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Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

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Le Mathnawî de Djalâl-od-Dîn Mohammad Mawlawi de Balkh, célèbre en Occident sous le nom de Rûmî, surnomme Mawlânâ (notre Maitre), l’un des plus grands génies mystiques de tous les temps, est sans conteste l’un des sommets de la littérature universelle et, pourrait-on dire, l’un des livres sacres de l’humanite.

Comment définir cette œuvre monumentale de cinquante et un mille vers (25 630 distiques) ? Une somme spirituelle, une comédie humaine et divine, l’apogée de la poésie mystique musulmane, une œuvre à laquelle ne manque aucun élément nécessaire à une étude générale sur la vie, la pensée et l’origine de l’être humain ?

Et comment présenter le Mathnawî ? S’agit-il d’un livre de poésie, d’un système philosophique, d’un commentaire général de la théologie islamique, d’une doctrine métaphysique, d’un exposé de la pensée et de la vision mystiques ?

Ou bien encore est-ce une étude approfondie de la psychologie, et notamment un document inégalé sur la psychologie sociale de son époque, l’enseignement d’un maitre spirituel et une méthode pédagogique extrêmement subtile ?

Sans nul doute, il ne s’agit ni de l’un ni de l’autre, mais plutôt d’une étude synthétique de tous les principes que nous venons de mentionner.

Mathnawî - Rûmî

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MATHNAWÎ

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Djalâl-od-DînRûmî

MATHNAWÎ

LaQuêtedel’Absolu*

LivresIàIII

traduitdupersanparEvadeVITRAYMEYEROVITCH

etDJAMCHIDMORTAZAVI

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Titreoriginal«Mathnawî»

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Tousdroitsdetraduction,dereproductionetd’adaptationréservéspourtouspays.©1990,2004,ÉditionsduRocher©ÉditionsduRocher,2014pourlaprésenteédition

ISBN978-2-26807-554-9ISBNepub:978-2-26808-241-7

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Avertissementaulecteur

LescitationsextraitesduQor’ânsontenitaliquesdansletexte,etleursréférencessontindiquéespardesnotesenfindechaquelivre.D’autresnotesenbasdepageéclairentlesensdecertainsmotsouexpressionsrencontrées.Enfinontrouveraenfind’ouvrageunglossairegénéraldestermesreligieuxouphilosophiquespersans.

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NTRODUCTION

LeMathnawîdeDjalâl-od-DînMohammadMawlawideBalkh,célèbreen Occident sous le nom de Rûmî, surnommeMawlânâ (notreMaitre),l’undesplusgrandsgéniesmystiquesdetouslestemps,estsanscontestel’undessommetsdelalittératureuniverselleet,pourrait-ondire,l’undeslivressacresdel’humanite.Comment définir cette œuvre monumentale de cinquante et un mille

vers(25630distiques)?Vnesommespirituelle,unecomédiehumaineetdivine, l’apogéede lapoésiemystiquemusulmane,uneœuvreà laquellenemanque aucun élément nécessaire à une étude générale sur la vie, lapenséeetl’originedel’êtrehumain?EtcommentprésenterleMathnawî?S’agit-ild’unlivredepoésie,d’un

système philosophique, d’un commentaire général de la théologieislamique,d’unedoctrinemétaphysique,d’unexposédelapenséeetdelavisionmystiques?Ou bien encore est-ce une étude approfondie de la psychologie, et

notammentundocumentinégalésurlapsychologiesocialedesonépoque,l’enseignement d’un maitre spirituel et une methode pédagogiqueextrêmementsubtile?Sansnuldoute, il ne s’agit ni de l’unni de l’autre,maisplutôt d’une

étudesynthétiquedetouslesprincipesquenousvenonsdementionner.Toutd’abord,aupointdevuepurementpoétique,bienqu’onnepuisse

considérer IeMathnawî toutentiercommedebeautéégale, il s’y trouvedespassagesquicomptentparmi lesplussublimespoemesmystiquesdela littérature persane. Il ne serait pas réaliste de s’attendre à ce qu’uneœuvre aussi considérable soitd’un niveau littéraire identique ducommencement à la fin. D’un livre traitant de sujets variés,philosophiques, théologiques et psychologiques, il est normalqu’apparaissentcertainesdifférencesentrelescinquantemilleversdontlacompositions’étalesurdesannées.Quantauxconceptionsphilosophiquesetmétaphysiques,noustrouvons

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dansleMathnawîunsystèmeprofondetcompletqui,unefoisdéchiffré,peutêtretenupourl’undesplusimportantsdumonde.Onpeutyreconnaîtreunchoixdenotionsdéjàconnues,parexemple,

celles de la philosophie grecque, auxquelles viennent s’ajouter deséléments doctrinaux originaux. Même les conceptions qui ont pu êtreinfluencéespardesidéesantérieuressontexposéesdansunstyleetselonuneméthodelesrendantbeaucoupplusaccessiblesetcompréhensibles.Ainsi, leMathnawî commence par une évocation de la pensée néo-

platonicienne sous la forme du chant d’un pipeau qui se lamente de laséparation d’avec sa patrie spirituelle. La philosophie de Platon existepartout dans le Mathnawî1. Mawlânâ accorde une grande place à lamaïeutique socratique2, sa doctrine personnelle étant plus éloignée desidéesaristotéliciennes3.Mais la pensée créatrice de Mawlânâ ne s’arrête pas là. La base

essentielle en est la croyance en l’Unité de l’Existènce (wahdat-e-wudjud) : l’esprithumainest séparédesonoriginepar l’individualitédesonêtreprovisoire,aussiéprouve-t-illanostalgieduretouràsasourceetdel’unionavecelle.C’estainsiquelesthèmesdel’exil,del’oubli,deladescenteoccupentunegrandeplacedanscettevisiondumonde.D’autrepart, lahiérarchiedes émanations successivesde la raison est

expliquée,depuislaraisonpure(ouraisonuniverselle)jusqu’àsadixièmeémanation4, qui est intermédiaire entre le monde divin et le mondephénoménal5.Encequiconcernelaraison,lamatièreetlaforme,Mawlânâ,àl’instar

delaphilosophieislamique,admetcertainesidéesd’Aristote6;mais,pourcequide l’esprit etde l’âme, il se révèleplusprochede lapenséenéo-platonicienne7. C’est après la dixième émanation de la raison que lesraisonspartielles8etlesêtresviennentaumondedel’existence9.L’espritrecèleluiaussidesaspectsmultiples,maiscequireprésentela

partie divine de l’homme10 est ce qui importe avant tout à Mawlânâcommeàtouslesmystiques11.Laphilosophiemusulmaneparledevingt-quatrecatégoriesd’âmes,maisc’est l’âmecharnelle12dont il est surtoutquestiondansleMathnawî;elleconstitue,eneffet,leplusgranddangeretl’obstacle le plus grave pour le chercheur sur la voie de la Réalitésuprême.C’estellequiégareleshommes,mêmesincères13.Pour Mawlânâ, la forme est la manifestation d’une multiplicité

apparenteauseind’uneExistenceabsolumentunique14.Ce qui, dans les écrits de Mawlânâ, suscite le plus d’étonnement,

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concernel’atome.NoustrouvonseneffetdansleMathnawîunethéoriedelaphysiquenucléairecomparableàcellequiavait coursdans lesannéesquarantedenotresiècle.Cequ’ilenditn’arienàvoiraveclaphilosophiegrecque — celle de Démocrite, par exemple — non plus qu’avec laphilosophieislamique.Onnesaitcommentexpliquercetteconnaissanceetcet intérêt de Mawlânâ pour l’atome et la force nucléaire, totalementignorés,nonseulementàsonépoque,maisendestempsultérieurs.Ilparled’un monde constitué d’atomes15 qui se meuvent selon un mouvementperpétuel. Unmonde immuable et statique est dépourvu de réalité. Cesatomes sont reliés entre eux par une gravitation universelle16.Mawlânâaffirmeque l’apparence immobilede cequi existen’est qu’une illusion.Rreprenantlesthèmesd’Héraclite,ilcomparelemondeàunerivièrequisemble ne pas se mouvoir, mais dans laquelle l’on ne peut jamais sebaignerdeuxfoisdanslamêmeeau17.Onapeineàcroirequecegéniepouvait,auXIIIe siècledenotreère,

évoquerlapuissancedelaforcenucléairedéchaînéesionlalibère18.C’estainsiqu’ilécrit:

«Ilestunsoleilcachédansunatome:soudain,cetatomeouvrelabouche.«Lesdeuxet laterres’effritentenpoussièredevantcesoleil lorsqu’il

surgitdel’embuscade19.»

L’undesprincipesdebaseduMathnawîestladialectique.Dansl’histoiredelapenséeoccidentale,elleseprésentesousdeuxaspectsfondamentaux.

Tout d’abord, la dialectique selon Platon, qui remonte de concept enconcept etdepropositionenproposition jusqu’auxconceptsgénérauxetenfinauxprincipespremiers20.C’estunmouvementdel’espritquis’élèvedessensationsauxidées.D’autre part, une dialectique qui, au XXe siècle, sera appelée la

dialectique de type hégélien. Démarche de la pensée conforme audéveloppementmêmedel’être,elleconsisteessentiellementàreconnaîtrel’inséparabilitédesdonnéescontradictoires.Ladialectiqueexposéedans leMathnawî est trèsétendueetcomporte

les deux catégories que nous venons d’indiquer. On peutmême trouverune idée semblable au principe de la triade hégélienne (thèse, antithèse,synthèse21).Mawlânâdéclare:«Lavien’estquel’harmoniedescontraires;lamort

provientdecequ’ilsentrentenconflit22.»Ilditquelemondedel’esprit

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et lemondedivin sont impérissables et éternels,parcequecemondenerésultepasdelasynthèsedesopposés,àl’inversedecequ’ilenestpourlemondephénoménal23.Mawlânâ insiste toujours sur la généralité du principe des opposés.

D’autrepart,ilmetàplusieursreprisesl’accentsurl’idéedu«deve-nir»,paroppositionaumondestatique,etconsidèrel’êtrecommeunesériedechangementsperpétuelsetsuccessifs24, lepassaged’unétatàunautreetd’unniveauàunautre.Ilrecourtàladialectiqueentantquemaïeutiquedel’esprit25dansdes

intentions didactiques et éducatives, à peu près selon la significationclassique et première du terme, c’est-à-dire l’art du dialogue etl’enseignementpardemandesetréponses.La majorité des contes et des fables du Mathnawî illustrent cette

méthode dialectique, et les idées, contradictoires mais conjointes, sesuiventl’uneaprèsl’autredanslabouchedesacteursdescontes.Attitudecaractéristique, durant toute la discussion, Mawlânâ reste impartial : ilavancedes arguments en faveurdesdeuxcôtés, desdifférentes idées, etdéfendlesdeuxthèsesreprésentéesaveclamêmeardeurques’ils’agissaitde sa conviction personnelle26. C’est la raison pour laquelle certainscommentateurssesontparfoistrompéssursespropresidéesetdoctrines.Il est d’ailleurs assez difficile de comprendre et saisir les convictions

personnelles deMawlânâ. Parfois, en effet, il énonce une idée qu’il nedéveloppe que quelques milliers de vers plus tard ; nombre decommentateurs ont ainsi conclu à une certaine contradiction dans sesopinions.En réalité, l’association des idées et la dialectique ne s’interrompent

jamais.Aucontraire,ilexistedesquestionsetdescontesqui,commencésdanslepremierlivre, trouventleurachèvementdanslesixième27.Entre-temps,beaucoupd’autreshistoiresetd’autressujetsontététraités.Cette habitude de Mawlânâ de ne jamais interrompre la succession

logiquedesespenséesaconféréuncaractèresynthétiqueàsonMathnawî.C’est une caractéristique importante de cetteœuvre et de laméthodedeMawlânâqu’aulieuderédigerplusieurslivressurdifférentssujetsilenaitconçuunseulsurtoutcequ’iltrouvaitnécessaired’expliquer.Mawlânâneprésentepasdejugementscatégoriquesetabsolusàpropos

desprincipesdont ilparle ; il évitede seposerenarbitreet laisseà seslecteurslalibertéduchoixentrediversessolutions.Mais,bienentendu,illesguidepourenarriverà laconclusionqui luisemble juste.Oubien il

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fournitdespreuvesetdesargumentsd’égalevaleurconcernantdeuxidéescontradictoires:ilproposealorsunesynthèseentrelathèseetl’antithèse.C’estavecuncharmeextraordinairequeMawlânâexpliqueetraconte,

sans tomber dans le piège des mots et des expressions techniques dulangagephilosophique.Ladifficulté,pour lecomprendrepleinement,estlanécessitéd’êtrefamilieravecsonmoded’expressionetd’êtreconscientqu’il traiteplusieurssujetsà la foisenunseulconteetmêmeparfoisenuneseulephrase28.Ensefondantsursaconceptiondumouvementsubstantieletsonrefus

d’uneexistencestatique,Mawlânâdéfendlathèsedelacréationcontinue,quel’ontrouvequelquessièclesplustardchezlescartésiens29.SelonluiDieumaintientlemondedansl’existencecommeIIl’acréé.Iln’enestpasseulementlacauseexistentielle,maisaussilacausepersistante.Mawlânâ déclare qu’à chaque instant le monde et nous-mêmes

retournons au néant, et que c’est le souffle divin qui nous fait revenir ànouveauà lavie.Lacontinuitén’estqu’uneapparenceet lastabilitédeschoses n’est qu’une illusion. Il compare cette continuité à un cercleproduit par le mouvement circulaire d’un tison de feu que l’on faittourner30.Cesbrèvesindicationssuffisentàmontrerl’étendueetlaprofondeurdu

systèmephilosophiquedeMawlânâ.Pourtant, ilatoujoursmanifestésonmépris à l’égard des philosophes et son désaveu des idées discursives.Toutefois, leMathnawîmontre clairement que les critiques deMawlânâsont plutôt dirigées contre leKalam (la scolas- tiquemusulmane) et cesontcesscolastiquesquisontvisés31.D’ailleurs, toutenconnaissantfortbien la philosophie grecque et la pensée musulmane— que ce soit leKalam, la théologie ou la philosophie officielle—,Mawlânâ n’en restepas là et recherche également la vérité par d’autres moyens32. Il dittoujoursqu’onnepeutpascomprendrelavéritésuprêmeetlaréalitédeschosesparlaphilosophieniparlaraison,etilcritiquetrèsfermementlaraison discursive et les données fondées sur sa puissance et sonjugement33.Cette raisondiscursive est la raisonpartielle et humainequi n’est pas

illuminée par la grâce et la lumière divines34 ; il l’appelle la raisoncharnelle35.Al’inverse,laraisonspirituelle,reliéeàlaRaisonpure,estlapartielaplusimportantedel’êtrehumain.Concernant la raison partielle, Mawlânâ n’est pas d’accord avec les

mu’tazilites37,quin’admettentpasdedifférencedenatureentrelesraisons

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deshommes;ilconsidèrequeladifférenceetladistanceentrecesraisonssontplusgrandesqueladistanceentrelaTerreetleSoleil38.Maisd’oùprovientcettedifférenceentre les raisonshumaines?C’est

qu’elles sont captives de l’âme charnelle et influencées par elle à desdegrésdivers.Ainsi l’hommepeut-il tomberdans l’abîmedeTignoranceetdeserreurs39:plusl’âmecharnelleestforte,etpluslaraisonhumaineestfaible40.Comme nous T avons dit, seule une raison illuminée par la lumière

divineestsusceptibledepuiserdirectementàsasource,alorsquelaraisondiscursivesefondesurletémoignagesouventtrompeurdessens.Dèslors,comment les philosophes pourront-ils résoudre les problèmes del’humanitéetrépondreauxquestionsqu’ellesepose,puisquelesmoyensqu’ilsemploientsontincapablesd’yparvenir:lesdonnéessensoriellesnesontpasfiables41etlaraisondiscursivenepeut,ellenonplus,atteindrelaRéalité suprême. Ils tourneront éternellement autour des sujets, la véritén’ayantrienàvoiraveclesformesapparentes42.Que faut-ildonc fairepourparvenir àuneconnaissance réelle?Nous

trouvonschezMawlânâunenseignementmystiqueextrêmementprofond:même les sens physiques peuvent être protégés et aidés par la grâcedivine,et ilscessentalorsdenous induireenerreur.Leshommesde foiregardent et voient par la Lumière de Dieu43. L’œil physique estcomparableàuncheval,et laLumièredivineàuncavalier44.Si c’est lecavalier qui dirige le cheval, il avancera sur le droit chemin, sinon ils’égarera.En dehors de ses cinq sens extérieurs et physiques, l’homme possède

cinq sens internes ; l’importance de ces derniers est primordiale pourMawlânâ45. Il les appelle « sens spirituels », par opposition aux senscorporels.Cessenssontalimentésetilluminésparlemondeinvisibleetlagrâce divine. C’est par cemoyen qu’on peut obtenir l’illumination46, ledévoilement47, lavisionmystique48 et l’inspirationdivine49, ainsique laconnaissancemystique50,lajusteconnaissancedelaRéalitésuprême.Pour fortifier ces sens intérieurs, il faut affaiblir les sens extérieurs ;

pouravoiruneraisonspirituelle, il fautdépasser laraisoncharnelleet laraisondiscursive.Afind’yparvenir,ilestnécessaired’essayerd’anéantirnotre individualité et notre moi personnel. Mais il ne s’agit pas del’anéantirphysiquement;aucontraire,ondoitprofiterdecetteexistenceprovisoirepourannihilerson«moi»dansle«Soi51»unique,notreêtredansl’Être,c’est-à-direarriveràl’étatdeFanâ52.

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Celanesignifiepaspourautantqu’ilconvientd’êtretoutàfaitpassif.Bienaucontraire.Ilnes’agitpaslàdepassivité,maisplutôtd’uneactionintérieure : non pas d’un anéantissement absolu du « moi », maisl’annihilationdu«moi»en«Lui»,oubien laconjonctiondu«moi»personnelavecle«Soi»universeletunique,uneunificationdesactionsetdelavolontéaveclavolontédivine53.Les instincts corporels et la raison charnelle font de l’homme un

pécheur,unégaré,unincroyantetlecondamnentàdescendreaudegréleplus bas du monde matériel. Si nous parvenons à unir notre volontépersonnelleetnotreraisondiscursiveàlavolontédeDieu,ilnenousserapaspossibledenous trompernid’êtreégarésparnotreâmecharnelleetnotreraisondiscursive.Mourir avant de mourir54 est un sujet très cher à Mawlânâ. Dans le

Mathnawî, il parle à plusieurs reprises de lamortmystique, lamort dupetit « moi55 » avant que nous frappe la mort fatale du corps56. Il asouventévoquélanécessitédeTannihilationdu«moi»etlapersistancede«Lui57»en«Moi58».IlparlesouventdeMan-sourHallâdj59etcitel’undesespoèmes:

«Tuez-moi,ômesamis!Carc’estdanslamortquesetrouvemavie,etc’estdanslaviequ’estmamort.

«Enfait,mamortestdanscettevie(d’ici-bas)etmavieréelleestdanslamort(d’ici-bas)60.»

MawlânâexpliqueaussietdéfendlacélèbreparoledeHallâdj:«JesuislaVéritésuprême61»,parolequifutlacausedesonsupplice.

MaisquellesortedemortMawlânâpropose-t-il?Mansoural-Hallâdjdisait:«Tuez-moi,ômesamis!»cequifutfaitparsesennemis.C’étaitdonc une mort physique. Est-ce donc la suppression de notre être ?Sûrementpas,carpourpouvoirréclamerlamortphysique,ilfautd’abordavoiratteintleniveaudeHallâdj,c’est-à-direprononceruneparoledelapartdeDieu.Car,enfait,cen’étaitpasHallâdjquiproclamait:«Jesuisla Réalité suprême », c’était Dieu qui parlait par sa bouche. Sapersonnalité,sonêtreindividuelétaientannihilésenLui.Hallâdjnedisaitrien,c’étaitlaVéritésuprêmequiaffirmait:«C’estMoi»,carilnerestaitrien chez lui (Hallâdj). C’est là le niveau le plus haut. En effet, si lesgrandsmystiquesparlentde«Lui»,endisantqu’iln’yarien,saufLui,ilsnesontpasparvenusàl’annihilationabsoluedonttémoigneHallâdj,parce

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que, dans l’état qui est le sien, Dieu parle par sa bouche à la premièrepersonne.Danscetétatdefanâ,d’annihilationtotaledel’egodansl’Absoludivin,

ilestnormaldeconsidérerlemondecommeuneprisonetlecorpscommeune cage62 ; la mort est dès lors considérée comme une libération, uneouverture ou une fenêtre vers la félicité et la béatitude. En revanche, sil’on n’a pas atteint un tel niveau, il faut profiter de cette vie provisoirepouraccomplirsamissionetsublimer l’espritquiestsalipar labouedumondeterrestre63.Dans leMathnawî, Mawlânâ explique la parole de Hallâdj en disant

que,contrairementàcequecroyaientlesignorants,ellen’étaitpasdueàla croyance en une incarnation divine en l’être humain ni à l’union del’hommeavecDieu64.LorsqueHallâdjdisait«Jesuis»,puisquecen’étaitpasluiquiparlait,ilnedemeuraitpasdeuxentitésdistinctesquipuissentêtre incarnées ou unies65. L’incarnation et l’union présupposent unedualité,orHallâdjétaitannihilédansl’Unitéetl’Unique.Dire«Ana»(Jesuis)avantl’annihilationdel’êtredansl’Êtreestunevanitéperverseouunégocentrisme naïf, tandis qu’après cette annihilation, cela constitue untémoignaged’humilité.Plus nous restons attachés à notremoi individuel, plus nous sommes

captifs du monde de la multiplicité. Le seul moyen d’y échapper, c’estd’avoiruncœurpuretpolicommeunmiroir66.L’hommeesteneffetunmicrocosme67,capablederefléterlaréalitédumondeextérieur,quiestlemacrocosme68.Quelleestlasignificationmystiquedusymbolismedumiroiretdeson

polissage ? Nous retrouvons ici aussi une pensée identique à celle dePlatonetdesnéo-platoniciens.IlnousfautdonnericiunbrefschémadelapenséemétaphysiquedeMawlânâetdesaWeltanschauung.L’UnitéestlaseuleRéalité.Iln’yaqu’uneseuleExistence,Dieuetle

monde, les créatures et le Créateur ne font qu’un (wahdat-e wudjûd).Croire à un Dieu séparé du monde n’est qu’un dualisme, opposé auTawhîd (Unicité divine). La multiplicité n’est qu’une apparence, uneillusion. Le monde, le macrocosme, est semblable à l’être humain(microcosme),l’esprituniverselestsonâmeetlemondematérielestsoncorps.Laseuleréalitéexistentielle,laseuleessence,c’estl’Espritpur,laLumière des lumières, la Raison universelle, c’est-à-dire l’Etre,l’Existence absolue et unique. La nature et tout ce qui existe sont lesdifférentsdegrésetlesdifférentsaspectsdecetteExistence.

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L’espritdel’hommeappartientàcetEsprituniversel,sonindividualitéprovientd’uneséparationprovisoire.Entombantdanslacageducorps,telunoiseau,c’est-à-diredanslemondedelaténèbreetdelasouillure,ilsesentenexil:lanostalgiequ’iléprouveestcomparée,nousl’avonsvu,audébutduMathnawî,auroseaucoupédesa jonchaieoriginelle.Expatriésloin de notre origine céleste, nous l’avons oubliée, mais, dans notresupraconscience, existeune réminiscencedecetteRéalité— l’anamnèseplatonicienne—etellesubsisteratantquenousvivrons.Notre être individuel possède un échantillon de tous les aspects de

l’Existenceunique:notreesprit,notreraison(spirituelleetnoncharnelle),notre âme etmême notre corps. Il nous faut savoir comment combattrenotremoi,enapparenceintelligentetconscient,commentéveillerlapartiedivinedenous-mêmesdesonsommeildecemonde.Leplusgrandvoilequi nous sépare de notre origine est le sentiment d’être un existantindépendantetdélaisséauseind’unemultiplicitéquin’estqu’illusoire.Mawlânâdéclare dans leMathnawî que le seul but et la seule pensée

danscetteœuvre,c’estl’affirmationdel’Unitédel’Existence,etqu’iln’ya rienqueLui.Siquelqu’uny trouveautrechosequeceprincipe,ceneseraitqu’uneidole69.Ilnefautpascroireauxcouleurs70carlaRéalitéestsanscouleurs71etc’estenellequetouteslescouleursretournent.Danscettevieéphémère,notredevoirestdecomprendre,ouplutôtde

sentiravectoutnotreêtre,quenoussommesunisàl’Univers,àDieuetàtoutcequiexiste. Iln’existeaucuneséparation réelleentrenousetcetteExistenceunique,nousavonsseulementl’illusiond’êtreséparésdumondeet du non-moi72. En fait, nous sommes tombés au niveau le plus bas73,noussommesdevenuslourdsetpesants,àcausedenotrecorpsetdenotreâmecharnellequilefortifieetaccroîtsesdésirs:ilnousfautnouslibérer.Or, Mawlânâ affirme, nous l’avons vu, que le monde et l’Existence

évoluentperpétuellement.Lesêtresprogressentdepuisl’étapeduminéral,puis du végétal, de l’animal, de l’humain et enfin de l’ange, jusqu’àl’espritpur74.SurcecheminquilemènedumondedelamultiplicitéàlaRéalité suprême, l’homme, dans la station qui lui est propre, a laresponsabilité d’avancer le plus vite possible afin de parvenir à l’unionavecsonBien-Aimé75.Le signe le plus probant de cette séparation originelle est la quête

permanente de l’homme à la recherche d’un objet qu’il ignore. Cettenostalgie se manifeste comme l’amour, qui n’est en réalité qu’uneexpressionde cette soifmétaphysiquequi sedéguiseparun camouflage

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instinctifetseprésentealorssouslaformedel’amoursexuel.Or,mêmesil’amour humain constitue un commencement, il faut le transformer enamourdivin.Lebutultime,cenesontpaslesêtreséphémèresdumonded’ici-bas,maisnotrevéritableorigine.Dans le soufisme, et chez les mystiques musulmans en général, la

compréhension de l’amour humain engendre nombre de désaccords.Certainspensentquecelui-cidresse,plusquen’importequel instinct,unobstacle sur la voie menant à l’amour divin. D’autres affirment quel’amourhumainpeutconstituerunpointdedépart,maisqu’ilconvientdenepasenresterlà,cen’estqu’uneétape.Mawlânâpartagecettedeuxièmeopinion.L’amourestunétatdel’âme

quifinalementnousconduitvers l’amourdivinetnousmontrelavoie76.Maispourtantilrestetrèsprudentàcesujet77.Laquêtedel’âmeestcequiimporte78.Il déclare que la religion de l’amour est plus haute que toutes les

religions et communautés79. Il parle de l’amour avec une extrêmeferveur80etaffirmequec’estenluiseulquesetrouventlesremèdesàtousnosmaux81. C’est grâce à l’amour qu’une pierre peut s’élever jusqu’aumondedelaspiritualité82.En ce qui concerne la triade de l’amour : le Bien-Aimé, l’amour et

l’amoureux, seuls les deux premiers possèdent une réalité ; l’amoureuxn’estqu’unrefletinfimeetéphémèredelaLumièreduBien-Aimédivin.Donc,l’identitéexistentielledel’hommen’estquesonamour,l’amoureuxn’estqu’uneillusion83.L’amourestleseullien,leseulpont,quirelielemoidel’êtrehumainet

lemondedel’Unité,celuidelaDivinité.Pourfortifiercerapport,lecœuret l’esprit doivent se transmuer en un amour absolu pour la Réalitésuprême.C’estpourquoilemondeinvisiblenesedévoilequ’auxsaintsetamisdeDieu,carilsnesontqu’amourdeDieu84.Mawlânâ déclare que lemonde ne sera jamais privé de saints et que

chaqueépoquepossèdeunsaintguide,unPôle85.Étant donné les difficultés que présente la voie de l’amour et du

mysticisme, Mawlânâ conseille très fortement le choix d’un guidespirituel86,toutaumoinsaudébutdeceparcours,afinqu’ilprotègecontreles risques de s’égarer. Il préconise certaines règles à observer dans lesrapportsentrelemaîtreetsesdisciples87etlerespectabsoluqueceux-ciluidoivent.Lespeuplesaussiontbesoindeguides spirituels et lesprophètes sont

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ces guides, dont la mission consiste à montrer le droit chemin auxcréaturesdeDieu.LathéologiedeMawlânâestextrêmementoriginaleetprofonde88.Elle

se fonde sur le Qor’ân et les traditions prophétiques, et comporte descommentairesspécifiquesquiparfoiscauserontsondésaveudelapartdesautoritésreligieuses.Entoutcas,sadoctrinethéologiqueestd’uncaractèresisublimequ’on

apu assurer que« leMathnawî spirituel deMawlawî (Mawlânâ) est unQor’ânenlanguepersane,et,bienqu’ilnesoitpasunprophète,pourtantilaapportéunlivre(saint)».Onaditaussi:«SonMathnawîestcommeleQor’ânquipossèdesept

significationscachéesetenlequelilyaunalimentpourl’éliteetpourlecommundesgens89.»Mêmelesgensquin’étaientpastoutàfaitd’accordavec lui, pourtant, ont affirmé : « SonMathnawî est comme unQor’ânargumenté ; il peut être un guide pour certains, et la cause d’égarementpourd’autres90.»Certains critiques estiment que le Mathnawî est un commentaire

ésotérique du Qor’ân et des Hadith (traditions prophétiques). Mais leMathnawî recèle aussi bien d’autres choses, et l’on ne peut passer soussilencel’importancedesesconceptionsmétaphysiquesetphilosophiques.Onnepeutdonc limiterune telleœuvreàunsystèmethéologiquefondésurlescommentairesduQor’ân.Malheureusement,onn’agénéralementpas mis suffisamment en lumière son importance magistrale et sonoriginalité.Mawlânâ s’est toujours fait l’apôtre de la plus large tolérance. Seul,

selonlui,importelafoietl’amourpourunDieuunique,quiesttout,etnepeut être qu’identique dans toutes les confessions monothéistes. Lesdifférences qui demeurent n’ont aucune importance. En fait, les règlesinstitutionnelles et les prescriptions rituelles sont trop souventune caused’hostilité et de divergences entre les créatures de ce Dieu Un. Il estindifférent qu’on appelle la Réalité suprême de noms divers ; les vraisadorateurs sont tous sur le même chemin, même si les coutumesreligieusessontdissemblables.Parlebiaisdescontessymboliquesetdesparabolesésotériques,ilnous

enseignequeseull’attachementausensprofonddelareligion,c’est-à-direla foiet l’amourpouruneExistenceunique,peut rapprocher lespeuplesencréantentreeuxunclimatfraternel91.D’autrepart, ilexpliqueàmaintesreprisesquelareligionestdevenue

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pour certaines gens une habitude et une imitation dénuée de toutfondement spirituel et de foi intérieure92. Croire à quelque chose avecsincérité et amour est totalement différent d’une obéissance conformisteliéeàcertainesconditionssociales93. Ilcritique trèsvivement toutesortedefanatismeengénéraletdefanatismereligieuxenparticulier,enfaisantressortir lesconséquencesnéfastesquipeuventendécouler.DansundescontesduMathnawî, ilexpliquequel’onpuisseêtrefanatiséaupointdedonner sa vie pour une cause qui n’est pas juste94. Il dit que l’hommearriveparfoisàunétatpsychiqueoùilregardemaisnevoitpas,ilécoutemaisn’entendpas95.Lespratiquesreligieusesetlesœuvrespies,siellesnes’accompagnent

pasd’une foivéritable,n’ontaucunevaleur : cene sontquedesactionsdues au formalisme, à l’égoïsme, à l’habitude, peut-être même àl’hypocrisie96.Ilconvientdenoterquelespratiquesreligieuses,indispensablespourle

commundesgens,nesontpassuffisantespourlesmystiquesetlesélusdeDieu97.BienqueMawlânâsoitopposéà lascolastiquemusulmane, leKalam,

qu’il en nie l’utilité et la nécessité et qu’il aille jusqu’à la considérercomme une cause de retard et parfois d’erreur98, il évoque pourtant laplupart des sujets traités dans cette discipline, mais à sa façon, trèsbrièvement,etenayantrecoursauxcontesetfables,dotésdeleurcharmepropre99.C’estainsiqu’ilparleduJourdelaRésurrectionetduJugementdernier,etdesopinionsdivergentesconcernantlanaturedelarésurrection,corporelle ou spirituelle, le problème de l’éternité ou de la création duQor’ân,laprophétie,l’éternitéoulacréationdumonde,lefatalismeetlelibre arbitre, le paradis et l’enfer, etc. Évidemment, il n’y a aucuneressemblanceméthodologiqueentrecequiexistedansleMathnawîetcequisetrouve,parexemple,danslesouvragesdesmu’tazilitesetdesash’a-rites,quoiquelessujetssoientlesmêmes100.Le problème du fatalisme et du libre arbitre a spécialement attiré

l’attentiondeMawlânâetilluiaconsacréunelargeplace.Carilconstatequ’au point de vue de la responsabilité religieuse et même sociale, ceprincipejoueunrôleprimordial.Enfait,ils’agitd’undessujetslespluscontroversésetquiaengendrécertainsdésaccordschezlescommentateursduMathnawî. Les uns ont affirmé que Mawlânâ croyait au fatalisme,d’autresqu’ilinclinaitverslelibrearbitre.Du point de vue de la théologie musulmane, cette question est très

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délicateettrèsimportante,carl’acceptationdechacunedecesdeuxthèsesconstitueunesourcededifficultésetvaàl’encontredecertainsprincipesfondamentaux de l’islam. Si l’on est partisan du libre arbitre, c’estcontraire à la Toute-Puissance divine et à Son Omniscience. Croire aufatalisme,enrevanche,c’estmettreencauselaresponsabilitédel’homme.Or,ilfautrésoudreceproblème101.L’histoire du lion et des animaux102 offre une dialectique très

intéressante:l’undéfendlelibrearbitre,lesautreslefatalisme103.Il existe trois raisons qui font que les commentateurs ne sont pas

unanimesquantàl’opiniondeMawlânâàcepropos.Premièrement,selonl’habitudequenousavonsdéjàsignalée,Mawlânâ

apportedespreuvesetdesargumentsenfaveurdesdeuxparties,aveclamême ardeur et comme si, à chaque fois, il défendait son opinionpersonnelle.Deuxièmement,àcetteépoque,danslemondemusulman,ladifférence

entre le fatalisme et le déterminisme n’était pas claire104. Aussi, quandMawlânâ admet et défend le déterminisme, les commentateurs leprésentent comme une acceptation du fatalisme, et cet amalgame laisseentendrequ’ilexistedescontradictionsdansleMathnawî,car,àunautreendroit, Mawlânâ critique le fatalisme et affirmant qu’il répond à lacroyancedesignorantsetdesparesseux105.Troisièmement, certains chercheurs et commentateurs confondent la

conception de l’Unité de l’Existence, fondement de la penséemétaphysique de Mawlânâ, avec les preuves et arguments donnés enfaveurdufatalisme.Mais, en réalité,Mawlânâ ne croit ni au fatalisme, ni au libre arbitre

absolu ; il admet plutôt le déterminisme106 et affirme que l’hommepossèdeunecertainelibertédanslecadredesloisuniverselles107.Mawlânâétaitunéminentthéologienetdirigeaituneécoledethéologie.

Cependant,dèsqueleMathnawîdevintcélèbre,ilfutparfoissévèrementcritiquépardesespritsorthodoxesetsectaires.C’estlàuneloigénéraleencequiconcerne lesgrandsmystiquesetmêmecertains soufis.Les idéesquisuscitèrentleplusd’hostilitésontsurtoutliéesàsacroyanceàl’Unitéabsoluedel’Existence,àcertainesdesesopinionsàproposdelaSharîah(loireligieuse)etaussiàsapratiqueduSama’108.Il est donc normal que, dans un tel climat social,Mawlânâ, à l’instar

d’autres mystiques, ait conseillé de « garder le secret109 », de ne pasdivulguer les secretsmétaphysiques etmystiques à ceuxquine sontpas

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capablesdelescomprendre.C’est la raison pour laquelle Mawlânâ déclare que les propos du

Mathnawî comportent des significations multiples et cachées. Le sensexotérique est pour le commun des gens et les esprits non initiés110. Aplusieursreprises,ildit:«Jecessedeparleràcesujet,carilpeutexisterdesespritssectaireset ignorants ;enparlantdecertainssujets, ilnefautpaslesexposerouvertement111.»LanécessitédecacherlesmystèresdelaRéalitésuprêmeàceuxquine

peuventlessaisirconduitàutiliserunlangagesymboliqueetésotérique:nousavonsvuqueMawlânâévoqueseptsignificationssuperposéesdansleMathnawî. La caractéristique essentielle de cette œuvre sera donc unsymbolismetrèsricheettrèsprofond.Enréalité,ilexistedeuxniveauxdistinctsdansleMathnawî:unniveau

symbolique et un niveau explicatif. Mais tous deux comportent desnotionsésotériques:ainsi,unversparleenapparencedelasincéritéentrelesamis, toutenrecélantbeaucoupd’autressignificationsmétaphysiquesetthéologiques112.D’ailleurs, ces significations ésotériques se situent elles-mêmes à

différentsniveaux,etserattachentàplusieursconceptsmétaphysiquesetphilosophiques.Nous avons donné quelques exemples du symbolisme dans le

Mathnawî113,maisnousjugeonsutiled’entraiterplusexplicitement.L’undesplusbeauxsymbolismesestceluidelamort.Nousavonsdéjà

suffisammentparlédelamortmystique;c’estde lamortphysiquequ’ilvaêtrequestionàprésent.Mawlânâ dit que le corps est comparable à une femme enceinte de

l’enfantqu’estl’esprit.Lamortestladouleurdel’accouchement.Aprèssaviecorporelle,l’espritretourneaumondeinvisiblequiestsonorigine114.Cela ne représente qu’un distique du Mathnawî, mais on pourrait

rédiger des volumes sur tous les thèmes qu’il évoque115. Il convient denoterque,lorsqu’ilestparléicidelavie,danslamajoritédescasils’agitde la vie après lamort.Quant à cette dernière, il peut s’agir de lamortmystique ou de lamort physique. La Résurrection peut elle aussi avoirdifférentes significations, tantôt elle désigne le réveil de l’esprit del’homme avant son trépas, tantôt le Jour du Jugement dernier quireprésente également la fin du monde de la multiplicité et le retour àl’Unité.L’un des termes symboliques fréquemment utilisés dans leMathnawî

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estlenomduperroquet.Selonlecontexte,ilvarevêtirdessensdifférents.Parexemple,dansunconte116,leperroquetdésignelechercheurmystiqueetlemaîtrespirituel,alorsquedansunautreilreprésentel’hommenaïfetimitateur117. L’une des difficultés pour comprendre leMathnawî résideprécisémentenceschangementsdesignificationsymbolique.Lelionreprésenteparfoislenafs,l’âmecharnelle118,maisparfoisaussi

les saints et les amis de Dieu119. Le renard incarne la ruse, la malice,gagnantenapparence,maisperdanttoujoursàlafin,car,nidanscemonded’ici-bas,nidansl’au-delà, lafourberieneservirajamaisàrien;cesontlesgenssimplesetsincèresquiréussiront.Lefaucon,c’estl’espritdel’homme,exilédanscemondedeténèbres,

prisonnier loin de son roi120, c’est-à-dire de Dieu, de l’Être. La flèchedésigne lapenséequi traversenotreesprit ; le trésorcaché, représente lesecret de notre origine, la nostalgie que nous éprouvons pour elle, etfinalement l’amour divin. La découverte de ce trésor caché, c’est laconnaissancedesoi.LesoleilestlaRéalité,lavéritééclatante;celuiquine lavoit pasn’est qu’un aveugle.Lamer est le symbolede l’Unité, etl’écume celui du monde phénoménal, de la multiplicité. Les vagues nesontquedel’eauet lemouvementdecetteeau;pourtant,enapparence,ellesontuneexistence individuelle, alorsqu’endehorsde l’existencedel’océan,ellesnesontriend’autrequedel’eauetuneillusion.Le chemin, c’est la Voie mystique ; le voyageur, le chercheur de la

Véritésuprême.Saréussitespirituelleestcomparableàlatrouvailled’unequantitéd’or.Uneinterprétationfautivedel’undescontesduMathnawî,autempsde

Mawlânâlui-même,etlescritiquesquienrésultèrentl’obligèrentàajouterquelquesvers, en expliquantque seuls les ignorants comprendraient quel’or dont il est question dans ce conte désigne un métal, une richesseterrestre, alors que, bien au contraire, il s’agit d’une découvertemystique121.Cen’estd’ailleurspasleseulcasoùnousvoyonsMawlânâcontraint de s’expliquer, de se défendre contre les attaques des espritsbornésetsectaires.Il est malheureusement impossible d’aborder tous les éléments de ce

symbolisme.Aussidevons-nousnouscontenter,pourterminer,derappelerle symbolisme de l’échelle, dont chaque échelon indique une étape, unestationduparcourssurlaVoie.MawlânâamêmecomparésonMathnawîàuneéchellequ’ilfautplacersoussespiedspours’éleververslemondedelaspiritualité.

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Ladifficultéducommentaireestplusgrandeencorelorsqu’ils’agitdecontesésotériques.Danscedomaine,lessignificationscachéesdépassentleslimitesd’unsymbolismedéchiffrable.Par exemple,Daquqî122 vit, au cours d’un voyage au bord de lamer,

sept chandelles qui se réunissaient et devenaient une seule, puis seséparaient et devenaient sept. Elles se sont ensuite transformées en unelumière,quis’unissaitpuissedivisaitensept.Ensuite,ellessechangèrenten sept hommes qui devenaient un seul, puis se transformaient en septarbres,quiàleurtourdevenaientunseulpuisseséparaient.Etrangement,desgenspassaientdevantcesarbresetnelesvoyaientpas.Contrairement aux autres contes, Mawlânâ ne donne pas ici de

commentaire ni d’explication claire123. On peut dire pourtant que cettehistoire ésotérique veut montrer la réalité de l’Unité de l’Existence etl’irréalité de la multiplicité apparente des choses. Il veut nous fairecomprendrequetoutcequiexiste,depuislesêtresinanimés,lesvégétaux,les animaux, jusqu’aux hommes et à la lumière, provient d’une origineunique.Nousnepouvons,bienentendu,nouslivreràuneétudeexhaustived’untexteauxallusionsaussimultiples.Uneautreanecdote,quiasuscitébeaucoupdecontroverses,estcellede

laforteressedeDhât-al-Sûwaretdestroisprinces124.C’estsansnuldoutel’unedesplusimportanteshistoiresésotériquesdu

Mathnawî. A notre avis, la forteresse représente la Loi religieuse(Sharîah), le roi, père des princes, les prophètes. Les trois princessymbolisenttroiscatégoriesd’individusettroisforcesqu’ilsutilisentpourparvenir à la Vérité. Le premier prince incarne la raison discursive. Lesecond,lesâmesrebellesquicherchentàatteindreleurbutpardesmoyensésotériques.Ilestsincère,maisn’apasdeguideets’égare.Lefrèrecadet,qui représente lesmystiques, finalement parvient à ses fins.L’empereur,pèredelaprincesse,personnifielesobstaclesquisetrouventsurlechemindelaVérité.LaprincesseestcetteRéalitésuprême,l’objetdenotreamouretlebutdenotrequête.Quant au petit prince, il semble patient et même paresseux.Mais ce

n’est là qu’une apparence.En fait, son amour est le plusgrand,mais sarechercheestintérieure.Iln’estpaspassif,maisilavancedansuneautredirection125 et ses actions revêtent une autre dimension. Car les actesexotériques, matériels, n’aboutissent qu’à des résultats illusoires ettemporels.Un autremode de communication des sentiments et des idées, cher à

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Mawlânâ, est ceque l’onappelle zabân-e-hâl, littéralement« le langagedeTétatspirituel126».Au-delàdesmots,ilexisteunetransmissiondirecteentre des esprits demême nature ; ce langage du cœur ne peut qu’êtresincèreetlacompréhensionqu’ilcrée,sansl’intermédiairedelaparole,nesuscite ni malentendus, ni dissenssions. S’il était donné aux esprits dedialoguer ainsi directement, la plupart des difficultés humaines seraientrésolues.PourMawlânâ, il est certain que beaucoup de choses s’échangent en

silence entre les âmes. Ce qui est pour lui fondamental, c’est la psychéhumaine,etlaplusgrandepartiedesonœuvre,notammentleMathnawî,luiestconsacrée.Ilestimpossibledecitertouslessujetsayanttraitàlapsychologiequiy

sontétudiés.Envoiciquelquesexemples.Ainsi,l’histoireduroietdelajeuneesclave127quiexposeunepratique

de lapsychanalyse ; le contedu lion et des animaux128 qui, enplusdesdifférentesquestionsqu’ilaborde,constitueuneétudepsychologiquedessentimentshumains.L’histoiredumaîtred’écoleetdesécoliers129parledel’efficacité de la suggestion et des maladies psychosomatiques. A cepropos,l’histoireduroietducheval130estunbonexempledel’influencede la suggestion. L’histoire de la forteresse interdite analyse avec unegrandefinesselesdiversescatégoriesdementalités131.Quantàlapédagogie,Mawlânâalui-mêmepréciséquesonMathnawî

avait été composé pour enseigner et éduquer les esprits. Il rappelle saresponsabilitédemaîtreetdeguide,etdit:«Sijeparleàdesenfants,ilfautquej’emprunteleurlangage132.»Ilfaitsouventallusion,nousl’avonssouligné, à la nécessité de parler aux geris à la mesure de leurcompréhension133. Il était d’ailleurs obligé de conserver une certainediscrétion à propos de ses convictions personnelles qui risquaient d’êtremalperçuesetdedevenirunecausedetrouble.Ajoutonsàtoutcelauneremarqueconcernantunecaractéristiquetoutà

fait particulière àMawlânâ, à savoir son humour inimitable qui rend lestyleduMathnawîuniquedanslalittératurepersane.Certes, les grands poètes persans, tels qu’Omar Khayyam et Hafiz,

pratiquent l’ironie philosophique et métaphysique ; Sa’di était célèbrepour son humour poétique. Mais le cas de Mawlânâ est tout à faitdifférent. Il possède un très grand sens de l’humour et son ironie visecertains aspectsde l’esprit humain,par exemple lanaïveté avec laquelleonplacesaconfiancedanslaraisondiscursive.Cetteméthodeetcestyle

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tendent, là encore, à des fins pédagogiques134. C’est ce qui expliquepourquoiMawlânâaparfoisprispourexemplesdeshistoiresfondéessurlesrelationssexuelles,etcelaavecunelibertédelangagequiasuscitéuncertainétonnementchezseslecteurs.Toutefois,cettefaçondeconsidérerles choses n’est ni logique ni exacte, concernant une œuvre comme leMathnawî, étudegénérale et analytiquede l’esprit, de l’âmeetde laviehumains ; il serait impensable que l’un des phénomènes les plusimportantsde l’existence, tantaupointdevuepsychologiquequesocial,ensoitabsent.Anotreavis, ce sujetneprésentepasungrand intérêt135.Nousavons

cependant adopté la méthode de R.A. Nicholson dans sa traductionanglaise, c’est-à-dire l’emploi du latin— Boileau ne disait-il pas qu’ilbrave l’honnêteté?—pour traduirecertainsversqu’il semblaitquelquepeuoséderendreenfrançais.

Quiestcegénieuniversel?NéàBalkh,dansleKhorassan136en1207(504de l’hégire),Djalâl-al-DînMohammad fut ultérieurement surnomméMawlânâKhodâvandegâretMawlânâdeRûm137.Depuis le IXesièclede l’hégire, ilestappeléaussiMawlawîetenOccidentestdevenucélèbresouslenomdeRûmî.Son père était Mohammad ibn-Khatîbî, connu sous le nom de Bahâ-al-DînWalad et surnommé Sultan-al Ulamâ138. Leur généalogie remontait à AbûBakr139, premier khalife de l’Islam. Lamère deBahâ-al-DînWalad aurait étéd’origineprincièredeladynastiedeKharazm-Shâh140.

Théologienéminent,Bahâ-al-DînWaladétaitaussiunprédicateur trèsécouté. Ilnaquitvers l’an1148denotreère.Sessermonset sespenséesontétéréunisenunvolumepubliésouslenomdeMa’ârif141.Considérécommeunsheikh soufi (il avait reçu sakhirqa142 deAhmadGhazâlî, lefrère du célèbre philosophe), il était l’objet d’un grand respect. Il fut lepremier maître spirituel de Mawlânâ. Il était aussi l’un des sixreprésentantsdeNadjmal-DînKubrâ.Aflâkî, l’historiographe de la confrérie fondée par Mawlânâ, raconte

qu’aucoursd’unvoyageondemandaaupèredecelui-ci:«D’oùviens-tuetoùvas-tu?»Bahâ-al-Dînrépondit:«JeviensdeDieuetjevaisversDieu,cariln’yarien,saufDieu143.»Nouspouvons constater que le pèredeMawlânâ croyait comme lui à

l’Unitédel’Existence(Wahdat-al-wudjûd).Ilspartageaientégalementunecertaine hostilité à l’égard des penseurs scolastiques que Bahâ-al-DînWalad critiquait publiquement en chaire. Cela explique l’opposition de

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Fakhr al-Dîn Râzî, qui était l’un des défenseurs duKalâm (scolastiquemusulmane144).On a prétendu que ce conflit avait causé le départ de Bahâ-al- Dîn

WaladetsafamilledeBalkh.Fakhral-DînRâzî,conseillerspirituelduroiKhârazm-Shâh, détenait en effet une grande autorité et son hostilitépersonnellepouvaitfaireencourircelledusouverain.Maiscenepeutêtreexact,carRâzîmouruten1209,soitdixansavantr

émigrationdelafamilleMawlawî.Ilexisteplusieursautresversionsàcesujet. L’on a dit notamment queBahâ-al-DînWalad, en un dévoilementmystique, avait vu la destruction prochaine de sa ville natale par lesMongols,cequil’avaitconduitàdevancercetévénement145.IlsquittèrentdoncBalkhen1219.Djalâl-al-Dînétaitalorsâgédedouze

ans. Ils effectuèrent d’abord le pèlerinage à LaMecque. En passant parNichapour,Bahâ-al-DînWaladrencontraSheikh-Farîdal-Dîn‘Attâr,etcedernieroffritsonAsrâr-Nâmeh(LivredesSecrets)aujeuneDjalâl-al-Dîn.Celui-ci conserva durant toute sa vie un grand respect pour ‘Attâr etSanâ’î;illescitetoujourscommesesmaîtresspirituels146.En chemin, ils visitèrent Bagdad et, après trois jours, partirent pour

Arzandjân147, où ils se fixèrent. En l’an 625 de l’hégire, cette ville futconquiseparAlâ-al-DînKayqobâd,leroiseldjoukide,quiinvitaBahâ-al-DînWaladàKonya148.IlspassèrentquelquetempsàLâranda,oùDjalâl-al-Dînépousa, àdix-huit ans, sur l’ordrede sonpère, la filledeKhodjaLâlâ,deSamarcande.Elleluidonnadeuxfils,SultanWalad,quisuccédaàMawlânâ à lamort de celui-ci, à la tête de la confrériemawlawie149 etAlâ-alDînMohammad.Finalement,Bahâ-al-DînWalads’installadéfinitivementàKonyaavec

safamille;ilyretrouvasonrôledeprédicateuretdevintlemaîtrespirituelde cettevilleoù ilmourut en1231, alorsqueDjalâl- al-Dînn’avait quevingt-quatreans.Ilremplaçasonpèreàladirectiondesoncollège.Unanplus tard, un ancien disciple de Bahâ-al-Dîn, Burhân-al-Dîn MohaqiqTirmidhî,vintrendrevisiteàMawlânâetdevintsonmaîtrespirituel.Illeresta jusqu’à sa mort, neuf ans plus tard. C’est sur ses conseils queMawlânâ partit pour Alep étudier dans une école de théologie célèbredirigéeparunsavantcanonistehanafite,Kamâl-ud-Dîn Ibnal ‘Adîm150.Aprèsquelquetemps,ilserenditàDamas,oùilrestaplusieursannées.C’estàcetteépoquequ’ilapurencontrerMuhyî-ud-DînIbnArabî, le

Sheikhul-Akbar,quiypassaitlesderniersjoursdesavie151.Certainsspécialistesontététentésd’établiruneliaisondirecteentreces

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deux grands pôles du soufisme dit « occidental » et du soufisme« oriental152 ». On ignore s’ils se sont personnellement rencontrés, carMawlânâ n’a jamais parlé du Sheikh ul-Akbar et les documentshistoriques sont muets à ce sujet. On a parlé aussi d’une influenceindirected’Ibn’Arabîsurluiparl’intermédiairedeSadrod-DinQoniawî,quiétaitlegendred’Ibn’Arabîetdevintl’amiintimedeMawlânâ.Anotre a vis, quoique la direction générale de la pensée de ces deux

grandsmaîtressoit lamême,tousdeuxconduisantàunedoctrineprochedu panthéisme occidental et affirmant l’un et l’autre l’Unité del’Existence, leurs systèmes philosophiques et métaphysiques semblentassez différents. Si l’on compare le Mathnawî et le Fîhi-mâ-fihi deMawlânâauxFutûhât-al-MakkiyaetauFusûs-al-Hikamd’Ibn’Arabî,onconstatequ’il s’agitdedeuxclimatsdepenséedissemblablesetdedeuxvisionsdumondequineserejoignentqu’ausommet.Nous ne sommes donc pas d’accord avec Nicholson qui, tout en

reconnaissant une différence de méthode et de style entre ces deuxpenseurs, admet cependant implicitement la possibilité d’une influencedirected’Ibn’ArabîsurMawlânâ153.Nousestimonsàl’inversedistinctescesdeuxpensées.Sidans lecasdeMawlânâ il s’agitd’unephilosophiemystique,ence

qui concerne Ibn’Arabi on peut plutôt parler de théologie mystique.L’ésotérisme de Mawlânâ est un symbolisme mystique de tendancepoétique, et celui d’Ibn ’Arabî est un ésotérisme à tendancecabalistique154.L’effortdeMawlânâtendàuneislamisationdestraditionsphilosophiques,celuid’Ibn’Arabîàétablirunislamphilosophique.Ibn ’Arabî reçoit sa khirqa155 des mains de Khizr156 ; Mawlânâ

rencontreShamsdeTabrizetdéchiresaproprekhirqa.L’inspirationd’Ibn’ArabîlefaitseconsidérercommeétantleSceaude

la sainteté mohamadienne157, mais Mawlânâ désire recevoir uneinspirationdivineleconduisantaufanâ(annihilationmystique).Ibn’Arabîvoitenrêvequedesfiguresthéophaniquesluioffrent:«les

donsdessagesses158»etMawlânâ«tètedelanourricedusommeillelaitdesesjourspassés»,c’est-à-diresapatrieperdue,sonoriginecéleste159.Ibn’Arabîtémoigned’unamourquiseconjointàlaraison,tandisque

Mawlânâveutannihilerlaraisondansl’amour.Endéfinitive, ladistanceentrecesdeuxgrandsespritsestsemblableà

cellequiséparel’Orientdel’Occident,bienquetousdeuxsoientilluminésparleSoleildel’Uniqueetdel’Unité.

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Unechosefrappante,àcepropos,estqueMawlânân’ajamaisévoquélenomd’Ibn’Arabî,alorsqu’ilparlesouvent,nousl’avonsvu,deHallâdj,Sanâ’i,Attâr,avecungrandrespect.Sonfils,SultânWalad,quiaracontéendétailslaviedesonpèreetfaitallusionàtousceuxavecquiilfutenrapport,neditriennonplusduSheikhul-Akbar!AprèssonséjouràAlepetDamas,MawlânârevintàKonyaetrepritla

directionducollègeoùilenseignaitlajurisprudenceetlaloicoranique.Lesévénementsgéopolitiquesetsociauxsurvenantdanscetterégionne

semblentpasavoireuunegrandeinfluencesursavieetsapensée.Malgréleschangementsdegouverneursetderois,lesguerresentrelessouverainsseldjoukidesetlesMongols,ilcontinuaàexercersonrôledeprofesseuretdemaîtrespirituel,entourédelavénérationdetous.Cequiluiadvintdeplusimportantetquibouleversatoutesaviefutsa

rencontreavecShamsdeTabriz,underviche inconnu,voyageursolitairequiarrivaunjouràKonya.Ilexistetrèspeud’informationsàsonsujet160.Onsaitseulementqu’il

étaitoriginairedeTabriz,oùilnaquitprobablementvers580del’hégire.Aflâkî raconte qu’il était un disciple du SheikhAbû Bakr Zanbilbâf deTabriz.Onl’appelait«Shamslevolant161»àcausedesesdéplacementsincessants de ville en ville. Il ne vivait que des petits travaux qu’ileffectuaitaucoursdecesvoyages.AflâkîracontequeShamsarrivaàKonyaenl’année642del’hégire.Un

jourqueMawlânâquittaitsoncollègedesCotonniersetsedirigeaitàdosde mule vers le bazar, suivi de ses disciples, à pied, Shams s’avançasoudain vers lui et lui demanda : « A ton avis, qui était le plus grand,Bâyazîd162 ou Mohammad ? » Mawlânâ répondit : « Quelle étrangequestion ! Mohammad était le Sceau des Prophètes, et Bâyazîd n’étaitqu’unsoufi.»Alors,Shamsrépliqua:«PourquoidoncleProphètea-t-ilditàDieu :“JeneT’aipasconnucomme il fallaitTeconnaître", tandisqueBâyazîdadit:“Gloireàmoi!Quemadignitéesthaute!”»Mawlânâtombaévanoui,etquandilrevintàlui,ilentraavecShamsdansunepiècedesoncollègeets’yenfermapendantquarantejoursensacompagnie163.Selon une autre version, cette rencontre eut lieu dans le collège de

Mawlânâ. Ce dernier était en train de procéder à ses ablutions au bordd’unbassin ; il avaitposéquelques livresàcôtéde lui.Soudain,Shamsarriva et lui demanda : « De quoi parlent ces livres ? —De sciencesdiscursives,réponditMawlânâ.Tunelesconnaispas.»AlorsShamspritleslivresetlesjetadanslebassin.Mawlânâs’écria:«Maisquefais-tu?

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Ce sont desmanuscrits uniques et tu les as abîmés. » Shams étendit lamain et retira de l’eau les manuscrits sans qu’ils fussent mouillés.Mawlânâ,stupéfait,demanda:«.Qu’est-cequecela?»Shamsrépondit:«C’estlascienceducœur,tunelaconnaispas164!»Mawlânâpoussauncriet,prenantShamsparlamain, l’amenaàunechambreducollège,enenfermantlaportepourquarantejours.De ces deux versions, c’est la première qui nous semble la plus

plausible. De toute façon, ce qui importe, ce n’est pas le mode de larencontre, mais ce qui en est résulté, c’est-à-dire une véritabletransformation;c’estdepuiscetteépoquequ’ilestdevenuceluiquenousconnaissonscommeleplusgrandespritdelamystiquemusulmane.IlparledeShamsenl’appelantsonmaîtrespirituel.Sansdouteavait-il

beaucoup appris chez son père, ou chez Burhân-al-Dîn Moha-qiqTirmidhî, et il possédait une vaste culture dans le domaine de lajurisprudenceetde laLoicanonique.Lorsqu’il rencontraShams, ilavaitunequarantained’annéesetunegrandematuritéintellectuelle.Cequeluiapporta Shams, c’est une ouverture sur une autre dimension, undévoilement, l’enivrement de l’amour divin, au-delà de toute logiquediscursive. Il dit lui-même, dans Fîhi-mâ-fihi : « Avant de rencontrerShams, j’avaispriéDieudem’envoyer l’undeSesamispourmeguiderdansledroitchemin165.»UneautreversiondecettepremièrerencontreentreMawlânâetShams,

qui constitue un commentaire de celle rapportée par Aflâkî, est celledonnéeparDawlatShâh.LaquestionposéeparShamsauraitété:«Quelestlebutdel’ascèseetdespratiquesreligieuses?»Mawlânâréponditquec’était pour respecter la Sharîah (la Loi religieuse) et les Traditionsprophétiques. Alors Shams lui dit : « Tout cela concerne l’extérieur. »Mawlânâquestionna:«Qu’ya-t-ilau-delàdecela?»Shamsrépondit :«Laconnaissance,c’est-à-direlepassagedel’inconnuauconnu»,et ilrécitacedistiquedeSanâ’îtrèscheràMawlânâ:

«Silaconnaissancenefaitpasdisparaîtreton“moi”pourtoi-même,L’ignorancevautmieuxqu’unetelleconnaissance.»

Laplusgrandeœuvredelapoésiepersaneestlefruitdecetterencontreetdecetterelationspirituelle:leDiwândeShamsTabrîzî,composéparMawlânâetdédiéàShamsensignedeprofondegratitudepourceluiquiluiavaitfaitprendreconsciencedesanostalgied’unparadisperduetpermisde révélercequiétaitcachédansletréfondsdesoncœur:

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«Descentainesdemillionsd’années,dit-il,jevolaiscommelesatomesdansl’air.Si j’ai oublié ce temps et cet état, cependant le voyage durant le

sommeillerappelleàmamémoire.Du sommeil, cette nourrice, je tète le lait de mes jours passés, ô

Seigneur.Afindeselibérerdelaconsciencepourunboutdetemps,ilss’infligent

àeux-mêmesl’opprobreduvinetdesstupéfiants.Toussaventquecetteexistence-ciestun leurre,etque lapenséeet la

mémoireconscientessontunenfer166.»L’attachement et le respect que Mawlânâ témoignait à Shams

suscitèrentpeuàpeulajalousiedesdisciplesetdel’entouragedumaîtreetlescomplotsetlamédisancecommençaientàempoisonnerlaviedelaconfrérie.Shamsdécidadepartiret,aprèsseizemoispassésàKonyaavecMawlânâ, il quitta la ville en l’an 643 de l’hégire. Mawlânâ ne putsupporter cette séparation et envoya son fils Sultan Walad avec unevingtainedesesdisciplespourlerameneràKonya167.Shamsrevintunanplustard,maislajalousieetl’hostiliténefirentqu’augmentercontrelui,etl’onditqu’ildécidadedisparaîtreunefoispour toutes ;d’après tous lescommentateurs, il disparut en effet en l’an 645 de l’hégire, et cela pourtoujours.Maisonne sut jamaiscequ’il étaitdevenu.Avait-il été tuéouétait-ilpartipourunedestinationinconnue?Aflâkîracontequ’unjourqueShamsétaitenretraiteavecMawlânâon

l’appelaau-dehors,onletuaetl’onfitdisparaîtresoncorps.SultanWaladn’estpasaussiaffirmatif.Ilsupposequ’ilpartitsanslaisserdetracespourqueMawlânânepuisseleretrouver.Cedernier,d’ailleurs,lefitrechercherànouveaueteffectua lui-mêmedeuxvoyagesàDamasenespérantqu’ils’ytrouvait168.Shamsestsansdoutelepersonnageleplusmystérieuxdelalittérature

persane.Onsaittrèspeudechosesdelui,nousl’avonsdit.Onnedisposepas de documents, et par ailleurs on n’a pas d’œuvres écrites par lui ;quelques-unes seulement lui ont été attribuées, par exemple, le livre des«DixChapitres»(DahFasl)queluiattribueAflâkî,etdontnousn’avonsqu’une petite partie, intitulée « les Discours » (Madjâlis), qui sont desnotesprisesparsesélèves.L’ouvragelepluscélèbrequiluiestégalementattribué est lesMaqâlât, qui consistent en questions et réponses entreMawlânâetShams.La disparition de Shams bouleversa la vie de Mawlânâ et, après les

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deuxvoyagesqu’ileffectua,sanssuccès,àDamas,ilperdittoutespoirdele retrouver. Il resta durant un temps si profondément affligé quemêmeceuxquiavaientsouhaitéledépartdeShamsleregrettaient.PuisMawlânâprit conscience qu’en réalité il n’existait pas de séparation169, que leursdeuxespritsétaientunisparleSoleilducieldelaDivinité170.Shams est resté inconnu pour tout le monde, sauf peut-être pour

Mawlânâquiécrivait:«OmonShams,OmonDieu.»De tout ce qui est attribué à Shams, et qui nous semble le plus

authentique, nous citerons quelques phrases ésotériques, sans un grandcommentaire,simplementpourmontrerlestyleetleniveaudepenséedecethomme,etcequ’ilditàproposdesonpropreêtre

«CeCalligrapheavaittroissortesdecalligraphie:Cequ’ilpouvaitlire,etaussilesautres;Cequeluilisait,maisnonlesautres;Enfin,cequenepouvaientlireniLui,nilesautres.

J’appartiensàcettetroisièmecatégorie171.»

Deux ans après la disparition de Shams,Mawlânâ choisit l’un de sesdisciples, Salâh al-Dîn Fereidûn Zarkûb, comme le khalifa172 et lesheikh173desaconfrérie.Maisbientôtcelui-ciseretrouvaenbutteàl’hostilitédesdisciplesqui

luireprochaient,entreautres,d’êtreunhommesansculture.Salâhal-Dînusa de diplomatie et réussit à calmer les esprits et il demeura auprès deMawlânâpendantdixans,jusqu’àsamort.Ildisaitdelui-même:«Moi,jenesuisrien; jenesuisqu’unmiroirdanslequelMawlânâsevoit lui-même.»MawlânâluiétaittrèsattachéetSultânWaladditquec’estgrâceàluiquesonchagrins’apaisa.AprèslamortdeSalâhal-Dîn,Husâmal-DînTchelebîquiavait,comme

celui-ci, donné à la confrérie tout ce qu’il possédait, le remplaça etMawlânâ lui confia les affaires et la trésorerie de laMawlawîya. Il luitémoignaitunegrandeamitiéetilditquec’estsurlesconseilsdeHusâmal-Dînqu’ilacomposéleMathnawî.Danslapréfacedupremier livre, ilparledeluicommede«laclédestrésorsdel’Empyrée,leBâyazîddesontempsetleDjunayddel’époque174».LescinqautreslivresduMathnawîcommencent aussi par son nom, et il nous est dit que le retard de deuxannéesentrelafindupremierlivreetledébutdudeuxième175aétécausé

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parlamortdel’épousedeHusâm-al-Dîn.C’esteneffetàluiqueMawlânâdictaitlesvers,Husâm-al-Dînlesécrivaitetlesrécitaitaufuretàmesure,pendant parfois toute la nuit. La composition du Mathnawî continuajusqu’àlafindesavie.La façon brusque dont se termine le sixième et dernier livre du

Mathnawî laisseàpenserqueMawlânânecomptaitpas l’arrêter là,bienqu’ilsoitlepluslongdessix176.Mawlânâmourutledimanche5deDjumâdîII672(17décembre1273)

danslasoirée.Durantsadernièremaladie,auSheikhSadrud-Dînvenuluisouhaiteruneprompteguérison,ilavaitrépondu:«Quandentrel’amantetl’Aiméiln’yaplusqu’unechemisedecrin,nevoulez-vouspasquelalumières’unisseàlalumière177?»Asamort, tous leshabitantsdeKonya, sansdistinctiondecroyances,

prirent le deuil. « Le bruit des timbaliers, le son des hautbois et de latrompetteannonçaientlabonnenouvelle178»,cellede l’unionduMaîtreavec son Bien-Aimé. Vingt troupes de chanteurs récitaient les chantsfunèbresqu’ilavaitlui-mêmecomposés:

«Leroidelapenséesanstroubleendansants’enestalléVersl’autrepays,lepaysdelalumière.»

Dans lespaysmusulmans, il est inhabituel,etmême très rare,que lesfunérailles soient accompagnées de musique. Mais il en fut ainsi pourMawlânâ,parcequ’ill’avaitvoulu,etd’ailleursilavaitduranttoutesaviemanifesté un grand amour pour la musique et le samâ’, danse et chantmystiques,quiétaitunoratoriospirituel.Pourlui,lesamâ’étaituneprièrefondée sur la supraconscience, qui établissait une relation directe avecDieu.C’estpourquoiilpouvaitfairepartiedescérémoniesàl’occasiondelamort,cequifutlecaspourSalâhal-DînZarkûb.Mawlânân’avait-ilpasdit:«Situveuxnoustrouver,cherche-nousdanslajoie,carnoussommesleshabitantsdeceroyaume179.»?Lamort,elleaussi,peutêtreconsidéréecommeuneoccasiondeseréjouir.AlasuitedubouleversementspirituelcauséparlarencontredeShams,

Mawlânâ commença à se livrer au samâ’. Au début, c’est un état (hâl)spontanéqui transportaitMawlânâdans le ravissement (wadjd).Unmot,unbruit,unpaysage,uneilluminationsoudainepouvaientprovoqueruneséancedesamâ’durantparfoisdesheures.C’estainsiqu’unjourqu’ilpassaitdanslebazar,unTurcvendantune

peau de renard criait « Tulki, tulki » (renard en turc), Mawlânâ, qui

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ignoraitcettelangue180,crutqu’ildisait:«Dilkou,dilkou?»(«Oùestle cœur, où est le cœur ? » en langue persane) et il semit à danser aumilieudumarché,enrépétantcesmots.Lesassistants,saisiseuxaussiparcetétatspirituel,commencèrentensemblelesamâ’.A propos de Salâh al-Dîn Zarkûb et de sa première rencontre avec

Mawlânâ181,onraconteunehistoirequimontrelaspontanéitédusamâ’.Salâhal-Dînétaitbatteurd’or.UnjourqueMawlânâpassaitdevantsa

boutique, en entendant le tic-tac des apprentis frappant sur les plaquesd’or, il fut transporté et se mit à danser. Le sheikh fit signe de ne pass’arrêter de battre et la danse continua depuis le matin jusqu’à l’après-midi182.Un poème rappelle cette séance de samâ’, disant : « Un trésor est

apparudanscetteboutiquedebatteurd’or.»

Tous lesouvragesdeMawlânâ, et notamment leMathnawî,nousmontrentsonintérêtpourlesinstrumentsdemusiqueetpourlessons.Ilpartagelathéoriepythagoriciennedelamusiquedessphèresetilécrit:

« C’est pourquoi les philosophes ont dit183 que nous recevons cesharmoniesdelarévolutiondelasphèrecéleste184.»

Etilajoute:

«Carlegémissementduhautboisetlegrondementdutambourressemblentquelquepeuàlatrompetteuniverselle;

Et lesmélodies que les gens chantent en s’accompagnant dupandoreestlesondelarévolutiondelasphèrecéleste185.»

Dans toutes les parties duMathnawî, le symbolisme des instruments demusique,dusamâ’etduchantestévoqué186.

Lesamâ’devintpeuàpeuunehabitudequotidiennedanslaconfrérie.OnrécitaitdespoèmesdeAttâr,deSanâ’îetdeMawlânâlui-même,avecaccompagnementdupipeau,du rebâbetd’autres instruments.Audébut,pendant ces séances, certains derviches, et Mawlânâ en particulier, semettaientàdanser, saisisparunétatde ravissementmystique.Plus tard,vers la fin de la vie duMaître, le samâ’ revêtit une forme cérémonielleplus ou moins organisée. Mais ce n’est qu’après la mort de Mawlânâ,lorsqueSultânWaladdirigealaconfrérieMawlawîya,quefurentétabliesdesrèglesprécisesainsiquedesexplicationsésotériques.En fait, ces cérémonies n’avaient rien à voir avec le mode spontané

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existantauparavantdepuisdessiècleschezlessoufis,notammentdanslekhânigâh(maisonderetraite)duSheikhAbûSai’dAbulKhayr187.L’undessujetslespluscontroversésauseindusoufismeestlesamâ’.

En dehors des autorités religieuses qui lui étaient catégoriquementhostiles, parmi les sheikhs soufis eux-mêmes les opinions sur ce sujetdivergeaient.Durantsavie,Mawlânâfutsouventcritiquéàcausedecettepratique.Entreautresraisons,c’estaussipourdéfendresaconfrérie188queSultânWaladvoulutdonnerunesignificationésotériqueetcosmiqueauxcérémoniesdusamâ’enl’organisantselondesrèglesprécises189.Commenousl’avonsdit,lesamâ’comportaitunsymbolismecosmique.

Lemaîtrespiritueltournaitaumilieudesdervichesetreprésentaitlesoleililluminantlesêtres;lesdanseurs,cesontlesplanètes,tournantautourdusoleil et aussi sur eux-mêmes.Leurmaindroite estorientéevers le ciel,pour y recueillir la grâce divine, leurmain gauche vers la terre, pour yrépandrecettegrâce.Touslesgestesetjusqu’aucostumedesdanseursdusamâ’ recèlent un sens symbolique190. Ces cérémonies sont devenuescélèbresenOccident,oùlaconfrériedeMawlânâestconnuesouslenomdedervichestourneurs.Ilestentoutcascertainquelaréputationetl’importancedelaconfrérie

Mawlawiyaremportentsurcellesdetouteslesautresconfrériessoufiesets’étendent de l’Inde jusqu’à l’Europe et l’Amérique. Même lorsque lesautresconfrériessoufiesfurentcondamnéesdansl’Empireottoman,celledeMawlânâfutépargnée,enraisondel’universalismedesapenséeetdurespectdontilbénéficiaitdanslemondeentier191.La confrérie Mawlawîya, profondément mystique et sans aucune

tendancepolitique,jouissaitd’uneplusgrandelibertéd’actionetpeuàpeuellese répanditdans toute l’Anatolieet l’AsieMineure.Ses takyaset seszâwiyas192 existaient en Turquie aussi bien qu’en Syrie, en Egypte, enLibye,àChypreetàBelgrade.Lesmaisonsderetraitedesdervichesaudébutdusoufismes’appelaient

khânigâh. Mais il y avait certaines différences entre les zâwiyas et lestakyas ; les premières étaient habitées et l’on y vivait, mais les autrespouvaientêtreseulementunlieuderéunion.Dans cesmaisons, les livres et les enseignements deMawlânâ étaient

expliquéspardesmaîtresspirituels.ParmilesœuvresdeMawlânâ,laplusimportanteestsanscontesteleMathnawî.LenomdeMathnawîvientdelaformeprosddiqueutilisée,c’est-à-dirededistiquesrimantentreeux,avecuneharmoniesyllabiquegénérale.

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Depuis le XVe siècle, il existe beaucoup de commentaires sur leMathnawî,lesplusconnussont:—lecommentairedeKamâlal-DînKhârazmî,endeuxvolumes193;—le commentaire en persan par Walî-Mohammad Akbarâbâdi (xvnr

siècle194);—lecommentairedeSûrûrienpersan;—lecommentairedeTchelebîenturc.LestraductionsduMathnawîavecousanscommentairesont:—la traductionenproseduMathnawî en turc, faite auxvir sièclepar

Ismâ’ilAnkarawîavecuncommentaire195;—latraductionenversturcsparSulaymânNahifî(XVIIIesiècle);—latraductionarabeenproseparYûsufibn-Ahmadal-Mawlawî196;—la traduction en vers en langue hindi par Mohammad Yûsuf Alî-

Shâh197.Parmilesautrescommentaires,nousenindiqueronsdeuxquisesituent

entrelatraductionetlecommentaire:—lecommentairedeMohammadAbdul-Alîenpersan198;—lecommentaired’AbidinPâshâ,enturc.Quantaux traductionsoccidentales, iln’existequ’uneseule traduction

intégrale,enlangueanglaise,faiteparR.A.Nicholsonen1925199.IlyaquelquestraductionspartiellesduMathnawî:—unetraductionenversd’unquartdupremierlivre,parGeorgeRosen

(Leipzig,1849);—une traduction partielle du premier livre en anglais et en vers, par

JamesRedhouse(Londres,1881);—une traductiond’extraitschoisisdes six livres,d’environ troismille

vers,enprose,parE.H.Whinfield(Londres,1887);—la traduction du deuxième livre avec un commentaire, par C.E.

Wilson(Londres,1910).UneautreœuvremonumentaledeMawlânâ,uneœuvre lyrique,est le

recueilde sespoèmes, intituléKûlliyât-e-Shams200. Il est dédié àShamsdeTabrîzettouslespoèmes201finissentparlenomdeShams202.Les éditions de ce livre ont parfois présenté jusqu’à cinquante mille

distiques,pourtantiln’estpassûrquetouscespoèmessoientdeMawlânâ.L’édition la plus sûre, due à Badi’ ul-Zamân Furûzân- far, estaccompagnéed’unebiographiecomplètedeMawlânâ203.Unetraductionpartielledecetteœuvreenlanguefrançaise,parEvade

Vitray-MeyerovitchetMohammadMokri,comportemillequatre-vingt-un

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ghazals204.La plus importante œuvre en prose de Mawlânâ est Fîhi-mâ-fihi

(littéralement:«Danscelaestcequiestlà».Onaprétenduquecetitreest une citationd’unpoèmed’Ibn ’Arabî. Pourtant, on ne le connaissaitpasautrefoissouscetitre,etpourlapremièrefoisc’estdansleBostân-al-Sîyâhat205 qu’on le trouve.Ce livre est un recueil des réponsesdonnéesparMawlânâauxquestionsposéesparticulièrementparlevizirMu’inal-DinParwâna206.Le«Livredudedans»(Fîhi-mâ-fihi)estcomposé,à lamanièreduMathnawî,d’anecdotesetdecontes,deversetscoraniquesetdehadiths.CetteœuvreaétééditéeàTéhéranparBadi’ul-ZamânFurûzânfar en

1950207, etaété traduiteenanglaisparArberry (Londres,1961) sous letitre deDiscourses of Rûmî. A. Golpinarli l’a traduite en langue turque(Istanbul,1959).Latraductionfrançaisedecelivreaétéfaiteen1975parEvadeVitray-

Meyerovitchsousletitre«Lelivredudedans208».UneautreœuvrelyriquedeMawlânâ,lesRubâ’iyât(quatrains209)aété

éditéepourlapremièrefoisàIstanbulen1894parVeledTchelebi.Ilaététraduitenturcen1932parH.AliYûcel,etparA.HaletTchelebîen1939.Lapremièreédition françaiseestune traductionpartiellededeuxcent

soixante-seize quatrains, par A. Halet Tchelebî210. La traduction d’unegrande partie des quatrains a été faite en 1986 par Eva de Vitray-MeyerovitchetDjamchidMortazavi211.DeslettresdeMawlânâconstituentunlivreintituléMaktûbât.Ils’agit

decentquarante-quatrelettres.Celivreaétééditépourlapremièrefoisen1356 de l’hégire, à Istanbul, par Feridûn Nafez Beg. Il a été réédité àTéhéran,en1956,parY.Djamshidi-puretG.H.Amin.Certaines des prédications de Mawlânâ constituent un livre qui

s’appelleMadjâlis-e-Sab’a(«lesSeptSéances»).IlaétééditéparM.E.NafezettraduitenturcparR.HasanEffendi-Oglû,àIstanbul,en1937.Onaattribuéd’autresœuvresàMawlânâ,maisiln’estpassûrqu’elles

soient de lui ; en outre, il ne s’agit pas d’ouvrages importants. CitonsKhâb-nâmeh(unpetitopusculesurl’interprétationdesrêves),lesMaqâlâtetIshq-Nâmeh.EncequiconcerneleMathnawî,l’éditioncritiquedeNicholson,parue

àLondresentrelesannées1924et1934212,estconsidéréecommelaplussure et la plus exacte, ayant été établie d’après lesmeilleurs et les plusanciens manuscrits. Elle n’est cependant pas totalement dépourvue de

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fautes.Nicholsonlui-mêmeaadmislapossibilitédecertaineserreursduesaux manuscrits utilisés. Mais il faut reconnaître que le travail de cethomme amoureux de la science unit l’érudition, le courage et le goût.AyantpasséunegrandepartiedesavieàétudierlesœuvresdeMawlânâ,ilétaitdevenuassezfamilieravecsapensée.Nicholsonaudébutdesontravails’étaitinspirédesmanuscritsduVIIIe

siècle.Cen’estqu’aprèsleséditionsdupremieretdudeuxièmelivrequ’ilretrouvera d’autresmanuscrits duVIIe siècle de l’hégire, le plus anciendatantde677,deuxansaprèslamortdeMawlânâ213.Aussi apporta-t-il ultérieurement certaines corrections sur les deux

premiers livres. Elles ne constituaient pas toujours des améliorations.Nousavonsdoncrespectéengénéralletexteédité.Dans tout le Mathnawî, il existe très peu de différence entre notre

traduction et l’édition deNicholson. Pourtant, rarement il est vrai, noussommes tombés sur certains vers qu’à notre avis il n’était pas possibled’accepter tels qu’ils étaient donnés dans cette édition. Dans l’éditioncritiquedu livre IVparexemple,Nicholson,d’après lesmanuscritsqu’ilpossédait, a pris le mot de zamr214 dans le deuxième hémistiche dudistique225215etill’atraduit,enanglais:

« In order that for awhile they may be delivered from sobriety(consciousness), they lay upon themselves the opprobrium of wine andminestrelsy.»

Endehorsdetoutessortesdeconsidérationsméthodologiquesetenfonctionseulement d’une logique scientifique et selon toute la pensée de Mawlânâ,commentserait-ilpossibled’imagineruninstantqu’ilvoulaitdirequ’écouterlepipeauoubiens’occuperdemusiqueétaitun«opprobre»ouunehonte?DansunlivrecommeleMathnawîquicommenceparunélogedu«ney»(pipeau)etdesongémissement!

Maisquelestlemotexact?Aulieude«zamr»ils’agitde«bang216»,c’est-à-dire«haschisch»etplusgénéralement«stupéfiants».Nousavonsdoncainsitraduitcedistique:

« Afin que pour un temps ils puissent être délivrés de la conscience, ilss’infligentàeux-mêmesl’opprobreduvinetdesstupéfiants.»

Bien entendu, les différences de cette nature dans notre traduction parrapport à l’édition critique de Nicholson sont très rares217 et même sans

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importance. Il existait cependant de petits détails, en apparence, quireprésentaientdescontradictionsdoctrinalesaveclapenséedeMawlânâetnousnepouvionspasnepasréagir218.

Encequiconcernequelquesdistiquespourlesquelsnousavonsdécidéd’adopter laméthode deNicholson, c’est-à-dire de les traduire en latin,nousavonsreprissestraductions.Pourlestraducteurs,engénéral,latraductiontoutàfaitlittéraleestun

moyen de franchir certains obstacles qui se présentent dans les textesdifficiles. D’autre part, la traduction tout à fait libre, elle aussi, est unepossibilité de mettre dans la bouche de l’auteur ce qu’on comprend dutexte,àtortouàraison.Nousavonsévitécesdeuxperspectivesadmissiblesnil’unenil’autre.

Nousavonsessayédetraduireauplusprèsdutexte,maisendonnantunesignificationclaireetcompréhensible.Parfois, nous avons été obligés d’ajouter un mot ou un nom, entre

parenthèses, pour clarifier le distique, car il arrive àMawlânâ, selon saméthode, de revenir après quelques pages au sujet qu’il avait traitéprécédemmentenutilisantseulementunpronom:«il»adit;maisquiadit?Nousl’avonsindiquéencasdenécessitéabsolue.LesdifficultésdelatraductionduMathnawîsontmanifestespourceux

qui connaissent cette œuvre. Elles ne consistent pas dans le volume dulivre ni le nombre des vers. La difficulté provient d’un symbolismemultidimensionnel et d’un ésotérisme exprimés dans un style poétique.Comme Mawlânâ lui-même l’a déclaré et comme nous y avons faitallusion dans les pages précédentes, les distiques duMathnawî, dans laplupartdescas,recèlentdessignificationsmultiplesetsuperposées.C’estlàunecaractéristiquede la languepersaneetde sadimensionmystique,quis’estélaboréeàtraverslessiècles.Maistraduirecesidéesmystiques,ésotériques et symboliques, profondément riches en significations, dansunelangueprécisecommelefrançais,quinesupporteaucuneambiguïté,est peu aisé. N’oublions pas que, dans le Mathnawî, certains motspossèdent deux significations et parfoismême davantage ;Mawlânâ, enréalité,ajouédetouteslesacceptionspossibles.Làrésidelaplusgrandedifficultédecettetraduction,etsinousavonsréussi,espérons-le,danslamajoritédescas,c’estgrâceàlabénédictiondumêmeespritquiapucréeruneoeuvreaussisplendidequeleMathnawî.Nous sommesparfois tombés sur des distiques qu’onpouvait traduire

selon deux acceptions tout à fait distinctes.Nous avons donc essayé dedonner lasignification lameilleureenajoutant lesprécisionsnécessaires

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danslesnotes.C’est en cela que la nécessité d’un commentaire se manifeste.

Nicholsonl’aétablitendeuxvolumes.Peut-êtreunjour,nousaussi,nouslivrerons-nous à une telle aventure ! Mais, actuellement, nous noussatisferons de cette introduction, dans laquelle nous avons essayé depréciser les traits généraux et essentiels de la pensée deMawlânâ, dansl’espoird’aider les lecteursàmieuxsaisircequ’ilvoulaitexprimerdanssonlivre.D’ailleurslesdifficultésnes’arrêtentpaslà,etlesgensquiconnaissent

lalanguemystiquedel’Irancomprendrontque,parexemple,latraductiondemotstelsquenâz,ghayrat,particulièrementquandilssontappliquésàDieu,posedesproblèmes,carjamaisonnepeutparlerencequiconcernecesmots,danscecontexte,de«faireducharme»etde«jalousie».Oubien,lorsqu’ils’agitdetraduiredefaçonfidèleetexactedesexpressionscomme Âb-wa-roghan-kardan ou Sibil-dûd-dâdan, on ne peutcertainement pas parler de « mélanger l’eau et l’huile » ou bien de«donnerlafuméeàsamoustache»!Dans de pareils cas219, nous avons dû tenir compte de l’esprit de la

langue française et, sans nous éloigner du sens, prendre quelque libertéavecune expression littérale et idiomatiquequenous restituonsdans lesnotes.Ajoutonsenfinquequoiquenousayonsparlédecertainsaspectsdela

penséedeMawlânâ,nousn’avonspourtantditquepeudechose.Enfait,ilfautrechercherlaprofondeuretl’originalitédelapenséedecethommeenétudianttoutessesœuvres.NousavonssignalécertainessimilitudesentrelesidéesdeMawlânâet

celles de la Grèce antique, et avons évoqué quelques-unes de sesconceptionsconcernantdesprincipesappartenantauxsciencesexactes,etquiontétédécouvertesplusieurssièclesaprèssamort.Mais au-delà de ces intuitions fulgurantes dans un domaine encore

inexploré,cequiimporte,c’estlemessaged’universalismeetd’amourquifaitduMathnawîuneœuvredontlerayonnementdemeuresanségaldanslemondedel’Islametquiestappelé,croyons-nous,àilluminerl’Occidentdesalumière.

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NotesdeI’introduction

1.DèscedébutduMathnawî,estmentionnélenomdePlaton(1,24).2.Cf.II,2319-Bienentendu,leMathnawîtoutentierpeutêtreconsidérécommeuneréférenceàcesujet;nousnedonnonsiciqu’unexemple.3.Cf.V,917;VI,220,1529et2000.4.Aqlâshir.5. L’émanation du monde de la multiplicité à partir de l’Existence unique etl’explicationphilosophiquedeceprincipe,quiaconstituél’unedesplusgrandespréoccupations des penseurs musulmans, est une notion influencée par laphilosophiegrecque.Cf.IV,32596.I,1141,1136,3486;IV,3727;VI,2954,3712.7.Enréalité,noussavonsqu’ilexistaituneconfusiondanslestraductionsarabesdes œuvres de Platon, Plotin et Aristote. Il est donc normal que, dans laphilosophieislamique,iln’yaitpasdedistinctiontrèsnetteencequiconcernelesidéesdecestroisécoles.8.Aqldjuz7.9.Dans laphilosophie islamique,onpeutcomptervingt-cinqsortesetniveauxdelaraisonaprèsladixièmeémanation.10.V,843,3423,3713,385;VI,2798,2787,150;IV,1523;II,325.11.V,3827,3856;VI,797.12.Nafs.

raison.13. I, 1352, 2621 ; II, 1134, 21, 27, 2595, 782, 2227, 3500 ; III, 2548, 1053,2464,2545,2504;IV,235,3621;V,2866,3788,3195.14.I,686.15.Zarreh,II,1706,1611.16.V,3858;VI,38,2900.17.VI,36,50,3177.18.V,3401,3402,4580.19.VI,4580.20.RépubliqueetVhilèbe.Cf.Mathnawî,I,1141,1148.21.VI,36-43et3570.22.I,1293.23.VI,56.24.VI,3177-3183.25.Zâyândan-e-Uqûl.26.L’exempleleplusfrappantestl’histoiredulionetdesanimaux:I,900-1389.

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27.Commeceuxabordantlesnotionsdefatalismeetdelibrearbitre.28.NousreviendronssurcesujetenparlantdusymbolismechezMaw-lânâ.29.Elleexistaitauparavantdanslascolastiqueeuropéenne.30.I,1140-1149;VI,3177-3183.31.I,1350;V,4144.Endeuxendroits,MawlânâcritiquetrèsvivementFakhr-al-DînRâzî,legrandpenseurscolastiquemusulman,etajoutequel’onnepeutrésoudre les problèmes de la foi et de l’amour de la Vérité suprême par desdiscussionsdiscursivesetfondéessurla32. Il parle de Platon et des anciens philosophes avec un certain respect. Parexemple,cf.I,24;VI,4144.33.VI,1897comparelamystiqueetlaphilosophie,lapremièreagissantparlalumièredel’amouretl’espoirdel’union,ladeuxièmed’aprèslesillusionsdelaraisondiscursive.34.III,1824-1829,1145.35.Aql-e-Ma’âshi.36.Aql-e-Maâdi.37.L’unedespluscélèbresécolesthéologiques.Leursystèmeétaitrationaliste.IlsétaientlesdisciplesdeWâsil-ibnAtâ.38.V,459.39.II,1548-1549;I,2128.40.IV,2302.41.II,47-48,1284-1288;IV,12941300.42.II,2924,3202;III,1259-1270,3566-3590;VI,2223,2356.43.I,1331,1332.44.II,1285-1290.45.II,49.46.îshràq.47.Kashf48.Shuhûd.49.llhâm.50.Ma’rifat.51.«Lui»,Huwa.52.Annihilationdel’êtreenl’Etre.Cf.Mathnawî,I,3050-3055.53. Voir Dj.Mortazavi, Symbolique des contes et mystique persane, éd. J.-C.Lattès,Paris,1987.54.C’est-à-direlamortmystiqueavantlamortphysique.55.«Mardak».Cf.aussiDjalâl-od-DînRûmi, leLivreduDedans(Fîhi-mâ-fihï),trad.EvadeVitray,Paris,1975.56.Voir l’histoiredumarchandetduperroquet, l’undesplusbeauxcontesdu

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Mathnawî,I,1546sq.57.Huwa.58.I,3056.59.SoufioriginairedeBayzâdeFarsenIran,suppliciéàBagdadenl’an309del’hégire(922).60.I,3934;III,3839;V,2033;VI,2095,3837.61.Ana’l-Haqq.62.I,1854.63.II,305-306;V,2033.64.HulûletIttihâd.65.Lesphilosophesmusulmanscroyantaumonismeexistentieletlesmystiquesontditquecroireàl’unitédel’Existence(wahdat-e-wudjûd)estlavéritablefoienDieu et que c’est la signification profonde duTawhid. Tandis queHulûletIttihâd se fondent sur l’unicité des êtres (wahdat-e-mawdjûd) qui n’estqu’idolâtrieetincroyanceenl’unitédel’Existence.66.V,2034-2040.67.Alam-e-saghir.68.Alam-e-kabir.69.VI,1528.70.Symboledelamultiplicité.71.Lescouleursreprésententleserreursdessenshumains.Cf.I,2465;VI,59.Cf.aussil’histoiredespeintreschinoisetdespeintresbyzantins(I,3467).72.Cf.laphilosophiedeFichteetdeSchelling.73.Symbolismeabrahamiquedeladescente.74.III,3902;IV,3637.75.LeBien-AimésymbolisetoujoursDieu,c’est-à-direlaLumièredeslumièresetl’Existenceunique.76.III,554,3034;II,1406.77.I,205;II,700;III,3020.78.V,588,2185-2194,3272.79.II,1770.80.I,10,23-27,220,2827;VI,971,979,983.81.IlditquenotrePlatonetnotreGaliensontl’amour,sauveurdenotreâmeetdenotrecorps,PlatonétantlesymboledelaphilosophieetGalienreprésentantlesmédecinsducorps(I,23).82.III,3902.83.I,30;VI,2680.84.I,2035.85.II,815.

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86.Ill’appelleSheikh,Pir,Morâd,Murshid,Dalil-e-Râh…87.II,157988.Sinousconstatons,cesdernièresannées,delasympathiepourl’IslamdelapartdecertainsOccidentaux,sansnuldoutecen’estquegrâceàlapenséeetauxidéesdesmystiquesmusulmansengénéral,etplusparticulièrementauxœuvresetàlapenséedeMawlânâquisontdevenuescélèbresenOccident.89.CeversestuneversionunpeudifférenteduversIII,1897.90.C’est-à-dire qu’il n’est pas possible pour tout lemonde de comprendre lasignificationréelleduMathnawî,carilestdestinéauxmystiquesetauxinitiésetnonaucommundesgens.91.I,16-36,43;II,3681;III,1259.92.II,514;V,1271.Lecontesymboliquedusoufietdesonâneainsiqueceluidusheikhetdesondisciplereprésententuneimitationnaïve.93.Parexemple, l’acceptationd’unereligionparcrainte,ouparceque l’onestnédansunefamillequilapratique.Cf.II,491,1720.94. I,325-725 :histoired’un roiquivoulaitexterminer leschrétiensetdesonvizir.95.II,585sq.:histoired’unescrocetdeshabitantsdesaville.96.II,2604:histoiredeMoawiyya.97.VI, 1536 ; III, 3683 sq. : histoire deSadr-e-Djihân ;V, 1242 : histoire del’amoureuxetdesabien-aimée.98.I,1350.99.II,3171sq.:histoiredupaysanarabeetduphilosophe.100.DeuxdesgrandesécolesdethéologieetdeKalâmislamiques.101.Ce sujet est important aussi au point de vue du système pédagogique deMawlânâ.102.I,900-1390.103.VoiraussiI,598,638,1463,1473,1496,1499etV,2912-3250.104.C’estultérieurementquelesexpressionsdjabr-illiouilmi(déterminisme)etdjabr-qadari (fatalisme) ont été utilisées ; au temps de Mawlânâ, on parlaitseulementdedjabr,sansaucunedistinction.105.VI,1441. Ici,Mawlânâparledudjabr deshommesparfaits et critique ledjabrdesparesseuxetdesignorants.106. Comme Mawlânâ ne parle pas du déterminisme nommément, il faut lecomprendreàtraverstoutcequ’ilditàcesujet.107.I,941,980,981.108.Ladanseetlechantmystiques.Nousenparleronsplusloin.109.Kitmân-e-Sirr.Sirrestletréfondsleplusintimeducœur.110.I,1045,3426;V,2236-2240.

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111.Mawlânâlui-mêmeadit:«NepensezpasquelasignificationésotériqueetsymboliqueduMath-nawîsoitfacileàcomprendreouquecesoitunechosebonmarché»(VI,3460).112. Cette caractéristique apparaît depuis le premier vers duMathnawî, c’estpourquoinousnedonnonspasderéférencesetdeprécisionsàcepropos.113.Cf.EvadeVitray-Meyerovitch,MystiqueetPoésieenIslam,Paris,1972.114.I,3514-15.115.Ceuxdel’exil,del’amour,delacageetdel’oiseau,dontnousavonsparléprécédemment.116.I,1547sq.:histoireduperroquetetdumarchand.117.I,247sq.:histoiredel’épicieretduperroquet.118.I,900sq.:histoiredulionetdesanimaux.119.C’est le symbolismegénéral de ce termedans lamystiquemusulmane etc’estdevenuuneexpressionpopulaire.120.Lesfauconsétaientposéssurlebrasduroi.121.III,3921-4225.122.III,1973-2082.123. Dans certains contes, Mawlânâ explique lui-même les symboles et lessignificationsésotériques.Parexemple,l’histoireduprinceetdelasorcière(IV,3085-3190).124.VI,3582sq.Cettehistoirecontinuejusqu’àlafinduMathnawîets’arrêtebrusquement,sansaucuneexplication.125.Unedimensionintérieureetspirituelle,nonlesquatredimensionsspatiales.126. Nous pouvons l’appeler la parole de l’âme, la parole silencieuse,l’éloquencemuette,etc.127. I, 36 sq.Ce contemontre queMawlânâ connaissait très bien laméthodepsychanalytique. Cf. Dj. Mortazavi, Soufisme et Psychologie, éd. du Rocher,1989128..I,900-1390.129.III,1522.VoiraussiIV,625.130.VI,3345.131.VI,3583.132.IV,2577.133.II,3721;IV,3286.134. Uniquement à titre d’exempies, nous pouvons rappeler à ce proposquelques-unes des histoires du livre premier : histoire de l’épicier et de sonperroquet (I,246) ;AzraîletSalomon(I,956) ; lecapitaineet legrammairienarabe (I, 2835) ; histoire de l’homme de Qaz- win et du tatoueur (I, 2980) ;l’hommesourdetsonvoisinmalade(I,3360).

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135.Ilnes’agitd’ailleursqued’untoutpetitnombredevers.136.Régionsituéeaunord-estdel’Iran.137.MaîtredeRûm(Byzance).138.«Sultandessavants».139. Surnommé Siddiq (sincère). On a donc désigné Mawlânâ et son pèrecommelesdescendantsduSiddiq.140. Cette appartenance n’est pas absolument sûre, car à cette époque lagénéalogiedesfemmesétaittrèsdifficileàétablirenraisondescoutumessocio-religieuses.141.«Lesconnaissancesmystiques».142.Khirqa-e-lrâdat,frocd’investituredesderviches.143.Aflâkî,Manâqib-ul’Ârifïn,tomeI,p.11,rééditionSindbad,Paris.144.C’estluiqueMawlânâacritiquédansleMathnawî.Mais,bienentendu,ilétait devenu un symbole de la pensée philosophique sectaire et de la raisondiscursive;cen’estpaspourdesraisonspersonnellesqueMawlânâs’attaqueàlui.145.SultanWalad,danssonWalad-Nâmeh (trad. française : laParolesecrète,parDj.MortazavietEvadeVitray-Meyerovitch,éd.duRocher,Monaco,1988)^etAflâkî,danssonManâqib-ul-Arifïn(trad.française:lesSaintsdesdervichestourneurs,parCh.Huart,Sindbadéd.,Paris)ontparlédecetteterribleinvasion.146.Dansl’undesespoèmes,Mawlânâadit:«Attâravisitélesseptvillesdel’Amour,tandisquenoussommesrestésdansunepetiteruelle.»Iladitaussi:« Attâr était l’esprit, Sanâ’i ses yeux, nous sommes venus après ces deuxgrands.»147.SituéedanslaTurquieactuelle.148.EnAnatolie.C’estdevenuunlieudepèlerinage,nonseulementdeTurquie,maisencoredumondeentier,d’oùl’onvientvénérerlemausoléedeMawlânâ.149.L’ordresoufifondéverslafindelaviedeMawlânâ,célèbreenOccidentsouslenomde«dervichestourneurs».Nousenparlonsplusloin.150.L’écoleHalawiya,quiétaitl’undescentresculturelsdecetteépoque.151.Morten1240denotreère.152. Le soufisme d’Afrique du Nord et d’Andalousie s’appelle soufismeoccidental.Lesoufismedel’Iran,enparticulierduKhorassan,del’AsieMineureetdel’Iraq,estconsidérécommelabrancheorientaledececourantdelapenséemusulmane.153.IntroductionàsoncommentairedeslivresIetIIduMathnawî,p.XIII.154.Enparlantde laCabale,nousvoulons, tout simplement, indiquerun typed’ésotérisme, et nous n’avons pas l’intention d’affirmer une influencequelconquedelapenséejudaïquesurIbn’Arabi.

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155.Le frocde lainequi rendparfait l’état spirituelde celui qui le reçoit.Cf.Futûhât,I,p.187.156.Prophète et personnagemystérieuxqui représente la science éso- térique.Cf.Qor’ân,XVIII,60-82.157.Futûhât,III,p.514;I,318319;Fusûs,p.63.158.Futûhât,III,p.350.159.Mathnawî,VI,223.160. Selon certaines légendes, il aurait appartenu à une famille ismaélienneappeléeBozorg-Omid,qui régnaitdans la forteressed’Alamutentre lesannées607 et 618de l’hégire.Tout ceci, ainsi que les indicationsqui vont suivre, nedoitêtreacceptéquesousréserves.161.ShamsVarandeh.162.BâyazîdBistâmî,célèbresoufiduKhorassan,morten874ou875denotreère.163.Manâqîb-ul’Arijîn,I,p.69164.Cette rencontreest racontéed’uneautre façonparMuhyi-ud-DînAbd-al-Qâdir, contemporain du fils de Mawlânâ, Sultan Walad, dans son livre Al-Kawâkib. Il dit que cela se passait dans la salle de cours où Mawlânâ étaitentouréde. ses étudiants et de livres.Shams lequestionna, et quandMawlânârépondit:«Tunelesconnaispas»,lefeutombasurleslivresetlesbrûla.165. Le Livre du Dedans, chapitre VI. Aflâkî le rapporte aussi dans sonManâqib-uïAnfin.166.VI,220-226.167.Cf.SultanWalad,laFarolesecrète,trad.citée,éd.duRocher.168. On a dit que son corps avait été retrouvé dans un puits et enterrédiscrètement par le fils de Mawlânâ pour éviter une trop grande peine à cedernier. Cf. A. Gölpinerli, Ency- lopêdie^ de l’Islam, art. sur Djalâl- al-DînRûmî.Cecin’estabsolumentpassûr,maispourtantc’estensefondantsurcetteversionqu’onaconstruitàKonyaunemosquéeavecunsépulcrepourShams.169.SultanWaladécritqu’enfaitMawlânâetShamsn’étaientpasséparés, ilsétaientdevenusunseul.L’amoureuxetlebien-aiméétaientréunis,dit-il,etnousne savions pas ce que les oreilles deMawlânâ entendaient et ce que ses yeuxvoyaient.170.En fait, la signification littérale deShams, c’est le soleil, ce qui donna àMawlânâl’occasiondecomposerlesplusbeauxpoèmesmystiquesdelalanguepersane,enjouantsurcemot,sonamiétantpourluiunsoleilspirituelilluminantsonâme.171. Sans avoir l’intention de donner une explication et un commentairecomplets, destinés à permettre aux lecteurs de connaître la pensée de Shams,

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nousajoutonsqu’ici«LeCalligraphe»représenteleCréateur.Lescalligraphiessont les créatures. La première représente les êtres inanimés, végétaux etanimaux,quiontuneidentitébiendéterminéeetdontlaquidditéestsaisissable,mêmepourl’homme.

Ladeuxièmereprésentelesêtrescélestesetspirituelsetlesangesdontla réalité et les quiddités sont connues pour Dieu, mais pas pour leshommes.La troisième, c’est l’homme, que Dieu a créé et a laissé libre de

déterminer sa propre identité et de réaliser personnellement sa quiddité.Bienentendu,ils’agiticideshommesvéritablesquineserestreignentpasaumondeinstinctifetauxbesoinscorporelscar,danscecas-là,ilsnesontquedesanimauxetseule leurapparenceesthumaine.Cette idée,quiesten fait uneprésentation ésotériquede lapensée existentialiste (théiste etnon athée) dans son intégralité philosophique déborde clairement leslimitesdelatraditionabrahamique,etilfautenchercherlesoriginesdanslapenséedel’ancienIranetdel’Inde.

172.C’estceluiquidirigeaitlesaffairesdelaconfrérie.173.Oupîr,«guidespirituel».174.DeuxgrandsmystiquesduIIIesiècledel’hégire.175.Ledeuxièmelivreaétécommencéen662del’hégire.176.Ilcomporte4916distiques;lelivreII,quiestlepluslongdescinqautres,n’enaque4810.177.Aflâkî,I,p.99.178.Aflâkî,I,p.97.179.Aflâkî,I,p.276.180.Mais il savait très bien l’arabe, et certains vers duMathnawî sont écritsdanscettelangue.181.Ilexistedifférentesversionsdecetterencontre,l’uneestqueSalâhal-DinvenaitécouterMawlânâciterdesparolesdeBurhân-al-DînMoha-qiqTirmidhî.C’estàunetelleoccasionqu’ilsejetaauxpiedsdumaîtreetdevintsondisciple.182.Aflâkî,I,pp.336-337.183.On peut comprendre qu’il voulait parler ici des philosophes de laGrèceantique.184.IV,733.185.IV,732-734.186.C’est sur l’ordredeMawlânâ,dit-on,que l’ona fait lerebâbàsixcoins,alors qu’il était carré. Les six angles du rebâb symbolisent les six angles dumonde.Lerebâbestuninstrumentdemusiquesemblableauviolon,utilisédanslaconfrériemawlawiyaavecleney,letambouretlekamântcheh.

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187.Morten440del’hégire(1049).188.OnpeutpercevoirassezclairementcetteintensiondanssonWaladNâmeh(laParolesecrète,trad.cit.).189.Ils’estcertainementfondésurlapenséedesonpèreconcernantlathéoriepythagoriciennedelamusiquedessphères.190. Cf. E. de Vitray-Meyerovitch, Mystique et Poésie en Islam, chap. surl’Oratoriospirituel,enparticulierpp.87-88.191. La condamnation de certaines confréries comme celle des bektashis étaitdueàdesmotifspolitiques,notammentleursympathiepourladynastiesafavidedel’Iranquiétaitlagranderivaledeladynastieottomanedanslarégion.192.Littéralement«coin»,maissignifieaussi«lamaisonderetraite».193. Intitulés Kunûz al-haqâiq fi rumûz al-daqâiq et Djawâhir al-asrâr wazawâhiral-anwâr.194.Sharh-e-Mathnawi-e-sharif.195.IntituléFâtihal-abiât.196.IntituléAl-minhâdjal-qawi.197.IntituléPirâhan-e-Yûsuf.198.IntituléBahral-ulûm,Sharh-e-Mathnawisharif199.GibbMemorialSériés,London,1926.Avecdeuxvolumesdecommentairesetdesnotes. Il existeuneéditioncritiquedu textepersanduMathnawî, due àR.A.Nicholson,qui,engénéral,estconsidéréecomme l’édition laplusexactedecelivre.200.Onl’appelleaussiDiwânkabir-e-ShamsouDiwân-e-Shams-e-Tabriz.201.On l’appelle aussiDiwân-e-Ghazalliât Shams. Les « ghazals » sont despoèmesdontlesrimessontidentiquespourtouslesvers.202. Un petit nombre de poèmes se terminent par le nom de Husâm al- Dîn(Tchelebî).203.Environvingt-quatremilleversetmillehuitcentsghazals. Ilyad’autreséditionsdecelivre,aussipubliéàTéhéran,entreautresl’éditiondeM.Darvish.204.Odesmystiques(Diwân-e-Shams-e-Tahrizi),éd.Klincksieck,Paris,1984.Les traductions partielles de ce livre en anglais et allemand sont dues à R.A.Nicholson,VonHammeretVonRosenwier.Bienentendu,hormisla traductionde Paris et une anthologie faite par Nicholson, les autres ne sont que latraductiondequelquesghazals.205.Livredontl’auteurestanonyme,onnesaitpass’ilestdeSultanWaladoubiend’unautrediscipledeMawlânâ.206. On raconte à propos de ce vizir qu’il vint voir Mawlânâ, en hiver. Ilneigeait.Commeledomestiqueavaitoubliéd’informerMawlânâ, levizirrestadesheuresàlaporte,souslaneige;parrespectetdepeurdedérangerMawlânâ,

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ilne frappapasunenouvelle fois,mais ilnevoulaitpaspartir, jugeantqueceseraitunsigned’infidélité.207.D’autreséditionsexistentaussicommecelledeH.Khânsârî.208.Éd.Sindbad,Paris,1975.209.ÉditéàTéhéranparB.Furû-zânfar,en1342del’hégire.210.Éd.Maisonneuve,Paris,1950.211.Éd.AlbinMichel,Paris.212.InGibbMemorialSeries.213.Acepropos,voir l’introductiondeNicholsonà l’éditioncritiquedu textepersandeslivresIIIetIV.214.Ilsignifie«jouerdupipeau»et,dansunesignificationgénérale,«écouterdelamusique».215.Alang-e-khamr-o-zamr-bar-khod-minahand.216.AJang-e-khamr-o-bang-bar-khod-minahand.217.S’ilexistaitquelquesdifférences,maiscertainementtrèsrares,nousl’avonsindiquédanslesnotes.218.Parexemple,cequenousvenonsdedireàproposdudistique225dulivreIV.219.Bienentendu,cenesontpasseulementlesdeuxmotsoulesdeuxlocutionsque nous venons de citerqui sont en cause. Il existe des milliers de cassemblablesquelelecteurdécouvriradansletexte,etilnoussembleinutiled’endonnerdavantaged’exemples.

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REFACEDULIVREPREMIER1

AUNOMDEDIEU,LECOMPATISSANT,LEMISÉRICORDIEUX

CeciestlelivreduMathnawî,quiestlaracinedesracinesdesPiliersdelaReligion(musulmane)encequ’ildévoilelesmystèrespourparveniràlaVéritéet lacertitude ; etquiest laplusgrandesciencedeDieuTrès-Hautetlavoiedivinelaplusclaire,etlapreuvelaplusmanifestedeDieu.Lalumièrequ’ilcontientestcommeunenichedanslaquellesetrouve

une lampe2, brillant d’un éclat plusvif que l’aurore.C’est leParadis ducœur,possédantdessourcesetdesbranches;l’uned’ellesestunesourceappeléeSalsabil,pourlesvoyageursenceSentier;et,auxyeuxdeceuxqui possèdent des stations mystiques et des grâces divines, il (leMathnawî) est lameilleure des stations et le lieu de repos (spirituel) leplusexcellent3. Là, les justesmangent et boivent, et ainsi ceux qui sontlibresseréjouissentetsontheureux;demêmequeleNild’Egypteestuneboisson(agréable)pourceuxquisontdouésdepatience,maisunepeinepourlepeupledePharaonetlesincroyants,ainsiqueDieuadit:«IlenégareainsiungrandnombreetIIendirigeungrandnombre4.»C’estleremède des cœurs malades et le consolateur des chagrins, et celui quiexplique le Qor’ân, et la source de l’abondance des dons divins, et lepurificateurdel’Éthique;écritparlesmainsdescribesnoblesetpurs5quidéfendent:«Ceuxquisontpurspeuventseuls le toucher6.»Verreurnes’yglissedenullepart7,étantdonnéqueDieul’observeetveillesurlui,et«Ilest lemeilleurgardien,Ilest leplusmiséricordieuxdeceuxqui fontmiséricorde8 et il possède d’autres titres d’honneur que Dieu lui aconférés.Nousnoussommeslimitésàcepeudechose,carlepeuestunindicedu

multiple,etunegorgéed’eauestunindice(delaqualité)del’étang,etune

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poignéedebléestunindice(servantd’échantillonaucontenu)d’ungrandgrenier.Ainsi parle le faible esclave qui a besoin de la miséricorde du Dieu

Très-Haut,Mohammad,filsdeMohammad,filsdeal-Husayn(delaville)deBalkh—puisseDieu accepter de lui cette offrande— : « Jeme suisefforcé de rédiger ce Poème en couplets rimés, lequel comprendd’étrangesparoles,d’excellentsdiscoursetdeprécieusesindications,etlavoiereligieusedesascètesetlejardinspiritueldespieux—toutcelaétantd’expression brèvemais de significationsmultiples— à la demande demonmaître, mon soutien et mon appui, qui occupe la place de l’espritdansmoncorps,etquiestletrésordemonaujourd’huietdemondemain,àsavoir,leShaykh,lemodèledes«ConnaisseursdeDieu»(Arifîn)etleguidedeceuxquipossèdentunedirectiondroite,etlacertitude,lesecoursdel’humanité,legardiendignedeconfiancedescœursetdesconsciences,ledépôtplacéparDieuparmiSes créatures, etSonchoixau seindeSacréation, l’objet de Ses injonctions à Son Prophète et de Ses secretsconfiés à Son élu, la clé des trésors de l’Empyrée, le conservateur desrichessesenfouiesdansla terre, lepèredesvertus, l’Épée(Husâm)de laVérité et de la Religion, Hasan fils de Mohammad fils de al-Hasan,généralementconnusouslenomdeIbnAkhîTurk,l’AbûYazîddutemps,leDjunayddel’époque9,lefilstotalementsincèred’unpèreetd’ungrand-pèreentièrementsincères—puisseDieuêtresatisfaitdeluietd’eux!—originaires d’Urmiya, faisant remonter sa généalogie au Shaykh qui esthonoré pour avoir dit : « Le soir, j’étais un Kurde, et le matin unArabe10.»QueDieusanctifiesonâmeetlesâmesdesessuccesseurs!Sa lignée est de celles sur lesquelles le soleil a jeté son manteau, et

devantlarenomméedesesancêtreslesrayonsdesétoilesontpâli.Lacourdesafamilleatoujoursétélaqibla11delabonnefortune,verslaquellesetournent les fils des guides spirituels, et laKa’ba de l’Espoir, autour delaquelle circumambulent les délégations de ceux qui aspirent à lagénérosité ; et puisse-t-il toujours en être ainsi, aussi longtemps qu’uneétoileselèveraetqu’unsoleild’orientapparaîtraau-dessusdel’horizon,afinque ce soit un rempart pour ceuxqui sontbons, spirituels, célestes,supra-célestes, illuminés ; qui possèdent l’intuition mystique ; lessilencieuxquicontemplent,lesabsentsquisontprésents;lesroiscachéssousdeshaillons,lesnoblesdesnations,lesdétenteursd’excellences,lesluminaires qui manifestent les preuves (divines). Amen, ô Seigneur detouslesêtrescréés!Etceciestuneprièrequineserapasrepoussée,car

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c’estuneprièrequiembrassetouteslescatégoriesdelacréation.GloireàDieu,Seigneurdetouslesêtrescréés,etqueDieubénisselameilleuredeSescréatures,Mohammed,etsaparenté,lesnoblesetpurs!

Notesdefapréface

1.Cettepréfaceestenarabe,ainsiquecellesdeslivresIIIetIV;cellesdestroisautreslivressontenpersan.2. Cf. Qor’ân, XXIV, 35 : pour Rûmî, la lumière, c’est-à-dire la significationspirituelleduMathnawîdérivedelaLumièredivinequil’inspire.3.Cf.Qor’ân,XXV,24.4.Cf.Qor’ân,II,26.5.Cf.Qor’ân,LXXX,15-16.6.Cf.Qor’ân,L,79.7.Cf.Qor’ân,XLI,42.8.Cf.Qor’ân,XII,64.9. Abû Yazîd (Bâyazîd) de Bistâm, célèbre soufi de l’Iran, mort en 260 del’hégire(874).DjunayddeBagdad,grandmystique,morten297/909.10.CeShaykh,quin’estpasnommé,seraitunsaintkurde,Abu’l-Wafâ,desVe-Vlesièclesdel’èreusuellequi,enraisond’unmiracle,seseraitmisàprêcherenarabe,languequ’ilignoraitlaveille.11.Directiondelaprièrerituelle.

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IVREPREMIER

AUNOMDEDIEU,LECOMPATISSANT,LEMISÉRICORDIEUX

1 Écouteleney(laflûtederoseau)raconterunehistoire,ilselamentedelaséparation:« Depuis qu’on m’a coupé de la jonchaie, ma plainte fait gémir

l’hommeetlafemme.«Jeveuxuncœurdéchiréparlaséparationpouryverserladouleurdu

désir.«Quiconquedemeureloindesasourceaspireàl’instantoùilluiseraà

nouveauuni.«Moi,jemesuisplaintentoutecompagnie,jemesuisassociéàceux

quiseréjouissentcommeàceuxquipleurent.« Chacun m’a compris selon ses propres sentiments ; mais nul n’a

cherchéàconnaîtremessecrets.«Mon secret, pourtant, n’est pas loin dema plainte,mais l’oreille et

l’œilnesaventlepercevoir.«Lecorpsn’estpasvoiléàl’;âme,nil’;âmeaucorps;cependant,nul

nepeutvoirl’;âme.«C’estdufeu,nonduvent,lesondelaflûte:ques’anéantisseceluià

quimanquecetteflamme!10 «C’estlefeudel’Amourquiestdansleroseau,c’estl’ardeurde

l’Amourquifaitbouillonnerlevin.« La flûte est la confidente de celui qui est séparé de sonAmi : ses

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accentsdéchirentnosvoiles.« Qui vit jamais un poison et un antidote comme la flûte ? Qui vit

jamaisunconsolateuretunamoureuxcommelaflûte?« La flûte parle de la Voie ensanglantée de l’Amour, elle rappelle

l’histoiredelapassiondeMadjnûn.«Acelui-làseulquiarenoncéausensestconfiécesens:lalanguen’a

d’autreclientquel’oreille.« Dans notre affliction, les jours sont devenus moroses ; nos jours

cheminentaveclespeinesbrûlantes.«Sinosjourssesontenfuis,qu’importe!Demeure,ôToiàlasainteté

dequinuln’estcomparable!« Quiconque n’est pas un poisson devient abreuvé de Son eau ;

quiconqueestprivédupainquotidientrouvelajournéelongue.«Celui qui n’a point d’expérience ne peut comprendre l’état de celui

quisait;mesparolesdoiventdoncêtrebrèves.Adieu!»Ô mon fils, brise tes chaînes et sois libre ! Combien de temps

demeureras-tuesclavedel’argentetdel’or?20 Situdéverseslamerdansuneaiguière,quecontiendra-t-elle?Laration

d’unejournée.L’aiguière, l’œil de celui qui est avide, ne devient jamais remplie : la

coquilledel’huîtren’estpasrempliedeperlesavantd’êtrebrisée.Seulceluidontl’habitestdéchiréparungrandamourestpurifiédela

cupiditéetdetouslesdéfauts.Salut,ôAmour,quinousapportestesbienfaits,toiquieslemédecinde

tousnosmaux,Le remède à notre orgueil et à notre vanité, notre Platon et notre

Galien!Par l’Amour, le corps terrestre a pris son essor vers les cieux : la

montagnesemitàdanseretdevintagile.L’Amourinspira lemontSinaï,ôamoureux!desortequeleSinaïfut

enivréetqueMoïsetombafoudroyé1Sij’étaisjointàlalèvredequelqu’unquifûtenaccordavecmoi,moi

aussi,commelepipeau,jediraistoutcequipeutêtredit;Maisquiconqueestséparédeceluiquiparle,sonlangagedevientmuet,

mêmes’ilacentmélodies.Quand la rose aura disparu et le jardin fané, tu n’entendras plus

l’histoiredurossignol.30 LeBien-Aiméesttout,l’amantn’estqu’unvoile;leBien-Aiméest

vivant,etl’amantchosemorte.

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Quandl’Amournesesoucieplusdelui,ilrestecommeunoiseausansailes.Hélaspourlui!Commentpourrais-jeavoirconsciencedecequiestdevantouderrière

moi quand la Lumière de mon Bien-Aimé n’est pas devant et derrièremoi?L’AmourveutquecetteParolesoitmanifestée : si lemiroirne reflète

rien,quelleenestlacause?Sais-tu pourquoi le miroir de ton âme ne reflète rien ? Parce que la

rouillen’apasétéenlevéedesaface.Ômesamis,écoutezcettehistoire:envérité,c’estl’essencemêmede

notreétatspirituel.

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Histoireduroidevenuamoureuxd’unejeuneesclaveetl’achetant

u temps jadis, il y avait un roi à qui appartenaient le pouvoirtemporeletaussilepouvoirspirituel.Iladvintqu’unjour,serendantàlachasseàcheval,avecsescourtisans,Leroiaperçutencheminunejeuneesclave:l’âmeduroidevintesclave

decetteesclave.Commel’oiseaudesonâmebattaitdesailesdanssacage,ildonnade

l’argentetachetalajeunefille.40 Aprèsqu’ill’eutachetéeetqu’ill’eutgagnéeàsondésir,laDestinée

divinevoulutqu’elletombâtmalade.Uncertainhommepossédaitunâne,maispasdebât:dèsqu’ileutune

selle,leloupemportasonâne.Ilpossédaituneaiguière,maisonnepouvaitavoirde l’eau :quand il

trouvadel’eau,l’aiguièresebrisa.Leroirassembladesmédecinsvenusdetouscôtésetleurdit:«Notre

vieàtousdeuxestentrevosmains.«Mavien’apointdevaleur,maiselleestlaviedemavie.Jesouffreet

suisblessé:c’estellemonremède.«Celuiquiguériracellequiestmavieemporteraavecluimontrésor,

mesperlesetmoncorail.»Tous lui répondirent :«Nousrisqueronsnosvies,nousrassemblerons

toutesnosintelligencesetlesmettronsencommun.«ChacundenousestunMessiepourtoutlemonde;dansnosmainsse

trouveunremèdepourchaquesouffrance.»Dansleurarrogance,ilsnedirentpas«SiDieuleveut»,c’estpourquoi

Dieuleurmontralafaiblessedel’homme.Je veux dire qu’il s’agit d’avoir omis cette restriction par dureté de

cœur;nonpassimplementdeprononcercesmots,carcen’estlàqu’unechosesuperficielle.

50 Combienn’ontpasdit«SiDieuleveut!»etdontl’âme,pourtant,estenharmonieavecl’âmedecesparoles!Plusilsappliquaientdesoinsetderemèdes,pluslamaladieaugmentait.La jeune filledevintmincecommeuncheveu, tandisque lesyeuxdu

roiruisselaientdelarmesdesang.Parledécretdivin,l’oxymelproduisaitdelabile,etl’huiled’amandes

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accroissaitlasécheresse.Lemyrobalancausait laconstipation ;et l’eaualimentait lesflammes,

tellenaphte.

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Commentildevintévidentpourleroiquelesmédecinsétaient

incapablesdeguérirlajeunefille,etcommentiltournasafaceversDieuetrêvad’unsainthomme

uandleroivitl’impuissancedecesmédecins,ilcourutpiedsnusàlamosquée.Ilentradanslamosquéeets’avançajusqu’aumihrab*;ilbaignaletapis

deprièresdeseslarmes.Enrevenantàlui-mêmeaprèscetteextase(fanê)**, ilouvrit labouche

pouradresserélogesetlouanges,Disant : «Ô Toi dont lemoindre présent est l’empire dumonde, que

dirais-je,puisqueTuconnaiscequiestcaché?«ÔToiauprèsdequinouscherchonstoujoursrefugeennotredétresse,

ànouveaunousnoussommeségarés.60 «MaisTuasdit:“Bienquejeconnaissetonsecret,déclare-le

cependantpartonactionextérieure.»Lorsque des profondeurs de son âme s’éleva un cri de supplication,

l’océandelaGénérositédivinebouillonna.Le sommeil s’empara de lui tandis qu’il pleurait ; il rêva que lui

apparaissaitunvieillard,Quiluidit:«Heureusesnouvelles,ôroi!Tesprièressontexaucées.Si

demainunétrangervientauprèsdetoi,c’estmoiquitel’envoie.« Lorqu’il viendra— c’est un médecin habile : considère-le comme

sincère,ilestdignedefoietvéridique.« Dans ses remèdes, contemple la magie absolue, dans son caractère

contemplelapuissancedeDieu!»L’heure promise arriva, le jour se leva, et le soleil, à l’orient, fit se

consumerlesétoiles.Le roi était sur sa terrasse, attendant d’apercevoir ce qui lui avait été

mystérieusementmontré.Ilvitunepersonnesavanteetintelligente,unsoleilauseindel’ombre,Arrivant de loin telle la nouvelle lune : il était non existant, bien

qu’existantcommeuneimagination.70 Dansl’esprit,l’imaginationestcommeunnéant:maisconsidèreun

mondequipassedansl’imagination!

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Lapaixetlaguerreproviennentd’uneimagination,lafiertéetlahonteviennentdel’imagination;Maisces imaginationsqui leurrent les saints sont le refletdesbeautés

dujardindeDieu.Cette image que le roi avait vue dans son rêve semanifestait dans le

visagedel’hôteétranger.Le roi lui-même, etnon ses chambellans, alla à la rencontrede l’hôte

venudel’Invisible.Tousdeuxétaient desmarinsqui avaient appris ànager, leurs âmes à

tousdeuxétaientjointes,sanscouture.Leroidit:«C’étaittoimonBien-Aiméenréalité,etnonpaselle;mais

encemondel’actionprovientdel’action.« Ô toi qui es pour moi commeMustafâ, alors que je suis pour toi

comme‘Omar*,jememetsàtonservice.»

* Niche indiquant dans les mosquées la direction de LaMecque et donc desprièresrituelles.**Letermedefanâdésignelamortmystique*Beau-pèreduprophète,etdeuxièmekhalifedel’islam.

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SuppliantleSeigneur,quiestnotreAide,denousaideràgarderle

contrôledenous-mêmesentoutescirconstances,etexpliquantles

conséquencesnuisiblesetnéfastesdel’indiscipline.

mploreDieudenousaideràgarder lecontrôledenous-mêmes :celuiquiestdénuéducontrôledesoiestprivédelagrâceduSeigneur.«L’hommeindisciplinénesemaltraitepasseulementlui-même,maisil

metlefeudanslemonde.80 «Unetablecouvertedenourrituredescendaitducielsanseffort,sans

venteetsansachat,« Lorsque certains du peuple de Moïse s’écrièrent de manière

irrespectueuse:“Oùsontl’ailetleslentilles?”«Aussitôtlepaincélesteetlesalimentsdisparurent:ilneleurrestaque

latâchedesemeretdetravailleraveclapiocheetlafaux.«Anouveau,lorsqueJésusintercéda,Dieuenvoyaducielnourritureet

libéralités,«Maisunefoisencoreleshommesinsolentsnetémoignèrentpointde

respectetcommedesmendiantss’emparèrentdesaliments,«BienqueJésuslesadjurât,disant:“Ceciestdurable,etnedisparaîtra

pasdelaterre.”«MontrerdesdoutesetdelacupiditéàlatabledelaMajesté,c’estde

l’ingratitude.«Acausedecesmisérablesimpudents,aveuglésparl’avidité,laporte

delamiséricordesefermadevanteux.« Si l’on ne paie pas l’impôt des pauvres (zakat), les nuages ne

déversentpasdepluie;enraisondelafornication,lapesteserépanddanstouteslesdirections.« Tout ce qui t’advient de tristesse et de chagrin est le résultat de

l’irrévérenceetdel’insolence.90 «Quiconqueseconduitavecirrévérencedanslechemindel’Amiest

unbrigandquivoleleshommes,iln’estpasunhomme.«Grâceàladiscipline,cecielaétéremplidelumière,etgrâceàelle,

lesangessontdevenusimmaculésetsaints.« A cause de l’irrévérence, le soleil a été éclipsé, et l’insolence fit

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renvoyerloinduseuilAzâzîl(Iblis).»

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Larencontreduroietdumédecindivindontlavenueluiavait

étéannoncéeensonge

eroiouvritlesbras,leserracontresapoitrine,etlereçut,commel’amour,danssoncœuretdanssonâme;Il lui baisa la main et le front et s’enquit de sa demeure et de son

voyage,Et, lui posant maintes questions, le conduisit à la place d’honneur.

«Enfin,luidit-il,j’aitrouvéuntrésorenmemontrantpatient.»Illuidisait:«ÔdondeDieuetprotectioncontrel’affliction,ôtoidont

lasignificationest“lapatienceestlaclédubonheur!”«Ôtoidontlevisageestlaréponseàtoutequestion,partoilesnœuds

serréssontdénouéssansdifficulté.« Tu interprètes tout ce qui est dans nos cœurs, tu prêtes une main

secourableàceluidontlepiedestenlisédanslaboue.« Sois le bienvenu, ô élu, ô choisi ! Si tu disparais, le Destin nous

frapperaetl’espaceseraconfiné.100 «Tuesleprotecteurdesgens.Celuiquitedésirenevapasàsaperte.

Non,envérité,s’ilnecessepas2…»

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Commentleroiconduisitlemédecinauchevetdelajeunefillemalade,afinqu’ilpuissel’examiner

orsque cette réunion et ce festin eurent pris fin, il le saisit par lamainetleconduisitauharem.Illuiracontal’histoiredelamaladeetdesamaladie,etlefitasseoirau

chevetdelajeunefille.Le médecin observa la couleur de son visage, lui prit le pouls et

examinasonurine;ilentenditlerécitdessymptômesetdessignesdesamaladie.Ildéclara:«Aucundesremèdesquiontétéappliquésnerendlasanté:

cesfauxmédecinsn’ontcauséqueruine.« Ils étaient ignorants de l’état intérieur. Je cherche refuge en Dieu

contrecequ’ilsinventent.»Ilvitlasouffrance,etlesecretdevintclairpourlui,maisilledissimula

etneditrienauroi.Sadouleurneprovenaitpasdelabilenoireoujaune:l’odeurd’unfeu

deboisapparaîtdanslafumée.Cettedouleuramèreluifitcomprendrequ’ellesouffraitdanssoncœur;

soncorpsétaitbienportant,maissoncœurétaittouché.Être amoureux se manifeste dans la peine du cœur : nul mal n’est

comparableàladouleurducœur.110 Lasouffrancedel’amoureuxestdifférentedetouteslesautres

souffrances:l’amourestl’astrolabedesmystèresdeDieu.Quel’amourvienneducôtédelaterreouqu’ilviennedescieux,àlafin

ilnousemmènelà-bas.Quoi que je puisse dire pour parler de l’Amour et pour l’expliquer,

quandj’arriveàl’Amourlui-même,j’aihontedemonexplication.Bienquelecommentairedelaparolerendeleschosesclaires,l’amour

sansparolesaplusdeclarté.Tandisquelaplumesehâtaitpourécrire,elles’estbriséedèsqu’elleest

arrivéeàl’Amour.Enparlantdel’Amour,l’intellectgîtimpuissant,telunânecouchédans

laboue:c’estl’Amourseulquiadonnél’explicationdel’amouretdusortdesamoureux.Lapreuvedusoleilestlesoleilmême:siturechercheslapreuve,n’en

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écartepastonvisage!Si l’ombre en fournit un indice, le soleil lui-même donne à chaque

instantlalumièrespirituelle.L’ombre, comme une histoire contée pendant la nuit, t’apporte le

sommeil;quandlesoleilselève«lalunesefend3».Iln’estrienencemonded’aussimerveilleusementétrangequelesoleil,

maisleSoleildel’espritestéternel:iln’apointd’hier.120 Bienquelesoleilphysiquesoitunique,ilestpossible,cependant,d’en

imaginerunquiluiressemble;Le Soleil spirituel, qui est au-delà de l’éther, n’a point d’égal dans

l’espritouextérieurement.Comment son Essence pourrait-elle être contenue dans l’imagination,

detellesortequ’onpuisseselareprésenter?Quand lesnouvellesarrivèrentde la facedeShams-od-Dîn*, lesoleil

duquatrièmecielsecachadehonte.Puisque son nom est venu sur mes lèvres, il me convient de donner

quelqueidéedesagénérosité.A ce moment, mon Ame a saisi le pan de ma robe : elle a perçu le

parfumdelachemisedeJoseph4,Disant : « En souvenir de nos années d’amitié, raconte l’une de ces

doucesextases,«Afinquelaterreetlecielpuissentsemettreàrire,quel’intelligence,

l’espritetlavisionsoientcentuplés.»Je dis : «Nem’impose pas de telles tâches, car je suis hors demoi-

même (fanâ) ; mes perceptions sont émoussées et je ne sais commentcélébrerdeslouanges.«Toutcequiestditparceluiquin’estpas revenuà laconsciencede

soi,s’ilsecontraint,ouexagèreensevantant,n’estpasconvenable.130 «Commentpourrais-je,alorsqu’aucuneparcelledemonêtren’est

lucide,décrirecetAmiquin’apointsonpareil?« La description de cette séparation et de ce cœur ensanglanté,

renonces-yàprésentjusqu’àuneautrefois.»Ildit:«Nourris-moi,carjesuisaffamé,ethâte-toi,carleTempsestun

glaivetranchant.«Lesoufiestlefilsdel’instant,ômonami:cen’estpaslarègledela

Voiequededire:“Demain".« N’es-tu donc pas un soufi, en vérité ? Ce qui est dans tamain est

réduitànéantsituretardeslepaiement.»

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Jeluidis:«Mieuxvautquelesecretdel’Amisoitdissimulé:prends-enconnaissancegrâceàcettehistoire.«Mieuxvautquelesecretdesamantssoitcontéparautrui.»Il dit : « Déclare-le ouvertement, sans ambages et sincèrement : ne

cherchepasd’échappatoire,ôimpertinent!«Lèvelevoileetparlenûment,carjeneportepasdechemisequandje

dorsavecmonAdoré.»Jedis : «S’il t’apparaissait sansvoiles, tune resterais pas, ni aucune

partiedetoi-même.140 «Formuletondésir,maisavecmesure:unbrindepaillenepeut

supporterunemontagne.« Si le Soleil qui illumine lemonde s’approchait d’un peu plus près,

toutseraitconsumé.«Nerecherchepasletrouble,lebouleversement,l’effusiondesang:ne

displusrienduSoleildeTabriz*!»Ce mystère n’a pas de fin : parle du commencement. Raconte la

conclusiondecettehistoire.

*MaîtrespiritueldeRûmî.*LenomdumaîtredeRûmîsignifielittéralement«leSoleildeTabriz».

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Commentcesaintdemandaauroideresterseulaveclajeuneesclave

afindedécouvrirsamaladie

ldit:«Ôroi,videlamaison;renvoielesparentsetlesétrangers.«Quepersonnen’écoutedanslescorridors,afínquejepuissedemander

certaineschosesàcettejeuneesclave.»Lamaison fut laissée vide, personne n’y resta, sauf le médecin et la

malade.Trèsdoucement,illuidit:«Quelleesttavillenatale?Carletraitement

convenantauxgensdechaquecitédiffère.«Etdanscetteville,qui t’est apparenté?Avecqui as-tudes liensde

familleoud’amitié?»Ilmit lamain sur son pouls et lui posa des questions, une à une, sur

l’injusticeduCiel.150 Lorsqu’uneépines’enfoncedanslepieddequelqu’un,ilplacesonpied

sursongenouEt cherche la tête de l’épine avec la pointe d’une aiguille ; s’il ne la

trouvepas,ilhumectel’endroitdesalèvre.Uneépinedanslepiedestsidifficileàtrouver:commentest-cedonc

pourl’épinedanslecœur!Dis-le!Si chaque être vil avait vu l’épine dans le cœur, quand les chagrins

pourraient-ilstriompherdequiconque?Quelqu’un pique une épine sous la queue d’un âne ; l’âne ne sait

comments’endéfaire;ilsemetàsauter.Il saute, et l’épine s’enfonce davantage : il faut une personne

intelligentepourextraireuneépine.Afindesedébarrasserdel’épine,l’âne,d’irritationetdedouleur,ruait

etdonnaitdescoupsencentendroits,Mais cemédecin, pour enlever les épines, était un expert ; posant sa

mainsurunendroit,puisl’autre,ill’examinait.Il interrogea la jeune fille au sujet de ses amis, lui demandant son

histoire.Et elle révéla aumédecinmaintes circonstances concernant son foyer

natal,sesmaîtres,sesconcitoyens.160 Ilécoutaitsonrécit,toutencontinuantàobserverlesbattementsdeson

pouls,

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De façonà se rendrecompte, lorsque sonpouls s’agiterait aunomdequelqu’un,quecelui-ciétaitl’objetdudésirdesonâmeencemonde.Ilénuméralesamisqu’elleavaitdanssavillenatale;puisilmentionna

lenomd’uneautreville.Ildit:«Quandtuquittastapropreville,dansquellecitéas-tusurtout

vécu?»Elle indiqua le nom d’une certaine ville, et continua à parler d’une

autre,sansqu’aucunealtérationseproduisîtdanslacouleurdesonvisageoudanssonpouls.Ellecitadesmaîtresetdesvilles,unàun,etparladesesdemeures,du

painetdusel.Elleracontadeshistoiresausujetdemaintesvillesetmaisons,maispas

unedesesveinesnefrémit,etsajouenepâlitpas.Son pouls resta normal, inaltéré, jusqu’à ce qu’il l’interrogeât sur

Samarkande,lavilledoucecommelesucre.Alors sonpouls bondit, et sonvisagepâlit et rougit, car elle avait été

séparéed’unhommedeSamarkande,unorfèvre.Quand lemédecin découvrit le secret de la jeunemalade, il discerna

l’originedesonchagrinetdesasouffrance.170 Ildit:«Quelestsonquartierquandontraverselaville?»«Sari-Pul

(latêtedepont)etlarueGâtafar»,répondit-elle.Il dit : « Je sais quelle est ta maladie et je déploierai aussitôt les

ressourcesdelamagiepourteguérir.«Soisheureuseetinsouciante,necrainsrien,carjeferaipourtoiceque

lapluiefaitàlaprairie.«Jem’inquiéteraipourtoi,nesoispasinquiète:jesuisplustendrepour

toiquenepeuventl’êtrecentpères.«Prendsgarde!Nerévèlecesecretàquiconque,quandbienmêmele

roit’interrogerait.« Si ton cœur devient le tombeau de ton secret, ton désir sera réalisé

plusvite.»Le Prophète a dit que celui qui dissimule sa pensée la plus intime

obtiendrabientôtl’objetdesondésir.Quand les semences sont cachées dans la terre, leur secret profond

devientlaverduredujardin.Si l’oret l’argentn’étaientpascachés,commentcroîtraient-ilsdans la

mine?Les promesses et les paroles consolantes du médecin libérèrent la

maladedelapeur.

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180 Ilyadespromessesvéridiquesapaisantespourlecœur;ilyadefaussespromesses,chargéesd’inquiétude.Lapromessedesnoblesestdelamonnaiedebonaloi;lapromessede

l’hommevildevientuneangoissepourl’âme.

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Commentlesaint,ayantdécouvertlacausedelamaladie,l’exposaau

roi

lselevaalorsetallavoirleroi;illuifitconnaîtreunepartiedelachose.«Lemeilleur plan, dit-il, est que nous amenions l’homme ici afin de

guérircettemaladie.«Convoquecetorfèvredecepayslointain;attire-leavecdel’oretdes

robesd’honneur.»

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CommentleroienvoyadesmessagersàSamarkandepour

chercherl’orfèvre

eroidépêchaunoudeuxmessagers,hommeshabiles,compétentsettrèsjustes.ASamarkandearrivèrentlesdeuxmessagersauprèsdel’orfèvrejovial

etétourdi,Disant : « Ô beau maître, à la science parfaite, toi dont le talent est

célèbrepartout,«Voiciquetelroit’achoisipourtonhabiletéd’orfèvre,parcequetuy

excelles;« Reçois donc cette robe d’honneur, cet or et cet argent ; quand tu

viendraschezleroi,tuserasunfavorietunamiintime.»190 L’hommevitl’abondanced’argentetlesnombreuxhabits;ilfutséduit

etquittasavilleetsesenfants.L’homme se mit en route avec insouciance, ignorant que le roi en

voulaitàsavie.Il enfourcha un cheval arabe et chevaucha gaiement : le prix de son

sang,illeprenaitpourunerobed’honneur.Ô insensé qui te réjouis cent fois d’entreprendre toi-même un voyage

versunbutfuneste!Ilimaginaitlarichesse,lapuissance,l’autorité;Azraîl*dit:«Va.Oui,

tulesobtiendras!»Lorsquel’étrangerarrivadelaroute,lemédecinl’amenaenprésencedu

roi.Ilsleconduisirentcourtoisementauprèsduroidesrois,afinqu’ilbrûle

commeunphalènedanscettechandelledeTirâz.Leroileregarda,luitémoignabeaucoupd’égardsetluiconfialagarde

dutrésorremplid’or.Alorslemédecinluidit:«ÔpuissantSultan,donnelajeunefilleàce

seigneur,«Afinquelajeunefilletrouvelebonheurdansl’unionaveclui,etque

l’eaudel’unionéteignelefeudesapassion.»200 Leroiluiaccordacettebeautéauvisagedelune,etmariacesdeuxqui

désiraientêtreensemble.Durantsixmois,ilssatisfirentleurdésir,jusqu’àcequelajeunefilleeût

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recouvrécomplètementlasanté.Ensuite, on lui prépara une potion, de sorte que lorsqu’il l’eut bue, il

commençaàs’éloignerd’elle.Lorsque, à cause de lamaladie, sa beauté disparut, l’âme de la jeune

fillenedemeurapasdanslatristesse.Commeilétaitdevenulaid,déplaisantetpâle,peuàpeuilserefroidit

danssoncœur.Ces amours qui sont pour une apparence extérieure ne sont pas

l’amour:àlafin,ellessontunecalamité.Que n’avait-il été entièrement une calamité, de telle sorte qu’un

jugementcrueln’aitpointétérenducontrelui!Le sang coulait de ses yeux comme un ruisseau ; son visage devint

l’ennemidesavie.Leplumagedupaonestsonennemi:combienderoisn’ont-ilspaspéri

àcausedesasplendeur!Ildit:«Jesuisledaimmusqué:c’estpourmaglandequecechasseur

aversémonsanginnocent.210 «Oh!Jesuiscerenarddontleschasseurssurgissantdel’affûtont

coupélatêteàcausedesafourrure.«Oh!Jesuisl’éléphantdontlesangaétéverséparlescoupsducornac

àcausedesonivoire.«Celuiquim’atuépourcequiestmoinsquemoi-même,nesait-ilpas

quemonsangneresterapassansvengeance?«Aujourd’hui, celam’arrive àmoi, et demain cela arriverapour lui :

commentlesangdequelqu’uncommemoipeut-ilêtreverséenvain?« Bien que le mur projette une longue ombre, à la fin l’ombre se

retournecontrelui.«Cemondeestunemontagne,etnotreactionest lecri :c’estànous

querevientl’échodecescris.»Ildit,etencetinstantrenditl’esprit.Lajeunefillefutguériedelapeine

etdel’amour;L’amour pour lesmorts ne dure pas, car celui qui estmort ne revient

jamaisauprèsdenous;Maisl’amourduvivantestàchaqueinstantplusfraisqu’unboutonde

fleurdansl’espritetlavue.Choisisl’amourdeceVivantquiestéternel,quitedonneàboiredece

vinquiaugmentelavie.220 Choisisl’amourdeCeluidontl’amourafaitobteniràtouslesprophètes

lapuissanceetlagloire.

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Ne dis pas : « Nous n’avons pas d’accès auprès de ce Roi. » Lesrelationsavecceuxquisontgénéreuxnesontpasdifficiles.

*L’angedelamort

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Expliquantcommentlemeurtreetl’empoisonnementdel’orfèvre

avaientétéexécutéssurl’incitationdivine,nonpardésirsensuelni

penséeperverse

emeurtre de cet hommepar lamain dumédecin ne fut pas dû àl’espoirouàlacrainte.Ilneletuapaspourplaireauroi; ilnelefitpasavantquen’arrivent

l’ordreetl’inspirationdeDieu.Ainsi qu’il en va pour le garçon égorgé par Khadir* : le vulgaire ne

comprendpaslemystèrecachéici.Celui qui reçoit de Dieu l’inspiration et la réponse, tout ce qu’il

commandeestlajusticemême.Si celui qui confère la vie spirituelle tue, cela est permis ; il est le

lieutenantdeDieuetsamainestlamaindeDieu.Comme Ismâ’il, pose ta tête devant lui ; gaiement et joyeusement,

sacrifietaviedevantsonglaive,Afinquetonâmepuisseresteràrirejusqu’àl’éternité,tellel’âmepure

deAhmad(Mohammad)avecl’Unique.Lesamoureuxvidentlacoupedelajoieaumomentoùlesbeautésles

tuentdeleurpropremain.230 Leroineversapascesangparluxure;cessedepenserlemaletde

discuter.Tu croyais qu’il avait commis un crime affreux, mais, dans l’état de

pureté,commentlasublimationpourrait-ellelaisserunalliage?Lebutde cettedurediscipline et de ce rude traitement est que le feu

puisseextrairelesscoriesdel’argent.Lamise à l’épreuve du bien et dumal est faite pour que l’or puisse

bouilliretquel’écumemonteàlasurface.Sisonactionn’avaitpasétéinspiréeparDieu,ilauraitétéunchienqui

déchiresaproie,nonunroi.Iln’étaitentachénideluxure,nidecupidité,nidepassion;cequ’ilfit

étaitbien,maisunbienayantl’apparencedumal.SiKhadirfitsombrerlebateaudanslamer5,ilyadanscetteactionde

Khadircentrectitudes.L’imaginationdeMoïse,endépitdesonilluminationetdesonélévation

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spirituelles,étaitvoiléeàl’égarddecettecompréhension.Nevolepassansailes!Cetteaction(duroi)estuneroserouge;nel’appellepasdusang.Ilest

enivréparlaRaison;nel’appellepasunfou.Si son désir avait été de verser le sang d’un musulman, je serais un

impiesij’avaismentionnésonnom(enlelouant).240 Leplushautcieltrembleàlalouangeduméchant,etcettelouange

incitel’hommepieuxàpenserlemal.C’étaitunroi,etunroitrèsprudent;ilétaitunélu,etl’éludeDieu.Celuiquiesttuéparuntelroi,cedernierleconduitàlaprospéritéetà

l’étatleplushonorable.Sileroin’avaitpasconsidéréquec’étaitunavantagepourl’orfèvreque

deluitémoignerdelaviolence,commentcettecompassionabsolueaurait-ellepurecouriràlaviolence?L’enfanttrembledevantlalancettedubarbier;maislatendremèreest

heureusedecettesouffrancedesonenfant.Ilprendlamoitiéd’unevie,etdonnecentviesenéchange;ildonnece

quetonimaginationnepeutmêmeconcevoir.Tujuges(sesactions)paranalogieavectoi-même;maistut’eséloigné

bienloindelavérité.Réfléchisbien!

* Personnage mystérieux, considéré comme un prophète, auquel il est faitallusiondanslasourate18duQor’ân(Kherzrenpersan,Khadirenarabe).

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Histoiredel’épicieretduperroquet,etcommentleperroquetrépanditl’huiledanslaboutique

l y avait un épicier qui possédait un perroquet, un perroquet vertquiparlaitd’unedoucevoix.Perché sur le banc, il gardait la boutique, et parlait élégamment avec

touslesclients.Quand il parlait à des êtres humains, il parlait comme eux ; il était

égalementhabileàchanteràlamanièredesperroquets.250 Unjour,ilbonditdubancets’envola,etrenversalesbouteillesd’huile

deroses.Sonmaître revint de samaison et s’assit sur le banc, tout à son aise,

commelefontlesmarchands.Il s’aperçut que le banc était plein d’huile, et ses habits tachés de

graisse;ilfrappaleperroquetsurlatête:celalerenditchauve.Pendant quelques jours, le perroquet cessa de parler ; l’épicier, de

repentir,poussaitdeprofondssoupirs,S’arrachant labarbeetdisant :«Hélas! lesoleildemaprospéritéest

cachésouslesnuages.«Quemamainnes’est-ellebriséeàcemoment?Commentai-jeainsi

pufrapperlatêtedecetoiseauàlavoixdouce?»Ilfaisaitdesprésentsàtouslesderviches,afinderetrouverlaparolede

sonoiseau.Auboutdetroisjoursettroisnuits,ilétaitassissurlebanc,bouleversé,

triste,telunhommeaudésespoir,Montrantàl’oiseautoutessortesdemerveilles,afínquepeut-êtreilse

metteàparler.Entre-temps, un derviche tête nue, vêtu d’un jawlaq (habit de laine

grossière)passaitparlà;satêteétaitaussichauvequel’extérieurd’unboloud’unbassin.

260 Là-dessus,leperroquetsemitàparler,appelaledervicheencriant:«Hé,camarade,«Commentt’es-tutrouvéparmileschauves,ôcrânechauve?Aurais-

tu,parhasard,renversél’huiledelabouteille?»Lesassistantssemirentàriredeladéductionduperroquet,quicroyait

queleporteurdefrocétaitsemblableàlui.

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Ne juge pas les actions des saints par analogie avec toi-même, bienqu’onécrivedefaçonsemblable,shîr,lelionetlelait.Pour cette raison, le monde entier est égaré ; presque personne n’est

conscientdel’existencedesAbdâl(saintsd’untrèshautrang).Les gens se sont crus égaux aux prophètes ; ils ont supposé que les

saintsétaientsemblablesàeux-mêmes.Ils ont dit : « Voyez, nous sommes des hommes, et ils sont des

hommes;euxcommenoussontasservisausommeiletàlanourriture.»Dans leur aveuglement, ils n’ont pas vu qu’il existe une différence

infinieentreeux.Deuxespècesdezanbûrontbutinéaumêmeendroit,maisdel’une(la

guêpe)estvenuledard,del’autre(l’abeille)lemiel.Deuxespècesdedaimsontmangéde l’herbeetbude l’eau ;desuns

sontvenusdesexcréments,desautresdumusc.270 Cesdeuxroseauxontbudel’eauàlamêmesource;celui-ciestvide,

celui-làremplidesucre.Considèredescentainesdemilliersdetellessimilitudes,etvoisquela

distanceentrelesdeuxestcommecelled’unvoyagedesoixante-dixans.L’unmange, et il sort de lui de l’ordure ; l’autremange, et il devient

toutentierlalumièredeDieu.Celui-cimange,etde luinenaissentque l’avariceet l’envie ;celui-là

mange,etdeluinenaîtquel’amourdel’Unique.L’unestunebonneterre, l’autreunsolsaléetaride; l’unestunange

pur,l’autreundémonetunanimalféroce.Quetousdeuxseressemblent,c’estbienpossible:l’eauamèreetl’eau

doucesont(également)limpides.Qui les distingue, sauf l’homme doué de goût (spirituel) ? Trouvele :

c’estluiquiconnaîtladifférenceentrel’eaudouceetl’eausalée.Comparant la magie avec le miracle (l’ignorant) s’imagine que tous

deuxsontfondéssurlatromperie.LesmagiciensdisputantavecMoïsemontrèrentunbâtonpareilausien.Maisentrecebâton-cietcebâton-là,ilyaunegrandedifférence;entre

cette action-ci (la magie) et cette action-là (le miracle) il y a bien duchemin.

280 Cetteaction-ciestsuiviedelamalédictiondeDieu;cetteactionlàestrétribuéeparlamiséricordedeDieu.Les infidèles, dans leur prétention, ont la nature du singe ; la nature

(mauvaise)estunecalamitédanslesein.Quoiquefasseunhomme,lesinge,àchaqueinstant,faitlamêmechose

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qu’ilavufaireàl’homme.Ilsedit:«J’aiagicommelui.»Commentcetimpudentconnaîtrait-illa

différence?L’un(lesaint)agitsurl’ordredeDieu,etl’autre(celuiquilesinge)par

désirdedisputer.Jettedelapoussièresurlatêtedecesimpudents.Cethypocrites’unitdanslaprièrerituelleàl’hypocritepoursedisputer,

nonpoursupplier.Danslaprière,lejeûne,lepèlerinage,l’aumône,lesvéritablescroyants

sont engagés avec les hypocrites dans ce qui apporte la victoire ou ladéfaite.Lavictoireà la finestpour lesvrais croyants ; ladéfaiteestpour les

hypocritesdansl’au-delà.Bienquetousdeuxseconsacrentàunseuljeûne,ilssontaussiéloignés

l’unparrapportàl’autrequel’habitantdeMervetl’habitantdeRayy.Chacunvaàsapropredemeure;chacunsecomporteselonsonnom;

290 Sionl’appelleunvraicroyant,sonâmeseréjouit;etsivousdites«hypocrite»,ildevientfurieux.Lenomduvrai croyantprovientde sonessence ; celuide l’hypocrite

esthaïàcausedesesdéfautsrépugnants.Lesquatrelettresmîmetwâwetmîmetnûnneconfèrentnulhonneur:

lemotmûmin(vraicroyant)sertseulementàdésigner.Si vous l’appelez hypocrite, ce nom vil le pique à l’intérieur de lui-

même,commeunscorpion.Si ce nomn’est pas dérivé de l’enfer, alors pourquoi s’y trouvet-il le

goûtdel’enfer?Lavileniedecemotmauvaisneprovientpasdeslettres;l’amertumede

l’eaunevientpasdurécipient.Les lettressont lecontenant :à l’intérieur lesensestcontenu,comme

l’eau;maislamerdusensestavecDieu—avecLuiestleUmmu’l-Kitâb*.Encemonde,lameramèreetlamerdoucesontdiviséesmaisellesne

dépassentpasunebarrièresituéeentreelles6.Sache que toutes découlent de la même origine. Dépasse-les toutes

deux,vaversleurorigine!Sanslapierredetouche,tunedistinguerasjamaisdansl’essai,parton

proprejugement,l’orfalsifiédel’orpur.300 Celuidansl’âmedequiDieuaplacélapierredetouchedistinguerala

certitudedudoute.

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Unmorceau de saleté saute dans la bouche d’un homme vivant : cen’estquelorsqu’ill’arejetéqu’ilsesentbien.Lorque,parmidesmilliersdemorceaux,unpetitboutdesaletéestentré

danssabouche,lesensdugoûtdel’hommevivantl’arepéré.Le sens physique est l’échelle pour ce monde ; le sens religieux est

l’échellepourleciel.Recherchelebien-êtredusensphysiqueauprèsdumédecin;implorele

bien-êtredusensreligieuxauprèsduBien-Aimé.Lasantédecelui-làprovientde l’état florissantducorps ; la santéde

celui-ciprovientdelaruineducorps.La Voie spirituelle ruine le corps et, après l’avoir ruiné, lui rend la

prospérité:Elle a détruit la maison pour y découvrir le trésor caché, et avec le

mêmetrésorlarebâtitplusbellequ’auparavant;Elleacoupél’eau,etnettoyélelitdelarivière,puisafaitcoulerl’eau

potabledanslelitdelarivière;Elleapercélapeauetretirélapointedefer—puisdelapeauneuvea

poussésurlablessure.310 Ellearasélaforteresseetl’apriseauxinfidèles,puisaélevélàcent

toursetcentremparts.QuipeutdécrirelesactionsdeCeluiquiestsanségal?Cequej’aidit

estseulementcequepermetlanécessitéprésente.Parfois,elle(l’actiondeDieu)apparaîtcommececi,etparfoiscomme

son contraire : l’œuvre de la religion n’est rien d’autre que1’émerveillement.Jeneveuxpasdirequecelui-ciestémerveillé,toutentournantsondos

versLui;non,maisqu’ilestéblouid’extase,noyéenDieuetenivréparleBien-Aimé.Levisagedel’unesttournéversleBien-Aimé,tandisquelevisagede

l’autren’estquesonproprevisagequ’ilvoit.Contemple longtemps levisagedechacun,guetteattentivement : il se

peutqu’enrendantdesservices,tuparviennesàvoirlevisage(dusaint).Étantdonnéquemaintdémona levisaged’Adam,iln’estpasbonde

donnertamainàchaquemain,Carl’oiseleurproduitunsifflementpourleurrerl’oiseau,Afinquel’oiseaupuisseentendrelanotedesoncongénèreetdescendre

duhautdesairsettrouverlepiègeetlapointeducouteau.L’hommevilempruntelelangagedesderviches,afindepouvoir,grâce

àcela,ensorcelerceluiquiestsimple.

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320 L’œuvredeshommessaintsestlumièreetchaleur,l’œuvredeshommesvilsesttromperieeteffronterie.Ils fabriquent un lion de laine pour mendier ; ils donnent le titre de

Ahmad(Mohammad)àBûMusaylim*.Mais à Bû Musaylim est resté le titre de Kadhdhâb (menteur), à

MohammadestrestéceluideUlu’l-albâb(douédecompréhension).Le vin de Dieu, son sceau est lemusc pur ; quant à l’autre vin, son

sceauestpuanteurettourment.

*«LaMèreduLivre»,appellationdonnéeàlapremièresourateduQor’ân,leFâtitha*Musaylimah,prophètedesBanûHanîfah.

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Histoireduroijuifquituaitleschrétiensparfanatisme

armi les juifs, il y avait un roi qui pratiquait l’oppression, unennemideJésusetundestructeurdeschrétiens.C’étaitl’époquedeJésusetsontourétaitvenu:ilétaitl’amideMoïse

etMoïseétaitsonami.MaisleroiquivoyaitdoubleséparadanslavoiedeDieucesdeuxamis

deDieu.Lemaîtreordonnaàundisciplequi louchait :«Viens,vachercherce

flacondanslachambre.»Ledisciplequi louchaitdemanda :«Lequeldesdeuxflaconsdois- je

t’apporter,expliqueclairement.»Lemaîtrerépondit:«Iln’yapasdeuxflacons;va,cessedeloucher,et

nevoisplusquecequ’ilya.»330 Lediscipledit:«Ômaître,nemefaispasdereproches.»Lemaître

dit:«Ehbien,brisel’undesdeuxflacons.»Leflaconétaitun,maisilluiparaissaitdeux;quandillebrisa,iln’yen

eutplusaucun.Quand l’un fut brisé, tous deux disparurent : l’hommevoit double en

raisondesmauvaispenchantsetdel’irascibilité.Lacolèreetlaconcupiscencefontloucherl’homme,elleschangentson

espritetlefonts’écarterdelarectitude.Quandl’intérêtpropreapparaît,lavertudisparaît:centvoiles,venusdu

cœur,recouvrentlesyeux.Quand le juge est tenté par des pots-de-vin, comment pourrait-il

distinguerl’oppresseurdel’opprimé?Le roi, par jalousie, devint si louchant que nous criâmes : « Pitié,

Seigneur,pitié!»Iltuadescentainesdemilliersdecroyantsinnocents,disant:«Jesuis

l’appuietlesoutiendelareligiondeMoïse.»

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Commentlevizirconseillaauroidecomploter

Iavaitunministre,unmécréantetuntrompeursiruséqu’ilauraitfaitdesnœudssurl’eau.«Leschrétiens,dit-il,cherchentàpréserverleurvie;ilscachentauroi

leurreligion.340 «Nelestuepas,carc’estinutiledelestuer:lareligionn’apasd’odeur,

cen’estpasdumuscetduboisd’aloès.«Le secret est caché sous cent enveloppes : sonapparenceextérieure

estd’accordavec toi, elle te ressemble (mais) la réalité intérieureest endésaccord.»Leroiluidit:«Dis-moidonc,quelestlemeilleurexpédient?Quelest

leremèdeàcetteruseetàcetteimposture?«Desortequ’ilnerestepasunseulchrétiendanslemonde,niceluiqui

aunereligionapparente,niceluiquienaunecachée.»«Ô roi, dit-il, coupe-moi lesmains et les oreilles ; quepar tonordre

rigoureuxonmedéchirelenez.«Puisamène-moisouslapotence,etquequelqu’unintercèdepourmoi.«Faisceladansuneplacepublique,dansuncarrefour,puisbannis-moi

dans une ville lointaine, afin que je puisse répandre le trouble et ledésordreparmieux.»

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Ruseduministreenversleschrétiens

lors,jeleurdirai:«Jesuissecrètementunchrétien—ôDieu,quiconnaistoutesleschosescachées,Tumeconnais.«Leroiétaitinformédemafoi,etparfanatismeilatentédemetuer.«J’aivoulucachermareligionauroietprofessersareligion.

350 Maisleroiapressentimessecretsetmesparoles.«Ildit:“Tesparolessontcommeuneaiguilledanslepain,entremon

cœurettoncœurilyaunefenêtre.“Atraverscetteouverture, j’aivu taposition : jevois tapositionet je

n’acceptepastesparoles.”« Si l’esprit de Jésus n’avait pas étémon secours, ilm’auraitmis en

piècescruellementàlamanièrejuive.« Pour l’amour de Jésus, j’offre ma vie et ma tête et j’accepte ce

sacrificeavecdescentainesdemilliersderemerciements.«Jenerefusepasdedonnermaviepourl’amourdeJésus,maisjesuis

trèsversédanssareligion.«Celamesemblaitdommagequecettesaintereligionpérisseparmiles

ignorants.«GrâcesàDieuetàJésus,jesuisdevenuleguidedelavraiefoi.«J’aiéchappéauxjuifsetaujudaïsmeàtelpointquejeporteunecroix.

360 «L’époqueactuelleestl’époquedeJésus,ôhommes!Entendezlessecretsdesareligiondetoutevotreâme!»Leroiluifitcequ’ilavaitproposé:toutlemondeétaitstupéfaitdecela.Le roi l’envoya chez les chrétiens. Après quoi, le vizir se livra au

prosélytisme.

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Commentleschrétiensselaissèrentduperparlevizir

escentainesdemilliersdechrétiensserassemblèrentpeuàpeulàoùilsetrouvait.Illeurexpliquaitensecretlesmystèresdel’Évangile,delacroixetde

laprière.En apparence, il prêchait les prescriptions religieuses, mais

intérieurementilétaitcommelesiffletetleleurredel’oiseleur.C’est pour cette raison que certains Compagnons du Prophète

(Mohammad) le supplièrent de leur enseigner la tromperie de l’âmeconcupiscente,disant:«Quemélange-t-elled’intérêtségoïstescachésauxactesd’adorationet

depuredévotion?»Ils ne cherchaient pas à obtenir de lui une piété parfaite, ils ne se

demandaientpasoùsetrouvaitledéfautextérieur.Cheveuparcheveu,mietteparmiette,ilsreconnaissaientlafourberiede

l’âmecharnelle,commeondistinguelarosedupersil.370 MêmelesplusscrupuleuxdesCompagnonsétaienttroublésdansleur

espritenentendantlesadmonitionsduProphète(àceuxquil’interrogeaient).

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Commentleschrétienssuivirentlevizir

es chrétiens étaient épris de lui : si grande est la force duconformismepourlamassedesgens!Dansleurcœur,ilssemaientlegraindesonamouretilsleconsidéraient

commelevicairedeJésus.Lui,intérieurement,étaitl’Antéchristmauditetborgne.ÔDieu!Viens

ànotreaide—ôToi,lemeilleursecours!ÔDieu!Ilyadescentainesdemilliersdepiègesetd’appâts,etnous

sommescommedesoiseauxavidesetmisérables.D’uninstantàl’autre,noussommesprisàunnouveaupiège,bienque

nousdevenions,chacundenous,unfauconouunSimorgh*.Achaqueinstanttunousdélivres,etdenouveaunousavançonsversun

autrepiège,ôToiquiignoreslebesoin!Nousmettonsdublédanscettegrange,etensuitenousperdons leblé

rassemblé.Ne pensons-nous donc pas, avec notre intelligence, que le dommage

provientdelarusedelasouris?Lasouris,ayantfaituntroudansnotregrange,l’aravagéeparsaruse.

380 Ômonâme,d’abordécartelamalicedelasouris;etensuitetémoigneduzèlepourramasserleblé.Écoute uneparole duGrandparmi lesGrands (leProphète) : «Nulle

prièren’estcomplètesans“présence”(deDieudansl’âme).»S’iln’yapasunesourisvoleusedansnotregrange,oùestdonclebléde

nosactesdedévotiondequaranteannées?Pourquoi les parcelles de notre sincérité quotidienne ne sont-elles pas

rassembléesdansnotregrange?Mainte étoile de feu a jailli du fer, et le cœur brûlant l’a reçue et

absorbée;Mais,dansl’obscurité,unvoleurcachéposesondoigtsurlesétoiles,Leséteignantuneàune,afinqu’aucunelumièrenebrilleàpartirduciel

(spirituel).Bien que desmilliers de pièges se trouvent à nos pieds, quandTu es

avecnousiln’yapasdepeine.Chaquenuit,Tulibèreslesespritsdupiègeducorps,etTueffacesles

impressionssurlestablettes(dumental).

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Lesespritssontlibéréschaquenuitdecettecage,avecdesdiscours,desrécits.

390 Lanuit,lesprisonnierssontinconscientsdeleurprison;lanuit,lesgouverneurssontinconscientsdeleurpouvoir.Il n’y a pas de chagrin, pas de pensée de gain ou de perte, pas

d’imaginationdecettepersonneoudecetteautre.C’estlàl’étatde1’lârif(mystique),mêmesanssommeil.Dieu a dit tu les aurais cru éveillés tandis qu’ils dormaient7 : ne te

rebellepascontrecela.Ilestendormi,jouretnuit,auxaffairesdecemonde,commeuneplume

danslamaindirigéeparleSeigneur.Celui qui ne voit pas la main en train d’écrire croit que cette action

provientdelaplumedesonpropremouvement.Dieu amontré une partie de cet état dans 1’ ‘ârif, étant donnéque le

commundesgensestaussisubjuguéparlesommeildessens.Leurs âmes sont allées dans le désert qui ne peut être décrit : leurs

espritsetleurscorpssontenrepos.Etavecunsifflet tulesramènesverslepiège, tulesreconduisversla

justiceetlejuge.Comme Israfil, Dieu, qui fait se lever l’aurore, les amène tous de ce

paysdel’espritdanslemondedelaforme.Il incarne les esprits privés de corps, Il rend chaque corps alourdi à

nouveau(d’actions).400 Ilrendlecoursierdesâmesdépourvudeselle:c’estlàlesenscachéde

«Lesommeilestlefrèredelamort*».Maisafinqu’ellespuissentrevenirpendantlejour,Ilplaceunelongue

laissesursajambe,Afin que, de jour, Il puisse les reconduire à partir de cette prairie, et

l’amenerdupâturagepourreprendrelefardeau.Que n’a-t-Il gardé cet esprit comme les Hommes de la Caverne8 ou

commel’ArchedeNoé,Afinquecemental,cesyeux,cesoreillespuissentêtre libérésduflux

del’étatd’éveiletdelaconscience!Oh,danscemonde,ilyaplusd’unHommedelaCaverneàcôtédetoi,

devanttoi,encemoment:Lacaverneestavec lui, l’Amis’entretientavec lui ;maisvosyeuxet

vosoreillessontscellés,aussi,àquoibon?

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*Oiseaufabuleux,demeurantsurlemontQâf.*Hadith(ParoleduprophèteMohammad)

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HistoiredukhalifevoyantLeylâ

ekhalifeditàLeylâ:«C’estpourtoiqueMadjnûnestdevenufouetégaré?«Maistun’espasmieuxqued’autresbeautés!»«Silence!répondit-

elle;c’estquetoinonplustun’espasMadjnûn.»Quiconqueestéveilléaumondematérielestplusqu’endormi:saveille

estpirequesonsommeil.410 Quandnotreâmen’estpaséveilléeàDieu,laveilleestsemblableàla

fermeturedenosportes.Toutelajournée,sil’onestécraséparlessoucisimaginairesdelaperte

etdugain,etdelacraintedelamort,Ilnedemeureenl’âmenilimpidité,nigrâce,nigloire,nicheminpour

serendreauciel.Celui qui est endormi, c’est celui qui met son espoir en toute

imaginationvaine,etconverseavecelle.Enrêve,ilvoitledémonsemblableàunehouriet,dedésir,ilrépandsa

semence.Après que cette semence est tombée dans une terre infertile, il se

réveille,etl’images’enfuitloindelui.Ensuite, il se sent faible et voit son corps souillé et il éprouve de la

tristesseàcausedecequiluiestadvenuetquiadisparu.L’oiseauvoledansleshauteurs,etsonombresehâtesurlaterre,volant

commeunoiseau.Lesotpoursuitl’ombre,courantaprèselle,desortequ’ils’épuise,Ne sachant pas que c’est le reflet de cet oiseau dans l’air, ignorant

l’originedel’ombre.420 IIlancedesflèchesversl’ombre;soncarquoissevidedansceteffort.

