On pourrait dire qu‟il apporte même des

désavantages puisqu‟il risque d‟augmenter la charge du serveur chargé de répondre aux

requêtes et donc d „augmenter son temps de réponse moyen et de diminuer la qualité de

service perçue par les autres utilisateurs.

On retrouve exactement le même type d‟exemples dans le cas de la vidéo sur mobile, une des

grandes promesses techniques de l‟UMTS. Dans ce cas aussi, le visionnage de vidéo,

téléchargée ou jouée en Streaming, individualise la consultation de clips vidéos par

l‟utilisation du produit support personnel de chacun et crée un asynchronisme fort où

l‟utilisateur actif d‟un combiné téléphonique se retrouve dans la peau d‟un consommateur

passif. Ici aussi on perd l‟effet multiplicateur de l‟effet réseau sur l‟usage exponentiel en

créant une gêne potentielle encore plus grande car le service vidéo sera très consommateur de

ressources réseau et donc fortement limité en nombre de consommateurs simultanés.

Ainsi, ces commentaires montrent que l‟application banale mais tronquée du modèle simple

de l‟application Web au téléphone mobile, n‟est pas forcément un gage de succès immédiat et

limite du même coup une expansion rapide du type GSM par le faible recours à l‟effet réseau

qui avait joué à plein régime dans le cas de la téléphonie mobile.

Ces remarques ne cherchent pas à renoncer à utiliser le monde de l‟Internet pour tenter de

régénérer les modèles de conceptions du téléphone mobile. Bien au contraire, nous pensons

que la convergence des technologies et des acteurs économiques impliqués dans les deux

mondes entraînera une inéluctable convergence des concepts et usages que ces technologies

permettent. Bien loin de concerner uniquement le monde clos et fixe du PC, Internet dans le

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futur est amené à devenir l‟infrastructure générique de déploiement de n‟importe quels

services, interactions de communications ou de délégations de compétence. La numérisation

progressive de tous les médias les rend tous concernés par le développement de cette

infrastructure qui viendra à un moment bouleverser les chaînes de valeurs et les modèles

industriels parfois centenaires de ces domaines. La crise de l‟industrie du disque est un

exemple de remise en question profonde des équilibres à la suite d‟une rupture technologique.

Cependant, si le monde mobile veut se nourrir de l‟Internet pour se régénérer, il lui est

essentiel d‟aller voir plus loin que le Web classique. De cette exploration jaillissent de

nombreuses nouvelles formes d‟usages et d‟interactions. Voici ici quelques pistes issues de

nos recherches. Celles-ci montrent qu‟il est tout à fait possible de conjuguer l‟individuation et

les effets de réseaux dans des modèles tout à fait novateurs.

Le peer2peer d’échange de contenus ou comment mêler individuation et effets de réseau.

Le peer to peer est aujourd‟hui une des manifestations les plus éclatantes de la différence

fondamentale qui existe entre les réseaux télécoms précédents et l‟Internet. Cet usage, qui a

séduit plusieurs millions de personnes est aujourd‟hui fortement contesté par l‟industrie du

disque qui y voit les raisons de la baisse conséquente de ses ventes. Cette application consiste

à partager un ensemble de fichiers de son ordinateur dans un dossier particulier qui sera

accessible à toutes les personnes présentes sur le réseau. Celui-ci a commencé à exister il y a

plusieurs dizaines d‟années avec l‟apparition des réseaux d‟entreprise. Il était à l‟origine

surtout utilisé pour échanger des fichiers textes. Dans les années récentes, quatre phénomènes

ont profondément changé son utilisation et sa portée:

Les contenus audiovisuels ont été numérisés et ont pu alors apparaître comme des

fichiers comme les autres

Les techniques de compression comme le Mp3 et l‟augmentation de la taille des

disques durs d‟ordinateurs a permis le stockage d‟un nombre très important de

fichiers.

Les ordinateurs des particuliers sont devenus suffisamment puissants pour faire

tourner des applications au design riche et facilement utilisables.

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Internet a multiplié de manière phénoménale le nombre de « peer » susceptible de

participer aux échanges de fichiers.

Ces éléments ont alors permis d‟utiliser le Peer2Peer pour échanger des fichiers autre que le

texte, en particulier des fichiers musicaux. Napster, la première version à succès de ce service,

était techniquement organisé autour d‟un serveur central et donc se trouvait particulièrement

visible vis-à-vis des responsables de l‟industrie du disque qui n‟hésitèrent pas à obtenir la

fermeture du site pour cause de violation des droits de copyright. Les successeurs, comme

Gnutella et surtout Kazaa, ont pour leur part mis en œuvre une architecture véritablement

décentralisée, rendue possible par la nature de l‟Internet, ne nécessitant pas de serveurs pour

stocker des copies des chansons concernées et étant donc beaucoup plus difficilement

attaquable par les moyens légaux. Ils ont connu un succès phénoménal (plus de 250 millions

de téléchargement pour Kazaa).