Lecarquoisdesavieestdevenuvide,savies’estpasséeàcouriraprèsl’ombre.Mais quand l’ombre de Dieu est sa gardienne, elle le délivre des

imaginationsetdesombres.L’ombredeDieuestceserviteurdeDieuquiestmortaumondeetqui

vitparDieu.Saisisauplusvitelepandesarobesanséprouverdedoute,afind’être

sauvéàlafindestemps.L’ombre,dansCommentIIétendl’ombre9,c’estlaformedessaintsqui

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guideverslalumièreduSoleildivin.Nevapasdanscettevalléesansceguide;dis,commeAbraham:«Je

n’aimepasceuxquidisparaissent10.»Va,acquiersunsoleilàpartirdel’ombre;saisislepandelarobeduroi

Shamsi-Tabrîzî(lesoleildeTabriz).Situignoreslavoieverscefestinetcesnoces,interrogeZiyâ-ul-Haqq

Husâm-od-Dîn.Etsi,enchemin,l’envietesaisitàlagorge,celaappartientàIblisque

dedépasserlesbornesdel’envie.430 Car,parenvie,ilmépriseAdam,etparenvieilestenguerreavecle

bonheur.Dans laVoie, il n’est pas de passage plus difficile que celui-ci. Oh !

heureuxceluiquen’accompagnepasl’envie!Ce corps, sache-le, est la demeure de l’envie, car la maisonnée est

entachéed’envie.Silecorpsestlademeuredel’envie,cependantDieuarenducecorps

trèspur.PurifiezMaMaison11,estl’explicationdecettepureté;c’estuntrésor

delumièredivine,bienquesontalismansoitterrestre.Quand tu te livresà la tromperieet à l’enviecontreceluiquiest sans

envie,cetteenviefaitnaîtredestachesnoiresdanstoncœur.Devienscommelapoussièresous lespasdeshommesdeDieu ; jette,

commenouslefaisons,delapoussièresurlatêtedel’envie.

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Explicationdelajalousieduvizir

emisérablevizir,engeancedejalousie,perditparvanitésesoreillesetsonnez,Dans l’espoir que par le dard de son envie son venin entrerait dans

l’âmedespauvreschrétiens.Quiconqueparjalousiesemutileseprivelui-mêmed’ouïeetd’odorat.

440 Lenezestcequicapteunparfum,etl’odeurl’amèneversunlieu.Celuiquin’apasdeparfumestdépourvud’odorat;ceparfumestcequi

estreligieux.Quand ilasentiunparfumetn’apas rendugrâces, l’ingratitudevient

supprimersonodorat.Rends grâces àDieu et sois le serviteur de ceux qui rendent grâces ;

devanteuxsoiscommeunmort,demeurefermement.N’usepas,commelevizir,derusesmalhonnêtes;etnedétournepasles

gensdesprièresrituelles.Leministremécréant était devenuunconseillerde la religion,mais il

mitparrusedel’aildanslegâteaud’amandes.

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Commentleschrétiensperspicacescomprirentlaruseduvizir

uiconque possédait du discernement éprouvait à ses paroles unejouissancemêléed’amertume.Levizirdisaitdebelleschosesmélangéesdemal:danssonsiropsucré

ilavaitversédupoison.L’apparencedecesparolesdisait:«SoyezdiligentsdanslaVoie.»En

fait,elledisait:«Soyeznégligents.»Bien que la surface de l’argent soit blanche et neuve, cependant il

noircitlesmainsetlesvêtements.450 Bienquelefeusoitrougeetétincelant,cependantconsidèrelanoirceur

desesactions.Si l’éclair apparaît lumineux aux regards, cependant sa propriété est

d’aveugler.Quiconquen’estpasaviséetperspicaceétaitsubjuguéparsesparoles.Pendantsixans,loinduroi,levizirétaitunrefugepourleschrétiens.Tousluiconfiaientleurscœursetleurreligionetétaientprêtsàmourir

sursonordreetsonjugement.

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Lemessagesecretduroiauvizir

ntreleroietlevizirs’échangeaientencachettedesmessages:etleroisecrètementsereposaitsurlui.Leroi luiécrivait,disant :«Ômonamifortuné, lemomentestvenu :

hâte-toiderassurermoncœur.»Levizirrépondait:«Mevoici,ôroi,entraindefomenterdestroubles

danslareligiondeJésus.»

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Explicationdesdouzetribusdeschrétiens

e peuple de Jésus, à ce moment-là, avait douze princes commegouverneurs.Chaque parti suivait un prince et, par cupidité, était esclave de son

propreprince.460 Cesdouzeprincesetleurssujetsdevinrentlesesclavesdecevizir

funeste.Tousmettaientleurconfianceensesparoles,tousprenaientsaconduite

pourmodèle.Ensaprésence,àchaqueinstant,àchaquemoment,chaqueprinceétait

prêtàmourirsilevizirleluiavaitordonné.

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ConfusionapportéeparlevizirauxCommandementsdel’Évangile

1préparaunrouleauaunomdechacun,etrédigeachaquerouleauselondesdirectivesdifférentes.Les commandements de chacun différaient entre eux, d’un bout à

l’autre.Dans l’un, il faisaitde lavoiede l’ascétismeetdu jeûne labasede la

pénitenceetlaconditiondelaconversion.Dansl’un,ildisait:«L’ascétismeestsuperflu:danscettevoie,iln’ya

aucunmoyendesalutautrequelagénérosité.»Dansl’un,ildisait:«Tonjeûneettagénérositéassocientàl’objetde

tonadorationd’autresobjets.«SauflarésignationàDieu,sauflasoumissionparfaitedanslechagrin

etdanslaquiétude,toutestfraudeetpiège.»470 Dansl’un,ildisait:«LeservicedeDieuestundevoir,sinonl’idéede

résignationàDieuestunefausseté.»Dansl’un,ildisait:«Ilyadesordresetdesdéfenses,maisilsnesont

pasfaitspourêtrepratiqués,ilsnesontquepourmontrernotrefaiblesse,«Afinquenousyvoyionsnotrefaiblesseetquenousapprenionsàce

momentlapuissancedeDieu.»Dans l’un, il disait : « Ne considère pas ta faiblesse : cette faiblesse

traduittoningratitude;attention!«Considèretapuissance,carcettepuissancevientdeLui:sachequeta

puissanceestledondeCeluiquiestLui(Hû).»Dansl’un,ildisait:«Laissecesdeuxqualités:cequiestcontenudans

lavueestuneidole.»Dans l’un, ildisait :«N’éteinspascettebougie (de lavue), car cette

vuesertdebougiepourlacontemplation.«Quand vous abandonnez la vue et l’imagination, vous avez éteint à

minuitlachandelledel’union.»Dans l’un, il dit : « Eteins-la — ne crains pas — ; en échange tu

trouverasdesmyriadesdevisions.« Car en l’éteignant, la bougie de l’âme s’accroît* ; Leylâ deviendra

Madjnûngrâceàtondétachement.«Celuiquirenonceaumondeparsadévotion,lemondevientverslui

deplusenplus.»

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480 Dansl’un,ildit:«CequeDieut’adonné,Ill’arendudouxenlecréant.«Ill’arendufacilepourtoi,saisis-lejoyeusement:netejettepasdans

l’inquiétude.»Dansl’un,ildisait:«Abandonnetoutcequit’appartient.Cequiteplaît

estmauvaisetdoitêtrerepoussé.«Lesvoiesdifférentessontdevenuesfacilesàsuivre,etpourchacun,la

religionestdevenuechèrecommesavie.« S’il était possible de rendre facile la Voie de Dieu, chaque juif et

chaquejuivelaconnaîtrait.»Dansl’un,ildisait:«Lavoiefacile,c’estcelleoùonpeuttrouverlavie

del’amouretlanourrituredel’âme.»Quand les choses qui plaisent à la nature passent, elles ne produisent

rien,commeuneterresalée.Saufleregret,ellesnedonnentrien;iln’endécoulequelaperte,rien

deplus.Ce n’est pas facile, à la fin ; en fin de compte, il faut l’appeler

«difficile».Distinguebienledifficiledufacile:considèreàlafinlabeautéd’une

choseetdel’autre.490 Dansl’un,ildisait:«Chercheunmaître:cen’estpasdanston

patrimoineancestralquetutrouveraslaclairvoyanceencequiconcernel’avenir.»Chaque sorte de communauté a envisagé une certaine fin :

nécessairement,ellessonttombéesdansl’erreur.Prévoir l’avenir n’est pas aussi simple que de filer au rouet, sinon

commentyaurait-ildesdifférencesentrelesreligions?Dansl’un,ildisait:«Tuestoi-mêmelemaître,parcequetuconnaisle

maître.Soisunhommeetnesoispassoumisauxautreshommes.Vatonpropre

chemin,etnesoispaserrant.»Dans l’un, il disait : « Tout cela est un : celui qui voit deux est un

bonhommequilouche.»Dansl’un,ildisait :«Commentcentpeut-ilêtreun?Celuiquipense

ainsiestunfou.»Chacunedecesdoctrinesestcontraireàl’autre.Commentseraient-elles

une?Lepoisonetlesucresont-ilsuneseulechose?Avant que tu ne renonces à la distinction entre le poison et le sucre,

commentpercevras-tuleparfumdel’Unitéetdel’Unicité?

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DouzelivresdecestyleetdecettemanièrefurentécritsparcetennemideJésus.

*C’est-à-direquel’amourtièdesetransformeraenpassion.

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Montrantcommentcettedifférencerésidedanslaformedeladoctrine,

etnondanslavéritablenaturedelaVoie

500 lnepercevaitpasl’unitédecouleurdeJésus,iln’avaitpasnonplusuncaractèreteintdanslebaindeteinturedeJésus.Decebainpur,unvêtementdecentcouleursdeviendraitaussisimpleet

d’uneseulecouleurquelalumière.Cen’estpaslàlacouleuruniquequiproduitl’ennui,non,c’estcomme

lespoissonsdansl’eauclaire.Bien qu’il y ait des milliers de couleurs sur la terre, cependant les

poissonssontenlutteaveclasécheresse.Qu’est-cequelepoissonetqu’est-cequelamerdansmacomparaison,

queleRoiTout-PuissantetGlorieuxleurressemble?En cemonde de l’existence, desmyriades demers et de poissons se

prosternentenadorationdevantcetteMunificenceetLibéralité.Combien de pluies de dons se sont déversées, de sorte que cela fit

répandreàlamerdesperles!Combiendesoleilsdegénérositéontbrillé,desortequelenuageetT

océanapprirentàêtrebienfaisants!LesrayonsdusoleildelaSagesseontfrappélesoletTargile,desorte

quelaterreaaccueillilasemence.Le sol est fidèle à ce qui lui a été confié, et tout ce que vous y avez

semé,vousenrecueillerezTéquivalentsansfraudedelapartdelaterre.510 Elleatirécettefidélitédelafidélitédivine,étantdonnéquelesoleilde

laJusticeabrillésurelle.Jusqu’àcequeleprintempsapporteleprésentdeDieu,lesolnerévèle

passessecrets.LeGénéreuxquiaconféréàunechoseinaniméecesinformations,cette

fidélitéetcettedroiture,Sa grâce rend informée une chose inanimée, tandis queSon courroux

rendaveuglesdeshommesdouésd’intelligence.L’âme et le cœur ne peuvent supporter ce bouleversement : à qui

parlerai-je?Ilnesetrouvepasdanslemondeuneseuleoreillecapabledel’entendre.Partoutoùilyavaituneoreille,parLuielledevintunœil;partoutoùil

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yavaitunepierre,parLuielledevintdujaspe.Il est un alchimiste— qu’est-ce que l’alchimie, en comparaison ? Il

octroie les miracles (aux prophètes) — qu’est-ce que la magie encomparaison?Le fait que je Lui adresse ces louanges est en réalité absence de

louangesdemapart,carcettelouangeestunepreuvedemonexistence,etl’existenceestunpéché.IlconvientquenoussoyonsnonexistantsenprésencedeSonEtre:en

Saprésence,qu’estnotreêtre?Aveugleetsombre.S’il n’avait pas été aveugle, il aurait été consumé par Lui ; il serait

devenulachaleurdusoleildivin.520 Ets’iln’avaitpasétésombreàcausedesondeuil,commentcette

existenceserait-elledemeuréegeléecommelaglace?

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Montrantcommentlevizirencourutlaperdition

enentrantdanscecomplot

e vizir était ignorant et imprudent comme le roi juif ; il luttaitcontrel’éterneletl’inévitable,Contre un Dieu si Puissant qu’en un instant II fait venir de la non-

existenceàl’existencecentmondescommelenôtre:Ilmanifesteàlavuecentmondescommelenôtre,quandIIrendvotre

œilvoyantparSapropreLumière.Silemondetesemblevasteetsansfond,sachequepourl’Omnipotence

c’estmoinsqu’unatome.Cemonde,envérité,estlaprisondevosâmes:oh,dirigez-vouslà-bas,

carc’estlàquesetrouvevotrepaysdécouvert.Cemonde-ciestfini,etenvéritécetautreestinfini:l’imageetlaforme

constituentunebarrièreàcetteRéalité.Lesmyriades de lances de Pharaon furent brisées parMoïse avec un

simplebâton.LesartsthérapeutiquesdeGalienétaientdesmyriades:devantJésuset

sonsouffle,ilsn’étaientqu’unobjetderisée.Il existait des myriades de livres de poèmes (anté-islamiques) : à la

paroled’unProphèteillettré,ilsfurentcouvertsdehonte.530 DevantuntelSeigneurvictorieux,commentnemourrait-onpasàsoi-

même,àmoinsd’êtreunpauvremisérable?Iladéracinéplusd’unespritsolidecommeunemontagne;Ilapendu

parsesdeuxpattesl’oiseaurusé.Aiguisersonintelligenceetsonesprit,cen’estpaslabonnevoie:seul

celuidontl’espritestbriségagnelafaveurduRoi.Oh,biendeschercheursde trésors,quicreusaientdes trous,devinrent

lesdupes*dececomploteurintrigant!Qu’est-ceque lebœuf,quevousdeveniezsabarbe?Qu’est-ceque la

terre,quevousdeveniezsonchaume?Quand une femme devint honteuse de samauvaise conduite, Dieu la

métamorphosaetfitd’elleZohra(laplanèteVénus).Faired’unefemmeZohraétaitunemétamorphose;qu’est-cedoncque

dedevenirterreetargile,ôrécalcitrant?Tonesprit t’emportaitvers laplushaute sphèreduciel ; tu t’esdirigé

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versl’eauetl’argileparmiceuxquisontplusbas.Parcettechute,tut’esmétamorphosé,àpartirdecetétatdel’existence

quifaisaitl’enviedesintelligencesspirituelles.Considèredonccequ’estcettemétamorphose:comparéeàcelledela

femme,latienneestextrêmementvile.540 Tuasfaitgaloperlecoursierdel’ambitionverslesétoiles:tun’aspas

reconnuAdamquiétaitadoréparlesanges.Après tout, tu es un fils d’Adam. O dégénéré ! Combien de temps

considéreras-tulabassessecommeunenoblesse?Combiendetempsdiras-tu:«Jevaisconquérirlemondeentier,jevais

remplircemondedemoi-même?»Silemondeétaitrempli,d’unboutàl’autre,deneige,lerayonnement

dusoleillaferaitfondreenunclind’œil.Dieu,paruneseuleétincelledeSamiséricorde,anéantitlefardeau(du

péché)duvizir,etlefardeaudecentvizirsetdecentmillepersonnes.Il transforme l’essencedecette imaginationensagesse ; Il transforme

l’essencedecetteeauempoisonnéeenboissonsalutaire.Cequifaitnaîtreledoute,Illetransformeencertitude;Ilfaitsurgirdes

actesd’amourdecausesdehaine.Il chérit Abraham dans le feu ; Il transforme la peur en sécurité de

l’esprit.JesuisbouleverséparSadestructiondescauses;danslesimaginations

quejemefaisdeLui,jesuiscommeunsophiste*.

*Littéralement:labarbedubœuf.*Cetermeétantprisiciausensde«désemparé»ou«agnostique»qu’ilavaitàl’époquedeRûmî,etnonpasselonsasignificationhistorique.

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Nouvelleruseduvizirpourégarerlepeuple

e vizir forma dans son esprit un autre plan, il abandonna laprédicationets’isola.

550 IIenflammasesdisciplesd’enthousiasmeetdeferveur;etilrestaenfermédansuneretraitequaranteàcinquantejours.Toutlemondefutfoud’impatiencedelevoiràcausedelaséparation

d’avecsaprésencespirituelleetsesparolesetsonintuition.Ilssuppliaientetselamentaient,tandisqueluidanssasolitudeétaitplié

endeuxparlesaustérités.Ils disaient : « Sans toi, nous n’avons pas de lumière ; quel est l’état

d’unhommeaveuglesansguide?«Pourl’amourdeDieu,nenouslaissepasséparésdavantagedetoi.«Nous sommescomme les enfants et tu esnotrenourrice, étends sur

nousl’ombredetaprotection.»Ildit:«Monâmen’estpasloindesfidèles,maisilnem’estpaspermis

desortir.»Lesémirsintercédèrentetlesdisciplesvinrentluifairedesreproches,Disant:«ÔSeigneur,quelmalheur!Noussommesrestésorphelinsde

noscœursetdenotrereligion.«Tuprésentesdesprétextes,tandisquenous,nouspoussonsdessoupirs

douloureuxàcausedecettedouleur.560 «Noussommeshabituésàtesdoucesparoles,nousavonsbulelaitde

tasagesse.« Allah ! Allah ! Ne nous traite pas avec une telle cruauté : sois

bienveillantpournousaujourd’hui,nenousrepoussepasàdemain.«Toncœurpermet-ilqueceuxquit’ontdonnéleurcœursoientàlafin,

sanstoi,aunombredeceuxquinepossèdentplusrien?« Ils se tordent tous comme des poissons sur la terre sèche : déverse

l’eau,ouvrel’éclusedufleuve.«Ôtoiquiessanspareildanslemonde,pourl’amourdeDieu,viensen

aideàtonpeuple!»

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Commentlevizirrefusalademandedesdisciples

1dit :«Prenezgarde,ôvousquiêtesesclavesdesparolesetdesdiscours,vousquirecherchezl’admonitionetparlesparolesetparl’ouïe.«Mettezducotondans l’oreilledusensphysique,enlevez lebandeau

dusensvisuel!«L’oreilleest lecotonde l’oreille intérieure : jusqu’àceque l’oreille

externesoitrenduesourde,c’estl’oreilleinternequin’entendpas.« Soyez sans sensation, sans oreille, sans pensée, afin de pouvoir

entendrel’appeldeDieu:“Reviens.”»Tantque tuesenconversationéveillée,commentpeux-tupercevoir la

conversationdusommeil?570 Nosactesetnosparolessontlevoyageextérieur;maislevoyage

intérieurestau-delàdescieux.Lesensphysiqueasentilasécheresseparcequ’ilestnésurlaterre:le

Jésusdel’âmeamislepiedsurlamer.Le voyage du corps terrestre a lieu sur la terre, mais le voyage de

l’espritsepasseaucœurdelamer.Puisque ta vie s’est passée à cheminer sur la terre, tantôt sur la

montagne,tantôtsurlamer,tantôtsurlaplaine,Oùtrouveras-tul’EaudelaVie?Oùfendras-tulesvaguesdel’Océan?Lesvaguesdelaterresontnosillusionsetnotreentendement,etnotre

pensée ; les vagues de l’eau sont l’effacement, l’ivresse etl’anéantissement(fanâ).Quand tu es dans cette ivresse (sensuelle), tu es loin de cette ivresse

mystique;tandisquetuesivredecelle-ci,tunevoispasl’autrecoupe.Laparoleetlediscoursextérieurssontcommelapoussière;habituez-

vousàgarderlesilence.Prenezgarde!

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Commentlesdisciplesdemandèrentànouveau

qu‘ilsortedesaréclusion

Isdirenttous:«Ôsage,toiquicherchesuneéchappatoire,nenousdispascestromperiesetcesaffronts.«Mets sur l’animal un fardeau proportionnel à son endurance, donne

auxfaiblesunetâcheproportionnelleàleurforce.580 «L’appâtpourchaqueoiseaudoitêtreàsamesure:commentunefigue

peut-elleêtreunappâtpourunoiseau?«Si tudonnes aubébédupain au lieude lait, sois sûrque lepauvre

enfantmourra.«Plustard,quandl’enfantadesdents,lui-mêmedemandedupain.«L’oiseauquin’apasencoredeplumes,commentpeut-ilvoler?S’il

vole,ildeviendrauneproiepourunchatféroce.«Quand ses plumes poussent, il vole spontanément, sans peine, et il

n’estpasnécessairedesifflerpourlefairevoler.« Tes paroles font que le démon se tait, tes paroles instruisent nos

oreilles.«Nosoreillessontrempliesd’intelligencequandtuparles;notreterre

estunerivièrequandtuesl’océan.«Avectoi,nouspréféronslaterreauciel,ôtoiquiillumineslemonde

delaterrejusqu’auciel.«Sanstoi,pournousTobscuritérègneauciel;comparéàtoi,ôLune,

qu’estleciel?590 «L’apparencedelasublimitéappartientauxcieux,maislesensréelde

lasublimitéappartientàl’espritpur.«L’apparencedelasublimitéestpourlecorps;lescorps,comparésàla

réalité,nesontquedesmots.»

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Refusduvizird’interrompresaretraite

1 dit : «Abrégezvos arguments, recevezmes conseils dansvosâmesetdansvoscœurs.«Sijesuisloyal,ilnefautpasaccuserceuxquisontloyaux,mêmesi

j’appelleterreleciel.«Si jesuisparfait,pourquoiniermaperfection?Si jene lesuispas,

pourquoicespeinesetcesennuis?«Jenesortiraipasdecetteréclusion,parcequejesuisoccupéavecmes

expériencesintérieures.»

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Commentlesdisciplessoulevèrentdesobjectionscontrelefaitquelevizirseretiraitdanslasolitude

lsdirenttous:«Ôvizir,celanefaitpasdedoute:nosparolesnesontpascommelesparolesdesétrangers.« Les larmes coulent de nos yeux à cause de notre séparation d’avec

toi;soupiraprèssoupirs’élèveduseindenosâmes.«Unbébénediscutepasavecsanourrice,maisilpleure,bienqu’ilne

connaissepaslebiennilemal.« Nous sommes la harpe, et c’est Toi qui joues sur nos cordes : le

gémissementnevientpasdenous,c’estToiquigémis.«NoussommeslaflûteetnotremusiquevientdeToi;noussommesla

montagne,etnotreéchovientdeToi.600 «Noussommeslespiècesd’unéchiquierrangéespourlavictoire

ou ladéfaite :notrevictoireetnotredéfaiteproviennentdeToi,ôToidouédebellesqualités!«Quisommes-nous,ôâmedenosâmes,quenousdemeurionsvivants

auprèsdeToi?«Nousetnosexistencessommesnonexistants.Tuesl’Êtreabsoluqui

rendmanifestecequiestpérissable.« Nous sommes comme des lions, mais des lions blasonnés sur un

étendard:leventlesdéploie,d’instanteninstant.« Leurmouvement est visible, et le vent invisible : puisse ce qui est

invisiblenejamaisnousmanquer!«LeventquinousmeutetnotreêtreproviennentdeTagrâce ; toute

notreexistencevientdecequeTunousafaitveniràl’existence.«Tuasmontré lesdélicesde l’Êtreaunon-être,aprèsqueTueusfait

tomberlenon-êtreamoureuxdeToi.«NeretirepaslesdélicesdeTalibéralité,n’enlèvepaslesdouceurs,le

vinetlacoupe!« Et si Tu les enlèves, qui se livrera à la recherche ? Comment le

portraitpourrait-illutteraveclepeintre?«Nenousregardepas,nefixepassurnousTonregard:considèreTa

proprebienveillanceetgénérosité.610 «Nousn’étionspas,etnousnedemandionsrien,cependantTagrâce

écoutaitnotreprièremuette.»

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Devant le peintre et son pinceau, le portrait est comme l’enfantimpuissantetfixédansleseinmaternel.Devant laToute-Puissance, tous les gens de laCour divine sont aussi

impuissantsquel’étoffedevantl’aiguille(dubrodeur).Tantôt il y représente leDémon, tantôtAdam ; tantôt il peint la joie,

tantôtlechagrin.Nuln’a lepouvoirdemouvoirsamainpoursedéfendre ;nulnepeut

parlerpourprononcerunmotconcernantl’offenseoulebienfait.RéciteduQor’âncequ’interprèteceverset:«Dieuadit:Tunelançais

pastoi-mêmelestraitsquandtuleslançais12.»Si nous lançons une flèche, cela ne provient pas de nous : nous ne

sommesquel’arc,etl’ArcherestDieu.Cecin’estpasdjabr(lacontrainte);c’estlasignificationdedjabbâri(la

Toute-Puissance) ; parler de la Toute-Puissance est pour nous inciter àl’humilité.Notrehumilitéestunepreuvededépendance,maisnotresentimentde

culpabilitéestunepreuvedenotrelibrearbitre.S’il n’y avait pas de libre arbitre, qu’est cette honte ?Et que sont ce

chagrin,cetteconfusion,etcettetimidité?620 Pourquoiexiste-t-ildespunitionsentremaîtresetélèves?Pourquoi

l’espritchange-t-ilconcernantsesdesseins?Etsitudisqu’onnetientpascomptedelacontraintedeDieu,etquela

lunedeDieuestdevenuecachéedansSonnuage,Il y a une bonne réponse à cela ; si tu T écoutes, tu renonceras à

l’incroyanceettendrasverslareligion.Leremordset l’humilitéadviennentautempsdelamaladie; letemps

delamaladieesttoutentieréveil.Aumomentoùtutombesmalade,tudemandesàDieulepardondeta

faute.Lalaideurdetonpéchét’apparaît,tuformulesl’intentionderevenirau

droitchemin.Tufaisdespromessesetdessermentsque,désormais, laconduiteque

tuadopterasneseraqu’obéissanceàDieu:Doncilestcertainquecettemaladiet’arenduconscientetéveillé.Connais donc ce principe, ô toi qui es à la recherche des principes :

quiconquesouffrel’aperçu.Plus un être est éveillé, plus il est affligé de souffrances. Plus il est

conscientdeDieu,plussonvisageestpâle.630 SituesconscientdeSondjabr(contrainte),oùesttonhumilité?Oùest

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tonsentimentd’êtrechargédelachaînedeSondjabbâri(Toute-Puissance)?Comment serait joyeux celui qui est lié par des chaînes ? Quand le

captifdanssaprisonseconduit-ilcommeunhommelibre?Etsituconsidèresquetonpiedestdanslesfersetquelesofficiersdu

roisonttesgardiens,Alors,n’agispastyranniquementàl’égarddufaible,étantdonnéquece

n’estpaslàlanatureetlacoutumed’unhommefaible.PuisquetuneperçoispasSacontrainte,nedispasquetuescontraint;

etsitulaperçois,quelestlesignequetuleressens?Al’égarddechaqueactionpourlaquelletuéprouvesunpenchant,tues

pleinementconscientdetonpouvoir(del’accomplir).Maispourtoutactequinet’inspireniinclinationnidésir,tudeviensun

fataliste,disant:«CelaprovientdeDieu.»Les prophètes sont des fatalistes en ce qui concerne lesœuvres de ce

monde,lesincroyantssontdesfatalistesencequiconcernelesœuvresdel’autremonde.Pour les prophètes, ce qui sera dans l’autremonde dépend de nous ;

pourl’insensé,cesontlesœuvresdecemondequidépendentdenous.Carchaqueoiseauvoleverssoncongénère;ilsuitderrière,etsonesprit

leprécède.640 EtantdonnéquelescroyantsétaientlescongénèresdeSijjin

(l’enfer), ils étaient bien disposés à l’égard de la prison (sijn) de cemonde.Etant donné que les prophètes étaient les congénères des Cieux

(Illiyyîn),ilssontallésversles‘Illiyyîndel’espritetducœur.Cediscoursn’apasdefin;terminons-enàprésentavecnotrehistoire.

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Commentlevizirfitabandonnerauxdisciple

l’espoirqu‘ilrenonceàsaretraite

e vizir leur cria de l’intérieur (de sa retraite) : « Ô disciples,apprenezcelademoi:«Jésusm’adonnélemessage:“Soisséparédetoustesamisetparents.“Assieds-toiseul,levisagetournéverslemur,etchoisisd’êtreàl’écart

detapropreexistence.”«Après cela, je n’ai plus la permission de parler ; après cela, je n’ai

plusrienàfaireaveclesparoles.«Adieu,ômesamis ! Jesuismort : j’ai transportéceque jepossède

jusqu’auquatrièmeciel,«Afinquesous lasphèreenflammée jenebrûlepascommeunfagot

dansl’afflictionetlaperdition,«MaisquedorénavantjedemeureàcôtédeJésusenhautduquatrième

ciel.»

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Commentlevizirdésignachacundesémirsséparément

commesonsuccesseur

650 uisilconvoqualesémirsunparunetparlaàchacund’entreeuxséparément.Ilditàchacun:«DanslareligiondeJésus,tueslevicairedeDieuet

monkhalîfa(régent),«Ettouslesautresémirssonttesdisciples:Jésusafaitd’euxtoustes

assistants.«Siunémirrelèvelatête(parrébellion),saisis-toidelui,ettue-leou

garde-leencaptivité;«Mais ne déclare pas cela tant que je vivrai : ne recherche pas cette

autoritésuprêmeavantmamort.«Avantmamort, ne révèle pas cela : n’émets pas de prétention à la

souverainetéetaupouvoir.« Prends ce rouleau manuscrit et les Commandements du Messie :

récite-lesdistinctement,unparun,àsonpeuple.»Ainsi parla-t-il à chaque émir en particulier, disant : « Il n’y a pas

d’autrevicairedanslareligiondeDieuquetoi.»Illeshonoradelasorte,unparun:toutcequ’ildisaitàunémir,ille

disaitàunautre.Achacun, ilconfiaunmanuscrit :chacunétait,àdessein, lecontraire

desautres.660 Touslesrouleauxétaientdifférents,commelesformesdeslettresde

l’alphabet,dealifàyâ(deaàz).Larègleformuléedansunmanuscritétait lecontrairedelarègled’un

autre:nousavonsdéjàexpliquécequ’étaitcettecontradiction.

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Commentlevizirsetuadanssaretraite

prèscela, il fermasaportedurantquaranteautres jours,puis ilsesuicidaets’évadadel’existence.Quandlesgensapprirentsamort,ilsepassaprèsdesatombeunescène

comparableàcellequiauralieulejourdelaRésurrection.Sigrandeétaitlamultitudesepressantprèsdesontombeau,s’arrachant

lescheveux,déchirantleursvêtementsdansleurterriblechagrinpourlui,QueDieuseulpeutlesdénombrer.Arabes,Turcs,Grecs,Kurdes.Ilsrépandirentlapoussièredesatombesurleurstêtes;ilsconsidéraient

leurdouleurpourluicommeunremèdepoureux-mêmes.Pendantunmois,lesmultitudesdegensprèsdesontombeauversèrent

deslarmesamères.

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CommentlacommunautédeJésus(surluilapaix!)demandaaux

émirs:«Quid’entrevousestlesuccesseur?»

près un mois, les gens dirent : « Ô chefs, lequel des émirs estdésignéàsaplace,«Quenouslereconnaissionscommenotreimamaulieuduvizir,etque

nouspuissionsluidemanderdenousprendreparlamain?670 «Puisquelesoleiladisparuetnousarendusaffligés,unelampen’est-

ellepaslemeilleurremplaçant?«Puisquelaprésencedubien-aiméadisparuloindenosyeux,ilnous

fautunkhalifequinouslerappelle.« Puisque la rose est fanée et que le jardin est dévasté, d’où

obtiendrons-nousleparfumdelarose?Del’eauderoses.»PuisqueDieun’estpasvisible,cesprophètessontSesreprésentants.Non,jem’exprimemal;carsitusupposesquelekhalifeetCeluiqu’il

représentesontdeux,c’estlàunemauvaisepensée.Non,ilsnesontdeuxquesituadoresl’apparence,maisilsdeviennent

unpourceluiquiaéchappéauxapparences.Quandturegardeslaforme,tonœilvoitdouble;toi,regardelalumière

quivientdel’œil.Il est impossible de distinguer la lumière des deux yeux, quand un

hommeajetéunregardsurleurlumière.680 Sidixlampessontréuniesenunlieu,chacunediffèredesautresparla

forme.Lorsque tu tournes tonvisagevers leur lumière, il t’est impossiblede

distingueraveccertitudelalumièredechacune.Situcomptescentpommesoucentcoings,ilsnerestentpascentmais

deviennentun,quandtulesécrasesensemble.Dansleschosesspirituelles,iln’yanidivisionninombre;danscequi

estspirituel,iln’yaniséparationniindividus.Douceestl’unitédel’AmiavecSesamis;attache-toiausensspirituel.

Laformeestrebelle.Fais que la forme rebelle dépérisse d’affliction, afin de pouvoir sous

elle,commeuntrésorcaché,découvrirl’unité.Etsitunelafaispasdépérir,Sesfaveurslaruineront.Oh!moncœur

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estSonvassal.Ilvajusqu’àSemontrerànoscœurs.Ilcoudlefrocrapiécéduderviche

(Ill’unitàLui).Nousétionssimples,ettousd’uneseuleessence,nousétionstoussans

têteetsanspieds,là-bas;Nousétionsuneseulesubstance,commeleSoleil;nousétionslisseset

purs,commel’eau.Quand cetteLumière sublimeprit forme, elle devintmultiple, comme

lesombresdescréneaux.Détruis les créneaux avec le mandjanîq (catapulte), afin que la

différences’évanouisseentrecesombres.690 J’auraisprisdelapeinepourexpliquerceci,maisjecrainsquene

trébucheunesprit(faible).Les subtilités qui y sont contenues sont aussi acérées qu’un sabre

d’acier;situn’aspasdebouclier,détourne-toietsauve-toi.Ne viens pas sans bouclier au-devant de cette lame, car le glaive

n’hésitepasàcouper.Pourcette raison, j’ai remismonépéedans le fourreau,afinquecelui

quilitdetraversnepuisseseméprendre(surcequejeveuxdire).Venons-enmaintenantàterminercettehistoireetparlerdelaloyautéde

lamultitudedesjustes,Qui se levèrent après (lamort) de ce chef, réclamant un vicaire à sa

place.

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Laquerelledesémirsconcernantlasuccession

’undecesémirss’avançadevantcesgensàl’espritloyal.«Voyez, dit-il, je suis le vicaire de cet homme : je suis le vicaire de

Jésusàl’époqueprésente.« Voyez, ce rouleau est la preuve qu’après lui la succession me

revient.»Unautreémirsortitd’uneembuscade:saprétentionconcernantlavice-

géranceétaitlamême;700 Luiaussisortitunrouleaudedessoussonbras,desortequecheztous

deuxs’élevauneviolentecolère.Lerestedesémirs,l’unaprèsl’autre,tirantdessabrestranchants,Chacun avec une épée et un manuscrit dans la main, se mirent à se

battrecommedeséléphantsfurieux.Descentainesdemilliersdechrétiensfurenttués,detellesortequ’ily

avaitdesmonceauxdetêtescoupées;Lesangcoulaitàdroiteetàgauche,commeuntorrent;desmontagnes

depoussières’élevaientdansl’air.Lessemencesdediscordequ’avaitseméeslevizirétaientdevenuesune

calamitépoureux.Lescoquillesdescorpsfurentbrisées,etceuxquipossédaientlenoyau

eurent,aprèsavoirététués,unespritnobleetpur.Lemassacreetlamortquiadviennentàlaformecorporellesontcomme

écraserdesgrenadesetdespommes:Cequiestdouxdevientdusiropdegrenades,etcequiestpourrin’est

quedubruit;Cequipossèdelaréalitéestrendumanifeste(aprèslamort)etcequiest

corrompudevientcouvertdehonte.710 Va,recherchelaréalité,ôadorateurdelaforme,carlaréalitéestl’aile

surlecorpsdelaforme.FréquenteleschercheursdeVérité,afindepouvoiràlafoisobtenirle

donettemontrergénéreux.Sans nul doute, l’esprit dépourvu de réalité, dans ce corps est

comparableàunsabredeboisdanslefourreau;Tantqu’ildemeuredanslefourreau,ilsembleavoirdelavaleur,mais,

unefoissorti,iln’estplusbonqu’àjeteraufeu.

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N’emporte pas au combat un sabre de bois !Assure-toi d’abord (quec’estunsabred’acier),afinquetasituationnesoitpasdésespérée.S’ilestdebois,vaenchercherunautre;ets’ilesttranchantcommele

diamant,avanceavecardeur.Leglaivedelaréalitésetrouvedansl’arsenaldessaints;lesvoir,c’est

pourtoilaPierrephilosophale.Tous lessagesontditdemême: leSageestunemiséricordepourles

mondes13.Situachètesunegrenade,achète-laquandelleestouverte,commepour

lerire,afinquesonrirepuisseterenseignersursesgraines.Oh!béniestsonrire,carparsaboucheellemontresoncœur,comme

uneperledel’écrindel’âme.720 Maisleriredelatulipen’estpasbéni,carsabouchelaisseapercevoirla

noirceurdesoncœur.La grenade riante égayé tout le jardin : si tu fréquentes les saints, tu

deviendrasl’und’eux.Quetusoisrocoumarbre,tudeviendrasjoyauquandtuparviendrasau

cœurdusaint.Enracinel’amourdessaintsdanstonesprit ;nedonnetoncœuràrien

d’autrequ’àl’amourdeceuxdontlescœurssontjoyeux.Nevapasdanslevoisinagedudésespoir: ilexistedesespoirs.Neva

pasdansladirectiondesténèbres:ilexistedessoleils.Le cœur te conduit dans le voisinage des hommes du cœur ; le corps

t’amènedanslaprisond’eauetd’argile.Oh ! donne à ton cœur la nourriture venant de celui dont le cœur est

accordéautien;vachercherleprogrèsspirituelchezceluiquiestavancé.

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CommentfuthonoréeladescriptiondeMustafâ(Mohammad)(surluilapaix!),laquelleaétémentionnée

dansl’Evangile

ansl’ÉvangileétaitlenomdeMustafâ—lui,lechefdesprophètes,lamerdepureté.Il y était faitmention de ses caractéristiques, de son apparence ; il y

étaitquestiondesesluttes,desesjeûnes,desanourriture.Un groupe d’entre les chrétiens, par désir de la récompense divine,

chaquefoisqu’ilslisaient(dansl’Évangile)cenometcediscours,730 Baisaientcenoblenometinclinaientleurvisageverscettegracieuse

description.Danscette tribulationdontnousavonsparlé,cettepartiedeschrétiens

étaitàl’abridestroublesetdelacrainte,Protégés contre lesméfaits des émirs et du vizir, cherchant un refuge

danslaprotectionofferteparlenomdeAhmad(Mohammad);Leurpostéritéaussisemultiplia;lalumièredeAhmadlesaidaitetles

soutenait.Etl’autrecatégoriedechrétiensquiméprisaientlenomdeAhmad,Devinrentméprisablesetdédaignésàcausedesdissensionscauséespar

cevizirauxmauvaisconseilsetauxméchantscomplots.En outre, leur religion et leur loi devinrent corrompues, à cause des

rouleauxquiindiquaienttoutdefaçonperverse.Si le nom de Ahmad est un tel soutien, comment donc Sa lumière

protégera-t-ellesesdisciples?Puisque le nom de Ahmad devint pour les chrétiens une forteresse

inexpugnable,quelledoitêtrealorsl’EssencedecetEspritloyal?

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Histoired’unautreroijuifquitentadedétruire

lareligiondeJésus

prèscecarnage irrémédiableadvenuàcausedesmalheursdusauvizir,

740 Unautreroi,delalignéedecejuif,entrepritdedétruirelepeupledeJésus.Sivousdésirezconnaîtrecette secondeexplosiondeviolence, lisez le

versetduQor’ân:ParleCielornédeconstellations14.Cesecondroimitlepieddanscettemauvaisevoieinauguréeparleroi

précédent.Quiconque instaure une mauvaise voie, vers lui, à toute heure, va la

malédiction.Lesjustessontpartis,etleursvoiessontrestées;maisdeshommesvils

nedemeurentquel’injusticeetlesexécrations.Jusqu’àlaRésurrection,levisagedechaquecongénèredecesméchants

quivientà l’existenceest tournéverscelui-là(quiappartientàsapropreespèce).Veine par veine, cette eau douce et cette eau amère coulent dans les

créatures,jusqu’àcequesonnelatrompette(delaRésurrection).Pourlejusteestl’héritagedel’eaudouce.Quelestcethéritage?Nous

avonsdonnéleLivreenhéritageàceuxdeNosserviteursqueNousavonschoisis15.Si tu y réfléchis, les supplications des chercheurs de Dieu sont des

rayonsprovenantdelasubstancedelaprophétie.Lesrayonstournentaveclessubstances(dontilsproviennent).Lerayon

sedirige,àlafin,dansladirectiondecettesubstance.750 Lalueurdelafenêtretourneautourdelamaison,parcequelesoleilva

designeensigneduzodiaque.Quiconque a une affinité avec une planète possède des qualités

communesavecsaplanète.SisaplanèteascendanteestVénus,toutsonpenchant,sonamouretson

désirsontpourlajoie;Et s’il est né sous l’influencedeMars, dont la nature est deverser le

sang,ilrecherchelaguerre,laméchancetéetl’hostilité.Au-delàdesétoilesmatériellesexistentdesétoilesenlesquellesiln’est

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pointdeconflagrationoud’aspectsinistre,Desétoilessemouvantdansd’autrescieux,nonencesseptcieuxque

nousconnaissonstous,DesétoilesimmanentesdanslerayonnementdelalumièredeDieu,ni

uniesl’uneàl’autre,niséparéesl’unedel’autre.Quandl’ascendantdequelqu’unprovientdecesétoiles,sonâmebrûle

lesinfidèlesenleschassant.Sacolèren’estpascommelacolèredel’hommenésousl’influencede

Mars—tournéeversdeschosesvilesetdetellenaturequ’elleesttantôtdominanteettantôtdominée.La lumière dominante des saints est dénuée de défaut et d’obscurité

entrelesdeuxdoigtsdelaLumièredeDieu.760 DieuarépanducetteLumièresurtouslesesprits,maisseulsceuxqui

onteuunebonnefortuneonttenduleurvêtement(pourlarecevoir).Etceluiquiaeudelachance,ayantobtenucedonrépandudelumière,

adétournésonvisagedetout,exceptéDieu.Quiconque a été dépourvu de cette consolation de l’amour reste sans

participeràcedondelalumière.Les visages des parties sont tournés vers l’universel : les rossignols

jouentaujeudel’amouraveclarose.Lacouleurdubœufse trouveà l’extérieur ;maisquand il s’agitd’un

homme,rechercheàl’intérieurdeluilescouleursjauneetrouge.Lesbonnescouleursproviennentdelacuvedelapureté;lacouleurdu

méchantprovientdel’eaunoiredel’iniquité.L’onctiondeDieuestlenomdecettecouleursubtile:lamalédictionde

Dieuestl’odeurdecettecouleurgrossière16.Cequiestdelamervaverslamer:celaretourneaumêmeendroitd’où

celaestvenu—Du sommet des montagnes les torrents impétueux, et de notre corps

l’âmedontlemouvementestimprégnéd’amour.

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Commentleroijuiffitunfeuetplaçaàcôtéuneidole,disant:

«Celuiquiseprosterneradevantcetteidoleéchapperaaufeu»

oyez à présent quel plan conçut ce juifméprisable ! Il plaça uneidoleàcôtédufeu,

770 Disant:«Celuiquiseprosterneradevantcetteidoleserasauvé,ets’ilnes’inclinepas,ils’assiéradanslecœurdufeu.»Étant donné qu’il n’avait pas infligé le châtiment convenable à cette

idole de sonmoi charnel (nafs), de cette idole de sonmoi Tautre idolenaquit.L’idoledetonmoiestlamèredetouteslesidoles,parcequecetteidole

(matérielle) n’est qu’un serpent, tandis que l’idole (spirituelle) est undragon.Lemoiestcommeduferetlapierreàfeu,alorsquel’idole(matérielle)

estcommelesétincelles:cesétincellessontéteintesparl’eau.Maiscomment lapierreet le ferpourraient-ilsêtreapaiséspar l’eau?

Commentunhomme,lesayanttousdeux,serait-ilensécurité?L’idoleestl’eaunoiredansunecruche;lemoiunesourced’eaunoire.Cetteidolesculptéeestsemblableautorrentnoir ; lemoiquifabrique

desidolesestunefontaineremplied’eaupourlui.Une seule pierre peut briser cent aiguières,mais de la fontaine jaillit

continuellementdel’eau.Il est faciledebriserune idole, très facile ; considérer lemoi comme

aiséàsoumettre,c’estdelafolie,delafolie.Ômonfils,situveuxconnaîtrecequ’estlemoi,lisl’histoiredel’Enfer

avecsesseptportes.780 Achaquemoment,provientdumoiunactedetromperie,etàchacunde

cesactes,unecentainedepharaonssenoientavecleurscompagnons.AccoursversleDieudeMoïseetversMoïse;àl’instardePharaon,ne

répandspasl’eaudelaFoi.Attache-toi auDieuUnique et àMohammad, ômon frère, enfuis- toi

loinduBûDjahl*ducorps!

*BûDjahl(AbûDjahl)«Pèredel’ignorance»,surnomd’unennemiacharnéduProphète,’AmribnHishâm,dontlepremiersurnométaitBû’lHakam,«Pèredu

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savoir».

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Commentunenfantsemitàparlerduseindufeu

etinvitalesgensàsejeterdanslefeu

e juif amena à cette idole une femme avec son enfant, et le feuflamboyait.IlluipritTenfantetlejetadanslefeu:lafemmefutterrifiéeetrenonça

danssoncœuràsafoi.EllesepréparaitàseprosternerdevantTidole,quandFenfantluicria:

«Envérité,jenesuispasmort.«Viensici,ômamère,jesuisheureuxici,bienqu’enapparencejesois

auseindufeu.« Le feu est un sortilège qui aveugle les yeux pour faire écran (à la

vérité):ceciest,enréalité,unemiséricordedivinequis’estmanifestée.«Viens ici, ômamère, et vois (l’évidence) deDieu, afin de pouvoir

contemplerlesdélicesdesélusdeDieu.«Viens ici, etvois l’eauquia l’apparencedu feu, laisse làunmonde

quiestdefeuetaseulementl’aspectdel’eau.790 «Viensici,etvoislesmystèresd’Abraham,quidanslefeutrouvades

cyprèsetdesjasmins17.« Je voyais lamort aumoment où je naquis de toi : grande étaitma

craintedetomberhorsdetoi.«Maisquandjefusné,j’échappaiàl’étroiteprisondelamatriceenun

monded’airagréableetdemagnifiquescouleurs.« Maintenant, je considère ce monde-ci comme le sein maternel,

puisqu’encefeuj’aivuuntelrepos:« En ce feu, j’ai vu un monde où chaque atome possède le souffle

vivifïcateurdeJésus.« En vérité, c’est un monde apparemment non existant, mais

essentiellement existant, tandis que cet autre monde est apparemmentexistant,maisn’apasdepermanence!«Viensici,ômère,aunomdetamaternité:voislefeu, iln’apasde

violence.«Viensici,ômère,carlafélicitéestvenue;viensici,mère,nelaisse

paslabonnefortunes’échapperdetesmains.«Tuasvulepouvoirdecebandit:viensicipourvoirlapuissancedela

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grâcedeDieu.« C’est seulement par pitié que j’attire ici tes pas, car en véritémon

ravissementesttelquejenemesouciepasdetoi.800 «Viens,etappelleaussilesautres,carleRoiadresséunetabledefestin

auseindufeu.«Ôvraiscroyants,venezici,voustous:saufcettedouceur(adhbî)tout

esttourment(adhâb).« Venez, vous tous, comme des phalènes ; venez à cette heureuse

fortunequipossèdecentprintemps.»Ainsicriait-ilaumilieudelafoule:lesâmesdesgensétaientremplies

destupeur.Aprèscela,lesgens,hommesetfemmes,sejetèrenthorsd’eux-mêmes

danslefeu,Sansgardien,sansyêtreentraînés,parpuramourde1’Ami,parcequedeLuiprovientradoucissementdetouteamertume,Jusqu’à ce qu’il advînt que les gardes du roi les repoussent, disant :

«N’entrezpasdanslefeu!»Lejuifdevintcouvertdehonteetdésemparé;ildevinttristeetlecœur

sombre.Carlesgensdevinrentplusferventsdansleurfoietplusfermesdansla

mortification(fanâ)deleurcorps*.Dieusoitloué!C’estluiquelepiègedudémonattrapadanssesfilets.

Dieusoitloué,ledémonsetrouvahumilié.810 Lahontequ’ilinfligeaitsurlevisagedecespersonnes(leschrétiens)

s’accumulaitentièrementsurlafacedecevilvaurien.Celuiquis’affairaitàdéchirerlevêtement(l’honneur)desgens—c’est

sonproprehabitquiaétédéchiré,tandisqu’euxétaientsansdommages.

*Lemotfanâsignifielittéralement«mortmystique».Étantdonnéqu’ils’agiticiducorps,ilestprisdansuneacceptionparticulière.

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Commentrestadetraverslabouched’unhommequiavaitprononcéde

façonmoqueuselenomdeMohammad(surluilapaix!)

l tordit sa bouche et cita le nom de Ahmad (Mohammad) avecdérision;saboucherestatordue.Il revint, disant : « Pardonne-moi, ô Mohammad ! Ô toi à qui

appartiennentlesdonsdelaconnaissanceésotérique!«Dansmafolie,jememoquaisdetoi;maisc’estmoi-mêmequiétais

ridiculiséetleméritais.»Quand Dieu veut déchirer le voile de quelqu’un, Il le rend enclin à

insulterlessaintshommes.Quand Dieu désire cacher la honte de quelqu’un, cette personne ne

prononcepasunmotdeblâmecontreceuxquisontsansblâme.QuandDieudésirenousaider,Ilnousinclineàunehumbleplainte.Oh ! heureux les yeux qui pleurent d’amour pour Lui !Oh ! fortuné

celuiquiestbrûléd’amourpourLui!La findechaquepleurest le rire :1’hommequiprévoit la finestun

serviteurbénideDieu.820 Làoùestl’eaucourante,ilyadelaverdure:làoùdeslarmescoulent,

lamiséricordedeDieusemanifeste.Gémis et aie les yeux mouillés comme la noria, afin que des herbes

vertessurgissentdujardindetonâme.Si tu désires les larmes, aie pitié de celui qui verse des larmes ; si tu

désireslamiséricorde,témoignedelacompassionaufaible.

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Commentlefeuadressadesreprochesauroijuif

eroitournasonvisageverslefeu,disant:«Ôtoiquipossèdesunenatureféroce,oùesttadispositionnaturelleàconsumerlemonde?« Comment se fait-il que tu ne brûles pas ? Qu’est-il advenu de ta

propriétéspécifique?«Tun’aspasdepitiémêmepourl’adorateurdufeu:commentdonca

étésauvéceluiquinet’adorepas?«Jamais,ôfeu,tun’espatient:commentnebrûles-tupas?Qu’est-ce

là?N’enas-tupaslepouvoir?«Est-ceunsortilège,jemeledemande,quiaveuglel’œiloul’esprit?

Commentcehautbûchernebrûle-t-ilpas?«Quelqu’unt’a-t-ilensorcelé?Est-cedelamagie,oucecomportement

contraireàtanatureest-ilnotrechance?»Lefeudit:«Jesuislemême,jesuisdufeu;viensicipoursentirma

chaleur.830 «Manatureetmonélémentn’ontpaschangé.JesuisleglaivedeDieu

etjecoupe,parSapermission.«LeschiensdesTurcomans frétillentà laportede la tentedevant les

invités.«Maissiquelqu’unayantlevisaged’unétrangerpasseprèsdelatente,

ilverraleschiensbondirsurluicommedeslions.«Jenesuispasmoinsqu’unchienquantàladévotion,etDieun’estpas

moindrequ’unTurcquantàlavie.»Silefeudetanaturetefaitéprouverdessouffrances,ilbrûleparl’ordre

duSeigneurdelareligion.Si le feude tanature teprocurede la joie,c’estque leSeigneurde la

religionymetdelajoie.Quand tu éprouves de la souffrance, implore le pardon de Dieu : la

souffrancepar1’ordreduCréateurestefficace.Lorsqu’il le désire, la souffrance elle-même devient de la joie ; les

chaîneselles-mêmesdeviennentliberté.L’air,laterreetlefeusontSesesclaves;pourtoietmoiilssontmorts,

maisavecDieuilssontvivants.Devant Dieu, le feu se tient toujours à Son ordre, se tordant

continuellement,jouretnuit,commeunamoureux.

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840 Situfrappeslapierresurlefer,lefeujaillit:c’estparl’ordredeDieuqu’ilapparaît.Ne frappepas ensemble le fer et la pierre de l’injustice, car ces deux

engendrent,commel’hommeetlafemme.La pierre et le feu sont en fait des causes,mais regarde plus haut, ô

hommedebien!Carcettecause (extérieure)aétéproduiteparcettecause (spirituelle).

Quandunecauseadvint-ellejamaiselle-mêmesansunecause?Et ces causes qui guident les prophètes sur leur voie sont plus hautes

quelescausesextérieures.CetteCause(spirituelle)rendcettecause(extérieure)efficace;parfois

aussiellelarendstérileetinefficace.Lesespritsdesgenssontfamiliersaveccettecauseextérieure,maisles

prophètessontfamiliersaveclescausesspirituelles.Quesignifiecemot«cause»(sahab)enarabe?Dis«corde»(rasan).

Cettecordeplongedanslepuitsdecemondeparlarusedivine.Lemouvement de la roue fait semouvoir la corde,mais ne pas voir

celuiquifaitsemouvoirlaroueestuneerreur.Prends garde ! Prends garde ! Ne considère pas ces cordes de la

(causalité)encemondecommetirantleurmouvementdelaroueivreduciel,

850 Depeurderestervideetétourdicommelarouecéleste,depeurque,parmanqued’intelligence,tubrûlescommeleboisdemarkh.Parl’ordredeDieu,l’airdevientdufeu:tousdeuxsontivresduvinde

Dieu.Ô mon fils, quand tu ouvriras les yeux, tu verras que de Dieu aussi

proviennentl’eaudelaclémenceetlefeuducourroux.Si l’âme du vent n’avait été informée par Dieu, comment aurait-elle

distinguélescroyantsdesincroyantschezlesgensde‘Âd18?

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Histoireduventquidétruisitlapopulationde‘Âd

autempsduprophèteHûd(surluilapaix)

ûd traça une ligne autour des croyants : le vent se calmerait enarrivantàcetendroit,Bien qu’il fracassât en l’air tous ceux qui se trouvaient en dehors de

cetteligne.Demême,Shaybânlebergeravaitcoutumedetracerunelignevisible

autourdesontroupeau,Chaquefoisqu’ilserendaitàlaprièreduVendredi,afinqueleloupne

vîntpasyexercersesravages.Aucun loupn’entraitdanscecercle,niaucunmoutonnes’égaraitau-

delàdecettemarque:Leventdelaconcupiscenceduloupetdesmoutonsétaitarrêtéàcause

ducercledel’hommedeDieu.860 Demême,pourlesmystiques,leventdelaMortestdouxetagréable

commelabrisequiapporteleparfumdesêtresaiméscommeJoseph.Lefeunes’attaquapasàAbraham:commentlemordrait-il,alorsqu’il

estl’éludeDieu!Les hommes religieux ne furent pas affligés par le feu du désir qui

entraînatouslesautresaufonddelaterre.Les vagues de la mer, lesquelles attaquèrent par l’ordre de Dieu,

distinguèrentlepeupledeMoïsedesÉgyptiens.La terre, lorsque vint l’ordre divin, fit tomberQârûn19 avec son or et

sontrônedanslaplusgrandeprofondeur.L’eauetl’argile,quandellessenourrirentdusouffledeJésus,devinrent

unoiseauquiétenditsesailesets’envola.Ta louange de Dieu est une exhalaison de l’eau et de l’argile de ton

corps : elle est devenue un oiseau du Paradis par l’insufflation de lasincéritédetoncœur.LemontSinaï,envoyantl’éclatdeMoïse,semitàdanser20,devintun

soufiparfaitetfutdélivrédetoutesouillure.Quoidesurprenantàcequelamontagnedevîntunvénérablesoufi?Le

corpsdeMoïse,luiaussi,provenaitd’unmorceaud’argile.

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Commentleroijuifsemoquaetniaetrefusad’accepterlesconseils

desesproches

eroidesjuifsvitceschosesmerveilleuses,maisn’étaitriend’autrequemoquerieetrefus.

870 Sesconseillersdirent:«Nelaissepascetteinjusticedépassertouteslimites;neconduispasaussiloinlecoursierdel’obstination.»Ilfitmettredesmenottesauxconseillersetlesemprisonna;ilcommit

uneinjusticeaprèsl’autre.Quandl’affaireenvintàcepoint,uncris’éleva:«Arrête,ôbandit,car

notrevengeanceestarrivée.»Aprèsquoi,lefeuflamboyaàquaranteaunesdehaut,devintuncercle

etconsumacesjuifs.Leurorigineaudébutprovenaitdufeu:ilsretournèrentàlafinàleur

origine.Cesgensétaientnésdufeu:leparticuliervaversl’universel.Ils n’étaient qu’un feu pour consumer les vrais croyants : leur feu se

consumalui-même,commedesdétritus.CeluidontlamèreestHâwiya(lefeudel’Enfer),Hâwiyadeviendrasa

demeure.La mère de l’enfant est toujours à sa recherche : les fondements

recherchentlesdérivés.Si l’eau est emprisonnée dans un réservoir, le vent l’absorbe, car il

appartientàlasourceoriginelle.880 IIlalibère,ill’emporteverssasource,petitàpetit,detellesortequetu

nevoiespascommentillefait.Et demême nos âmes dérobent notre souffle, petit à petit, hors de la

prisondumonde.Les parfums de nos bonnes paroles montent jusqu’à Lui, s’élevant à

partirdenous-mêmesverslàoùDieusait.Nos souffles s’envolent avec les bonnes paroles, comme un présent

venantdenousverslademeuredel’éternité.Alors nous parvient la récompense de notre discours, une double

récompense:laMiséricordedeDieuleSublime.Puis Il nous fait répéter de bonnes paroles comme celles-là, afin que

Sonserviteurpuisseobtenirquelquechosedeplusquecequ’ilaobtenu.

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Ainsi, nos paroles s’élèvent, tandis que la Miséricorde descendcontinuellement ;puisse-t-ellene jamaiscesser !Qu’ilensoitainsipourtoi!Parlonspersan* : la significationestquecetteattraction (de l’âmepar

Dieu)vientdumêmelieud’oùprovientcettesaveurspirituelle.Les yeux de tous restent tournés dans la direction où un jour ils

satisfirentleurdésirpourcedélice.Le délice de chaque catégorie est certainement dans sa propre

catégorie;ledélicedechaquepartie,note-le,estdanssatotalité;890 Oualorscettepartieestsûrementcapabledes’attacheràuneautre

catégorie,etquandelles’yestattachée,ellesdeviennenthomogènes.Ainsi, l’eau et le pain, qui n’étaient pas nos congénères, devinrent de

notresubstanceetaccrurentnosforces.L’eau et le pain ne semblent pas être nos congénères, mais si l’on

considèrelafin,regarde-lescommeétantdenotresubstance.Et si notre délice provient de quelque chose d’hétérogène, cela

ressemblerasûrementàcequiestdemêmesubstance.Ce qui ne présente qu’une apparence n’est qu’un prêt : un prêt est

impermanentàlafin.Bienquel’oiseausoitenchantéparlesifflet(del’oiseleur),ils’effraie

si,enlevoyant,ilnetrouvepassonproprecongénère.Bienquel’hommeassoiffésoitenchantépar lemirage, ils’enfuit loin

deluiquandilarriveauprèsdelui,etpartàlarecherchedel’eau.Bien que l’insolvable soit satisfait avec de l’or de mauvais aloi,

cependantcetorestdépréciédansl’hôteldesmonnaies.Prends garde que l’imposture ne te chasse du droit chemin, de peur

qu’uneimaginationtrompeusenetefassetomberdanslepuits.CherchecettehistoiredanslelivredeKalîla(etDimna**)ettires-enla

moralequ’ellecontient.

*Lescinqversprécédentssontenarabe.**Recueilde fablesprovenantde l’Inde (KalîlavaDimna), dont s’est inspirénotammentLaFontaine.

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Commentlesanimauxdirentauliond’avoirconfianceenDieuetde

cesserdefairedesefforts

900 ngrandnombred’animaux,dansuneagréablevallée,étaientpourchassésparunlion.Étantdonnéquelelionsurgissaitdel’affûtetlesemportait,cepâturage

leurétaitdevenupénibleàtous.Ils ourdirent une ruse, et vinrent auprès du lion, disant : « Nous

assureronstacomplètesubsistanceaumoyend’uneredevance.«Nechasseaucuneproieendehorsdecetteredevance,afinquel’herbe

nenousdeviennepasamère.»

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Commentlelionréponditauxanimaux

etleurexpliqualesavantagesdel’effort

ui,dit-il,sijetrouvechezvousdelabonnefoietnondelafraude,carj’aisouventvudesfraudeschezZaydetBakr*.«Jesuismortellementlasdelaruseetdelafraudedeshommes,jesuis

blesséparlamorsureduserpentetduscorpion.«Mais pire que tous les hommes, quant à la fraude et à la haine, est

l’hommecharnelquimeguetteàl’intérieurdemoi-même.«Monoreilleaentendu“lecroyantn’estpasmordudeuxfois”,etj’ai

adoptédetoutmoncœuretdetoutemonâmecetteparoleduProphète.»

*UnteletUntel

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Commentlesanimauxaffirmèrentlasupérioritédelaconfianceen

Dieusurl’effortetlegain

Is dirent tous :« Ô sage plein de connaissances, renonce à laprudence:ellenesertàriencontreledécretdivin.« La prudence implique bouleversements et dangers. Va, place ta

confianceenDieu:laconfianceenDieuvautmieux.910 «NeluttepasaveclaDestinée,ôféroceetfurieuxquetues,depeur

quelaDestinéenetechercheaussiquerelle.«IlfautêtremortenprésencedudécretdeDieu,afinqu’aucuncoupne

puissevenirduSeigneurdel’Aurore21.»

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Commentlelionmaintintlasupérioritédel’effortetdugainsur

laconfianceenDieuetlarésignation

ui, dit-il, mais si la confiance en Dieu est le véritable guide, seservirdesmoyensaussiestlarègle(Sunna)duProphète.« Le Prophète a proclamé hautement : “Tout en ayant confiance en

Dieu,attachelegenoudetonchameau.’’«Entendslasignificationde“CeluiquigagnesavieestaimédeDieu”;

tout en ayant confiance en Dieu, ne sois pas négligent quant auxmoyens.»

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CommentlesanimauxpréférèrentlaconfianceenDieu

àl’effort

’assembléedesanimauxluirépondit,disant:«Considèrelegain,provenantdelafaiblessedescréatures,commeunebouchéedetromperieaccordéeàlatailledugosier.« Iln’yapasd’œuvremeilleureque laconfianceenDieu ;envérité,

quoidepluscheràDieuquelasoumission?«Onnefuitsouvent l’afflictionquepour tomberdansl’affliction;on

n’échappesouventauserpentquepourrencontrerledragon.«L’hommeapréparéuneruse,etsaruseétait(pourlui)unpiège:ce

qu’ilcroyaitêtrelavieétaitcequibuvaitsonsang.«Ilafermélaporte,etl’ennemisetrouvaitdanslamaison;larusede

Pharaonétaitunehistoiredecegenre.920 «Cethommecrueltuadescentainesdemilliersdepetitsenfants,tandis

queceluiqu’ilcherchaitétaitdanssapropremaison.«Puisquenotrevisionesttrèsimparfaite,quetaproprevues’anéantisse

(fanâ)danslavuedel’Ami.«Savueenéchangedelanôtre:quellerécompense!DansSavision,tu

trouverastoutl’objetdetondésir.«Tantquelepetitenfantnepouvaitriensaisir,nicourir,ilnepouvait

chevaucherquelecoudesonpère.«Lorsqu’ildevintturbulent,etfitdespiedsetdesmains,iltombadans

lesennuisetl’adversité.«Lesespritsdescréatures,avant lacréationde lamainetdupied,en

raisondeleurfidélitévolaientdansledomainedelapureté.«Lorsqu’ilstombèrentsouslecoupdel’ordredivin“Descendez22”,ils

devinrentcaptifsdelacolère,delacupiditéetducontentement.« Nous sommes de la famille du Seigneur, et assoiffés de lait ; le

(Prophète)adit:“LeshommessontdelafamilledeDieu.”«Celuiquinousdonnelapluiequivientducielestaussicapable,par

Samiséricorde,denousdonnerdupain.»

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Commentlelionaffirmaànouveauquel’effortétaitsupérieuràla

confianceenDieu

ui,ditlelion;maisleSeigneurdescréaturesaplacéuneéchelledevantnospieds.

930 «Pasàpas,nousdevonsnouséleverversletoit;êtreunfataliste(djabrî)ici,c’estavoirdevainsespoirs.« Tu as des pieds : pourquoi te fais-tu boiteux ? Tu as des mains :

pourquoicaches-tutesdoigts?«Quand lemaîtremet une bêche dans lamain de son serviteur, son

intentions’estfaitconnaîtreàluisansparole.«Lamain comme la bêche sont les signesdeDieu ; le fait quenous

pensionsàlafinestSadéclarationclaire.« Si tu saisis Ses signes dans ton cœur, tu consacreras ta vie à t’y

conformer.« Il te donnera de nombreux indices des mystères, Il t’enlèvera ton

fardeauetteconféreral’autorité.«Portes-tu (Son fardeau) ? Il te fera emporter (vers le ciel).Reçoistu

(Sonordre)?Ilteferarecevoir(enSafaveur).«SituacceptesSonordre,tuendeviendrasletémoin:siturecherches

1’union(avecLui)tuLuiserasensuiteuni.«Tonlibrearbitre,c’esttoneffortpourremercierDieudeSesbienfaits;

tonfatalisme,c’estlanégationdecesbienfaits.« Rendre grâces pour le pouvoir (d’agir) augmente ton pouvoir ; le

fatalismeenlèvecebienfaitdelamain.940 «Tonfatalismeestcommedormirsurlaroute:nedorspas!Nedors

pasavantdevoirlaporteetleseuil!«Prendsgarde !Nedorspas, ô fataliste sansprudence, sauf sous cet

arbrechargédefruits.«Desortequ’àchaqueinstantleventpuisseagiterlesrameauxetfaire

pleuvoirsurledormeurdesdouceursetunviatique.«Lefatalisme,c’estdormiraumilieudesbrigands;commentsera-t-il

faitmerciàl’oiseauinopportun?« Et si tu dédaignes Ses signes, tu te crois un homme, mais, si tu

réfléchisbien,tuescommeunefemme.«Cettemesuredecompréhensionquetupossèdesestperdue:latêteà

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laquelleonaretranchélacompréhensiondevientunequeue,«Parce que l’ingratitude est iniquité et honte ; elle amène l’ingrat au

fonddufeuinfernal.« Si tu mets ta confiance en Dieu, fais-le pour ton action : sème la

graine,etappuie-toisurleTout-Puissant.»

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Commentlesanimauxaffirmèrentunefoisdepluslasupérioritédela

confianceenDieusurl’effort

ls semirent tousàcriercontre lui,disant :«Cesgensavidesquiontsemélagrainedesmoyens,

950 «Cesmyriadesetdesmyriadesd’hommesetdefemmes,pourquoidoncsont-ilsdemeurésprivésdeprospérité?«Desmyriadesdegénérations,depuislecommencementdumonde,ont

ouvertcentbouches,commelesdragons:«Ces gens intelligents ourdirent des ruses telles que lamontagne fut

arrachéedesesbases.«LeDieudeMajestéadécritleursruses:“Mêmesileursstratagèmes

étaientassezpuissantspourdéplacerlesmontagnes23.”«Mais,sauf le lotqui leurétaitpréparédepuis1’éternité, rienne leur

advintdecequ’ilsavaientprojetéetdeleursefforts.« Ils échouèrent dans tous leurs plans et actions : les actes et les

commandementsduCréateurdemeurent.«Ôhommenoble,neconsidèrepasl’actionautrementquecommeun

nom ;ôhommehabile,necroispasque l’effort soit autre chosequ’uneillusion.»

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CommentAzrâ’;îlregardaunhomme,etcommentcethomme

courutverslepalaisdeSalomon;etexpliquantlasupérioritéde

laconfianceenDieusurl’effort,etl’inutilitédecedernier

n matin, un homme noble arriva en courant dans la salled’audience de Salomon, pâle d’angoisse, et les lèvres bleuies. Salomondit:«Beausire,qu’ya-t-il?»Ilrépondit:«Azrâ‘îlm’alancéuntelcoupd’œil,sipleindecourroux

etdehaine!»« Allons, dit le roi, que désires-tu à présent ? Demande-le. » « O

protecteurdemavie,répondit-il,ordonneauvent960 Dem’emporterd’icienInde.Peut-êtrequelorsquetonserviteursera

arrivélà-bas,ilsauverasavie.»Envérité, lesgenscherchentàéchapperà lapauvreté ;c’estpourquoi

ilssontlaproiedelacupiditéetdudésir.Lacraintedelapauvretéestsemblableàlaterreurdecethomme:sache

quelacupiditéetl’effortsontsymbolisésiciparl’Inde.Salomon ordonna au vent de l’emporter rapidement par-dessus l’eau

jusqu’aufinfonddel’Inde.Le lendemain, lors de la conférence et de la réunion, Salomon dit à

Azrâ‘îl:«As-turegardéaveccolèrecemusulman,desortequ’ildoiveerrerloin

dechezlui?»Azrâ‘îl répondit : « Quand l’ai-je regardé avec colère ? Je l’ai vu,

commejepassais,etl’airegardéavecétonnement,« Car Dieu m’avait donné un ordre : “Aujourd’hui, dans l’Inde, tu

prendrassonâme.”«D’émerveillement, jeme suisdit : “Mêmes’il a cent ailes, c’estun

bienlointainvoyagepourluiqued’êtreenInde(aujourd’hui).”»Jugedecettefaçontouteslesaffairesdecemonde:ouvretesyeux,et

vois.970 Dequinousenfuirons-nous?denous-mêmes?Quelleimpossibilité!

Dequinouséloignerons-nous?deDieu?Quelmalheur!

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Commentlelionaffirmaànouveauquel’effortestsupérieuràla

confianceenDieu,etexposalesavantagesdel’effort

ui, dit le lion, mais en même temps, considérez les efforts desprophètesetdesvraiscroyants.«DieuleTrès-Hautafaitprospérerleurseffortsetcequ’ilsontsubidu

faitdel’oppression,delachaleuretdufroid.« Leurs plans étaient excellents en toutes circonstances ; toute chose

faiteparunhommebonestbonne.« Leurs lacets prirent au piège l’oiseau céleste, leurs manques se

transformèrentenaccroissement.»Ô ami, efforce-toi aussi longtemps que tu le peux dans la voie des

prophètesetdessaints!L’effort n’est pasun combat avec leDestin, parceque c’est leDestin

lui-mêmequinousaimposéceteffort.Jesuisunimpiesiquelqu’unajamaissubideperteunseulinstanten

suivantlavoiedelafoietdel’obéissance.Tatêten’estpasbrisée;nelacouvrepasd’unbandage.Faisquelques

joursd’efforts,etlivre-toiaurireàjamais!C’est une mauvaise demeure qu’a cherchée celui qui a recherché ce

monde;c’estunbonétatqu’acherchéceluiquiarecherché lemondeàvenir.

980 Lesrusespourgagnerleschosesdecemondesontsansvaleur;maislesrusespourrenonceràcemondesontinspiréesparDieu.La ruse (intelligente) est que le prisonnier creuse une issue dans son

cachot;s’ilfermecetteissue,c’estunerusestupide.Cemondeestuneprison,etnousensommeslesprisonniers:creuseun

troudanslaprisonetévade-toi!Qu’est-cequecemonde?C’estêtreoublieuxdeDieu;cen’estpasles

marchandises,l’argent,lesbalancesetlesfemmes.Quant à la richesse que tu possèdes pour 1’amour de la religion,

«combienestbonnelarichesselégitime!»aditleProphète.L’eaudansunbateauest la ruinedubateau,mais l’eausous lebateau

estunappui.Commeilavaitchassédesoncœurledésirdelarichesseetdesbiens,

Page 137: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Salomon, pour cette raison, ne se désignait lui-même autrement que«pauvre».Lajarrefermée,bienquedansdeseauxagitées,flottesurl’eauàcause

desoncœurremplid’air.Quandl’airdelapauvretéestàl’intérieurdequelqu’un,ilsereposeen

paixsurleseauxdecemonde.Bienquecemondetoutentiersoitsonroyaume,auxyeuxdesoncœur,

ceroyaumen’estrien.990 Fermedoncetscellelabouchedetoncœur,etremplis-leavecl’air

divin.L’effortestuneréalité,et leremèdeet lamaladiesontdesréalités ; le

sceptiqueenniantl’effortaeffectuéuneffort.

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Commentfutétablielasupérioritédel’effort

surlaconfianceenDieu

e lion donna plusieurs preuves de ce genre, de sorte que cesfatalistessefatiguèrentàluirépondre.Lerenard,lagazelle,lelièvreetlechacalrenoncèrentàladoctrinedu

fatalismeetàladiscussion.Ils firentdesaccordsavec le lionfurieux,(l’assurant)qu’ilnesubirait

aucunepertedanscepacte,Quesa ration journalière luiviendrait sansennui, etqu’iln’auraitpas

besoindefaired’autreréclamation.Jouraprès jour,celui surqui tombait le sortcouraitvers le lion,aussi

vitequ’unguépard.Quandcettecoupe(mortelle)arrivaaulièvre,lelièvres’écria:«Eh!

quoi!combiendetempsdureracetteinjustice?»

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Commentlesanimauxblâmèrentlelièvre

poursonretardàserendreauprèsdulion

’assemblée des animaux lui dit : « Tout ce temps, nous avonssacrifiénosviesloyalementetfidèlement.«Necherchepasànousdiscréditer,ôrévolté!Depeurquelelionne

soitcourroucé,va-t’en,va-t’en!Vite,vite!»

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Commentlelièvreréponditauxanimaux

1000 mesamis!dit-il,accordez-moiundélai,afinque,grâceàmaruse,vouspuissiezéchapperàlacalamité,« Que, grâce à ma ruse, vos vies puissent être sauvées et que cette

sécuritédemeureenhéritagepourvosenfants.»Chaqueprophète,auseindespeuples,avaitcoutumedelesappelerde

cettefaçonversunlieudesalut,CarilavaitvuduCiellavoiedel’évasion,bienqu’àleursyeuxilfût

aussipetitquelapupilledel’œil.Les hommes le considéraient aussi petit que la pupille ; personne ne

parvenaitàcomprendrelavéritablegrandeurdecettepupille.

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Commentlesanimauxélevèrentdesobjections

contrelapropositiondulièvre

esanimauxluidirent:«Ôâne,écoute!Tiens-t’enauxlimitesd’unlièvre!«Hé,qu’est-cequecettehâblerie—queceuxquivalentmieuxquetoi

n’amenèrentjamaisàleuresprit?« Tu es rempli de vanité, ou bien le Destin nous poursuit ; sinon,

commentcediscoursconvient-ilàquelqu’uncommetoi?»

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Commentlelièvreréponditdenouveauauxanimaux

1dit:«Ômesamis,Dieum’aaccordéuneinspiration:àunêtrechétifestadvenuunsageconseil.»CequeDieuaenseignéauxabeillesn’estpascequiestpourlelionet

l’onagre.1010 L’abeillefabriquedesmaisonsdeliqueursucrée:Dieuluiaouvertla

portedecetteconnaissance.Ce que Dieu a enseigné au ver à soie — un éléphant connaît-il cet

artifice?Adam, créé de terre, a appris de Dieu la connaissance : cette

connaissanceaenvoyédesrayonsjusqu’auseptièmeciel.Il brisa le renom et l’orgueil des anges, à la honte de celui qui a des

doutesconcernantDieu.Quantàl’ascètedetantdemilliersd’années—Iblîs*—Dieuenafait

unemuselièrepourcejeuneveau(Adam),Afinqu’ilnepuisseboirelelaitdelaconnaissancereligieuseetqu’ilne

puisseerrerautourdecechâteauélevé.Les sciences de ceux qui suivent le sens (ésotérique) devinrent une

muselière,detellesortequeceux-cinepuissentrecevoirdulaitprovenantdecetteconnaissancesublime.MaisdanslagouttedesangducœuresttombéunjoyauqueDieun’a

pasdonnéauxmersniauxcieux.Combiendetempsconsidéreras-tulaforme?Aprèstout,ôadorateurde

laforme,tonâmedépourvuederéalitén’a-t-ellepaséchappéàlaforme?Si un être humain était un homme en raison de sa forme, Ahmad

(Mohammad)etBûDjahlseraientexactementlesmêmes.1020 LapeinturesurlemurestcommeAdam:voisd’aprèscettepeinturece

quimanqueenelle.C’est l’esprit quimanque à cette formemerveilleuse : va chercher ce

joyaurarementtrouvé!LestêtesdetousleslionsdumondeétaientbassesquandDieuaccorda

SafaveurauchiendesCompagnons(delacaverne).Quelle perte souffrit-il à cause de cette forme détestable, puisque son

espritétaitplongédans1’océandelalumière?Il n’appartient pas aux plumes de décrire la forme : « savant » et

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«juste»seréfèrentàdesindividus.«Savant»et«juste»sontseulementlasignificationquetunetrouves

nidansl’espace,nidevant,niderrière.Cesqualitésparviennentaucorpsàpartirdunonspatial ; le soleilde

l’âmenepeutpasêtrecontenudanslefirmament.

*NomdeSatan.

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Explicationdelaconnaissancedulièvreetdel’excellenceetdesavantagesdelaconnaissance

esujetn’apasdefin.Soisattentif!Écoutel’histoiredulièvre.Vendstonoreilled’âneetachèteuneautreoreille,carl’oreilled’ânene

saisirapascesparoles.Considèrelesrusesderenardpratiquéesparlelièvre;voiscommentle

lièvreourditunstratagèmepourattraperlelion.1030 LaconnaissanceestlesceauduroyaumedeSalomon:lemondeentier

estforme,etlaconnaissanceestesprit.Acausedecettevertu,lescréaturesdesmersetcellesdelamontagneet

delaplainesontimpuissantesdevantl’homme.Le léopardet le lion lecraignent,commelasouris ;àcausede lui, le

crocodiledugrandfleuveesteffrayéetagité.Périetdémonl’ontfuiverslesrives;chacunacherchérefugedansune

cachette.L’hommeamaintennemisecret:l’hommeprudentestsage.Il y a des créatures cachées, mauvaises et bonnes : à chaque instant,

leurscoupsfrappentlecœur.Situvasdanslarivièrepourtelaver,uneépinedansl’eauteblesse.Bien que l’épine soit cachée dans les profondeurs de l’eau, tu sais

qu’elleestlà,puisqu’elletepique.Les piqûres des inspirations (angéliques) comme celles des tentations

(diaboliques)proviennentdemilliersd’êtres,nonpasd’unseul.Attends que tes sens soient transmués, afin de pouvoir percevoir les

chosescachées,etquetonproblèmesoitrésolu.1040 Afinquetupuissesvoirquelssontlesmotsquetuasrejetés,etquels

sontceuxdonttuasfaittonmaître.

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Commentlesanimauxsupplièrentlelièvredeleurdire

lesecretdesespensées

nsuite, ils dirent:«Ô lièvre agile, informe-nous de ce qui est danstonesprit.«Ôtoiquit’esaffrontéàunlion,raconteleprojetauqueltuaspensé.«Leconseildonneperceptionetcompréhension : l’esprit estaidépar

lesautresesprits.« Le Prophète a dit : “Ô conseiller, recherche le conseil, car on a

confianceenceluidontonrecherchelesconseils.”»

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Commentlelièvreleurcachasonsecret

ldit :«Onnedevraitpasrévéler tous lessecrets : ilarriveparfoisqueleschiffrespairsdeviennentimpairs,etparfoisqueleschiffresimpairsdeviennentpairs.»Si par naïveté tu souffles des mots sur un miroir, le miroir aussitôt

s’obscurcitpournous.N’ouvrepaslabouchepourexpliquercestroischoses:tondépart,ton

orettareligion;Carpourcestroischosesilyaunadversaireetunennemiquiteguette

quandillesait.Etsituledisàuneoudeuxpersonnes,adieu!Chaquesecretquivaau-

delàdesdeux(quilepartagent)estpubliéauloin.1050 Situattachesdeuxoutroisoiseauxensemble,ilsrestentsurlesol,

captifsduchagrin;Mais ils se consultent de façon secrète pour cacher leur dessein et

induireenerreurceuxquilesregardent.Le Prophète interrogeait de façon détournée, et ses compagnons lui

répondaientsanslesavoir.Ildonnaitsonopinion,cachéedansuneparabole,afinque1’adversaire

nedistingueniledébut,nilafin.LeProphèterecevaitsaréponse,sansquel’autreaitpupercevoirlesens

desaquestion.

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Lestratagèmedulièvre

1tardaunpeuàpartir,puisilserenditauprèsdulionféroce.Commeils’étaitmisenretard,leliondéchiraitlaterreetrugissait.«J’avaisbiendit,criaitlelion,quelapromessedecesêtresvilsserait

vaine,vaine,fragile,etinexécutée.«Leurbavardagem’atrompé;combiendetempsceTempsva-t-ilme

leurrer,combiendetemps?»Leprincedéraisonnableestlaissédansl’embarraslorsque,enraisonde

sastupidité,ilneregardenienavantnienarrière.1060 Larouteestunieetau-dessoussetrouventdespièges:parmilesnoms,

ilyaunmanquedesignifications.Lesmots et les noms sont comme des pièges : la parole suave est le

sablequiboitl’eaudenotreâme.Leseulsabled’oùjaillitl’eausetrouverarement:vaàsarecherche.Celuiquirecherchelasagessedevientunesourcedesagesse;ildevient

indépendantdesacquisitionsetdesmoyens.La tablettequigarde (soncœur)devientuneTablettebiengardée*; sa

compréhensionestenrichieparl’Esprit.Lorsque la compréhension d’un homme a été son maître, après cela,

cettecompréhensiondevientsonélève.Lacompréhensiondit,commeGabriel:«ÔAhmad,sijefaisunpasde

plus,celamebrûlera.« Laisse-moi, à présent avance seul : c’est là ma limite, ô sultan de

l’âme!»Quiconque,parinsouciance,demeuresansactiondegrâcesnipatience

n’ad’autrepossibilitéqued’emboîterlepasàlanécessité(djabr).Quiconqueplaidelanécessité(commeexcuse)feintd’êtremalade,etle

résultatestquecelal’amèneautombeau.1070 LeProphèteadit:«Lamaladieprétendueparplaisanterieproduitune

maladieréelle,desortequeleplaisantins’éteintcommeunelampe.»Qu’est-cequeledjabr?Banderunmembrebriséouligatureruneveine

coupée.Puisquetunet’espascassélepieddanscechemin,dequitemoques-

tu?Pourquoiavoirmisunbandagesurtonpied?Maisceluiquis’estbrisélepieddanslesentierdel’effort,Burâq*est

venuàlui,etill’achevauché.

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Ilétaitleporteurdelavraiereligion,etildevintporté;ilétaitacceptantdel’Ordredivin,etildevintaccepté.Jusqu’alors, il recevaitdesordresduRoi ;dorénavant, il transmetaux

genslesordresduRoi.Jusqu’àprésent, lesétoiles l’influençaient ;désormais, ilgouverne les

étoiles.Silaperplexiténaîtdanstonesprit,alorstuaurasdesdoutessurLalune

sefend24.Rafraîchis ta foi,maisnonavecdesparolesde tabouche,ô toiquias

secrètementrafraîchitesmauvaisdésirs.Tantqueledésirestfrais,lafoin’estpasfraîche,carc’estcedésirqui

tefermecetteporte.1080 TuasinterprétélesensdelaParolesanstache:change-toitoi-même,et

nonleLivresaint.Tu interprètes leQor’ân selon ton désir : par toi, le sens sublime est

altéréetperverti.

*Lawh-i-Mahfûz, tablette céleste sur laquelle toutes choses sont inscrites pourTéternité.*Coursier censé avoir emporté leProphèteMohammad lors de son ascensioncéleste(Mirâdj).

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Labassessedelavileinterprétationdonnéeparlamouche

amoucherelevaitlatête,commeunpilote,surunboutdepailleetuneflaqued’urined’âne.« Je les ai dénommés mer et bateau, dit-elle. J’ai réfléchi pendant

longtempsàcetteinterprétation.«Voyez!Voicicettemeretcebateau,etjesuishabileàlanavigationet

judicieuse.»Elle faisait avancer le radeau sur la «mer » : cette petite quantité lui

paraissaitsanslimites.Cetteurine,par rapportàelle, était illimitée :oùétait lavisionqui la

percevraitenvérité?Sonunivers s’étend juste aussi loin qu’atteint sa vue ; sonœil a telle

grandeur,sa«mer»estdemêmeproportion.IlenvademêmedeceluiquiinterprètefaussementleQor’ân:comme

lamouche, son imagination est aussi vile que l’urined’âne, et ses idéespareillesàdelapaille.Si lamouche renonceà interpréterselonsapropreopinion, laChance

transformeracettemoucheenunHomâ*.1090 Celuiquipossèdeunenotiondusensvéritablen’estpasunemouche:

sonespritn’estpassimilaireàsaformeextérieure.

*Oiseaufabuleuxcenséapporterlachance.

Page 150: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentlelionrugissaitdefureuràcauseduretarddulièvre

insiparexemplelelièvrequiattaqualelion;commentsonespritétait-ilàlamesuredesoncorps?Le lion, de fureur et de rage, disait : « Jeme suis laissé aveugler en

prêtantl’oreilleàmonennemi.«Lesrusesdesfatalistesm’ont ligoté, leurépéedeboisablessémon

corps.«Désormais,jen’écouteraiplusleurbavardage,toutceciestsemblable

aucridesdémonsetdesgoules**.«Ômoncœur,mets-lesenpièces,netardepas;déchireleurpeau,car

ilsn’ontrienquedelapeau.»Qu’est-ce que la peau ?Les paroles vaines, telles des ondulations sur

l’eau,dépourvuesdepermanence.Sachequecesmotssontcomme1’écorce,etlesenscommelenoyau;

cesmotssontcommelaforme,etlesenscomme1’esprit.L’écorce dissimule le défaut du mauvais noyau ; elle cache aussi

jalousementlessecretsdubonnoyau.Quandlaplumeestdeventetleparchemind’eau,toutcequetuécris

disparaîtrapidement.1100 C’estécritsurl’eau;situychercheslaconstance,tutemordrasles

doigts.Levent,chezleshommes,c’estlavanitéetledésir;quandvousavez

renoncéàlavanité,arrivelemessagedeDieu.DouxsontlesmessagesduCréateur,carilsdurentéternellement.Leskhutba*pour les roischangent,etaussi leurempire ; (toutpasse),

saufl’empireetleskhutbadesprophètes.Carlapompedesroisvientdelavanité,tandisqueleglorieuxprivilège

desprophètesvientdelaMajestédivine.Les noms des rois sont effacés des dirhams, mais le nom de Ahmad

(Mohammad)estgravésureuxàjamais.Le nom deAhmad est le nom de tous les prophètes ; si l’on compte

cent,celacomprendquatre-vingt-dix-neuf.

**Vampirefemelledeslègendes.*Sermons.

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Nouveaurécitdustratagèmedulièvre

elièvretardabeaucoupàpartir;ilserépétaitàlui-mêmelesruses(qu’ilprojetait).Aprèsunlongretard,ilsemitenroute,afindepouvoirdireunoudeux

secretsàl’oreilledulion.Combien demondes se trouvent dans la Raison ! Combien vaste est

l’océandelaRaison!1110 Danscedouxocéan,nosformessemeuventrapidement,commedes

coupesàlasurfacedel’eau;Avantd’être remplies,elles flottentcommedes récipients sur lamer ;

maisquandlerécipientestrempli,ilsombre.La Raison est cachée, et seul lemonde phénoménal est visible ; nos

formesensontlesvaguesoulesgouttelettes.Quelle que soit la chose dont la forme se sert pour s’approcher de la

Raison,parlemêmemoyen,l’océandelaRaisonrejettelaformeauloin.TantquelecœurnevoitpasCeluiquidonnelaconscience,tantquela

flèchenevoitpasïArcherquitiredeloin,Cet(aveugle)croitquesonchevalestperdu,toutenfaisantgaloperson

chevalsurlaroute.Il croit que son cheval est perdu, tandis que son cheval l’emporte en

avantcommelevent.Ilselamenteets’enquiertdeporteenporte,cetinsensé,danstoutesles

directions,demandantetcherchant:«Quiestceluiquiavolémoncheval?Oùest-il?»«Quelestdonccet

animalquetuchevauches,ômonmaître?»«Oui, c’est lecheval,maisoùest lecheval?»Ôcavalierhabilequi

cherchestoncheval,reviensàtoi-même!1120 L’espritestperdudevueenraisondesonévidenceetdesaproximité:

commentpeux-tu,leventreremplid’eau,avoirleslèvressèchescommeunejarre?Comment percevras-tu le rouge, le vert, le roux, à moins de voir la

lumièreavantcestroiscouleurs?Mais,commetonespritétaitabsorbédans laperceptionde lacouleur,

cescouleurssontdevenuespourtoiunvoiledissimulantlalumière.Étantdonnéquelanuitcescouleursétaientcachées,tuascomprisque

Page 152: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

tavisiondelacouleurprovenaitdelalumière.Iln’yapasdevisionde lacouleur sans la lumièreextérieure ;même

ainsi,elleestaveclacouleurdel’imaginationintérieure.Cette lumière (extérieure)provientdusoleiletde l’étoileSuhâ, tandis

quelalumièreintérieurevientdurefletdesrayonsdelasplendeurdivine.La lumière qui confère la lumière à l’œil est en réalité la lumière du

cœur;lalumièredel’œilprovientdelalumièredescœurs.EtlalumièrequidonnelalumièreaucœurestlaLumièredeDieu,qui

estpureetdistinctedelalumièredel’intelligenceetdessens.Durantlanuit,iln’yapasdelumière:tunevoispaslacouleur;puisla

lumièreestrenduemanifesteparsoncontraire.D’abord vient la vue de la lumière, puis la vue de la couleur ; et tu

connaiscelaimmédiatementparlecontrairedelalumière(l’obscurité).1130 Dieuacréélasouffranceetlechagrinafinquelebonheursoitrendu

manifestegrâceàcetteopposition.Leschosescachéessontrenduesmanifestesparleurscontraires:étant

donnéqueDieun’apasd’opposé,Ilestcaché.Car la visionperçut d’abord la lumière, puis la couleur : l’opposé est

rendumanifesteparsonopposé,commelesGrecsetlesEthiopiens.C’estpourquoi tuconnais la lumièrepar sonopposé ; l’opposé révèle

l’opposéenseproduisant.La Lumière de Dieu n’a pas d’opposé dans tout ce qui existe, qui

puisse,aumoyendecetopposé,Lerendremanifeste.Aussi,nosyeuxneLeperçoiventpas,bienqu’ilnousvoie;comprends

celagrâceàl’exempledeMoïseetdumontSinaï.Sachequelaformesurgitdel’espritcommeleliondelajungle,oula

voixetlediscoursdelapensée.Ce discours et cette voix sont nés de la pensée ; tu ne sais pas où se

trouvelamerdelapensée.Mais,commetuasvuquelesvaguesdelaparoleétaientbelles,tuassu

quèleurmer,elleaussi,étaitsublime.Quand les vagues de la pensée se sont précipitées de l’océan de la

Sagesse,laSagesseleuraconférélaformedelaparoleetdelavoix.1140 LaformeestnéedelaParole,etestmorteànouveau;lavagues’est

retiréeànouveaudanslamer.Laformeestvenuedecequiestsansformeetyest retournée,caren

vérité,c’estàLuiquenousretournons25.Achaqueinstant, tumeurset tureviens.LeProphèteadéclaréquece

monden’étaitqu’uninstant.

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Notre pensée est une flèche tirée par Dieu ; comment pourrait- elledemeurerenl’air?Elleretourneàlui.Achaqueinstant,cemondeetnous-mêmessommesrenouvelés,etnous

ne sommes pas conscients de son perpétuel changement, tandis que sonapparencedemeure.La vie s’y déverse constamment comme un fleuve, bien que

corporellementelleprésentel’apparencedelacontinuité.C’estàcausedesarapiditéqu’ellesemblecontinue,tellel’étincelleque

tufaistournoyeravectamain.Demêmequ’untisonquel’onfaitvirevolteroffrel’aspectd’unelongue

lignedefeu.Lemouvementrapideproduitparl’actiondeDieuprésentecettedurée

commeprovenantdelavitessedel’actiondivine.Même si le chercheur de ce mystère est un homme extrêmement

instruit, dis-lui : « Tu trouveras enHusâm-od-Dîn*, comme en un livresublime,laclédecemystère.»

*Husâm-od-DînTchelebî.

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L‘arrivéedulièvreauprèsdulion,etlacolèredulioncontrelui

1150 elion,enflammédecolère,courroucé,enragé,aperçutlelièvrearrivantdeloin,Courant,sansinquiétudeetl’airassuré,paraissantfâché,furieux,excité

eténervé,Carenvenanthumblement,celaauraitcausédessoupçons,tandisque,

parsonaudace,toutecausededoute,pensait-il,seraitécartée.Quandilfutvenuplusprès,àl’endroitduseuil,lelions’écria:«Hé!

misérable!« Moi qui ai mis des bœufs en pièces, moi qui ai vaincu l’éléphant

féroce,«Qu’est-cequ’un lièvre, simpled’esprit, qu’ilpuisseainsidésobéir à

mesordres?»Renonceausommeiletàlanégligencedulièvre!Prêtel’oreille,ôâne,

aurugissementdecelion!

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Lesexcusesdulièvre

itié!s’écrialelièvre.J’aiuneexcuse,silepardondetaSeigneurievientàmonsecours.»« Quelle excuse ? dit le lion, ô toi le pire des imbéciles ! Est-ce le

momentdevenirenlaprésencedesrois?« Tu es un oiseau importun, il faut te couper la tête. On ne doit pas

écouterlesexcusesd’unsot.1160 «L’excusedel’imbécileestpirequesoncrime;l’excusedel’ignorant

estlepoisonquidétruitlasagesse.« Ton excuse, ô lièvre, est dépourvue de sagesse ; ai-je des oreilles

d’âne,pourquetulamettesdansmonoreille*?»«Ô roi, répondit-il, considèrecommedouédevaleurceluiquin’ena

point;entendsl’excusedeceluiquiasubil’oppression.«En particulier, en tant qu’action de grâces pour ta haute dignité, ne

chassepashorsdelavoieceluiquiaperdusavoie.«L’océan,quidonnedel’eauàchaqueruisseau,portesursatêteetsa

facetoutebrindille.«Parcettegénérosité, lamernedevientpasmoindre ; lamern’estni

augmentéenidiminuéeparsagénérosité.»Leliondit:«J’octroierailagénérositélàoùilconvient,jetaillerailes

habitsdechacunselonsastature.»«Écoute,s’écrialelièvre,sijenesuispasunobjetdignedegrâce,je

m’abandonneàtavengeance.«Aumomentdudéjeuner, jemesuismisenroute, jesuisalléversle

roiavecmoncamarade.«Cetteassemblée(desanimaux)avaitdésigné,àcausedetoi,unautre

lièvrepourêtremoncompagnonetmoncamarade.1170 «Surlaroute,unlionaattaquétonesclaveetlesdeuxcompagnonsde

voyagequiserendaientauprèsdetoi.«Je luidis :“Noussommes lesesclavesduRoidesrois, leshumbles

serviteursdecettenobleCour.”« Ildit : ‘ ‘LeRoides rois !Quiest-ce?Aieunpeudepudeur !Ne

mentionnepasenmaprésencen’importequelvaurien!“Toiettonroi,jevousmettraienpièces,sitoiettonamivousvousen

allezdechezmoi.”«Jeluidis:“Laisse-moicontemplerencoreunefoislevisageduroiet

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luiapporterdesnouvellesdetoi.”«Ilrépondit :“Laissetoncamaradeauprèsdemoiengage;sinon, tu

serassacrifié,conformémentàmaloi.”«Nouslesuppliâmesardemment;celaneservitàrien.Ils’emparade

monami,etmelaissapartirseul.«Monamiétaitsidoduqu’ilenvalaittroiscommemoipourlagrâce,

labeautéetlecorps.« Désormais, cette route est barrée par ce lion ; le fil de notre

conventionestrompu.« Renonce dorénavant à l’espoir de ce qui t’est alloué : je te dis la

vérité,etlavéritéestamère.1180 «Situveuxtonlot,nettoielechemin!Va,faisfuircetinsolent.»

*LemotpersandèsignamIeliévreestKhargûsh,«quiadesoreillesd’âne».

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Commentlelionréponditaulièvreetsemitenrouteaveclui

iens, pour l’amour deDieu, dit-il, fais-moi voir où il est ; va enavant,situdisvrai,«Afinquejepuisseluiinfliger,àluietàunecentainedesespareils,le

châtimentqu’ilsméritent;ou,sic’estunmensonge,quejepuissetepunircommetulemérites.»Lelièvresemitenroute,entête,commeunguide,afindeconduirele

lionverssonpiège,Vers lepuitsqu’ilavaitchoisi : ilavait faitdupuitsprofondunpiège

pourlaviedulion.Ainsi, tous deux allèrent jusqu’auprès du puits. Ce lièvre était (aussi

trompeur)quedel’eaucachéesouslapaille.L’eauemporteunbrindepaille jusqu’à laplaine ;comment, jeme le

demande,lapailleemportera-t-elleunemontagne?Lepiègedecetteruseétaitunlacetpourlelion:quelmerveilleuxlièvre

quiemportaitunlioncommesaproie!Un Moïse fait se noyer Pharaon, avec son armée et ses troupes

puissantes,danslefleuveNil.Unsimplemoucheron,aveclamoitiéd’uneaile,fendavecintrépiditéle

crânedeNemrod*.1190 Considèrel’étatdeceluiquiaprêtél’oreilleauxparolesdesonennemi,

etlarétributiondeceluiquiestdevenul’amidel’envieux—L’étatd’unPharaonquiécoutaHaman,etl’étatd’unNemrodquiécouta

Satan.Tonennemi,mêmes’ilparledefaçonamicale,sachequec’estunpiège,

bienqu’ilteparledel’appât.S’iltedonnedusucre,considère-lecommedupoison;s’ilfaitquelque

caresseàtoncorps,considère-lacommeuneblessure.Quand leDestin survient, tunevoisque l’apparence, tunedistingues

paslesennemisdesamis.Puisqu’ilenestainsi,livre-toiàunehumblesupplication,applique-toià

gémir,glorifierDieu,etjeûner.Lamente-toicontinuellement,encriant:«ÔToiquiconnaisleschoses

cachées,nenousécrasepassouslapierred’unartificemauvais.«ÔCréateur du lion, si nous nous conduisons commedes chiens, ne

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faispasbondirsurnouslelionhorsdecetaffût.«Nedonnepasàl’eaudoucelaformedufeu,nedonnepasaufeula

formedel’eau.«QuandTunous rends ivresduvindeToncourroux,Tudonnesaux

chosesnonexistanteslaformedel’existence.»1200 Qu’est-cequecetteivresse?Cequienlèveauxyeuxlavéritablevision,

desortequ’unepierreparaîtunjoyau,etlalaine(pashm)dujaspe(yashm).Qu’est-cequecetteivresse?Laperversiondessens,latransformation,

pourlesyeux,duboisdetamarisenboisdesantal.

* Allusion à la légende selon laquelle Nemrod aurait été tourmenté par unmoustique.

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HistoiredelahuppeetdeSalomon,montrantquelorsque

advientladestinéedivine,lesyeuxsontscellés26

uand la tente fut dressée pour Salomon, les oiseaux vinrent luirendrehommage.Ilsdécouvrirentqu’ilparlaitleurlangageetétaitproched’eux:unàun,

ils.sehâtèrentavecuneâmeardenteensaprésence.Tous les oiseaux, après avoir cessé de gazouiller, en parlant avec

Salomonparlèrentplusdistinctementquevotreproprefrère.Parler lamême langueestuneparentéetuneaffinité :unhomme,en

compagnie de ceux à qui il ne peut se confier, est semblable à unprisonnierenchaîné.Oh,biendesIndiensetdesTurcsparlentlamêmelangue;etnombreux

sontlescouplesdeTurcsquisontl’unenversl’autredesétrangers.C’est pourquoi le langagede la compréhensionmutuelle est différent,

envérité:êtreunparlecœurvautmieuxqu’êtreunparlalangue.Sans paroles et sans signes ni écritures, des centaines de milliers

d’interprètessurgissentducœur.Touslesoiseaux,concernantleurssecretsd’adresse,deconnaissanceet

depratique,1210 EnfaisaientchacunlarévélationàSalomon,etcélébraientleurpropre

louangeenvuedeluisoumettreunerequête,Nonparorgueilouvanité,maisafinqu’illeuraccordeaudience.Quand un captif désire qu’un seigneur l’achète, il lui présente un

résumédesestalents.Mais quand il répugne à être acheté par lui, il se présente comme

malade,paralysé,sourdetboiteux.Ce fut au tour de la huppe et de son habileté et l’explication de son

adresseetdesaprudence.« Ô roi, dit-elle, je n’indiquerai qu’un seul talent, qui est minime :

mieuxvautparlerbrièvement.»« Raconte, dit Salomon. Fais-moi entendre ce qu’est ce talent. » La

hupperépondit:«Aumomentoùjesuisauzénith,«Jeregardedepuislezénithavecl’œildelacertitudeetjevoisl’eauau

fonddelaterre,

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« De telle sorte que je sais ce que c’est et quelle est sa profondeur,quelleestsacouleur,d’oùellejaillit—del’argileouduroc.«ÔSalomon,dansl’intérêtducampement,detonarmée,conserveavec

toicetoiseausagelorsdetesexpéditions.»1220 AlorsSalomondit:«Ôboncompagnondansdevastesdéserts

dépourvusd’eau!»

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Commentlecorbeauattaqualaprétentiondelahuppe

uandlecorbeauentenditcela,parenvieils’envintdireàSalomon:«Elleaparlémaletfaussement.«Iln’estpasrespectueuxdeparlerenprésenceduroi,surtoutpourdire

desmensongesetsevanterdefaçonstupide.«Si elle avait toujourspossédé cettevueperçante, commentn’aurait-

ellepasvulepiègecachésousunepoignéedeterre?«Comment aurait-elle été prise dans le piège ?Comment serait- elle

entrée,bongrémalgré,danslacage?»AlorsSalomondit:«Ôhuppe,est-iljustequecetteliesoitprovenuede

toiàlapremièrecoupe?«Ôtoiquiasbudubabeurre,commentprétends-tuêtreivreettevanter

enmaprésenceetenoutrediredesmensonges?»

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Laréponsedelahuppeàl’attaqueducorbeau

lledit:«Ôroi,pourl’amourdeDieu,n’écoutepaslesparolesdemonennemicontremoi,pauvremisérablequejesuis.« Si ce que je revendique n’est pas vrai, je posema tête devant toi :

coupe-moilecou.«Lecorbeau,quinecroitpasàl’autoritédeladestinéedivine,c’estun

impie,mêmes’iladesmilliersd’astuces.1230 «Tandisquesetrouveentoiunsimplekdérivédekâfïrân(infidèles),

tueslesiègedelapuanteuretdudésir.«Jevoislepiègequandjesuisenl’air,siladestinéedivinenevoilepas

l’œildemonintelligence.« Quand arrive le Destin divin, la sagesse s’endort, la lune devient

noire,lesoleilcessedebriller.«Commentcettedispositiondeschosesparladivinedestinéeserait-elle

étrange?Sachequec’estparleDestindivinquel’infidèlenecroitpasauDestindivin.»

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Histoired’Adam(surluilapaix)etcommentleDestinmitunsceausur

sesyeux,l’empêchantdeseconformeràlasignificationde

l’interdictionetdes’abstenirdel’interpréter

epèrede l’humanité,qui est le seigneurdeDieu lui enseigna lesNoms27, possèdedanschacunede ses fibresdescentainesdemilliersdesciences.A son âme est advenue la connaissancedunomde chaque chose tant

quecettechoseexiste.Aucuntitrequ’ildécernanefutchangé;celuiqu’ilappela«diligent»

nedevintpas«paresseux».Celuiquidoitêtreuncroyantàlafin,ill’avuaucommencement;celui

quidoitêtreuninfidèleàlafin,cedevintpourluimanifeste.Apprends le nom de chaque chose de celui qui en est le connaisseur.

Apprendslasignificationprofonded’Ilenseignalesnoms.Pournous,lenomdechaquechoseestsonapparenceextérieure;pour

leCréateur,lenomdechaquechoseestsaréalitéinterne.1240 AuxyeuxdeMoïse,lenomdesonbâtonétait«canne»;auxyeuxdu

Créateur,sonnométait«dragon».Ici-bas, le nomde ‘Omar était « idolâtre » ;mais, dans l’Alast28, son

nométait«croyant».Cedont lenom,pournous,était«semence»,dans lavisiondeDieu,

c’étaittoi,quitetrouvesencemomentauprèsdemoi.Cette«semence»étaituneformeenpuissance,existantavecDieu,ni

plus,nimoins.Enrésumé,cequiestnotrefinestenréaliténotrenomauprèsdeDieu.Iloctroieunnomàunhommeselonsonétatfinal,nonpasseloncetétat

qu’ildénommeun«prêt».Etantdonnéquel’œild’Adamvoyaitgrâceàlalumièrepure,l’âmeet

lesensleplusintérieurdesnomsluidevinrentévidents.Commelesangesavaientperçuenlui lesrayonsdela lumièredivine,

ilsseprosternèrentetsehâtèrentdeluirendrehommage.CetAdamdontjecélèbrelenom,sijelelouejusqu’àlaRésurrection,

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jeneparviendraipasàluirendrejustice.Ilsavaittoutcela;pourtant,quandadvintleDestin,ilcommitunefaute

danslaconnaissanced’uneseuleinterdiction,1250 Sedemandantsil’interdictionétaitdestinéeàrendreillicite(lachose

interdite),oubiensielleétaitsusceptibled’êtreinterprétéeetétaitunmotifdes’interroger.Quandlanotiondel’interprétationl’emportadanssonesprit,sanature

lepoussaavecégarementversleblé*.Quandl’épineentradanslepieddujardinier(Adam),levoleur(Satan)

saisitcetteoccasionets’empararapidementdesbiens.Dèsqu’ileutéchappéàsonégarement,ilretournasurledroitchemin,il

vitquelevoleuravaitemportélesmarchandisesdelaboutique.Il s’écria :Notre Seigneur !Nous nous sommes lésés nous-mêmes29,

Hélas!C’est-à-dire:«L’obscuritéestvenue,etlecheminaétéperdu.»CeDestinestunnuagequirecouvre lesoleil,par lui, lionsetdragons

deviennentcommedessouris.Simoi(lahuppe)jenevoispasunpiègeàl’heureduDécretdivin,jene

suispaslaseuleàêtreignorantelorsdecedécret.Oh!heureuxceluiquis’enesttenuàcequiestbien!Ilarenoncéàses

propresforcesets’enestremisàlasupplication.SileDestint’enveloppedeténèbrescommelanuit,cependantàlafinle

Destinteprendraparlamain.SileDestinattentecentfoisàtavie,cependantleDestintedonnelavie

etteguérit.1260 CeDestin,s’ilt’égarecentfois,cependantdressetatenteauplushaut

duciel.SachequecelavientdelamiséricordedeDieu,qu’ilt’éprouveafinde

t’établirdansleroyaumedelasécurité.Cesujetn’apasdefin.Ilesttard.Ecouteàprésentl’histoiredulièvreet

dulion.

*Lefruitdéfenduselonuneversion,Qor’ân,VII,22.

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Commentlelièvres’écartadulionquandils’approchadupuits

uandlelions’approchadupuits,ilvitquelelièvres’attardaitsurlarouteetreculait.Ildit:«Pourquoias-tureculé?Nereculepas,avance!»Le lièvre dit : « Comment puis-jemarcher ? Je n’ai plus nimain, ni

pied.Monâmetrembleetmoncourages’estenfui.« Ne vois-tu pas la couleur de mon visage, pâle comme l’or ? Ma

couleur,envérité,donnedesinformationssurmonétatintérieur.«PuisqueDieuaditquelesigneextérieurétaitrévélateur,l’œildecelui

quisait(‘arîf)estrestétournéverslesigne.« La couleur et l’odeur sont aussi significatives qu’une cloche ; le

hennissementduchevalfaitconnaîtrelecheval.«Lesonproduitpar toutechoseentransmet laconnaissance,desorte

quetupuissesdistinguerlebraimentd’unâneducraquementd’uneporte.1270 «Concernantladiscriminationdespersonnes,leProphèteadit:“Un

hommeestcachéquandsalanguesetait.”« La couleur du visage indique l’état du cœur ; aie pitié de moi,

enracinel’amourdemoidanstoncœur.«Unteintroséexprimelagratitude;lasignificationd’unteintpâleest

lapatienceetl’ingratitude.« Il m’est advenu ce qui m’a enlevé mains et pieds, qui a retiré la

couleurdemonvisage,laforce,ettoutemarqueextérieure;«Cequidétruit toutcesurquoiil tombe,quiarrachechaquearbrede

sesracinesetdesonfond.« Il m’est advenu ce par quoi l’homme et l’animal, le minéral et la

plante,ontétévaincus.«Cenesont là,envérité,quedesparties,mais les totalitésaussisont

renduesparlui(leDestin)decouleurjauneetd’odeurcorrompue;«Desortequecemondeesttantôtpatient,tantôtreconnaissant;tantôt

lejardinrevêtunerobeverte,tantôtilestdénudé.«Lesoleil,quiselèvecouleurdefeu,àuneautreheuresecouche.«Lesétoiles,quibrillentdans lesquatrequartiersduciel,de tempsà

autresontbrûlées.1280 «Lalune,quisurpasselesétoilesenbeauté,devientcommeunfantôme

parlamaladiedelafièvre.

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«Ceglobeterrestre,tranquilleetcalme,estjetéparlestremblementsdeterredansdessecoussesfiévreuses.«Oh!maintemontagne,àcausedecettecalamitéreçueenhéritage,a

ététransforméeenpetitsfragmentsetgrainsdesable.«Cetairestconjointàl’espritvital,maisquandarriveleDestindivin,il

devientimpuretcorrompu.«L’eau pure, qui était la sœur de l’esprit, est devenue, dans lamare,

jaune,amèreettrouble.«Lefeu,quis’enfled’orgueil,unseulsouffled’aircausesamort.« L’état de la mer, par son agitation et son bouillonnement, fait

comprendreleschangementsdesadisposition.«Lefirmamentquitourne,toujoursàlarechercheetenquête,sonétat

estpareilàceluidesesenfants:«Parfoisaunadir,parfoisaumilieu,parfoisauzénith;ils’ytrouvedes

arméesetdesarméesd’étoiles,heureusesetmalchanceuses.« D’après toi-même, ô partie faite de totalités, comprends l’état des

chosesnoncomposées.1290 «Étantdonnéquelestotalitéssubissentlapeineetlechagrin,comment

leurpartieneserait-ellepâle?«Spécialementunepartiequiestcomposéedecontraires:d’eauetde

terre,defeuetd’air.«Iln’estpasétonnantquelabrebiss’enfuieloinduloup;lamerveille,

c’estquelabrebislieamitiéavecleloup.« La vie consiste en l’harmonie des contraires ; la mort vient de ce

qu’ilssontentrésenconflit.«La grâce deDieu a créé l’amitié entre le lion et l’onagre, ces deux

contrairessiéloignés.« Puisque lemonde estmalade et captif, quoi d’étonnant à ce que le

maladepérisse?»Decettefaçon,lelièvredonnaitdesavisaulion.«C’estàcausedeces

empêchements,dit-il,quejesuisrestéenarrière.»

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Commentleliondemandaaulièvrelaraisonpourlaquelle

ilavaitreculé

e lion luidit :«Parmi les causesde tamaladie,dis-moi la causeparticulière,c’estcequejeveuxconnaître.»« Ce lion, dit-il, vit tranquille dans ce puits ; à l’intérieur de cette

forteresse,ilestprotégécontrelesrisques.»Celuiquiest sagechoisit le fonddupuits, car les joies spirituellesne

s’obtiennentquedanslasolitude.1300 L’obscuritédupuitsestpréférableauxcouleurssombresdumonde;

celuiquiasuivilestalonsdumonden’ajamaissauvésatête.«Viens,dit le lion ;moncouple terrassera ; toi, regardesice lionse

trouveàprésentdanslepuits.»Le lièvre répondit : « Je suis consumé de crainte à cause de ce

courroux;peut-êtremeprendras-tuàcôtédetoi,«Afinquegrâceàtonaide,ôminedegénérosité,jepuisseouvrirmes

yeuxetregarderdanslepuits.»

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Commentlelionregardadanslepuits

etvitdansPeausonrefletetceluidulièvre

uand le lion l’eut pris à son côté, sous la protection du lion ilcourutjusqu’aupuits.Aussitôt qu’ils regardèrent dans l’eau du puits, brilla dans l’eau la

lumièrereflétéedulionetdulièvre.Lelionvitsonproprereflet;dansl’eaubrillaitl’imaged’unlionavec

unlièvredoduàsoncôté.Lorsqu’ilvitdansl’eausonadversaire,illaissalelièvreetbonditdans

lepuits.Iltombadanslepuitsqu’ilavaitcreusé,parcequesonpéchéretombait

sursatête.Lepéchéde ceuxqui font lemal devient pour euxunpuits sombre ;

c’estcequ’affirmenttouslessages.1310 PlusTonest(pécheur),pluseffrayantestlepuits;lajusticedivinea

décrétélepirechâtimentpourleplusgrandpéché.Ô toi qui par (iniquité) creusesunpuits (pour autrui), tu fabriquesun

piègepourtoi-même.Ne tisse pas un cocon autour de toi-même, comme le ver à soie : tu

creusesunpuitspourtoi-même;creuseavecmodération.Ne considère pas que le faible est sans défenseur : récite du Qor’ân

quandvientlesecoursdeDieu30.Situesunéléphantetquetonennemit’aéchappé,voiciqu’estvenue

surtoilarétributiondesbandesd’oiseaux31.Si un pauvre homme sur la terre implore la pitié, un tumulte s’élève

danslesarméesduciel.Situlemordsavectesdentsetlefaissaigner,tuaurasuneragededents

—queferas-tu?Lelionsevitdanslepuitsetdanssafureurnesedistinguapasalorsde

sonennemi.Il vit son propre reflet comme son ennemi : nécessairement, il tira

l’épéecontrelui-même.Oh ! biendes fautes que tu vois dans les autres sont ta proprenature

reflétéeeneux,ôUntel!

Page 169: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

1320 Eneuxsemanifestetoutcequetuesdanstonhypocrisie,toninjustice,toninsolence.Tuesceluiquifait lemaletc’est toi-mêmequetufrappes ;c’est toi-

mêmequetumaudisencetinstant.Tunevoispasclairementlemalentoi-même,sinontutedétesteraisde

toutetonâme.C’esttoi-mêmequetuattaques,ôimbécile,commelelionquis’assaillit

lui-même.Quandtuatteindraslefonddetaproprenature,tusaurasalorsquecette

abjectionvenaitdetoi-même.Au fond (du puits), il devintmanifeste pour le lion que celui qui lui

semblaitunautren’étaitquesapropreimage.Quiconquearrachelesdentsd’unpauvremisérableagitcommelefitce

liondontlavisionétaiterronée.Ôtoiquivoisunmauvaisrefletsurlevisagedetononcle,cen’estpas

tononclequiestmauvais,c’esttoi:net’enfuispasloindetoi-même!Lescroyantssontdesmiroirslesunspourlesautres:onrapportecette

paroleduProphète.Tu as placé devant tes yeux des verres bleus, c’est la raison pour

laquellelemondetesemblebleu.1330 Situn’espasaveugle,sachequecettecouleurbleuevientdetoi-

même;parlemaldetoi-même,nedisplusdemaldequiconque.SilecroyantnevoyaitpasparlaLumièredeDieu,commentleschoses

invisiblesluiapparaîtraient-ellesdévoilées?Étantdonnéque tuvoyaispar leFeudeDieu, tunediscernaispas la

différenceentrelebienetlemal.Petitàpetit,jettedel’eausurlefeu,desortequetonfeupuissedevenir

lumière,ôaffligé!Jette,Toi,ôSeigneur!l’eaupurificatrice,afinquelefeudecemonde

devienneentièrementlumière.Toute l’eaude lamerest soumiseàTesordres ; l’eauet le feusontà

Toi,ôSeigneur!SiTuleveux,lefeudevientdel’eaudouce;etsiTuneleveuxpas,la

mêmeeaudevientdufeu.Cette recherche en nous est aussi amenée à l’existence par Toi ; la

libérationdumalestTondon,ôSeigneur!Sansquenouscherchions,Tunousasdonnécetterecherche,Tunousas

octroyédesdonssansnombreetsansfin.

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Commentlelièvreapportaauxanimaux

lanouvellequelelionétaittombédanslepuits

orsque le lièvre fut tout heureuxd’être délivré, il semit à courirverslesanimauxjusqu’audésert.

1340 Ayantvulelionmisérablementtuédanslepuits,ilsautillajoyeusementtoutlecheminjusqu’àlaprairie,Battantdesmains,parcequ’ilavaitéchappéàlamaindelamort;frais

etdansantdansl’air,commelerameauetlafeuille.Labrancheetlafeuillefurentlibéréesdelaprisondelaterre,levèrent

latêteetdevinrentlesamiesduvent.Lesfeuilles,quandelleseurentjaillidurameau,sehâtèrentd’atteindre

lesommetdel’arbre;Avec la langue de leur croissance, chaque fruit et chaque arbre

séparémentrendgrâceàDieu,Disant : «LeDonateur généreux a nourri notre racine jusqu’à ceque

l’arbregrandisseetsetiennedroit.»De même, les esprits enfermés dans l’argile, quand ils échappent, le

cœurjoyeux,àl’eauetàl’argile,Se mettent à danser dans l’air de l’Amour divin, et deviennent purs

commeleglobedelapleinelune,Leurscorpsdansant,etleursâmes—neledemandepas!etceschoses

dontvientledélicedel’âme—nelesdemandepas!Lelièvrelogealelionenprison.Honteaulionquiaétédéconfitparun

lièvre!1350 IIestdansunetellehumiliation,etcependant,oh!merveille;il

voudraitqu’ons’adressâtàluienl’appelantFakhrod-Dîn(Gloiredelareligion).Ôtoi,lionquitetrouvesaufonddecepuitssolitaire,Tonâmecharnelle

(nafs)pareilleaulièvreaverséetbutonsang:Tonâmepareilleaulièvresenourritdansledésert,tandisquetugisau

fonddupuitsdu«Comment?»etdu«Pourquoi?».Cet attrapeur de lion (le lièvre) courut vers les animaux, criant :

«Réjouissez-vous,ôpeuple,lehérautdelajoieestarrivé.«Bonnesnouvelles!Bonnesnouvelles!Ôcompagniedegensjoyeux!

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Cechieninfernalestretournéenenfer.« Bonnes nouvelles ! Bonnes nouvelles ! L’ennemi de vos vies, ses

dentsluiontétéarrachéesparlavengeancedesonCréateur.« Lui qui a brisé bien des têtes avec ses griffes, lui aussi le balai du

destinl’abalayécommeunechosederien.»

Page 172: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentlesanimauxserassemblèrentautourdulièvreetlui

adressèrentdeséloges

lorstouslesanimauxseréunirent,joyeux,riantgaiementdanslestransportsetl’excitation.Ilsformèrentuncercle,lelièvreaumilieu,commeunebougie;tousles

animauxdudésertseprosternèrentdevantlui.« Es-tu un ange céleste ou une Péri ? Non, tu es l’Azraîl des lions

féroces.1360 «Quiquetusois,nosâmestesontoffertesensacrifice.Tuastriomphé.

Quetamainettonbrassoientbénis!«Dieuatransformécetteeauentonruisseau.Quesoientbénistamain

ettonbras.«Explique-nous comment tu as réfléchi avec ruse, et comment tu as,

avecruse,détruitcebandit.«Explique,afínquecettehistoirepuisseêtrelemoyendenousguérir;

explique,afínquecepuisseêtreunonguentpournosâmes.«Explique,caràcausedelatyranniedecetoppresseur,nosâmesont

desmyriadesdeblessures.»«Messeigneurs,dit-il,cefutparl’aidedeDieu;autrement,qu’est-ce

qu’unlièvreencemonde?«Dieum’aoctroyé lepouvoir et adonné la lumière àmoncœur : la

lumièreenmoncœuradonnélaforceàmamainetmonpied.»De Dieu viennent les élévations, de Dieu aussi viennent les

abaissements.Dieu, au moment opportun, dispense toujours cette aide à ceux qui

doutentcommeauxvoyants.Prends garde ! Ne te réjouis pas d’un royaume octroyé de façon

précaire ! Ô toi qui es l’esclave de la Vicissitude, ne te comporte pascommesituétaislibre!

1370 Maisceuxpourlesquelsestpréparéunroyaumeau-delàdelaVicissitude,poureuxlestambours(delasouveraineté)retentissentau-delàdesSeptplanètes.Au-delàde laVicissitudesont les roiséternels : leursespritscirculent

perpétuellementavecl’échanson.Situcessesdet’abreuver(auxplaisirsdecemonde),durantunjourou

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deux,tutremperasteslèvresdanslaboissonduParadis.

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CommentairedelaTradition:«Noussommesrevenus

delapetitedjihâdàlagrandedjihâd*.»

rois,nousavonstuél’ennemiextérieur,maisennousdemeureunennemipirequelui.Tuercetennemin’estpas l’œuvrede la raisonetde l’intelligence : le

lionintérieurn’estpasvaincuparlelièvre.Cetteâmecharnelle(nafs)est l’Enfer,et l’Enferestundragondont le

feun’estpasdiminuépardesocéans.Ilboirait lesseptmers,etcependant le feuardentdecedévorateurde

touteslescréaturesnediminueraitpas.Les pierres, et les infidèles au cœur de pierre y entrent,misérables et

honteux.Mais,cependant,iln’estpasrassasiépartoutecettenourriture,jusqu’à

cequeluiparviennedeDieucetappel:«Es-turempli,es-turempli?»demande-t-il.Ildit:«Non,pasencore;

iciestlefeu,iciestsonéclat,iciestlabrûlure!»1380 IIenfaitunebouchéeetavaleunmondeentier,sonestomaccriantà

hautevoix:«Peut-onenajouterencore32?»Dieu,du royaumequin’apasde lieu,posesur luiSonpied ;alors, il

demeureselonl’ordreSois,etilfut33Étantdonnéquece«moi»estunepartiedel’Enfer,etquetoutesles

partiesontlanaturedutout,ADieuseulappartientcepouvoirdeletuer;qui,envérité,saufDieu,

banderaitsonarc?Seule la flèche droite est posée sur l’arc,mais cet arc (dumoi) a des

flèchescourbesettordues.Sois droit, comme une flèche, et échappe à l’arc, car sans nul doute,

chaqueflèchedroites’envoleradel’arcverssacible.Quandjesuisrevenudelaguerreextérieure, je’mesuis tournévers la

guerreintérieure.Nous sommes revenus de la petite djihâd, et nous sommes engagés,

avecleProphète,danslagrandedjihâd.JeprieDieudemedonner la forceet lesecourset ledroitd’être fier,

afindepouvoirdéraciner,avecdefaiblesmoyens,cettemontagnedeQâf.

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Considère comme de peu de valeur le lion qui détruit les rangs desennemis:levéritablelionestceluiquisevainclui-même.

*ParoleduProphèteauretourd’uneexpédition,lapetitedjihâd(guerresainte)désignantlaluttearmée;lagrande,laluttecontresesproprespassionsetcontrel’âmecharnelle.

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Commentl’ambassadeurdeRûm(Byzance)vintchezleCommandeurdescroyants,‘Omar(queDieusoitsatisfaitdelui!),etfuttémoindesqualitésdont‘Omar(Dieusoit

satisfaitdelui)étaitdoué

1390 uprèsde‘Omar,àMédine,vintàtraverslevastedésertunambassadeurdel’empereurdeByzance.Ildit:«Ôsuivants,oùestlepalaisdukhalife,quejepuisseyamener

monchevaletmesbagages?»Lesgensrépondirent:«Iln’apasdepalais:lepalaisde‘Omar,c’est

unespritilluminé.«Endépitdesarenommée,dufaitqu’ilestCommandeurdescroyants,

iln’aqu’unecabane,commelespauvres.«Ômonfrère,commentcontempleras-tusonpalais,quandl’œildeton

cœurestobstrué?« Purifie l’œil de ton cœur de toute imperfection et espère alors

contemplerSonpalais.«Quiconquepossèdeun cœurpurifiédesdésirs charnels contemplera

aussitôtlaPrésenceetlesaintPortique.« Lorsque Mohammad fut délivré de ce feu et de cette fumée (des

passions),oùqu’iltournâtsafaceétaitlaFacedeDieu.«Situesl’amidessuggestionsmauvaisesduMalin,commentpourras-

tuconnaîtreLàestlaFaced’Allah34?«Celuienquilaportedelapoitrineestouvertecontempleraenchaque

citélesoleil.1400 «Dieuestmanifesteparmilesautrescommelaluneauseindesétoiles.

«Poseleboutdetesdeuxdoigtssurtesdeuxyeux:verras-tuquelquechosedumonde?Avoue-lefranchement.«Si tunevoispas cemonde, cependant il n’est pasnonexistant : la

fautenesetrouvequedansledoigtdetonêtrepervers.«Allons,ôteledoigtdetonœil,etcontemplealorscequetudésires.«ANoé,sonpeupledit:“Oùestlarécompensedivine?”Ildit:“De

l’autrecôtéàIlssontenveloppésdansleursvêtements35”.«Vousavezenveloppévosvisagesetvostêtesdansvoshabits ;aussi

aviez-vousdesyeuxetvousnevoyiezpas.

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«L’hommeestunœil,leresten’estquechair;lavuedecetœil,c’estvoirleBien-Aimé.«Quandiln’yapasdevisionduBien-Aimé,ilvautmieuxquelesyeux

soientaveugles; lebien-aiméquin’estpaséternel,mieuxvautqu’ilsoitloindelavue.»Quand l’ambassadeur de Rûm entendit ces paroles rafraîchissantes, il

devintencoreplusemplidenostalgie.Ilattachasonregardàlarecherchede‘Omar,illaissasonbagageetson

chevalseperdre.1410 IIallaitdanstouteslesdirectionspourtrouvercethommeaccompli,

s’enquérantfollementàsonsujet,Disant : « Peut-il se trouver en cemonde un tel homme et qu’il soit,

commel’esprit,cachépourcemonde?»Il le cherchait afindedevenir sonesclave ; inéluctablement, celuiqui

cherchetrouve.Unefemmearabedudésertvitqu’ilétaitunhôteétranger.«Vois,dit-

elle,voici‘Omarsouscepalmier.«Ilest là,sous lepalmier, loindesgens ;contemple l’ombredeDieu

endormiàl’ombre!»

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Commentl’ambassadeurdeRûmtrouvaleCommandeurdes

croyants,‘Omar(queDieusoitsatisfaitdelui!),souslepalmier

1 se rendit là et se tint à distance ; il vit ‘Omar et se mit àtrembler.Une crainte respectueuse saisit l’ambassadeur à la vue de cet homme

endormi;unedouceextaseselogeadanssonâme.L’amour et la crainte sont opposés l’un à l’autre ; il vit ces deux

contrairesunisdanssoncœur.Ilseditenlui-même:«J’aivubiendesrois,j’aiétéhonoréetchoisien

laprésencedesultans;« Je n’éprouvais ni crainte ni effroi des rois, mais la crainte de cet

hommem’adérobémesesprits.1420 «Jesuisallédansunejungledelionsetdeléopards,etmonvisagene

changeapasdecouleuràcaused’eux.«Souvent,quandlesarméesétaientrangéessurlechampdebataille,je

suisdevenufurieuxcommeunlionquandlasituationestdésespérée;« J’ai reçu et infligébiendes coups ; j’ai été plus courageux enmon

cœurquelesautres.«Sansarmes,cethommeestendormisurlaterre,etmoi,jetremblede

toutmoncorps:qu’est-cequecela?«Ceci est la crainte deDieu, non des choses créées ; ce n’est pas la

craintedecethommequiporteunfrocdederviche.«Celui qui craintDieu et a choisi la crainte deDieu, lesDjinns, les

hommes,tousceuxquilevoientontpeurdelui.»Méditant ainsi, il croisa ses mains avec respect. Après un moment,

‘Omarseréveilla.

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Commentl’ambassadeurdeRûmsalualeCommandeurdescroyants

(queDieusoitsatisfaitdelui!)

1rendithommageà‘Omaretluiadressasessalams.LeProphèteadit:D’abordlesalam,ensuitelaconversation.Alors,‘Omarluidit:«Etàtoilesalut»,l’invitaàavancer,lerassura,

etlepriades’asseoiràsescôtés.Necrains pas36 est l’hospitalité offerte à ceux qui ont peur ; c’est la

façonconvenablederecevoirceluiquiapeur.1430 Siquelqu’unesteffrayé,celalefaitsesentirensécurité;celaapaise

soncœurcraintif.Commentdirait-on«Necrainspas»àceluiquin’apaspeur?Pourquoi

luidonnerdesleçons?Iln’enapasbesoin.‘Omar rendit cet esprit troublé de bonnehumeur, il rendit heureux ce

cœurdésolé.Ensuite,illuiadressadesdiscourssubtilsetluiparladessaintsattributs

deDieu—queltendreAmiIIest!EtdelabienveillancedeDieupourlesAbdâl*,afinquel’ambassadeur

comprennelesensdemaqâmetdehâl**.Lehâlestpareilaudévoilementd’uneravissanteépousée,tandisquele

maqâm,c’estresterseulaveclamariée.Ledévoilementestvuparleroi,etaussipard’autres;mais,aumoment

deresterseulavecelle,iln’yanulautrequelepuissantroi.Lamariéesedévoiledevantlesgensducommunetlesnobles;dansla

chambrenuptiale,leroiestseulavecl’épousée.Maintssoufisjouissentduhâl;maisceluiquiestparvenuaumaqâmest

rareparmieux.‘Omar lui rappela les étapes parcourues par l’âme, il lui rappela les

voyagesdel’esprit,1440 EtduTemps,quiatoujoursétévidedetemps,etdelaStationdela

Sainteté,quiatoujoursétésublime,Etdel’atmosphèredanslaquelleleSimorghdel’esprit,avantcettevie,

avoléetgoûtélagrâcedivine.Chaquevol là-bas était plus grandque les horizons et plus grandque

TespoiretledésirdePamant.‘Omartrouvaquel’étrangerenapparenceétaitunami:iltrouvaqu’en

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réalitésonâmeétaitenquêtedesmystèresdivins.Lesheikh(‘Omar)étaitaccompli,etlediscipleavide;lecavalierétait

habile,etlecoursierappartenaitàlacourroyale.Ceguidespirituelvitquecediscipleétaitcapabled’êtreguidé;ilsema

lebongraindanslabonneterre.

*Saintsd’untrèshautrang.**Hâl:étatspiritueltemporaire;maqâm,degré,stationmystiquedurable.

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Commentl’ambassadeurdeRûmquestionna

leCommandeurdescroyants(queDieusoitsatisfaitdelui!)

’hommeluidit:«ÔCommandeurdescroyants,commentl’espritest-ildescendusurlaterre?«Commentl’oiseaudel’infiniest-ilentrédanslacage?»Ilrépondit:

«Dieuarécitédessortilègesetdesincantationssurl’esprit.«QuandIIréciteSessortilègessurlesnon-existencesquin’ontniyeux

nioreilles,ellescommencentàs’agiter.«AcausedeSessortilèges,lesnon-existencesencemomententrenten

dansantjoyeusementdansl’existence.1450 «LorsquedenouveauIIarécitéSesincantationssurlesexistants,àsa

parolelesexistantssontretournésentoutehâteàlanonexistence.«Ilaparléàl’oreilledelarose,etl’afaitrire;Ilaparléàlapierreeten

afaitunecornaline.«Ilaadresséaucorpsunmessage,desortequ’ilestdevenuesprit;Ila

parléausoleil,desortequ’ilestdevenurayonnant.«De nouveau, Il prononce à l’oreille une parole effrayante, et sur la

facedusoleiltombentcentéclipses.«Considèrecequel’Orateurachantéàl’oreilledunuagepourqueles

larmescoulentdesesyeux.«ConsidèrecequeDieuachantéàl’oreilledelaterre,desortequ’elle

estdevenuesoucieuseetdepuisestrestéesilencieuse.»A celui qui est troublé par la perplexité, Dieu propose à l’oreille un

dilemme,Afindepouvoir l’emprisonnerdansdeuxpensées :«Ferai-jecequ’il

m’adit,oulecontraire?»Cela provient deDieu aussi, qu’un côté l’emporte, et c’est ainsi qu’il

faitsonchoixdanscettealternative.Situneveuxpasquetonespritsoitperplexe,nemetspasdecotondans

tonoreillespirituelle,1460 AfindepouvoircomprendreSesénigmes,afindepouvoirsaisirlesigne

secretcommelemanifeste.Alors, l’oreille spirituelle devient l’endroit où descend l’inspiration

(wahy). Qu’est-ce que wahy ? Une parole cachée à la perception

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sensorielle.L’oreilleet l’œilspirituelssontautresquecetteperceptionsensorielle,

l’oreille de la raison et l’oreille de l’opinion sont privées de cetteinspiration.Le mot djabr* m’a rendu impatient par amour, tandis qu’il a rendu

captifdudjabrceluiquin’estpasamoureux.C’est là l’union avec Dieu, ce n’est pas le fatalisme ; ceci est le

rayonnementdelalune,cen’estpasunnuage.Et si c’est un fatalisme, ce n’est pas le fatalisme que comprend le

vulgaire:cen’estpaslacontrainteexercéepar(l’âme)quiordonnelemaletquinevoitqu’elle-même.Ômonfils,seulssaventcequ’estledjabrceuxdanslescœursdesquels

Dieuaouvertlavuespirituelle.Pour eux, les choses invisibles de l’avenir sont devenuesmanifestes ;

poureux,lesouvenirdupasséestdevenunéant.Leur libre arbitre et leur fatalisme sont différents : dans les coquilles

d’huîtres,lesgouttesdepluiesontdesperles.Endehorsdelacoquille,c’estunegoutted’eau,petiteougrande;mais

àl’intérieurdel’huître,c’estuneperle,petiteougrande.1470 Cespersonnesontlanaturedelaglandedudaimmusqué;

extérieurement,ellessontpareillesàdusang,maisàl’intérieurd’elles-mêmes,ilyaleparfumdumusc.Ne dis pas : «Cette substance est extérieurement du sang : comment

pourrait-elle devenir un parfum musqué quand elle pénètre dans laglande?»Ne dis pas : «Ce cuivre, extérieurement, étaitméprisable : comment

pourrait-ilacquérirdelanoblessedanslecœurdel’élixir?»Entoi,celibrearbitreetcedjabrn’étaientqu’uneimagination;mais quand ils pénétrèrent en eux, ce devint la lumière de laMajesté

divine.Quand le pain est enveloppé dans une serviette, c’est une chose

inanimée;maisdanslecorpshumain,cedevientl’espritjoyeuxdelavie.Ilnedevientpastransmuéàl’intérieurdelaserviette:l’âme(animale)

letransmueavecl’eaudeSalsabil*.Ô toi qui lis bien, tel est le pouvoir de l’âme : quel doit donc être le

pouvoirdecetteAmedel’âme?Lemorceaudechairqu’estl’homme,douéd’intelligenceetd’âme,fend

lamontagne,lameretlamine.

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Laforcedel’âmequifendlamontagneapparaîtdanslefaitdecasserdesrochers;laforcedel’Amedel’âme,danslalunesefend.Si le cœur retirait le couvercle de ce qui recèle cemystère, l’âme se

précipiteraitversleplushautciel.

*Djabr;contrainte,dansl’acceptionpsychologique,fatalismeoudéterminismedupointdevuephilosophique.*L’unedessourcesduParadis.

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CommentAdamimputaàlui-mêmelafautequ‘ilavaitcommise,disant:«ÔSeigneur,nousavonspéché»,etcommentIblisimputasaproprefauteàDieu,disant:

«ParcequeTum’asinduitenerreur37»

1480 onsidèreàlafoisnotreactionetl’actiondeDieu.Considèrenotreactioncommeexistante.Ceciestmanifeste.Sil’actiondesêtrescréésn’existepasdefaçonévidente,alorsnedisà

personne:«Pourquoias-tuagiainsi?»L’acte créateur deDieu amène nos actions à l’existence : nos actions

sontleseffetsdel’actecréateurdeDieu.Un être rationnel perçoit ou bien la lettre (l’extérieur), ou bien le

desseinintérieur:commentcomprendrait-ilcesdeuxaccidentsd’unseulcoup?S’ilsetourneversl’esprit,ildevientinconscientdelalettre:aucunœil

nevoitenarrièreetenavantaumêmemoment.Aumomentoùturegardesenavant,commentpeux-tuenmêmetemps

regarderenarrière?Reconnais-le.Étantdonnéquel’âmenepeutembrasserlalettreet1’esprit,comment

l’âmeserait-ellelecréateurdetouslesdeux?Ômonfils, seulDieucomprend tous lesdeux :unedecesactionsne

L’empêchedesusciterl’autreaction.Satandit:Acausedel’aberrationquetuasmiseenmoi38.LeDémon

vilcachasapropreaction.Adamdit:Nousnoussommeslésésnous-mêmes39Iln’étaitpas,comme

nous,inattentifàl’actiondeDieu.1490 Parrespect,ildissimulal’actiondeDieuparrapportaupéché:en

rejetantlepéchésurlui-même,ilfutbéni.Aprèssonrepentir,Dieuluidit :«ÔAdam,n’ai-Jepascrééentoice

péchéetcestribulations?«N’était-ce pasMondécret et destin ?Comment as-tu caché cela au

momentdet’excuser?»Adamdit:«J’étaiseffrayé,aussin’ai-jepasrenoncéaurespect.»Dieu

dit:«Moiaussi,Jel’aiobservéàtonégard.»

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Quiconque apporte le respect reçoit le respect en retour ; quiconqueapportedusucremangedesgâteauxauxamandes.Pourquisontlesfemmesbonnes?Pourleshommesbons40;traiteton

amiavechonneur;offense-le,ettuverras!Ômoncœur,apporteuneparabolepourmontrer ladifférence,afinde

connaîtrecequidistinguelacontraintedulibrearbitre.Parexemple,unemainquitremble(involontairement)etlamaind’une

autrepersonnequetufaistremblerenlarepoussantdel’endroitoùellesetrouve.Sache que ces deux mouvements sont créés par Dieu, mais il était

impossibledecomparercelui-cietcelui-là.Turegrettesd’avoirfaittremblercettemain:commentl’hommeaffligé

d’untremblementneleregretterait-ilpas?1500 C’estlàunerechercheintellectuelle.Aquoiboncetterecherche,ôtoi

quieshabile?Afinquepeut-êtreunhommeàlafaibleintelligencepuisseacquérirquelqueidée(delavérité).Toutefois, la quête intellectuelle,même si elle est aussi précieuse que

desperlesetducorail,estautrequelaquêtespirituelle.Laquêtespirituellesesitueàunautreniveau:levinspirituelestd’une

autrenature.Au temps où la quête spirituelle était de mise, cet ‘Omar était l’ami

intimedeBu’l-Hakam*.Maisquand‘Omars’éloignadel’intellectpourallerversl’esprit,Bu’l-

HakamdevintBûDjahl(lepèredel’ignorance)enfaisantdesrecherchesàcesujet.Il est parfait du point de vue de la perception sensorielle et de la

compréhension,bienqu’enfaitilsoitignorantencequiconcernel’esprit.Sacheque cettequêtede l’intellect et des sens s’occupedes effets ou

descausessecondes.Cettequêtespirituelleestsoitl’émerveillement,soitau-delàdel’émerveillement.L’illumination de l’esprit arrive : il ne demeure alors, ô toi qui

recherches l’illumination, de conclusions ou de prémisses ou ce quiapporteunecontradiction,oucequirendsonacceptationnécessaire.Car le voyant sur lequel se répand laLumière deDieu est totalement

indépendantdelapreuvelogiquequiressembleàlacanned’unaveugle.

*«Pèredusavoir»,premiersurnomdeBûDjahl,«Pèredel’ignorance».

Page 186: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentairede:«EtIlestavecvous,oùquevoussoyez41»

evenons à notre récit : quand, en vérité, nous en sommes- nouséloignés?

1510 Sinoustombonsdansl’ignorance,c’estSaprison,etsinousparvenonsàlascience,c’estSonpalais.Et si nous nous endormons, nous sommes enivrés par Lui, et si nous

nouséveillons,noussommesdansSesmains;Etsinouspleurons,noussommesunnuagechargédeSamunificence;

etsinousrions,noussommesalorsSonéclair.Sinousnouslivronsaucourrouxetàlaguerre,c’estlàlerefletdeSa

puissance;sinousnousadonnonsàlapaixetaupardon,c’estlerefletdeSonamour.Qui sommes-nous ? Dans ce monde compliqué, qu’y a-t-il en fait

d’autrequeLui,quiestsimplecommel’alif*?Rien,rien.

*LalettreAquiestdépourvuedesignediacritique.

Page 187: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentl’ambassadeurinterrogea‘Omar(queDieusoitsatisfaitdelui!)surlacausedessouffrances

subiesparlesespritsdanscescorpsd’argile

1dit :«Ô ‘Omar,pourquelle raisonetquelmystèrecetteentitépurea-t-elleétéemprisonnéedanscetendroitvil?«L’eaupureestcachéedans laboue, l’espritpurestdevenuenchaîné

danslescorps.»‘Omarrépondit:«Tuposeslàunequestionprofonde,tuenfermesune

significationdansunmot.«Tuasemprisonnélelibresens,tuasattachéleventdansunmot.«Tu as fait cela en vue d’une certaine utilité, ô toi qui es toi-même

aveugleaudesseinbénéfiquedeDieu.1520 «Celuidequiprocèdetoutbienfait,commentneverrait-Ilpasceque

nousavonsvu?«Ilyadesmyriadesdebienfaits,etchaquemyriaden’estquepeude

choseauprèsdecelui-ci(l’emprisonnementdel’espritdansuncorps).«Le soufflede tondiscours, qui est unepartied’entre lesparties, est

devenubénéfique:pourquoilatotalitédelatotalitéserait-elledépourvuedebienfaits?«Toiquiesunepartie, tonaction(deparler)estbénéfique :pourquoi

lèves-tulamainpourattaquerlatotalité?«S’iln’yapasdebienfaitdanslaparole,neparlepas;et,s’ilyena

un,cessedefairedesobjectionsetefforce-toiderendregrâces.»RendregrâcesàDieuestledevoirdetous;cen’estpasdediscuteret

d’avoirl’airaigri.Si rendre grâces consiste seulement à avoir l’air aigri, alors il n’est

personnequirendegrâcescommelevinaigre.Si levinaigreveutallervers le foie,qu’ildeviennede l’oxymelense

mélangeantausucre.Lasignificationdelapoésien’apasunedirectionsûre:c’estcommele

traitquiéchappeaucontrôle.

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Surlesensintérieurde:«Queceluiquidésires’asseoiravecDieu

s’assoieaveclessoufîs*»

’ambassadeurdevinthorsdelui-mêmeaveccesquelquescoupes:niambassade,nimessagenedemeurèrentdanssamémoire.

1530 IIdevintbouleversédevantlapuissancedeDieu.L’ambassadeurparvintencelieuetdevintunroi.Quand le torrentparvintà lamer, ildevint lamer ;quand lasemence

atteignitlechampdeblé,elledevintlamoissondefroment.Quandlepainfutuniàlacréaturevivante,lepainmortdevintvivantet

douédeconnaissance.Quand la cire et le bois furent confiés au feu, leur essence sombre

devintlumière.Quand lapoudred’antimoinealladans lesyeux,ellese transformaen

visionetdevintvoyante.Oh!heureuxl’hommequiaétélibérédelui-mêmeetuniàl’existence

deCeluiquiestvivant!Hélaspourlevivantquis’estassociéauxmorts!Ilestdevenumort,la

viel’afui.Quand tu as fui vers le Qor’ân de Dieu, tu t’es uni à l’esprit des

prophètes.LeQor’ânestunedescriptiondesétatsdesprophètes,cespoissonsdans

l’océansacrédelaMajestédivine.Et si tu lis etn’acceptespas leQor’ân,que te servirait d’avoirvu les

prophètesetlessaints?1540 Maissituacceptes(leQor’ân),quandtulisleshistoires(des

prophètes),l’oiseaudetonâmeseratroublédanssacage.L’oiseauquiestprisonnierdansunecage,s’ilnecherchepasàs’évader,

c’estparignorance.Les esprits qui se sont évadés de leurs cages sont les prophètes, ces

noblesguides.Leurvoixparvientdudehors,parlantdereligionetdisant:«C’estlà,

c’estlàlemoyendet’échapper.»C’estainsiquenous-mêmesnoussommesévadésdecettecageétroite;

iln’yapasdemoyensdet’enfuirdecettecage,saufcelui-ci:Que tu te rendesmalade,extrêmementmisérable, afindepouvoirêtre

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misendehorsdelacagedelaréputation.Laréputationencemondeestunefortechaîne:danslaVoiemystique,

commentserait-ellemoinsqu’unechaînedefer?

*Âttar,grandpoètemystiqueduXIIe-XIIesiècledenotreère.

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Histoiredumarchandàquileperroquetconfiaunmessagepour

lesperroquetsdel’Inde,àl’occasionduvoyagequ’ilyfitpour

soncommerce

lyavaitunmarchandquiavaitunperroquetemprisonnédansunecage,unjoliperroquet.Quandlemarchands’apprêtaàvoyageretfutsurlepointdeserendre

enInde,1550 Pargénérosité,ilditàchaqueesclavemâleetàchaqueservante:«Que

terapporterai-je?Dis-le-moivite.»Chacunluidemandaunobjetdésiré;cebravehommepromitàtous.Il dit au perroquet : «Quel présent aimerais-tu que je te rapporte du

paysdel’Inde?»Le perroquet répondit : « Quand tu verras les perroquets là-bas,

explique-leurmonmalheuretdis-leur:“Telet telperroquet,quise languitdevous,estdansmaprisonpar la

destinéecéleste.“Il vous salue, réclame la justice, et désire apprendre de vous les

moyensetlamanièred’êtrebienguidé.”«Ildit:“Convient-ilqu’enmelanguissantdevous,jerendel’espritet

meuredanslaséparation?“Est-iljustequejemetrouvedansunecruellecaptivité,alorsquevous

êtestantôtsurdesplantesvertes,tantôtsurdesarbres?“La fidélité gardée par des amis est-elle de la sorte ?Moi dans cette

prison,etvousdanslaroseraie?“Souvenez-vous, ô nobles créatures, de cet oiseau pitoyable et buvez

unegorgéematinaleauseindesprairies!“Quelle joie pour un ami si ses amis se souviennent de lui, surtout

quandl’uneestLeylâetl’autreMadjnûn!1560 “Ôvousquiêtesuniàvotrecharmantebien-aimée,dois-jeboiredes

coupesrempliesdemonpropresang?“Oh ! vide une coupe en mémoire de moi, si tu désires me rendre

justice.“Ou,quandtuaurasbu,répandsunegorgéesurlaterreensouvenirde

cepauvremalheureuxtombédanslapoussière.

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“Oùsontdonc,jemeledemande,cetaccordetceserment?Oùsontlespromessesdetalèvredoucecommelesucre?“Si tuasabandonné tonesclaveparcequ’il t’amalservi,si tufaisdu

malàceluiquiacommislemal,quelleestladifférenceentrevous?“Oh ! le mal que tu as fait dans le courroux et la querelle est plus

délicieuxquelamusiqueetlesondutcheng(leluth)!“Oh ! ta cruauté est préférable à la félicité, ta vengeance est plus

précieusequelavie.“C’estlàtonfeu:quedoitêtretalumière?C’estlàtondeuil:quedoit,

envérité,êtretafête!“Quant aux douceurs que recèle ta cruauté, quant à ta beauté, nul ne

peutenatteindrelefond.“Jemeplains,etcependantjecrainsqu’ilnemecroieetque,parbonté,

ilatténuesacruauté.1570 “Jesuiséperdumentéprisdesaviolenceetdesadouceur;ilestétrange

quejesoisamoureuxdecesdeuxcontraires.“Par Dieu, si j’échappe à cette épine (de chagrin) et pénètre dans ce

jardin,jememettraiàgémircommelerossignol.“C’estunétrangerossignolqueceluiquiouvresonbecpourmâcheren

mêmetempslesépinesetlesroses.“Qu’est-ce que ce rossignol ? En vérité, c’est unmonstre furieux ; à

causedesonamour,toutesleschosesprivéesdedouceurluisontdouces.“IlestamoureuxduToutetilestlui-mêmeleTout;ilestamoureuxde

lui-mêmeetrecherchesonpropreamour.”»

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DescriptiondesailesdesoiseauxquisontlesIntelligencesdivines

’histoireduperroquet,quiestl’âme,esttelle;oùestceluiquiestleconfidentdesoiseaux(spirituels)?Oùestunoiseau,faibleetinnocent,danslequelsetrouventSalomonet

toutessesarmées?Quandilgémitamèrement,sansrendregrâcesniseplaindre,untumulte

naîtdanslesseptsphèresduciel.A chaque moment lui parviennent cent messages de Dieu, cent

courriers;delui,unseulcri:«ÔmonSeigneur!»et,delapartdeDieu,centcris:«Labbayka!»(Mevoici).Safaute,auxyeuxdeDieu,vautmieuxquel’obéissance;auprèsdeson

incroyance,toutefoiestdénuéedevaleur.1580 Atoutinstant,ilauneascensionversDieuquiluiestparticulière;Dieu

posesursacouronnecentcouronnesparticulières.Sa forme est sur la terre et son esprit dans l’absence de lieu ; une

«absencedelieu»au-delàdel’imaginationdespèlerinsdelaVoie.Nonpasune« absencede lieu» tellequ’ellepuisse être saisiepar la

compréhension, ouqu’une imagination à son sujet puisse naître en toi àchaqueinstant;Non,lelieuetl’absencedelieusontsoussoncontrôle,demêmequeles

quatre fleuves du Paradis sont sous le contrôle de Celui qui réside auParadis.Abrègecetteexplication,etdétournes-entonvisage;nedispasunmot

deplus—etDieusaitmieuxcequiestjuste.Revenons,ômesamis,àl’oiseau,aumarchandetàl’Inde.Lemarchand accepta cemessage et promit de transmettre le salut du

perroquetàsescongénères.

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Commentlemarchandvitdanslaplainelesperroquetsdel’Indeet

leurtransmitlemessageduperroquet

orsqu’ilatteignit les limites lespluséloignéesdel’Inde, ilaperçutuncertainnombredeperroquetsdanslaplaine.Il fit fairehalteàsamonture,puis ilparla, transmit lesalutet remplit

sonmandat.L’undesperroquetssemitàtremblerviolemment,tomba,mourut,son

souffles’arrêta.1590 Lemarchandregrettad’avoirdonnécesnouvelles,etdit:«Jesuisvenu

détruirecettecréature.«Celui-ci,sansdoute,estunparentdemonpetitperroquet:ilsdoivent

avoirétédeuxcorps,etunseulesprit.« Pourquoi ai-je fait cela ? Pourquoi ai-je apporté ce message. J’ai

détruitcettepauvrecréatureavecuneparolestupide.»Cettelangueestcommelapierre,etelleestaussipareilleaufeu,etce

quijaillitdelalangueestpareilàlaflamme.Nefrappepasenvainlapierreetleferl’uncontre1’autre,tantôtpour

raconterunehistoire,tantôtpourtevanter.Carilfaitsombre,etdetouscôtéssontdeschampsdecoton;comment

desétincellesseraient-ellesparmilecoton?Ce sontdespécheurs, cesgensqui ferment lesyeuxet,pardevaines

paroles,incendientlemondeentier.Une seule parole ruine un monde, transforme en lions des renards

morts.Lesesprits,dans leurnatureoriginelle,possèdent le soufflede Jésus ;

unsouffleestuneblessure,et1’autreunonguent.Si l’écran (corporel) était retiré de devant les esprits, le discours de

chaqueespritseraitcommelesouffleduMessie.1600 Situdésiresprononcerdesparolesdoucescommelesucre,abstiens-toi

delaconcupiscenceetnemangepascessucreries(desdésirs).Le contrôle de soi est ce quedésire l’homme intelligent, les sucreries

sontcequedésirentlesenfants.Quiconquepratiquelecontrôledesoi-mêmemonteauCiel,quiconque

mangedesdouceursresteloinenarrière.

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CommentairedelaparoledeFarîdal-Dîn‘Attâr(queDieusanctifie

sonesprit):«Tuesunêtresensuel;ôhommeinsouciant,

mortifie-toidanslapoussière(detonexistencecorporelle),carsil’êtrespirituelboitdupoison,ce

luiseracommeunantidote»

elanefaitpasdemalàl’hommespirituel,mêmes’ilboitunpoisonmortelauxyeuxdetous,Carilestparvenuàlasanté(spirituelle)etaétélibérédel’abstinence,

tandisquelepauvrechercheur(deDieu)estencoredanslafièvre.LeProphèteadit:«Ôchercheuraudacieux,prendsgarde!Neluttepas

avecquiconqueestcherché.«En toi estunNemrod :n’entrepasdans le feu.Si tuveuxyentrer,

deviensd’abordAbraham!»Si tu n’es ni un nageur, ni unmarin, ne te jette pas dans lamer par

présomption.Lesainttrouvedesperlesdanslefonddelamer;àpartirdespertes,il

amènedesgainsàlasurface.Siunhommeparfaitprenddelaterre,elledevientdel’or;siunhomme

imparfaitemportedel’or,celadevientdescendres.1610 PuisquecethommejusteestacceptéparDieu,entouteschoses,samain

estlamaindeDieu.Lamainde l’hommeimparfaitestcelleduDémonetdudiable,parce

qu’ilsetrouvedanslepiègedelafourberieetdelatromperie.Sil’ignoranceadvientàl’hommeparfait,elledevientconnaissance;la

connaissancequipénètredansl’hommeimparfaitdevientignorance.Quoi que prenne l’homme malade, cela devient maladie, mais si un

hommeparfaitprendl’infidélité,elledevientreligion.Ô toiqui, étant àpied, as combattuuncavalier, tune sauveraspas ta

tête.Renonce.

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CommentlesmagicienstémoignèrentdurespectàMoïse

(surluilapaix),disant:«Qu’ordonnes-tu?Jetteras-tule

premiertonbâton,ousera-cenous42?»

es magiciens, au temps dumaudit Pharaon, alors qu’ils luttaientcontreMoïseavechostilité,Accordèrent cependant à Moïse la priorité — les magiciens lui

témoignèrentdurespect,Car ils lui dirent : « C’est à toi de commander : si tu désires être le

premier,jetted’abordtonbâton.»« Non, dit-il, jetez d’abord, ô magiciens, ces objets de sortilèges au

milieu(devanttous).»Ce témoignage de respect leur fit acquérir la foi en la (véritable)

religion,desortequecelle-cilesempêchadelutterdavantageavecMoïse.1620 QuandlesmagiciensreconnurentledroitdeMoïse,ilssacrifièrentleurs

piedsetleursmainsàcausedeleurpéché.Pourl’hommeparfait,chaquebouchéed’alimentetchaqueparolesont

licites.Tun’espasparfait:nemangepas,tais-toi.Etant donné que tu es une oreille et lui une langue, et non ton

congénère:Dieuaditauxoreilles:«Taisez-vous43!»Quandlenourrissonnaît,audébutilgardelesilence,ilesttoutoreille;Durantuntempsildoitsetaire,jusqu’àcequ’ilapprenneàparler.Et s’il n’est pas silencieux comme une oreille, mais se livre à des

vagissements,ilsemanifestecommelacréaturelaplusmuettedumonde.Celuiquiestsourdparnature,celuiquin’avaitpasd’ouïeaudébut,est

muet:commentsemettrait-ilàparler?Puisque, afindeparler, ondoit d’abord entendre, viens à laparole au

moyendel’écoute.Entre dans les maisons par les portes, et recherche les fins dans les

causes.Iln’yapasdeparoleindépendantedel’ouïe,sauflaparoleduCréateur

quin’apasdebesoin.1630 IIestleCréateur,ilnesuitaucunmaître;Ilestlesupportdetoutes

choses,Iln’apasdesupport,

Page 196: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Alors que les êtres, occupés à des métiers et à la parole, suivent unmaîtreetontbesoind’unmodèle.Situn’espasinsensibleàcediscours,revêtslarobed’undervicheetva

verserdeslarmesdansunendroitdésert.CarAdam,àcausedeseslarmes,échappaaureproche:leslarmessont

laparoledupénitent.C’estàcausedespleursqu’Adamvintsurlaterre,afinqu’ilpûtpleurer,

gémir,êtreaffligé.Adam, chassé du Paradis et d’au-delà des Sept Cieux, se rendit à la

placelaplushumbleafindes’excuser.Si tu viens d’Adam et de ses reins, reste à chercher le pardon en sa

compagnie.Prépareundéliceavec le feuducœuret l’eaudesyeux : le jardinest

renduflorissantparlenuageetlesoleil.Que sais-tu du goût de l’eau des yeux ?Tu es un amoureux du pain,

commelesmendiantsaveugles.Situvidescesacdesonpain,tuleremplirasdesplendidesjoyaux.

1640 Sèvretonâme,cebébé,dulaitduDémon,etensuitefaisd’ellelacompagnedel’Ange.Tandisque tuessombre,morneetchagrin, sacheque tu tenourrisau

mêmeseinqueleDémonmaudit.L’alimentquiproduitunaccroissementdelumièreetdeperfectionaété

acquispardesgainslicites.L’huile qui vient éteindre notre lampe, quand elle éteint une lampe,

appelle-ladel’eau.De l’aliment licite proviennent la connaissance et la sagesse ; de

l’alimentliciteviennentl’amouretlatendresse.Lorsqued’unalimenttuvoisnaîtrel’envieetlafourberie,l’ignoranceet

lanégligence,sachequ’ilestillicite.Si tu sèmesdublé, celaproduira-t-ilde l’orge?As-tuvuune jument

accoucherd’unânon?L’aliment est la graine, et les pensées sont ses fruits ; l’aliment est la

mer,etlespenséessontsesperles.De l’aliment licite dans la bouche vient le désir de servir Dieu et la

résolutiond’allerdansl’au-delà.

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Commentlemarchandracontaauperroquetcequ‘ilavaitvuchezles

perroquetsdel’Inde

emarchandterminasesaffairesetrevintchezluilecœurjoyeux.1650 IIapportaunprésentàchaqueesclavemâle,ildonnauncadeauà

chaqueservante.«Oùestmoncadeau?demandaleperroquet.Raconte-moicequetuas

ditetcequetuasvu.»« Non, dit-il, en vérité, je m’en repens, me tordant les mains et me

mordantlesdoigts.«Pourquoi, par ignorance et par folie, ai-je apportéunmessage aussi

stupide?»« Ô maître, dit le perroquet, de quoi te repens-tu ? Qu’est-ce qui te

causedelacolèreouduchagrin?»« J’ai dit tes plaintes, répondit-il, à un groupe de perroquets qui te

ressemblaient.«Undesperroquetssentit tadouleur;soncœursebrisa, il tremblaet

mourut.«Jedevinsaffligé,pensant:“Pourquoiai-jeditcela?”Maisàquoibon

merepentiraprèsl’avoirdit?»Sache qu’unmot qui jaillit soudain de la langue est semblable à une

flèchelancéeparunarc.Ômonfils,cetteflècheneretournepasenroute:c’estàsasourcequ’il

fautbarreruntorrent.1660 Quandilaquittélasource,ildéferlesurunmonde:s’ildévastele

monde,cen’estpasétonnant.Les effets de notre action proviennent de l’invisible, et ses

conséquencesnesontpassouslecontrôledescréatures.Ces résultats sont tous créésparDieu, sans aucunassocié,bienqu’ils

soientattribuésànous-mêmes.Zayd a tiré une flèche dans la direction de ‘Amr : sa flèche s’est

accrochéeà‘Amrcommeunléopard.Pendantlongtemps,touteuneannée,celalefîtsouffrir:lessouffrances

sontcrééesparDieu,nonparl’homme.SiZaydqui tira la flèchemourutde frayeur aumoment (où ‘Amr fut

blessé), néanmoins, les souffrances continuèrent à se produire dans le

Page 198: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

corpsde‘Amr,jusqu’àcequ’ilmeure.Étant donné que ‘Amr mourut des suites de sa blessure, pour cette

raison,appelleZayd,quiatirélaflèche,lemeurtrier.Attribue-lui ces souffrances, bien qu’elles soient toutes l’œuvre du

Créateur.Il en va de même avec les semailles, la parole, le fait de poser des

pièges,lesrelationssexuelles;lesrésultatsdecesactionssontdéterminésparDieu.LessaintsdétiennentunpouvoirquiprovientdeDieu;ilsdétournentde

sacourselaflèchequiaététirée.1670 Quandlesaintserepent,ilempêchequedesconséquencesnenaissent

delacauseparcepouvoirduSeigneur.Enouvrantlaporte(delagrâcedivine),ilfaitquecequiaétéditnel’a

pasété,desortequ’aucunmaln’enrésulte.Il efface cetteparolede l’esprit de tous ceuxqui l’ont entendue, et la

rendimperceptible.S’il te faut une démonstration et une preuve de ceci, récite :Dèsque

Nousabrogeonsunverset,oudèsqueNouslefaisonsoublier44.Lis le verset :Vous vous êtes moqués d’eux au point d’oublier Mon

souvenir45.Reconnaislepouvoir(dessaints)decréerl’oubli.Étantdonnéqu’ilssontcapablesdefairesesouveniretdefaireoublier,

ilssontpuissantssurlescœursdescréatures.Quand le saint abarré la routede taperceptionmentale aumoyende

l’oubli,ilt’estimpossibled’agir,mêmesituenasletalent.Crois-tuquecesêtressublimessoientunobjetdeplaisanterie?Récite

duQor’ânjusqu’auxmots:Ilsvousontfaitoublier.Celui qui possède un village est le souverain des corps ; celui qui

possèdeuncœur(lesaint)estlesouveraindescœurs.Sansnuldoute, l’actiondépendde lavision :c’estpourquoi l’homme

n’estriend’autrequele«petithomme»(lapupilledel’œil).1680 Jen’osepasdiretoutàcesujet:j’ensuisempêchéparceuxquisontau

centre.Étant donné que l’oubli et le souvenir, de la part des créatures,

dépendentdusaint,etqu’ilrépondàleurappelàl’aide,Chaquenuit,cetêtresublimevidedescœursdescentainesdemilliers

depensées,bonnesetmauvaises,Tandisquedurantlejourilremplitleurscœurs,ilremplitcescoquilles

d’huîtresavecdesperles.

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Toutes ces pensées des choses passées, orientées (par Dieu),reconnaissentlesesprits:Tonmétierettonarttereviennent,afindepouvoirouvrirlesportesdes

moyens.Le talent de l’orfèvre ne va pas chez le forgeron ; la disposition de

l’hommedouéd’unebonnenaturenevapaschezl’hommedésagréable.Au jour de la Résurrection, les talents et les dispositions viendront,

commedesobjetspossédés,àceluiquilesrevendiquera.Aprèslesommeilaussi,lestalentsetlesdispositionsreviennentenhâte

versceluiquilesréclamecommesonbien.Al’aube,lestalentsetlespenséessontallésaumêmeendroitoùétaient

cebienetcemal.1690 Telsdespigeonsvoyageurs,ilsapportentdeschosesutilesd’autres

villesàleurproprecité.

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Commentleperroquetentenditcequ’avaientfaitcesperroquetset

mourutdanslacage,etcommentlemarchandselamentasurlui

uand l’oiseau entendit ce que ce perroquet avait fait, il tremblaviolemment,tombaetdevintfroid.Lemarchand, le voyant ainsi tomber, bondit et lança son bonnet par

terre.Le voyant dans cet état et cette situation, le marchand s’élança et

déchirasonvêtement.Il s’écriait : «Ôbeauperroquet à lavoix suave ! que t’est-il arrivé ?

Pourquoies-tudevenuainsi?«Oh!hélaspourmonoiseauàladoucevoix!Oh!hélaspourmonami

intimeetmonconfident!«Oh ! hélas pourmon oiseaumélodieux, le vin demon esprit,mon

jardinetmondouxbasilic!«SiSalomonavaitpossédéunteloiseau,comment,envérité,seserait-

iloccupédesautresoiseaux?«Oh!hélaspourl’oiseauquej’aiacquisàpeudeprixetdontj’aisitôt

détournémonvisage!«Ôlangue,tum’esd’ungrandpréjudice;mais,puisquetuparles,que

tedirais-je?1700 «Ôlangue,tuesàlafoislefeuetlameule;combiendetempsjetteras-

tulefeusurcettemeule?« En secret,mon âme gémit à cause de toi, bien qu’elle accomplisse

toutcequetuluiordonnes.«Ô langue, tu es un trésor illimité, ô langue tu es aussi unmal sans

remède.« Tu es à la fois un sifflet et un leurre pour les oiseaux, et un

consolateurdansl’afflictiondel’absence.«Combiendetempsm’accorderas-tutapitié,ôimpitoyable,ôtoiquias

tirétonarcpourtevengerdemoi?«Voiciquetuasfaits’envolermonoiseau.Nerestepaspaîtredansle

pâturagedel’injustice!« Ou réponds-moi, ou donne-moi réparation, ou indique-moi les

moyensd’obtenirlajoie.

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«Oh!hélaspourmonaubedissipantlesténèbres!Oh!hélaspourmalumièreattisantlejour!«Oh!hélaspourmonoiseauàl’essorsinoble,quis’estenvolédema

finversmoncommencement!«L’homme ignorant est amoureux de la souffrance jusqu’à l’éternité.