Ils présentent en particulier des similarités avec les structures qui ont fait le succès du

téléphone mobile :

Kazaa représente une véritable communication inter-personnelle dans le sens où il

met en relation deux ou plusieurs personnes qui échangent quelque chose, ici un

fichier musical ou vidéo. Dans Kazaa, les deux parties sont actives, aussi bien celui

qui télécharge que celui qui sélectionne, encode et met à disposition des autres une

partie de lui, matérialisée par sa collection de morceaux musicaux.

Kazaa fait jouer à plein régime les effets de réseaux. En effet, plus le nombre

d‟utilisateurs est grand, plus la quantité de fichiers potentiellement disponibles est

grande et plus il est intéressant de devenir utilisateursde Kazaa.

On remarquera que plusieurs études ont cependant montré qu‟une partie importante des

utilisateurs ne partageait pas de fichiers, phénomène bien connu en économie sous le terme de

passager clandestin.

Dans cette optique les successeurs de Kazaa, dont le plus prometteur et vraisemblablement

Bittorent , ont pour objectif d‟étendre le concept un cran plus loin. Dans ces systèmes de

nouvelle génération, les fichiers à télécharger sont virtuellement découpés en morceaux qui

sont téléchargeables de sources différentes. Ainsi quand un téléchargement débute, les

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morceaux déjà téléchargés sont automatiquement mis à la disposition des autres téléchargeurs.

De cette façon, la qualité du service, c‟est à dire la vitesse de téléchargement, augmente avec

le nombre de téléchargement en cours et le nombre d‟utilisateurs. Ceci permet donc de faire

jouer l‟effet réseau sur un autre axe que le nombre de fichiers disponibles et renforce ainsi la

propension des utilisateurs à partager des fichiers car ils savent alors que la qualité de

téléchargement en sera d‟autant amélioré et cela pour tous les utilisateurs.

Evidemment, cette forme d‟usage, radicalement nouvelle, n‟est pas sans irriter une structure

économique vieillissante, qui n‟a absolument pas cru au début à cette nouvelle forme

d‟utilisation et qui craint de subir une désintermédiation subite. Ceci montre en tous cas une

dissociation entre l‟acte musical et le support de cet acte, le Compact Disc, qui semble amené

à être remis en cause dans les années à venir.

On peut d‟ailleurs voir dans la stratégie d‟Apple autour de l‟Ipod une tentative de

rematérialisation de la musique sous la forme d‟un baladeur. Ce modèle est de plus

profondément intéressant car il agit à l’inverse de celui de la téléphonie mobile. Alors que

les opérateurs subventionnent un produit support pour gagner de l‟argent sur un service,

Apple a créé un service musical quasiment à perte pour stimuler la vente de son baladeur à

forte marge où il espère gagner beaucoup d‟argent.

Les Blogs : manifestation personnelle en ligne

Le terme anglais Log est très familier à toute personne ayant travaillé dans l‟informatique. Il

représente en général un rapport des différents comportements et problèmes qu‟un système

informatique a pu rencontrer.

Le terme Blog est la contraction de Web et de Log. Il représente l‟évolution de la page

personnelle dans une forme qui en facilite l‟usage et qui permet à une personne n‟ayant

aucune connaissance de la programmation de publier sous formes de notes ou d‟articles,

n‟importe quelle information sur un espace Web qui lui est personnel.

Cette usage est relativement ancien (1996) mais il n‟a vraiment pris son envol que depuis un

ou deux ans avec l‟apparition d‟offres grand public performantes comme TypePad aux Etats-

Unis ou U-Blog en France.

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Le Blog exhibe un certain nombre d‟attributs tout à faits novateurs et représente une nouvelle

façon d‟utiliser l‟Internet :

Il répond bien au désir d‟individuation que nous avons analysé dans la téléphonie

mobile. Les Blogs sont en général personnels et les auteurs utilisent la première

personne du singulier.

Il mélange souvent des éléments strictement personnels (éléments de vie privée,

relation dans le travail) et des commentaires sur l‟actualité ou les passions des

auteurs.

Il utilise énormément les atouts des pages Web, dont la possibilité de mêler

facilement du texte avec des photos et surtout les liens hypertextes permettant de

parcourir plusieurs morceaux de documents de façon simultanée.

Il met souvent en relation avec des Blogs dit amis permettant de parcourir un

ensemble de communautés de Blogs de même sujet, fédérés par cette entrecroisement

de liens uni ou bi-directionnels.

Il offre en général pour chaque note un droit de réponse d‟usage simplifié qui permet

d‟instaurer un véritable dialogue entre l‟auteur et les lecteurs, brouillant la

traditionnelle fracture entre celui qui publie et celui qui lit. Ces réponses peuvent être

de tout ordre, polémiques, informatifs, correctifs.

Ainsi, les Blogs les plus populaires deviennent de véritables sources d‟informations

alternatives qui profitent du maillage des liens pour être mullti-diffusés et multi-référencés

sur la BlogoSphere.

Un jeune journaliste irakien est ainsi par exemple devenu célèbre en décrivant via son Blog au

jour le jour le déroulement de sa vie à Bagdad. Le « Blog à oreille » virtuel lui a attiré un

nombre croissant de lecteurs réguliers. Il a signé récemment avec une maison d‟édition pour

publier l‟ensemble de ses chroniques dans un livre.

Moyen de porter ces reflexions en ligne et support d‟individuation, le Blog est tout

naturellement intéressant pour régénérer les usages du mobile, notamment avec les capacités

du SMS et des appareils photos intégrés.

Certains précurseurs ont ainsi introduit des fonctionnalités de « moblogging » dans leurs

outils de blogs permettant aux utilisateurs de publier en temps réel sur leur blog les photos

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prises par SMS. Ceci est la preuve de l‟intérêt grandissant de ce type d‟usage et de

l‟opportunité du couplage avec le téléphone mobile.

Les wikis et le travail collaboratif : des nouveaux modes d’interactions en ligne

Le mot Wiki est la contraction de Wiki Wiki Web, un ensemble de technologies et

d‟infrastructures développée à la fin des années 90 par un ingénieur informaticien anglais.

Elles ont pour but de pemettre l‟interaction coordonnée d‟auteurs sur la publications de pages

Web collaboratives et partagées.

Tout utilisateur d‟un site Wiki est libre d‟apporter sa contribution à la rédaction de pages

communes en accomplissant une saisie de données dans un emplacement indiqué. Le Wiki

fournit donc un FrameWork à un ensemble de collaborateurs pour publier un travail commun

et qui permet très facilement de mutualiser les connaissances de chacun. Ses possibilités sont

tout à fait intéressantes dans le cas d‟un travail d‟entreprise ou d‟étudiant sur des projets. Elles

sont cependant démultipliées lorsque le nombre de contributeurs potentiels recouvrent

l‟ensemble des usagers de l‟Internet.

Cette démarche n‟est d‟ailleurs pas sans danger car, comme la publication se fait

généralement sans contrôle, il n‟est pas impossible que certains projets soit la cible

d‟éléments nuisibles ayant pour but de détruire la cohérence des œuvres réalisées. Cette

méthode nécessite donc généralement la présence de personnes responsables pour permettre le

retour en arrière (le « undo » de l‟informatique ) pour restaurer des pages qui aurait été

intentionnellement abîmées.

L‟un des plus gros projets actuels utilisant ces technologies est nommé WikiPedia. Ce site a

pour ambition de devenir une encyclopédie volumineuse en ligne et repose sur la

collaboration décentralisée de milliers de rédacteurs qui enrichissent par des articles les mots

ou noms propres pour lesquels ils possèdent une définition.

Ici aussi, l‟effet réseau peut jouer car plus le nombre de personnes qui participent est

important, plus la vitesse de rédaction est grande et plus la somme de connaissance disponible

est grande.

Là aussi cependant, le système est couplé à des capacités de réponses et on assiste parfois à

des débats enflammés sur telle ou telle définition ou monographie de personnages historiques.

Le système de Wikipédia rencontre ainsi aujourd‟hui un succès certain et démontre

l‟originalité d‟une démarche où les utilisateurs sont à la fois les personnes qui consultent à

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titre informatif les articles mais participent aussi à la rédaction. Nous avons ici un moyen tout

à fait puissant pour favoriser le partage de l‟information, partiellement détenue par un grand

nombre d‟individus qui peuvent alors la mettre en commun.

Parti d‟initiative de particulier, les Wikis, comme les Blogs représentent de nouveaux usages

qui commencent à trouver leur place dans l‟entreprise. Des entreprises comme Sun

Microsystems donne aujourd‟hui la possibilité à leurs employés d‟ouvrir des Blogs pour

publier de l‟information sur eux-même et sur leur travail. De plus en plus, les entreprises

utilisent aussi les Wikis comme moyen de mise en commun de documents et de publications,

notamment pour établir en temps réel, les minutes des réunions de travail des projets. Ces

nouveaux usages sont d‟autant plus intéressant en entreprise qu‟il demande un engagement

des salariés qui peuvent ainsi trouver un moyen d‟expression visible pour exposer tous leurs

problèmes éventuels.