Lis(dansleQor’ân)Jejurejusqu’àmisérable46.1710 «Avectonvisage,j’étaislibérédel’ennui,etdanstarivière,jen’étais

passouilléparl’écume.«Cescrisde“hélas!”sontcausésparl’idéedevoirleBien-Aiméetpar

laséparationd’avecmonexistenceactuelle.«C’étaitlajalousiedeDieu,etiln’yapasdestratagèmecontreDieu:

oùestuncœurquin’estpasbriséencentmorceauxpourl’amourdeLui?«LajalousiedeDieuconsisteenceciqu’ilestautrequetouteschoses,

qu’ilestau-delàdel’explicationetdubruitdesmots.« Oh ! hélas ! Que mes larmes ne sont-elles un océan, pour être

répanduesenoffrandeàcebelenchanteur!«Mon perroquet,mon oiseau intelligent, l’interprète dema pensée la

plusintime,«M’aditdèsl’origine,afinquejepuissem’ensouvenir,quellepartme

seraitdévolue,debienetdemal.»Le perroquet dont la voix provient de 1’inspiration divine, et dont

l’origineétaitantérieureàl’originedel’existence,Ceperroquetestcachéentoi-même:c’estsonrefletquetuasvusurles

chosesdecemonde.Ilenlèvelajoie,etàcausedeluituteréjouis;tureçoisdeluil’injustice

commesic’étaitjustice.1720 Ôtoiquibrûlaisl’âmeàcauseducorps,tuasbrûlél’âmeettuas

illuminélecorps.Jebrûle;quiconquedésirequelquechosequibrûle,qu’ilenflammeses

brindillesàmonfeu.Puisque une chose inflammable accepte le feu, choisis une chose qui

prennefeuaisément.Oh!hélas,oh!hélas!hélas,qu’unetelle lunesesoitcachéederrière

lesnuages!«Commentprononcerais-jeuneparole?Carlefeudansmoncœurest

devenu violent ; le lion de la séparation est devenu furieux et verse lesang.»Celui qui, même lorsqu’il est sobre, est violent et furieux, comment

sera-t-ilayantlacoupedevinenmain?

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Lelionivrequiestau-delàdetoutedescriptionesttropgrandpourêtrecontenudanslavasteprairie.Je pense à des rimes, et mon Bien-Aiméme dit : « Ne pense à rien

d’autrequ’àMevoir.« Assieds-toi à l’aise, ô mon ami qui médites des rimes ; en Ma

présence,c’estaveclafélicitéqueturimes.«Que sont lesmots pour que tu y penses ?Que sont lesmots ?Des

épinesdanslahaiequientourelavigne.1730 «Jeplongeraidanslaconfusionlesmots,lessons,lesdiscours,afin

que,sanscestroischoses,jepuisseconverseravectoi.« Cette parole que j’ai cachée àAdam, Je te la dirai, ô toi qui es la

consciencedumonde.« Je te dirai cette parole queje n’ai pas communiquée àAbraham, et

cettedouleurqueGabrielneconnaîtpas.»CemotdontleMessien’apassoufflémot,Dieu,paramourexclusif,ne

l’apasditmêmesansmâ.Qu’est-cequemâdans le langage?affirmationetnégation.Jenesuis

pasuneaffirmation,jesuissansessenceetannihilé.J’ai trouvé l’individualité dans la non-individualité ; aussi ai-je tissé

monindividualitéennon-individualité.Tous les rois sont esclavesde leurs esclaves, tout lemonde est prêt à

mourirpourceluiquimeurtpoureux.Touslesroissontprosternésdevantceluiquiestprosternédevanteux,

toutlemondeestenivré(d’amour)pourceluiquiestenivrépoureux.L’oiseleurdevient laproiedesoiseauxafindepouvoir toutàcoupen

fairesaproie.Lescœursdeceuxquiravissentlescœurssontcaptivésparceuxquiont

perduleurcœur:touslesaiméssontlaproiedeleursamoureux.1740 Celuiquetuconsidèrescommeunamoureux,regarde-lecommele

bien-aimé,carilestàlafoiscecietcela.Si ceux qui ont soif cherchent de l’eau dans le monde, l’eau aussi

cherchedanslemondeceuxquisontassoiffés.Puisqu’ilesttonamant,soissilencieux;commeIItiretonoreille,sois

toutoreille.Barreletorrentdel’extasequandildéborde;autrement,ilcauseradela

honteetdesruines.Quem’importelaruine?Souslaruinesetrouveuntrésorroyal.CeluiquiestnoyéenDieusouhaiteêtrenoyédavantage,tandisqueson

espritestébranlécommelesvaguesdelamer,

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Demandant:«Est-celefonddelamerleplusdélicieux,oulasurface?Est-ceSaflèchelaplusravissante,ouSonbouclier?»Ômoncœur, tuesécartelépar lespenséesmauvaises, si tu reconnais

unedifférenceentrelajoieetlechagrin.Bienquel’objetdetondésiraitlegoûtdusucre,l’absenceentoidetout

objetdedésirn’est-ilpasl’objetdudésirduBien-Aimé?ChacunedeSesétoilesest leprixdusangdecentnouvelles lunes ; il

Luiestlicitedeverserlesangdumondeentier.1750 Nousavonsgagnéleprixetleprixdusang;nousnoussommeshâtés

dejouernotreâmeausort.Oh,laviedesamoureuxrésideenlamort: tunegagneraslecœurdu

Bien-Aiméqu’enperdantletien.JecherchaisàgagnerSoncœuraveccentminesetgrâces,maisIlme

repoussaavecdédain.Jedis:«Aprèstout,monespritetmonâmesontnoyésenToi.»«Va-

t’en,dit-Il,va-t’en!Nemerécitepascessortilèges.«Ne sais-jepasquellepensée tu as conçue?Ô toiqui asvudouble,

commentas-turegardéleBien-Aimé?«Ô toi à l’esprit grossier, tuM’as tenu en peu d’estime, car tuM’as

achetétrèsbonmarché.«Celuiquiachèteàbonmarchédonneàbonmarché:l’enfantdonnera

uneperlepourunemichedepain.»Je suis noyé en un amour tel qu’y sont noyées les premières et les

dernièresamours.Je l’ai raconté brièvement, je ne l’ai pas expliqué, autrement tes

perceptionsetmalangueseraientconsumées.Quand je dis « lèvre », c’est la lèvre (rive) de laMer ; quand je dis

«non»,cequejeveuxdireest«excepté».1760 C’estàcausedelasuavitéquejem’assiedsavecunvisageamer;c’est

àcausedel’abondancedesparolesquejedemeuresilencieux,Afinquesouslemasquedel’amertumemadouceurpuisserestercachéeauxdeuxmondes.Afinquecesujetneparviennepasàchaqueoreille, jenedisquel’un

desmystèressecretsparmicentautres.

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CommentairedelaparoleduHakîm(Sânâ’î):

«ToutechosequitefaitresterenarrièresurlaVoie,qu’importequecesoitl’infidélitéoulafoi?«TouteformequitefaitresterloinduBien-Aimé,

qu’importequ’ellesoitlaideoubelle?»;etausujetdelasignificationdesparolesduProphète(surluilapaix):«Envérité,Sa’destjaloux,etjesuisplusjalouxqueSa’d,etAllahestplusjalouxquemoi;et,àcausedeSajalousie,Ila

interditlesmauvaisesactionsàl’extérieurcommeàVintérieur.»

Lemondeentierestdevenujaloux,parcequeDieusurpasse lemondeentierenjalousie.Ilestcommel’esprit,etlemondeestcommelecorps:lecorpsreçoitde

l’espritlebienetlemal.Celui dont la niche de prière est tournée vers la révélation mystique

considèrequesonretouràlafoi(conformiste)seraitunehonte.CeluiquiestdevenuleMaîtredelagarde-robeduRoi,c’estuneperte

pourluiquedeselivreraucommercepourleRoi.Celuiquidevientl’amiintimeduSultan,c’estuneinsulteetunehonte

pourluiqued’attendreàsaporte.QuandleRoiluiaaccordédebaisersamain,c’estunpéchés’ilpréfère

baisersonpied.Bienqueposer la têtesur lepiedduRoisoitunacted’obéissance,en

comparaison de cet autre acte d’obéissance, c’est une faute et unégarement.

1770 LeRoiestjalouxdeceluiqui,aprèsavoirvulevisage,préfèreunsimpleeffluve.Pourparlerenparaboles,lajalousieduRoiestsemblableaublé,tandis

quelajalousiedeshommesestcommelapailledanslameule.Sache que l’origine de toutes les jalousies est en Dieu ; celles de

l’humanité ne sont que dérivées, venant de Dieu, sans aucuneressemblance.Jevaislaisserl’explicationdecela,pourmeplaindredelatyranniede

cetteBeautésansfidélité.Je gémis, parce que les gémissements Lui plaisent : Il désire le

gémissementetlechagrindesdeuxmondes.Comment ne gémirais-je pas amèrement à cause de Sa tromperie,

puisquejenesuispasdanslecercledeceuxquisontenivrésparLui?

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Commentnemeplaindrais-jepascommelanuit,sansSonjour,etsanslafaveurdeSonvisagequiilluminelejour?Saduretéestdouceenmonâme:quemonâmesoitsacrifiéeauBien-

Aiméquidésolemoncœur!Jesuisamoureuxdemapeineetdemasouffranceafindeplaireàmon

Roisanségal.Jefaisdelapoussièreduchagrinuncollyrepourmesyeux,afinqueles

deuxmersdemesyeuxseremplissentdeperles.1780 LeslarmesquelescréaturesversentpourLuisontdesperles,etlesgens

croientquecesontdeslarmes.Jemeplainsdel’Amedel’âme,mais,enréalité,jenemeplainspas,je

nefaisqueconter(mapeine).Mon cœur dit : « Je suis tourmenté par Lui », et j’ai ri à cette vaine

prétention.Rends-moijustice,ôgloiredesjustes,ôToiquiesledaisetmoileseuil

deTaporte!Leseuiletledais,enréalité,oùsont-ils?Danslequartieroùsetrouve

notreBien-Aimé,oùsont«nous»et«je»?Ôtoidontl’âmeestlibéréede«nous»etde«je»,ôToiquiesl’esprit

subtildansl’hommeetdanslafemme,Quand l’hommeet la femmedeviennentun,TuescetUn ;quand les

unitéssonteffacées,TuescetteUnité;Tuasfabriquéce«je»etce«nous»afindepouvoir,Toi,jouerlejeu

del’adorationavecToi-même,Afinquetousles«je»et«Toi»deviennentuneseuleâmeetàlafin

soientfondusdansleBien-Aimé.Toutcelaestainsi.Viens,ôToi,Seigneurquidonnesl’ordre,ôToiqui

esau-delàdu«Viens»etdetouteparole.1790 LecorpsnepeutTepercevoirquesousunmodecharnel;ilimagineTa

tristesseouTonrire.Lecœurquiestenchaînépar la tristesseet le rire,nedispasqu’ilest

dignedeTevoir.Celuiquiestenchaînéparlatristesseetlerire,celui-làvitaumoyende

cesdeuxchosesempruntées.Danslejardinverdoyantdel’Amour,quin’apointdelimites,ilyabien

d’autresfruitsquelechagrinetlajoie.L’amour est plus haut que ces deux états : sans printemps et sans

automne,ilesttoujoursfraisetvert.Paie la dîme sur Ton beau Visage, ô Toi au beau Visage ! Raconte

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l’histoiredel’âmedéchiréeenmorceaux,Carparlacoquetteried’unregard,Celuiquiseplaîtàlancerdesregards

amoureuxabrûlémoncœurànouveau.Jeluiairendulicitedeversermonsang:jeluidisais:«IlestpourToi

licite»,etIIs’enfuyaitloindemoi.Puisque Tu fuis la lamentation de ceux qui sont comme la poussière,

pourquoidéverses-Tul’afflictionsurlecœurdesaffligés?Ô Toi que chaque aurore brillant de l’Orient a trouvé débordant (de

lumière)commelasourceéclatantedusoleil,1800 Pourquoin’as-Tudonnéquel’évasionàTonamantéperdu,ôToidontla

suavitédeslèvresestsansprix?ÔToiquiesuneâmeneuvepourcevieuxmonde,demoncorpssans

cœuretsansâme,entendslecri!Laissel’histoiredelarose!Pourl’amourdeDieu,racontel’histoiredu

RossignolséparédelaRose!Notre émotion ne provient pas du chagrin et de la joie ; notre

conscienceneserattachepasàl’imaginationetàl’illusion.Ilexisteunautreétat(deconscience)quiestrare;n’endoutepas,car

Dieuesttrèspuissant.Ne tirepasd’analogiede l’état (normal)de l’homme,nedemeurepas

danslesbonnesactionsoulesmauvaisesactions.Malfaireetbienfaire,lechagrinetlajoie,sontdeschosesquiviennent

à l’existence ; ceux qui viennent à l’existence meurent : Dieu est leurhéritier.Voici l’aube,ôToiqui es le soutienet le refugede l’aube, implore le

pardondemonseigneurHusâm-od-Dîn.TuesCeluiquiimplorelepardondel’AmeetdelaRaisonuniverselles,

Tuesl’Amedel’âmeetlasplendeurducorail.La lumière de l’aurore a lui, et nous, par Ta lumière, nous buvons la

boissonmatinaleaveclevindeTonMansûr(al-Hallâdj*).1810 PuisqueledonqueTumefaismegardeainsi,quelautrevin

m’apporteraitl’extase?Levinquifermenteestunmendiantquiimplorenotreferment;le Ciel dans sa révolution est un mendiant qui implore de nous la

conscience.Levintiresonivressedenous,etnonpasnousdelui;lecorpsexisteà

causedenous,etnonpasnousàcausedelui.Noussommespareilsàdesabeilles,etnoscorpssontcommelacire ;

nousavonsfaitlecorps,celluleparcellule,commelacire.

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*Al-Hallâdj,célèbresoufl,suppliciéen922àBagdad.

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Retouràl’histoiredumarchandquis’enallapoursonnégoce

eciesttrèslong.Racontel’histoiredumarchand,quenousvoyionscequiarrivaàcebravehomme.Lemarchand,brûlantdechagrin,d’angoisseetdenostalgie,prononçait

centphrasesdelasorte,Tantôt se contredisant lui-même, tantôt se justifiant, tantôt suppliant,

tantôtpassionnépourlavérité,tantôtpourTirréalité.L’hommequi se noie souffre la torture dans son âme, et s’accroche à

chaquepaille.Depeurpoursavie, il jetteçàet làsamainetsonpied,dans l’espoir

quequelqu’unluitendralamaindanscedanger.L’Ami aime cette agitation :mieux vaut combattre en vain que rester

immobile.1820 CeluiquiestleRoidetouteschosesn’estpasoisif;bienqu’uneplainte

venantdeluiseraitmerveille,carIIn’estpasmalade.Pourcetteraison,leDieumiséricordieuxadit,ômonfils:Chaquejour,

Ilcréequelquechosedenouveau47.Dans cette Voie, ne cesse de faire des efforts ; jusqu’à ton dernier

souffle,nerestepasinoccupéunseulinstant,Afinquetonderniersoupirsoitunderniersoupirdanslequellafaveur

divinesoittonamielaplusintime.Toutcequel’âmequiestdansl’hommeetlafemmes’efforcedefaire,

l’oreilleetl’œilduRoidel’âmeleguettentàlafenêtre.

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Commentlemarchandjetaleperroquethorsdelacage,et

commentleperroquetmorts’envola

près cela, il le jeta hors de la cage. Le petit perroquet s’envolajusqu’àunebrancheélevée.Le perroquetmort prit son essor comme lorsque le soleil de 1’ orient

bonditenavant.Lemarchandfutstupéfaitparl’actiondel’oiseau:sanscomprendre,il

aperçutsoudainlessecretsdel’oiseau.Il leva son visage et dit : « Ô rossignol, donne-nous le bénéfice

d’expliquercetteaffaire.«Qu’afaitleperroquetlà-bas(dansl’Inde)quetuapprennes,prépares

uneruse,etnousbrûles(dechagrin)?»1830 Leperroquetdit:«Parsonaction,ilm’aconseillé:“Renonceau

charmedetavoixetàtonaffection,“Parcequetavoixt’aconduitàlaservitude;ilafeintd’êtremort,afin

demedonnerceconseil.”«C’est-à-dire:“Ôtoiquiesdevenuchanteurpourl’éliteetlecommun

desgens,deviensmortcommemoi,pourobtenirladélivrance.”»Situesunegraine,lespetitsoiseauxtepicoreront,situesunboutonde

fleur,lespetitsenfantstecueilleront.Cache la graine, deviens un piège ; cache le bouton de fleur, deviens

l’herbesurletoit.Celuiquimetsabeautéauxenchères,centmauvaissortsseprécipitent

surlui,Lesruses,lescolères,lesenviessedéversentsursatête,commel’eau

desoutres.Lesennemisledéchirentparjalousie,lesamiseux-mêmesluiprennent

lavie.Celui qui était insouciant des semailles et du printemps, comment

connaîtrait-illavaleurdecettevie?Il te faut courir vers le refuge de la grâce divine qui a répandu des

milliersdefaveurssurlesesprits,1840 Afindetrouverrefuge.Aprèsavoirtrouvécerefuge,l’eauetlefeu

deviendronttonarmée.Lamernedevint-ellepasl’amiedeNoéetdeMoïse?Nedevintellepas

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unadversaireassoiffédevengeancecontreleursennemis48?Le feu n’était-il pas une forteresse pour Abraham, de sorte qu’il fit

s’éleverdelafuméeducœurdeNemrod49?La montagne n’appela-t-elle pas Yahyâ (Jean-Baptiste) à elle et ne

chassa-t-ellepassespoursuivantsàcoupsdepierres?«ÔYahyâ,dit-elle,viens,prendsrefugeenmoi,afinquejeteprotège

contreleglaiveacéré.»

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Commentleperroquetfitsesadieuxaumarchandets’envola

eperroquetluidonnaunoudeuxconseilspleinsdesaveur,puisilluiadressal’adieudelaséparation.Lemarchand lui dit : «Va, queDieu te protège ! Tum’asmontré à

présentuneVoienouvelle.»Lemarchandseditenlui-même:«Ceconseilestpourmoi;jesuivrai

saVoie,carcetteVoieestradieuse.« Comment mon âme serait-elle inférieure à ce perroquet ? L’âme

devraitsuivreunaussibonchemin.»

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Combienilestpréjudiciabled’êtrehonoréparlesgensetdesefaireremarquer

ecorpsestcomparableàunecage :auseindes flatteriesdeceuxquivontetviennent,ildevientunfléaupourl’âme.Celui-ciluidit:«Jeseraitonconfident»,etcetautre:«C’estmoiqui

suistoncompagnon.»1850 Celui-ciluidit:«Iln’existepersonnequisoitsemblableàtoiquantàla

beautéetàladignité,labienveillanceetlagénérosité.»Unautre lui déclare : «Lesdeuxmondes t’appartiennent ; toutesnos

âmessontlesservantesdelatienne.»Lorsqu’ilvoitquelesgenssontenivrésdedésirpourlui,l’arrogancelui

faitperdrelecontrôledelui-même.IlnesaitpasqueleDémonaprécipitédesmilliersd’hommespareilsà

luidansl’eaudufleuve(deladestruction).Laflatterieetl’hypocrisiedumondesontsuaves:manges-enmoins,car

c’estunalimentenflammé.Son feuest cachéet songoûtapparent ; sa fuméedevientvisibleà la

fin.Nedispas:«Commentaccepterais-jecettelouange?Ilparlepardésir

(derécompense):jesuissursestraces(etnesuispasdupe).»Siceluiquitelouesemoquaitdetoienpublic, toncœurbrûleraitdes

joursdurantàcausedecesblessures.Bien que tu saches qu’il ne l’a dit que parce qu’il était déçu, que les

espoirsqu’ilavaitfondéssurtoineluiaientrienrapporté,1860 Cependant,l’effetproduitparcesparolesdemeureentoi.Lamême

expériencet’advientlorsqu’ils’agitdelouanges.Son effet, là aussi, demeure plusieurs jours et devient une source

d’arroganceetd’illusionpourl’âme.Mais cela n’apparaît pas, car la louange est douce ; dans le cas du

blâme,lemalapparaît,carleblâmeestamer.Ilestpareilàcespotionsetpilulesquel’onavale,etpendantlongtemps

onesttroubléetl’onsouffre,Tandisquesil’onmangeduhalwâ(sucrerie),songoûtestfugace;cet

effet,commel’autre,nedurepastoujours.Etant donné qu’il ne persiste pas de façon manifeste, il persiste de

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manière imperceptible : reconnais chaque opposé au moyen de sonopposé.Quand l’effet du sucre demeure, après quelque temps il produit des

furonclesquinécessitentlalancette.Pharaondevinttelqu’ilétaitparl’excèsdelouanges:queladouceurte

rendehumbleenesprit,nesoispasdominateur.Autant que tu le peux, deviens un esclave, ne sois pas unmonarque.

Supportelescoups:devienscommelaballeetnoncommelaraquette.Sinon, lorsque l’éléganceet labeauté t’aurontabandonné, tuserashaï

parcescompagnons.1870 Cegroupedegensquiteflattaientdefaçontrompeuse,lorsqu’ils

t’apercevront,tetraiterontdediable.Quandilsteverrontàleurporte,ilss’écrieronttous:«Voiciuncadavre

sortidesatombe.»Tuserascommecejeunehommeimberbequ’ilsappellent«Seigneur»

afindelerendreinfâmeparcettehypocrisie.Dèsquesabarbeapoussédansl’infamie,leDémonahonted’êtreàsa

recherche.Le Démon s’approche de l’homme par amour pour le mal : il ne

s’approchepasdetoiparcequetuespirequeleDémon.Tantquetuétaisunhomme,leDémonétaità testrousses, t’invitantà

goûtersonvin.Êtant donné que tu es devenu enraciné dans la diablerie, le démon

s’enfuitloindetoi,ôbonàrien!Jadis, ils s’accrochaient au pan de ton habit : lorsque tu devins ainsi,

tousontprislafuite.

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ExplicationdelaTradition:«IladvienttoutcequeDieuveut»

ousavonsdittoutescesparoles,maisennouspréparant(àcequinousattend)nousnesommesrien,riensanslafaveurdeDieu.Sans lafaveurdeDieuetdesélusdeDieu,mêmesi l’onestunange,

notrepageestnoire.1880 ÔDieu,ôToidontlagénérositécomblechaquebesoin,iln’estpas

permisdementionnerquiconqueendehorsdeToi:Toute cette direction, Tu nous l’a s conférée, jusqu’à présent, Tu as

cachémaintesdenosfautes.Fais que la goutte de connaissance que Tu nous as donnée devienne

désormaisunieàTesocéans.Dansmonâmese trouveunegouttedeconnaissance :délivre-lade la

sensualitéetdulimonducorps,Avantquelelimonnel’absorbe,avantquelesventsnel’emportent,Bienque,s’ilsl’emportent,tusoiscapabledelaleurreprendreetdela

sauver.Lagouttequis’estvolatiliséedansl’airourépanduesurterre,quanda-

t-elleéchappéàlaréservedeTaToute-Puissance?Si elle est entréedans lanon-existence,oudansunecentainedenon-

existences,ellereviendraàtire-d’ailequandtul’appelleras.Descentainesdemilliersd’opposéstuentleursopposés:Tonordreles

faitsortirànouveau(delanon-existence).Caravanes sur caravanes, ô Seigneur, se hâtent continuellement de la

non-existenceversl’existence.1890 Ainsi,chaquenuit,touteslespenséesetlescompréhensionss’an-

nihilent,plongéesdanslaMerprofonde;De nouveau, à l’aube, ces êtres divins lèvent la tête hors de laMer,

commedespoissons.Durant l’automne, des myriades de rameaux et de feuilles battent en

retraitedanslamerdelaMort,Tandis que dans le jardin le corbeau, vêtu de noir comme ceux qui

portentledeuil,selamentesurlaverdurefanée.A nouveau, du Seigneur de la terre arrive l’ordre disant à la

nonexistence:«Rendscequetuasdévoré!«Redonne,ômortnoire,lesplantes,lesherbesmédicinales,lesfeuilles

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etl’herbequetuasdévorées!»Ômonfrère, rassemble tesespritsun instant : sanscesse ilyaen toi

l’automneetleprintemps.Contemplelejardinducœur,vert,humideetfrais,pleindeboutonsde

roses,decyprès,dejasmins;Derameauxcachésparlamultitudedesfeuilles,unevasteplaineetun

palaisélevédissimuléparl’abondancedesfleurs.Cesparoles,quiproviennentdelaRaisonuniverselle,sontleparfumde

cesfleurs,decescyprès,decesjacinthes.1900 As-tujamaissentileparfumd’uneroselàoùiln’yavaitpasderose?

Vis-tujamaisl’écumeduvinlàoùiln’yavaitpasdevin?Leparfumest tonguide et te conduit sur ton chemin : il t’amènera à

l’ÉdenetauKawthar*.Leparfumestunremèdepourl’œilaveugle;ilproduitlalumière:l’œil

deJacobfutouvertparuneodeur.L’odeurnauséabondeobscurcitl’œil,l’odeurdeJosephaidelesyeux.Tun’espasunJoseph,soisunJacob;sois,commelui,familieravecles

fleursetladétresse.Écoute ce conseil du Sage de Ghazna (Sanâ’î) afin de ressentir la

fraîcheurdanstonvieuxcorps:«Ledédainexigeunvisagesemblableà larose:si tun’aspasuntel

visage,netecomplaispasdanslamauvaisehumeur.«Laidestledédainenunvisagedéplaisant,pénibleestlemald’yeux

dansunœilaveugle.»EnprésencedeJoseph,neprendspasdegrandsairsetneteconduispas

commeunebeauté:n’offreriend’autrequelessupplicationsetlessoupirsdeJacob.Lasignificationdelamort,transmiseparleperroquet,c’étaitlemépris

de soi-même : fais de toi-même un mort dans la supplication et ledétachement,

1910 AfinquelesouffledeJésustefasserevivreetterendeaussibeau,aussibéniquelui.Comment un rocher serait-il recouvert de verdure par le printemps ?

Deviensdelaterre,pourpouvoirdonnernaissanceàdesfleursbigarrées.Durantdesannées,tuasétéunrochertailladantlecœur:pourunefois,

faisl’expériencededevenirdelaterre!

*Nomd’unesourceduParadis.

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Histoireduvieuxjoueurdetchengqui,autempsde‘Omar(queDieusoitsatisfaitdelui!),unjouroùilmouraitdefaim,jouapourDieu

dutchengdansuncimetière

s-tu entendu raconter qu’au temps de ‘Omar, il y avait unménestrel,unmerveilleuxetcélèbreménestrel?Le rossignol était transporté par sa voix ; par sa voix ravissante, une

extasesetransformaitencent.Son souffle était l’ornement de l’assemblée et de la réunion ; à ses

chants,lesmortsressusciteraient,1920 Al’instard’Isrâfîl,dontlavoixramèneralesâmesdesmortsdansleurs

corps.Ou encore il était comme l’accompagnateur d’Isrâfîl, car sa musique

auraitfaitpousserdesailesàl’éléphant.Un jour, Isrâfîl sonnera clair, et donnera la vie à ce qui a été pourri

depuiscentans.Lesprophètesaussiontdesnotes intérieuresd’oùprovient laviesans

prixpourceuxquicherchent.L’oreille sensuelle n’entend pas ces notes, car l’oreille sensuelle est

souilléeparlespéchés.Lavoixdelapérin’estpasperçueparl’homme,carilestincapablede

saisirlesmystèresdespéris,Bienquelavoixdelapériappartienneégalementàcemonde.Lavoix

ducœurestplushautequecesdeuxvoix,Car la péri et l’homme sont tous deux prisonniers : tous deux se

trouventdanslaprisondecetteignorance.Récite : Ô peuple des djinns (et des hommes) dans la sourate al-

Rahmân;comprendslesensdeSivouspouvezpasser50.Lesnotesintérieuresdessaintsdisent,toutd’abord:«Ovous,parcelles

delanon-existence,«Prenezgarde,levezlatêtehorsduladelanégation;renoncezàcette

imaginationvaine.«Ôvousquiêtestouspourrisdanscemondedelagénérationetdela

corruption,votreâmeéternellen’apasgrandietn’estpasnée.»Si je dis une bribe de ces notes, les âmes lèveront la tête hors du

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tombeau.Approchetonoreille,carcettemélodien’estpaslointaine,maisiln’est

paspermisdetelacommuniquer.1930 Écoute!carlessaintssontlesIsrâfîlsdeleurtemps;grâceàeux,les

mortsviennentàlavieetàlafraîcheur.Les âmesmortesdans la tombeducorps à leurvoix sedressentdans

leurslinceuls.Ellesdisent:«Cettevoixestdistinctedetouteslesvoix;ressusciterles

mortsestl’œuvredelaVoixdeDieu.« Nous étions morts et complètement détruits ; 1’ appel de Dieu est

venu,nousnoussommestouslevés.»L’appeldeDieu,qu’ilsoitvoiléounon,octroiecequiaétéoctroyéà

Maryam.Ô vous qui êtes corrompus par la mort à l’intérieur de votre peau,

revenezdelanon-existenceàlavoixdel’Ami!Envérité,cettevoixestcelleduRoi,bienqu’ellesortedugosierdeSon

serviteur.Dieuluiadit:«Jesuistalangueettesyeux,Jesuistessens,etJesuis

toncontentementettoncourroux.«Va,cartuesceluidontDieuadit:“ParMoiilentend,etparMoiil

voit.”Tueslaconsciencedivine:commentconviendrait-ildedirequetupossèdescetteconsciencedivine?« Puisque tu es devenu, par l’émerveillement, celui qui appartient à

Dieu,Jesuisàtoi,car“Dieuluiappartiendra".1940 «Parfois,Jetedis:“C’esttoi”;parfois,“c’estMoi".QuoiqueJedise,

JesuisleSoleililluminanttouteschoses.«ChaquefoisqueJerayonnedutabernacled’uneparole,lesdifficultés

d’unmondesontrésolues.« L’obscurité que le soleil terrestre n’a pas dissipée, parMon souffle

cetteobscuritéestdevenuepareilleaumatinlumineux.»AunAdam,enSaproprePersonne,IlaindiquélesNoms;aurestedes

hommes,IlarévélélesNomsparl’intermédiaired’Adam.Reçois Sa Lumière d’Adam ou de Lui-même ; prends le vin de

l’amphoreoudelacoupe,Carcettecoupeestétroitement rattachéeà l’amphore ; lacoupebénie

neseréjouitpaspourlesmêmesraisonsquetoi.Mohammadadit:«Heureuxceluiquim’avuetceluiquiregardecelui

quiavumonvisage.»Quand une lampe tire sa lumière d’une chandelle, quiconque voit la

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lampevoitsûrementlachandelle.Silatransmissiondelalumièreadvientdecettefaçonjusqu’àcequ’une

centaine de lampes soient allumées, voir la dernière des lampes, c’ests’uniràlalumièreoriginelle.Prends de toute ton âme à la dernière lampe — il n’y a aucune

différence—oubienauchandelier.1950 ContemplelaLumière(deDieu)àpartirdeladernièrelampe,oubien

contempleSaLumièreàpartirduflambeaudeceuxquisontpartisauparavant.

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Explicationdelatradition:«Envérité,votreSeigneura,durantles

joursdevotretemps,certainssouffles;oh,préparez-vous

àlesrecevoir!»

eProphèteadit:«Encesjours,lessoufflesdeDieuremportent:« Gardez vos oreilles et votre esprit attentifs à ces influences

spirituelles.Captezdetelssouffles.»Lesouffledivinestvenu,t’aaperçu,etilpartit:iloctroyalavieàquiil

voulut,puisilpartit.Un autre souffle est arrivé. Prends garde de ne pasmanquer celui- là

aussi,ômonami!L’âmedufeuaobtenuainsiunéteignoirdesonfeu,l’âmemorteasenti

enelle-mêmeunmouvementdevie.C’est là la fraîcheur et le mouvement de l’arbre Tûbâ*, ce n’est pas

comparableauxmouvementsdesanimaux.Sicelatombesurlaterreetleciel,ilsserontglacésdeterreur.Envérité,parcraintedecesouffleinfini,récite(lesparolesduQor’ân)

maisilsontrefusédes’encharger(dudépôtquileurétaitoffert51.)Autrement, comment les parolesmais ils ont refusé auraient-elles été

(dans le Qor’ân) si, par crainte (de ce souffle), le cœur des montagnesn’étaitdevenuensanglanté?

1960 Hiersoir,cesouffles’estprésentéàmoisousuneformedifférente,maisquelquesmorceaux(denourriture)vinrentluibarrerlechemin.Acaused’unmorceaudenourriture,unLuqmânfutdétenuenotage:le

momentestvenupourLuqmân,va-t’en,ômorceaudenourriture!Ces aiguillons de la chair pour l’amour d’unmorceau de nourriture !

Retirel’épinedupieddeLuqmân.Danssonpiednesetrouvent,enréalité,niépine,nimêmesonombre,

maislaconcupiscenceteprivedecediscernement.Sachequel’épineestceque,parcequetuestrèscupideettrèsaveugle,

tuasprispourunedatte.Étantdonnéquel’espritdeLuqmânestlaroseraiedeDieu,commentle

pieddesonespritserait-ilblesséparsonépine?Cetteexistencequisenourritderoncesestpareilleàunchameau,etsur

cechameauestmontéundescendantdeMustaphâ.

Page 220: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Ôchameau,surtondosestunsacderosesdontleparfumafaitnaîtrecentroseraiesdanstonsein.Tonpenchantestverslesbuissonsderoncesetlesable:jemedemande

quellesroncestucueillerassurdesroncesvaines?Ô toi, quidans taquête as erréd’un lieuà l’autre, combiende temps

répéteras-tu:«Où?Oùsetrouvecetteroseraie?»1970 Tantquetun’auraspasretirécetteépinedetonpied,tonœilrestera

aveugle:commenttrouverais-tutonchemin?L’hommequi n’est pas contenu dans cemonde devient caché dans la

pointed’uneépine!Mohammadestvenupourcréerl’harmonie;(ildisait:)«Parle-moi,ô

Humayrâ,parle!»ÔHumayrâ,placeleferàchevaldanslefeuafínque,grâceàtonferà

cheval,cettemontagnedevienneembraséecommedesrubis.«Humayrâ»estunnomauféminin,etlesArabesnommentl’espritau

féminin.Mais peu importe que l’esprit soit au féminin : l’Esprit n’a rien de

communavecl’hommeetlafemme.Ilestplushautquelefémininetlemasculin:cen’estpaslàcetesprit

composédesécheresseetd’humidité.Ce n’est pas cet esprit qui s’accroît en mangeant du pain ou qui est

tantôtcommececi,tantôtcommecela.Cetespritestceluiquicréeladouceur,quiestdoux,etl’essencedela

douceur. Sans douceur intérieure, il n’y a pas de douceur, ô toi qui telaissesséduire!Quand tu es rendu doux par le sucre, il se peut qu’un jour ce sucre

disparaissedetoi;1980 Maislorsquetudeviensdusucregrâceàuneextrêmefidélité,alors

commentlesucreserait-ilséparédusucre?Quandl’amoureuxdeDieuestnourri,del’intérieurdelui-même,avec

unvinpur,laraisondemeureisoléeetperdue:Laraisondiscursiveniel’Amour,mêmesielleparaîtêtresonconfident.Elleestcapableetadesconnaissances,maisellen’estpasmorteàelle-

même ; jusqu’à ce que l’ange soit mort à lui-même, il est un Ahriman(démon).La raison partielle est notre amie en paroles et actions,mais lorsqu’il

s’agitd’extasesspirituelles,ellenesertàrien.Elle ne sert à rien, parce qu’elle n’a pas renoncé à l’existence pour

devenir non existante : puisqu’elle n’est pas morte à elle-même

Page 221: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

volontairement,plusd’unl’estdevenuinvolontairement.L’Esprit est perfection, et Son appel est perfection : Mustaphâ

(Mohammad)avaitl’habitudededire:«Rafraîchis-nous,ôBilâl!« Ô Bilâl, élève ta voix mélodieuse qui vient de ce souffle que j’ai

insufflédanstoncœur,« De ce souffle par lequel Adam fut confondu, et les esprits des

habitantsducielrendusstupides.»Mustaphâdevinthorsdelui-mêmeausondecettevoixmerveilleuse:

saprièrerestainaccomplielanuitduta’rîs*.1990 Ilnelevapaslatêtehorsdecesommeilbéni,jusqu’àcequelemoment

delaprièredel’aubefûtdevenuceluid’avantmidi.Lanuitduta’rîs,sonpurespritobtintleprivilègedebaiserlesmainsen

présencedel’Épousée.L’Amouretl’Espritsonttousdeuxcachésetvoilés:sij’aiappeléDieu

l’Épousée,nevoyezpaslàunefaute.Je serais resté silencieux par crainte de déplaire au Bien-Aimé s’il

m’avaitaccordéuninstantderépit;Mais Il ne cesse de répéter : «Parle !Allons, ce n’est pas une faute,

c’estseulementcequeledestindivinexigedanslemondeinvisible.»La faute réside en celui qui voit partout des fautes : comment le Pur

Espritdel’invisibletrouverait-Ildesfautes?Lafauteneseproduitqueparrapportà lacréature ignorante,nonpar

rapportauSeigneurdeMiséricorde.L’infidélité,elleaussi,estsagesseparrapportauCréateur;maisquand

vousnousl’imputez,c’estunechosepernicieuse.Ets’ilestunefauteconjointeàcentavantages,elleressembleàlatige

deboisdanslacanneàsucre.Tousdeux(tigeetsucre)sontplacésdanslesbalances,parcequetous

deuxsontdouxcommel’âmeetlecorps.2000 Aussin’est-cepasenvainquelesmystiquesontdit:«Lecorpsdes

saintsestpurcommeleuresprit.»Leurs paroles, leur âme, leur forme, tout cela est esprit absolu sans

extériorité.L’esprit de ceux qui les considèrent avec hostilité est seulement un

corps ; comme les points en plus dans le jeu denard, ce n’est là qu’unnom.Celui-là(lecorpsdel’ennemidessaints)estalléenterreetestdevenu

entièrementdelaterre;lecorpsdusaintestallédansleseletestdevenuentièrementpur—

Page 222: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Le sel spirituel grâce auquel Mohammad est plus raffiné quequiconque:ilestpluséloquentqueleHadîthraffiné.Ceselsurvitdanssonhéritage:seshéritierssontavectoi.Recherche-

les!Celui-ci(cethéritierspirituel)estassisenfacedetoi,mais,enréalité,

oùestl’âmequipense«enface»?Si tu imagines que tu as un « au-devant » et un « en arrière », tu es

enchaînéaucorpsetdénuéd’esprit.«Endessous»et«au-dessus»,«au-devant»et«enarrière»sontdes

attributs du corps : l’essence de l’esprit lumineux est sans directionspatiale.Éclaire ta vision avec la pure lumière du Roi. Prends garde à ne pas

t’imaginer,commeceluiquialavuecourte,2010 Quetuesseulementcetêtrevivantdanslapeineetlajoie.Ôtoiquies

non-existence,oùsont«au-devant»et«enarrière»quirelèventdelanon-existence?C’estunjourdepluie:voyagejusqu’àlanuit,nonpasincitéàlefaire

parcettepluie(terrestre),maisparlapluieduSeigneur.

*ArbreduParadis.* Le terme de ta’ris est employé pour les voyageurs qui font halte pour sereposerladernièrepartiedelanuit.

Page 223: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Histoirede‘A’icha(queDieusoitcontentd’elle).Commentelle

interrogeaMustaphâ(Mohammad)(surluilapaixj,disant:«Ilapluaujourd’hui:étantdonnéquetuesalléaucimetière,commentsefait-il

quetesvêtementsnesoientpasmouillés?»

njour,Mustaphâserenditaucimetière: ilaccompagnait labièred’undesesamis.Il remplit de terre sa tombe ; il vivifia sa semence sous la terre. Les

arbressontpareilsàceuxquisontenterrés:ilsontlevéleursmainshorsdelaterre.Ilsfontdescentainesdesignesauxgensetparlentclairementàceuxqui

ontdesoreillespourentendre.Avec une langue verte et de longs doigts, ils racontent des secrets

provenantducœurmêmedelaterre.Enfoncésdanslaterrecommedescanardsayantplongéleurstêtesdans

l’eau, ils sont devenus aussi gais que des paons, alors qu’en hiver ilsétaientsemblablesàdescorbeaux.Si durant l’hiver II les emprisonna (dans la neige),Dieu a fait de ces

«corbeaux»des«paons»(auprintemps).Bien qu’il les ait mis à mort en hiver, Il les a fait revivre grâce au

printempsetleuradonnédesfeuilles.2020 Lessceptiquesdisent:«Sûrement,cettecréationestéternelle:

pourquoil’attribuerions-nousàunSeigneurbienveillant?»Dieu,endépitd’eux,afaitcroîtredesjardinsetdesparterresdedouces

fleursdanslescœursdesesamis.Chaqueroseauseinparfuméparledessecretsdel’Universel.Leur parfum (à la confusion) des sceptiques parcourt le monde et le

voiledudoutesedéchire.Les sceptiques, fuyant le parfum de la rose comme un scarabée ou

commequelqu’unquinesupportepaslebruitdutambour,Feignant d’être occupés et absorbés, détournent leurs regards de la

lumièreetdel’éclair.Ilsdétournentlesyeux,maisiln’yapasd’yeuxlà:l’œilestcequivoit

Page 224: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

unlieusûr.Quand le Prophète revint du cimetière, il alla chez la Siddîqa (« la

sincère»,nomdonnéà‘A’icha)etseconfiaàelle.DèsqueleregarddelaSiddîqatombasurlui,elles’avançaetposala

mainsurlui,Sursonturban,sonvisage,sescheveux,soncol,sapoitrine,sesbras.

2030 LeProphèteluidit:«Quecherches-tuavecunetellehâte?»Ellerépondit:«Aujourd’hui,lapluieesttombéedesnuages.« Je cherche de l’humidité sur tes vêtements, et ne les trouve pas

mouillésdepluie.Commec’estétrange!»LeProphètedit:«Quelchâleas-tuposésurtatête?»Elledit:«Jeme

suisserviedecerida(couverture)quiestàtoipourmecouvrirlatête.»Ildit:«Ôfemmeaucœurpur!C’estpourcelaqueDieuarévéléàtes

yeuxpurslapluiedel’invisible.«Cettepluienevientpasdesnuages : il existed’autresnuagesetun

autreciel.»

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CommentairedesversdeHakîm(Sanâ’î):«Ilestdansleroyaumedel’âmedesdeuxgouvernantle

cieldeceMonde.DanslaVoiedel’esprit,ilexistedesplainesetdeshauteurs,desmontagnesélevéesetdesmers»

e Monde invisible a d’autres nuages, et une autre eau que lesnôtres,ilpossèdeunautreciel,etunautresoleil.Cela n’est perçu que par les élus ; le reste des hommes doute d’une

nouvellecréation52.Ilexisteunepluiequisertànourrir;ilexisteaussiunepluiequisertà

détruire.Lebienfaitdelapluieauprintempsestmerveilleux,maispourlejardin

lapluied’automneestcommeunefièvre.Lapluieprintanièrelerendtendrementflorissant,tandisquecettepluie

d’automnelerendmaladeetfaible.2040 Demême,sachequelefroid,levent,lesoleilproduisentdeseffets

divers;ettrouves-enlaraison.Dans le monde invisible aussi existent ces différentes sortes : gain,

perte,profit,etdommages.CesouffledesAbdâl (saints)provientdeceprintempsspirituel :c’est

delàquecroîtunjardinverdoyantdanslecœuretl’âme.Deleurssouffles,advientàceluiquiacettebonnefortunelemêmeeffet

queceluidelapluieprintanièresurl’arbre.S’ilsetrouvelàunarbresec,necroispasquecedéfautsoitdûauvent

vivifiant.Leventfitsonœuvreetsouffla:celuiquiavaituneâmelechoisitde

préférenceàsonâme.

Page 226: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Surlasignificationdelatradition:«Profitezdelasaison

printanière…»

eProphèteadit :«Prenezgarde,mesamis!Necouvrezpasvoscorpspourlesprotégerdufroidduprintemps.«Carilfaitàvosespritscequeleprintempsfaitauxarbres;maisfuyez

lefroiddeFautomne,carilfaitcequeFautomneafaitaujardinetàlavigne.»Lestraditionalistessesontréférésausensextérieur(decetteparole)et

sesontcontentésdecetteformeextérieure.2050 Cettecatégoriedegensétaientignorantsdel’esprit;ilsvoyaientla

montagne,maisnevirentpaslaminequis’ytrouvait.Au regard deDieu, cet « automne » est l’âme charnelle (nafs) et ses

désirs:laraisonetl’espritsontl’essenceduprintempsetlavieéternelle.Tupossèdes une raison partielle cachée en toi : cherche en cemonde

quelqu’undontlaraisonsoitparfaite.Grâce à sa totalité, ta partie est rendue totale et parfaite : la Raison

universelleestcommeunechaînesurlecoudelachair.Donc,selonl’interprétationjuste,lesensestcelui-ci:lessoufflessaints

sontpareilsauprintempsetàlaviedesfeuillesetdelavigne.Lesparolesdes saints, qu’elles soientdoucesou rudes,ne couvrepas

toncorpspourt’enprotéger,carellessontlesupportdetareligion.Quelesaintparleavecchaleuroufroideur,reçoissesparolesavecjoie:

ainsi tuéchapperasà lachaleuretaufeudelanatureetauxflammesdel’enfer.Sa«chaleur»etsa«froideur»sontlanouvellesaisonduprintempsde

lavie,lasourcedelasincérité,delafoi,duservice,Etantdonnéquelejardindesespritsestvivantgrâceàlui,etquelamer

desoncœurestrempliedecesperles.Des milliers de chagrins oppressent le cœur de l’homme sage, si du

jardindesoncœurmanqueuneseulebrindille.

Page 227: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentlaSiddîqa(A‘icha)(queDieusoitsatisfaitd’elle)interrogeaMustaphâ(Mohammad)(Dieule

bénisseetluidonnelapaix),disant:«Quelestlesenscachéde

lapluied’aujourd’hui?»

2060 aSiddîqadit:«Ôtoiquiescequel’existenceademeilleur,quelleétaitlaraisondelapluied’aujourd’hui?«Était-ceunepluiedemiséricorde,ouétait-ceunemenaceetlajustice

delamajestédivine?« Provenait-elle de la grâce des attributs printaniers, ou du néfaste

attributautomnal?»Ilrépondit:«Cettepluieétaitdestinéeàabrégerlapeinequ’éprouvela

raced’Adampendantlescalamités.«Sil’hommedevaitresterdanscefeu,iladviendraitbiendesruineset

despertes.« Ce monde deviendrait aussitôt désolé : tous les désirs égoïstes

surgiraientdeshommes.»L’oublideDieu,ôbien-aimé,estlesoutiendecemonde:l’intelligence

spirituelleestdupoisonpourcemonde.L’intelligenceappartientàcetautremonde,etquandellel’emporte,ce

mondeestrejeté.L’intelligence est le soleil, et la cupidité la glace ; l’intelligence est

l’eau,etcemonde-cil’ordure.Unpetitfiletd’intelligencecouledecemondedel’au-delà,afinquela

cupiditéetl’envienerugissentpastropencemonde-ci.2070 Sicefiletd’eauprovenantdel’invisibledevaitdevenirplusgrand,ence

monde-cinedemeureraientnivertunivice.Cesujetn’apasdefin.Reviensànotrepointdedépart,àl’histoiredu

ménestrel.

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Findel’histoireduvieuxjoueurdetchengetexplicationdesamorale

eménestrelparquilemondeétaitremplideravissement,grâceàlavoixdequinaissaientdemerveilleusesimaginations,Grâce au chant de qui l’oiseau de l’âme prenait son essor, grâce à la

mélodiedequil’espritétaitbouleversé,Quand le temps eut passé et qu’il fut devenu vieux, de faiblesse, le

faucondesonâmedevintunchasseurdemoucherons.Son dos devint courbé comme le dos d’une jarre de vin, ses sourcils

pendaientau-dessusdesesyeuxcommeunebridedecroupière.Savoix exquise, rafraîchissant l’âme, devint laide et sansvaleur pour

quiconque.La voix qui avait causé la jalousie de Zohra (Vénus) était à présent

commelebraimentd’unvieilâne.Envérité, quellebelle chosey a-t-il qui n’est devenue laide, quel toit

quin’estdevenuuntapis?Exceptélesvoixdessaintsdansleurpoitrine:l’échodeleursouffleest

lasonneriedelatrompette(delaRésurrection).2080 Leurcœurestceluiparlequeltouslescœurssontrendusivres,leurnon-

existenceestcelleparlaquellenosexistencessontrenduesexistantes.Lesaintestl’ambre(aimant)detoutepenséeetdetoutevoix;ilestle

délicedelarévélationetl’inspirationdumystère.Lorsqueleménestrelfutdevenuâgéetfaible,commeilnegagnaitrien,

ildevintendettépouruneseulemichedepain.Ildit:«Tum’asdonnéunelonguevieetunlongrépit:ômonDieu,Tu

asaccordéTesfaveursàunpauvremisérable.«Pendantsoixante-dixannées,j’aicommisdespéchés;cependant,pas

unseuljourTunem’asprivédeTagénérosité.« Je ne puis rien gagner aujourd’hui, je suisTon invité, je jouerai du

tchengpourToi,carjesuisàToi.»Ilpritsontchengets’enallaàlarecherchedeDieujusqu’aucimetière

deMédine,criant:«Hélas!»Ildisait:«JedemandeàDieuleprixdelasoie(pourlescordesdemon

luth)cardansSabontéIIacceptelafaussemonnaie.»Iljoualongtempsdutcheng,puis,pleurant,posasatêtesurlesol;ilfit

dutchengsonoreillerets’étenditsurunetombe.

Page 229: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Le sommeil s’empara de lui ; l’oiseau de son âme s’échappa de sacaptivité;ellelaissatchengetjoueurdetchengets’enfuit.

2090 Elleselibéraducorpsetdelasouffrancedecemondedanslemondespiritueletledomainedel’âme.Là,sonâmechantaitcequiluiétaitadvenu,disant:«Siseulementon

melaissaitdemeurerici,«Heureuseseraitmonâmedanscejardinetceprintemps,enivréepar

cetteplaineetcemystiquechampdetulipes.«Jevoyageraissanstêtenipieds,jemangeraisdusucresanslèvresni

dents,«Lamémoireetlapenséedélivréesdelasouffranceducerveau,jeme

réjouiraisavecleshabitantsduciel.«Les yeux fermés, je verrais unmonde, sansmains je cueillerais les

rosesetlebasilic.»L’oiseau aquatique, son âme, était plongé dans un océan de miel, la

fontainedeJob,pours’yabreuverets’ypurifier,ParlaquelleJob,despiedsàlatête,étaitdélivrédesesmauxetrendu

purcommelalumièredel’aurore.SiceMathnawîétaitaussivastequeleciel,lamoitiédecemystèren’y

pourraittrouverplace.Carl’immensitéducieletdelaterredéchiremoncœurparsapetitesse

(encomparaison).2100 Etlemondequim’aétérévélédanscerêveafaits’ouvrirtoutes

grandesmesailesàcausedecetteétendue.Si ce monde, et la voie qui y mène, étaient manifestes, personne ne

resteraitici-basunseulinstant.L’ordre divin parvenait auménestrel : «Ne sois pas cupide : puisque

l’épineaétéôtéedetonpied,pars.»Tandis que son âme s’attardait là dans l’ample domaine de la

miséricordeetdelabienfaisancedeDieu.

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Commentlavoixdivineparlaà‘Omar(queDieusoitsatisfaitdelui!)alorsqu‘ildormait,disant:«Donneunecertainequantitéd’ordutrésorpublicàl’hommequiest

endormidanslecimetière»

lors,Dieuenvoyaà‘Omarunetellesomnolencequ’ilnepouvaits’empêcherdedormir.Ilfutfrappédestupeur,disant:«C’estlàchoseinconnue.Celavientde

l’invisible,cen’estpassansdessein.»Ilposasatêteetlesommeils’emparadelui.Ilrêvaqu’ilentendaitune

voixveniràluideDieu;sonespritentenditCettevoixquiestl’originedechaquecrietdechaquebruit:envérité,

c’estl’uniquevoix,leresten’enestquel’écho.LeTurcetleKurde,celuiquiparlepersanetl’Arabe,ontentenducette

voix,sansoreilleetsanslèvres.Turcomans, Persans, Ethiopiens, que dis-je ? Le bois et la pierre ont

entenducettevoix.2110 AchaqueinstantprovientdeLuil’appel:Nesuis-jepas(votre

Seigneur53)?etlasubstanceetlesaccidentsdeviennentexistants.Si la réponse «Oui » ne vient pas d’eux, cependant leur venue de la

non-existenceàl’existenceestun«Oui».Ecoute une belle histoire pour expliquer ce que j’ai dit concernant la

sympathiedelapierreetdubois.

Page 231: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentlepilierquigémissaitseplaignitlorsqu’onfabriquaune

chairepourleProphète(surluilapaix!)—carlamultitudeétait

devenuegrandeetdisait:«Nousnevoyonspastonvisagebéniquandtunousexhortes»—et

commentleProphèteetsescompagnonsentendirentcette

plainte,etcommentMustaphaparlaaveclepilierenlangageclair

epilierquigémissaitseplaignaitd’êtreséparéduProphètecommepourraientlefairedesêtresdouésderaison.LeProphètedit:«Ôpilier,queveux-tu?»Lepilierrépondit:«Mon

âmesaigned’êtreséparéedetoi.« Tu t’appuyais surmoi ; à présent, tu t’es enfui loin demoi ; tu as

préparéunendroitpourt’appuyercontrelachaire.»«Désires-tu,dit-il,êtretransforméendattier,afinquelesgensd’Orient

etd’Occidentcueillenttesfruits?«OubienqueDieufassedetoiuncyprèsdansl’autremonde,afinque

turesteséternellementfraisetflorissant?»Ilrépondit:«Jedésireceparquoilaviedemeureàjamais.»Ecoute,ô

insouciant!Nesoispasmoinsqu’unmorceaudebois!LeProphèteenterracepilierdans la terre,afinqu’il ressuscited’entre

lesmorts,commel’humanité,lejourdelaRésurrection,2120 DesortequetupuissessavoirquetousceuxqueDieuaappelésàLui

restentdétachésdetouteœuvredecemonde.Celuidontl’actionetletravailviennentdeDieuobtientd’êtreadmislà

etéchappeauxœuvres(terrestres).Celuiquinecomprendpaslesmystèresspirituels,commentpourrait-il

croireàlaplaintedeschosesinanimées?Ildit«Oui»,nondufondducœur,maispourêtred’accord,decrainte

quelesgensnedisentqu’ilestunhypocrite.S’il n’y avait pas eu des connaissants de l’ordre divin « Sois », cette

doctrineauraitétérejetéedanslemonde.Desmyriadesdeconformistesetdelégalistessontjetésdansl’abîmeà

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caused’uneseulefaute,Carleurconformismeet leurdéductionàpartirdepreuveslogiqueset

toutesleursailesetleursplumesdépendentdel’opinion.Le Démon pervers fait naître en eux un doute : tous ces aveugles

tombentlatêtelapremière.La jambedeceuxqui fontdessyllogismesestdebois ;une jambede

boisesttrèsinfirme,AladifférenceduQutb(lePôle)del’époque,lepossesseurdelavision,

dontlafermetédonneàlamontagnelevertige.2130 Lajambedel’aveugleestunecanne,unecanne,afinqu’ilnetombepas

detoutsonlongsurlescailloux.Le cavalier qui devint la cause de la victoire pour l’armée, qui est- il

pourlesgensreligieux?Celuiquiestdouédevision.Si,à l’aided’unecanne, lesaveugles trouvent lechemin,cen’estque

souslaprotectiondesgensqu’ilsvoientclair.S’iln’existaitpasd’hommesdouésdevisionetderois(spirituels),tous

lesaveuglesdumondeseraientmorts.De la part des aveugles, ne proviennent ni semailles, nimoissons, ni

culture,ninégoce,niprofits.SiDieunevousoctroyaitpaslamiséricordeetlagrâce,leboisdevotre

déductionlogiquesebriserait.Qu’est-ce que cette canne ? Les raisonnements par analogie et la

démonstration.Quileuradonnécettecanne?Celuiquivoittout,etquiestTout-Puissant.Puisque la canne est devenue une arme pour les disputes et l’attaque,

brisecettecanneenpièces,ôaveugle!Ilt’adonnélacannepourquetupuissest’approcherdeLui:aveccette

canne,tul’asfrappé,danstacolère.Ôcompagniedesaveugles,quefaites-vous?PrenezleVoyantcomme

médiateurentreDieuetvous.2140 SaisislepanduvêtementdeCeluiquit’adonnélacanne;considèreles

épreuvesqu’Adamencourutparsadésobéissance.Vois les miracles de Moïse et de Ahmad (Mohammad), comment le

bâtondevintunserpentetlepilierdevintdouédeconnaissance.Dubâtonprovintunserpent,etdupilierungémissement;ilsappellent

cinqfoisparjourparamourpourlaReligion.Si ce goût n’était pas en dehors de l’intellection, comment tous ces

miraclesauraient-ilséténécessaires?Toutcequiestintelligible,l’intellectl’avalesanslapreuveapportéepar

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lesmiraclesetsansdiscussion.CetteVoieintacte,quelaraisonn’acceptepas,estacceptéedanslecœur

dechaqueélu.De même que, par peur d’Adam, le diable et les bêtes sauvages

s’enfuirentdejalousieverslesîles,Demême,parcraintedesmiraclesdesprophètes,lessceptiquessesont

enfoncéssousl’herbe,Afindepouvoirvivredansl’hypocrisieenayantlaréputationd’êtredes

musulmans,etquevousnepuissiezsavoircequ’ilssont.Comme les contrefacteurs, ils enduisent la pièce vile d’argent et y

inscriventlenomduroi.2150 Laformeextérieuredeleursparolesestl’attestationdel’Unitédivineet

lareligiondel’Islam:lesensintérieurestlagrainedel’ivraiedanslepain.Le philosophe n’a pas le courage de prononcer une parole : s’il le

faisait,lavraieReligionleconfondrait.Samain et son pied sont inanimés, et quoi qu’ordonne son esprit, les

deuxsontsoussoncontrôle.Bien que les sceptiques proposent avec leurs langues des raisons de

douter,leursmainsetleurspiedstémoignentcontreeux.

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CommentleProphète(surLuilapaix!)montraunmiracleparlefaitdelaparoledugravierdanslamaind’AbûDjahl(Dieulemaudisse!)etletémoignageapportéparle

gravieràlavéracitédeMohammad(quelabénédictionetlapaixde

Dieusoientsurlui)

1yavaitdescaillouxdanslamaind’AbûDjahl:«ÔAhmad,dit-il,dis-nousvitecequec’est.« Si tu es le Messager de Dieu, qu’est-ce qui est caché dans mon

poing?Parle,puisquetupossèdeslaconnaissancedesmystèresduCiel.»Ildemanda:«Quesouhaites-tuquejefasse?Dirai-jecequesontces

objets,oubiendéclareront-ilsquejesuisloyaletquej’airaison?»AbûDjahl répondit : «Cette seconde chose est plus extraordinaire. »

«Oui,ditleProphète,maisDieuaunplusgrandpouvoirquecela.»Aussitôt, de son poing fermé, chaque caillou se mit à prononcer la

professiondelafoimusulmane.Chacundisait:«Iln’yapasdeDieu»etchacundisait«saufDieu»;

chacunégrenaitlesperlesde«AhmadestleMessagerdeDieu».2160 LorsqueAbûDjahlentenditceladescailloux,danssacolèreillesjetaà

terre.

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Suitedel’histoireduménestreletcommentleCommandeurdescroyants,’Omar(queDieusoitsatisfaitdelui),luitransmitle

messageapportéparlavoixcéleste

evenonsenarrière:écoutezquelétait l’étatduménestrel ;car leménestrelétaitdevenudésespéréparl’attente.LavoixdeDieuparvintà‘Omar:«Ô‘Omar,délivreNotreserviteurdu

besoin.«Nousavonsunserviteurchoisiet trèsestimé ;prends lapeinede te

rendreàpiedaucimetière.« Ô ‘Omar, lève-toi vite et, du trésor public, mets dans tamain sept

centsdinars.« Apporte-les-lui (et dis) : “Ô toi qui es Notre favori, accepte cette

sommemaintenantetexcuse-nous.“Dépense-lapouracheterdelasoie;quandelleseradépensée,reviens

ici.”»Alors‘Omar,parcrainterespectueusedecettevoix,selevad’unbond

afíndepouvoirceindresesreinspourceservice.‘Omarsedirigeaverslecimetière,aveclaboursesouslebras,courantà

sarecherche.Dans tout le cimetière, il courut longtemps : sauf ce pauvre vieil

homme,iln’yavaitpersonne.2170 IIdit:«Cen’estpaslui»,etseremitàcourir.Ildevintépuiséetnevit

quelevieilhomme.Il dit : « Dieu a dit : “Nous avons un serviteur ; il est pur, plein de

mérite,béni.”«Comment un vieux joueur de tcheng serait-il le favori deDieu ?Ô

Mystèrecaché,combienexcellent,combienexcellentes-Tu!»Anouveau,ilsemitàerrerdanslecimetière,commelelionquichasse

auseindudésert.Lorsqu’il fut convaincu qu’il n’y avait personne d’autre que le vieil

homme,ildit:«Maintcœurlumineuxsetrouvedanslesténèbres.»Ilvints’asseoirprèsdeluiaveccentmarquesderespect.‘Omarseprit

àéternuer,etlevieilhommeselevaensursaut.Il aperçut ‘Omar et resta sidéré : il décida de s’en aller et se mit à

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trembler.Il se disait en lui-même : «ÔmonDieu, aide-moi, je T’en supplie !

L’inspecteuresttombésurunpauvrevieuxjoueurdetcheng.»Quand ‘Omar jeta les yeux sur le visage du vieil homme, il le vit

honteuxetpâle.Alors,‘Omarluidit:«N’aiepaspeur,net’enfuispasloindemoi,car

jet’aiapportédebonnesnouvellesdelapartdeDieu.2180 «CombiendefoisDieun’a-t-Ilpasfaitl’élogedetoncaractère,desorte

qu’ilarendu‘Omaréprisdetonvisage?«Assieds-toi auprès demoi et ne fais pas de séparation (entre nous),

afinquejepuissedireàtonoreillelesecretdelafaveurdivine.«Dieut’envoielesalamet tedemandecommenttute trouvesdansta

détresseetteschagrinssansnombre.«Tiens,voiciquelquespiècesd’orpour t’acheterde la soie.Dépense

toutetreviensensuiteici.»Levieilhomme,entendantcela,semitàtremblerdetoutsoncorps,se

mordantlamainetdéchirantsonvêtement.Ilcriait:«ÔDieuquin’apointd’égal!»carlepauvrevieillardétait

éperdudehonte.Après qu’il eut longtemps pleuré et que son chagrin eut passé toutes

limites,illançasontchengsurlesoletlebrisaenmorceaux.Ildit:«ÔtchengquiaétépourmoiunvoilemeséparantdeDieu,ôtoi

quiasétépourmoiunbrigandmecoupantlarouteduRoi,«Ôtoiquiasbumonsangpendantsoixante-dixans,ô toiàcausede

quimonvisageestnoirdehontedevantla(divine)perfection!«ÔDieugénéreuxetfidèle,aiepitiéd’uneviepasséedansl’iniquité!

2190 «Dieum’adonnéuneviedontnulneconnaîtlavaleurdechacundesjourssaufLui.« J’ai dépensémavie, soufflepar souffle ; j’ai consacré toutemavie

auxnotesaiguësetbasses.«Ah !me remémorer lemode et le rythmed’Irâqm’a fait oublier le

momentameroùilfaudraquittercemonde.« Hélas ! par la fraîcheur du zîrafgandmineur*, la semence en mon

cœurs’estdesséchéeetmoncœurestmort.«Hélas!Acausedecesvingt-quatremélodies,lacaravaneestpasséeet

lesoirestvenu.»ÔmonDieu,aide-moicontremoi-mêmequidemandedel’aide;jene

demandejusticeànulautrequ’àceluiquicherchelajustice.Jen’obtiendraipasjusticepourmoi-mêmedequiconque,saufdeCelui

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quiestplusprèsdemoiquemoi-même.Carcefaitd’êtremoi-mêmemevientdeLui,instantparinstant;c’est

pourquoi,quandcelamemanque,jenevoisqueLui.Ainsi,lorsquequelqu’untecomptedel’or,c’estversluiquetudiriges

tonregard,etnonpasverstoi-même.

*L’undesvingt-quatremodesmusicaux.

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Comment‘Omar(queDieusoitsatisfaitdelui!)ordonna(au

joueurdetcheng)dedétournersonregarddel’étapedespleurs,quiest

existencedesoi,versl’étapedel’absorptionenDieu,quiestnon

existencedesoi

lors, ‘Omar lui dit : « Ta lamentation est aussi la marque de taconsciencedetoi-même.

2200 «Lavoiedeceluiquiestpasséau-delàdelaconsciencedesoiestuneautrevoie,carcetteconscienceestunautrepéché.«Laluciditéprovientdelaremémorationdecequiestpassé;lepassé

etl’avenirsontunvoileteséparantdeDieu.«Metsà tousdeuxlefeu;combiendetemps,àcaused’eux,seras-tu

pleindenœuds,commeleney(lepipeau)?«Tantque leneyestpleindenœuds, ilnepartagepas les secrets ; il

n’estpaslecompagnondelalèvreetdelavoix.« Quand tu es à la recherche (de Dieu), tu es absorbé dans cette

recherche;quandtuviensàlamaison,tuesencoreavectoi-même.« Ô toi dont la connaissance est sans connaissance du Donateur de

connaissance,tonrepentirestpirequetonpéché.«Ôtoiquicherchesàterepentird’unétatquiestrévolu,dis,quandte

repentiras-tudecerepentir?«Parfois,tutetournesverslesonaigu,parfoistutecomplaisàpleurer

ettelamenter.»Quand Fârûq (‘Omar) devint un miroir des mystères, l’âme du vieil

hommes’éveilladel’intérieur.Comme l’âme, il devint sans pleurs et sans rire ; son âme charnelle

s’enfuit,etl’autreâmedevintvivante.2210 Alorsuntelémerveillementnaquitenluiqu’illefits’enallerdelaterre

etduciel,Unerechercheetunequêteau-delàde toutequêteet recherche ; jene

puisledécrire:dis-le,situlepeux!Paroles et sentiments au-delà de tous sentiments et paroles— il était

devenunoyédanslabeautéduSeigneurdemajesté,Noyé,maisnondetellefaçonqu’ilyeûtpourluiunedélivrance,ouque

Page 239: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

quelqu’unleconnût,saufl’Océandivin.L’intelligencepartielleneparleraitpasdel’intelligenceuniverselles’il

n’yavaitpasdemandesurdemande.Etant donné qu’arrivent demande après demande, les vagues de cet

Océanparviennentjusqu’ici.Comme l’histoire des expériences spirituelles du vieil homme est

arrivéeàcepoint,levieilhommeetsesétatsspirituelssesontretiréssouslevoile.Levieilhommearetirédelaparoleetdudiscourslepandesarobe;la

moitiédel’histoireestrestéesansêtrecontée.Il convient, pour procurer ce délice et cette joie, de sacrifier des

centainesdemilliersdevies.Danslachassedelaforêtspirituelle,soiscommelefaucon,soiscelui

quisacrifiesavie,commelesoleildecemonde.2220 Lesoleildeshauteursrépandlavie:àchaqueinstant,ilestvideetpuis

rempli.Ô Soleil de la Réalité suprême, répands la vie spirituelle, apporte le

renouveauàcevieuxmonde!L’Âme et l’Esprit viennent de l’invisible dans l’existence humaine,

commeuneeauvive.

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Commentairesurlaprièrededeuxangesquichaquejoureffectuentuneproclamationdanschaque

marché,disant:«ÔDieu,accordeàchaqueprodiguequelquefaveur

enretour!ÔDieu,octroieàchaqueavarequelquefléauenretour!»etVexplicationqueleprodigueestceluiquifaitdesérieuxeffortsdanslaVoiede

Dieu,etnonpasceluiquigaspillesesbienspourdesfinssensuelles

eProphèteadit:«Envued’admonester,deuxangesfonttoujoursuneproclamation,« Disant : “Ô Dieu, fais que les prodigues soient toujours satisfaits,

donne-leur une récompense cent mille fois plus grande pour chaquedirhamqu’ilsdépensent.“ODieu,nedonneauxavaresdecemondequepertesurperte!”»Oh,plusd’unacted’avariceestmeilleurquelaprodigalité:n’accorde

pascequiappartientàDieu,saufsurl’ordredeDieu,Afindepouvoirobtenirenretouruntrésorinfini,etnepasêtrecompté

parmilesinfidèlesQuioffraientdeschameauxensacrificeafinqueleursépéesl’emportent

surMustafâ.Efforce-toi d’apprendre quel est l’ordre deDieu de quelqu’un qui est

uni àDieu : ce n’est pas n’importe quel cœur qui comprend l’ordre deDieu,

2230 Comme,parexemple,l’esclave,l’ennemideDieu,quifaitcequ’ilcroyaitjusteenoctroyantcequiappartenaitauRoiàceuxquiserévoltaientcontreLui.Dans leQor’ân, les imprudents sont avertis que toutes leurs dépenses

sontlacausepoureuxd’unepeineamère.Quel résultatvaproduire l’équitéet la justicedecetennemiauxyeux

duRoi?Lebannissementetladisgrâce.Les chefs de La Mecque, en guerre avec le Prophète, offrirent des

sacrificesdansl’espoird’obtenirlafaveurdivine.

Page 241: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

C’estpour cette raisonque levéritable croyantdit dans saprière, parcrainte:Dirige-nousdansledroitchemin54!Il convient ainsi à l’homme généreux de donner de l’argentmais, en

vérité,lagénérositédel’amoureux,c’estd’offrirsavie.Si tudonnesdupainpour l’amourdeDieu, turecevrasdupain ;si tu

donnestaviepourl’amourdeDieu,turecevraslavie.Si les feuilles du platane tombent, le Créateur lui octroiera la

récompensedesapauvreté.Si, à cause de ta libéralité, nulle richesse ne demeure dans tesmains,

commentlabienfaisancedeDieutelaisserait-elleopprimé?Lorsque quelqu’un sème, sa grange devient vide, mais il y a de

l’abondancedanssonchampdeblé;2240 Ets’illaisselessemencesdanslagrangeetleséconomise,les

charançons,lessourisetlescalamitéslesdétruiront.Ce monde est la négation de la réalité : recherche la réalité dans

l’attestation de Dieu. Ton corps est dénué de réalité, recherche en tonessence.Amène à la mort l’âme animale amère et saumâtre : acquiers l’âme

semblableàunegranderivièredouce.Etsitunepeuxdevenirl’undeceuxquifréquententceSeuil,entends

demoidumoinsl’histoiresuivante.

Page 242: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Histoiredukhalifequi,àsonépoque,surpassaitHâtimdeTayyi’

parsagénérositéetquiétaitsansrival

1 y avait jadis un khalife qui faisait de Hâtim l’esclave de salibéralité.Il avait levé haut l’étendard de la munificence et de la générosité, il

avaitretirédumondelapauvretéetlebesoin.C’étaitunemerdeperles,libéralitépure:sagénérositéallaitdeQâfà

Qâf*.Dans cemonde de poussière, il était le nuage et la pluie : il était le

centreoùlagénérositédeCeluiquidonnetoutsemanifestait.Ses dons faisaient trembler (de honte) l’océan et la mine ; caravàne

aprèscaravanesehâtaientverssalibéralité.Sa grille et son portique étaient le point vers lequel se tournait le

Besoin:lerenomdesamunificenceavaitétéloindanslemonde.2250 PersansetGrecs,TurcsetArabesétaientremplisdestupeurdevantsa

munificenceetseslargesses.Ilétait l’Eaude laVieet l’Océande lagénérosité ;par lui,Arabeset

étrangersétaientrendusàlavie.

*Montagnemythique,symboled’unlieulointain.

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HistoiredupauvreArabedudésertetdesaquerelleavecsafemmeàcausedeleurpauvretéetmisère

nenuit, une femmebédouinedit à sonmari—et elle parla sanslimites:« Nous souffrons de cette pauvreté et misère : tout le monde est

heureux,nousseulssommesmalheureux;« Nous n’avons pas de pain, notre assaisonnement est l’angoisse et

l’envie:nousn’avonspasd’aiguière,notreseuleeauestcelledeslarmesdenosyeux.«Notrevêtementlejourestlesoleilbrûlant;lanuit,notrelitetnotre

couverture,cesontlesrayonsdelune.«Nous imaginons que le disque de la lune est un pain rond, et nous

levonsnosmainsversleciel.«Lespluspauvresonthontedenotrepauvreté;lejouresttransformé

ennuitparnotreangoissepourlepainquotidien.« Parents et étrangers en sont venus à nous fuir ; comme lesSâmiri*

fuientleshommes.«Sijesuppliequelqu’undemedonnerunepoignéedelentilles,onme

dit:“Tais-toi,mortetpeste.”2260 «LesArabess’enorgueillissentdecombattreetdedonner:toi,parmi

lesArabes,tuescommeunefauted’écriture.« Quel combat mener ? Nous sommes tués sans combattre, nous

sommesrendusdésemparésparleglaivedubesoin.« Quels cadeaux donner ? Nous sommes continuellement dans la

mendicité,nouségorgeonslemoustiquedansl’air.« Si un hôte arrive, aussi vrai que je suis moi, je lui déroberai son

manteaurapiécéquandildormirapendantlanuit.

*Magiciens(cf.Qor’ân,XX,85,95-97).

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Commentlesdisciplessonttrompésdansleurbesoinpardesimposteurs

etimaginentqu’ilssontdessheikhs,despersonnagesvénérables

etdessaintsunisàDieu,etneconnaissentpasladifférenceentrelefait(naqd)etlafiction(naql)et

entrecequiestliéetcequiagrandi

ourcette raison, les sagesontdit, enconnaissancedecause : “Ilfautdevenirl’hôtedeceluiquioctroiedesbienfaits.”« Tu es le disciple et l’hôte de celui qui, par sa malhonnêteté, te

dépouilledetoutcequetuas.« Il n’est pas fort, comment te rendrait-il fort ? Il ne donne pas la

lumière,ilterendobscur.«Étantdonnéqu’ilnepossèdepaslalumière,commentens’associant

avecluid’autrespourraient-ilsacquérirdeluilalumière?«Ilestsemblableàunoculisteàdemi-aveugle:quepeut-ilmettredans

lesyeux,sauflalaine*?«Tel estnotreétatdans lapauvreté et l’affliction :puisseaucunhôte

n’êtreleurréparnous.2270 «Situn’asjamaisvuunefaminededixannéessousuneformevisible,

ouvrelesyeuxetregarde-nous.« Notre apparence extérieure est semblable à la réalité intérieure de

l’imposteur:lecœurpleindeténèbres,lalangueagile.«IlnepossèdeaucuneffluveouindicedeDieu,maissaprétentionest

plusgrandequecelledeSethetduPèredel’humanité(Adam).« Le Démon ne lui a même pas montré son portrait, cependant

l’imposteurdit:“NoussommesdesAbdâletmêmeplusqu’eux.”« Il a dérobémainte expression utilisée par les derviches, afin d’être

considérélui-mêmecommeunsaintpersonnage.« Dans ses paroles, il critique Bâyazîd ** alors que Yazîd *** aurait

hontedesonexistence.«Ilestdépourvudepainetd’alimentsdelapartduCiel;Dieuneluia

pasjetéunseulos.«Ilaproclamé:“J’aiservilesmets,jesuislekhalifedeDieu,jesuisle

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filsdukhalife.“Soyezlesbienvenus,ôvouslesaffamésaucœursimple,afindevous

rassasieràmatableavecrien.”«Certains, se fondant sur lapromessede “Demain”,ont errépendant

desannéesautourdecetteporte,mais“Demain”n’arrivejamais.2280 «Ilfautunelongueduréepourquelaconscienceintimedel’homme

deviennemanifeste,plusoumoins.«Afinquese révèlesi,au-dessousdumurdesoncorps,se trouveun

trésor****, ou bien si c’est la demeure du serpent, de la fourmi et dudragon.«Quandilestdevenuévidentque(cefauxmaître)n’étaitrien,laviedu

chercheurapassé:àquoiluiaservicetteconnaissance?»

*Jeudemotsentretchachm(«œil»)etpachm(«laine»).**BâyazîddeBastam,célèbresoufïduIXesiècle.*** Fils du khalife ommayyadeMuawiya, meurtrier de Hussein, petit-fils duProphète.****Allusionausymboledutrésorcachésouslesruines(cf.Qor’ân.XVIII).

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Expliquantcommentilarrive,bienquerarement,qu’undiscipleplace

sincèrementsaconfianceenunimposteur,leprenantpourunsaint

personnage,et,grâceàcetteconfiance,atteigneundegré

spiritueldontsonsheikhn‘avaitjamaisrêvé;etquelefeuetl’eau

neluifassentpointdemal,quoiqu‘ilsenfassentàsonsheikh;

maiscelaadvienttrèsrarement

aisiladvient,exceptionnellement,lecasd’undiscipleauquel,enraisondesonillumination,cettefaussetés’avèreprofitable.«Grâceàsonnobledessein,ilparvientàundegréélevé:bienqu’ilait

cruquel’imposteurétaitl’âme,alorsquecen’étaitqu’uncorps.«C’est commeessayerde trouver laqibla au cœurde lanuit : onne

trouvepaslaqibla,maislaprièreestvalable.«L’imposteurmanqued’âmeàl’intérieurdelui-même,maisnous,nous

manquonsdepainàl’extérieur.«Pourquoi dissimuler comme l’imposteur et souffrir des tortures afin

d’avoirunefausseréputation?»

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CommentleBédouinrecommandaàsafemmelapatienceetlui

expliqual’excellencedelapatienceetdelapauvreté

Combien de temps rechercheras-tu le revenu et le bénéfice ? Envérité,quereste-t-ildenotrevie?Laplusgrandepartenestpassée.« L’homme raisonnable ne regarde pas l’augmentation ou lemanque,

cartousdeuxpasserontcommeuntorrent.2290 «Quelaviesoitlimpideouqu’ellesoitunflottrouble,n’enparlepas,

carellenedurepasunmoment.«Danscemonde,desmilliersd’animauxviventheureux,sansangoisse.«Lacolombesurl’arbrerendgrâcesàDieu,bienquesanourriturepour

lanuitnesoitpasencoreprête.«LerossignolchantelagloiredeDieu:“Jemeconfieàtoipourmon

painquotidien,ôToiquirépondsàlaprière.”«Le faucona fait de lamaindu roi le lieude sa joie, et a renoncé à

toutecharogne.«Delamêmemanière,onpeutprendrechaqueanimal,dumoucheronà

l’éléphant : ils sont tous devenus la famille de Dieu ; et quel excellentnourrisseurestDieu!«Tousceschagrinsquisontdansnospoitrinesnaissentdelavapeuret

delapoussièredenotreexistenceetdenosdésirs.«Ceschagrinssontpournouscommeunefauxtranchante:penserque

ceciestainsiouainsiouquecelaestdetellesorteoudetellesorteestunetentationpournous.«Sachequechaquesouffranceestunmorceaudemort:chassedetoi

cemorceaudemort,situenaslemoyen.« Si tu peux échapper à cette part demort, sache que sa totalité sera

répanduesurtatête.2300 «Silapartdemortestdevenuepourtoidouce,sachequeDieurendra

doucelatotalité.«Les souffrancesvenant de lamort sont sesmessagers : ne détourne

pastonvisagedesonmessager,ôinsensé.«Quiconquevitagréablementmeurtpéniblement :quiconquesertson

corpsnesauvepassonâme.« Lesmoutons sont amenés des campagnes : plus ils sont gras, plus

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rapidementilssonttués.«Lanuitestpasséeetl’aubeestvenue,ômonamie;combiendetemps

continueras-tuàparlerdel’or?«Tu as été jeune jadis, et tu étais plus satisfaite ; tu es devenue une

chercheused’or,maisaudébuttuétaisvéritablementdel’or.«Tuétaisunevignefertile:commentes-tudevenueinvendable?«Comment es-tudevenuepourrie alorsque ton fruitmûrit ?Un fruit

devraitdevenirplusdoux,etnonsedégrader.«Tuesmafemme : l’épousedoitêtredemêmequalité (que l’époux)

afinqueleschosesmarchentbien.«Lecouplemariédoits’accorder:regardeunepairedesouliersoude

bottes.2310 «Sil’undessouliersesttropétroitpourlepied,lapairen’estd’aucune

utilitépourtoi.«As-tujamaisvuunbattantdeportepetitetl’autregrand,ouunloup

appariéauliondelajungle?«Unepairedesacssurunchameaunes’équilibrepasconvenablement

lorsqu’undesdeuxestpetitetl’autredetaillenormale.«Jemarched’uncœurfermeverslecontentement,pourquoitelivres-tu

auxinjures?»Decettemanière, cethommeheureux,mûpar la sincérité et l’ardeur,

parlaàsafemmejusqu’àl’aube.

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Commentlafemmeconseillasonmari,disant:«Neparleplusde

tonmériteetdetonrangspirituel.Pourquoidis-tucequetunefaispas55?Car,bienquecesparoles

soientvraies,cependanttun‘espasencoreparvenuaudegrédela

confianceenDieu;etparlerainsiau-dessusdeta«station»etdetapratiquereligieuseestnuisibleet

extrêmementhaïssableauxyeuxdeDieu»

a femmecriavers lui,disant :«Ô toiqui faisde la réputation tareligion,jen’avaleraipaspluslongtempstesmensonges!«Ne dis pas de sottises dans ta présomption et ta prétention : va, ne

parlepasavecorgueiletarrogance.« Combien de temps prononceras-tu des phrases joyeuses et

artificielles?Considèretespropresactionsetsentiments,etsoisremplidehonte.«L’orgueilestlaid,etd’autantpluslaidchezlesmendiants:àl’instar

devêtementsmouillésquandlejourestfroidetneigeux.«Combiendetempscetteprétention,cebavardageetcettevanité,ôtoi

dontlamaisonestcommelamaisondel’araignée?2320 «Quandas-tuilluminétonâmeparlecontentement?Ducontentement

tun’asapprisquelenom.«LeProphèteadit:“Qu’est-cequelecontentement?Untrésor.”Tune

peuxdistinguerlegaindelapeine.« Ce contentement est le trésor de l’âme ; ne te vante pas (de le

posséder),ôtoichagrinetdouleurdemonâme,« Ne m’appelle pas ta compagne, ne m’enlace pas tant. Je suis la

compagnedelajustice,nondelafraude.«Commenttepromènes-tuavecl’émiretlebey,quandtuégorgespour

tenourrirlasauterelledansl’air?«Tu tedisputesunosavec leschiens, tugémiscommeun roseauau

ventrevide.«Nemeregardepasavecunfroidmépris,situneveuxpasquejedise

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cequisedissimuleentoi.« Tu considères ton intelligence supérieure à la mienne : comment

m’as-tuvueinférieureenintelligence?«Nebondispassurmoicommeunloupinconscient.Oh!Mieuxvaut

êtresansraisonquelemalheurd’avoirtaraison.«Etantdonnéque ta raisonestunechaînepour leshommes, cen’est

paslaraison,c’estunserpentetunscorpion.2330 «QueDieusoitl’ennemidetatyrannieetdetaruse.Puisselarusedeta

raisonnepasnousatteindre!«Tuesàlafoisleserpentetlecharmeurdeserpents.Oh!merveille!

Tu es à la fois le chasseur de serpents et le serpent, ô toi honte desArabes!«Silecorbeauconnaissaitsaproprelaideur,dechagrinetdedouleuril

fondraitcommelaneige.« Le charmeur chante comme un ennemi : il jette un sortilège sur le

serpent,etleserpentjetteunsortilègesurlui.« Si son piège n’était pas un sortilège pour le serpent, comment

deviendrait-illaproiedusortilègeduserpent?« Le charmeur de serpents, par désir de gagner de l’argent, n’est pas

conscientàcemomentdusortilègeduserpent.«Leserpentdit:“Ômagicien,prendsgarde,prendsgarde.Tuasvuta

propremagie:voisàprésentlamienne.“TumeleurresavecleNomdeDieu,afindem’exposeràlahonteetà

laconfusion.“C’est leNomdeDieuquim’a séduit, non ton artifice.Tu as fait du

NomdeDieuunpiège:malheuràtoi!“LeNomdeDieumevengeradetoi:jeconfiemonâmeetmoncorps

auNomdeDieu.2340 “Oubienilcouperalaveinedetavieparmoncoup,oubienil

t’emmèneraenprison,commejelesuis.”»Lafemme,avecdeduresparolesdecettesorte,parlainterminablement

àsonjeuneépoux.

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Commentl’hommeconseillasafemme,disant:«Neregardepaslepauvreavecmépris,maisconsidèrel’œuvredeDieucommeparfaiteet

nelaissepastapenséeettonopinionvainesdetapropremisère

tefaireraillerlapauvretéetinsulterlespauvres»

femme, dit-il, es-tu une femme ou une cause de chagrin ? Lapauvretéestmafierté:cessedem’attaquer.«Larichesseetl’orsontcommeunbonnetsurlatête:c’estl’homme

chauvequiseprotègeavecsonbonnet.«Maisceluiquiadescheveuxbeauxetbouclésestplusheureuxquand

iln’aplusdebonnet.« L’homme de Dieu ressemble à l’œil : c’est pourquoi sa vision est

meilleuredévoiléequecouverte.«Quandunmarchandd’esclavesenoffreàlavente,ilretireàceluiqui

estsainlevêtementquicachelesdéfauts.«Mais si l’esclave présente undéfaut, pourquoi le déshabillerait- il ?

Non,iltrompel’acheteuraumoyenduvêtement.“Celui-ci, dit-il, a honte du bien et du mal : le déshabiller le ferait

s’enfuirloindetoi.”«Lerichemarchandestplongédanslevicejusqu’aucou,maisilade

l’argent,etl’argentcachesonvice,2350 «Carenraisondelacupidité,nulenvieuxnevoitsonvice:les

sentimentsdecupiditésontunlienunissantlescœurs.« Et si un mendiant prononce une parole semblable à l’or pur de la

mine,samarchandiseneparviendrapasàlaboutique.« Ce qui concerne la pauvreté (spirituelle) est au-delà de ta

compréhension:neregardepaslapauvretéavecmépris,«Car les derviches sont au-delà de la propriété et de la richesse : ils

possèdentunepartabondantevenantduTout-Puissant.« Le Dieu Très-Haut est juste, et comment ceux qui sont justes se

comporteraient-ilsdefaçontyranniqueàl’égarddesmisérables?« Comment pourraient-ils octroyer biens et fortune à celui-ci, tandis

qu’ilsmettentcelui-làdanslefeu?

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« Le feu le brûle parce qu’il a cette pensée (mauvaise) au sujet duSeigneurquiacréélesdeuxmondes.«Laparole“Lapauvretéestmafierté”est-ellevaineetfausse?Non;

cesontlàdesmilliersdegloiresetdedédains.«Danstacolère,tuasdéversésurmoidessobriquets:tum’asappelé

untrompeurd’amisetunchasseurdeserpents.«Sij’attrapeunserpent,jeluienlèvesescrochets,afindelepréserver

d’avoirlatêteécrasée.2360 «Parcequecescrochetssontunennemipoursavie,jefaisdel’ennemi

unamigrâceàcetteadresse.« Je ne récite jamais de sortilèges par cupidité : j’ai complètement

vaincucettecupidité.«Dieumegarde!Jenedésireriende lapartdescréatures :grâceau

contentement,unmondehabitemoncœur.« Toi qui te trouves en haut du poirier* tu vois les choses ainsi :

descendsdel’arbre,afinquetesmauvaisespenséesnepersistentpas.«Quandtutournesettournesetdeviensétourdi,tuvoisquelamaison

tourne,alorsquec’esttoiquitournes.»

*AllusionàunehistoireduLivreIV,358etsqq.

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Expliquantquel’actiondechacunprovientdel’endroitoùilse

trouve,desortequ‘ilvoittouslesautresàpartirducercledesa

propreexistence:unverrebleufaitvoirlesoleilbleu,unverrerouge,

rouge;maisquandleverreéchappeàlacouleur,ildevient

blanc,etalorsilestplusfidèlequetouslesautresetdevient

lemodèledetous

bûDjahlvitAhmad(Mohammad)etdit:“C’estunevilainefigurequiprovientdesfilsdeHâshim!‘’« Ahmad lui dit : “Tu as raison, tu as dit la vérité, bien que tu sois

impertinent.”«LeSiddîq(AbûBakr)levitetluidit:“ÔSoleil,tun’esnid’Orient,

nid’Occident:brillemagnifiquement!”«Ahmaddit:“Tuasditlavérité,ôcherami,ôtoiquiaséchappéàce

mondedunéant.”«Ceuxquiétaientprésentsdirent :“Ôroi,pourquoi lesas-tudéclarés

tousdeuxvéridiquesalorsqu’ilssecontredisaient?”2370 «Ilrépondit:“Jesuisunmiroirpoliparlamaindivine:leTurcet

l’Indiencontemplentenmoicequiexisteeneux-mêmes.”«Ômonépouse,situmeconsidèrescommetrèsenvieux,élève-toiau-

dessusdecessoucisféminins.« Mon état ressemble à la cupidité, mais, en réalité, c’est une

miséricordedivine:làoùsetrouvecettebénédiction,oùestlacupidité?«Faisl’épreuvedelapauvretéunjouroudeux,afindepouvoirtrouver

danslapauvretéunerichessedouble.«Soispatienteaveclapauvretéetrenonceàcedégoût,parcequedans

lapauvretéilyalalumièreduSeigneurdegloire.« Ne sois pas amère, et tu verras des milliers d’âmes plongées, de

contentement,dansunemerdemiel.« Contemple des centaines de milliers d’âmes en proie à d’amères

souffrancesplongéesdanslesiropderose,commelarose.«Oh!siseulementtupouvaiscomprendre,desortequelerécitquetait

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moncœurpuissebrillerentoiàpartirdemonâme.«Cediscoursestdulaitdansletétondel’âme:ilnecoulerapasbien

sansquelqu’unquitète.«Quand l’auditeurestdevenuassoifféet en recherche, leprédicateur,

mêmes’ilestcommemort,devfentéloquent.2380 «Quandl’auditeurestfraisetdispos,lemuettrouveracentlangues

pourparler.«Quandunétrangervientàmaporte,lesfemmesduharemsecachent

derrièreunvoile;«Maissiunparentinoffensifentre,cellesquiétaientcouverteslèvent

lesvoilesdeleursvisages.«Toutcequiestbeau,joli,ravissantestfaitpourl’œildeceluiquivoit.«Comment le sonde lamélodie, desnotes aiguësoubasses, serait-il

pourl’oreilleinsensibledeceluiquiestsourd?«Cen’estpas envainqueDieua rendu lemuscparfumé : Il l’a fait

pourl’odorat,Ilnel’apasfaitpourceluidontlesnarinessontmalades.«Dieuafaçonnélaterreetleciel,Ilaélevéenleurseinbeaucoupde

feuetdelumière.«Ilafaitcetteterrepourceuxquisontcréésd’argile,etlecielcomme

demeuredesêtrescélestes.« L’homme entaché de bassesse est l’ennemi de ce qui est élevé : le

chercheurdechaquelieu(CielouEnfer)estmanifeste.«Ôfemmechaste,t’es-tujamaislevéeetparéepourquelqu’unquiest

aveugle?2390 «Sijeremplissaislaterredeperlescachées(desagesse)àquoicelame

servirait-ilpuisqu’ellesnesontpaspourtoi?«Ômafemme,renonceàladisputeetàlaquerelle;etsituneleveux

pas,alorsquitte-moi!«Qu’ai-jeàfairedemedisputeraveclebienoulemal?Carmoncœur

sedérobemêmeauxactionspacifiques.«Situgardeslesilence,c’estbien,etsinon,jeferaiensortedequitterà

l’instantmamaisonetmonfoyer.»

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Commentlafemmeacceptalesdiresdesonmari,etpriaDieudeluipardonnersespropresparoles

uand la femmevit qu’il était furieux et impossible à convaincre,ellesemitàpleurer.Envérité,leslarmessontl’artificedelafemme.Elle dit : « Quand ai-je imaginé de telles paroles de ta part ? Je

souhaitaisdetoiquelquechosededifférent.»Lafemmesemitàs’humilierelle-même:«Jesuistapoussière,disait-

elle,jenesuispasdigned’êtretonépouse.«Corpsetâmeettoutcequejesuissontàtoi;l’autoritéetlepouvoir

t’appartiennententièrement.«Si,enraisondelapauvreté,moncœuraperdupatience,cen’estpas

pourmoi,maispourtoi.«Tuasétémonremèdedans l’affliction: jedésirequetunesoispas

dansl’indigence.2400 «Surmonâmeetconscience,cecin’estpasàcausedemoi-même:ces

plaintesetcesgémissementssontàcausedetoi.«JejureparDieuqu’àchaquemomentjemourraisvolontierspourtoi

devanttoi.« Si seulement ton âme, à laquelle mon âme est dévouée, était

conscientedespenséeslesplusintimesdemonâme!«Puisquetuasunesimauvaiseopiniondemoi, jesuisdevenuelasse

d’âmeetdecorps.«Quem’importent l’or et l’argent, puisque tu te conduis ainsi àmon

égard,ôréconfortdemonâme!« Toi qui demeures dans mon âme et mon cœur, t’éloigneras-tu

tellementdemoi?«Éloigne-toidonc,cartuenaslepouvoir.Maismonâmeplaidecontre

tonéloignement.« Souviens-toi du temps où j’étais pareille à une idole, et toi tel

l’idolâtre.«Tonesclaveaattisélefeudesoncœurpourtecomplaireàtelpoint

qu’ilaétébrûlé.«Quellequesoitlafaçondonttum’accommodes,jet’appartiens;que

tusoisaigreoudoux,celaconvient.2410 «J’aiprononcéunblasphème:voiciquejereviensàlavraiefoi;jeme

Page 256: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

soumetsdetoutemonâmeàtesordres.« Je ne connaissais pas ta nature royale ; j’ai fait courir mon cheval

devanttoiavectémérité.«Puisquejemesuisfaitunflambeaudetamiséricorde,jemerepens,je

renonceàl’opposition.«Jeplacedevanttoil’épéeetlelinceul;jecourbemoncoudevanttoi:

frappe!«Tuparlesdeséparationamère:faiscequetuveux,maispascela.«Entoi-même,ilyaunintercesseursecret;mêmeenmonabsence,il

intercèdeperpétuellementpourmoi.«Cequiplaideàl’intérieurdetoi-mêmepourmoiesttanature;c’està

causedemaconfianceenellequemoncœuracherchéàpécher.«Aiepitiédemoi, ô toiquine te connaispas toi-même,ô toiqui es

irrité,ôtoidontlanatureestmeilleurequecentman*demiel.»Decettemanière,elleparlaitgracieusementettendrement;cependant,

unecrisedelarmesluiadvint.Quand les larmes et les sanglots eurent dépassé toutes limites, venant

d’ellequiétaitravissantemêmesanspleurs,2420 Unéclairjaillitdecettepluiequijetauneétincelledefeudanslecœur

del’hommesolitaire.Elle,parlebeauvisagedequil’hommeestrenduesclave,qu’ensera-t-

ilquandellesecomportecommeuneesclave?Elledont l’arrogance fait trembler les cœurs, comment seras-tuquand

elletomberaenpleurantdevanttoi?Elledontledédainfaitsaignertoncœurettonâme,commentseras-tusi

ellerecourtàlasupplication?Elledontlatyrannieetlacruauténouscapturent,quelargumentaurons-

nousquandellesemettraàplaider?L’amour des biens convoités est présenté aux hommes sous des

apparences belles et trompeuses56. Dieu a arrangé cela : commentpeuvent-ilséchapperàcequeDieuaarrangé?Étant donné qu’il a créé la femme pour que l’époux repose auprès

d’elle57,commentAdampeut-ilêtreséparéd’Eve?Mêmesil’épouxestRostam,filsdeZâl,etplusgrandqueHamzaence

quiconcernel’autorité,ilestleprisonnierdesavieilleépouse.Le Prophète, aux paroles de qui le monde tout entier obéissait, avait

coutumedes’écrier:«Parle-moi,ôHumayrâ.»L’eauéteintlefeuàcausedelacraintequ’illuicause;maislefeufait

Page 257: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

bouillirl’eauquandelleestcachée.2430 Lorsqu’unchaudrons’interposeentreeux,ôroi,lefeuannihilel’eauet

latransformeenair.Siextérieurementtudominestafemme,commel’eauquiéteintlefeu,

intérieurementtuesdominépartonépouseetrecherchessonamour.Cecicaractériseseulementl’homme:l’amourmanqueauxanimaux,et

celaprovientdeleurinfériorité.

*Mesuredepoids(3-5kg).

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Explicationdelaparoleprophétique:«Envérité,les

femmesl’emportentsurl’hommesage,etl’hommeignorant

l’emportesurelles»

eProphèteaditquelafemmel’emporteinfinimentsurleshommessagesetintelligents.Tandisqueleshommesignorantsl’emportentsurlafemme,careneux

laférocitédel’animalestemprisonnée.Ils sont dénués de tendresse, de bonté et d’affection, parce que

l’animalitél’emportesurleurhumanité.L’amour et la tendresse sont des qualités humaines ; la colère et la

luxuresontdesqualitésanimales.La femme est un rayon de Dieu, elle n’est pas cette bien-aimée

terrestre:elleestcréature,pourtantilsemblequ’ellenesoitpascréée.

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Commentl’hommecédaàlademandedesafemmedechercher

desmoyensdesubsistanceetconsidérasonoppositioncomme

uneindicationdivine

ers : Pour l’esprit de tout homme sage, c’est un fait qu’avecchaqueobjetquitourneilyaquelqu’unquilefaittourner.L’hommedevintaussiaffligéparsesparolesqu’àl’heuredelamortun

officiertyranniquel’estpoursatyrannie.Ildit:«Commentsuis-jedevenul’adversairedecellequiestl’âmede

mavie?»2440 QuandleDestinarrive,iltroublelavue,desortequenotreraisonne

peutpasdistinguerlepieddelatête.DèsqueleDestinestpassé,laraisonsedéchireelle-même:déchirantle

voile,ellesedéchirelesein.L’homme dit : « Ô ma femme, je me repens, et j’ai été impie ; je

deviendraimaintenantmusulman.«J’aipéchécontretoi,aiepitiédemoi,nemedétruispastotalement.»Si l’infidèle se repent, il devient musulman quand il implore son

pardon.Dieu est leSeigneur compatissant et généreux ; l’existence et la non-

existencesonttoutesdeuxéprisesdeLui.L’impiété et la foi sont toutes deux amoureuses de cette Majesté, le

cuivrecommel’argentsontesclavesdecettePierrephilosophale.

Page 260: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

ExpliquantcommentMoïseetPharaonsonttousdeuxsoumisàlaVolontédivine,commel’antidoteetlepoison,l’obscuritéetlalumière,etcommentPharaonparladanslasolitudeavecDieu,Lepriantdene

pasdétruiresadignité

oïseetPharaonétaient les serviteursde laRéalité suprême,bienqu’enapparence lepremiersuive lavoiedroite, tandisque lesecondestégaré.Durant le jour,Moïse suppliait Dieu ; àminuit, Pharaon semettait à

pleurer,Disant:«ÔmonDieu,qu’est-cequecettechaînesurmoncou?Sice

n’étaitcettechaîne,quidirait:“Jesuismoi”?2450 «CeparquoituasrenduMoïseilluminé,c’estparcelamêmequeTu

m’asplongédanslesténèbres.«CeparquoiTuasrendulevisagedeMoïsepareilàlalune,parcela

Tuasrendulalunedemonâmeéclipsée.«Monétoilenevalaitpasmieuxqu’une lune :puisqu’elleasubiune

éclipse,quelsecourspuis-jeavoir?«Sil’onbatdutambourenmonhonneurentantqueSeigneuretSultan,

c’est comme lorsque la luneest éclipséeetque lepeuple frappe surdesbolsdemétal.«Ilsfrappentcesbolsetfontdutumulte, ilsfonthonteà la luneavec

leurscoups.«Moi,quisuisPharaon,oh!malheuràmoiàcausedecequefait le

peuple:m’appeler“MonSeigneursuprême”estpareilauxcoupssur lesbols.«NoussommesTesserviteurs,maisTahachecoupelesrameauxpleins

desèvedansTaforêt.«Parelle,unrameauestplantésolidement,etunautreabandonnésans

soin.«Lerameauestimpuissantcontrelahache:nulrameaun’aéchappéà

lapuissancedelahache.«JeT’implore,parlavéritédelapuissancequiappartientàTahache,

redresse,parTagrâce,nosactions.»

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2460 Anouveau,Pharaonseditàlui-même:«Oh,quellemerveille!Nesuis-jepastoutelanuitoccupéàcrier:“ÔnotreSeigneur!”«Ensecret,jedevienshumbleetharmonieux:puisquej’atteinsMoïse,

qu’est-cequejedeviens?«Ladorurede l’or estdéposéeen six couches : commentdevientelle

noircieenprésencedufeu?«Moncœuretsoncœurnesont-ilspassousSoncontrôle,detellesorte

qu’àunmomentIIfaitdemoiunnoyau,àunautremomentuneécorce?«Quand Ilm’ordonned’êtreunchampdeblé, jedeviensverdoyant ;

quandIlm’ordonned’êtrelaid,jedeviensjaune.« A unmoment, Il fait demoi une lune, à un autre Il me rend noir.

Comment,envérité,l’actiondeDieuest-elleautrequecela?»SouslacrossedeSonordreSois,etcelafut,nouscouronsdansl’espace

etau-delàdel’espace.Depuis que l’absence de couleurs (l’Unité) est devenue captive de la

couleur(lamanifestation),unMoïseestdevenul’adversaired’unMoïse.Quand tu parviens à l’absence de couleurs que tu avais à l’origine,

MoïseetPharaonsontréconciliés.Si tu veux poser des questions au sujet de ce mystère : comment ce

mondedelacouleurserait-ildénuédecontradictions?2470 Lamerveille,c’estquelacouleurestvenuedecequiestsanscouleur:

commentlacouleurenest-ellevenueàcombattrecequiestsanscouleur?Étantdonnéquel’huileaétéforméeàpartirdel’eau,pourquoil’huile

etl’eausont-ellesdevenuesopposées?Puisquelarosenaîtdel’épine,etl’épinedelarose,pourquoisont-elles

toutesdeuxenconflitetquerelle?Oubienn’est-cepasvéritablementuneguerre?Est-ceundesseindivin

etunartifice,commelesdisputesdeceuxquivendentdesânes?Oubienn’est-ceniceci,nicela?Est-ce laperplexité?Le trésordoit

êtrecherchéetcettestupeurestlaruine(oùilestcaché).Cequetuimaginesêtreletrésor—àcausedecettevaineimagination,

tuleperds.Sacheque les imaginations et les opinions sont à l’instar de cequ’on

cultive:onnetrouvepasdetrésordanslesendroitscultivés.Dans l’état de culture, il y a l’ existence et la lutte, ce qui est non

existantahontedetoutesleschosesexistantes.Cen’estpasquel’existantaitbesoindunon-existant;non,c’estlenon-

existantquisemanifesteàcausedel’existant.Ne dis pas : « Jem’enfuis loin du non-existant » ; non, c’est lui qui

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s’enfuitloindetoi.Arrête-toi!2480 Enapparence,ilt’appelleverslui,maisintérieurementiltechasseavec

unetrique.Ô homme à l’esprit raisonnable, c’est là un cas de sabots inversé* :

sachequelarévoltedePharaonprovenaitenréalitédeMoïse.

*Allusion à l’ habitude des brigands de ferrer leurs chevaux à l’ envers pourtromperlespoursuivants.

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Laraisonpourlaquelleceuxquinesontpasbénissontdéçusparlesdeuxmondes,selonlaparoleil

perdetlaviedecemondeetlaviefuture58

emalheureuxphilosopheétantfermementconvaincuquelecielestunœuf,etquelaterreestcommelejaunedel’œuf,Quelqu’un lui demanda comment la terre demeure, aumilieude cette

étenduedecielquil’entoure,Suspenduedansl’aircommeunelampe,n’allantniverslebas,nivers

lehaut.Le philosophe lui dit : « Elle reste en l’air en raison de l’attraction

exercéeparlecielàpartirdessixdirections.«Lecielestcommeunevoûted’aimant:laterre,commeunmorceau

defer,restesuspendueaumilieu.»L’autredemanda:«Commentlecielpurpourrait-ilattireràluilaterre

noire?«Non, il la repousse de toutes les six directions ; ainsi, elle demeure

suspendueaumilieudescourantsviolents.»Demême,enraisondelarépulsionexercéeparlescœursdeshommes

parfaits,lesespritsdesPharaonsdemeurentdanslaperdition.2490 C’estpourquoi,étantrejetésparcemonde-cietparcemonde-là,ces

hommesperdusontétélaisséssansl’unnil’autre.Si vous vous écartez des saints serviteurs du Tout-Puissant, sachez

qu’ilssontdégoûtésparvotreexistence.Ils possèdent l’ambre : quand ils lamontrent, ils rendent la paille de

votreexistenceaffolée(dedésir).Quand ils cachent leur ambre, ils transforment bien vite votre

soumissionenrévolte.Ceci est comparable à l’état de l’animal, qui est captif et soumis à

l’homme.Sache que le degré de l’humanité est soumis au pouvoir des saints

commel’animalestsoumisàl’homme,ômaître.Ahmad(Mohammad)avecjustesseappelaitlescréaturessesserviteurs.

Lislaparole:Dis,ômesserviteurs59.Tonintelligenceestcomparableauchamelier,ettueslechameau:elle

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teconduitdanschaquedirectionavecsondurpouvoir.Lessaintssontl’intelligencedel’intelligence,ettouteslesintelligences,

ducommencementàlafin,sontsousleurcontrôle,commedeschameaux.Viens,regarde-lesavecconsidération;iln’yaqu’unseulguideetcent

milleâmes(àsasuite).2500 Quelestleguide,etquelestlechamelier?Acquiersunœilquipuisse

contemplerleSoleil!Envérité, lemondeaétéabandonné,clouédans lanuit, tandisque le

jourattendimpatiemment,dépendantdusoleil.Voiciunsoleilcachédansungraindepoussière,unlionférocesousla

toisond’unagneau.Voiciunocéancachésouslapaille:prendsgarde,neposepaslepied

surlapailleenhésitant.Maisunsentimentd’hésitationetdedoutedanslecœurdesinsensésest

uneMiséricordedivineencequiconcerneleguide.Chaqueprophèteestvenuseulencemonde:ilétaitseul,etpourtantil

avaitenlui-mêmecentmillemondesinvisibles.Par son pouvoir, il enchanta le macrocosme, il s’enferma lui- même

dansunetrèspetiteforme(microcosme).L’insensé le croyait solitaire et faible : comment serait-il faible, celui

quiestdevenulecompagnonduRoi?L’insensédit:«C’estunhomme,riendeplus.»Malheuràluiquine

voitpaslafin!

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Commentlesyeuxdusens(extérieur)considéraientSâlihetsachamellecommeméprisablesetsansdéfenseur;carlorsqueDieuestsurlepointdedétruireunearmée,Ilfaitapparaîtresesadversaires

commeméprisablesetpeunombreuxàsesyeux,mêmesi

l’adversaireauneforcesupérieure:EtIlvousfaisaitparaîtreàleursyeuxcommepeunombreux,afinqueDieuparachèveundécretqui

devaitêtreexécuté60

achamelledeSâlih semblaitpar la formeêtreunchameau, cettetribubarbarelaprécipitadanssafolie.

2510 Lorsqu’ilsdevinrentsesennemisenraisondel’eau(qu’ellepartageaitaveceux),ilsétaientaveuglésquantaupainetàl’eauaccordésparDieu.LachamelledeDieubuvaitdel’eauprovenantduruisseauetdunuage:

ilsrefusaientàDieul’eaudeDieu.Alors,lachamelledeSâlihdevint,commelescorpsdeshommesjustes,

unpiègepourladestructiondespervers,Afin que vous voyez ce que l’Ordre divin : La chamelle de Dieu,

laissez-la boire61 ! opéra contre ce peuple par un destin de mort et desouffrances.Lavengeance,quiestleministredeDieu,exigead’euxunevilleentière

pourprixdusangd’unseulchameau.L’esprit(duProphèteoudusaint)estcommeSâlih,etsoncorpsestla

chamelle:l’espritestuniàDieu,etlecorpsmisérable.L’espritdeSâlihn’estpassujetauxafflictions:lescoupstombentsurle

chameauducorps,nonsurl’essencedel’esprit.Personne n’obtient la victoire sur les cœurs des saints : le dommage

n’atteintquelacoquilledel’huître,nonlaperle.L’esprit de Sâlih ne peut être blessé : la lumière de Dieu n’est pas

soumiseauximpies.L’Esprit (de Dieu) a attaché à l’esprit le corps terrestre, afin que les

impiespuissentleblesseretsubirdestribulations,

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2520 Nesachantpasqueblessercecorpsc’estLeblesser:l’eaudanscetteaiguièreestreliéeàl’eaudelarivière.Dieuarattachél’espritàuncorps,afinquelui(leProphèteoulesaint)

puissedevenirunrefugepourlemondeentier.Soisl’esclaveduchameau,quiestlecorpsdusaint,afindedevenirle

serviteuretcompagnondel’espritdeSâlih.Sâlihdit(aupeupledeThamûd):«Étantdonnéquevousavezmontré

cetteenvie,aprèstroisjourslechâtimentviendradeDieu.« Après trois jours encore, proviendra de Celui qui ôte la vie une

calamitéquiprésentetroissignes.«La couleur de tous vos visages sera changée, ils seront de couleurs

différentes.«Lepremier jour,vosvisages seront commedu safran, le second, ils

serontrougescommearghawân(fleursdel’arbredeJudée).« Le troisième, tous vos visages deviendront noirs : après cela, la

vengeancedeDieuarrivera.«Sivousdésirezquejevousapporteunsignedecechâtimentquivous

menace,lepetitdelachamelles’estéchappéverslesmontagnes:«Sivousl’attrapez,ilyapourvousdel’aide;autrement,l’oiseaude

l’espoirs’estsûrementenvoléloindupiège.»2530 Personneneréussitàattraperlechamelon:ilalladanslesmontagneset

disparut.Sâlih dit : «Vous voyez, le décret divin a été ratifié et a décapité le

fantômedevotreespoir.»Qui est le petit de la chamelle ? Le cœur du saint, que vous pouvez

regagneraumoyendebonnesactionsetdepiété.Si son cœur revient à vous, vous êtes sauvés du châtiment divin ;

autrement,vousêtesaudésespoir,vousmordantlesmains.Quand ils entendirent cette sombremenace, ils baissèrent les yeux et

attendirent(saréalisation).Le premier jour, ils virent que leurs visages étaient jaunes ; de

désespoir,ilssoupiraientprofondément.Le second jour, leurs visages à tous devinrent rouges : le temps de

l’espoiretdurepentirétaitperdu.Le troisième jour, tous leursvisagesdevinrentnoirs : laprédictionde

Sâlihseréalisasansconteste.Lorsqu’ilsfurenttousrejetésetplongésdansledésespoir,ilstombèrent

àgenoux,commedesoiseaux.Gabriel, l’Esprit loyal, apporta dans le Qor’ân la description de cet

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agenouillement.2540 Agenouille-toiquandlessaintst’enseignentett’ordonnentdecraindre

untelagenouillement.LepeupledeThamûdattendaitlecoupdelavengeance:lavengeance

vintetdétruisitlaville.Sâlih se rendit de sa solitude à la ville : il contempla la cité dans la

fuméeetlachaleur.Il entendit les plaintes venant de leurs membres : la lamentation

s’entendaitclairement,maisceuxquigémissaientétaientinvisibles.Il entendit les gémissements venant de leurs os : des larmes de sang

coulaientdeleursesprits,commelagrêle.Sâlihentenditcelaetsemitàpleurer:ilcommençaàselamenterpour

ceuxquiselamentaient.Ildit:«Ôgensquivivaientdanslavanitéetpourquij’aipleurédevant

Dieu!«Dieum’adit:“Soispatientàl’égarddeleuriniquité:conseilleles,il

nerestequepeudetempspoureux.”«Jedis:“Leconseilestarrêtéparlesmauvaistraitements: lelaitdu

conseiljaillitdel’amouretdelajoie.“Ilsm’ontinfligétantdemauvaistraitementsquelelaitduconseils’est

caillédansmesveines.”2550 «Dieumedit:“Jet’accorderaiunbienfait,jeplaceraiunpansementsur

tesblessures.”«Dieurenditmoncœurclaircommeleciel,ilbalayavotretyranniede

monesprit.«Jerevinsunefoisdeplusvousadmonester,jeparlaienparaboleseten

parolesdoucescommelesucre.« J’aiproduitdu lait fraisàpartirdusucre, j’aimélangédu lait etdu

mielàmesparoles.«Envous,cesparolessontdevenuescommedupoison,parcequevous

étiezremplisdepoisondelatêteauxpieds.«Commentm’affligerais-jequelechagrinsoitinfligé?Vousétiezdela

peinepourmoi,ôpeupleobstiné.« Se lamente-t-on de la disparition de la peine ? S’arrache-t-on les

cheveuxquandlemaldetêteadisparu?»Puisilseretournaverslui-mêmeetdit:«Ôendeuillécesgensnesont

pasdignesdetondeuil.»Récitecorrectement—ne faispasattention simacitationest erronée

(les paroles du Qor’ân) :Comment éprouverais-je de la peine au sujet

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d’unpeupleincrédule62?A nouveau, il sentit des pleurs dans ses yeux et son cœur : une

compassioninvolontairesemanifestaenlui.2560 Ilversaitdeslarmesetilétaitdevenubouleversé—gouttessanscause

del’OcéandelaGénérosité.Saraisondisait :«Pourquoices larmes?Doit-onpleurerpourde tels

moqueurs?« Dis-moi, pourquoi pleures-tu ? Pour leur tromperie ? Pour leurs

innombrableshainesmisérables?«Pour leurscœurs ténébreuxetpleinsde rouille?Pour leurs langues

venimeusespareillesàdesserpents?«Pour leur haleine et leurs dents pareilles à celles d’un chien ?Pour

leursbouchesetleursyeuxremplisdescorpions?«Pourleursdisputes,leursrailleriesetleurssarcasmes?Rendsgrâces

queDieulesaitmisàpart.«Leursmains sont perverses, leurs pieds pervers, leurs yeux pervers,

leuramourpervers,leurpaixperverse,leurcolèreperverse.»Paramourd’unconformismeaveugle,etdesnormesdelatradition,ils

piétinèrentleschameauxdelaRaison,leguidevénérable.Ils ne souhaitaient pas avoir un guide (pîr-khar) : ils étaient tous

devenuscommeunvieilâne(pîr-khar)àforcedecomplaisancehypocriteàl’égarddesyeuxetdesoreillesdesunsetdesautres.Dieu amena les habitants du Paradis afin de pouvoir leurmontrer les

habitantsdel’Enfer.

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SurlasignificationdeIlafaitconfluerlesdeuxmerspourqu’elles

serencontrent;maisellesnedépassentpasunebarrièresituée

entreelles63

2570 ontemplelesgensdestinésauFeuetceuxduParadisdemeurantdanslamêmeboutique;pourtantilsetrouveentreeuxunebarrièrequ’ilsnecherchentpasàfranchir.IlamélangélesgensduFeuetceuxdelaLumière:entreeux,Ilaélevé

lamontagnedeQâf.Il les a mélangés comme la terre et l’or dans la mine : entre eux se

trouventdescentainesdedésertsetdecaravansérails.Ilssontmélangéscommedesperlesetdujaisdansuncollier,devantse

séparercommeleshôtesd’uneseulenuit.Une moitié de la mer est douce comme le sucre : le goût suave, la

couleurbrillantecommelalune.L’autremoitiéestamèrecommeleveninduserpent:legoûtameretla

couleurnoirecommelapoix.Cesdeuxmoitiéssejettentl’unesurl’autre,d’endessousetd’audessus,

vaguesurvague,commel’eaudelamer.L’apparencedecollisionprovenantdelacorporalité limitéeestdueau

faitquelesespritssontmêlésdanslapaixoulaguerre.Lesvaguesdelapaixseprécipitentl’unecontrel’autreetdéracinentles

hainesdescœurs.Sousuneautreforme,lesvaguesdelaguerredétruisentlesamoursdes

hommes.2580 L’amourattireceuxquisontamersversceuxquisontdoux,carle

fondementdetouslesamoursestlaplénitude.Lecourrouxemportecequiestdouxversl’amertume:commentceux

quisontamerspourraient-ilsconveniràceuxquisontdoux?L’amer et le doux ne sont pas visibles à la vision oculaire, mais ils

peuventêtrevusparceuxquivoientdeloin.L’œilquivoit la fin (âkhir) peutvoir envérité ; l’œilquinevoitque

l’étable(âkhur)n’estqu’erreuretillusion.Oh!combiendegenssontdouxcommelesucre,maisilyadupoison

cachédanslesucre.

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Celui qui est plus perspicace le reconnaîtra à l’odeur ; un autreseulementquandcelatoucheraseslèvresetsesdents:Alorsseslèvreslerejetterontavantquecelaneparvienneàsongosier,

bienqueleDémonluicrie:«Mange!»Etàunautre,celaseferasentirdanssagorge,tandisquepourunautre

celaserévéleradanssoncorps;Etàunautre,celacauseraunedouleurbrûlanteenl’évacuant:sasortie

l’instruirasursonentrée(decequ’ilaavalé).Et pour un autre, cela semanifestera après des jours et desmois ; et

pourunautre,aprèslamort,dufonddutombeau;2590 Ets’illuiestaccordéunrépitdanslaprofondeurdelatombe,cela

deviendrainévitablementmanifesteleJourdelaRésurrection.Chaque douceur et friandise dans lemonde de lamanifestation a une

duréepropre,quiluiestoctroyéeparlarévolutionduTemps.Ilfautdesannéespourquelerubisexposéausoleilacquièresacouleur,

sasplendeuretsonéclat.Leslégumesparviennentàlamaturitéendeuxmois,tandisquelarose

rougeparvientàlaperfectionenuneannée.C’estpour cette raisonque leDieuTout-Puissant etGlorieux,dans la

sourateAl-An‘âm,amentionnéuntermefixé(adjal).Tuasentenducediscours ;puisses-tu, toutentier, cheveuparcheveu,

être une oreille pour l’entendre ! C’est l’Eau de la Vie : si tu l’as bue,puisse-t-ellet’êtrebénéfique!Appelle-le l’Eaude laVie,etnonpasundiscours :contemple l’esprit

nouveaudanslecorpsdelavieillelettre!Aprésent,monami,écouteuneautreparolequi,commel’âme,esttrès

clairepourlesmystiquesettrèsobscurepourlesautres:Auncertaindegréspirituel,par l’actiondivine,mêmecepoisonetce

serpentsontrendusdigestes.En un lieu, c’est du poison, en un autre, un remède ; en un lieu de

l’infidélité,enunautrelieu,approuvé.2600 Bienquelàcesoitnéfastepourl’âme,quandcelaarriveici,cela

devientunremède.Dans le raisin qui n’est pasmûr (ghûra), le jus est acide,mais il est

douxetbonquandleghûradevientduraisinmûr(angûr).Demême,dans la jarredevin ildevient ameret illicite,mais sous la

formedevinaigre,quelexcellentassaisonnement!

Page 271: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Surcequ‘ilneconvientpasaudisciple(murîd)d’effectuerles

mêmesactionsquelesaint(walî)étantdonnéquelessucreriesnefontpasdemalaumédecin,mais

sontnuisiblesaumalade,etlageléeetlaneigeneportentpasde

préjudiceauraisinmûr,maissontnéfastespourlesfruitsjeunes;carlediscipleestencoresurlavoie;iln’estpasencoredevenu(lesaintà

quis’appliquent)lesparolesduQor’ân:QueDieutepardonnetespremiersettesdernierspéchés64

i le saint boit du poison, cela devient un antidote, mais si lediscipleleboit,sonespritestobscurcDe Salomon sont venues les paroles : Ô Seigneur, accorde-moi un

royaumetelqu’iln’existerapluspourpersonneaprèsmoi65,c’est-à-dire:«Nedonneceroyaumeetcepouvoirànulautrequemoi.«N’octroiecette libéralitéànulautrequemoi.»Cela ressembleàde

l’envie,maiscen’enétaitpas.Lisavectonâmelemystèredetelqu‘iln‘existeraplus:necroispas

quelesensintérieurdeaprèsmoiproviennedel’avaricedeSalomon.Non,maisdanslasouverainetéilpercevaitunecentainededangers:le

royaumedecemondeatoujoursconstituéunecraintepourvotretête.Lacraintepourlatête,lacraintepourlecœur,lacraintepourlareligion

—iln’estdepireépreuvepournous.C’estpourquoiilfautposséderl’aspirationsublimed’unSalomonpour

échapperàcesmyriadesdecouleursetdeparfums.2610 Mêmeavecuneaussigrandeforcequelasienne,lesvaguesdece

royaumeterrestreluicoupaientlesouffle.Etant donné le chagrin que lui causait tout cela (son amour pour les

choses de ce monde), il avait de la compassion pour tous les rois dumonde.C’estpourquoiilintercédaauprèsdeDieupoureux,disant:«Donne-

leurceroyaumeenmêmetempsquelaperfectionqueTum’asaccordée.

Page 272: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

« A quiconque Tu le donneras, et à quiconque Tu accorderas cettelibéralité,cettepersonneestSalomon,etmoiaussijesuislui.« Iln’estpas“aprèsmoi”, il est avecmoi.Pourquoi, envérité, “avec

moi”?Jesuissansrival.»C’estmondevoird’expliquerceci,mais jevais revenir à l’histoirede

l’hommeetdesafemme.

Page 273: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Moraledeladisputeentrel’Arabeetsafemme

ecœurdeceluiquiestsincèrechercheunemoraleàladisputedel’hommeetdesafemme.Ladisputede l’hommeetde sa femmea été contée : sachequec’est

uneparaboledetapropreâmecharnelle(nafs)etdelaraison.L’homme et la femme, qui sont l’âme charnelle et la raison, sont très

nécessairesàlamanifestationdubienetdumal.Et ce couple nécessaire, dans cette demeure terrestre, est en lutte et

disputejouretnuit.2620 L’épousedésirecedontlamaisonnéeabesoin;c’est-à-direla

réputation,lepain,lesaliments,lesdignités.Al’instardel’épouse, l’âmecharnelle,afindetrouver lesmoyensd’y

réussir,atantôtrecoursàl’humilité,tantôtàladomination.La raison est réellement inconsciente de ces pensées ; en elle ne se

trouvequel’amourdeDieu.Bienquelasignificationprofondedececontesoitceleurreetcepiège,

écouteàprésentcettehistoiretoutentièresoussaformeextérieure.Si l’explication spirituelle était suffisante, la créationdumondeaurait

étévaineetoisive.Sil’amourn’étaitquelapenséeetlaréalité,laformedetonjeûneetde

taprièreseraitnonexistante.Lesprésentsque se font les amoureuxne sont, par rapport à l’amour,

quedesformes.Mais le but est que ces cadeaux puissent porter témoignage des

sentimentsd’amourquisontcachésdanslesecret,Carlesactesextérieursdetendressetémoignentdessentimentsd’amour

danslecœur,ômoncherami.Ton témoinestparfoisvéridique, tantôt faux, tantôt ivredevin, tantôt

delaitaigre.2630 Celuiquiabudulaitaigrejouelacomédiedel’ivresse,poussedescris

d’extase,etseconduitcommeceluidontlatêteestalourdie(parlesvapeursduvin).Cet hypocrite jeûne et prie, afin que Ton suppose qu’il est enivré de

dévotion.Bref,lesactesextérieursdiffèrentpourindiquercequiestcaché.

Page 274: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Ô Seigneur, accorde-nous selon notre désir le discernement, afin quenouspuissionsreconnaîtrel’indicationfaussedelavraie.Sais-tu comment la perception sensorielle devient capable de

discernement?C’estque laperceptionsensoriellevoitpar la lumièredeDieu.Ets’iln’yapasd’effetapparent,lacauseaussirendmanifestecequiest

caché;ainsilaparentédonnedesinformationsconcernantl’amour.Si la lumière de Dieu parvient aux sens, tu ne seras pas esclave de

l’effetetdelacause,De sorte que l’Amour jettera une étincelle dans le cœur, deviendra

puissant,etrendraindépendantdel’effet.Il n’a pas besoin de signes d’amour, puisque l’Amour a projeté son

rayonnementsurleciel.Ilyadesexplicationsdétailléespourcomplétercesujet;maischerche-

lestoi-même;adieu.2640 Etquantàceluiquiasaisilesensprofonddecetteformeextérieure,la

formeestprochedusens,etaussienestloin.Encequiconcernel’indication,laformeetlesenssontcommelasève

etl’arbre,maisquandtuconsidèreslaquidditéilssonttrèséloignés.Maislaissonslàlesquidditésetlesqualitésessentiellesetracontonsce

quiadvientàcesdeuxauvisagebeaucommelalune.

Page 275: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentl’Arabedécidadesatisfairelademandedesabien

aiméeetjuraqu‘ensesoumettantainsiàelle,ilnevoulaitpaslatrompernilamettreàl’épreuve

’homme dit :« A présent, j’ai cessé de m’opposer à toi : tu asl’autorité:tirel’épéedufourreau.«Quoique tum’ordonnesdefaire, j’obéirai, jeneconsidéreraipas le

bonoulemauvaisrésultat.« Je deviendrai non existant dans ton existence, parce que je suis ton

amoureux:l’amourrendaveugleetsourd.»La femme dit : « Oh ! je me demande si tu es mon ami, ou si tu

t’efforcesdedécouvrirmonsecretparlaruse.»Ilrépondit:«Non,parDieuquiconnaîtlapenséelaplussecrète,quide

poussièreacréélepurAdam,«Quidanscecorpslongdetroiscoudéesqu’illuiadonné,amanifesté

toutcequiestcontenudanslestablettesdudestinetlemondedesesprits.«Grâce à Il (Dieu) lui enseigna les Noms66 dès le commencement il

instruisitlesangesconcernanttoutcequiarriverajusqu’àl’éternité,2650 «Desortequelesangesdevinrenthorsd’eux-mêmesàson

enseignement,etobtinrentdesaglorificationdeDieuunesainteténouvelle.« La révélation qui leur advint d’Adam n’était pas contenue dans

l’étenduedeleurscieux.« En comparaison avec la grandeur du domaine de ce pur esprit

(Adam),l’étenduedesseptcieuxdevintétroite.«LeProphèteadéclaréqueDieuadit:“Jenesuispascontenudansles

limitesdu“haut”etdu“bas”;“Jenesuispascontenudanslaterreoulecieloumêmedansl’empyrée

—tienscelapourcertain,ôhommenoble;“Mais je suis contenu dans le cœur du véritable croyant : oh !

merveille!SituMecherches,cherche-Moidanscescœurs.”«Dieuaditaussi:“EntredoncavecMesserviteurs67, tutrouverasun

ParadisquiconsisteenlavisiondeMoi,ôtoiquicrainsDieu.”«L’empyrée, endépitde sa lumière immense,quand il levit (l’esprit

d’Adam),futbouleverséhorsdelui-même.

Page 276: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

«Envérité, l’immensitédel’empyréeestsansbornes,maisqu’est-cequelaformequandestarrivéelaréalité?« Alors, les Anges lui disaient (à Adam) : “Auparavant, nous étions

amisavectoisurlapoussièredelaterre.2660 “Surlaterre,noussemionslasemencedel’adoration:nousnous

émerveillionsdecetterelation,“Nousinterrogeantsurlarelationquenousavionsaveccettepoussière,

alorsquenotrenatureestcéleste.“Nousdisions:«Pourquoicetteamitiédenotrepart,nousquisommes

lumière, avec la ténèbre ? Comment la lumière peut-elle vivre avecl’obscurité?»“ÔAdam,cetteamitiéétaitdueàtonparfum,parcequelaterreétaitla

trameetlachaînedetoncorps.“Decelieu(laterre)toncorpsaététissé;encelieutapurelumièrea

ététrouvée.“Cettelumièrequenosâmesontacquisedetonespritabrilléquelque

tempshorsdelapoussière.“Nousétionsdans la terre, et inconscientsde la terre, inconscientsdu

trésorquiyétaitenfoui.“Quand Dieu nous ordonna de nous éloigner de cette demeure, nous

fûmesamèrementblessésparcechangement,“Detellesortequenousdiscutions,disant:«ÔmonDieu,quiviendraà

notreplace?« Echangeras-tu la splendeur de la louange avec laquelle nous Te

glorifionsetTecélébronscontredesbavardagesetdevainesparoles?»2670 “L’ordredeDieuétenditpournousletapis(delabienveillance)etII

dit:«Parlezavecaudace.« Et sans crainte, dites ce qui vous vient sur les lèvres, comme des

enfantsuniquesavecleurpère:«Qu’importesivosparolesnesontpasconvenables?Mamiséricorde

vientavantMoncourroux.« Afin de manifester cette antériorité, ô ange, je mettrai en toi une

tendanceàlaperplexitéetaudoute,« Afin que tu puisses parler et queje ne m’en offense pas, et que

personnequinieMaclémencen’oseprononceruneparole.« Au sein de Ma clémence, celles de cent pères et de cent mères à

chaqueinstantnaissentetdisparaissent.« Leur clémence n’est que l’écume de l’océan de Ma clémence ;

l’écumevientets’enva,maisl’océandemeure.»”

Page 277: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

«Quepuis-jedire?Encomparaisondecetteperle (de lamiséricordedivine), cette coquille d’huître (de la clémence humaine) n’est quel’écumedel’écumedel’écume.«Parlavéritédecetteécume,parlavéritédecettemerpure,jejureque

mesparolesnesontpaspourtemettreàl’épreuveetnesontpasvaines.«Ellesproviennentdel’amour,delasincérité,etdel’humilité,jelejure

parlavéritédeCeluiversquijemetourne.2680 «Simonaffectiontesembleuneépreuve,examinecetteépreuveun

instant.« Ne dissimule pas ton secret, afin que le mien puisse être révélé :

ordonne-moitoutcequejesuiscapabledefaire.«Nedissimulepastoncœur,afinquelemienpuisseêtrerévéléetque

jepuisseacceptertoutcedontjesuiscapable.«Quepuis-jefaire?Quelremèdeestenmonpouvoir?Voisenquelles

difficultésmonâmeestplongée!»

Page 278: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentlafemmeindiquaàsonmarilamanièredegagnersonpainquotidienetcommentill’accepta

afemmedit:«Unsoleilabrillé,unmondetoutentierenareçulalumière.«LeVicaireduMiséricordieux,lekhalifeduCréateur:grâceàlui, la

villedeBagdadestdevenuecommelasaisonprintanière.« Si tu obtiens d’accéder à ce roi, tu deviendras un roi : combien de

tempsiras-tuàlarecherchedumalheur?»La compagnie des gens heureux est pareille à l’Elixir : en vérité,

commentunElixirserait-ilcomparableàleursregards?LeregarddeAhmadseposasurunAbûBakr:parunseulactedefoiil

devintunSiddîq.Le mari demanda : « Comment irais-je rencontrer le roi ? Comment

irais-jeàluisansunprétexte?2690 «Jedoisavoirquelquemobileoumoyen:unmétierest-ilpossiblesans

outil?«Ainsi,lecélèbreMadjnûn,quandilentenditquelqu’undirequeLeylâ

étaitunpeusouffrante,«S’écria:“Ah!Commentirais-je(auprèsd’elle)sansunprétexte,etsi

jeneluirendspasvisitequandelleestmalade,commentserais-je?“Quenesuis-jeunmédecinhabile?JeseraisalléàpiedchezLeylâen

premierlieu.”« Dieu nous a dit : “Dis : Venez68” afin de nous indiquer comment

vaincrenotresentimentdehonte.« Si les chauves-souris étaient douées de vision et de moyens, elles

voleraientetseréjouiraientpendantlajournée.»Lafemmedit:«Quandlenobleroivadanslemaydan*,l’essencede

chaqueincapacitédevientunecapacité.« Parce que la capacité implique la prétention et l’existence

personnelle:l’important,c’estl’absencedemoyensetlanon-existence.»«Comment,dit-il,pourrais-jefaireuneaffairesansmoyens,àmoinsde

pouvoirrendreévidentquejen’aipasdemoyens?«Jedoisdoncposséderuneattestationdemonmanquedemoyens,afin

queleroiaitpitiédemonbesoin.2700 «Apportequelqueattestation,outrelesparolesetlaprétentionafínque

Page 279: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

leroigénéreuxpuisseprendrepitié.«Car le témoignage consistant en paroles et prétention a toujours été

sansvaleurdevantceJugesuprême.«Ilexigelavéritéentémoignagedel’état,afinquelalumièreintérieure

brillesansparolesdesapart.»

*lei,Iechampdujeudepolo

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Commentl’Arabetransportaunecruched’eaudepluieduseindu

désertenprésentauCommandeurdescroyantsàBagdad,pensantquedanscettevilleaussiilyavaitune

pénuried’eau

a femme dit : « Quand les gens, de toutes leurs forces, sontentièrementpurifiésdeleurexistencepersonnelle,c’estlàlavéracité.« Nous avons l’eau de pluie dans la cruche ; c’est ta propriété, ton

capitalettonbien.«Prendscettecruched’eauetpars, fais-enuncadeauet rends- toien

présenceduRoidesrois.«Dis:“Nousn’avonsd’autresbiensquececi:dansledésert,iln’ya

riendemieuxquecetteeau.”«Sisontrésorestremplid’oretdejoyaux,cependantiln’apasd’eau

commecelle-ci:elleestrare.«Qu’est-cequecettecruche?Notrecorpslimité:àl’intérieursetrouve

l’eausaumâtredenossens.« Ô Seigneur, acceptema jarre et ma cruche par la grâce deDieu a

acheté(auxcroyants)leurspersonneset leursbienspourleurdonnerenéchangeleParadis69.

2710 «C’estunecrucheaveccinqbecs,lescinqsens:conservecetteeaupuredetoutesouillure,«Pourque,decettecruche, ilyaitunpassagevers lameretquema

crucheacquièrelanaturedelamer,«Desorteque,quandtul’apporterasenprésentauRoi,leRoipuissela

trouverpureetsoitsonacheteur;« Et après cela, son eau deviendra sans limites : centmondes seront

remplisàpartirdemonaiguière.«Bouchesesbecsetgarde-lapleinedel’eaudelajarredelaRéalité:

Dieuadit:“debaisserleursregards70.”»Lemariétaitenflédefierté:«Quipossèdeuntelprésent?Ilestdigne,

envérité,d’unroitelquelui.»Lafemmeignoraitqu’encelieu(Bagdad)existe,surlavoiepublique,

ungrandfleuved’eaudoucecommelesucre,Coulantcommelameràtraverslaville,pleindebateauxetdefiletsde

Page 281: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

pêche.Vaverslesultan,etcontemplecettepompeetcettemajesté!Considère

lessensdeceuxpourquiDieuapréparédesjardinssouslesquelscoulentdesruisseaux71!Nossensetnosperceptions,telsqu’ilssont,nesontqu’unegouttedans

cesrivières.

Page 282: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentlafemmedel’Arabecousitl’aiguièred’eaudepluiedans

untissudefeutreetyplaçaunsceau,àcausedelaconviction

profondedel’Arabe(qu’ils’agissaitd’uncadeauprécieux)

2720 ui,ditlemari,bouchel’orificedelacruche.Prendsgarde,carc’estlàunprésentquinousapporteradesprofits.«Coudscettecruchedansdufeutre,afinqueleRoipuisserompreson

jeûneavecnotreprésent,«Cariln’yapasd’eaupareilleàcelle-cidanslemondeentier:nulle

eaun’estaussipurequecelle-ci!»(Il dit cela) parce que ces gens sont toujours pleins d’infirmités et à

demiaveuglesàcausedeseauxamèresetsalées.L’oiseaudont lademeureest l’eausalée,comment saurait-ily trouver

l’eauclaire?Ô toi dont la demeure se trouve dans la source salée, comment

connaîtrais-tuleShattetleDjayhûnetl’Euphrate?Ô toi qui n’as pas échappé à ce caravansérail éphémère, comment

connaîtrais-tu l’extinction de soi, l’ivresse mystique, la dilatation ducœur?Etsitulesconnais,celat’aététransmispartonpèreettongrandpère,

pourtoicesnomssontcommel’abdjad*.Combien simple et évident pour tous les enfants sont abdjad et

hawvaz*,etcependantlevraisensestloin.L’Arabepritdonc lacrucheetsemitenroute, laportant tantavec lui

jouretnuit.2730 Iltremblaitpourlacruche,decraintedesembûchesdusort:cependant,

illatransportadudésertjusqu’àlaville.Lafemmedéroulasontapisdeprièrepourlasupplication;ellefitdes

motsRabbiSallim(Sauve-nous,ôSeigneur)salitanie,S’écriant:«Sauvenotreeaudesbrigands,ôSeigneur,laissecetteperle

arriveràcettemer.« Bien que mon mari soit avisé et habile, cependant la perle a des

milliersd’ennemis.«Quedis-je, uneperle ?C’est l’eauduKawthar, c’est unegoutte de

Page 283: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

cetteeauquiestl’originedelaperle.»Grâceauxprièresetauxlamentationsdelafemme,etgrâceàl’anxiété

dumarietàsapatiencesouslelourdfardeau,Cedernier l’apportasansdélai, sauvédesvoleursetnonbrisépardes

pierres,ausiègedukhalifat.Ilvitunecourpleinede libéralité,où lespauvresavaientétendu leurs

filets.Partout,àtoutinstant,unsuppliantobtenaitdecettecourundonetune

robed’honneur.C’étaitcommelesoleiletlapluie,non,commeleParadis,pourl’impie

etlevéritablecroyant,pourleshommes,beauxetlaids.2740 IIaperçutdesgenssetenantenrangs,etd’autresquis’étaientmis

deboutetquiattendaient.En haut et en bas, de Salomon jusqu’à la fourmi, ils étaient tous

devenus animés par la vie, comme le monde lors de la sonnerie de latrompette(delaRésurrection).Ceux qui s’attachent à la forme étaient couverts de perles, ceux qui

s’attachentàlaRéalitéavaienttrouvél’OcéandelaRéalité.Ceux qui étaient sans générosité sont devenus généreux, et ceux qui

l’étaientsontdevenuscomblésdebienfaits.

*Équivalantàl’alphabet:a,b,c,d…*ÉquivalantàHWZ.

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Montrantque,emêmequelemendiantestamoureuxdela

générositéetéprisdudonateurgénéreux,demêmelagénérositédu

donateurgénéreuxestéprisedumendiant:sic’estlemendiant

dontlapatienceestlaplusgrande,ledonateurgénéreuxviendraàsa

porte;etsic’estledonateurgénéreuxquialeplusdepatience,lemendiantviendraàsaporte;maislapatiencedumendiantestunevertuchezlemendiant,tandis

quelapatiencedugénéreuxdonateurestchezluiundéfaut

nappelluiparvenait:«Viens,ôtoiquicherches!Lagénérositéabesoindemendiants,elleestelle-mêmecommeunmendiant.»Lagénérositéestàlarecherchedesmendiantsetdespauvres,àl’instar

desbeautésquicherchentunmiroirclair.Le visage des beautés est rendu beau par le miroir, le visage de la

charitéestrenduvisibleparlemendiant.C’estpourquoiDieuaditdanslasourateWa’d-Duhâ:«ÔMohammad,

necriepascontrelemendiant.»Puisque lemendiant est lemiroir de la générosité, prends garde ! Le

souffleestnuisibleàlafacedumiroir.Dansuncas,lagénérositérendlemendiantmanifeste,tandisquedans

l’autre cas, le donateur octroie aux mendiants davantage (qu’ils n’ontbesoin).

2750 Lesmendiantssontdonclemiroirdelalibéralitédivine,etceuxquisontavecDieusontlagénérositéabsolue.Ettous,exceptécesdeuxcatégories,sontenvéritédesmorts:celuiqui

n’estpassurceSeuilestsemblableàunportraitpeintsurunrideau.

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LadifférenceentreceluiquiestdénuépourDieu,etassoifféde

Lui,etceluiquiestdénuédeDieuetdésireuxdecequiest

autrequeLui

ederniern’estquelesimulacred’underviche,iln’estpasdignedepain:nejettepasdepainàl’imaged’unchien.Ildésireunpeudenourriture,ilnedésirepasDieu:neprésentepasdes

metsdevantunepeintureinanimée.Ledervichequi désire dupain est unpoisson terrestre : il a la forme

d’unpoisson,maisils’enfuitloindelamer.Ilestunevolailledomestique,nonleSimorghdel’air:ilavaledebons

morceaux,ilnemangepascequivientdeDieu.Il aimeDieupour l’amour dugain ; son âmen’est pas amoureuse de

l’excellenceetdelabeautédeDieu.S’il s’imagine être amoureux de l’Essence divine, l’imagination des

NomsetdesAttributsdivinsn’estpasl’Essencedivine.L’imagination est engendrée par les qualités et les limites.Dieu n’est

pasengendré,Ilestlamyûlad72.Comment celui qui est épris de sa propre imagination et conception

peut-ilêtredeceuxquiaimentleSeigneurdeslibéralités?2760 Sil’amoureuxdecettefausseconceptionestsincère,cetteillusionle

conduiraàlaréalité.L’explicationdecesparolesexigeuncommentaire,mais j’aipeurdes

espritsfaibles.Lesespritsfaiblesetbornésapportentcentmauvaisesimaginationsdans

leurspensées.Tout lemonden’estpascapabled’entendrede façonexacte : la figue

n’estpasunalimentpourchaquepetitoiseau,Surtout un oiseaumort et corrompu ; un homme aveugle, sans yeux,

pleindevainesimaginations.Pourleportraitd’unpoisson,quelleestladifférenceentrelameretla

terre?Pourlacouleurd’unIndien,quelleestladifférenceentrelesavonetlevitriolnoir?Situfaissurunpapierunportraitayantl’airtriste,iln’apprendriendu

chagrinoudelajoie.

Page 286: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Son apparence est affligée,mais il est dépourvu d’affliction ; ou sonapparenceestsouriante,maisiln’éprouvepasunsentimentdejoie.Etcechagrinetcettejoiequisontdessinésdanslecœurnesontqu’une

peintureencomparaisondelajoieetduchagrin(spirituels).L’apparencesouriantedelapeintureestpourtoi,afinqu’aumoyende

cettepeinturelaréalitépuisseêtreétablie.2770 Lespeinturesquisetrouventdansleshamams,lorsqu’ellessontvuesdu

dehorsduvestiaire,sontpareillesàdesvêtements.Tant que tu es à l’extérieur, tu ne vois que les vêtements : enlève tes

habitsetentre,ômonami,Car avec tes vêtements, tu ne peux entrer à l’intérieur : le corps est

ignorantdel’âme,leshabitssontignorantsducorps.

Page 287: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentlesofficiersetchambellansdukhalifevinrentsaluerlebédouinetrecevoir

sonprésent

uand le bédouin arriva du désert lointain jusqu’aux portes dupalaisdukhalife,Les officiers de la cour vinrent à la rencontre du bédouin ; ils

l’arrosèrentdebeaucoupd’eauderosed’amabilité.Sansqu’ilparlât,ilscomprirentcequ’ilsouhaitait:c’étaitleurhabitude

dedonneravantqu’onleurdemandât.Puis ils luidirent : «ÔchefdesArabes,d’oùviens-tu ?Comment te

sens-tuaprèscevoyageetlafatigue?»Ilrépondit:«Jesuisunchefsivousm’accordezvotrefaveur;jesuis

sansmoyenssivousmemettezderrièrevosdos.«Ôvousdontlesvisagesoffrentlessignesdeladignité,ôvousdontla

splendeurestplusagréablequel’ordeJa’far,«Ôvousdont lavisionvautdesvisions,ôvous à lavuedequi sont

répandueslespiècesd’or,2780 «ÔvousquiêtestousdevenusvoyantsparlaLumièredeDieu,quiêtes

venusdeDieupourexercerlamunificence,« Pour transmuer en or par l’alchimie de vos regards le cuivre des

créatureshumaines,«Jesuisunétranger,jesuisvenududésert;jesuisvenudansl’espoir

d’obtenirlagrâcedusultan.«Leparfumdesagrâceaenvahilesdéserts; lesgrainsdesableeux-

mêmesenontreçuuneâme.«J’aifaittoutlecheminjusqu’icipourl’amourdesdinars:dèsqueje

suisarrivé,jesuisdevenuenivréparlavision.»Unepersonnecourutchercherdupainchezleboulanger:àlavuedela

beautéduboulanger,ellerenditl’esprit.Unhomme alla dans une roseraie pour se récréer ; c’est la beauté du

jardinierquidevintsajoie,Al’instardel’Arabedudésertquitiradel’eaudupuitsetgoûtal’Eau

delaVieduvisagedeJoseph.Moïse alla chercher du feu : il aperçut un tel Feu (leBuisson ardent)

qu’iléchappaaufeu.

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Jésusbonditpouréchapperàsesennemis:cebondl’emportajusqu’auquatrièmeciel.

2790 L’épideblé*devintunpiègepourAdam,desortequesonexistencedevintlasemencedel’humanité.Lefauconvientversleleurrepourtrouverdelanourriture:iltrouvele

poignetduroi,lafortuneetlagloire.L’enfantestalléàl’écolepouracquérirdesconnaissances,dansl’espoir

d’obtenirdesonpèreunjolioiseau;Puis, grâce à l’école, cet enfant parvint au plus haut degré, paya des

fraisscolaires,etdevintaccompli.’Abbâs était venu faire la guerre pour se venger, afin de vaincre

Mohammadetdes’opposeràlareligion.Lui et ses descendants dans le khalifat devinrent un appui total à la

religionjusqu’àlaRésurrection.«Jesuisvenuàcettecourenquêtederichesse:dèsquej’enaifranchi

leportail,jesuisdevenuunchefspirituel.«J’aiapportédel’eauencadeaupourobtenirdupain:l’espoirdupain

m’aconduitàlaplushauteplaceduParadis.« Le pain a chassé un Adam du Paradis : le pain m’a fait entrer en

contactavecceuxquiappartiennentauParadis.«Commelesanges,j’aiétélibérédel’eauetdupain:sansaucunobjet

dedésir, jememeusautourdecettecourcomme lasphère tournanteduciel.»

2800 Riendanslemonden’estsansobjetdanssesmouvements,sauflescorpsetlesâmesdesamoureuxdeDieu.

*LefruitdÉfenduselonuneversion,Qor’ân,VII,22.

Page 289: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Montrantcommentl’amoureuxdecemondeestcomparableà

l’amoureuxd’unmurquefrappentlesrayonsdusoleil,etquinefaitaucuneffortpourpercevoirque

l’éclatetlasplendeurneproviennentpasdumur,maisduglobedusoleildanslequatrièmeciel;enconséquence,ilmettoutsoncœurencemuretquandles

rayonsdusoleilrejoignentlesoleilcouchant,ilestlaisséàjamaisdans

ledésespoir:Unobstacles’interposeraentreeuxetcequ’ils

convoitaient73

esamoureuxduToutnesontpasceuxquiaimentlapartie;celuiquiadésirélapartien’apasréussiàparvenirauTout.Lorsqu’unepartietombeamoureused’unepartie,l’objetdesonamour

retournebientôtàsapropretotalité.Lui(l’amoureuxdelapartie)devientunobjetdedérisionpourunautre

esclave:ilestdevenucommequelqu’unquisenoieets’estcramponnéàquelqu’undefaible.L’esclaveaiménepossèdeaucuneautoritépourqu’il lui soitattaché :

s’occupera-t-il des affaires de son propre maître, ou de celles del’amoureux?

Page 290: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Leproverbearabe:«Sivouscommettezunefornication,faites-le

avecunefemmelibre,etsivousvolez,volezuneperle»

e là vient que cette parole « commettez la fornication avec unefemme libre » est devenue proverbiale, et celle « volez une perle » futpriseencesens.L’esclave(aimé)serenditauprèsdesonmaître;l’amoureuxfutlaisséà

sadouleur.Leparfumdelaroseretournaàlarose:illuifutlaissél’épine.Ilfutlaisséloindel’objetdesondésir—sonlabeurperdu,soneffort

inutile,sonpiedblessé.Tel le chasseur qui a attaqué une ombre — comment l’ombre

deviendrait-ellesapropriété?L’homme a suivi fermement l’ombre d’un oiseau, tandis que l’oiseau

surlabranchedel’arbreesttombédanslastupeur,2810 (Pensant):«Jemedemandecequifaitrirecetindividuàlacervelle

fêlée?Voilàdelafolie,voilàunecauseperdue!»Et si tu dis que la partie est reliée au tout, alorsmange des épines :

l’épineestreliéeàlarose.Excepté d’un seul point de vue, la partie n’est pas rattachée au tout :

autrement,envérité,lamissiondesprophètesseraitvaine.Or,étantdonnéquelesprophètessontenvoyésafinderelierlapartieau

tout,quesignifie«lesrelier»,alorsqu’ilssontdéjàunseulcorps?Cediscoursn’apasde fin, ômonami ! Il se fait tard : conclus cette

histoire.

Page 291: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentl’Arabeapportaleprésent,c’est-à-direl’aiguière,aux

serviteursdukhalife

présenta la cruche d’eau, il sema la graine de l’hommage danscettecour.«Apportezcecadeauausultan,dit-il,sauvezdel’indigencelesuppliant

duroi.«C’estde l’eaudouceetunecrucheverteneuve—c’estde l’eaude

pluiequis’estamasséedanslefossé.»Lesfonctionnairessourirent,maisacceptèrent lacruchecommesielle

étaitaussiprécieusequelavie,Parcequelabienveillancedeceroibonetsageavaitmissonempreinte

surtouslescourtisans.2820 Ladispositiondesroiss’implantedansleurssujets:lecielvertrendla

terreverdoyante.Considérez le roicommeun réservoiravecdes tuyauxdans toutes les

directions,l’eaus’écoulantdestuyauxcommedeshottesdansunmoulin.Quandl’eaudanstouslesconduitsprovientd’unréservoird’eaupure,

chacunapportedel’eaudouce,augoûtagréable;Mais si l’eau dans le réservoir est saumâtre et sale, chaque tuyau

apportecettemêmeeau,Parce que chaque tuyau est relié au réservoir. Plonge-toi, plonge- toi

danslasignificationdecesparoles.Vois comment la grâce impérialede l’Esprit non spatial a produit des

effetssurlecorpstoutentier;CommentlagrâcedelaRaison,quiestdenoblenature,denoblelignée,

conduitlecorpsentieràladiscipline;Commentl’Amour,enjoué,incontrôléetimpatient,jettelecorpsentier

danslafolie.Lapuretédel’eaudelaMerestcommeleKawthar:toussescailloux

sontdesperlesetdespierresprécieuses.Quellequesoit lasciencepour laquelle lemaîtreestnotoire, lesâmes

desesélèvesdeviennentimprégnéesdecettescience.2830 Aveclemaîtrethéologien,l’élèveàl’espritpromptetappliquéétudiela

théologie.Avec le maître juriste, l’étudiant de jurisprudence étudie la

Page 292: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

jurisprudencequandleprofesseurl’enseigne,nonlathéologie.Quandlemaîtreestungrammairien,l’âmedesonélèvedevientremplie

parluidegrammaire.EtquantaumaîtrequiestabsorbédanslaVoie(dusoufisme),àcause

deluil’âmedesondiscipleestabsorbéedansleRoi(Dieu).De toutes ces diverses sortes de connaissances, au jour de lamort, le

meilleur équipement et viatique est la connaissance de la pauvretéspirituelle.

Page 293: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Histoiredecequisepassaentrelegrammairienetlenautonier

ncertaingrammairienmontadansunbateau.Cethommevaniteuxsetournaverslenautonier,Etluidit:«As-tujamaisétudiélagrammaire?»«Non»,répondit-il.

L’autredit:«Lamoitiédetavieestperdue.»Le nautonier eut le cœur brisé de chagrin, mais sur le moment il

s’abstintderépondre.Le vent jeta le bateau dans un tourbillon ; le nautonier cria au

grammairien:«Dis-moi,sais-tunager?»«Non»,dit-il.«Ôtoilebeauparleuretl’hommedebelleapparence!«Ôgrammairien!dit-il,tavietoutentièreestperdue,carlebateauest

entraindesombrerdanscestourbillons.»2840 Sachequ’icicequiestnécessaire,c’estmahw(ledétachementdesoi-

même)etnonnahw,lagrammaire:situesmahw(mortàtoi-même),plongedanslamersansdanger.L’eaude lamer fait flotter lemort à la surface ;mais, s’il est vivant,

commentpourra-t-iléchapperàlamer?Lorsque tu esmort aux attributs de la chair, laMer de laConscience

divinet’élèveraaufaîte.Mais,ôtoiquiasqualifiélesgensd’ânes,àprésenttueslaissécomme

unânesurcetteglace.Si,encemonde,tueslesavantlepluséruditdel’époque,prendsgarde

àlafuitedecemondeetdutemps!Nous avons raconté l’histoire du grammairien, afin de t’apprendre la

grammaire(nahw)dudétachement(mahw).Danslapertedetoi-même,ôamivénéré,tutrouveraslajurisprudence

de la jurisprudence, la grammaire de la grammaire et l’essence de cessciences.Cette cruche d’eau est le symbole de nos différentes sortes de

connaissances,etlekhalifeestleTigredelaconnaissancedeDieu.Nousapportonsdescruchespleinesd’eauauTigre;sinousnesavons

pasquenoussommesdesânes,pourtantnouslesommes.Aprèstout,lebédouinétaitexcusable,carilneconnaissaitpasleTigre

etlegrandfleuve.2850 S’ilavait,commenous,connuleTigre,iln’auraitpastransportécette

Page 294: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

cruched’unlieuàunautre.Enfait,s’ilavaitconnuleTigre,ilauraitfracassécettecrucheavecune

pierre.

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Commentlekhalifeacceptaleprésent,etoctroyadeslibéralités,bienqu‘iln‘eûtaucunbesoinde

l’eauetdelacruche

uand le khalife vit le présent et entendit l’histoire, il remplit lacrucheavecdel’oretajoutad’autrescadeaux.Il délivra 1’Arabe de la misère, il lui octroya des dons et des robes

d’honneur,Disant : « Mettez dans ses mains cette cruche pleine d’or. Lorsqu’il

retournerachezlui,emmenez-leauTigre.«Ilestvenu icienpassantpar ledésertetenvoyageantsur terre ;ce

seraplusprochepourluiderevenirpareau.»Quandl’Arabeembarquadans lebateauetvit leTigre, ilseprosterna

touthonteux,courbantlatête,Etdisant:«Oh!combienestmerveilleuselabontédeceroigénéreux,

etilestencoreplusextraordinairequ’ilaitpriscetteeau!«Comment cetteMerdemunificencea-t-elle sipromptement accepté

demoiunemonnaied’aussimauvaisaloi?»Sache, ô mon fils, que tout dans l’Univers est une aiguière remplie

jusqu’auborddesagesseetdebeauté.2860 ToutestunegouttedeSabeautéqui,àcausedeSaplénitude,n’estpas

contenuesouslapeau.C’était un trésor caché : à causedeSaplénitude, Il surgit et rendit la

terreplusbrillantequelescieux.C’était un trésor caché : à causedeSaplénitude, Il surgit et rendit la

terrepareilleàunsultanvêtudesatin;Et si l’Arabe avait vu un affluent du Tigre divin, il aurait brisé

l’aiguière,ill’auraitbrisée.Ceuxqui l’ontvusont toujourshorsd’eux-mêmes :à l’instardecelui

qui est hors de lui-même, ils ont jeté une pierre sur l’aiguière de leurexistence.Ô toi qui, par jalousie, as lancé une pierre sur l’aiguière, tandis que

l’aiguièren’estdevenuequeplusparfaited’êtrebrisée,La cruche est cassée ;mais l’eau ne s’en est pas répandue : de cette

cassuresontnéescentintégrités.Chaque morceau de la cruche danse dans l’extase, bien que pour la

raisonpartiellececisembleabsurde.

Page 296: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Danscetétat,nil’aiguière,nil’eaunesontmanifestes.Réfléchisbien,etDieuconnaîtmieuxlavérité.SitufrappesàlaportedelaVéritésuprême,elleteseraouverte:frappe

l’ailedelapenséeafindedevenirunfauconroyal.2870 L’ailedetapenséeestdevenuesouilléedeboueetalourdieparcequetu

esunmangeurd’argile:l’argilepourtoiestdevenuecommelepain.Lepainetlaviandesontd’aborddel’argile:manges-enpeu,afindene

pasresterdanslaterre,commel’argile.Quandtuasfaim,tudeviensunchien:tudeviensféroce,demauvaise

humeur,méchant.Quand tu es rassasié, tu deviens un cadavre : tu deviens privé de

compréhension,sansagilité,commeunmur.De sorte que tu es tantôt une carcasse, et tantôt un chien : comment

pourrais-tucourirsurlaroutedeslions?Sachequetonseulmoyenpourlachasseestlechien:jetteauchiendes

os,maisrarement;Carlorsquelechienestrassasié,ildevientrebelle;commentpourrait-il

couriràlachasseetàlapoursuite?Le manque de nourriture conduisit l’Arabe à la cour royale, et il y

trouvalafortune.Nousavonsdéjàracontédanscettehistoirelabontétémoignéeparleroi

àcemalheureuxquin’avaitpasderefuge.Quoiquedise l’amoureux, leparfumde l’amours’élèvedesabouche

verslademeuredel’Amour.2880 S’ilparledethéologie(formelle)celasetransformeenpauvreté

(spirituelle):leparfumdelapauvretévientdecethommeauxparolesdoucesetenchanteresses.Ets’ildituneimpiété,celaaleparfumdelareligionvéritable;ets’il

parleavecdoute,sondoutedevientcertitude.L’écumemauvaisenéed’unocéandesincérité,cetteécumetroubleest

causéeparunesourcepure.Sache que son écume est pure et noble, sache qu’elle ressemble aux

reprochesvenantdeslèvresdelabien-aimée,Dontlesreprochesdésagréablessontdevenussuavespourl’amoureuxà

causedelabeautédesonvisagequ’ildésire.S’il dit une inexactitude, cela semble véridique. Ô inexactitude qui

embelliraitmêmelavérité!Situfabriquesdelaconfiseriesouslaformed’unpain,celaauralegoût

dusucre,nondupain,quandtulesuceras.

Page 297: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Si un véritable croyant trouve une idole d’or, comment la laisserait-ilpourunadorateur?Non,illasaisiraetlajetteradanslefeu;ildétruirasaformeempruntée,Afínquelaformedel’idolenesoitpasconservéeenl’or,parcequela

formefaitobstacleetégare.2890 L’essencedesonorestl’essencedelaDivinité:l’empreintedel’idole

surl’orpurestirréelle.Nebrûlepasune couverture à caused’unepuce, et negaspillepas la

journéeàcaused’unevétille.Tu es un adorateur d’idoles tant que tu restes asservi aux formes :

renonceàlaforme,regardelaréalité.Si tu es en route pour le Pèlerinage, cherche un pèlerin comme

compagnon,qu’ilsoithindou,turcouarabe.Neconsidèrepassonaspectnisacouleur,considèresondesseinetson

intention.S’ilestnoir,cependantilestd’accordavectoi:appelle-leblanc,carsa

couleurspirituelleestlamêmequelatienne.Cette histoire a été racontée sans ordre, comme ce que font les

amoureux,sansqueuenitête.Ellen’apasdecommencementpuisqu’elleaexistéavantl’éternité;elle

n’apasdefin:elleatoujoursétédelanaturedelapermanence.En vérité, elle est semblable à l’eau : chaque goutte en est à la fois

commencementetfin,etenmêmetempssansl’unnil’autre.Ce n’est pas une histoire, sache-le. Dieu nous garde ! C’est la

présentationdemonétatetdutien.Réfléchisbien:2900 Carlesoufïestgrandetglorieux;cequiestpassé,ilnes’ensouvient

pas.Noussommesàlafoisl’Arabe,l’aiguièreetleroi;noussommestout.

Vousêtesdivisésausujetd’uneParoledontsedétournerinsensê74.Sacheque lemariest laRaison,et la femme, l’aviditéet lacupidité :

cesdeuxdéfautssontsombresetnientlaRaisonquiestunflambeau.Écoute à présent quelle est l’origine de leur négation, d’où elle est

venue:elleestvenuedufaitqueleToutadifférentesparties.LespartiesduToutnesontpasdespartiesparrapportauTout—non

commeleparfumdelarose,quifaitpartiedelarose.Labeautéde toutes lesherbesvertes estunepartiede labeautéde la

rose,leroucoulementdelatourterellefaitpartiedurossignol.Si je deviens occupé avec une difficulté et la réponse à lui apporter,

commentpourrais-jedonnerdel’eauàl’assoiffé?

Page 298: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Si vous êtes totalement perplexe et tourmenté, prenez patience : lapatienceestlaclédelajoie.Abstiens-toidespensées(vaines),abstiens-t’en:lapenséeestcommele

lionetl’ânesauvage,etlescœursdeshommescommeleshalliers(oùilssecachent).Les actes d’abstinence sont meilleurs que les médicaments, car se

gratteraugmenteladémangeaison.2910 Assurément,l’abstinenceestlepremierprincipedelamédecine;

abstiens-toi,etperçoislaforcedel’esprit.Reçoiscesparolesavecuneoreilleouverte,que jepuisse te faireune

boucled’oreilleenor:AlorstudeviendrascommeunjoyaupourcetteLunequirépandl’orde

salumière,tumonterasverslaLuneetlesPléiades.Apprends tout d’abord que les divers êtres créés sont spirituellement

différents,deyàalif.Parmi les lettres, il existe une confusion et une incertitude, bien que,

d’unpointdevue,ellessoienttoutesune.Selonuncertainaspect,ellessontopposées,selonunautreaspect,elles

sont unifiées ; selon un aspect, elles sont de la plaisanterie, et selon unaspect,ellessontsérieuses.C’est pourquoi la Résurrection est le jour de l’examen suprême :

l’examenn’estsouhaitéqueparceluiquiestglorieuxetsplendide.Quiconqueestpareilàunhindoufraudeur,pourluilejourdel’examen

estlemomentdelahonte.Étant donné qu’il n’a pas un visage pareil au soleil, il ne désire rien

d’autrequelanuitpourluiservirdevoile.Puisque son épine n’a pas une seule feuille de rose, le printemps est

l’ennemidesaconscience.2920 Tandisquepourceluiquiesttoutentierdesrosesetdeslis,leprintemps

estcommedesyeuxbrillants.L’épinenonspirituelledésirel’automne,l’automne,afinqu’ellepuisse

rivaliseraveclaroseraie,Etque l’automnepuissedissimuler labeautéde la roseet lahontede

l’épine,afinquel’onnepuissepasvoirlacouleurdel’uneetdel’autre.C’estpourquoil’automneestleprintempsetlaviedelaronce,caralors

lapierresansvaleuretlepurrubissemblentêtreun.Lejardinierconnaîtcettedifférencemêmeenautomne,maislavuede

l’Uniqueestmeilleurequelavuedumonde.Enréalité, lemondeentiern’estquecettePersonneunique:nepas le

Page 299: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

voir,c’estêtreignorant.TouteslesétoilesfontpartiedelaLune.C’est pourquoi chaque belle forme dans lemonde s’écrie : « Bonnes

nouvelles!Bonnesnouvelles!Voicivenirleprintemps.»Tant que la floraisonbrille commeune cotte demailles, comment les

fruitsmontreraient-ilsleursrondeurs?Quand les fleurs sont fanées, les fruits arrivent à maturité. Quand le

corpsestdétruit,l’espritlèvelatête.Le fruit est la réalité, la floraison sa forme : la fleur est la bonne

nouvelle,lefruitlarécompense.2930 Quandlesfleurssonttombées,lefruitestdevenuvisible;quandl’una

diminué,l’autreacommencéàs’accroître.Comment le pain donnerait-il de la force avant d’être rompu ?

Comment des grappes de raisin produiraient-elles du vin sans êtreécrasées?Si le myrobolan n’est pas pilé avec des médicaments, comment ces

remèdespareux-mêmesrendraient-ilslasanté?

Page 300: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

ConcernantlesqualitésduPîretl’obéissancequiluiestdue

splendeurdelaVérité,Husâm-od-Dîn,prendsuneoudeuxfeuillesdepapieretajouteladescriptionduPîr.Bienquetoncorpsdélicatn’aitpasdeforce,cependant,sanstonsoleil,

iln’estpaspournousdelumière.Bienquetusoisdevenulalampeetleverre,tuescependantleguidedu

cœur,tuesleboutdufil.Étantdonnéqueleboutdufilsetrouvedanstamainettavolonté,les

perlessurlecollierducœurproviennentdetalibéralité.Écris ce qui concerne le Pîr qui connaît la Voie : choisis le Pîr et

considère-lecommel’essencedelaVoie.LePîr est comme l’été, et les autres comme lemois d’automne ; les

autressontcommelanuit,etlePîrestlalune.J’ai octroyé à mon jeune bonheur (Husâm-od-Dîn) le nom de Pîr

(vieux)carilestrenduvieuxparlaRéalité,nonparletemps.2940 IIestsivieuxqu’iln’apasdecommencement:iln’yapasderivalà

unetellePerleunique.Envérité, levinvieuxdevientplus fort ; envérité levieilor estplus

estimé.Choisis unPîr, car sans cePîr ce voyage est rempli demalheurs, de

risques,dedangers.Sansguide,tueségarémêmesuruneroutequetuassouventparcourue.Nevoyagedoncpasseulsuruneroutequetun’asjamaisvue,netourne

paslatêteloindetonguide.Insensé,sisaprotectionn’estpassurtoi,tuseraségaréparlecridela

goule.LagouletedétourneradelaVoieettejetteradansladestruction:ilya

eudanscetteVoiemaintpèlerinplushabilequetoi.Apprends du Qor’ân la perte des voyageurs, ce qu’Iblis à l’âme

méchanteleurafait:Il les a emmenés au loin, en un voyage de centaines de milliers

d’années,loindelagrand-route,etlesarendusrelapsetdénuésdebonnesœuvres.Contempleleursossementsetleurchevelure!Prendsgarde,neconduis

pastonâneverseux!

Page 301: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

2950 Saisislecoudetonâneetconduis-leverslaVoie,verslesbonsgardiensetlesconnaisseursdelaVoie.Attention!Nelaissepasallertonâneetneretirepastamain,carson

amourestpourl’endroitoùabondentlesherbesvertes.Si tu le laisses,parnégligence, libreunseulmoment, ilparcourrades

lieuesendirectiondel’herbage.L’âneestunennemide laVoie, il est amoureux foudu fourrage :oh,

combiendeceuxquilesuivaientilamenésàlaruine!SituneconnaispaslaVoie,quoiquel’ânedésire,effectuelecontraire:

cela,sûrement,seralaVoiedroite.Le Prophète a dit : « Consultez-les (les femmes) et ensuite, contre-

disez-les:celuiquileurdésobéitneserapasruiné.»Nesoispas l’amide lapassionetdudésir, car cela t’égare loinde la

VoiedeDieu.Rien en ce monde ne détruira cette passion, comme la protection de

compagnonsderoute.

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CommentleProphète(surLuilapaix!)exhorta‘Alî(queDieuhonoresapersonne!)disant:

«AlorsquechacunchercheàserapprocherdeDieuaumoyende

quelquessortesd’actesdedévotion,toi,recherchelafaveurdeDieuent’associantàSonserviteursageetélu,afindepouvoirêtrelepremierdetousàparvenirjusqu‘àLui»

e Prophète dit à ‘Alî : «Ô ‘Alî, tu es le Lion deDieu, tu es unchevaliercourageux,«Maisnetereposepassurtabravoure:vienssousl’ombredupalmier

del’espoir.2960 «Vienssousl’ombreduSagequenulnepeutretirerdelaVoie.