Les Social Networks ou l’esprit des communautés

Un dernier usage novateur est présenté ici. Les Social Networks sont pour certains issues des

fameuses théorie des six degrés de séparation qui stipulent que nous sommes tous séparés les

uns des autres par au plus six niveaux. Ils ont commencé à prendre de l‟importance depuis un

ou deux ans et sont encore assez peu utilisés en France. Aux Etats-Unis, le plus connu,

Friendster, regroupe près de six millions d‟adhérents. Le but de ces sites est complètement

basé sur les effets de réseaux. Ils proposent à leurs utilisateurs une gestion plus ou moins fine

de leurs différentes relations, familiales, amoureuses, d‟amitiés ou professionnelles. Là

encore, la taille de plus en plus grande d‟Internet joue comme un effet de levier pour

démultiplier les capacités de recoupements des moteurs de recherches de ces outils.

En effet, la phase la plus importante de l‟outil est le moment de l‟inscription où l’utilisateur

déclare explicitement à la fois des éléments de sa vie personnelle, les goûts qu‟il a et qui

pourront servir au moteur de recherche pour le mettre en contact avec des gens au profil

similaire, et aussi les gens qu‟il connaît et qu‟il considère être ces amis. Dans LinkedIn, un

site américain orienté vers les professionnels, les utilisateurs peuvent déclarer qu‟ils sont

recommandés par tel ou tel autre utilisateur sans que ceux-ci soient d‟accord.

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Cette déclaration explicite n‟est donc pas sans poser quelques problèmes :

L‟utilisateur peut mentir sur ces goûts personnels afin de favoriser certaines

rencontres et engendrer des déceptions très grandes (c‟est souvent le cas de certains

réseaux sociaux amoureux )

L‟utilisateur peut se déclarer unilatéralement ami avec une personne, sans que celle-

ci ne puisse avoir son mot à dire. Cet élément est très régulièrement générateur de

conflits quand des utilisateurs sont sollicités par d‟autres participants sur

l‟information d‟une tierce personne qu‟ils ne connaissent parfois même pas.

Malgré ces contraintes, le succès de ces réseaux ne se dément pas et les « mauvais joueurs »

sont de plus en plus souvent sanctionnés. Ainsi, pour la recherche d‟un emploi, d‟une

compétence, d‟un amant ou d‟un passionné de Pink Floyd, les moteurs fournissent des

résultats réellement utiles. Dans ces systèmes, ce sont les êtres humains qui exposent leur

propres compétences et une partie d‟eux-mêmes dans l‟espoir de nouer des actes de

communication futurs.

Un problème reste cependant ici posé : la plupart du temps, les informations étant gérés par ls

sites, les conflits de respect de la vie privée sont difficiles à éviter. Le site a donc la nécessité

de nouer une relation de confiance avec ces utilisateurs, car de la qualité et de la quantité des

informations fournies par ceux-ci dépend la qualité du service rendue.

2. Présence et assistant virtuel : de la transformation de la

communication inter-personnelle

Après avoir tenté de fournir quelques pistes de nouveaux usages de communication qui se

développent sur Internet, nous cherchons ici à nous interroger sur la notion de communication

inter-personnelle en elle-même.

La possibilité de mêler l‟individuation avec les effets de réseaux inhérents au domaine des

NTIC façonne de nouveaux usages, différents de celui que nous connaissons avec la

téléphonie mobile. Ces usages permettent des interactions et des collaborations entre

individus qui sortent du motif classique.

Cependant, il est intéressant de se demander si les nouvelles technologies ne permettent pas

de remettre en cause cette activité si ancrée en nous qu‟elle en devient inconsciente. Nous

avons ébauché une réflexion sur ce sujet lorsque nous avions présenté les axes de rupture

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profonde dans le téléphone mobile. Il est temps de revenir sur ce que nous avions appelé « le

paradoxe de l‟ubiquité » c‟est à dire sur cette capacité nouvelle qu‟avait acquis la téléphonie

mobile, l‟ubiquité qui présentait comme corollaire néfaste de pouvoir venir s‟introduire dans

le contexte d‟un appelé dont l‟activité et la volonté à communiquer ne nous est pas connue à

l‟avance.

Or de nouvelles technologies envisagent aujourd‟hui de redéfinir la façon dont nous

communiquons. Là encore Internet n‟est pas étranger à cette maturation en cours. On peut

même se demander si nous ne sommes pas à l‟orée d‟une mutation majeure de la

communication inter-personnelle.

L’architecture SIP

Défini il y a trois ans par l‟organisme de standardisation de l‟Internet, l‟IETF, le protocole SIP

(Session Initiation Protocol) est enfin arrivé à maturité en 2003. Il représente la véritable

convergence entre le monde de l‟Internet informatique et les télécoms, permettant d‟envisager

le transport de la voix sur l‟Internet comme une donnée parmi d‟autres dans ce qu‟on appelle

aujourd‟hui la Voix sur IP (VoIP). Il est le digne héritier de toute la série des protocoles

Internet qui ont fait les succès de ce réseau :

Il emprunte à http son format de description, de niveau applicatif, en format texte, ce

qui le rend lisible aussi bien par des machines que par des êtres humains.

Il emprunte au protocole e-mail SMTP à la fois l‟architecture décentralisée en une

multitude de domaines d‟utilisateurs et le format de repérage des terminaux

communiquant sous la forme <sip : [email protected]> permettant d‟envisager sur le long

terme un futur sans numéro de téléphone.

Dans sa version complète, SIP fait donc passer la téléphonie au statut d’application, au-dessus

des protocoles de transport TCP/IP. Ainsi, une grande partie de l‟intelligence du service est

potentiellement déportée dans les terminaux utilisateurs. De plus, le développement

d‟application côté réseau met en œuvre des logiques logiciels découplés des autres nœuds du

réseau. Le monde des télécoms entre ainsi définitivement dans l‟arène de l‟informatique

généraliste. Dans quelques années, développer de nouveaux services autour de la téléphonie

sera devenue strictement identique que de le faire pour des applications Web.

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De cette évolution est attendue une capacité de décentraliser le développement de services et

donc d‟accélerer la mise en œuvre de nouveautés grâce au levier que représente l‟ensemble

des développeurs informatiques habitués à des langages de haut niveau comme Java ou XML.

Aujourd‟hui, cette transition est commencée dans la téléphonie fixe et bien avancée déjà dans

le domaine de l‟entreprise. Par exemple les antiques PABX, cœur des réseaux téléphoniques

des entreprises sont remplacés aujourd‟hui par des IPBX qui se présente sous la forme de

serveurs d‟applications où Alcatel est maintenant en compétition autant avec ses concurrents

traditionnels, Siemens, Ericsson ou Nokia qu‟avec les acteurs venus du monde IP comme

Cisco ou les acteurs informatiques logiciels tel Microsoft.

Derrière SIP, SIMPLE ou la « présence » à grande échelle

A côté du protocole SIP, plusieurs extensions ont été apportés pour permettre de supporter les

éléments de « présence ».

La présence est un concept qui est apparue avec l‟application d‟Instant Messaging (IM)

popularisée par AOL, Yahoo et MSN. L‟IM a connu un énorme succès chez les jeunes, de

manière parallèle au SMS avec un principe de base assez similaire où les utilisateurs

s‟envoient des messages texte dans une intimité renforcée par rapport aux communications

vocales.

Cependant, l‟IM a introduit parallèlement plusieurs innovations :

La notion de Buddy List ou listes d‟amis où l‟utilisateur gère l‟ensemble de ces

relations à la manière d‟un « phone book » ou d‟une contact list d‟e-mail

La notion de présence qui indique si ces amis sont actuellement en ligne en repérant si

l‟application est active.

Au fil du temps, la présence s‟est raffinée pour exhiber des attributs plus précis que le simple

On / Off en proposant à l‟utilisateur de se porter absent, occupé ou invisible…Jusqu‟ici,

plusieurs limitations retreignent le concept :

Il est impossible de customiser sa présence en fonction des personnes et donc de

distinguer des niveaux de proximité.

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La présence doit être en générale paramétrée de manière explicite par l‟utilisateur ce

qui nécessite sa participation au processus et peut limiter la qualité du concept

L‟utilisation de l‟ordinateur, en général fixe, ne permet pas de savoir réellement si le

correspondant que l‟on cherche à joindre est vraiment présent devant son ordinateur

ou pas. Ainsi, la majorité des sessions d‟IM dans le monde commence par un « are

you here ?».

Malgré ces limites, le concept est extrêmement séduisant car il donne à l‟utilisateur un moyen

de révéler au reste du monde une partie de son information personnelle sur sa volonté à

communiquer.

Appliquée à l‟univers du mobile, la présence donne potentiellement la possibilité d‟envisager

une solution au moins partielle au paradoxe de l‟ubiquité. Armé d‟un mobile « presence

aware » et de sa buddy list, application étendant son carnet de numéros, l‟appelant serait

potentiellement en mesure de savoir à l‟avance l‟état de la personne qu‟il veut appeler et donc

de prendre des décisions ex-ante pour adapter son comportement aux éléments que lui fournit

la « présence » de son correspondant.