«SonombresurlaterreestcommelemontQâf;sonespritestpareilauSimorghquivoleversleshauteurs.«Sijeparlaisdesesqualitésjusqu’àlaRésurrection,net’attendspasà

uneconclusionouunefin.«LeSoleildivins’estvoilédansl’homme;saisiscemystère:etDieu

saitmieuxcequiestjuste.« Ô ‘Alî, plutôt que tous les actes de dévotion dans la Voie, choisis

d’êtreàl’ombreduserviteurdeDieu.«Chacunacherchérefugedansquelqueactededévotionetadécouvert

pourlui-mêmequelquemoyendesalut.«Toi,vachercherrefugeàl’ombreduSage,afindepouvoiréchapperà

l’Ennemiquit’affronteensecret.« De tous les actes de dévotion, c’est le meilleur pour toi : ainsi, tu

obtiendraslaprécellencesurtousceuxquil’ontemporté.»QuandlePîrt’aaccepté,prendsgarde:abandonne-toiàlui,va,comme

Moïse,sousl’autoritédeKhezr.Supporte patiemment tout ce qui est fait par un Khezr dénué

d’hypocrisie,afinqueKhezrnepuissepastedire:«Voicivenulemomentdenotreséparation75.»

2970 Mêmes’ildétruitunbateau,nesoufflepasmot;mêmes’iltueunenfant,net’arrachepaslescheveux.

Page 303: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

DieuadéclaréquelamainduPîrestcommeSapropremain,puisqu’iladitquelaMaindeDieuestposéesurleursmains76.LaMaindeDieufaitmourir(l’enfant)etluirendlavie.Quellevie?Il

enfaitunespritimmortel.Siquelqu’un,parunerareexception,aparcourucetteVoieseul, ilest

arrivégrâceausecoursvenudescœursdesPîrs.LamainduPîrn’estpasécartéedel’absent;samainn’estriend’autre

quelasaisieparDieu.Alorsqu’ilsdonnentunetellerobed’honneuràl’absent,sansnuldoute

ceuxquisontprésentsvalentmieuxquelesabsents.Étantdonnéqu’ilsoctroientàl’absentdelanourriture(spirituelle),vois

quelleslibéralitésilsdoiventplacerdevantceluiquiestprésent!Quellen’estpasladifférenceentreceluiquiseprépareàserviretcelui

quisetrouveendehorsdelaporte!QuandtuaschoisitonPîr,nesoispaslâche,nesoispasfaiblecomme

l’eauetfriablecommelaterre!Situesrendufurieuxparchaquecoupreçu,commentdeviendrastuun

miroirsansavoirétépoli?

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Commentl’hommedeQazwînfaisaittatouerledessind’unlionen

bleusursesépaules,puisleregrettaitàcausedumalqueluifaisaientlespiqûresd’aiguille

2980 coûtedunarrateurl’histoireconcernantlescoutumesethabitudesdesgensdeQazwîn.Ilssetatouentenbleuaveclapointed’uneaiguillesurlecorps,lamain,

lesépaules,quoiqu’ilssoientenbonnesanté.UncertainhommedeQazwînallachezunbarbieretluidit:«Tatoue-

moietfais-leenartiste!»«Ônobleseigneur,dit-il,quevais-jetatouer?»Ilrépondit:«Dessine

unlionfurieux.«Mon ascendant est Léo : tatoue l’image d’un lion. Donne-toi de la

peine,faisdespiqûrespleinesdecouleurbleue.»«Aquelendroit,demanda-t-il,dois-jetetatouer?»Ildit :«Piquele

dessindecettebeautésurmonomoplate.»Dèsqu’ilenfonçal’aiguille,ladouleursemitdanssonépaule,Et le héros semit à gémir : «Ôhomme illustre, tum’as tué : quelle

imagees-tuentraindetatouer?»«Eh!quoi,dit-il,tum’asordonnédetatouerunlion.»«Parquelmembredulion,demandal’autre,as-tucommencé?»2990

« J’ai commencé par la queue, dit-il. » «Ômon cher ami, s’écria- t-il,laisselaqueue!«Monsouffleestcoupéparlaqueueetlacroupedulion:sacroupea

étranglémongosier.« Laisse le lion sans queue, ô fabricant de lions, car mon cœur est

affaibliparlescoupsdel’aiguille.»Cettepersonnesemitàpiquerunautreendroitdel’épauledel’homme,

sanscrainte,sansfaveuretsanspitié.Ilhurla:«Lequeldesmembres(dulion)est-ce?»«C’estroreille,mon

bravehomme»,réponditlebarbier.« Ô docteur, dit-il, qu’il n’ait pas d’oreilles : omets les oreilles, et

abrègetoutcela.»Lebarbiersemitàinsérersonaiguilleenunautreendroit:ànouveau,

l’hommedeQazwînsemitàgémir,

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Disant:«Quelestlemembrequetutatouesàprésentencetroisièmeendroit?»Ilrépondit:«C’estleventredulion,monchermonsieur.»«Quece lionn’aitpasdeventre,dit-il :quelbesoind’unventrepour

l’imagequiestdéjàsaturée?»Lebarbierdevintbouleverséetrestadansunegrandestupeur;ilsetint

pendantunlongmomentavecsesdoigtsdanssabouche.3000 Puisiljetal’aiguilleparterreetdit:«Celaest-ildéjàarrivéà

quiconqueencemonde?«Qui a jamais vu un lion sans queue, ni tête, ni ventre ? Dieu Lui-

mêmen’apascrééunlioncommecela.»Ô mon frère, supporte la douleur de la lancette, afin d’échapper au

poisondetonâmemécréante(nafs),Carleciel, la luneet lesoleilseprosternentenadorationdevantceux

quiontéchappéàleurexistencepropre.Celuidanslecorpsdequilesoimécréantestmort,lesoleiletlenuage

obéissentàsesordres.Puisque son cœur a appris à allumer la chandelle (de la connaissance

spirituelle),lesoleilnepeutlebrûler.Dieuamentionnélesoleillevantcommes’écartantdeleurcaverne77.L’épine devient tout entière ravissante, comme la rose, à la vue du

particulierquivaversl’Universel.QuesignifieexalteretglorifierDieu?Seconsidérercommeméprisable

etcommedelapoussière.Quesignifieacquérir laconnaissancede l’Unitédivine?Seconsumer

enprésencedel’Unique.3010 Situdésiresbrillercommelejour,brûletonexistenceproprepareilleà

lanuit.Fais fondre ton existence, comme le cuivre dans l’élixir, en l’être de

Celuiquimaintientl’existence.Tu as serré fermement tesmains sur « Je » et «Nous » : toute ruine

spirituelleestcauséeparladualité.

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Commentleloupetlerenardpartirentàlachasseauservice

dulion

n lion, un loup et un renard étaient partis dans lamontagne à larecherchedenourriture,Afin qu’en s’entraidant, ils puissent attacher étroitement les liens et

chaînes(delacaptivité)surlesanimauxqu’ilschassaient,Etquetoustroisensemblepuissents’emparerdenombreusesetgrandes

proiesdansceprofonddésert.Bienquelelionféroceeûthonted’eux(leloupetlerenard),cependant

illeurfithonneuretleuraccordasacompagniesurlaroute.Pour un roi tel que celui-ci, une escorte est un ennui, mais il les

accompagnait:ungroupeamicalestunemiséricorde.Une lune comme celle-ci est humiliée d’être avec les étoiles, elle se

trouveparmiellespargénérosité.L’ordre divin,Consulte-les78 vint au Prophète, quoique aucun avis ne

soitcomparableausien.3020 Danslesbalances,l’orgeestpeséeaussibienquel’or,maiscen’estpas

quel’orgesoitdevenueunesubstancecommel’or.L’esprit estmaintenant devenu le compagnondevoyagedu corps : le

chienestdevenupouruntempslegardiendelaportedupalais.Quand cette compagnie (le loup et le renard) allèrent dans les

montagnesauxcôtésdulionmajestueuxetsuperbe,Ilstrouvèrentunbœufdesmontagnes,unechèvreetunlièvredodu,et

leursaffairesprospérèrent.Quiconquemarchesurlestalonsdeceluiquiestunlionaucombat,la

vianderôtieneluimanque,nilejournilanuit.Lorsqu’ils apportèrent leurs proies, des montagnes à la jungle, tuées,

blesséesettraînées(dansleursang),Leloupetlerenardespéraientquelepartageseraitfaitselonlajustice

desempereurs.Leurespoiràtousdeuxfutperçuparlelion:lelionsavaitsurquoise

fondaientcesespoirs.Quiconqueestlelionetleprincedesmystères(spirituels)connaîttout

cequepenselaconscience.Attention ! Garde-toi, ô cœur disposé à penser, de toute pensée

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mauvaiseensaprésence.3030 IIsait,etpoursuitsonchemin*ensilence:iltesouritenfaceafinde

dissimulersessentiments.Quand le lions’aperçutde leursmauvaisespensées, ilne lemanifesta

pas,etfutaimableàleurégard,Maisilseditàlui-même:«Jevousferaivoircequevousméritez,ô

salesmendiants!« Mon jugement ne vous satisfaisait-il pas ? Est-ce là l’opinion que

vousavezdemagénérosité,« Ô vous dont la compréhension et le jugement proviennent de mon

jugementetdemesdons?«Qu’est-cequeleportraitdoitpenserd’autre(quedubien)dupeintre,

étantdonnéqu’illuiaoctroyélapenséeetlaconnaissance?«Aviez-vousdemoiuneopinionaussivile,ôvousquiêtesunscandale

pourlemonde?«Jecouperailestêteshypocritesdeceuxquisefontuneidéefaussede

Dieu79.« Je délivrerai de votre honte la Sphère du Temps, pour que cette

histoiredemeuredanslemondecommeunavertissement!»Toutenméditantainsi,lelioncontinuaitàsourirevisiblement:n’ayez

pasconfiancedanslessouriresdulion!3040 LarichesseterrestreestsemblableauxsouriresdeDieu:ellenousa

rendusivres,vaniteuxetmisérables.La pauvreté et la détresse sontmeilleures pour toi, ôMessire, car ce

sourirealorscesseradet’ensorceler.

*LittÉralement:«conduitsonâne».

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Commentlelionmitleloupàl’épreuve,etdit:«Avance-toi,ô

loup,etpartagelaproieentrenous»

e liondit :«Ô loup, fais lepartage ;ôvieux loup, renouvelle lajustice.«Soismonreprésentantdanscette tâchededistribution,afinque l’on

voiequelleesttanature.»«Ôroi,dit-il,lebœufsauvageesttapart:ilestgrand,ettuesgrand,

fortetactif.«Lachèvreestpourmoi,carlachèvreestmoyenneetintermédiaire;

toi,ôrenard,reçoislelièvre,etqu’iln’yaitpasd’erreur!»Leliondit:«Ôloup,qu’as-tudit?Quandjesuisici,parles-tude“Je”

et“Toi”?«Envérité,quelvauriendoitêtreleloup,qu’ilsesoitconsidéréenla

présenced’unlioncommemoiquisuissanspareiletsansrival!»Ilditalors:«Avance,ôânepleind’amour-propre!»Ils’approcha,le

lionlesaisitavecsesgriffesetlemitenpièces.Étant donnéque le lionnevoyait pas en lui l’intelligencedictant une

conduitejuste,ildéchiraenpunitionlapeaudesatête.3050 IIdit:«Étantdonnéquemavuenet’apastransportéhorsdetoi-même,

unespritcommeletiendoitmourirmisérablement.«Puisquetun’espaspasséhorsdetoi-mêmeenmaprésence,c’étaitun

actedemiséricordequedetecouperlecou.»Toute chose est périssante sauf Sa Face80 : à moins d’être en Sa

présence,necherchepasàexister.Quandquelqu’unestpasséhorsdelui-mêmeenmaprésence,laparole

toutechoseestpérissanteneluiestpasapplicable.Parcequ’ilest restéaudegrédesauf (ila), il a transcendé lanégation

(la);maisquiconquedemeureàsaufn’arrivepasaufanâ(annihilationdesoi).Quiconque dit « Je » et «Nous » à la Porte est repoussé loin d’elle,

parcequ’ilcontinueànier(l’Unité).

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Histoiredelapersonnequifrappaàlaported’unami;sonami,del’intérieur,luidemandaquiil

était:ildit«C’estmoi»;etl’amirépondit:«Puisquetuestoi,jen‘ouvriraipaslaporte:jene

connaisaucunamiquiest“moi”»

n certain homme vint frapper à la porte d’un ami : son ami luidemanda:«Quies-tu,ôtoiquiesdignedeconfiance?»Il répondit : «Moi. » L’ami dit : «Va-t’en ; ce n’est pas lemoment

d’entrer:àunetablecommecelle-ci,iln’yapasdeplacepourceluiquin’estpaspasséparlefeudel’expérience.»Sauf le feude l’absenceetde la séparation,quicuiracequiest cru?

Quiledélivreradel’hypocrisie?Le pauvre homme s’en alla, et durant une année de voyages et de

séparationd’avecsonami,ilétaitbrûlépardesflammes.3060 Brûlé,ilétaitconsumé;alorsilrevintetrecommençaàfairelescent

pasdevantlamaisondesoncompagnon.Ilfrappaàlaporteaveccentmarquesdecrainteetderespect,depeur

qu’unmotirrespectueuxnes’échappedeseslèvres.Sonamil’appela:«Quiestàlaporte?»Ilrépondit:«C’esttoiquies

àlaporte,ôcharmeurdescœurs.»«Aprésent,ditl’ami,puisquetuesmoi,entre,ôtoiquiesmoi-même;

iln’yapasdeplacedanslamaisonpourdeux“Moi”.«Ledoubleboutdufiln’estpaspourl’aiguille:puisquetuesunseul,

entredanscetteaiguille.»C’estlefilquiestreliéàl’aiguille:lechasdel’aiguillen’estpaspour

lechameau.Comment l’existence du chameau serait-elle purifiée, sauf par les

ciseauxdespratiquesascétiquesetdesbonnesœuvres?Pourcela,ôlecteur,lepouvoirdeDieuestnécessaire,carc’estleSois

etcelafut(Fiat)detoutechoseapparemmentimpossible.Par Sa puissance, chaque chose impossible est rendue possible ; par

craintedeLui,chaqueêtreindisciplinéestrendupaisible.Qu’en est-il de l’aveugle-né et du lépreux ?Même lemort est rendu

vivantparlecharmeduTout-Puissant.

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3070 Etcettenon-existencequiestplusmortequelemort—lanonexistenceestcontrainteàobéirquandIIl’appelleàl’être.Récite:Ilcréechaquejourquelquechosedenouveau81.Necroispas

qu’ilsoitoisifetinactif.Samoindreaction,chaquejour,estd’envoyertroisarmées:Une armée des reins (des pères) vers lesmères, afin que la semence

puissecroîtredansleursein;Une armée des seins maternels vers la Terre, afin que le monde soit

remplidemâlesetdefemelles;Une armée depuis la Terre jusqu’au-delà de lamort, afin que chacun

puissecontemplerlabeautédesbonnesœuvres.Ce discours n’a pas de fin. Retourne à ces deux amis affectueux et

sincères.

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Descriptiondel’Unification

onamiluidit:«Viens,ôtoiquiesentièrementmoi-même,etnondifférentcommelaroseetl’épinedanslejardin.»Lefilestdevenuunique;netombepasdansl’erreursituvoisqueles

lettresKetN(KuN)[fiat]sontdeux.K etN tirent, commeun lacet, afin d’attirer la non-existence dans de

grandeschoses.3080 C’estpourquoilelacetdoitêtredoubledanslemondedesformes,bien

quecesdeuxlettresaufondsoientuneseule.Quelespiedssoientdeuxouquatre,ilsnetraversentqu’uneseuleroute,

àl’instardesciseauxdoublesquinefontqu’uneseulecoupure.Voiscesdeuxblanchisseurs : ilyaapparemmentunedifférenceentre

eux:L’un a plongé les vêtements de coton dans l’eau, tandis que son

compagnonlesessore.De nouveau, le premier mouille les habits secs : c’est comme s’il

contrariait,parmalice,soncamarade;Cependant ces deux opposés qui semblent se combattre, ont lamême

intentionetsontd’accorddansleurtravail.Chaqueprophèteetchaquesaintaunevoie,maiselleconduitàDieu:

touteslesvoiessontenréalitéuneseule.Quand la somnolence l’emporta sur l’attention de l’auditeur, l’eau

entraînalespierresdemeuleauloin.Le flot de cette eau est au-dessus dumoulin ; si elle pénètre dans le

moulin,c’estpourvousêtreutile.Commevousn’aviezplusbesoindumoulin,ils(leprophèteoulesaint)

ontfaitretournerl’eauàsonruisseaud’origine.3090 L’espritrationnelvientàlaboucheenvued’enseigner;autrementilne

viendraitpas,carenvéritécetteparolepossèdeuncanaldistinct:Ellesemeutsansbruitetsansrépétitionsverslesroseraiesau-dessous

desquellessontlesruisseaux.ÔDieu,révèle,Toi,àl’âmecelieuoùlaparolecroîtsanslettres,Afínquel’âmepurepuisseprendresonenvolverslavasteétenduedela

non-existence,Uneétenduetrèsgrandeetspacieuse;etc’estdelàquesenourrissent

notreimaginationetnotreêtre.

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Ledomainedesimaginationsestplusétroitquelanon-existence;c’estpourquoil’imaginationestlacausedelasouffrance.Le domaine de l’existence est encore plus resserré que celui de

l’imagination;aussileslunesquis’ytrouventdeviennent-ellespareillesàlaluneàsondéclin.L’existence dumonde des sensations et de la couleur est encore plus

étriquée,carc’estuneétroiteprison.La cause de cette étroitesse est le mélange et la pluralité : les sens

tendentverslacomposition.Sachequelemondedel’Unificationestau-delàdessens:situdésires

l’Unité,vadanscettedirection.3100 L’OrdredivinKuN(Sois)étaitunacteunique,etlesdeuxlettresNetK

neseprésentèrentquedanslaparole,tandisquelasignificationinterneétaitpure(sansmélange).Ce discours n’a pas de fin. Revenons voir ce qui advint au loup se

battantaveclelion.

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Commentlelionpunitleloupquiavaitmanifestédel’irrespecteneffectuantlepartagedelaproie

e lion arrogant arracha la tête du loup, afin que le dualisme et ladistinctionnedemeurentpoint.C’est là le sens deNous nous sommes vengés d’eux82, ô vieux loup,

étantdonnéquetun’étaispasmortenlaprésencedel’Amîr.Aprèsquoi, le lionse tournavers le renard,etdit :«Partage laproie

pourlepetitdéjeuner.»Il s’inclina très bas et dit : «Ce bœuf gras sera ta nourriture pour le

déjeuner,ôexcellentroi,«Etcettechèvreseralaportionréservéepourleroivictorieuxàmidi,«Etlelièvreaussipourlesouper:ceseralerepasàlatombéedujour

dugracieuxetgénéreuxroi.»Leliondit:«Ôrenard,tuasfaitbrillerlajustice:dequias-tuapprisà

partagerdelasorte?«D’oùas-tuappriscela,ôêtreéminent?»«Ôroidumonde,répondit-

il,jel’aiapprisdusortduloup.»3110 Leliondit:«Puisquetuesdevenuconsacréàl’amourdemoi,attrape

cestroisanimaux,prends-lesetpars.« Ô renard, comme tu es devenu entièrement à moi, comment te

causerais-jedutortalorsquetuesdevenumoi-même?«Jesuisàtoi,ettouteslesbêtesfauvessontàtoi:metslepiedsurle

septièmecieletmonteau-delà!«Puisqüetuastiréunavertissementdusortdecevilloup,tun’espas

unrenard:tuesmonproprelion.«L’hommesageestceluiqui,àl’heure“del’épreuveoudelacalamité

quel’ons’efforced’éviter,tireunavertissementdelamortdesesamis.»Lerenardsedit:«Centmercisauliondecequ’ilm’aappeléaprèsce

loup.«S’ilm’avaitordonnéd’abord:“Partagececi”,quiluiauraitéchappé

ensauvantsavie?»GrâcessoientdoncrenduesàDieudecequ’ilnousafaitapparaîtreen

cemondeaprèsceuxd’autrefois,De sorte que nous avons appris quels châtiments Dieu infligea aux

générationsprécédentesdanslepassé,

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Afin que nous, comme le renard, puissions mieux nous garder enconsidérantlesortdecesanciensloups.

3120 C’estpourcelaqueceluiquiestleProphètedeDieuetvéridiquedanssesexplicationsnousaappelés«unpeupleauquelDieuafaitmiséricorde».Considérezavecluciditélesosetlafourruredecesloups,ettirez-enun

avertissement,ôhommespuissants!L’hommesagerenonceraàcetteexistenceséparée,àceventdevanité,

carilaapprisquelleavaitétélafindesPharaonsetde‘Ad;Ets’iln’yapasrenoncé,d’autrestirerontunavertissementdecequilui

estadvenuenconséquencedeseserrements.

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CommentNoé(surluilapaix)menaçasonpeuple,disant:«Neluttezpasavecmoi,carjenesuis

qu‘unvoile:enréalité,vousluttezavecDieuquiestàl’intérieurdecevoile,ôvousquiêtesabandonnés

parDieu!»

oédit :«Ôvous lesobstinés, jenesuispasmoi, jesuismortàl’âmeanimale,jevisparl’Amedesâmes.«Étantdonnéquejesuismortauxsensdel’humanité,Dieuestdevenu

monouïe,maperceptionetmavue.«Puisquejenesuisplusmoi,monsoufflevientdeLui:enprésencede

cesouffle,siquelqu’unsouffle(uneparole),ilestuninfidèle.»Souslaformedecerenard,ilyalelion:ilneconvientpasd’avancer

témérairementverscerenard.A moins que tu ne croies en lui au-delà de son aspect extérieur, tu

n’entendraspasdeluilerugissementdulion.Si Noé n’avait pas été le Lion éternel, pourquoi aurait-il plongé le

mondeentierdanslaconfusion?3130 IIétaitdescentainesdemilliersdelionsenunseulcorps,ilétaitcomme

lefeu,etlemondecommeunemeule.Puisquelameuleavaitnégligédeluipayerladîmequiluiétaitdue,il

projetaunetelleflammesurcettemeule.Quiconque en la présence de ce lion caché ouvre la bouche

irrespectueusement,commeleloup,Celionlemettraenpièces,ainsiqu’ill’afaitpourleloup,etluirécitera

laParoleNousnoussommesvengésd’eux.Il recevra des coups, comme le loup, des pattes du lion ; insensé est

celuiquis’estmontréaudacieuxenlaprésencedulion.Puissentcescoupsêtretombéssurlecorps,afinquelafoietlecœurdu

pécheursoientsainsetsaufs!Arrivé à ce point, mon pouvoir m’abandonne : comment puis-je

déclarercemystère?Faitespeudecasdevosestomacs,commecerenard:nevouslivrezpas

auxrusesdurenardenSaprésence.

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DéposezdevantLui tousvos«Nous»et«Je» : le royaumeestSonroyaume:donnez-Luileroyaume.QuandvousdevenezdespauvresdanslaVoiedroite,envéritélelionet

laproieduLionsontàvous.Parcequ’ilestsaint,etquelagloireestSonattribut,iln’anulbesoinde

bonneschoses,denoyauoud’écorce.Chaquerécompenseetchaquedondegrâcequiexisteestpourl’amour

desserviteursdeceRoi.LeRoin’éprouvenuldésir,IlacréétoutcetempirepourSescréatures.

Heureuxceluiquil’asu!Aquoiserviraitlapossessiond’empiresàLuiquicréétoutempireetles

deuxmondes?EnprésencedeSagloire,veillezattentivement survoscœursdepeur

d’avoirlahontedepenserlemal.Car II voit la conscience, la pensée, la recherche, comme on voit un

cheveudanslelaitpur.Celuidont lecœurpurestdevenuvided’imagesestdevenuunmiroir

pourlesimpressionsdel’invisible.Ildevientinstinctivementetsansnuldouteconscientdenotrepenséela

plusintime,carlevraicroyantestlemiroirduvraicroyant.Quandiléprouvenotremonnaiesurlapierredetouche,ilconnaîtalors

ladifférenceentrelafoietledoute.Quandsonâmedevientlapierredetouchedelamonnaie,ildistinguele

cœurpurdelafaussemonnaie.

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Commentlesroisassoientenfaced’euxlessoufisConnaisseursdelaVérité(’arif)afinqueleursyeuxpuissentêtreilluminésdelesvoir

3150 elleestlacoutumedesrois:tul’asentendudire,souviens-t’en:Les paladins se tiennent debout à leur gauche, parce que le cœur se

trouveàleurgauche.A droite sont le scribe (chancelier) et les secrétaires, parce que la

sciencedel’écritureetdelacomptabilitéappartientàcettemain.Ilsdonnentauxsoufislaplaceenfaced’eux-mêmes,carlessoufissont

unmiroirpourl’âme,etmieuxmêmequ’unmiroir.CarilsontpolileurscœursparlesouvenirdeDieuetlaméditation,afin

quelemiroirdeleurcœurpuisserecevoirl’imageoriginelle.Quiconqueestnédouédebeautédes reinsde laCréation, il convient

qu’unmiroirsoitplacédevantlui.Levisagedebeautéestéprisdumiroir:untelvisageestlepolisseurde

l’âmeetcequiaugmentelapiétédanslescœurs.

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CommentuninvitévintchezJoseph(surluilapaix)etcommentJosephluidemandauncadeauet

unprésentàsonretourdel’étranger

namiaffectionnévintdesextrémitésdelaterreetdevintl’hôtedeJosephlevéridique,Carilss’étaientbienconnusdurantl’enfance,sereposantensemblesur

lecoussindelaconnaissance,Joseph luiparlade l’injusticeetde l’enviede ses frères ; Josephdit :

«C’étaitcommeunechaîne,etj’étaislelion,3160 «Lelionn’estpashumiliéparlachaîne:jenemeplainspasdela

destinéevenantdeDieu.« Si le lion avait une chaîne sur le cou, cependant, il était l’émir au-

dessusdetouslesfabricantsdechaînes.»Il demanda : « Comment te sentais-tu dans la prison et le puits ? »

« Comme la lune, dit Joseph, durant la période interlunaire où elledécline.»Si,durantce temps, lanouvelle luneestcourbéeendeux,nedevient-

ellepasàlafinlapleinelunedansleciel?Bienque laperle soitpiléedans lemortier, elledevient la lumièrede

l’œiletducœuretregardeversleshauteurs.Onajetéungraindeblédanslaterre,puisdelaterreontcrûdesépis:Ensuite on l’a broyé dans lemoulin, sa valeur a augmenté : et il est

devenulepainquiaugmentelavie;Puisonamâchélepainaveclesdents,ilestdevenularaison,l’âmeet

lacompréhensiondeceluiquiestintelligent;Ensuite,quandcetespritestdevenuperdudansl’Amour,ilestdevenu

cequiréjouitlessemeursaprèslessemailles.Ce discours n’a pas de fin. Reviens, que nous voyions ce que cet

hommeditàJoseph.3170 Aprèsqu’illuieutcontésonhistoire,Josephluidit:«Aprésent,ô

Untel,quelcadeaum’as-turapportédevoyage?»Venir lesmainsvidesà laportedesamisest commealler sansbléau

moulin.Dieu (qu’il soit exalté !) dira aux hommes, lors du Rassemblement

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final:«QuelestvotreprésentpourleJourdelaRésurrection?«VousêtesvenusàNousetseuls,sansprovisions,exactementavecla

mêmeapparencequelorsqueNousvousavonscréés83.« Voyons, qu’avez-vous apporté en offrande, comme présent en

revenant à votre demeure, pour le Jour oùvous ressusciterez d’entre lesmorts?«Oubien,n’aviez-vouspasl’espoirderetour?Lapromessedecejour

vousa-t-ellesemblévaine?»Necrois-tupasàlapromessed’êtreSoninvité?Sinon,delacuisine(de

Sonhospitalité),tun’obtiendrasquepoussièreetquecendres.Et si tu n’es pas incroyant, comment peux-tu ainsi, les mains vides,

entrerdanslaCourdecetAmi?Abstiens-toi un peu de sommeil et de nourriture : apporte ce présent

pourtarencontreavecLui.Deviens limité dans ton sommeil (comme ceux qui) dormaient peu la

nuit;àl’aube,soisde(ceuxqui)imploraientlepardondeDieu84.3180 Bougeunpeu,commel’embryon,afinderecevoirlessensqui

contemplentlaLumière,Et tu te trouveras alors hors de cemondepareil au seinmaternel ; tu

quitteraslaterrepourunevasteétendue.Sache que la parole la terre de Dieu est vaste85 désigne cette ample

régionoùsontarrivéslessaints.Lecœurn’estpasoppresséparcetteimmensité;là,lesfraisrameauxdu

palmiernesedessèchentpas.Aprésent,tuporteslefardeaudetessens;tudevienslas,épuisé,près

detomber.Puisquelorsdusommeiltuesemportédansleshauteursetdéchargéde

tonfardeau, tafatigues’estenfuie,et tuesdélivrédelasouffranceetdel’angoisse.Considère le tempsdusommeilcommeunavant-goûtde l’étatauquel

sontélevéslessaints.Les saints sont comme les Compagnons de la Caverne (les Sept

Dormants),ôobstiné ; ilssontendormis,mêmelorsqu’ilsse lèventetseretournent.C’estDieuquilestire,sansqu’ilsaientlapeined’agir,sansconscience,

versladroiteetverslagauche86.Qu’est-ce que cette droite ? Les bonnes actions. Qu’est-ce que cette

gauche?Leschosescorporelles.

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3190 Cesdeuxsortesd’actionsproviennentdessaints,tandisqu’ilssontinconscientsdetoutesdeux,commel’écho;Si l’écho te faitentendre lebienet lemal, lamontagneelle-mêmeest

inconscientedel’unetdel’autre.

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Commentl’invitéditàJoseph:«Jet’aiapportéenprésentunmiroir,afinquechaquefoisquetut’y

regarderas,tuvoiestonproprebeauvisageettesouviennesdemoi»

oseph dit : « Allons, montre-moi ton présent. » L’invité, deconfusionàcettedemande,semitàsangloter.« Combien de présents, dit-il, n’ai-je pas cherché pour toi ! Aucun

cadeauconvenablenem’estapparu.« Comment apporterais-je un grain d’or à la mine ? Comment

apporterais-jeunegoutted’eauàlamerd’Oman?« Jene feraisqu’apporter du cuminàKirmân, si j’apporte enprésent

moncœuretmonâme.« Il n’y a pas de semence qui ne soit dans cette grange, excepté ta

beautéquiestsanségale.«J’aipenséqu’ilseraitbiendet’apporterunmiroirpareilàlalumière

ducœur,«Pourquetupuissesycontemplertonbeauvisage,ôtoiqui,commele

soleil,esleflambeauduciel.« Je t’aiapportéunmiroir,ô lumière,afinqu’envoyant tonvisage tu

puissespenseràmoi.»3200 IItiralemiroirdedessoussonbras:c’estaveclemiroirquelabeautéa

àfaire.Quel est le miroir de l’Être ? Le non-être. Apporte le non-être en

présent,situn’espointstupide.L’Etrenepeutêtrevuquedanslenon-être;lericheoctroiesalibéralité

aupauvre.Leclairmiroirdupainestenvérité l’hommeaffamé; lecombustible,

demême,estlemiroirdeceparquoijaillitlefeu.Le non-être et les défauts, où qu’ils apparaissent, sont le miroir qui

révèlel’excellencedetouslesarts.Quand un vêtement est bien fait et cousu, comment permettrait-il au

tailleurdemanifestersonhabileté?Lestroncsdesarbresnedoiventpasêtrerabotés,afinquelemenuisier

puissefabriquerdespartiesessentiellesetdespartiessecondaires.Lemédecinquiremetlesosbrisésserendlàoùsetrouveceluidontla

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jambeestfracturée,Comment l’excellence de l’art de la médecine sera-t-elle rendue

manifestequandiln’yapasdemaladeaffaibli?Comment l’alchimie se manifestera-t-elle, si le peu de valeur et le

caractèrevildescuivresnesontpasconnus?3210 Lesdéfautssontlemiroirdelaqualitédelaperfection,etcetétat

méprisableestlemiroirdupouvoiretdelagloire.Carchaquecontraireestrendumanifesteparsoncontraire;parcequele

mielestdouxparcontrasteaveclevinaigre.Quiconque a vu et reconnu ses propres déficiences s’est hâté vers la

perfection.LaraisonpourlaquelleonnevolepasversleSeigneurdegloire,c’est

quel’onsecroitparfait.Iln’estdepiremaladieentonâme,ôorgueilleux,quelaprétentionàla

perfection.Beaucoupde sangdoit couler de ton cœur et de tesyeuxpourque la

suffisancesortedetoi.La faute d’Iblîs consistait à penser : Je suismeilleur87 (qu’Adam), et

cettemaladiesetrouvedansl’âmedechaqueêtrehumain.Bien qu’il se considère comme très humble, sache qu’il s’agit d’eau

claireàlasurfaceetdebouesousleruisseau.Quand le Démon te trouble pour t’éprouver, aussitôt l’eau devient

couleurdeboue.Ilyadesorduresdanslelitduruisseau,ômonami,bienqueleruisseau

tesemblepur.3220 C’estleMaîtrepleindesagesse,connaissantbienlaVoie,quicreuseun

canalpourpurifierlesruisseauxdelachairetducorps.L’eauduruisseaupolluépeut-ellechasserlasaleté?Laconnaissancede

l’hommepeut-ellebalayerl’ignorancedesonêtresensuel?Comment l’épée façonnerait-elle sa propre poignée ? Va, confie la

guérisondecetteblessureàunchirurgien.Les mouches s’agglutinent sur chaque blessure, de telle sorte que

personnen’aperçoitlahideurdesablessure.Cesmouchessonttesmauvaisespenséesettonamourdespossessions:

tablessureestlanoirceurdetesétatsspirituels;Etsilemaîtreposeunpansementsurtablessure,aussitôtladouleuret

lalamentations’apaisent,Detellesortequetut’imaginesquelablessureestguérie,alorsquele

rayonguérisseurdupansementabrillésurtablessure.

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Prendsgarde!Netedétournepasdupansementavecmépris,ôtoiquies blessé dans le dos, mais reconnais que cette guérison provient durayon:nelaconsidèrepascommeprovenantdetaproprenature.

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CommentlescribedelaRévélation(qoranique)tombadansl’apostasie

parceque,quandlerayondelaRévélationlefrappa,ilrécitale

versetrévéléavantqueleProphète–surLuilapaix(leluiaitdicté);alors,ildit:«Ainsi,moiaussi,je

suisquelqu‘unsurquilaRévélationestdescendue»

vant le temps de ‘Othmân, il y avait un scribe qui se montraitdiligentpourtranscrirelaRévélation.ChaquefoisqueleProphèteladictait,ilrécrivaitsurunefeuille.

3230 LerayonnementdelaRévélationbrillaitsurlui,etildécouvraitenlui-mêmelaSagesse.L’essencedecetteSagesseétaitdictéeparleProphète;parcettepetite

quantitédeSagesse,cetimbécilefutégaré,Pensant:«J’aidoncdansmaconsciencelavéritédecequeleProphète

inspiréestentraindedire.»Le rayon de cette pensée frappa le Prophète : le courroux de Dieu

descenditsurl’âmeduscribe.Ilabandonnaàlafoissontravaildescribeetl’Islam:ildevintl’ennemi

malfaisantdeMustafâ(Mohammad)etdelaReligion.Mustafâ dit : « Ô mécréant obstiné, si la Lumière venait de toi,

commentserais-tudevenunoirciparlepéché?«Situavaisétélafontainedivine(d’oùvenaitlaRévélation),comment

aurais-tuproduituneeauaussinoire?»Craignantquesaréputationsoitnoircieauxyeuxdetous,ilneditmot.Lecœurdupécheurestnoirci,parcequ’ilestincapabledeserepentir:

c’estbienétrange!Lescribecriait :«Hélas !»maishélas !ne luiservità rienquand le

glaivevintluitrancherlatête.3240 Dieuafaitquelaréputationsoitcommelepoidsdecentmansdefer:

oh!plusd’unestattachéparcettechaîneinvisible!L’orgueil et l’infidélité ont barré le chemin du repentir, de telle façon

quelepécheurnepuissepousserunsoupir.Dieu dit : « Nous mettrons des carcans à leurs cous jusqu’à leurs

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mentons ; leurs têtes seront maintenues droites et immobiles88. » Cescarcansnesontpasplacéssurnousdel’extérieur.«Nousplaceronsdevanteuxunebarrièreetunebarrièrederrièreeux.

Nous les envelopperons de toutes parts pour qu’ils ne voient rien. » Lepécheurnevoitpasdebarrièreenfacedeluietderrièrelui.Labarrièrequis’estélevéeal’apparenced’unchamplibre(désert):il

nevoitpasquec’estlabarrièredelaDestinéedivine.Lebien-aimé(terrestre)estunebarrièredissimulantlevisageduBien-

Aimé divin ; le guide de cemonde est une barrière pour les paroles duguidespirituel.Oh!Nombreuxsontlesinfidèlesquiéprouventundésirpassionnépour

laReligion(del’Islam):ilssontenchaînésparlaréputationetl’orgueil,etteloutelobjetdésiré.Lachaîneestcachéemaiselleestpirequelefer:lachaînedeferpeut

êtrebriséeparlahache,Lachaînedeferpeutêtreenlevée:nulnesaitcommentguérirlachaîne

invisible.Quand un homme est piqué par une guêpe, il extrait de son corps

l’aiguillondelaguêpe;3250 Maispuisquelablessuredelapiqûreestdueàtapropreexistence,la

douleurcontinueavecviolenceetlasouffrancen’estpasapaisée.L’explicationde toutcela jaillitdemonsein,mais j’aipeurqu’ellene

vouscausedudésespoir.Non,nedésespérezpas,soyezjoyeux,appelezàl’aideCeluiquirépond

àl’appel,Disant:«Pardonne-nous,ôToiquiaimesàpardonner,ôToiquidétiens

leremèdeàcettevieillegrangrène!»Le reflet de laSagesse égara ce pauvre hère (le scribe duProphète) ;

n’aiepointdevanité,decraintequ’ellenetedétruise.Ômonfrère,laSagesses’épandsurtoi:elleprovientdesAbdâletn’est

entoiqu’unechoseempruntée.Bienquetamaisonaittrouvéenelle-mêmeunelumière,celle-ciabrillé

àpartird’unvoisindonnantlalumière.Rends grâces, ne sois pas leurré par la vanité, ne sois pasméprisant,

écouteattentivement,etnemontreaucunevanité.C’estmillefoisdommagequecetétatempruntédevaineaffirmationde

soiaitéloignélescommunautésreligieusesdelacommunionspirituelle.Je suis l’esclavede celui qui ne se considère, à aucune étape, comme

étantparvenuàlatable(del’unionavecDieu).

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3260 Plusd’uneétapedoitêtrequittée,afinqu’unjourlevoyageurarrivechezlui.Bien que le fer soit devenu rouge, il ne l’est pas par nature : cette

rougeurprovientdequelquechosequil’enflamme.Silafenêtredetamaisonestpleinedelumière,necroispaslumineux

autrechosequelesoleil.Chaque porte et chaque mur proclame : « Je suis lumineux ; je ne

détienspaslesrayonsd’unautre;jesuismoi-mêmecettelumière.»Alors,lesoleildit:«Ôtoiquiesdansl’erreur,quandjemecoucherai,

lavéritétedeviendraévidente.»Les plantes disent : « Nous sommes vertes de nous-mêmes ; nous

sommesgaies,épanouiesethautesparnature.»Lasaisondel’étéleurdit:«Ôbonnesgens!Voyezcequevousserez

quandjepartirai!»Lecorpssevantedesabeautéetdesagrâce ; l’esprit,quiacachésa

splendeur,sesailesetsesplumes,Luidit:«Ôtasdefumier,quies-tu?Acausedemonrayonnement,tu

esvenuàlaviepourunjouroudeux.«Tacoquetterieettesminesorgueilleusesneconnaissentpasdebornes,

maisattendsquejem’échappedetoi!3270 «Ceuxdontl’amourteréchauffaitcreuseronttatombe,ilsferontdetoi

unalimentpourlesfourmisetlesreptiles.«Celuiquibiensouvent,entaprésence,semourait(dedésir)pourtoi,

seboucheralenezdevanttapestilence.»Lesrayonsdel’espritsontlaparole,lesyeuxetl’ouïe;l’effetdufeuest

lebouillonnementdel’eau.Demêmequelerayondel’esprittombesurlecorps,ainsilesrayonsde

l’Abdâltombentsurmonâme.Quand l’Ame de l’âme disparaît de l’âme, l’âme devient pareille au

corpsinanimé,sache-le!Pour cette raison, je pose ma tête sur la terre, afin qu’elle soit mon

témoinauJourduJugement.LeJourduJugement, lorsqu’elleserasecouéeparson tremblement89,

cetteterreporteratémoignagedetoutcequis’estpassé,Carelleraconteraclairementsaproprehistoire90:lesoletlesrochers

semettrontàparler.Lephilosophe,avecsespenséesetopinions(vaines),devientincroyant:

ordonne-luid’allersefracasserlatêtecontrecemur!

Page 327: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

La parole de l’eau, la parole de la terre et la parole de la boue sontperçuesparlessensdesmystiques.

3280 Lephilosophequinecroitpasaupilierquigémissaitestétrangerauxperceptionsdessaints.Il dit que l’influence de la mélancolie apporte maintes imaginations

danslesespritsdesgens.Non,c’estlerefletdesaperversitéetdesamécréancequiprojettesur

luicevainscepticisme.Lephilosophearriveànierl’existenceduDémon,etenmêmetemps,il

estpossédéparundémon.Si tu n’as pas vu le Démon, regarde-toi toi-même : sans possession

diabolique,iln’yapasdenoirceursurlefront.Quiconqueadesdoutesetde laperplexitédans soncœurestdansce

mondeunphilosopheensecret.Ilprofesseunefoiferme,maisàunmomentoul’autre,cettetendance

philosophiqueluinoirciralaface.Prendsgarde,ôtoicroyant!carcettetendancesetrouveentoi,entoi

existentmaintsmondesinfinis.Entoisontlessoixante-douzesectes:malheuràtoisiunjourelleste

dominent.Depeurdecela,quiconquealachance(barg)depossédercettefoide

l’Islamtremblecommeunefeuille(barg).3290 Tut’esmoquéd’Iblîsetdesdémonsparcequetut’esconsidérécomme

unhommedebien.Quandl’âmeretrouverasonvêtement(pourapparaîtredanssaréalité),

combiende«malheuràmoi!»arrachera-t-elleauxmusulmans!Sur le comptoirde laboutique, tout cequi ressembleàde l’or sourit,

parcequelapierredetoucheestabsente.ÔToiqui couvresnos fautes, ne retirepasdenous cevoile.Protège-

nouslorsquenousseronsjugés.Lanuit,lafaussemonnaierivaliseavecl’or:l’orattendlejour.Sansparoles,l’ordit:«Attends,ômétaldepacotille,jusqu’àcequele

jourselève.»Pendantdescentainesdemilliersd’années,lemauditIblîsétaitunsaint

etleprincedesvraiscroyants;A cause de son orgueil, il combattit Adam et fut couvert de honte,

commedufumieraumatin.

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CommentBal’am,filsdeBâ‘ur,priaDieu,disant:«FaisqueMoïseetsonpeuples’enretournentsans

avoirobtenucequ’ilsdésiraient,decettecitéquiestassiégée»

es habitants dumonde devinrent soumis àBa’lam, fils deBâ‘ur,carilétaitcommeleJésusdesonépoque.Ilsnesecourbaientensalutationsquedevant lui ; samagie rendait la

santéauxmalades.3300 Parorgueiletsentimentdesapropreperfection,ilcombattitMoïse:sa

détressedevinttellequetuTasappris.De toute façon, il y a eu dans lemonde,manifestes ou cachées, cent

millepersonnescommeIblîsetBa‘lam.Dieua fait que tousdeuxdeviennentbienconnus, afinque tousdeux

puissenttémoignercontrelereste.Cesdeuxvoleurs,Illespenditauhautd’ungibet;autrement,ilyavait

biend’autresvoleursméritantSavengeance.Ces deux-là, Il les traîna par les cheveux jusqu’à la cité (pour les

abattre) ;mais ilest impossiblededénombrer toutes lesvictimesdeSoncourroux.Tuesun favorideDieu,maisdansde justes limites.PourDieu,pour

Dieu,nesorspasdeceslimites!Situluttesavecquelqu’unquisoitunplusgrandfavoriquetunel’es

toi-même,celateferatomberplusbasquelaseptièmeterre.Quelestlebutdel’histoirede‘AdetdeThamûd?Quetusachesque

lesprophètesméprisentlespervers.Cessignes—laterreavalantlespécheurs,leurlapidation,lescoupsde

la foudre — constituaient des preuves de la puissance de l’Amerationnelle.Tuez tous les animaux pour les besoins de l’homme, tuez toute

l’humanitépourlesbesoinsdelaRaison.3310 Qu’est-cequelaRaison?L’Intelligenceuniverselledel’hommedoué

deraison.Laraisonpartielleestaussiraison,maiselleestinfirme.Tous les animaux sauvages à l’égard de l’homme sont inférieurs à

l’universelhumain.Leursangestlicite(religieusement)pourl’humanité,puisqu’ilsnesont

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pasdevenuscapablesd’actionshumaines.L’honneur des animaux sauvages n’est plus rien, parce qu’ils sont

devenushostilesàl’homme.Quelhonneur seradonc le tien,ô toi l’insensé !puisque tuesdevenu

semblableauxânessauvagesapeurés?Acausedesonutilité,l’ânenedoitpasêtretué;maisquandildevient

sauvage,sonsangdevientlicite.Bien que l’âne n’ait pas de connaissance qui l’empêche (de devenir

sauvage),leDieuaimantnel’excusenullement.Commentdoncl’hommeserait-ilexcusé,ômonnobleami,quandilest

devenusauvage(hostile)àcetteParole(delaRaison)?Donc,lapermissionaétédonnéedeverserlesangdesinfidèlescomme

celuid’unanimalsauvagedevantlesflèchesetleslances.Et leurs femmes et leurs enfants sont du butin, parce qu’ils sont

sauvagementhostilesàlaRaisonauguste.3320 Unefoisdeplus,uneraisonquis’enfuitloindelaRaison(universelle)

esttransportéedelarationalitéauniveaudesanimaux.

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CommentHârûtetMârût91sefièrentàleurpuretéetdésirèrentsemêlerauxhabitantsdecemondeet

tombèrentdanslatentation

’est ainsi qu’à cause de leur orgueil les illustres Hârût et Mârûtfurentfrappésparlaflècheempoisonnée(duCourrouxdivin).Ils avaient confiance en leur sainteté : mais à quoi sert-il au buffle

d’avoirconfiancedanslelion?Bienqu’il tentecentdéfensesavecsescornes, le lionférocedéchirera

sesmembresenpièces.Même si ses cornes étaient aussi nombreuses que les piquants d’un

porc-épic,lebuffleserainéluctablementtuéparlelion.Bien que le vent de Sarsar déracine bien des arbres, il fait luire de

beautéchaquebrind’herbe.Ceventviolentapitiédelafaiblessedel’herbe:toi,ôcœur,netevante

pasenvaindetaforce.Comment la hache serait-elle effrayée par l’épaisseur des branches ?

Ellelescoupeenmorceaux.Mais elle ne se bat pas contre une feuille, elle ne frappe de son

tranchantquecontreunautretranchant.Pourquoilaflammesesoucierait-elledelagrandequantitédesfagots?

Comment le boucher se sauverait-il de terreur devant la multitude desmoutons?

3330 Qu’estlaformeencomparaisondelaréalité?Trèsfaible.C’estlaréalitéducielquilemaintientretourné.Jugeparanalogieaveclarouecéleste:d’oùprovientsonmouvement?

delaRaisonquiladirige.Le mouvement de ce corps pareil à un bouclier provient de l’esprit

voilé,ômonfils!Lemouvementdeceventprovientdesaréalité,commelarouecaptive

del’eauduruisseau;Le flux et le reflux, l’aspiration et l’expiration de ce souffle, d’où

viennent-ils,sinondel’espritremplidedésir?C’estl’espritquifaitdusouffletantôtdjîm,tantôthâetdâl ; ilenfait

tantôtlapaixettantôtlaguerre.Demême,notreDieuafaitdecevent(deSarsar)undragonrugissant

Page 331: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

contre‘Ad.Denouveau,Ilafaitqueceventfûtlapaix,lasollicitudeetlasécurité

pourlesvraiscroyants.«LaRéalitéultimeestAllah»,aditleSheikhdelaReligion*quiestla

MerdesréalitésspirituellesduSeigneurdeschosescréées.Touteslescouchesducieletdelaterrenesontquedesbrinsdepaille

danscetocéan.3340 Lemouvementimpétueuxdesbrindillessurl’eauestproduitparl’eau

quandelleestagitée.Quand laMer de la Réalité désire que les brins de paille cessent de

lutter,ellelesrejettesurlerivage.Lorsqu’ellelesattiredenouveaudelariveverslahoule,elleenfaitce

queleventdeSarsarfaitdel’herbe.Cesujetn’apasdefin.Retourneenhâte,ôjeunehomme,àl’histoirede

HârûtetMârût.

*SansdouteSadrod-DînKonyawî.

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Lerestedel’histoiredeHârûtetMârûtetcommentunchâtimentexemplaireleurfutinfligé,même

encemonde,dansl’abîmedeBabylone

tant donné que les péchés et la perversité des gens de la terredevenaientpoureuxclairementvisiblesàpartirdesfenêtres(duciel),Ilssemirentàsemordrelesmainsdecolère,maisneserendirentpas

comptedeleurproprefaute.L’homme laid s’est vudans lemiroir : il a détourné sonvisage et est

furieux.Quandunepersonneinfatuéed’elle-mêmevoitquelqu’uncommettreun

péché,ilapparaîtenelleunfeuprovenantdel’enfer.ElleappellecetorgueilinfernaldéfensedelaReligion;elleneperçoit

pasl’essencedel’arrogancequisetrouveenelle-même.LadéfensedelaReligionestbiendifférente,carcetteflammerendun

mondeentierverdoyant.3350 Dieuleuradit:«Sivousêtesvous-mêmeséclairés,neregardezpas

avecméprisceuxquicommettentdemauvaisesactionsetsontoublieux(deDieu).«Rendezgrâces,ôhabitantsdescieuxetserviteursdeDieu!Vousêtes

délivrésdudésiretdesrelationssexuelles.«SiJevous imposaiscettesortedenature, leCielnevousadmettrait

plus.« Si vous êtes préservés du péché que vous avez en vos corps, c’est

parcequeJevouspréserveetprendssoindevous.«Oh!Prenezgarde!considérezcelacommevenantdeMoi,etnonde

vous-mêmes,depeurqueleDémonmauditl’emportesurvous.»Comme, par exemple, le scribe de la Révélation donnée au Prophète

croyaitquelaSagesseetlaLumièreoriginellesetrouvaientenlui-même.Il pensait être un congénère des Oiseaux de Dieu, alors que ce qui

provenaitdeluin’étaitqu’unsifflementressemblantàunécho.Situdeviensunimitateurduchantdesoiseaux,commentconnaîtras-tu

lavéritablesignificationdel’oiseau?Si tu apprends le chant du rossignol, comment sauras-tu ce qu’il

éprouvepourlarose?

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Ou, si tu le sais, ce sera par analogie et supposition, comme lesconjecturesquefontlessourdsàpartirdeceuxqu’ilsvoientmouvoirleurslèvres.

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Commentlesourdallarendrevisiteàsonvoisinmalade

3360 nhommepossédantdegrandesrichessesditàunsourd:«Undetesvoisinsesttombémalade.»Lesourdsedità lui-même:«Étantdurd’oreille,quecomprendrai-je

auxparolesdecejeunehomme?«Surtoutqu’ilestmaladeetquesavoixestfaible;maisjedoisyaller,

jenepeuxyéchapper.« Quand je verrai ses lèvres se mouvoir, je ferai une supposition

concernantcemouvement.«Quandjedirai:“Commentvas-tu,ômonamimalade?”Ilrépondra:

“Jevaisbien”,ou“Jenevaispasmal.”«Jedirai:“Dieusoitloué!Quellepotionas-tubue?”Ilrépondra:“Un

sorbet",ou“Unbouillondeharicots.”«Alorsjedirai:“Puisses-turecouvrerlasanté!Quiestlemédecinqui

tetraite?”Ilrépondra:“Untel”.«C’est quelqu’un qui apporte la chance, remarquerai-je, puisqu’il est

venu,toutirabienpourtoi.«J’aifaitl’expériencedelachancequ’ilapporte:oùqu’ilaille,l’objet

désiréestatteint.»Lebravehommeimaginacesréponses,etallavoirlemalade.

3370 «Commentvas-tu?»luidemanda-t-il.«Jesuisauseuildelamort»,dit-il.«Dieumerci»,s’écrialesourd.Lemaladedevintindignéetpleinderessentiment,Sedisant à lui-même :«Quels remerciements sont-ce là ? Il estmon

ennemi.»Lesourdavaitfaitunesuppositionet,commeonlevoit,elleserévélaitfausse.Aprèsquoi,illuidemandacequ’ilavaitbu.«Dupoison»,répondit-il.

«Puissecelavousfairedubienetvousrendrelasanté!»ditlesourd.Lafureurdumaladeaugmenta.Puis il demanda : « Lequel desmédecins vient-il vous soigner ? » Il

répondit:«Azraîl(l’angedelamort)vient.Va-t’en!»«Sonarrivée,ditlesourd,estbénie,soisheureux!»Le sourd dit gaiement : «Dieu soit loué !A présent, je vais prendre

congé.»Lemaladesedit:«Celui-ciestmonennemimortel; jenesavaispas

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qu’ilétaitunhommeaussipervers.»L’espritdumaladecherchaitcenttermesinsultantspourluiadresserun

messageremplid’injuresdetoutessortes,Demêmeque,lorsqu’onamangéunaliment(indigeste),celaretourne

l’estomacjusqu’àcequ’onvomisse.La suppression de la colère est ainsi : ne la vomis pas, afín que tu

puissesobtenirdedoucesparolesenrécompense.3380 Étantdonnéqu’iln’avaitpasdepatience,ilétaittourmenté.«Ôù,

s’écria-t-il,estcevaurien,cetinfâmeéhonté,«Que jedéverse sur lui lesmêmeschosesqu’il adites?Caralors le

liondemapenséeétaitendormi.«Puisquevisiterlesmaladesestdestinéàleurapporterlatranquillité,

cen’estpaslàunevisiteàunmalade:c’estlasatisfactiondusouhaitd’unennemi,«Pourvoirsonennemiaffaiblietquesonméchantcœursoitenpaix.»Biendesgensfontdesœuvresdedévotionetdésirentêtreapprouvéset

récompensésàcaused’elles.En vérité, c’est un péché caché : si on le croit pur, en réalité on se

trompe,Comme dans le cas du sourd qui s’imaginait témoigner de la

bienveillance,maiscelaeutdesrésultatsopposés.Il s’assied, tout content, disant : « J’ai présenté mes respects, j’ai

accomplicequejedevaisàl’égarddemonvoisin.»Mais il a seulement attisé du feu contre lui-même dans le cœur du

maladeets’estbrûlé.Prendsdoncgardeaufeuque tuasallumé :envérité, tonpéchés’est

accru.3390 LeProphèteditànotreArabedudésert:«Faislaprièrerituelle,caren

véritétun’aspasbienprié,monami.»Commemoyen de prévenir ces risques,Guide-nous92 se trouve dans

chaqueprièrerituelle,C’est-à-dire :«ÔDieu,nemélangepasmaprièreaveccelledeceux

quisontégarésetdeshypocrites.»Acauseduraisonnementparanalogieque lesourdadopta,uneamitié

dedixannéesfutdétruite.En particulier, ô mon ami, évite l’analogie tirée des sens charnels

concernantlaRévélation,quiestsanslimites.Sitonoreillesensuelleestcapabled’encomprendrelalettre,sacheque

tonoreillequiperçoitlesenssecretestsourde.

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Lepremierquiusaduraisonnementparanalogieàl’égarddutexte

révéléfutlblîs

a première personne qui présenta ces misérables analogies enprésencedesLumièresdivinesfutlblîs.Ildit:«Sansnuldoute,lefeuestsupérieuràlaterre:Jesuisdefeu;

Adamestfaitdelimonsale.«Jugeonsdoncencomparantlesecondaireavecleprincipal:ilestfait

deténèbres,etmoidelumièreéclatante.»Dieu dit : «Non, au contraire, il ne sera plus question pour eux de

généalogie93, l’ascétisme et la piété seront la seule voie vers laprééminence.»

3400 Celan’estpasl’héritagedumondefugace,quetupuissesl’obtenirparlesliens(delaparenté):c’estunhéritagespirituel.Envérité,ceschosessontl’héritagedesprophètes;leshéritiersdeces

dernierssontlesespritsdeshommespieux.LefilsdeBûDjahldevintunvéritablecroyantauxyeuxdetous,lefils

deNoédevintl’undeségarés.«L’enfantdelaterre(Adam)estdevenuilluminécommelalune.Tues

l’enfantdufeu:va-t’en,levisagenoir(dehonte).»L’homme sage s’est servi de tels raisonnements et cherche, un jour

nuageuxoupendantlanuit,pourtrouverlaQibla;Maisquand le soleil et laKa‘basonten facede toi,necherchepasà

raisonnerett’enquérirdecettefaçon.Neprétendspasqu’ilestimpossibledevoirlaKa‘ba,nedétournepas

tonvisageàcausedetonraisonnement.Dieusaitmieuxcequiestjuste.Quandtuentendsunpépiementdel’OiseaudeDieu,tumémorisesson

sensapparent,commeuneleçon.Puis,de toi-même, tuconstruiscertainesanalogies, tu transformesune

simpleimaginationenuneréalité.Les Abdâl ont certaines expressions mystiques que les doctrines

exotériquesignorent.3410 Tuasapprislelangagedesoiseauxparleson,tuasinventécent

analogiesetcentfantaisies.Les cœurs sont blessés par toi, comme lemalade le fut tandis que le

sourddevintenivréparlavaineidéedusuccès.

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LescribedelaRévélation,enentendantlavoixdel’Oiseau,s’imaginaêtrel’égaldel’Oiseau;L’oiseaubattitd’uneaileet l’aveugla; il leplongeadansunabîmede

mortetd’affreusemisère.«Prenezgarde!Nesoyezpas,vousaussi*,leurrésparuneréflexionou

uneopinion,netombezpasdeshauteursduCiel!«BienquevoussoyezHârûtetMârûtetsupérieursàtouslesangessur

l’estradedeNoussommesplacésenrangs94,«Cependant,ayezpitiédelaperversitédespervers :nevousattachez

pasàl’égoïsmeetàlavanité.«Prenezgardequelajalousiedivinenesurvienneàl’improvisteetque

vousnesoyezprécipitésdanslesentraillesdelaterre.»Tousdeuxdirent:«ÔDieu,àToiestledécret:horsdeTaprotection,

oùya-t-ilenvéritéunesécurité?»Ils parlaient ainsi, mais leurs cœurs palpitaient : « Comment un mal

nousadviendrait-ilànous,lesbonsserviteursdeDieu?»3420 L’aiguillondudésirnequittapaslesdeuxangesavantquefûtseméeen

euxlagrainedelavanité.Alors ilsdisaient :«Ôvousquiêtescomposésdesquatreélémentset

ignorezlapuretédesêtresspirituels,« Nous tirerons des rideaux (de lumière) sur le ciel (terrestre), nous

viendronssurterreetnousdresseronsundais,«Nous rendrons la justice, nous accomplirons le culte et chaque nuit

nousnousenvoleronsànouveauversleciel,« Afin de devenir la merveille dumonde, afin d’établir la paix et la

sécuritésurlaterre.»L’analogie entre l’état du Ciel et celui de la terre est inexacte : elle

recèleunedifférence.

*Dieus’adresseiciàHârûtetMârût.

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Expliquantquel’ondoitcachersespropresétatetivressespirituels

àl’ignorant

coutelesparolesduSage(Sanâ’î)quivivaitdanslaretraite:«Posetatêteaumêmeendroitoùtuasbulevin.»Quandl’hommeivremarchedetraversausortirdelataverne,ildevient

pourlesenfantsunobjetdemoquerieetunjouet.Partout où il va, il tombe dans la boue, tantôt de ce côté, tantôt de

l’autre,ettouslesimbécilessemoquentdelui.Ainsis’enva-t-il,tandisquelesenfantsquilepoursuiventn’ontaucune

connaissancedecetteivressenidugoûtduvin.3430 Tousleshommessontdesenfants,exceptéceluiquiestenivrédeDieu;

nuln’estunadulte,exceptéceluiquiestlibérédesdésirssensuels.Dieuadit :«Cemondeestunjeuetunpasse-tempsetvousêtesdes

enfants»;etDieuditlavérité.Situn’aspasrenoncéaujeu,tuesunenfant:comment,sanspuretéde

l’esprit,seras-tupleinementintelligent?Sache, ô jeune homme, que les désirs auxquels les hommes

s’abandonnent en ce monde sont comme les relations sexuelles desenfants.Qu’est-ce que la relation sexuelle pour un enfant ? Un simple jeu,

comparéàlarelationsexuelled’unRustametd’unvaillantchampiondel’Islam.Les guerres de l’humanité sont comme les disputes des enfants —

toutesstupides,sansimportanceetméprisables.Tous leurs combats sont menés avec des sabres de bois, tous leurs

desseinssontfutiles.Ilschevauchentunecannedebambou,disant:«Cela,c’estnotreBûrâq

(le coursier du Prophète lors de son ascension) ou notremule qui courtcommeDuldul(muleappartenantauProphète).»Cesonteuxquiportent(leursmontures)mais,dansleurfolie,ilssesont

élevésbienhaut : ils se sont imaginésêtredescavaliersemportés sur lechemin.Attends le jour où ceux qui sont élevés très haut parDieu passeront,

galopant,au-delàdesneufétages(duciel).3440 L’EspritetlesangesmonterontversLui95:àl’ascensiondel’Esprit,le

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cieltremblera.Comme lesenfants,vouschevauchezvos jupes,vousavezpris lepan

devotrevêtementcommecheval.DeDieuestvenuelaparole:«Lasuppositionneprévautpascontrela

Vérité96»;quandlecoursierdel’opinionest-ilmontéauxcieux?Toutenpréférant laplusfortededeuxopinions,nemetspasendoute

quetuvoislesoleilquandilbrille.Encetemps,voyezvoscoursiers!Vousavezfaituncoursierdevotre

proprepied.Ton imagination, ta réflexion, ta perception sensorielle et ta

compréhension sont comme la canne de roseau que chevauchent lesenfants.Les sciences des mystiques (Sahib-dîl) les transportent dans les

hauteurs;lessciencesdeshommescharnelssontpoureuxdesfardeaux.Quand la connaissance est acquise par l’expérience mystique, elle

devientuneaide (yârî) ; quand la connaissance est acquisepar les sens,elledevientunfardeau(bârî).Dieuadit:«Chargédelivres97(commeunâne)»;laconnaissancequi

neprovientpasdeLuiestunfardeau.LaconnaissancequineprovientpasimmédiatementdeLuinedurepas,

commelemaquillagedeladamed’atours.3450 Maissituportesbiencefardeau,ilseraretiréetl’ontedonneralajoie.

Prends garde ! Ne porte pas ce fardeau de la connaissance par désirégoïste,afindepouvoirchevaucherlecalmecoursierdelaconnaissance.Desortequetupuissesmonterlepaisiblecoursierdelaconnaissance,

etqu’ensuitelefardeaupuissetomberdetonépaule.Commentseras-tudélivrédesdésirssanslacoupedeHû(Lui),ôtoiqui

tecontentesd’avoirdeHûseulementlenomdeHû?Del’attributetdunom,quenaît-il?L’imagination;etcetteimagination

conduitàl’unionavecLui.Vis-tu jamais quelqu’unquimontre sans un objetmontré ?S’il n’y a

pasderoute,iln’yajamaisdegoule(quiensorcellelesvoyageurs).As-tujamaisvuunnomsanslaréalitédésignéeparlui?As-tujamais

cueilliuneroseavecleslettresR.O.S.E.?Tuasprononcé lenom :vachercher la chosenommée ; sacheque la

luneestdansleshauteurs,nondansl’eauduruisseau.Si tu veux passer au-delà du nom et de la lettre, purifie-toi

complètementdetoi-même.

Page 340: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

A l’instar du fer poli, perds ta couleur de rouille ; deviens parl’ascétismecommeunmiroirsansrouille.

3460 Purifie-toidesattributsdu«moi»,afindepouvoircontemplertapropreessencepure,Etcontempleren toncœur les sciencesdesprophètes, sans livre, sans

précepteurnimaître.LeProphèteadit :«Parmi lesmiens, ilyenaquisontavecmoipar

leurnatureetleuraspiration:«Leurs espritsmevoientpar lamême lumièregrâce à laquelle je les

vois.»Sans les deux Sahîhs*, les Traditions et les traditionalistes ; ils le

contemplentencelieuoùilsboiventl’EaudelaVie.Connaislesecretde:«Lesoirj’étaisunKurde»;lislemystèrede:

«Lematin,j’étaisunArabe.»Et si tu désires une parabole concernant la connaissance cachée, lis

l’histoiredesByzantinsetdesChinois.

* Les deux recueils les plus cèlèbres de Hadiths prophètiques authentiques(sahîh),c’est-à-direceuxdeMuslimetBukharî.

Page 341: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

HistoiredeladiscussionentrelesByzantinsetlesChinoissurl’artde

peindreetdefairedesportraits

lesChinoisdisaient :«Noussommeslesmeilleursartistes» ; lesByzantins disaient : « C’est à nous qu’appartiennent le pouvoir et laperfection.»«Jevousmettraià l’épreuveencetteaffaire,dit lesultan,et jeverrai

lequeldevousaraisondanscetteprétention.»Les Chinois et les Byzantins se mirent à discuter. Les Byzantins

quittèrentledébat.3470 LesChinoisdirentalors:«Attribuez-nousunecertainesalle,etqu’ily

enaitunepoureuxaussi.»Il y avait deux pièces, dont les portes se faisaient face : les Chinois

prirentl’une,lesByzantinsl’autre.LesChinoisprièrent le roide leurdonnercentcouleurs ; le roiouvrit

sontrésorafinqu’ilsreçoiventcequ’ilsdésiraient.Chaquematin, par sa libéralité, les couleurs étaient octroyées de son

trésorauxChinois.LesByzantinsdéclarèrent:«Aucuneteintenicouleurneconviennentà

notretravail.Ilnefautrienqueretirerlarouille.»Ilsfermèrent laporteetsemirentàpolir : lesmursdevinrentclairset

purscommeleciel.Ilyaun«chemin»delabigarrureàl’absencedecouleurs;lacouleur

estsemblableauxnuages,etl’absencedecouleursàlalune.Quelque lumière et splendeur que tu voies dans les nuages, sache

qu’elleprovientdesétoiles,delaluneetdusoleil.QuandlesChinoiseurentachevéleurtâche,dejoieilssemirentàbattre

dutambour.Le roi entra etvit lespeintures : cettevision, lorsqu’il l’aperçut, ravit

sesesprits.3480 Ensuite,ilallaverslesByzantins:ilsretirèrentlerideauquiles

séparait.Le refletdecespeinturesetœuvresd’artdesChinoisvint frapperces

mursquiavaientétépurifiésdetoutesouillure.Toutcequelesultanavaitvu(danslasalledesChinois)semblaitplus

splendideici:celaravissaitleregard.

Page 342: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

LesByzantins,ômonpère, sont les soufis : ils sont sansétudes, sanslivres,sansérudition.Mais ils ont poli leurs poitrines et les ont purifiées du désir, de la

cupidité,del’avarice,deshaines.Cette pureté du miroir est, sans nul doute, le cœur qui reçoit

d’innombrablesimages.CeMoïsegardeensonseinlaformeinfiniesansformedel’Invisible,

reflétéedanslemiroirdesoncœur.Bien que cette forme ne soit pas contenue dans le Ciel, ni dans

l’empyrée,nidanslasphèredesétoiles,nisur leglobequireposesurlePoisson*.Car toutes ces choses sont limitées et dénombrées — sache que le

miroirducœurestsanslimites.Ici, l’entendement devient silencieux, sinon il induit en erreur, car le

cœurestavecDieu,ouplutôtlecœur,c’estLui.3490 Lerefletdechaqueimagebrilleéternellementàpartirducœurseul

jusqu’àl’éternité,tantdanslapluralitéqu’endehorsd’elle.Jusqu’à l’éternité, chaque nouvelle image qui tombe sur le cœur y

apparaîtsansaucuneimperfection.Ceuxquiontpolileurcœurontéchappéauxparfumsetauxcouleurs:

ilscontemplentsanscesselaBeautéàchaqueinstant.Ilsontabandonnélaformeetl’écorcedelaconnaissance,ilsontbrandi

l’étendarddelacertitude.La pensée s’est enfuie, et ils ont obtenu la lumière : ils ont atteint

l’essenceetl’océandelaconnaissancemystique.Lamort,quieffraietousleshommes,cesgenslatournentendérision.Nulneremportelavictoiresurleurscœurs:briselacoquilledel’huître,

etnonlaperle.Bien qu’ils aient renoncé à la grammaire (nahw) et la jurisprudence

(fiqh), ils ont acquis cependant l’anéantissement mystique (mahw) et lapauvretéspirituelle(faqr).DepuisquelesformesdeshuitParadisontresplendi,ellesonttrouvéles

tablettesdeleurscœursréceptives.De l’empyrée, de la sphère étoilée et du vide, ils reçoivent cent

impressions ; quelles impressions ? En vérité, c’est la vision même deDieu.

*Selonunmythepopulaire,leglobeterrestrereposesurlescornesd’untaureau,

Page 343: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

lui-mêmereposantsurunpoisson.

Page 344: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentleProphète(surLuilapaix!)demandaàZayd:

«Commentes-tuaujourd’hui,etdansquelétatt’es-tulevé?»EtcommentZaydluirépondit:«Cematin,jesuisunvraicroyant,ô

MessagerdeDieu»

3500 nmatin,leProphèteditàZayd:«Commentes-tucematin,ômonsincèreCompagnon?»Il répondit : « Je suis un fidèle serviteur de Dieu. » A nouveau, le

Prophète lui dit : « Quel signe rapportes-tu du Jardin de la Foi, s’il afleuri?»Ildit :« J’étaisassoiffépendant le jour,et lanuit jen’aipasdormià

causedel’amouretdespeinesbrûlantes,«De sorte que je suis passé au-delà du jour et de la nuit, comme la

pointedelalancetraverselebouclier;«Car au-delà (du royaumedes contraires), la nativité et la croissance

continue sont une : des centaines demilliers d’années sont comme uneseuleheure.«Lapérennitéetl’éternitésontunieslà-bas:lacompréhensionnepeut

yaccéderaumoyendelarecherche.»LeProphètedemanda:«Quelestledonduvoyageurquetuasrapporté

de ce voyage ? Montre-le. Quelle est la preuve de sincérité que tu asapportéedecebeaupayslà-bas?»Zayddit:«Quandlesautresgensvoientleciel,jecontemplel’empyrée

avecceuxquiydemeurent.«Les huit Paradis et les septEnfers sont aussi visibles pourmoi que

l’idolepourl’idolâtre.«Jedistinguelesgenslà-bas,unàun,commelefromentdel’orgedans

lemoulin,3510 «DesortequeceluiquiestdestinéauParadisetceluiquiyrestera

étrangersontaussiclairspourmoiqueladifférenceentreunserpentetunpoisson.»LejourdelanaissancepourlesAnatoliensetlesÉthiopiensetchaque

race est le Jour où certains visages s’éclaireront tandis que d’autresvisagesserontnoirs98.

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Avantcettenaissance,sipécheurquefutl’esprit,ilétaitdansleseinducorpsetcachéauxyeuxdesgens.Lesdamnés sont ceuxqui sontdamnésdans le seinde lamère ; tous

sontconnusparlessignesdeDieu.Lecorps,commeunemère,contient l’enfantspirituel : lamortest les

souffrancesetlesdouleursdel’enfantement.Touslesespritsquisontpassés(àl’autrevie)attendentpourvoirdans

quelétatcefierespritnaîtra.LesÉthiopiens(lesespritsdesdamnés)disent :«Ilnousappartient.»

LesAnatoliens(lesespritsbénis)disent:«Non,ilestbeau.»Dèsqu’ilestnédanslemondedel’espritetdelagrâcedivine,iln’ya

plus de divergence d’opinion entre les Blancs (bénis) et les Noirs(damnés).Sic’estunÉthiopien(unespritdamné),lesÉthiopiensl’emmènent;et

sic’estunAnatolien(unespritbéni),lesAnatoliensleconduisent.Jusqu’àcequ’ilsoitnédanslaviefuture,c’estuneénigmepourtoutle

monde:peudegensconnaissentladestinéedeceluiquin’estpasné.3520 Celui-làvoitsûrementparlalumièredeDieu,carilalemoyende

connaîtrecequiestcaché(souslapeau).L’eau de la semence humaine est blanche et belle, mais le reflet de

l’esprit,qu’ilsoitAnatolienouÉthiopien,Confèrelacouleuràceuxquisontcréésdanslaformelaplusparfaite99

tandisqu’ellefaittombercetteautremoitiéauplusbasdegré.Ce discours n’a pas de fin. Hâte-toi de retourner, afin que nous ne

soyonspaslaissésenarrièreparlafiledechameauxdelacaravane.Le jour où certains visages s’éclaireront tandis que d’autres visages

serontnoirs, par qui sera encore témoigné du respect auTurc comme àl’Indien?Danslesein(decemonde),onnepeutdistinguerl’IndienduTurc,mais

quand chacun est né dans l’autre monde, on voit qui est misérable ouglorieux.« Je les vois tous clairement, comme ils seront au Jour de la

Résurrection,commedesfoulesdegens,hommesetfemmes.« Écoute : parlerai-je ou garderai-je le silence ? »Mustafâ (Moham-

mad)semorditlalèvre,commepourdire:«Assez!»«ÔMessagerd’Allah,dirai-jelemystèreduRassemblement,rendrai-je

laRésurrectionmanifestedanslemonded’aujourd’hui?« Laisse-moi, que je puisse déchirer les voiles, que ma substance

(spirituelle)puissebrillercommeunsoleil;

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3530 «Quelesoleilsoitéclipséparmoi,quejepuissemontrerladifférenceentreledattieretlesaulestérile.«JemontrerailemystèredelaRésurrection,lamonnaieauthentiqueet

cellemêléeàunalliage;«Lesgensde lagauche (damnés) avec leursmainscoupées ; je ferai

voirlacouleurdel’impiétéetlacouleurdesgensduProphète.«Jerévélerailesseptpéchésdel’hypocrisieàlalumièredelalunequi

nesubitniéclipsenidiminution.« Je montrerai les haillons dont seront vêtus les coupables. Je ferai

entendrelestamboursetlescymbalesdesprophètes.«Jerévéleraiclairement,auxyeuxdesinfidèles,l’Enfer,lesJardinsdu

Paradis,etl’étatintermédiaire(Barzakh),«JemontrerailafontaineduKawtharagitéedevagues,quiprojettede

l’eausurlesvisages(desélus)tandisquesonbruitchanteàleursoreilles.«EtceuxquicourentassoiffésautourduKawthar,jelesnommeraiun

parunetdiraiquiilssont:« Leurs épaules se frottent àmes épaules, leurs crisme déchirent les

oreilles.« Devant mes yeux, les habitants du Paradis, par libre choix,

s’étreignentl’unl’autre,3540 «Rendantvisiteàleursplacesd’honneurrespectives,etdérobantdes

baisersauxlèvres(deshouris).«Mon oreille est devenue assourdie par les cris de “Hélas ! hélas !”

poussés par les misérables dans l’enfer et par les hurlements de “Oh !quellepeine!”« Ce ne sont là que des allusions. Je voudrais parler à partir de la

profondeur (dema connaissance),mais je crains d’offenser leMessager(d’Allah).»Ilparlaitdecettemanière,enivréetbouleversé;leProphètelepritpar

lecolEtdit :«Prendsgarde !Freine toncheval,car il estdevenuemporté.

QuandlerefletdeDieun’apashonte(delavérité100) frappelecœur, lahontedisparaît.« Ton miroir est sorti de son étui ; comment le miroir et la balance

diraient-ilsdeschosesfausses?«Commentlemiroiretlabalancesetairaient-ilsdepeurdeblesserou

d’humilierquiconque?« Lemiroir et la balance sont de nobles pierres de touche ; si tu les

implorespendantdeuxcentsans,

Page 347: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

«Disant:“Paramourpourmoi,dissimulelavérité;montrel’avantageetnedévoilepaslemanque",«Ils tediront :“Ne tegaussepas !Lemiroiret labalance,ensuite la

tromperieetlafausseté!”3550 «PuisqueDieunousafaitsafinquegrâceànousilsoitpossiblede

connaîtrelavérité,«Sicelaneseproduitpas,quellevaleuravons-nous,ôjeunehomme?

Commentdeviendrons-nousunrefletduvisagedeceluiquiestbeau?«Mais,ditleProphète,remetslemiroirdanssonétui,sil’illumination

divineafaitdetonseinunSinaï.»Zayddit:«Eh!quoi!leSoleildelaVéritéetleSoleildeTÉternité

pourraient-ilsêtrecontenusenquelquefaçonsouslebras?« Ildétruit à la fois l’aisselle (baghal) et l’imposture (daghal) ; en sa

présencenedemeurentnifolieniintelligence.»LeProphètedit:«Quandtuposesledoigtsurtonœil,tuvoislemonde

dépourvudesoleil.« Le bout de ton doigt devient un voile sur la lune— et cela est un

symboleduvoilementparDieu,«Desortequelemondeentierpuisseêtrecachéparunseulpoint,etle

soleiléclipséparuneécharde.»Ferme tes lèvresetcontemple laprofondeurde lameren toi :Dieua

rendulamersoumiseàl’homme,DemêmequelesfontainesdeSalsabîletZandjabîlsontsouslecontrôle

desêtressublimesduParadis.3560 LesquatrerivièresduParadissontsousnotrecontrôle;cen’estpasdûà

notrepouvoir,maisàl’ordredeDieu:Nouslesfaisonscoulerlàoùnousvoulons,commelamagiequiobéit

audésirdesmagiciens,A l’instardecesdeux fontainesdesyeuxqui sont sous lecontrôledu

cœuretsoumisàl’ordredel’esprit.Silecœurleveut,ilssetournentverslepoisonetleserpent,ets’ille

veut,ilssetournentversl’admonition.S’illeveut,ilssetournentversdeschosestangibles,et,s’illeveut,vers

deschosesdissimulées.S’il le veut, ils avancent vers les universaux, et s’il le veut, ils

demeurenttournésverslesparticuliers.Demême,touslescinqsenssemeuventselonlavolontéetl’ordredu

cœur,commelabobinedutisserand.Tous les cinq sens se meuvent dans la direction que le cœur leur

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indique.Lamainetlepiedsontmanifestementsouslesordresducœur,comme

lebâtondanslamaindeMoïse.Silecœurleveut,aussitôt lepiedsemetàdanser,ous’enfuit loindu

manqueetversl’accroissement.3570 Silecœurleveut,lamains’entendaveclesdoigtspourécrireunlivre.

La main reste saisie par une main cachée : c’est celle-ci qui, del’intérieur,utiliselecorpsàl’extérieur.Si cette main le veut, la main extérieure devient un serpent pour

l’ennemi;etsielleleveut,elledevientl’aided’unami.Etsielleleveut,unecuillèredanslesaliments;etsielleleveut,une

massed’armespesantdixman.Jemedemandecequelecœurleurdit(auxmembresducorps).C’est

unerelationmerveilleuse,unmerveilleuxliencaché.Sûrement, lecœurpossède le sceaudeSalomon,desortequ’il exerce

soncontrôlesurlescinqsens.Lescinqsensexternesluisontfacilesàgouverner,lescinqsensinternes

sontsoussonordre.Ilyadixsensetseptmembrescorporels,etcaetera:comptetoi-même

cequin’estpasindiquéici.Ôcœur,puisquetuasl’empiredeSalomon,metslesceaudetonanneau

surlesPérisetlesdémons.Sidansce royaume tun’espasentachéde fourberie, les troisdémons

n’enlèverontpaslesceaudetamain.3580 Aprèscela,tonnomconquerralemonde:lesdeuxmondesserontrégis

partoicommetoncorps.Et si le démon ôte l’anneau de tamain, ton royaume sera anéanti, ta

fortunedétruite;Ensuite,ôserviteursdeDieu,«ôchagrin!»estvotredestininéluctable

jusqu’aujouroùvousserezrassembléspourleJugement.Etsituniestaduplicité,commentsauveras-tutonâmedelabalanceet

dumiroir?

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CommentlesoupçonfutjetésurLuqmânparlesesclavesetlesserviteurssescompagnons,qui

direntqu‘ilavaitmangélesfruitsfraisqu’ilsapportaient(àleur

maître)

ux yeux de son maître, en comparaison des autres esclaves,Luqmânétaitméprisableenraisondesonaspectcorporel.Le maître avait coutume d’envoyer les esclaves au jardin afin de lui

apporterdesfruitspoursonplaisir:Parmilesesclaves,Luqmânétaitconsidérécommeunparasite;ilétait

pleind’idées,maisavecunteintnoircommelanuit.Ces esclaves, poussés par la gourmandise, mangèrent tous les fruits

avecdélices,Et dirent au maître que Luqmân les avait mangés ; le maître devint

fâchéettrèsmécontentdeLuqmân.LorsqueLuqmâns’enquitdelacausedecela, ilouvrit labouchepour

adresserdesreprochesàsonmaître.3590 «ÔSeigneur,ditLuqmân,unserviteurinfidèlen’estpasapprouvéaux

yeuxdeDieu.«Mets-noustousàl’épreuve,ônoblesire:donne-nousquantitéd’eau

chaudeàboire,«Etensuitefais-nouscourirdansunegrandeplaine,toimontéàcheval

etnousàpied.«Etalorsvoisceluiquiacommislemal,contempleleschosesquisont

faitesparceluiquirévèlelesmystères!»Lemaîtredonnaauxserviteursdel’eauchaudeàboireet ils laburent

parcraintedelui.Ensuite, ils les conduisit dans les plaines, et ils couraient dans les

champsdeblé.Lemalaiselesfitvomir:l’eauchaudeleurfaisaitrendrelesfruits.QuandLuqmânsemitàvomir, ilnesortitdesonventrequede l’eau

pure.ÉtantdonnéquelasagessedeLuqmânputrévélercela,quelledoitdonc

êtrelasagesseduSeigneurdel’existence!Le Jour ou les secrets seront dévoilés101, apparaîtra de vous quelque

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chosedecaché,dontl’apparitionn’estpasdésirée.3600 Lorsqu’ilsserontabreuvésd’eaubouillante102,touslesvoilesseront

arrachésdecequiestdétesté.Lefeudel’Enferestlesupplicedesinfidèles,parcequelefeuestune

épreuvepourlespierres.Combiensouvent,combiensouventnousavonsparlédoucementànos

cœursdepierre,etilsnevoulurentpassuivrenotreconseil!Pourunemauvaiseblessure,laveineabesoind’unremèdesévère:les

dentsduchienconviennentàlatêtedel’âne.Lesfemmesmauvaisesauxhommesmauvais103estsagesse:lelaidest

leconjointquiconvientaulaid.Quelque soit, donc, ce àquoi tuveux t’associer, va, deviens absorbé

dansl’objetaimé,etrevêtssaformeetsesqualités.Si tu désires la lumière, rends-toi prêt à recevoir la lumière ; si tu

désiresêtreloin(deDieu),deviensremplidetoi-mêmeetéloigné,Etsi tusouhaitestrouveruneissuepoursortirdecetteprisonenruine

ne détourne pas la tête loin du Bien-Aimé, mais prosterne-toi etrapproche-toideDieu104.

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Suitedel’histoiredeZaydetcequ‘ilréponditauProphète(surLui

lapaix)

ediscoursn’apasdefin.«Lève-toi,ôZayd,etattacheunfreinauBûrâq(coursier)detonespritrationnel.»Etantdonnéquel’espritrationnelrévèlelesfautes,ildéchirelesvoiles

dusecret.3610 LesecretestdésiréparDieupouruntemps.Chassecejoueurde

tambour,barrelechemin!Negalopepas,tiresurlesrênes;ilvautmieuxquetonespritsoitvoilé,

ilvautmieuxquechacunseréjouissedesapropreimagination.Dieu souhaite quemême ceux qui désespèrent ne détournent pas leur

visagedecetteadorationpourLui.Même au plan de l’espoir ils deviennent ennoblis : pendant quelques

jours,ilscourentàSasuite.IldésirequelaMiséricordebrillesurtous,surlesmauvaisetlesbons,à

causedel’universalitédeSacompassion.Dieu désire que chaque prince et prisonnier soit plein d’espoir, de

crainteetdepeur.Cet espoir et cette crainte sont dans le voile, afin de pouvoir être

engendrésderrièrecevoile.Quandtuasdéchirélevoile,oùsontlapeuretl’espoir?Lapuissance,

lamajestéetlamiseàl’épreuveappartiennentàl’invisible.Unjeunehomme,aubordd’unerivière,pensait:«Notrepêcheuriciest

Salomon.«Mais,sic’estlui,pourquoiest-ilseuletdéguisé?Etsinon,pourquoi

ressemble-t-ilàSalomon?»3620 Pensantainsi,ildemeuraitdanslaperplexité,jusqu’àcequeSalomon

devîntànouveauroietpotentat.Ledémonpartit et s’enfuit loindu royaumeetdu trônedeSalomon :

l’épéedesachanceversalesangdecedémon.Il mit l’anneau à son doigt : la foule des démons et des Péris se

rassembla.Les hommes vinrent voir, et parmi eux celui qui s’imaginait (que le

pêcheurétaitSalomonsousundéguisement).Lorsqu’ilouvritlamaindeSalomonetvitl’anneau,sonhésitationetsa

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recherches’évanouirentaussitôt.L’anxiété apparaît lorsque l’objet du désir est caché : cette quête est

celledel’Invisible.Lorsqu’il était absent, l’imaginationdevintpuissanteensonsein ;dès

qu’ilfutprésent,sonimaginationdisparut.Silecielradieuxn’estpassanspluie, laterrenoiren’estpasnonplus

sansvégétation.(Dieuadit) :« Jeveuxqu’ils croientà l’Invisible105 ; c’est pourquoi

J’aifermélafenêtredumondepérissable.«Sij’ouvremafenêtrelejourduJugement,commentpourrais-jedire:

“Aperçois-tuquelquebrèche106?”3630 «Afinque,danscetteténèbre,ilspuissentfairedesefforts(pourtrouver

leurchemin),ilstournenttousleurvisagedansunedirection.»Pouruntemps,leschosessontinversées:levoleuramènelemagistratà

lapotence,De telle sorte quemaint sultan et hommed’un esprit sublimedevient

durantquelquetempsl’esclavedesonpropreesclave.Leserviceeffectuédurant l’absenceestbeauetconvenable ;quand le

serviceestexigédenousparDieu, ilLuiplaîtque l’onsesouviennedel’absent.Qu’est-cequeceluiquiloueleroiensaprésence,comparéàceluiqui

estconsciencieuxpendantl’absence?Legouverneurd’uneforteressequi,à lafrontièreduroyaume, loindu

sultanetdesaprotection,Garde la forteressecontre lesennemiset refusede lavendrepourdes

richessesillimitées,Qui, bienqu’absent loindu roi à la lisièredes frontières, lui demeure

fidèlecommes’ilétaitprésent,Il est aux yeuxdu roi supérieur au reste de ceuxqui le servent en sa

présenceetsontprêtsàluiconsacrerleurvie.C’est pourquoi la moitié d’un atome de respect de son devoir dans

l’absencevautmieuxquecentmilleaccomplissementsdecedevoirdanslaprésence.

3640 L’obéissanceàDieuetlafoisontdignesdelouangesàprésent;aprèslamort,quandtoutestmontréclairement,ilsserontméprisés.Étantdonnéque l’invisible, l’absentet levoilevalentmieux, ferme ta

bouche,mieuxvautpournousêtresilencieux.Ômonfrère,abstiens-toidesparoles,Dieului-mêmetemanifesterala

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connaissancequisetrouveavecLui.Lalumièredusoleilestuntémoinsuffisantdesonexistence:quelestle

plusgranddestémoins?Dieu.Non, je parlerai, carDieu et les anges et les savants s’accordent pour

établir(cettevérité).Dieuetlesangesetceuxquisontversésdanslessciences(mystiques)

témoignentqu’iln’yapasdeSeigneur,saufCeluiquidemeureàjamais.PuisqueDieuadonnéuntémoignage,quesontlesanges,qu’ilspuissent

êtreassociésàcetémoignage?Ilslesont,parcequedesyeuxetdescœursfaiblesnepeuventsupporter

l’éclatetletémoignageduSoleil,Comme la chauve-souris qui ne peut supporter la clarté du soleil et

abandonnel’espoir.Sachedoncque lesangescommela lune témoignentdusoleildans le

ciel.3650 Ilsdisent:«Nousavonstirénotrelumièred’unSoleil,nousavonsbrillé

surlesfaibles,commedesreprésentantsduRoi.»Qu’ilssoientsemblablesàlanouvellelune,ouàlalunedesept jours,

ouàlapleinelune,chaqueangeasonrangpropreencequiconcernelalumièreetlavaleurspirituelle.Chaque ange, selon son degré, a une partie de ce rayonnement

consistantentroisouquatrepairesd’aileslumineuses,A l’instar des ailes des intellects humains, parmi lesquels il existe de

grandesdifférences.C’estpourquoilecompagnondechaqueêtrehumaindanslebienetle

malestcetangedontladignitécorrespondàluiouàelle.Lesétoilesbrillent,afindeservirdeguides,surl’hommeàlavuefaible

quinepeutmêmesupporterlalumièredelalune.

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CommentleProphète(surLuilapaix!)ditàZayd;«Neraconte

pascemystèreplusclairementquececi,etsoisattentifàobserver

laloireligieuse»

eProphèteadit:«Mescompagnonssontcommelesétoiles,unechandellepourlesvoyageurs(surlavoiemystique)etdesmétéorespourjeterauxdémons.»Si chacun avait les yeux et la force de recevoir la lumière venant du

soleilduciel,Ilnefaudraitniluneniétoilespourservirdetémoinsausoleil.LaLune

(leProphète)ditàlaterre,aunuageetàl’ombre:«Jesuisunhomme,Jenesuisqu’unmortel semblableàvous (mais) ilm ’est révélé (quevotreDieuestunDieuunique107).

3660 «Commevous,j’étaissombreparnature:larévélationduSoleilm’adonnéunelumièrecommecelle-ci.« Je possède une certaine obscurité en comparaison des soleils

spirituels, mais je possède la lumière pour les obscurités des âmeshumaines.« Je suis plus faible que le Soleil, afin que tu puisses supporter ma

lumière, car tun’espasunhommequi puisse supporter le soleil le plusbrillant.« J’ai été mélangé comme le miel et le vinaigre, afin que je puisse

trouverlemoyendeguérirlescœursmalades.«Puisquetuesguéridetamaladie,ôtoiquiyétaisenproie,laisselàle

vinaigreetcontinueàmangerlemiel.»Siletrôneducœuraétérenduàlasantéetpurifiédelasensualité,làle

MiséricordieuxSetientenmajestésurleTrône108.Ensuite,Dieucontrôle lecœursans intermédiaire,puisque lecœurest

parvenuàcetterelation(avecLui).Cediscoursn’apasdefin.OùestZayd,quejepuisseluiconseillerde

nepasrechercherlanotoriété?

Page 355: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Retouràl’histoiredeZayd

u ne trouveras pas Zayd à présent, car il s’est enfui : il s’estprécipitéloindelarangéedechaussuresetalaissétombersessouliers.Quies-tu(pourespérerletrouver)?Zaydnepeutmêmesetrouverlui-

même,disparucommel’étoilesurlaquellelesoleilabrillé.3670 Tunetrouverasniempreinte,nitracedelui,tunetrouveraspasune

paille(étoile)danslaVoierempliedepailles(laVoielactée).Nossensetnotreraisonsonteffacésdanslaconnaissanceetlasagesse

denotreRoi.Lessenset lacompréhensiondesmystiquessont immergés,vaguesur

vague,danslamerdetousensemble,ilscomparaîtrontdevantNous109.Lorsquevientlanuit,c’estdenouveaulemomentdeporterlefardeau;

lesétoiles,quiétaientdevenuescachées,semettentànouveauàl’œuvre.Dieu rend leurs sens à ceux qui les avaient perdus ; ils reviennent,

troupepartroupe,avecdesanneauxauxoreilles,Dansant, agitant les mains en louanges, triomphant et criant : « Ô

Seigneur,Tunousasamenésàlavie.»Ces peaux et ces os effrités sont devenus commedes cavaliers et ont

soulevélapoussière.Lorsde laRésurrection, les reconnaissantset les ingratsseprécipitent

delanon-existenceversl’existence.Pourquoi détournes-tu la tête et prétends-tu ne pas voir ?N’as-tu pas

détournélatêteaudébut,danslanon-existence?Tuavaisplantéfermementtonpieddanslanon-existence,disant:«Qui

medéracineradecelieu?»3680 Nevois-tupasl’actiondivineàtonégard?Ellet’atiréàl’existencepar

lamèchedetescheveux,Jusqu’àcequ’il te tiredanscesdiversétatsdel’êtrequetun’avaisni

pensésniimaginés?Cettenon-existenceesttoujoursSonesclave:travailleàSonservice,ô

démon!Salomonestvivant.Le démon fabrique des chaudrons grands comme des bassins110 ; il

n’osedireunmotderefusouderéplique.Regarde-toi,commetutremblesdepeurdelanon-existence:sacheque

lanon-existencetrembleconstamment,elleaussi(decrainted’êtreamenéeàl’existence).

Page 356: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Etsitut’attachesauxhonneurs,c’estaussiparpeurquetusouffreslestorturesdel’esprit.Saufl’amourduSeigneurgénéreux,tout,bienqueparaissantdélicieux

commelesucre,estenréalitélatorturedel’esprit.Qu’est-cequelatorturedel’esprit?Des’avancerverslamortetdene

passaisirl’EaudelaVie.Lesgens fixent leur regard sur la terre et lamort : ils éprouvent cent

doutesconcernantl’EauetlaVie.Efforce-toi que ces cent doutes deviennent quatre-vingt-dix. Va (vers

Dieu)danslanuit,carainsi,situsommeilles,lanuits’éloigneradetoi.3690 Danslanuitnoire,rechercheleJour;suislaRaisonquidissipe

l’obscurité.Danslanuitàlavilainecouleur,ilyaungrandbien:l’EaudelaViese

trouvedanslesténèbres111.Comment est-il possiblede lever la tête horsde la somnolence tandis

quetusèmesdescentainesdesemences(deparesse)?Un lourd sommeil et une nourriture illicite deviennent des amis ; le

marchands’estendormi,etlevoleurdenuits’estmisàl’œuvre.Ne sais-tu pas qui sont tes ennemis ? Ceux qui sont faits de feu (les

démons)sontlesennemisdel’existencedeceuxquisontfaitsd’argile(leshommes).Lefeuest l’ennemidel’eauetdesesrejetons,demêmequel’eauest

l’ennemiedelaviedufeu.L’eaudétruitlefeu,parcequ’ilestl’ennemietl’adversairedesenfants

del’eau.Cefeuestlefeududésir,quirecèlelaracinedupéchéetdel’erreur.Le feu extérieur peut être éteint avec de l’eau, mais le feu de la

concupiscencet’amèneenEnfer.Lefeududésirn’estpasapaiséparl’eau,parcequ’ilpossèdelanature

del’Enferpourinfligerdestourments.3700 Quelestleremèdecontrelefeududésir?Lalumièredelareligion:

votrelumière(del’Islam)estlemoyend’éteindrelefeudesimpies.Qu’est-ce qui tue ce feu ? La Lumière de Dieu. Fais de la lumière

d’Abrahamtonmaître,Afinque toncorps,qui ressembleàdesbûches,puisseêtredélivrédu

feudelachairpareilàNemrod.Le désir ardent ne diminue pas quand on lui cède ; il est diminué,

inévitablement,quandonluirésiste.Tantque tuapportesdes fagotsau feu, comment le feu serait-il éteint

Page 357: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

parunporteurdefagots?Quandtun’apportesplusdefagots,lefeus’éteint,parcequelacrainte

deDieuapportedel’eauaufeu.Commentlefeupourrait-ilnoircirlebeauvisage(d’uneâme)quis’orne

delacouleurderose,provenantdelacraintedeDieuquisetrouvedanslescœursdeshommes?

Page 358: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentuneexplosionseproduisitdanslacitédeMedine,au

tempsde’Omar(queDieusoitsatisfaitdelui!)

neconflagrationseproduisitautempsde‘Omar:elledévoraitlespierrescommesiellesétaientdeboissec.Elle tomba sur les édifices et les maisons, jusqu’à ce qu’enfin elle

tombesurlesailesetlesnidsdesoiseaux.Lamoitiédelavillepritfeudanslesflammes:l’eauétaiteffrayéepar

lefeu,etstupéfaite.3710 Quelquespersonnesintelligentesdéversaientdesoutresd’eauetde

vinaigresurlefeu.Maislefeus’obstinaitàaugmenter:l’aideluivenaitdel’infini.Lesgensvinrententoutehâtechez‘Omar,disant:«Notrefeunepeut

êtredutoutéteintparl’eau.»Il dit : « Ce feu est l’un des signes de Dieu : c’est une flamme qui

provientdufeudevotreperversité.«Laissez là l’eau,etdistribuez lepain ; renoncezà l’avarice,sivous

êtesmesdisciples.»Les gens lui dirent : «Nous avons ouvert nos portes, nous avons été

généreux,nousnoussommesconsacrésauxlibéralités.»Ilrépondit :«Vousavezdonnédupainparcoutume,vousn’avezpas

ouvertlesmainspourl’amourdeDieu.«(Vousavezagi)pourlagloire,l’ostentation,l’orgueil,nonàcausede

lacrainte,delapiétéetdelasupplication.»Larichesseestdelagraine,nelasèmepasdansn’importequelleterre

salée ;neplacepasuneépéedans lamainden’importequelbriganddegrandchemin.DistinguelesamisdelaReligion(ahl-iKîn)desennemisdeDieu(ahl-i

kîn).Recherchel’hommequiresteavecDieuetassieds-toiaveclui.3720 Chacuntémoignedelafaveuràsesproches:l’imbécile(quitémoigne

delafaveurauximbéciles)croitqu’ilafaitunebonneaction.

Page 359: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentunennemicrachaàlafigureduPrincedescroyants,‘Alî(queDieuhonoresapersonne!)et

commentAlîlaissatombersonépéedesamain

pprendsde‘Alîcommentagiravecsincérité:sachequeleLiondeDieu(‘Alî)étaitdépourvudetouteduplicité.En combattant lesmécréants, il l’emporta sur un certain chevalier, et

tirapromptementsonépée.Il cracha au visage de ‘Alî, fierté de tous les prophètes et de tous les

saints;Il crachaà la figuredevant laquelle la facede la lune seprosterneen

adoration.‘Alîaussitôtjetasonépéeauloinetcessadesebattre.Ceguerrierfutstupéfaitdecetactedepardonetdelamiséricordequ’il

témoignaitsansraison.Ildit:«Tuaslevécontremoitonglaiveacéré:pourquoil’as-turejeté

auloinetm’as-tuépargné?«Qu’as-tutrouvédemieuxquedemecombattre,quetutesoisrelâché

àmeterrasser?«Qu’as-tuvu,quetacolèresesoitapaiséeetqu’unteléclairaitbrillé,

puissesoitéteint?3730 «Qu’as-tuvu,qued’envoirseulementlerefletafaitapparaîtreune

flammedansmoncœuretmonâme?«Qu’as-tuvu,au-delàdel’existenceetdel’espace,quifûtmeilleurque

lavie?—etainsitum’asdonnélavie.« En bravoure, tu es le Lion de Dieu : en générosité, qui, en vérité,

connaîtcequetues?«Engénérosité, tu es comme le nuagedeMoïse dans le désert, d’où

vinrentdesplatsdenourritureetdupainincomparables.»Les nuages donnent le blé que l’homme, par son labeur, rend cuit et

douxcommelemiel.MaislenuagedeMoïseétenditlesailesdelamiséricordeetoffritune

nourrituresuaveetcuite,sanspeine.Paramourpourceuxquibénéficièrentdecettelibéralité,samiséricorde

sedéployadanslemonde.

Page 360: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Durantquaranteannées,cesrationsetceslargessesnefirentpasdéfautunseuljouraupeuple(d’Israël)quil’espérait,Jusqu’à ce qu’eux aussi, à cause de leur bassesse, se lèvent pour

réclamerdeslentilles,desherbesvertesetdeslégumes.ÔpeupledeAhmad(Mohammad),vousquiêtesnobles,cettenourriture

continueàvousêtredonnéejusqu’àlaRésurrection.3740 Quand(leProphèteadit):«JepasselanuitavecmonSeigneur»,«Il

medonnedelanourriture»et«Ilmedonneàboire»,cesparolesserapportaientmétaphoriquementàlanourriture(spirituelle).Prendscetteparolesans(mauvaise) interprétation,pourqu’ellevienne

danstongosiercommedumieletdulait.L’interprétationrejetteledon,caronconsidèrelavéritablesignification

commeerronée.L’opinionqu’elleesterronéeprovientdelafaiblessedel’entendement:

laRaisonuniverselleestlenoyau,etnotreraisonl’écorce.Change-toi toi-même, non les Traditions du Prophète ; injurie ton

cerveau,nonlaroseraie.«Ô‘Alî,tuestoutespritetvision,raconteunpeucequetuasvu!«L’épéedetapatienceadéchirémonâme,l’eaudetaconnaissancea

purifiématerre.«Raconte ! Je saisquecesont là lesmystèresdeDieu,carc’estSon

œuvrequedetuersansglaive.«Celuiquiagitsansinstrumentsetsansmembres,Celuiquioctroieces

donsbénéfiques,«Faitgoûteràl’intelligencedesmyriadesdevinsdefaçontellequeles

yeuxetlesoreillesensoientinconscients.3750 «Raconte-le,ôfaucondel’empyréequitrouvesdenoblesproies,queje

sachecequetuasvuàcemomentdelapartduCréateur.« Ton œil a appris à percevoir l’Invisible, tandis que les yeux des

spectateurssontscellés.»Unhommevoitclairementlalune,alorsqu’unautrevoitlemondedans

lesténèbres,Et un autre aperçoit trois lunes ensemble. Ces trois spectateurs sont

assisàlamêmeplace,envérité.Les yeux de tous trois sont ouverts, et les oreilles de tous trois sont

attentives;ilssontfixéssurtoietéloignésdemoi.Est-ce un enchantement des yeux ? Ou bien est-ce une merveilleuse

grâce cachée ? Sur toi est la forme d’un loup, et sur moi la beauté deJoseph.

Page 361: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

S’il existe dix-huitmillemondes, ou davantage, ces dix-huitmille nesontpasperceptiblesàtouslesregards.«Révèlecemystère,ô‘AlîMortaza*,ôtoiquieslesortheureuxaprès

lesortfuneste.«Oudéclarecequetaraisonatrouvé,oubienjetediraicequiabrillé

surmoi.«C’estdetoiquecelabrillasurmoi:commentpouvais-tulecacher?

Sansparoles,tuprojettesdesrayonsdelumière,commelalune.»3760 Maissil’orbedelalunevientàparler,elleguideplusrapidementles

voyageurssurlaVoie.Ils sont délivrés de l’erreur et de la négligence : la voix de la lune

l’emportesurlavoixdelagoule.Bien que la lunemontre le chemin sans parler, quand elle parle, elle

devientlumièresurlumière.Puisque tues laportede laCitéde laConnaissance,puisque tues les

rayonsduSoleildelaClémence,Soisouverte,ôPorte,pourceluiquicherchelaPorte,afinquegrâceà

toilesécorcespuissentatteindrelenoyau.Sois ouverte jusqu’à l’éternité, ô Porte de laMiséricorde, ô portique

donnantaccèsàNuln’estégalàLui112.Chaqueair,chaqueatomeestlelieudelavisiondeDieu.Maistantqu’ellen’estpasouverte,quidit:«Là-bassetrouveuneporte»?AmoinsqueleVeilleurn’ouvrelaporte,cetteidéenenaîtpasdansle

cœurdel’homme.Quanduneporteestouverte,ildevientémerveillé,sesailessemettentà

pousser,etils’envolesurcetteidée.Unhommeinsoucianttrouvesoudainletrésordanslaruine:alors,ilse

hâtedechercherdanstouteslesruines.3770 Avantd’avoiracquislaperled’underviche,commentchercheras-tula

perlechezunautrederviche?Bienquelasuppositioncouresursesproprespiedspendantdesannées,

ellenevoitpasplusloinqueleboutdesonnez.Dis-moi, vois-tu autre chose que ton nez ? Comment verras-tu si tu

lèveslenez(parvanité)?

*«ApprouveparDieu»,surnomde’Alî.

Page 362: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentcetimpieinterrogea‘Alî(queDieuVhonore)disant:

«Puisquetuétaisvictorieuxd’unhommecommemoi,pourquoias-tu

laissétomberlesabredetamain?»

ldit:«Parle,ôPrincedescroyants,afinquemonâepuissebougerdansmoncorps,commel’embryon.»Commentl’embryona-t-illapossibilitédebougerdurantlaperiodeou

ilestgouverneparlesastres?Ilsetourneloindesetoilesverslesolei!.Quand le temps est venu que l’embryon reçoive l’ esprit vital, à ce

momentlesoleildevientsonaide.Cet embryon est mis en mouvement par Ie soleil, car Ie soleil

promptementIedoted’unesprit.Desautresétoiles,cetembryonn’areçuqu’uneimpression,jusqu’àce

queIesoleilbrillâtsurlui.De quelle façon est-il devenu, dans la matrice, en relation avec le

magnifiquesoleil?De la façoncachéequiestéloignéedenotreperceptionsensorielle; le

soleildanslecielpossédeplusieursmoyens:3780 Lemoyenparlequell’orreçoitsanourriture,etlemoyenparlequella

pierredevientunejacinthe;Et le moyen par quoi le rubis est rendu empourpré, et le moyen par

lequelleferàchevalbrillecommeunéclair;Etlemoyenparlequellefruitmûrit,etlemoyenparquoiildonnedu

cœuràl’hommeeffrayé.«Dis-le-moi,ôfauconauxailesbrillantesquiaapprisàconnaîtreleroi

etsonbras.«Dis-le, ô faucon royal qui capture le ‘Anqâ, ô toi qui vainquis une

arméepartoi-même,nonàl’aided’unearmée.«Tuesàtoiseullacommunauté,tuesunettuescentmille.Dis-le,ô

toidontlefauconafaitdetonesclavesaproie.« Pourquoi de ta part cette miséricorde au lieu de la vengeance ?

Qu’est-cequecettemanièrededonnerlamainàundragon?»

Page 363: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentlePrincedescroyantsexpliqualaraisonpourlaquelleil

avait,encetteoccasion,laissétombersonsabredesamain

l répondit : « Je tiremon sabre pour l’amour deDieu, je suis leserviteurdeDieu,jenesuispasauxordresducorps.« Je suis le Lion deDieu, je ne suis pas le lion de la passion :mon

actiontémoignedemareligion.«Dans laguerre, jemanifestecequedit laparole :Tune lançaispas

toi-mêmelestraitsquandtuleslançais113jesuislesabre,maisceluiquiletireestleSoleil.

3790 «J’airetirédemaroutelebagagedu“moi”,jeconsidèrecequiestautrequeDieucommelanon-existence.«Jesuisuneombre,leSoleilestmonseigneur:jesuislechambellanet

nonlerideauquiLecache.«Jesuisremplidesperlesdel’union,commeunsabreorfévré:dansla

bataille,jefaisdesvivants,nondesmorts.« Le sang ne ternit pas l’éclat de mon épée ; comment le vent

emporterait-ilmesnuages?« Je ne suis pas une paille, je suis unemontagne demansuétude, de

patience, de justice ; comment le vent sauvage emporterait-il lamontagne?»Cequiestenlevédesaplacepar levent,cesont lesbrindilles,caren

véritélesventscontrairessontnombreuxLe vent de la colère et le vent de la luxure, et le vent de la cupidité

emportentceluiquin’accomplitpaslesprières.«Jesuisunemontagne,etmonêtreaétéérigéparLui;etsijedeviens

pareilàunepaille,leventquimefaitmouvoirestSonsouffle.«Manostalgien’estmuequeparSonsouffle:moncapitainen’estautre

quel’amourdel’Unique.«Lacolèreestunroiquidominelesrois;pourmoi,c’estunesclave;

mêmelacolère,jel’aiattachéesousmabride.3800 «Leglaivedemamansuétudeacoupélecoudemacolère;lecourroux

deDieuestvenusurmoicommeunemiséricorde.«Jesuisplongédans la lumière,bienquemontoitsoit ruiné ; jesuis

devenuunjardin,bienquel’onm’appelleBûTurâb(pèredelapoussière).

Page 364: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

«Puisquelapenséedequelquechosed’autrequeDieum’estadvenue,ilmefautremettremonépéeaufourreau,«Afin quemon nom puisse être, il aime pour l’amour deDieu, que

mondésirpuisseêtre,ilhaitpourl’amourdeDieu.«Quemagénérosité puisse être, il donne pour l’amour deDieu, que

monêtrepuisseêtre,ils’abstientpourl’amourdeDieu.« Ma parcimonie est pour l’amour de Dieu, ma générosité est pour

l’amourdeDieuseul : j’appartiensentièrementàDieu, jen’appartiensànulautre;«Etcequejefaispourl’amourdeDieunel’estpasparconformisme,

cen’estpasdel’imaginationouuneidée,cen’estquedel’intuition.«J’aiétélibérédel’effortetdelarecherche,jemesuisattachéàDieu

seul.«Sijevole,jecontemplelelieuverslequeljeprendsmonessor;etsi

jetourne,jecontemplel’axesurlequeljepivote.«Etsijetraîneunfardeau,jesaisoùjel’emporte:jesuislalune,etle

Soleilestenfacedemoicommeunguide.»3810 IIn’estpaspossibledecommuniquerdavantagequececiauxgens:

danslarivière,iln’yapasplacepourlaMer.Jeparleselonlamesuredeleurcompréhension:cen’estpasunefaute,

c’estlacoutumeduProphète.« Je suis libre de tout intérêt personnel : écoute le témoignage d’un

homme libre, car le témoignage d’esclaves ne vaut pas deux grainsd’orge.»D’aprèslaloireligieuse,letémoignaged’unesclaveestsansvaleurlors

desprocèsetdesjugements.Même si des milliers d’esclaves témoignent en ta faveur, la loi

n’accorderapasàleurtémoignagelavaleurd’unbrindepaille.Au regarddeDieu, l’esclavedes désirs est pire quedes serviteurs ou

desesclavesamenésàlaservitude,Car ces derniers sont affranchis par une seule parole de leur maître,

tandisquelepremieraunevieagréable,maismeurtdansTamertume.L’esclavedelaconcupiscencen’aaucunmoyendeselibérer,saufparla

grâcedeDieuetSafaveurspéciale.Ilesttombédansunabîmesansfond,etc’estdesafaute:celanevient

pasdelacontrainteoudel’injusticedivines.Ils’estjetédansunpuitstelquejenetrouveaucunecordecapabled’en

atteindrelefond.3820 Jedoisenfinir—sicediscourscontinue,cenesontpasseulementles

Page 365: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

cœurs,maislesrochersquisaigneront.Sicescœursn’ontpassaigné,cen’estpasàcausedeleurdureté,c’està

causedelaperplexité,delapréoccupationetdelamauvaisefortune.Ilssaignerontunjouroùlesangneleurserviraàrien:saigneautemps

oùtonsangneserapasrejeté.Étantdonnéqueletémoignagedesesclavesn’estpasaccepté,letémoin

approuvéestceluiquin’estpasl’esclave(desesdésirs).Lesparoles:NousT’avonsenvoyécommeTêmoin114sontvenuesdans

l’Avertissement(leQor’ân),parcequeleProphèteétaitentièrementlibreparrapportàl’existence(charnelle).«Puisque jesuis libre,comment lacolèrepourrait-ellem’attacher?Il

n’estrieniciquelesqualitésdivines.Viens!«Viens,carlagrâcedeDieut’arendulibre,parcequeSaMiséricorde

l’emportesurSonCourroux.«Viensmaintenant, car tu as échappéaudanger : tu étaisune simple

pierre,l’Elixirafaitdetoiunjoyau.«Tuasétédélivrédel’incroyanceetdesesronces:fleuriscommeune

rosedanslejardindecyprèsdeHû(Dieu).«Tuesmoietjesuistoi,ôhommeillustre:tuétais‘Alî—comment

puis-jetuer‘Alî?3830 «Tuascommisunpéchémeilleurqu’unactededévotion,tuastraversé

lecielenuninstant.»Bienheureuxlepéchéquecethommeavaitcommis:lesfeuillesderose

nenaissent-ellespasd’uneépine?Le péché de ‘Omar et son attentat sur le Prophète ne l’ont-ils pas

conduitàlaportedel’acceptation?Lepharaon,àcausedelamagiedesmagiciens,nelesattirait-ilpasvers

lui,etlachancenevint-ellepasàleuraide?Sicen’avaitétéleurmagieetlerefus(deMoïse),quilesauraitamenés

aupharaonrebelle?Comment auraient-ils vu le bâton et les miracles ? La désobéissance

enversDieudevintobéissance,ôhommesdésobéissants.Dieu a frappé le cou du désespoir, étant donné que le péché et la

désobéissancesontdevenusobéissance.Puisqu’Il transforme en bien les mauvaises actions, Il fait de la

désobéissanceunacted’obéissance,endépitdescalomniateurs.Decefait,leDémonmauditestchasséauloin;iléclated’envieetest

coupéendeux.Ils’efforcedenousfairecommettreunpéchéet,aumoyendecepéché,

Page 366: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

nousfaittomberdansunabîme.3840 Lorsqu’ilvoitquelepéchéestdevenuunacted’obéissance,iladvient

pourluiuneheurenonbénie.« Entre ! Je t’ouvre la porte. Tu as craché sur moi, et je t’offre un

présent.«Voicileschosesquejedonneàceluiquicommetuneiniquité:tuvois

commentjem’exposeàl’humiliationdelapartdesméchants.«Qu’octroierai-jeàceluiquifaitlebien?Sache-le,j’octroiedestrésors

etdesroyaumeséternels.»

Page 367: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentleProphète(surLuilapaix!)ditàl’oreilledeïécuyerduPrincedescroyants(‘Alî)(puisseDieuhonorersapersonne!):«Jeteledis,‘Alîseratuepartamain»

e suis un homme tel que le miel de ma bonté ne s’est pastransforméencourroux,mêmecontremonmeurtrier.LeProphèteditàl’oreilledemonserviteurqu’unjourilsépareraitma

têtedemoncou.Le Prophète, par inspiration divine, informamon ami qu’à la finma

destructionviendraitdesamain.Monamirépondit:«Tue-moid’abord,afinquececrimehaïssablene

soitpascommisparmoi.»Jedis:«Puisquemamortdoitvenirdetoi,commentpuis-jeéchapper

audestin?»Il tombaàmespieds,disant :«Ôhommegénéreux,pour l’amourde

Dieu,coupe-moiendeux,3850 «Afinquecemalnem’adviennepas,etquemonâmenesoitpas

consuméededouleurpourtoiquiesmavie.»Jedis : «Va, laPlumedudécret divin a écrit ; par cettePlume, plus

d’unecélébritéestrejetée.«Iln’yapasdehainepourtoienmonâme,parcequejeneconsidère

pascelacommeétanttonfait.«Tuesl’instrumentdeDieu;c’estlaMaindeDieulevéritableagent:

commentattaquerais-jel’instrumentdeDieuetm’opposerais-jeàlui?»L’autre dit : « Pourquoi la vengeance est-elle donc sanctionnée ? »

«CelavientaussideDieu,dit‘Alî,etc’estlàunmystèrecaché.« Il est offensé par Sa propre action, cependant II fait croître des

roseraiesdufaitqu’ilestoffensé.« Il Lui convient d’être offensé par Sa propre action étant donné que

danslavengeanceetlaclémenceIlestUn.« Dans cette cité de phénomènes, Il est le Prince, dans tous les

royaumesdumonde,Ilestlesouverain.«S’IlbriseSonpropreinstrument,Ilréparecequiaétébrisé.»Reconnais, ô homme noble, ce qu’indique la parole Dès que Nous

abrogeonsunverset,oudèsqueNouslefaisonsoublier,suiviedeNousle

Page 368: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

remplaçonsparunautre,meilleurousemblable115.3860 ChaqueloiqueDieuaabrogée—Ilaenlevédel’herbeetapportéen

échangedesroses.Lanuitabrogelesaffairesdujour:voisunétatinconscientquiillumine

l’intellect!Puis la nuit est abrogée par la lumière du jour, de sorte que cet état

(d’inertie)estconsuméparcequiattiselefeu.Bienquelesommeiletlerepossoientuneobscurité,l’EaudelaViene

setrouve-t-ellepasdanslesténèbres?Lesespritsn’ont-ilspasétérafraîchisdanscetteobscurité?Unepause

(dans le discours) ne devient-elle pas la source de l’amélioration de lavoix?Car les contraires sont manifestés au moyen des contraires : dans

l’intérieurnoirducœur,Dieuacréélalumièreéternelle.LesguerresduProphètedevinrentlacausedelapaix:lapaixdecette

époqueultérieureprovientdecesguerres.Ceravisseurdescœursacoupédescentainesdemilliersdetêtes,afin

quelestêtesdeshabitantsdumondeentieracquièrentlasécurité.Le jardinier détruit le rameau nuisible, pour que le dattier gagne en

hauteuretbonté.Lejardinierhabilearrachelesmauvaisesherbesdesonjardin,afinque

lejardinetlesfruitssoientflorissants.3870 Lemédecinarrachelesmauvaisesdents,pourquelemaladeéchappeà

lasouffranceetàlamaladie.Biendesavantagessontcachésdanslesdéfauts:pourlesmartyrs,dans

lamortilyalavie.Quandlagorgedumartyr,quiavalaitlepainquotidien,aétécoupée,la

bénédiction ils seront pourvus de biens auprès de leur Seigneur116 serapourluiundélice.Quandlagorged’unanimalestcoupéeselonlesrites,ilenprovientla

gorgedel’homme,etsonexcellenceaugmentedecefait.Quand la gorge d’un hommemartyrisé est coupée, considère quel en

seralerésultat!Jugececas-ciparanalogieaveccelui-là.Une troisièmegorgenaîtra,et lebreuvagedeDieuetSes lumièresen

prendrontsoin.La gorge qui a été coupée boit le breuvage divin, mais seulement la

gorgequiaétélibéréedu«Non»etestmortedansle«Oui».Finis-en,ôinfirmepusillanime!Combiendetempslaviedetonesprit

Page 369: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

sera-t-ellenourrieparlepain?Comme le saule, tuneportespasde fruits, parceque tu asperdu ton

honneurpourl’amourdupainblanc.Si l’âme sensuelle ne peut s’abstenir de ce pain, prends l’Elixir (la

pierrephilosophale)ettransmuetoncuivreenor.3880 Situveuxlavertonvêtement,ôUntel,nedétournepastonvisagedu

quartierdesblanchisseurs.Bien que le pain t’ait fait rompre ton jeûne, attache-toi à Celui qui

réparecequiestbrisé,etmonte.Étant donné que Sa main répare ce qui est brisé, il s’ensuit que Sa

brisureest,certes,réparation.Situlebrises,Iltedira:«Allons,rends-leànouveauentier»,ettune

lepeuxpas.C’estpourquoiLuiseulaledroitdebriser,carLuiseulpeutréparerce

quiaétébrisé.Celui qui sait comment coudre ensemble sait aussi déchirer endeux ;

quoiqu’ilvende,Ilachèteenéchangequelquechosedemeilleur.Ildétruitlamaison,Ilenfaitdesruines;puis,enuninstant,Illarend

plushabitablequ’auparavant.S’Il coupe une tête du corps, Il fait se lever aussitôt centmilliers de

têtespourledécapité.S’Il n’avait pas ordonné la peine du talion pour le coupable, ou s’il

n’avaitpasdit«Dansletalion,ilyapourvousunevie117»,Quioserait,desonproprechef,tirerl’épéecontreluiquiestesclavedu

décretdivin?3890 Carquiconque,dontDieuaouvertlesyeux,saitquelemeurtrieraété

obligédetuerparlaprédestinationdivine.Quiconqueestsoumisàcetteprédestinationfrapperaitdel’épéemême

latêtedesonpropreenfant.Va, crains Dieu et ne médis pas des méchants : connais ta propre

impuissancedevantlepiègedudécretdivin.

Page 370: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentAdam(surluilapaix!)s’émerveilladelaperditiond’iblîs

ettémoignadelavanité

njour,AdamregardaitavecméprisetdédainIblîsquiestdamné.Il seconduisaitavecvanitéet semontrait satisfaitde lui-même : il se

moquaitdeladétressed’Iblîslemaudit.LajalousiedeDieus’écria:«Ôtoiquiesélu,tuignoreslesmystères

cachés.« S’Il retournait l’envers à l’endroit, Il déracinerait même les

montagnes.«Acetinstant,IldéchireraitlevoiledecentAdametferaitapparaître

centdémons,nouvellementconvertisàl’Islam.»Adamdit :«Jemerepensdeceregard ; jenepenseraiplusdefaçon

aussiirrespectueuse.»ÔSecoursdeceuxquiappellentausecours,guide-nous!Iln’yapasde

causedes’enorgueillirdanslesavoiroulesrichesses.3900 Nelaissepass’égareruncœurqueTuasguidéparTagrâce,etdétourne

lemalqueTaPlumeaécrit.Fais que le mal que Tu as décrété s’éloigne de nos âmes : ne nous

séparepasdeceuxquisontsatisfaitsdecequeTuleuroctroies.Rienn’estplusamerquelaséparationd’avecToi:sansTaprotection,il

n’estriend’autrequetroubles.Nosbiensterrestreségarentnosbiensspirituels:noscorpsdéchirentle

vêtementdelaspiritualitéloindenosâmes.Étant donné que le mal commis par notre main détruit le bien vers

lequel nous avançons le pied, comment quelqu’un sauverait-il son âmesansTasécurité?Et même s’il sauve (sans aide) son âme de ces terribles dangers, il

n’aurapréservéquequantitédemalheursetdecrainte,Carl’âme,quandellen’estpasunieauBien-Aimé,estmisérable,toute

seuleàjamais.QuantTunel’admetspas(enTaPrésence)—àsupposerqu’ilaitsauvé

sonâmeconsidèrecommemortel’âmequivivraitsansToi.SiTu réprimandesTes serviteurs, cela est convenable pourToi, ôToi

dontchaquesouhaitseréalise.EtsiTudisquelesoleiletlalunesontdelaboue,etsiTudisquela

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statureducyprèsestcourbe,3910 EtsiTudéclaresquel’empyréeetlecielsontméprisables,etsiTudis

quelamineetlamersontpauvres,Celaest justepar rapportàTaperfection :c’estàToiqu’appartient le

pouvoirderendreparfaitestoutesleschosesmortelles,Car Tu es saint et libre de tout danger et de la non-existence. Tu es

Celuiquiappellelesnon-existantsàl’Etreetlesdotedel’existence.Celui qui a fait croître peut détruire, car lorsqu’il a déchiré, Il peut

raccommoder.Achaqueautomne,Ildessèche le jardin :puis il fait renaître lesroses

quil’enluminent,Disant : «Ô toi qui étais fanée, sois fraîche, sois à nouveau belle et

pleinedegloire.»L’œildunarcisseestdevenuaveugle:Illuiarendulavue;lagorgedu

roseauétaitcoupée:Lui-mêmel’afaitrevivre.Étant donné que nous sommes créés parDieu et ne créons pas, nous

devonsêtreseulementhumblesetsatisfaits.Noussommestousfaitsdechairetoccupésdechosescharnelles.SiTu

nenousappellespas,nousseronstousdesAhriman(diables).Sinousavonsétédélivrésd’Ahriman,c’estparcequeTuassauvénos

âmesdel’aveuglement.3920 TuesleGuidedequiconquealavie:qu’estunhommeaveuglesans

canneetsansguide?SansToi,toutcequiestdouxouamerestdestructeurdel’hommeetde

l’essencedufeu.Celui pour qui le feu est un refuge et un secours devient à la fois un

mageetunzoroastrien.Toutechose,exceptéAllah,estvaine:envérité,lagrâcedeAllahestun

nuagesedéversantabondammentetcontinuellement.

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Retouràl’histoireduPrincedescroyants‘Alî(puisseDieuhonorer

sapersonne!)etcombiengénéreusementilsecomportaenvers

sonmeurtrier

etournonsà‘Alîetsonmeurtrier,etàlabontéqu’ilmanifestaàcedernier,etàsasuprématie(spirituelle).Ildit:«Jouretnuit,jevoisdemesyeuxlemeurtrier,maisjen’éprouve

pasdecolèrecontrelui;«Carlamortm’estdevenueaussidoucequelamanne:mamortdétient

(lapromesse)delarésurrection.»Lamortdel’immortalitéestpournouslicite,laprovisiondudénuement

estunalimentpournous.C’estlamortextérieurement,maislavieintérieurement:apparemment

c’estunebrisure,envérité,c’estlapérennité.Pourl’embryondansleseinmaternel,lanaissanceestundépart:dans

lemonde,ils’épanouitànouveau.3930 Étantdonnéquej’éprouvepourlamortunamouretundésirintenses,

l’interdictionnevousexposezpas(àlaperdition118)m’estdestinée.Car seul le fruit doux est défendu ; comment serait-il nécessaire de

défendreceluiquiestamer?Lefruitquipossèdeunnoyauetuneécorceaigres—cetteamertumeet

cegoûtdésagréableconstituentsapropreinterdiction.Pourmoi, le fruitde lamortestdevenudoux : laparoleNon, ilssont

vivants119estvenuedeDieupourmoi.Tuez-moi,mesamisfidèles;tuez-moi,misérablequejesuis:envérité,

dansmamiseàmortestmavieéternelle.Envérité,dansmamortestmavie,ôjeunehomme!Combiendetemps

serai-jeséparédemapatrie?Jusqu’àquand?Si le fait que je demeure (en ce monde) ne représentait pas ma

séparation(d’avecDieu),Iln’auraitpasdit:Envérité,nousretournonsàLui120.Celui qui retourne est celui qui revient à sa ville natale et qui,

s’enfuyantdelarévolutionduTemps,s’approchedel’Unité.

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Commentl’écuyerde‘Alî(queDieuhonoresapersonne!)vintàlui,disant;«Pourl’amourdeDieu,tue-moietdélivre-moide

cettefatalité»

l revint, disant :« Ô ‘Alî, tue-moi vite, que je ne voie pas cemomentetcetteheureamers.«Répandsmonsang,jetelerendslicite,afinquemonœilnevoiepas

cetterésurrection(oùjeseraichargéd’untelcrime).»3940 Jedis:«Sichaqueatomedevenaitunmeurtrieret,poignardàlamain,

allaitt’attaquer,«Aucunnepourraittecouperleboutd’uncheveu,puisquelaPlumea

écritcontretoicedestin.« Mais ne t’afflige pas : j’intercède pour toi ; je suis le maître de

l’esprit;jenesuispasl’esclaveducorps.« Ce corps n’a aucune valeur à mes yeux : sans mon corps, je suis

noble,filsdenoble.«Lepoignardetleglaivesontdevenuspourmoiundouxbasilic:ma

mortestdevenuemonbanquetetmonparterredenarcisses.»Celuiquimortifiesoncorpsdecettefaçon,commentconvoiterait-il la

principautéetlekhalifat?En apparence, il s’efforce d’obtenir le pouvoir et l’autorité, mais

seulementafindemontrerauxprinceslecheminetlejugementdroits,Afindeconférerunautreespritàlaprincipauté;afindefairefructifier

ledattierdukhalifat.

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ExpliquantquelaraisonpourlaquelleleProphète(surLuilapaix!)cherchaàconquérirLaMecqueetd’autreslieuxqueLa

Mecquen‘étaitpasl’amourdelasouverainetédumonde,étant

donnéqu‘iladit:«Cemondeestunecharogne»maisqu‘aucontraire

c’étaitsurl’ordredeDieu

e même, les luttes du Prophète pour conquérir La Mecque —commentpeut-ilêtresoupçonnéd’amourpourcemonde,Luiqui,lejourdel’épreuve,sevoilalesyeux,etdontlecœurrefusale

trésordesseptdeux,3950 Alorsqueleshorizonsdesseptcieuxétaienttousremplisdehourisetde

géniesvenusLeregarder,S’étantornéspourLuiplaire?Comment,envérité,aurait-ildésiréquoi

quecefûtd’autrequeleBien-Aimé?IlétaitsiremplidelalouangedeDieu,quemêmelesplusprochesde

Dieunepouvaients’immiscerlà.«EnNous,iln’yapasdeplacepourunprophèteenvoyé,unmessager

divin,oumêmepourlesangesoul’Esprit.Comprenezdonc!»Il dit encore : «Nous sommesmâzâgh (c’est-à-direNotre regard ne

dévia pas121). Nous ne sommes pas comme les corbeaux (zâgh) ; noussommesenivrésparlepeintre;nousnesommespasenivrésparlejardin(bigarré).»Étant donné qu’aux yeux du Prophète, les trésors des sphères et des

Intelligencescélestesnesemblaientpasplusqu’unepaille,Qu’en aurait-il donc été de La Mecque, de la Syrie, de l’Iraq, qu’il

combatteetlesconvoite?Unetellepenséeetunetelleopinionsontcellesdel’hypocritequijuge

(leProphète)paranalogieavecsonâmeperverse.Quand vous prenez un verre jaune comme écran, vous percevez la

lumièredusoleilcommejaune.Brisezcesverresbleusetjaunes,afindepouvoirdistinguerlapoussière

etl’hommequ’elledissimule.3960 Lapoussièreducorpss’estélevéeautourducavalier(del’esprit);tu

Page 375: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

t’esimaginéquelapoussièreétaitl’hommedeDieu.Iblîs ne vit que la poussière et dit : « Comment cet enfant du limon

(Adam)serait-ilsupérieuràmoidontlefrontestdefeu?»Tantque tuconsidères lessaintscommedeshommes, sachequecette

façondevoirestunhéritaged’Iblîs.Situn’espasunenfantd’Iblîs,ôtoil’obstiné!commentl’héritagede

cechient’est-ilvenu?«Jenesuispasunchien,jesuisleLiondeDieu;l’adorateurdeDieu:

leLiondeDieuestceluiquiaéchappéàlaformephénoménale.«Leliondecemonderechercheuneproieetdelanourriture;leLion

deDieurecherchelalibertéetlamort.«Étantdonnéquedanslamortilvoitcentexistences,pareilauphalène

ilconsumesapropreexistence.»Ledésirdelamortdevientl’emblèmedessincères,carcettedéclaration

futuntestpourlesjuifs.DieuditdansleQor’ân:«Ôpeupledesjuifs,lamortestuntrésoretun

gainpourceuxquisontsincères.« De même qu’il existe un désir de profit (chez les hommes en ce

monde),ledésirdelamortestmeilleur(auxyeuxdessincères).3970 «Ôjuifs,afind’êtrehonorésparleshommesdemérite,quecevœusoit

formuléparvoslèvres.»Pasunseuljuifn’eutlecourage(derépondre)quandMohammadlança

ledéfi.Ildit:«S’ilsprononçaientcelaeux-mêmes,envéritépasunseuljuifne

resteraitencemonde.»Puis les juifs apportèrent le tribut et les taxes foncières, disant : «Ne

nousfaitespashonte,ôFlambleau(dumonde).»«Iln’yapasdefinenvuedecediscours;donne-moitamain,puisque

tesyeuxontvul’Ami*.»

*ParolesadressÉespar’AIîauchevalierinfidèle.

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CommentlePrincedescroyants‘Alt(queDieuhonore

sapersonne!)ditàsonadversaire:«Lorsquetum’ascrachéàlafigure,monâmecharnellefutremuéeetjenepouvaisplusagiravecunetotale

sincérité:celam‘empêchadetetuer»

e Prince des croyants dit à ce jeune homme : « A l’heure ducombat,ôchevalier,«Quandtum’ascrachéàlafigure,monâmecharnellefutremuéeetma

bonnedispositionsegâta,« La moitié de mon combat en vint à être pour l’amour de Dieu, et

l’autremoitiépourunevainepassion:iln’estpaspermisd’associerquoiquecesoitauxchosesdeDieu.«TuesdessinéparlamainduSeigneur:tuesl’œuvredeDieu,tun’as

pasétéfaitparmoi.«Brisel’imagedeDieu,maisseulementparl’ordredeDieu;jetteune

pierre sur le miroir du Bien-Aimé, mais seulement la pierre du Bien-Aimé.»

3980 L’adorateurdufeuentenditcesparoles,etunelumièreapparutdans son cœur, de sorte qu’il coupa la corde (du cordon sacré

zoroastrien).Il dit : « Je semais la grainede l’injustice ; je te croyais autre que tu

n’es.«Tuasréellementétélabalancedotéedelajustenaturedel’Unité:en

vérité,tuasétél’aiguilledechaquebalance.« Tu as été ma race, mon origine et ma parenté : tu as été le

rayonnementduflambeaudemareligion.« Je suis l’esclave soumis de cette Lampe qui attire les regards, de

laquelletalampeareçulaLumière.«JesuisresclavedufluxdecetteMerdeLumièrequiapporteunetelle

perleàlavue.« Propose-moi la profession de foi (musulmane) car je te considère

commeleplusnobledenotreépoque.»Prèsdecinquantepersonnesdesaparentéetdesatributournèrentavec

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amourleursvisagesverslareligiondel’Islam.Parleglaivedelaclémence,‘Alîsauvaduglaivetantdegorgesd’une

tellemultitudedegens.L’épéedelaclémenceestplusacéréequel’épéedefer:envérité,elle

causeplusdevictoiresquecentarmées.3990 Oh!hélas,deuxbouchéesd’alimentontétémangées,etparcelale

fermentdelapenséeseglaça.Ungraindebléaéclipsélesoleild’Adamcommeunnœuddescendant

éclipsel’éclatdelapleinelune.Contemplelabeautéducœur,commentsaluneéparpillelesPléiadesà

caused’unepoignéed’argile!Quand le pain était esprit, il était bénéfique ; depuis qu’il est devenu

forme,ilfaitnaîtrel’incroyance.Parexemple,leschardonsvertsquemangelechameau,etilacquierten

lesmangeantcentprofitsetplaisirs.Quand le chameaududésertmangecesmêmeschardons, aprèsqu’ils

ontperduleurfraîcheurverteetsontdevenussecs,Ils déchirent son palais et sa joue. Oh ! hélas, une rose aussi

nourrissanteestdevenueuneépée!Quand le pain était esprit, il était comparable aux chardons verts ;

depuisqu’ilestdevenuforme,ilestmaintenantsecetgrossier.Selonquetuasétéaccoutuméauparavantàenmanger,ômonami,Danslemêmeespoir, tumangesencorecettematièresèche,aprèsque

l’espritaétémêléàl’argile.4000 Elleestdevenuemélangéeàlaterre,sècheetacérée;abstiens-toi

désormaisdecetherbage,ôchameau!Lesmots arrivent souillés de terre ; l’eau est devenue trouble : ferme

Torificedupuits,PourqueDieuîarendeànouveaupureetdouce:queLuiquiTarendue

troublelarendedemêmepure.Lapatienceapportel’objetdudésir,nonlahâte.PrendspatienceetDieu

saitmieuxcequiestjuste.

NotesdulivrepremierTouteslesréférencesci-dessoussontdesréférencesduQor’ân.

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«Cf.»indiquequeletexten’enapasétéreproduitlittéralement.1.VII,143.2.XCVI,15.3.LIV,1.4.Joseph,XII,94.5.Cf.XVIII.6.LV,19,20.7.XVIII.8.XVIII.9.XXV,45.10.VI,76.11.II,125.12.VIII.13.XXI,107.14.LXXXV,1.15.XXXV,32.16.II,238.17.XXI,69.18.XI,61.19.XXVIII,76.20.VII,143.21.CXIII,1.22.II,36.23.XIV,46.24.LIV,1.25.II,28.26.XXVII,20-22.27.II,31.28.VII,171.29.VII,23.30.CX,1.31.CV.32.L,30.33.III,47.34.II,115.35.LXXI,7.36.XLI,30.37.XV,39.38.VII,16.

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39.VII,23.40.XXIV,26.41.LVII,4.42.VII,109-11643.VII,203.44.II,106.45.XXIII,110.46.XC,1-4.47.LV,29.48.VII,64.49.XXI,69.50.LV,33.51.XXXIII,72,52.L,15.53.VII,172.54.I,5.55.LXI,2-3.56.Ill,14.57.VII,189.58.XXII,11.59.XXXIX,53.60.VIII,43.61.Cf.XXVI,155.62.VII,93.63.LV,19-20.64.XLVIII,2.65.XXXVIII,35.66.II,31.67.LXXXIX,28-29.68.Ill,64.69.IX,110.70.XXIV,30.71.II,25,266.72.CXII,2.73.XXXIV,54.74.LI,9.75.XVIII,78.76.XLVIII,10.77.XVIII,17.

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78.Ill,159.79.XLVIII,6.80.XXVIII,88.81.LV,26-27.82.VII,136;XV,79;XLIII,2583.VI,94.84.LI,17-18.85.XXXIX,10.86.XVIII,17.87.VII,12.88.XXXVI,8-9.89.XCIX,1.90.XCIX,1-4.91.II,102.92.I,5.93.XXIII,101.94.XXXVII,165.95.LXX,4.96.X,36;LIII,28.97.LXII,5.98.Ill,106.99.XCV,4.100.XXXIII,53.101.LXXXVI,9.102.XLVII,15.103.XXIV,26.104.XCVI,19.105.II,2.106.LXVII,3.107.XVIII,110;XLI,6.108.XX,5.109.CSOrH.XXXVI,32et53.110.XXXIV,13.111.Cf.XVIII.112.CXII,4.113.VIII,17.114.XXXIII,45.115.II,106.116.Ill,170.

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117.II,178.118.II,195.119.II,154.120.II,156.121.LIII,17.

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RÉFACEDULIVREDEUXIÈME

AUNOMDEDIEU,LECOMPATISSANT,LEMISÉRICORDIEUX

Encequiconcernecesecondlivre(duMathnawî),Tunedesraisonsdesonretardestexposéeici;àsavoirque,sitoutelaSagessedivinesefaitconnaître à Son serviteur (à propos d’une certaine action), ce serviteur,absorbé dans la pensée des avantages que produira cette action, resteraimpuissant à l’accomplir ; et l’infinie Sagesse de Dieu détruira sacompréhension,de telle sortequ’iln’entreprendrapascetteaction.C’estpourquoileDieuTrès-Hautfaitd’unepetitepartiedecetteSagesseinfiniecommeunlicouetleconduitverscetteaction;cars’ilnel’informepasdeces avantages, il ne bougera pas du tout, étant donné que lamotivation(des actions humaines) vient des avantages qui en découlent pour nous-mêmesoulesautres,cepourquoinousagissonsenconformitéaveccela;tandis que, par ailleurs, si Dieu déverse sur lui l’entière connaissance(relativeàcetteaction), ilseraaussi incapabledesemouvoir ;demêmequ’unchameaun’avancepassansavoirunlicoudanslesnaseaux,maissilelicouesttropgrand,ilsecouchera(etrefuserad’avancer).Iln’yariendont les trésors ne soient pas auprès de Nous, Nous ne les faisonsdescendre que d’après une mesure déterminée1. Sans eau, la terre nedevientpasunebrique,maisellenedevientpasnonplusunebriquequandilyatropd’eau.Ilaélevéleciel.Ilaétablilabalance2.Ildonnechaquechoseselon lapesée,nonsanscalculetbalance, saufàceuxquiontététransmués de leur état d’existence de créatures, et qui sont devenus

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(commeceuxdécritsdans laParole)DieuaccordeSesbienfaitsàqui IIveut,sanscompter3,bienqueceluiquin’yapasgoûténelesachepas.Quelqu’undemanda:«Qu’est-cequel’amour?»J’airépondu:«Tule

saurasquandtuserasdevenumoi-même.»L’amourestuneaffectionquinecalculepas.Pourcetteraison,onadit

que c’était en réalité l’attribut deDieu, et irréel en cequi concerneSonserviteur.Illesaimera(yuhibbuhum4)comprendtout.Lequel(d’entreeux)est(lesujet)dejmhibbûnahû(ilsVaimeront4)?

Notesdelapréface

1.Qor’ân,XV,212.Qor’ân,LV,7.3.Qor’ân,II,212.4.Qor’ân,V,54.

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IVREDEUXIÈME

AUNOMDEDIEU,LECOMPATISSANT,LEMISÉRICORDIEUX

CeMathnawî aété retardépendantquelque temps :un intervalleétaitnécessairepourquelesangsechangeenlait.Lesangnedevientpasdulaitavantquetonsortnedonnenaissanceà

unnouveaubébé.Écoutebienmesparoles.QuandlaLumièredeDieu,Husâm-od-Dîn*,tiralesrênesdesonesprit

deretourduzénithduciel— Car, après qu’il fut monté vers les réalités spirituelles, sans son

printempslesbourgeonsn’éclosaientpas(dansmoncœur)—,Quandilrevintdelamerverslarive,lalyredelapoésieduMathnawî

futànouveauaccordée.CeMathnawî— qui était le purificateur des esprits—, le jour où je

cherchaiuncommencementpourluifutlejourdesonretour(Husâm-od-Dîn).La date du début de ce commerce (spirituel) fut l’année 662 (de

l’hégire).Unrossignolpartitd’ici,puisrevint : ildevintunfauconpourchasser

cesvéritésspirituelles.Puisse le lieudu reposdece fauconêtre lebrasduRoi !Puissecette

porteêtreouverteàjamaispourlescréatures!Ledangerdecetteporteestlasensualitéetlesdésirscharnels,sinon,on

ytrouvedouceursurdouceur.Le gosier et la bouche sont le bandeau qui rend aveugle à 1’ autre

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monde;fermelabouche,afindelevoirclairement.Ôbouche,envéritétueslabouchedePenfer,et,ômonde,tuescomme

l’étatintermédiaire*.LaLumièreéternelleestàcôtédecebasmonde, le laitpurestàcôté

desfleuvesdesang.Quandtufaisunpasdanscemonde,sansprécaution,tonlaitsechange

ensangparlemélange.Adamfitunpasdansleplaisirsensuel:l’exildesaplaceélevéedansle

Paradisdevintuncarcansurlecoudesonâme.Les anges s’enfuyaient loin de lui, comme d’un diable. Combien de

larmesneversa-t-ilpasàcaused’uneseulemichedepain***!Bien que le péché qu’il avait commis fût mince comme un cheveu,

cependantcecheveuétaitdanssonœil.Adamétaitl’œildelaLumièreéternelle:uncheveudansl’œilestune

grandemontagne.Si Adam avait demandé conseil en cette affaire, il n’aurait pas eu à

s’excuserdanssonrepentir;Car lorsqu’un intellect se joint à un autre intellect, cela empêche la

mauvaiseactionetlesmauvaisesparoles;Mais quand l’âme charnelle s’associe avec une autre âme charnelle,

l’intellectpartieldevientoisifetinutile.Quand,àcausede la solitude, tu tombesdans ledésespoir, tudeviens

commelesoleilsituvassousl’ombredel’ami.Vachercheraussitôtl’amideDieu;quandtul’aurasfait,Dieuseraton

Ami.Celuiquiafixésonregardsur laretraite,aprèstout,c’estdel’amide

Dieuqu’ilaappriscela.Ilfautseretirerloindesétrangers,maisnonloindel’ami;lemanteau

defourrureestpourl’hiver,nonpourleprintemps.Sil’intellectestconjointàunautreintellect,lalumièreaugmenteetla

voieapparaîtclairement.Mais si l’âme charnelle se réjouit avec une autre âme charnelle,

l’obscuritéaugmente,lavoiedevientcachée.L’amiesttonœil,ôchasseur;garde-lepurdebrindillesetdepaille.Prendsgarde !Ne faispasdepoussièreavec lebalaide ta langue,ne

faispasàtonœilunprésentdedébris.30 Puisquelevraicroyantestunmiroirpourlevraicroyant,safaceest

puredetoutesouillure.

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L’amiestunmiroirpour l’âmeaffligée :nesoufflepassur la facedumiroir,ômonâme!De peur qu’il ne cache son visage à cause de ton souffle, tu dois

contenirtonsouffleàchaqueinstant.Es-tumoindrequelaterre?Quandunemottedeterretrouveunami,le

printemps,elleacquiertcentmillefleurs.L’arbre qui est uni à un ami, c’est-à-dire à la douce brise, fleurit des

piedsàlatête.Enautomne,quandilrencontreundétestablecompagnon,ilsecachele

visageetlatêtesouslacouverture,Etdit:«Unmauvaiscamaradecausedesennuis;puisqu’ilestvenu,ce

quej’aidemieuxàfaire,c’estdedormir.« Je vais donc dormir, je serai comme l’un des Compagnons de la

Caverne (les Sept Dormants) ; ce captif du malheur vaut mieux quel’empereurDecianus**.»LemomentdeleurréveildépendaitdeDecianus;leursommeilétaitla

sourcedeleurrenommée.Lesommeil,quandils’accompagnedesagesse,estunéveilspirituel :

malheuràl’hommeéveilléquis’associeàl’ignorant!40 QuandlescorbeauxdressentleurstentesàBahman(janvier),les

rossignolssecachentetrestentmuets,Car le rossignol estmuet sans la roseraie ; l’absence du soleil détruit

sonéveil.Ôsoleil, tu tedétournesdecetteroseraieafind’illuminer l’endessous

delaterre.Mais leSoleilde laConnaissancedivineest immobile ; le lieudeson

levern’estautrequel’espritetl’intellect;Particulièrement le Soleil parfait qui est de là-bas : jour et nuit, son

actionestdeconférerl’illumination.SituesunAlexandre,viensaulieuoùlesoleilselève1;ensuite,oùque

tuailles,tuposséderaslasplendeur.Ensuite, làoù tu iras,cedeviendra le lieudu leverdusoleil2, tous les

LevantsserontéprisdeceCouchant.Tessenspareilsàlachauve-sourisseprécipitentversleCouchant;tes

sensquirépandentdesperlessedirigentversleLevant.Lavoiedelaperceptionsensorielleestlavoiedesânes,ôcavalier;sois

honteux,ôtoiquirivalisesaveclesânes!Outrecescinqsensphysiques,ilexistecinqsensspirituels:ceuxcisont

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commel’orrouge,tandisquelessensphysiquessontcommelecuivre.50 Danslebazaroùlesacheteurssontexperts,commentachèteraientilsle

sensducuivrecommesic’étaitlesensd’orpur?Lesenscorporelsenourritdeténèbres;lesensspirituelestnourripar

unSoleil.Ôtoiquiasapportélebagagedetessensàl’Invisible,sorstamainde

tapoitrine,commeMoïse1**3.Ô toidont lesattributssontceuxduSoleilde laConnaissancedivine,

alorsquelesoleilducielselimiteàunseulattribut,TantôttudeviensleSoleil,ettantôtlaMer;tantôtlamontagnedeQâf

ettantôtle‘Anqâ.Dans ton essence, tu n’es ni ceci ni cela, ô toi qui es plus grand que

touteslesimaginationsetplusquecela!L’Espritaàfaireaveclaconnaissanceetlaraison;qu’a-t-ilàfaireavec

lalanguearabeouturque?Lemuwahhid (quiaffirmela transcendancedeDieu)aussibienque le

mushabbih (qui affirme que Dieu est immanent dans les formes) sontéblouispartoi,ôtoiqui,étantsansapparenceformelle,apparaissoustantdeformes.Parfoislemuwahhad(DieuconsidérécommeleseulÊtreréel)détruitle

mushabbih(quiaffirmel’immanencedeDieu);parfoiscesformeségarentlemuwahhid.ParfoisAbu’l-Hasan,danssonivressemystique,tedit:«Ôtoiquiessi

jeune***!Ôtoidontlecorpsestsitendre!»60 Parfoisildétruitsapropreimage;illabriseafind’affirmerla

transcendanceduBien-aimé.Ladoctrine soutenuepar l’œil des sens est lemotazilisme, tandis que

l’œildelaraisonestsunnite,encequiconcernel’unionavecDieu****.Ceux qui sont entravés par la perception sensorielle sont des

motazilites,mêmesiparerreurilsseconsidèrentcommesunnites.Quiconque demeure asservi à la perception sensorielle est un

motazilite;mêmes’ilditqu’ilestsunnite,c’estparignorance.Quiconqueaéchappéà laservitudedelaperceptionsensorielleestun

sunnite;l’hommedouédevisionestl’œildelaRaisonharmonieuse.Si le sens animal pouvait voir le Roi, alors le bœuf et l’âne

contempleraientAllah.Si, outre le sens animal, tu ne possédais pas un autre sens libéré des

désirsdelachair,

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Comment les fils d’Adam auraient-ils été honorés ? Comment, aumoyendusenscommun,seraient-ilsdevenusprivilégiés?QuetuappellesDieu«sansforme»ou«avecformes»estvain,situ

n’espaslibérédelaforme.Qu’Ilsoit«sansforme»ou«avecformes»,Ilestavecceluiquiest

toutentiernoyauetestsortidel’écorce.Situesaveugle,iln’yaaucunefauteàreprocheràïaveugle4;situne

l’espas,va,carlapatienceestlaclédusuccès.Le remède de la patience brûlera les voiles recouvrant tes yeux et en

mêmetempsouvriratoncœur.Quandlemiroirdetoncœurdeviendraclairetpur,tucontemplerasdes

imagesendehorsdecemonded’eauetd’argile.Tucontempleras à la fois l’imageet leFaiseurd’images ; à la fois le

tapisduroyaumeetCeluiquiétendletapis.Comme Khalil (Abraham) est venue l’image de mon Ami — en

apparenceuneidole,enréalitéunbriseurd’idoles.Dieusoitlouédeceque,lorsqu’ilapparut,monespritaperçutdansson

imagesapropreimagereflétée.Lapoussièredetonseuilensorcelaitmoncœur:quesoitrecouvertde

poussièreceluiquiestpatientsanstapoussière!Jedis:«Sijesuisbeau,jerecevrai(cettepoussièredelagrâce)delui;

sinon,ils’estenvéritémoquédemoi,laidquejesuis.«Lemieuxà faire, c’estdeme regardermoi-même ; sinon, il rirade

moi:commentpourrai-jeobtenirsonamour?»Il est beau et II aime la beauté ** : comment un frais jouvenceau

choisirait-ilunevieillefemmedécrépite?Celuiquiestbeauattireà lui labeauté ; sache-leet récite les femmes

bonnesàceuxquisontbons5.En ce monde, chaque chose attire quelque chose : le chaud attire le

chaudetlefroidattirelefroid.Ceuxquisontsansvaleurattirentceuxquisontsansvaleur;ceuxqui

sontéternelssontréjouisparceuxquisontéternels.CeuxduFeuattirentceuxduFeu,ceuxdelaLumièrerecherchentceux

delaLumière.Quandtufermeslesyeux,tutesensgêné:commentlalumièredel’œil

sepasserait-elledelalumièredelafenêtre?Tagêneestcauséeparlalumièredetonœilquis’efforcedesejoindre

rapidementàlalumièredujour.

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Situéprouvesdeladétressequandtesyeuxsontouverts,sachequetuasfermél’œildetoncœur,etouvre-le.Sache que cette détresse est la nostalgie des yeux du cœur qui

recherchentlaLumièreinfinie.Puisque la séparation d’avec ces deux lumières impermanentes t’a

apportédelagêne,desortequetuouvrislesyeux,Laséparationd’aveccesdeuxlumièreséternellest’apporteradoncdela

gêne:préserve-lesbien!90 Puisqu’ilm’appelle,jevaisregarderpourvoirsijesuisdigned’être

attiré(àLui)ousijen’aipasdechancedel’être.Siunebellepersonnesefaitsuivreparquelqu’undelaid,cen’estque

poursemoquerdelui.Comment,jemeledemande,pourrai-jecontemplermonproprevisage,

pourvoircommentjesuis,pareilaujouroupareilàlanuit?Pendant longtemps, j’ai cherché l’image de mon âme, mais nul ne

réfléchissaitmonimage.«Aprèstout,medis-je,àquoisertunmiroir?Acequechacunpuisse

savoircequ’ilest,etquiilest.«Lemiroirdefern’estquepourlesformesextérieures;lemiroirqui

montrel’aspectducœurestd’ungrandprix.«Lemiroirdel’âmen’estriend’autrequelafacedel’Ami,lafacede

l’Amiquiestdelapatriespirituelle.»J’aidit:«Ômoncœur,rechercheleMiroiruniversel,vaverslaMer;

tun’atteindraspastonbutparlaseulerivière.»Danscettequête,tonesclavearrivaenfinaulieudetademeure,comme

lesdouleursdel’enfantementconduisirentMarieverslepalmier6.Quand tonœil est devenu unœil pourmon cœur,mon cœur aveugle

s’estnoyédanslavision.J’aivuquetuétaisleMiroiruniverselpourtoutel’éternité;j’aivudans

tesyeuxmapropreimage.J’ai dit : « Enfin, je me suis trouvémoi-même ; dans Ses yeux, j’ai

trouvé laVoiedeLumière. »Mon instinct trompeurmedisait : «Prendsgarde!Cen’estquetonimage:distinguetonessencedetonimage;»Maismonimageparlaàpartirdetesyeux,disant:«Jesuistoiettues

moidansl’unicité;« Comment une image parviendrait-elle dans cet œil illuminé qui ne

cessedecontemplerlesréalités(divines)?»Tudis :«Si tuaperçois ton imagedans lesyeuxd’unautrequemoi,

sachequec’estuneimaginationetunréprouvé,

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«Car il applique à ses yeux le collyre de l’irréalité et boit le vin del’illusioncrééeparSatan.«L’œil de tels gens est la demeure de l’imagination et de l’irréalité ;

inéluctablement,ilvoitcommeexistantesleschosesinexistantes;«MaisdepuisquemonœilareçulecollyrevenantduDieuglorieux,il

estlademeuredel’existenceréelle,noncelledel’imagination.»Tant qu’un seul de tes cheveux se trouve devant ton œil, dans ton

imaginationuneperleseracommelejaspe.110 Tunedistingueraslejaspedesperlesquelorsquetuaurasentièrement

renoncéàtonimagination.Ôconnaisseurdeperles,écouteunehistoire,afindedistinguerlavision

véritabledelasimplesupposition.

*Husâm-od-DînTchelebi,choisiparDjalâl-od-DînRûmîcommemaitredesesdisciplesetsurlesinstancesdequifutcomposéIeMathnawî,Rûmîimprovisantet Husâm-od-Dîn écrivant les vers et les récitant. La femme d’Husâm-od-Dînétant morte lorsque Ie premier livre du Mathnawî fut acheve, deux annéess’écoulècent entre la fin de sa rédaction et celle du deuxiéme volume,commenceé en 662 de l’hégire (1263-1264). Cf. Aflâki,Manâqib ul- ‘Arifîn.Trad.Cl.Huatt,LesSaintsdesdervichestourneurs,éd.Sindbad, t. II,pp.225-226.*Barzakh : littéralement«barrière» ; égalementétatoù se trouvent lesâmesentreleParadisetl’Enfer.**C’est-á-direlefruitdéfendu.*L’empereurDecius(249-251),leurpérsecuteur.*AllusionálamainblanchedeMoϊse.**Littéralement:«dontlesdentssontpetites».*** Motazilisme. Doctrine des partisans du libre arbitre et, en général, deconceptionsrationalistes,disciplesdeWasilibnAd(morten131del’hégire).*Cf.unhadîthduProphéte.

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Commentautempsde’Omar(queDieusoitsatisfaitdelut),une

certainepersonneimaginaquecequ’ellevoyaitétaitlanouvellelune

emoisduJeûne(Ramadân)arrivantautempsde‘Omar,quelquespersonnescoururentenhautd’unecolline,Afin d’apercevoir la nouvelle lune comme de bon augure, et l’une

d’ellesdit:«Regarde,ô‘Omar,voicilanouvellelune!»Comme ‘Omarnevoyaitpas la lunedans le ciel, il dit : «Cette lune

provientdetonimagination.« Autrement, comme je vois mieux les cieux que tu ne les vois,

commentneverrais-jepascepurcroissant?«Mouille tamain, dit-il, et frotte avec elle ton sourcil, puis lève les

yeuxverslanouvellelune.»Lorsqu’ileutmouillésonsourcil,ilnevitpaslalune.«ÔRoi,dit-il,il

n’yapasdelune;elleadisparu.»«Oui,dit‘Omar,lepoildetonsourcilétaitdevenucourbécommeun

arc,ett’avaitdécochéuneflèchedeconjecture.»Lorsqu’unseulpoildevintcourbe,cela l’égara,desortequ’ilsevanta

faussementd’avoirvulalune.120 Étantdonnéqu’unpoilcourbecacheleciel,qu’ensera-t-ilquandtous

tesmembresserontcourbés?Redresse tesmembresà l’aidedeceuxquisontdroits.O toiquiveux

marcher dans le droit chemin, ne détourne pas la tête du seuil desvertueux.La balance rend correcte la balance ; la balance peut aussi rendre la

balanceerronée.Quiconqueadoptelamêmenormequelefautiftombedanslafaute,et

sacompréhensiondevienttroublée.Va,soisviolentaveclesimpies7,renonceàl’amitiéaveclesétrangers.Soiscommeuneépéeau-dessusdela têtedesétrangers :allons,ne te

livrepasauxrusesdurenard,soisunlion,Afín que les amis de Dieu, poussés par une sainte jalousie, ne se

détournentpasdetoi,parcequecesépines(lespervers)sontlesennemisdecetterose(l’amideDieu).Brûlelesloupscommelesgrainesderuecarcesloupssontlesennemis

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deJoseph.Iblîst’appelle«filschéri»—prendsgarde!LeDémonmauditfaitcela

afindeteleurrerpardebellesparoles.Ilapratiquélamêmeimpostureavectonpère:cetêtreaunoirvisage

vainquitunjourunAdam.130 Cecorbeausedépensesurl’échiquier;neregardepassonjeuavecdes

yeuxàdemiendormis,Parcequ’ilconnaîtdenombreuxetformidablescoupsquiresterontdans

tagorgecommeunepaille.Sa paille restera dans ta gorge durant des années. Quelle est cette

paille?L’amourdesdignitésetdelarichesse.Larichesseestlapaille,ôpauvreinfirme,c’estunobstaclepourl’Eau

delaVie.Si un ennemi rusé emporte tes biens, un voleur aura emporté le bien

d’unvoleur.

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Commentunchasseurdeserpentsvolaunserpentàunautrechasseur

deserpents

npetitvoleurdérobaunserpentàunchasseurdeserpentset,danssafolie,considéraitcelacommeunebonneaffaire.Lechasseurdeserpentséchappaàlamorsureduserpent;l’hommequi

Tavaitvoléfutmisérablementtuéparleserpent.Lechasseurdeserpentslevit(mort);alorsillereconnutetdit:«Mon

serpentluiaôtélavie.«MonâmepriaitDieudeletrouveretdeluienleverleserpent.«Dieumerci, cette prière a été repoussée : je pensais que c’était une

perte,maiscelas’estavéréungain.»Maintes prières sont des pertes et des destructions, et, par Sa bonté,

DieuleTrès-Hautnelesécoutepas.

Page 394: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentlecompagnondeJésus(surluilapaix)suppliaJésus(sur

luilapaix)derendrelavieàdesossements

n homme stupide accompagnait Jésus. Il aperçut des ossementsdansunfosséprofond.Ildit:«Ôcompagnon,apprends-moileNomsublimeparlequeltufais

vivrelesmorts;«Enseigne-le-moi,afinquejepuissefaire lebienetgrâceà luidouer

lesossementsdevie.»Jésusdit:«Tais-toi,carcen’estpaslàtonaffaire:celaneconvientpas

àtonsouffleetàtaparole,«Carcelanécessiteunehaleinepluspurequelapluieetd’actionplus

percutantequecelledesanges.«Ilafallubiendesviespourquelesoufflesoitpurifié,desortequ’à

sonpossesseursoitconfiéletrésordesCieux.«Situavaistenucebâtonfermementdanstamain,d’oùadviendraità

tamainlarusedeMoïse?»Ildit:«Cen’estpasàmoideprononcercesmystères;prononce,toi,le

Nomsurlesossements.»Jésuss’écria:«ÔSeigneur,quelssontTesdesseinscachés?Qu’est-ce

queledésirdecetimbéciledeselivreràcetteœuvreinutile?150 «Commentcethommemaladenesesoucie-t-ilpasdelui-même?

Commentcecadavrenesesoucie-t-ilpasdelavie(spirituelle)?«Ilnes’occupepasdesapropreâmemorteetchercheàfairerevivre

lesossementsmortsd’unétranger.»Dieudit:«Lerécidivisterecherchelarécidive;lechardonquiapoussé

enluiestlarétributiondecequ’ilasemé.« Ila semé lesgrainesdechardonsdans lemonde,prendsgardeàne

paslechercherdanslaroseraie.»S’ilprendunerosedanssamain,elledevientunchardonet,s’ilvachez

unami,celui-cidevientunserpent.Lemisérabledamnéestunélixirquitransmueenpoisonetenserpents;

ilestlecontrairedel’élixirdel’hommequicraintDieu.

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Commentunsoufiordonnaàunserviteurdeprendresoindesabête,etcommentleserviteurdit:«La

hawl»(Dieumegarde!)

nsoufîvoyageaitautourdumonde;unenuit,ildevintl’hôted’unekhanêgah*.Ilavaitunâne;il l’attachadansl’étableets’assitenhautdel’estrade

avecsesamis.Puisilsemitàméditeravecsesamis;laprésenced’unamiestunlivre,

etplusencore.Lelivredusoufin’estpascomposéd’encreetdelettres;cen’estqu’un

cœurblanccommelaneige.160 Laprovisiondusavantconsisteensignestracésparlaplume.Quelleest

laprovisiondusoufi?Destracesdepas.Comme le chasseur, le soufi poursuit le gibier à la trace ; il voit les

empreinteslaisséesparledaimmusquéetsuitsespas.Pendantquelque temps, ce sont les tracesqui sontpour lui un indice,

maisensuite,c’estlapocheàmuscdudaimelle-mêmequileguide.Quand il a rendu grâces pour la piste et qu’il a traversé la route,

inéluctablement,aumoyendecettepiste,ilparvientàl’objetdesondésir.Franchiruneétapeguidéeparleparfumdelapocheàmuscvautmieux

quecentétapesàsuivrelapisteeterrerçàetlà.Lecœurquiestlelieuoùselèventlesrayonsdelaluneestl’ouverture

desportes(delaRéalité)pourlemystique.Pourtoi,c’estunmur,poureux,c’estuneporte;pourtoi,unepierre,

pourcesêtresvénérés,unjoyau.Ce que tu vois clairement dans lemiroir, lemaître spirituel (pîr)voit

plusqueceladanslabrique.Lespîrssontceuxdont lesesprits,avantqu’existâtcemonde,étaient

dansl’OcéandelaDivinité.Avant ce corps-ci, ils ont vécu plusieurs vies ; avant de semer ils ont

récoltélesfruits.170 Ilsontreçul’espritavantlacréationdelaforme;ilsontpercélesperles

avantquelamerfûtcréée.Alorsqu’étaitenvisagée lacréationde l’humanité, leursespritsétaient

plongésdansl’OcéandelaToute-Puissance.

Page 396: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Alorsquelesangessemontraientopposésàcettecréationdel’homme,eux(lespîrs)semoquaientensecretdesanges.Lepîreutconnaissancedelaformematérielledechaquecréature,avant

quecetteAmeuniverselledevîntenchaînéeparlamatière.Avant la création des cieux, ils ont vuSaturne ; avant l’existence des

semences,ilsontvulepain.Sans cerveau et sans intellect, ils étaient remplis de pensées ; sans

arméeetsansbataille,ilsremportèrentlavictoire.L’intuitionimmédiateestpoureuxlapensée;tandisquepourceuxqui

sontéloignés(deDieu),c’estlavision.Lapensées’occupedupasséetdufutur;quandelleestlibéréedetous

deux,ladifficultéestrésolue.L’esprit a contemplé levindans le raisin, l’esprit a contemplé l’entité

danslerien.Il a vu chaque chose conditionnée comme inconditionnée, il a vu la

monnaiedebonaloietl’alliageavantl’existencedelamine.180 Avantlacréationduraisin,ilabulevinets’estenivré.

Danslechaudmoisdejuillet,ilsvoientdécembre;danslesrayonsdusoleil,ilsperçoiventl’ombre.Danslecœurduraisin,ilsontvulevin;danslefana*absolu,ilsontvu

l’objet.Le ciel étanche sa soif à leur coupe qui circule ; le soleil est vêtu de

brocardd’orparleurgénérosité.Quandtuvoisdeuxd’entreeuxseréunirenamis,ilssontunseul,eten

mêmetempsilssontsixcentmille.Leur nombre est comparable aux vagues : le vent les a apportés à la

multiplicité.LeSoleil,quiest lesesprits, s’estdiviséen rayonsdans lesvitresqui

sontlescorps.QuandturegardesledisqueduSoleil,ilestunique;maisceluiauquel

laperceptiondescorpsfaitécranéprouveàcesujetdesdoutes.La division est dans l’esprit animal ; l’esprit humain est une seule

essence.Puisque Dieu a répandu Sa lumière sur eux*, Sa lumière ne devient

jamaisséparée.190 ÔmoncompagnonsurlaVoie,chasseuninstanttalassitude,queje

décriveunseulgraindecetteBeauté.La beauté de Son état ne peut être exprimée. Que sont les deux

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mondes?LerefletdeSongraindebeauté.Sijedisaisunmotconcernantcettebeauté,maparoleferaitéclatermon

corps.Telleunefourmi, jesuissiheureuxdanscettegrangeque je traîneun

fardeautroplourdpourmoi.

*MaisonOùserencontrentlesderviches.*Annihilationmystique.*Hadîth.

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Commentl’explicationdusensprofonddecettehistoirefutarrêtée

àcausedudésirdel’auditeurd’apprendresoncôtésuperficiel

uandCeluiquejalouselaLumièremepermettra-t-ildedirecequiestobligatoireetdevraitêtredit?La mer projette de l’écume et constitue une barrière ; elle recule, et

aprèslerefluxavanceànouveau.Écoute ce qui m’a arrêté dans mon récit en ce moment : j’ai

l’impressionquel’espritdemonauditeurestailleurs.Sespensées sont tournéesvers levoyageur soufi ; il est absorbédans

cettehistoire.Donc, il convient que je laisse là ce discours et que je revienne à F

histoirepourdécrirecequiluiarriva.Ô cher ami, ne t’imagine pas que le soufi est la forme extérieure :

combien de temps, comme les enfants, te contenteras-tu de noix et deraisins?

200 Notrecorpsestcommecesnoixetcesraisins,ômonfils;situesunhomme,renonceàcesdeuxchoses;Et si tu ne les abandonnes pas de toi-même, la grâce de Dieu te

permettradepasserau-delàdesneufsphèrescélestes.A présent, écoute la forme extérieure du conte, mais prends garde à

séparerlegraindelapaille.

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Commentlesgensdelacaravanesupposèrentquelabêtedusoufi

étaitmalade

uandàlafincetteréuniondesoufisquirecherchaientleprofitsefutterminéedansl’extaseetl’enthousiasme,Ilsapportèrentdesplatsdenourritureàleurhôte,etilserappelaalors

sonâne.Ilditauserviteur:«Vaàl’écurieetarrangelapailleetForgepourmon

animal.»« Dieu me garde ! répondit-il ; pourquoi me dire tout cela ? Il y a

longtempsquejemesuisoccupédeceschoses.»Lesoufidit:«Humected’abordsonorge,carc’estunvieilâne,etses

dentssontbranlantes.»«Dieume garde ! dit-il, pourquoime dites-vous cela,monsieur ? Je

leuraiapprisàprendrecessoins.»Lesoufidit:«Enpremierlieu,enlève-luisaselle,etmetsdel’onguent

demanbalsursondosmeurtri.»210 «Dieumegarde!s’exclamaleserviteur.Ehquoi!ôvousquiapportez

lasagesse,j’aieuunmillierd’hôtesdevotreespèce,« Et tous nous ont quittés satisfaits : l’hôte nous est cher à l’égal de

notrevieetdenotreparent.»Le soufi dit : «Donne-lui de l’eau,mais tiède. » «Dieume garde !

s’écrial’autre,j’aihontedevous.»Lesoufidit:«Metspeudepailledanssonorge.»«Dieumegarde!Abrègecesparoles»,répondit-il.Lesoufidit:«Balaiesaplacenettedepierresetdesaleté,et,sielleest

humide,répands-ydelaterresèche.»«Dieume garde ! cria-t-il ; dis “Lahawl ” (Dieume garde), ômon

père,etdispeudechoseàunmessagerquiconnaîtbiensonaffaire.»Lesoufidit:«Prendslepeigneetgratteledosdel’âne.»«Dieume

garde!Aiequelquehonte,ômonpère»,dit-il.Ainsiparlaleserviteur,etilseceignitlesreins.«Jem’envais,dit-il;

d’abord,jevaisallerchercherlapailleetl’orge.»Ilpartit,etnepensapasuninstantàl’écurie.Iljetadusableauxyeux

dusoufi.Le serviteur s’en alla rejoindre des vauriens, en faisant fi de la

recommandationdusoufi.

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220 Lesoufiétaitfatiguédesonvoyage,etils’étenditpourdormir.Lesyeuxfermés,ilrêvaQuesonâneétaitsaisiparunloupquiarrachaitdesmorceauxdechair

desondosetdesesflancs.«Seigneur!s’écria-t-il,quellesortedefolieest-celà?Oh!oùestcet

aimableserviteur?»Anouveau, ilvoyaitsonânealler le longdelarouteet tomber, tantôt

dansunpuits,ettantôtdansunfossé.Ilfitdiversrêvesdésagréables;ilrécitaitlaFâtihaetlaQâri‘a*.Ilse

dit : «Quepeut-on fairepour aider ?Mesamis se sont enfuis ; ils sontpartisetontverrouillélesportes.»Denouveau,ildisait:«Oh!jemedemande—cemisérableserviteur!

N’a-t-ilpaspartagéavecnouslepainetlesel?« Je ne lui ai témoigné que courtoisie et bienveillance ; pourquoi au

contrairemetémoignerait-ildelahaine?« Toute hostilité doit avoir une cause ; autrement, le fait que nous

soyonsdeshommesdevraitnousimposerlafidélité.»Puis ildisait :«QuandAdam, sibonetgénéreux,causa-t-ilun tort à

Iblîs?«Qu’est-ce que l’homme a fait au serpent et au scorpion pour qu’ils

désirentluiinfligermortetsouffrance?« L’instinct du loup, c’est de déchirer ; après tout, cette envie se

manifestechezleshommes.»A nouveau, il disait : « C’est un péché que de penser ainsi le mal ;

pourquoiai-jedetellespenséescontremonfrère?»Puisildisait:«Laprudenceconsisteàimaginerlemal;commentcelui

quinepensepasaumalresterait-ilsainetsauf?»Le soufl était plongé dans cette angoisse, et pendant ce temps, l’âne

étaitdansunetellemisère—puissecelaêtrelechâtimentdesennemis!Ce pauvre âne était aumilieu de terre et de pierres, avec sa selle de

traversetsalongebrisée,Épuisé par le voyage, sans fourrage toute la nuit, tantôt rendant le

derniersoupir,tantôtmourant.Toute lanuit, l’ânerépétait :«ÔmonDieu!Je renonceà l’orge ;ne

puis-jeavoirmoinsd’unepoignéedepaille?»Sansparoles,ildisait:«Ôsheikhs,ayezpitié,carjesuisdétruitàcause

decechenapan.»Cequecetânesouffritcommepeinesettourments,l’oiseauterrestrele

subits’ilsetrouvedansunflotd’eau.

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240 Ainsi,toutecettenuitjusqu’àl’aube,lemalheureuxâne,àcausedesafaimextrême,seroulaitsurleflanc.Lejourseleva.Leserviteurvintlematin,allaaussitôtchercherlaselle

etlaplaçasurledosdel’âne.Alamanièredesvendeursd’ânes, il luidonnadeuxou troiscoupsde

bâton : il traita l’âne de la manière qui convenait de la part d’un telvaurien.La rudesseducoup fit ruer l’âne :quelle languepossèdeunânepour

décriresespropressentiments?Quandlesouftmontasurluietsepréparaàpartir,l’ânesemitàtomber

surlatêtechaquefois,Et chaque fois les gens le relevaient ; ils pensaient tous qu’il était

malade.L’unluitordaitl’oreille,tandisqu’unautrecherchaitsoussonpalaisun

endroitmeurtri;Unautrecherchaituncailloudanssonsabot,unautreregardaitlasaleté

danssonœil,Etaussiilsdisaient:«Ôsheikh,quelleestlacausedecela?Nedisais-

tupashier:“Dieumerci,cetâneestfort”?»Ilrépondit:«L’ânequiamangéLâhawl(Dieumeprotège!)pendant

lanuitnepeutavancer,saufdecettefaçon.« Puisque la nourriture de l’âne pendant la nuit était Lâ hawl, il

glorifiaitDieulanuit,etilseprosternelejour.»Laplupartdesgenssontdesmangeursd’hommes;n’aiepasconfiance

enleurssalamalecs.Leurs cœurs à tous sont la demeure du Diable ; n’écoute pas les

discoursdeshommesdiaboliques.Celui qui avale Lâ hawl (Dieu me garde !) de la bouche du Diable

tombe,commecetâne,detoutsonlongdanslecombat.Quiconqueavalel’impostureduDémonencemondeetlavénérationet

latromperiedelapartdel’ennemiquial’apparenced’unami,Danslavoiede1’IslametsurlepontdeSirat*tomberadevertige,sur

latête,commecetâne.Prendsgarde!N’écoutepaslesflatteriesdumauvaisami:aperçoisle

piège,nemarchepasensécuritésurlaterre.Vois la centaine de milliers de diables qui prononcent Lâ hawl ! O

Adam,dansleserpent,reconnaisIblîs!Il prodigue de vaines paroles, il te dit : « Ômon âme et mon bien-

aimé », afin de pouvoir écorcher la peau de son bien-aimé, comme un

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boucher.Il prodigue de vaines paroles pour vous arracher la peau :malheur à

celuiquigoûtel’opiumdelabouchedesennemis!Ilposesa têteà tespiedset,commeunboucher, tefaitdescajoleries,

afindeversertonsang.Comme un lion, chasse toi-même ta proie ; ne t’occupe pas des

flatteriesdeTétrangerouduparent.Sachequelaconsidérationdegensvilsestcomparableàceserviteur;

mieuxvautnepas avoird’amisqued’accepter les flatteriesdesgensderien.Nefaispastademeuredanslepaysd’hommesétrangers;accomplista

propreœuvre,nefaispasletravaild’unétranger.Quiestl’étranger?Toncorpsterrestre,pourl’amourdequiesttoutton

souci.Tant que tu donneras à ton corps des aliments riches et sucrés, tu ne

verraspascroîtretonessencespirituelle.Silecorpsestplacéauseindumusc,cependantaujourdelamort,sa

puanteurserarenduemanifeste.Nemetspasdemuscsurtoncorps,frottes-entoncœur.Qu’est-ceque

lemusc?LesaintNomduDieuTrès-Haut.L’hypocritemetdumuscsursoncorpsetplacesonespritaufonddela

fosseauxcendres.Sur sa langueest leNomdeDieu, etdans sonâme lapuanteurde sa

penséeimpie.Parrapportàlui,lalouangedeDieuestcommelaverduresurlafosse

auxcendres:desrosesetdeslispoussantsuruntasd’ordures.Ces plantes se trouvent là certainement par emprunt : la place qui

convientàcesfleursestlebanquetetlelieudesfestivités.Les femmes bonnes aux hommes bons : il y a aussi la parole : Aux

hommesmauvaislesfemmesmauvaises8.Prendsgarde!Nesoispasmalveillant:ceuxquisontégarésparlamalveillance,leurs

tombessontplacéesàcôtédesmalveillants.L’originedelamalveillanceestl’Enfer,ettamalveillancefaitpartiede

cetoutetestl’ennemiedetareligion.Puisque tu faispartiede l’Enfer,prendsgarde !Lapartiegravitevers

sontout.Celui qui est amer sera assurément attaché à ceux qui sont amers :

commentlesparolesfaussesseraient-ellesuniesàlavérité?Ômonfrère,tuescequ’esttapensée;quantaureste,tun’esquedes

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nerfsetdesos.Sitapenséeestunerose,tuesuneroseraie;etsic’estuneépine,tues

desfagotspourlefeuduhammam.Situesdel’eauderose,ont’aspergesurlatêteetlesein;etsi tues

commel’urine,ontejetteauloin.280 Voislesplateauxposésenfacedesdroguistes—chaquesorteestplacée

àcôtédelamêmeespèce,Leschosesdechaqueespècemélangéesauxchosesdelamêmeespèce,

etunecertaineéléganceproduiteparcettehomogénéité.Sileboisd’aloèsetlesucresemélangent, ledroguistelesséparel’un

del’autre,morceauparmorceau.Les plateaux ont été brisés et les âmes répandues ; les bonnes et les

mauvaisesfurentmélangéesensemble.Dieu a envoyé les Prophètes et lesÉcritures afin de pouvoir trier ces

grainssurleplat.Auparavant,nousétionsuneseulecommunauté;nulnesavaitsinous

étionsbonsoumauvais.Lafaussemonnaieetlabonneavaientcoursdanslemonde,étantdonné

que tout était nuit et que nous étions comme des voyageurs pendant lanuit,Jusqu’àcequelesoleildesProphètesselevâtetdit:«Va-t’en,alliage!

Viens,toiquiespur!»L’œilpeutdistinguerlescouleurs,l’œilconnaîtlerubisetlecaillou.L’œil connaît le joyau et les brindilles : aussi des bouts de brindilles

piquentl’œil.Cesvilscontrefacteurssontlesennemisdujour,cespiècesd’orvenant

de lamine sont les amoureux du jour ;Car le jour est lemiroir qui faitconnaîtrel’or,desortequel’ashrafî(lamonnaied’or)puisserecevoirsondond’honneur*.C’estpourquoiDieuaoctroyéletitrede«Jour»àlaRésurrection,car

lejourrévèlelabeautédurougeetdujaune.Enréalité,lejourestlaconsciencelaplusintime(sirr)dessaints,bien

qu’auprèsdeleurlunelejoursoitcommel’ombre.Sache que ce jour est le reflet dumystère de l’hommedeDieu, et le

refletdesonoccultationestlanuitquifermelesyeux.Pourcetteraison,Dieuadit :«ParlaclartéduJour9» ; laclartédu

jour,c’estlaLumièredelaconsciencecachéedeMustafâ.L’autre interprétation,que leBien-aimédésignaitcematin-ci,vientde

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cequetousdeuxsontlerefletdeLui;Sinon,c’estunefautequedejurerparunechoseéphémère:comment

cequiesttransitoireconviendrait-ilàlaParoledeDieu?Abrahamdit:«Jen’aimepascequidisparaît10.»Commentpourrait

parlerdecequiestéphémèreleSeigneurdesmondes?Aussi,etpar lanuitl11désignesonoccultationetcecorps terrestrede

couleursombre.300 Quandsonsoleils’estlevédececiel,iladitàlanuitducorps:«En

vérité,Ilnet’apasabandonné12.»L’unionaétérenduemanifesteparl’afflictionmême;cettedouceurest

expriméeparIInet’apashaïl12bis.Enfait,chaqueexpressionestl’indiced’unétat:l’étatestpareilàune

main,l’expressionàunoutil.L’outildel’orfevredanslamaind’uncordonnierestcommeunegraine

seméedanslesable;L’outil du savetier devant le laboureur est comme la paille devant le

chienetdesosdevantunâne.« Je suis laRéalité suprême (Ana’l-Haqq) » sur les lèvres deMansûr

étaitlalumière;surleslèvresduPharaon,«JesuisAllah»n’étaitqu’unmensonge.Dans lamain deMoïse, le bâton devint un témoin ; dans lamain du

magicien,lebâtondevintunechosevaine.C’estpourquoiJésusn’appritpasàsoncompagnondevoyageleNom

duSeigneur,Carilnecomprendraitpas,etattribueraitl’imperfectionàl’instrument.

Situfrappeslapierresurl’argile,commentlaflammesurgirait-elle?Lamainetl’outilsontcommelapierreetlefer:ilsdoiventêtredeux;

l’existenced’uncoupleestlaconditiondelanaissance.310 L’UnestCeluiquin’apasd’associénid’outil;danslenombre,ilyale

douteetcetUnestau-delàdudoute.Ceuxquidisent«deux»ou« trois»oudavantagesontcertainement

d’accord.Quand ils cessent de loucher, ils deviennent semblables ; ceux qui

disaientdeuxoutroisaffirmentl’Unité.SituesuneballedansSalicedepolo,continueàtournersousSacanne

depolo.Laballenedevientparfaiteetsansdéfautquelorsquelafaitdanserle

coupvenudelamainduRoi.

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Prêteattentivementl’oreilleàcesparoles,ôtoiquilouches!Ecoutecequetunesaisispasparlavue.Les paroles saintes ne restent pas dans les cœurs aveugles, elles

retournentàlaLumièred’oùellessontvenues,TandisquelesortilègeduDémonvadanslescœursperverscommeun

souliertordusurunpiedtordu.BienquetupuissesapprendrelaSagesseparouï-dire,elletequittesitu

n’enespasdigne;Et bien que tu l’écrives et la notes, et bien que tu t’en vantes et

l’exposes,320 Elledétournedetoisonvisage,ôdiscuteur;ellebriseseslienset

s’envoleloindetoi.Maissitunelispasetqu’ellevoittaferveur,laConnaissanceseradans

tamaincommeunoiseaudocile.Ellenedemeurepasavecn’importequelapprenti,commeunpaonne

restepasdanslamaisond’unpaysan.

*Fâtiha, première soutateduQor’ân, récitéedans les prières rituelles et danstoutescirconstancesdelavie(naissance,mort).Qâri‘a, récitationdelasourateduQor’ân.*PontquedoiventtraverserlesâmespourserendreauParadis.Cf.Qor’ân,I.*Jeudemotsrapprochantletermeashrafi,pièced’or,etlemotashraf,noble,ledond’honneurètanttashrif.

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Commentleroitrouvasonfaucondanslamaisond’unevieille

femmedécrépite

en’estpascommelefauconquis’envolaloinduroichezlavieillefemmequitamisaitdelafarinePourfairecuiredututmâj*poursesenfants.Quandellevitlesplendide

faucondehautenaissance,Elleattachasonpetitpiedetluirognalesailes;ellecoupasesserreset

lenourritdepaille.«Demauvaisesgens,dit-elle,ne t’ontpasbiensoigné : tesailessont

tropgrandes,ettesserressontdevenueslongues.«Lamain de chacunde ces hommes indignes te rendmalade : viens

cheztamère,qu’ellepuisseprendresoindetoi.»Sache,ômonami,quetelleestl’amitiédusot;lesotmarchetoujours

detraverssurlavoie.Lajournéeduroisepassaàchercherlefaucon;ilfinitpararriveràla

vieillefemmeetàsatente.330 Toutàcoup,ilaperçutlefauconaumilieudelafuméeetdela

poussière;leroipleuraamèrementetselamenta.Ildit:«Bienquecesoitlechâtimentdetonaction,parcequetun’as

pasgardéfermementtafoi,« Cependant, comment peux-tu faire de l’Enfer ta demeure après le

Paradis,sanstenircomptedecequelesgensduFeu(etceuxduParadis)nesontpaségaux13?»C’est la rétributionqui convient à celui qui s’enfuit loindu roi qui le

connaîtbienverslamaisond’unevieillefemme.Cependant, le faucon frottait ses ailes contre la main du roi ; sans

paroles,ildisait:«J’aicommisunpéché.»Oùdonclemisérablesupplierait-ilsipitoyablement,oùgémirait- il,si

Tun’acceptesriend’autrequelebien,ôgénéreux?La grâce duRoi rend l’âme en quête du péché, car leRoi rend belle

chaquechosevile.Va,necommetsriendevil,carmêmenosbellesactionsparaissentviles

auxyeuxdenotreBeauté.Tu as considéré ton service comme méritoire, ainsi as-tu brandi

l’étendarddupéché.

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Alorsque la louangeet laprière t’étaientaccordéesendon,enfaisantcetteprièretoncœurestdevenuremplidevanité.

340 Tut’esconsidérécommeconversantavecDieu.Oh!nombreuxsontceuxquisontdevenusséparésdeDieuparcetteopinion.Mêmesilerois’assiedavectoisurlesol,connais-toitoi-mêmeettiens-

toiplusrespectueusement.Lefaucondit:«Ôroi,jemerepens,jesuisconverti,j’embrassel’islam

ànouveau.«Celuiqueturendsivre,siparivresseilmarchedetravers,accepteson

excuse.« Bien quemes serres aient disparu, quand tu es àmoi j’arrache les

bouclesdusoleil;«Etbienquemesailesaientdisparu,quand tues tendreavecmoi, la

sphèrecélesteralentitsonenvoldevantmonessor.«Si tum’octroies une ceinture, je déracinerai lamontagne ; si tume

donnesuneplume,jebriseraileslancesdesétendards.«Aprèstout,moncorpsn’estpasmoindrequeceluid’unmoucheron;

avecmesailes,jevaincraileroyaumedeNemrod.«Supposequejesoisaussifaiblequelesoiseauxd’Ababil,supposeque

chacundemesennemissoitcommel’éléphant14,«Cependant,sijelanceunebouletted’argiledelatailled’unenoisette,

mabouletteauneffetpareilàceluidecentcatapultes.»350Moïsevintaucombatavecsonseulbâton,etilattaquaPharaonettoutessesépées.Chaqueprophètequidelui-mêmeafrappéàcetteportes’estbattuseul

contrelemondeentier.QuandNoéimploradeDieuuneépée,grâceàluilesvaguesduDéluge

devinrentpareillesàl’acierdesépées.ÔAhmad,quesontenréalitélesarméesdelaterre?Contemplelalune

danslecieletfends-luilefront15,Afinquel’astrologueignorantsachequecetouresttontour,nonletour

delalune.C’est ton tour parce que Moïse, qui parlait avec Dieu, avait

constammentundésirardentpourtontour.QuandMoïsecontemplalasplendeurdetoncycle,danslequelselevait

l’aubedelaRévélation,Ildit:«ÔSeigneur,quelcycledemiséricordeestceci?C’estau-delà

delamiséricorde,ils’ytrouvelavisiondeToi.«PlongetonMoïsedansl’océandutempsetfais-lereveniràlasurface

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aumilieuducycledeAhmad.»Dieudit:«ÔMoïse,c’estpourcelaquejetel’aimontré,c’estpourcela

quejet’aiouvertlavoiepourcettecommunion,360 «Parceque,dansceprésentcycle(deMohammad),ôKalîm,tu

appartiensàcetautrecycle,retiretonpied,carcetapisesttroplong.«Jesuisgénéreux,Jemontreàmonserviteurdupainafinqueledésir

pourluifassepleurercettecréaturevivante.«Lamère frotte lenezde sonbébé,pourqu’il s’éveilleet cherche la

nourriture,«Carilpeuts’êtreendormisanssavoirqu’ilafaimetens’éveillantil

pressesesdeuxseinspouravoirdulait.«J’étaisuntrésor,unemiséricordecachée,aussiai-jeenvoyéunImam

bienguidé*.»Chaquegrâceque tucherchesde toute tonâme,Il teTamontréepour

quetuladésires.Combien d’idoles Ahmad (Mohammad) n’a-t-il pas brisées en ce

mondepourquelescommunautéspuissents’écrier«ôSeigneur!»Si ce n’avaient été les efforts d’Ahmad, vous aussi, comme vos

ancêtres,adoreriezdesidoles.Votre têteaétédélivréede laprosternationdevant les idoles,afinque

vous puissiez reconnaître son droit légitime à la gratitude descommunautés.Situparles,rendsgrâcespourcettedélivrance,afinqu’ilpuisseaussite

délivrerdel’idolequiestentoi.Puisqu’il a libéré ta têtedes idoles, libère, toi, ton cœur aumoyende

cetteforce(qu’ilt’adonnée).Tuasnégligéderendregrâcespourlareligionparcequetul’asobtenue

pourrienenhéritagedetonpère.Commentunhommequihériteconnaîtrait-il lavaleurdelarichesse?

UnRostamsupportadestourmentspourl’acquérir,tandisqueZâll’obtintgratuitement*.«QuandJe faispleurerquelqu’un,Mamiséricordeestéveillée :celui

quiselamenteboitàlacoupedeMalibéralité.«Si Jenedésirepasdonner, alors, envérité, Jene luimontrepas (le

dondésiré);maisquandJ’airesserrésoncœur(parlechagrin),Jeledilatedanslajoie.«MaMiséricorde dépend de ces larmes pures ; quand il pleure, des

vaguess’élèventdelaMerdeMamiséricorde.»

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*Platdepâtisseriecuiteavecdelaviande.*HadîthQudsî(sacrÉ).*Zâl,filsdeSametpèredeRostam,hèritadesrichessesdelafamilleprincièredeSistan.(Cf.Ferdawsi,Shah-Nameh,XIesiècle.)

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Comment,parinspirationdivine,SheikhAhmad**filsdeKhizrûya(queDieusanctifiesonesprit

vénéré),achetadessucreries(halwâ)poursescréanciers

lyavaitunsheikhquiavaitcontinuellementdesdettes ;c’étaitàcausedelagénérositédecethommeillustre.Il avait coutume de faire des myriades de dettes en empruntant aux

grandsetdedonner(cetargent)auxpauvresdecemonde.Ilavaitconstruitunemaisonpourlessoufisencontractantdesdettes;il

avaitconsacrésavie,safortuneetcettemaison(àDieu).Dieupayaitsesdettesdetouscôtés:Dieufitdelafarineavecdusable

pouraiderAbraham.380 LeProphèteaditquedeuxangesprientdanslesmarchés,disant:«Ô

Dieu,accordeauprodigueundon,etôDieu,donneàl’avareunpoisonenretour.»Celasurtoutpourleprodiguequialibrementdépensésavieetoffertsa

gorgeensacrificeauCréateur.Iloffre sagorgecommeIsmaël* : le couteaunepeut rien fairecontre

elle.Pourcetteraisondonc,lesmartyrsviventdanslajoie:neregardepas,

commelesinfidèles,lecorpsseul,PuisqueDieuleuradonné,enretour,1’espritdel’éternité—unesprit

libredechagrin,depeine,desouffrance.Le sheikh agit de cette façon pendant des années, prenant et donnant

sansrelâche.Il semait des graines jusqu’au jour de samort, afin que ce jour- là, il

puisseêtreunprinceglorieux.Quand la vie du sheikh toucha à sa fin, et qu’il perçut dans son

existencelessignesdelamort,Lescréanciersétaientassisautourdelui,tandisquelesheikhs’éteignait

doucement,commeunechandelle.390 Lescréanciersétaientdevenusdésespérésetlevisageamer:la

souffrancedansleurscœurss’accompagnaitdepeineàrespirer.«Voyezceshommesàl’espritmaltourné»,ditlesheikh.«Dieun’a-t-

ilpasquatrecentsdinarsd’or?»

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Ungarçonau-dehorscriait«Halwâ!»etvantaitl’excellenceduhalwâdansl’espoirdegagnerquelquesdângs**.Lesheikh,d’unsignedetête,ordonnaauserviteurd’allerachetertoutle

halwâ,(Sedisant):«Ainsi,lescréanciers,pendantqu’ilsmangerontlehalwâ,

nemeregarderontpasavecamertume.»Leserviteursortitaussitôtparlaportepouracheteravecdel’ortoutela

quantitédehalwâ.Il dit au garçon : «Combien coûte tout cehalwâ ? »Le garçon dit :

«Undemi-dinar,etunpeudepetitemonnaie.»«Non,répondit-il,nedemandepas tropauxsoufis : je tedonneraiun

demi-dinar.Nedisplusrien.»Le garçon posa le plateau devant le sheikh. Voyez à présent les

mystérieusespenséessecrètesdusheikh!Il fitunsigneauxcréanciers :«Voyez,ceprésentdesucreriesestun

cadeaupourvous:mangez-leavecplaisir,c’estunalimentlicite.»400 Quantleplateaufutvidé,legarçonlepritetdit:«Donne-moil’or,ô

Sage.»Lesheikhrépondit:«D’oùobtiendrai-jecetargent?J’aidesdetteset

m’envaisverslanon-existence.»Legarçon,dechagrin,lançaleplateauparterre;ilsemitàselamenter,

àpleureretàgémir.Le garçon pleurait avec de gros sanglots à cause de cette tromperie,

criant:«Mieuxauraitvaluquejemecasselesdeuxjambes!«Mieuxauraitvaluque je flâneauprèsduhammam etque jene sois

paspasséàlaportedecemonastère!«Soufisgloutonsetparasites,pareilsàdeschiensdansleurscœursetse

lavantlevisagecommedeschats!»Auxcrisdugarçon,toutlemondeseréunitlàetl’entoura.Il vint vers le sheikh et dit : « Ô cruel sheikh, sois assuré que mon

maîtremetuera.«Sijeretournechezluilesmainsvides,ilmetuera:luipermettras-tu

delefaire?»Et les créanciers, eux aussi, se tournèrent vers le sheikh, avec

incrédulitéetrefus,disant:«Qu’est-cequecejeu?410 «Tuasdévorénosbiensettuemportestesiniquités(dansl’autre

monde):pourquelleraisoncetteautreinjusticeest-ellevenuepar-là-dessus?»Jusqu’auxprièresdel’après-midi,legarçonpleura;lesheikhfermales

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yeuxetneleregardapas.Lesheikh,indifférentauxinsultesetàl’hostilité,avaitcachésonvisage

pareilàlalunesoussacouverture,Contentde l’éternité,contentde lamort, joyeux, indifférentaumépris

etauxparolesconcernantcequiestbasouhaut.CeluiauvisagedequileBien-Aimésouritdoucement,quelmalpeut-il

luiadvenirdesregardsamersdesgens?Celui sur les yeux de qui le Bien-Aimé octroie un baiser, comment

s’affligerait-ilduCieletdesoncourroux?Parunenuitdepleinelune,enquoilalunedansla(maison)deSimâk*

sesoucie-t-elledeschiensetdeleursaboiements?Lechieneffectue sa tâche ; la luneaccomplitdoucement la sienneau

moyendesonaspectbrillant.Chacun exécute sonpetit travail : l’eauneperdpas sapureté à cause

d’unboutd’herbe.Lesherbesflottenthumblementàlasurfacedel’eau:l’eaucontinueà

coulerpuresansenêtretroublée.Mustafâ(Mohammad)fendlaluneàminuit:AbûLahab,parhaine,dit

dessottises.LeMessieressuscitelesmorts,etlejuifsemordlesmainsdecolère.L’aboiement du chien parvient-il jamais à l’oreille de la lune,

particulièrementdecetteLunequiestl’éluedeDieu?Leroiboitduvinaubordduruisseaujusqu’àl’aubeet,enécoutantla

musique,n’entendpaslecoassementdesgrenouilles.Ladivisiondel’argentdûaugarçon(parmilescréanciers)n’auraitété

quedequelquesdângspourchacun;maisl’influencedusheikhempêchacettegénérosité,Desortequepersonnenedonnarienaugarçon:lepouvoirdespîrsest

mêmeplusgrandquecela.Quandvint lemomentdesprièresde l’après-midi,unserviteurarriva,

unplateauàlamain,delapartdequelqu’unsemblableàHâtim**,Hommefortunéetdehautrang:ill’envoyaitenprésentausheikh,car

illeconnaissait.Ilyavaitquatrecentsdinars,etsuruncoinduplateauunautredemi-

dinardansunboutdepapier.Le serviteur s’avança et salua le sheikh, et posa le plateau devant ce

sheikhsanségal.Quandcelui-ciretiracequicouvraitleplateau,lesgenscontemplèrent

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lemiracleprovenantdelui.Immédiatement,descrisdechagrinetdelamentations’élevèrentdela

part de tous : «Ô chef des sheikhs et des rois spirituels, qu’est- ce quecela?«Quel est ce secret ?A nouveau, qu’est-ce que cette souveraineté, ô

seigneurdesseigneursdumystère?« Nous ne savions pas. Pardonne-nous. Les paroles que nous avons

prononcéesétaientfolles.« Nous qui brandissons aveuglément des cannes, ne pouvons nous

empêcherdebriserdeslampes.«Nous, comme les sourds, sans avoir rien entendu qui nous soit dit,

nousrépondonsenl’airselonnotrepropreconjecture.« Nous n’avons pas écouté l’avertissement de Moïse qui fut rendu

honteuxparsonincroyanceenunKhezr*,«Bienqu’il ait euunevisionqui s’élevait vers leshauteurs etque la

lumièredesonœilperçâtleciel.«ÔMoïse(decetteépoque),parstupiditél’œild’unesourisdumoulin

s’estainsifanatiquementopposéàtonœil.»Lesheikhdit:«Jepardonnetouscesdiscoursetpalabres:c’estlicite

pourvous.«Lesecretdetoutcela,c’estquej’aiimploréDieu;enconséquence,Il

m’amontréledroitchemin,«Etdit:“Bienquecedinarsoitpeudechose,cependantsonpaiement

dépenddescrisdugarçon.“Avant que le garçon vendeur de halwâ ne pleure, la mer de Ma

miséricorden’estpaséveillée.”»Omonfrère,l’enfantestlapupilledetonœil;sachedefaçoncertaine

quelaréalisationdetondésirdépenddeladétresse.Si tusouhaitesquecetterobed’honneurvienneà toi,alorsfaisquela

pupilledetonœilpleuresurtoncorps.

*ÉminentsheikhsoufideBalkh(IXes.)*Selonlatraditionmusulmane,c’estIsmaëlqu’AbrahamreçutdeDieul’ordredesacrifier.*Sixièmepartied’undirham.*Nomd’uneconstellation,l’unedes«MaisonsdelaLune*HâtimTay,hommecèlèbrepoursagènèrositè.* Khezr (arabe Khadir), personnage mystèrieux, accompagnant Moϊse et se

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livrantàdesactesapparemmentrèprèhensibles,quis’avèrentunegrâce(Qor’ân,XVIII).

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Commentunecertainepersonneeffrayaunascète,disant:«Pleure

peu,decraintededeveniraveugle!»

ncompagnondanslavoiereligieuseditàunascète:«Pleurepeu,decraintequetonœilnes’abîme.»L’ascètedit:«L’affairenecomportequedeuxpossibilités:l’œilverra,

ouneverrapaslaBeautédivine.«S’il voit la lumière deDieu, qu’y a-t-il à déplorer ?Que sont deux

yeuxpourceluiquiestuniàDieu?«Ets’ilnevoitpasDieu,qu’il s’enaille !Qu’unœilaussimisérable

devienneaveugle!»Net’affligepaspourtesyeuxquandceJésusestàtoi;nevapasversla

gauche, mais vers la droite, pour qu’il te donne deux yeux à la visiondroite.

450 LeJésusdetonespritestprésentavectoi:imploresonaide,carilestungrandsecours;Mais nemets pas à chaquemoment sur le cœur de ce Jésus la tâche

inutiledesubveniràuncorpsremplid’os,Commel’imbécilequenousavonsmentionnédansl’histoirepourservir

auxjustes.Nerecherchepas,delapartdetonJésus,lavieducorps,nedemande

pasàtonMoïsederéaliserledésirdePharaon.Nechargepastoncœurdepenséesconcernanttesmoyensd’existence;

ilsneteferontpasdéfaut;maisdemeureàlaCourdivine.Cecorpsestunetentepourl’esprit,oucommeunearchepourNoé.QuandleTurcomanestlà,iltrouveunetente,spécialementceluiquiest

honoréàlaCourdeDieu.

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Conclusiondel’histoiredelarevivificationdesossementsàlaprièredeJésus(surluilapaix!)

ésus prononça le Nom de Dieu sur les ossements à cause de lasupplicationdujeunehomme.Acausedecetimbécile,ledécretdeDieudonnalavieàlaformeque

cesosavaientpossédée.Un lionnoirbondit, frappaune foisde sapatte etdétruisit son image

corporelle.460 Celabrisasoncrâne;sacervelleserépanditàcetendroit:lecerneau

d’unenoix,cariln’yavaitpasenluidecervelle.S’ilavaiteuuncerveau,lefaitqu’ilaitétémisenpiècesneluiaurait

causéaucundommage,saufàsoncorps.Jésus dit au lion : «Comment l’as-tu déchiré si vite ? »Le lion dit :

«Parcequ’iltegênait.»Jésusdemanda :«Pourquoin’as-tupasbu le sangdecethomme?»

«Danscequiavaitétédécidé(parDieu),ilnem’étaitpasaccordédeleboire»,réponditlelion.Oh ! combien, à l’instar de ce lion furieux, ont quitté cemonde sans

avoirmangéleurproie!Leurportionn’estmêmepasunepaille,tandisqueleurgourmandiseest

aussigrandequ’unemontagne;ilsn’ontpaslesmoyensdesatisfaireleursdésirs,bienqu’ilsenaientlesmoyens(matériels).Ô Toi qui nous a rendu facile de faire un travail non récompensé et

stérileencemonde,délivre-nous!Pournous,celasembleunappâtetc’estenréalitéunhameçon:montre-

le-noustelgu’ilest.Leliondit:«ÔMessie,lefaitquejetuecetteproieétaitsimplement

dansledesseinquecetavertissementpuisseêtrereçu(parlesautres).«S’ilyavaitencoreeupourmoiencemondeuneportiondenourriture

quimefûtallouée,qu’aurais-jeeuàfaire,envérité,aveclesmorts?»470 C’estlàlechâtimentméritéparceluiquitrouvedel’eaupure,et,

commeunâne,urineinsolemmentdansleruisseau.Sil’âneconnaîtlavaleurdeceruisseau,aulieudesonpied,ilymettra

satête.L’imbéciletrouveunprophètecommecela,unseigneurdel’Eaudela

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Vie,unamoureuxdelavie:Comment nemeurt-il pas devant lui, disant : « Ô seigneur de l’Eau,

rends-moivivantparl’ordre“Sois”(fiat)?»Prendsgarde!Nesouhaitepaslaviedetonâmecharnelle,car,depuis

longtemps,c’estl’ennemidetonesprit.Que la poussière soit sur les ossements empêchant ce chien de

rechercherl’esprit!Si tu n’es pas un chien, comment es-tu amoureux des ossements ?

Pourquoies-tuamoureuxdusang,commeunesangsue?Quelle sorte d’œil est-ce là qui n’a pas de vision, et n’obtient rien

d’autrequelahonteparlesmisesàl’épreuve?Les opinions sont parfois erronées, mais qu’est-ce que cette opinion

aveuglequantàlavoiedroite?Ôœil,tutelamentespourlesautres:arrête-toiuninstantetpleurepour

toi-même!480 Lerameauestrendufraisetvertparlenuageenpleurs,pourlamême

raisonquelachandelleestrenduepluslumineuseparseslarmes.Partoutoùdesgensselamentent,assieds-toilà,cartuasdavantagede

raisondeteplaindre,Etant donné qu’ils se préoccupent de la séparation d’avec ce qui

disparaît,etsontoublieuxdurubisdelapérennitéquiappartientàlamine(delaRéalité);Étant donné que le sceau de l’ imitation aveugle est un verrou sur le

cœur—va,dissousceverrouavecteslarmes;Étantdonnéquel’imitationestlepoisondetouteslesbonnesqualités:

l’imitationn’estqu’unepaille(kâh),mêmesic’estunegrandemontagne(kûh).Siunhommeaveugleestgrandetirascible,neleconsidèrequecomme

unboutdechair,puisqu’ilestdépourvudevision.Bien que l’imitateur aveugle prononce des paroles plus fines qu’un

cheveu,soncœurn’apointlaconnaissancedecesparoles.Iléprouveunecertaineivressedesespropresparoles,maisilyabien

ducheminentreluietleVin.Al’instard’unlitderivière:ilneboitpasd’eau;l’eaupasseàtravers

jusqu’auxbuveursd’eau.L’eau ne s’installe pas dans le lit de la rivière, parce que le lit de la

rivièren’estpasassoifféetneboitpasd’eau.490 Commelaflûtederoseau,ilgémitpitoyablement,maisnecherche

qu’unadmirateur.

Page 418: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

L’imitateur, dans ses discours, est comme un pleureur professionnel :cethommeperversn’ad’autremotifquelacupidité.Le pleureur professionnel prononce des paroles brûlantes de chagrin,

maisoùestlabrûlureducœuretlevêtementdéchiré?Entre le véritable connaissant et l’imitateur aveugle, il y a degrandes

différences, parce que le premier est comme David, et le second n’estqu’unécho.L’origine des paroles du premier est la brûlure (du sentiment), tandis

quel’imitateurestceluiquiapprendparouï-dire.Prendsgarde!Nesoispasdupéparcesparolesaffligées:lebœufporte

lefardeau,maisc’estlacharrettequigrince.Même l’imitateur compte sur la récompense divine : le pleureur

professionnelreçoitsonsalaireaumomentdescomptes.L’infidèleetlevraicroyantdisenttousdeux«Dieu»,maisilyabien

deladifférenceentreeux.Le mendiant dit « Dieu » pour avoir du pain ; l’homme pieux dit

«Dieu»detoutesonâme.SilemendiantdistinguaitDieudecequ’ilditlui-même,ilneresterait

plusriendevantsesyeux.500 Durantdesannées,cechercheurdepaindit«Dieu»;commeunâne,il

porteleQor’ânpourêtrenourridepaille.Silaparolesurseslèvresavaitbrillédanssoncœur,soncorpsauraitété

réduitàdesatomes.Dans la sorcellerie, le nom d’un démon est utilisé pour réussir ; tu

gagnesuntrésoraumoyenduNomdeDieu.

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Commentunpaysancaressaunliondansl’obscurité,parcequ‘ilcroyait

quec’étaitsonbœuf

npaysanattachaunbœufdansl’étable:unlionmangeasonbœufets’assitàsaplace.Le paysan alla à rétable voir son bœuf : l’homme, tâtonnant dans les

coins,cherchaitsonbœuflanuit.Il frottait de sa main les membres du lion, le dos, le côté, tantôt en

dessous,tantôtendessus.Leliondit:«Silalumièregrandissait,savésiculebiliaireéclateraitet

soncœursetransformeraitensang.«Ilmecaresseainsiavectantd’audaceparcequedanscetteobscuritéil

pensequejesuislebœuf.»Dieudit:«Ôdupeaveugle,lemontSinaïnes’est-ilpasécroulédevant

MonNom?« Car si Nous avions fait descendre16 ce livre sur la montagne, elle

auraitétéfendue,puismiseenpièces,etensuiteelleauraitdisparu.« Si le mont OhodM’avait connu, le sang aurait jailli en jets de la

montagne.»Tuasentenducelade tonpèreetde tamère ;enconséquence, tu l’as

admissansréfléchir.Si tu viens à Le connaître sans imitation aveugle, par Sa grâce tu

deviendrasimmatériel,commeunevoixvenueduCiel.Écoute cette histoire comme un avertissement, afin de comprendre

l’effetdésastreuxdel’imitationaveugle.

Page 420: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentlessoufisvendirentl’animalduvoyageurpourcouvrir

lesdépensesdusamâ

nsoufï,aprèsavoirvoyagé,arrivaàunkhanégah. Ilconduisit samontureàl’étable.Desapropremain,illuidonnaunpeud’eauetdufourrage:iln’était

pascommelesoufïdontnousavonsracontél’histoire.Il prit ses précautions contre la négligence et la sottise ;mais, quand

advientladestinée,àquoisertlaprécaution?Les soufïs étaient pauvres et dénués de tout : la pauvreté comporte

presqueuneinfidélitéquimèneàlaperdition.Ô toi, homme riche et bien nourri, prends garde à ne pas railler la

mauvaiseconduitedupauvrequisouffre!A cause de ce dénuement, cette bande de soufis, tous ensemble,

décidèrentdevendrel’âne,520 Disant:«Encasdenécessité,unecharogneestnourriture;mainte

actionperverseestrenduevertueuseparlanécessité.»Ils vendirent aussitôt l’âne ; ils achetèrent des aliments délicieux et

allumèrentdeschandelles.Lemonastères’emplitdejubilation:«Cesoir,ilyadebonneschoses,

delamusique,deladanse.« Combien de temps supporterons-nous de demander l’aumône et de

mendier?Combiendetempscettepatienceetcejeûnedetroisjours?«Nous sommesaussides créaturesdeDieu,nousavonsuneâme.La

chanceestavecnouscesoir,nousavonsuninvité.»Ainsi semaient-ils la semence de la fausseté, car ils considéraient

commel’âmecequin’estpasl’âme.Et le voyageur, lui aussi, était fatigué par le long voyage et vit (avec

plaisir)cettefaveuretcettegentillesse.Lessoufis,l’unaprèsl’autre,luiprodiguaientdescaresses;ilsjouaient

lejeudeluitémoignerdesattentionsagréables.Quandilvitcetteaffectionàsonégard,ildit:«Sijenemeréjouispas

cesoir,quanddoncleferai-je?»Ilsmangèrent lesmets et commencèrent le samâ ; le monastère était

remplidepoussièreetdefuméejusqu’auplafond:530 Lafuméedelacuisine,lapoussièresoulevéeenbattantdespieds,le

Page 421: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

tumultedel’âmecauséparlanostalgieetl’extase.Tantôt,agitant lesmains, ils frappaient lesolde leurspieds, tantôt, se

prosternant,ilsbalayaientl’estrade(deleurfront).Cen’estqu’aprèsunelongueattentequelesoufiobtientdelaFortune

cequ’ildésire;pourcetteraison,lesoufiestungrandmangeur;Sauf,bienentendu, lesoufiquis’estrassasiédelaLumièredivine; il

estlibérédelahontedelamendicité.Mais,decessoufis,iln’yenaquequelques-unsparmilesmeilleurs;le

restevitsousl’empire(spirituel)(dusoufiparfait).Quand le samâ se fut déroulé du commencement jusqu’à la fin, le

ménestrelsemitàjouerunemélodiepuissante.Ilsemitàchanter:«L’âneestparti,l’âneestparti»etfitpartagerson

enthousiasmeàtoutelacompagnie.A causede cet enthousiasme, ils dansèrent jusqu’à l’aube, battant des

mainsetchantant:«L’âneestparti,l’âneestparti,ômonfils!»Pour les imiter, ce soufi semitàchanteravecunsentimentpassionné

«L’âneestparti.»Quandleplaisir,l’excitation,etlesamâeurentprisfin,lejourselevaet

tousdirent:«Adieu.»540 Lamaisonfutdésertée,etlesoufidemeuraseul;cevoyageursemità

secouerlapoussièredesonbagage;Il apporta son bagage de sa cellule afin de l’attacher sur l’âne, car il

désiraittrouverdesgensavecquivoyager.Ilsehâtaitpourrattrapersescompagnonsderoute;ilalladansl’écurie,

maisn’ytrouvapassonâne.Il sedit :«Leserviteur l’aemmenépourboire,car iln’abuquepeu

d’eaulanuitdernière.»Leserviteurarriva,et lesoufi luidit :«Oùest l’âne?»«Regardeta

barbe*»,réponditleserviteur,etunedisputes’éleva.Lesoufidit:«Jet’aiconfiémonâne,jet’aichargédemonâne,« Parle raisonnablement, ne discute pas ; redonne-moi ce que je t’ai

donné.«Jeteréclamecequejet’aidonné;rends-moicequejet’aienvoyé.«LeProphèteaditquetoutcequevotremainaprisdoitàlafinêtre

renduàsonpropriétaire.«Etsitoi,parinsolence,n’espassatisfait,ehbien,allonsàlamaison

ducadidelareligion.»550 Leserviteurdit:«J’étaisimpuissant,lessoufissesontprécipitéssur

moi,jecraignaispourmavie.

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«Jetez-vousunfoieetlespartiesvoisinesaumilieudechats,etensuiteencherchez-vouslatrace?«Unemichedepainaumilieudecenthommesaffamés,unchatétique

devantcentchiens?»«Jesuppose,ditlesoufi,qu’ilst’ontprisl’âneparviolence,etainsien

avaient-ilsàmavieàmoi,pauvremalheureux!«Ettoi,tuneseraispasvenumedire:“Ilsemmènenttonâne,ôpauvre

homme!”«Afinquejepuisserachetermonâneàquiconquel’aacheté,oualors

qu’ilssepartagentmonargent.« Il y avait centmanières de remédier à cela quand les soufis étaient

présents,maismaintenantchacund’euxestallédansuneautrerégion.«Quipuis-jesaisir?Quipuis-jeemmenerchezlecadi?C’estpartoi,

envérité,quecettecalamitém’estarrivée.«Commentn’es-tupasvenumedire:“Ôétranger,ceterribleoutrage

estadvenu”?»«ParDieu,répondit-il,jesuisvenuplusieursfoispourt’informerdeces

agissements;«Maistuétaistoujoursentraindedire:“L’âneestparti,ômonfils”,

avecplusdeplaisirquetousceuxquilerépétaient,«Desortequejem’enretournai,pensant:“Ilestlui-mêmeaucourant;

ilestcontentdujugementdeDieu;c’estunhommequiconnaît(Dieu).”»Le soufi répondit : « Ils le disaient tous gaiement, aussi je prismoi-

mêmemesdélicesàledire.«Monimitationaveuglem’amenéàlaruine.Deuxcentsfoismaudite

soitcetteimitation!«Spécialementl’imitationdetelschenapansbonsàrien—lecourroux

d’Abrahamsoitsurceuxquidisparaissent17.« Le plaisir de cette compagnie de soufls projetait un reflet, et mon

cœurétaitcharméparcereflet.»Le reflet provenant de bons amis est nécessaire, jusqu’à ce que, sans

aucunreflet,tutirestoi-mêmedel’eaudelamer.Sache que le reflet est tout d’abord seulement une imitation ; mais

quandilrevientcontinuellement,ilsetransformeenprisedeconscience.Tantqu’iln’estpasdevenucetteprisedeconscience,ne teséparepas

desamis;net’écartepasdelacoquilled’huître:lagouttedepluien’estpasencoredevenueuneperle.Situdésiresquetonœil,tonintelligenceettonouïesoientpurs,metsen

pièceslesvoilesdudésirégoïste,

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Car l’imitation, de la part du soufi, venant de son désir, excluait sonintelligencedelalumièreetdel’éclat.Le désir pour les aliments, et le désir pour le plaisir et le samâ

empêchaientsonespritdecomprendre(cequiétaitarrivé).Siledésirnaissaitdanslemiroir, lemiroirseraitcommenousquantà

l’hypocrisie.Silabalanceavaitledésirdesrichesses,commentlabalancefournirait-

elleunedescriptionexactedeschoses?Chaque prophète a dit avec sincérité à son peuple : « Je ne vous

demandepasunsalairepourmonmessage.«Jenesuisqu’unguide;c’estDieuvotreacquéreur;Dieum’achargé

d’agircommeuncommissionnairepourlesdeuxparties.«Quelest le salairedemon travail ?Lavuede l’Ami,mêmesiAbû

Bakrmedonnequarantemilledirhams*.«Monsalaire,cen’estpascesquarantemilledirhams :commentdes

perlesdeverreseraient-ellespareillesauxperlesd’Aden?»Jevaisteraconterunehistoire:écoute-laattentivement,afindesavoir

queledésirégoïstebouchelesoreilles.Quiconque éprouve un tel désir devient embarrassé : comment, si le

désirestprésent,l’oeiletlecœurseraient-ilslumineux?580 L’imaginationdupouvoiretdelarichessedevantlesyeuxestcomme

uncheveudansl’œil;Sauf,bienentendu,danslecasdusaintenivréquiestemplideDieu:

mêmesionluidonnedestrésors,ilestlibre,Car, lorsqu’unhommejouitde lavisiondeDieu,cemonde-cidevient

commeunecharogneàsesyeux.Mais ce soufï était bien loin de l’ivresse spirituelle ; aussi était-il

aveugléparsonavidité.L’hommeaveugléparledésirpeutentendrecenthistoires,maispasune

seuleidéenepénètredanssonoreille.

*C’est-à-dire:«Tudisdessottises.»*Lesquarantemilledirhams(oudinars)qu’AbûBakrdèpensapourl’amourduProphète.

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Commentlescrieursducadiannoncèrentuninsolvabledans

toutelaville

lyavaitunepersonneinsolvablesansmaisonnifoyer,quirestaitenprisonenuneservitudeimpitoyable.Il avait coutume de manger déraisonnablement les rations des

prisonniers;àcausedesonappétit,ilétaitunfardeauaussipesantquelemontQâfsurlescœursdesgensdelageôle.Nuld’entreeuxn’avaitlecouragedemangerunmorceaudepain,parce

quecevoleurderationsluidérobaittoutsonrepas.QuiconqueestéloignédufestinduMiséricordieuxa lesyeuxd’unvil

mendiant,fût-ilunsultan.(L’insolvable)avaitpiétinétoutevertu;laprisonétaitdevenueunenfer

àcausedecevoleurdepain.590 Sivousfuyezdansl’espoirdequelquesoulagement,dececôtéaussi

unecalamitévientàvotrerencontre.Iln’existepasderecoinsansbêtesféroces;iln’existedereposquelà

oùtutetrouvesseulavecDieu.Le recoin de la prison inévitable de ce monde n’est pas exempt des

chargespourlesvisiteursetducoûtduchauffagedelamaison.Envérité,situtecachesdansuntroudesouris,tuserastourmentépar

quelqu’unayantlesgriffesd’unchat.L’hommesenourritdesesrêveries,siellessontbelles;Etsisesrêveriesmanifestentquelquelaideur,ildépérit,commelacire

fondueparlefeu.Si,parmilesserpentsetlesscorpions,Dieupréserveentoilesimages

deceuxquisontbeaux,Serpentsetscorpionssemontreronttesamis,carcetteimaginationestla

pierrephilosophalequitransmuetoncuivreenor.La patience est adoucie par une imagination belle, car les images du

soulagementsontalorsvenuesàl’esprit.Cesoulagementducœurprovientdelafoi:lafaiblessedelafoin’est

quedésespoirettourment.600 Lapatienceestcouronnéeparlafoi:quiconqueestdépourvude

patiencen’apasdefoi.LeProphèteadit:«Dieun’apasoctroyédefoiàceluidontlanature

Page 425: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

ignorelapatience.»Lamême personne qui, à tes yeux, est pareille à un serpent, apparaît

commeunebeautéauxyeuxd’unautre,Parcequeà tesyeux ilapparaîtcommeun impie, tandisqu’àceuxde

sonamiilsembleêtreunvraicroyant.Pourtousdeux,foietinfidélitéexistentencettemêmepersonne:tantôt

ilestpoisson,ettantôthameçon.Ilestpourmoitiécroyantetpourmoitiéinfidèle;pourmoitiécupidité

etpourmoitiépatience.Dieuadit:«Certainsd’entrevoussontcroyants»,etaussi:«Certains

d’entrevoussontincroyants»,telunancienadorateurdufeu.Il est commeunbœuf : son côtégauchenoir, l’autreblanc comme la

lune.Celui qui aperçoit le côté noir l’évite ; celui qui voit l’autre côté le

recherche.Joseph était pareil à une bête de somme aux yeux de ses frères ; en

mêmetemps,auxyeuxdeJacob,ilétaitcommeunehouriduParadis.610 Enraisond’uneimaginationperverse,l’œilcorporeldérivéetl’œil

originelinvisible(del’esprit)considéraientJosephcommelaid.Sachequel’œilextérieurestl’ombredecetœilintérieur;toutce que cetœil intérieur peut voir, cetœil extérieur se tourne vers cet

œil-là.Tu es du lieu, mais ton origine est dans le non-lieu : ferme cette

boutique-cietouvrecetteboutique-là.Ne t’enfuis pas vers lemonde aux six directions, parce que dans les

directionsestleshashdara*etleshashdaraestéchec,échecetmat.

*Positiondèsastreusedanslejeudenard.

Page 426: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentlesprisonniersseplaignirentdel’insolvable

auprèsdureprésentantducadi

es prisonniers allèrent se plaindre à l’employé du cadi, qui étaitdouédediscernement,Disant:«Présentenossalutationsaucadietrapporte-luilessouffrances

quenousinfligecethommevil;«Car il est restéconstammentdanscetteprisonet il estunvagabond

oisif,unparasite,etunemalédiction.«Commeunemouche, ilapparaît sansvergogneàchaque repas, sans

invitationetsanssalam.« Pour lui, la nourriture de soixante personnes n’est rien ; il fait

semblantd’êtresourdsionluidit:“Assez!”«Siunebouchéeparvientàunhommedanslaprison,ousi,aumoyen

decentastuces,ildécouvredelanourriture,« Cet insatiable satanique arrive avec cet argument que Dieu a dit :

“Mangez18!”«Justice,justicecontrecestroisannéesdefamine!Puissel’ombrede

notreseigneurdureràjamais!« Ou bien faites sortir ce buffle de prison, ou bien accordez-lui une

rationdenourriturerégulièrementgrâceàunedonation.«Ôtoigrâceàquihommesetfemmessontrendusheureux,rends-nous

justice!Tonaideestinvoquéeetrecherchée.»L’employé courtois alla trouver le cadi et lui rapporta les plaintes de

boutenbout.Lecadifitappelerl’insolvabledesaprisonensaprésenceetensuitese

renseignasurluiauprèsdesespropresofficiers.Toutes les plaintes qu’avait portées cette masse de prisonniers

s’avérèrentfondéesauprèsducadi.Illuidit:«Lève-toietquittecetteprison;vadanslamaisonquiestla

propriétédonttuashérité.»Il répondit :«Mamaisonetmonfoyerconsistenten tabienveillance.

CommepouruninfidèletaprisonestmonParadis.«Situmechassesdecetteprisonetmefaispartir,envérité,jemourrai

demisèreetdemendicité.»630 IIplaidasacausecommeleDémonquidisait:«ÔmonSeigneur,

Page 427: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

accorde-moiundélai19jusqu’auJourdelaRésurrection,«Carjesuisheureuxdemetrouverdanslaprisondecemondeafinde

pouvoirtuerlesenfantsdemonennemi,«Et,siquelqu’unaunpeud’alimentdefoietunesimplemichedepain

pourlaviefuture,«Quejepuissem’enemparer,tantôtparruse,tantôtpartromperie,de

sortequeparrepentirilspuissentselamenter;« Et que parfois je puisse les menacer de pauvreté, et parfois les

aveugler par l’enchantement des tresses et des grains de beauté. »Danscetteprison(dumonde),l’alimentdelafoiestrare,etcequiexisterisqued’êtreprisaufiletdeladestructionparl’attaquedecevaurien.Si, grâce à la prière, au jeûne, à centmortifications, la nourriture du

sentimentspirituelestaccordée,leDémonaussitôts’enempare.JechercherefugeenDieucontreSonSatan.Nousavonspéri,hélas,à

causedesadésobéissance.Iln’estqu’unseulvaurien,maisilentreendesmilliersdegens;celui

enquiilpénètredevientluiaussiSatan.Quiconque refroidit votre ferveur, sachez que Satan est en lui : le

Démonestcachésoussapeau.649 Quandilnetrouvepasdeformecorporelle,ilenvahitvotreimagination,

afinquecetteimaginationvousconduiseàlapeine:Tantôtl’idéedelarécréation,tantôtcelledutravail;tantôtl’idéedelascience,tantôtcelledelamaisonetdufoyer.Prendsgarde!Disaussitôt:«QueDieum’aide!»etrépète-lemaintes

fois,nonpasseulementaveclalangue,maisdufonddel’âme.Le cadi déclara : « Montre-moi clairement que tu es insolvable. »

«Voicilesprisonnierscommetémoins»,répondit-il.«Ceux-là,ditlecadi,sontsuspects,parcequ’ilst’évitentetversentdes

larmesdesangàcausedetaconduite;«Enoutre,ilssupplientd’êtredélivrésdetoi;enraisondecetintérêt

personnel,letémoignagequ’ilsapportentestdénuédevaleur.»Touteslespersonnesappartenantautribunaldirent:«Nousattestonsà

lafoissoninsolvabilitéetsadégénérescencemorale.»Tous ceux que le cadi interrogeait à son sujet disaient : « Seigneur,

lavez-vouslesmainsdecethomme.»Lecadiordonna:«Faites-luifaireletourdelaville,pourquetousle

voient,etcriez:“Cethommeestinsolvableetc’estunbrigand.”« Proclamez-le, rue par rue, battez du tambour pour avertir de son

insolvabilitépartout,àtouslesyeux.

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650 «Quepersonneneluivendeàcrédit,quepersonneneluiprêteunsou.« Quiconque présentera contre lui une plainte pour fraude, je ne le

mettraiplusenprison.« Son insolvabilitém’a été prouvée : il n’a rien en sa possession, ni

argent,nimarchandises.»L’hommesetrouvedanslaprisondecemonde,afinquepeut-êtreson

insolvabilitépuisseêtreprouvée.DieuaaussiproclamédansnotreQor’ânl’insolvabilitéd’Iblîs,Disant:

«C’estuntricheur,unfailli,unmenteur:nevousassociezpasàlui,etnejouezàaucunjeuaveclui.«Etsivouslefaitesetplaidezensuitevotrecauseauprèsdelui,ilest

insolvable:quelbénéficepouvez-vousentirer?»Quandl’affaireéclata,ilsamenèrentlechameaud’unKurdequivendait

duboisdechauffage.LemalheureuxKurdepoussaitdegrandscris;ilséduisitaussi(l’agent

chargédesesaisirduchameau)avecledond’undâng.Maisonluienlevalechameaudepuislematinjusqu’àlatombéedela

nuit,etseslamentationsneluiservirentàrien.660 Surcechameauétaitperchécetoiseaudemalheur(l’insolvable),tandis

quelepropriétaireduchameaulesuivaitencourant.Ilssehâtaient,dequartierenquartier,etderueenrue,jusqu’àcequela

villeentièrelesconnaissedevue.Devant chaque hammam et marché, tout le monde les regardait. Il y

avaitdixcrieursàlavoixforte,desTurcs,desKurdes,desAnatoliens,desArabes,proclamant:«Cethommeestinsolvableetnepossèderien:quenulneluiprêteune

piécettedecuivre;« Il ne possède pas lamoindremiette, visible ou invisible ; c’est un

failli,unmauvaisdrôle,unrusévaurien,quimanqueàsaparole.« Attention, attention ! Ne faites pas d’affaires avec lui ; quand il

amèneraunbœufàvendre,serrezbienlenœud.«Etsivousamenezcetindividudéchuenjugement, jenemettraipas

uncadavreenprison.«C’estunbeauparleur,etquidiscourtsansfin:ilestvêtud’unhabit

neufintérieuretd’unhabitextérieurrapiécé.«S’ilmetcevêtementintérieurenvuedetromper,ilestempruntéafin

deleurrerlesgens.»670 Sache,ôhommeserein,quelesparolesdesagessesurlalanguedecelui

quiestdépourvudesagessesontcomparablesàdeshabitsempruntés.

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Mêmesiunvoleurarevêtuunebellerobe,commentceluidontlamainestcoupéepeut-ilteprendreparlamain?Lorsque à la tombée de la nuit l’insolvable descendit du chameau, le

Kurdeluidit:«Mademeureestloind’ici.«Tuasmontémonchameaudepuiscematindebonneheure:jenete

réclamepasleprixdel’orge,maisaumoinsceluidelapaille.»«Etpourquoidonc,répliqua-t-il.Qu’avons-nousfait jusqu’àprésent?

Oùesttonintelligence?N’ya-t-ilpersonnecheztoi?«Lebattementdutambourinformantdemoninsolvabilitéestparvenu

jusqu’auseptièmeciel,ettun’aspasentenducesmauvaisesnouvelles!«Tesoreillesontétépleinesd’unfolespoir:cetespoir-làrendsourdet

aveugle,monfils.«Lesmottesdeterreetlespierreselles-mêmesontentenducetavis:“Il

estinsolvable,ilestinsolvable,cebrigand.”»Lescrieurslerépétèrentjusqu’ausoir,etcelanefitaucuneimpression

sur le propriétaire du chameau, parce qu’il était tout rempli d’un vainespoir.Dieuapposeunsceausurl’ouïeetsurlavue;àl’intérieurdesvoiles,il

yabiendesformesetbiendessons.680 IIcommuniqueàl’œilcequ’ilveutcommebeauté,perfectionetregards

amoureux,Et II communique à l’oreille ce qu’il veut commemusique et bonnes

nouvellesetcrisdejoie.Lemondeestremplideremèdes,maisvousn’enavezaucunavantque

Dieuouvrepourvousunefenêtre.Bien que vous soyez à présent inconscients de ce remède, Dieu le

rendramanifesteaumomentdubesoin.LeProphèteaditqueleDieudeGloireacrééunremèdepourchaque

souffrance;Maisdeceremèdepourvotresouffrance,vousnepercevreznicouleur

niparfumsansSonordre.Viens,ô toiquicherches le remède ;attache ton regardà l’au-delàde

l’espace,commelesyeuxdeceluiquivamourirsetournentversl’esprit.Ce monde spatial a été produit à partir de ce qui est sans relations

spatiales,carlemondeestdevenuunlieuàpartirdel’absencedelieu.Tourne-toi de F existence vers la non-existence, si tu cherches le

SeigneuretappartiensauSeigneur.Cettenon-existenceest le lieudurevenu :ne t’enfuispas loind’elle ;

cetteexistenceduplusetdumoinsestlelieudeladépense.

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690 PuisqueFatelierdeDieuestlanon-existence,endehorsdeFate-lieriln’yaquecequiestsansvaleur.Mets dans notre cœur des mots subtils qui puissent T’amener à la

Miséricorde,ôToipleindegrâces.C’estdeToiqueviennentetlaprièreetlaréponse;deToilasécurité,

deToiaussilacrainte.Sinousavonsparlédefaçonfautive,daignenouscorriger:TuesCelui

quicorriges,ôToiquiesleSultandesparoles!Tupossèdesl’alchimieparlaquelleTupeuxlestransmuer,etmêmesi

c’estunfleuvedesang,TupeuxenfaireunNil.Detellesopérationsd’alchimiesontTonœuvre;detelsélixirssontTes

secrets.Tuasmélangél’eauetlelimon;del’eauetdel’argile,Tuasfaçonnéle

corpsd’Adam.Tu as donné à l’homme la parenté, épouse, oncles maternels et

paternels,avecdesmilliersdepensées,dejoiesetdechagrins.Aussi, à certainsTuas accordé ladélivrance ;Tu les as libérésde ce

chagrinetdecettejoie;Tulesasemportésloindelaparentéetdelafamilleetdeleurpropre

nature;tuasfaitparaîtrechaquebellechoselaideàleursyeux.700 Ilsrejettentcequiestperçuparlessens,ets’appuientsurcelaquiest

invisible.L’amour estmanifeste, et leBien-Aimé est caché ; l’Ami est hors du

monde,maissonattraitestdanslemonde.Renonceàcettecroyance(danslesphénomènes).Lesamoursressenties

pourcequiestdouédeformen’ontpaspourobjetlaformeextérieureoulevisagedeladame.Ce qui est l’objet de l’amour, ce n’est pas la forme, qu’il s’agisse de

l’amourpourleschosesdecemondeoupourcellesdel’autremonde.Ce que tu as été amené à aimer pour sa forme, pourquoi l’ as-tu

abandonnéaprèsquel’espritsefutenfui?Sa forme est encore là ; pourquoi donc ce dégoût ? Ô amoureux,

demande-toiquiestvraimenttabien-aimée.Si labien-aiméeestcequelessensperçoivent,quiconqueestdouéde

sensenseraitamoureux.Puisquelafidélitéaugmentepar1’amourspirituel,commentlafidélité

serait-ellealtéréeparladestructiondelaforme?Le rayon de soleil a frappé un mur ; le mur a reçu une splendeur

empruntée.

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Pourquoiattachertoncœuràunemottedeterre,ôhommesimple?Vachercherlasourcequibrilleéternellement.

710 Toiquieséprisdetaraison,tejugeantsupérieurauxadorateursdelaforme,Sache que ton intelligence est un rayon de l’intelligence universelle

projetésurtaperceptionsensorielle;considère-lacommedel’orempruntédoranttoncuivre.Dansl’humanité,labeautéestpareilleàcettedorure;sinon,comment

tabien-aiméeserait-elledevenuepareilleàunvieilâne?Elleétaitcommeunange,elleestdevenuecommeundémon,carcette

beautéenelleétaitchoseempruntée.Petit à petit, Dieu retire cette beauté ; petit à petit, le rameau se

dessèche.Va, récite : De celui à qui Nous accordons une longue vie, Nous

courbonslastature20.Recherchelecœur,net’attachepasauxos;Car cette beauté du cœur est la beauté durable ; ses lèvres donnent à

boirel’EaudelaVie.Envérité,elleestàlafoisl’eau,celuiquidonneàboire,etceluiquia

bu:toustroisdeviennentunquandtontalismanestbrisé.Cetteunité, tunepeux laconnaîtrepar le raisonnement.SersDieu,et

abstiens-toidesparolesoiseuses,ôhommesansdiscernement!Pourtoi,laréalitéestl’apparenceetcequiestemprunté;tuteréjouis

decequiestaccessoirecommelarime.720 Laréalité,c’estcequis’emparedetoietterendindépendantdela

forme.Laréalitén’estpascequirendaveugleetsourd,et faitqu’unhomme

estencoreplusamoureuxdelaforme.Ce qui est dévolu à l’aveugle, c’est l’imagination qui accroît la

souffrance;lapartdel’œilspirituel,cesontlespenséesdemouriràsoi-même(fanâ).Les aveugles sont unemine pleine de la littéralité duQor’ân : ils ne

voientpasl’âneetsecramponnentaubât.Puisque tuesdouédevision,coursaprès l’ânequi s’est enfui loinde

toi:combiendetempscoudras-tulaselle,ôadorateurdelaselle?Quandl’âneseralà,laselleseracertainementàtoi:lepainnemanque

pasquandtuasl’esprit.Surledosdel’ânesetrouventlaboutique,larichesse,legain;laperle

detoncœurestlecapitalquienrichitcentcorps.Monte ton âne sans selle, ô impudent ! n’est-ce pas ainsi que

Page 432: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

chevauchaitleProphète?LeProphètemontait sans selle ; et le Prophète, est-il dit, voyageait à

pied.Tonâmecharnelle,cetâne,s’estenfuie;attache-laàunclou.Combien

detempss’enfuira-t-elleloindutravailetdelapeine,combiendetemps?730 IIfautqu’elleportelefardeaudelapatienceetdelagratitude,quece

soitdurantcentannées,outrente,ouvingt.Nulqui est chargéneporte le fardeaud’unautre ; nuln’amoissonné

avantd’avoirsemé.C’estunespoirabsurde(«cru»);nemangepascequiestcru,ômon

fils;mangercequiestcrurendleshommesmalades.Netedispas:«Untelatrouvésoudainuntrésor;j’aimeraiscela:pas

detravailnideboutiquepourmoi!»Cettedécouverteestl’œuvredelaFortune;enoutre,elleesttrèsrare;

ilfautgagnersavieaussilongtempsquelecorpsenestcapable.Commentlefaitdegagnersavieempêcherait-ildetrouveruntrésor?

Nelaissepasletravail;letrésorviendraaprèsletravail.Prendsgardedenepas être captif du« si…», disant « si j’avais fait

cecioucela»,CarleProphètesincèredéfenditdedire«si»etdéclara:«Celavient

del’hypocrisie.»Carl’hypocriteestmortendisant«si»et,àdire«si»,iln’agagnéque

desremords.

Page 433: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Parabole

ncertainétrangercherchaitenhâteunemaison.Unamil’amenaàunemaisonenruine.

740 IIluidit:«Sicettemaisonavaituntoit,ceseraitunfoyerpourvousenplusdemoi.«Votrefamilleaussiseraitàl’aise,s’ilyavaituneautrepièce.»«Oui,

répondit-il, il est agréable de se trouver avec des amis ;mais,mon trèscher,onnepeutlogerdans“si”.»Tous, en ce monde, recherchent le bonheur et, en raison d’un faux

bonheur,ilssontdanslefeu.Vieuxet jeunessontdevenusdeschercheursd’or,mais l’œilordinaire

nedistinguepasl’alliagedel’or.L’orpuraprojetéunrayonsurl’alliage;prendsgardeànepaschoisir

l’orentefondantsurunesimpleopinion,sanspierredetouche.Situpossèdesunepierredetouche,choisis;autrement,vateconsacrer

àceluiquiconnaît(ladifférence).Oubientudoisavoirunepierredetoucheàl’intérieurdetapropreâme,

ou,situneconnaispaslaVoie,net’avancepasseul.Lecridesgoules* est lecrid’une relation,une relationqui t’attirerait

verstaperte.Lagoulevacriant:«Attention,ôgensdelacaravane!Venezversmoi,

voicilapisteetlesjalonsdelaroute.»Lagoulementionnelenomdechacun,disant:«ÔUntel!»…afínde

fairedecettepersonnequelqu’unquiseperd.Lorsque cet hommearrive à l’endroit indiqué, il aperçoit des loups et

deslions;savieestperdue,larouteestlointaine,etilsefaittard.Dis-moi,quelestlecridelagoule?C’est:«Jedésiredesrichesses,je

désireunepositionetunerenommée.»Empêche ces voix d’entrer dans ton cœur, pour que les mystères

spirituelspuissentt’êtrerévélés.RépèteleNomdeDieu,ignorelecridesgoules,fermetesyeuxdevant

cevautour.Apprendsladifférenceentrelavéritableetlafausseaurore,distinguela

couleurduvindelacouleurdelacoupe,Afin que peut-être, à partir des yeux qui voient les sept couleurs, la

patienceetl’attentepuissentproduireunœilspirituel,

Page 434: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Grâceauquel tupuissescontemplerd’autrescouleursquecelles-ci,etvoirdesperlesaulieudepierres.Quelle perle ? Non, tu deviendras un océan, tu deviendras un soleil

traversantleciel.L’Ouvrierestcachédansl’atelier;vois-LeclairementdansSonatelier.Étantdonnéquel’œuvreatisséunvoilecachantl’Ouvrier,tunepeux

Levoirendehorsdecetteœuvre.Commel’atelierestlademeuredel’Ouvrier,celuiquiestàl’extérieur

n’estpasconscientdeSaprésence.Entredoncdansl’atelier,c’est-à-direlanon-existence,afindepouvoir

contempleretl’œuvreetl’Ouvrier.PuisqueTatelierest le lieude laclairvoyance,endehorsde l’atelier il

n’yaquecécité.Le pharaon rebelle garda son visage tourné vers l’existence ; en

conséquence,ilfutaveuglequantàl’atelierdeDieu.Aussidésirait-ilchangerlaprédestinationdeDieu,afind’éloignerdesa

porteladestinéedivine.Envérité,ladestinée,àchaqueinstant,semoquaitdel’arrogancedece

rusécomploteur.Iltuadescentainesdemilliersdebébésinnocents,afinqueTordreetla

prédestinationdeDieusoientévités.Afinque leprophèteMoïsenepuisseparaître, ilserendit responsable

demilliersd’iniquitésetdemeurtres.Ilfitcoulertoutcesang,etcependantMoïsenaquitetfutpréparépour

sonchâtiment.770 S’ilavaitvul’atelierdel’Eternel,ilauraitcessédesedémenerà

comploter.Moïse demeura en sécurité dans la maison du pharaon, alors qu’au-

dehors,celui-cituaitenvainlespetitsenfants;A l’instar de l’homme sensuel qui dorlote son corps et soupçonne

quelqu’und’autredehaineamèreàsonégard,Disant :«Celui-ci estunennemi, et celui-làunadversaireenvieux»,

bienqu’envérité celui qui l’envie et qui est son ennemi soit sonproprecorps.IlestcommePharaon,etsoncorpsestsonMoïse:ilcourtçàetlàau-

dehors,demandant:«Oùestmonennemi?»Son âme charnelle prend ses aises dans lamaison, qui est son corps,

tandisqu’ilsemordlesmainsderancunecontrequelqu’und’autre.

Page 435: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

*Dèmonsmangeursd’hommes,c’est-à-dire,ici,lestentationsduDèmon.

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Commentdeshommesblâmèrentunhommequituasamèreparcequ’illasoupçonnaitd’adultère

ncertainhommetuasamèredecolère,avecdescoupsdepoignardetaussidescoupsdepoing.Quelqu’unluidit:«Acausedetanaturemauvaise,tun’aspasgardéà

l’espritcequiestdûàlamaternité.«Eh,dis-moi,pourquoias-tutuétamère?Qu’a-t-ellefait?Jeteprie,

dis-le-moi,ôvilindividu!»780 Ildit:«Elleacommisunactequiestundéshonneurpourelle;jel’ai

tuée,parcequecetteterrelacache(danslatombe).»L’autredit :«Ôhonorémessire, tuecelui (quiétait sonpartenaire).»

«Alors,répondit-il,jedevraistuerunhommechaquejour.«Je l’ai tuée,celam’apréservédeverser lesangd’unemultitude : il

vautmieuxluicouperlagorgequecellesdetantdegens.»Cettemèreàlamauvaisenature,dontlaperversitésetrouvepartout,est

votreâmecharnelle.Allons,tue-la,caràcausedecettevilecréature,tut’attaquesàchaque

instantàl’unequiestvénérable.Acaused’elle,cemondesibeautedéplaît;pourl’amourd’elle,tues

enguerreavecDieuetleshommes.Situastuél’âmecharnelle,tun’asplusbesoindet’excuser:nuldans

lemondenedemeuretonennemi.Siquelqu’unsoulevaitunedifficultéausujetdemesparolesencequi

concernelesprophètesetlessaints,Et disait : « Les prophètes n’avaient-ils pas tué leur âme charnelle ?

Pourquoidoncavaient-ilsdesennemisetdesenvieux?»Prête l’oreille, ô chercheur de la vérité, et écoute la réponse à cette

difficultéprovenantdudoute.Ces incroyants étaient en réalité des ennemis d’eux-mêmes : c’est à

eux-mêmesqu’ilsportaientdescoups.Un ennemi est celui qui attente à la vie d’autrui : celui qui détruit sa

proprevien’estpasunennemipourlesautres.La petite chauve-souris n’est pas l’ennemie du soleil : elle est un

ennemipourelle-mêmeàcausedesacécité.L’éclatdusoleil la tue :comment lesoleilenéprouverait-il jamaisdu

Page 437: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

désagrément?790 Unennemiestceluidontprovientletourment,quiempêchelerubisde

recevoirlesrayonsdusoleil.Tous les infidèles s’empêchent eux-mêmes de recevoir les rayons du

joyaudesprophètes.Commentdes incroyantspourraient-ilsvoiler lesyeuxdeceluiquiest

sanségal?Lesgensontseulementaveugléetdéforméleurproprevision.Ilssontcommel’esclaveindienquienveutàsonmaîtreetsetuepour

lecontrarier:Iltombelatêtelapremièredutoitdelamaison,(espérant)avoircausé

dutortàsonmaître.Silemaladedevientl’ennemidumédecin,ouquel’enfanttémoignede

l’hostilitéenverslemaître,En vérité, ils agissent comme des brigands contre eux-mêmes : eux-

mêmeségarentleurpropreespritetraison.800 Siunfoulonestoffenséparlesoleil,siunpoissonestoffenséparl’eau,

Considèreunebonnefoisquicelablesse,etdequil’étoileestéclipsée,decefait,àlafin.SiDieut’acrééavecdevilainstraits,prendsgardeànepasdeveniràla

foislaiddevisageetdemauvaiscaractère;Etsiteschaussuressontdéchirées,nevapassurunsolpierreux;etsi

tues(torturé)pardeuxpointesacérées,n’enajoutepasdeuxautres.Tu es envieux, disant : « Je suis inférieur à Untel ; il accroît mon

infériorité(parsasupériorité)aupointdevuedelachance.»Mais,enréalité,l’envieestunautredéfautetunefaute;bienplus,elle

estpirequetouteslesinfériorités.Ce Démon (Satan), à cause de sa honte et de son humiliation d’être

inférieur(àAdam),sejetadanscentdamnations.Acausede l’envie, il souhaitaitêtreausommet.Ausommet !Non, il

voulaitverserlesang.AbûDjahl fut déshonoré parMohammad, et à cause de l’envie il se

hissaitausommet.SonnométaitAbu’l-HakametildevintAbûDjahl*;oh,mainthomme

digneestdevenuindigneàcausedel’envie.810 Danscemondedequêteetderecherche,jen’aivuaucunmériteplus

grandqu’unebonnedisposition.Dieuafaitdesprophètesunintermédiaire(entreLuietSescréatures),

afinquelessentimentsd’enviesoientmanifestésparundébordement(dejalousie).

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Étantdonnéquepersonnen’esthumiliéparuneinfériorité(parrapportàDieu),personnenefutjamaisenvieuxdeDieu;Maisceluiqu’iljugeaitsemblableàlui-même—illuitémoigneraitde

l’enviepourcetteraison.AprésentquelagrandeurduProphèteestétablie,personnenel’envie,

étantdonnéqu’ilestaccepté(partouslesfidèles).C’est pourquoi à chaque époque un saint apparaît qui agit comme un

vicaire;lesgenssontàl’épreuvejusqu’àlaRésurrection.Quiconqueaunebonnenatureestsauvé;quiconquealecœurpleinde

faiblessesestbrisé.Cesaintdoncestl’imâmvivantquiapparaît,qu’ilsoitundescendantde

‘Omaroude‘Alî.IlestleGuidé(Mahdî)etleGuide(Hâdî),ôchercheurdelaVoie;ilest

àlafoiscachéetassisauprèsdetoi.Il estcomme laLumièreduProphète,et laRaisonuniverselleest son

Gabriel ; le saintmoindreque lui reçoit son illuminationde lui, commeunelampe.

820 Celuiquiestendessousdecette«lampe»estcommelanichedelalampe21:laLumièreadifférentsdegrés.Car la Lumière de Dieu a sept cents voiles : considère les voiles de

Lumièrecommeautantdedegrés.Derrièrechacundecesvoilessetrouveunecertainecatégoriedesaints;

lesvoiless’élèvent,rangéeaprèsrangée,jusqu’àl’imâm.Ceux qui se trouvent au plus bas rang, à cause de leur faiblesse, ne

peuventsupporterdevoirlalumièrequiestenfaced’eux;Et ce rang plus élevé, en raison de la faiblesse de sa vue, ne peut

supporterlalumièreplusforte.La lumière qui est la vie du rang le plus élevé est pénible et

insupportablepourceluiquiademauvaisyeux.Cependant, graduellement, sa vue devient plus forte, et quand il est

passéau-delàdesseptcentsvoiles,ildevientl’Océan.Le feu qui convient au fer ou à l’or, comment serait-il bon pour les

coingsetlespommes?Lapommeetlecoingn’ontquepeudecrudité;àladifférencedufer,

ilsnécessitentunfeudoux;Mais ces flammes sont trop faibles pour le fer qui peut aisément

absorberl’éclatdudragonenflammé.830 Quelestcefer?Ledervichemortifié;souslemarteauetlefeu,ilest

rougeetheureux.

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Il est le chambellan du feu, en contact direct avec lui ; il pénètredirectementdanslecœurdufeu.Sans quelque écran, l’eau et les enfants de l’eau n’obtiennent pas la

cuissonnilarelationaveclefeu.L’intermédiaireestunemarmiteouunepoêle—commelepiedporte

unsoulierpourmarcher,Ou commeun espace intermédiaire, afin que l’air deviennebrûlant et

apportelefeuàl’eau.Lederviche, donc, est celui qui n’apasd’intermédiaire : les flammes

sontenrelationavecsonêtre.C’estpourquoiilestlecœurdumonde,parcequeaumoyendececœur,

lecorpsremplitsafonctionpropre.Silecœurestabsent,commentlecorpspeut-ilcauseretparler?Sile

cœurnecherchepas,commentlecorpspeut-ilêtreenquêteetchercher?C’estpourquoilelieudelamanifestationdesrayons(divins)estcefer;

c’estpourquoilelieudemanifestationdeDieuestlecœur,nonlecorps.Les cœurs individuels sont comme le corps par rapport au cœur de

l’hommeparfaitquiestsasourceoriginelle.840 Cesujetnécessitebeaucoupd’éclaircissementsetd’exposition,maisje

crainsquelapenséeduvulgairenetrébuche,Etquemabontésoittransforméepareuxenméchanceté;mêmeceque

j’aiditnevenaitquedel’absencedesoi.Lesouliertorduvautmieuxpourlepiedtordu;lepouvoirdumendiant

s’arrêteàlaporte.

*EnnemideMohammaddontlenomsignifie«Pèredujugesage»,surnommèensuite«Pèredel’ignorance».

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Commentleroimitàl’épreuvelesdeuxesclavesqu’ilvenaitd’acheter

nroiachetabonmarchédeuxesclaves,etparlaavecl’und’eux.Il s’aperçut qu’il était d’esprit vif et répondait doucement. Que

provient-ildeslèvresdouces?L’eaudouce.L’hommeestcachéderrièresalangue;cettelangueestlerideaudevant

laportedesonâme.Quandunsouffledeventrelèvelerideau,lesecretdel’intérieurdela

maisonnousestdévoilé,Etnousvoyonssidanscettemaisonilyadesperlesoudublé,untrésor

d’or,ousitoutn’estqueserpentsetscorpions;Oubien si un trésor se trouve là, avecun serpent à côté, étant donné

qu’untrésord’orn’estpassansquelqu’unquiveille.Sans préparation, cet esclave parlait de la façon dont d’autres parlent

aprèscinqcentspréparations.850 Onauraitditqu’àl’intérieurdelui-mêmesetrouvaitunemer,etque

cettemertoutentièreétaitdesperlesd’éloquence,Etque la lumièrequibrillait dechaqueperledevenaituncritèrepour

distinguerentrelavéritéetl’erreur.Ainsi la lumière du critère (de laRaison universelle) distingueraitelle

pournouslavéritéetl’erreur,etlesséparerait,atomeparatome;La lumièrede laPerle (divine)deviendrait la lumièredenosyeux, la

questionetlaréponseviendraienttoutesdeuxdenous.Mais tu as rendu tes yeux louches et vu le disque de la lune comme

double:cettevisionfautiveestcommelaquestion.Regarde le clair de lune avec des yeux normaux, afin de pouvoir

apercevoirlalunecommeunique.Envérité,c’estlaréponse.Disàtapenséedenepasregarderdetraversetderegarderbien:cette

penséeestl’éclatdecettePerle.Chaque fois qu’une réponse parvient au cœur à travers l’oreille, l’œil

dit:«Entendscetteréponsedemoi;nefaispasattentionàcelle-là(quiprovientdel’oreille).»L’oreilleestuneentremetteuse, tandisque l’œilconnaît l’union ; l’œil

possèdeuneexpériencedirecte(delaréalité),tandisquel’oreillen’aquedesmots.Lorsquel’oreilleentend,ilendécouleunetransformationdesqualités;

Page 441: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

danslavisiondel’œil,ilyaunetransformationdel’essence.860 Sitaconnaissancedufeun’aététransforméeencertitudequepardes

mots,chercheàêtrecuit(parlefeumême)etnedemeurepasdanslacertituded’uneconnaissancevenantd’autrui.Iln’existepointdecertitudeintuitiveavantdebrûler;situdésirescette

certitude,mets-toidanslefeu.Quandl’oreilleestpénétrante,elledevientœil;sinon,laparoledeDieu

resteemmêléedansl’oreillesansatteindrelecœur.Ce discours n’a pas de fin. Retournons voir ce que le roi fit à ses

esclaves.

Page 442: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentleroirenvoyal’undesdeuxesclavesetinterrogeal’autre

uandilvitquecepetitesclaveétaitdouéd’uneviveintelligence,ilfitsigneàl’autredevenirverslui.Si je l’ai appelé par un diminutif affectueux, ce n’est pas pour le

diminuer;siungrand-pèredit«monpetit-fils»,cen’estpasparmépris.Quand le second esclave vint devant le roi, il avait une mauvaise

haleineetdesdentsnoires.Bien que le roi fûtmécontent de sa parole, cependant il se renseigna

quantàsespenséessecrètes.Il dit : « Avec cet aspect et cette bouche malodorante, assieds-toi à

quelquedistance,maispastroploin«—Car, jusqu’àprésent, tuasétépourmoi le scribede lettresetde

notes;tun’aspasétéuncompagnon,unamietuncamarade—,870 «Afinquenouspuissionssoignertabouche:tuesmaintenantle

(patient)bien-aimé,etnoussommeslemédecinhabile.«Ilneconvientpasdebrûlerunecouvertureneuveàcaused’uneseule

puce,niàmoidemedétournerdetoi(àcaused’imperfections).«Endépit de tout ceci, assieds-toi et parlons de quelques sujets, afin

quejepuissebienvoirquelleesttatournured’esprit.»Puis il envoya celui qui avait l’esprit vif au hammam, en lui disant :

«Vatenettoyer.»Etàl’autreildit:«Bon!Tuesungarçonintelligent:envérité,tues

centesclaves,nonunseul.«Tun’es pas tel que ton camarade l’a déclaré : cet envieuxm’aurait

rendudégoûtédetoi,« Car il a dit que tu étais voleur et déshonnête, mal élevé, immoral,

infâmeetainsidesuite.»L’esclave dit : «Mon camarade a toujours été véridique ; je n’ai vu

personneaussisincèrequelui.«Lavéracitéest innéeen lui ;quoiqu’ildise, jenedispasquec’est

dénuédevérité.«Jeneconsidèrepascetexcellenthommecommedouédemalice:je

soupçonneraisplutôtmaproprepersonne.880 «Peut-êtrequ’ilvoitenmoidesfautesquejenevoispasenmoi-

même,ôroi.»

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Celui qui voit ses propres fautes avant de voir celles des autres,commentn’aurait-ilpaslesoucidesecorrigerlui-même?Ces gens, ô mon père, ne font pas attention à eux-mêmes, c’est

pourquoiilsseblâmentlesunslesautres.Ô idolâtre, je ne vois pasmon propre visage, je vois ton visage et tu

voislemien.Celui qui voit son propre visage, sa lumière est plus grande que la

lumièredescréatures.Mêmes’ilmeurt,savueestimpérissable,parcequesavueestlavuedu

Créateur.Cette lumière par laquelle il perçoit de façon sensible sa propre face

devantluin’estpaslalumièredessens.Leroidit:«Aprésent,dis-moiquelssontlesdéfautsdetoncamarade,

demêmequ’ilaparlédestiens,«Afinquejesachesitum’esdévouéetquetuesunbonintendantde

mesbiensetdemesaffaires.»Ilrépondit:«Ôroi,jevaistediresesdéfauts,bienqu’ilsoitpourmoi

unagréablecompagnon.890 «Sesdéfautssontl’affection,laloyauté,l’humanité;sesdéfautssontla

sincérité,l’intelligenceetlacamaraderie.«Sonmoindredéfautestlagénérositéetlalibéralité,lagénérositéqui

vajusqu’àdonnersavie.»Dieu amanifesté des centaines demilliers de vies : quelle générosité

aurait-il,celuiquinelesvoitpas?Et s’il les voit, comment refuserait-il de donner sa vie ? Comment

serait-ilsiaffligéàcaused’uneseulevie?Auborddelarivière,n’estavared’eauqueceluiquinevoitpasl’eau.LeProphèteadit:«Celuiquiconnaîtdefaçoncertainesarécompense

aujourdelaRésurrection«—Que sa rétribution sera décuplée— à chaque instant, un nouvel

actedegénérositéseraaccompliparlui.»Toutemunificenceprovientdelavisiondescompensations;aussi,voir

lacompensations’opposeàlacrainte.L’avariceconsisteànepasvoirlescompensations:l’espoirdetrouver

desperlesréjouitleplongeur.C’estpourquoinulencemonden’estavare,étantdonnéquepersonne

nerisqueriensansvoircequ’ilrecevraenéchange.900 C’estdoncdel’œil,nondelamain,queprovientlagénérosité;c’estla

visionquicompte;seullevoyantestsauvé.

Page 444: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

«Unautredesesdéfautsestqu’ilestdépourvudevanité ; ilaspireàtrouverunefautedanssapropreexistence.« Il a toujours été quelqu’un qui parle pour se blâmer lui-même et

cherche à se critiquer ; il a toujours été bon pour tous et dur pour lui-même.»Leroidit :«Nemontrepas tantd’ardeurà louer tonami,n’introduis

paslalouangedetoi-mêmesousledéguisementdelalouangequetufaisdelui;«Carjevaislemettreàl’épreuve,etlaconfusiont’adviendraalors.»

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Commentl’esclave,àcausedelapuretédesespensées,affirmaparsermentlavéracitéetlaloyautéde

sonami

I did : « Non, par Allah, par le grand Dieu, Possesseur duRoyaume,parleMiséricordieuxetleCompatissant,«ParleDieuquiaenvoyélesprophètes,nonparbesoin,maispargrâce

etmajesté;« Par le Seigneur qui, à partir de la terre vile, créa ces glorieux

cavaliers,« Et les purifia des caractéristiques des êtres terrestres et leur fit

surpasserlesêtrescélestes;«ParCeluiquitiraduFeuetfaçonnaenpureLumière—etensuiteelle

l’emportasurtouteslesautreslumières—910 «Cettesplendeurdel’éclairquiabrillésurlesesprits,desorte

qu’AdamacquitdecetteLumièresaconnaissance.«LamaindeSethcueillitcequipoussad’Adam;c’estpourquoiAdam,

quandilvitcette(Lumièreenlui),fitdeluisonvicaire.«CommeNoéeutlajouissancedeceJoyau,ilrépanditdesperles(de

sagessedivine)danslaMerdel’Ame.«C’est la possession de ce puissant rayonnement qui fit aller l’esprit

d’Abraham,sanscrainte,danslesflammesdufeu.« Lorsque Ismaël tomba dans son fleuve, il posa la tête devant le

couteauétincelantd’Abraham*.«L’âmedeDavid fut frappéepar ses rayons : le ferdevintmoudans

sonmétier**.« Quand Salomon fut nourri du lait de l’union avec elle, le démon

devintesclavedesesordresetluiobéit.«Quand Jacob inclina la tête en se soumettant au destin, la Lumière

illuminasesyeux,luiapportantleparfumdesonfils(perdu).«LorsqueJoseph,auvisagebeaucommelalune,contemplaceSoleil,il

devintsisagedansl’interprétationdesrêves.«Quand le bâton reçut cette influence de lamain deMoïse, il ne fit

qu’unebouchéedel’empiredePharaon.920 «QuandJésus,filsdeMarie,trouvasonéchelle,ilparvintrapidement

auplushautduquatrièmeciel.

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« Quand Mohammad obtint ce Royaume et cette Félicité, il fenditaussitôtledisquedelaluneendeuxmoitiés.«QuandAbûBakr devint un exemple éminent de la faveur divine, il

devint le compagnon d’un roi tel (queMohammad) et reçut le nom deSiddîq(levéridique).« Quand ‘Omar fut bouleversé par ce Bien-Aimé, il devint un

Fârûq(celuiquidistingue)commelecœur,entrelavéritéetl’erreur.«Quand ‘Othmandevint la fontainedecetteclarté, il futune lumière

resplendissanteetdevintDhu’l-Nûrayn(seigneurdesdeuxlumières*).« Quand à sa vue Mortazâ (‘Alî) se mit à répandre des perles

(spirituelles),ildevintleLiondeDieudanslepâturagedel’âme.«QuandDjunayd**reçutlesecoursdesonarmée,sesmaqâmât(étapes

mystiques)devinrentinnombrables.«Bâyazîd**trouvalavoiedanscetteplénitude,etreçutdeDieulenom

de“PôledesMystiques”.« Quand Karkhî devint le gardien de sa cité, il devint le vicaire de

l’AmouretfutinspiréparlesouffledeDieu.« Le fils d’Adham fit joyeusement galoper son coursier dans cette

direction,etdevintlesouverainsuprêmedelajustice.930 «EtShaqîq,entraversantcetteVoievénérable,devintunsoleilde

jugementetd’intelligence.«Descentainesdemilliersderoiscachéstiennentlatêtehauteau-delà

decemonde;«AcausedelajalousiedeDieu,leursnomssontrestéssecrets;chaque

mendiantn’apuprononcerleursnoms.«ParlavéritédecetteLumièreetparlavéritédecesêtresilluminésqui

sontcommedespoissonsdanscetteMer,« Il ne convient pas que je l’appelle laMer de l’Ame et l’Amede la

Mer;jeluichercheunnouveaunom.«Par la vérité deCela d’oùproviennent ceci et cela, et par rapport à

quoitouslesnoyauxsontcommedescoquesvides,«Jejurequelesqualitésduserviteurquiestmoncamaradeetmonami

surpassentcentfoiscequej’enpuisdécrire.«Ceque je saisdesdonsdemoncamarade, tunepourrais lecroire ;

quedois-jedire,ônobleroi?»Le roi dit : « A présent, parle-moi de toi-même ; combien de temps

parleras-tudecequiconcernecelui-cioucelui-là?«Quepossèdes-tuetqu’as-tugagné?Quellesperleses-tualléchercher

Page 447: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

danslefonddelaMer?940 «Lejourdelamort,taperceptionsensorielledisparaîtra:as-tula

lumièrespirituellequidevraitêtrelecompagnondetoncœur?«Quandlapoussièrerempliratesyeuxdanslatombe,posséderastuce

quirendlatomberesplendissante?«Al’heureoùtesmainsettespiedsserontdéchirésenmillemorceaux,

auras-tudesailesetdesplumes,afinquetonespritprennesonessor?« A l’heure où l’âme animale n’existe plus, il convient que tu la

remplacesparl’espritéternel.«LaprescriptionCeluiquiseprésenteraavecunebonneactionrecevra

ledécuple22 ne consiste pas à faire le bien ; cela consiste à apporter cebienenlaprésencedeDieu.«Tuasuneessence,humaineouanimale:commentpeux-tuapporterà

Dieucesaccidentsquiontdisparu?«Encequiconcernecesaccidentsdelaprièreetdujeûne—puisque

cequinedurepasdeuxinstantsdevientaboli—«Ilestimpossibled’emportercesaccidents(dansunautreétat);mais

ilspeuventenleverlesmaladiesdel’essence,« De sorte que l’essence soit changée au moyen de cet accident, de

mêmequelamaladieestguérieparl’abstinence.«Parl’abstinence,l’accidentdevientlasubstance;parl’abstinence,la

boucheamèredevientdoucecommelemiel.950 «Laterre,grâceauxsemailles,setransformeenépisdeblé;les

onguentspourlescheveuxlesrendentbouclés.« Les relations conjugales étaient l’accident : cela a passé, et la

substance,quiestl’enfant,aétéproduiteparnous.«L’accouplementduchevalouduchameauestl’accident;lebutestla

naissancedupoulain,quiestlasubstance.«Demême,laplantationdujardinestl’accident,lesproduitsdujardin

sontdevenuslasubstance—contemplelebut!«Considère,aussi,lapratiquedel’alchimiecommel’accident;siune

substanceestproduiteparcettealchimie,montre-la.« Le polissage est l’accident, ô prince ; de cet accident est née la

substance,lapureté.«Nedisdoncpas:“J’aiaccomplidesactions.”Montrelefruitdeces

accidents,netedérobepas.«Cetteattributiondequalitésn’estqu’unaccident.Soissilencieux;ne

tuepasensacrificel’ombredelachèvre!»L’esclavedit:«Ôroi,l’espritnepeutquedésespérersitudisqueles

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accidentsnesontpasemportés.«Ôroi,iln’yaquedésespoirpourleserviteurdeDieusil’accidentqui

estpassénerevientpas.960 «S’iln’yavaitpasdetransportetderésurrectiondesaccidents,les

actionsseraientvainesetlesparolesoiseuses.«Cesaccidentssont transportéssousuneautre forme : la résurrection

detoutcequiestmortelestuneautreformed’existence.« Le transport de chaque chose est juste ce qui lui convient : ce qui

convientautroupeauestsonconducteur.«LorsdelaRésurrection,chaqueaccidentauneformeparticulière,et

laformedechaqueaccidentapparaîtàsontour.«Regarde-toitoi-même.N’étais-tupasunaccident—lemouvementde

l’accouplementetl’accouplementavecunbut?«Vois lesmaisons et les édifices : ils étaient comme des récits dans

l’espritdel’architecte.«Telleoutellemaison,quinousaparumagnifique,dontlevestibule,le

toitoulaporteétaientbienproportionnés,« Ce furent le projet et les idées de l’architecte qui ont amené à

l’existencelesoutilsetlespiliersàpartirdesmétiers.«N’est-cepasuneimagination,unaccident,uneidée,quisontl’origine

etlasourcedechaqueart?«Considère objectivement les différentes parties dumonde ; elles ne

sontlerésultatderiend’autrequel’accident.970 «Lecommencement,quiestunepensée,s’achèveenaction;sacheque

telleaétédetouteéternitélaconstructiondumonde.«Lesfruitssontd’aborddanslapenséedel’esprit,cen’estqu’àlafin

qu’ilssemanifestentconcrètement.« Quand tu as travaillé et planté un arbre— à la fin (quand le fruit

apparaît)tulislespremiersmots(cequetuavaisdansl’espritaudébut).«Bienquesesrameaux,sesfeuillesetsesfruitsaientparud’abord,tous

sontcependantcréésenvuedufruit.«C’estpourquoicettePenséecachéequiétaitlecœurdecescieuxfutà

lafinleseigneurdelawlâk*.« Cette discussion et cette conversation impliquent le transport des

accidents ; ce lion et ce chacal sont (des exemples) de ce transport desaccidents.«Envérité, tous lesêtrescréésétaientd’aborddesaccidents,desorte

quec’estencesensquefutrévéléNes’est-ilpasécoulé23?

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«D’oùproviennentcesaccidents?Desidées.Etd’oùproviennentcesidées?Despensées.« Ce monde est une pensée émanant de l’intelligence universelle :

l’Intelligenceestcommeunroi,etlesidéessontsesmessagers.« Le premiermonde est lemonde de l’épreuve, le secondmonde est

celuidelarécompense.980 «Tonserviteur,ôroi,commetunpéché:cetaccidentdevientdes

chaînesetuneprison.«Quandtonesclaveaeffectuéunbonservice,cetaccidentn’est-ilpas

devenuunerobed’honneurdanslecombat?«Cetaccident,par rapportà l’essence,est1’oiseauet l’œuf :ceciest

produitparcela,etcelaparceci,successivement.»Le roi dit : « Admettons qu’il en soit ainsi : pourquoi tes accidents

n’ont-ilsproduitaucuneessence?»« La sagesse (divine), répondit l’esclave, l’a gardé caché, afin que le

mondedubienetdumalpuisseêtreunmystère.«Carsilesformesdelapenséedevenaientmanifestes,l’incroyantetle

croyanttousdeuxnediraientriend’autrequeleslouangesdeDieu.«Donc,sicelaétaitvuclairement,ôroi,etnoncaché,etsilesmarques

delareligionoudel’impiétésevoyaientsurlesfronts,«Commentyaurait-iluneidoleouunidolâtreencemonde?Comment

quelqu’unaurait-ill’audacedesemoquer(deschosessaintes)?«Alors, notremonde serait comme laRésurrection : qui commet des

péchésoudesméfaitslorsdelaRésurrection?»Le roi dit : « Dieu a voilé le châtiment du mal, mais seulement au

vulgaire,nonàSespropresélus.990 «Sijejetteunémirdansunpiège,jelegardecachédesautresémirs,

maisnonduvizir.« Dieu, donc, m’a montré quelle était la rétribution des œuvres et

d’innombrablesformesdesactions.«Donne-moiunsigne,car jesais tout : lenuagenemedérobepas la

lune.»L’esclave dit : «Alors, pourquoi parlerais-je, puisque tu sais ce qui a

été?»Leroidit:«LaraisonpourlaquelleDieuarendulemondemanifeste

étaitquecequiétaitconnusoitvuclairement.« Avant de rendre visible ce qu’Il connaissait, Il n’a pas imposé au

mondelesdouleursetlestourmentsdel’enfantement.« Vous ne pouvez rester inactifs un seul instant, jusqu’à ce qu’un

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bienfaitouméfaitémanedevous.« Ce besoin d’action a été créé afin que votre conscience intérieure

apparaisseclairementàl’extérieur.«Commentlabobineducorpsdeviendrait-elleimmobilequandlebout

dufil,c’est-à-direl’esprit,latire?« Le signe qu’il la tire est cette angoisse ; être inactif est pour vous

pareilàuneagoniemortelle.1000 «Cemonde-cietl’autremondesontconstammententraind’enfanter.

Chaquecauseestunemère,l’effetnaîtd’elle,commeunenfant.« Quand l’effet est né, lui aussi devient une cause, afin de pouvoir

donnernaissanceàdemerveilleuxeffets.« Ces causes sont génération après génération, mais il faut un œil

illuminé(pourlesdéceler).»Leroi,enparlantaveclui,arrivaàcepointqu’ilaperçutenluiunsigne

quin’étaitpasapparent.Si ce roi sagace le vit, ce n’est pas étrange ;mais il ne nous est pas

permisdelementionner.Quand l’autre esclave revint du bain chaud, le roi, ce personnage

sublime,l’appelaensaprésence,Et dit : «Bonne santé ! Puisses-tu être toujours heureux ! Tu es très

beau,élégant,agréableàvoir.«Oh!Hélas!S’ilnesetrouvaitpasentoicequecetUntelraconteà

tonsujet,« Quiconque contemple ton visage serait heureux ; te voir vaudrait

l’empiredumonde.»Ildit:«Ôroi,donne-moiuneindicationdecequecemécréantaditde

moi.»1010 Leroirépondit:«Toutd’abord,ilt’adépeintcommeétantfourbe,

disantquetuétaisenapparenceunremèdemaisensecretunemaladie.»Quandilentenditduroilaméchancetédesoncompagnon,lamerdesa

colèreaussitôts’enfla.L’esclaveécumaet rougit,de telle sorteque les flotsde soncourroux

excédèrenttouteslimites.Ildit:«Dèsl’instantoùilsetrouvaavecmoi,c’étaitungrandmangeur

d’excréments,commeunchienautempsdelafamine.»Tandisqu’illecritiquaitcontinuellement,commeunecloche,leroiposa

samainsurleslèvresdel’esclave,disant:«Assez!»« Je te distingue de lui, dit-il, par ceci : en toi, c’est l’esprit qui est

corrompu,entoncompagnon,cen’estquelabouche.

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«Assieds-toidoncauloin,ôtoiàl’espritcorrompu,afinqu’ilsoitceluiquicommandeetquetusois,toi,àsesordres.»IlestditdanslesTraditionsduProphète:«Sachequelaglorification

deDieuvenantdel’hypocrisieestcomparableàlaverdurepoussantsuruntasdefumier.»Sache donc qu’une apparence belle et séduisante avec de mauvaises

qualitésnevautpasunliard;Etmêmesil’apparenceestméprisableetdéplaisante,quandlecaractère

decettepersonneestbon,meursàsespieds!1020 Sachequelaformeextérieuredisparaît,maisquelemondedelaréalité

dureàjamais.Combiendetempst’amuseras-tuàaimerlaformedel’aiguière?Laisse

làsaforme;vachercherl’eau.Tuasvulaformeextérieure,tuignoreslaréalité;trouveuneperledans

lacoquille,situessage.Cescoquillesdescorpssontdanslemonde,bienqu’ellesviventgrâceà

laMerdel’Ame,Cependant,ilnesetrouvepasuneperledanschaquecoquille:ouvreles

yeux,etregardedanslecœurdechacun,Etsaisiscequ’acelui-cietcequ’acetautre,carcetteperleprécieusese

trouverarement.Si tu ne prends garde qu’à l’apparence, extérieurement unemontagne

estcentfoisplusgrandequ’unrubis;De même, en ce qui concerne la forme, tes mains, tes pieds et tes

cheveuxsontcentfoisplusquelecontourdel’œil;Mais ilne t’estpascachéque lesdeuxyeuxsont lesplusprécieuxde

touslesmembres.Paruneseulepenséequivientàl’esprit,centmondessontrenversésen

unseulinstant.1030 Silecorpsdusultanestenapparenceseulementun,cependantdes

centainesdemilliersdesoldatscourentderrièrelui.Demême,laformeetl’apparencedecetexcellentroisontgouvernées

paruneseulepenséeinvisible.Contemple ces populations sans fin qui,muespar unepenséeunique,

ontrecouvertlaterrecommeunflot;Petiteestcettepenséeauxyeuxdesgens,mais,commeunflot,ellea

avaléetemportélaterre.Donc,puisquetuvoisquec’estàpartird’unepenséequechaquemétier

danscemondesubsiste,

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Que les maisons, les palais, les cités, les montagnes, les plaines, lesfleuves,La terre et l’océan ainsi que le soleil et le ciel, tous en tirent la vie

commelespoissonslatirentdelamer,Alors pourquoi dans ta folie, ô aveugle, le corps t’apparaît-il comme

Salomonetlapenséecommeunefourmi?Atesyeux,lamontagnesemblegrande;pourtoi,lapenséeestpareille

àunesouris,etlamontagneàunloup.Lemondematérielestàtesyeuxterrifiantetsublime;tutremblesettu

eseffrayédevantlesnuages,letonnerre,etlefirmament,1040 Tandisqu’enprésencedumondedelapensée,ôtoiinférieuràl’âne!tu

tesensaussitranquilleetindifférentqu’unepierre,Parcequetun’esqu’uneformeetn’aspointd’intelligence;tun’espas

denaturehumaine,tuesunânon.Parignorance,tuconsidèresl’ombrecommeétantlapersonne,aussila

personneest-elledevenuepourtoiunjouetetdepeud’importance.Attends le jour où cette pensée et cette imagination déploieront leurs

ailesetleursplumessansaucunvoile.Tuverrasquelesmontagnessontdevenuescommedelalainecardée24,

quecetteTerredelachaleuretdufroidestdevenuenéant;Tuneverrasnilecielnilesétoiles,nid’autreexistencequeDieu,l’Un,

leVivant,l’Aimant.Voiciunehistoire—vraieoufausse—pourillustrercesvérités.

* Le fils qu’Abraham reçut l’ordre divin de sacrifier, bien que n’étant pasnommé dans le Qor’ân (XXXVII, 100 et sqq.), est généralement considérécommeétantIsmaël.**DieuappritàDavidlafabricationdescottesdemailles(Qor’ân,XXI,80).*Parcequ’ilavaitépousésuccessivementdeuxfillesduProphète.**Célèbressoufis.* Allusion à la Parole de Dieu concernant le ProphèteMohammad : « Si cen’avaitétépourtoi(lawlâk),Jen’auraispascréélescieux.»

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Commentlessuivantsduroienviaientl’esclavefavori

nroiavait,pargrâce,préféréuncertainesclaveàtoutesasuite.Son allocation était le salaire de quarante émirs ; cent vizirs ne

recevraientpasundixièmedecemontant.En raisonde laperfectionde sonétoilenatale,de saprospérité,de sa

fortune,ilétaitunAyâz,tandisqueleroiétaitleMahmûddecetemps*.1050 Sonesprit,àl’origine,avantlacréationdesoncorps,avaitétéprocheet

apparentéàl’espritduroi.Seul ce qui compte est ce qui a existé avant le corps ; laisse là ces

chosesquiontnouvellementsurgiàl’existence.Ce qui est important appartient au connaisseur (de Dieu), car il ne

louchepas:sonœilestfixésurleschosesquiontétéd’abordsemées.Cequiaétésemécommefromentouorge—jouretnuitsonregardest

fixésurl’endroit(oùcefutsemé).La nuit n’a donné naissance à rien dont elle ne fût porteuse ; les

desseinsetlescomplotssontduvent,duvent.Commentsatisferait-ilsoncœuravecdebeauxdesseins,celuiquivoit

ledesseindeDieuquil’emportesureux?Celui (qui se fie à ses propres efforts) place un piège à l’intérieur du

piègedeDieu;partavie,nicepiègen’échapperaàladestruction,nicethommenel’évitera.Bienquecentherbespoussentetsefanent,necroîtraàlafinqueceque

Dieuasemé.L’homme(rusé)aseméunenouvellegrainesurlapremièresemence;

cetteseconde(semence)disparaîtetseulelapremièreestrobuste.La première semence est parfaite et choisie ; la seconde semence est

abîméeetpourrie.1060 JettetonprojetdevantleBien-Aimé—bienqu’envéritétonprojetsoit

Sonprojet.Seul,cequeDieuafaitcroîtreestutile;cequ’ilaseméd’abordgrandit

àlafin.Quoi que tu sèmes, sème par amour pour Lui, étant donné que tu es

captifduBien-Aimé,ôamoureux.Net’entienspasàcetteâmecharnellevoleuseetàsonœuvre:cequi

n’estpasl’œuvredeDieun’estrien,rien.

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Sème(labonnegraine)avantquevienne leJourde laRésurrectionetque le voleur de nuit soit déshonoré devant Celui à qui appartient leRoyaume,Aveclesbiensvolésparsonadresseetsonhabiletérestantsursoncou

auJourduJugement.Descentainesdemilliersd’intelligencespeuvents’entendrepourposer

unpiègeautrequeSonpiège,Mais ils s’aperçoivent seulement que leur piège est plus néfaste pour

eux;carcommentlespaillespeuvent-ellesrésisterauvent?Situdis:«Dequelprofitest-ild’êtrecréé?»Jerépondrai:«Ilyaun

profitdanstaquestion,ôhommeobstiné.« Si ta question est sans profit, pourquoi l’écouterais-je en vain et

inutilement?1070 «Ets’ilyadenombreuxprofitsdanstaquestion,alors,pourquoile

mondeest-ilsansprofit,jeteprie?«Etsid’unpointdevuecemondeestsansprofit,selond’autrespoints

devue,ilestbénéfique.«Sitonprofitn’estpasunprofitpourmoi,puisquec’estunprofitpour

toi,net’enécartepas.»LabeautédeJosephprofitaàunefouledegens,bienquepoursesfrères

cefûtunvainsuperflu.Les mélodies de David étaient si chères pour le croyant, mais pour

l’incroyantcen’étaitquelebruitdubois.L’eau duNil était supérieure à l’Eau de la Vie, mais pour l’impie et

l’incroyant,c’étaitdusang.Pour le vrai croyant, lemartyre est la vie ; pour l’hypocrite, c’est la

mortetlapourriture.Dis-moi, quelle seule bénédiction se trouve dans le monde dont une

catégoriedegensnesoitpasexclue?Quelprofit lebœufet l’ânetrouvent-ilsdanslesucre?Chaqueâmea

unenourrituredifférente;Mais si cette nourriture n’est pas celle qui lui convient, alors

l’admonitionestlacorrectionqu’illuifaut.1080 Commepourceluiqui,parmaladie,aimeàmangerdel’argile—même

s’ilpeutsupposerquecetteargileestenvéritésanourriture,Ilaoubliésanourritureoriginelleets’estmisàprendredelanourriture

demaladie.Ayant renoncé au miel, il a mangé du poison ; il a absorbé de la

nourrituredelamaladiecommedugras.

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La nourriture originelle de l’homme est la Lumière de Dieu : lanourrituredel’animalneluiconvientpas;Mais, en raison de la maladie, il est tombé dans l’illusion qu’il doit

mangerjouretnuitdecetteeauetargile.Il a un visage pâle, des jambes faibles, un cœur fragile. Où est la

nourrituredeparleCieltraverséderaies25?C’est là la nourriture des élus de la souveraineté divine, on l’absorbe

sansgosierniinstrument.L’aliment de ce soleil (spirituel) provient de la lumière du Trône

céleste ; celle desgens envieux et sataniquesvient de la fuméedu tapis(terrestre).Dieu a dit, concernant les martyrs : « Ils sont vivants ! Ils seront

pourvusdebiensauprèsdeleurSeigneur26.»Pourcettenourriture,iln’yavaitniboucheniplat.Le cœur mange une nourriture particulière venant de chaque

compagnon;lecœurobtientuneexcellenceparticulièreàpartirdechaqueélémentdeconnaissance.

1090 Laformeextérieuredechaqueêtrehumainestpareilleàunecoupe;seull’œil(spirituel)perçoitsaréalité.Onreçoitquelquechosedelarencontreavecquiconque,etl’onemporte

quelquechosedelaréunionavecn’importequelassocié.Quand une planète vient en conjonction avec une planète, l’effet qui

leurestappropriéàtoutesdeuxestsûrementproduit;Ainsil’uniondel’hommeetdelafemmefait-ellenaîtrel’êtrehumain,

et les étincelles sont-ellesproduitespar la conjonctionde lapierre etdufer;Etdelaconjonctiondelaterreaveclespluiessontproduitslesfruits,la

verdureetlesherbesdouces;Etdelaconjonctiondelaverdureavecl’hommeproviennentlajoiedu

cœur,l’insoucianceetlebonheur;Etdelaconjonctiondubonheuravecnosâmesnaissentnotrebontéet

notrebienveillance.Noscorpsdeviennentcapablesdemangeretdeboirequandnotredésir

derécréationestsatisfait.Larougeurduteintprovientdelaconjonctiondusangetduvisage;le

sangprovientdusplendidesoleilcouleurderose.Larougeurestlameilleuredescouleurs;elleprovientdusoleiletnous

arriveàpartirdelui.

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1100 ChaqueterrequiaétéconjointeàSaturneestdevenuenitrifiéeetn’estpaspropiceauxsemailles.Parlaconcurrence,lepouvoirdevientaction,commedanslecasdela

conjonctionduDiableavecleshypocrites.Ces vérités spirituelles dépourvues de faste et de grandeur (terrestres)

ontunfasteetunegrandeurquiviennentduNeuvièmeCiel.Le faste et la grandeur appartenant au monde créé sont une chose

empruntée;lefasteetlagrandeurappartenantaumondeduDécretdivinsontunechoseessentielle.A cause du faste et de la grandeur terrestres, les hommes supportent

rabaissement ; dans l’espoir de la gloire, ils sont heureux dans leurabaissement.Dansl’espoird’unegloireéphémèrepleined’ennuis,ilsontrenduleurs

cous,d’inquiétude,mincescommedesfuseaux.Pourquoineviennent-ilspasàcelieuoùJesuis?Cardanscettegloire,

JesuisleSoleiléclatant.Lelieuoùselèvelesoleilestlatourobscureduciel,maisMonSoleil

estau-delàdetousleslieuxoùl’onselève.Il n’y a de « lieu de son lever » que par rapport à ses atomes : Son

Essenceneselèveninesecouche.Moi,quesurpassentendignitéSesatomes,jesuisnéanmoinsdansles

deuxmondesunsoleilsansombre.1110 Etpourtant,jetourneautourduSoleil—oh,merveille!Lacauseenest

lamajestéduSoleil.LeSoleilconnaîttouteslescausessecondaires;cependant,lacordede

touteslescausessecondesestcoupéedeLui.Descentainesdemilliersdefois,ai-jerenoncéàl’espoir?Dequi?Du

Soleil?Croyez-vouscela?Necroyezpasque,pourmoi, jepuissesupporterd’êtresans leSoleil,

ouquelepoissonsoitsanseau;Etsijedésespère,mondésespoirestlamanifestationvisibledel’action

duSoleil,ômonami!Comment la manifestation objective de l’œuvre pourrait-elle être

séparée de l’être même de l’Artisan ? Comment un être (contingent)pourrait-ilêtrenourriparunautrequel’Être(absolu)?Toutes lescréaturespaissentsurcettePrairie,quecesoitBurâq*,des

chevauxarabesoumêmedesânes;Etceluiquineregardepastouslesdevenirscommeprovenantdecette

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Mer,àchaqueinstanttournesonvisageversunnouveaumihrab**.Il abude l’eau saléedecetteMerdouce,de sorteque l’eau salée l’a

renduaveugle.LaMerluidit:«Boisdemoneauaveclamaindroite,ôaveugle,afín

d’acquérirlavue.»1120 Ici,«lamaindroite»estl’opiniondroite,quisait,ausujetdubienetdu

mal,d’oùilsviennent.Ô lance, il y a unLancier, de sorte que tantôt tu deviens droit, tantôt

courbéendeux.L’amour de Shams od-Dîn (le Soleil de la religion) m’a rendu sans

pouvoir;autrement,nerendrais-jepasvoyantcetaveugle?Viens,ôLumièredelaVérité,Husâm-od-Dîn,guéris-lebienvite,pour

laconfusiondesyeuxdesenvieux;Guéris-le avec le collyre efficace de lamajesté, le remède qui détruit

l’obscuritépourlerebelle,Qui,sionl’appliqueàl’œildel’aveugle,dissiperapourluil’obscurité

decentannées.Guéris tous les aveugles, excepté l’homme envieux qui, par envie, te

récuse.Acetenvieux,quandmêmeceseraitmoi,nedonnepaslavie,afinque

jeresteàsouffrircommelui,JeveuxdireceluiquiestenvieuxduSoleiletceluiqu’irritel’existence

duSoleil.C’est la maladie incurable dont il souffre ; hélas ! il est tombé pour

toujoursaufonddel’abîme.1130 Cequ’ildésire,c’estl’extinctionduSoleildel’éternité.Dis-moi,

commentcedésirpourrait-ilseréaliser?Lefauconestceluiquirevientversleroi;celuiquiaperdusarouteest

lefauconaveugle.Il s’est égaré et est tombédansundésert ; puis, dans cedésert, il est

tombéparmileshiboux.LefauconesttoutentierlumièrevenantdelaLumièredel’approbation

divine,maisladestinéedivinel’aaveuglé.Elleajetédelapoussièredanssesyeuxetl’aemmenéloindelavoie;

ellel’alaisséparmileshibouxetlesdéserts.Finalement,leshibouxl’ontattaquéetontarrachésesravissantesailes

etplumes.Uneclameurs’estélevéeauseindeshiboux:«Ah!lefauconestvenu

s’emparerdenotredemeure.»

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Ainsileschiensdesrues,furieuxetterrifiants,sejettentsurlefrocd’unétranger.« Comment suis-je capable, dit le faucon, de m’associer avec les

hiboux?J’abandonneauxhibouxcentdésertscommecelui-ci.«Jeneveuxpasresterici.Jem’envais,jeveuxretournerauprèsduRoi

desrois.1140 «Nevoustourmentezpas,ôhiboux,carjenem’installepasici:je

rentrechezmoi.«Cetteruineestàvosyeuxunerésidenceprospère;mais,pourmoi,le

poignetduroiestlelieuoùl’onretourne.»Lehiboudit:«Cefauconseprépareàvousdélogerdevotremaisonet

devotrefoyer.« Il s’empareradenosdemeurespar la ruse, il nous arracheradenos

nidsparhypocrisie.«Cet adeptede la tromperieprétend êtreparfaitement satisfait (de ce

qu’ila);parDieu,ilestpirequetouslesgensavides.« Par gourmandise, ilmange de l’argile comme si c’était du sirop de

dattes;ômesamis,neconfiezpaslaqueuedumoutonàl’ours.« Il sevantedu roi etde lamaindu roi, afindepouvoirnouségarer,

nousquiavonsl’espritsimple.« Comment, en vérité, un misérable oiseau serait-il le congénère du

roi?Nel’écoutezpas,sivousavezunpeud’intelligence.«Est-illecongénèreduroiouduvizir?L’ailconvient-ilàdesdouceurs

faitesdenoix?«Quantàcequ’ilprétend:“Leroiavecsasuiteestàmarecherche’’,

1150 «Voilàuneidéefolleetinacceptable,voilàunevainevantardiseetunleurrepourattraperlesimbéciles!« Quiconque croit une telle chose, c’est à cause de sa stupidité :

commentunmaigrepetitoiseauserait-ilconvenablepourdesrois?« Si le plus petit hibou frappe son cerveau, où est le secours qui lui

viendraduroi?»Lefaucondit:«Siuneseuledemesplumesestbrisée,leRoidesrois

détruiratoutelademeuredeshiboux.«Qu’est-cequ’unhibou?Mêmesiunfauconaffligemoncœuretme

maltraite,Le Roi entassera, dans chaque terre basse ou haute, des centaines de

milliersdetasdetêtesdefaucons.«Sesfaveursveillentsurmoi,oùquej’aille,leroimesuit.«Monimagedemeuredanslecœurduroi,lecœurduroiseraitmalade

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sansl’imagedemoi.«QuandleRoim’ordonnedevolerdansSaVoie,jeprendsmonessor

jusqu’auzénithducœur,commeSesrayons.« Jem’envole comme une lune et un soleil, je déchire les voiles des

cieux.1160 «Lalumièredesintelligencesprovientdemapensée;lecielaétécréé

àcausedemanatureoriginelle.«Jesuisunfaucon,etpourtantlehomâ*estémerveilléparmoi:qu’est-

cequ’unhibou,qu’ilpuisseconnaîtremonsecret?«Pourl’amourdemoi,leRois’estsouvenudelaprisondecemonde,

etalibérédesmilliersdecaptifs.«Ilm’arendufamilieravecleshibouxpourunmomentet,aumoyen

demonsouffle,ilatransforméleshibouxenfaucons.«Ôheureuxlehibouquidanssonessoraeulabonnefortunedesaisir

monmystère!«Attachez-vousàmoi,afindeconnaîtrelabéatitude,etdedevenirdes

fauconsroyaux,bienquevoussoyezdeshiboux!«Celuiquiestcheràuntelroi,oùqu’ilsepose,pourquoiserait-ilun

étranger?« Celui à la souffrance duquel le roi est le remède, même s’il gémit

commeleney**,n’estpasmalheureux.«Jesuislepossesseurduroyaume,jenesuispasunparasite.Leroibat

dutambourinpourmoideloin.«Montambourinestl’appel:“Reviens!”Dieuestmontémoinendépit

del’ennemi.1170 «JenesuispasuncongénèreduRoidesrois—certes,maisjereçoisde

luisalumièredansSathéophanie.«L’homogénéiténeconcernepas la formeet l’essence : l’eaudevient

homogèneàlaterredanslaplante.« L’air devient homogène avec le feu ; le vin finalement devient

homogèneaucorps.«Étantdonnéquemanaturen’estpascelledemonroi,monegos’est

évanoui(fanâ)àcausedeSonego.«Étantdonnéquemonegoadisparu,Ilestdemeuréseul;jerouleaux

piedsdeSoncheval,commelapoussière.«L’âmeestdevenuepoussière,etlesseulssignesqu’elleportesontla

marquedeSespiedssursapoussière.«DevienspoussièreàSespiedspourl’amourdecettemarque,afinde

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devenirlacouronnesurlatêtedesnobles.«Quemaformene te leurrepoint ;partagemesfriandisesavantmon

départ.»Oh,nombreuxsontceuxquelaformeaégarés:ilsvisaientlaformeet

enréalitéonttrouvéDieu.Après tout, cette âme est conjointe au corps ;mais l’âme a-t-elle une

ressemblanceaveclecorps?1180 L’éclatdelalumièredel’œilestmélangéavecsagraisse(leblanc),la

lumièreducœurestcachéedansunegouttedesang.La joie siège dans les reins, le chagrin dans le foie, l’intelligence,

brillantecommeunechandelle,àl’intérieurducerveaudanslatête.Cesconnexionsnesontpassanscommentnipourquoi,maisencequi

concernenotreconnaissancedupourquoi,nosespritssontimpuissants.L’Ame universelle est entrée en contact avec l’âme partielle et cette

dernièreareçud’elleuneperleetl’amisedanssonsein.Grâce à cet effleurement de son sein, l’âme individuelle est devenue

enceinte,commeMarie,d’unMessieravissantlecœur.NonpasleMessiequivoyagesurlameretlaterre,maisleMessiequi

estau-delàdeslimitationsdel’espace.Aussi, quand l’âme a été fécondée par l’Ame de l’âme, par une telle

âmelemondeestfécondé.Alorslemondedonnenaissanceàunautremonde,etdévoileaupeuple

rassembléunlieuderassemblement.Mêmesijeparlaisetracontaisjusqu’àlaRésurrection,lapuissanceme

manquepourdécrirecetterésurrection.Cequejedis,c’estenréalitéun«ÔSeigneur»;lesmotssontunpiège

pourcapturerlesouffledeCeluidontleslèvressontdouces.1190 Commentdonc(celuiquicherchelaréponse)s’abstiendrait-il(de

prier)?Commentresterait-ilsilencieux,puisque«Mevoici»vientenréponse(àson«ÔSeigneur»)?C’estun«Mevoici»quetunepeuxentendre,maisquetupeuxsentir

delatêtejusqu’auxpieds.

*Ayâz,lebelesclaveturc,favoridusultanMahmûddeGhazna.* Burâq : monture du Prophète Mohammad lors de son Ascension nocturne(Mi’râdj).** Niche vide, indiquant, dans lesmosquées, la direction (qibla) de la prièrerituelle.

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*Oiseaufabuleux**Laflûtederoseau(cf.Mathnawî,I,1).

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Commentl’hommeassoifféjetaitdesbriquesdansuncoursd’eaudu

hautd’unmur

urlarived’unruisseausetrouvaitunmurélevé,etenhautdumurunhommetristeetassoiffé.Lemurl’empêchaitd’atteindrel’eau;illanguissaitaprèsl’eau,comme

unpoisson.Toutàcoup,illançaunebriquedansl’eau;lebruitdel’eauparvintà

sonoreilletellesdesparoles,Desparolesprononcéesparundélicieuxettendreami:lebruitdel’eau

l’enivracommeduvin.Parplaisird’entendrelebruitdel’eau,cethommedurementéprouvése

mitàarracheretlancerdesbriquesdecetendroit.Lebruitdel’eausemblaitdire:«Hé!Quelavantageas-tuàmejeter

unebrique?»L’homme assoiffé répondit : « Ô eau, j’y ai deux avantages ; je ne

m’abstiendrainullementdefairecela.«Lepremieravantageestque j’entends lebruitde l’eau,quipour les

hommesassoiffésestcommelechantdurebec.1200 «Cebruitestdevenupourmoicommeleson(delatrompette)d’Isrâfî*

—parlui,lavieaétérendueàceluiquiétaitmort;«Ouc’estcommelebruitdutonnerredurantlesjoursdeprintemps—

parlui,lejardinacquierttantdeparures;«Oucommelesjoursd’aumônepourunpauvrehomme,oucommela

nouvelledesalibérationpourunprisonnier.«C’estcommelesouffleduMiséricordieuxqui,sansbouche,arrivedu

YémenàMohammad;« Ou comme le parfum de Ahmad, l’Apôtre de Dieu, qui vient au

pécheurlorsdel’intercession;«Ou comme l’odeur du beau, du gracieux Joseph, frappant l’âme du

pauvreJacob.«L’autreavantageestque,avecchaquebriquearrachéeàcemur,jeme

rapprochedel’eauquicourt.«Étant donné que par la diminution des briques, le hautmur devient

plusbaschaquefoisqu’unebriqueestenlevée.« L’abaissement du mur devient un moyen de parvenir (à l’eau) ; la

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séparationd’aveclemurestleremèdeapportantl’union(avecl’eau).»L’arrachement des briques étroitement unies, c’est la prosternation ;

c’est lacausede laproximitéavecDieu,car II adit :«Prosterne-toietrapproche-toideDieu27.»

1210 Aussilongtempsquecemursedressec’estunobstacleàcequ’ilcourbelatêtedanslaprière.Ilestimpossibled’accomplirlaprosternationsurl’EaudelaVieavant

d’êtredélivrédececorpsterrestre.Plusceluiquisetrouveenhautdumurestassoiffé,plusrapidementil

arrachelesbriquesetlestouffesd’herbe.Plusquelqu’unestamoureuxdubruitdel’eau,plusgrandesserontles

mottesqu’ilarracheraàlabarrière.Lui, au bruit de l’eau, est enivré d’extase, tandis que l’étranger (à

l’amour)n’entendquelebruitdu«plouc».Oh,bienheureuxceluiquiconsidèrelesjoursdesajeunessecommeune

chanceàsaisiretquipaiesesdettesAuxjoursoùilalepouvoir,lasanté,laforceducœuretlavigueur,Etoùcettesaisondelajeunesse,commeunjardinvertetfrais,apporte

sesproduitsetsesfruitssanscompter,Alorsquelesfontainesdelaforceetdudésircoulent,parquoilesoldu

corpsestrenduverdoyant;Quand il est encore comme unemaison bien tenue, avec un toit très

élevé,lesmurssymétriques,sanssupportsnipiliers,1220 Avantquelesjoursdelavieillessen’arriventetattachentvotrecouavec

unecordedefibres28;Avant que le sol ne devienne stérile, et pauvre— jamais de bonnes

plantesn’ontpousséd’unsolstérile;Quandl’eaudelaforceetl’eaududésirsonttaries,quel’onn’apasde

profitdesoi-mêmeoudesautres,Lessourcils tombéscommeunecroupière; lesyeuxdevenushumides

ettroubles;Levisage, à causedes rides, comme ledosd’un lézard ; laparole, le

goûtetlesdentshorsd’usage;Lejourtardif,l’âneboiteux,etlaroutelongue;laboutiqueruinéeetles

affairesendésordre;Lesracinesdemauvaiseshabitudesfermementétabliesetlepouvoirde

lesarracherdiminué.

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*AngeannonçantlaRèsurrectionausondelatrompette.

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Commentlegouverneurordonnaàuncertainhomme:«Déracinelebuissond’épinesquetuasplanté

surlaroute.»

ecyniquebeauparleuravaitplantéunbuissonderoncesaumilieudelaroute.Lespassantsleluireprochèrentetluidirentsouventdeledéraciner;il

nelefitpas.Achaquemoment, lebuissondevenaitplusgrand ; lespiedsdesgens

étaientpleinsdesangàcausedespiqûres.1230 Lesvêtementsdesgensétaientdéchirésparlesépines;lespiedsdes

pauvresétaientblessésdefaçonpitoyable.Quand le gouverneur lui ordonna sérieusement : «Déracine cela », il

répondit:«Oui,jeledéracineraiunjour.»Pendantlongtemps,ilpromitdelefairelelendemainetlelendemain;

pendantcetemps,sonbuissondevenaitrobuste.Un jour, legouverneur luidit :«Ô toiqui faisde faussespromesses,

avance-toiaveccetteaffaire,nereculepas.»Ilrépondit:«Ômononcle,nousavonstoutletemps.»«Hâte-toi,lui

dit-il,neremetspaslepaiementdetadette.»Toiquidis:«Demain»,soisconscientdufaitquechaquejourletemps

passe.Cemauvaisarbrerajeunit, tandisqueceluiquicreusedevientvieuxet

durementaffligé.Lebuissonacquiertdelaforceets’élève;celuiquil’arrachevieillitet

décline.Lebuisson,chaquejouretàchaquemoment,estvertetfrais;celuiqui

l’arracheestchaquejourplusmaladifetdécrépit.Ilrajeunit,ettoituvieillis:dépêche-toietnegaspillepastontemps!

1240 Sachequechacunedetesmauvaiseshabitudesestunbuissond’épines:biendesfois,aprèstout,sesépinesontpercétonpied.Maintes fois, tu as été blessé par tes propres habitudes— tu es sans

raison,tuestrèsdéraisonnable.Si, à la blessure d’autres personnes, qui advient à cause de ta nature

mauvaise,Tuesindifférent,entoutcastunel’espasàtespropresblessures:tues

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letourmentdetoi-mêmeetdechaqueétranger.Oubienprendsunehacheetfrappecommeunhomme—comme‘Alî,

détruiscetteportedeKhaybar*—,Oubien,uniscesépinesaubuissonderoses:unislalumièredel’ami

(deDieu)aveclefeu(sensuel),Afin que sa lumière puisse éteindre ton feu, et que l’union avec lui

puissetransformercesépinesenroses.Tuessemblableàl’Enfer,ilestunvraicroyant;l’extinctiondufeude

l’Enfergrâceàunvraicroyantestpossible.Mustafâ (Mohammad) a dit, concernant la parole de l’Enfer, que, par

peur,ellesemetàsupplierhumblementlevraicroyant,Et lui dit : « Éloigne-toi rapidement de moi, ô roi : écoute, car ta

lumièreaenlevélabrûluredemonfeu.»1250 C’estpourquoilalumièreduvraicroyantestlamortdufeu,parceque

sansunopposéilestimpossibled’enleverl’autreopposé.LeJourduJugement,lefeuseral’adversairedelalumière,puisquel’un

aétécrééparlecourrouxdeDieu,etl’autreparSagrâce.Situdésiresenleverlemaldufeu,dirigel’eaudelaMiséricordedivine

contrelecœurdufeu.Le vrai croyant est la fontaine de cette eau de lamiséricorde : le pur

espritdeceluiquifaitlebienestl’EaudelaVie.C’estpourquoitonâmecharnelles’enfuitloindelui,parcequetuesde

feu,tandisqu’ilestl’eauduruisseau.Lefeus’enfuitloindel’eauparcequesaflammeestdétruiteparl’eau.Tessensettapenséesontentièrementdefeu;lessensetlespenséesdu

sheikhsontlaLumièresublime.Quand l’eau de sa lumière rejaillit sur le feu, le son de chak, chak

s’élèvedufeuetilbondit(defureur).Quandilémetcesondechak,chak,dis-lui:«Mortetmalheuràtoi»,

afinquecetenfer,tonâmecharnelle,puisses’éteindre,De sorte que cela ne puisse brûler ta roseraie, de sorte que cela ne

puissebrûlertajusticeettabonneconduite.1260 Aprèscela,toutcequetusèmerasfructifiera,etproduiradesanémones,

desrosessauvages,duthym.Anouveau,nousnousécartonsdudroitchemin:retourneenarrière,ô

maître—oùestnotrevoie?Nousétionsentraindemontrer,ôenvieux,quetonâneestboiteuxetla

finduvoyagelointaine,hâte-toi.L’année s’avance ; ce n’est plus le temps des semailles, et tu n’as

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produitquelahonteetlesactionsmauvaises.Leverapénétrédanslaracinedel’arbreducorps:ilfautl’arracheret

lejeteraufeu.Écoute,écoute,ôvoyageur!Ilesttard,lesoleildelavieestsurlepoint

desecoucher.Durantcesquelquesbrèvesjournéesoùtuasencoredesforces,hâte-toi,

batsdesailesgénéreusement.Consacre ce peude semences qui te restent à ce que cette longuevie

puissecroîtreàpartird’elles.Tantquecettelampeornéedepierreriesn’estpaséteinte,voisàcouper

samècheetàlarempliraussitôtd’huile.Prendsgarde!Nedispas«Demain»,carmaint«demain»estpassé.

Nelaissepaslesjoursdessemaillesdisparaîtreentièrement.1270 Écoutemonavertissement:lecorpsestunlienpuissant,retireTancien,

situdésirescequiestneuf.Fermetes lèvresetouvreunemainpleined’or :cessed’êtreunavare

avectoncorps,manifestedelamunificence.Lamunificence,c’estlerenoncementauxdésirsetauxplaisirs;aucun

deceuxquisontplongésdanslesdésirscharnelsneserelève.Cette munificence est une branche du cyprès du Paradis : malheur à

celuiquilaisseunetellebranches’échapperdesamain!Cet abandonde la sensualité est leplus ferme levier29 : cette branche

attirel’espritjusqu’auCiel.Agisdoncdesortequelabranchedelamunificence,ôhommejuste!

ent’élevantpuisseteporterjusqu’àsonorigine.Tu es Joseph plein de beauté, et cemonde est comme le puits ; et la

corde(pour t’enfairesortir)est lapatienceet lasoumissionà l’ordredeDieu.ÔJoseph,lacordeestvenue:placetesdeuxmainssurelle.Nenéglige

paslacorde,carilsefaittard.Loué soit Dieu que cette corde ait été lancée et que la grâce et la

miséricordeaientétéconjointes,De sorte que tu puisses contempler lemonde de l’esprit nouveau, un

mondetrèsmanifeste,bienqu’invisible.1280 Cemondephénoménaldelanon-existenceestdevenucomme

l’existenceréelle,tandisquecemondedel’existenceréelleestdevenutrèscaché.Lapoussièreestdanslevent:ellejoue,ellecréeunefausseapparence

etformeunvoile.

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Ceci qui, en apparence, est actif, est en réalité oisif et superficiel,commeunecoque;etcequiestcachéestsonnoyauetsonorigine.La poussière est comme un outil dans lamain du vent : considère le

ventcommeélevéetdehauteorigine.Leregarddel’œildelapoussièretombesurlapoussière:l’œilquivoit

leventestd’uneautresorte.Un cheval connaît un cheval, parce qu’il est de même espèce ; de

même,uncavalierconnaîtleschosesquiappartiennentàuncavalier.L’œilsensuelestlecheval,etlaLumièredeDieuestlecavalier:sansle

cavalier,lechevallui-mêmenesertàrien.Dresse donc le cheval pour le guérir de ses mauvaises habitudes ;

autrement,lechevalserarejetédevantleRoi.L’œilduchevaltrouvesoncheminàpartirdel’œilduRoi:sansl’œil

duRoi,sonœilsetrouveenunesituationdésespérée.L’œil des chevaux, où que vous l’appeliez, excepté vers l’herbe et le

pâturage,dit:«Non,pourquoiirions-nous?»1290 LaLumièredeDieumonte,commeuncavalier,surl’œilsensuel,et

alorsl’âmelanguitaprèsDieu.Commentlechevalsanscavalierconnaîtrait-illesjalonsdelaroute?Il

fautqueleRoilemonteafinqu’ilconnaisselarouteduRoi.Vadans un sens sur lequel laLumière estmontée : cetteLumière est

unebonnecompagnepourlesens.LaLumièredeDieuestunornementpourlalumièredusens:c’estce

quesignifielumièresurlumière30.La lumièredessensattire l’hommevers la terre ; laLumièredeDieu

l’élèveversleshauteurs,Parcequeleschosessensiblessontunmondeinférieur:laLumièrede

Dieuestsemblableàlamer,etlessenscommeunegouttederosée.Maiscequiestmontésurlessensn’estpasmanifesté,saufparlesbons

effetsetparoles.La lumière sensuelle, qui est grossière et lourde, est cachée dans la

pupilledesyeux.Étant donné que tu ne vois pas la lumière des sens avec ton œil,

commentverrais-tuavecluilalumièredusaint?La lumière du sens est cachée, en dépit de ce caractère grossier ;

commentdoncneleseraitpascerayonnementpur?1300 Cemonde,commedespaillesdanslamainduvent,quiestl’Invisible,a

choisil’impuissancecommeseuleattitude,etlesecoursdel’Invisibletantôtl’emporteverslehaut,tantôtverslebas;illerendtantôtintact,

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tantôtbrisé.Parfois il l’emportevers ladroite,parfoisvers lagauche,parfois ilen

faitdesroses,parfoisdesépines.Vois comme laMain est cachée, tandis que la plume écrit ; le cheval

court,alorsqueleCavalierestinvisible.Vois la flèche qui vole, l’Arc étant invisible ; l’âme est manifeste et

l’Âmedesâmescachée.Nebrisepaslaflèche,carc’estlaflèched’unRoi,ellen’estpastiréeau

hasard,elleprovientdelamaindeceluiquisait.Dieu a dit : «Tu n’as pas tiré quand tu tirais31. » L’action de Dieu

l’emportesurnosactes.Brisetaproprecolère,nebrisepaslaflèche;l’œilcourroucéprendle

laitpourdusang.Donneunbaiseràlaflèche,etapporte-laauRoi—laflèchetachéede

tonsang.Ce qui est visible est impuissant, enchaîné et faible, et ce qui est

invisibleestardentetincontrôlable.1310 Noussommeslaproie;àquiappartientcepiège?Noussommesla

balledujeudepolo—etoùestleJoueurdepolo?Ildéchire, Il coud :oùest leTailleur? Il souffle, Ilbrûle :oùest cet

Allumeurdefeu?Aunmoment,Ilfaitduvéritablesaintunimpie;àunautre,Ilfaitde

l’incroyantunascète.Car le fidèle sincère risque d’être pris au piège tant qu’il n’est pas

entièrementpurifiédesonpropremoi.Car il est encore sur laVoie, et les brigands sont innombrables ; seul

échappeceluiquiestprotégéparDieu.S’il n’est pas devenu comme un miroir pur, il est un simple fidèle

(mukhlis);s’iln’apasattrapél’oiseau,ilestencorechasseur.Mais quand lemukhlis est devenu unmukhlas*, il est libéré : il est

parvenuaulieudesécuritéetagagnélavictoire.Nulmiroirn’estredevenudufer,nulpainn’estredevenuleblédansla

meule.Aucun raisin mûr n’est redevenu raisin vert, aucun fruit mûr n’est

redevenunonmûr.Deviens mûr et écarté de la possibilité de changer pour le pire : va,

devienslalumière,commeBurhân-iMuhaqqiq**.1320 Quandtuaséchappéàtoi-même,tuesdevenupleinementlapreuvede

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Dieu;quandl’esclaveentoiadisparu,tuesdevenuleRoi.Et si tu veux contempler clairement cemystère, Salâh-od-Dîn *** l’a

manifesté:ilarendulesyeuxvoyantsetlesaouverts.Danssesyeuxetsonvisage,touslesyeuxquiontvulaLumièredeHû

(Dieu)ontdiscernéledétachementmystique.Le sheikh Salâh-od-Dîn est quelqu’un qui, comme Dieu, agit sans

instrument,donnantàsesdisciplesdesleçonssansmotdire.Dans sa main, le cœur est soumis comme la cire molle : son sceau

imprimetantôtlahonte,tantôtlagloire.Lesceau imprimésursacireparleduchatonde labaguedequidonc

parleladevisegravéesurlapierredelabague?Elle parle de la pensée du Forgeron— tout ceci est une chaîne dont

chaquemaillonserattacheauxautres.Dequellevoixestcetéchodanslesmontagnesdenoscœurs?Parfois

cettemontagneestrempliedelavoix,parfoiselleestvide.Quel qu’il soit, il est le Sage, leMaître— puisse sa voix ne jamais

délaissercettemontagne!Il existe une montagne qui double seulement la voix ; il existe une

montagnequilacentuple.1330 Acettevoixetcetteparole,lamontagnefaitjaillirdescentainesde

milliersdesourcesd’eaupure.Étant donnéque cette grâce émanede lamontagne, les eauxdans les

sourcesdeviennentdusang.C’estàcausedecemonarqueà ladémarchefavorable (Moïse)que le

montSinaïfuttransforméenrubis.Toutes les parties de la montagne reçurent la vie et l’intelligence—

aprèstout,sommes-nous,ôgens,inférieursàlapierre?Aucune sourcene jaillitde l’âme, et le corpsnonplusnedevientpas

l’undeceuxquisontvêtusdevert;Ilnes’ytrouvepasnonplusl’échoducridudésir,nilapuretéduVin

serviparl’Échanson.Oùexiste-t-ilunzèletelqu’ilscreusententièrementunemontagneavec

lahacheetlapioche,Dansl’espoirquepeut-êtreuneLunebrillerasursesparcelles,quepeut-

êtrelerayonnementdelaLuneparviendraàypénétrer?Étant donné que la Résurrection (temporelle) creusera lesmontagnes,

commentétendra-t-ellesurnoussonombre?Comment cette Résurrection (spirituelle) serait-elle inférieure à la

Résurrection (temporelle) ? Cette Résurrection (temporelle) est la

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blessure,etlaRésurrection(spirituelle)estlepansement.1340 Quiconqueavucetonguentn’aplusàcraindrelablessure:chaquemal

quiavucebiendevientbienfaisant.Oh !Heureux le laid dont le beau est devenu le compagnon ; hélas !

pourceluiauvisageroséavecquis’estassociél’automne!Quand le pain inanimé s’associe à la vie, le pain devient vivant et se

transformeenlasubstancedecettevie.Les noirs fagots deviennent les compagnons du feu : l’obscurité

disparaîtettoutsetransformeenlumière.Quand l’âne mort est tombé dans la mine de sel, il a renoncé à son

caractèred’âneetàlamortalité.L’onction de Allah32 est la cuve de teinturier deHû * : là, toutes les

chosesbigarréesdeviennentd’uneseulecouleur.Quandlemystiquetombedanslacuveetquetuluidis:«Lève-toi»,il

ditenextase:«Jesuislacuve;nemeblâmepas.»Dire:«Jesuislacuve»,c’estcommedire:«JesuisDieu»; ilala

couleurdufeu,bienqu’ilsoitdefer.Lacouleurdufers’anéantitdanslacouleurdufeu; lefersevantede

son caractère embrasé, bien qu’en fait il soit comme celui qui garde lesilence.Lorsqu’ilestdevenurougecommel’ordanslamine,alors,sanslangue,

ilsevante:«Jesuislefeu.»1350 IIestdevenusubliméparlacouleuretlanaturedufeu;ildit:«Jesuis

lefeu,jesuislefeu,«Jesuislefeu;situasdesdoutesoudessoupçons,faisunessai,pose

tamainsurmoi.«Jesuislefeu:sicelatesembledouteux,posetonvisagesurlemien

unseulinstant.»Quand l’homme reçoit laLumière deDieu, il est adoré par les anges

parcequ’ilaétéchoisiparDieu33.Aussi,ilestadoréparceluidontl’esprit,commel’ange,aétélibéréde

larébellionetdudoute.Quel feu ? Quel fer ? Ferme la bouche : ne te moque pas de cette

comparaison.NemetspaslepieddanslaMer,n’enparlepas:surlarivedelaMer,

gardelesilence,temordantleslèvres(d’émerveillement).Bienquecentêtrescommemoin’auraientpaslaforcedesupporterla

Mer,cependantjenepeuxm’éloignerdeseauxdelaMerquimenoient.

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Quemonâmeetmonespritsoientunsacrificeà laMer ;cetteMeraverséleprixdusangdel’espritetdel’âme.Je marcherai sur Elle aussi longtemps que mes pieds se mouvront ;

quandjen’auraiplusdepieds,jeplongeraienElle,commelescanards.1360 Unepersonneirrespectueusequiestprésentevautmieuxquecellequi

estabsente:mêmesil’anneauesttordu,n’est-ilpassurlaporte?Ô toi dont le corps est souillé, va dans la cuve : en dehors d’elle,

commentunhommesera-t-ilpurifié?Celui qui était pur et qui a été banni loin de la cuve devient éloigné

aussidesapureté.La pureté de cette cuve est infinie ; la pureté des corps a peu

d’importance,Car le cœur, bien qu’il soit une cuve, a cependant, en cachette, un

cheminsecretverslaMer.Tapureté limitée a besoin d’être renforcée ; autrement, le nombre est

diminuéparladépense.L’eauditàl’hommesouillé:«Hâte-toidevenirenmoi.»Ilrépondit:

«J’éprouvedelahontedevantl’eau.»L’eaudit:«Sansmoi,commentcettehontepeut-elledisparaître?Sans

moi,commentcettesouillurepeut-elleêtreenlevée?»Chaqueêtresouilléquisecacheloindel’eaumontre,commeilestdit,

que«lahontegênelafoi».Lecœurestembourbéparlesmarchesdelacuveducorps;lecorpsest

lavéparl’eaudescuvesducœur.1370 Franchislesmarchesdelacuveducœur,ômonfils,faisattentionet

méfie-toitoujoursdesmarchesdelacuveducorps.La mer du corps se précipite sur la mer du cœur, mais entre eux se

trouveunebarrièrequ’ilsnefranchirontpas34.Quetusoisdroitoucourbé,rampetoujoursversLui,nerampepasen

arrière.Si, dans la présence des rois, il y a un danger pour la vie, cependant

ceuxquiyaspirentnepeuvents’abstenird’êtreavecLui.Puisque leRoi est plus douxque le sucre,mieuxvaut que la vie soit

sacrifiéeàcettedouceur.Ô toi qui blâmes les amoureux,que la sécurité soit tienne !Ô toi qui

rechercheslasécurité,tuesuninfirme!Monâmeestunefournaise;elleestheureuseaveclefeu:ilsuffitàla

fournaised’êtrelamaisondufeu.Pourl’amour,commepourlafournaise,ilyaquelquechoseàbrûler:

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celuiquinevoitpascelan’estpasunefournaise.Quand la provision de l’imprévoyance est devenue votre provision,

vousavezacquislavieéternelleetlamorts’estenfuie.Quand la souffrance de l’amour a commencé à accroître votre joie

spirituelle,lesrosesetleslilassesontemparésdujardindevotreâme.1380 Cequipourlesautresestunobjetdecrainteestvotresécurité;le

canardestrendufortparlarivière,lavolailledomestiqueestrenduefaible.Unefoisdeplus, jesuisdevenufou,ôMédecin!Unefoisdeplus, je

suisdevenuéperdu,ôBien-Aimé!LesanneauxdeTachaînesontmultiformes:chaqueanneauproduitune

foliedifférente.Ledondechaqueanneauconsisteendiverses formes :c’estpourquoi

j’ai,àchaqueinstant,unefoliedifférente.Ainsi, « la folie a différentes formes » est devenue un proverbe,

spécialementencequiconcernelachaînedecetrèsglorieuxPrince.Une telle folie a brisé les limites dema raison que tous les fousme

réprimanderaient.

*AllusionàlacÉlèbrevictoirede’AlîsurlaforteressedeKhaybar.*Lemukhlisestceluiquiest sincère,maisconsidèrequesadÉvotionest sonfait,alorsquelemukhlasl’attribueàDieu.**Burhân-od-DînMuhaqqiqTirmadhî,anciendiscipledupèredeRûmî,Baha-od-DînWalad,etquidevintlemaîtrespiritueldeDjalâl-od-Dînjusqu’àsamort,en638del’hÉgire,c’est-à-dirependantneufans.***En647del’hégire,RûmîchoisitpouramietmaîtredesesdisciplesSalâh-od-DînFarîdunZarkûb,quiavaitété,luiaussi,lediscipledeBurhân-od-Dîn.Ilmouruten657del’hégire.*Hû:Lui(Dieu).

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Commentdesamisvinrentrendrevisiteàl’hôpitaldesfousàDhu’l-Nûn*(queDieu

sanctifiesonesprit)

IadvintàDhu’l-Nûnl’Égyptienqu’unenouvelleagitationetfolienaquitenlui.Son agitation devint telle que l’amertume en atteignait tous les cœurs

jusqu’au-dessusdescieux.Prendsgarde, ô sol amer !Ne comparepas ton agitation à l’agitation

dessaintsseigneurs.Lesgensnepouvaientsupportersafolie;sonfeuleurbrûlaitlabarbe.

1390 Quandcefeutombasurlesbarbesdesgensducommun,ilsl’entraînèrentetlemirentenprison.Il n’est pas possible de tirer sur cette rêne, même si le vulgaire est

perturbéparcettevoie(mystique).Cesroisspirituelssesontvusendangerdeperdreleursviesàcausedes

gensducommun,carcettefouleestaveugle,etlesroisneportentpasdemarquesapparentes.Quand l’autorité se trouve entre les mains des rend (débauchés), un

Dhu’l-Nûnsetrouveinévitablementenprison.C’est seul que chevauche ce roi sublime : une perle unique dans les

mainsdesenfants!Quelle perle ? Non, la Mer cachée dans une goutte d’eau, un Soleil

dissimulédansunatome.UnSoleil s’estmanifesté dans un atome, et peu à peu a découvert sa

face.Toutes les parcelles ont disparu en lui ; le monde entier par lui est

devenuenivré,puisilestdevenulucide.Quandlaplumeestdanslamaind’untraître,inéluctablement,Mansûr

(al-Hallâdj)estsurlegibet.Lorsque cette affaire (autorité) appartient aux sots, il s’ensuit

nécessairementqu’ilstuentlesprophètes35.1400 Parstupidité,lepeupleégarédisaitauxprophètes:«Noustironsde

vousunmauvaisaugure36.»Voyezl’ignoranceduchrétienappelantàsonaideleSeigneurquiaété

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suspenduàlacroix!Puisque, selon leur croyance, Il a été crucifié par les juifs, comment

doncpeut-illesprotéger?Ètant donné que le cœur de ce Roi (Jésus) saigne à cause d’eux (les

chrétiens),commentyaurait-ilpoureuxladéfenseinviolabledealorsquetuesaumilieud’eux37?Pourl’orpuretl’orfèvre,ledangerprovenantducontrefacteurestplus

grandqueceluivenantdequiconque.LesJosephssontcachésenraisondelajalousiedeceuxquisontlaids,

car,àcausedeleursennemis,lesêtresbeauxsontdanslatribulation.LesJosephssontdanslepuitsparlafautedeleursfrèresqui,parenvie,

donnentJosephauxloups.Qu’advint-ilauJosephd’Ègypteàcausedel’envie?Cetteenvieestun

grandloupauxaguets.Inévitablement, le bon Jacob éprouvait toujours de la peur et de

l’anxiétépourJoseph,àcausedeceloup.Leloupextérieur,envérité,nerôdaitpasautourdeJoseph.Maiscette

envie,enfait,avaitdépassélaméchancetédesloups.1410 Celoupinfligeasablessureet,enguised’excusespécieuse,ilsdirent:

«Nousétionspartispourjoueràlacourse38.»Descentainesdeloupsn’ontpascetteruse;maisceloupseracouvert

dehonteàlafin,vousverrez!Parce que, le Jour de la calamité, les envieux seront sans doute

ressuscitésdesmortsetamenéspourêtrejugéssouslaformedeloups.Larésurrectionduvilgoinfremangeurdecharogne(nourritureillicite)

serasouslaformed’unporcleJourduJugement.Lescorpsdesadultèresaurontunemauvaiseodeur;lesbuveursdevin

aurontdesbouchespuantes.La pestilence cachée qui n’atteignait que les cœurs sera sensible et

manifestelorsdelaRésurrection.L’êtredel’hommeestunejungle:soissurtesgardescontrecetêtre,si

tuesdeceSouffledivin.Dans notre être se trouvent desmilliers de loups et de pourceaux, du

bonetdumauvais,dubeauetdulaid.Alatendancequiprédomineappartientladécisionquantàcequevous

êtes:quandilyaplusd’orquedecuivre,l’amalgameestdel’or.Selon la façond’agirqui estprépondérantedansvotrenature—c’est

danscettemêmeformequevousressusciterez.

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1420 Aunecertaineheure,unloupentredansl’homme;àuneautreheure,unebeautésemblableàlaluneaveclevisagedeJoseph.Les qualités, belles et haïssables, passent d’un cœur à l’autre par une

voiecachée.En vérité, la sagesse, la connaissance et la perfection passent de l’

hommeaubœufetàl’âne.Lechevalrétifacquiertunpaspaisibleetdocile,l’oursdanse,lachèvre

salue.Levouloirestpassédesêtreshumainsdanslechien,desortequ’ilest

devenuunberger,unchasseurouungardiendelamaison.Chez lechiendesCompagnonsde laCaverne,unedispositionmorale

parvintdecesdormeurs,desortequ’ildevintunchercheurdeDieu.Achaqueinstant,uneespècedifférentesurgitdanslapoitrine:tantôtun

démon,tantôtunange,tantôtdesbêtessauvages.Depuis cette merveilleuse jungle familière à chaque lion, existe une

voiecachéeverslescœurs,quiprendaupiège(laproiespirituelle).Ôtoiquiesmoinsqu’unchien,dérobedel’intérieurlaperlespirituelle

—del’intérieurdescœursdeceuxquiconnaissentDieu.Situvoles,aumoinsquecesoitcetteperleravissante;puisquetudois

porterunfardeau,qu’ilsoitaumoinsnoble.

*Célèbresoufietpoète,néetmortenÉgypte(IXesiècle).

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CommentlesdisciplescomprirentqueDhu’l-Nûnn’étaitpasdevenu

fou,maisavaitagidefaçonintentionnelle

es amis allèrent à la prison pour se renseigner sur l’histoire deDhu’l-Nûn,etexprimèrentuneopinionàcesujet,Disant:«Peut-êtreagit-ilainsiàdessein,oubienest-ceparsagesse;il

est,danscettereligion,celuiversquions’oriente,etunsigne.«Loin, loindesonintelligenceprofondecommelamerquecesoit la

foliequil’inciteàdesactesinsensés!«Dieunousgarde,étantdonnélaperfectiondesonétat,quelenuagede

lamaladierecouvrecettelune!«Ilestentrédanslamaisonpouréchapperàlaperversitéduvulgaire:

ilestdevenufouàcausedel’infamiedesgensraisonnables.«Enraisondelahontequ’ilavaitdelaraisonmorne,asservieaucorps,

ilestpartiexprèsetdevenufou,«Disant : “Attachez-moi serré et, avec une queue de vache, frappez-

moisurlatêteetledos,etnediscutezpas,“Afinque, grâce à ce coup, je puisse obtenir la vie, comme l’homme

assassinéarecouvrélavieparlavachedeMoïse,ômesamisfidèles;1440 “Afinquejepuisseêtrerenduheureuxparuncoupdelaqueuedela

vache;quejepuissedevenirenbonnesantécommel’hommeassassinéaumoyendelavachedeMoïse39.”»L’hommeassassiné revécutgrâceaucoupde laqueuede lavache ; il

devintdel’orpur,commelecuivretransmuéparlapierrephi-losophale.L’hommeassassinébonditet révéla lessecrets : ildévoilacettebande

assoifféedesang,Ilditclairement:«J’aiététuéparcesgensquisontàprésentenragésà

sequerelleravecmoi.»Quand le corps grossier est tué, l’essence qui connaît les secrets

(spirituels)vientàlavie.Sonespritcontemple leParadiset leFeude l’enferetperçoit tous les

mystères.Il révèle lesmeurtrierssataniques, il révèle lepiègede la tromperieet

delaperfidie.Tuer lavache (l’âmecharnelle)estcequ’enjoint laVoiedusoufisme,

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afinquel’espritpuisseêtrerenduàlaconscienceparlecoupdesaqueue.Tuebienvitelavache,tonâmecharnelle,afinquel’espritcachépuisse

devenirvivantetconscient.

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Retouràl’histoiredeDhu’l-Nûn(queDieusanctifiesonesprit!)

uandcespersonnesarrivèrentauprèsdelui,ils’écria:«Eh!Quiêtes-vous?Prenezgarde!»Ilsdirentrespectueusement:«Noussommesdetesamis,noussommes

venusicipourdemanderavecaffectiondetesnouvelles.« Comment vas-tu, ô Mer d’intelligence ? Quelle est cette calomnie

prétendantquetonintelligenceestfolie?1450 «Commentlafuméedelachaudièreduhammamarriverait-elleau

Soleil?Commentle‘Anqâ*serait-ilécraséparlecorbeau?«Netecachepasdenous;explique-nouscetteaffaire;noust’aimons;

n’agispasavecnousdecettefaçon.« Il ne convient pas d’éloigner les amoureux ou de les leurrer par un

masqueetdesprétextes.«Communiquelesecret,ôRoi!Nevoilepastonvisagedanslenuage,

ôLune!«Noussommesaimants,sincères,avecdescœursbrisés;danslesdeux

mondes,c’estàtoiquenousavonsattachénotrecœur.»Il semit àprononcerà tort et à traversdevilainsmotsetdemauvais

noms;ilditdesinsanitéscommelesfous.Ilsautaitetlançaitdespierresetdesbâtons; touss’enfuirentparpeur

descoups.Iléclataderire,et,secouantlatête:«Voyez,dit-il,lesvanteriesdeces

amis!«Voyezcesamis!Quelleestlamarquedesamis?Pourlesvéritables

amis,lasouffranceestcommelavie.»Commentunamisedétournerait-ildelapeineinfligéeparsonami?La

souffranceestlenoyau,etl’amitién’enestquel’écorce.1460 N’est-cepasdevenulesignedel’amitiéquelajoiedanslemalheur,la

calamitéetlasouffrance?L’amiestcommel’or,lemalheurestcommelefeu;l’orpurestjoyeux

danslecœurdufeu.

*Oiseaufabuleux.

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CommentlemaîtredeLuqmânmitàl’épreuvesasagacité

’en était-il pas ainsi deLuqmân, qui était un esclave pur, et qui,jouretnuit,étaitalertedanssonservice?Sonmaître le préférait pour son travail, et le jugeaitmeilleur que ses

propresfils,Car Luqmân, bien qu’il fût né esclave, était maître (de lui-même) et

librededésirsensuel.Uncertain roiditausheikhdans laconversation :«Demande-moide

t’accorderquelquedon.»Il répondit : « Ô roi, n’as-tu pas honte deme dire une telle chose ?

Viensplushaut!«Jepossèdedeuxesclaves,quisontvils,etcesdeuxtegouvernentet

sonttessuzerains.»Leroidit:«Quisontcesdeux?C’estuneerreur.»Ilrépondit:«L’un

estlacolère,etl’autrelasensualité.»Considèrecommeunroiceluiquiestindifférentàlaroyauté,celuidont

lalumièrebrillesanslunenisoleil.1470 Seul,celuidontl’essenceestletrésor(spirituel)possèdeletrésor;seul

celuiquiestl’ennemide(sapropre)existencepossèdel’existence.Enapparence,lemaîtredeLuqmânétaitsonmaître;enréalité,ilétait

l’esclaveetLuqmânétaitsonmaître.Danscemondesensdessusdessous,ilyenabeaucoupdelasorte:une

perleàleursyeuxestmoindrequ’unfétu.Chaquedésertaéténommé«lieudesécurité»:unnometuneforme

trompeuseontleurréleurcompréhension.Pourunecatégoriedegens,c’est l’habitquifaitconnaître :si l’onest

vêtud’uneqabâ*,ilsdisentquel’onestunhommeducommun.Pourunecatégoriedegens,(cequiimporte)c’estl’apparencehypocrite

del’ascétisme;ilfautunelumièrepourdiscernerl’ascétisme(véritable).Ilfautunelumièrepureetdépourvuedeconformismeafindepouvoir

connaîtreunhommesansactionniparole,Et pénétrer dans son cœurpar la voie de l’intellect, et apercevoir son

véritableétatsansêtrelimitéparlesracontars.Les serviteurs choisis deCelui qui connaît les choses invisibles sont,

danslemondedel’âme,lesespionsdescœurs.

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Untelserviteurpénètredanslecœuràlafaçond’uneimage:lemystèredel’étatspirituelluiestdévoilé.

1480 Danslecorpsdumoineau,quelpouvoir,quellefacultésetrouventquidemeurentcachésàl’intellectdufaucon?CeluiquiaapprisàconnaîtrelessecretsdeHû(Dieu),qu’estpourluila

consciencesecrètedesêtrescréés?Celuiquimarchesurlessphèrescélestes,commentmarchersurlaterre

serait-ildifficilepourlui?PuisqueleferétaitcommelaciredanslamaindeDavid,comment la

cireserait-elledanssamain,ôhommepervers?Luqmân en apparence était esclave, en réalité, il était maître ; la

servituden’étaitqu’unemarqueextérieure.Quandlemaîtreserendenunlieuoùilestinconnu,ilrevêtleshabits

desonesclave.Lui-mêmeportelesvêtementsdesonesclave,etilplacecelui-cientête,

commeunguide.Ilmarchederrièreluisurlaroute,commelefontlesesclaves,depeur

quequelqu’unlereconnaisse.«Ô esclave, dit-il, va t’asseoir à la place d’honneur ; je prendrai tes

chaussures,commeleplushumbleesclave.«Traite-moidurementetinsulte-moi;nemetémoigneaucunrespect.

1490 «Jeconsidèrequenégligertonserviceestleservicequiteconvient,puisquej’aisemélagrainedel’artificeenrestantdansunpaysétranger.»Des maîtres ont effectué ces tâches d’esclaves afin que l’on puisse

penserqu’ilsenétaienteffectivement.Ilsavaientleurcontentdurôledemaîtresetenétaientrassasiés:c’est

pourquoiilssepréparèrentàfaireletravaildesesclaves.Aucontraire,cesesclavesdelasensualitésesontprésentéscommes’ils

étaientdesmaîtresd’intelligenceetdespiritualité.Dumaître (l’homme spirituel) provient la pratique de l’humilité ; de

l’esclave(l’hommesensuel)neprovientriend’autrequelaservitude.Ainsi,lesarrangementsentrecemondeetl’autresontinversés.Sache-le

bien.LemaîtredeLuqmânétaitconscientde l’étatcachédecelui-ci ; ilen

avaitperçuenluidessignes.Ce voyageur (le maître de Luqmân) connaissait le secret, mais il

conduisitpaisiblementsonânesurlechemin,envued’unbien.Il l’aurait affranchi dès le début, mais il s’efforçait de contenter

Luqmân,

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Carc’étaitledésirdeLuqmân(dedemeurerunesclave),afinquenulneconnaisselesecretdecejeunehommebraveetgénéreux.

1500 Quoid’étonnantàcequevouscachiezvotresecretauméchant?Cequiestétonnant,c’estquevousdissimuliezcesecretàvous-même.Cache tes actions à tes propres yeux, afin qu’elles puissent être en

sécuritéloindumauvaisœil.Abandonne-toiaupiègedelarécompensedivine,etalors,étanthorsde

toi-même,dérobequelquechoseàtoi-même.Ondonnedel’opiumaublessé,afind’extrairelapointe(d’uneflèche)

desoncorps.Al’heuredelamort,ilestdéchirédesouffrance;ildevientpréoccupé

parcela,etpendantcetemps,sonespritluiestravi.Étantdonnéque,quelleque soit lapenséeà laquelle tu consacres ton

intellect,quelquechoseteseraenlevéensecret,Etque,quoiquetupuissesméditerouacquérir,levoleurentreraparle

côtéoùtutesensensécurité,Occupe-toidoncdecequiestlemeilleur,afinquelevoleurnepuissete

déroberquecequiestdevaleurmoindre.Quand les ballots du marchand tombent à l’eau, il se saisit des

marchandiseslesplusprécieuses.Puisque quelque chose sera sûrement perdu dans l’eau, abandonne ce

quialemoinsdeprixetprendspossessiondecequienadavantage.

*Manteaupersan.