Dans un tel scénario, on modifie complètement le schéma téléphonique classique et on

supprime virtuellement beaucoup « d‟appels dans le vide » qui déclenchent la frustration de la

boîte vocale.

Ce concept de présence, libéré de l‟application IM et standardisé par le protocole IETF

SIMPLE est ainsi extensible à l‟infini pour révéler des informations de statut et de contexte.

Comme nous l‟avons déjà dit, il sera nécessaire de pouvoir automatiser au maximum la mise à

jour de la présence afin d‟améliorer la qualité de l‟information sans demander beaucoup

d‟effort aux gens concernés.

Une application proposée dans ce sens recommandait d‟équiper les salles de réunions de

détecteur de présence, qui permettrait aux combinés mobiles de mettre à jour l‟information

« est en réunion » sur l‟information consultable par le reste des collègues et de couper

automatiquement la sonnerie du téléphone.

Enfin, le concept de Buddy List, présentant sur une interface l‟ensemble des individus avec

lesquels nous communiquons, propose une « métaphore » tout à fait intéressante d‟interaction

et paraît propice à une extension à des « êtres non humains » comme les voitures ou les

maisons plein d‟espoir. On peut ainsi imaginer que la maison ou la voiture deviennent des

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Buddies comme les autres et mettent à jour en temps réel de l‟information les concernant en

ligne, par exemple si la voiture passe de l‟état stationné à l‟état volé !

C. Alcatel vis-à-vis de l’extérieur : les standards

1. Nécessité des standards

Comme nous avons pu le voir précédemment, dans l‟écosystème télécom, un produit ne sera

accepté que s‟il suit les standards. Ceci permet en effet d‟assurer au client :

- l‟interopérabilité externe – un opérateur muni d‟un équipement Alcatel veut que son

système soit à même de dialoguer avec un opérateur muni d‟un équipement Nortel,

- l‟interopérabilité interne – un opérateur veut pouvoir s‟équiper de matériel Lucent et de

matériel Alcatel…

Le cœur de réseau est divisé en un tel nombre d‟équipement, que les opérateurs veulent

pouvoir demander une interopérabilité à de très nombreux niveaux. Une partie de l‟équipe

dans laquelle nous travaillions avait ainsi pour mission de réaliser des campagnes

d‟interopérabilité dont le but est de fournir aux opérateurs la preuve que un équipement A de

chez X et un équipement B de chez Y fonctionneront bien ensemble. Le pouvoir de

négociation des opérateurs est tel devant les constructeurs que ces derniers n‟ont d‟autres

choix que de bien interopérer à tous les niveaux. Ce type de standardisation présent dans les

télécom depuis très longtemps commence à apparaître dans d‟autres domaines. On voit ainsi

dans le secteur automobile, des interopérabilités de chocs entre différents types de véhicules.

On parlera alors de véhicule compatibles…

Mais l‟opérateur n‟est pas le seul à demander des interopérabilités. Les constructeurs doivent

aussi en mettre en place pour les équipements fournis aux entreprises. Les PABX (sortes de

centraux d‟appels pour les entreprises) doivent ainsi eux aussi interopérer entre eux. Un

téléphone d‟une marque donnée doit d‟autre part pouvoir fonctionner avec un PABX d‟une

autre marque. Tout le domaine des télécoms est ainsi sujet à des interopérabilités. Deux

causes à cela :

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- il y a co-production du service fourni ; un opérateur de télécommunication ne fournit pas

un service tout seul : dans la plupart des cas, un autre opérateur lui permet de fournir à son

abonné le service « appeler tel correspondant ».

- le produit support du service n‟est pas maîtrisé : de nombreux produits supports doivent

ainsi interagir avec l‟équipement de l‟opérateur qui demande donc à son constructeur

d‟« être capable de fournir le service quel que soit le produit support utilisé ».

Ainsi, les standards relèvent d‟une véritable nécessité.

2. Les standards : d’une contrainte à un moyen d’innover

La partie précédente nous a montré la contrainte nécessaire que sont les standards : nécessaire

pour inter-fonctionner mais contraignant vu le travail dépensé pour réussir à mettre d‟accord

une multiplicité de constructeurs et à tester que les machines inter-fonctionnent bien. Derrière

ces coûts d‟appartenance à ces standards,

Comme nous avons pu le voir depuis le début, l‟écosystème d‟Alcatel est entrain d‟être

modifié très fortement. D‟un partenariat avec des constructeurs automobiles à une

concurrence avec les constructeurs informatiques, la modification des domaines d‟activité est

telle que maintenir une veille sur tous ces marchés va devenir une exigence afin de rester

maître des technologies à venir.