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CommentlemériteetlasagacitédeLuqmândevinrentmanifestesàceux

quil’avaientmisàl’épreuve

1510 orsqu’unalimentétaitapportéaumaîtredeLuqmân,ilenvoyaitquelqu’unchezluiAfin queLuqmân puisse ymettre lamain et que lemaîtremange ce

qu’ilenlaissait.Ilmangeaitsesrestesetétaitenthousiaste:toutenourriturequeLuqmân

negoûtaitpas,lemaîtrelajetait;Ou,s’ilenmangeait,c’étaitsanscœuretsansappétit:c’estlàlesigne

d’uneintimitésansbornes.Onavaitapportéunmelonenprésent.«Allez,dit-il,appelezmonfils,

Luqmân.»Quandillecoupaetluidonnaunetranche,Luqmânlamangeacomme

sic’étaitdusucreetdumiel.En raison du plaisir avec lequel il l’avait mangée, il lui offrit une

secondetranche,etainsijusqu’àladix-septièmetranche.Une tranche restait. Il dit : « Je vais lamanger, pour voir quel doux

melonc’est.« Luqmân lemange avec un tel plaisir qu’à voir son délice, on a du

désiretdel’appétitpourcemorceau.»Dèsqu’illemangea,parsonamertumefutalluméunfeuquiluiécorcha

lalangueetluibrûlalegosier.1520 Ildevinthorsdelui-mêmependantunmomentàcausede

sonamertume;ensuite,ilditàLuqmân:«Ôtoi,monâmeetmonmonde,«Comment as-tu fait de tout ce poison un antidote ?Comment as-tu

considérécettecruautécommeunebienveillance?« Qu’est-ce que cette patience ? Pour quelle raison est ce grand

courage?Oupeut-êtrequedanstonopiniontavieestuneennemie?«Pourquoinepasavoirhabilementprésentéunerequête,disant:“J’ai

uneexcuse;attendsunmoment.”»Luqmânrépondit:«Detamaingénéreuse,j’aimangétellementqueje

suiscourbéendeuxparlahonte.«J’avaishontedenepasmangeruneseulechoseamèredetamain,ô

toiquiesdouédeconnaissance.«Puisque toutes lespartiesdemonêtreproviennentde ta libéralitéet

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sontplongéesdanstonpiègeettonleurre,«Sijecrieetmeplainspouruneseulechoseamère,quelapoussièrede

centcheminssoitrépanduesurtousmesmembres!« Si le melon jouissait du délice de ta main qui octroie le sucre,

commentcedélicepourrait-illaisserquelqueamertumeàcemelon?»1530 Parl’amour,leschosesamèresdeviennentdouces;parl’amour,les

morceauxdecuivredeviennentcommel’or;Par l’amour, la liedevient limpide;par l’amour, lasouffrancedevient

guérison;Par l’amour, le mort est rendu vivant ; par l’amour, le roi est fait

esclave.Cetamour,enoutre,estlerésultatdelaconnaissance:quellestupidité

s’assitjamaissurunteltrône?Aquelleoccasionuneconnaissancedéficientedonna-t-ellenaissanceà

cetamour?Laconnaissanceimparfaitedonnenaissanceàl’amour,maispourcequiestdépourvudevie.Quandilvoitdansunêtreinanimélacouleurdeceluiqu’ildésire,c’est

commes’ilentendaitlavoixdubien-aimédansunsifflet.La connaissance imparfaite est incapable de discernement ;

inéluctablement,elleprendl’éclairpourlesoleil.Quand leProphètedéclaraque l’homme«déficient»estmaudit,cela

signifiait«ladéficiencedel’esprit».Carceluidontlecorpsestdéficientestl’objetdelamiséricordedivine;

la malédiction et le rejet contre l’objet de la miséricorde ne sont pasconvenables.C’estladéficienced’espritquiestlamauvaisemaladie:c’estlacause

delamalédictiondeDieuetcelamérited’êtrebanni(deSaprésence),Étant donné qu’il n’est pas impossible de rendre l’esprit parfait, alors

qu’iln’estpasennotrepouvoirderendrelecorpsparfait.1540 L’impiétéetl’orgueil,pareilsàceluidePharaon,dechaqueimpiequi

estloindeDieu,proviennenttousdeladéficiencedel’esprit.LaconsolationpourladéficiencecorporelleestvenuedansleQor’ân:

Iln’yaaucunefauteàreprocheràl’aveugle40.L’éclair est fugace et très infidèle : sans clarté (d’esprit), tu ne

distinguespascequipassedecequiestpermanent.L’éclairrit;dequirit-il,dis-le-moi?Deceluiquiattachesoncœuràsa

lumière.Les lumières du ciel sont bancales : comment seraient-elles comme

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cetteLumièrequin’estnid’Orient,nid’Occident41?Considère l’éclair comme ce qui ôte la vue42, considère la Lumière

éternellecommeétantentièrementdesAnsar*.Chevaucheruncoursiersurl’écumedelamer,lireunelettreàlalueur

d’unéclair,C’est ne pas apercevoir la fin, par avidité ; c’est se moquer de son

proprecœuretdesapropreraison.Laraison,parnature,contemplelafin;c’estl’âmecharnellequinela

voitpas.La raison dominée par l’âme charnelle devient charnelle ; Jupiter est

vaincuparSaturneetdevientnéfaste.1550 Cependant,tournetonregardverscequiestnéfaste,regardeversCelui

quit’adonnéunemauvaiseétoile.Le regard de celui qui contemple ce flux et ce reflux passe de

l’influencenéfasteàl’influencefaste.Dieu te fait passer continuellement d’un état d’esprit à un autre,

manifestantlecontraireaumoyenducontrairedanscechangement,Dansledesseinquelacrainteducôtégauchepuissefairenaîtreentoile

délicedeleshommes(bénis)sontconduitsàl’espoirducôtédeladroite42bis,Detellesortequetuaiesdeuxailes(lacrainteetl’espoir);carl’oiseau

quin’aqu’uneseuleaileestincapabledevoler,ômoncher.ÔmonDieu,oubienfaisquejeneparlepas,oubienpermets-moide

diretoutjusqu’aubout.Mais siTuneveuxni ceci ni cela, c’est àToi d’ordonner : comment

quiconquesaurait-ilquelleestTonintention?Il fautavoir l’espritd’Abrahampourvoirdans lefeu leParadisetses

palaisparlalumière(delaconnaissancemystique);Ets’éleverdemarcheenmarcheau-dessusdelaluneetdesétoiles,de

peurderestercommeleheurtoirattachéàlaporte;Et, comme l’Ami de Dieu (Abraham), dépasser le Septième ciel, en

disant:«Jen’aimepascequidisparaît43.»1560 Cemondecorporelesttrompeur,saufpourceluiquiaéchappéaudésir.

*FidèlescompagnonsduProphète.

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Conclusiondel’histoireracontantcommentlesautresserviteurs

enviaientl’esclavefavoriduroi

’histoire du roi et des émirs et de leur envie de l’esclave favori,seigneurdesagesse,Aétélaisséeenarrièreenraisondupuissantintérêtdudiscours.Nous

devonsyreveniretlaconclure.Le jardinier heureux et fortuné du royaume (divin) — comment ne

reconnaîtrait-ilpasunarbred’unautre?L’arbrequiestameretréprouvé,etl’arbredontunseulvautseptcents

del’autreespèce.Comment,enlescultivant,lesconsidérerait-ilcommeégaux,alorsqu’il

lesvoitavecl’œilquiestconscientdelafin,Etsaitquelsfruitscesarbresporterontàlafin,bienqu’encemoment

ilssoientsemblablesenapparence?Le sheikh qui est devenu voyant par la Lumière de Dieu est devenu

familieraveclafinetlecommencement.Ilafermé,pourl’amourdeDieu,l’œilquivoitl’écuriedecemonde;il

aouvert,enpriorité,l’œilquiperçoitlafin.Ces gens envieux étaient de mauvais arbres ; ils étaient des gens

malchanceux,desoucheamère.1570 Ilsétaientbouillantsetécumantsd’envie,etpréparaientdescomplotsen

secret,Afindedécapiterl’esclavefavorietdeledéracinerdecemonde;Mais

commentpouvait-ilpérir,puisqueleroiétaitsonâmeetquesaracineétaitsouslaprotectiondeDieu?Le roi avait perçu ces pensées secrètes, mais, comme Bû Bakr i-

Rabâbî*,ilgardalesilence.A la vue des cœurs de ces méchantes gens, il applaudissait

(ironiquement)cesintrigants.DesgensrusésinvententdesstratagèmespourfairetomberleRoidans

unpiège;MaisunRoiaussiinfinimentgrandetsanslimites—commentserait-il

contenudansunpiège,ôânes?Ils fabriquèrent un filet pour le Roi ; après tout, c’est de lui qu’ils

avaientappriscetartifice.

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L’élèvequisemetàrivaliseravecsonmaîtreetveutdisputeravecluiestnésousunemauvaiseétoile.Avec quel maître ? Le maître du monde, pour qui le manifeste et le

cachésontsemblables;1580 DontlesyeuxsontdevenusvoyantsparlalumièredeDieu*etquiont

déchirélesvoilesdel’ignorance.Faisant de son cœur un voile rempli de trous comme une vieille

couverture,ledisciplelerevêtenprésenceduSage.Le voile se moque de lui avec cent bouches, chaque bouche étant

devenueuneouverturequiletrahit.Lemaîtreditaudisciple:«Ôtoiquiesmoinsqu’unchien,n’as-tupas

defidélitéenversmoi?«Mêmeàsupposerquejenesoispasunmaîtreetdouéd’unegrande

force,supposequejesoisundisciplecommetoiavecuncœuraveugle,«Nereçois-tupasdemoidel’aidedanstonespritettonintelligence?

Sansmoi,aucuneeaunes’écoulepourtoi.«Aussimon cœur est-il la fabrique de ta chance : pourquoi veux- tu

détruirecettefabrique,ôhommeinjuste?»Tu peux dire que tu allumes la flamme de la rivalité contre lui en

secret;maisn’ya-t-ilpasunefenêtreentrelecœuretlecœur?Aprèstout,ilvoittapenséeàtraverslafenêtre:toncœurtémoignede

cequetumédites.Supposonsque,parbonté,ilneteréprimandepasouvertement,etqu’à

toutcequetudis,ilsourieetdise«oui».1590 IInesouritpasdeplaisiràtesflatteries;ilsouritàtapenséecachée.

Ainsi,unetromperieestpayéed’unetromperie:tufrappesunecoupeettuesfrappéparunecruche—bienfaitpourtoi!Si son sourire t’approuvait, des centaines de milliers de fleurs

s’épanouiraientpourtoi.Quandsoncœurt’approuve,considèrequec’estunsoleilentrantdans

Ariès,Acauseduquellejouretleprintempssourienttousdeux,etlesfleurset

lesprairiesvertessontmêlées,Etdesmyriadesde rossignolsetde tourterellesdéversent leurschants

danslemondetaciturne.Quand tu vois que les feuilles de ton esprit sont jaunes et noires,

commentnereconnais-tupaslacolèreduRoi?Le soleil duRoi, dans le signe zodiacal du reproche, rend les visages

noirscommedespagesnoircies.

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NosâmessontdesfeuillespourqueceMercureyécrive;cetteécritureblancheetnoireestnotrecritère.Puis il écrit un décret en rouge et vert, pour que nos esprits soient

délivrésdelamélancolieetdudésespoir.1600 Lerougeetlevertsontceparquoileprintempsmetfinàl’hiver;ils

sontcommelesraiescoloréesdel’arc-en-ciel.

*«Lejoueurdeluth»,saintcaché,ayantgardélesilenceseptannées(cf.Sanâ’î,Diwân,241).* Partie d’unHadîth du Prophète : « Prenez garde au discernement du vraicroyant,carilvoitparlaLumièredeDieu.»

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CommentlerespectpourlemessagedeSalomon(surluila

paix!)futréfléchidanslecœurdeBilqîsàpartirdelaformeinfime

delahuppe

ue de centuples bénédictions soient sur cette Bilqîs à qui Dieuaccordal’intelligencedecenthommes!Une huppe apporta la lettre avec le signe de Salomon — quelques

paroleséloquentes.Lorsqu’elle lut ces mots chargés de sens, elle ne regarda pas la

messagèreavecmépris.Sonœillavitcommeunehuppe,maissonespritlavitcommele‘Anqâ;

sessenslavirentcommeunflocond’écume,maissoncœurlavitcommelamer.A cause de ces talismans (apparence et réalité) de deux couleurs,

l’intellect est enguerre avec les sens, commeMohammadavec les genspareilsàAbûDjahl.LesinfidèlesregardaientAhmad(Mohammad)commeétantseulement

un homme, étant donné qu’ils ne voyaient pas en lui celui qui fendit laluneendeux.Jette de la poussière sur ton œil de la perception sensorielle : l’œil

sensuelestl’ennemidel’intellectetdelareligion.Dieu a dit de l’œil sensuel qu’il était aveugle ; Il a dit que c’était un

idolâtreetnotreennemi,Parcequ’ilvoitl’écumeetnonlamer,parcequ’ilvoitleprésentetnon

lelendemain.1610 Lemaîtrededemainetduprésentestdevantlui;cependant,detoutun

trésor,ilnevoitpasmêmeungraind’orge.SiunatomeapportaitunmessagedelapartdeceSoleildel’au-delà,

notresoleildeviendraitl’esclavedecetatome;UnegoutteenvoyéeparlaMerde1’Unité—lesseptmersseraientles

captivesdecettegoutte.Si une poignée de terre devient Son messager, Ses cieux courberont

leurstêtesdevantSaterre.Lorsquelaterred’Adamdevintl’envoyéedeDieu,lesangesdeDieuse

prosternèrentdevantSaterre.

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Pourquoi donc, dis-moi, le ciel a-t-il été fendu44 ? A cause d’un œilspirituelqu’unecréatureterrestreouvrit.La terre, en raison de sa texture grossière, s’établit sous l’eau ;mais

voiscommelaterres’esthâtéeau-delàdel’empyrée!Sachedoncque le caractère subtil de l’eaune provient pas de l’eau :

c’estseulementledonduCréateurgénéreux.S’il faitque l’airet le feusoientenun lieubas,etqu’il laisse l’épine

surpasserlarose,Il est Celui qui gouverne, etDieu crée ainsi ce qu’il veut45. Du sein

mêmedelasouffrance,Iltireleremède.1620 S’ilfaitquel’airetlefeusesituentenbasetqu’illesrendobscurs,

grossiersetlourds,Ets’ilfaitquelaterreetl’eausoientdansleshauteursetquelesentier

ducielsoitfranchiàpied,AlorsilestdevenucertainqueTuhonoresquiTuveux46:Dieuditàune

créatureterrestre:«Déploietesailes.»Alacréaturedefeu,Ildit:«Va,devienscommeIblîs:disparaissousla

Septièmeterreavectonimposture!«ÔAdamfaitdeterre,monteau-dessusdel’étoileSuhâ;ôIblîsfaitde

feu,vaaufonddelaterre.« Je ne suis pas les quatre tempéraments ou la cause première, Je

demeuretoujoursenuncontrôleabsolu.«Monactionn’estpascauséeetest indépendante ; J’ai lepouvoirde

prédétermination,Jen’aipasdecause,ôêtreinfirme.«JechangeMacoutumequandillefautet,aussi,Jeretirelapoussière

quileurvoilelesyeux.«Jedisàlamer:“Attention,soisrempliedefeu!”Jedisaufeu:“Va,

soisuneroseraie!”«Jedisàlamontagne:“Soislégèrecommelalaine!”Jedisauciel:

“Fends-toidevantlesyeux!”1630 «Jedis:“Ôsoleil,conjoins-toiàlalune!”Jelesrendstousdeux

commedeuxnuagesnoirs.« Nous desséchons la source du soleil ; par Notre art, Nous

transformonsenmusclafontainedesang.»Lesoleiletlaluneserontcommedeuxbœufsnoirs:Dieuattacheraun

jougsurleurscous.

Page 491: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentunphilosophetémoignadel’incrédulitélorsdelarécitation(dutexteqoranique)Sil’eaudont

vousdisposezétaitabsorbéeparlaterre46bis

nmaîtrederécitationduQor’ânétaitentraindeliredansleLivresi l’eaudontvousdisposezétaitabsorbéepar la terre,c’est-à-dire,«siJ’empêchel’eaudeparvenirjusqu’àlasource,«SiJecachel’eaudanslesprofondeursetrendslessourcestariesetun

lieudesécheresse,«Quiamèneraànouveaul’eauàlasource,exceptéMoiquin’aipoint

depareil,leMiséricordieux,leGlorieux?»Un misérable philosophe et logicien passait près de l’école à ce

moment.Quandilentenditceverset,ilditavecdésapprobation:«Nousamenons

l’eauavecunepioche;«Avecdescoupsdebêcheetunpicacéré,nousfaisonsvenirl’eaud’en

bas.»Lanuit,ils’endormitetvitunhommevaleureuxquiluidonnauncoup

surlevisageetaveuglasesdeuxyeux,1640 Etluidit:«Ômisérable,situdislavérité,apporteaumoyend’unpic

lalumièredecesdeuxsourcesdevision.»Lejourvenu,ilseleva,ettrouvaquesesdeuxyeuxétaientaveugles;la

lumièredébordanteavaitdisparudesesdeuxyeux.S’il s’était lamenté et avait imploré son pardon, la lumière disparue

seraitreparue,parlagénérositédeDieu;Mais le pouvoir de demander pardon n’est pas non plus entre nos

mains ; la saveur du repentir n’est pas la friandise de n’importe quelivrogne.La laideur de ses actions et le caractère néfaste de sa négation (de la

vérité)avaientfermél’accèsdesoncœuraurepentir.Son cœur devint aussi dur que la paroi d’un rocher ; comment le

repentirpourrait-illefendrepourysemer?QuiestsemblableàShu’ayb*,queparlaprièreilpuisserendrelesolde

lamontagneprêtàrecevoirlessemailles?Par la supplicationet la foidecetAmi (Abraham),cequiétaitduret

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impossibledevintpossible.Ou, lorsque les Muqawqis supplièrent le Prophète, un sol pierreux

devintunrichechampdeblé.Aucontraire, l’incroyanced’unhommetransformel’orencuivreet la

paixenguerre.1650 Cettefaussetéentraîneunemauvaisetransformation:ellechangeune

terrelabourableenpierresetencailloux.Iln’estpasnonplusaccordéàchaquecœurdeseprosternerenprière:

lesgagesdelamiséricordedivinenesontpasallouésàchaqueserviteur.Prendsgarde!Necommetspasdescrimesetdespéchésentedisant:

«JemerepentiraietchercherairefugeenDieu.»Pour une vraie repentance, il faut la chaleur (du cœur) et l’eau des

larmes ; ces éclairs et ces nuages sont la condition indispensable durepentir.Il faut le feu et l’eaupourquemûrisse le fruit ; lesnuages et l’éclair

sontnécessairespourquecelaseréalise.Avantl’éclairducœuretlesnuagesdepluiedesdeuxyeux,commentle

feudelamenaceetducourrouxdivinsserait-ilapaisé?Comment poussera la verdure du désir de l’union ? Comment les

sourcesd’eaulimpidejailliront-elles?Comment les parterres de roses diront-ils leur secret au jardin ?

Commentlaviolettefera-t-elleunpacteaveclejasmin?Commentleplataneouvrira-t-ilsesmainspourlaprière?Commentun

arbresesecouera-t-illatêteenl’air?Comment les floraisons secoueront-elles leurs manches pleines de

largessesautempsduprintemps?1660 Commentlesjouesdestulipesseront-ellesenflamméescommelesang?

Commentlarosetirera-t-elledel’ordesonescarcelle?Comment le rossignol viendra-t-il respirer la rose ? Comment la

tourterelledira-t-elle«Kou,kou»commeceluiquicherche?Comment la cigogne poussera-t-elle de toute son âme le cri « lak,

lak » ? Que signifie lak ? « A toi est le royaume, ô Toi dont nousimploronssecours.»Comment la terrefera-t-elleapparaître lessecretsdesonesprit leplus

intime?Commentlejardindeviendra-t-ilaussiéclatantqueleciel?D’oùont-ilscherchécesornements?IlslesonttoustirésdeCeluiqui

estGénéreuxetMiséricordieux.Cesgrâcessontlesigned’unTémoin;ellessontlesempreintesdespas

d’unhommeconsacréauservicedeDieu.

Page 493: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

NulautrequeceluiquiavuleRoin’estréjouiparlesigne;quandonnel’apasvu,onnelereconnaîtpas.L’esprit de celui qui au temps de l’Alast* a vu son Seigneur et est

devenuhorsdelui-mêmeetenivré,Celui-là connaît le parfumdu vin parce qu’il en a bu jadis ; quand il

n’enapasbu,ilnepeutreconnaîtresonodeur.CarlaSagesseestcommeunchameauégaré:elleconduitceuxquila

trouventetlareconnaissentenprésencedesrois.1670 Tucontemplesenrêveunepersonneauvisageagréable,quitedonne

unepromesseetunsignequetondésirseréalisera;voicilesigne:telleoutellepersonneterencontrerademain.Unsigneestqu’ilseraàcheval;unsigneestqu’ilteserreracontreson

sein;Unsigneestqu’iltesourira;unsigneestqu’ilcroiseralesmainsenta

présence;Unsigneestque, lorsqueviendra lematin, tune raconteras ce rêveà

quiconque,bienquetuenaiesledésir.Aproposdecesigne,DieuditaupèredeYahyâ(Jean-Baptiste):«Tu

necommenceraspasàparleravanttroisjours.«Pendanttroisnuits,gardelesilencequantàcequit’arrivedebienou

demal:ceseralàlesignequeYahyâviendraàtoi(naîtra).«Duranttroisjournées,nesoufflemot,carcesilenceseralesigneque

tonbutestréalisé.« Prends garde ! Ne parle pas de ce signe et conserve cette affaire

cachéedanstoncœur.»Lapersonne(vueparlerêveur)luidiradoucementcessignes.Quesont

cessignes?Ilendévoileracentautres.1680 VoiciquelestlesignequetuobtiendrasdeDieuleroyaumeetle

pouvoirqueturecherches:Quetupleurescontinuellementpendantleslonguesnuits,etquetusois

toujoursardentdanstessupplicationsàl’aube;Que,dansl’absencedecequetucherches,tonjoursoitdevenusombre

ettoncoumincecommeunroseau;Quetuaiesdonnéenaumônestoutcequetupossèdes,desortequetes

bienssoient(dépensés)commelesaumônesdeceuxquidilapidenttoutcequ’ilsont;Quetuaiesrenoncéàcequi t’appartient,à tonsommeil,auxcouleurs

detonvisage,quetuaiessacrifié tavieetsoisdevenumincecommeuncheveu;

Page 494: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Quetutesoisassis—combiendefois!—danslefeu,commeleboisd’aloès;quetusoisallé—combiendefois!—àlarencontredel’épée,commel’armure.Cent mille actions d’impuissance de cette sorte sont habituelles aux

amoureuxdeDieu;ellessontinnombrables.Aprèsque tu as eu ce songependant la nuit, le jour se lève ; grâce à

l’espoirquetuasreçu,tonjourdevienttriomphant.Tutournestesyeuxàdroiteetàgauche,tedemandantoùsontcesigne

etcesindices.Tutremblescommeunefeuille,disant :«Hélas,si le joursepasseet

quelesignen’arrivepoint!»1690 Tucoursdanslarue,lemarché,lesmaisons,commequelqu’unquia

perduunveau.On demande : « Sont-ce de bonnes nouvelles, messire ? Pourquoi

courez-vousçàetlà?Qu’avez-vousperduicidecequivousappartient?»« Ce sont de bonnes nouvelles, dis-tu, mais personne ne peut les

connaître,saufmoi-même.«Sijeleraconte,j’auraiperdumonsigne,etquandlesigneestperdu,

l’heuredelamortestarrivée.»Turegardesd’unairinquisiteurlevisagedechaquecavalier.Iltedit:

«Nemeregardepascommeunfou.»Tu lui dis : « J’ai perdu un ami ; je me suis mis en route pour le

chercher.«Puisse ta fortune êtredurable, ô cavalier.Aiepitiédes amoureuxet

excuse-les.»Quandtuaseffectuédesrecherchessérieusement—leseffortsfervents

ne subissent pas d’échec ; telle est la tradition qui nous est venue (duProphète)—Soudain arrive un cavalier béni ; alors, il te serre étroitement sur sa

poitrine.Tu deviens hors de toi-même et tombes sur le sol ; l’ignorant dit :

«C’estdelafraudeetdel’hypocrisie.»1700 Commentvoit-ilquelleestcetteferveurencetautre?Ilnesaitpaspour

quicelaestlesignedel’union.Cesignen’existevéritablementquepourceluiquiavu;commentpour

unautrecesignesemanifesterait-il?Achaqueinstantqu’unsigneparvientdeLuiàl’âmedecettepersonne,

unenouvelleâmeluiparvient.L’eau est arrivée au poisson misérable ; ces signes sont ceux de la

Page 495: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

parole:VoicilesVersetsduLivre47.C’est pourquoi les signes qui se trouvent chez les prophètes ne sont

connusqueparceluiquiestunfamilier(deDieu).Cediscoursdemeureimparfaitettroublé;jen’aipaslecœur(àparler);

jesuishorsdemoi;excuse-moi.Comment quelqu’un peut-il dénombrer les atomes, surtout celui dont

l’espritaététransportéparl’amour?Puis-jecompterlesfeuillesdujardin?Puis-jedénombrerlescrisdela

perdrixetducorbeau?Onnepeut lescompter,mais je lesénumèrepourguiderceluiquiest

misàl’épreuve.La sinistre influence de Saturne et l’influence favorable de Jupiter ne

peuvententrerencompte,bienquetupuisseslesénumérer;1710 Pourtant,certainsdeseffetsdecesdeux-làdoiventêtreexpliqués—

c’est-à-direbienfaitsetméfaits—Afin qu’une petite partie des effets duDécret divin soient connus de

ceuxquiontunsortfavorableetdeceuxquiontunemauvaiseétoile.Celuidontl’ascendantestJupiterjouiradevivacitéetd’excellence;Et ilseranécessaireàceluiquiaSaturneenascendantdeprendredes

précautionsdanssesaffaires.SijeparlaisàceluidontlaplanèteestSaturnedufeudecetautre,mes

parolestourmenteraientcepauvrehomme.NotreRoiadonnéunepermission,disant :«CommémorezAllah.» Il

nousavusdanslefeuetnousaoctroyélalumière.Iladit:«BienquejetranscendevotrecommémorationdeMoi,etbien

quelespenséesdescriptivesneMeconviennentpas,«Cependant,celuiquiestenivréd’imaginationnesaisira jamaisMon

Essencesansl’aidedelacomparaison.»La commémoration corporelle est une image imparfaite ; les attributs

royauxsontloindeceschoses.Siquelqu’unditd’unroi:«Iln’estpasuntisserand»,qu’est-ceque

cetéloge?Sûrementcelui-cin’estqu’unignorant.

* Prophète de l’Ancien Testament (parfois identifiÉ à Jethro) dont les prièresauraienttransformÉdesrochersenterrefertile.*Allusionauversetqoranique (VII,172) rappelant lePacteprimordialconcluentreDieuetϊhumanitÉ.

Page 496: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentMoïse(surluilapaix)futoffenséparlaprièreduberger

1720 oïsevitenrouteunberger,quidisait:«ÔDieuquichoisisquiTuveux,«Quies-Tu,quejepuissedevenirTonserviteur,etcoudreTessandales

etpeignerTescheveux?«QuejepuisselaverTesvêtements,ettuerTavermineetT’apporterdu

lait,OmonAdoré;«Que jepuissebaiserTapetitemainet frotterTespetitspieds,et,au

momentducoucher,balayerTapetitechambre,«ÔToi à qui toutesmes chèvres sont offertes en sacrifice ; ôToi en

souvenirdequisonttousmesgémissements!»Le berger disait de cette façon des paroles insensées. Moïse dit :

«Homme,àquiparles-tu?»Ilrépondit:«ACelui-làquinousacréés,parquicetteterreetceciel

ontétérendusvisibles.»«Prendsgarde!ditMoïse.Tuesdevenutoutàfaitpervers;enréalité,

tun’espasdevenuunmusulman,tuesdevenuunimpie.«Qu’est-cequecessottises?Qu’est-cequecetteimpiétéetcettefolie?

Mets-toiducotondanslabouche!« La puanteur de ton blasphème a rendu lemonde entier puant ; ton

impiétéamisenhaillonslarobedesoiedelareligion.1730 «Dessouliersetdesbassontbienpourtoi,maiscommentdetelles

chosesconviendraient-ellesàunSoleil?«Situnecessespasdeprononcerdetellesparoles,unfeuviendrapour

brûlerlesgens.«Siunfeun’estpasvenu,qu’estcettefumée?Pourquoitonâmeest-

elledevenuenoireettonespritrepousséparDieu?«SitusaisqueDieuestleJuge,commentcetteconversationstupideet

cettefamiliaritépourraient-ellesêtrejustespourtoi?«Envérité, l’amitiéd’unimbécileest inimitié: legrandDieun’apas

besoind’untelservice.«Aquiparles-tuainsi?Atesonclespaternelsetmaternels?Lecorpset

sesbesoinssont-ilsparmilesattributsduSeigneurdemajesté?«Seul celui qui sedéveloppe et grandit boit du lait ; seul celui qui a

besoindepiedsmetdessouliers.

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«Etsi tesparolesconcernentSonserviteur,celuidontDieuadit :“IlestMoietJesuislui”;«Celui dontDieu a dit : “En vérité, J’étaismalade et tu neM’aspas

rendu visite” ; c’est-à-dire : “Je suis devenu malade, non pas luiseulement”;«Pour“celuiquiestdevenuvoyantparMoietquientendparMoi”—

tesparolessontinsenséesmêmeencequiconcerneceserviteur.1740 «Parlersansrespectàl’éludeDieufaitpérirl’espritetrendlapage

noire.« Si tu appelles un homme “Fâtima”— bien que les hommes et les

femmessoienttousd’uneseuleespèce—« Il cherchera à te tuer, si cela lui est possible, bien qu’il ait bon

caractère,qu’ilsoitpatientetcalme.«LenomdeFâtimaestuncomplimentpourlesfemmes,maissivous

l’employezàl’égardd’unhomme,c’estcommelecoupd’unelance.« La main et le pied sont des mots de louanges en ce qui nous

concerne;parrapportàlasaintetédeDieu,ilssontimpurs.«Iln’apasengendréetIIn’estpasengendré48Luiconvient:Ilestle

CréateurdeCeluiquiengendreetdeceluiquiestengendré.«Lanaissanceestl’attributdetoutcequiestcorporel;toutcequiest

néestdececôtédelarivière,« Parce qu’il appartient au monde du devenir et du déclin et est

méprisable ; cela a une origine et certainement nécessiteQuelqu’un quisoitsonorigine»Lebergerdit:«ÔMoïse,tum’asfermélabouche,ettuasbrûlémon

âmederepentir.»Il déchira ses vêtements, poussa un soupir, se tourna précipitamment

versledésert,ets’enalla.

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CommentleDieuTrès-HautfitdesreprochesàMoïse(surluilapaixjà

causeduberger

1750 nerévélationvintàMoïsedelapartdeDieu:«TuasséparémonserviteurdeMoi.«Es-tuvenupourunir,oubienes-tuvenupourdiviser?«Autantquetulepeux,nefaispasunpasverslaséparation;detoutes

leschoses,laplusdétestableàMesyeuxestledivorce*.«J’aioctroyéàchacununefaçond’agir;j’aidonnéàchacununeforme

d’expression.« En ce qui le concerne, c’est digne de louanges et en ce qui te

concerne,celamériteleblâme;quantàlui,c’estdumiel,etquantàtoidupoison.«Jesuisindépendantdetoutepuretéetimpureté,detouteparesseetde

toutediligence(dansleculte).«Jenel’aipasordonnépourentirerprofit,non,maisafind’accorder

unbienfaitàMesserviteurs.«PourlesIndiens,lalanguedel’Indeestdignedelouanges;pourles

gensduSind,lalangueduSind.« Je ne suis pas sanctifié par leur glorification ; ce sont eux qui

deviennentsanctifiésetpurs.« Je ne regarde pas la langue et la parole, je regarde l’esprit et la

disposition.1760 «Jeregardedanslecœurpourvoirs’ilestvil,bienquelesparoles

prononcéespuissentnepasêtreviles,« Car le cœur est l’essence, la parole n’est que l’accident ; aussi

l’accidentest-ilaccessoire,l’essenceestcequicompte.« Combien encore de ces phrases, de ces idées, de cesmétaphores ?

C’estlabrûlurequejedésire,labrûlure!Deviensl’amidecettebrûlure!«Allumedanstonâmelefeudel’amour,détruisparlefeulapenséeet

l’expression.«ÔMoïse,ceuxquiconnaissentlesconventionssontd’unesorte,ceux

dontlesâmesetlesespritsbrûlentsontd’uneautresorte.»Pour les amoureux, la flamme existe à chaque instant : l’impôt et la

dîmenesontpaspourlevillageenruine.Si l’amoureux parle de façon fautive, ne l’appelle pas fautif ; et s’il

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baignedanssonsang,nelavepaslesmartyrs.Pour les martyrs, le sang est préférable à l’eau ; cette faute était

préférableàcentœuvrespies.A l’intérieur de la Ka’ba, il n’est pas d’orientation vers la qibla ;

qu’importesileplongeurnepossèdepasdebottes?Necherchepasladirectionchezceuxquisontivres;pourquoiordonner

àceuxdontleshabitssontenmorceauxdelesraccommoder?1770 Lareligiondel’amourestdifférentedetouteslesreligions;pourles

amoureux,lareligionetlafoi,c’estDieu.Si lerubisnecomportepasdesceau,peu importe ; l’amour,dansune

merdechagrins,n’estpointchagriné.

*Hadîth.

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CommentlarévélationdivinevintàMoïse(surluilapaix)pourexcuser

ceberger

près cela, Dieu mit au tréfonds du cœur deMoïse des mystèresdontonnepeutparler.Des paroles furent déversées sur son cœur : vision et paroles étaient

mélangées.Combiendefoisdevint-ilhorsdelui-mêmeetcombiendefoisrevint-il

àlui-même!Combiendefoiss’envola-t-ildel’éternitéàlapérennité!Si je racontais tout cela après lui, ce serait folie de ma part, car

l’explicationenestau-delàdenotrecompréhension;Et si j’en parlais, cela déracinerait les esprits des hommes ; et si

j’écrivaisàcesujet,celabriseraitbiendesplumes.QuandMoïseentenditcesreprochesdelapartdeDieu,ilcourutdansle

désertàlarechercheduberger.Ils’avançasurlestracesdepasdecethommebouleversé,ilfitselever

lapoussièredudésert.Lepasd’unhommeaffoléest,envérité,distinctdespasdesautres;

1780 Aunpas,ilsemeutcommelatourtoutdroitduhautenbas(del’échiquier);àunpasilsedirigedetraverscommelefou;Tantôtlevantsacrêtecommeunevague;tantôtrampantsursonventre

commeunpoisson;Tantôt écrivant la description de son état sur la poussière, comme un

géomancienquitireunaugureendessinantdeslignessurlesable.Enfin,Moïseleretrouvaet l’aperçut ; leporteurdebonnesparoles lui

dit:«LapermissionestvenuedelapartdeDieu.«Ne recherche aucune règleniméthoded’adoration ; dis tout ceque

toncœuraffligédésire.«Tonblasphèmeestlavéritablereligion,ettareligionestlalumièrede

l’esprit:tuessauvé,etgrâceàtoiunmondetoutentierestsauvé.«ÔtoiquiesensécuritégrâceàDieufaitcequ’ilveut,va,parleàcœur

ouvert,sanst’inquiéterdecequetudis.»Ildit:«ÔMoïse,jesuispasséau-delàdecela:jesuisàprésentbaigné

danslesangdemoncœur.«Jesuispasséau-delàdujujubierdelalimite49,j’aifaitunvoyagede

centmilleansdel’autrecôté.

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«Tu as brandi le fouet, etmon cheval a fait un écart, a bondi, et estpasséau-delàduciel.

1790 «PuisselaNaturedivinedevenirintimeavecmanaturehumaine—quelesbénédictionssoientsurtamainettonbras!«Aprésent,mon état est au-delà de ceque j’enpuis dire : ce que je

décrisn’estpasmonvéritableétat.»Tuaperçoistonimagequiestdanslemiroir;c’esttapropreimage,non

l’imagedumiroir.Lesoufflequelejoueurdeney(flûte)metdansleneyappartient-ilau

ney?Non,ilappartientàl’homme.Prends garde, prends garde ! Que tu prononces des louanges ou des

actionsdegrâce, sacheque c’est pareil auxparoles inconvenantesde ceberger.Bien que ta louange soit meilleure, en comparaison, cependant par

rapportàDieu,elleaussiestinfirme.Combien de fois dis-tu, quand le voile a été levé : « Ce n’était pas

commeonlecroyait.»CetteacceptationparDieudetalouangevientdeSamiséricorde;c’est

comme lapermissionqu’il accordedans le casdesprièresd’une femmesouffrantd’hémorragie.Sesprièressontsouilléesdesang;talouangeestentachéedetashbih*

etdequalification.Le sang est sale, mais il s’en va avec de l’eau ; mais l’intime de

l’hommeadesimpuretés1800 Qui,saufparl’eaudelagrâceduCréateur,nesontpasretiréesducœur

del’hommequicommetdesactions.Puisses-tu dans ta prosternation tourner ton visage et comprendre le

sensprofondde«GloireàmonSeigneur!»Disant:«Oh,maprosternationcommemonexistencesontindignes(de

Toi):accorde-moi,Toi,lebienenéchangedumal!»Cette terre porte l’empreinte de la clémence de Dieu, en ce qu’elle

reçoitl’ordureetproduitdesfleurs;Encequ’ellerecouvrenosimpuretés,etquedesbourgeonscroissentà

leurplace.C’est pourquoi, lorsque l’impie a vu qu’il était dans ses dons et ses

largessesmoindreetpluspauvrequelaterre,Que des fleurs et des fruits ne poussaient pas de son être, et qu’il ne

cherchaitriend’autrequelacorruptiondetouteslespuretés,Ildit:«Jesuisalléàreculonsdansmontrajet.Hélas!Quenesuis-je

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encoredelaterre!«Puissé-jen’avoirpaschoisidevoyageràpartirdelaterreet,comme

unemottedeterre,avoirpurecueillirdessemences!«Quand je voyageais, laVoiememit à l’épreuve : quel présent ai-je

rapportédecevoyage?»1810 C’estàcausedecetteinclinationqu’ilapourlaterrequ’ilnevoit

devantluiaucunprofitdanslevoyage.Le fait qu’il tourne sonvisage en arrière est ce désir et cette cupidité

qu’ila;tournersonvisageverslaVoieestlasincéritéetlasupplication.Chaqueherbequitendàs’éleververslehautestentraindes’accroître,

devivre,degrandir;Quandelletournesatêteverslesol,elleestentraindedécroître,dese

dessécher,desefaner,dedépérir.Quandlatendancedetonespritestversleshauteurs, tuesentrainde

croître,etc’estlàlelieuoùturetourneras,Maissituesàl’envers,latêteverslaterre,tuesquelqu’unquisombre:

Dieun’aimepasceuxquisombrent.

*Anthropomorphisme.

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CommentMoïse(surluilapaix)demandaauDieuTrès-Hautquel

estlesecretdelavictoiredestyrans

oïse dit : «Ô généreuxDispensateur, ô Toi dont unmoment decommémorationvautunelonguevie,«J’aivu l’imagedéforméedans l’eauet l’argile,etcomme lesanges,

moncœurafaituneobjection,«Quantàlaraisondefabriqueruneimageetd’yinsérerlasemencede

lacorruption.«Allumerlefeudel’iniquitéetdelacorruption,brûlerlamosquéeet

ceuxquiseprosternentenprières;1820 «Fairebouillonnerlasourcedelarmesdesangdanslebutderecevoir

dessupplications,«J’ailacertitudequec’estlàl’essencedelasagesse(deTapart),mais

monbutestdeconnaîtreparlavueeffectiveetlavision.« Cette certitude que j’aime dit : “Garde le silence” ; le désir de la

visionmedit:“Mets-toienmouvement.”« Tu as montré Ton secret aux anges, à savoir qu’un tel miel vaut

l’aiguillon;« Tu as dévoilé la lumière d’Adam de façonmanifeste aux anges, et

touteslesdifficultésétaientexpliquées.« Ta Résurrection déclare ce qu’est le secret de la mort ; les fruits

déclarentcequ’estlesecretdesfeuilles.»Lesecretdusangetdelasemenceestl’excellencedel’homme;après

tout,l’inférioritévientavantchaquesupériorité.(L’enfant)ignorantlaved’abordsatabletteavantd’yinscriredeslettres.Ainsi,Dieutransformelecœurensangetenlarmespitoyables,etpuis

ilgravesurluilesmystèresspirituels.Au moment de laver la tablette du cœur, il faut savoir qu’il sera

transforméenunlivre(demystères).1830 Quandonposelesfondationsd’unemaison,oncreused’abordpour

trouverlafondationantérieure;On va d’abord chercher l’argile dans les profondeurs de la terre pour

pouvoiràlafintirerdel’eauvive.Lesenfantspleurentamèrementquandonleurfaitunesaignée,car ils

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neconnaissentpaslesecretdel’affaire;Maisunhomme,enfait,donnedel’oràceluiquipratiquelasaignéeet

chéritlalancettequiboitlesang.Leporteurseprécipiteverslelourdfardeau:ilarrachelefardeauaux

autres.Regardecommelesporteurssebattentpourlefardeau!Telestl’effort

deceluiquiperçoitlavéritédeschoses,Étantdonnéque les charges sont le fondementde l’aisanceetque les

chosesamères,ellesaussi,sontleshérautsdelajoie.Le Paradis est entouré des choses qui nous déplaisent ; les feux de

l’Enfersontentourésdenosdésirs.La semence de la substance de votre feu (du supplice) est le frais

rameaududésir;maisceluiquiestbrûléparlefeu(durenoncement)estlecompagnonduKawthar*.

1840 Quiconqueestlecompagnondel’afflictionenprison—c’estlarétributiond’unebouchée(illicite)etd’undésir.Quiconqueestlecompagnond’unehautesituationdansunpalais,c’est

larécompensedequelquechampdebatailleetdeduresépreuves.Quiconquetuasvusansrivalquantauxrichessesd’oretd’argent,sache

qu’ilaétépatientenlesgagnant.Lorsquel’œilspirituelestdevenuperçant,onvoitsanscauses.Toiqui

esesclavedelaperceptionsensorielle,faisattentionauxcauses!Celuidontl’espritestau-delàdespropriétésnaturelles,àluiappartient

lapositiondepouvoirbriserlachaînedescauses.L’œil spirituel voit la source desmiracles des prophètes comme étant

sanscause,noncommejaillissantdel’eauetdel’herbage.Cescausessontreliéescommelemédecinetlemalade:cescausessont

commelalampeetlamèche.Enroule unemèche neuve pour ta lampe nocturne,mais sache que la

lampedusoleiltranscendeceschoses.Vapréparerduplâtrepourletoitdetamaison,maissachequeletoitdu

cieln’estpassaliparduplâtre.Hélas,aprèsquenotreBien-Aiméadétruitnotrepeine, le tempsdela

nuit,seulaveclui,estpasséetdevenulejour!Sauflanuit,iln’yapasdedévoilementdelalune:saufparladouleur

ducœur,necherchepasledésirdetoncœur.1850 AbandonnantJésus,tuasnourril’âne:inévitablement,commel’âne,tu

esendehorsduvoile.LaconnaissanceetlagnosesontlepatrimoinedeJésus;ilsnesontpas

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lepatrimoinedel’âne,ôtoiânestupide!Tuécouteslegémissementdel’âne,ettuéprouvesdelapitié:tunesais

pasquel’ânet’ordonnededevenirstupidecommelui.AiepitiédeJésus,etnondel’âne:nefaispasquetanaturecharnelle

dominetonintellect.Laisse la nature charnelle pleurer douloureusement et amèrement :

emprunte-luidequoipayerladettedel’âmerationnelle.Durantdesannées,tuasétél’esclavedel’âne.Celasuffît,carl’esclave

del’âneestmêmederrièrel’âne.CequevoulaitdésignerleProphètepar«placeles(femmes)derrière»,

c’est ton âme charnelle ; car elle doit être en dernier et ton intellect enpremier.Cet intellectvilestdevenudemêmetempéramentquel’âne:saseule

penséeestdesavoircommentseprocurerdufourrage.L’ânedeJésusapris le tempéramentde l’esprit rationnel : ilaprissa

demeureàlaplacedel’intelligent,ParcequeenJésusl’intellectdominait,etquel’âneétaitfaible-l’âneestrenduamaigriparuncavalierfort—,

1860 Tandisqu’àcausedelafaiblessedetonintellect,ôtoiquin’aspasplusdevaleurquel’âne,cetâneépuiséestdevenuundragon.SiparJésus(leMaîtrespirituel)toncœurestdevenumalade,cependant

lasantévientaussidelui:nelequittepas.Qu’en est-il de toi en ce qui concerne l’affliction, ô toi Jésus qui

possèdes le souffle guérisseur de Jésus ?Car il n’y a jamais eu dans lemondeuntrésorsansunserpent.Comment es-tu, Jésus, à la vue des Juifs ?Comment es-tu, Joseph, à

l’égarddel’intrigantenvieux?Nuitetjour,paramourdecepeuplestupide,commelanuitetlejour,tu

alimenteslavie.Hélas ! pour ces gens pleins de bile et sans excellence ! Quel bien

provient-ildelabile?Lemaldetête.Fais lamême chose que fait le soleil de l’Orient avec l’hypocrisie, la

ruse,lamalhonnêtetéetladissimulation.Tuesdumiel,etnoussommeslevinaigredanslesaffairesdecemonde

etdanslareligion:lemoyend’enleverlabileestl’oxymel.Nous, lesgensquisouffronsdecoliques,avonsajoutédeplusenplus

devinaigre;ajoutedeplusenplusdemiel,neretirepastagénérosité.C’était normal pour nous ; de telles actions sont venues de nous

(naturellement):Qu’est-cequiestaugmentéparlesabledanslesyeux?

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Lacécité.1870 Maisilestnormalquepartoi,ôprécieuxcollyre,chaquevaurien

obtiennedetoiquelquechose.Toncœurestbrûlépar le feudeceshommes injustes,cependant, tout

tonappelversDieuaété«Guidemonpeuple»!Tuesuneminedeboisd’aloès:s’ilsymettentlefeu,ilsremplirontle

monded’essencederosesetdedouxbasilic.Tun’espasceboisd’aloèsquiestdiminuéparlefeu:tun’espascet

espritquiestemprisonnéparlechagrin.Le bois d’aloès brûle, mais la mine de bois d’aloès est bien loin de

brûler : comment levent (desparolesmauvaises) attaquerait-il la sourcedelalumière(spirituelle)?Oh, c’est de toi que les cieux tirent leur pureté ; oh, ta dureté est

meilleurequelatendresse,Car si laduretéprovientdu sage, ellevautmieuxque la tendressede

l’ignorant.LeProphèteadit:«L’inimitiéprovenantdelasagessevautmieuxque

l’amourquivientd’unimbécile.»

*FleuveduParadis.

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Commentunémirharcelaunhommeendormidanslaboucheduquelétaitentréunserpent

n homme sage chevauchait au moment où un serpent pénétraitdanslabouched’unhommeendormi.Lecavaliervitcelaetsehâtapourfairefuirleserpent,maisiln’eutpas

lapossibilitédelefaire.1880 Étantdonnéqu’ilétaitdouéd’unevasteintelligence,ildonnaau

dormeurplusieursgrandscoupsavecunemassue.Les coupsde la duremassue le firent s’enfuir loindu cavalier jusque

sousunarbre.Ilyavaitbeaucoupdepommespourriesquiétaienttombéesdel’arbre;

ildit:«Manges-en,ôtoiquiesenproieàlasouffrance!»Ildonnaàl’hommetantdepommesàmangerqu’ellesretombaientde

sabouche.Ilcriait:«Ôémir,jeteprie,pourquoim’attaques-tu?Quet’ai-jefait?«Situascontremoiungriefmorteletinvétéré,frappe-moidetonépée

etverseaussitôtmonsang.« De mauvais augure a été l’heure où je suis apparu à ta vue : oh,

heureuxceluiquin’ajamaisvutonvisage!«Sansfaute,sanspéché,sansavoirrienfaitd’infimeoud’important—

même les hérétiques ne considèrent pas une telle oppression commepermise.^ «Le sang jaillit demabouche enmême tempsquemesparoles.Ô

monDieu,jet’enprie,donne-luilarétributionqu’ilmérite!»Achaqueinstant, ilprononçaitunenouvellemalédiction,tandisquele

cavaliercontinuaitàlebattreendisant:«Coursdanscetteplaine.»1890 Lescoupsdemassueetlecavalierrapidecommelevent!Ilcontinua

doncàcourir,entombantdetempsentemps,lafacecontreterre.Il était rassasié, ensommeillé et fatigué : ses pieds et son visage se

couvrirentdecentmilleblessures.Jusqu’àlatombéedelanuit,lecavalierlefitcourirçàetlà,jusqu’àce

quedesvomissementscausésparlabiles’emparentdelui.Toutes les choses qu’il avaitmangées, bonnes oumauvaises, sortirent

delui:leserpentfutéjectéaveccequ’ilavaitmangé.Quandilvitleserpenthorsdelui-même,iltombaàgenouxdevantcet

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hommebénéfique.Dèsqu’il aperçut l’horreur de ce grandvilain serpent noir, ses peines

l’abandonnèrent.« En vérité, dit-il, tu es leGabriel de lamiséricorde divine, ou tu es

Dieu,cartuesleseigneurdelabonté.«Oh,béniesoitl’heureoùtum’asvu:j’étaismort,tum’asredonnéla

vie.« Tu me cherchais comme les mères recherchent leurs enfants ; je

m’enfuyaisloindetoicommelesânes.« L’âne s’enfuit loin de son maître à cause de sa nature d’âne ; son

propriétairecourtaprèsluiàcausedesabonté.1900 «Illecherche,nonpasenraisondelaperteouduprofit,maisafin

qu’unloupouuneautrebêtesauvagenelemettepasenpièces.«Oh,heureuxceluiquiaperçoittonvisageouquiarrivesoudainauprès

detademeure!«Ôtoiquelepurespritaloué,combiendeparolesvainesetstupidesne

t’ai-jepasadressées!«Ôseigneur, empereur, émir, cen’estpasmoiquiaiparlé : c’estma

foliequiaparlé;nem’enpunispas.« Si j’avais connu quelque chose à cette affaire, comment aurais- je

prononcédesparolesstupides?«J’auraisprononcébeaucoupdelouangesdetoi,ôhommeauxbonnes

qualités,situm’avaisdonnélamoindreidéedecequ’ilenétait;«Mais toi, gardant le silence, tumontrais du trouble et continuais en

silenceàmebattresurlatête.«Matêtedevintenproieauvertige, jeperdismesesprits,surtoutque

cettetêten’aquepeudecervelle.«Pardon,ôhommedebonneapparenceetdebonneconduite:oubliece

quej’aiditenfurie.»Il répondit : « Si je t’en avais donné une idée, tu aurais eu une crise

cardiaque!1910 «Sijet’avaisdécritlescaractéristiquesduserpent,laterreurt’aurait

faitrendrel’âme.»Mustafâ(Mohammad)adit:«Sijedonnaisouvertementladescription

del’ennemiquiestdansvosâmes,«Lescœursdeshommescourageuxeux-mêmes sebriseraient.Un tel

hommen’iraitpassoncheminninesesoucieraitd’aucuntravail.« Il ne resterait non plus en son cœur ni de la persévérance dans la

supplication,nidanssoncorpsdeforcepourlejeûneetlaprièrerituelle.

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«Ildeviendraitbonàrien,commeunesourisdevantunchat;ilseraitaffolécommeunagneaudevantunloup.«Aucunpouvoir de faire des projets oudebouger nedemeurerait en

lui:c’estpourquoijevoussoignesansparler.«Jesuismuet,commeBûBakrRabâbî;jemanielefer,commeDavid,«Desortequeparmamaincequisemblaitimpossibleseréaliseetque

desailessoientrenduesàl’oiseaudontonaarrachélesplumes.«PuisqueexistelaParolelaMaindeDieuestposéesurleursmains50,

leDieuUnadéclaréquenotremainétaitSamain.«C’estpourquoilamienneestsûrementunelonguemainquiestpassée

au-delàduSeptièmeCiel.1920 «Mamainamanifestésarusesurleciel:ôenseignantduQor’ân,

récitelaluneaétéfendue.»Cettecaractéristique(dusilence)est,enoutre,enraisondelafaiblesse

des intelligences humaines : comment est-il possible d’expliquer auxfaibleslaToute-Puissancedivine?Tucomprendrassûrementquandtulèveraslatêtehorsdecesommeil.

C’estlafindemondiscours,etDieusaitmieuxcequiestvrai.«Si je t’avaisparléduserpent, tun’auraispaspumanger,nin’aurais

étécapabledevomiroutesoucierdelefaire.« J’ai entendu tes insulteset ai continuéceque je faisais ; je répétais

sanscesseàmi-voix:“ÔSeigneur,faciliteleschoses!”«Jen’avaispaslapermissiondeparlerdelacause,etiln’étaitpasen

monpouvoirdet’abandonner.«Acauseduchagrinenmoncœur, jedisaiscontinuellement:“Guide

monpeuple;envérité,ilsnesaventpas*.”»L’homme qui avait été délivré du malheur tombait sur les genoux,

disant:«Ôtoiquiesmajoie,ômabonnefortuneetmontrésor,«TurecevrasdesrécompensesdelapartdeDieu,ôhommenoble;le

pauvreêtrequejesuisn’apaslepouvoirdeteremercier.«Dieuteremerciera,ôguide; jen’aipasleslèvreset lavoixpourle

faire.»1930 Decettesorteestl’inimitiédessages:leurpoisonestlasatisfactionde

l’âme.L’amitié des sots est malheur et perdition : écoute cette histoire en

parabole.

* Parole du Prophète lors de la bataille deOhod.Blessé par un ennemi, il se

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contentadedemanderàDieudeguidersonpeuple.

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Surlaconfianceaccordéeauxcaressesetàlabonnefoidel’ours

ndragonattiraitunoursdanssagueule:unhommecourageuxallalesauver.Leshommesvaillants(saints)sontunsecourspourcemondequandle

gémissementdesoppriméslesatteint.De touscôtés, ilsentendent lescrisdesopprimésetcourentdans leur

direction,commelamiséricordedeDieu.Cesrempartscontrelesfaiblessesdumonde,cesmédecinsdesmaladies

cachéesSontpuramour,justiceetmiséricorde;commeDieu,ilssontsanstache

etincorruptibles.Siondemande:«Pourquoiluiapportes-tuaussitôtcetteaide?»Ildit:

«Acausedesonchagrinetdesonimpuissance.»La tendre bienveillance est devenue la proie du saint homme, car la

médecinenerechercheriendanslemondequelasouffrance(àguérir).Partoutoùsetrouveunesouffrance,leremèdes’yrend:partoutoùse

trouveunebasseterre,l’eauycoule.1940 Situdésiresl’eaudelamiséricorde,abaisse-toi,etensuiteboislevinde

lamiséricordeetdeviensivre.Miséricordesurmiséricordeviennentetmontentàlatête;nedescends

paspourrestersuruneseulemiséricorde,ômonfils!Apporte le ciel sous tes pieds, ô homme brave ! Ecoute d’au-delà du

firmamentlesondelamusiquecéleste!Sorsdetonoreillelecotondelasuggestionmauvaise,pourquelescris

venantducielpuissentpénétrerdanstonoreille.Retire de tes deux yeux le cheveu du défaut, afin que tu puisses

contemplerlejardinetlescyprèsdumondeinvisible.Rejetteleflegmedetoncerveauetdetonnez,pourqueleventdeDieu

entredanslescentresdetonsens(spirituel)del’odorat.Ne conserve en toi-même aucune trace de fièvre ni de bile, afin de

pouvoirobtenirdumondelegoûtdusucre.Remedium virilitatis adhibe neu virilitate carens cucurreris, pour

qu’unecentained’êtresbeauxsoientproduits.Arrache la chaîne, qui est le corps, du pied de ton âme, pour qu’elle

puissecourirautourdel’arène.

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Enlève les fers de l’avarice de tes mains et de ton cou : saisis unefortunenouvelledanslevieuxciel.

1950 Etsituenesincapable,envole-toiverslaKa’badelagrâcedivine:déposetonimpuissancedevantleSecoureur.La lamentation et les pleurs sont une ressource puissante ; la

Miséricordeuniverselleestlanourricelapluspuissante.Lanourrice,lamère,chercheunprétexte:elleattenddevoirquandson

enfantsemettraàpleurer.Dieuacréé l’enfant,c’est-à-dire tesbesoins,afinqu’ilgémisseetque

dulaitpuissealorsêtreproduitpourlui.Iladit:«InvoquezDieu51!»Neteretienspasdetelamenter,afínque

lelaitdeSatendressepuissecouler.Lehurlementduventetlapluietombantdunuagecommedulaitsont

pourprendresoindenous:aieunmomentdepatience!N’as-tupasentendule texteIIyadans leciel lesbiensquivoussont

destinés52?Pourquoies-turestéattachéàcetendroitvil?Considèrequetapeurettondésespoirsontlavoixdelagouleattirant

tonouïedansl’abîmedeladégradation.Chaqueappelquit’attireversleshauteurs,sachequecetappelestvenu

d’enhaut.Chaque appel qui excite en toi la cupidité — sache que c’est le

hurlementduloupquimetleshommesenpièces.1960 Cettehauteur(dontnousavonsparlé)n’estpashautequantàla

position:ces«hauteurs»serapportentàl’intelligenceetàl’esprit.Chaquecauseestplushautequel’effet:lesilexetlefer(d’oùesttiréle

feu)sontsupérieursauxétincelles.Telleoutellepersonneestenréalitéassiseau-dessusdecellequilèvela

tête avec tant d’arrogance, bien qu’en apparence elle soit assise à sescôtés.La supériorité de la place de cette personne est due à sa noblesse

(spirituelle);laplaceéloignéedelaplaced’honneur(spirituelle)esttenueenpiètreestime.Dans la mesure où la pierre et le fer ont la priorité dans l’action, la

supérioritédecesdeux-làestnormale;Maiscesétincelles,quisontlebutrecherché,sont,decepointdevue,

trèssupérieuresàlapierreetaufer.Lapierreetlefersontenpremier,etlesétincellesendernier;maisces

deuxsontlecorps,etlesétincelles,l’âme.

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Sicesétincellessontpostérieuresdansletemps,cependant,enqualité,ellessontplusélevéesquelapierreetlefer.La branche est antérieure au fruit dans le temps, mais le fruit est

supérieuràlabrancheenexcellence.Puisquelefruitestlacausefinaledel’arbre,ils’ensuitquelefruitest

enréalitépremier,etl’arbre,dernier.1970 Quandl’ourscriaqu’onlesecouredudragon,unhommecourageuxle

tiradesgriffesdudragon.Laruseetlecourages’entraidèrent:grâceàcetteforce,iltualedragon.Le dragon possède la force, mais non la ruse ; il y a aussi une ruse

supérieureàtaruse.Quandtuasconsidérétapropreruse,retournevoird’oùellevient:vaà

l’origine.Toutcequiestenbasestvenud’enhaut:allons,tournetonregardvers

leshauteurs.Regarder en haut octroie la lumière, bien qu’au début cela produise,

commeépreuve,unéblouissement.Accoutume ton œil à la lumière ; si tu n’es pas une chauve-souris,

regardedanscettedirection.La vision de la fin est signe que tu possèdes la lumière ; le désir du

momentestenvéritétatombe.L’homme ayant la vision de la fin, qui a vu des centaines d’artifices,

n’estpaspareilàceluiquiaseulemententenduparlerd’unseulartifice,Et qui a été si berné par ce seul artifice que dans son orgueil il est

devenudétachédesmaîtres.1980 CommeSâmirî*,quandilaperçuenlui-mêmecetteinfimeadresse,par

orgueilils’estrévoltécontreunMoïse.Ilaappriscettehabiletéd’unMoïseetensuiteafermélesyeuxenne

voyantplussonmaître.Moïse,naturellement,produisitunautreartifice,desortequ’ilbalayaà

lafoisl’artificedeSâmirîetsavie.Oh, combien de connaissance passe par la tête, incitant à devenir

éminent—envérité,parcetteconnaissance,onperdsatête.Situneveuxpasperdrelatête,soisabaissécommeunpied:soissous

laprotectionduqutb*quipossèdelediscernement.Même si tu es un roi, ne te considère pas comme au-dessus de lui :

mêmesituesdumiel,nerécolteriend’autrequesacanneàsucre.Tapenséeestlaformeextérieure,etsapenséeestl’âme;tamonnaieest

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fausse,etlasienneaussipurequelamine.Tues,enréalité, lui ;cherche-toi toi-mêmeenson«lui» :dis«kou,

kou»(où,où);deviensunecolombevolantverslui.Etsitunedésirespasservirlessaintshommes,tuesdanslagueuledu

dragon,commel’ours.Peut-êtreunMaîtretedélivrera-t-ilettesortira-t-ildudanger.

1990 Etsituessansforce,continueàtelamenter;puisquetuesaveugle,nedétournepaslatêtedeceluiquivoitlechemin.Tuespirequel’ours,cartunegémispasdedouleur.L’oursfutlibéréde

lasouffrancequandilsemitàcrier.ÔmonDieu,rendsnoscœursdepierreaussi tendresquelacire ; fais

quenotreplainteTesoitdouceetl’objetdeTamiséricorde!

*Magicien,fabricantduveaud’or.*Lesaintduplushautrang(pôle),icilesheikh.

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Commentunmendiantaveugledit:«J’aideuxcécités»

1yavaitunaveuglequiavaitcoutumededire:«Pitié!j’aideuxcécités,ôhommesdecetemps.« Donc, écoutez, témoignez-moi deux fois plus de compassion, étant

donnéquej’aideuxcécitésetquejevisavecelles.»Quelqu’undit:«Nousvoyonsunecécitéentoi:quellepeutêtrel’autre

cécité?Explique-toi.»Il répondit : « J’ai une vilaine voix et des accents désagréables : la

laideurdelavoixetlacécitésontunedoublecécité.«Monvilaincridevientunesourced’agacement:l’amourdesgensest

diminuéparmoncri.« Où que ma vilaine voix aille, elle devient une source de colère,

d’agacementetdehaine.«Doublezvotrecompassionpourcesdeuxcécités:faitesqueceluiqui

estsipeucontenudansvoscœursysoitcontenu.»2000 Lalaideurdesavoixfutdiminuéeparcetteplainte:lesgensfurent

unanimesàluitémoignerdelapitié.Lorsqu’ileutrévélésonsecret,savoixfutrenduebelleparlagrâcede

lavoixdesoncœur;Maispourceluidontlavoixducœur,elleaussi,estmauvaise—pour

lui,cestroiscécitéslebannissentéventuellement(delafaveurdivine);Cependant,ilsepeutquelessaints,quidonnentsanscause,posentune

maindebénédictionsursavilainetête.Puisquelavoixdel’aveugleétaitdevenuedouceetpitoyable,lescœurs

des hommes au cœur de pierre furent rendus par elle tendres comme lacire.Étantdonnéque la lamentationde l’impie est laide et semblable àun

braiment,ellenereçoitpasderéponsefavorable.Nemeparlezpas53!aétérévélé(dansleQor’ân)contrel’infidèleàla

vilainevoix,carilétaitivredusangdesgens,commeunchien.Étantdonnéque legémissementde l’ours attire la compassion, tandis

quetalamentationn’estpasainsi,maisestdéplaisante,Sachequetuasagicommeunloupàl’égardd’unJoseph,ouquetuas

bulesangd’uninnocent.Repens-toi,etvide-toidecequetuasbu;etsitaplaieestancienne,va

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etcautérise-la.

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Continuationdel’histoiredel’oursetdusotquiavaiteuconfianceen

sabonnefoi

’ours,luiaussi,quandilfutdélivrédudragonetfutl’objetdetantdebienveillancedelapartdecebravehomme,

2010 CommelechiendelaCaverne,cepauvreourssuivitlestalonsdeceluiquiavaitsupportélacharge(ducombatavecledragon).Cemusulman,de fatigue,avaitposésa têteà terre (pourse reposer) ;

Tours,pardévouementenverslui,devintsongardien.Uncertainhommepassaitparlàetluidit:«Qu’est-ilarrivé?Ômon

frère,qu’estcetourspourtoi?»Ilracontal’aventureetl’histoiredudragon.L’autredit:«Nedonnepas

toncœuràunours,ôsotquetues!«L’amitiéd’un imbécile est pireque son inimitié :Toursdevrait être

chassépartouslesmoyensquetuconnais.»L’hommesedit:«ParDieu,iladitcelaparenvie.»«Autrement,dit-

il,pourquoiconsidères-tulefaitqu’ilsoitunours?Voisquelleaffectionilapourmoi!»«L’affectiondessots,ditl’autre,esttrompeuse;monenvievautmieux

quel’affectiondel’ours.« Écoute, viens avec moi et chasse cet ours : ne choisis pas l’ours

commeami,n’abandonnepasquelqu’undetapropreespèce!»«Va,va,dit-il,occupe-toidetesaffaires,ôhommeenvieux!»L’autre

dit:«C’étaitmonaffaire,etcen’étaitpastabonnefortune(desuivremonconseil).

2020 «Jenesuispasmoinsqu’unours,ônobleseigneur:abandonne-le,quejepuisseêtretoncamarade.«Moncœurfrémitd’inquiétudepourtoi:nevapasdansuneforêtavec

unourscommecelui-ci.«Moncœurn’ajamaistrembléenvain;c’estlaLumièredeDieu,non

uneprétentionouvantardisevaine.«JesuislevraicroyantquiestdevenuvoyantparlaLumièredeDieu.

Prendsgarde,prendsgarde!Enfuis-toiloindutempledufeu!»Ildittoutcela,etcelan’entrapasdanssonoreille:lesoupçonestune

barrièreépaissepourunhomme.Illuipritlamain,etl’homme(avecl’ours)retirasamain.L’autredit:

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«Jem’envais,puisquetun’espasunamibienguidé.»«Va, s’écria-t-il, ne te soucie pas pourmoi ; ne prodiguepas tant de

sagesse,ôhommequitemêlesdetout!»Ilrépondit:«Jenesuispastonennemi:ceseraitunebontédetapart

quetuviennesaprèsmoi.»«J’aisommeil,dit-il,laisse-moitranquille,va-t’en!»Ilrépondit:«Je

t’enprie,cèdeàtonami,« Afin de pouvoir dormir sous la protection d’un sage, sous la

protectiondequelqu’unaiméparDieu,d’unhommeducœur(spirituel).»2030 L’hommefutplongéparl’insistancedel’autreenuneimaginationsans

fondement:ildevintfâchéetdétournavitelatête,Pensant : « Peut-être que cet homme est venu m’attaquer, c’est un

meurtrier ; ou il espère gagner quelque chose, c’est un mendiant et unespion;«Ouilapariéavecsesamisqu’ilmeferaitcraindrececompagnon.»A cause de la perversité de son cœur, pas une seule supposition

favorableneluivintàl’esprit.Ses bonnes opinions étaient uniquement pour l’ours : assurément, il

étaitdelamêmeespècequel’ours.Parbassessed’esprit,ilsoupçonnaunsageetconsidéraunourscomme

affectueuxetjuste.

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CommentMoïse(surluilapaix)ditàquelqu’unquiadoraitleveaud’or:«Quesontdevenuston

scepticismeettaprudencevaine?»

oïseditàunhommeenivrépardesimaginationstrompeuses:«Ôtoiquisupposeslemalàcausedetaperditionetmalédiction,«Tunourriscentsoupçonsausujetdemaqualitédeprophète,endépit

decespreuvesetdelanaturenobledontj’aitémoigné.«Tuasvudemoidescentainesdemilliersdemiracles,et,pendantce

temps, une centaine d’imaginations, de doutes et d’opinions erronéescroissaiententoi.« Tu étais durement poussé par l’imagination et la suggestion

diabolique,tuteraillaisdemaqualitédeprophète.2040 «J’aifaits’éleverdelapoussièredelamerdevanttesyeux,pourquetu

puissesêtredélivrédelaméchancetédupeupledePharaon.«Durant quarante années, les plats et les plateaux de nourriture sont

descenduspourtoiduciel,etàmaprièrelarivièreajaillid’unrocher.«Cesmiracles,etunecentained’autres,ettoutescespreuvesdiverses

n’ontpasfaitdisparaîtredetoicettevaineimagination,ôhommeaucœurdur!« Par la sorcellerie, un veau a beuglé ; alors tu t’es prosterné en

adoration,endisant:“TuesmonDieu.”«Alors, ces imaginations furent balayées comme par un torrent et ta

sottesagacités’estendormie.«Commentn’avais-tupasdesoupçonsàsonégard(Sâmirî)?Pourquoi

as-tuposétatêtesurlesol,ainsi,ôhommevilain?«Comment aucune idéene t’est-ellevenuede sa supercherie et de la

corruptiondesamagieattrape-nigaud?«Qui,envérité,estunSâmirî,ôvouslesvauriens,quevousfaçonniez

unDieudanslemonde?«Comment êtes-vousdevenusde sonavis, quant à son imposture, en

étantdénuésdetouteperplexité?«Unveaumérite-t-il d’être déifié à cause d’une vaine vanterie, alors

qu’ilexistedescentainesdedisputesausujetdelamissionprophétiquedequelqu’uncommemoi?

2050 «Stupidecommeunâne,tut’esprosternéenadorationdevantunveau;

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tonintelligenceestdevenuelaproiedelamagiedeSâmirî.«TuasdérobétonregardloindelaLumièreduDieuTrès-Haut:c’est

làunegrandefolieetl’essencedelaperdition!«Honteàuneintelligenceetunefacultédechoixcommelestiennes!Il

conviendraitdetueruneminedefoliecommetoi.«Leveaud’orapousséuncri:qu’a-t-ildit,jeteprie,quetoutcedésir

pourluiaitsurgichezlessots?« Tu as vu de moi mainte chose plus merveilleuse que cela, mais

commentchaquegredinaccepterait-ilDieu?»Qu’est-cequi ravit les gensdénuésdevaleur ?Lemanquedevaleur.

Qu’est-cequiplaîtauxgensfutiles?Lafutilité.Parcequechaquecatégorieestravieparsaproprecatégorie:comment

lebœufsetournerait-ilverslelionféroce?Comment le loupéprouverait-ilde l’amourpour Joseph,àmoinsque,

parhasard,illefasseparruse,afindeledévorer?Quand il sera délivré de sa nature de loup, il deviendra familier avec

lui;commelechiendelaCaverne,ildeviendral’undesfilsd’Adam.QuandAbû Bakr découvritMohammad, il dit : « Ce n’est pas là un

visagequiment.»2060 MaisétantdonnéqueBû-Djahln’étaitpasundeceuxquiavaient

de la sympathiepourMohammad, ilvitcent fissionsde la lune,etnecrutpas.L’amoureuxaffligé(deDieu)quiesttombédansl’extase,mêmesinous

luicachonslaVérité,elleneluiserapascachée;TandisqueceluiquiestignorantdeDieuetétrangeràSonamour—combiensouventcelaluia-t-ilétémontré,etilnel’apasvu!Le miroir du cœur doit être clair, afin que tu puisses y distinguer la

formelaidedelabelle.

Page 521: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentl’hommeauxconseilssincères,aprèsavoirfaittoutce

qu’ilpouvaitpourlepersuader;pritcongédeceluiquiétaitleurrépar

saconfianceenl’ours

e musulman laissa l’homme stupide, et rapidement, disant « Lâhawl*»àvoixbasse,s’enretourna.Ildit:«Étantdonnéquedemasincéritédansmesavertissementsetde

madisputeavecluileseulrésultatestquedevainesimaginationsnaissentdeplusenplusensonesprit,«Enconséquence,lechemindel’avertissementetduconseilestbarré:

«lecommandementÉcarte-toid’eux54Aestarrivé.«Quandvotreremèdeaccroîtlamaladie,alorsracontezvotrehistoireà

celuiquicherche (laVérité).Lisez la (sourateduQor’ânquicommencepar)‘Abasa(ils’estrenfrogné).«Puisquel’aveugleestvenucherchantlaVérité,ilneconvientpasde

blessersoncœurenlerepoussantàcausedesapauvreté.« Toi (Mohammad), tu es désireux que les grands suivent le droit

chemin, afin que le commun des gens puissent s’instruire à partir desdirigeants.

2070 «ÔAhmad,tuasvuqu’unecompagniedeprincessontdevenusprêtsàt’écouterettuesheureuxque,peut-être,« Ces chefs deviendront de bons amis de la Religion (islam), car ils

régnentsurlesArabesetlesAbyssins,«Etquelarenomméedececiserépandraau-delàdeBasraetTabûk,étantdonnéque“lespeuplessuiventlareligiondeleursrois".« Pour cette raison, tu as détourné ton visage de 1’aveugle qui était

guidéversledroitchemin,ettuesdevenuagacé,« Lui disant : “Cette réunion d’étrangers arrive rarement de façon si

opportune,tandisquetuesl’undemesamis,etquetuastoutletemps.“Tume presses à unmauvaismoment. Je t’adresse cette admonition,

maisnonparcolèreniquerelle.”« Ô Ahmad, à la vue de Dieu, ce seul aveugle vaut mieux que cent

empereursetcentvizirs.« Écoute, souviens-toi que “les hommes sont desmines” : une seule

minepeutvaloirdavantagequecentmille.

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«Laminederubisetdecornalinesdifficilesàtrouvervautmieuxquedesmyriadesdeminesdecuivre.«ÔAhmad, ici les richessesne sontd’aucuneutilité ;un sein rempli

d’amour,desouffranceetdesoupirs,c’estlàcequiestdésiré.2080 «L’aveugleaucœurilluminéestarrivé:nefermepaslaporte;donne-

luidesconseils,cariladroitauxconseils.« Si deux ou trois imbéciles n’ont pas cru en toi, comment serais- tu

amer,alorsquetuesuneminededouceurs?« Si deux ou trois sots te taxent de fausseté, Dieu témoigne en ta

faveur.»Mohammad dit : « Je ne suis pas concerné par la reconnaissance du

monde:quelsoucipeutenavoirceluidontletémoinestDieu?« Si une chauve-souris reçoit quelque chose du soleil qui lui soit

agréable,c’estlapreuvequecesoleiln’estpaslevraisoleil.«Ledégoûtdesmisérableschauves-sourisestunepreuvequejesuisle

glorieuxsoleilrayonnant.«Silescarabéeéprouvedudésirpourdel’eauderoses,celaconstitue

unepreuvequecen’estpasdel’eauderoses.«Siunepiècedemonnaiefausseaspireàlapierredetouche,onpeut

avoirdel’incertitudeetdudouteconcernantlefaitquec’estunepierredetouche.«Levoleurdésirelanuit,nonlejour—note-lebien!Jenesuispasla

nuit,jesuislejour,carjebrilledanslemondeentier.«Jesuisdouédediscernement,jesuisextrêmementsagaceetpareilau

tamis,desortequelapaillenepassepasautraversdemoi.2090 «Jerendslafarinedistincteduson,afindemontrerquel’une,cesont

lesformesextérieures,etl’autrelesessencesintérieures.«JesuislabalancedeDieuencemonde:jerévèleladifférenceentre

chaquechose,légèreoulourde.« Un veau pense que la vache est Dieu : l’âne croit que Dieu est

quelqu’unquil’aimeetquiestd’accordavecsesdésirs.« Je ne suis pas une vache, que le veaum’aime ; je ne suis pas des

chardons,qu’unchameaumebroute.«L’incroyantsupposequ’ilm’acausédutort;maisnon,ilaessuyéde

monmiroirlapoussière.»

*«Dieumegarde!»

Page 523: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentlefoucherchaàserendreagréableàGalienetcomment

Galienfuteffrayé

alienditàsescompagnons:«Quel’und’entrevousmedonneteloutelremède.»Alorscettepersonneluidit:«Ômaîtredemaintessciences,ceremède

estrecherchépourguérirlafolie.«Que cela soit loin de ton intellect !N’en parle plus. » Il répondit :

«Unfoutournasonvisageversmoi,«Regardaaimablementmonvisageunmoment,mefitunclind’œilet

metiralamanche.« S’il n’y avait pas eu en moi quelque chose de commun avec lui,

pourquoicepauvrehommeaurait-iltournésonvisageversmoi?2100 «S’iln’avaitpasvuenmoiquelqu’undesapropreespèce,commentse

serait-ilapproché?Commentseserait-ilattachéàquelqu’und’uneautreespèce?»Lorsque deux personnes entrent en contact, sans nul doute, il existe

quelquechosedecommunentreelles.Commentunoiseauvolerait-il,exceptéavecl’undesapropreespèce?

La compagnie de celui qui n’est pas de même nature est la fosse et letombeau.

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Lacausepourlaquelleunoiseauvoleetsenourritavecunoiseauqui

n’estpasdesapropreespèce

n certain sage disait : « J’ai vu un corbeau qui courait avec unecigogne.«Jerestaistupéfait,etjemerenseignaisurleurcas,afindedécouvrirce

qu’ilsavaientencommun.« Quand, éberlué et abasourdi, je m’approchai d’eux, alors, je

m’aperçusquetousdeuxétaientboiteux.»Notamment,commentunfauconroyal,quiestduplushautciel,peut-il

s’associeràunhibou,quiestdelaterrebasse?L’unest lesoleilde lllliyyûn, tandisquel’autreestunechauve-souris

quiappartientàSidjîn*.L’unestunluminaire,dépourvudetoutdéfaut,tandisquel’autreestun

aveugle,mendiantàchaqueporte.L’un est une lune qui frappe de ses rayons les Pléiades, tandis que

l’autreestunverquis’attacheauxordures.2110 L’unalevisaged’unJoseph,lesouffled’unJésus,tandisquel’autreest

semblableàunloupouàunâneavecuneclochette.L’un s’est envolé dans le non-spatial, tandis que cet autre est dans la

grangedepaille,commeleschiens.Avec lavoixde la transmission sansparoles, la rosedit au scarabée :

«Ôcréaturepuante,« Si tu t’enfuis loin du parterre de roses, sans aucun doute, cette

aversionestlesignedelaperfectiondelaroseraie.«Majalousietefrappesurlatêteavecunbâton,t’avertissantderester

loind’ici,ôêtrevil;«Carsi,misérablequetues,tutetenaisavecmoi,onpenseraitquetu

esdemonespèce.«Pourlesrossignols,lejardinestlelieuquiconvient;pourlescarabée,

lemeilleurfoyerestdansl’ordure.»PuisqueDieum’agardépurdelasouillure,commentconviendrait-ilde

désignerunêtresalepourmetenircompagnie?J’avaisenmoiuneveinedeleurnature.Dieumel’acoupée.Comment

doncm’atteindrait-ilaveclaveinedumal?Unsignevenantdel’éternitépourAdamfutquelesangesposentleurs

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têtessurlesoldevantlui,parcequec’étaitcequiconvenaitàsadignité.2120 Unautresigneétaitqu’Iblîs,disant«Jesuisleroietlechef»,nese

prosternepasdevantlui.Mais si Iblîs, lui aussi, était devenu un adorateur d’Adam, Adam

n’auraitpasétéAdam:ilauraitétéunautre.L’adoration de chaque ange est son critère, et le refus de cet ennemi

(Iblîs)estenmêmetempslapreuve.La reconnaissance faite par les anges est un témoignage pour lui, en

même temps que l’incrédulité de ce misérable vaurien (Iblîs) est untémoignageensafaveur.

* Illiyyûn : livre contenant la liste des élus ; Sidjîn, livre contenant celle desdamnés.

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Conclusiondel’histoireconcernantlaconfiancedecethommeabusé

parlescajoleriesdel’ours

’hommes’endormit,etl’ourscontinuaàchasserlesmouches,maismalgréluiellesrevinrentbienvite.Plusieurs fois, il les chassa du visage du jeune homme, mais bientôt

ellessehâtaientderevenir.L’ours, furieux contre lesmouches, s’en alla chercher une très grosse

pierreauflancdelamontagne.Ilapportalapierreetvitlesmouchesdenouveauinstalléesàl’aisesur

levisagedudormeur.Il prit cette pierre de meule et frappa les mouches, afín qu’elles se

retirent.Lapierremit enmiettes la figuredudormeur, etmanifesta aumonde

entiercetadage:2130 «L’amourd’unsotestcertesl’amourd’unours:sahaineestamouret

sonamouresthaine.»Sapromesseest lâche, corrompueet faible ; saparoleest forteet son

actionestmince.Mêmes’ilfaitunserment,nelecroispas:l’hommedontlaparoleest

faussenetientpassonserment.Étantdonnéque,sansserment,saparoleétaitmensongère,netelaisse

pasleurrerparsaruseetsonserment.Son âme charnelle commande, et sa raison est captive, même en

supposantqu’ilaitjurésurcentmilleQor’âns.Puisque, sans serment, il brise son pacte, s’il fait un serment, il le

briseraaussi;Car l’âme charnelle devient encore plus furieuse si tu la lies par un

sermentsérieux.Quand un prisonnier attache un gouverneur avec des liens, le

gouverneurlesrompraets’endélivrera;Il frappera,decourroux,avec ses liens la têteduprisonnier, lui jetant

sonsermentàlafigure.Abandonne l’espoir qu’il (obéisse à l’ordre divin) : « Tenez vos

serments55»;neluidispas:«Respectezvosengagements56.»2140 Maisceluiquisaitàquiilaréellementfaitunepromesserendrason

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corpsmincecommeunfilets’enrouleraautourdeLui.

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CommentMustafâ(Mohammad)(surluilapaix)allarendrevisiteàl’undesesCompagnonsmalade,etuneexplicationduprofitqu’ilyaà

visiterlesmalades

nnotabled’entrelesCompagnonsdeMohammadtombamalade,etpendantcettemaladiedevintmincecommeunfil.Mustafâallalevisiter,étantdonnéquelanaturedeMustafâétaittoute

bontéetgénérosité.Ilyaunprofitpourvousdanslefaitderendrevisiteauxmalades:ce

profitrevientàvousànouveau.Le premier profit consiste en ce qu’il se peut que lemalade soit, par

chance,unqutb,etunroispirituel.Ets’iln’estpasunqutb,peut-êtreest-ilunamidelaVoiedessoufïs;et

s’iln’estpasleroi,ilestpeut-êtrelecavalierdesonhôte.Considérez donc que vous devez vous attacher aux amis de la Voie,

quelsqu’ilssoient,qu’ilssoientfantassinsoucavaliers.Et s’il est un ennemi pour toi, cependant cette bienveillance est une

bonnechose,cargrâceàlabienveillanceplusd’unennemiestdevenuunami,Et même s’il ne devient pas un ami, son hostilité diminue, car la

bienveillancedevientunbaumepourl’hostilité.Il existe de nombreux profits en dehors de ceux-ci,mais je crains de

devenirfastidieux,monbonami.2150 L’important,c’estceci:soisl’amidelacommunautédessoufïstout

entière:commelesculpteurd’idoles,tailleunamidanslapierre,Parcequelafouleetlamultituded’unecaravanebriserontlesdosetles

lancesdesbrigandsdegrandchemin.Étantdonnéque tunepossèdespas lesdeuxyeuxducœur,ôhomme

misérable, de sorte que tu ne peux distinguer le bois à brûler du boisd’aloès,Puisqu’ilexisteun trésordans lemonde,ne t’affligepas,necroispas

quechaqueruinesoitdénuéed’untrésor57.Vatrouvern’importequelderviche,auhasard,etquandtuaurasvuen

luilesigne(delasainteté),fréquente-leassidûment.Commelavisionintérieurenet’apasétéaccordée,pensetoujoursque

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letrésorpeutsetrouverenn’importequi.

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CommentleDieuTrès-HautrévélaàMoïse(surluilapaix):

«Pourquoinem’as-tupasrenduvisitequandJ’étaismalade?»

MoïsevintdeDieucereproche:«Ôtoiquiasvulaluneseleverdetonsein,« Toi que J’ai illuminé de la Lumière divine ! Je suis Dieu, Je suis

tombémalade,ettun’espasvenu.»Moïse dit : « Ô Toi, transcendant dans Ta gloire, Tu es pur de tout

défaut.Quelestcemystère?Explique-le-moi,ôSeigneur.»Dieuluiditànouveau:«PourquoilorsqueJ’étaismaladenet’es-tupas

informéàMonsujetavecbienveillance?»2160 IIrépondit:«ÔSeigneur,Tun’asaucuneimperfection.Jene

comprendspas;dévoilepourmoilesensdecesparoles.»Dieu dit : « Oui ; un deMes serviteurs favoris et choisis est tombé

malade.Jesuislui.Réfléchisbien!« Son infirmité est Mon infirmité, sa maladie est Ma maladie. »

Quiconque désire rester avec Dieu, qu’il demeure en la présence dessaints.Situesséparédelaprésencedessaints,tuesperdu,parcequetuesune

partieprivéedutout.Celuique leDémonséparedes saints, il le trouvesanspersonnepour

l’aider,etildévoresatête.S’éloignerpourun instantd’unempande la communauté (des saints)

estdûàunerusedeSatan.Écoute,etsache-le.

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Commentlejardinierséparalesoufi,lejuristeetlesdescendants

de’Alîl’undel’autre

n jardinier, en regardant dans son verger, vit trois hommesparaissantdesvoleurs:Unjuriste,unsharifetunsoufi;chacund’euxétantuncoquineffronté,

insolentetperfide.Ildit:«J’aicentargumentscontrecesgens,maisilssontunis,etune

compagnieunieestunesourcedeforce.2170 «Jenepeuxtenirtêtetoutseulàtroispersonnes,aussijevaistout

d’abordlesséparerl’undel’autre.« J’isolerai chacund’euxdes autres, et quand chacun sera seul, je lui

damerailepion.»Ilemployaune ruseetéloigna lesoufi,afind’empoisonner lesesprits

desesamiscontrelui.Il dit au soufi : « Va à la maison et rapporte un tapis pour tes

compagnons.»Aussitôtquelesoufifutparti,ilditensecretauxdeuxamis:«Toi,tu

esunjuriste,etcelui-ciunsharifcélèbre.«C’estselontadécisionlégalequenousmangeonsunpain;c’estpar

lesailesdetaconnaissancequenousvolons.«Etcetautreestnotreprinceetsouverain:ilestunsayyid,ilestdela

MaisondeMustafâ.«Quiestcevilgloutondesoufiqu’ils’associeàdesroistelsquevous?«Quandilreviendra,chassez-leetprenezpossessiondemonvergeret

demonchamppendantunesemaine.«Qu’est-cequemonverger?Mavievousappartient,ôvousquiavez

toujoursétépourmoiaussichersquemesyeux.»2180 IIselivraàdessuggestionsméchantesetlestrompa.Ah,onnedoitpas

subirpatiemmentlaperted’amis!Quandilseurentchassélesoufietqu’ilfutparti,l’ennemilepoursuivit

avecungrosgourdin.«Ôchien,s’écria-t-il,est-celàdusoufismequetoutàcouptuviennes

dansmonvergerendépitdemoi?«DjunaydouBâyazîd t’ont-ils appris à te comporterdecette façon?

Delapartdequelsheikhoupîrcelat’a-t-ilétéapporté?»

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Ilbattitlesoufiquandilletrouvaseul;illetuaàmoitiéetluifenditlecrâne.Le soufi dit : «Mon temps est passé,mais, ômes camarades, prenez

biensoindevous-mêmes!«Vousmeconsidériezcommeunennemi.Voyez!Jenesuispasplus

unennemiquecescélérat.«Cettecoupequej’aibuedoitêtrebueparvous,etunetellegorgéeest

cequiestdûàchaquefripouille.»Cemondeestcommeunemontagne,et toutestesparolesreviennentà

toiavecl’écho.Aprèsquelejardiniereneutterminéaveclesoufï,ilinventaunprétexte

dumêmegenrequelepremier,2190 Disant:«Ômonsharif,vaàlamaison,carj’aifaitcuiredeminces

gâteauxdepainpourlepetitdéjeuner.«Alaportedelamaison,disàQaymâzd’allercherchercesgâteauxet

l’oie.»L’ayant envoyé, il dit à l’autre : « Ô toi à la vue perçante, tu es un

juriste;celaestmanifesteetcertain.«Maislui,tonami,unsharif!C’estuneprétentionabsurdedesapart.

Quisaitquiacommisunadultèreavecsamère?« Est-ce que tu feras confiance à une femme et aux actions d’une

femme?La considéreras-tu commed’esprit faible, et ensuite la croiras-tu?« Maint imbécile en ce monde prétend se rattacher à ’Alî et au

Prophète.»Quiconqueestnéd’unadultèreetest lui-mêmeadultèrepenseraaussi

celadeshommesdeDieu.Quiconque est étourdi par ses propres tournoiements voit la maison

tournercommelui-même.Ceque cevainbavard, le jardinier, dit,montrait cequ’était sapropre

condition,etétaitbienloind’êtreapplicableauxdescendantsduProphète.S’il n’avait pas été la progéniture d’apostats, comment aurait-il parlé

ainsidelaMaisonduProphète?2200 IIutilisadesruses,etlejuristelesécouta.Alorscetinsolenttyranalla

verslesharif.Ildit:«Ôâne,quit’ainvitédansceverger?Est-cequelebrigandage

t’aétélaisséenhéritageparleProphète?«Lelionceauressembleaulion:enquoiressembles-tuauProphète?

Dis-le-moi!»

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Le jardinier, qui avait cherché refuge dans l’astuce, fit au sharif cequ’unkharidjiteferaitàlaFamilledeYâ-sîn(Mohammad)*.Quelle haine les démons et les goules commeYazîd et Shimr*ont-ils

toujourstémoignéeàl’égarddelaFamilleduProphète!Lesharifétaitaccabléparlescoupsdecebandit.Ilditaujuriste:«J’ai

sautéhorsdel’eau.« Toi, tiens-toi fermement, à présent que tu es seul et privé de notre

aide.Soiscommeuntambour,etsupportedescoupssurleventre!«Sijenesuispasunsharifetdignedetoi,etunamiintime,entoutcas,

jenesuispaspirepourtoiqu’untelscélérat.»Lejardinierenfinitaveclesharifetrevint,disant:«Ôjuriste,quelle

sortedejuristees-tu,ôtoilahontedechaqueimbécile?«Est-ce ton opinion légale, ô voleur ayant été condamné, de pouvoir

venirdansmonvergersansdemanderlapermission?2210 «As-tuluunetelleautorisationdansleWasît,oucettequestiona-t-elle

ététranchéedansleMuhît*?»«Tuasraison,répondit-il;bats-moi,tuesleplusfort.C’estlàlapeine

quiconvientàceluiquiseséparedesesamis.»

* La théorie kharidjite concernant la succession au khalifat était opposée à ladoctrineshiitedeDroitdivin.* Yazîd, fils du khalife omeyyade Mu’âwiyya, adversaire de ‘Alî et de safamille.Shimribn-Dhi’l-Djawshan,détestéenraisondurôlejouéparluidanslatragédiedeKerbala(680).*Titresd’ouvragesdejurisprudence.

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Retouràl’histoiredel’hommemaladeetdelavisitequeluirenditleProphète(Dieulebénisseetlui

accordelapaix!)

avisite desmalades estmotivéepar cet attachement (spirituel) etcetattachementcomportecentmarquesdetendresse.LeProphètesanségalallavisiterunmalade;iltrouvacecompagnonà

ladernièreextrémité.Quandons’éloignede laprésencedessaints,onesten réalité loinde

Dieu.Étantdonnéqueseséparerdecompagnonsdevoyageapourrésultatdu

chagrin,commentlaséparationdelaprésencedessaintsserait-ellemoinspéniblequecela?Hâte-toi à chaque instant de rechercher l’ombre de ces rois, afin que,

grâceàcetteombre,tupuissesdevenirsupérieurausoleil.Si tu as unvoyage à faire, fais-le avec cette intention ; et si tu restes

cheztoi,nenégligepascela.

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CommentuncertainsheikhditàBâyazîd:«JesuislaKa’ba:tourne

autourdemoi.»

âyazîd,lesheikhdelacommunauté,sehâtaitversLaMecquepouraccomplirlegrandpèlerinage(Hadjj)etlepetit(‘umra).Dans chaque ville qu’il traversait, il se mettait d’abord en quête des

personnessaintes.2220 IIerrait,demandant:«Qui,danscettecité,s’appuiesurlavision

spirituelle?»Dieuadit:«Oùquetuaillesdanstesvoyages,tudoisenpremierlieu

temettreàlarecherched’unsaint.»Vaà la recherchedu trésor, car leprofit et la perte sont secondaires :

considère-lescommeaccessoires.Celuiquisèmeestenquêtedeblé;lapailleluiadvient,envérité,mais

secondairement.Si tu sèmes de la paille, aucun blé ne poussera : cherche un homme,

chercheunhomme,c’estunhomme(qu’ilfaut)!Quandc’estletempsdupèlerinage,vaàlarecherchedelaKa’ba;situ

parsaveccetteintention,tuverrasaussiLaMecque.Dans leMi’râdj (l’ascension du Prophète), la quête était la vision du

Bien-Aimé ; cen’estque secondairementque l’empyrée et les anges luifurentaussimontrés.

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Anecdote

nnovice,unjour,bâtissaitunemaisonnouvelle;lepîrvintvoirsamaison.Le sheikhdit à sonnouveaudisciple—mettant à l’épreuve celui qui

avaitdebonnespensées:«Pourquoias-tufaitunefenêtre,ômonami?»Ilrépondit:«Afinque

cettelumièrepuisseentrerparlà.»2230 Lesheikhdit:«Celaestsecondaire;tondésirdoitêtreque,parce

moyen,tupuissesentendrel’appelàlaprière.»Bâyazîd,lorsdesonvoyage,cherchabeaucouppourtrouverquelqu’un

quifûtleKhezr58desontemps.Ilaperçutunvieillardàlataillecourbéecommelanouvellelune;ilvit

enluilamajestéetlesparolesdessaints.Sesyeuxétaientaveuglesetsoncœurlumineuxcommelesoleil:pareil

àunéléphantrêvantdel’Hindoustan.Lesyeuxfermés,endormi,ilcontemplecentdélices;quandilouvreles

yeux,ilnelesvoitpas.Oh,merveille!Mainte merveille est rendue manifeste dans le sommeil ; dans le

sommeil,lecœurdevientunefenêtre.Celuiquiestéveilléetrêvedebeauxrêvesestleconnaisseur(deDieu):

frottetesyeuxavecsapoussière.Bâyazîds’assitdevantluietl’interrogeasursacondition;ilappritque

c’étaitunderviche,etaussiunpèredefamille.Levieillardluidit:«Oùvas-tu,ôBâyazîd?Versquellieuemporteras-

tulebagageduvoyagedansunpaysétranger?»Bâyazîd répondit : « Je pars à l’aube pour laKa’ba. » «Hé ! s’écria

l’autre,qu’as-tucommeprovisionspourlaroute?»2240 «J’aideuxcentsdirhamsd’argent,dit-il.Vois,ilssontcachésdansun

coindemonmanteau.»Levieillarddit:«Faisuntourautourdemoiseptfois,etconsidèreque

celavautmieuxquelacircumambulationduPèlerinage.«Etposecesdirhamsdevantmoi,ôgénéreux.Sachequetuasaccompli

legrandpèlerinageetquetondésirestexaucé;«Quetuasaussiaccomplilepetitpèlerinageetobtenulavieéternelle;

que tuesdevenupur (sâf) etque tuasgraviencourant laCollinede lapureté(Safâ).

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«ParlavéritédelaVéritésuprêmequetonâmeavue,jetejurequ’ilm’achoisidepréférenceàSaMaison.«Bienque laKa’basoit laMaisondeSonculte, la formeaussi,dans

laquellej’aiétécréé,estlaMaisondeSaconsciencelaplusintime.«Jamais,depuisqueDieuafaitlaKa’ba,Iln’yestentré;etnul,saufle

Dieuvivant,n’estjamaisentrédansmaMaison.«Quandtum’asvu,tuasvuDieu,tuastournéautourdelaKa’badela

Sincérité.«Meservir,c’estobéiràDieuetLeglorifier;garde-toidepenserque

Dieuestséparédemoi.« Ouvre les yeux, et regarde-moi, afín de pouvoir contempler la

LumièredeDieudansl’homme.»2250 Bâyazîdécoutacesparolesmystiques,illesmitàsonoreillecommeun

anneaud’or.Grâceà lui,Bâyazîdreçut laplénitude: lediscipleenfinparvintàses

fins.

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CommentleProphète(Dieulebénisseetlesauve!)compritquela

causedelamaladiedecettepersonneétaitl’irrévérence

danslaprière

uandleProphètevitl’hommemalade,ilseconduisitavecdouceurettendresseenverscetamiintime.Il devint ranimé en voyant le Prophète : on aurait dit que cemoment

l’avaitcréé.Ildit :«Lamaladiem’adonnécettegrandechancequece sultanest

venuàmescôtésaumatin,«Detellesortequelasantéetlebien-êtremesontarrivésàcausedela

visitedeceroiquiestsansunesuite.« Oh ! heureuse souffrance, maladie et fièvre ! Oh ! tourment et

insomniebénislanuit!«Voiciquedansmavieillesse,Dieu,dansSagrâceetgénérosité,m’a

octroyéunetelleindispositionetmaladie!«C’estLuiaussiquim’adonnécettedouleurdansledos,quifaitqu’au

milieudechaquenuit jenepeuxm’empêcherdebondirrapidementhorsdusommeil.«Pourquejenesomnolepastoutelanuitcommeunbuffle,Dieupar

Sagrâcem’adonnédessouffrances.2260 «Enraisondecetteinfirmité,lamiséricordedesroisaétééveillée,et

lesmenacesdel’Enfercontremoiontétéréduitesausilence.»Lasouffranceestuntrésor,carellerecèledesmiséricordes;l’amande

devientfraîchequandongrattel’écorce.Ô mon frère, demeurer dans un lieu sombre et froid, en supportant

patiemmentlechagrin,lafaiblesseetladouleur,Est la Source de la Vie et la coupe de l’ivresse spirituelle, car ces

hauteurssetrouventtoutesdansl’abaissement.Ce printemps est impliqué dans l’automne, et cet automne dans le

printemps:net’enfuispasloindelui.Soislecompagnonderouteduchagrin,accepteladésolation,recherche

laviequicontinueentamortàtoi-même!N’écoutepascequedittonâmecharnelle,quecelieu(demortification)

estmauvais, étant donné que ce qu’elle fait est contraire (à tes progrès

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spirituels).Oppose-toi à elle, car telle est l’injonction venue des prophètes de ce

monde.Il devient nécessaire de demander conseil concernant les choses à

accomplir,afindenepasavoirderepentiràlafin.La communauté dit : « A qui demanderons-nous conseil ? » Les

prophètesrépondirent:«Al’intellect,quiestl’imâm(leguide).»2270 Lequestionneurdit:«Maissic’estunenfantquivient,ouunefemme

n’ayantnijugement,nicompréhensionclaire?»«Demande-luiconseil,ditleProphète,etfaislecontrairedecequ’elle

dit,etsuistonchemin.»Sache que ton âme charnelle est une femme et pire qu’une femme,

parcequelafemmeestunepartiedumal,maistonâmecharnelleesttoutentièrelemal.Situdemandesconseilàtonâmecharnelle,oppose-toiàcetteâmevile

entoutcequ’ellepourradire.Si elle te dit de prier et de jeûner— l’âme charnelle est une grande

intrigante,elleformeracontretoiquelquecomplot.Quandtudemandesconseilàtonâmecharnelleconcernanttesactions,

quoiqu’elletedise,lecontraireestparfaitementjuste.Si tunepeux temesureràelleetàsonobstination,vavoirunamiet

tiens-luicompagnie.L’esprit tirede la forced’unautreesprit : la canneà sucreest rendue

parfaiteparlacanneàsucre.J’ai constaté des choses extraordinaires provenant de la perfidie de

l’âme charnelle, parce que par sa magie elle détruit les facultés dediscernement.Elleteferadenouvellespromessesqu’elleavioléesdesmilliersdefois.

2280 Sitavieseprolongemêmejusqu’àcentannées,elleteprésenteraunnouveauprétextechaquejour.Elleprononcedevainespromessescommesiellessortaientducœur ;

c’estunesorcière,quientravelavirilitéd’unhomme.Ôtoiquies lerayonnementdeDieu,Husâm-od-Dîn,viens!Carsans

toiaucuneherbenepousseradusolsaumâtre.Unrideauestdescenduducielàcausedelamalédictiondequelqu’un

dontlecœurestdurementblessé.Cette destinée, seule la Destinée divine peut la guérir. La

compréhensiondeSescréaturesestfrappéedestupeurdevantSaDestinée,frappéedestupeur.

Page 540: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Le serpent noir semblable à un ver tombé sur la route est devenu undragon;Maisdanstamain,ôtoipourquil’âmedeMoïseestenivrée(d’amour),

ledragonouserpentestdevenucommelebâton(danslamaindeMoïse).Dieu t’aordonné : «Saisis-le,necrains rien59 ! » afinque ledragon

puissedevenirunbâtondanstamain.Écoute,montretamainblanche,ôRoi:horsdesnuitsnoires,révèleune

nouvelleaurore!Unenferaflamboyé;soufflesurluitonsortilège,ôtoidontlesouffle

estmeilleurquelesouffledelamer!2290 L’âmecharnelleestlamerperfidequinelaissevoirqu’unpeu

d’écume;elleestl’enferqui,parruse,nelaissepercevoirqu’unpeudechaleur.Elleapparaîtinfimeàtesyeuxafinquetupuisseslaconsidérercomme

faibleetquetoncourrouxpuisseêtreéveillécontreelle.Demêmequ’il y avait unemultitudede combattants (infidèles),mais

auxyeuxduProphètecelaparutpeu,DesortequeleProphètelesaffrontasanspeurdudanger;maiss’illes

avaitcrusplusnombreux,ilauraitagiavecprudence.C’était la faveurdivine, et tu enétaisdigne,ôAhmad ; autrement, tu

seraisdevenueffrayé.Dieu a fait paraître le combat extérieur et le combat intérieur peu de

chose,àluietàsesCompagnons,Afin de pouvoir lui rendre facile d’obtenir le succès, et qu’il ne se

détournepasdesdifficultés.Pourlui,lefaitqueDieuluifasseparaîtrelecombatpeudechoseétait

lavictoire,puisqueDieuétaitsonamietluienseignalarouteàsuivre.Maisceluiquin’apasDieucommesecoursvictorieux,hélassilelion

féroceluisembleunchat!Hélassi,deloin,ilvoitunecentainecommeun,desortequedansune

confianceillusoireilentredanslamêlée!2300 DieufaitapparaîtreleglaiveduProphètecommeuneflèche,etlelion

férocecommeunchat,Afin que l’imbécile puisse se lancer audacieusement dans la lutte, et

qu’ilpuisselesattraperaveccepiège,Etafinquecessotspuissentêtreallésversletempledufeudeleurplein

gré.Il temontre ce qui semble être un brin de paille pour que tu puisses

soufflerrapidementdessusetlefairedisparaître.

Page 541: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Prendsgarde!carcettepailleadéracinédesmontagnes:àcaused’elle,lemondeestenpleurstandisqu’ellerit.Ilfaitapparaîtrel’eaudecetterivièrecommenemontantpasplushaut

quelacheville,maisunecentained’hommestelsque‘Âjfilsde‘Anaqs’ysontnoyés*.Il fait paraître la vague de sang comme un tas de musc : Il fait

ressemblerlefonddelameràlaterresèche.Le pharaon aveugle croyait que lamer était sèche, de sorte que dans

l’orgueildesavirilitéetdesaforceilypénétra.Quand ilyentre, ilestaufondde lamer :comment l’œildePharaon

serait-ilvoyant?L’œil est rendu voyant par la rencontre avec Dieu : comment Dieu

deviendrait-illeconfidentden’importequelimbécile?2310 Celui-civoitcequ’ilcroitêtredusucre:enfait,c’estunpoisonmortel;

ilvoitcequ’ilcroitêtrelechemin:enfait,c’estlecridelagoule(l’attirantpourleperdre).Ô ciel, dans la calamité des derniers jours, tu tournes bien vite !

Accorde-nousdutemps!Tu es un poignard acéré pour nous attaquer ; tu es une lancette

empoisonnéepourversernotresang.Ô ciel, de laMiséricorde deDieu, apprends lamiséricorde ; n’inflige

pas,commeunserpent,desblessuressurlescœursdesfourmis.ParlavéritédeCeluiquifaittournerlarouedetasphèreau-dessusde

cettedemeure(terrestre),(Noustesupplions)detournerd’uneautrefaçonetdenoustémoigner

delapitié,avantdenousarracherdenosracines.(Noustesupplions)parlefaitquetunousasd’abordnourris,desorte

quenousavonspoussédel’eauetdelaterre;ParlavéritédeceRoiquit’acréépuretquiafaitbrillerentoitantde

flambeaux,Quit’agardésiflorissantetdurablequelematérialistetecroitexistant

detouteéternité.Nous rendonsgrâcedecequenousconnaissons toncommencement :

lesprophètesnousontdittonsecret.2320 Unhommesaitqu’unemaisonaétéconstruite;l’araignéequiyjoue

futilementl’ignore.Commentlemoucheronsaurait-ildequanddatecejardin?Carilestné

auprintempsetmeurtl’hiversuivant.Leverquinaîtmisérablementdansunebûche,commentconnaîtrait-il

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leboisquandilétaitunepousseverte?Etsileverlesavait,ceseraitTintellectdanssonessence;levern’en

seraitquelaformeextérieure.L’intellect se manifeste sous divers aspects ; comme la péri, il est

éloignédemainteslieues.Ilestsupérieurauxanges—pourquoilecompareràlapéri?Maistuas

lesailesd’unemouche,tuvolesverslebas.Bien que ton intelligence vole vers les hauteurs, l’oiseau de ton

conformismesenourritsurlesol.Laconnaissanceconventionnelleestunecalamitépournosâmes;c’est

unechoseempruntée,maisnoussommesconvaincusqu’elleestnôtre.Decettesorted’intelligence,ilnousfautdevenirignorants,ilnousfaut

noussaisirdelafolie.Chaquefoisquetuaperçoisunprofit(matériel)pourtoi,fuis-le;bois

lepoisonetrépandsl’eaudelavie.2330 Insulteceluiquiteloue;donneaupauvrel’intérêtetlecapital.

Renonce à la sécurité et demeure au lieu du danger ; renonce à laréputationetsoisdéshonoréetdiscrédité.J’ai fait l’essai de l’intelligence prévoyante ; désormais, je vais me

rendreinsensé.

*Anaq,roigéantdeBashan,tuéparMoïse.

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CommentDalqaks’excusaauprèsduSayyid-iAjall(quiluiavait

demandé)pourquoiilavaitépouséuneprostituée

nenuit,leSayyid-iAjallditàDalqak:«Tuasépouséhâtivementuneprostituée.«Tu aurais dûm’enparler, pour quenous te choisissionsune femme

chastepourépouse.»Dalqakrépondit:«J’aidéjàépouséneuffemmeschastesetvertueuses:

ellessontdevenuesdesprostituées,etj’aiétédévastéparlechagrin.« J’ai épousé cette prostituée sans la connaître, afin de voir comment

celle-cideviendraitàlafin.« J’ai souvent essayé l’intelligence ; désormais, je chercherai un asile

danslafolie.»

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Commentunquestionneurarrivaàfaireparlerunhommeéminentqui

avaitfeintd’êtrefou

ncertainhommedisait:«Jedésirequelqu’und’intelligentpourleconsulterausujetd’unedifficulté.»Onluidit :«Dansnotreville, iln’yapersonned’intelligent,saufcet

hommelà-basquisembleêtrefou.2340 «Vois,ilyaUntel:ilchevaucheunecanneparmilesenfants.

«Ilestdouédejugementetbrillantcommelefeu;ilestpareilaucielquantàladignité,etauxétoilesensonélévation.«Sa gloire est devenue l’âmedes chérubins ; il est devenudissimulé

danssafolie(prétendue).»Maistunedoispasconsidérerchaquefoucommeuneâmerationnelle:

neteprosternepasdevantunveau,commeSâmirî.Lorsqu’un saint manifeste t’a déclaré des centaines de milliers de

chosesinvisiblesetdemystèrescachés,Et que tu n’as pas possédé la compréhension et la connaissance

nécessairespourdistinguerleboisd’aloèsdel’ordure,Lorsquelesaints’estfaitunvoiledelafolie,commentlereconnaîtrais-

tu,ôaveugle?Sil’œildetacertitudeintuitiveestouvert,contempleunchefspirituel

souschaquepierre.Pour l’œilquiestouvert et estunguide, chaquemanteaudederviche

retientunMoïsedanssesplis.Seullesaintfaitconnaîtrelesaintetrendheureuxceluiqu’ilveut.

2350 Personnenepeutlereconnaîtreaumoyendelasagessequandilasimulélafolie.Quand un voleur qui voit vole un homme aveugle, ce dernier peut-il

décelerquiestlevoleurentraindepasser?L’aveuglenesaitpasquil’avolé,mêmesic’estleméchantvoleurqui

l’aheurté.Lorsqu’unchienmordunmendiantaveugleenhaillons,commentcelui-

cireconnaîtrait-ilcechienféroce?

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Commentlechienattaqualemendiantaveugle

nchienattaquaitcommeun lionbelliqueuxunmendiantaveugledansunecertainerue.Le chien se jette avec fureur contre les derviches ; la lune frotte ses

yeuxaveclapoussièredespiedsdesderviches.L’aveugleétaitrenduimpuissantpar lesaboiementsduchienetparsa

peurduchien;l’aveuglesemitàrendrehommageauchien,Disant:«Oprince,ôliondelachasseetdelapoursuite,àprésentàtoi

estlasupériorité;renonceàm’attaquer!»Car, par nécessité, ce philosophe rendait hommage à un être aussi vil

quelaqueued’unâne,etluidonnaitletitrede«noble».L’aveugleaussi,parnécessité,dit :«Olion,quelbien t’adviendra-t-il

d’uneproieaussimaigrequemoi?«Tesamiscapturentdesonagresdansledésert;tuattrapesunaveugle

danslarue:c’estmal.2360 «Tesamisrecherchentdesonagresenleurfaisantlachasse;ettoi,par

puremalice,cherchesunaveugledanslarue.»Lechienqui sait a faitde l’onagre saproie, tandisquecechienvil a

attaquéunaveugle.Quandlechienaapprislaconnaissancequiluiestimpartie,ilaéchappé

àl’erreur:ilchassedesproieslicitesdanslesjungles.Lorsque le chien est devenu connaissant Çâlim), il marche à vive

allure ; quand le chien est devenu un Connaissant de Dieu Çârif), ildevientcommelesHommesdelaCaverne60.LechienestarrivéàsavoirquiestleMaîtredelachasse.ODieu,quelle

estcettelumièredelaconnaissance?Si l’homme aveugle ne le sait pas, ce n’est pas parce qu’il n’a pas

d’yeuxpourvoir;non,c’estparcequ’ilestivred’ignorance.Envérité,l’aveuglen’estpasplusdépourvud’yeuxquelaterre;etcette

terre,parlagrâcedeDieu,estdevenuelevoyantdesennemisdeDieu.Elle a vu la Lumière de Moïse, et témoigna à Moïse de la

bienveillance;maisQârûnfutenglouti,carelleconnaissaitQârûn61.Elleatremblépourdétruirechaquefauxprétendant,elleacomprisles

parolesdeDieu:«Oterre,absorbe(cetteeau62).»2370 Laterreetl’eau,l’airetlefeuétincelantnesontpasfamiliersavec

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nous,maisfamiliersavecDieu.A l’inverse, nous sommesconscientsde choses autresqueDieu,mais

inattentifsàDieuetàtantdesignes.Laconséquencenécessairefutquetouslesélémentsrefusèrentledépôt

(quileurétaitoffert)63,leurimpulsionàparticiperàlaviefutémoussée.Ilsdirent:«Noussommestoushostilesàcettevie,àsavoirqu’ilfaut

vivreenrelationaveclesêtrescréésetêtremortenrelationavecDieu.»Lorsque l’on reste éloigné des êtres créés, on est orphelin : pour être

intimeavecDieu,lecœurdoitêtrelibéré(detouteautrerelation).Quand un voleur dérobe quelque bien à un aveugle, l’aveugle se

lamenteaveuglément,Jusqu’àcequelevoleurluidise:«C’estmoiquit’aivolé,carjesuis

unvoleuradroit.»Commentl’aveugleconnaîtrait-ilsonvoleur,puisqu’ilnepossèdepasla

lumièredesyeuxetcerayonnement?Quand levoleurparle, saisis-toi aussitôt étroitementde lui,pourqu’il

puissedécrirelesmarquesdistinctivesdesbiensvolés.Laplusgrandeguerre(Djihâd)consistedoncàlepresserjusqu’àlalie,

afinqu’ilpuissedirecequ’ilavoléetcequ’ilaemporté.2380 Toutd’abord,ilavolélecollyredetesyeux:situleluireprends,tu

recouvreraslavue.Les richessesde lasagesse,quiontétéperduespar toncœur,peuvent

certainementêtretrouvéesavecl’hommeducœur(lesaint).Celuidont lecœurestaveugle,endépitdesapossessiondelavie,de

l’ouïeetdelavue,nedécèlejamaislevoleurdiaboliqueparsestraces.Recherchecetteconnaissancechezl’hommeducœur;nelarecherche

pasencequiestinanimé,cartoutlemondeestinaniméencomparaisondelui.Lechercheurdeconseils’approchadelui(lesaintfeignantlafolie)et

luidit:«Opèredevenupareilàunenfant,dis-moiunsecret.»Il répondit : « Eloigne-toi de l’anneau de cette porte, car cette porte

n’estpasouverte.Retourne:aujourd’huin’estpaslejourpourlessecrets.« Si le spatial avait accès au non-spatial, je serais assis sur un banc

(donnantdesinstructions)commelessheikhs.»

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Commentl’inspecteurdepolicecondamnal’hommequiétaittombé

ivremortàallerenprison

’inspecteur vint à minuit à un certain endroit : il vit un hommegisantaupiedd’unmur.Il lui cria : «Hé, tu es ivre : dis-moi, qu’as-tu bu ? »L’hommedit :

«J’aibudecequiestdanscettecruche.»« Je te prie, dit-il, de m’expliquer ce qui est dans la cruche. » Il

répondit : «Ce dont j’ai bu. » «Mais, dit l’inspecteur, c’est caché à lavue.»

2390 IIredemanda:«Qu’est-cequetuasbu?»Ilrépliqua:«Cequiestcachédanslacruche.»Ces questions et réponses devenaient un cercle vicieux. L’inspecteur

restaitplantédanslaboue,commeunâne.L’inspecteur dit : « Allons, dis : “Ah” » ; mais l’homme ivre, au

momentdeparler,dit:«Hû,Hû.»«Jet’avaisditdedire:“Ah",dit-il;ettudis:‘rû”(Lui).»«Parceque

jesuisheureux,répondit-il,tandisquetuescourbéparlechagrin.«Ondit“Ah”enraisondelasouffrance,duchagrinetdel’injustice;le

“Hû,Hû”desbuveursdevinvientdelajoie.»L’inspecteurdit :«Jenesaisriende toutcela.Lève-toi, lève-toi!Ne

faispasdediscourssurlamystique,etlaisselàcettedispute.»«Va-t’en,ditl’homme;qu’as-tuàfaireavecmoi?»«Tuesivre,dit

l’inspecteur.Lève-toietviensenprison.»L’hommeivredit:«Ôinspecteur,laisse-moiseuletva-t’en.Comment

est-ilpossibled’emporterdesgagesdeceluiquiestnu?«Envérité,sijepouvaismarcher,jeseraisalléàmamaison—etalors

commenttoutcelaserait-ilarrivé?«Sij’avaisencoredelacompréhensionetdel’existencecontingente,je

seraissurlebanc,donnantunenseignementcommelessheikhs.»

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Commentlequestionneur,pourlasecondefois,amenacesaint

éminentdanslaconversation,afinquesaconditionpuisseêtremieux

connue(duquestionneur)

2400 echercheurdit:«Ôtoiquiesmontésurlacanne,jet’enprie,conduistonchevaldececôtépourunmoment.»Il chevaucha vers lui, en criant : « Attention, dis (ce que tu désires)

aussivitequetulepeux,carmonchevalesttrèsrétifetemporté.«Dépêche-toi, de peur qu’il te décoche des coups de pied ; explique

clairementcequetuveuxsavoir.»Lequestionneurnejugeapasutilederévélerlesecretdesoncœur;ilse

livraaussitôtàuneéchappatoireetl’entraînadansuneplaisanterie.Ildit:«Jedésireépouserunefemmedanscetterue:quelleestcellequi

convientàquelqu’uncommemoi?»«Ilexistetroissortesdefemmesencemonde,dit-il;deuxd’entreelles

sontunmalheur,etl’autreestuntrésordel’âme.«Lapremière,quandtul’épouses,estentièrementàtoi;etlaseconde

estàmoitiéàtoietàmoitiéséparéedetoi.« Quant à la troisième, sache qu’elle n’est pas du tout à toi. Tu as

entendu.Va-t’en!Jeparsdansuninstant,« De peur quemon cheval ne rue vers toi et que tu tombes et ne te

relèvesjamais.»Lesheikhchevauchasacanneaveclesenfants,maislejeunehommelui

criaànouveau:2410 «Allons,jet’enprie,expose-moicela.Tuasditquecesfemmesétaient

detroissortes:décris-les.»Ilchevauchaversluietluidit:«Laviergedetonchoixseratotalement

àtoi,ettuseraslibéréduchagrin;«Et cellequi est àdemi tienneest laveuve sansenfant ; et cellequi

n’estrienpourtoiestlafemmemariéeavecunenfant:«Quand elle a un enfant de sonpremiermari, son amour et tout son

cœurirontlà.«Aprésent,va-t’en,decraintequemonchevalnerue,etquelesabot

demonchevalrétifnet’atteigne.»Le sheikh poussa un grand cri de joie et s’en retourna : il appela de

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nouveaulesenfantsverslui.Cequestionneurcriaversluiànouveau:«Viens,j’aiunequestionqui

reste,ôroisouverain.»Ilrevintdanscettedirection.«Discequec’est,cria-t-il,aussiviteque

tulepeux,carcetenfantlà-basaravimoncœur.»L’autredit :«Ô roi, avecune telle intelligenceetérudition,qu’est-ce

quecettedissimulation?Qu’est-cequecettefaçond’agir?Oh,c’estunemerveille!« Tu surpasses l’Intelligence universelle dans ta puissance

d’élucidation.Tuesunsoleil:commentes-tucachédanslafolie?»2420 IIrépondit:«Cesvauriensproposentdefairedemoiuncadidansleur

ville.« J’ai soulevé des objections, mais ils m’ont dit : “Non, il n’y a

personned’aussiinstruitetaccompliquetoi.“Tantquetuexistes,ilestilliciteetmauvaisquequiconqued’inférieurà

toipuisseciterlesTraditionsprophétiquesdanslafonctiondecadi.“La permission n’est pas accordée par la Loi que nous nommions

quelqu’undemoindrequetoicommenotreprinceetguide.”« Par cette nécessité, je fus rendu bouleversé et fou (en apparence),

mais,intérieurement,jesuisexactementcequej’étais.« Mon intelligence est le trésor caché et je suis la ruine (qui le

dissimule);sijemontreletrésor,c’estalorsquejesuisfou.«Levéritablefouestceluiquin’estpasdevenufou,celuiquiavucette

patrouilledenuitetn’estpasrentréchezlui.«Ma connaissance est substantielle, non accidentelle ; et cette chose

précieusen’apaspourfinn’importequelintérêt.« Je suis une mine de douceurs, je suis une plantation de cannes à

sucre:ellepousseàpartirdemoi,etenmêmetempsj’enmange.»La connaissance est conventionnelle et acquise, quand celui qui la

détientselamenteparcequesonauditeurnel’écoutepas.2430 Étantdonnéqu’elleestapprisepourattirerlarenommée,etnonpar

amourdel’illumination(spirituelle),il(lechercheurdeconnaissancespirituelle)nevautpasmieuxqueceluiquirechercheunevileconnaissancemondaine;Car il recherche la connaissance à cause du commun des gens et des

nobles,etnonafind’obtenirladélivrancedecemonde.Commeunesouris,ilacreusédanschaquedirection,étantdonnéquela

lumièrelerepoussaitloindel’entréeetdisait:«Va-t’en!»Puisqu’il n’avait pas la possibilité de sortir vers la campagne et la

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lumière,ilcontinuaitàselivreràceseffortsmêmedansl’obscurité.SiDieu luioctroiedesailes, lesailesde laSagesse, il échapperaà sa

conditiondesourisetvoleracommelesoiseaux.Maiss’ilnerecherchepasdesailes,ildemeurerasousterresansespoir

defranchirlecheminversSimâk*.Laconnaissancedialectique,quiestdépourvued’âme,estéprisede la

vuedesclients;Mais bien qu’elle soit vigoureuse au temps de la discussion, elle est

morteetinexistantequandellen’apasdeclient.Mon acheteur est Dieu : Il m’attire vers les hauteurs, car Dieu a

acheté64.Ma récompense est la beauté du Dieu glorieux : je jouis de ma

récompensecommedegainslicites.2440 Abandonnecesclientsinsolvables:quelachatpeutêtreeffectuéparune

poignéed’argile?Nemangepasd’argile,n’achètepasd’argile,nerecherchepasl’argile,

carlemangeurd’argileatoujoursunvisagepâle.Mange toncœur(dans l’amourdeDieu),afind’être toujours jeune,et

quetonvisagesoitdivinementilluminé,commelafleurdel’arghawân.ÔSeigneur,cedonn’estpasdanslamesuredenotreaction:envérité,

ledondeTagrâceestselonTagrâcemystérieuse.Prends-nouspar lamain ; rachète-nousdenospropresmains ; lève le

voileentreToietnous,etnedéchirepaslevoile(quicachenotrehonte).Sauve-nousdecemoimisérable(nafs):soncouteauaatteintnosos.Quirelâcheracesforteschaînesd’êtresimpuissantstelsquenous,ôroi

sanscouronneetsanstrône?Qui, exceptéToidansTabonté,ôAmour,peutdesserrerunverrou si

lourd?Tournonsnostêtesdenous-mêmesversToi,étantdonnéqueTuesplus

prèsdenousquenousnelesommesennous-mêmes.CetteprièremêmeestTondonetTaleçon;sinon,pourquoiunparterre

derosesa-t-ilpousséhorsd’untasdecendres?2450 SaufparTamunificence,ilestimpossibledetransporterlaraisonet

l’intelligenceauseindusangetdesentrailles.Cette lumière qui rayonne procède de deuxmorceaux de graisse (les

globesoculaires):leursvaguesdelumièremontentjusqu’auciel.Cemorceau de chair qu’est la langue— d’elle, le flot de la Sagesse

s’écoule,commeunruisseau,

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Versunecavité,dontlenomest«oreilles», jusqu’auvergerdel’âmerationnelle,dontlesfruitssontlesintellections.Soncourantprincipalest lecheminduvergerdesâmes, lesvergerset

lesjardinsdecemondesontsesbranches.C’estcela,c’estcelaquiestlasourcedelajoie:vite,réciteletexte(des

jardins)souslesquelscoulentdesruisseaux65.

*Nomd’uneétoile.

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Conclusiondel’admonitiondonnéeparleProphète(queDieule

bénisseetlesauve)àl’hommemalade

eProphèteditàl’hommemalade,lorsqu’ilrenditvisiteàsonamisouffrant:«Peut-êtreas-tufaituneprièred’ungenreparticulier,etparignorance

as-tu,pourainsidire,absorbéunenourritureempoisonnée.«Rappelle-toiquellesortedeprièretuasditequandtuétaistourmenté

parlarusedel’âmecharnelle.»Ilrépondit:«Jenem’ensouvienspas;maisenvoie-moitoninfluence

etlaprièremereviendraàlamémoireenuninstant.»2460 GrâceàlaprésenceirradiantlalumièredeMustafâ,cetteprièrelui

revintàl’esprit;Del’aspirationduProphètequidemeureenlalumière,vintàsonesprit

cequiétaitperdu;A travers la fenêtre qui se trouve entre le cœur et le cœur, brilla la

lumièrequiséparelavéritédel’erreur.Ildit:«Écoute,jemesuissouvenu,ôProphète,delaprièrequemoi,

stupideimpertinent,j’aidite.«Alorsque j’étaisprisdans les retsdupéchéetque,en traindem’y

noyer,jemecramponnaisàunepaille,«Alorsquevenaitdetoiàl’égarddespécheursunemenacedepunition

excessivementsévère«Etquejedevenaisagité,etqu’iln’yavaitpourmoinulsecours,étant

donnéqueleschaînesétaientattachéesetleverrouimpossibleàouvrir:«Niplacepourlapatiencenimoyensdes’enfuir,niespoirderepentir

nipossibilitédeserévolter;«Moi,commeHârûtetMârût*, jecriaisdansmapeine :“Hélas !”et

disais:“ÔmonCréateur!”«Parceque,àcausedesdangers(duJugementdernier),HârûtetMârût

choisirentdélibérémentlefossédeBabylone,2470 «Afindesubirici-baslechâtimentdumondeàvenir;etilssont

malins,intelligentsetpareilsàdesmagiciens.«Ilsagirentbien,etcefutaccompliconvenablement:lasouffrancede

lafuméeestpluslégèrequecelledufeu.

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« La souffrance dumonde futur est au-delà de toute description ; encomparaison,lasouffrancedecemondeestlégère.«Oh!heureuxceluiquiselivreàlaluttesainte(delamortification)et

exerceunecontraintesursoncorpsetlajusticecontrelui,«Etqui,afind’êtresauvédelasouffrancedecemonde-là,s’imposeà

lui-mêmelapeinedeservirDieu!«Jedisais:“OSeigneur,inflige-moiviteencemonde-cicechâtiment,"Pour que je puisse en être exempté dans l’autremonde.” C’est avec

unetellerequêtequejefrappaisàlaporte.«Là-dessus,unetellemaladieapparutenmoi:parladouleurmonâme

étaitprivéederepos.«Jesuisrestésanslepouvoird’accomplirmondhikr*etmeslitanies:

jesuisdevenuinconscientdemoi-mêmeetdubienetdumal.« Si je n’avais pas maintenant contemplé ton visage, ô toi dont le

parfumestheureuxetbéni,2480 «Jeseraisentièrementsortidesliensdecettevie.Toi,defaçonroyale,

m’asoctroyécettesympathie.»LeProphètedit:«Hé!n’offrepascetteprièreànouveau,netecreuse

pastoi-mêmedepuislaracineetlabase.«Quelleforcepossèdes-tu,ômalheureusefourmi,poursupporterqu’Il

posesurtoiunemontagnesiélevée?»Ilrépondit:«Ôsultan,jemerepens,etenaucunefaçonneferaiplus

désormaisimprudemmentlefanfaron.«Cemondeestledésert(desIsraélites)ettuesMoïse;etnous,àcause

denotrepéché,nousrestonsdansledésertdelatribulation.«Nouserronsdurantdesannées,etàlafinnoussommesencoreretenus

captifsdanslapremièreétapedenotrevoyage.« Si le cœur deMoïse était content de nous, il nous auraitmontré le

cheminàtraversledésertetjusqu’àsafrontière;« Et s’il était complètement dégoûté de nous, comment et par quels

moyensdesplateauxdenourrituredescendraient-ilspournousduciel?«Comment des sources jailliraient-elles d’un rocher, et comment nos

viesseraient-ellesensécuritédansledésert?«Non,envérité, le feudescendraitau lieudeplateaux :des flammes

nousatteindraientdanscettedemeure.2490 «ÉtantdonnéqueMoïseentretientdeuxopinionsànotresujet:ilest

tantôtnotreennemiettantôtnotreami;« Sa colèremet le feu à nos biens ; sa clémence devient un bouclier

contrel’affliction.

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«Comment cette colère peut-elle à nouveau devenir clémence ?Celan’estpasextraordinaire,carcelaprocèdedetagrâce,ôhommevénérable.« Louer celui qui est présent cause de l’embarras ; c’est pourquoi

j’utiliseàdesseinlenomdeMoïse,commecela.« Autrement, comment Moïse considérerait-il comme juste que je

mentionnequiconqueautrequetoi?«Notrepromesseaétébriséedescentainesetdesmilliersdefois;Ta

promesse,commeunemontagne,demeurefermeetstable.« Notre promesse est de la paille et soumise à tous les vents ; Ta

promesseestunemontagne,etplusmêmequecentmontagnes.«Par lavéritédeTapuissance,aiepitiédenotreversatilité,ôToiqui

régistoutescouleurs*!«Nousnoussommesvusnous-mêmes,etnotrehonte.Nenousmetspas

davantageàl’épreuve,ôRoi!« Cache nos autres défauts, ô Généreux dont nous implorons le

secours!2500 «Tuesinfinienbeautéetenperfection,noussommesinfinisen

perversitéeterreur.«Dirigetoninfinité,ôGénéreux,surl’infinieperversitéd’unepoignée

degensmesquins.«Viens,cardenotreétoffenerestequ’unseulfil;nousétionsuneville,

iln’enrestequ’unseulmur.«(Sauve)lereste,(sauve)lereste,ôSeigneur,afinquel’âmeduDémon

neseréjouissepasentièrement,«Nonpasàcausedenous,maisàcausedecettegrâceoriginelleavec

laquelleTuascherchéceuxquiavaientperduleurchemin.«CommeTuasmontrétapuissance,montremaintenantTamiséricorde

danscettechairetcesang.« Si cette prière augmente Ton courroux, apprends-nous à prier, ô

Seigneur,«Demêmeque,lorsqueAdamtombaduParadis,Tuluiaccordasdese

tournerversToi,desortequ’iléchappaauvilaindémon.»Qui est le Démon, qu’il puisse surpasser Adam et gagner sur un tel

échiquier?Envérité,toutcelatournaàl’avantaged’Adam:cetterusedevintune

malédictionpourl’envieux.2510 LeDémonnevitqu’unjeu,ilnevitpasdeuxcentsjeux(qu’il

perdrait):c’estpourquoiilcoupalespilierssoutenantsapropremaison.Ilmitlefeu,lanuit,auxchampsdebléd’autrui,etleventapportalefeu

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danssonproprechamp.LamalédictiondivineaveuglaleDémon,desortequ’ilcrutquesaruse

causeraitdutortàsonennemi.Lamalédictiondivine,c’estcequifausselavisiondequelqu’un,et le

rendjaloux,vaniteuxetvindicatif,Detellesortequ’ilnesaitpasquequiconquefaitlemal,cemalàlafin

reviendralefrapper.Il voit tous les coups à jouer à l’envers : leur résultat est de le faire

échecetmat,deluicauserl’insuccèsetladéfaite.S’il se regarde lui-même comme n’étant rien, s’il regarde sa blessure

commemortelleetinfectée,Lasouffrancenaîtradeceregardjetéàl’intérieur,etcettesouffrancele

ferasortirduvoile.Avantquelesmèresnesubissentlesdouleursdel’enfantement,l’enfant

nepeutnaître.Cedépôt(divin)estdanslecœur,etlecœurleporte:cesconseils(des

prophètesetdessaints)sontcomparablesàlasage-femme.2520 La sage-femme peut dire que la mère ne souffre pas, mais la

douleurestnécessaire,c’estellequifraielavoieàl’enfant.Celuiquiestsanssouffranceestunbrigand,carêtresansdouleur,c’est

dire:«JesuisDieu.»Dire«Je»àcontretempsestunemalédiction;dire«Je»autempsqui

convientestunemiséricorde.Le« Je»deMansûr (Hallâdj)devint assurémentunemiséricorde ; le

«Je»dePharaondevintunemalédiction.Note-lebien!En conséquence, il nous faut décapiter chaque oiseau qui n’est pas

ponctuel(lecoqquichantetroptôt),afindedonnerunavertissement.Quesignifie«décapiter»?Tuerl’âmecharnelledanslaguerresainte

(spirituelle)etrenonceraumoi,Demêmequel’onretireraitauscorpionsondardafinqu’ilnesoitpas

tué,Ou que l’on arracherait le croc venimeux d’un serpent pour éviter au

serpentd’êtrelapidé.Riennedétruira l’âme charnelle, sauf l’ombre (la protectiondupîr) ;

attache-toifermementàcemeurtrierdelachair.Lorsquetu lefais,c’estavecl’aidedeDieu; touteforcequi t’advient

estdueàcequ’ilt’attireversLui.2530 Sachequ’estvéridiquelaParole«Tun’aspaslancéquandtu

lançais66».Toutcequel’âmesèmeprovientdel’Amedel’âme.

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C’est Lui qui prend par la main, et c’est Lui qui porte le fardeau ;espère,detempsentemps,recevoirdeLuicesouffle.PeuimportequetusoisrestélongtempssansLui:tuasluqu’ilestlong

àsesaisir(despécheurs),toutenlessaisissantfermement.SaMiséricorde est longue à te saisir,mais elle le fait étroitement. Sa

PrésencenetelaissepasabsentdeLuiunseulinstant.Si tudésiresTexplicationdecetteunionetamitié, lisattentivement la

sourateWa’lDuhâ.EtsitudisquelesmauxviennentaussideLui,commentserait-ceun

défautdansSagrâce?Qu’Iloctroiecemal,c’estlefaitdeSaperfectionmême.Jevaistedire

uneparaboleàcesujet,ôhommevénéré.Unpeintreafaitdeuxsortesdeportraits—desportraitsmagnifiqueset

desportraitsdépourvusdebeauté.Il a peint Joseph et de gracieuses houris, il a peint de laids afrits et

démons.Ces deux sortes de tableaux témoignent de son talent ; ceux qui sont

laidsnetémoignentpasdesalaideuràlui,maisdesagénérosité.2540 IIrendlelaidd’unelaideurextrême,ilestremplidetoutesleslaideurs

(possibles),Afinquelaperfectiondesontalentpuisseêtremanifestée,etquecelui

quiniesontalentsoitcouvertdehonte.Ets’ilnepeutpeindrelelaid,ilmanquedetalent:c’estpourquoiDieu

estleCréateuràlafoisdel’impieetducroyant.Donc,decepointdevue, l’impiétéet la foi sontSes témoins : toutes

deuxseprosternentdevantSaMajesté.Mais sache que le croyant se prosterne de son plein gré, parce qu’il

recherchelasatisfactiondeDieu,c’estlàsonbut.L’impie,luiaussi,estunadorateurdeDieu,involontairement;maisson

butestunautreobjetdedésir.Il maintient en bon état la citadelle du Roi, mais il prétend la

commander.Ilestdevenuunrebelle,afinquecedeviennesondomaine;enréalité,à

lafin,lacitadellerevientauRoi.LecroyantconservecettecitadelleenbonétatpourleRoi,nonpourson

propreavantage.Celuiquiestlaiddit:«ÔRoi,Tucréeslelaid,etTupeuxcréerlebeau

aussibienquelelaidetvil.»2550 Celuiquiestbeaudit:«ÔRoidebeautéetdegrâce,Tum’ascréésans

Page 557: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

défauts.»

*Angesdéchus.Cf.Qor’ân,II,102.*MémorationdeDieu.* Reng = couleur. D’aprèsMawlânâ, désigne une caractéristique de l’hommeinconstant, symbolise aussi les phénomènes du monde par rapport auxnoumènes.

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CommentleProphète(queDieulebénisseetlesauve)donnades

instructionsaumaladeetluiappritàprier

eProphèteditaumalade:«Disainsi:“ÔToiquirendsaisécequiestdifficile,“Accorde-nouslebiendansnotredemeuredecemonde,accorde-nous

lebiendansnotredemeuredel’autremonde!“Rends-nouslavoieagréablecommeunjardin;c’estToi,ÔGlorieux!

quiesnotrebut!”« Lors du Rassemblement, les croyants diront : “Ô ange, n’est-il pas

vraiquel’Enferestlaroutecommune,“Et que le croyant comme l’impie la traversent ?Nousn’avonsvuni

fuméenifeudanscetteroute.“Iciest leParadiset laCourdelasécurité:oùdoncsetrouvaitcevil

lieudepassage?”« Alors l’ange dira : “Ce jardin verdoyant que vous avez vu en un

certainendroit,lorsquevousêtespassés,“C’était l’Enfer et le lieu terrible du châtiment,mais pour vous il est

devenuunjardin,unverger,desarbres,“Étant donné qu’avec cette âme charnelle de nature infernale, cette

impiepleinedefeu,cherchantàvousséduireententation,2560 “Vousavezlivrédescombats;qu’elleestdevenuepleinedepureté,et

quevousavezéteintcefeu,pourl’amourdeDieu;“Quelefeudelapassionsensuellequibrûlaitestdevenulaverdurede

lapiétéetlalumièredelabonnedirection;“Quelefeudelacolèreenvouss’esttransforméenpatience,etqueles

ténèbresdel’ignoranceenvoussontdevenuesconnaissance;“Quelefeudelacupiditéenvouss’esttransmuéenabnégation,etque

cetteenviepareilleàdesépinesestdevenuedesroses;“Étantdonnéquevousaviezauparavantéteinttouscesfeuxquiétaient

envous,pourl’amourdeDieu;“Quevousavezrendul’âmecharnelleenflamméepareilleàunjardin,et

quevousyavezsemélagrainedelafidélité,“Tandisquelesrossignolsdelacommémorationetdelaglorificationde

Dieuchantaientdoucementdanslebosquetaubordduruisseau;

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“Étant donné que vous avez répondu à l’appel deDieu et apporté del’eauàl’enferdevotreâme;“NotreEnfer, luiaussi,estdevenupourvousde laverdure,des roses,

l’abondance,lesrichesses.”»Quelleestlarécompensepourlesbonnesactions,ômonfils?Lagrâce,

lebienfait,larécompenseprécieuse.2570 Nedisiez-vouspas:«NousnousoffronsensacrificeàDieu;nous

disparaissonsdevantlesattributsdeSapérennité;«Quenoussoyonsdesvauriensoudesfous,noussommesenivréspar

cetÉchansonetparcettecoupe;«DevantSonÉcriture et Sonordre, nous courbons la tête ; nousLui

donnonsnosdoucesviesengage;«Tantquel’magedel’Amiestdanslesecretdenoscœurs,cequenous

avonsàfairec’estdeLeserviretdeLuiconsacrernosvies.»Làoùaétéalluméelachandelledelatribulation,desmyriadesd’âmes

amoureusessontbrûlées.Cesamoureuxquise trouventà l’intérieurde lamaisonsontpareilsà

desphalènesdevantleflambeaudelafacedel’Ami.Ômoncœur,vaencelieuoùl’onestavectoipleind’amitié,où,contre

lesafflictions,onestpourtoicommeunecottedemailles;Prendsplaceauseindeleursâmes,qu’ellespuissentteremplirdevin,

commeunecoupe.Choisis ta demeure aumilieu de leurs âmes : ô pleine lune éclatante,

faistademeuredansleciel!CommeMercure*, ilsouvriront le livrede toncœur,afinde te révéler

lesmystères.2580 Resteaveclestiens;pourquoierrerauloin?Attache-toiàlaLune

parfaitesituesuneparcelledelaLune.Pourquoi la partie reste-t-elle éloignée de son tout ? Pourquoi tout ce

mélangeaveccequiestdifférent?Vois comment le genre est devenu espèce dans le processus (de

différenciation) ; vois comment les choses invisibles sont devenuesvisiblesdansl’émanation.Aussi longtemps que tu seras séduit par les flatteries comme une

femme, ô homme dénué de sagesse : comment seras-tu aidé par desmensongesetdescajoleries?Tuprendslaflatterieetlesdoucesparolesetlacajolerieettulesmets

commedeFordanstonsein.Pourtoi,lesinsultesetlescoupsdesrois(spirituels)vaudraientmieux

Page 560: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

queleslouangesdesgenségarés.Avalelessouffletsdesrois(spirituels),n’avalepaslemieldelaracaille,

afinque,grâceàcespersonnages,tupuissesdevenirunpersonnage;Card’euxproviennentlafélicitéet lesrobesd’honneur:à l’ombrede

l’esprit,lecorpsdevientuneâme.Làoùtutrouvesquelqu’undénudéetmisérable,sachequ’ils’estenfui

loindumaître(spirituel),Afindedevenirtelquesoncœurledésire—cecœuraveugle,pervers,

indigne.2590 S’ilétaitdevenutelquesonmaîtreledésirait,ilauraithonorélui-même

etsafamille.Quiconqueencemondes’enfuit loindesonmaîtres’enfuit loinde la

félicité.Sache-lebien!Tu as appris un métier pour avoir un gagne-pain pour ton corps :

consacre-toimaintenantàuneoccupationreligieuse.Danscemonde,tuesdevenubienvêtuetriche:quandtupartirasd’ici,

commentferas-tu?Apprends un métier tel qu’ensuite le gain du pardon de Dieu puisse

t’advenirenrevenu.Lemondedel’au-delàestunecitépleinedecommercesetdegains:ne

pensepasquelesgainsd’ici-bassoientsuffisants.DieuleTrès-Hautaditqu’àcôtédesgainsdel’au-delàlesgainsd’ici-

bassontcommelesjeuxdesenfants,A l’instar d’un enfant qui embrasseun autre enfant : il le fait comme

dansuneétreintesexuelle;Outelsdesenfantsquipourjouerconstruisentuneboutique,maiscela

neleursertàriend’autrequ’às’amuser.La nuit tombe, et l’enfant qui jouait à être un boutiquier rentre à la

maison,ayantfaim:lesautresenfantssontpartisetilresteseul.2600 Cemondeestunterraindejeux,etlamortestlanuit:turetournesla

boursevide,exténué.Lesgainsdelareligionsontl’amouretl’extaseintérieure—lacapacité

derecevoirlaLumièredeDieu,ôhommeobstiné!Cette vile âme charnelle désire que tu gagnes ce qui disparaît —

combiendetempsgagneras-tucequiestvil?Renonce!Assez!Si la vile âme charnelle désire que tu gagnes ce qui est noble, il y a

quelqueruseetfourberiederrièrecela.

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*Mercure,lescribecéleste,représentel’Hommeparfaitquiécritdanslescœurs.

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CommentIblîsréveillaMu‘âwiya(puisseDieuêtresatisfaitdelui!)disant:«Lève-toi,c’estlemoment

delaprière.»

1est rapportédans laTraditionqueMu‘âwiyaétaitendormidansuncoindesonpalais.Laportedupalaisétaitverrouilléedel’intérieur,carilétaitfatiguépar

lesvisitesdesgens.Toutàcoup,ilfutréveilléparunhomme,maisquandilouvritlesyeux,

l’hommedisparut.Ilsedit:«Personnen’avaitledroitd’entreraupalais;quiestceluiqui

afaitpreuvedetantd’insolenceetdetémérité?»Alors il fit le tour et chercha pour trouver la trace de celui qui était

devenucachéàlavue.Derrière la porte, il aperçut un pauvre homme qui cachait son visage

danslaporteetlesrideaux.2610 «Hé!s’écria-t-il,quies-tu?Quelesttonnom?»«Enréalité,dit-il,

monnomestIblîsledamné.»Mu‘âwiyademanda:«Pourquoim’as-turéveillé?Dis-moilavérité,ne

medispascequiestopposéetcontraireàlavérité.»

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CommentIblîss’efforçadedésarçonnerMu‘âwiya(Dieusoit

satisfaitdelui!)etpratiqualadissimulationetlefaux-semblant,etcommentMu‘âwiyaluirépondit

1 dit : « Le temps de la prière tire à sa fin ; tu dois courirrapidementàlamosquée.»Mohammadadit,perçantlaperledel’idée:«Hâtez-vousd’accomplir

vosdévotionsavantqueletempssoitpassé.»Muâwiyadit :«Non,non ;cen’estpas tondesseind’êtremonguide

versunbien.«Siunvoleurvientsecrètementdansmademeureetmedit:"Jefaisle

guet",«Commentcroirais-jecevoleur?Commentunvoleurconnaîtrait-illa

récompenseetlarétributiondesbonnesactions?»

Page 564: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentIblîsréponditànouveauàMu‘âwiya

1dit:«D’abordj’étaisunange;j’aisuivilavoiedel’obéissance(àDieu)detoutemonâme.«J’étaisleconfidentdeceuxquisuiventlesentier:j’étaisfamilieravec

ceuxquidemeurentprèsduTrônedeDieu.« Comment la première profession pourrait-elle quitter l’esprit ?

Commentlepremieramourpourrait-ilquitterlecœur?2620 «Situvois,envoyage,Rûm(Byzance)ouleKhotan,commentl’amour

detapatrieabandonnerait-iltoncœur?«Moiaussi,j’aiétéenivréparcevin;j’aiétéundesamoureuxdeSa

cour.«Onm’a,dèsmanaissance,prédestinéàl’amourpourLui;onasemé

l’amourpourLuidansmonâme.« J’ai vu de beaux jours accordés par le Destin ; j’ai bu l’eau de la

Miséricordedivineenceprintemps.«N’est-cepas lamaindeSaGénérositéquim’a semé?N’est-cepas

Luiquim’atirédelanon-existence?«Oh,maintesfois j’aireçuSescaresses; j’aimarchédanslaroseraie

deSonapprobation.«IlposaitsurmatêtelamaindeSamiséricorde,Ilouvraitpourmoiles

sourcesdelagrâce.« Qui trouva pour moi du lait quand j’étais un petit enfant ? Qui

balançaitmonberceau?Lui.«Dequiai-jebudulaitautrequeSonlait?Quim’anourri,sicen’est

Saprovidence?«Lanaturequiapénétrédansleurêtreaveclelait,commentpeut-elle

êtreenlevéeauxhommes?2630 «SilaMerdelaGénérositém’aadresséunreproche,commentles

portesdelaGénérositéont-ellesétéfermées?« Le don, la grâce et la faveur sont l’essence de Sa monnaie ; le

courrouxn’estqu’unpeud’alliagesurelle.«C’estpargrâcequ’ilacréélemonde;Sonsoleilacaressélesatomes.«Silaséparationd’avecLuiestengendréeparSoncourroux,c’estpour

quesoitconnuelavaleurdel’unionavecLui,«Afinquelaséparationd’avecLuiapporteàl’âmeunchâtiment,que

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l’âmeconnaisseleprixdesjoursdel’union.«LeProphèteaditqueDieuadéclaré :“Monbut,encréant,étaitde

fairelebien:“J’ai créé afin que (Mes créatures) puissent tirer un profit deMoi, et

qu’ellespuissenttacherleursmainsavecMonmiel;“Nondansl’intentionquejepuissetirerd’ellesungain,etquejepuisse

arracherl’habitdeceluiquiestnu.”«PendantlelapsdetempsoùIIm’achassédeSaprésence,mesyeux

sontrestésfixéssurSonbeauvisage;« (Me disant) : “Que d’un tel visage vienne un tel courroux, comme

c’estétrange!”Toutlemondes’occupedelacause(deSoncourroux).2640 «Moi,jeneregardepaslacause,quiesttemporelle,carcequiest

temporelneproduitquedutemporel.«Ceque jeconsidère,c’estSamiséricorded’auparavant ; toutcequi

esttemporel,jeledéchireendeux.«Simon refusdemeprosterner (devantAdam)étaitdûà la jalousie,

qu’importe?CettejalousievenaitdemonamourpourDieu,nondemonrefus.« Il est certain que toute jalousie provient de l’amour, de peur qu’un

autredeviennelecompagnondubien-aimé.«La jalousieestuneconditionobligatoirede l’amour,commededire

“Longuevie!”doitsuivrel’éternuement.« Étant donné qu’il n’y avait pas d’autre jeu que celui-ci sur Son

échiquier,etqu’ilmedit:“Joue",quepouvais-jefairedeplus?«Je jouai leseul jeuqu’ilyavait,etmeprécipitaimoi-mêmedans le

malheur.«Mêmedansladétresse,jegoûteSesdélices:jesuisvaincuparLui,

vaincuparLui,vaincuparLui!« Comment quiconque, seigneur, peut-il, en ce monde aux six

directions,sedélivrerdushashdara(lieuauxsixportes)?«Commentunepartiedesixpeut-elleéchapperàl’ensembledessix,et

celasurtoutquandCeluiquiestsansqualificationsl’égare?2650 «Quiconqueestdanslessixestdanslefeu;seul,Celuiquiestle

créateurdessixlelibérera.« En vérité, que ce soit impiété ou foi en Lui, il est l’ouvrage du

Seigneuretc’estàLuiqu’ilappartient.»

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CommentMu‘âwiyaexpliquaànouveaularused’iblîs

’émir lui dit : «Ces choses sont vraies,mais la part que tu y aspriseenestabsente.«Tuaségarédescentainesdemillierssemblablesàmoi;tuasfaisun

trouetesentrédanslasalledutrésor.«Tuesdufeuetdunaphte:tubrûlesetnepeuxt’enempêcher.Quel

estceluidontlevêtementn’apasétédéchirépartamain?« Puisque c’est ta nature, ô feu, d’être la cause de la brûlure, il est

inéluctablequetubrûlesquelquechose.«C’estlamalédictiondeDieuqu’iltefassebrûlerleschosesetfassede

toilechefdetouslesvoleurs.«TuasparléavecDieuetL’asentendufaceàface:queserais-jedevant

taruse,ôennemi?«Tascienceestcommelesondusiffletdel’oiseleur :c’est lecrides

oiseaux,maisc’estunleurrepourlesoiseaux.«Ilaégarédesmyriadesd’oiseaux,l’oiseauétantleurréparlacroyance

qu’unamiestvenu.2660 «Quandilentenddansl’airlesondusifflet,ildescendducieletestfait

prisonnierici.«LepeupledeNoé,àcausedetatromperie,estdansleslamentations;

leurscœurssontconsumésetleursseinsdéchirés.«Tuasabandonné‘Ad*encemondeauvent(deladestruction);tules

asjetésdansletourmentetlespeines.«C’estàcausede toique lepeupledeLot fut lapidé ;àcausede toi

qu’ilsfurentplongésdansl’eaunoire.«AcausedetoilecerveaudeNemrodfutdétruit,ôtoiquiasfaitnaître

desmilliersdetroubles!« Par ta faute, l’intelligence de Pharaon, l’avisé, le sage, devint

aveuglée,etilneluivintpasdecompréhension.«A cause de toi aussi,BûLahab devint un homme vil ; par ta faute

aussi,Bu’l-HakamdevintunBûDjahl.«Ôtoiqui,surcetéchiquier,pourrappeler(tonadresse)asfaitéchecet

matdescentainesdemilliersdemaîtres,«Ôtoiparlesdifficilesattaquesdequinoscœursontétébrûlésetton

proprecœurnoirci,

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«Tuesunocéanderuse,etlescréaturesunegoutte;tuescommeunemontagne,etcesbravesgensunatome.

2670 «Quiéchapperaàtaruse,ôadversaire?Noussommesnoyésdansleflot,saufceuxquisontprotégésparDieu.«Par ta faute,mainteétoile fortunéeaétéconsumée ; à causede toi,

maintesarméesettroupesontétédispersées.»

*Cf.Qor’ân,VII,65-74,etc.

Page 568: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentiblîsreponditànouveauàMu‘âwiya

blîs luidit :«Dénouecenœud ; je suis lapierrede touchede lafaussemonnaieetdecelledebonaloi.«Dieuafaitdemoilecritèredulionetduchien;Dieuafaitdemoile

critèredelamonnaieauthentiqueetdelacontrefaçon.«Quandai-jenoircilafacedelapiècefausse?Jesuislechangeur;je

n’aifaitquel’évaluer.«Auxbons,jesersdeguide,jecasselesbranchessèches.«J’offredifférentessortesdefourrage;dansquelbut?Afindesavoir

dequelleespèceestl’animal.«Quandunloupfaitdespetitsàunegazelle,etqu’ilyadoutesur la

naturedupetit—loupoubiengazelle—,«Placedel’herbeetdesosdevantluietvoisdequelcôtéilseprécipite.«S’ilvaverslesos,ilestcanin;sic’estl’herbe,ilestsûrementdela

racedesgazelles.2680 «Uncourrouxetunegrâcefurentconjoints;decesdeux,naquitle

mondedubienetdumal.« Offre de l’herbe et des os, offre la nourriture de la chair et la

nourrituredel’esprit;«S’ilcherchelanourrituredelachair,ilestdénuédevaleur;s’ildésire

lanourrituredel’esprit,c’estunseigneur.«S’ilsertlecorps,c’estunâne;ets’ilentredanslamerdel’esprit,il

trouveradesperles.«Bienquecesdeux,bienetmal,soientdifférents,cependanttousdeux

effectuentuneseuleaction.«Lesprophètesoffrentlesdévotions,lesennemis(deDieu)offrentles

désirs.«Commentpourrais-je rendremauvais l’hommebon ? Jene suis pas

Dieu.Jenesuisqueceluiquiincite,jenesuispasleurCréateur.«Comment rendrais-je laid l’homme qui est beau ? Je ne suis pas le

Seigneur.Jesuisunmiroirpourlelaidetlebeau«L’Indienbrûleunmiroirdedépit,disant:“Ilfaitapparaîtrel’homme

avecunvisagenoir.”«Dieuafaitdemoiuninformateur,etquelqu’undisantlavérité,afin

quejepuissedireoùestlelaidetoùestlebeau.

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2690 «Jesuisuntémoin:laprisonconvient-elleautémoin?Jeneméritepaslaprison,Dieuenesttémoin.«Chaquefoisquejevoisunarbrisseaupleindefruits,jeprendssoinde

luicommeunenourrice.«Chaquefoisquejevoisunarbreaigreetsec,jelecoupe,afinquele

muscsoitséparédel’ordure.^«L’arbresecditaujardinier:“Ôjeunehomme,pourquoimecoupes-tu

latêtesansfautedemapart?”«Lejardinierrépond:“Tais-toi,méchant!Lasécheressen’est-ellepas

entoiunpéchésuffisant?”«L’arbre sec dit : “Je suis droit, je ne suis pas de travers ; pourquoi

m’amputes-tualorsquejenesuispascoupable?”«Lejardinierdit:“Situavaiseudelachance,tuauraisétédetravers,

maishumide(desève);“Tuauraisattiréentoil’EaudelaVie;tuauraisétéplongédansl’Eau

delaVie.“Tasemenceestmauvaise,ainsiquetaracine,ettun’aspasétéconjoint

àunbonarbre.“Si la branche amère est unie à une branche douce, cette douceur

s’imprimerasursanature.”»

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CommentMu‘âwiyatraitadurementIblîs

2700 ’émirdit:«Ôbrigand,nediscutepas;iln’yapasdepossibilitépourtoidepénétrerenmoi,net’yefforcepas.«Tu es un brigand, et je suis un étranger et unmarchand : pourquoi

achèterais-jedesvêtementsquetuapportes?«Ne rôde pas autour demes biens, impie que tu es : tu n’es pas un

acheteurpourlesbiensdequiconque.« Le brigand n’est un acheteur pour personne, et s’il semble être un

acheteur,cen’estqueruseetartifice.«Jemedemandecequecetenvieuxadanssacalebasse?ÔmonDieu!

Aide-nouscontrecetennemi!«S’ilm’adresseencoreunedesestirades,cebrigandmedépouillerade

monmanteau.»

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CommentMu‘âwiyaseplaignitd’IblîsauDieuTrès-Hautet

imploraSonsecours

Dieu,cesparolessontcommelafumée:tends-moilamain,sinonmesvêtementsserontnoircis.« Je ne puis l’emporter dans la discussion avec Iblîs, car il induit

chacun,nobleouvil,ententation.«Adam,qui est le seigneurde Il apprit àAdam lesnomsde tous les

êtres67,estimpuissantdevantl’attaque,pareilleàl’éclair,decechien.« Il le fit tomber du Paradis sur la face de la terre :Adam tomba de

Simâkdanssonfilet,telunpoisson,2710 «Criantenselamentant:“Nousnoussommeslésésnous-mêmes68Sa

ruseetsatromperiesontsansbornes.«Danschacunedesesparoles,ilyadelaméchanceté;desmyriadesde

sortilègessontcachésdanssonesprit.«En un instant, il retire à l’homme sa virilité ; il attise le désir chez

l’hommeetlafemme.«ÔIblîs, toiquiconsumes lescréaturesetcherchesà les tenter,pour

quelmotifm’as-turéveillé?Dis-moilavérité.»

Page 572: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentIblîs,unefoisdeplus,manifestasaruse

1 dit: «Aucun homme qui pense aumal n’ecoutera la verite endepitdecentsignes.« Chaque esprit qui se fait des imaginations, quand tu apportes une

preuve,sonimaginationaugmente.« Quand les paroles (véridiques) y pénétrent, elles deviennent une

maladie:leglaivedusaintguerrierdevientuninstrumentpourlevoleur.« Aussi, la réponse à lui faire est le silence et le repos : parler avec

l’insenséestfolie.«PourquoiteplaindreàDieudemoi,ôhommestupide?Plains-toide

laperversitédetapropreâmecharnelle.«Tumangesduhalwâ,tuasdesfuroncles,lafièvres’emparedetoi,ta

santésedétraque.2720 «TumaudisIblîs,quiestinnocent.Commentnevois-tupasquecette

tromperieprovientdetoi-même?«Celanevientpasd’Iblîs,maisdetoi-même,quetucourescommeun

renardaprèslaqueuegrassedumouton.«Quandtuaperçoislaqueuegrassedanslechampvert,c’estunpiège.

Pourquoinelesais-tupas?«Tuesignorantparcequeledésirpourlaqueuegrasset’aéloignédela

connaissanceetaaveuglétonœilettonintelligence.«Tonamourdeschoses(sensuelles)terendaveugleetsourd;tanoire

âmecharnelleestlacoupable;netedisputepas(aveclesautres).« Ne me charge pas de la faute, ne me vois pas de travers. Je suis

opposéaumal,àlacupiditéetàl’hostilité.« J’ai commis unemauvaise action et jeme repens encore ; j’attends

quemanuitsetransformeenjour.«Jesuisdevenususpectparmileshommes;chaquehommeetchaque

femmemechargedesesactions(péchés).« Le malheureux loup, bien qu’affamé, est soupçonné d’être dans

l’abondance.«Lorsque,enraisondesafaiblesse,ilnepeutmarcher,lesgensdisent

quec’estuneindigestiondueàunelourdenourriture.»

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CommentMu‘âwiya,unefoisdeplus,tentadeconvaincreIblîs

2730 1dit:«Sauflavérité,riennetesauvera;lajusticet’appelleàlavérité.« Dis la vérité, afin d’échapper à ma main ; la ruse ne me fera pas

renonceràlaguerre.»Iblîsdit:«Commentdistingues-tul’erreuretlavérité,ôtoiquitefais

desimaginationsetquiesremplidepensées(erronées)?»Ilrépondit:«LeProphèteadonnéuneindication;iladonnélapierre

detouchepourlamonnaiedebonoudemauvaisaloi.«Iladit :“Lemensongecauseletroubledanslescœurs; lasincérité

causeunepaixjoyeuse.”« Le cœur n’est pas tranquillisé par des paroles mensongères : l’eau

mélangéeàl’huilenedonnepasdelumière.«Cen’estquedanslesparolesvéridiquesquerésidelapaixducœur;

lesvéritéssontlegraindupiègepourlecœur.«Sûrement, lecœurestmaladeeta laboucheamèrequinedistingue

paslegoûtdececietdecela.« Quand le cœur sera guéri de la souffrance et de la maladie, il

reconnaîtraleparfumdel’erreuretdelavérité.«Quandledésird’Adampourleblégrandit,ildérobalasantéaucœur

d’Adam.2740 «Alors,ilprêtal’oreilleàtesmensongesettesséductions;ildevint

insenséetbutlepoisonmortel.« A cet instant, il ne distingua pas le scorpion (kajdom) du blé

(gandom);lediscernements’enfuitloindeceluiquiestivrededésir.« Les gens sont ivres de cupidité et de désir ; c’est pourquoi ils

acceptenttatromperie.« Quiconque s’est libéré du désir rend son œil familier avec le

mystère.»

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Commentuncadiseplaignitdelacalamitéd’exercerlafonctiondecadi,etcommentsonsuppléantlui

répondit

n installa un cadi et il pleura. Le suppléant lui dit : « Ô cadi,pourquoipleures-tu?«Cen’estpaslemomentpourtoidepleureretdetelamenter:c’estle

tempspourtoideteréjouiretderecevoirdesfélicitations.»«Eh,dit-il,commentunhommesansperspicacitépeut-ilprononcerun

jugement?Unhommeignorantdéciderentredeuxpersonnesquisavent?«Cesdeuxadversairesconnaissentleurproprecas;commentlepauvre

cadisaurait-ilcequesontcesdeuximbroglios?«Ilest ignorantetnonavertideleurétat :commentpourrait-ilrendre

unjugementconcernantleursviesetleursbiens?»Lesuppléantdit:«Lesplaignantsconnaissentleuraffaireetcependant

ne sont pas crédibles ; vous êtes ignorant des faits, mais vous êtes lalumièredelacommunautétoutentière.

2750 «Parcequevousn’avezpasd’idéepréconçuequinuiseàvotrediscernement,etcettelibertéestunelumièrepourlesyeux.«Tandisquecesdeuxhommessontaveuglésparleurintérêtpersonnel;

lepartiprisamisleurconnaissanceautombeau.«L’impartialitérendl’ignorancesage;lepartiprisrendlaconnaissance

perverseetinique.«Tantquetun’acceptespasdetelaissersoudoyer,tuesvoyant;quand

tuagisaveccupidité,tuesaveugleetasservi.»J’ai détournéma nature des désirs vains : je n’ai pasmangé demets

délicieux.Mon cœur, qui goûte (et distingue), est devenu clair (comme un

miroir):ildistinguevraimentlavéritédel’erreur.

Page 575: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentMu‘âwiya(queDieusoitsatisfaitdelui!)incitaIblîsà

avouer

ourquoim’as-tuéveillé?Tuesl’ennemidel’éveil,ôimposteur!«Tuescommelesgrainesdupavot:tuendorslesgens.Tuescomme

levin:tuenlèvesl’intelligenceetlaconnaissance.«Jet’aiempalé.Alors,dislavérité.Jesaiscequiestvrai;necherche

pasd’échappatoires.«Dechaquepersonne,jen’attendsquecequ’ellepossèdeparnatureet

disposition.2760 «Jenecherchepaslesucredanslevinaigre;jeneprendspasle

mignonpourunsoldat.«Jenedemandepas,comme les infidèles,àune idoled’êtreDieuou

mêmeunsignedeDieu.«Jenerecherchepasdansl’ordureleparfumdumusc;jenecherche

pasdesbriquessèchesdansl’eauduruisseau.«DeSatan,quiesttoutautre,jenem’attendspasàceci,qu’ilm’éveille

avecunebonne(intention).»

Page 576: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentIblîsracontasincèrementsapenséecachéeàMu‘âwiya(que

Dieusoitsatisfaitdelui!)

blîsditdenombreusesparolesdetromperieetd’imposture;l’émirnel’écoutapas,illuttaetrestaferme.DuboutdeslèvresIblîsdit(enfin):«ÔUntel,sachequejet’airéveillé

dansl’intention«Quetupuissestejoindreàlacongrégationpourlaprièreàlasuitedu

nobleProphète.«Siletempsdelaprièreavaitétépassé,cemondeseraitdevenuobscur

àtesyeuxetsansunrayondelumière;«Dedéceptionetdechagrin,leslarmesauraientcoulédetesdeuxyeux

commel’eaudesgourdes,« Car chacun éprouve de la joie dans un acte de dévotion, et par

conséquentnepeutsupporterd’enêtreprivépouruninstant.2770 «Cedésappointementetcettepeineauraientétécommecentprières:

qu’est-cequel’officeencomparaisondelabrûluredelasupplication?»

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L’excellenceduremordsressentiparquelqu’undesincèrepouravoir

manquélesprièresdelacongrégation

n certain homme entrait dans la mosquée quand les gens ensortaient.Ildemanda:«Qu’arrive-t-ilàlacommunautéqu’ilssortentsitôtdela

mosquée?»Onluirépondit:«LeProphèteapriéaveclacongrégationetterminé.«Commententres-tu,ôhommestupide,quandleProphèteadonnésa

bénédiction?»Il s’écria : «Ah ! » en exhalant un soupir brûlant ; son soupir faisait

sentirl’odeurdusangvenudesoncœur.L’un de ceux de la congrégation dit : «Donne-moi ce soupir, etmes

prièressontàtoi.»Ilrépondit:«Jedonnelesoupiretacceptelesprières.»L’autrepritce

soupiraveccentdésirsversDieu.Durant la nuit, tandis qu’il dormait, uneVoix lui dit : «Tu as acheté

l’EaudelaVieetdusalut.«Enl’honneurdecechoixetdecetteappropriation,lesprièresdetous

ontétéacceptées.»

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Conclusiondel’aveudesarusefaitparIblîsàMu‘âwiya

2780 uis,‘Azâzîl*luidit:«Ônobleémir,jedoistefaireconnaîtremaruse.«Situavaisalorsmanquélaprière,tuauraispoussédessoupirsetdes

gémissementsàcausedelapeinedetoncœur,« Ce regret, cette lamentation et cette supplication auraient valu

davantagequedeuxcentsrécollections(dhikr)etprières.«Jet’airéveillédepeurqu’untelsoupirnebrûlelevoile,«Afinqu’untelsoupirneviennepasdetoi;afinquetun’yaiesaucun

accès.«Jesuisjaloux;c’estparjalousiequej’aiagi.Jesuisl’ennemi:mon

affaireestlaruseetlaméchanceté.»Mu‘âwiya dit : «Maintenant, tu as dit la vérité, tu es sincère ; cette

(ruse)vientdetoi(detanature);tuyesadapté.«Tuesunearaignée,tuasdesmouchescommeproie;ôvaurien,jene

suispasunemouche,net’inquiètepas.« Je suis un faucon blanc : le Roi chasse avec moi. Comment une

araignéetisserait-ellesatoileautourdemoi?«Pars,àprésent;continueàattraperdesmouchesaussiloinquetule

peux:invitelesmouchesàpartagerdudour*;2790 «Etsitulesconviesàmangerdumiel,celaaussiseracertainementdes

mensongesetdudour(fraude).«Tum’asréveillé,maiscetéveilétait,enréalité,dusommeil:tum’as

montréunnavire,maisc’étaitenréalitéunmaelstrôm.« Tu m’appelais à un bien en vue de me détourner d’un bien plus

grand.»

*Nomd’Iblîsavantlachute.*Boissonfaited’eauetdeyaourt.

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Commentunvoleurs’échappa,parcequequelqu’undonna

l’alarmeaumaîtredelamaisonquiavaitétésurlepointd’attraperle

voleuretdesesaisirdelui

e comportement d’Iblîs est semblable à ce qui est conté dansl’histoiresuivante:commentuncertainhommeaperçutunvoleurdanssamaisonetcourutaprèslui.Ilcourutaprèsluiladistancededeuxoutroischamps,jusqu’àcequela

fatiguelefîtruisselerdesueur.Al’instantoù,seprécipitant,ilétaitarrivésiprèsdeluiqu’ilpouvaitse

jetersurluiets’ensaisir,Lesecondvoleurluicria:«Viensvoircessignesdecalamité.«Hâte-toiderevenir,ôhommed’action,afindevoircombienpitoyable

estl’étatdeschosesici.»Lemaîtredemaison sedit en lui-même :«Peut-êtrequ’unvoleur se

trouvelà-bas:sijenerevienspasimmédiatement,cemalheurm’arrivera.«Peut-êtreattaquera-t-ilma femmeetmonenfant, et alorsàquoime

servirait-ildem’emparerduvoleur(quejepoursuis)?2800 «Cemusulmanm’appelleparbienveillance:sijenerevienspas

rapidement,ilm’arriveramalheur.»Plaçant son espoir dans la compassion de cet ami bien intentionné, il

laissalàlevoleuretpartitdansuneautredirection.«Mon bon ami, dit-il, que se passe-t-il ? Quelle est la raison de tes

lamentationsetdetescris?»«Regarde,ditl’autre.Voislesempreintesdepasdecevoleur!Cesale

voleurestpartidececôté.«Vois les tracesdepasdecedégoûtantvoleur !Suis-leaumoyende

cesmarquesetdecestraces.»Ilrépondit:«Ôimbécile!Quedis-tulà?Eh!quoi!jel’avaispresque

attrapé,« Mais quand tu as crié, j’ai laissé le voleur s’échapper. Je te

considérais,ânequetues,commeunhommeraisonnable.«Qu’est-ce que ces vains bavardages et stupidités ? J’avais trouvé la

réalité:àquoil’indicemeservirait-il?»Ilrépondit:«Jetedonneunindicepourcequiestréel.Voicil’indice;

Page 580: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

jeconnaislaréalité.»Lemaître demaison dit : « Tu es un habile filou, ou alors tu es un

imbécile;plutôt,tuesunvoleuraucourantdecetteaffaire.2810 «J’étaissurlepointdem’emparerdemonadversaire,lorsquetul’as

laissés’enfuir,enmedisant:“Voicisestraces.”»Tu parles de relations extérieures, mais je transcende toutes les

relations.Dansl’union(avecDieu)oùsontlessignesetlespreuves?L’homme qui est éloigné (de l’Essence divine) croit que l’action

procèdedesAttributs:celuiquiaperdul’EssenceseborneauxAttributs.Étant donné que ceux qui sont unis à Dieu sont absorbés dans Son

Essence,ômonfils,commentpourraient-ilsregarderSesAttributs?Quandtuas la têteplongéeaufondde larivière,comment tonregard

tomberait-ilsurlacouleurdel’eau?Etsitureviensdufonddelarivièreverslacouleurdel’eau,alorstuas

reçuunrudevêtementdelaineenéchanged’unebellefourrure.Lapiétéducommundesgensestunpéchéchezl’élu;l’étatd’uniondu

commundesgensestunvoilepourl’élu.Sileroifaitd’unministreuninspecteurdepolice,leroiestsonennemi,

iln’estpassonami.Et aussi, cevizir aura commisquelque faute : unchangementpour le

pireneseproduitpassanscause.Pourceluiquiaétéuninspecteurdepolicedèsledébut,ceposteaété

sachanceetsongagne-paindèslecommencement;2820 Maisceluiquiétaitd’abordleministreduroi—c’estunméfaitdesa

partquiafaitdeluiuninspecteurdepolice.Lorsque leRoi t’aappelédeSonseuil jusqu’àSaPrésence,etensuite

t’arenvoyéauseuil,Soissûrquetuascommisunpéchéetquedanstafolietuasprétenduy

avoirétécontraint,Disant:«C’étaitlàcequim’étaitprédestiné.»Maisalors,qu’enétait-

ildecetteheureusechancequetudétenaishier?Par ton aberration, c’est toi-même qui as perdu ta chance. L’homme

méritantaugmentecequiluiestaccordé.

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Histoiredeshypocritesetdeleurconstructiondelamosquée

del’Opposition

1 convient que tu écoutes une autre parabole concernant laperversité,tiréed’unrécitduQor’ân.LeshypocritesselivrèrentcontreleProphèteàunteljeudetricheurs,Disant : « Bâtissons une mosquée à la gloire de la religion

musulmane»,etc’étaitenfaitdel’apostasiedeleurpart.Ils jouaient un jeu si pervers : ils bâtirent unemosquée autre que sa

mosquée.Ils construisirent bien le sol, le toit et le dôme, mais ils désiraient

désunirlacommunautémusulmane.2830 IlsvinrentauprèsduProphèteavecunesuppliquerusée,ils

s’agenouillèrentcommedeschameauxdevantlui,Disant:«ÔMessagerdeDieu,veux-tu,parbonté,prendrelapeinede

marcherdanscettemosquée,« Afin qu’elle soit bénie par ta venue — puissent tes jours être

florissantsjusqu’àlaRésurrection!«C’estunemosquéepourles jourssombresetnuageux,unemosquée

pourlesjoursdedétressedanslestempsdepauvreté,«Pourqu’unpauvreétrangerpuisseyobtenirlacharitéetl’asile,etque

cettemaisonderefugepuisseêtrefréquentée;«Afinquelesritesdelareligionpuissentsemultiplieretfoisonner,car

unsortamerestadoucilorsqu’ilestpartagéavecdesamis.«Honore ce lieu par ta présencependant un courtmoment, proclame

notresincérité,etfaisunbonrapportsurnous.«Témoignedelafaveuràlamosquéeetàsesfondateurs.Tueslalune,

noussommeslanuit:demeureavecnouspendantuninstant,«Afinquepartabeautélanuitsoitrenduepareilleaujour,ôtoidontla

beautéestunsoleililluminantlanuit.»Hélas!Sicesparolesavaientpuvenirducœur,pourques’accomplisse

ledésirdecesgens!2840 Lacourtoisiequivientsurlalanguesanslasincéritéducœuretde

l’âmeestpareilleàdesherbessuruntasdecendres,ômesamis.Regarde-lesdeloinetcontinuetonchemin:ellesnesontpasbonnesà

mangerniàsentir,ômonfils.

Page 582: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Net’approchepas,envérité,delacourtoisiedesgenssansfoi,carc’estunpontenruine:écoutebien.Siunsotyposelepied,lepontsebriseraetcasserasonpied.Chaquefoisqu’unearméeestmiseendéroute,c’estàcausededeuxou

troislâches.Lepoltronvientarmédanslalignedebataille,commeunhomme;les

hommes lui font confiance, disant : « Voici le Compagnon de laCaverne.»Ildétournesonvisagequandilvoitdesblessures :safuitedétruitvos

espoirs.Cesujetestlongets’étend,etceàquoiilvisedevientcachéàlavue.

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CommentleshypocritescajolèrentleProphète(Dieulebénisseetle

sauve!)afindel’ameneràlamosquéedel’Opposition

lsdirentcesparolestrompeusesauMessagerdeDieu.Ilsfaisaientgaloperlecoursierdelamaliceetdelaruse.LeMessager, bon et rempli de compassion, ne répondait que par des

sourires,quepar«oui».2850 IIexprimasesremerciementsàcettedéputation,ilréjouitlesenvoyés

parsonacceptation.Leur tromperie lui était manifeste, dans tous ses détails, comme des

cheveuxdansdulait.Cethommecourtoisfeignitdenepasvoirlescheveux:cethommepoli

dit«Bravo!»aulait.Ilaperçutdesmilliersdecheveuxdetromperieetdefraudeetilferma

lesyeuxdevanttoutcela.Cetocéandegénérositédit lavérité, lorsqu’il déclara : « Je suisplus

tendreàvotreégardquevousnel’êtesvous-mêmes.« Je suis assis au bord d’un feu ayant une flamme et un brasier très

désagréables!«Vousvoushâtezvers lui commedesphalènes, tandisquemesdeux

mainssontdevenuescommelesailesdesphalènespourvousenchasser.»LorsqueleProphèteeutrésoludeserendreàlamosquée,lajalousiede

Dieucria:«N’écoutepaslagoule!«Carceshommesperversontusédetromperieetderuse;cequ’ilsont

prétenduestabsolumentlecontrairedelavérité.« Leur intention n’était que d’apporter sur toi la honte ; quand les

chrétiensetlesjuifsont-ilsrecherchélebiendelavraiereligion?2860 «Leshypocritesontbâtiunemosquéesurlepontdel’Enfer:ilsont

jouélejeudelatricherieavecDieu.«LeurbutestdecréerladésunionentrelesCompagnonsduProphète;

commentunvaniteuxstupidecomprendrait-illagrâcedeDieu?« Ils ont construit cette mosquée afin d’y amener un juif venant de

Syrie,quienivrelesjuifsparsonprône.»Le Prophète dit aux hypocrites : « Oui, je ferai ce que vous voulez.

Mais,àprésent,nousallonspartiretnousmettreencampagne.

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«Dèsquejereviendraidecetteexpédition, jemerendraiaussitôtà lamosquée.»Ainsi,illesrenvoyaet,sehâtantverslechampdebataille,iljoualejeu

delatromperieaveclestrompeurs.Lorsqu’ilrevintducombat,ilsretournèrentluidemanderd’accomplirsa

promesse.Dieuluidit:«ÔProphète,proclameleurperfidieetsilaguerredoiten

résulter,dis:“Qu’ilensoitainsi!”»LeProphètedit:«Ôgenspleinsdefausseté,taisez-vous!Silence,de

peurquejedisevossecrètespensées.»Lorsqu’il leur eut révélé quelques-unes de leurs pensées les plus

cachées,ilssetrouvèrentenunmauvaiscas.2870 Là-dessus,lesenvoyéslequittèrent,ens’écriant:«Dieunousgarde!

Dieunousgarde!»Chaque hypocrite, par fraude, apporta un Qor’ân sous son bras au

Prophète,Afindeprêterserment—carlessermentssontunbouclier;ilsagirent

ainsi,parcequeprêtersermentestunecoutumedesgenspervers.Étant donné que l’homme pervers ne garde pas la foi en matière

religieuse,ilserainfidèleàsonsermentn’importequand.Les justes n’ont pas besoin de prêter serment, car ils ont deux yeux

clairvoyants.Larupturedessermentsetdespactesrésultedelastupidité;lerespect

dessermentset la fidélitéà laparoledonnéeest lacoutumedeceluiquicraintDieu.LeProphètedit:«Dois-jeconsidérervossermentscommevéridiques,

oulesermentdeDieu?»Anouveau,cesgens,leQor’ândansleursmainsetlesceaudujeûnesur

leslèvres,firentunautreserment,Disant :«ParlavéritédecetteParolesainteetvéridique,nousjurons

quelaconstructiondelamosquéeestpourl’amourdeDieu.«Encelieu,iln’yaaucunmoyendetromperie,encelieu,iln’yaque

lamémorationdeDieu,lasincéritéetl’implorationduSeigneur.»2880 LeProphèterépondit:«LavoixdeDieuarriveàmonoreillecommeun

écho.«Dieuamisunsceausurvosoreilles,desortequ’ellesnepuissentse

hâterpourentendreSavoix.«Envérité,lavoixdeDieumeparvientdistinctement:elleestdevenue

clairepourmoi,commelaliqueurpurifiéeàpartirdelalie,

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«DemêmequeMoïseentendit lavoixdeDieuvenantdeladirectionduBuissonardent,disant:“Ôhommeàl’heureusefortune!”«Depuis leBuisson, il entendit :“En vérité, Je suis le Seigneur des

mondes69 !”et,enmême tempsque lesparoles,apparurentdes lumièresdivines.»Étant donné que les hypocrites étaient laissés dans l’embarras par la

lumièredel’inspirationdivine,ilssemirentunefoisdeplusàproférerdesserments.Puisque Dieu appelle un serment un bouclier, comment le querelleur

déposerait-ilsonbouclier?A nouveau le Prophète, les taxant directement de mensonge, leur dit

ouvertement:«Vousavezmenti.»

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Commentl’undesCompagnonsduProphète(queDieusoitsatisfaitde

lui!)seditàlui-mêmeavecdésapprobation:«Pourquoile

Prophète(queDieulebénisseetlesauve!)nejette-t-ilpasunvoilesur

leurhypocrisie?»

’un des Compagnons du Prophète conçut dans son cœur de ladésapprobationpourcerefus,Pensant :«Devénérablesvieillardsauxcheveuxgriscommeceux-ci

—leProphèteleurfaithonte.2890 «Oùestlagénérosité?Oùladissimulationdesdéfauts?Oùlerespect

pourlesautres?Lesprophètescouvrentdescentainesdemilliersdefautes.»Bienvite, cependant, il demandaen soncœurpardonàDieu,depeur

d’êtredéshonorépouravoirobjecté(aucomportementduProphète).Le tort de témoigner de l’amitié aux hypocrites rendit le vrai croyant

perversetrebellecommeeux.Denouveau,ilcriaitensupplication:«ÔToiquiconnaislaconscience

laplusintime,nemelaissepaspersisterdansl’incroyance!« Mon cœur n’est pas sous mon contrôle comme l’est ma vue ;

autrement,jebrûleraisencemomentmoncœur,decolère.»Tandis qu’il pensait ainsi, la somnolence s’empara de lui. Il rêva que

leurmosquéeétaitremplied’ordures:Un lieu pourri, ses pierres dans la saleté ; des pierres s’élevait une

fuméenoire.La fuméevint dans sa gorge et la rendit irritée : terrifié par la fumée

amère,ilbondithorsdusommeil.Aussitôt, il tomba face contre terre et pleura, disant : « Ô Dieu, ces

chosessontlesignedeleurimpiété.«Lecourrouxcontreeuxvautmieux,ôDieu,qu’unelonganimitételle

quelamiennequimeséparedelalumièredelaFoi.»2900 Sivousexaminezdeprèsletravaildeceuxquisuiventlafausseté,vous

verrezqu’ilpue,commeunoignon.Chacundeleurseffortsestplusfaiblequelesautres,tandisquedansle

casdesgenssincères,chaqueeffortestplusexcellentquel’autre.

Page 587: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Ces gens (les hypocrites) se ceignirent les reins afin de détruire lamosquéedeshabitantsdeQubâ,Al’instardesSeigneursdel’EléphantquidemeuraientenAbyssinie,ils

bâtirentuneKa’ba,maisDieuymitlefeu;AlorslesAbyssinss’attaquèrentàlaKa’bapoursevenger:lisdansla

ParoledeDieucequileurarriva!LesréprouvésdelaReligionn’ontenvéritéd’autresinstrumentsquela

ruse,lafourberieetladispute.ChaqueCompagnonvit clairement (en songe) quelque imagede cette

mosquée, de sorte que leur dessein secret devint pour eux uneconnaissancecertaine.Sijeracontaiscesvisions,uneàune,alorslapureté(desCompagnons)

deviendraitévidentepourceuxquiontdesdoutes;Maisjecrainsderévélerleurmystère:ilssontlesbien-aimés(deDieu),

etlenâz*leurconvient.Ils ont reçu la Loi religieuse sans imitation servile ; ils ont pris cette

monnaiedebonaloisansseservirdepierredetouche.2910 LasagesseduQor’ânestcommelechameauégaréduvraicroyant;

chacunpossèdeunecertaineconnaissancedesonpropreégarement.* Terme comportant de nombreuses significations, notamment coquetterie,minauderie.Peutêtreprisàlafoisausensobjectifdeceluiquiexerceunattrait,ducharme,etausenssubjectifdeceluiquilesubit.Danscevers,nâzsignifiedefaçontrèscomplexequecesentimentqu’éprouvaientlesmystiqueslesconduitàunelégitimefierté.

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Histoiredelapersonnequicherchaitsonchameauégaréet

s’enquêraitàsonsujet

ituasperduunchameauetlerecherchesardemment,commentnesaurais-tupas,quandtuTastrouvé,quec’estletien?Quelestl’égarement?Tuasperduunechamelle;elles’estenfuieloin

detoietadisparu.Lescaravaniersont commencéà charger,mais tonchameauadisparu

d’aumilieud’eux.Tu cours çà et là, la bouche sèche ; la caravane est loin, et la nuit

s’approche.Tonbagageestrestésurlesol,surlaroutedesdangers;tucourspartout

àlarechercheduchameau,Criant : « Ô musulmans, qui a vu un chameau qui s’est échappé ce

matindel’étable?«Aceluiquimefourniraunindicepourcechameau,enrécompenseje

luidonneraitantdedirhams.»Tudemandesàtoutlemondedesinformations;chaquevaurienseritde

toiàcausedecela,Disant : «Nous avons vu un chameau allant dans cette direction, un

chameaurougeallantverscepâturagelà-bas.»2920 L’undit:«Ilavaitlesoreillescoupées»,etunautredit:«Saselleétait

brodée.»L’undit:«Lechameaun’avaitqu’unœil»,etunautredit:«Ilavaitla

peladeetn’avaitpasdepoils.»Par désir de la récompense, chaque vaurien, au hasard, donne cent

indications.

nâz signifie de façon trés complexe que ce sentiment qu’ éprouvaient lesmystiqueslesconduitàunelégitimefierté.

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Surlefaitd’êtreperplexeparmidesdoctrinescontradictoires,etla

découverted’uneissueetd’unelibération

1 en va de même en ce qui concerne la connaissance mystique,chacundécritl’Objetinvisibledeladescription.Lephilosophedonneuneexplicationd’unecertainesorte;lethéologien

larécuse,Etunautresemoquedetousdeux,etunautreparvolontédetromperse

fatigueàmort.ChacundonnesesindicationsdelaVoie,afínqueToncroiequ’ilestde

cevillage.Sache que la vérité est ceci : tous ces gens n’ont pas raison, et ce

troupeaun’estpasnonplusentièrementégaré,Cariln’estriendefauxquisoitmontrésanslevrai:l’imbécileachète

lamonnaiefausseespérantquec’estdel’or.S’iln’yavaitpasdans lemondede lamonnaieayantcours,comment

serait-ilpossibled’émettredelafaussemonnaie?2930 S’iln’yapaslavérité,commentyaurait-ill’erreur?Cetteerreurreçoit

sonéclatdelavérité.Ondésirecequiestfauxdansl’espoirquec’estjuste;silepoisonentre

dansdusucre,alorsonmangelepoison.S’iln’existaitpasdefromentagréableaugoût,qu’obtiendraitceluiqui

venddel’orgeenguisedeblé?Donc,nedispasquetoutescesaffirmationssontfausses;ceuxquisont

fauxsontunpiègepourlecœur,àcausedel’espoirdelavérité.Donc,nedispasquetoutestimaginationeterreur:sanslavérité,iln’y

apasd’imaginationdanscemonde.Lavéritéest laNuitduDestin,cachéeparmilesautresnuits,afínque

l’âmepuissemettreàl’épreuvechaquenuit.TouteslesnuitsnesontpaslaNuitduDestin,ôjeunehomme;ettoutes

lesnuitsnesontpasnonplusvidesdecetteNuit.Parmilesporteursdefroc, ilyaunvraiderviche;faisunexamen,et

accepteceluiquiestvéritable.Oùestlecroyantsagaceetdouédediscernementquipeutdistinguerles

efféminésdeshommes?

Page 590: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

S’il n’existait pas de choses imparfaites en ce monde, tous les sotsseraientdesmarchands(habiles).

2940 Alors,ilseraitbienfaciledeconnaîtrelesmarchandises;quandil n’y a pas de défaut, quelle (est la différence entre) celui qui est

compétentetceluiquiestincapable?Etsitoutestimparfait,laconnaissancenesertàrien;puisquetoutici

estdubois(ordinaire),iln’yapasdeboisd’aloès.Celuiquidit :«Tous sontvrais», c’estde la folie ; et celuiquidit :

«Toussontfaux»,ilestdamné.Ceuxquiontcommerceaveclesprophètesontgagnédecefait ;ceux

quisepréoccupentdescouleursetdesparfumssontmisérables.Leserpent(mâr)apparaîtauxyeuxcommelarichesse(mâl):frotte-toi

bienlesyeux!Ne considère pas le bonheur et le profit de ces affaires du monde :

considèrelaperditiondePharaonetdeThamûd.

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Surlamiseàl’épreuvedetouteschoses,detellesortequelebienetlemalqu’ellesrecèlentpuissent

êtreaperçus

eciel,quiestsplendideetmagnifique—Dieuadit:«Tournelesyeux(verslui)70.»En ce qui concerne ce toit de lumière, ne te contente pas d’un seul

regard;regardeplusieursfois:Ya-t-illàaucunefaute71?Puisqu’ilvousaditderegardersouventcemerveilleuxtoit,commeun

hommequichercheàydécelerdesfautes,Tupeuxconnaître,alors,combiendevisionetdediscernementrequiert

laterrenoirepourobtenirl’approbation.2950 Afindepouvoirfiltrercequiestpuràpartirdelalie,combiende

tribulationsnotreespritnedoit-ilpasendurer?Lesépreuvesdel’hiveretdel’automne,lachaleurdel’été,leprintemps

commel’espritdelavie,Les vents, les nuages, les éclairs — tout cela afin que de tels

événementspuissentfaireparaîtrelesdifférences;Afinquecetteterrecouleurdepoussièrepuissefairesortirdesonsein

toutcequ’ilcontient,rubisoucailloux.QuoiquecetteterrenoireaitdérobéauTrésordeDieuetàlaMerdela

Générosité,LaProvidence,leGouverneurdivin,ordonne:«Dislavérité!Déclare

cequetuasemporté,cheveuparcheveu!»Le voleur, c’est-à-dire la terre, dit : « Rien, rien ! » Le Gouverneur,

alors,lemetàlatorture.Parfois le Gouverneur lui parle, avec une tendresse douce comme le

sucre;parfoisillesuspendenl’airetletraitedelapirefaçon,Afinque,entrelaforceetlafaveur,ceschosescachéespuissentêtremanifestéesàlavue,grâceaufeudelapeuretdel’espoir.Le printemps est la tendresse du Gouverneur Tout-Puissant, et

l’automne,l’intimidationetlamenace.2960 Etl’hiverestlacrucifixionsymboliqueafinquetoi,ôvoleurcaché,

puissesêtremontré.Celuiquimènecetteguerrespirituelleaparfoisunejoyeuseexpansion

ducœur;àunautremoment,iléprouvedel’oppression,delasouffrance

Page 592: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

etdestourments,Parcequecetteeauetcetteargiledontsontfaitsnoscorpssontl’ennemi

etlevoleurdelalumièredenosâmes.Le Dieu Très-Haut fait subir à notre corps, ô homme courageux, la

chaleur,lefroid,lechagrin,ladouleur,Lapeuret la faimet l’atteinteauxbiensetaucorps—toutcelapour

quelamonnaiedel’âmepuisseêtrevue(etutilisée).Cesmenacesetcespromesses,Illesaenvoyéesenraisondecebienet

decemalqu’ilamélangés.Etantdonnéquelavéritéetl’erreurontétémélangéesetquelabonneet

lafaussemonnaieontétédéverséesdanslesacduvoyageur,Onabesoind’une pierre de touche choisie qui ait subi de nombreux tests pour fairel’essaidesréalités,Afindedevenir un critère pour ces impostures ; de telle sorte qu’elle

soitunenormepourcesactesdelaProvidence.Donne-luidulait,ômèredeMoïse,etjette-ledansl’eau:necrainspas

delemettreàl’épreuve.2970 Quiconqueabucelaitaujourdel’Alast72distinguelelaitencemonde,

commel’afaitMoïse(dulaitdesamère).Si tu désires tendrement que ton enfant effectue cette discrimination,

nourris-lemaintenant,ômèredeMoïse,Afinqu’ilpuisseconnaîtrelegoûtdulaitdesamère,etquesatêtenese

perdepasàdésirerlelaitd’unemauvaisenourrice.

Page 593: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Explicationdelamoraledel’histoiredelapersonneàla

recherched’unchameauperdu

uasperduunchameau,ômonami,etchacuntedonnedesindicesconcernantlechameau.Tunesaispasoùsetrouvelechameau,maistusaisquecesindicessont

erronés.Et celui qui n’a pas perdu un chameau — lui aussi recherche un

chameau,commeceluiquil’aréellementperdu,Disant : « Oui, moi aussi j’ai perdu un chameau : j’ai apporté une

récompensepourceluiquiletrouvera.»Ilparleainsi, afindepartageravec toi le chameau : il se livreàcette

ruseparcequ’ildésirelechameau.Situdisàquelqu’un:«Cetindiceétaitfaux»,lui,pourt’imiter,dirala

mêmechose.Ilnedistinguepaslesindiceserronésdeceuxquisontjustes,maistes

parolessontuneaidepourcetimitateur.2980 Quandonmentionnedesindicesjustesetvraisemblables,alorstevient

lacertitudequinelaissepasdedoute73.Cet indice devient un baume pour ton âme malade ; il apporte des

couleursàtonvisage,ettedonnelaforceetlasanté.Tonœildevientbrillant,tonpiedleste;toncorpsdevientl’âme(vitale)

ettonâmevitalel’espritrationnel.Alors,tudiras:«Ômonami,tuasditlavérité:cesindicessontune

véritabledélivrance.«Ilsetrouvelàdessignes,desinformationssûres,despreuves:c’estlà

untitreetuneprescriptiondesalut.»Quandilt’adonnécetindice,tudiras:«Vadevantmoi,ilesttempsde

semettreenroute:soismonguide!« Je te suivrai, ô toi qui dis la vérité : tu as senti l’ardeur de mon

chameau:dis-moioùilest.»Maiscettepersonnequin’estpaslepropriétaireduchameau,etquiest

àlarechercheduchameauparrivalité,Sacertituden’estpasaugmentéeparcet indicejuste,saufpar lereflet

venantduvéritablechercheurduchameau.Grâceau sérieuxet à l’ardeurde celui-ci, l’imitateurpressentqueces

Page 594: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

criséperdusnesontpasdevainsbavardages.2990 L’imitateurn’apasdejustetitresurcechameau,maisluiaussiaperdu

unchameau,envérité.Ledésirpourunautrechameauestdevenupour luiunvoile,desorte

qu’ilaoubliécequ’ilaperdu.Chaque fois que l’un (le propriétaire du chameau) court, l’autre

(l’imitateur) court aussi ; par cupidité, il devient associé à ladouleurdupropriétaire.Lorsqu’un menteur se met en route avec un homme sincère, son

mensongesetransformesoudainenvérité.Dans le désert où s’est précipité ce chameau, l’autre homme aussi a

trouvésonproprechameau.Aussitôtqu’il l’avu, ils’estsouvenudusien,etacessédedésirer les

chameauxd’unamietd’unparent.Cet imitateur devint un véritable chercheur quand il aperçut son

chameauentraindepaître.C’estseulementalorsqu’ilestdevenuunchercheurduchameau:ilne

l’avaitjamaisvraimentcherchéavantdelevoirdansledésert.Aprèscela,ilcommençaàallerseul:ilouvritlesyeuxetsedirigeavers

sonproprechameau.L’hommesincèreluidit:«Tum’aslaissé,bienquejusqu’àprésenttu

m’aiestémoignédurespect.»3000 IIrépondit:«Jusqu’àprésent,j’étaisrusé,etc’estparcupiditéquejete

flattais.«Maintenant,jesuisensympathie(spirituellement)avectoi,alorsque

jemesuisséparécorporellementdetoidanslarecherche.«Jetedérobaisladescriptionduchameau;lorsquemonespritavuson

proprechameau,sonœilaétérempli(devision).«Avantdel’avoirtrouvé,jenelecherchaispas;maintenant,lecuivre

estvaincu,l’orl’emportesurlui.« Mes mauvaises actions sont devenues entièrement œuvres pies —

grâcessoientrenduesàDieu!Laplaisanterieestterminée,lesérieuxestarrivé—grâcessoientrenduesàDieu!«Puisquemesmauvaisesactionssontdevenueslesmoyensdeparvenir

àDieu,nejettedoncaucunblâmesurmesmauvaisesactions.«Quant à toi, la sincérité a fait de toi un chercheur ; pourmoi, c’est

l’effortetlarecherchequiontouvertlavoieàunsentimentsincère.« Ta sincérité t’a conduit à chercher ;ma recherchem’a amené à un

sentimentdesincérité.

Page 595: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

«Jesemaisdanslaterrelagrainedelafortune,imaginantquec’étaitunlabeursansgagesetsansrétribution.«Cen’étaitpasun travail sans rétribution ;c’étaitunexcellentgain ;

pourchaquegrainequej’avaissemée,ilenpoussacent.3010 Levoleurs’estglisséjusqu’àunecertainemaison;quandilestentré,il

avuquec’étaitsapropremaison.»Réchauffe-toi, ô toi qui as froid, que la chaleur vienne ; supporte la

difficulté,quelafacilitévienne.Ilnes’agitpasicidedeuxchameaux,maisd’unseul.L’expressionest

limitée,lesensesttrèsplein.L’expressionne parvient jamais à atteindre le sens ; c’est pourquoi le

Prophèteadit:«CeluiquiconnaîtDieu,lelangageluimanque.»Laparoleest commeunastrolabedans sescomputations :quepeut-il

connaîtreducieletdusoleil?EtsurtoutdeceCieldontnotrecieln’estqu’unfétudepaille,etdeson

Soleildontnotresoleiln’estqu’unatome?

Page 596: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Montrantqu’enchaqueâmesetrouvelamalignitédelamosquée

del’Opposition

uandilapparutquecen’étaitpaslàunemosquée,maisunemaisond’intriguesetunpiègeposéparlesjuifs,LeProphètealorsdonnaunordre :«Rasez-laet faites-enundépotoir

pourlesorduresetlescendres.»Lefondateurdelamosquéeétaitfaux,commelamosquéeelle-même:

cen’estpasdelamunificencesil’onrépanddesgrainessurunpiège.Laviandequiattrapelepoissonsurl’hameçon—untelmorceaun’est

nilibéraliténigénérosité.3020 LamosquéedesgensdeQubâ,quiétaitinanimée—leProphètenela

considérapascommeégaleàcequin’étaitpassonégale.Mêmedans le casde chosesdépourvuesdevie, un tel tort ne fut pas

commis:leseigneurdelajustice(Mohammad)mitlefeuàcettemosquéehétéroclite.C’est pourquoi, dans le cas des essences humaines, qui sont le

fondement de tout ce qui est fondamental, sache qu’il y a aussi desdifférencesetdesdivisions.Lavied’unhommen’estpasnonpluscommelavied’unautrehomme,

nisamortcommelasienne.Ne considère jamais sa tombe comme celle d’un autre. Comment en

véritédécrirais-jeladifférenceentreeuxdansl’autremonde?Placetonouvragesurlapierredetouche,ôartisan,depeurdebâtirla

mosquéedesopposants.Tut’essouventmoquédecesfaiseursdemosquées;maissituregardes

bien,toi-mêmeasétél’und’entreeux.

Page 597: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Histoiredel’Indienquisequerellaavecsonamiausujetd’unecertaineaction,sansserendrecomptequeluiaussis’enétaitrenducoupable

uatreIndiensserendirentdansunemosquée:ilscourbèrentlatêteetseprosternèrentpourlaprière.Chacun accomplit le takbîr suivant le niyyat *, et semit à prier avec

humilitéetcontrition.Quandarrivalemuezzin,l’und’euxremarqua:«Ômuezzin,as-tufait

l’appelàlaprière?Est-celetemps?»3030 LedeuxièmeIndiensentitlebesoindedire:«Eh!tuasparlé,doncta

prièreestnulle.»Letroisièmeditausecond:«Ôoncle,pourquoim’invectiver?Dis-toi

àtoi-même(commenttecomporter).»Le quatrième dit : « Loué soit Dieu que je ne sois pas tombé dans

l’abîme(del’erreur),commecestroispersonnes.»Ainsi, les prières de tous les quatre furent gâchées, et ceux qui

trouvèrentdesfautess’égarèrentdavantage(queceluiquiavaitcommislapremièreerreur).Oh!heureusel’âmequiavusaproprefaute,etsiquelqu’undécouvre

unefaute,qu’elledésireardemmentprendrecettefautesurelle-même.Parceque lamoitiédechaquehommea toujoursappartenuaumonde

dumal,etl’autremoitiéauroyaumedel’invisible.Puisquetuasdixmauxdetête,tudoisappliquerleremèdeàtoi-même.Trouverdesfautesconcernanttonmalàtoiestlebonremèdepourcelui

quiestfautif;quandilestdevenucontrit,c’estalorsl’occasiond’obéiràcequeditleProphète:«Ayezpitié.»Mêmesitun’aspaslemêmedéfaut,netecroispasindemne;peut-être

queplustardcedéfautdeviendramanifestecheztoi.Tu n’as pas entendu de la part de DieuNe craignez pas74: pourquoi

donct’es-tuconsidérécommeheureuxetensécurité?3040 Durantdesannées,Iblîsvivaitavecunebonneréputation;ensuite,ilfut

couvertdehonte:notecequesignifiesonnom.Son éminente dignité était renommée dans tout le monde céleste ;

ensuite,sarenomméesetransformaeninfamie—oh!hélaspourlui!Nerecherchepaslarenomméeavantd’êtreensécurité:lavelapeurde

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tonvisage,ensuitemontretonvisage.Tantquetabarben’apaspoussé,monbravehomme,netemoquepas

deceluidontlementonestimberbe.Considèrequel’âme(deSatan)futmiseàl’épreuveparlecourroux(de

Dieu), de sorte qu’il est tombé dans la perdition ; et ainsi il est devenupourtoiunavertissement.Tu n’es pas tombé, que tu sois un avertissement pour lui. Il a bu le

poison:toi,mangesonsucre!

*Takbîr:débutdelaprièrerituelle:«Dieuestplusgrand.»Niyyat:intentiondeprière.

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CommentlesGhuzzsepréparèrentàtuerunhommeafinqu’unautre

soitterrifié

esTurcomansGhuzzsanguinairesarrivèrentetpénétrèrentdansunvillagepourlepiller.Ils trouvèrent deux des notables de ce village et se préparèrent

hâtivementàmettrel’und’euxàmort.Ils lui lièrent lesmains pour le tuer. Il dit : «Ô princes et piliers de

l’empire,« Pour quelle raison voulez-vous me tuer ? Pourquoi, je vous le

demande,avez-voussoifdemonsang?3050 «Quelleestlasagesse,quelestlebutdemetuer,alorsquejesuissi

pauvreetdénuédetout?»L’undesGhuzzrépondit:«Pourfrapperdeterreurtonami,afinqu’il

aitpeuretapportesonor.»L’hommedit:«Eh!quoi,ilestpluspauvrequemoi.»«Ilprétendêtre

pauvre,réponditl’autre;ilpossèdedel’or.»L’homme dit : « Puisque c’est une question d’opinion, nous sommes

tousdeuxsemblables:noussommeségalementexposésàlaprobabilitéetaudoute.«Tuez-led’abord,ôprinces,afinquejesoiseffrayéetvousmontreoù

trouverl’or.»VoyezdonclatendrebienveillancedeDieuquiafaitquenousvenions

encemondedanslesderniersjours,toutàlafin.Ladernièreépoqueestentêtedesautresépoques:selonlesTraditions

duProphète,«Noussommes lesderniersdans le temps, lespremiersenexcellence».Afinque ladestructiondupeupledeNoéetdupeupledeHûdpuisse

manifesterànosâmesl’annonciateurdelaMiséricordedivine,Dieu les a fait périr pour que nousLe craignions ; et si, en vérité, Il

avaitfaitlecontraire,hélaspourtoi!

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Expliquantl’étatdeceuxquisontvaniteuxetingratsausujetdela

bénédictionquereprésentel’existencedesprophètesetdes

saints(quelapaixsoitaveceux!)

uiconqued’entreeuxaparlédefautesetdepéchés,etd’uncœurdepierre,etd’uneâmenoire;

3060 EtdefairepeudecasdescommandementsdeDieu,etdenepassesoucierdeSonlendemain(leJourduJugement);Etd’êtrecommelesfemmesrenduesesclavesdel’âmecharnelleparla

passionetparl’amourdecemondevil;Etdes’enfuirloindesparolespertinentesdeconseillerssincères,etde

sedéroberàlaprésencedesjustes;Et de s’éloigner de l’esprit et des gens spirituels et de frauder et

d’adopterdescomportementspareilsaux rusesdes renardsà l’égarddesrois(spirituels);Et de penser que les saints pleinement satisfaits sont des mendiants

cupides et de les regarder secrètement avec une inimitié provenant del’envie;Siuntelsaintacceptequelquechose,vousditesquec’estunmendiant;

etsinon,vousditesquecelaprovientdel’hypocrisie,delatromperieetdelafourberie.S’il semêleauxgens,vousditesqu’ilestcupide,et sinon,vousdites

qu’ilestremplid’orgueil;Oubienvousvousexcusezhypocritement,endisant:«Jesuisretenu

parlanécessitédefairevivremafemmeetmesenfants.« Je n’ai pas le loisir deme gratter la tête, ni le loisir de cultiver la

religion.«ÔUntel,souviens-toidemoidanstesbénédictions,pourqu’àlafinje

puissedevenirl’undessaints.»3070 Cesparoles,ilnelesditmêmepasparpassionetardeur;c’estcomme

siunhommeensommeilléprononçaitdevainesparolesetserendormaitensuite.(Il dit) : « Il faut bien que je nourrissema famille : je fais tousmes

effortspourgagnerhonnêtementmavie.»Commentserait-ce légitime,ô toiquiesdevenu l’undeceuxquisont

Page 601: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

perdus?Jenecroisàriendelégitime,saufdeversertonsang.IlpeutsepasserdeDieu,maisnondenourriture;ilpeutsepasserdela

religion,maisnondesidoles.Ôtoiquinepeuxtenirtonmoiàl’écartdecemondevil,commentpeux-tu t’abstenirdeCeluiquiadéployé la terrecommeun

tapis75?Ô toiquinepeux tepriverdedélicesetde luxe, commentpeux-tu te

priverduDieugénéreux?Ôtoiquinepeuxtepriverdequoiquecesoit,purousouillé,comment

peux-tutepriverdeCeluiquiacréécela?Où est celui qui, comme l’Ami de Dieu (Abraham), est sorti de la

caverne(del’idolâtrie)etadit:«VoicimonSeigneur76»?Prendsgarde!OùestleCréateurdetout!(Oùestceluiquidira:)«Jeneregarderaipaslesdeuxmondesavantde

voiràquitousdeuxappartiennent.«SijemangedupainsansconsidérerlesattributsdeDieu,ilmerestera

danslegosier.»3080 Commentunebouchéeserait-elledigéréesansLevoir,sanslavisionde

SesrosesetdeSaroseraie?Sicen’estdansl’espoirdeDieu,qui,saufunbœufouunâne,boiraitun

instantàcettemare?Qui,saufceluiquiétaitsemblableauxbestiauxoupluségaréencore77,

bienqu’enréalitécettecrapulesoitpleined’astuce?Sa ruse s’effondra, et il s’effondra : il passaunpeude. temps, et son

jourvint.Soncerveaudevintobtus,sonintelligenceradoteuse:savieestpartie,

etcommelalettrealif,iln’arien.Quantàcequ’ildit:«J’ypense»,celaaussifaitpartiedelatromperie

desonâmecharnelle;Etlefaitqu’ildise:«Dieupardonneetestmiséricordieux»,cen’estlà

qu’unartificedecettechairvile.Ôtoiquiesmortd’inquiétudeparcequetesmainssontvidesdepain,

quecrains-tu,puisqu’ilpardonneetestmiséricordieux?

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Commentunvieillardseplaignitdesesmauxàundocteur,etcomment

ledocteurluirépondit

nvieillardditàunmédecin:«Jesouffreàcausedemoncerveau.»Lemédecinrépondit:«Cettefaiblesseducerveauvientdel’âge.»Le

vieillarddit:«J’aidestachesnoiresdevantlesyeux.»3090 «Celavientdel’âge,ôvénérablesheikh»,ditlemédecin.«J’ai

affreusementmalaudos»,dit-il.«Celavientdel’âge,ôsheikhdécharné»,ditlemédecin.«Quoiqueje

mange,jeneledigèrepas»,dit-il.Le médecin répondit : « La faiblesse de l’estomac est aussi la

conséquence de l’âge. » Il dit : « Quand je respire, mon souffle estpénible.»«Oui, dit-il, c’est de l’asthme ; quand la vieillesse arrive, deux cents

maladiesseproduisent.»«Ôimbécile,s’exclama-t-il;tut’enestenulà:c’estlàtoutcequetuas

apprisdelamédecine.«Ôhommeàl’espritfêlé,tonintellectnet’apasapprisqueDieuafixé

unremèdepourchaquepeine.«Toi,ânestupide,parmanquedecapacité,tuesrestégisantsurlesol

fauted’unappuisuffisant..»Alorslemédecinluidit:«Ôsexagénaire,cettecolèreetcetteirritation

viennentaussidelavieillesse.« Étant donné que toutes les fonctions et parties de ton corps sont

atrophiées,toncontrôledetoi-mêmeettapatiencesontdevenusfaibles.»Un vieillard ne peut supporter deux paroles, il pousse des cris ; il ne

peutconserverunegorgée,illavomit,3100 Excepté,biensûr,lepîr(l’ancien)quiestenivréparDieuetdansle

tréfondsduquelsetrouveunevieexcellente78.Extérieurement ilestvieux,mais intérieurement ilest jeune.Qu’est-il,

envérité?Ilestlesaintetleprophète.S’ils ne sont pas manifestes pour les bons comme pour les mauvais,

quelleestcetteenviequelesgensindignesleurportent?Etsicesgensnelesconnaissentpasdeconnaissancecertaine,qu’est-ce

quecettehaineetcefaitd’ourdirdescomplotsetdesactesd’hostilité?Et s’ils croient à la résurrection et à la survie desmorts, pourquoi se

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jettent-ilssurunglaiveacéré?Leprophèteoulesainttesourit,maisnesupposepasqu’ilsoittelqu’il

paraît : dans sa conscience la plus profonde sont cachées centrésurrections.L’Enfer et leParadis sont entièrementdespartiesde lui-même : il est

au-delàdetoutepenséequetupeuxconcevoirdelui.Toutcequetupeuxconcevoirestsusceptiblededisparaître;celuiqui

n’entrepasdanslapensée,c’estDieu.Pourquoidoncleurprésomptionàlaportedecettemaison,s’ilssavent

quisetrouvedanslamaison?Les imbéciles vénèrent lamosquée et s’efforcent dedétruire ceuxqui

ontuncœur(oùDieudemeure).3110 Cettemosquéeestphénoménale,cecœurestréel,ôânes!Lavéritable

mosquéen’estriend’autrequelescœursdeschefsspirituels.La mosquée qui est la conscience intime des saints est le lieu de

l’adorationpourtous:Dieuestlà.Jusqu’à ce que le cœur de l’homme de Dieu soit affligé, Dieu ne fit

jamaishonteàaucunegénération.Ils allaient faire la guerre aux prophètes : ils voyaient le corps du

prophète,ilssupposaientquec’étaitunhomme.Entoisetrouventlesnaturesmoralesdecespeuplesdejadis:comment

necrains-tupasqu’ilenailledemêmepourtoi?Étantdonnéquetoutescesmarquessetrouvententoietquetuesl’un

d’entreeux,commentseras-tusauvé?

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HistoiredeDjûhîetdel’enfantquipleuraitdefaçonlamentableauprès

ducercueildesonpère

n enfant pleurait amèrement en se frappant la tête à côté ducercueildesonpère,Disant : « Pourquoi, mon père, t’emporte-t-on pour te placer sous la

terre?«Ilst’emmènentversunemaisonétroiteetinfecte;iln’yalànitapis

ninatte;«Nilampelanuit,nipainlejour;niodeurnisignedenourriturenes’y

trouvent,3120 «Niporteenbonétat,niaccèsautoit;pasunseulvoisinpourêtreton

refuge.« Ton corps, qui était un endroit pour les baisers des gens, comment

irait-ildansunemaisonaveugleetobscure?« Une maison sans pitié et une pièce étroite, où ni ton visage ni ta

couleurnedemeureront.»Decettemanière, ilénumérait lescaractéristiquesdelamaison, tandis

quecoulaientdesesyeuxdeslarmesdesang.Djûhîdità sonpère :«Ômonpèrevénéré,parDieu ilsapportentce

cadavredansnotremaison.»LepèreditàDjûhî:«Nesoispasstupide!»«Ôpapa,dit-il,écoute

quelssontlessignesdel’identité.«Cesmarquesqu’ilamentionnéesuneàune,notremaisonlespossède,

sansincertitudenidoute.«Ellen’aninatte,nilampe,ninourriture;saporten’estpasenbonétat

nonplus,nisacour,nisontoit.»De cette manière, les désobéissants ont cent marques sur euxmêmes,

maiscommentlesverraient-ils?Lamaison, à savoir le cœur qui n’est pas illuminé par les rayons du

soleildelaMajestédivine,3130 Estétroiteetsombrecommelesâmesdesjuifs,privésdelasaveur

spirituelleduRoiaimant.L’éclatduSoleiln’apasnonplusbrillédanscecœuretilnes’ytrouve

niespaceniouverturedelaporte.Latombevautmieuxqu’uncœurcommecelui-là.Allons,lève-toihors

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delatombequ’esttoncœurTu es vivant et né d’êtres vivants. Ô toi qui es gai et charmant,

n’étouffes-tupasdanscetteétroitetombe?TuesleJosephdutempsetlesoleilduciel:lève-toihorsdecettefosse

etprison,etmontretonvisage!TonJonasaétéaffligédansleventredelabaleine:pourledélivrer,il

n’estd’autresmoyensqueleslouangesdeDieu.S’iln’avaitpas rendugloireàDieu, leventredupoissonauraitété sa

geôleetsaprisonjusqu’àcequ’ilssoientressuscitesdesmorts.Parlaglorification,ils’échappaducorpsdupoisson.Qu’est-cequela

glorification?Lesignedujourdel’Alast.SituasoubliécetteglorificationrendueàDieupartonesprit,écouteles

glorificationsrenduesparcesPoissons(lesprophètesetlessaints).Quiconque a vuDieu est de Dieu : quiconque a vu cetteMer est ce

Poisson.3140 Cemondeestunemer,etlecorpsunpoisson,etl’espritestleJonas

privédelalumièredel’aube.S’il glorifie Dieu, il est délivré du poisson ; sinon, il y est digéré et

disparaît.LesPoissonsspirituelsabondentdans lamerdecemonde,mais tune

lesvoispas,bienqu’ilsvolenttoutautourdetoi.Ces Poissons s’élancent vers toi : ouvre les yeux, pour les voir

clairement.Si tu ne vois pas les Poissons clairement, après tout ton oreille les a

entendusglorifierDieu.Pratiquer la patience est l’âme de tes glorifications : sois patient, car

c’estlàlavéritableglorification.Aucuneglorificationnepossèdeunaussihautdegré : soispatient ; la

patienceestlaclédelaconsolation.La patience est comme le pont de Sirât *, avec le Paradis de F autre

côté:pourchaquebeaugarçon,ilyaunlaidpédagogue.Tantquetut’enfuisloindupédagogue,iln’yapasderencontreavecle

garçon,parcequelebeaugarçonneseséparepasdupédagogue.Queconnais-tudugoût suavede lapatience,ô toi aucœur fragile—

spécialementdelapatiencepourl’amourdecettebeautédeChigil**?3150 Lesdélicesd’unhommesontdanssescampagnes(pourl’islam)etdans

lagloireetlefastedelaguerre;pathicovoluptasepeneest.Sa religion et saprièrene sont rienque sensualité : sapensée l’a fait

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descendreauplusbas.Même s’il monte au ciel, n’aie pas peur de lui, car ce n’est que par

amourdelabassessequ’ilaétudiéetestarrivé.Il fait galoper son cheval vers la bassesse, tout en proclamant qu’il

s’élève.Qu’ya-t-ilàcraindredessimagréesdesmendiants?carcessimagrées

nesontqu’unmoyend’obtenirunebouchéedepain.

*PontquedoiventtraverserlesâmespourserendreauParadis.*VilleduTurkestancélèbrepour labeautédeseshabitants. Ici, leBien-Aimédivin.

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Timetpuerquidamhominemcorpulentum.«Netimueris,inquit,opuer;egoenimvirnonsum.»

uvenisrobustuspuerumdeprehenditsolum.Palluittimorepuernefortehomoimpetumfaceret.« Securus esto, inquit, mi pulcher ; tu enim super me eris. Etiamsi

terribilis (aspectu) sum, scitome impotentem esse ad coitum :me sicutcamelumconscende,propelle.»Avec l’apparenced’hommeet une telle réalité—Adamau-dehors, le

Démonmauditàl’intérieur—Ôtoiquiesaussigrandquelepeuplede‘Ad,turessemblesautambour

contrelequelunebrancheétaitbattueparlevent.3160 Unrenardabandonnasaproieàcaused’untambourpareilàunsacde

cuirremplidevent,Maisquandilnetrouvariendecomestibledansletambour,ildit:«Un

porcvautmieuxquecesacvide.»Les renardsont peurdubruit du tambour ;mais l’homme sage le bat

constamment,disant:«Neparlepas!»

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Histoired’unarcheretdesacrainted’uncavalierquichevauchait

dansuneforêt

ncavalier,arméet trèseffrayant,chevauchaitdans laforêtsurunchevalpursang.Unarcherhabile l’aperçut, etparpeurde lui, tira sonarcPour lancer

uneflèche.Lecavalierluicria:«Jesuisfaible,bienquemoncorpssoitgrand.«Prendsgarde,prendsgarde!Nefaispasattentionàmastature,carà

l’heureducombatjesuismoinsqu’unevieillefemme.»«Passetonchemin,luidit-il,tuasbienparlé,autrement,àcausedema

peur,jet’auraisenvoyéuneflèche.»Nombreuxsontceuxquelesinstrumentsdeguerreonttué,étantdonné

qu’ilstenaientunetelleépéedansleursmains,sansqu’ilsaientlecouragedel’utiliser.Siturevêtsl’armuredeRostams,tuperdslaviesitun’espasl’homme

quiconvient(poursedéfendreavec).3170 Faisdetonâmeunbouclieretjettelàleglaive,ômonfils:quiconque

estsans«moi»sauvesatêteduRoi.Cesarmesquetudétienssonttesintriguesettesmanigances;ellesont

jaillidetoietenmêmetempsontblessétonâme.Puisquetun’asriengagnéàcesinventions,renonceàl’invention,afin

qued’heureusesfortunespuissentt’advenir.Puisquetun’aspasunseulinstantjouidufruitdesarts,disadieuaux

arts,etrecherchetoujoursleSeigneurdesbienfaits.Puisque ces sciences ne t’apportent aucune bénédiction, fais de toi-

mêmeuncancreetlaisselamauvaisechancederrièretoi.Dis,commelesanges:«NousnesavonsrienendehorsdecequeTu

nousasenseigné79.»

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Histoiredel’Arabedudésertetdufaitqu’ilaitmisdusabledansle

sacetquelephilosopheleluiaitreproché

n certainArabe du désert chargea un chameau avec deux grandssacs—l’unétantpleindegrain.Il était assis au-dessus des deux sacs. Un philosophe bavard

l’interrogea.Il lui demanda quel était son pays natal et l’amena à parler et dit

beaucoupdebelleschosespendantcetinterrogatoire.Ensuite,illuidit:«Dequoicesdeuxsacssont-ilsremplis?Dismoila

vérité.»3180 IIdit:«Dansunsac,j’aidublé;dansl’autre,ilyadusable—pasun

alimentpourl’homme.»«Pourquoi,demanda-t-il, as-tuchargéce sable?»«Afinque l’autre

sacnerestepasseul»,répondit-il.« Si tu es bien avisé, dit-il, verse lamoitié du blé de ce panier dans

l’autre,«Desorteque les sacs soientallégés, et lechameauaussi.»L’Arabe

s’écria:«Bravo!Ôsagenobleetintelligent!«Unepenséesisubtileetunjugementsiexcellent!Ettoisinu,àpied

etfatigué!»Lebravehommeeutpitiéduphilosopheetrésolutdelefairemontersur

lechameau.Illuiditencore:«Ôsageéloquent,expliqueunpeutapropresituation.«Avecunetelle intelligenceetuntel talent,es-tuunvizirouunroi?

Dis-moilavérité.»Ilrépondit:«Jenesuisnil’un,nil’autre;j’appartiensaucommundes

gens.Voismonapparenceetmonhabit.»Il demanda : «Combien de chameaux as-tu ?Combien de bœufs ? »

«Jen’ainilesuns,nilesautres,répondit-il:nemeharcèlepas.»3190 IIdit:«Entoutcas,quellesmarchandisesas-tudanstaboutique?»Il

répondit:«Oùai-jeuneboutiqueetunedemeure?»« Alors, dit-il, je vais te demander au sujet de l’argent. Combien

d’argent as-tu ? Car tu es un voyageur solitaire et quelqu’un dont lesconseilssontestimés.

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« Avec toi est l’élixir qui change en or le cuivre de ce monde : tacompréhensionettaconnaissancesontprécieusescommedesperles.»«ParDieu,répondit-il,ôchefdesArabes,danstoutcequejepossèdeil

n’yapasdequoiacheterdelanourriturepourcettenuit.«Jecoursçàetlàaveclecorpsetlespiedsnus.Siquelqu’unveutme

donnerunemichedepain,jemerendslà.« De cette sagesse et instruction et excellence, je ne tire rien

qu’imaginationetmaldetête.»Alorsl’Arabeluidit:«Va-t’enloindemoi,quetamalchancenetombe

passurmoi.« Enlève loin de moi cette sagesse infortunée qu’est la tienne : tes

parolessontmalchanceusespourtouslesgensdecetteépoque.«Oubienvadanscettedirection-cietj’iraidanscettedirection-là;ou

sitoncheminestenavant,jeretourneraienarrière.«Unsacdebléetl’autredesablevalentmieuxpourmoiquecesvaines

inventions.3200 «Mastupiditéestunestupiditébénie,carmoncœurestbienrempli(de

grâces)etmonâmeestpieuse.»Situdésiresquelamisèretequitte,efforce-toiquelasagessetequitte,La sagesse qui est née de la nature et de l’imagination humaines, la

sagesseoùnesedéversepasleflotdelagrâcedelaLumièreduDieudeGloire.Lasagessedecemondeaccroîtlessuppositionsetledoute;lasagesse

delareligionplaneau-dessusduciel.Lesvauriensingénieuxdecesdernierstempssesontgrandisparrapport

auxanciens;Lesétudiantsde la ruseontbrûlé leurcœurdans l’étudeetontappris

desfeintesetdesartifices;Ils ont jeté au vent la patience, l’altruisme, le sacrifice de soi et la

générosité—quisontl’élixirduprofitspirituel.Lapenséejusteestcellequiouvreunevoie: lechemindroitestcelui

surlequelavanceunroispirituel.Levéritableroiestceluiquiestroienlui-mêmeetn’estpasrenduroi

parlestrésorsetlesarmées;De sorte que son royaume demeure à jamais, comme la gloire de

l’empiredelareligionmusulmane.

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Lesmiraclesd’Ibrâhîmfilsd’Adham(queDieusanctifiesonespritsaint!)auborddelamer

3210 insi,onrapportequ’Ibrâhîmfilsd’Adham,aprèsunvoyage,s’assitauborddelamer.Tandisqu’ilraccommodaitsonmanteaudesoufi,unémir,marchantsur

laplage,arrivasoudainàcetendroit.Cetémiravaitétél’undesserviteursdusheikh;ilreconnutlesheikhet

aussitôtseprosternabienbas.Il fut stupéfait devoir le sheikh avec sonvêtement dederviche—sa

natureetsonapparenceextérieureavaientététransformées—,S’étonnantqu’ilaitrenoncéàunaussigrandroyaumeetaitchoisicette

pauvretéspirituelletrèssubtile;EtpourquoiilavaitrenoncéauroyaumedesSeptClimats,etavaitpiqué

l’aiguilledanssonhabitdederviche,commeunmendiant.Lesheikhperçutsespensées:unsheikhestcommelelion,etlescœurs

desgenssontsajungle.Ilpénètre,commel’espoiret lapeur,dans leurscœurs : lessecretsdu

mondeneluisontpascachés.Veillez survoscœurs,ôvous les ignorants, enprésencede lamajesté

deshommesducœur(lessaints).3220 Devantleshommesducorps,lerespectestmanifestéextérieurement,

carDieuleurvoilelemystère.Devant les hommes du cœur, le respect est témoigné intérieurement,

parcequeleurscœursperçoiventlespenséessecrètes.Tu es l’inverse : par amour de la position mondaine, tu viens avec

révérence devant ceux qui sont aveugles (aux choses spirituelles) et tut’assiedsdanslevestibule;Mais devant les voyants, tu te conduis de façon irrespectueuse : c’est

pourquoituesdevenuducombustiblepourlefeududésir.Puisquetun’aspasdeperceptionspirituellenilalumièredeladirection

divine,continueàpolirtonvisageparamourpourlesaveugles!Devant les voyants,macule tonvisage avecde la saleté !Conduis-toi

avecarroganceàleurégard,malgrétonétatdepuanteur!Le sheikh jeta rapidement son aiguille dans la mer, et à haute voix

réclamal’aiguille.

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Desmyriadesdepoissonsdivins—ayant chacundans laboucheuneaiguilleenor,LevèrentlatêtehorsdelamerdeDieu,disant:«Prends,ôsheikh,les

aiguillesdeDieu.»Iltournasonvisageversl’émiretluidit:«Ôémir,leroyaumeducœur

vaut-il mieux, ou bien un royaume aussi méprisable (que l’était lemien)?»Cemiracleestunsigneextérieur,cen’estrien:attendsdepénétrerdans

(lesanctuaire)intérieuretdevoircequis’ytrouve!3230 Dujardin,onn’apporteenvillequ’unebranche:commentpourrait-ony

apporterlejardinetleverger?Spécialement, un Jardin dont ce ciel n’est qu’une seule feuille ; en

réalité,ilestlenoyau,etcemonde-cicommelacoquille.Si tu ne te hâtes pas vers ce Jardin, recherche plus de parfum, et

débarrasse-toidetonrhume,Afinqueceparfumpuisseattirer tonâme là-bas ;afinqueceparfum

puissedevenirlalumièredetesyeux.Acauseduparfum,Joseph,filsduprophèteJacob,dit :Appliquezma

tuniquesurlevisagedemonpère80.Par amour pour ce parfum, Ahmad (Mohammad) disait constamment

danssesexhortations:«Danslaprièrerituelleestledélicedemesyeux.»Les cinq sens spirituels sont reliés les uns aux autres, tous les cinq

proviennentd’unemêmeracine.La force de l’un donne de la vigueur aux autres ; chacun devient un

échansonpourlesautres.Lavisionaccroîtlepouvoirdelaparole;laparolerendlavisionplus

pénétrante.La clairvoyance aiguise chaque sens, de sorte que la perception (des

chosesspirituelles)leurdevientfamilièreàtous.

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Lecommencementdel’illuminationdumystiqueparlaLumièrequivoit

lemondeinvisible

3240 uandl’undessensarelâchésesliens,toutlerestedessensestchangé.Quand l’un des sens a perçu des choses qui ne sont pas objets de

perception sensorielle, ce qui est dumonde invisible devient apparent àtouslessens.Quand un mouton du troupeau a sauté par-dessus le ruisseau, tous

sautentàleurtourlesunsaprèslesautres.Mèneaupâturagetessens,fais-lespaîtredanslepâturage(dontparlela

parole)C’estLuiquifaitpousserlespâturages81Afin qu’ils puissent se nourrir de jacinthes et qu’ils puissent parvenir

auxjardinsdesRéalités;Afinquechacundetessenspuissedevenirunapôtrepourlesautreset

conduiretouslessensdansceParadis;Et alors ces sens-là diront leur secret à tes sens, sans paroles, ni sens

réeletsansmétaphores;Car ce sens réel est susceptible de différentes interprétations et ces

suppositionssontlasourced’imaginations;Mais quant à cette vérité qui est perçue par l’intuition, il n’y a là de

placepouraucuneinterprétation.Quandtouslessenssontdevenussoumisàtonsens,lessphèrescélestes

nepeuventt’éviter.3250 Quandunediscussions’élèveausujetdelapropriétédel’écorce,

l’écorceappartientàceluiquipossèdelenoyau.Lorsqu’onsequerelleausujetd’unechargedepaille,regardequiestle

propriétairedugrain.La sphère céleste est comme l’écorce, et la lumière de l’esprit est le

noyau.L’uneestvisible,l’autreestcaché:netrébuchepasàcausedecela.Le corps est manifeste, l’esprit est caché ; le corps est comme la

manche,etl’espritcommelamain.L’intellect,àsontour,estpluscachéquel’esprit(vital): taperception

sefraieuncheminplusrapidementjusqu’àcetesprit.Situvoisunmouvement,tusaisqueceluiquibougeestvivant;ceque

tunesaispas,c’estqu’ilestremplid’intelligence,

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Jusqu’àcequeseproduisentdesmouvementsdirigésetque,grâceàlaconnaissance,iltransformelemouvementducuivreenor.Dufaitquecesmouvementsdelamainsontconformesàlaraison, tu

peuxcomprendrequ’ilexisteuneintelligence(quilesdirige).L’esprit qui reçoit l’inspiration divine* est plus caché que l’intellect,

parcequ’ilestdel’invisibleetquec’estàcecôtéqu’ilappartient.L’intellectdeAhmad(Mohammad)n’étaitcachéàpersonne;maisson

espritrecevantl’inspirationn’étaitpasperçupartouteslesâmes.3260 L’espritprophétiqueaussiadesactionsconformesàlaraison;mais

l’intellectnepeutlespercevoir,carcetespritesttropélevé.Parfois, on considère ces choses comme folie, parfois on est dans

l’émerveillement ; car cela dépend du fait qu’on devienne celui-ci oucelui-là.Ainsi, l’intelligence de Moïse était troublée de voir les actions

raisonnablesdeKhadir;SesactionssemblaientdéraisonnablesàMoïse,car ilnepossédaitpas

l’étatspirituel(deKhadir).ÉtantdonnéqueTintelligencedeMoïseestparalyséeparcemystère,

qu’ensera-t-ildel’intelligenced’unesouris,ômonami?La connaissance conventionnelle est à vendre : quand elle trouve un

acheteur,ellerayonnedeplaisir.L’acheteur de la connaissance qui est prouvée (par l’expérience

mystique),c’estDieu:sonmarchéesttoujourssplendide.Il(lepossesseurdelaconnaissancevéritable)aferméseslèvresetest

enivré par son commerce : les acheteurs sont innombrables, carDieu aacheté82.Les anges achètent l’enseignement d’Adam : c’est illicite pour les

démonsetlespéris.Adam, enseigne-leur lesNoms, explique-leur lesmystères deDieu en

détail.3270 Celuiquialavuecourte,quiestplongédansleschangementsetsans

fermeté,Jel’aiappelé«souris»,parcequesaplaceestdanslaterre:laterreest

lelieuoùvitlasouris.Elleconnaîtdeschemins,maissouslaterre;elleacreusélaterredans

chaquedirection.L’âme-sourisn’estqu’unegrignoteuse:àlasourisestdonnéunintellect

proportionnéàsesbesoins,

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Parceque,sansbesoin,leDieuTout-Puissantnedonnerienàpersonne.Si la terre n’avait pas été nécessaire aux habitants de la terre, le

Seigneurdetouteschosesnel’auraitpascréée.Et si cette terre instablen’avaitpaseubesoindemontagnes, Ilne les

auraitpascrééesdansleurmajesté.Et si les sphères célestes n’avaient pas été nécessaires, elles aussi, Il

n’auraitpas,dunéant,tirélesseptcieux.Lesoleil, la luneet lesétoiles,commentsont-ilsapparus,sicen’està

causedubesoin?Lebesoinestdonc le lacetpour toutcequiexiste ; l’hommepossède

desinstrumentsenproportiondesonbesoin.3280 Augmentedoncrapidementtonbesoin,ôtoiquiesdanslebesoin,afin

quelaMerdelaGénérositédébordedebonté.Cesmendiants sont sur le chemin, et chaquemalheureux d’entre eux

montresonbesoinauxpassants,La cécité, la paralysie, lamaladie, la souffrance, afin que la pitié des

hommespuisseêtresuscitéeparsonbesoin.Dit-iljamais:«Donnez-moidupain,ôbonnesgens,carjepossèdedes

richesses,desgrangesdeblé,desplateauxdemets»?Dieu n’a pas donné d’yeux à la taupe, parce qu’elle n’a pas besoin

d’yeuxpourtrouversanourriture.Elleestcapabledevivresansyeuxetsansvue:dansla terrehumide,

ellenedépendpasdesesyeux.Elle ne sort jamais de la terre, sauf pour voler, afin que le Créateur

puisselaguérird’êtreunevoleuse.Après cela, il lui poussera des ailes, elle deviendra un oiseau, volant

dansleshauteursetglorifiantleCréateur.A chaque instant, dans la roseraie des actions de grâces à Dieu, elle

chanteradesmélodies,commelerossignol,Chantant : « Ô Toi qui m’as libérée des défauts ! Ô Toi qui fais de

l’enferunParadis!3290 «Tumetslalumièredansunpeudegraisse,ôToiquitesuffisàToi-

même;Tudonnesl’ouïeàunos!»Quelle relationya-t-il entrecesconceptset lecorps?Quelle relation

entrelaperceptiondeschosesetleursnoms?Lemotestcommelenid,etlesensestl’oiseau;lecorpsestlelitdela

rivière,etl’espritestl’eauquiycourt.Ellesemeut,ettudisqu’elleestimmobile;ellecourt,ettudisqu’elle

eststagnante.

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Situnevoispaslemouvementdel’eauparmilesmottesdeterre(ellese meut pourtant) ; que sont les brindilles et les pailles apparaissantcontinuellementsurelle?Les brindilles et les pailles sont les formes de la pensée : ces formes

viergesreviennentsanscesseànouveau.La surface de l’eau du flux de la pensée, tandis qu’il roule, n’est pas

dénuée de ces brindilles et de ces pailles, les unes plaisantes, les autresdésagréables.Lescoquesàlasurfacedecetteeauquis’écouleproviennentdesfruits

duJardindel’invisible.Cherche lesamandesdecescoquesdans leJardinmême,carc’estdu

Jardinquel’eauarrivedanslelitdufleuve.Situnevoispaslefluxdel’EaudelaVie,regardecemouvementdes

herbesdanslecourant.3300 Quandl’eaucommenceàpasseravecunvolumeaccru,lescoquesdes

idéessontemportéesplusrapidementparelle.Lorsque le courant est devenu extrêmement rapide, nul souci ne

demeureplusdanslesespritsdesmystiques.Étantdonnéqu’ilestexcessivementpleinetimpétueux,iln’yaplusde

placeenluipourriend’autrequel’eau.

* L’expression persane est Rûh-e Wahy, littéralement : « l’esprit del’inspiration».

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Commentunétrangercalomnialesheikh,etcommentlediscipledu

sheikhluirépondit

ncertainhommeportaitdesaccusationscontreunsheikh;ildisait:«Ilestmauvaisetnesetrouvepassurlabonnevoie;«C’est un buveur de vin, un hypocrite, un vaurien : comment un tel

hommepourrait-ilaidersesdisciples?»L’un (des disciples) lui dit : « Sois respectueux ; ce n’est pas peu de

chosequedepensersimaldesgrands.«Loindeluietloindesesqualitésquesonespritpursoitnoirciparun

flot(depéchés).«NeprofèrepasdetellescalomniescontredeshommesdeDieu!Ce

n’estqu’uneimaginationdetapart.Tournelapage.«Cecin’estpasvrai;etmêmesicel’était,ôoiseaudeterre,quelmal

peutcauserunecharogneàlamerRouge?« Il n’est pasmoins que l’eau des deux aiguières ou du petit bassin,

qu’uneseulegoutte(d’impureté)peutladisqualifier*.3310 «LefeunefaitpasdemalàAbraham,maisqueceluiquiestun

Nemrodprennegardeàlui!»L’âmecharnelleestNemrod,etl’intellectetl’espritsontl’AmideDieu

(Abraham) ; l’esprit s’occupe de la réalité même, et l’âme charnelles’occupedespreuves.CesindicessurlaVoiesontpourlevoyageurqui,àchaquemoment,se

perddansledésert.Pourceuxquisontarrivés(àl’unionavecDieu),iln’estplusbesoinque

de l’œil et de la lampe : ils ne se préoccupent plus d’indications ou deroute.Sil’hommeuniàDieumentionnequelquesindications,c’estpourque

lesdialecticienslecomprennent.Pour l’enfant nouveau-né, le père balbutie des sons, bien que son

intelligencedominelemondeentier.Ladignitédelasciencedumaîtren’estpasdiminuées’ilditquele’alif

nepossèderien*.Pour enseigner à l’enfant ignorant, il faut se départir de son propre

langage;Ilfautadoptersonlangageàlui,afinqu’ilpuisseapprendredevousla

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connaissanceetlascience.Tous leshommes sont comme les enfants (duMaître spirituel) : il est

nécessairequeleMaîtreyréfléchissequandilleurdispensel’instruction.3320 L’infidélitéadeslimitesetuneportéedéterminées,sache-le;maisle

sheikhetlalumièredusheikhn’ontpasdebornes.Devantl’infini,toutcequiestfinin’estrien:Toutechoseestpérissante

sauflaFacedeDieu83.L’infidélitéet la foin’existentpas làoù il (lesheikh)se trouve,parce

qu’ilestlenoyau,etcesdeuxchosesnesontquecouleuretécorce.Ces choses éphémères sont devenues un voile sur cette Face, comme

unelanternecachéesousunbol.Ainsi, cette tête corporelle est un écran pour cette tête spirituelle :

devantcettetête-là,cettetêtecorporelleestuneinfidèle.Quelestl’infidèle?Celuiquioublielafoidusheikh.Quiestlemort?

Celuiquiignorelaviedusheikh.La vie spirituelle n’est rien d’autre que la connaissance au temps de

l’épreuve:plusonadeconnaissance,plusonadevie.Notre esprit est plus grand que celui des animaux. Pourquoi ? Parce

qu’ilaplusdeconnaissance.Aussi, l’esprit des anges est-il plus grand que notre esprit, car il

surpasselesenscommun;Etl’espritdesmystiquesestsupérieuràceluidesanges.Cessedet’en

étonner!3330 C’estpourcetteraisonqu’ilsseprosternèrentdevantAdam:sonesprit

estplusgrandqueleurêtre.S’il n’en était pas ainsi, ce ne serait pas du tout convenable que

d’ordonnerausupérieurdeseprosternerdevantsoninférieur.Comment la justice et la bonté duCréateur permettraient-elles qujane

roseseprosternedevantuneépine?Étantdonnéquel’esprit(dusaint)estdevenusublimeetqu’ilestpassé

au-delàdelalimiteultime,l’âmedetouteschosess’inclinedevantlui,Lesoiseauxetlespoissonsetlesdjinnsetleshommes—parcequecela

lesdépasseetqu’ilssontdéficientsencomparaison.Lespoissons fabriquent des aiguilles pour lemanteaudu saint : ils le

suiventcommelesfilssuiventlesaiguilles.

*Ils’agitdel’eauutiliséepourlesablutionsrituellesavantlaprière.*Lalettre‘altfestuneligneperpendiculairedépourvuedesignediacritique.Elle

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symboliseI’Essencedivinedépourvuedequalifications.

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Restedel’histoired’IbrâhîmfilsdeAdham(queDieusanctifiesonesprit!)surlerivagedelamer

uand cet émir vit que l’ordre du sheikh avait été réalisé parl’arrivéedespoissons,iltombaenextase.Ildit:«Ah,lespoissonsconnaissentlesmaîtresspirituels(pîrs).Honte

àceluiquiestchasséhorsdelaCoursainte!«Les poissons connaissent lepîr, et nous sommes loin de lui !Nous

sommesdamnésd’êtreprivésdecettechance,eteuxsontbénis!»Ils’inclinatrèsbasets’enalla,désoléetpleurant.Ildevintfoud’amour

pourl’ouverturedelaporte(del’unionavecDieu).3340 Alors,ôtoiàlafiguresouillée,quefais-tu?Quicombats-tuetenvies-

tu?Tujouesaveclaqueued’unlion:tuattaqueslesanges.Pourquoi dis-tu dumal de ce qui est un bien pur ? Prends garde, ne

considèrepasquecettebassesse(d’insulterlessaints)soitdelagrandeur.Quelestlemal?Lecuivremisérableetméprisable.Qu’estlesheikh?

L’élixirinfini.Silecuivreestincapabled’êtretransmuéparl’élixir,cependantl’élixir

n’ajamaisététransforméencuivreparlecuivre.Qu’est-ce que lemal ? Un rebelle qui agit comme le feu. Qui est le

sheikh?LaMerdel’Éternité.Le feu est toujours terrifié par l’eau. Quand l’eau fut-elle jamais

effrayéed’êtreenflammée?Tuobservesdesdéfauts sur la facede la lune ; tu cueillesdes épines

dansunParadis.Cueilleur d’épines, si tu vas dans le Paradis, tu n’y trouveras d’autre

roncequetoi-même.Turecouvresunsoleilavecunpeud’argile:turecherchesdeslacunes

dansunepleineluneparfaite.3350 Unsoleilquibrilleàtraverslemondeentier—commentsera-t-ilcaché

àcaused’unechauve-souris?Les fautes sont renduescoupablespar ladésapprobationdespîrs ; les

mystèressontrendusmystérieuxparlajalousiedespîrs.Si tues loind’eux, soisdumoinsuniàeuxpar le respectque tu leur

témoignes:soisalerteetactifenmontrantdurepentir,

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Dans l’espoir qu’une brise puisse souffler vers toi à partir de ce lieu.Pourquoitaris-tul’eaudelamiséricordepartonenvie?Bien que tu sois loin, à cette distance,manifeste-leur de l’amitié.Où

quevoussoyez,tournezlàvosvisages84.Quand un âne tombe dans la boue en courant rapidement, il semeut

sanscessepourserelever.Ilnerendpascetendroitcommodepouryrester:ilsaitquecen’estpas

lelieuoùildoitvivre.Tonjugementaétéinférieuràceluidel’âne,cartoncœurnes’estpas

enfuiloindecesmottesdeboue.Tu interprètes les circonstances comme une autorisation de demeurer

danslaboue,étantdonnéquetuneveuxpasendétachertoncœur.Tu dis : « Cela m’est permis ; je me trouve contraint. Dieu dans Sa

bonténepunirapasunpauvreêtreimpuissantcommemoi.»3360 Envérité,Ilt’adéjàchâtié,mais,commelahyèneaveuglepar

ignorance,tunevoispaslechâtiment.Leschasseursdisent:«Lahyènenesetrouvepasici;cherchezlaau-

dehors,carellen’estpasdanslacaverne.»Ilsdisentcela,etenmêmetempsl’attachentavecdesliens,tandisque

lahyènedit:«Ilsnesaventpasoùjesuis.« Si cet ennemim’avait connue, comment se serait-il écrié : “Où est

cettehyène?”»

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Ladéclarationd’unecertainepersonneselonlaquelleleDieu

Très-Hautnelapuniraitpaspoursonpéché,etlaréponsequeluifit

Shu‘ayb*

utempsdeShu’ayb,uncertainhommedisaitDieuavuplusieursfautesquej’aicommises.« Combien de péchés et de transgressions m’a-t-il vu faire ! Et

cependant,Dieu,dansSabonté,nemepunitpas.»En réponse, Dieu le Très-Haut de la manière mystérieuse parla

clairementàl’oreilledeShu‘ayb,Disant : « (Dis-lui :) Tu as dit : “Combien de péchés n’ai-je pas

commis !Et cependant,Dieu,dansSabonté,nem’apaspunipourmesfautes.”«Tudis le contraire et l’inverse de la vérité, ô imbécile, ô toi qui as

abandonnélaroutepourt’enallerdansledésert!«Combiensouvent,combiensouventJetechâtieettunet’enrendspas

compte!Tuesenchaînédelatêteauxpieds.3370 «Tarouille,coucheaprèscouche,ôpotnoirci,asouillélafacedeton

cœur.«Descouchesderouillesesontamonceléessurtoncœur,desortequ’il

estdevenuaveugleauxmystèresspirituels.»Sicettefumées’attaqueàunpotneuf,sestracesseverront,quandcene

seraitpasdavantagequ’ungraind’orge.Car toute chose est renduemanifeste par son contraire ; sur un objet

blanc,lenoirdevientmanifeste;Maisquand lepotaéténoirci,quis’apercevraensuitede l’effetde la

fuméesurlui?Leforgeronquiestéthiopien—lafuméeestde lamêmecouleurque

sonvisage;Le Grec qui fait le travail d’un forgeron, son visage, à cause de la

fumée,devienttachetédenoir.Aussi reconnaîtra-t-il très vite l’effet du péché, de sorte qu’il se

lamentera,endisant:«ODieu!»Mais quand il persiste dans le péché, s’adonne aumal, et jette de la

poussièredansl’œildelaméditation,

Page 623: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Ilnepenseplusàlapénitence:cepéchédevientsicheràsoncœurqu’àlafinilperdlafoi

3380 Cerepentiretcescris«OSeigneur»l’ontabandonné;unequintuplecouchederouilles’estdéposéesurlemiroirdesoncœur.Lescouchesderouillesesontmisesàentamersonmiroir:larouillea

commencéàdiminuersonéclat.Quandonécritsurdupapierblanc,onpeutlireaussitôtcetteécriture.Quandonécritsurcequil’adéjàété,onnelecomprendpas:lalecture

enseraerronée;Car cette noirceur a été effectuée sur de la noirceur ; aussi, ces deux

écrituressontdevenuesobscuresetdépourvuesdesens.Et si l’on écrit une troisième fois par-dessus, alors on le rend noir

commel’âmedel’impie.Quel autre recours y a-t-il, alors, que de se réfugier en Dieu le

Secourable?Ledésespoirestducuivre,etl’élixirestleregarddeDieu.Déposezvosdésespoirs àSespieds, afind’échapper àune souffrance

irrémédiable.LorqueShu‘aybluieutditcesparolesprofondes,àcesouffledeTesprit

desrosesfleurirentensoncœur.SonâmeécoutaT inspirationvenueduCiel ;cependant, ildemanda :

«S’ilm’apuni,oùestlesigne?»3390 Shu’aybs’écria:«ÔSeigneur,ilmeriposte,ilrecherchelesignedece

châtiment.»Dieudit:«JesuisCeluiquivoilelespéchés:Jeneraconteraipasses

secrets,Jenedonneraiqu’uneindicationpourlemettreàl’épreuve.«UnsignedeMonchâtimentestqu’ilaàsoncréditdesactionspieuses

dejeûneetdeprière,«Etd’officesrituelsetd’aumônes,etcetera,maisilnepossèdepasun

seulatomedesaveurspirituelle.«Ilaccomplitdebellesactionsetactesdedévotion,maisiln’apasun

seulatomededélicespirituel.«Sesdévotionssontbonnesselon la forme,mais l’espritn’enestpas

bon:lesnoixsontnombreuses,maisdépourvuesdecerneaux.»Lasaveurspirituelleestnécessairepourquelesdévotionsproduisentdesfruits:unnoyauestnécessairepourquelabaiedonnenaissanceàunarbre.Commentunebaie sansnoyaudeviendrait-elleun arbuste ?La forme

dépourvued’âmen’estqu’unfantasme.

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*ProphètedeMadian(Cf.Qor’ân,VII,85).

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Restedel’histoiredel’étrangerinsultantlesheikh

eméchantvaurienracontaitdeschosesstupidesausujetdusheikh;celuiquiestenvieuxatoujoursunesprittordu.Ildit :«Je l’aivudansunecompagnie (debuveurs) ; ilestdénuéde

puretéetdépourvudepiété.3400 «Etsitunelecroispas,rends-toilàcesoir,afindevoirclairementla

dépravationdevotresheikh.»La nuit venue, il l’amena devant une fenêtre et dit : « Regarde cette

débaucheetcesfestivités!«Contempleunetellehypocrisielejouretunteldévergondagelanuit!

Durant la journée, il estcommeMustafâ (Mohammad)et le soircommeBûLahab*.«Lejour,sonnomestdevenu‘Abdallah(serviteurdeDieu);lanuit—

Dieunousprotège!Etvoislacoupedevindanssamain!»Ledisciplevitunverrepleindanslamaindusheikh.«Ôsheikh,dit-il,

ya-t-ilaussiunviceentoi?«N’est-cepastoiquidisaisqueleDémonseprécipitepoururinerdans

lacoupedevin?»Lesheikhrépondit:«Onatellementremplimacoupequ’iln’yapas

enelledeplacepouruneseulegrainederue.« Regarde : y a-t-il de la place ici pour un seul atome ?Un homme

leurréafaussementsaisicetteaffaire.»Ce n’est pas la coupe apparente ou le vin apparent : considère cette

allégationcommebienloindeladignitédusheikhquiperçoitl’invisible.La coupe de vin, sot que tu es, est la personne du sheikh : dans son

essence,l’urineduDémonnepeutêtrecontenue.3410 IIestremplietdébordantdelaLumièredeDieu:ilabrisélacoupe

corporelle,ilestlaLumièreabsolue.Si la lumière du soleil tombe sur de l’ordure, c’est toujours lamême

lumière:ellenesubitaucunesouillure.Lesheikhdit:«Envérité,cen’estpasunecoupe,niceciduvin.Viens,

incroyant,etregarde!»Il vint, et vit que c’était du miel pur. Ce misérable ennemi devint

aveugle(dehonte).Surquoi, lepîr dit à sondisciple : «Vamechercher duvin, ônoble

Page 626: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

sire;«Carj’éprouveunedouleur;jesuisréduitàlanécessité:àcausedela

souffrance,jesuispasséau-delàdel’inanition*.«Dansunbesoingrave, toutenourritureprohibéeest licite—que les

malédictions tombent comme de la poussière sur la tête de celui qui lenie!»Le disciple fît le tour du cellier, goûtant à chaque jarre pour obéir au

sheikh.Danstouteslescavesqu’ilvisita,ilnetrouvapasdevin:lesjarresde

vinétaientdevenuesrempliesdemiel.Ildit:«Ôbuveurs,qu’est-cequetoutcela?Quesepasse-t-il?Jene

trouvedevindansaucunejarre.»3420 Touslesbuveursvinrentauprèsdusheikh,pleurantetsefrappantlatête

deleursmains.Ilsdisaient:«Tuesvenudanslataverne,ôtrèsnoblesheikh,etàcause

detavenuetouslesvinsontététransformésenmiel.«TuaschangélevinetTaspurifiédelasaleté:changeaussinosâmes

etpurifie-lesdetoutesouillure.»Si le monde entier était rempli de sang jusqu’au bord, comment le

serviteurdeDieuboirait-ilautrechosequecequiestsanctifié?

*OncleduProphèteetsonennemi.*Cf.Qor’ân,XVI,115,autorisantàconsommerdesalimentsillicitesencasdenécessité.

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Comment‘Âisha(puisseDieuêtresatisfaitd’elle!)ditàMustafâ(Mohammad)(surluilapaix):

«Tuaccomplislaprièren’importeoù,sanstapisdeprière.»

njour,‘ÂishaditauProphète:«ÔEnvoyédeDieu,ouvertementetsecrètement,« Tu accomplis la prière en quelque endroit que tu te trouves,même

lorsquedesgensvilsetsalescourentdanslamaison;«Mêmesiune femmequiaun fluxdesang le jourdes règles,ouun

enfant,ouquelqu’undesaleetd’impurautilisécetendroit.»LeProphètedit:«SachequeDieurendpuresdeschosesimpurespour

ceuxquisontdouésdegrandeurspirituelle.«Pourcetteraison,lagrâcedeDieuarendupurl’endroitdemaprière,

etcelajusqu’auseptièmeniveauduCiel.»Prends garde, prends garde ! Cesse d’envier les rois spirituels,

autrementtudeviendrasundémonencemonde.3430 Cars’ilboitdupoison,celadevientdumiel;maissitumangesdumiel,

c’estdupoisonpourtoi;Carilaétéchangé,etsonactionaétéchangée;ilestdevenulaGrâce

deDieu,etchaquefeuenluis’esttransforméenLumière.Lesabâbîl*avaienteneuxlapuissancedeDieu;autrement,comment

unoiseautuerait-ilunéléphant?Uncertainnombredepetitsoiseauxvainquirentunearméeentière-afinquevoussachiezquecetteforcevientdeDieu.S’il t’advientune tentationdecettesorte,va, lis la sourateconcernant

lespossesseursdel’éléphant.Et si tu t’opposes et entres en rivalité avec le saint, considère-moi

commeuninfidèlesituéchappesàleurchâtiment.

*Allusionàlasouratede1’Éléphant(Qor’ân,CV)etàladestructiondel’arméedesAbyssinspardesvolsd’oiseauxabâbîlportantdescaillouxdansleursbecs.

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Commentlasouristiralacordeattachéeàl’anneauaunezdu

chameauetdevintimbued’elle-même

nepetite sourisattrapadans sespattesdedevant leboutdu licoud’unchameauet,serengorgeant,s’enallaavec.En raisonde lapromptitude avec laquelle le chameau semit en route

avecelle,lasouriss’imaginaêtreunehéroïne.Le chameau perçut sa pensée. Il se dit en lui-même : « Je vais te

montrer!Amuse-toibien!»Toutsepassabienjusqu’àcequelasourisarriveaubordd’unegrande

rivièrequiauraitépouvantéunlionouunloup.3440 Lasouriss’arrêtalàetdevintparalysée.Lechameauluidit:«Ômon

compagnon,àtraversmontsetvallées,« Pourquoi restes-tu immobile ? Pourquoi es-tu troublée ? Avance

commeunhomme!Vadanslarivière!«Tuesmonguideetmonconducteur:net’arrêtepasàmi-cheminen

étantabasourdie!»Lasourisdit:«C’estuneénormeetprofonderivière:j’aipeurdeme

noyer,ôcamarade.»Le chameau dit : « Voyons la profondeur de l’eau. » Et il y posa

rapidementlepied.« L’eau, dit-il, ne monte que jusqu’au genou. Ô souris aveugle,

pourquoies-tudevenuetroubléeetas-tuperdutesesprits?»Lasourisrépondit:«Pourtoi,c’estcommeunefourmi,maispourmoi,

c’estundragon,carilyadesdifférencesentreungenouetunautre.« Si cela ne va que jusqu’à ton genou,mon excellent ami, c’est cent

aunesplushautquelesommetdematête.»Lechameaudit:«Uneautrefois,n’agispasdefaçonaussitéméraire,

depeurquetoncorpsettonâmesoientconsumésparcesétincelles.«Aieaffaireàdessouriscommetoi-même:unesourisn’arienàdireà

unchameau.»3450 Lasourisdit:«Jemerepens.Pourl’amourdeDieu,fais-moitraverser

cetteeaumortelle!»Lechameaufutémudepitié.«Ecoute,dit-il,sauteetassieds-toisurma

bosse.

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«Cepassagem’aétéaccordé;jepourraistransporterdescentainesdemillierspareilsàtoi.»Puisquetun’espasunprophète,suislecheminderrièrelesprophètes,

afinqu’unjourtupuissesparvenirdel’abîmedelasensualitéàlaplaceetaupouvoirspirituels.Soisunvassal, puisque tun’espasun seigneur : nemanœuvrepas le

bateautoi-même,puisquetun’espaslepilote.Puisquetun’espasspirituellementparfait,neprendspasuneboutiqueà

toitoutseul.Soissouplesouslamain,afindedevenirlevécommelapâte.Prêtel’oreilleàl’ordredivinTaisez-vous85,soismuet;puisquetun’es

pasdevenuleporte-paroledeDieu,soisuneoreille.Etsituparles,parlesousformed’unedemanded’explication:adresse-

toiauxempereursspirituelscommeunhumblemendiant.Lecommencementdel’orgueiletdelahainesetrouvedansledésiret

tondésirs’enracinedansl’habitude.Quandunedispositionmauvaisedevientconfirméeparl’habitude,tues

enragécontrequiconques’opposeàtoi.3460 Aprèsquetuesdevenuunmangeurd’argile,celuiquit’empêchede

mangerdel’argileesttonennemi.Étant donné que les idolâtres sont accoutumés aux idoles, ils sont les

ennemisdeceuxquibarrentlarouteversl’idole.Comme Iblîs s’était habitué à être un chef, il regarda Adam avec

incrédulité,Disant:«Ya-t-ilunautrechefsupérieuràmoi,qu’ildoiveêtreadoré

parquelqu’uncommemoi?»L’autoritéestdupoison, saufpour l’espritqui,dès lecommencement,

possèdeenlui-mêmeuneabondanced’antidote.Silamontagneestrempliedeserpents,necrainsrien,carils’ytrouve

unemined’antidote.Quand le commandement est devenu coutumier de ta mentalité,

quiconquet’enprivedevientcommeunvieilennemi.Quand quelqu’un contredit ta disposition, de nombreux sentiments de

hainecontreluinaissententoi.«Ilm’arracheàmadispositionenracinée,ilfaitdemoisonélèveetson

disciple.»Amoinsqueladispositionmauvaisesoitdevenuefortementimplantée,

comment le temple de feu de l’opposition flamboierait-il parce qu’ons’opposeàlui?

3470 Onpeuttémoignerunecourtoisiefeinteàceluiquis’opposeàvous,on

Page 630: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

peutsefaireuneplacedanssoncœur,Mais,parcequeladispositionmauvaiseestdevenueforte,lafourmidu

désirestdevenue,par1’habitude,unserpent.Tueleserpentdudésirdèslecommencement;autrement,vois-tu, ton

serpentdevientundragon.Mais chacun considère son propre serpent comme une fourmi : toi,

recherchel’explicationdetoi-mêmechezceluiquiestleseigneurducœur.Avant que le cuivre ne devienne de l’or, il ne sait pas qu’il est du

cuivre:avantquelecœurnedevienneunroi,ilnesaitpasqu’ilestruiné.Soisàladispositiondel’élixir,commelecuivre:supportelatyrannie,

ômoncœur,delapartdubien-aimé.Quiestlebien-aimé?Sachequec’estceluiquifaitpartiedesamoureux

mystiques(ahl-edil)qui,commelejouretlanuit,sontopposésaumonde.NecherchepasdefautechezleServiteurdeDieu:n’accusepasleroi

d’êtreunvoleur.

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Lesmiraclesdudervichesoupçonnédevoldansunnavire

ndervichesetrouvaitdansunnavire:ils’étaitfaitunoreillerdesonhabitdesainteté.Uneboursed’orfutperdue.Ilétaitendormiàcemoment.Ilsfouillèrent

toutlemonde,ets’ensaisirent,3480 Disant:«Fouillonscemendiantendormiluiaussi.»Lepropriétairede

l’argent,pousséparlechagrin,leréveilla.« Un sac d’objets de valeur, dit-il, a été perdu dans ce navire. Nous

avonsfouillétoutlemonde:tunepeuxéchapperausoupçon.«Retiretonmanteaudederviche,enlève-le,afínquelessoupçonsdes

genspuissentêtredissipésàtonsujet.»Il s’écria : « Ô Seigneur, ces vils vauriens ont porté une accusation

contreTonesclave:faisexécuterTonordre!»Quandlecœurdudervichefutaffligéparcesoupçon,aussitôtsortirent

leurstêtesdetouscôtésDu fond de la mer, des myriades de poissons, et dans la bouche de

chacund’euxunesuperbeperle;Desmyriadesdepoissonshorsdelapleinemer,chacunavecuneperle

danssabouche—etquellesmerveilleusesperles!Chaque perle, le revenu d’un royaume. « Celles-ci, lui dirent-ils,

viennentdeDieu,ellesn’ontpasd’autreassociation.»Iljetaunequantitédeperlessurlenavireetbonditenl’air:ilfitdel’air

sonsiègeets’yassit,Sereposantàl’aise,lesjambescroisées,commelesroissurleurstrônes

—luiau-dessusduzénith,etlenavireendessousdelui.3490 IIdit:«Partez!Lenavirepourvous,Dieupourmoi,desortequ’un

mendiantvoleurnesoitpasavecvous!«Voyons qui sera le perdant dans cette séparation ! Je suis heureux,

étantuniàDieuetséparédeSescréatures.« Il ne m’accuse pas de vol, Il ne me remet pas à la merci d’un

détracteur.»Lesgensdunavires’écrièrent:«Ônoblechef,pourquoiunrangaussi

élevét’a-t-ilétéconféré?»Il répondit : «Pouravoir jetédu soupçon sur lesdervichesetoffensé

Dieuenraisond’unechosemisérable(commevousl’avezfait)!

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«Dieum’engarde !Non, c’était pour témoignerdu respect à l’égarddes rois spirituels, étant donné que je ne concevais pas de mauvaisespenséesausujetdesderviches,« Ces aimables derviches à l’esprit pur, pour la louange desquels fut

révéléela(lasourateduQor’ân)‘Abasa(Ils’estrenfrogne*).« Cet état de derviche n’est pas dû seulement au désir d’éviter tout

rapport (avec lemonde) ; non, c’est parce que rien n’existe d’autre queDieu.« Comment soupçonnerais-je ceux à qui Dieu a confié le trésor du

SeptièmeCiel?3500 «L’âmecharnelleestsuspecte,nonlaRaisonsublime:lessenssont

suspects,nonlaLumièresubtile.«L’âmecharnelleestunsophiste:bats-lasanscesse,carcelaluifaitdu

biend’êtrebattue,etnonqu’ondiscuteavecelle.«Ellevoitunmiracle,etàcetinstantellerayonne(decroyance);mais

ensuite,elledit:“Cen’étaitqu’uneimagination;“Car si cette vision merveilleuse avait été réelle, alors elle serait

demeurée,jouretnuit,danslesyeux."«Elledemeure,enfait,danslesyeuxdeceuxquisontpursmaisellene

demeurepasprésenteauxyeuxdesanimaux(gensimpurs)« Car le miracle est honteux de ces sens corporels et les méprise :

commentunpaonpourrait-ilêtreemprisonnédansunfosséétroit?«Prendsgardeànepasmetraiterdebavard:jenedisqu’unechosesur

cent,etcelle-cipareilleàuncheveu.»

*Qorr’ân, LXXX.Cette sourate relate un incident survenu à LaMecque, audébutdelaprédicationduProphètequi,engagédansuneconversationavecunnotable, témoigna quelque déplaisir à être interrompu par un pauvre aveuglevenul’interroger.Dieuleluireprocha.

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Commentdessoufisinsultèrentuncertainsoufi,disantqu’ilparlait

tropenprésencedusheikh

ertains soufis insultèrent un autre soufi ; ils allèrent trouver lesheikhdeleurmaisonderetraite,Etdirentausheikh:«Réclamejusticepournosâmesàcesoufi,ônotre

Guide!»Il dit : « Eh ! quoi, de quoi vous plaignez-vous, ô soufis ? »On lui

répondit:«Cesoufipossèdetroishabitudesennuyeuses:«Quandilparle,ilestaussibavardqu’unecloche;quandilmange,il

mangeplusquevingtpersonnes;3510 «Etquandildort,ilestcommelesHommesdelaCaverne.»Ainsiles

soufispartirentenguerrecontreluidevantlesheikh.Lesheikhtournasonvisageverscederviche,etluidit:«Enchaquecas

quiexiste,conforme-toiàunmoyenterme.« Il est déclaré dans la Tradition que les choses les meilleures sont

celles entre deux extrêmes ; les quatre humeurs sont bénéfiques parcequ’ellessontenéquilibre.«Si,paraccident, l’unedeceshumeursdevientexcessive, lamaladie

apparaîtdanslecorpshumain.« N’excède en aucune qualité celui qui est ton compagnon car cela

assurémentamènerauneséparationentrevousàlafin.«LesparolesdeMoïseétaientmesuréesmaispourtantellesexcédèrent

lesparolesdesonbonami.«Cetexcèseutpourconséquencequ’ils’opposaàKhadir ;etcelui-ci

luidit:Va,tuparlestrop;voilàvenulemomentdenotreséparation86.«ÔtoiquiressemblesàMoïse,tuesbavard.Va-t’enbienloin,oualors

soisavecmoimuetetaveugle!«Etsitunet’envaspas,maisrestesassisicimalgrémoi,enréalitétu

espartietcoupédemacompagnie.»Quandtoutàcouptucommetsunacted’impuretélégaleaucoursdela

prièrerituelle,laprièretedit:«Vavitetepurifier»;3520 Etsitunelefaispas,tuagirasenvain;envérité,taprièreestnulle:

assieds-toi,ôhommemalguidé!Vavers ceuxqui sont tes congénères, ceuxqui sont amoureuxde ton

discoursetassoiffésdel’entendre.

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Celuiquiveilleestsupérieuràceuxquisomnolent:lepoissonspiritueln’apasbesoindeceluiquiveille.Ceux qui portent des vêtements se préoccupent du blanchisseur,mais

l’âmedeceuxquisontnusal’illuminationdivinepourornement.Oubienretire-toietéloigne-toideceuxquisontnus,ou,commeeux,

libère-toidesvêtementscorporels.Et si tu ne peux devenir complètement nu, diminue le nombre de tes

habitspourpouvoircheminersurlaroutedumilieu.

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Commentlederviches’excusaauprèsdusheikh

lors le derviche raconta au sheikh ce qu’il en était et ajouta desexcusesàl’accomplissementdecetteobligation.Aux questions du sheikh, il apporta des réponses bonnes et justes,

commelesréponsesdeKhadir,Asavoir,cesréponsesauxquestionsdeMoïsequeKhadir,inspiréparle

Seigneuromniscient,luifit,De sorte que ses difficultés furent résolues, et que Khadir donna à

Moïselaclépourchaquequestion,defaçonimpossibleàdécrire.3530 LedervichepossédaitluiaussiunhéritagespirituelvenantdeKhadir;

c’estpourquoiilpliasavolontéàrépondreausheikh.Ildit :«Bienquelavoiemoyennesoitcellede lasagesse,cependant

cettevoiemoyenneestaussirelative.«Parrapportauchameau,l’eauduruisseauestpeudechose,maispour

unesouris,c’estunocéan.«Siquelqu’unade l’appétitpourquatremichesdepainet enmange

deuxoutrois,c’estunemoyenne,«Maiss’illesmangetouteslesquatre,c’estloindelamoyenne:ilest

esclavedelagourmandise,commeuncanard.«Siquelqu’unadel’appétitpourdixpainsetenmangesix,sacheque

c’estlàlamoyenne.«Quandj’aidel’appétitpourcinquantepains,et toipoursixgalettes,

nousnesommespaségaux.«Ilsepeutquetusoisfatiguépardixra‘kasdeprière,jepeuxnepas

êtreépuiséparcinqcents.«L’unfaitpiedsnuslaroutejusqu’àlaKa’ba,etunautredevienthors

delui-mêmedefatigueenserendantpasplusloinquelamosquée.«L’unparpuredévotiondonnesavie,unautreest terrifiéà l’idéede

donnerunsimplepain.3540 «Cemoyenappartientaudomainedufini,carcefiniaun

commencementetunefin.»Uncommencementetunefinsontnécessairesafinquelemilieuentre

euxpuisseêtreconçuparl’imagination.Étant donné que l’infini n’a pas ces deux limites, comment cemilieu

pourrait-illuiêtreapplicable?

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Nul n’amontré qu’il avait un commencement et une fin.Dieu a dit :«Silamerétaituneencre»(pourécrirelesParolesdeDieu87).Silesseptmersdevenaienttoutentièresdel’encre,iln’yauraitencore

aucunespoird’arriveràlafin.Si les vergers et les forêts devenaient tout entiers des plumes, il n’y

auraitaucunediminutiondecetteParole.Toute cette encre et ces plumes disparaissent, et cette Parole

innombrableestéternelleàjamais.Parfois, mon état ressemble au sommeil : une personne dans l’erreur

peutpenserquec’estlàdusommeil.Sache quemes yeux sont endormis,mais quemon cœur est éveillé ;

sachequemonapparencequisembleinactiveestenréalitéentraind’agir.LeProphèteadit:«Mesyeuxsontendormis,maismoncœurn’estpas

endormiauSeigneurdeschosescréées.»3550 Vosyeuxsontéveillés,etvotrecœurestplongédanslesommeil;mes

yeuxsontendormis,maismoncœurcontemplel’ouverturedelaPorte.Moncœuracinqsens:lesdeuxmondessontlascènedessensducœur.Nemeregardepasàpartirdetoninfirmité:pourtoi,c’estlanuit,pour

moi,cettemêmenuitestl’aube.Pourtoi,c’estuneprison,pourmoicetteprisonestcommeunjardin;

pourmoi,l’occupationlaplustotaledevientlaliberté.Tespiedssontdanslaboue;pourmoi,laboueestdevenuedesroses;

tuasledeuil;j’ailesfêtesetlestambours.Tandis que je reste avec toi en un lieu sur la terre, je parcours la

septièmesphèreduciel,commeSaturne.Cen’est pasmoiqui suis assis auprèsde toi, c’estmonombre ;mon

rangestplusélevéquecequ’atteignentlespensées,Parcequejesuispasséau-delàdespensées;jesuisdevenuunvoyageur

endehors(delarégion)delapensée.Je gouverne la pensée, je ne suis pas gouverné par elle, car le

constructeurdirigelaconstruction.Toutes les créatures sont asserviespar lapensée ; c’est la raisonpour

laquelleellesontlecœurmaladeetaffligé.3560 Jem’adonneàlapenséevolontairement;quandjeledésire,jesurgis

d’aumilieud’elles.Jesuiscommeunoiseauduzénith,lapenséeestcommeunemouche:

commentunemoucheaurait-elledupouvoirsurmoi?Adessein,jedescendsdececielélevé,afinqueceuxquisontd’unrang

inférieurpuissentparvenirjusqu’àmoi.

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Quandledégoûts’emparedemoidevantlescaractéristiquesdecebasmonde,jeprendsmonessorcommelesoiseauxquidéploientleursailes88.Mes ailes ont poussé hors dema naturemême ; je nem’attache pas

deuxailesavecdelacolle.Les ailes de Ja’far-i Tayyâr* sont permanentes ; les ailes de Ja’far-i

’Ayyârsontempruntées**.Pour celui qui ne l’a pas expérimenté, ceci n’est que prétention : aux

yeuxdeshabitantsdel’horizonspirituel,c’estuneréalité.C’esthâblerieetprétentionauxyeuxducorbeau:unpotpleinouvide,

c’esttoutunauxyeuxdelamouche.Quandlesmorceauxdenourrituresechangentenperlesàl’intérieurde

toncorps,net’abstienspas:mangetouttoncontent.Unjourlesheikh,afinderéfutercesmauvaisespensées,vomitdansun

bassin,etlebassindevintremplideperles.3570 Enraisondupeud’intelligencedel’homme,leMaîtreclairvoyantfit

desperlesintelligiblesdesobjetsdeperceptionsensorielle.Quand de la nourriture pure se transforme en impureté dans ton

estomac,metsunverrousurtongosieretcachelaclé;Maisceluienquilesmorceauxdenourrituredeviennentlalumièredela

gloirespirituelle,qu’ilmangecequ’ilveut,c’estpourluilicite.

*Ja‘faribnAbîTâlib,cousinduProphète,mortmartyràlabatailledeMu’tah(8hég./629) reçut deDieu en récompensedeux ailes pour voler auparadis, d’oùsonsurnomdeTayyâr,celuiquivole,«levolant».**Ja‘far-i ’Ayyâr,c’est-à-dire« levoleur»,paroppositionaupremier,parunjeudemots.

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Expliquantquecertainesaffirmationsdelavéritésont

attestéesparleurnaturemême

i tues I’ami intimedemonâme,mesparolespleinesdesensnesontpasunesimpleaffirmation.Si,àminuit,jedis:«Jesuisprèsdetoi;allons,nesoispaseffrayépar

lanuit,carjesuistonparent»,Cesdeuxaffirmationssontpourtoilaréalité,cartureconnaislavoixde

tonpropreparent.Laproximité et laparenté étaientdeuxaffirmations,mais toutesdeux

étaientuneréalitépourunebonnecompréhension.La proximité de la voix permet de constater que ces paroles viennent

d’unamiintime,En outre, la joie d’entendre la voix de son parent témoigne de la

sincéritédececherparent.Aucontraire,l’hommestupidequi,danssonignorance,nedistinguepas

lavoixd’unétrangerdecelled’unparent,3580 Pourlui,cesparolessontunesimpleaffirmation;sonignoranceest

devenuelacausedesonincroyance.Mais pour celui doué d’intelligence, qui possède les lumières

spirituelles, lanaturemêmedecettevoixétait justement lapreuvedesaréalité.Parexemple, siquelqu’undont la languematernelleest l’arabedit en

arabe:«JeconnaislelangagedesArabes»,Lefaitmêmequ’ilparleenarabeprouvelaréalitédesonaffirmation,

bienquelefaitqu’ildisesavoirl’arabenesoitqu’uneaffirmation.Oubienunécrivainpeutécriresurunboutdepapier:«Jesaislireet

écrire,etsuisunhommetrèscultivé»;Bienquecequiestécritnesoitqu’uneaffirmation,l’écritestlapreuve

desaréalité.Ouencore,unsoufipeutdire:«Lanuitdernière,quandtudormais,tu

asvuunepersonneportantsurl’épauleuntapisdeprière.«C’étaitmoi,etcequejet’aiditenrêve,alorsquetusommeillais,pour

expliquerlaclairvoyance,«Prêtel’oreilleàcela,mets-leàtonoreillecommeunanneau,faisde

mesparolesunguidepourtonesprit.»

Page 639: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Quand tu te souviens du rêve, ces paroles sont pour toi un nouveaumiracle,oudel’orancien.

3590 Bienquececisembleêtreunesimpleaffirmation,l’âmedurêveurdit:«Oui,c’estvrai.»Donc,puisquelasagesseestlachamelleégaréeducroyantsincère,illa

connaîtaveccertitude,d’oùqu’ill’entende;Etquandilsetrouveabsolumentenfaced’elle,commentyaurait-ilun

doute?Commentsetromperait-il?Quandtudisàl’hommeassoiffé:«Hâte-toi!Ilyadel’eaudanscette

coupe,prends-la»,L’homme assoiffé répondra-t-il : « C’est là une simple affirmation,

éloigne-toidemoi,ôtoiquiprétendsdeschoses!Va-t’enbienloin!« Ou alors, apporte quelque témoignage et preuve que ce liquide est

aqueux, qu’il consiste bien en de l’eau qui coule d’une source89. » Ousupposequ’unemèrediseaubébéqu’elleallaite:«Viens,jesuistamère,écoute,monenfant!»Lebébédira-t-il:«Ômamère,apporte-moiunepreuve,desortequeje

puisseêtreréconfortépartonlait!»Lorsquedans le cœurd’une communauté existe une saveur spirituelle

(dhawq)provenantdeDieu,levisageetlavoixduProphètesontcommeunmiraclequiconstitueunepreuve.Lorsquedudehors leProphètepousseuncri, à l’intérieur l’âmede la

communautéseprosterneenadoration;3600 Carjamaisdanslemondel’oreilledel’âmen’auraentendude

quiconqueuncridelamêmesorte:L’âme, cette étrangère, par la perception immédiate de cette voix

merveilleuse, a entendu de la bouche de Dieu : « En vérité, Je suisproche90.»

Page 640: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentYahiâ*(surluilapaix!)seprosternadansleseindesamère

devantleMessie(Jésus)(surluilapaix!)

a mère de Yahiâ, avant de le mettre au monde, dit en secret àMarie:«Jevoisaveccertitudequ’ilyaentoiunRoiquiesttrèsglorieux,et

quiestunEnvoyédeDieudouédeconnaissance.« Quand je t’ai rencontrée, mon fardeau (l’enfant dans mon sein)

aussitôts’estprosterné.«Cetembryon s’estprosternédevantcet autreembryon,de sorteque

cetteprosternationaprovoquéunedouleurdansmoncorps.»Mariedit:«Moiaussi,j’aisenticetteprosternationeffectuéeparcebébédansmonsein.»

*Jean-Baptiste.

Page 641: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Difficultésoulevéeparcettehistoire

es sots disent : « Supprimez cette histoire : elle est fausse eterronée.«Marie,lorsqu’elleétaitenceinte,nerencontrapersonne;ellenerevint

pasd’endehorsdelaville,«Jusqu’àcequecettefemmeàladoucehistoireaitaccouchéendehors

delaville,ellen’yentrapas.3610 «Lorsqu’ellel’eutmisaumonde,ellelepritdanssesbrasetl’emporta

chezsesparents.«OùlamèredeYahiâlavit-elle,pourluidirecesparolesausujetdece

quis’étaitpassé?»

Page 642: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Réponseàladifficulté

1fautsavoirque,pourceluiqui reçoitdes idéesdeDieu, toutcequiestabsentdanslemondeestprésent.AMarie,lamèredeYahiâapparaîtraitprésente,alorsqu’elleétaitloin

desesyeux.Onpeutvoirunamiaveclesyeuxfermés,quandonafaitdesonpropre

corpsunefenêtre.Et si elle ne le vit ni de l’extérieur, ni de l’intérieur, saisis le sens

profonddecettehistoire,sotquetues!Noncommeceluiquiaentendudescontes,etcommefestrestécolléà

leurforme*.Desortequ’ildit :«CommentKalîla,quin’apasde langage,peut-il

entendrelesparolesdeDimnaquin’apasdemoyendes’exprimer?«Etmêmes’ilsconnaissaientlelangagedel’unetdel’autre,comment

unhommelescomprendrait-ilsansparolesarticulées?CommentDimnadevint-ilunmessagerentre le lionet lebœuf, et les

ensorcela-t-ilavecsesparoles?3620 «Commentlebœufnobleest-ildevenulevizirdulion?Comment

l’éléphanta-t-ilétéeffrayéparlerefletdelalune?«Ce“KalîlaetDimna”n’esttoutentierqu’unconte,sinoncommentla

cigognesedisputerait-elleaveclecorbeau?»Ômon frère, l’histoire est comme unemesure ; le sens véritable est

comparableaugrainquis’ytrouve.L’hommeintelligentprendlegraindusens:ilneregardepaslamesure,

mêmesielleestretirée.Écoutecequisepasseentrelaroseetlerossignol,bienquedanscecas

iln’yaitpointdediscours.

*shcolléànaqsh.

Page 643: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Surl’éloquencemuetteetsacompréhension

coûte aussi ce qui se passe entre le phalène et la chandelle, etcomprends-enlesens,ômabeauté!Bienqu’il n’y ait pasdeparoles, il y a le secret de la parole.Allons,

prendstonessorversleshauteurs,nevolepas,commelehibou,aurasdusol.Lejoueurd’échecsdit :«Ceciest lamaisondelatour.»«Dequelle

façon,ditlelittéraliste,lamaisonest-ellevenueensesmains?«A-t-il acheté lamaison,ouena-t-ilhérité ?»—Heureuxceluiqui

s’esthâtéverslesensvéritable!Un grammairien dit : « Zayd a frappé ‘Amr. » Lui (le sot) dit :

«Commentl’a-t-ilchâtiésansaucuneoffensedesapart?3630 «Quelleétaitlafautede’Amr,queceméchantZaydl’aitfrappécomme

unesclave,alorsqu’ilétaitinnocent?»Le grammairien répliqua : « Cette (expression) n’est que la mesure

contenantcequiestsignifié:prendsdublé,carlamesuredoitêtrerejetée.« Zayd et ’Amr sont un moyen de montrer la déclinaison : si cette

déclaration (queZayd a frappé ‘Amr) n’est pas vraie, contente-toi de ladéclinaison».«Non,dit-il, jenesaispasquiest ’Amr.CommentZayda-t-il frappé

’Amrsanscrimeoufautedesapart?»Le grammairien, en désespoir de cause, fit une plaisanterie : « ‘Amr,

dit-il,avaitvoléunwawdetrop*.«Zayds’enaperçutetfrappalevoleur:puisque‘Amravaitdépasséles

bornes,sapunitionétaitméritée.»

*Enarabe,‘Amrs’écritaveclalettrewawenplus,pourqu’onneleconfondepasaveclenomde’Omar,lesconsonnesétantlesmêmespourlesdeuxnoms.

Page 644: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentdesparolesinexactessontacceptéesparlesesprits

degensstupides

e sot dit : «Voilà, telle est la vérité ! Je l’accepte de toutemonâme.»Lefauxsemblejusteàceluiquial’espritfaux.Si vous dites à l’homme qui louche : «La lune est unique », il vous

dira:«Ilyadeuxlunes;ilesttrèsdouteuxquelalunesoitune.»Etsiquelqu’unsemoquedeluietdit:«Ilyenadeux»,ilpenseque

c’estlavérité.C’estlàcequeméritel’hommeobstiné.Les mensonges se rassemblent autour des menteurs : la parole les

femmesmauvaisespourleshommesmauvaisaéclaircicepoint.3640 Ceuxdontlescœurssontgrandsouvertsontdesmainsquiatteignentau

loin;ceuxdontlesyeuxsontaveuglesdoiventtrébuchersurunsolpierreux.

Page 645: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Larecherchedel´arbredontnuldeceuxquimangentlesfruits

nemeurt

n homme savant dit un jour, pour raconter une histoire : «Dansl’Inde,ilsetrouveunarbre;«Quiconque cueille son fruit et lemange ne devient pas vieux et ne

meurtjamais.»Un roi entendit cela de la bouche d’un homme véridique ; il devint

amoureuxdecetarbreetdesesfruits.Dudiwân*delaculture,ilenvoyaunmessagerintelligentenIndeàla

recherchedel’arbre.Durantdesannées,sonenvoyéerraenIndeàsarecherche.Ilalladevilleenvilledanscebut; ilnelaissaniîle,nimontagne,ni

plaine.Tous ceux qu’il interrogeait se moquaient de lui, disant : « Qui

chercheraitcela,sinonpeut-êtreunfoud’unasile?»Beaucoup d’individus lui donnaient des bourrades par plaisanterie ;

beaucoupdisaient:«Ôhommeheureux,« Comment la quête d’une personne intelligente et à l’esprit clair,

commetoi,resterait-ellesansrésultat?Commentserait-ellevaine?»3650 Etcerespect(moqueur)étaitpourluiunautrecoup,etplusdurà

supporterquelecoupvisible.Ilslelouaientironiquement,disant:«Ônobleseigneur,danstelettel

lieu,ilexisteunarbreénorme.«Danstelleettelleforêt,ilyaunarbrevert,trèshautettrèslarge,et

chacunedesesbranchesestgrande.»L’envoyéduroi,quiavaitceintsesreinspourlarecherche,entendaitde

chacununeinformationnouvelle;Ainsi,ilvoyagealàpendantdesannées;leroiluiadressaitdel’argent.Après avoir subi bien des fatigues dans ce pays étranger, à la fin il

devinttropépuisépourchercher.Aucune trace de l’objet recherché n’était découverte ; de ce qu’il

désirait,riennesemanifestait,saufdesinformations.Lefildesonespoirserompit,lachosequ’ilavaitcherchéerestaàlafin

sansêtrerecherchée.Il décida de retourner chez le roi, et se mit en route en versant des

Page 646: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

larmes.

*Ministère.

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Commentlesheikhexpliqualesenscachédel’arbreauchercheurasservi

parleformalisme

1 y avait un sheikh très sage, un noble Qutb, à l’étape où leconfidentduroisedésespérait.

3660 Cedernierdit:«Puisquejesuissansespoir,j’iraiverslui,etreprendrailarouteàpartirdesonseuil,« Afin que sa prière m’accompagne, comme je n’ai pas d’espoir

d’obtenircequemoncœurdésire.»Ilallaverslesheikh,lesyeuxpleinsdelarmes;ilversaitunepluiede

larmes,commeunnuage.«Ôsheikh,s’écria-t-il,c’estlemomentdelacompassionetdelapitié;

jesuisaudésespoir;c’estlemomentdelabienveillance.»Le sheikh répondit : «Dis-moi quelle est la cause de ton désespoir :

quelesttonbut?Versquoitetournes-tu?»Ildit:«LeRoidesroism’achoisipourchercheruncertainarbre,«Car

ilexisteunarbre,uniquedanstouteslesrégions;sonfruitestdelanaturedel’EaudelaVie.«J’aicherchépendantdesannées,etn’enaipas trouvéde trace,sauf

lesmoqueriesetlarailleriedecesjoyeuxcompères.»Le sheikh semit à rire, et lui dit : «Ô nigaud, ceci est l’arbre de la

connaissancechezlesage,«Trèshautet trèsgrandet s’étendant très loin ;c’est l’Eaude laVie

venantdelaMerinfinie.3670 «Tuesalléverslaforme,tut’eségaré;tunepeuxletrouver,parceque

tuasabandonnélaréalité.«Parfois,on l’appelle“arbre",parfois“soleil” ;parfois,on lenomme

“mer",parfois“nuage".«C’estunechoseuniquedontnaissentcentmilleeffets;lemoindrede

seseffetsestlavieéternelle.«Bienqu’ellesoitune,elleproduitmilleeffets;d’innombrablesnoms

peuventluiconvenir.«Unepersonnepeutêtreunpèreparrapportàtoi;encequiconcerne

unautreindividu,ilpeutêtreunfils.«A l’égardd’unautre, ilpeutêtre lecourrouxet l’ennemi ;à l’égard

d’unautre,ilpeutêtrelagrâceetunami.

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«Iladescentainesdemilliersdenoms,maisilestunmêmehomme;celuiquipossèdeunecertainequalité luiappartenantest incapablede ledécrire(danssatotalité).«Quiconque cherche le nom seul, si on lui confie (unemission), est

impuissantetdésemparé,ainsiquetul’es.«Pourquoit’attacheraunom“arbre",desortequeturestesamèrement

déçuetmalheureux?« Laisse là le nom et considère les attributs, afin que les attributs

puissenttemontrerlavoiejusqu’àl’essence.»3680 Ledésaccorddeshommesestprovoquéparlesnoms;lapaixadvient

quandilsparviennentàlaréalité.

Page 649: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentquatrepersonnessequerellèrentàproposderaisin,

quiétaitconnudechacund’euxsousunnomdifférent

ncertainhommedonnaundirhamàquatrepersonnes:l’und’eux(unPersan)dit:«Jevaisacheteraveccelade’angûr.»LesecondétaitunArabe;ildit:«Non,jeveuxde1’‘inab,nondel’

angûr,ôvaurien!»LetroisièmeétaitunTurc,etildit:«Cetargentestàmoi:jeneveux

pasde1’linab,jeveuxdel’uzum.»Lequatrième,unGrec,dit :«Taisez-vous : jeveuxde l’istâfil.»Ces

gens se mirent à se battre en discutant entre eux, parce qu’ils neconnaissaientpaslasignificationcachéedesnoms.Dans leurfolie, ilssefrappaientavec leurspoings ; ilsétaientremplis

d’ignoranceetvidesdeconnaissance.Siunmaîtred’ésotérisme,unhommevénéréetpolyglottes’étaittrouvé

là,illesauraitpacifiés;Puisilleurauraitdit:«Avecceseuldirham,jevousdonneraitoutce

quevousvoulez.« Si, sans tromperie, vous me soumettez vos cœurs, ce dirham

accompliratoutcelapourvous.3690 «Votreuniquedirhamdeviendraquatre—cequiestlerésultatdésiré;

quatreennemisdeviendrontunparl’unanimité.«Cequeditchacundevousproduitlalutteetlaséparation;cequeje

disvousapportel’accord.«Donc,soyezmuets,Taisez-vous91,afinquejepuisseêtrevotrelangue

danslaparoleetlaconversation.»Mêmesidans leuraccordentreellesvosparolessontunefortecorde,

dansleureffetellessontunesourcedediscussionetdedivergence.La chaleur empruntée ne produit pas d’effet ; la chaleur naturelle

possèdesaproprevertu.Si tu as chaufféduvinaigre aumoyendu feu, cependant, quand tu le

bois,ilaugmenterasansaucundoutelafroideurdetaconstitution.Parce que cette chaleur est secondaire : sa nature fondamentale est la

froideuretl’âpreté.Et, par ailleurs, bien que le sirop de raisin soit glacé, mon fils, il

Page 650: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

ajouteradelachaleuraufoiequandtuleboiras.C’estpourquoil’hypocrisiedusheikhestmeilleurequenotresincérité,

carlapremièreprovientdel’intuitionspirituelle,tandisquelasecondeestcauséeparlacécité(spirituelle).Desparolesdusheikhprovientl’union;cellesdel’envieuxamènentla

séparation.3700 AinsiSalomon,quisehâtaitdanssamissionprophétiqueetqui

connaissaitlelangagedetouslesoiseaux,Autempsdesonjusterègne,ledaimseliad’amitiéavecleléopardet

cessadesebattre.Lacolomben’eutplusrienàcraindredesserresdufaucon,lesmoutons

nesegardèrentpasdulion.Salomon devint un arbitre entre les ennemis : il devint un moyen

d’établirl’unionentrelescréaturesquivolentavecdesailes.Tu cours après les graines, comme une fourmi. Écoute ! Recherche

Salomon!Pourquoies-tuencoreégaré?Pourlechercheurdegraines,cegraindevientunpiège,maisceluiqui

chercheSalomonpeutavoirlesdeux(Salomonetlesgraines).Dans ces derniers jours, les oiseaux des âmes ne sont pas en sécurité

entreeuxpouruninstant:Cependant, même à notre époque, il se trouve un Salomon qui nous

donneraitlapaixetnelaisseraitpasnotreinjusticecontinuer.Rappelle-toilaParole:Iln’existepasdecommunautéjusqu’àoùnesoit

passéunavertisseur92.Dieu a dit qu’en vérité il n’y avait jamais eu de peuple privé d’un

messagerdeDieuetd’unhommeayantunepuissancespirituelle,3710 Etilrendlesoiseauxdesâmestellementunanimesqu’aupointdevue

delasincéritéillesguéritdetoutefourberieetrancœur.Ils deviennent aussi tendres qu’une mère ; Mohammad a dit des

musulmans:«Ilssontcommeuneseuleâme.»C’est grâce au Messager de Dieu qu’ils devinrent une seule âme ;

autrement,ilsétaientennemisabsolus,chacunpourl’autre.

Page 651: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentl’hostilitéetl’inimitiéparmilesAnsârsfurentécartéesparlesbénédictionsduProphète(que

Dieulebénisseetlesauve!)

es deux tribus appeléesAws etKhazraj étaient assoiffées de sangl’uneàl’égarddel’autre.GrâceàMustafâ,leursanciennesquerellesdisparurentdanslalumière

del’islametdelapuretéducœur.Toutd’abord,cesennemisdevinrentdesfrèrescommelesgrainsd’une

grappederaisindanslejardin;Puis,àl’admonitiondonnéeparlesparoleslescroyantssontfrères93,ils

sefondirentetdevinrentunseulcorps.L’apparence des grappes de raisin est celle de frères : quand on les

presse,celadevientunseuljus.Leraisinvertetleraisinmûrsontdesadversaires,maisquandleraisin

vertamûri,ildevientunbonami.Leraisinvertquiestrestédurcommelapierreetnonmûri,Dieudans

l’éternitél’aappeléunincroyant.3720 IIn’estniunfrère,niunidansl’âme(auxmusulmans);ilestun

hérétiqueàlamauvaiseétoileetdansladamnation.Sijedisaiscequ’ilgardecachéenlui-même,ilnaîtraitdanslemonde

unegravetentationdesesprits.Mieuxvautquelesecretdel’impieaveuglenesoitpasraconté;mieux

vautquelafuméedel’enfersoitécartéed’Iram*.Lesbonsraisinsvertsquisontcapables(demûrir)sontàlafinrendus

uniquesparlecœur,grâceausouffledesmaîtresducœur.Ils s’avancent rapidement vers lamaturité, de sorte que la dualité, la

haineetlaluttelesquittent.Puis,danslamaturité,ilsdéchirentleurspeauxjusqu’àcequ’ilssoient

devenusunseul;l’unitéestl’attributdecelui-ci.Unamidevientunennemiparcequ’ilestencoredeux:quelqu’unn’est-

iljamaisentraindesequerelleraveclui-même?Béni soit l’amour universel du Maître, qui conféra l’unité à des

centainesdemilliersdeparcelles!Ils étaient comme de la poussière répandue sur la route : lamain du

Potierafaitd’euxuneseuleaiguière.

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Maisencequiconcernel’unitédescorpsfaitsd’eauetd’argile,elleestimparfaite:l’unitédel’âmen’estpassemblable.

3730 Sijeprésentedescomparaisonsenmanièred’explication,jecrainsdetroublerlacompréhension.Mêmeaujourd’hui, il existeunSalomon,maisnous sommesaveuglés

parleplaisirquenousprenonsànotrelucidité.La lucidité rendunhommeaveugle,demêmequeceluiquidortdans

unemaisonestaveugleàlamaison.Nous sommes très enclins aux discussions subtiles, nous sommes

extrêmementattachésàrésoudredesproblèmes;Et, afín de pouvoir lier des nœuds puis les dénouer, nous fabriquons

quantitéderèglespourénoncerladifficultéetpouryrépondre.A l’instar d’un oiseau qui déferait les liens d’un piège, puis les

attacheraitànouveau,afindedevenird’uneadresseparfaite:Ilestprivédelacampagneetdesprairies,saviesepasseàs’occuperde

nœuds;Et,mêmeainsi,lepiègen’estnullementbrisédecefait,maissesailes

sebrisentetiltombeéternellement.Neluttepasaveclesnœuds,depeurquetesailesettesplumesnesoient

arrachéesuneàunepartonvaineffort.Desdizainesdemilliersd’oiseauxonteuleursailesbrisées,etn’ontpas

empêchécetteembuscadedudestin.3740 LisdansleQor’ân,àleursujet,ôenvieux:ilsontexploré(eterré)dans

(lespaysdumonde);remarquelesmots:Trouverez-vousunrefuge94?Ladifficultéausujetd’angûret ‘nabne futpas résoluepar ladispute

entreleTurc,leGrecetl’Arabe.Jusqu’àcequ’intervienneleSalomonspirituelconnaissantleslangues,

cettedualiténedisparaîtrapas.Ôvousoiseauxqui luttez,écoutez,commelefaucon, le tambourindu

Roi.Devotrediversité,allezversl’unité,detouscôtés,aveccontentement.Oùquevoussoyez,tournezvosvisagesdansSadirection95;c’estlàce

qu’Ilnevousajamaisdéfendu.Nous sommes des oiseaux aveugles et très stupides, puisque nous

n’avonspasuneseulefoisreconnuceSalomon.Commeleshiboux,noussommesdevenusennemisdesfaucons;aussi

sommes-nouslaissésenarrièrepourresterdanslesruines.Acausedenotreextrêmeignoranceetaveuglement,nouscherchonsà

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blesserceuxquisonthonorésparDieu.Comment l’essaim d’oiseaux illuminés par Salomon déchirerait-il les

ailesetlesplumesdesinnocents?3750 Non,ilsapporteraientdesgrainesàceuxquisontdanslebesoin:ces

oiseauxsontdouxetsansagressiviténihaine.Leurhuppe, afindeglorifierSalomon,montre lavoieversLui à cent

Bilqîs*.Leurhibou,mêmes’ilétaitunhibouparsonaspectextérieur,étaiten

réalité un faucon par son aspiration et l’un de ceux (dont le regard) nedéviapas96.Leurcigogne,quicrielaklak,jettesurledoutelefeudelaprofession

defoienl’Unitédivine,Etleurcolomben’estpaseffrayéeparlesfaucons;lefauconinclinela

têtedevantleurcolombe.Leur rossignol, qui te plongedans l’extase, possèdedans son cœur la

roseraie.Leur perroquet a toujours été indépendant du sucre, car le sucre de

l’éternitéluiaétérévélédel’intérieur.Les pieds de leurs paons sont pour toi plus beaux que tous les autres

revêtusdesplumesdupaon.Lesdiscoursdesoiseauxprincierssontcomparablesàl’écho:oùsont

lesparolesdesoiseauxdeSalomon?Commentconnaîtras-tu lescrisdesoiseauxquandtun’asvuSalomon

unseulinstant?3760 Lesailesdecetoiseaudontlavoixenchantesontau-delàdel’Orientet

del’Occident.ChacundesesvoyagesestduTrônedeDieujusqu’àlaterre,etdepuis

laterrejusqu’auTrônedeDieu;ilsemeutavecgloireetmajesté.L’oiseau qui va sans ce Salomon est épris de l’obscurité, comme la

chauve-souris.DeviensfamilièreavecSalomon,ôchauve-souriségarée,afindenepas

demeurerdansl’obscuritéàjamais.Si tu vas la longueur d’une coudée dans cette direction, comme la

coudée,tudeviendrasl’étalondesmesures;Etmêmesi tusautillesenboitantet te traînantdanscettedirection, tu

serasdélivréedetouteboiterieetsautillement.

*NomdonnéàunjardinfabuleuxqueletyranShaddâdavaitcréé.

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*ReinedeSaba.Cf.Qor’ân,XXVII,22.

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Histoiredescanetonsélevésparunevolailledomestique

u es le rejeton d’un canard, bien qu’un oiseau domestique t’aitélevésoussonaile.Ta mère était la cane de cet océan ; ta nourrice était de la terre et

attachéeàlaterresèche.LedésirquiestdanstoncœurpourlaMer,tonâmetientcetinstinctde

samère.Le désir que tu éprouves pour la terre sèche vient de cette nourrice.

Laisselanourrice,carc’estunemauvaiseconseillère.3770 Laisselanourricesurlaterresèche,etavance:pénètredanslaMerde

laRéalitéspirituelle,commelescanards.Mêmesitamèret’ordonnedecraindrel’eau,nesoispaseffrayé,mais

avancerapidementdanslaMer.Tu es un canard ; tu n’es pas celui qui vit à la fois sur le sec et sur

l’humide ; tu n’es pas comme l’oiseau domestique, dont la demeure estcreuséedanslaterre.Tu es un roi, en vertu de la Parole : Nous avons ennobli les fils

d’Adam97;tumetslepiedàlafoissurlaterresècheetsurlaMer.Car,enesprit,tuescequ’ilestdit:NouslesavonsportéssurlaMer98;

avancedoncàpartirde:Nouslesavonsportéssurlaterreferme99.Lesangesn’ontpasaccèsàlaterre;quantàl’espèceanimale,ilssont

ignorantsdelaMer.Ainsi,danstoncorpstuesunanimal,etdanstonesprittuesd’entreles

anges,afinquetupuissesmarchersurlaterreetaussidansleciel;Afin que le voyant au cœur divinement inspiré puisse être, en

apparence,unmortelsemblableàvous100.Soncorpsdepoussièreesttombésurlaterre,maissonespritprendson

essorlà-bas,danslaplushautesphèreduciel.Noussommestousdesoiseauxaquatiques,ômonfils:laMerconnaît

parfaitementnotrelangage.3780 C’estpourquoilaMerestnotreSalomon,etnoussommescommeles

oiseaux:enSalomon,nousnousmouvonsdanslavieéternelle.AvecSalomon,metstonpieddanslaMer,afinquel’eau,àl’instarde

David,fassecentmaillons*.CeSalomonestprésentpourtous,maissajalousienousbandelesyeux

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etnousensorcelle,Desorteque,parstupidité,négligenceetvanité,Ilestàcôtédenous,et

cependantnoussommesmaladesdeLui.Lebruitdutonnerredonnemalàlatêteàl’hommeassoiffé,quandilne

saitpasqueletonnerreapportelesnuagesdepluiedelafélicité.Sonœilrestefixésurleruisseauquicourt,ignorantlegoûtdélicieuxde

l’EauquivientduCiel.Ilafaitgaloperlecoursierdesonattentionverslescausessecondes;en

conséquence,ildemeureéloignéduCausateur.Mais celui qui voit clairement leCausateur— comment attacherait-il

sonespritauxcausessecondesdecemonde?

*Davidfabriquaitdescottesdemailles.

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Commentlespèlerinsfurentstupéfaitsàlavuedesmiracles

opérésparl’ascètequ’ilstrouvèrentvivantseuldansledésert

useindudésertvivaitunascète,plongédans ladévotioncommelesgensde’Abbâdân*.Des pèlerins venus de différents pays arrivèrent là ; ils aperçurent

l’ascèteémacié.3790 Lademeuredel’ascèteétaitsèche,maissontempéramentétaithumide:

danslesimoundudésert,ilavaitunremède.Lespèlerinsfurentstupéfaitsdesasolitudeetdesonbien-êtreausein

deconditionsmisérables.Il se tenait sur le sable, occupé à la prière rituelle— le sable dont la

chaleurauraitfaitbouillirdel’eaudansunrécipient.Onauraitditqu’il se trouvaitdans le ravissementparmidesherbeset

desfleurs,oumontésurBûrâqouDuldul**,Ouquesespiedsétaientposéssurdesétoffesdesoiebrodée ;ouque

pourluilesimounétaitplusagréablequelabrise.Les pèlerins attendirent, tandis qu’il restait debout en prière, absorbé

dansunelongueméditation.Quand le derviche revint à lui de son état d’absorption enDieu, une

personnedecegroupe,hommespirituellementéveilléetd’espritéclairé,Remarquaquel’eaudégouttaitdesesmainsetdesonvisage,etqueson

habitétaitmouilléparlestracesdesonablution.Aussi,illuidemanda:«D’oùteprocures-tudel’eau?»Illevalamain,

indiquantquecelavenaitduciel.Lepèlerindit:«Est-cequecelavientchaquefoisquetuleveux,sans

puitsetsanscordedefibres101?3800 «Résousnotredifficulté,ôSultandelaReligion,afínqueton

expériencepuissenousapporterunefoicertaine.«Révèle-nousl’undetesmystères,pourquenouspuissionscouperde

nostailleslescordes(del’infidélité)*.»L’ascètelevalesyeuxversleciel,disant:«ÔDieu,répondsàlaprière

despèlerins!« Je suis accoutumé à rechercher en hautmonpain quotidien :Tu as

ouvertpourmoilaported’enhaut,

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«ÔToiquidunon-spatialasfaitvoirl’espaceetasrendumanifestelefaitquedanslecielsontlesbiensquivoussontdestinés102.»Durant cette oraison, un beau nuage apparut soudain comme un

éléphantporteurd’eau,Etsemitàdéverserdelapluie,commedel’eaus’écoulantd’uneoutre:

l’eaudepluierestadanslefosséetlestrous.Lenuagecontinuaàfairepleuvoirdeslarmes,commeuneoutre,etles

pèlerinsouvrirenttousleursgourdes.Une partie d’entre eux, en raison de ces merveilleux événements,

coupaientlescordes(del’incroyance)deleurstailles.Lacertituded’unautregroupeaugmentaitàcausedecemiracle—etDieusaitmieuxcommentguiderdanslavoiedroite.

3810 Ceuxd’unautregroupeétaientinsensibles,butésetignorants,éternellementimparfaits.Iciseterminelediscours.

*Villeayantunegranderéputationd’ascétisme.** Burâq : monture du Prophète lors de son ascension céleste. Duldul : nomd’unemuleappartenantauProphète.

* Le zonar, cordon sacré des zoroastriens, est souvent pris commesymboledel’impiété.

NotesduLivreII

1.Cf.XVIII.2.XVIII,86.3.VII,108;XXVI,33;XXVII,12.4.XLVIII,17.5.XXIV,26.6.XIX,23.7.XLVIII,29.8.XXIV,26.9.XCIII,1.

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10.VI,76.11.XCIII,2.12.et12bis.XCIII,3.13.LEX,20.14.Cf.CV.15.LIV,1.16.LIX,21.17.VI,76.18.VII,31.19.VII,14.20.XXXVI,68.21.XXIV,35.22.VI,160.23.LXXVI,1.24.Cf.Cl,5.25.LI,7.26.Ill,169.27.XCVI,19.28.CXI,5.29.Cf.II,256.30.XXIV,35.31.VIII,17.32.II,138.33.Cf.Qor’ân,II,30.34.Cf.LV,20.35.Ill,112.36.XXXVI,18.37.VIII,33.38.XII,17.39.Cf.II,73.40.XLVIII,17.41.XXIV,35.42.II,2042bis.Cf.LVI,27etsqq.43.VI,76.44.Cf.LIV,1.45.Ill,47.46.Ill,26.46bis.LXVII,30.

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47.X,1.48.CXII,3.49.Cf.Qor’âan,LIII,14.50.XLVIII,10.51.XVII,110.52.LI,22.53.XXIII,108.54.XXXII,30.55.Cf.Qor’;ân,V,8956.V,1.57.Cf.XVIII.58.Cf.XVIII.59.Cf.XX,21.60.XVIII.61.Cf.XXVIII,76.62.XI,44.63.XXXIII,72.64.IX,111.65.IX,100.66.VIII,17.67.II,31.68.VI,23.69.Cf.XXVIII,30.70.Cf.LXVII,3.71.LXVII,3.72.VII,172.73.II,1.74.XLI,30.75.LI,48.76.VI,77.77.VII,179.78.XVI,97.79.II,32.80.XII,93.81.LXXXVII,4.82.IX,111.83.XXVIII,88.84.II,144.85.VII,204.

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86.XVIII,78.87.XVIII,109.88.LXVII,19.89.Cf.LXVII,30.90.II,186.91.VII,204.92.XXXV,24.93.XLIX,10.94.L,36.95.II,144.96.LUI,17.97.XVII,70.98.XVII,70.99.XVII,70.100.XVIII,110101.CXI,5.102.LI,22.

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REFACEDULIVRETROISIÈME

AUNOMDEDIEU,LECOMPATISSANT,LEMISÉRICORDIEUX

Les sciences de la Sagesse divine sont les armées de Dieu, aveclesquellesIIfortifielesespritsdesinitiésetpurifieleurconnaissancedelasouillure de l’ignorance, leur justice de la souillure, de l’iniquité, leurgénérosité de la souillure de l’ostentation, et leur longanimité de lasouilluredelasottise;etleurrendprochetoutcequiétait loind’euxausujetdelacompréhensiondel’étatdel’au-delà;etleurrendaisétoutcequi leurétaitdifficileencequiconcerne l’obéissanceàSonégardet leseffortszélés(pourLeservir).Etcessciencessontparmilespreuvesetlessignes des prophètes, apportant des informations sur les mystères et lasouveraineté de Dieu, (connaissance) octroyée exclusivement auxmystiques et (indiquant) comment II cause la révolution de la SphèrelumineusedépendantduRahman*,etlaPerle(laSphère)quigouvernelasphèrevaporeuseenformedeglobe,demêmequel’intellectgouvernelescorps créés de poussière et leurs sens externes et internes ; car larévolutiondecetteSphèrespirituellegouvernelasphèrevaporeuseetlesmétéoresbrillants et les luminaires rayonnants et lesventsnourriciers etlesterresétenduesetleseauxquicoulent.PuisseDieufairebénéficierSesserviteurs (decessciences)etaccroître leurcompréhension !Or,chaquelecteurcomprendselonlamesuredesonintelligence,etledévotpratiqueladévotionselonlamesuredeseffortsqu’ilpeutfournir,etlemuftidécidedesquestionsdedroitselonlacapacitédejugementqu’ilpossède,etceluiquidonnedesaumôneslefaitproportionnellementàsespossibilités,etledonateurestgénéreuxselonsesmoyens,etlebénéficiairedelalibéralitéobtient seulementdes largessesdudonateur ceque cedernier approuve.

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Mais, néanmoins, celui qui cherche de l’eau dans le désert ne sera pasempêché de le faire par sa connaissance de ce qui est contenu dans lesmers,et ilchercheraavecardeur l’Eaudecettevie (spirituelle),àmoinsqu’iln’ensoitempêchéparsapréoccupationdesmoyensdesubsistanceetparlamaladieetlebesoin,etàmoinsqued’autresobjetsn’interviennententreluietcebutverslequelilsehâte,étantdonnéquenuldeceuxquipréfèrentlesdésirsvainsousontenclinsàlafacilitéousedétournentdecette recherche ou éprouvent de la peur pour eux-mêmes ou del’inquiétude au sujet des moyens d’existence ne parviendra jamais à laConnaissance ; à moins de prendre refuge en Dieu et de préférer lesaffaires spirituelles aux temporelles, et de puiser dans le trésor de laSagesselesgrandesrichessesquineperdentpasleurvaleuretnesontpashéritées non plus comme les richesses de ce monde, et les lumièresmajestueuses, les nobles joyaux et les possessions précieuses (de laSagesse), rendant grâces pour Sa générosité, glorifiant Ses dons etmagnifiant ce qu’il alloue ; et àmoins qu’il ne cherche refuge enDieucontre la bassesse des intérêts (terrestres) et contre une ignorance quiconsidèrecommebeaucoup lepeuqu’ilvoiten lui-mêmeetcommepeude chose ce qui est beaucoup et grand chez les autres, et s’admire elle-même en raison de cette vanité que Dieu ne lui a pas permise.Mais ilconvient à celui qui possède la Connaissance et qui cherche Dieud’apprendre ce qu’il ne sait pas, et d’enseigner aux autres ce qu’il saitdéjà,etdetraiteravecdouceurceuxdontl’intelligenceestfaible,etdenepasêtre renduvainpar la stupiditédesgens stupides,nide réprimanderdurementceuxdontlacompréhensionestmédiocre.Vousvouscomportiezainsiautrefois :DieuvousaaccordéSagrâce1Dieuest transcendantetexaltéau-dessusdesdiresdesblasphémateurs,etde lacroyancedeceuxquiluiattribuentdesassociés,etdel’imputationd’imperfectionparceuxquisontdéficients(enconnaissance),etdeSacomparaisonparceuxquicomparent,etdesconceptionsperversesdespenseurs,etdesdescriptionsquefontdeLuiceuxquise livrentàdevaines imaginations.EtàLui lalouange et la gloire pour la composition du Livre céleste et divin duMathnawî, étant donné qu’il est Celui qui aide au succès, et leDispensateur de libéralités ; et c’est à Lui qu’appartient (le pouvoir) deconférer des bienfaits et des faveurs en abondance, spécialement à Sesserviteurs, les mystiques, en dépit de ceux qui désirent éteindre lesLumières de Dieu avec leurs bouches — mais Dieu parachèvera SaLumière,même si les incroyants y sont opposés.En vérité, Nous avons

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faitdescendreleRappel;Nousensommesgardiens2.Etlepéchédeceluiquil’altèreaprèsl’avoirentenduseraimputéàceuxquil’altèrent—Dieuentend et II sait tout3. Et louanges àDieu, le Seigneur de tous les êtrescréés.

*LeMiséricordieux(attributdeDieu).1Cf.IV,94.2XV,9.3II,181.

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IVREIII

AUNOMDEDIEU,LECLÉMENT,LEMISÉRICORDIEUX

ÔLumièredelaVérité,Husâm-od-Dîn,apportecetroisièmeLivre,car«troisfois»estdevenuuneSunna*.Ouvre le trésordesmystères ; encequiconcerneceTroisièmeLivre,

laissedecôtélesexcuses.TonpouvoirprovientdupouvoirdeDieu,nondesveinesquipalpitent

d’ardeurcorporelle.Ta lampe, le soleil, qui est rayonnant, n’est pas rendu tel au moyen

d’unemèchedecotonetd’huile.Lavoûteduciel,quiestsidurable,n’estsoutenueparaucunecordede

tentenipilier.La force de Gabriel ne vient pas de la nourriture, mais de la

contemplationduCréateurdel’existence.Demême,sachequecepouvoirdesabdâl*deDieuprovientdeDieu,

nondesalimentsoudesplateauxdenourriture.Leurscorps,euxaussi,ontétéfaçonnésdeLumière,desortequ’ilsont

transcendél’Espritetl’Ange.EtantdonnéquetuesdouédesqualitésduTout-Puissant,passeau-delà

desmaux,commeKhalil*.10 Pourtoiaussi,lefeudeviendrafraîcheuretpaix1,ôtoienverslanature

dequilesélémentssontesclaves.Lesélémentssontlasubstancedechaquenature,maistanatureàtoiest

supérieureàtoutsoutien.

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Cettenaturequiestlatienneappartientaumondeenexpansion;elleamaintenantrecueillilesattributsdeTUnité.Oh ! hélas, la capacité de compréhension des gens est extrêmement

limitée:leshommesn’ontpasune«gorge»pourl’absorber.O Lumière de la Vérité, grâce à l’acuité de ta perception, ta suavité

octroieune«gorge»mêmeàceluiquiestaussiaridequ’unepierre.LemontSinaï,lorsdel’Epiphaniedivine,acquitune«gorge»desorte

qu’ils’enivra;maisilneputsupportercetteivresse.Aussi, la montagne se fendit2 et s’effondra ; a-t-on jamais vu une

montagnedansercommeunchameau?L’octroid’une«gorgée»arrivedechaquearbre fruitier,mais l’octroi

d’une«gorge»estl’œuvredeDieuseul.Iloctroieune«gorge»aucorpsetàl’esprit;Ilaccordeune«gorge»à

chacundevosorganes.Cela,Ill’octroielorsquevousêtesdouédegrandeurd’âmeetdénuéde

vanitéetdeperfidie.20 DesortequevousnerévélerezlesecretdeDieuàpersonne,nine

répandrezdusucredevantlesmouches.LessecretsdelaMajestédivinesontabsorbésparl’oreilledeceluiqui,

commelelis,acentlanguesetestmuet.La grâce deDieu octroie une « gorge » à la terre, afin qu’elle puisse

boirel’eauetfairecroîtredescentainesd’herbes.Dieuoctroieaussiàl’animalunegorgeetunebouche,afinqu’ilpuisse

mangerl’herbageàsongré.Quandl’animalamangésonherbage,ildevientgras:l’animaldevient

unebouchéepourl’hommeetdisparaît.Asontour,celadevientdelaterrequidévorel’Homme,quandl’esprit

etlavuesontséparésdelui.Je contemple les atomes de l’existence avec leur bouche grande

ouverte:sijedevaisparlerdeleurnourriture,cerécitdeviendraitlong.Les aliments reçoivent leur aliment de Sa générosité ; Sa grâce

universellenourritceuxqui,àleurtour,nourrissent.Iloctroiedesdonsauxdons(quimaintiennentlavie).Carcommentle

blépousserait-ilsansrecevoiraucunaliment?Iln’yapasdefinàl’explicationdecesujet.J’enaiditunepartie:vous

pouvezconnaîtrelereste(paranalogie).30 Sachequelemondeentiermangeetestmangé;sachequeceuxquiont

lavieéternellesontacceptantsetacceptés.Cemondeetseshabitantssontdispersésàlafin;cetautremondeetses

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voyageurscontinuentàjamais.Cemondeetsesamoureuxsontséparés ; lesgensdecetautremonde

sontrenduséternelsetunis.L’hommenobleestdoncceluiquisedonneàlui-mêmel’EaudelaVie

quidemeureàjamais.L’hommenobleestceluidontlesbonnesactionssontimpérissables3,il

aétélibérédecentmaux,périlsetcraintes.Sileshommesnoblessont(apparemment)desmilliers,iln’yenapas

plusqu’un(enréalité);cen’estpascommelesimaginationsdeceluiquipenseentermesdenombre.Le mangeur et le mangé ont tous deux une gorge et un gosier ; le

vainqueuretlevaincupossèdenttousdeuxl’intelligenceetlaperspicacité.Dieuaoctroyéunegorgeaubâtondejustice,desortequ’ildévoratous

cesbâtonsetcescordes*4;Et en lui ne se produisit aucun accroissement à cause de toute cette

nourriture,parcequesanourritureetsaformen’étaientpasanimales.AlaFoiaussi,Iladonnéune«gorge»commecelledubâton,desorte

qu’elleadévoréchaqueimaginationvainequinaquit.40 C’estpourquoileschosesspirituellesetintelligiblesdemêmequeles

chosesconcrètes,possèdentdes«gorges»,etceluiquidonnelanourritureàlagorgedeschosesspirituellesetintelligiblesestaussiDieu.Ainsi,delaLunejusqu’auPoisson*, iln’estriendanslaCréationqui

n’aitunegorgeafindetirersasubsistancedeDieu.Quandlagorgedel’âmeestvidéedepenséesconcernantlecorps,alors

l’alimentquiluiestdévoludevientsublime.Sache que la condition nécessaire (pour obtenir cet aliment) est la

transformation de la nature sensuelle, car la mort des hommes perversprovientdeleurnatureperverse.Lorsqu’ilestdevenunaturelpourunêtrehumaindemangerdel’argile,

ildevientpâle,auteintsouffreteux,maladifetmisérable;Maisquandsavilainenatureaété transformée, la laideurdisparaîtde

sonvisageetilbrillecommeunflambeau.Où se trouve une nourrice pour le bébé qui tète, de sorte qu’avec

tendresseellepuisseadoucirl’intérieurdesabouche,Etque,bienqu’ellel’empêchedeprendresonsein,ellepuisseluioffrir

descentainesdedélices?Parcequeletétonestdevenupourcefaiblepetitenfantunobstaclele

séparantdemilliersdeplaisirs,deplatsetdepains.

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Notre vie, donc, dépend du sevrage. Efforce-toi de te sevrer, petit àpetit.Cediscoursestmaintenantterminé.

50 Quand1’hommeétaitunembryon,sanourritureétaitlesang:delamêmemanière,levraicroyanttirelapuretédel’ordure.Lorsqu’il a été sevré de sang, sa nourriture est devenue le lait, et

lorsqu’ilfutsevrédelait,ildevintunmangeurdenourrituresolide.Etlorsqu’ilestsevrédenourriture,ildevient(unsage)commeLuqmân,

ildevientunchercheurdujeucaché.Si quelqu’un disait à l’embryon dans le sein maternel : « En dehors

d’ici,setrouveunmondetrèsbienordonné,«Uneterreagréable,longueetlarge,rempliededélicesetdechosesà

manger,« Des montagnes, des mers, des plaines, des vergers embaumés, des

jardinsetdeschampssemés,«Uncieltrèsélevéetpleindelumière,lesoleil,lesrayonsdelaluneet

centétoiles,«Leventdusud,leventdunord,leventdel’ouestdonnentauxjardins

l’apparencedebanquetsdenocesetdefêtes.«Sesmerveillessontau-delàdetoutedescription:pourquoirestes-tu

misérabledanscetteobscurité?« Pourquoi bois-tu du sang dans cette place étroite au sein de

l’emprisonnement,del’ordureetdelasouffrance?»60 L’embryon,enraisondesonétatprésent,seraitincrédule,s’écarterait

decemessageretnelecroiraitpas,Disant:«Ceciestabsurde,c’estunetromperieetuneillusion»-carlejugementdesaveuglesestdépourvud’imagination.Etant donné que l’embryon n’a rien aperçu de cette sorte, son

incrédulitén’écouteraitpas(lavérité).Demême, en cemonde,Xabdâl parle aux hommes ordinaires de cet

autremonde,Disant : «Cemonde-ci estune fosseextrêmement sombreet étroite ;

au-dehorsestunmondesansodeurnicouleur.»Aucunedesesparolesn’estentréedansl’oreilled’unseuld’entreeux,

carcedésir(sensuel)constitueunebarrièreénormeetsolide.Ledésir ferme l’oreille et l’empêched’entendre ; l’attachementà soi-

mêmefermel’œiletl’empêchedecontempler.Demême que, dans le cas de l’embryon, le désir du sang qui est sa

nourrituredanscettevilleL’empêchaitdeprêterl’oreilleauxnouvellesdecemonde.Ilneconnut

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d’autrenourriturequelesang.

*PratiqueconformeàcelleduProphète.*Saintsd’untrèshautrang.*«L’AmideDieu»,Abraham.*LebâtondeMoïsequiavalaceuxdesmagiciensduPharaon.*Selonunmythe,laTerrereposesurunTaureau,lui-mêmeposésurunPoisson.Donc,ici,duplushautdegréjusqu’auplusbas.

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Histoiredeceuxquimangèrentlejeuneéléphantpargourmandiseetparcequ’ilsnégligèrentl’avisdu

conseillersincère

s-tuentenduqu’enInde,unsageaperçutungrouped’amis?70 Affamés,manquantdeprovisionsetnus,ilsarrivaientd’unvoyagesur

uneroutelointaine.Son amour pour la sagesse fut éveillé en lui, et il les accueillit

aimablementets’épanouitcommeunbuissonderoses.« Je sais, dit-il, que le malheur est tombé sur vous à partir de ce

Karbala*(desouffrance)àcausedelafaimetdubesoin.« Mais, pour l’amour de Dieu, pour l’amour de Dieu, ô nobles

compagnons,quevotrenourriturenesoitpaslejeuneéléphant!«L’éléphantsetrouvedansladirectionoùvousvousrendezàprésent;

nemettezpasenpièceslerejetondel’éléphant,maisécoutez-moi.«Lesjeuneséléphantssetrouventsurvotrechemin:leschasserestce

quevoscœursdésirentextrêmement.«Ilssonttrèsfaibles,ettendres,ettrèsgras,maisleurmèrelescherche

etestauxaguets.« Elle va parcourir une distance de cent lieues à la recherche de ses

enfants,gémissantetselamentant.«Lefeuetlafuméesortentdesatrompe:prenezgardeànepasfaire

demalàsesenfantschéris!»Omonfils,lessaintssontlesenfantsdeDieu:enleurabsencecomme

enleurprésence,Ilsait(cequileuradvient).80 Necroispasqueleurabsence(loindeLui)résulted’uneimperfection

deleurpart,carIIexerceSavengeanceparamourpourleursesprits.Ildit:«CessaintssontMesenfantsenexil,séparésdeMapuissanceet

deMagloire;«Ilssontméprisésetorphelinspourêtremisàl’épreuve,maisensecret

JesuisLeuramietLeurintime.«IlssonttoussoutenusparMesprotections:onpeutdirequ’enréalité

ilsfontpartiedeMoi;«Prendsgarde !Prendsgarde !CesontMesderviches ; ils sontcent

millemilliersetcependantnesontqu’unseulcorps.»Autrement, comment unMoïse aurait-il pumanifester sonpouvoir en

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renversantPharaonaumoyend’unbâton?Autrement,commentNoéaurait-ilsubmergél’Orientetl’Occidentdans

sonDélugeaumoyend’uneseulemalédiction?Une seule prière du généreux Job n’aurait pas rasé et laissé dans le

désespoirlacitétoutentière.Leur cité, ressemblant au Paradis, devint un lac d’eau noire : va,

contemplecesigne!CesigneetcetteinformationsetrouventdansladirectiondelaSyrie:

vousleverrezenpassantsurlarouteversJérusalem.90 DescentainesdemilliersdeprophètesquiadoraientDieu—envérité,

ilyeutdeschâtimentsinfligéspareuxàchaquegénération.Sijecontinuaisàenparleretsicerécits’allongeait,nonseulementles

cœurs,maislesmontagnessaigneraient.Lesmontagnessaignentetredeviennentsolides,maisvousnelesvoyez

passaigner:vousêtesaveuglesetréprouvés.Quelmerveilleuxaveugle,qui,voyantloinetàlavueperçante,nevoit

duchameauriend’autrequesespoils!L’homme, à cause de l’avarice de sa cupidité, inspecte poil par poil :

commeunours,ilresteàdansersansaucunbut.Danseafíndetemortifieretd’arracherlecotondelablessuredudésir.Les saintsdansent et tournoient sur le champdebataille spirituel : ils

dansentdansleurpropresang.Quand ils sont libérés de la contrainte dumoi, ils battent desmains ;

quandilséchappentàleurpropreimperfection,ilsdansent.C’est de l’intérieur que lesmusiciens frappent sur le tambour, à leur

extase,lesmainssebrisentenécume.Tunelevoispas,maisàleursoreilles,lesfeuillesaussisurlesbuissons

battentdesmains.100 Tunevoispaslebattementdesfeuilles:ilfautavoiruneouïe

spirituelle,nonl’oreilledececorps.Ferme l’oreille de la tête à la plaisanterie et au mensonge, afin de

percevoirlacitéresplendissantedel’âme.L’oreilledeMohammadperçoitlasignificationcachéedesparoles,car

DieuaditdeluidansleQor’ân:«Ilesttoutoreilles5.»LeProphèteest toutentierouïeetvision;noussommesrafraîchispar

lui:ilestcommelenourricieretnouscommelepetitenfant.Cediscoursn’apasdefin.Retournonsàceuxquiavaientaffaireavec

l’éléphantetcommençonsdèsledébut.*LieudumartyredeHussein,petit-filsduProphète,massacréavecsafamille.

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Prisiciausenssymbolique.

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Restedel’histoiredeceuxquimolestèrentlejeuneéléphant

’éléphante renifle chaque bouche et cogne le ventre de chaquehomme.Pourvoiroùtrouverlachairrôtiedesespetitsetpouvoirmanifestersa

vengeanceetsaforce.Tu manges la chair des serviteurs de Dieu ; tu les calomnies, tu en

subiraslechâtiment.Prendsgarde,carceluiquisentvosbouchesestleCréateur:comment

quelqu’unsauvera-t-ilsavieexceptéceluiquiestfidèleenversDieu?Malheur au moqueur dont l’odeur sera examinée dans la tombe par

MunkarouNadir*!110 IIn’estpaspossibled’éloignersabouchedecesêtrespuissants,ni

d’adoucirlaboucheavecdesonguentsmédicinaux.Danslatombe,iln’yapasd’eaunid’huilepourrecouvrirlevisage,il

n’yapasdemoyend’évasionpourl’intelligenceetlasagacité.Si souvent les coups de leurs masses d’armes frappent la tête et la

croupedechaquevainbavard!Vois l’effetde lamassued’Azraël,mêmesi tunevoispas le feret le

boismatériels.Parfoisaussi,ilsapparaissentsousuneformematérielle:lepatientlui-

mêmeenestconscient.Le patient dit : «Omes amis, quelle est cette épée au-dessus dema

tête?»Ils répondent : «Nous ne la voyons pas ; ce doit être une illusion. »

Quelle illusion est-ce ? En réalité, c’est le signal du départ pour l’autremonde.Quelle imaginationest-celà,par la terreurdelaquelle lavoûteduciel

estdevenueàprésenttelleunefontaine?Al’hommemalade, lesmassueset lesépéesdeviennentvisibles,etsa

têtereçoitdescoups.Il s’aperçoit que cette vision lui est destinée ; les yeux de l’ennemi

commedel’aminel’aperçoiventpas.120 L’ariditédecebasmondeadisparu,savueestdevenueperçante:son

œilestdevenuilluminéaumomentdelamort.Sonœil,enraisondesonorgueiletdesacolère,estdevenucommele

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coqquichanteenvain(troptard).Il est nécessaire de couper la tête de l’oiseau qui chante à une heure

indue.A chaque instant, ton esprit individuel lutte avec lamort ; dans cette

lutteaveclamortdetonesprit,voisquelleesttafoi?Lavieestcomparableàuneboursed’or:lejouretlanuitsontcomme

celuiquicomptelespiècesd’or.LeTempscompteetdonnel’orsansarrêt,jusqu’àcequelaboursesoit

vide,etalorsvientlafin.Si tu enlèvesquelquechoseàunemontagneetne le remplacepas, la

montagneseradétruiteparcetteaction.Donc, pour chacun de tes souffles,mets à sa place un équivalent, de

sorte que, selon la Parole et prosterne-toi et rapproche-toi6, tu puissesobtenircequetudésires.Nefaispastantd’effortspourréalisertesaffairesdecemonde:nefais

pasd’effortsdansuneaffairequin’estpasreligieuse.Sinon,àlafin,tupartirasinachevé,tesaffaires(spirituelles)gâchéeset

tonpainnoncuit.130 Etl’embellissementdetatombeetdetonsépulcrenes’opèrepasau

moyendepierre,debois,deplâtre,Non,mais en creusant pour toi-mêmeune tombedans la pureté et en

ensevelissanttonégoïsmedansSonégoïsme,EtendevenantSapoussière,enterrédansSonamour,desortequeton

soufflesoitraniméparSonsouffle.Untombeauavecdesdouvesetdestourelles,celan’estpasapprouvéde

lapartdesadeptesdelaRéalité.Regardeunepersonnevivantevêtuedesatin:lesatincontribue-t-ilàsa

compréhension?Sonâmesetrouvedansuntourmentaffreux,lescorpionduchagrinest

danssoncœuraffligé.Au-dehors,extérieurement,broderiesetdécorations;maisàl’intérieur,

ilselamenteamèrementàcausedepenséesamères.Tandis que tu peux en voir un autre dans un vieil habit rapiécé, ses

penséesdoucescommelacanneàsucreetsesparolescommelesucre.*Angesinterrogeantl’âmedansletombeau.

Page 675: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Retouràl’histoiredel’éléphant

econseillersincéredit:«Écoutezmonconseil,afinquevoscœursetvosâmesnesoientpasaffligés.« Contentez-vous de verdure et de feuilles, n’allez pas chasser les

jeuneséléphants.140 «Jemesuisacquittédeladettedel’admonition:commentlerésultat

finaldel’admonitionserait-ilautrequelafélicité?« Je suis venu apporter ce message, afin de vous éviter un repentir

inutile.«Attention!nelaissezpaslagourmandisevousleurrer,nelaissezpas

l’aviditépourdelanourriturevousdéraciner!»Ilparlaainsi,ditadieuetpartit;leurfaimetleurinanitionaugmentèrent

enchemin.Soudain, dans la direction d’une grand-route, ils aperçurent un gros

jeuneéléphant,nouveau-né.Ilssejetèrentsurluicommedesloupsfurieux,lemangèrenttoutentier

etselavèrentlesmains.L’undescompagnonsdevoyagen’enmangeapasetexhortalesautresà

s’abstenir,carilserappelaitlesparolesdecederviche.Ces paroles l’empêchèrent de manger sa chair rôtie ; l’ancienne

intelligenceteconfèreunenouvellechance.Puis tous s’allongèrent et dormirent, sauf celui qui était resté affamé,

commelebergerd’untroupeau.Ilvits’approcheruneéléphanteterrifiante:d’abord,ellevintetcourut

versceluiquimontaitlagarde.150 Ellereniflatroisfoissabouche:aucuneodeurdésagréablen’en

provenait.Elle tourna autour de lui plusieurs fois et s’en alla : l’énorme reine

éléphantneluifitaucunmal.Ellesentit les lèvresdechaquedormeuret l’odeur (de lachairdeson

petit)luiparvenaitdechacundeceshommesendormis.Chaquehommeavaitmangédelachairrôtiedujeuneéléphant:lamère

éléphantlesmitbienviteenpiècesetlestua.Ellesemitaussitôtàdéchirerlesgensdecettecompagnie,unàun,et

ellen’avaitaucunepeurdelefaire.Elleprojetachacunenl’airsanspitié,desortequ’iltombabrutalement

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surlesoletfutdémoli.Ôbuveurdusangdesgens,va-t’enauloin,depeurqueleursangnete

livrelaguerre.Sacheaveccertitudequeleursbienssontcommeleursang,parcequela

richesseestacquiseparlaforce.Lamèredecesjeuneséléphantsexercerasavengeance;sonchâtiment

frapperademortceluiquimangelejeuneéléphant.Ôtoiquitenourrisdepotsdevin, tumangeslejeuneéléphant;à toi

aussi,lemaîtredel’éléphantarracheralesouffle.160 L’odeurcausalahontedeceluiquicomplotaenfraude:l’éléphant

connaîtl’odeurdesonenfant.CeluiquiperçoitduYémenleparfumdeDieu,commentnepercevrait-

ilpasdemoil’odeurdelafausseté?Étant donné que Mustapha (Mohammad) sentit cela de très loin,

commentnesentirait-ilpas1’odeurvenantdenosbouches?Enfait,illasent,maisilnouslecache:lesodeursbonnesetmauvaises

montentjusqu’auciel.Tudors, et pendant ce temps l’odeurde ton action illiciteparvient au

cielazuré.Elle accompagne ta mauvaise haleine, elle monte jusqu’à ceux qui

l’examinentdanslasphèrecéleste.L’odeur de l’orgueil et l’odeur de la cupidité, et l’odeur de la

concupiscence deviendront, lorsque tu parleras, comme l’odeur desoignons.Si tu profères un serment, disant : «Quand ai-jemangé ? Jeme suis

abstenud’oignonsetd’ail»,L’haleinede tonserment témoigneracontre toi,et frappera lesnarines

deceuxassisauprèsdetoi.Maintesprièressontrejetéesàcausedeleurodeur: lecœurcorrompu

semanifestedanslalangue.170 Laréponseàunetelleprièreest:Restezla7;lechâtimentdechaque

coquinestlatriquequirepousse.Enrevanche,sitesparolessonterronéesmaiscequetuveuxdirejuste,

l’erreurdetonexpressionestadmiseparDieu.

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Expliquantqu’auxyeuxduBien-Aimé,unefautecommisepardesamoureuxestmeilleurequela

rectituded’étrangers

e véridique Bilal, en faisant l’appel à la prière, avait coutume, àcausedesonsentimentfervent,deprononcerhayyacommehayya*,Desortequedesgensdirent:«ÔMessagerdeDieu,cettefauten’est

paspermise,àprésentquec’estledébutdel’instaurationdel’islam.«ÔProphèteetMessagerduCréateur,prendsunmuezzinquiparleplus

correctement.«Aucommencementdelareligionetdelapiété,c’estunehontequede

malprononcerhayyla’l-falah.»La colère duProphète bouillonna et il donnauneoudeux indications

desferveurscachées(octroyéesàBilal),Disant : « Ô hommes vils, aux yeux de Dieu, le hayy de Bilal vaut

mieuxqu’unecentainedehaetdekhaetdesmotsetdesphrases.«Nememettezpasencolère,depeurquejedivulguevotresecret—à

lafoisvotrefinetvotrecommencement.»Situn’aspasunedoucehaleinedanslaprière,vaimploreruneprière

deceuxquiontlecœurpur.* Il s’agit de deux H différents dans les langues persane et arabe, avec uneprononciationlégèrementdissemblable.

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CommentleDieuTrès-HautordonnaàMoïse(surluilapaix):«Appelle-Moid’uneboucheavec

laquelletun’aspaspéché.»

180 ieudit:«ÔMoïse,imploreMaprotectiond’uneboucheaveclaquelletun’aspaspéché.»Moïsedit :«Jen’aipasune tellebouche.»Dieudit :«Appelle-Moi

parlabouched’autreshommes.»Quand as-tu péché par la bouche des autres ? Invoque Dieu par la

bouched’autreshommes,criant:«ÔDieu!»Agis de telle façon que leurs bouches puissent prier pour toi, nuit et

jour.Demande pardon par une bouche qui n’a pas commis de péché, et ce

seralabouched’autreshommes.Ousinon,rendstaproprebouchepure,rendstonespritalerteetagile.LalouangedeDieuestpure:quandlapuretéestvenue,lasouillureplie

bagageets’enva.Lescontraires s’enfuient loindescontraires : lanuit s’enfuitquand la

lumièredel’aubebrille.LorsqueleNompurvientdanslabouche,nedemeurentniimpuretésni

chagrins.

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Montrantquel’invocationdeceluiquisupplieDieuestessentiellementlamêmechosequelaréponsedeDieu:«Labbayka»(Mevoici)

ne nuit, un homme criait : « Allah » jusqu’à ce que ses lèvresdevinssentdoucesàLelouer.

190 Satanluidit:«Ôbavard,àtousces“Allah”,oùestlaréponse“Mevoici”?« Aucune réponse n’arrive du Trône de Dieu : combien de temps

crieras-tu“Allah”avecautantd’audace?»Ileutlecœurbriséetsecoucha;enrêve,ilvitKhadiraumilieudela

verdure.Khadirluidit:«Ehquoi,tuascesséteslouanges?Commentsefait-il

quetuterepentesdeL’avoirappelé?»Il répondit :«Nul“Mevoici”nemevienten réponse,aussi jecrains

d’êtrechasséloinduseuil.»Khadirdit:«(Dieudit:)cet“Allah”quetudisestmon“Mevoici".Ta

supplication,tadouleur,taferveursontMonmessagerverstoi.«Tesdémarches et tes effortspour trouverunmoyendeM’atteindre,

c’étaitenréalitéMoi-mêmequitetiraisversMoietlibéraistespieds.«TacrainteettonamoursontlelacetpoursaisirMagrâce:enréponse

àchacundetes“ÔSeigneur”,ilyamaint“Mevoici”deMoi.»Loindecetteprièreestl’âmedel’ignorant,carilneluiestpaspermis

decrier:«ÔSeigneur!»Surseslèvresetsursoncœursontunverrouetunloquet,desortequ’il

nepeutgémirversDieuàl’heuredel’épreuve.200 DieuadonnéàPharaondescentainesdebiensetderichesses,desorte

qu’ilprétendaitàlapuissanceetàlamajesté.Duranttoutesavie,cethommeperversn’éprouvaaucunepeinequilui

eûtpermisdeselamenterversDieu.Dieu lui octroya l’empire de ce monde, mais II ne lui donna pas la

douleur,lasouffranceetleschagrins.La douleur vaut mieux que l’empire du monde, puisqu’elle te fait

appelerDieuensecret.L’appeldeceluiquine souffrepasvientd’uncœurglacé ; l’appelde

celuiquipleurevientdel’extase.