Comme nous l‟avons vu précédemment, l‟innovation doit souvent passer par des standards

pour s‟imposer ; être présent dans un standard signifie donc être dans les premiers à réfléchir

sur une proposition d‟innovation faite par un concurrent ou assurer une large audience à une

proposition d‟innovation. Cela procure ainsi un gain non négligeable en terme d‟apprentissage

de nouvelles technologies et de temps pour les mettre en œuvre. Etre dans les standards qui

innovent véritablement est donc maintenant une vraie nécessité. Le choix des standards fait

donc partir des choix stratégique à effectuer par l‟entreprise ; comme les entreprises, les

organismes de standardisation se font concurrence. Il est alors important de se demander quels

standards sont véritables forces de propositions.

Si on s‟intéresse aux services évoqués dans la partie précédente, on voit que les standards en

jeu sont plus des standards du monde Internet que du monde des télécoms. Peut-être qu‟il

serait donc intéressant qu‟Alcatel participe à des organismes de standardisation du web :

IETF, W3C… Etre présent dans ces groupes permet bien sûr de participer à l‟actualité

technologique mais aussi d‟identifier les groupes de travail pertinents et les alliances qui

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permettront à l‟entreprise de bien se positionner sur le marché. A l‟heure où 55% de

l'innovation des grandes entreprises américaines provient de sociétés extérieures, il paraît

ainsi pertinent de considérer comme stratégique l‟identification d‟acteurs ayant des

compétences particulières, activité facilitée par la participation à des standards…

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CONCLUSION

Pour pouvoir s‟imposer dans les marchés du futur et être un acteur présent sur le front de

l‟innovation, nous avons essayé dans cette étude de fournir différentes pistes d‟exploration sur

des sujets extrêmement prometteurs.

De notre problématique initiale sur l‟UMTS, nous avons vite élargi notre champs d‟action

pour pouvoir observer le système plus vaste dans lequel se situait l‟entreprise. Il est vraiment

à la croisée des chemins de convergence entre l‟informatique et les télécoms qui se

concrétisent, au moins techniquement, avec l‟absorption progressive de la téléphonie au sein

des technologies Internet.

Le monde des réseaux de demain sera celui de l‟Internet Protocol, technologie conçue pour

s‟abstraire du mode de transport sous-jacent et pour offrir un maximum d‟intelligence aux

extrémités. Dans ce contexte, l‟UMTS apparaît ainsi comme une technologie d’accès de plus

parmi le foisonnement actuel autant en filaire (ASDL,VDSL, Giga Ethernet…) que dans le

sans-fil (UMTS, CDMA2000, 802.11b/g/a/n, Wimax, 802.20), toute cette complexité étant

masquée par l‟unification au niveau réseau de l‟IP.

Ainsi, si nous n‟avons pas beaucoup parlé de l‟UMTS tout au long de ce rapport, c‟est tout

simplement parce qu‟il s‟inscrit au niveau technologique des couches basses. Or les services

aux utilisateurs reposent sur les applications se situant au dessus de ces protocoles. Elles sont

donc ainsi fortement indépendantes du réseau sous-jacent. Notre champs de vision des usages

a donc préféré éviter de se restreindre à cette élément singulier.

Dans cette optique, la différence entre réseau privée et réseau d‟opérateurs, notamment dans

les équipements qui sont ou peuvent être livrés, se rétrécit de jour en jour.

La position stratégique d‟Alcatel nous paraît ainsi difficilement tenable sur le long terme dans

ce découpage entre entreprise et opérateurs car la position derrière ceux-ci empêche

l‟entreprise d‟innover rapidement, à la fois car elle doit souvent prouver deux fois la qualité

de ces produits (à l‟opérateur et au client final) et que les opérateurs imposent un niveau

d‟interopérabilité tel que le recours au standard est systématique et empêche les entreprises les

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plus innovantes de se détacher de ces concurrents, ou au moins, pour exploiter les rentes

d‟innovations des pionniers.

Or, comme nous l‟avons dit, dans le monde IP, les services et applications sont fortement

indépendantes du réseau et ainsi ne nécessiterait pas le recours aux opérateurs. Il reste que la

structure du chiffre d‟affaires actuelle de l‟entreprise lui interdit de se mettre trop en

concurrence avec les opérateurs sur le terrain des applications et des services, ses revenus

dépendants trop fortement des ventes de réseaux aux opérateurs. De plus, Alcatel n‟a jamais

été réputé pour vendre des services et des produits aux clients finaux et ne peut pas rivaliser

sérieusement avec la force commerciale et marketing des opérateurs.

Aujourd‟hui, cette ambiguïté de positionnement, bien que limité jusqu‟ici, se traduit par des

incohérences manifestes qui risque géner la croissance de la firme sur des segments porteurs.

La VoIP représente un exemple tout à fait saisissant. En effet, sur ce marché, Alcatel

s‟intéresse aussi bien aux opérateurs qu‟aux entreprises. Or, les discours tenus sont

radicalement opposés : alors que l‟on promet des revenus supplémentaires aux opérateurs, on

tente de séduire les entreprises par un discours foncièrement orienté sur la réduction des coûts

drastiques que les entreprises payent…aux opérateurs !! On voit mal comment maintenir sur

le long terme une position aussi équivoque.

De la même façon, la convergence vers l‟IP entraînera rapidement la convergence des offres

fixes-mobiles pour former des acteurs globaux capables de fournir une connectivité IP

indépendante des réseaux d‟accès. Or, les technologies d‟accès du fixe et du mobile sont

encore fortement différentes : chaque équipe imagine donc construire la future convergence à

partir de ces propres technologies. Là encore, nous assistons à des guerres de clans dans

l‟entreprise entre partisans du fixe et du mobile. Ce combat est à mettre en perspective avec

des données politiques car l‟abandon progressif des technologies du téléphone fixe entraîne

un quasi chômage technique pour beaucoup de salariés qu‟il faudra occuper d‟une façon ou

d‟une autre.

Ces deux exemples montrent l‟extrême fragilité du découpage actuel de l‟entreprise ou des

tensions se font jour, autant entre divisions opérateurs et entreprises qu‟entre opérateurs fixes

et mobiles.

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Pour surmonter ces difficultés, l‟approche par les services et les usages du futur que nous

avons exploré durant notre mission doit prévaloir. Elle doit surtout selon nous s‟appuyer sur

trois arguments :

Résoudre le problème du trade off entreprise / opérateur : pour cela, nous avons été les

promoteurs du modèle d‟Application Service Provider pour développer le marché dit

des Managed Services. Dans cette optique, Alcatel se pose en facilitateur technique et

intégrateur de bout en bout des solutions techniques et va même jusqu‟à héberger sur

ce plate-formes techniques les applications de services. Dans ce modèle, l‟opérateur

non expert technique n‟a plus qu‟à s‟occuper de la partie commerciale du service

proposé et s‟appuie sur Alcatel pour la technique. Ce modèle tient comte du fait que le

monde IP est un réseau complètement horizontal et donc ne repère pas de différences

entre une machine locale et un élément placé chez un partenaire. Sur le marché des

entreprises, en positionnant les opérateurs comme Front-office des offres de Managed

Service, Alcatel s‟offre des partenaires commerciaux de choix. Ce modèle prometteur

a été par exemple déployé pour le réseau Wifi de Bouygues où Alcatel a battu IBM et

Cisco.

Mettre en place des structures actives mêlant veille technologique et capacité

d‟intégration au sein des R&D afin de raccourcir le temps de mise sur le marché de

nouvelles offres de services. Ces équipes nous sont apparues essentielles pour pouvoir

combler le trou qui peut parfois exister entre le très amont des départements R&I et le

développement R&D, qui ne se soucie pas de questionner tel ou tel choix de

fonctionnalités une fois le process engagé. C‟est dans ce type d‟environnement

émergent que nous avons évolué. Cette structure aura néanmoins besoin de l‟appui des

responsables plus haut placés car, comme nous l‟avons expérimenté, il n‟est pas

toujours évident de bénéficier de la légitimité nécessaire pour bousculer les habitudes

de groupes qui n‟appartiennent pas à la même division.

Développer une action beaucoup plus forte dans les standards, en privilégiant le

monde Internet au télécoms. Dans l‟avenir, il nous semble donc beaucoup plus

instructif d‟agir à l‟IETF , à l‟IEEE ou au W3C plutôt qu‟à l‟ITU ou l‟ETSI.

Il nous paraît enfin essentielle de mener une réflexion de fond sur le mode des compétences

fondamentales que maîtrisent l‟entreprise afin de se positionner efficacement par rapport aux

géants de l‟informatique comme IBM, Microsoft ou Cisco. Réfléchir sous cet angle nous a

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permis d‟identifier une compétence « savoir fabriquer des machines respectant la règle des

cinq neuf » qui est typiquement aujourd‟hui utilisé seulement auprès des opérateurs, ceux-ci

ayant été les clients nécessitant cette prouesse technique. Voir IBM promouvoir l‟autonomic

computing, concept ressemblant terriblement à notre compétence fondamentale, ne peut que

nous encourager à la développer sur d‟autres cibles, en privilégiant une logique inside-

outside, pour séduire des clients susceptibles de rechercher des équipements puissants et

robustes.

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