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C’est retenir sa voix sur ses lèvres, se remémorer son origine et soncommencement.C’estlavoixquidevientpureettriste,s’écriant:«ÔmonDieu»et«Ô

Toidontlesecoursestimploré»et«ÔToiquiaides».Mêmelaplainted’unchienn’estpasdépourvued’attraitpourLui,car

chaquesignecapturecommeunbrigandquiconqueLedésire.TellechiendelaCaverne8àquiilfutaccordédeneplussenourrirde

charogne,etquis’assitàlatabledesrois(spirituels),Jusqu’à la Résurrection, devant la Caverne, il boit comme les

mystiques,sansrécipient,l’eaudelaMiséricordedivine.210 Oh,ilyabiendesgens,souslapeaud’unchien,quin’ontpasde

renommée,etquipourtantnesontpasprivésdecettecoupeensecret.Ômon fils,donne taviepourcettecoupe :comment lavictoirepeut-

elleêtregagnéesansguerrespirituelleetsanspatience?Témoigner de la patience pour un tel objet n’est pas pénible : fais

preuvedepatience,carlapatienceestlaclédelajoie.Decetteembuscade,nuln’échappesanspatienceetprudence;pourla

prudence,envérité,lapatienceestcommelepiedetlamain.Exerce la prudence en te nourrissant, car c’est une verdure

empoisonnée : témoigner de la prudence est la force et la lumière desprophètes.Celuiquisauteàchaquesouffledeventestpareilàde lapaille,mais

commentlamontagneattacherait-elledupoidsauvent?De touscôtés,unegoule t’appelle :«Écoute,ômon frère, si tuveux

trouvertonchemin,viensici.«Jet’indiquerailaroute,jeseraitonboncompagnondevoyage,jesuis

tonguidesurcesentierdifficile.»Lagoulen’estpastonguide,etelleneconnaîtpaslechemin.ÔJoseph,

nevapasversceloup!La prudence, c’est de ne pas être leurré par les choses suaves et les

douceursetpiègesdecebasmonde.220 Carelle(lagoule)nepossèdenisuaviténidouceurs;ellechantedes

sortilègesetlesréciteàtonoreille,Disant : « Viens ici comme mon hôte, ô lumière de mes yeux : la

maisonestàtoi,ettuesàmoi.»Laprudenceconsisteencequetuluidises:«J’aiuneindigestion»,ou

«Jesuismalade,jesuisunhommesouffrantdanscettefosse»;Ou:«J’aimalàlatête:enlève-moimonmaldetête»,ou«Lefilsde

mononclematernelm’ainvité»—

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Car elle te donnera dumiel mélangé d’aiguillons venimeux, de sortequesonmieltecauseramaintesblessures.Qu’elletedonnecinquanteousoixantepiècesd’or,ellenetedonne,ô

poisson,qu’unpeudeviandesurunhameçon.Si elle donne, quand cette perfide donne-t-elle en réalité quelque

chose?Lesparolesdufilousontdesnoixpourries.Leur caquet vous prive de la compréhension et de l’intelligence et

considèrecentmilleraisonscommen’étantmêmepasuneseule.En voyage, ton sac et ta bourse sont tes amis : si tu es Ramin, ne

chercheriend’autrequetaWisa*.C’est tonMoi essentiel qui est taWisa et ta bien-aimée et toutes ces

chosesextérieuresnesontpourtoiquecalamité.La prudence, c’est que, lorsqu’on t’invite, tu ne dises pas : « Ils sont

amoureuxetéprisdemoi.»Sache que leur invitation est pareille au sifflet pour l’oiseau de

l’oiseleur,tandisqu’ilestcachédanssonembuscade;Il a placé là un oiseaumort, prétendant que cet oiseau pousse ce cri

plaintif.Les oiseaux croient qu’il est l’un d’entre eux : ils l’entourent, et il

arracheleurpeau—Excepté,sansnuldoute, l’oiseauàquiDieuaoctroyé laprudence,de

sortequ’ilnesoitpastrompéparceleurreetcettecajolerie.L’imprudenceestassurémentcausederegret.Écoutel’histoiresuivante

pourexpliquercela.

*C’est-à-direWeis,labien-aiméedeRamin,dansl’œuvredeNizamî.

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Commentlevillageoisleurralecitadinetl’invitaavecd’humblesprièresetuneinsistanceexagérée

1yavaitjadis,ômonfrère,unhabitantdelavillequiétaitl’amiintimed’unvillageois.Chaque fois que le villageois se rendait à la ville, il dressait sa tente

danslarueducitadin.Il demeurait son hôte pendant deux ou trois mois, il était dans sa

boutiqueetàsatable;Et tout ce qu’il désirait durant ce temps, le citadin le lui fournissait

gratuitement.240 Unjour,ilsetournaverslecitadinetluidit:«ÔSeigneur,neviendras-

tujamaisàlacampagnepourchercheràt’yrécréer?«Allah,Allah,amènetoustesenfants,carc’estletempsdesrosesetdu

printemps;«Oubien,vienspendant l’été,à lasaisondesfruits,quejepuisseme

ceindrelesreinspourtonservice;« Amène tes serviteurs, tes enfants et ta famille et reste dans notre

villagetroisouquatremois;«Carauprintempslacampagneestagréable,ilyadeschampsseméset

deravissantestulipes.»Lecitadinlerepoussaittoujoursavecdespromesses,jusqu’àcequehuit

annéessefussentécouléesdepuislapremièrepromesse.Chaqueannée,lecampagnarddisait:«Quandtemettras-tuenroute?

carlemoisdedécembreestarrivé.»Etlecitadins’excusait,disant:«Cetteannée,nousavonsuninvitéqui

estvenudetelouteldistrict.«L’annéeprochaine,sijepeuxmelibérerdemesoccupations,jeferai

unsautlà-bas.»Le villageois disait : « Ma famille attend tes enfants, ô mon

bienfaiteur.»250 Chaqueannée,ilrevenaitcommelacigognepourdemeurerdansle

pavillonducitadin,Etchaqueannéelenotabledépensaitsonoretsonargentpourluietlui

ouvraitlesbras.La dernière fois, ce paladin, pendant troismois, plaça devant lui des

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platsdenourriturematinetsoir.De honte, il répétait au hodjâ (notable) : «Combien de temps neme

feras-turienquedespromesses?Combiendetempsmeleurreras-tu?»Lehodjâdisait:«Moncorpsetmonâmedésirentcetteréunion,mais

toutchangementdépenddudécretdivin.«L’hommeest commeunbateauouunevoile : (il doit attendre)que

celuiquigouvernelesventsenvoielabrise.»A nouveau, le villageois le supplia, disant : « Ô homme généreux,

prendstesenfantsetvienscontemplerlesplaisirsdelacampagne.»Ilpritsamaintroisfoispourscellerl’accord,disant:«Allah,Allah,viensvite,faistoustesefforts.»Auboutdedixans—etchaqueannéelesmêmesprièresetpromesses

mielleuses—Lesenfantsduhodjâ luidirent :«Ôpère, la luneet lesnuageset les

ombresvoyagentaussi.260 «Tuluiascréédesobligations,tuasprisdegrandespeinespourlui,

« Et il souhaite s’acquitter d’une partie de cette obligation quand tudeviendrassonhôte,«Ilnousafaitensecretbeaucoupderecommandations:“Amenez-leà

lacampagne,disait-il,enlepriantpourqu’ilaccepte.”»Lecitadinrépondit:«Celaestvrai;mais,ôSibawayh*,prendsgardeà

lamalicedeceluiàquituastémoignédelabienveillance.« L’amitié est la semence qui porte des fruits au dernier souffle ; je

crainsqu’ellenesoitcorrompueparlabrouille.»Ilexisteuneamitiépareilleauglaive tranchant, teldécembredans les

jardinsetleschampsdeblé,Ilexisteuneamitiépareilleàlasaisonprintanière,d’oùproviennentdes

bénéficesetdesbienfaitsinnombrables.Laprudenceconsisteàenvisagerlemal,defaçonàpouvoirs’enfuiret

sedébarrasserdumal.LeProphèteadit:«Laprudenceconsisteàenvisagerlemal»:sache

quechacundetespasestunpiège,ôinsensé.Lasurfacedelaplaineestplaneetvaste,maisàchaquepassetrouveun

piège:n’avancepasaudacieusement.270 Lachèvredesmontagnescourt,disant:«Oùestlepiège?»Tandis

qu’ellesehâte,lelacetlaprendàlagorge.Ôtoiquidis:«Où?»,regardeetvois,tuasvulaplaine,tun’aspasvu

lepiège.Sansembuscade,sansleurrenichasseur,ôhommerusé,commentune

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queuedemoutonsetrouverait-elle(priseaupiège)danslechampdeblé?Ceuxquimarchaientaudacieusementsurlaterre,voisleursosetleurs

crânes.Quandtuvasaucimetière,ôtoidontDieuestsatisfait, interrogeleurs

ossementssurcequiestpassé,Afin que tu puisses voir clairement comment ces aveugles ivres

tombèrentdansl’abîmedel’illusion.Situasdesyeux,nemarchepasaveuglément,etsitun’aspasd’yeux,

prendsunbâtondanstamain.Situnepossèdespaslacannedelaprudenceetdujugement,prendsles

yeuxduvoyantcommeguide;Ets’iln’yapasdecannede laprudenceetdu jugement,nerestepas

sansguidesurchaqueroute.Avanceàlamanièred’unaveugle,afinquetonpiedévitelefosséetle

chien.L’aveugleposelepiedentremblantaveccrainteetprécautionpourne

pasavoird’ennuis.Ô toi qui as sauté loin de la fumée pour tomber dans le feu, tu as

recherché une bouchée de nourriture pour devenir une bouchée pour unserpent.

*Célèbregrammairieni.e.:«hommedouédesagacité».

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HistoiredupeupledeSabaetcommentlaprospérité

lesrenditrebelles

ousn’avezpaslul’histoiredupeupledeSaba,oubienvousl’avezlueetn’enavezentenduquel’écho.Lamontagneelle-mêmen’estpas conscientede l’écho : l’esprit de la

montagnen’apaslapossibilitédepercevoirlesens.Sansoreilleetsansintelligence,ellecontinueàfairedubruit;quandtu

devienssilencieux,elleaussiledevient.Dieu avait octroyé au peuple de Saba une grande fortune — des

myriadesdechâteaux,depalais,devergers.Maiscesméchantsn’offrirentpasderemerciementspourcela;quantà

lafidélité,ilsétaientinférieursauxchiens.Quandàunchienvientdelaporteunmorceaudepain,ilseprépareà

servir.Ildeviendraleveilleuret legardiendelaporte,mêmes’ilestvictime

deviolencesetdemauvaistraitements.Cependant,ilresteraetdemeureraàlaporte:ilconsidéreracommede

l’ingratituded’enpréféreruneautre.

290Etsiunchienétrangerarrive,lejouroulanuit,leschiens(decetendroit)luidonnerontaussitôtuneleçon,

Disant:«Va-t’enlàoùsetrouvetapremièredemeure:l’allégeanceducœurpourcettebontéestuneobligationducœur.»Ils lemordront, en disant : «Retourne là d’où tu viens, ne laisse pas

davantagesanseffettonobligationàl’égarddecettebienveillance.»Duseuildel’espritetdeshommesspirituels,combiendetempsas-tubu

l’eaudelavie,ettesyeuxfurentouverts!Tantdenourritureprovenantdelaportedesspirituels:ivresse,extase,

renoncementàsoi-même,as-tujetéàtonâme.Ensuite,parcupidité, tuasabandonnécetteporte,et tu tournesautour

dechaqueboutique,commeunours.Par désir d’un tharid* sans valeur, tu cours vers les seuils de ces

notablesdontlesmarmitessontpleinesdegraisse.Sachequ’ici(oùdemeurentlessaints)lasignificationde«gras»c’est

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que l’âmedevienneflorissante,etsacheque lemalheurdudésespéréestsoulagé.

*Platfaitdepaintrempédanslasaucedeviande.C’est-à-direqu’ilspréfèrentladamnationaudéshonneur.

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Commentlesinfirmesserassemblaientchaquematinàla

portedelacelluledeJésus(surluilapaix),désirantêtreguéris

parsaprière

atabledel’hommespirituelestcomparableàlacelluledeJésus:ôaffligé,prendsgarde,prendsgarde.N’abandonnepascetteporte.Detouscôtés,lesgensserassemblaient—aveugles,boiteux,paralysés,

vêtusdehaillons,300 AlaportedeJésus,lematin,afinqueparsonsouffleillesguérissede

leursmaux.Dèsqu’ilavaitterminésesprières,cethommepieuxsortaitàl’aube,Etvoyaitdesmassesdegensfaiblesetaffligésseulsàlaporteattendant

avecespoir^Alorsildisait:«Ôvousquiêtesmisérables,lesdésirsdetousceuxqui

sontprésentsiciontétéexaminésparDieu.«Allez,partez,sanssouffrancenipeine,vers lepardonet labontéde

Dieu.»Tous, tels des chameaux entravés dont tu détaches les genoux avec

sollicitude,Asaprièresemettaientàcourir,sehâtantgaiementetjoyeusementvers

leursdemeures.Toiaussi,tuaséprouvéentoi-mêmebiendesmaladies,ettuasobtenu

lasantégrâceàcesroisdelareligion.Combien de fois ta claudication n’a-t-elle pas été transformée en une

démarche aisée, combien de fois ton âme n’a-t-elle pas été délivrée duchagrinetdeladouleur?Ôinsouciant,attacheunecordeàtonpied,afindenepasdevenirperdu

pourtoi-même.310 Toningratitudeettonoublinesesontpasremémorélemielquetuas

bujadis.Inéluctablement, cette voie t’est devenue fermée, car les cœurs des

«hommesducœur»ontétéaffligéspartoi.Hâte-toi à leur rencontre et implore le pardon de Dieu, pleure

lamentablement,commeunnuage,Pour que leur roseraie t’offre ses floraisons, et que les fruits mûrs

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s’ouvrentetserévèlent.Tourne autour de cette même porte, ne te montre pas inférieur à un

chien,situesdevenuunserviteurcompagnonduchiendelaCaverne,Car leschienseux-mêmesexhortent leschiens,disant :«Attache ton

cœuràtapremièredemeure.« Tiens-t’en fermement au premier seuil où tu as mangé des os, et

remplistesobligations:nelaissepascela.»Ilsnecessentdemordre(lechienétranger)afinquesonsentimentdu

devoirlefasseallerlà-basetbénéficierdesapremièredemeure.Ils le mordent, disant : « Ô mauvais chien, va-t’en. Ne deviens pas

l’ennemidetonbienfaiteur.«Soisattaché,commel’anneaudelaporte,àcettemêmeporte;faisle

guet,etsoisagileetprêtàbondir,320 «Nesoispasl’imagedenotreabsencedefidélité,nemanifestepas

d’infidélité.«Puisquelafidélitéestlaqualitéparlaquellesontrenommésleschiens,

va-t’enetn’apportepasl’opprobreetlamauvaiseréputationauxchiens.»Étant donné que l’infidélité a toujours été une honte, même pour les

chiens,commenttrouverais-tujustedetémoignerdel’infidélité?DieuleTrès-Hauts’estvantédefidélité:Iladit:«Quidonctientson

pactemieuxqueDieu9?»Sachequelafidélitéenversd’autresqueDieuestinfidélité.Nuln’ala

précellencesurlesdroitsdeDieu.Le droit de tamère n’a existé qu’après que leGénéreux l’eut rendue

redevabledetonembryon.Il t’a octroyé une forme à l’intérieur de son corps, Il lui a donné de

l’endurancependantsagrossesseetl’ahabituée(àsonfardeau).Elleteconsidéraitcommeunepartied’elle-même;laProvidencesépara

d’ellecequiluiétaituni.Dieu a préparé des milliers demoyens et de dispositions afin que ta

mèret’accordesonamour.C’estpourquoiledroitdeDieuvientavantceluidelamère;quiconque

nereconnaîtpascedroitestunâne.330 (Situlenies),n’admetsdoncmêmepasqu’ilacréélamère,lamamelle

etlelait,etl’aunieaupère.ÔSeigneur,ôToidontlabienfaisanceestéternelle,àToiestàlafoisce

quejeconnaisetcequejeneconnaispas.Tu as ordonné : « Rappelle-toi Dieu, car Mon droit ne sera jamais

désuet.

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«Souviens-toidelabienveillancequeJet’aitémoignéelematinoùJet’aiprotégédansl’ArchedeNoé.«Alors, J’aidonnéàvospères la sécurité à l’égardduDélugeetdes

vagues.«L’eau,commelefeu,danssanature(néfaste)avaitcouvertlaterre;

lesvaguesbalayaientauloinlessommetslesplushautsdesmontagnes.«Jevousaiprotégés,jenevousaipasabandonnés,danslescorpsdes

ancêtresdesancêtresdevosancêtres.«Aprésentquevousêtesparvenusauplushautdegré,commentvous

ferais-jetrébucher?Commentlaisserais-jeMonatelierêtreruiné?«Commentdevenez-vousdévouésauxinfidèlesenvousdirigeantdans

cettedirectionàcausedevosmauvaisespensées?«Jesuisdépourvudenégligenceetd’infidélité,cependantvousvenezà

Moiavecdemauvaisespensées.340 «Ayezcesmauvaisespenséesàl’encontredulieuoùvousvouscourbez

devantquelqu’undesemblableàvous,«Vous avez de nombreux amis et compagnons puissants ; si Je vous

demande“OùestUntel?”vousrépondrez“Ilestparti.”«Votrebonamiestmontéjusqu’auplushautCiel,votreméchantami

estdescenduaufonddelaterre.«Vousêteslaissésaumilieu,impuissants,commeunfeuabandonnépar

unecaravane.»Ô ami courageux, attache-toi à Celui qui est libre d’« au-dessus » et

d’«endessous».Il ne monte pas au ciel, comme Jésus, ni ne descend dans la terre,

commeQarûn.Il est avec toi, dans l’espace et dans le non-spatial, lorsque tu laisses

derrièretoitamaisonettaboutique.Ilfaitsortirlapuretédessouillures,Iltraitetesactesfautifscommeun

accomplissementfidèle(dudevoir).Lorsque tu fais le mal, Il envoie un châtiment, afin que tu puisses

retournerdel’imperfectionàlaperfection.Quand tu as négligé une partie de tes oraisons sur la Voie, alors

t’advientunsentimentde«resserrement»,brûlantetpénible.350 C’estlàl’actioncorrectivedeDieu,signifiant:«N’apporteaucun

changementàl’ancienpacte,«Jusqu’aujouroùceresserrementdeviendraunechaîneetoùcequià

présentsaisitlecœurdeviendrauneentraveattachantlepied.»Tasouffrancementaledeviendraperceptibleauxsensetmanifeste.Vois

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ànepastenircetteindicationpournulle.Les souffrances (spirituelles) qui adviennent dans le cas de péchés

n’affectentquelecœur;aprèslamort,cespeinesdeviennentdevéritableschaînes.« Quiconque ici-bas se sera détourné de mon Rappel, Nous lui

donneronsuneviemisérable(dansl’au-delà)etlepunironsdecécité10.»Quandunvoleuremportelesbiensdesgens,lesoucietlatristessedu

cœurtroublentsaconscience.Etildit:«Jemedemandecequ’estcettetristesse!»Réponds:«C’est

ladétressedelapersonnespoliéequiapleuréàcausedetaperversité.»S’il ne tient pas compte de cette tristesse, le vent de la persévérance

(danslemal)attiselefeu(mauvais).Leresserrementquisaisitlecœursetransformeenlasaisiedupolicier:

inéluctablement,cesidéesdeviennenttangiblesetsemanifestent.Lespeinessontdevenuesuneprisonetunecroix;lapeineestlaracine,

etlaracinedonnenaissanceàdesrameaux.360 Laracineétaitcachée,elleestàprésentrévélée.Considèreettatristesse

intérieureettonexpansioncommeuneracine.Quand c’est unemauvaise racine, arrache-la vite, afin qu’une vilaine

roncenepoussepasdanslejardin.Tu as senti la peine : cherche un remède à cela, parce que toutes les

excroissancesproviennentdelaracine.Tu as ressenti un sentiment d’expansion : arrose cette expansion, et

quandlefruitapparaît,donne-leàtesamis.

Page 691: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Restedel’histoiredupeupledeSaba

e peuple de Saba était dépourvu dematurité et niais : ils avaientcoutumedetémoignerdel’ingratitudeàceuxquiétaientgénéreux.Par exemple, ce serait de l’ ingratitude que de te quereller avec ton

bienfaiteur,Disant : « Je ne veux pas de cette bienveillance, elle m’ennuie :

pourquoit’enpréoccupes-tu?«Accorde-moiunefaveur,retirecettebienveillance;jenedésirepasun

œil:aveugle-moitoutdesuite!»Ainsi,lesgensdeSabadirent:«ÔSeigneur,metsunegrandedistance

entre nous : notre imperfection vaut mieux pour nous, enlève notreornement.«Nousnedésironspascespalaisetcesvergers,nilesbellesfemmes,ni

cettesécuritéetaisance.370 «Lesvillesprocheslesunesdesautressontmauvaises;ledésert,oùse

trouventlesbêtessauvages,estbon.»Enété,l’hommeaspireàl’hiver,etquandl’hiverarriveilnel’aimepas.Cariln’estjamaissatisfaitd’aucunesituation,nidelapauvreténid’une

vied’abondance.Quel’hommepérisse !Quel impie11 !Chaque foisqu’ilobtientd’être

bienguidé,illerejette.L’âmecharnelleestdecettesorte,c’estpourquoiilfautlatuer.Dieule

Très-Hautadit:«Tuez-vousvous-mêmes12.»C’est une épine triangulaire : où que vous la placiez, elle piquera, et

commentéchapperez-vousàsablessure?Brûlelaronceenrenonçantàlapassionsensuelle,etattache-toiàl’ami

loyal.Quand les gens deSaba dépassèrent toutes limites, disant : «Anotre

avis,lapestevautmieuxquelezéphyr»,Leurs conseillers semirent à les admonester et à les empêcher d’être

impiesetingrats;Maisilstentèrentdetuerleursconseillers,etilssemèrentlasemencede

l’ingratitudeetdel’impiété.380 LorsquearriveleDécretdivin,lemondeentierdevientresserré,le

Décretrendlasucrerieuneamertumedanslabouche.

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Il(leProphète)adit :«QuandvientleDécret, l’étenduelaplusvasteestétroite;quandvientleDécret,lesyeuxsontvoilés.»L’œilestrecouvertd’unbandeauautempsduDécret,desortequel’œil

nevoitpaslecollyredel’œil,Quand la ruse de ce Cavalier a soulevé la poussière, la poussière

t’empêched’appeleràl’aide.VaversleCavalier,nevapasverslapoussière;autrement,larusedu

Cavaliers’attaqueraàtoi.Dieu a dit : « Celui que le loup a dévoré, il avait vu la poussière

(soulevéepar)leloup;pourquoines’est-ilpaslivréàdesgémissementspitoyables?»Ne reconnaissait-il pas la poussière du loup ? Alors, avec une telle

connaissance,pourquoiest-ilrestéàpaître?Lesmoutonsreconnaissentl’odeurduloupdangereuxets’enfuientdans

touteslesdirections.Lecerveaudesanimauxreconnaîtl’odeurdulionetfaitcesserl’animal

depaître.Tuassentil’odeurducourrouxduLion(Dieu).Reviens!Occupe-toide

prièresetdecrainte!390 Cettemultitude(deSaba)nesedétournapasdelapoussièreduloup,et

aprèslapoussièreleloupdelatribulationarrivaenforce.Encolère,ilmitenpiècescesmoutonsquin’écoutaientpasleurberger,

laSagesse.Combiensouventlebergerlesappela!etilsnevinrentpas,ilsjetaient

lapoussièreduressentimentdanslesyeuxduberger,Disant:«Va-t’en;nous-mêmes sommes de meilleurs bergers que toi. Commentdeviendrions-noustessuivants?Noussommesdeschefs,chacundenous.«Noussommesdelanourriturepourleloup,nousnesommespaspour

l’Ami;noussommesducombustiblepourleFeu,etnesommespaspourledéshonneur*.»Unorgueilpaïenétaitdansleursesprits:lecorbeaucroassaitledésastre

surlestracesdeleurhabitation.Ilscreusaientunpuitspourlesopprimés;eux-mêmestombèrentdansle

puits,criant:«Hélas!»Ilsdéchirèrent leshabitsdesJosephs(lesprophèteset lessaints)et ils

subirentlecontrecoupdechacundeleursactes.Qui est ce Joseph ?Ton cœur en quête deDieu, enchaîné comme un

captifdanstademeure.TuasliéunGabrielsurunpilier,tuasblessésesailesetsesplumesen

Page 693: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

centendroits.400 Tuplacesdevantluiunveaurôti,tuvaschercherdelapailleettu

l’amènesàl’étableàfoin,Disant : «Mange, ceci est un délicieux repas pour nous », alors que

pourluiiln’estd’autrealimentquedecontemplerDieu.Enraisondecetourmentetdecettetribulation,cecœuraffligéseplaint

detoiàDieu,S’écriant : «ÔDieu, délivre-moi de ce vieux loup ! »Dieu lui dit :

«Écoute,l’heureapproche;prendspatience.«Jeteferairendrejusticeparcetimpie:quirendlajustice,sinonDieu,

leDispensateurdelajustice?»Le cœur dit : «Ma patience est perdue dans la séparation d’avec Ta

face,ôSeigneur.«JesuiscommeAhmad(Mohammad)abandonnédanslesmainsdes Juifs, je suis pareil à Salih tombé en prison au sein du peuple de

Thamûd13.«ÔToiquioctroieslafélicitéauxâmesdesprophètes,oubientue-moi,

ourappelle-moiàToi,oubienviensToi-même.«Lesinfidèlesmêmenepeuventendurerd’êtreséparésdeToi;chacun

d’euxdit:Oh!quenesuis-jedéjàmort14!»« Tel est l’état de l’infidèle qui en réalité appartient à cemonde-ci :

commentdoncceluiquiT’appartientserait-ilpatientsansToi?»410 Dieudit:«Oui,ôcœurpur;maisécoute-Moietsoispatient,carla

patiencevautmieux.«L’aubeestproche.Chut,negémispas!Jeluttepourtoi,toinelutte

pas.»

Page 694: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Suitedel’histoireduhodjâserendantauvillagesurl’invitation

ducampagnard

ette digression a dépassé toute limite : reviens, ô mon ami. Levillageois,sache-le,pritlehodjâdanssamaison.Laissedecôtél’histoiredupeupledeSaba:racontecommentlehodjâ

vintauvillage.Levillageoiseutrecoursàtoutessortesd’amabilitéspoursefairebien

voir,jusqu’àcequ’ileûtdétruitlaprudenceduhodjâ.Celui-ciétait égaréparunmessageaprès l’autre, jusqu’àceque l’eau

clairedesaprudencedevînttrouble.Demême, ses enfants, en approbation (de cette invitation), chantaient

joyeusement:«Amusons-nousetjouons15»,A l’instar de Joseph, qui, par l’actionmerveilleusede laDestinée, fut

transportépar lesmotsAmusons-nouset jouons hors de la protection desonpère.Cen’estpaslàunjeu:non,c’estjoueravecsavie;c’estuneruse,un

leurre,unetromperie.Quoiquecesoitquit’arracheàl’Ami,nel’écoutepas,carcelacontient

uneperte,uneperte.420 Mêmesileprofitestcent,centfois,nel’acceptepas:pourl’amourde

l’or,nebrisepasavecleTrésorier,ôderviche!Entends combien de reproches, tendres et sévères, Dieu adressa aux

CompagnonsduProphète,Parceque,lorsd’uneannéedefamine,ausondutambourilsquittèrent

sansattendrelaPrièreencommunduVendredi,larendantnulle.«Decrainte,disaient-ils,qued’autrespuissentacheteràbonmarchéet

obtenir l’avantage sur nous en ce qui concerne ces marchandisesimportantes.»LeProphètefutlaisséseulenprièreavecdeuxoutroispauvreshommes

fermesdansleurfoietpleinsdesupplications.Dieudit:«Commentletambouretlepasse-tempsetlenégoceont-ils

puvousséparerd’unhommedeDieu?« Vous vous êtes dispersés et avez couru follement vers le blé, en

laissantunProphèteresterdeboutenprière.«Acausedublé,vousavezsemélasemencedelavanitéetabandonné

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leMessagerdeDieu.«Sacompagnievautmieuxquelepasse-tempsetlesrichesses:voyez

cequevousavezabandonné,frottez-vouslesyeux!«En vérité, n’est-il pas apparu avec certitude à votre cupidité que Je

suisCeluiquinourrit,etleMeilleurdeceuxquilefont?430 «CeluiquidonnedeLui-mêmelasubsistanceaublé,comment

pourrait-IllaisserseperdretesactesdeconfianceenLui?«Pourl’amourdublé,tuesdevenuséparédeCeluiquiaenvoyéduciel

leblé.»

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Commentlefauconinvitalescanardsàvenirdel’eau

verslaplaine

efauconditaucanard:«Sorsdel’eau,pourpouvoiradmirerlesplainesquirépandentladouceur.»Mais le sage canard lui dit : « Va-t’en, ô faucon ! L’eau est notre

forteresse,notresécuritéetnotrejoie»LeDémonestcommelefaucon.Ôcanards,hâtez-vous!Prenezgarde,

nesortezpasdevotreforteresse,l’eau.Ditesaufaucon:«Va-t’en,va-t’en!Parsetgardetesmainsloindenos

têtes,ôbonami!«Nous n’avons que faire de ton invitation, garde-la pour toi-même ;

nousnevoulonspasécoutertesparoles,ôinfidèle!« La forteresse (de l’eau) nous suffit : que le sucre et les champs de

canneàsucresoientàtoi!Jenedésirepastondon:prends-lepourtoi-même!«Tantqu’il y aurade laviedans le corps, lanourriturenemanquera

pas;lorsqu’ilyaunearmée,lesétendardsnemanquentpas.»Le prudent hodjâ présenta mainte excuse et offrit maint prétexte au

villageois(semblableau)Démonobstiné.440 «Encemoment,dit-il,j’aiàm’occuperd’affairessérieuses;sijeviens

(vousrendrevisite),ellesneserontpasréglées.«Leroim’achargéd’uneaffairedélicate,etdufaitqu’ilm’attendaitil

n’apasdormidelanuit.« Jen’osenégliger l’ordredu roi, jenepeux tomberdans ladisgrâce

auxyeuxduroi.«Chaquematinetchaquesoir,unenvoyéspécialarriveetmerequiert

defournirunmoyend’échapper(àladifficulté).« Croyez-vous qu’il serait juste que j’aille à la campagne, avec cette

conséquencequeleroifronceraitlessourcils?«Commentapaiserais-jesacolèreaprèscela?Sûrement,parunetelle

faute,jem’enterreraisvivant.»Il raconta cent prétextes de cette sorte, mais ses artifices ne

correspondaientpasàlavolontédeDieu.Sitouslesatomesdumondeinvententdesartifices,cen’estrien,rien,

contrel’ordreduCiel.

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Comment la terre s’enfuirait-elle loin du Ciel, comment se cacherait-elledelui?Quoi que ce soit qui vienne du Ciel sur la terre, celle-ci n’a pas de

refuge,nideremède,nidecachette.450 Silefeudusoleilpleutsurelle,elleserésignedevantsonfeu;

Etsilapluieluiinfligeundélugeetdévastelesvillesquisontsurelle,Ellel’accepte,commeJobdisant:«Jesuiscaptif;apportez-moicejue

vousvoulez.»Ô toi qui fais partie de la terre, ne te révolte pas ; quand tu perçois

l’ordredeDieu,net’enécartepas.Puisque tu as entenduNous t’avons créé de poussière16, (sache que)

Dieuavouluquetusoispareilàlapoussière:nedétournepastonvisagedeLui.(Dieuadit):«VoiscommeJ’aiseméunesemencedanslaterre:tues

delapoussièredelaterre,etJet’aiélevétrèshaut.«Adopteànouveaulapratiquedel’humilité,afinqueJefassedetoiun

princeau-dessusdetouslesprinces.»L’eauvadeshauteursverslebas;puis,d’enbas,ellevaverslehaut.Lebléesttombédanslaterreenvenantd’enhaut;ensuite,ildevintdes

épisetgranditrapidement.Lagrainedechaquefruitestentréedansla terre;ensuitedesrejetons

ontpoussédelaracineenterrée.460 LasourcedesbénédictionsestdescendueduCielsurlaterreetest

devenuel’alimentdel’espritpur.Êtantdonnéqu’elle estvenueduCiel à causede l’humilité, elle s’est

intégréeàl’hommevivantetfort.Ainsi, cettematière inanimée s’est transmuée en qualités humaines et

s’estenvoléejoyeusementau-dessusdel’empyrée,Disant : « Nous sommes venues tout d’abord du monde vivant, et

sommesmaintenantretournéesdubasverslehaut.»Touteslesparcelles(del’être),qu’ellessemeuventousoientenrepos,

déclarent:«Envérité,àLuinousretournerons17.»Les louanges et les glorifications des parcelles cachées ont rempli le

Cieldetumulte.Quandl’OrdredeDieuusadesortilèges, lecampagnardl’emportasur

lecitadin.Endépitdemilliersdebonnesrésolutions,lehodjâfutvaincu,etdufait

desonvoyageiltombaaumilieudescalamités.

Page 698: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Ilsefiaitàsaproprefermeté,maisbienqu’ilfûtcommeunemontagne,unpetitflotl’emporta.Lorsque l’Ordre divin se manifeste à partir du Ciel, tous les gens

intelligentsdeviennentaveuglesetsourds;470 Lespoissonssontexpulséshorsdelamer;lepièges’empare

impitoyablementdel’oiseauquivole.Mêmelegénieetledémonentrentdanslabouteille*;unHârûttombe

danslepuitsdeBabylone.(Toussontperdus)saufceluiquiaprisrefugedansl’Ordredivin;nulle

quadratureastrologiqueneversajamaissonsang.Amoinsquevousnetrouviezrefugedansl’Ordredivin,aucunartifice

nevouspermettrad’yéchapper.

* Salomon aurait emprisonné dans des bouteilles jetées à la mer des Djinnsrebelles.

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HistoiredupeupledeZarwânetcommentilsdécidèrentdecueillirlesfruitsdeleursvergerssansêtre

gênésparlespauvres

ousavez lu l’histoiredupeupledeZarwân :pourquoidoncavez-vouspersistéàchercherdesexpédients?Plusieurs (méchants) hommes qui piquaient comme des scorpions

avaientdécidédesupprimerunepartiedupainquotidiendepauvresgens.Durantlanuit,toutelanuit,ilspréparèrentuneruse;plusd’un‘Amret

Bakrserencontrèrentàcettefin.Ces mauvais hommes échangeaient leurs pensées les plus intimes en

secret,depeurqueDieunelesdécouvrît.L’argile a-t-elle comploté contre le plâtrier ? La main effectuet-elle

quelqueactionignoréeducœur?Dieuadit :«Celuiqui t’acrééneconnaît-Ilpas tondésir, (ne sait-Il

pas)si,danstaconversationsecrète,ilyadelasincéritéoudelamalice?480 «Commentunvoyageurquis’estmisenroutelematinserait-ilignoré

deCeluiquivoitclairementoùillogerademain?« Quel que soit l’endroit où il est descendu ou monté, Il l’a pris en

chargeetafaitlecompteexactdetoutechose18.»Aprésent,préservetonoreilledel’insoucianceetécoutequelfutlesort

decethommeaffligé.Sachequelorsquetuprêtesl’oreilleàcettehistoire,c’estlàuneaumône

quetudonnesaumalheureux;Cartuentendrasparlerdeschagrinsdeceluiquialecœurtriste—dela

misèrecauséeàl’espritnobleparl’eauetl’argile(ducorps).Même s’il s’agit dequelqu’un remplide connaissance, il possèdeune

maisonrempliedefumée:enl’écoutant,ouvreunefenêtrepourlui.Lorsque ton oreille deviendra lemoyen de le soulager, la fumée âcre

diminuera(etdisparaîtra)desamaison.Témoigne-nousdelasympathie,ôhommeprospère,situtedirigesvers

leSeigneurTrès-Haut.L’hésitation est une prison, une geôle qui ne laissera l’âme aller dans

aucunedirection.Cemotif-ci t’attire dans une direction, et cemotif-là dans une autre,

chacunedisant:«Jesuislabonnevoie.»

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490 CettehésitationestunprécipicedansleChemindeDieu:oh,bénisoitceluidontlespiedssontlibérés(decesliens).Ilsedirigedanslabonnedirectionsansatermoiement;situneconnais

paslechemin,tâchededécouvriroùsontlestracesdesespas.Attache-toi aux empreintes des pas dudaim, et avance sûrement, afin

qued’aprèscesempreintestupuissesparveniràlaglandeàmusc.Grâceàuntelvoyage,tumonterasjusqu’auzénithlepluslumineux,ô

monfrère,situacceptesdemarchersurlefeudelatribulation.Il n’y a pas de crainte à avoir de lamer, des vagues ou de l’écume,

puisquetuasentendulaParoledivine:Necrainspas19.Sacheque,lorsqueDieut’adonnélacrainte,cettecraineéquivautàla

paroleNecrainspas.Ilt’enverralepain,puisqu’Ilt’aenvoyéleplateau.Celui qui doit craindre, c’est celui qui n’a pas de crainte de Dieu ;

l’angoisseestpourceluiquinefréquentepascelieu(oùDieuestcraint).

Page 701: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Départduhodjâpourlacampagne

e hodjâ se mit à l’ouvrage et fit ses préparatifs ; l’oiseau de sarésolutionsehâtaverslacampagne.Safamilleetsesenfantssepréparèrentauvoyageetplacèrentlebagage

surlebœufdudépart,Se réjouissant et se hâtant vers la campagne, disant : « Nous allons

profiterduvoyage.Quellebonnenouvelle!500 «Lelieuoùnousnousrendonsestunedouceprairie,etnotreami,là-

bas,estbonetcharmant.« Ilnousa invitésavecdesmilliersdevœux ; ila semépournous la

semencedelagénérosité.« De chez lui, nous rapporterons à la ville les provisions de la

campagne,pourlelonghiver.«Non,ilrenoncerapournousàsonverger,ilferapournousuneplace

auseindesonâme.«Hâtez-vous,mes amis, afin d’obtenir un gain ! »Mais laRaison, à

l’intérieurd’eux-mêmes,leurdisait:«Neteréjouispas20!»SoyezdesgagnantsparlegaindeDieu:«Dieun’aimepasceuxquise

réjouissent21!»Réjouis-toi,maismodérément, àcausede cequi vousa été donné22 :

toutcequiadvientetconstitueunesourcedepréoccupationtedistraitdeLui.Réjouis-toi en Lui, ne te réjouis en rien d’autre que Lui : Il est le

Printemps,etlesautreschosessontl’hiver.ToutcequiestautrequeLuiestlemoyendeteconduirepeuàpeuàla

perdition,mêmesic’esttontrône,tonroyaumeettacouronne.Réjouis-toi dans le chagrin, car le chagrin est lemoyen d’atteindre à

l’unionavecDieu;danscettevoie,l’ascensionvadehautenbas.510 Lechagrinestuntrésor,ettasouffranceestcommelamine;mais

commentcetteparolepourrait-ellefaireuneimpressionsurdesenfants?Quandlesenfantsentendentlenomde«jeu»,ilscourenttous,avecla

vitessedel’ânesauvage.Ô ânes aveugles, dans cette direction il y a des pièges ; dans cette

direction,ilyadesmassacresàl’affût.Les flèches volent, mais l’arc est caché : du monde invisible cent

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flèchesdecheveuxblancsviennentfrappernotrejeunesse.Ilfautposerlepiedsurlaplaineducœur,cardanslaplaineducorpsil

n’yapasdejoie.Le cœur est la demeure de la sécurité, ô mes amis ; il possède des

fontaines,etdesroseraiesauseinderoseraies.Tournez-vousverslecœuretallezdel’avant,ôvoyageursdenuit;làse

trouventdesarbresetdesruisseauxd’eauvive.N’allezpas à la campagne : la campagne rend l’homme stupide ; elle

rendl’intellectdépourvudelumièreetdesplendeur.Ôélu,écoutelaparoleduProphète:«Demeureràlacampagneestle

tombeaudel’intelligence.»Si l’onresteà lacampagneunseul jour,unseulsoir, l’intelligencene

retrouverapassavigueuravantunmois.520 Pendantunmois,lastupiditél’accompagnera:quepourrait-ellerécolter

d’autreauprédesséchédelacampagne?Quant à celui qui demeure un mois à la campagne, l’ignorance et

l’aveuglementserontsonlotpendantlongtemps.Qu’est-ce que la « campagne» ?Le sheikh qui n’est pas uni àDieu,

maisquis’adonneauconformismeetàladiscussion.Encomparaisondelaville,quiestlaRaisonuniverselle,nossenssont

pareilsàdesânestournantdansunmoulin,lesyeuxbandés.Laisse là le sens secret et considère la forme extérieure de l’histoire,

laisselesgrainsdeperlesetprendslesgrainsdeblé.Si tu nepeux atteindre la perle, prends le blé ; si tu n’as pas devoie

danscettedirection-là,continuedanscettedirection-ci.Saisissaformeextérieure.Bienquelaformeextérieurevoledetravers,

àlafinelleteconduiraverslesensintérieur.En vérité, la première phase de chaque être humain est la forme ;

ensuitevientl’esprit,quiestlabeautédelanature.Comment la première phase de chaque fruit serait-elle autre que la

forme?Ensuite,vientlegoûtdélicieuxquiestsonvéritablesens.Toutd’abord,onfabriqueoul’onachèteunetente,ensuiteonamènele

Turc,lebien-aimé,eninvité.530 Considèrequelaformeestlatente,ettavéritableessencele

Turc;considèretonessencecommelenavigateur,ettaformecommelenavire.Pour l’amour de Dieu, laisse ceci pour un instant, afin que l’âne du

hodjâpuissefairesonnersaclochette.

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Commentlehodjâetsafamillepartirentpourlacampagne

ehodjâet sesenfantspréparèrent leursbagages,etgalopèrent surleursbêtesendirectiondelacampagne.Ilschevauchaientgaiementenchantant:«Voyagez,afíndegagnerdu

profit.»Car c’est en voyageant que la lune devient pareille àKayKhosraw*.

Commentdeviendrait-elleunempereur(khusraw)sansvoyager?…Parlevoyage,lepiondevientunenoblereine,etparlevoyageJoseph

obtientcentobjetsdesesdésirs.Le jour, ils brûlaient leurs visages au soleil, la nuit, ils se guidaient

d’aprèslesétoiles;Lamauvaise route leursemblaitbonne, leur joied’êtreà lacampagne

leurfaisaittrouverlarouteunParadis.Delapartdeceuxquiontleslèvresdouces,l’amertumedevientsuave;

delaroseraie,mêmelesépinessontexquises.La coloquinte devient des dattes, lorsqu’elle vient du bien-aimé ; la

maisonesttransforméeenvastesprairiesparceluiquil’habiteavecvous.540 Oh,ilyabiendesgensquisupportentdespeinesdelapartdesbeautés

dansl’espoird’obtenirunebien-aiméeaussiravissantequ’unefleur.Oh,maintporteuraledosdéchirédeblessuresparamourpourlabeauté

àlaquelleiladonnésoncœur.Leforgeronanoircisafigureafínque,lanuitvenue,ilpuissebaiserle

visagepareilàlalunedesonaimée.Le marchand reste assis sur un banc jusqu’à la nuit tombée, parce

qu’unefemmeélancéecommeuncyprèss’estenracinéedanssoncœur.Unnégociantvoyagepar terreetparmer : il sehâtepour l’amourde

cellequiresteàlamaison.Quiconqueéprouveunepassionpourcequiestmort,c’estdansl’espoir

d’obtenircequiaunvisagevivant.Le charpentier consacre son attention au bois, dans l’espoir de servir

unebeauté.Quantàtoi,faisdeseffortsdansl’espoirduVivantquinedevientpas

privédevieaprèsunjouroudeux!Ne choisis pas, par mesquinerie, une personne mesquine pour ami :

cetteamitiéenluiestempruntée.

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Si tesamis,autresqueDieu,possèdent lapermanence,qu’enest-ildetonamitiéavectespèreetmère?

550 Siquelqu’und’autrequeDieuestdignedeconfiance,qu’estdevenuetonamitiépourtanourriceettonéducateur?Ton affection pour le lait et le sein n’a pas duré, ta timidité pour te

rendreàl’écolen’apasduré.Cette amitié était un rayonnement projeté sur leur mur : ce signe du

SoleilestretournéversleSoleil.Quelle que soit la chose sur laquelle peut tomber ce rayonnement, tu

deviensamoureuxdecetobjet.Quellequesoitlachoseexistanteàlaquelleestattachétonamour,cette

choseestdoréepardesqualitésdivines.Quand la dorure est retournée à sa source originelle, et que seul le

cuivrereste,tanatureestrassasiéeetlarejette.Laissedecôtécequiestdorépardesqualitésapparentes,n’appellepas,

parignorance,splendidelevilalliage.Car, dans lamonnaie fausse, la beauté est empruntée : sous l’éclat se

trouvelasubstancesanséclat.L’orvadelafacedelapiècefaussedanslamined’oùilestvenu:toi

aussi,dirige-toiverslamineoùilva.Lalumièrevadumur jusqu’ausoleil :va, toi,àceSoleilquisemeut

toujoursharmonieusement.560 Désormais,prendsl’eauquidescendduCiel,puisquetun’aspastrouvé

defiabilitédansl’aqueduc.Le leurre pour attraper le loup est la queue dumouton, non l’endroit

d’oùelleprovient:commentceloupféroceconnaîtrait-illelieud’oùellevient?Ils (lehodjâetsafamille)s’imaginaientquede l’orétaitpréparépour

eux,etdansleurillusionilssehâtaientverslacampagne.Aussichevauchaient-ils,riant,dansant,caracolantverslasource.Chaquefoisqu’ilsapercevaientunoiseauvolantverslacampagne,leur

patiencesedéchiraitlesvêtements.Et ils embrassaient joyeusement le visage de quiconque venait de la

campagne,duvoisinage(duvillageois),Disant :«Vousavezvulevisagedenotreami,aussipourl’âmevous

êtesl’âme,etpournouscommelaprunelledesyeux.»

*Sultanseldjoukide.

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CommentMadjnûncaressalechienquivivaitdanslademeuredeLeylâ

ls se conduisaient comme Madjnûn, caressant un chien,l’embrassantetfondantdetendressedevantlui.Il tournait autour de lui, se penchant humblement dans ses

circumambulations;illuidonnaitaussidupursiropdejulep.Un bavard oisif lui dit : « O stupide Madjnûn, qu’est-ce que cette

hypocrisiequetumanifestestoujours?570 «Lemuseauduchienmangeconstammentdesordures;lechiengratte

sonderrièreavecseslèvres.»Il parla pendant longtemps des défauts du chien : nul de ceux qui

perçoiventdesfautes(‘aybadan)n’alamoindreidéedeceluiquiconnaîtleschosesinvisibles(ghaybdan).Madjnûn dit : « Tu es tout entier une forme et un corps : entre, et

regardelechienavecmesyeux;«CarcechienestuntalismanscelléparlamainduSeigneur:cechien

estlegardiendelademeuredeLeylâ.«Considère sahauteaspiration, soncœur, sonâme, saconnaissance ;

oùilachoisidevivreetfaitsademeure.«C’estlechienàl’apparencebénie,celuidemaCaverne23envérité,il

partagemapeineetmadouleur.«Lechienquirestedanslademeure(deLeylâ)commentdonnerais-je

unseuldesespoilsauxlions?«Oh,puisquepourseschiensleslionssontdesesclavessoumis,iln’est

paspossibledeparlerdavantage.Silence,etadieu!»Sivouspassezau-delàdelaforme,ômesamis,c’estleParadisetdes

roseraiesàl’intérieurderoseraies.Quand tu as brisé et détruit ta propre forme, tu as appris à briser la

formedetoutechose.580 Aprèscela,tubriseraschaqueforme:commeHaydar(‘Alî)tu

arracheraslaportedeKhaybar*.Ce simple hodjâ était trompé par la forme, car il s’en allait à la

campagneàcausedevainesparoles.Il se rendait joyeusement vers le piège de cette flatterie comme un

oiseauversleleurredelacalamité.L’oiseauconsidèreleleurrecommeunemarquedebienveillancedela

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partdel’oiseleur,alorsquecedontémoigned’uneextrêmecupiditéetnondegénérosité;Aussi,pardésirduleurre,lespetitsoiseauxvolentgaiementverscette

tromperie.Sijeteracontetoutelajoieduhodjâ,jecrains,ôvoyageur,detemettre

enretard,J’abrégeraidonc.Quandunvillageapparut à lavue, cen’étaitpas en

réalitécevillage(qu’ilscherchaient),ilschoisirentdoncuneautreroute.Durant environunmois, ils coururent devillage envillage, car ils ne

connaissaientpasbienlecheminmenantauvillage(dupaysan).Siquiconques’aventuresur lavoiesansunguide,unvoyagededeux

joursdurecentannées.Quiconque se hâte vers la Ka’ba sans guide devient méprisable à

l’instardeceshommeségarés.590 Quiconqueadopteunmétiersansavoirunmaîtredevientlariséedela

villeetdelacampagne.Saufs’ils’agitd’uncasextraordinaire,entrel’Orientet l’Occident,un

descendantd’Adamnaît-ilsansparents?Celuiquiacquiertlarichesse,c’estceluiquigagnequelquechose;ilest

extraordinairequel’ontrouveparhasarduntrésor.Où est unMustafâ, dont le corps est esprit, afin d’être celui à qui le

MiséricordieuxenseignaleQor’ân24?Pourtousceuxquisontattachésaucorps,Dieu,dansl’abondancedesa

générosité,aproclamé:«IlaenseignéparlaPlume25.»Ômonfils,toutêtrecupideestprivé(degrâces):necourspascomme

lecupide,vapluslentement.Durantcevoyage,ils(lehodjâetsafamille)endurèrentdessouffrances

etdelapeinecommeunoiseauterrestredansl’eaufroide.Ils devinrent las du village et de la campagne, et des expressions

mielleusesdecepaysanmaldégrossi.

*Forteresseconquisepar‘Alî,gendreduProphète.

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Commentlehodjâetsafamillearrivèrentauvillageetcommentlepaysanfitsemblantdenepasles

voirnilesreconnaître

orsque,aprèsunmois,ilsarrivèrentdanscetterégion,eux-mêmessansprovisionsetleursbêtessansfourrage,Voyez comment le campagnard, parmauvaise intention, leur fit subir

encoredesmalheurs,petitsetgrands,600 Etgardasonvisagecachéàleursyeuxpendantlejour,depeurqu’ils

ouvrentlaboucheverslesfruitsdesonverger.Ilvautmieuxqu’untelvisagefaitd’hypocrisieetdemalicesoitcaché

auxmusulmans.Il y a des visages sur lesquels les démons sont installés comme des

moucherons,commes’ilsétaientdesgardiens.Quandvouscontemplezuntelvisage,lesdémonstombentsurvous;ne

contemplezpascevisage,oubien,quandvousl’avezvu,neriezpas.Ausujetd’untelvisagepervers,pécheur,Dieuadit:«Envérité,nous

letireronsparlamèchedesescheveux26.»Lorsqu’ils(lecitadinetsafamille)sefurentinforméseteurenttrouvéla

maison(ducampagnard),ilsseprécipitèrentàsaportecommedesgensdelafamille;Les habitants de la maison verrouillèrent la porte. Devant une telle

méchanceté,lehodjâdevintfoudecolère.Maisenvérité,cen’étaitpaslemomentdesemontrerfâché;quandon

esttombédanslafosse,àquoisertlarage?Ilsrestèrentpendantcinqjoursàsaporte,lanuitaufroid,lejourdansla

fournaisedusoleil.S’ilsydemeuraient,cen’étaitpasqu’ilsfussentinsouciantsoustupides

commedesânes;non,c’étaitparnécessité,etparcequ’ilsn’avaientpasunâne.

610 Parnécessité,lesbonssontattachésàceuxquisontvils.Affamé,lelionmangeunecarcassepourrie.Lecitadinvoyait lecampagnard,et lesaluait,disant :«JesuisUntel,

voicimonnom.»«Cela sepeut, répondait-il.Comment saurais-jequi tu es, si tu esun

voyageurouunhonnêtehomme?»

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«Cemoment,dit-il,ressembleàlaRésurrection,puisqu’unfrèreenestvenuàs’enfuirloindesonfrère27.»Illuidonnaitdesexplications,disant:«Jesuisceluiàlatabledequitu

asmangébiendesplats.«Telet tel jour, j’aiachetépour toicettemarchandise :chaquesecret

quivaau-delàdesdeuxquilepartagentestrendupublicàtous.«Lesgensontapprislesecretdenotreamitié;quandlegosierareçu

desbienfaits,levisageprésentedessignesdedéférence.»Le campagnard lui répondait : « Pourquoi dis-tu des sottises ? Je ne

connaisnitoi,nitonnom,nitademeure.»Lacinquièmenuit,ilyeuttantdenuagesetdepluiequelecielseserait

àbondroitétonné.Quand le couteau toucha l’os *, le hodjâ frappa à la porte, criant :

«Appelezlemaître.»620 Lorsque,enréponseàcentdemandesinstantes,ilvintàlaporte,il

demanda:«Qu’ya-t-il,moncher?»Le hodjâ répondit : « Je renonce à mes prétentions (à ta

reconnaissance),jerenonceàcequejem’imaginais.« J’ai subi cinq années de souffrance, pendant cinq jours, ma

malheureuseâmeaétédanscettechaleuretcefeu.»Uneseuleinjusticedelapartdesproches,desamisetdelafamilleest

aussicruellequetroiscentmille,Caronnes’attendaitpasàlacruautéetàl’injusticedelapartd’unami,

l’âmeétaitaccoutuméeàsabontéetàsafidélité.Toutcequiconstitueun troubleetunchagrinamerpour leshommes,

soissûrquecelaprovientdecequec’estcontraireàl’habitude.Le citadin ajouta : «Ô toi, dont le soleil de l’amour décline, si tu as

versémonsang,jet’entiensquitte.«Encettenuitdepluie,donne-nousunrecoin,afinqu’àlaRésurrection

tupuissesobtenirunerécompense.»«Ilyaunréduit,répondit-il,appartenantaugardienduvignoble,ils’y

tientpourguetterleloup.«Arcetflècheàlamain,àcauseduloup,afindepouvoirtirersileloup

férocearrivait.630 «Situveuxeffectuercettetâche,l’endroitestàtoi,sinonaie

l’obligeancedechercherunautrelieu.»Lehodjârépondit:«Jerendraicentservices,donne-moicetteplace,et

metscetarcetcetteflèchedansmamain.

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«Jenedormiraipas,jesurveillerailesvignes,silelouplèvelatête,jetirerailaflèchesurlui.«Pourl’amourdeDieu,nemelaissepascesoir,ôtraître,aveclapluie

au-dessusdemoietlaboueau-dessous.»Unréduitfutdéblayé,etsafamilleetluis’yréfugièrent;c’étaitunlieu

étroit,etsansplacepoursetourner.Grimpéslesunssurlesautres,commedessauterellesdansuncoindela

caverneparterreurdel’inondation,Pendantlanuit,lanuitentière,ilss’écriaient:«ÔDieu,c’estbienfait

pournous,bienfaitpournous,bienfaitpournous.»C’est là cequemérite celui qui s’est associé avecdesgensvils, ou a

témoignédelabienveillanceàceuxquin’ensontpasdignes.C’est là ce que mérite celui qui, par vain désir, cesse de rendre

hommageàlapoussièredesnobles.Baiser la poussière et lemur de ceux qui sont purs vautmieux pour

vousquelesgensvulgaires,leursvignesetleursroseraies.640 Devenirl’esclaved’unhommeaucœurilluminévautmieuxpourvous

quedemarchersurlacouronnedelatêtedesrois.Desroisdelaterre,tun’obtiendrasquelesond’untambour,ôtoiqui

parcoursleschemins.Les citadinsmême sont des brigands en comparaison de l’Esprit.Qui

estlecampagnard?L’imbéciledépourvudedonsspirituels.C’estlàcequemériteceluiqui,lorsquelecrid’unegouleluiparvient,

defaçondéraisonnablechoisitd’allerverselle.Quandlerepentiraremplilecœur,ilestinutileensuitedereconnaître

(safaute).L’arcetlaflècheàlamain,lehodjâcherchatoutelanuitleloup,çàet

là.En réalité, le loup s’était emparé de son esprit, comme du feu : il

cherchaitleloupàl’extérieuretétaitinconscientduloup(enlui-même).Chaquemouche,chaquepuceétaitdevenueunloupetleuravaitinfligé

uneblessuredanscetteruine.Ilsn’avaientmêmepaslapossibilitédechassercesmouches,àcausede

leurcraintedeceloupinsolent.De peur que le loup n’inflige quelque dommage, et alors le paysan

arracheraitlabarbeduhodjâ.650 Delasorte,ilsrestèrentàgrincerdesdentsjusqu’àminuit,leurâme

remontaitdeleurombilicjusqu’àleurslèvres.Tout à coup, la silhouette d’un loup solitaire apparut au sommet d’un

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monticule.Lehodjâ lâchaune flèchehorsdesonencocheet tirasur l’animal,de

sortequ’iltombasurlesol.Dans sa chute, un vent échappa à l’animal : le paysan poussa un

gémissementetbattitdesmains,Criant : «Ômisérable, c’estmonânon.»—«Non, répondit l’autre,

c’estcelouppareilàAhriman*.« Les caractéristiques du loup sontmanifestes en lui : son apparence

prouvequ’ilestunloup.»«Non, dit (le paysan). Je reconnais le vent qui s’est échappé de son

postérieuraussibienquejereconnaisl’eauduvin.«Tuastuémonânondanslepré.Puisses-tun’êtrejamaisdélivrédela

peine!»« Informe-toi mieux, répondit-il. Il fait nuit, et, la nuit, les objets

matérielssontvoilésauspectateur.«Lanuitfaitapparaîtremaintobjetdetraversetchangé,toutlemonde

nepeutvoircorrectementpendantlanuit.660 «Orilya,lanuit,desnuages,unepluieabondante;cestroisobscurités

produisentunegrandeterreur.»Ilrépondit:«Pourmoi,c’estaussiclairquelejour:jelesais,c’estun

ventdemonânon.«Entre vingt vents, je reconnais ce vent, comme le voyageur connaît

sesprovisionsderoute.»Lehodjâbonditsursespiedset,perdantpatience,ilsaisitlepaysanpar

lecol,S’écriant:«Ôimbécile,ôcoupe-lacet,tuasfaitpreuved’hypocrisie,tu

asmangéduhaschichetdel’opium.« Au milieu de trois obscurités, tu reconnais le vent de ton âne :

commentnemereconnais-tupas,ôécervelé?«Celuiquireconnaîtunânonàminuit,commentnereconnaîtrait-ilpas

unamidedixannées?»Tufaissemblantd’êtreunmystiqueenivré,tujettesdelapoussièreaux

yeuxdelagénérosité,Disant:«Jen’aimêmepasconsciencedemoi-même,dansmoncœur,

iln’yaplacepourriend’autrequeDieu.«Jenemesouvienspasdecequej’aimangéhier,moncœurnetrouve

sajoiequedansl’émerveillement.670 «Jesuissaind’esprit,etfoudeDieu:rappelez-vouscela,etpuisqueje

suishorsdemoi,excusez-moi…

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«Celuiquiaabsorbéunalimentinterdit,parexemplequiboitduvindepalme,laLoireligieusepeutlecompterparmiceuxquisontexcusés:«L’ivrogneetceluiquiprendduhaschichn’ontpasledroitaudivorce

ou au commerce : ils sont pareils à des enfants ; ils sont excusés etconsidéréscommeirresponsables.« L’ivresse que fait naître le parfum du Roi unique— une centaine

d’amphoresdevinn’ont jamaisproduitcette ivresse-làdans la têteet lecerveau.«Aceluiquiestivre(del’amourdeDieu),commentalorsl’obligation

d’observer laLoi serait-elle applicable ?Le cheval est tombéet nepeutplusbouger.«Qui, en cemonde,mettrait une charge sur le dos d’un ânon ? Qui

donneraitdesleçonsdepersanàBûMurra*?«Quandonsemetàboiter,lefardeauvousestretiré:Dieuadit:“Il

n’yaaucunefauteàreprocheràl’aveugle28.”«Jesuisdevenuaveugleencequimeconcerne,voyantparlagrâcede

Dieu:aussi,jesuislibérédespetitesobligationscommedesgrandes.»Tutevantesdetonétatdedervicheetdetondétachement,poussantles

crisplaintifsdeceuxquisontenivrésdeDieu,Disant :« Jenedistinguepas la terreduciel.»La jalousiedivine t’a

misàl’épreuve,t’amisàl’épreuve.680 Ainsi,leventdetonânont’afaithonte;ainsiilamontrélafaussetéde

tadénégation.De cette façon,Dieu dévoile l’hypocrisie, de cette façon II attrape la

proiequis’estenfuie.Ilyadescentainesdemilliersd’épreuves,ômonpère,pourquiconque

dit:«JesuislecapitainedelaPorte.»Silevulgaireneleconnaîtpasenlemettantàl’épreuve,cependantles

adeptesdelaVoieexigerontdeluiunsigne.Lorsqu’unpauvrediableprétendêtreuntailleur,leroijetteunmorceau

desatinenfacedelui,En disant : « Coupe ceci en un large vêtement (baghaltaq) » ; cette

épreuvecauserasahonte.S’il n’y avait pas unemise à l’épreuvede chaquepersonnedépravée,

chaqueefféminéseraitunRostamdanslamêlée.Asupposermêmeque l’efféminéporteunecottedemailles,dèsqu’il

ressentuncoup,ildevientuncaptif.CommentceluiquiestenivréparDieuserait-ilrenduàlaraisonparle

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souffleduventd’ouest?L’hommeenivréparDieunereviendrapasàlui-mêmeausondelatrompette(delaRésurrection).Le vin deDieu est vrai, et non faux ; tu as bu du dour, du dour, du

dour**!690 Tut’esmontrécommeunDjunaydouunBâyazîd,disant:«Partez,car

jenedistinguepasunehached’uneclé.»Comment,parhypocrisie,ô imposteur, cacheras-tu laperversionde ta

nature,laparesse,lacupidité,etlaconcupiscence?Tu te prétends unMansûr al-Hallâdj, et ainsi tu causes du tort à tes

amis,Disant:«Jenedistinguepas’OmardeBûLahab*,maisjereconnaisle

ventdemonânonàminuit.»Oh, quel est l’ânequi croirait cela d’un âne tel que toi, et se rendrait

aveugleetsourdàcausedetoi!Ne te considère pas comme un voyageur sur la Voie ; tu es le

compagnondeceuxquiinsultentlaVoie:nedispasdesottises.Enfuis-toiloindel’hypocrisie,hâte-toiverslaRaison:commentl’aile

duphénoménalprendrait-ellesonessorversleCiel?Tuasfeintd’êtreunamoureuxdeDieu,maisenréalitétuasjouéaujeu

del’amouravecundiablenoir.Lors de la Résurrection, amant et aimé seront attachés en couples et

amenésaussitôtpourêtrejugés.Pourquoi t’es-tumontré fou et insensé ?Où est le sang du raisin** ?

C’estnotresangquetuasbu,700 Disant:«Va-t’en,jeneteconnaispas:écarte-toidemoi.Jesuisun

mystiquehorsdelui-mêmeetleBuhlul***duvillage.»Tuasconçuuneopinionfaussequantà taproximitédeDieu,pensant

queceluiquifabriqueleplateaun’estpasloinduplateau;Ettun’aspasvuceci:quelaproximitédessaintsavecDieucomporte

centmiraclesetfastesetpouvoirs.ParDavid,leferestrendumoucommedelacire;danstamain,lacire

estdurecommelefer.LaproximitéavecDieu,encequiconcernelefaitdenouscréeretde

nous préserver, est commune à tous, mais seuls les nobles (spirituels)possèdentlaproximitéconsistantenl’inspirationdel’amour.Laproximitéestdediversessortes,ômonpère:lesoleilrayonneàla

foissurlesmontagnesetsurl’or;Mais entre le soleil et l’or existe une affinité dont le saule n’a pas

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connaissance.Lerameausec,commelerameauvert,sontprochesdusoleil:comment

lesoleilserait-ilvoiléparl’unouparl’autre?Mais quelle n’est pas la proximité du rameau plein de sève dont tu

mangeslesfruitsmûrs?Desaproximitédusoleil,quepeutobtenirlerameausec,sinond’être

desséchéplustôt!710 Ôhommedénuédesagesse,nesoispasundeceshommesivresqui

ressententdesregretsquandilsrecouvrentleursesprits.Non, sois l’un de ces hommes ivres à propos desquels, tandis qu’ils

boivent le vin (de l’Amour divin), les intellects mûrs éprouvent desregrets.Ôtoiqui,commeunchat,n’asattrapériend’autrequ’unevieillesouris,

situesrenduvaillantparcevin(del’Amour),attrapeleLion!Ô toi qui as bu à la coupe imaginaire duRien, ne titube pas, comme

ceuxquisontenivrésparlesréalités(divines).Tu tombesde ce côté et de l’autre, comme les ivrognes : ô toi qui te

trouvesdececôté,iln’estpasdepassagepourtoidel’autrecôté.Si tu trouves lecheminverscecôté-là,désormaishoche la tête tantôt

verscecôté,tantôtverscelui-là!Tuestoutentierdececôté-ci,doncnetevantepasvainementausujet

dececôté-là:puisquetun’espasmortn’agonisepasenvain.Celuiquial’âmedeKhadir29,celuiquin’apaspeurdelamort—s’il

neconnaîtpaslemondecréé,celaestbien.Tu adoucis ton palais avec la saveur des fausses imaginations : tu

soufflesdanslesacdel’égoïtéetleremplis;Puis, avecunepiqûred’aiguille, tuesvidédevent—puisse lecorps

d’aucunhommeintelligentn’êtregonflédelasorte!720 Tufaisenhiverdesobjetsenneige:quandilsvoientl’eau,commenty

résisteraient-ils?

*Ausummumdesadétresse.*Puissancedumaldansledualismezoroastrien.*AbûMurra,surnomd’Iblîs.**Boissonfaited’eauetdeyaourt.*’Omar,deuxièmekhalifedel’islam;BûLahab,ennemijuréduProphète.*Expressionpersanedésignantlevin.***Saintcélèbre,madjdhûb(ivredeDieu).

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Commentlechacaltombadanslacuveduteinturieretfutteintdeplusieurscouleursetprétendit

parmileschacalsqu’ilétaitunpaon

ncertainchacalentradansunecuvedeteinturier,etyrestaquelquetemps.Puisilseleva,sapeauétantdevenuebigarrée,disant:«JesuislePaon

duSeptièmeciel.»Safourrurecoloréeavaitgagnéunéclatcharmant,etlesoleilbrillaitsur

cescouleurs.Ilsevitvertet rougeetrouxet jaune,aussiseprésenta-t-ildevant les

chacals.Ilsluidirenttous:«Ôpetitchacal,qu’est-cequit’arrive,quetuaiesen

têtetantdejoie?«Acausedecette joie, tu t’esdétournédenous :d’oùas-tu tirécette

arrogance?»L’undeschacalsvintversluietdit:«ÔUntel,as-tuagiperfidementou

es-tudevenul’undeceuxdontlescœursseréjouissentenDieu?«Tuasagidemanièretrompeuseafindepouvoirsauterenchaireetpar

tondiscoursoiseuxdonnerduregretàcesgens.« Tu as beaucoup lutté, mais tu n’as senti aucune ferveur : c’est

pourquoituas,parfraude,manifestétonimpudence.»730 Laferveurappartientauxsaintsetauxprophètes;enrevanche,

l’impudenceestlerefugedesimposteurs;Car ils attirent l’attention des gens vers eux-mêmes, disant : « Nous

sommes heureux (avec Dieu) », bien qu’ils soient extrêmementmalheureux.

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Commentunvantardsegraissaitleslèvresetlamoustachechaquematin

aveclapeaudelaqueued’unmoutongrasetallaitaumilieudesescompagnons,disant:«J’aimangételleoutelleviande.»

ne personne qui était tenue en piètre estime avait coutume degraissersamoustachechaquematinEtdeserendreparmilesriches,disant :«J’aimangédelanourriture

biengrasseàlaréception.»Ilposaitgaiementsamainsursamoustache,commeunsignevoulant

dire:«Regardezmamoustache!«Carc’estletémoindelavéritédemesparoles,etcecimontrequej’ai

mangédesalimentsgrasetdélicieux.»Son estomac disait en réponse silencieuse : « Que Dieu détruise les

intriguesdesmenteurs!« Ta vantardise m’a enflammé : puisse ta grasse moustache être

arrachée!« Si ce n’avait été ta vile vantardise, ô mendiant, quelque homme

généreuxauraiteupitiédemoi.« Et si tu avais montré de la peine et n’avais pas menti, quelque

médecinauraitpréparéunremèdepourcela.»740 Dieuadit:«N’agispasavecfausseté:lasincéritédesjustesleursera

profitable30.»Ne recurvatus in antro dormiveris, o tu qui passus es nocturnam

pollutionem;révèlecequetuaset«soisdroit31.»,Ou,situn’avouespastafaute,aumoinsabstiens-toidubavardage:ne

tetuepasparl’ostentationetl’imposture.Situastrouvédel’or,gardelesilence:ilyadespierresdetouchesur

laVoie,Et pour les pierres de touche aussi, il existe des mises à l’épreuve

concernantleurspropresétats.Dieu a dit : «De la naissance jusqu’à lamort, ils sont tentés chaque

annéeunefoisoudeux32.»Ilyaépreuvesurépreuve,ômonpère;prendsgarde,netecontentepas

delapluspetiteépreuve.

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CommentBal’am,lefilsdeBa’ur,sesentaitensécurité,parcequele

Seigneurl’avaitsoumisàdesépreuvesetqu’ils’enétaitsorti

honorablement

a’lam,lefilsdeBa’ur,etlemauditIblîsfurentdéshonoréslorsdelamiseàl’épreuveultime.Lui(l’hypocritevantard),àcausedesaprétention,désirequ’onlecroie

riche,maissonestomacsemoquedelui,Criant:«Montrecequetucaches!Ilm’abrûlé!ÔDieu,démasque-

le!»750 Touslesmembresdesoncorpssontsesadversaires,cariljasesurle

printempsalorsqu’ilssetrouventendécembre.Les paroles oiseuses découragent les actes de bonté et arrachent le

rameaudelapitiédutroncdel’arbre.Témoigne de l’honnêteté, ou bien sois silencieux, et ensuite tu

contempleraslapitiéettuenbénéficieras.Cetestomacdevintsonennemieteutsecrètementrecoursàlaprière,Criant :«ÔDieu,démasquecettevainevantardisedesgensvils,afin

quelapitiédesgensnoblespuissesedirigerversmoi.»Laprièredel’estomacfutexaucée:l’ardeurdubesoinsemanifesta.Dieuadit :«Mêmesi tuesundébauchéetun idolâtre, Je répondrai

quandtuM’appelleras.»Attache-toi fermementà laprièreet crie (versDieu) : à la fin, cela te

délivreradesmainsdelagoule.Quandl’estomacs’enremitàDieu,lechatarrivaetemportalapeaude

cettequeuedemouton.Oncourutaprèslechat,maisils’enfuit.L’enfantdufanfaron,depeur

d’êtregrondéparlui,pâlit.760 Lepetitenfantarrivaauseindelacompagnieetdétruisitleprestigedu

vantard.Ildit:«Laqueuedumoutonaveclaquellechaquematintugraissaistes

lèvresettamoustache,«lechatestarrivéetl’atoutàcoupattrapée:j’aicourudetoutesmes

forces,maisceteffortn’aserviàrien.»Ceux qui étaient présents rirent d’étonnement, et leurs sentiments de

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pitiéfurentmusànouveau.Ils l’invitèrent àmanger et lemaintinrent bien nourri, ils semèrent la

grainedelapitiédanssonsol.Lorsqu’ileutgoûtél’honnêtetédelapartdesgensnobles,ildevint,sans

arrogance,consacréàl’honnêteté.

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Commentlechacalquiétaittombédanslacuveduteinturierprétendit

qu’ilétaitunpaon

echacalbigarrévintensecrettapersurlelobedel’oreilledeceluiquilecritiquait.«Jeteprie,regarde-moietregardemacouleur:envérité,l’idolâtrene

possèdeaucuneidolesemblableàmoi.«Commelaroseraie,jesuisdevenudeplusieurscouleursetravissant:

salue-moi,etnetedétournepasdemoi.«Contemplemagloire,masplendeur,monéclat,monrayonnement,ma

couleur!Appelle-moilaFiertéduMondeetlePilierdelaReligion!770 «JesuisdevenulelieudemanifestationdelaGrâcedivine,jesuis

devenulatablettesurlaquellesedéploielaMajestédivine.« Ô chacals, prenez garde ; ne m’appelez pas chacal : comment un

chacalposséderait-ilunetellebeauté?»Ces chacals vinrent en masse, comme des phalènes autour de la

chandelle.« Dis-nous donc comment nous devons t’appeler, ô créature

précieuse?»Ilrépondit:«Unpaon,brillantcommeJupiter.»Alors ils lui dirent : « Les paons spirituels se déploient dans la

Roseraie:«Tedéploies-tucommecela?»«Non,dit-il;n’étantpasallédansle

désert,commentpourrais-jeparcourirlavalléedeMina?»«Pousses-tulecridespaons?»«Non»,dit-il.«Alors,maîtreBu’l-Ala,tun’espasunpaon.»«L’habitd’honneurdupaonvientduCiel:commentyparviendrais-tu

aumoyendecouleursetdeprétention?»

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ComparaisondePharaon,etdesaprétentionàladivinité,avecle

chacalquiprétendaitêtreunpaon

uessemblableàPharaon,quiornaitsabarbedepierreriesetdanssafoliestupides’élevaitplushautqueJésus.Luiaussiétaitnédelagénérationd’unefemęllechacal,ettombadans

unecuvederichessesetdepouvoir.780 Tousceuxquicontemplaientsapuissanceetsesrichessesse

prosternaientenadorationdevantlui:ilsedélectaitdel’adorationdesvainsflagorneurs.Ce mendiant en habit rapiécé devint misérablement enivré par

l’adorationetlessentimentsdestupeurdupeuple.Lesrichessessontunserpent,carils’ytrouvedespoisons;etlafaveur

etl’adorationpopulairessontundragon.Ah,ne faispasmontred’unevertu (empruntée), ôPharaon : tu esun

chacal;neteconduisenaucunemanièrecommeunpaon.Situapparaisdansladirectiondespaons,tuesincapabledetedéployer

ettuserascouvertdehonte.MoïseetAaronétaientcommedespaons:ilsontfrappédeleursailes

déployéestonvisageettatête.Tavilenieettahontefurentmanifestées,tutombasdetahauteurlatête

lapremière.Quand tu vis la pierre de touche, tu devins noir commeune pièce de

monnaiefausse:l’imageduliondisparut,etlechienfutrévélé.Ôvilchiengaleux,parcupiditéetinsolence,neterevêtspasdelapeau

dulion.Le rugissement du lion exigera de toi la preuve (de ta sincérité).

L’aspectd’unlion,etensuitelesdispositionsdeschiens!

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Explication(delaParole):«Tulesreconnaîtraisàlafausseté

deleursparoles33.»

790 ieuditauProphètedansleQor’ân:«Unsignedel’hypocriteestplusfacile(àpercevoir):«Même si l’hypocrite est grand, beau et terrible, tu le reconnaîtras à

causedesonénonciationetdesesparolesperverses.»Quandtuachètesdespotsdeterrecuite,tufaisunessai,ôacheteur.Tudonnesaupotunetapeavectamain:pourquoi?Afindedécelerpar

làceluiquiestfêlé.Lesondeceluiquiestfêléestdifférent;lavoixestunchawush*qui

marcheenavant.La voix a pour but de le faire connaître : elle le distingue comme le

verbedéterminelaformedumasdar**.Quand le sujet de lamise à l’épreuvedivine seprésenta, l’histoirede

Hârûtmerevintaussitôtenmémoire.

*Guidedecaravanes,héraut.**Nomverbal.

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HistoiredeHârûtetMârûtetleurtéméritédevantlamiseàl’épreuve

deDieuleTrès-Haut

uparavant,nousenavionsunpeuparlé:quepouvons-nousdire,envérité?Seulementunechoseparmidesmilliers.Je souhaitais traiter des vérités spirituelles qui y sont contenues,mais

ellesontétélaisséesdecôtéenraisond’empêchements.Aprésent,unpeuenseradit—telleladescriptiond’unseulmembrede

l’éléphant*.800 Écoutel’histoiredeHârûtetMârût,ôtoi**dontnoussommesdes

esclavesetserviteurs.HârûtetMârûtétaientenivrésparlavuedeDieuetparlesmerveilles

del’itinérairegraduelversDieu.Une telle ivressenaîtdecetteavancededegréendegréversDieu,de

sortequetupuissessavoirquellesivressessontproduitesparl’ascensionversDieu.L’appât dans Son piège a produit une telle ivresse : que peut donc

révélerlatabledeSagénérosité!Ils étaient ivres et sans entraves ; ils poussaient des cris d’extase à la

manièredesamoureux;Maissurleurrouteilyavaituneembuscadeetuneépreuve:sonvent

puissantbalaieraitlamontagnecommedelapaille.Il(Dieu)lesexaminaitdehautenbas,maiscommentceluiquiestivre

pourrait-ilêtreconscientdeceschoses?Pourlui,l’abîmeetlaplainenesontqu’un,pourluiledonjonetlafosse

sontunsentierplaisantàtraverser.Leboucdesmontagnesgrimpeenhautde cettehautemontagnepour

trouverunenourriturequiluiconvienne.Tandis qu’il paît, soudain il lui arrive unemésaventure par l’ordre du

ciel.810 IIjettelesyeuxsuruneautremontagne:surcetteautremontagne,il

voitunechevrette.Aussitôt, sa vue s’obscurcit : il bondit follement de ce sommet à cet

autre.Pourlui,celasembleaussiprochequedecourirautourdubassind’une

maison.

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Ces milliers d’aunes lui apparaissent comme deux aunes, afin qu’enraisondesonfolengouementledésirdesauterpuisseluiadvenir.Dèsqu’ilsaute,iltombeentrelesdeuxmontagnesimpitoyables.Ils’étaitenfuiverslamontagnepouréchapperauxchasseurs:c’estson

refugemêmequicausasamort.Leschasseurssontassisentre lesdeuxmontagnesdans l’attentedece

terribledécret.La capture de ce bouc est, la plupart du temps, effectuée de cette

manière ;autrement (ceseraitdifficile)car il estagile, lesteetpromptàvoirl’ennemi.Bien que Rostam soit un homme averti et expérimenté, le désir sera

certainementlepiègepourl’attraper.Détache-toi, comme moi, de l’ivresse du désir : regarde quelle est

l’ivressedudésirchezlechameau!820 Sache,enoutre,quecetteivressedudésirdanslemonded’ici-basest

considéréecommepeudechoseauprèsdel’ivressedesanges.L’ivressedel’angeréduitànéantl’ivressedel’êtrehumain:comment

l’angetémoignerait-ild’unpenchantaudésir?Jusqu’à ce que tu aies bu de l’eau douce, l’eau saumâtre est douce,

doucecommelalumièredesyeux.Maisuneseulegouttedesvinsduciel faitque l’âmeest ravie loindu

vinetdeséchansons(decemonde).Aussi,quellesivressesadviennent-ellesauxangesetauxespritspurifiés

parlagloiredivine,Quiontattachéleurscœursàcevinpourl’avoirsentiuneseulefois,et

quiontbrisél’amphoreduvind’ici-bas!Excepté,peut-être,ceuxquisontdansledésespoiretéloignésdeDieu,

commedesinfidèlescachésdansdestombes,Ceuxquiontperdu toutespoirdans lesdeuxmondesetont semédes

roncessansfin.C’est pourquoi ils (Hârût et Mârût), en raison de leurs sentiments

d’ivresse,disaient:«Hélas,nousvoudrionspleuvoirsurlaterre,commedesnuages,«Nous voudrions étendre sur ce lieu d’injustice (un tapis) de justice,

d’équité,dedévotionsetdefidélité.»830 Ainsidisaient-ils,etleDécretdivinleurdisait:«Arrêtez!Sousvospas

setrouvemaintabîmequevousnevoyezpas.»Prenezgarde!Nevousprécipitezpastémérairementdansledésertdela

peine!Prenezgarde,n’allezpasaveuglémentàKarbala*,

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Caràcausedescheveuxetdesosdeceuxquiontpéri, lesvoyageursn’arriventpasàpasser.La voie tout entière est couverte d’os, de cheveux et de tendons :

nombreusessontleschosesqueleglaivedelaVengeancearéduitesàrien.DieuaditqueSesserviteurssecourusparSonaidemarchentsurlaterre

tranquillementetdoucement.Commentunhommepiedsnusirait-ildansunbuissonderonces,sauf

ens’arrêtant,enréfléchissantetprudemment?Le Décret leur disait cela, mais leurs oreilles étaient bouchées par le

voiledeleurimpétuosité.Tous lesyeuxet lesoreillesontétéfermés,exceptépourceuxquiont

échappéàeux-mêmes.Qui, sauf laGrâce, ouvrira les yeux ?Qui, sauf l’Amour, apaisera le

Courrouxdivin?En vérité, puisse personne dans lemonde n’avoir une tâche sans que

Dieulefavorise!EtDieusaitmieuxcequiconvient.

*Cf.LivreIII,1260etsqq.**Husâm-od-Dîn.*Cf.notep.535.

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HistoiredurêvedePharaon,danslequelilvitlavenuedeMoïse(sur

luilapaix),etcommentilpensal’éviter

840 tantdonnéquel’actiondePharaonn’étaitpasbénieparDieu,toutcequ’ilcousaitsedéchirait.Il avait sous ses ordres un millier d’astrologues, ainsi qu’une foule

innombrabled’interprètesderêvesetdemagiciens.Ensonge lui apparut lavenuedeMoïse,quidétruiraitPharaonet son

royaume.Il dit aux interprètes et aux astrologues : «Comment ce rêve et cette

imagedemauvaisaugurepeuvent-ilsêtreévités?»Ils lui dirent tous : « Nous arrangerons quelque chose, nous

détournerons,commedesbrigands,sanaissance.»Ilsattendirentjusqu’àcequevîntlanuitdelaconceptiondeMoïse.Ces

gensdePharaonjugèrentsouhaitable,Debonneheurecematin-là,defaireapporterlebanquetetletrônedu

Roiaumaydân(arènepublique),Proclamant:«Bienvenue,ôvouslesIsraélites.LeRoivousmandeici,«Afinqu’ilpuissevousmontrersonvisagedévoiléetvoustémoigner

sabienveillanceenvuedelarécompense(divine).»Carpourcescaptifsiln’existaitquel’éloignement:lavueduPharaon

neleurétaitpaspermise.850 S’ilslerencontraientenchemin,laloilesobligeaitàsejeterfacecontre

terre.Laloiétaittelle:nulcaptif,àaucunmoment,nepouvaitapercevoirle

visagedecePrince,Etchaquefoisquesurlarouteilentendaitlescrisdeshérauts,ildevait

setournerfaceàunmur,afindenepasvoir;Ets’ilvoyaitlevisage(dePharaon),ilseraitcoupabled’uncrime,etle

pirechâtimentluiseraitappliqué.Ils (les Israélites) avaient un grand désir de voir ce personnage

inaccessible,étantdonnéquel’hommeestavidedecequiestdéfendu.

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CommentlesIsraélitesfurentconvoquésaumaydândanslebutd’empêcherqueMoïse(surluila

paix)fûtengendré

aptifs,rendez-vousaumaydân,carilyapourvousl’espoirdevoirleRoidesroisetdebénéficierdesagénérosité.»Quand les Israélites entendirent ces bonnes nouvelles, ils étaient

assoiffésetaffamésdecespectacle.Ils gobèrent la ruse et se hâtèrent dans cette direction, se préparant à

contemplercedévoilement.

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Anecdote

’étaitcommelorsque leruséMongoldit :«JechercheuncertainÉgyptien.«AmenezlesÉgyptiensdececôté-ci,afinqueceluiquiestrecherché

puisseêtreappréhendé.»860 Chaquefoisquequelqu’unvenait,ildisait:«Cen’estpascelui-ci:oh!

venezici,etasseyez-vousdanscecoin.»De cettemanière, ils furent tous rassemblés, et eux (lesMongols) les

décapitèrentgrâceàcetteruse.Acausedumauvaissort,dûaufaitqu’ilsrefusaientd’obéiràl’ordrede

Dieuconcernantl’appelàlaprière,L’invitationdu trompeur les leurra.Ôhomme juste, prendsgardeà la

perfidieduDémon!Écoutelecridupauvreetmisérable,depeurquetonoreilleneseprête

aucrid’unrusévaurien.Mêmesilesmendiants(derviches)sontcupidesetdépravés,cependant

cherchel’hommespirituelparmilesgloutons.Danslefonddelamersetrouventdesperlesmêléesauxcailloux:des

gloiressetrouventmêléesauxhontes.Les Israélites, alors, se mirent en branle, courant dès l’aube vers le

maydân.LorsquelePharaon,parruse,leseutamenésdansl’enceintedumaydân,

illeurmontrasonvisage,paraissanttrèsgai.Illeurtémoignadelabienveillanceetleuroffritdesprésents;cesultan

octroyaàlafoiscadeauxetpromesses.870 Aprèsquoi,illeurdit:«Poursauvegardervosvies,dormeztousdansle

maydân.cesoir.»Ils répondirent : «Nous t’obéirons, si tu le désires, nous resterons ici

pendantunmois.»

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CommentPharaonrevintdumaydânàlaville,contentd’avoir

séparélesIsraélitesdeleursépouseslanuitdelaconception(deMoïse)

la tombée de la nuit, Pharaon revint, se réjouissant et se disant :«Laconceptionestpourcesoir,etilssontloindeleursfemmes.»Imran, son trésorier, vint aussi à la ville pour le servir comme son

compagnon.Illuidit:«Imran,dorsdevantcetteporte.Prendsgarde,nevapaschez

tafemme,etnecherchepasàêtrecouchéavecelle.»Ilrépondit:«Jedormiraiàtaporte,jenepenseraiàriend’autrequ’àte

plaire.»Imran, lui aussi, était l’un des Israélites, mais il était pour Pharaon

commesoncœuretsonâme.CommentPharaonaurait-ilpupenserqu’ildésobéirait à sesordres, et

accompliraitcequiétaitlaterreurdel’âmedePharaon?

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CommentImranconnutlamèredeMoïseetcommentlamèredeMoïse

(surluilapaix)devintenceinte

e roi partit, et Imran dormit devant la porte.Aminuit, sa femmevintlevoir.Sa femme se jeta sur lui et lui baisa les lèvres, elle l’éveilla de son

sommeilpendantlanuit.880 IIseréveillaetvitquesafemmeétaitbelleetqu’ellefaisaitpleuvoir

desbaiserssurseslèvres.Imrandit:«Commentes-tuvenueàcetteheure?»Elledit:«Pardésir

pourtoietpardécretdivin.»L’hommel’attiraamoureusementdanssesbras.Acemoment, ilnese

levapasnineluttacontrelui-même.Illaconnutetl’ensemença;puisildit:«Ôfemme,cen’estpaslàune

petiteaffaire.«Leferafrappélapierre,etunfeuestné,unfeuquitireravengeance

duRoietdesonempire.«Jesuislenuage,tueslaterre,etMoïselaplante.Dieuestpareilauroi

del’échiquier,etnoussommesfaitsmat.« Considère l’échec et la victoire comme venant du Seigneur, ômon

épouse,neconsidèrepasqu’ilsviennentdenous,neregretterien.«CequecePharaoncraintestvenuàl’existenceaumomentoùj’aiété

couchéavectoi.»

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Comment,aprèsavoirconnusafemme,Imranluiordonnade

prétendrequ’elleneluiavaitpasrenduvisite

erévèleaucunedeceschoses,nesoufflepasmot,depeurquenem’adviennentcentchagrins.«Alafinleseffetsdececideviendrontmanifestes,étantdonnéqueles

signessontapparus,ôbien-aimée.»890 Soudain,deladirectiondumaydândescriss’élevèrent,venantdes

gens,etl’airenfutrempli.Le roi, terrifié, bondit pieds nus (de sa chambre), disant : « Écoutez,

quelestcetumulte?«Quel est ce bruit et ce vacarmevenant dumaydân, qui font fuir de

peurdjinnsetdémons?»Imrandit:«Longuevieànotreroi!Leshommesd’Israëlseréjouissent

àcausedetoi.«Acausede lagénérositédu roi, ils sontgais, dansent etbattentdes

mains.»Pharaon répondit : « Peut-être est-ce ainsi, mais cela me remplit

d’appréhensionetd’angoisse.»

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CommentPharaonfuteffrayéparlebruit

ebruitablessémonâmeetm’acausépeineetchagrinamers.»Le roi faisait les cent pas ; toute la nuit il fut comme une femme à

l’heuredel’enfantement.A tout instant, il disait : « Ô Imran, ces clameurs m’ont grandement

troublé.»LepauvreImrann’avaitpaslecouragederacontersesrelationsavecsa

femme;900 Commentl’époused’Imrans’étaitglisséeàsoncôté,desorteque

l’étoiledeMoïseapparut.Chaque fois qu’un prophète pénètre dans le seinmaternel, son étoile

devientvisibledansleciel.

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Apparitiondel’étoiledeMoïse(surluilapaix),dansleciel,etlesexclamationsdesastrologues

danslemaydân

onétoileapparutdanslecielpourlaconfusiondePharaon,desesintriguesetdesesruses.Lejourseleva.PharaonditàImran:«ÔImran,vat’informerausujet

decetumulteetdecebruit.»Imranchevauchajusqu’aumaydânetdemanda:«Qu’étaitcetumulte?

LeRoidesroisn’apasdormi.»Tous les astrologues, tête nue et les vêtements déchirés, baisaient la

terre,commelesgensendeuil.Commelesgensendeuil,leursvoixétaientbriséesparleslamentations

etlesgémissements,leursvêtementsendésordre.Ils avaient arraché les poils de leurs barbes et leurs cheveux, leurs

visagesétaientégratignés,ilsavaientjetédelaterresurleurstêtes,etleursyeuxétaientremplisdesang.Imran dit : « Cela va-t-il bien ? qu’est-ce que ce trouble et cette

émotion?L’annéenéfastemanifeste-t-elleunmauvaissigne?»Ilss’excusaient,disant:«Ôémir,lamaindeSaprédestinationnousa

renduscaptifs.910 «Nousavonsfaittoutcela,etlaFortuneestobscurcie,l’ennemiduroi

estvenuàl’existenceetl’aemporté.«Durantlanuit,l’étoiledecegarçonestdevenueclairementvisible,à

notreconfusion,enhautduciel.« L’étoile de ce prophète estmontée dans le ciel, et nous, à force de

pleurer,nousnousmîmesàverserdesétoiles(larmes).»Imran,avecuncœurjoyeuxetparhypocrisie,sefrappaitlatêtedeses

mainsencriant:«Hélas!Toutestperdu.»Imranfeignitd’êtrefurieuxetsombre,ilallaitparmieuxsansraisonet

sanssesesprits,àlamanièredesfous.Il faisait semblant d’être ignorant et avançait en adressant aux

astrologuesdesparolesextrêmementdures.Ilprétendaitêtretrèsennuyéetaffligé,iljouaitavecdesdéstruqués.Illeurdisait:«Vousaveztrompémonroi,vousnevousêtespasgardés

delatraîtriseetdel’envie.

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« Vous avez incité le roi à se rendre au maydân, vous avez laissél’honneurdenotreroidépérir.«Vousaviezmisvosmainssurvospoitrinesenvousportantgarants,

disant:“Nouslibéreronsleroidetoussoucis.”»920 Leroi,luiaussi,entenditcelaetdit:«Ôtraîtres,jevouspendraisans

pitié.«Jemesuisexposéàladérision,j’aigaspillémesrichessesavecmes

ennemis,«AfinquecesoirtouslesIsraélitespuissentresteréloignés,séparésde

leursépouses.«Richesseethonneurontdisparu,ettoutestfaitenvain:est-celàune

véritableamitié,sont-celàlesactionsdesgensnobles?«Pendantdesannées,vousavezprisdesdonsetdesrobesd’honneur;

vousavezdévorédesroyaumesàvotregré.« Est-ce là le résultat de votre jugement, de votre sagesse, de votre

astrologie?Vousêtesdesparasites,des trompeurs,desgensdemauvaisaugure.« Je vous mettrai en pièces et en feu, je vous arracherai le nez, les

oreillesetleslèvres.« Je ferai de vous du combustible pour le feu, je rendrai amers vos

plaisirspassés.»Ilsseprosternèrentetdirent:«Ôkhédive,sicettefois-cileDémonl’a

emportésurnous,«Pendant des années, nous t’avons évité lesmalheurs : l’imagination

estconfondueparcequenousavonsaccompli.930 «Aprésent,nousn’avonspul’empêcher,etsaconceptionaeulieu,la

semenceapénétrédanslamatrice;«Maisnoustesupplionsdenouspardonner,etnousguetteronsl’heure

delanaissance,ôroietsouverain.«Nousobserveronsdanslesétoileslejourdesanaissance,afínquecet

événementnenouséchappepas.«Si nous ne surveillons pas cela, tue-nous, ô toi au jugement duquel

nospenséesetnosintelligencessontasservies.»Pendantneufmois,ilcomptaitlesjours,depeurquelaflècheduDestin

quitranspercesonennemisoittirée.Quiconque s’attaquenuitamment auDestin tombede tout son long et

boitsonpropresang.Quandlaterretémoignedel’hostilitéauciel,elledevientsaléeetoffre

unspectacledemort.

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Quand le portrait lutte avec le peintre, il ne peut que s’arracher lamoustacheetlabarbe.

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CommentPharaonconvoquaaumaydânlesfemmesquiavaientdesenfantsnouveau-nés,aussiparruse

uboutdeneufmois,leroifîtapportersontrôneaumaydânetlançaunesévèreproclamation.«Ô femmes, rendez-vous avec vos bébés sur lemaydân ; allez, vous

tousd’Israël.940 «Demêmequel’andernierdesrobesd’honneurfurentoctroyéesaux

hommes,etquechacunemportadel’or,« Écoutez, ô femmes, cette année c’est votre fortune, de sorte que

chacunepuisseobtenirlachosequ’elledésire.«Ondonneraauxfemmesdesrobesd’honneuretdesprésents;surles

enfantsaussi,onmettradescouronnesd’or.«Attention !Chacune d’entre vous qui amis aumonde un enfant ce

mois-cirecevradestrésorsdecepuissantroi.»Lesfemmespartirentavecleursbébés:ellesserendirentjoyeusementà

latenteduroi.Chaque femme qui avait accouché récemment se rendit de la ville

jusqu’aumaydân,sanssoupçonnerlarusenilavengeance.Quandtouteslesfemmesfurentassembléesautourdelui,onenlevaaux

mèrestouslesenfantsmâles,«Eton leurcoupa la tête,disant :«Celaestuneprécaution,afinque

l’ennemiduroinegrandissepasetqueledésordren’augmentepas.»

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CommentMoïsenaquitetcommentlesofficiersvinrentàlamaison

d’imran,etcommentilfutdivinementrévéléàlamèrede

Moïsequ’elledevaitjeterMoïsedanslefeu

afemmed’Imran,quiavaitapportéMoïseavecelle, resta loindeceremue-ménageetdecevacarme.Ceméchant(Pharaon)envoyadessages-femmesdanslesmaisonsafin

d’espionner.950 Elleslerenseignèrentsurelle,disant:«Ilyaiciunenfant:elle(sa

mère)n’estpasalléeaumaydân,carelleadesdoutesetdessoupçons.«Danscetterue,ilyaunebellefemme:elleaunenfant,maiselleest

rusée.»Alorslesofficiersvinrent;elle,parl’ordredeDieu,jetal’enfantdansle

four.DeCeluiquiestomniscientvintàlafemmelarévélationquecetenfant

étaitdelalignéedel’AmideDieu(Abraham),Etque,grâceàlaprotectiondelaparole:Ôfeu,soisfrais34,lefeune

seraitpaschaudetféroce.Enraisondecetterévélation,lafemmelejetaaumilieudesflammes:

lefeun’exerçapasd’effetsurlecorpsdeMoïse.Puislesofficierss’enallèrentsansavoiratteintleurbut;ànouveaules

informateurs,quiétaientaucourant,Prirent à partie les officiers devant Pharaon afin de gagner quelques

petitespièces,Disant:«Ôofficiers,retournezlà-bas,etregardeztrèssoigneusement

dansleschambresduhaut.»

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CommentilfutdivinementrévéléàlamèredeMoïsequ’elledevait

jeterMoïsedansl’eau35

nefoisdeplus,larévélationvint:«Jette-ledansl’eau;gardeunvisagepleind’espoiretnet’arrachepaslescheveux.

960 «Jette-ledansleNiletmetstaconfianceenMoi:Jetelerendraiheureusement.»Ce discours n’a pas de fin. Toutes les intrigues de Pharaon ne firent

qu’attachersespieds.Iltuaitdescentainesdemilliersd’enfantsau-dehors,etMoïserestaità

l’intérieurdanslapartiesupérieuredelamaison.Partoutoùsetrouvaientdesbébés,danssafureurcetaveugleprévoyant

lestuaitaumoyenderuses.LaruseduPharaoninjusteétaitundragon:ilavaitdévorélarusedes

roisdumonde;Maisquelqu’unquiétaitunplusgrandPharaonapparutetl’avala,luiet

saruse.C’était(cetteruse)undragon:lebâtondeMoïsedevintundragon,et

celui-cidévoral’autre,avecl’aidedeDieu.La main est au-dessus de la main36 : jusqu’où cela va-t-il ? Jusqu’à

Dieu,carenLuiestlafin37.Carc’estlàunemersansfondetsansrivage:auprèsd’elle,toutesles

mersmisesensemblenesontqu’untorrent.Silesrusesetlesartificessontundragon,àcôtédeLaIllah*,ilsnesont

rien.970 Aprésentquemonrécitestarrivéàcepoint,ilposesatêtesurlesolet

expire;etDieusaitcequiestmieux.Ce qui était en Pharaon, cela même est en toi, mais ton dragon est

maintenudanslefossé.Hélas, tout ceci est ce qui se passe en toi : tu voudrais l’imputer à

Pharaon.Sionleditdetoi, tutesensoffensé;etsionleditd’unautrecelate

sembleunefable.Quelle ruine est produite en toi par l’âme charnelle maudite ! Cette

compagneterejetteextrêmementloin(deDieu).Tonfeun’apaslecombustibledePharaon;autrement,c’estunfeuqui

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jettedesflammescommePharaon.

*«Pasdedieu»(sicen’estDieu).

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Histoireduchasseurdeserpentsquipensaqueleserpentgeléétait

mortetquileliaavecdescordesetl’apportaàBagdad

couteunehistoireduconteur,afindepouvoirsaisirunindicedecemystèrevoilé.Un chasseur de serpents alla dans les montagnes pour attraper un

serpentaumoyendesesincantations.Qu’ilsoitlentourapide,celuiquicherchetrouvera.Applique-toi toujours de toutes tes forces à la recherche, car la

rechercheestunexcellentguidesurlaVoie.980 Mêmesituesinfirme,boiteux,voûtéetfruste,rampetoujoursversLui

etcherche-Le.Tantôtparlaparole,tantôtparlesilence,tantôtparl’odorat,perçoisen

touslieuxleparfumduRoi.Jacobditàses,fils:«RecherchezJosephau-delàdetouteslimites.« Dans cette recherche, dirigez chacun de vos sens de tous côtés,

commequelqu’undediligent.»Ildit:«NedésespérezpasdelamiséricordedeDieu38»;toiaussi,va

çàetlàcommeceluiquiaperdusonfils.Informe-toi au moyen de la parole, et sois à l’écoute de toutes les

directions.Chaquefoisqu’arriveundouxparfum,respiredanscettedirection,car

tuesfamilieraveccettedirection.Chaquefoisquetuesconscientd’uneamabilitédelapartdequelqu’un,

il est possible que tu trouves un chemin jusqu’à la source de cettebienveillance.Toutesceschoses ravissantesproviennentd’uneMerprofonde ; laisse

lapartie,etgardetesyeuxfixéssurleTout.Lesguerresdel’humanitésontpourl’amourdelaBeauté;lefeuillage

sansfeuillageestlesignedel’arbreTuba*.990 Lescolèresdel’humanitésontpourl’amourdelaPaix;l’absencede

reposesttoujourslepiègedurepos.Chaquecoupestdûàl’affection;chaquereprocheterendconscientde

lagratitude.Respire de la partie jusqu’au Tout, ô toi qui es généreux, respire du

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contrairejusqu’aucontraire,ôsage.Assurément, les guerres amènent la paix ; le chasseur de serpents

cherchaleserpentparamitié.L’hommerechercheunserpentparamitiéetsesouciedeceluiquinese

souciepasdelui.Il (le chasseur de serpents) cherchait dans les montagnes, durant des

joursdeneige,ungrandserpent.Il aperçut là un énorme dragonmort, à l’aspect duquel son cœur fut

remplidecrainte.Tandisque lechasseurdeserpentscherchaitdesserpentsdans le rude

hiver,ilvitundragonmort.Lechasseurdeserpentsattrapedesserpentsafind’étonnerlesgens—

voyezlastupiditédesgens!L’homme est une montagne : comment serait-il induit en tentation ?

Commentunemontagneserait-ellestupéfaiteparunserpent?1000 Lemalheureuxhommeneseconnaîtpaslui-même:ilestvenud’un

étatélevéetesttombédansunétatvil.L’hommes’estvenduàbonmarché:ilétaitdusatin,ils’estcoususur

unmanteauenguenilles.Des centaines de serpents et de montagnes sont émerveillés par lui :

pourquois’est-ilémerveilléetéprisd’unserpent?LechasseurdeserpentspritceserpentetvintàBagdaddansl’intention

deprovoquerl’étonnement.A la recherched’unmaigre salaire, il transportait un dragonpareil au

pilierd’unemaison,Disant:«J’aiapportéundragonmort:j’aisouffertmortetpassionàle

chasser.»Ilcroyaitqu’ilétaitmort,maisilétaitvivant,etilnelevoyaitpastrès

bien.Il était gelé par les frimas et la neige ; il était vivant, mais avait

l’apparencedelamort.Cemondeestgelé:sonnomestdjamâd(inanimé);or,djâmidsignifie

«gelé».AttendsquelesoleildelaRésurrectionsemanifeste,afind’apercevoir

lemouvementducorpsdel’univers.1010 Puisqu’encemondelebâtondeMoïseestdevenuunserpent,l’intellect

areçudesindicationsconcernantleschosesinanimées.Puisque Dieu a fait de ton morceau d’argile un homme, tu dois

reconnaîtrelavéritablenaturedelatotalitédesparcellesdelaterre:

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Quedececôté-ci,ellessontmortes,maisquedel’autrecôté,ellessontvivantes;qu’ellessontsilencieusesici-basetqu’ellesparlentlà-bas.Quandde cet autre côté II les envoie, le bâton, de ce côté-ci, devient

commeundragon.LesmontagnesaussichantentcommeDavid,etleferestcommedela

ciredanslamain.Le vent devient le porteur de Salomon ; la mer est capable de

comprendredesparolesausujetdeMoïse39.Lalunes’avèrecapabledevoirlessignesdeAhmad*,lefeudevientdes

rosespourAbraham40.La terreavaleQarûn,commeunserpent ; lePiliergémissant** suit la

voiedusalut.LapierresalueMohammad ; lamontagneadresseunmessageàJean-

Baptiste.Tous disent : « Nous sommes doués de l’ouïe et de la vue, et nous

sommes heureux, bien qu’avec vous, qui n’êtes pas initiés, nous soyonsmuets.»

1020 Étantdonnéquetutendsverscequiestinanimé,commentdeviendras-tufamilieraveclaviespirituelledeschosesinanimées?Vadoncdudomainede l’inanimévers lemondedesesprits,écoute le

grandbruitquefonttouteslesparcellesdecemonde.La glorification de Dieu par les choses inanimées deviendra pour toi

évidente,lesdoutessuggérésparlesfaussesinterprétationsnet’écarterontpasdelavérité.Étantdonnéquetonâmen’apaslalumièrenécessairepourvoir,tut’es

livréàdesinterprétations,Disant : « Comment la glorification visible de Dieu serait-elle la

signification voulue ? La prétention à voir (cette glorification) est uneimaginationerronée.»Nonlavuedecet(objetinanimé)faitqueceluiquilevoitglorifieDieu

aumomentoùilconsidèresonsens;Donc, étant donnéqu’il te fait penser à rendredes louanges (àDieu),

cette indication équivaut à dire que cet objet prononce lui-même cettelouange.C’est là l’interprétation (à laquelle tu t’es livré) donnée par les

motazilitesetparceuxquinepossèdentpasl’intuitionmystique.Quandunhommen’apas échappé à la perception sensorielle, il reste

étrangerauxnotionsdumondeinvisible.

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Cediscoursn’apasde fin.Lechasseurde serpents, aveccentpeines,apportaitleserpent,

1030 Jusqu’àcequ’enfin,dansledésird’attirerlafoule,ilarriveàBagdad,afindeprésentersonspectacleàlacroiséedeschemins.L’homme installa son spectacle sur la rive du Tigre, et une rumeur

s’élevadanslacitédeBagdad:«Unchasseurdeserpentsaapportéundragon:ilacapturéunanimal

extraordinaire!»Des myriades de niais s’assemblèrent, qui étaient devenus sa proie

commeill’étaitdesafolie.Ils attendaient ; et lui aussi attendait que les gens dispersés se

rassemblent.Plus la multitude est grande, et davantage valent l’aumône et la

contribution.Des myriades de bavards oisifs s’assemblèrent, formant un cercle,

semellecontresemelle.L’hommenefaisaitpasattentionàlafemme:enraisondelafoule,ils

étaient mélangés comme les nobles et le commun des gens lors de laRésurrection.Quand le chasseur de serpents se mit à remuer l’étoffe (couvrant le

dragon),lesgenstendirentlecou,Etvirentque ledragon,quiavaitétégelépar lefroid intense,étaiten

dessousdecentsortesderudesétoffesdelaineetdecouvertures.1040 IIl’avaitattachéavecdegrossescordes:cegardiensoigneuxavaitpris

degrandesprécautions.Pendantledélaidel’attenteetdelavenue,lesoleildel’Irakbrillasurle

serpent.Lesoleildecechaudpaysleréchauffa:leshumeursfroidessortirentde

sesmembres;Ilétaitmort,ilressuscita;d’étonnement,ledragonsemitàsedérouler.En voyant bouger ce serpent mort, la stupeur des gens s’accrut cent

millefois.Avec stupeur, ils semirent à crier et s’enfuirent enmasse loin de ses

mouvements.Ilsemitàfaireéclatersesliens,etàcescrislesliensdechaquecôtése

mirentàcraquer.Il brisa ses liens et glissa d’en dessous d’eux — dragon affreux

rugissantcommeunlion.Beaucoupdegensfurenttuésdanslabousculade:unecentainedetas

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furentfaitsdeceuxquiétaienttombésmorts.Le chasseur de serpents devint paralysé de peur, criant : « Qu’ai-je

apportélàdesmontagnesetdudésert?»1050 Lemoutonaveugleéveillaleloup:sanslevouloir,ilallaversson

Azraîl(angedelamort).Le dragon ne fit qu’une bouchée de cet imbécile : boire le sang est

facilepourHadjdjâdj*.Ils’enroulaetsefixasurunpilier,etdévoralesosdel’hommemangé.Ledragonesttonâmesensuelle:commentserait-ellemorte?Ellen’est

quegeléeparlechagrinetl’absencedemoyens.SielleobtientlesmoyensdePharaon,parl’ordredequil’eaudufleuve

(Nil)coulait,Alors elle semettra à agir comme Pharaon et égarera centMoïses et

Aarons.Ce dragon, sous l’effet de la pauvreté, est un petit ver, mais un

moucheronesttransforméenfauconparlepouvoiretlarichesse.Garde le dragon dans la neige de la séparation ; prends garde, ne

l’apportepasausoleildel’Irak.Tantquetondragonrestegelé(tuestranquille);tun’espourluiqu’une

bouchée,quandilestrelâché.Mortifie-leetéchappeàlamort;soissanspitié:iln’estpasundeceux

quiméritentdesfaveurs;1060 Carlorsquelachaleurdusoleildudésircharnelletouche,cettevile

chauve-sourisbatdesailes.Conduis-le virilement à la guerre et au combat (spirituels), Dieu te

récompenseraentedonnantaccès(àSaprésence).Quandcet hommeamena ledragonà l’air chaud, et qu’il redevint en

bonnesanté,Inévitablement,ilcausatouscesmalheurs,moncherami,etvingtfois

plusquejen’aidit.Espères-tu, sans recourir à la violence, le garder enchaîné dans la

tranquillitéetlafidélité?Commentcesouhaitserait-ilexaucépourn’importequelhommedénué

demérite?IlfautunMoïsepourtuerledragon.Parsondragon,descentainesdemilliersdegensfurenttuésetmisen

déroute,commeill’avaitvoulu.

*ArbreduParadis.

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*AllusionàlalafissiondelaluneparMohammad.**LivreI,2113etsqq.*HadjdjâdjibnYoussef,commandantdel’arméearabe,célèbrepoursacruauté.

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CommentPharaonmenaçaMoïse(surluilapaix)

haraonluidit:«Pourquoi,ôKalim,as-tutuélesgensetlesas-tueffrayés?«Lesgensontétémisenfuiteetendéroutepartoi;dansladébandade,

lepeuplefuttuéentombant.« Inéluctablement, ils en sont venus à te considérer comme leur

ennemi;hommesetfemmesontconçupourtoidelahainedansleurcœur.1070 «Tuappelaislesgenspourtesuivre,maisleschosesonttourné

autrement:lesgensnepeuventques’opposeràtoi.« Moi aussi, bien que je m’écarte du danger que tu représentes, je

combineunplanpourtepayerderetour.«Enlèvede tonesprit l’idéeque tume tromperasouque tu trouveras

d’autressuivantsquetonombre.«Nesoispasleurréparcequetuasréussiàfaire:tuasseulementjeté

laterreurdanslescœursdesgens.« Tu peux produire cent ruses semblables, et tu seras ridiculisé de la

même façon ; tu deviendras méprisable et un objet de dérision pour lapopulace.«Beaucoupontétédesimposteurscommetoi,maisdansnotreEgypte

ilsontétéréduitsàlahonteenfindecompte.»

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LaréponsedeMoïseàPharaonconcernantlesmenacesqu’illui

avaitadressées

l(Moïse)répondit:«Jen’admetsriencommeassociéàl’ordredeDieu:siSonordreestdeversermonsang,jenecrainspas.« Je suis content, je suis reconnaissant, ô adversaire : ici, je suis

humilié,maisauprèsdeDieujesuishonoré.« Aux yeux des gens, je suis méprisable et misérable et objet de

dérision:auxyeuxdeDieu,jesuisaiméetrecherchéetapprouvé.« Je ne dis cela qu’en paroles ;mais, demain (au jour du Jugement),

Dieuferadetoil’undeceuxauvisagenoirci.1080 «LagloireLuiappartientàLuiseuletàSesserviteurs;récite(du

Qor’ân)lesignemanifestéparAdametIblîs.« L’explication concernant Dieu, comme Dieu Lui-même, est sans

limites.Prendsgarde,fermelaboucheettourneunenouvellepage.»

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RéponsedePharaonàMoïse(surluilapaix)

haraon lui dit : « La page est sous mon autorité ; le livre et leregistredel’autoritésontàmoiencemoment.«Lespeuplesdumondem’ontchoisi : es-tuplus sagequ’eux tous,ô

camarade?«ÔMoïse,tut’esvanté!Va-t’en!Aiemoinsdeconsidérationpourtoi-

même,neteleurrepastoi-même.«Jeréunirailesmagiciensdumonde,afindemanifestertastupiditéàla

ville.«Maiscecinese ferapasenunoudeux jours ;donne-moidu temps

jusqu’àquarantejoursdeTamûz.»

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LaréponsedeMoïse(surluilapaix)àPharaon

oïse dit: «Ceci nem’est pas permis : je suis l’esclave deDieu ;t’accorderdutempsnem’estpasordonné.« Si tu es puissant et que moi je n’ai pas d’allié, cependant je suis

soumisàSonordre;jen’airienàfaireaveccela.«Jetecombattraidetoutmonpouvoirtantquejevivrai;quesuis-je?

Jesuisunesclave.1090 «Jelutteraijusqu’àcequ’arriveladécisiondeDieu;c’estLuiqui

séparechaqueadversairedesonadversaire.»

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LaréponsedePharaonàMoïseetlavenued’unerévélationdivineà

Moïse(surluilapaix)

l(Pharaon)dit:«Non,non,tudoisconsentiràuncertaindélai;nefaispasdemarchandages,neprononcepasdevainesparoles.»Aussitôt,leDieuTrès-Hautluifitunerévélation,disant:«Accorde-luiunlongdélai;nesoispaseffrayéparcela.«Accorde-luidebongrécesquarantejours,afínqu’ilpuisseimaginer

diversesruses.«Laisse-le faire des efforts, car Je ne suis pas endormi ; ordonne-lui

d’avancerrapidement,carJ’aibarrélarouteenface(delui).« Je confondrai toutes leurs ruses, et Je réduirai à peu de choses ce

qu’ilsaccroissent.«Qu’ils apportent de l’eau, et J’en ferai du feu ; qu’ils apportent du

mieletdessucreries,Jelesrendraiamers.«Qu’ilsseconjoignentparunliend’amour,etJeledétruirai,Jeferaice

qu’ilsnepeuventimaginer.«Necrainsrien,etaccorde-luiunlongdélai;ordonne-luid’amenerson

arméeetdepréparercentruses.»

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CommentMoïse(surluilapaix)accordaàPharaonundélai,afin

qu’ilpuisserassemblerlesmagiciensvenantdesvilles

I(Moïse)dit:«L’ordredivinestarrivé.Va,ledélait’estaccordé.Jerentredansmademeure;tuesdélivrédemoi.»

1100 IIpartit,etsursestalonsmarchaitledragon,sageetaimant,commelechienduchasseur,Remuantlaqueue,commelechienduchasseur;ilécrasaitlespierres

commedusable,soussonsabot.Desonsouffle, il attiraitdespierresetdu feu (danssesmâchoires)et

broyaitdefaçonvisibleleferenpetitsmorceaux.Ils’élevaitenl’airau-dessusduzodiaque,detellesortequelesGrecset

lesGéorgienss’enfuyaient,terrifiés.Desonpalais,ilrejetaitdel’écume,commelechameau:celuisurqui

entombaitunegoutteétaitfrappédelèpre.Le grincement de ses dents remplissait de terreur : les âmes de lions

noirsenauraientétéépouvantées.Quand cet être choisi (Moïse) arriva auprès de son peuple, il prit (le

dragon)parlecoindesabouche,etilredevintunbâton.Ils’appuyasurlui,disant:«Oh!merveille!pourmoi,c’estcommele

soleil,etpourmonennemicommelanuit.«Oh !merveille !Commentcet enneminevoit-ilpasunmonde tout

entierremplidusoleildumatin?«Lesyeuxouverts,lesoreillesouvertes,etcesoleil!Jesuisstupéfait

delafaçondontDieulesaveugle.1110 «Jesuisétonnépareux,etilslesontparmoi,euxaussi:noussommes

d’unseulprintemps,maisilssontdesépinesetmoidujasmin.«Jeleuraiapportémaintecoupedevinpur:ilestdevenudelapierre

devantcesgens.«J’ailiéunepoignéederosesetlaleuraiapportée;chaquerosedevint

telleuneépine,etlemielsetransformaenpoison.«Cesontlà(rosesetmiel)leslotsallouésàceluiquiestlibérédesoi:

puisqu’ilsnelesontpas,commentcelaleurserait-ilmontré?«Avecnous,ilfautêtreundormeuréveillé,afindepouvoir,dansl’état

deveille,rêverdesrêves.»

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Lapenséedeschosescrééesestl’ennemiedecedouxsommeil;jusqu’àcequelapenséesoitendormie,ilnepourraletrouver.L’émerveillement est nécessaire pour chasser cette pensée :

l’émerveillementdévoretoutepenséeettoutsouvenir.Plus on est parfait dans le savoir (profane), plus en retard est-on en

réalité,etplusavancéenapparence.Dieuadit:«NoussommesàDieuetnousretournonsàLuiAX!»,etle

retourestàl’instard’untroupeauquifaitdemi-touretrentreàlamaison.Quandletroupeaus’enretourneaprèsêtrealléboire,lachèvrequiétait

entêtesetrouveàprésentàlafindutroupeau.1120 Etlachèvreboiteusequiétaitalorsenarrièreestàprésententête:le

retourafaitrireceuxquiétaientsombresauparavant.Commentcettecompagnie(desprophètesetdessaints)est-elledevenue

boiteuseeta-t-ellerenoncéàlagloireetrecherchéenvainlahonte?Cettecompagnie s’envaenpèlerinageavecdes jambesbrisées,car il

estuncheminsecretdeladifficultéausuccès.Ces gens ont lavé leurs cœurs de ces sortes de connaissance, parce

qu’unetelleconnaissance(profane)neconnaîtpascetteVoie.Ilfautuneconnaissancedontlaracinesoitau-delà,dontchaquebranche

soitunguideverssaracine.Commentchaqueailepourrait-ellevoleràtraverslalargeurdelamer?

Seulelaconnaissanceésotériquet’amèneraenlaPrésence(deDieu).Pourquoi, dès lors, enseigner à un homme cette connaissance dont il

convientqu’ilpurifiesonesprit?Ne cherche donc pas à être en tête, sois boiteux de ce côté et sois le

guideaumomentduretour.Ôhommeintelligent,sois(commeleditleProphète):«Noussommes

lespremiersetlesderniers»;lefruitfraisestantérieuràl’arbre.Bienquelefruitarriveàl’existenceendernier,ilestlepremier,parce

qu’ilétaitlebut.1130 Dis,commelesanges:«Nousnesavonsrien»,afinquepuissetevenir

enaide«Tunousasenseigné42».Si, dans cette école, tu ignores l’alphabet, cependant tu es rempli,

commeAhmad(Mohammad),delalumièredelaRaison.Situn’espascélèbredanslesvilles,tun’escependantpasinférieur,car

Dieusaitmieux,concernantSesserviteurs.Untrésord’orestcaché,pourplusdesûreté,dansunendroitisoléqui

estpeuconnu.Comment déposerait-on le trésor dans un endroit connu ? C’est pour

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celaqu’ilestdit:«Lajoieestcachéesouslechagrin.»Ici l’esprit peut suggérer beaucoupdedifficultés,mais unbon animal

briserasonlicou.L’amourdeDieuestunfeuquiconsumelesdifficultés:lalumièredu

jourchassetouslesfantômes.ÔtoidontIIestsatisfait,cherchelaréponseencemêmelieud’oùt’est

venuelaquestion.Le recoin sans coin du cœur est la route royale : le rayonnement qui

n’estnid’Orientnid’Occidentprovientd’uneLune.Pourquoidececôté-cietdecelui-là,commeunmendiant,ômontagne

delaRéalité,cherches-tul’écho?1140 Cherchelaréponseencemêmelieuverslequel,àl’heuredela

souffrance,tut’escourbébienbas,enrépétant:«ÔmonSeigneur!»A l’heure de la souffrance et de la mort, tu te tournes vers cette

direction:comment,lorsquelapeines’estenfuie,es-tuignorant?Autempsdestribulations,tuaslancéunappelversDieu,maisquandla

tribulationadisparu,tudis:«Oùestlaroute?»Envoicilaraison:celuiquiconnaîtDieusansincertitudedemeuredans

cetétat.Tandisqueceluiquiestvoilédansl’intellectetl’incertitudeestparfois

couvertetparfoisouvert.L’intellect discursif est tantôt dominant, tantôt abandonné ;

l’intelligenceuniverselleéchappeauxcalamitésduTemps.Vends l’intelligence et le talent et achète l’émerveillement, va vers

l’humilité,ômonfils,nonàBukhara!Pourquoimesuis-jeenfoncédanscediscours,detellesortequ’aulieu

deraconterunehistoirejesuisdevenuunehistoire?Jedeviensanéantietcommeunehistoirevaineenmelamentantauprès

deDieu,afindepouvoirgagnerdel’influencesurceuxquiseprosternentenprières43.Cettehistoire(deMoïseetduPharaon)n’estpasunehistoireauxyeux

de l’hommed’expérience : c’estunedescriptiond’unétat spirituel, et laprésencedel’AmidelaCaverne*.

1150 Cettephrase,histoiresdesanciens44,quelesinfidèlesappliquaientauxparolesduQor’ân,étaitlamarquedeleurhypocrisie.L’hommequitranscendel’espace,enquiestlaLumièredeDieu,quelui

importelepassé,lefuturouleprésent?Qu’il soitpasséouprésentest seulementpar rapportà toi : tousdeux

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sontuneseulechose,ettoitupensesqu’ilssontdeux.Unmêmeindividuestpourluiunpèreetpournousunfils:letoitest

au-dessousdeZaydetau-dessusde‘Amr.La relation d’« au-dessous » et « au-dessus » provient de ces deux

personnes;quantautoitlui-même,iln’estqu’uneseulechose.Ces expressions ne correspondent pas exactement à ce que je voulais

dire:ellessontunecomparaison:lesparolesantérieuresn’atteignentpaslanouvellesignification.Puisqu’iln’yapasdebordàcefleuve,fermeteslèvres,ôoutre:cette

Merdedouceuratoujoursétésansbordnirive.

*TitredonnéàAbûBakr,compagnonduProphèteréfugiédansunecavernelorsdel’émigrationàMédine.

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CommentPharaonenvoyadesmessagersdanslesvillesàla

recherchedemagiciens

orsqueMoïsefutrentréchezluietquePharaondemeuraavecsonpeuple,ilconvoquaensaprésencesesconseillers.Ils considérèrent qu’il était bon que le Roi et Souverain de l’Égypte

rassemble(lesmagiciens)detouteslesrégionsdel’Égypte.Surquoi, il envoyadenombreuxhommesdans chaquedirectionpour

réunirlessorciers.1160 Quellequefûtlarégionoùsetrouvaitunmagicienrenommé,ildépêcha

versluidixcourriersrapides.Il y avait deux jeunes gens,magiciens célèbres : leurmagie pénétrait

jusqu’aucœurdelalune.Ils pouvaient traire la lune publiquement et ouvertement ; dans leurs

voyages,ilsallaientmontéssuruneamphore.Ilsfaisaientapparaîtreleclairdelunecommeunmorceaudetoile:ils

lemesuraientetlevendaientaussitôt,Etemportaientl’argent:l’acheteur,enserendantcompte(delafraude),

sefrappaitlesjouesdechagrin.Ils étaient les inventeurs de cent mille artifices de sorcellerie

semblables,etnesuivaientpaslesautrescommelarime.QuandlemessageduRoileurparvint:«Leroidésireàprésentvotre

aide,«Parcequedeuxderviches * sont arrivés et ont conquis le roi et son

palais.«Ilsn’ontrienaveceuxqu’unbâton,quisetransformeendragonsur

l’ordredeMoïse.«Leroietsonarméetoutentièresontimpuissants:tousontétéamenés

àselamenterparcesdeuxpersonnes.1170 «Unremèdedoitêtrecherchédanslamagie,afinquepeut-êtrevous

sauviezleursviesdecesdeuxenchanteurs.»Quandlemessagerapportacemessageàcesdeuxmagiciens,lacrainte

etl’amourremplirentleurscœursàtousdeux.Lorsqu’ils furent saisis par un sentiment d’affinité (avec Moïse), ils

posèrentleurtêtesurleursgenouxavecstupeur.Lesoufis’agenouillepourapprendre;semettresurlesdeuxgenouxest

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unemagiepourrésoudrelesdifficultés.

*MoïseetAaron.

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Commentcesdeuxmagiciensconvoquèrentleurpèredepuissa

tombe,etinterrogèrentI’espritdeVespritdeleurpèreconcernantlavéritablenaturedeMoïse(surluilapaix)

nsuite, ils dirent : « Dis-nous, ô mère, où est la tombe de notrepère?Montre-nouslechemin.»Elle les emmena et leur montra le chemin vers sa tombe : ils

observèrentalorstroisjournéesdejeûneparamourpourleroi.Aprèsquoi, ilsdirent :«Ôpère, le roi,dans saconsternation,nousa

envoyéunmessage« Pour dire que deux hommes lui ont causé de graves soucis et ont

détruitsonprestigeauprèsdel’armée.« Iln’yaaveceuxniarmes,ni soldats ; rienqu’unbâton,etdansce

bâtonsetrouventunecalamitéetunmalheur.«Tuespartidanslemondedesjustes,bienqu’enapparenceextérieure

tureposesdansunetombe.1180 «Sic’estdelamagie,apprends-le-nous;etsic’estdivin,ôespritde

notrepère,« Apprends-le-nous aussi, afín que nous puissions nous prosterner

devanteux,etentrerencontactavecunélixir*.«Nousdésespérions,etunespoirestarrivé;noussommesexilésetla

Miséricordenousaattirés.»

*Afindetransmuernotrecuivreenor(aupointdevuespirituel).

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Commentlemagicienmortréponditàsesfils

ls’écria:«Ômesfilsbien-aimés, ilappartientàDieudedéclarercelaouvertement.«Ilnem’estpaspermisdeparlerouvertementetlibrement,cependant

lemystèren’estpasloindemesyeux.« Mais je vous montrerai un signe, pour que cette chose cachée

deviennepourvousmanifeste.«Ôlumièredemesyeux,quandvousirezlà-bas,renseignez-voussur

Tendroitoùildort,« Et au moment où ce Sage sera endormi, emparez-vous du bâton,

abandonnezlapeur.«Sivousledérobezetpouvezlefaire,c’estunmagicien;lesmoyens

desecomporteravecunmagicienvousappartiennent;«Mais si vous ne pouvez le voler, prenez garde, prenez garde ! Cet

homme est deDieu : il est lemessager du Très-Haut et est divinementguidé.

1190 «BienquePharaonoccupelemonde,àl’Orientetàl’Occident,iltomberadetoutesahauteur:Dieu,peut-ils’opposeràLui?«Jevousdonnecevraisigne,ôâmedevotrepère : inscrivez-ledans

votrecœur:Dieusaitmieuxcequ’ilconvientdefaire.»Ô âme de ton père, quand un magicien dort, il n’y a personne pour

dirigersamagieetsonart.Lorsque le berger s’est endormi, le loup devient sans peur : quand il

dort,seseffortscessent.Maisl’animaldontlebergerestDieu—commentleloupa-t-ill’espoir

oulesmoyensd’yaller?La sorcellerie que Dieu pratique est réelle et véritable, c’est mal

d’appelercettechoseréelledelasorcellerie.Ôâmedetonpère,voicilesignedécisif:mêmesiunprophètemeurt,

Dieul’exalte.

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ComparaisonduQor’ânsublimeaveclebâtondeMoïse,etdela

mortdeMustafâ(Mohammad)(surluilapaix)aveclesommeilde

Moïse,etdeceuxquicherchentàaltérerleQor’ânaveclesdeuxjeunesmagiciensquiessayèrentd’emporterlebâtondeMoïse

quandilsletrouvèrentendormi

a tendresse de Dieu fît une promesse à Mustafâ, disant : Si tumeurs,cetEnseignement(duQor’ân)nemourrapas.«J’exaltetonLivreettonMiracle,jedéfendsleQor’âncontreceuxqui

voudraientlediminuerouluiajouterquelquechose.« Je t’exalte dans les deux mondes, j’éloigne les moqueurs de tes

nouvelles.1200 «Nulneseracapabled’yapporterdesadditionsoudesomissions,

«NecherchepasunautreprotecteurmeilleurqueMoi.«Jouraprèsjour,J’accroîtraitasplendeur,Jefrapperaitonnomsurl’or

etsurl’argent.«Pourtoi,Jepréparerailachaireetlanichedeprière;dansmonamour

pourtoi,tavengeanceestdevenueMavengeance.« Tes disciples, de peur, prononcent ton nom en secret et se cachent

quandilsaccomplissentleursprières;«Parterreuretcraintedesmauditsinfidèles,taReligionestcachéesous

terre;« Mais Je remplirai le monde, d’un bout à l’autre, de minarets ; Je

rendraiaveugleslesyeuxdesrécalcitrants.« Tes serviteurs occuperont les villes et exerceront le pouvoir : ta

Religions’étendraduPoissonjusqu’àlaLune.«Nouslamaintiendronsenviejusqu’àlaRésurrection:necrainspas

ïanéantissementdelaReligion,ôMustafâ.«ÔMonMessager, tun’espasunsorcier : tues sincère, tuportes le

manteaudeMoïse.«Pourtoi,leQor’ânestcommelebâtondeMoïse:ilavaletoutesles

infidélités,telundragon.

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1210 «Situdorssousungazon,considèrecependantcequetuasditcomme(étantàl’imagede)sonbâton.«Lesassaillantsn’ontaucunpouvoirsursonbâton.Dorsdonc,ô roi,

d’unsommeilbéni!«Tandisque toncorpsestendormidans la tombe, taLumièredans le

Cielabandéunarcpourtoncombat.«Lephilosopheetcequeditsabouche—l’arcdetaLumièreleperce

deflèches.»Ainsifit-il,etplusencorequecequ’ilavaitdit:leProphètedormit(le

sommeildelamort)maissafortuneetsaprospériténesomnolèrentpas.« Ô âme de ton père, quand un magicien s’endort, son œuvre à lui

devientdénuéedesplendeuretd’éclat.»Lesdeuxfilsdumagicienbaisèrentsatombe,ets’enallèrentenEgypte

envuedececombatpuissant.Lorsqu’ils arrivèrent enEgypte pour cette entreprise, ils s’enquérirent

deMoïseetdesamaison.Il se trouvaque le jourde leur arrivéeMoïseétait endormià l’ombre

d’unpalmier.Aussi lesgensleurdonnèrentuneindication,disant :«Allezchercher

là-basdansladirectiondelapalmeraie.»1220 Quandlefilsdumagicienarrivalà,ilvitparmilesdattiersundormeur

quiétaitl’hommelepluséveillédumonde.Parplaisir, ilavaitfermélesdeuxyeuxdesatête,mais tout leCielet

toutelaTerreétaientsoussonregard.Oh,nombreuxsontceuxdontlesyeuxsontéveillésetlecœurendormi:

en vérité, qu’est-ce qui peut être vu par les yeux de créatures d’eau etd’argile?Mais celui qui garde son cœur éveillé, bien que les yeux de sa tête

puissentdormir,soncœurouvriradescentainesd’yeux.Situn’espasdeceuxaucœurilluminé,soiséveillé,soisunchercheur

ducœur,etsoistoujoursenlutte(avectonâmecharnelle).Maissitoncœuraétééveillé,dorstranquille:tonœil(spirituel)n’est

pasabsentdesseptcieuxetdessixdirections.LeProphèteadit:«Monœildort,maisquandmoncœursommeille-t-il

dansl’assoupissement?»Leroiestéveillé :qu’importeque legardiensoitendormi !Quemon

âmesoitsacrifiéeauxdormeursdontlescœurssontvoyants!La description de l’éveil du cœur, ô homme spirituel, ne serait pas

contenuedansdesmilliersdedistiques.

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Quandlesmagiciensvirentqu’ilétaitétenduendormi,ilssepréparèrentàdéroberlebâton.

1230 Ilss’approchèrentrapidementdubâton,disant:«Nousdevonsallerderrièreluietensuiteleluiarracher.»Quand ils semirent à s’approcherunpeuplusprès, le bâton semit à

trembler.Le bâton frémissait de telle façon que les deux magiciens devinrent

pétrifiésdepeursur-le-champ.Après quoi, il se transforma en dragon et bondit sur eux ; tous deux

s’enfuirentet,toutpâles,Tombèrentlafacecontreterred’effroi,trébuchant,frappésdepanique,

surchaquepente.Alors, il leur devint certain que Moïse venait du Ciel, puisqu’ils

voyaientleslimitesdupouvoirdesmagiciens.Ensuite,ilsfurentatteintsdediarrhéeetdefièvre,etleurétatarrivaau

derniersouffleetàl’agonie.IlsenvoyèrentaussitôtunhommeàMoïsepours’excuser,Disant : « Nous t’avons mis à l’épreuve, et comment cette mise à

l’épreuve pourrait-elle nous être venue à l’idée, si l’envie ne l’avaitcausée?«Noussommesdespécheursvis-à-visduRoi:implorelepardonpour

nous,ôtoiquiesl’éludesélusdelacourdeDieu.»1240 IIleurpardonna,etimmédiatementilsfurentguéris;ilsfrappaientleurs

têtessurlesolenprésencedeMoïse.Moïse dit : « Je vous pardonne, ô hommes nobles : vos corps et vos

âmessontdevenusintouchablesparl’Enfer.«Envérité,jenevousaipasvus:ômesdeuxamis,abstenez-vousde

vousdisculper.«Venez, tels que vous êtes, étrangers en apparencemais familiers en

réalité,pourcombattrepourleRoi.»Alors,ilsbaisèrentlaterreetpartirent:ilsétaientdansl’expectativedu

momentetdel’opportunité.

Page 760: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentlesmagiciensdesvillesserassemblèrentdevantPharaonetreçurentdesrobesd’honneuret

posèrentleursmainssurleurspoitrines,s’ngageantàvaincresonennemi(Moïse)etdisant:«Nous

enfaisonsnotreaffaire.»

esmagiciens se rendirent auprès de Pharaon, et il leur donna desrobesd’honneurextrêmementprécieuses.Il leur fîtdespromesses, et leurdonnaaussi, enavance,desesclaves,

deschevaux,del’argent,desbiensetdesprovisions.Aprèsquoi,illeurdit:«Écoutez,ôvousquiexcellezdansvotreart,si

vousvousavérezsupérieursdansl’épreuve,«Jerépandraisurvoustantdeprésentsquelevoiledelagénérositéet

delamunificenceseradéchiré.»Alors, ils lui dirent : « Grâce à ta bonne fortune, ô roi, nous

l’emporterons,etsacauseseraruinée.1250 «Noussommesdesvainqueursetdeschampionsdanscetart:personne

danslemondenepeutnousrésister.»Lamention deMoïse est devenue une chaîne pour la pensée demes

lecteurs, parce que ce sont là des histoires de ce qui s’est passé il y alongtemps.LamentiondeMoïsesertdemasque,maislaLumièredeMoïseestce

quiteconcerneenfait,ômonami.MoïseetPharaonsontdanstonpropreêtre:iltefautcherchercesdeux

adversairesentoi-même.La génération à partir deMoïse continue jusqu’à la Résurrection : la

Lumièren’estpasdifférente,bienquelalampediffère.Cettelampedepoterieetcettemèchesontdifférentes,maissalumière

n’estpasdifférente:ellevientdel’au-delà.Siturestesàregarderleverre(delalanterne)tuserasperdu,parceque

duverrenaissentlesnombresdeladualité;Mais si tu gardes ton regard fixé sur laLumière, tu seras libéré de la

dualitéetdelapluralitéducorpsfini.C’estdupointdevue(oùl’onseplace),ôtoiCentredel’existence,que

naîtladifférenceentrelevraicroyantetlezoroastrienetlejuif.

Page 761: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Différendausujetdeladescriptionetdelaformedel’éléphant

’éléphant se trouvait dans unemaison obscure : quelques Indiensl’avaientamenépourl’exhiber.

1260 Afíndelevoir,plusieurspersonnesentraient,uneparune,dansl’obscurité.Étantdonnéqu’aveclesyeuxc’étaitimpossible,chacunletâtait,dansle

noir,aveclapaumedelamain.La main de l’un se posa sur sa trompe, il dit : « Cette créature est

commeuntuyaupourl’eau.»Lamaind’unautretouchasonoreille:elleluiapparutsemblableàun

éventail.Un autre ayant saisi sa jambe, déclara : « Je trouve que la forme de

l’éléphantestcelled’unpilier.»Unautreposalamainsursondos,etdit:«Envérité,cetéléphantest

commeuntrône.»Delamêmefaçon,chaquefoisquequelqu’unentendaitunedescription

del’éléphant,illacomprenaitd’aprèslapartiequ’ilavaittouchée.Selon l’endroit touché, leurs affirmations différaient ; un homme

l’appelaitdal,unautrealif*.Si chacun d’eux avait tenu une chandelle dans samain, la différence

auraitdisparudeleursparoles.L’œildelaperceptionsensorielleestseulementcommelapaumedela

main ; la paume n’était pas en mesure d’atteindre la totalité (del’éléphant).

1270 L’œildelaMerestunechose,l’écumeenestuneautre;laisselàl’écumeetregardeavecl’œildelaMer.Jouretnuit,semeuventlesfloconsd’écumequiproviennentdelaMer;

tuvoisl’écume,nonlaMer,quec’estétrange!Nousnousheurtonslesunscontrelesautres,commedesbarques;nos

yeuxsontaveuglés,bienquenousnoustrouvionsdansl’eauclaire.Ô toi qui t’es endormi dans le bateau du corps, tu as vu l’eau :

contemplel’Eaudel’eau.L’eauauneEauquilapousse,l’espritaunEspritquil’appelle.OùsetrouvaientMoïseetJésusquandlesoleildivinirriguaitlechamp

semédeschosesexistantes?

Page 762: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

OùétaientAdametEvequandDieufixaitcettecordeàl’arc?Cesparoles,ellesaussi,sontimparfaitesetimpuissantes;laparolequi

n’estpasimparfaiteestau-delà.Silesaintparleàpartirdecettesource,tonpiedtrébuchera;ets’ilne

ditriendecela,oh!quelmalheurpourtoi!Et s’il parle selon une figure formelle, c’est à cette forme que tu vas

t’attacher,ôjeunehomme.1280 Tuaslespiedsenfoncésdanslaterre,commel’herbe,tuopinesdela

têteaumoindresouffle,bienquetusoisdépourvudecertitude.Maistunepossèdespasdepied(spirituel)quitepermettedet’enaller,

ouparchancedetirertonpiedhorsdecetteboue.Commentpourrais-tuentirertonpied?Tavieprovientdelaboue,ilest

extrêmementdifficilepourtavied’avancer(surlavoie).MaisquandturecevrasdeDieulavie,ôtoiquiesattaché,tudeviendras

libérédelaboueettuprendrastonessor.Quandlebébéallaitéestséparédesanourrice,ilsemetàmangerdes

alimentssolidesetl’abandonne.Tuescommelessemences, tuesasserviaulaitdelaterre,efforce-toi

detesevrertoi-même,entenourrissantd’alimentsspirituels.Boislaparoledesagesse,carelleestdevenueunelumièrevoilée,ôtoi

quiesincapablederecevoirlalumièredévoilée,Afindedevenir capable,ô âme,de recevoir laLumièreetdepouvoir

contemplersansvoilescequiestcaché,Et de traverser le ciel comme une étoile, ou plutôt de pouvoir

poursuivretaroutesansaucunelimite,sansaucunciel.C’estainsiquedelanon-existencetuesvenuàl’être.Sais-tucomment

tuesvenu?Tuesvenuinconscient.1290 Commenttuesvenu,tunet’ensouvienspas,maisnoust’endonnerons

uneidée.Laissevaguertonesprit,etpuissoisattentif.Bouchetesoreilles,etpuis

écoute;Non,jenetelediraipas,parcequetun’espasencoremûr;tuesenton

printemps,tun’aspasvulemoisdeTamûz.Lemonde est comparable à l’arbre, ô hommesnobles ; nous sommes

semblablesauxfruitsàdemimûrsquiluisontattachés.Les fruits qui ne sont pas mûrs s’attachent fermement à la branche,

parcequeleurimmaturitélesrendindignesd’êtreapportésaupalais.Quand ils ontmûri et sontdevenusdoux, ils ne s’attachentplus alors

quefaiblementauxrameaux.

Page 763: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Quand la bouche a été rendue douce par cette félicité, le royaumedumondedevientdéplaisantpourl’homme.Se fixer étroitement et s’attacher fortement (au monde) est un signe

d’immaturité ; tant que tu es un embryon, ton occupation consiste à tenourrirdesang.Ilresteautrechoseàdire,maisc’estl’Espritsaintquit’enferalerécit,

sansmoi.Ouplutôt,c’esttoi-mêmequiledirasàtapropreoreille—nimoiniun

autrequemoi(neteledira),ôtoiquiesmoi-même.1300 Demêmeque,lorsquetut’endors,tuvasdelaprésencedetoi-mêmeà

laprésencedetoi-même:Tuentendscequivientde toi-mêmeet tucroisqu’UntelouUntel t’a

secrètementditensonge(cequetuasentendu).Tun’espasunseul«toi»,ômonami:tueslecieletlamerprofonde.Ce«Toi»puissantquiestmillefoisplusgrandestl’océanoùsenoient

unecentainede«toi».Envérité,àquoibonparlerd’éveiletdesommeil?Neparlepas,car

Dieusaitmieuxcequiestjuste.Ne parle pas, afin d’entendre des Orateurs ce qui n’a été ni dit, ni

expliqué.Neparlepas,pourpouvoirentendreduSoleilcequin’estpasvenudans

unlivreouundiscours.Neparlepas, afínque l’Espritpuisseparlerpour toi :dans l’archede

Noé,cessedenager!NesoispascommeCanaan,quinageaitetdisait:«Jeneveuxpasde

l’archedeNoé,quiestmonennemi.»(Noédisait:)«Allons,vienst’asseoirdansl’archedetonpère,afinde

nepasêtrenoyédansleDéluge,ôêtreméprisable!»1310 IIrépondit:«Non,j’aiapprisànager:j’aialluméunebougieautreque

tabougie.»(Noédit:)«Prendsgarde!Nelefaispas,carcesontlàlesvaguesdu

Délugedelatribulation;aujourd’hui,lamainetlepiedetlanagenesontrien.«C’est leventde lavengeanceetdumalheurqui éteint la chandelle.

AucunflambeausaufceluideDieun’estdurable.Gardelesilence!»Ildit:«Non,jevaisgravircettehautemontagne:cettemontagneme

protégeradetoutmal.»(Noédit:)«Prendsgarde!Nelefaispas,caràprésentlamontagneest

commeunepaille.Il(Dieu)n’accordelasécuritéqu’àceuxqu’ilaime.»

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Il répondit : « Quand ai-je écouté tes conseils, que tu espères quej’appartienneàcettefamille45?«Tesparolesn’ontjamaisétéagréablespourmoi:jesuislibérédetoi

danslesdeuxmondes.»(Noédit:)«Prendsgarde,bâba,nelefaispas,carcen’estpaslejour

detémoignerdudédain.Dieun’apasdeparenténid’associé.«Jusqu’àprésent,tuasfaitpreuvededédain,etencemomentilexiste

dudédain(delapartdeDieu):dequiledédaina-t-iluneffetdanscetteCour(divine)?« De toute éternité, Il est (Celui) qui n’engendre pas, ni n’est

engendré46:Iln’anipère,nifils,nioncle.»1320 Commentsupporterait-illedédaindesfils?Commentprêterait-il

l’oreilleaudédaindespères?(Dieu a dit :) « Je ne suis pas engendré : ô vieillard, ne sois pas

orgueilleux,jen’engendrepas;ôjeunehomme,neterengorgepas.«Jenesuispasunmari, jen’airienàfaireavecledésir.Ici,ôdame,

cessed’êtredédaigneuse.»A l’exception de l’humilité, de la servitude, de la totale impuissance,

rienn’obtientdelaconsidérationencettePrésence.(Canaandit:)«Père,pendantdesannéestuasditcela;maintenant,tu

lerépètes:tonespritestdérangé.«Combiendeceschosesn’as-tupasditesàchacun,desortequetuas

souventobtenuuneréponsepleinedefroideur!« Ton discours fastidieux n’est pas entré dans mon oreille, surtout à

présentquejesuisdevenusageetfort.»Noédit:«Bâba,quelmalyaura-t-ilàcequetuécoutespourunefois

leconseildetonpère?»De cette façon,Noé donnait des conseils affectueux et, de cette autre

façon,Canaanrefusaitdurement.Ni le père ne se fatigua d’admonesterCanaan, ni une seule parole ne

pénétradansl’oreilledecethommedéplaisant.1330 Ilsétaiententraindeparler,quandunevaguesauvagefonditsurlatête

deCanaan,etilfutréduitenmorceaux.Noédit:«ÔRoipatient,monâneestmort,etTonDélugeaemportéla

charge.«SouventTum’aspromis:“TafamilleserasauvéeduDéluge.”«Moi,naïvement,j’avaisattachémoncœuràl’espoirenToi:pourquoi

doncleDélugem’a-t-ilarrachémonvêtement?»

Page 765: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Il(Dieu)dit:«Iln’étaitpasdetafamilleetparenté:n’as-tupasvutoi-mêmequetuesblancetluinoir?«Quand lapourriture est tombée sur tadent, cen’est plusunedent :

arrache-la,ômonmaître.«Afin que le reste de ton corps ne soit pas rendumisérable par elle,

débarrasse-t’en,bienqu’elleaitétéàtoi.»(Noédit :) « Je suis libéréde tout cequi est autrequeTonEssence ;

celuiquiestmortenToin’estpasautre(queToi).«TusaiscommentjesuisparrapportàToi:jesuiscommelevergerà

l’égarddelapluie,etvingtfoisplusquecela.«Vivant parToi,me réjouissant à cause deToi, un pauvremisérable

recevantsasubsistancesansintermédiaireniintervention;1340 «Niuniniséparé,ôPerfection;dénuédequalité,oudescriptionou

cause.«Noussommeslespoissons,etToil’OcéandelaVie:nousvivonspar

Tafaveur,ôToidontlesattributssontexcellents.«Tun’espas contenudans le seind’unepensée,ni joint à l’effet, en

tantquecause.«Avant ceDéluge, et après lui,Tu as été l’objet demondiscours en

chaquecolloque.« Je parlais avec Toi, non avec eux, ô Toi qui es le Donateur de la

parole,maintenantcommejadis.«L’amoureux, jouretnuit,neconverse-t-ilpas, tantôt avec les ruines

(de la demeure de sa bien-aimée), tantôt avec les traces (de sonhabitation)?«Selonlesapparences,ilatournésonvisageverslesruines,maisàqui

adresse-t-ilcechantdelouange,àqui?« Louanges à Toi ! A présent, Tu as déchaîné le Déluge et retiré les

ruinesquisetrouvaiententreToietmoi.« (Je te rends grâces) parce qu’elles étaient des ruines viles et

mauvaises,nepoussantnicriniécho.« Je désire des ruines telles qu’elles puissent répondre, comme la

montagne,avecunécho,1350 «Afinquej’entendeTonnomrépété,carjesuisamoureuxdeTonnom

quiapaisel’âme.« C’est pourquoi tous les prophètes aiment les montagnes : afin de

pouvoirentendreTonnomrépété.«Cettemontagnebasse,ressemblantàunsolpierreux,convientàune

souris,nonànouscommelieuderepos.

Page 766: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

«Quandjeparle,ellenemerépondpas:maparoledemeuresansécho.«Ilvautmieuxquetul’aplanisses:puisqu’ellen’estpasd’accordavec

moi,quejepuissemarchersurelle.»Dieudit:«ÔNoé,situledésires,Jelesrassembleraitousetlesferai

seleverdeleurstombesdanslaterre.« Je ne veux pas te briser le cœur à cause d’un Canaan, mais Je

t’informeausujetdeleursétats.»Noédit:«Non,non,jeseraiscontentqueTumenoiesaussi,sicelaTe

convientdelefaire.«Garde-moientraindemenoyeràchaqueinstant,j’ensuissatisfait:

Tonordreestmonâme,jeleportecommemonâme.« Jene regardepersonnequeToi, etmême si je le fais, celui-làn’est

qu’unprétexte,etc’estToil’objetdemonregard.1360 «JesuiséprisdecequeTufais,dansl’actiondegrâcescommedansla

patience;commentserais-jeamoureux,commel’infidèle,decequeTuasfait?»Celuiquiaimel’actiondeDieuestsublime;celuiquiaimesonœuvre

estunimpie.

*Nomdedeuxlettresdel’alphabetarabe,deformesdifférentes.

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ConciliationdecesdeuxTraditionsprophétiques:«Etresatisfaitde

l’infidélitéestunacted’infidélité»et«Siquelqu’unn’estpassatisfait

deMonordre,qu’ilchercheunautreseigneurqueMoi.»

ier, un questionneur me posa une question, parce qu’il aimait ladiscussion.Ildit:«LeProphèteaprononcécetteparoleprofonde:“Etresatisfait

del’infidélitéestunacted’infidélité”;sesmotssontcommeunsceau.«Iladitaussiquelemusulmandoitêtresatisfaitdechaqueordre,doit

êtresatisfait.« L’infidélité et l’hypocrisie ne sont-elles pas l’ordre deDieu ? Si je

devienssatisfaitdecela,ceseraenm’opposant(àDieu);«Et si jenesuispas satisfait, celaaussi serapréjudiciable :entreces

deuxalternatives,quemereste-t-ilàfaire?»Jeluidis:«Cetteinfidélitéestlachoseordonnée,cen’estpasl’ordre:

cetteinfidélitéestvéritablementl’effetdel’ordre.«DistinguedoncTordredelachoseordonnée,pourquetadifficultésoit

aussitôtrésolue.« J’admets1’infidélité encequec’estTordredeDieu,nonenceque

c’estnotreoppositionetnotreperversité.1370 «AuregarddeTordre,l’infidélitéenvéritén’estpasdel’infidélité.

N’appellepasDieu“infidèle”,n’enrestepaslà.« L’infidélité est de l’ignorance, et Tordre de l’infidélité est de la

connaissance : comment, dis-moi, hilm (patience) et khilm (colère)seraient-ilslemême?«Lalaideurdel’écrituren’estpaslalaideurdel’artiste;non,c’estune

manifestationparluidelalaideur.« Le talent de l’artiste, c’est de pouvoir faire à la fois le beau et le

laid.»Sijedéveloppeméthodiquementl’étudedecesujet,detellesortequela

questionetlaréponsedeviennentlongues,Lasaveurdumystèrede l’amourmequittera, ladévotionprendraune

autreforme.

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Paraboleillustrantlefaitquerémerveillement(mystique)empêchel’investigationet

laconsidération

n certain homme, dont les cheveux étaient de deux couleurs*, serenditenhâtechezunbarbierrenommé.Il lui dit : « Enlève la blancheur de ma barbe, car j’ai choisi une

nouvelleépouse,ôjeunehomme.»Il(lebarbier)luicoupalabarbeetlaposatoutentièreenfacedelui,et

dit : « Retire les poils blancs, parce qu’il se trouve que j’ai une affaireimportante.»Ce « retire-les » est cette question et cette réponse, car l’émotion

religieusenes’occupepasdeceschoses**.1380 UncertainhommefrappaZaydsurlecou;Zaydaussitôtseprécipita

surluipoursebattre.Celuiquil’avaitattaquéluidit:«Jevaisteposerunequestion;aussi,

réponds-moietensuitetumefrapperas.«J’aifrappétanuque,etilyavaitlebruitd’unetape;àcepropos,j’ai

unequestionàteposer:« Ce bruit était-il causé par ma main ou par ta nuque, ô homme

noble?»Il(Zayd)dit:«Enraisondelasouffrancequej’ai,jen’aipasleloisir

dem’arrêteràcetteréflexionetconsidération.«Toi,quinesouffrespas,réfléchisàceci;celuiquisubitlasouffrance

n’apasdetellespensées.Faisattentionàcela!»

*C’est-à-direnoiretblanc.**DesdiscussionsscolastiquesoùTon«coupelescheveuxenquatre».

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Histoire

armi les Compagnons (du Prophète), il n’y avait pratiquementpersonnequi sût leQor’ânpar cœur, bienque leurs âmesen eussentungranddésir,Parceque,étantdonnéquesonnoyaulesavaitremplisetavaitatteintla

maturité,lesécorcesétaientdevenuestrèsmincesetelleséclatèrent.Demême,lescoquesdesnoix,despistachesetdesamandes—quand

lenoyaulesaremplies,l’enveloppediminue.Quand le noyau— la connaissance— s’accroît, son écorce diminue,

parcequel’amoureuxestconsuméparsonbien-aimé.1390 Puisquelefaitd’êtrerecherchéestl’opposédelarecherche,la

Révélationetl’éclairdelaLumièredivineconsumentleprophètedeleurbrûlure.Quand les Attributs de l’Éternel ont brillé, alors le manteau de la

temporalitéestbrûlé.Quiconque connaissait un quart du Qor’ân par cœur entendit les

Compagnonsdire:«Ilestgrandparminous.»Joindrelaforme(extérieure)àunetellesignificationprofonden’estpas

possible,saufdelapartd’unpuissantRoi(spirituel).Dansuneivressemystiquetellequelasienne, l’observancedurespect

n’existerapas;ou,sielleexiste,ceseraétonnant.Observerl’humilitédansl’étatd’indépendancespirituelle,c’estjoindre

deuxopposés,comme«rond»et«long».En vérité, la canne est aimée de l’aveugle ; celui qui est aveugle

(intérieurement)estuncoffrepleindeQor’âns.Quelqu’unadit:«Envérité,lesaveuglessontdescoffresremplisdes

motsduQor’ân,delacommémorationdeDieuetd’avertissements.»Aussi,uncoffrepleindeQor’ânsvautmieuxqueceluiquiestcomme

uncoffrevidedanslamain.Enoutre,lecoffrequiestvidevautmieuxquelecoffreremplidesouris

etdeserpents.1400 Enrésumé:quandunhommeestparvenuàl’union,l’intermédiairen’a

plusd’utilitépourlui.Puisquetuasatteintl’objetdetaquête,ôhommeaimable,laquêtedela

connaissanceestmaintenantdevenuemauvaise.Puisque tuesmonté jusqu’aux toitsduCiel, il seraitvaindechercher

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uneéchelle.Aprèsêtreparvenuàlafélicité,lecheminquimèneàlafélicitéestsans

valeur,saufpouraideretinstruirelesautres.Lemiroirbrillant,quiestdevenuclairetparfait—ceseraitdelafolie

quedelepolir.Assisavecjoieàcôtédusultanetjouissantdesafaveur,ceseraitune

hontequedechercherunelettreetunmessager.

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Histoired’unamoureuxabsorbédanslalectureetVexamend’unelettred’amourenprésencedesa

bien-aimée,etcommentlabien-aiméeenconçutdudéplaisir.Ilest

honteuxdechercherlapreuveenprésencedecequiestprouvé,et

blâmabledes’occuperdeconnaissanceaprèsêtreparvenuàce

quiestconnu

n certain homme, quand sa bien-aimée le laissa s’asseoir à côtéd’elle,pritunelettreetsemitàlaluilire.Dans la lettre, il y avait des vers, des éloges, des louanges, des

lamentations,delasouffrance,mainteshumblessupplications.Labien-aiméedit : «Si c’estpourmoi, lire ceci aumomentdenotre

réunion,c’estperdresavie.«Jesuisiciàcôtédetoi,ettulisunelettre.Ceci,entoutcas,n’estpas

lamarquedesvéritablesamants.»1410 IIrépondit:«Tuesprésenteici,maisjen’obtienspastoutmonplaisir;

« Ce que j’ai éprouvé l’an dernier à cause de toi n’existe pas en cetinstant,bienquejesoisuniàtoi.«J’aibudel’eaufraîcheàcettefontaine,j’airafraîchimesyeuxetmon

cœuravecsoneau.«Jevoisencorelafontaine,maisl’eaun’estpluslà:peut-êtrequelque

briganda-t-ildétournémoneau.»Elle dit : «Alors, je ne suis pas ta bien-aimée : je suis àBulghar, et

l’objetdetondésirsetrouveàQutu.«Tuesamoureuxdemoi,etaussid’unétatdesentiments:cetétatn’est

pasentapossession,ômonami!«C’estpourquoijenesuispaslatotalitédecequeturecherches,jesuis

seulementunepartiedel’objetdetaquêteencemoment.«Jesuisseulementlamaisondetabien-aimée,nonlabien-aiméeelle-

même:l’amourestpourlamonnaie,nonpourlacassette.« Le véritable bien-aimé est celui qui est unique, qui est ton

commencementettafin.«Quandtu le trouveras, tuneresteraspasàattendre(autrechose) : il

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estàlafoislemanifesteetlecaché.1420 «Ilestleseigneurdesétatsspirituels,ilnedépendd’aucunétat:le

moisetl’annéesontlesesclavesdecetteLune.«Quandilordonneauhal(à“l’état”),ilaccomplitsonordre;quandil

leveut,iltransformeenespritlescorps.«Celuiquiestarrêtén’estpasarrivéàlafinduvoyage,ilresteassis,

dansl’attente,etrecherchantl’“état”(lehal).Lamain(dusaint)estlapierrephilosophalequitransmuel’“état”;s’il

bougelamain,lecuivredevientenivréparlui.« S’il le veut, la mort même devient douce, les épines et les dards

deviennentcommelenarcisseetl’églantine.«Celuiquiestdépendantduhalestunêtrehumain;àunmoment,ilest

renduplusgrandparlehal,àunautremomentildécroît.« Pour donner un exemple, le soufi est le fils du temps (waqt),mais

celuiquiestpur(sâfi)n’estpasconcernéparles“temps”nil’“état”.« Les “états” dépendent de sa décision et de son jugement, ils sont

vivifiésparsonsoufflepareilàceluiduMessie.« Tu es amoureux de ton “état”, tu n’es pas amoureux demoi, tu es

attachéàmoidansl’espoird’acquérirun“état”.« Celui qui à unmoment est défecteux et à un autremoment parfait

n’estpasCeluiqu’adoraitKhalil(Abraham),ilestceluiquisombre.1430 «Etceluiquiestsusceptibledesombreretesttantôtcelaettantôtceci

n’estpaslebien-aimé:Jen’aimepasceuxquidisparaissent47.«Celui qui est tantôt agréable et tantôt désagréable, à unmoment de

l’eau,àuninstantdufeu,«Estpeut-êtrelesmaisondelaLune,maisiln’estpaslaLune;ilpeut

êtreleportraitdelabien-aimée,maisiln’estpasconscient.«Lesoufiquirecherchelapuretéest“lefilsdutemps”etce“temps”,il

l’aembrasséaussiétroitementquesic’étaitsonpère.«Celuiquiestpur(sâfi)estplongédanslalumièreduGlorieux,iln’est

lefilsdepersonne,ilestaffranchides“temps”etdes“états”.« Immergédans laLumièrequi est inengendrée, II n’engendre pas ni

n’estengendré48appartientàDieuseul.«Va,rechercheuntelamour,situesvivant;autrementtuesl’esclave

du“temps”changeant.«Neregardepastaforme,laideoubelle,regardel’Amouretl’objetde

tarecherche.«Neregardepaslefaitquetusoisméprisableouinfime,considèreton

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aspiration,ôtoiquiesnoble.« Toi, en quelque “état” que tu sois, continue à chercher : ô toi aux

lèvressèches,cherchetoujoursl’eau,1440 «Cartalèvresècheestlapreuvequ’àlafintuatteindraslasource.

«Lasécheressedetalèvreestunmessagequivientdel’eau,disantquetontroublet’amènerasansnuldouteversl’eauvive.« Car cette recherche est une action bénie, ta recherche détruit les

obstaclessurlaVoiequimèneàDieu.«Tarechercheestlaclédeschosesquetucherches,cettequêteestton

arméeetlavictoiredetesétendards.«Tarechercheestcommeceluiquiannoncelavenuedel’aurore.«Situn’aspasdemoyens,continueàchercher;lesmoyensnesontpas

nécessairessurlaVoieduSeigneur.«Quiconquetuvoisengagédanslarecherche,ômonfils,deviensson

amietoffre-luitavie,«Carenétantlevoisindeschercheurs,tudeviendrasunchercheur,età

l’ombredesconquérantstudeviendrasunconquérant.« Si une fourmi s’est efforcée d’atteindre le rang de Salomon, ne

considèrepasavecdédainsarecherche.«Toutcequetupossèdesenfaitderichessesetdetalents,n’était-cepas

d’abordunerechercheetunepensée?»

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Histoiredelapersonnequi,autempsdeDavid(surluilapaix),

priaitjouretnuit,endisant:«Donne-moidesmoyensdevivrelicites,sansquecelamecause

aucunepeine.»

1450 utempsduprophèteDavid,uncertainhomme,enprésencedechaquesageetdechaqueignorant,Avaitcoutumedefairetoujourscetteprière:«ÔDieu,accorde-moides

richessessanspeine!«Puisquetum’ascrééfainéant,receveurdecoups,lent,paresseux.«On ne peut placer sur le dosmeurtri d’ânesmalchanceux la charge

portéepardeschevauxetdesmules.«PuisqueToi,ôEtreparfait,Tum’ascrééparesseux,enconséquence,

donne-moimonpainquotidienaumoyendelaparesse.«Jesuisparesseux,etjedorsàl’ombreencemondedel’existence;je

dorsàl’ombredecetteGénérositéetMunificence.«Sûrement,pourceuxquisontparesseuxetquidormentàl’ombre,Tu

asprescritungagne-paind’uneautremanière.«Quiconquen’estpasinfirmechercheàgagnersavie:Toi,aiequelque

pitiéàl’égarddeceluiquiestinfirme.«Envoielepainquotidienàcepauvremalheureux;envoielesnuages

chargésdepluieverschaquepays.«Puisquelaterrenepeutsemouvoir,Tamunificencedirigelesnuages

doublementverselle.1460 «Puisquelebébénepeutmarcher,samèrevientluioctroyersaration

delait.«Jesolliciteuneportionquotidienneaccordéesoudainsansfatiguede

mapart,carjen’aid’autreseffortsquelademande.»Ilpriaitainsipendantlongtemps,toutlejourjusqu’àlanuit,ettoutela

nuitjusqu’aumatin.Les gens riaient de ses paroles, de la folie de son espoir et de sa

prétention,Disant:«Merveilleux!Quedit-il,cetimbécile?Ouquelqu’unluia-t-

ildonnéduhaschichquilerendinsensé?»La manière de gagner le pain quotidien, c’est le travail, la peine, la

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fatigue;Dieuadonnéàchacununmétierpourgagnersavie:«Recherchezvosrationsquotidiennesparlesmoyensquiconviennent:

pénétrezdansvosdemeuresparlesportes.»A présent, le roi, le chef etmessager deDieu est le prophèteDavid,

douédenombreuxtalents.Outre la gloire et la fierté qui sont en lui, attendu que les faveurs de

l’Amil’ontélu,Sesmiraclessontillimitésetinnombrables,lesvaguesdesagénérosité

vontparfluxsuccessifs.1470 Quandquiconque,depuisAdamjusqu’àmaintenant,a-t-ilpossédéune

voixpareilleàunorgue?Qui,àchaquesermon,faitmourirdesgens?Savoixadmirablearendu

deuxcentsêtreshumainsnonexistants.Alors, le lion et le cerf s’unissent en entendant ses paroles, l’un

oublieuxdel’autre;Lesmontagnes et les oiseaux accompagnent sa voix, ils sont tous ses

confidentsàl’heuredesasupplication(àDieu).Cesmiracles,etcentfoisplus,luisontattribués;laclartédesonvisage

estàlafoistranscendanteetimmanente.Endépitdetoutecettemajesté,Dieuadûfairedépendresesmoyensde

vivredelarechercheetdel’effort.Sansletissagedecottesdemaillesetsanspeinedesapart,sesmoyens

devivreneluiparviennentpas,malgrésesvictoires.Cependant, quelqu’un abandonné de Dieu tel que celui-ci, un pauvre

hèrebanniduCiel,Unmalchanceuxdecettesorte,désire,sansnégoce,rempliraussitôtses

pochesavecsesgains!Unhommeaussifouvient,disant:«Jegrimperaijusqu’aucielsansune

échelle.»1480 Celui-ciluidisait,railleusement:«Valarecevoir,cartaration

quotidienneestarrivéeetlemessagerestvenuaveclesbonnesnouvelles.»Etcelui-làriait,disant :«Donne-nousunepartdecequetureçoisen

cadeau,ôchefduvillage.»Mais ilnediminuaitpassesprièresetses implorationsàcausedeces

insultesetmoqueriesdesgens,De sorte qu’il devint bien connu et célèbredans la ville commeétant

quelqu’unquichercheàobtenirdufromaged’uneboursevide.Lastupiditédecepauvrehèredevintproverbiale,mais ilnerenonçait

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pasàsesdemandes.

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Commentunevacheseprécipitadanslamaisondeceluiquipriaitdefaçoninsistante.LeProphète(Dieulebénisseetluiaccordelapaix)adit:«Dieuaimeceuxquisontinsistantsdanslaprière»,

parcequelefaitmêmededemanderquelquechoseauDieu

Très-Hautetl’insistanceelle-mêmevalentmieuxpourlesuppliantque

lachosequ’ildemandeàDieu

usqu’à ce qu’un jour, alors qu’il faisait cette prière avec desgémissementsetdessoupirs,Toutàcoup,unevacheseprécipitâtdanssamaison;ellefrappadeses

cornesetbrisaleverrouetlaclé.Lavachesautahardimentdanslamaison;l’hommebonditetluiattacha

lesjambes.Puisilcoupaaussitôtlagorgedelavache,sanshésitationetsanspitié.Aprèsqu’illuieutcoupélatête,ilallachezleboucherafinqu’ilpuisse

immédiatementluiouvrirleflanc.

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Lepoètes’excusantetimplorantdel’aide

Toiqui,comme l’embryon,medemandesdeschosesà l’intérieurdemoi-même—puisqueTuformulesuneexigence,rendsaisé

1490 L’accomplissementdecettetâche,montrelavoie,accordeuneaide,ousinonrenonceàcetteexigenceetnemechargepasdecefardeau!PuisqueTuréclamesdel’oràuninsolvable,donne-luidel’orensecret,

ôRoiriche!SansToi,commentlapoésieetlesrimesoseraient-ellessefairevoirle

soiroulematin?Lapoésie,l’homonymieetlesrimes,ôToiquisais,sontlesesclavesde

Tonordre,parpeuretcrainte.Étant donné queTu as fait que toute choseTe glorifie— l’entité qui

discernecommecellequinediscernepas,Chacun Te glorifie d’une façon différente, et celui-là ne connaît pas

l’étatdecelui-ci.L’hommenecroitpasàlalouangeprononcéeparleschosesinanimées,

maisceschosesinaniméessontpasséesmaîtresdansl’adoration.Lessoixante-douzesectessont toutesdans l’ignorancedechacunedes

autresetdansungranddoute.Puisque deux orateurs n’ont pas connaissance chacun de l’état de

l’autre,qu’ensera-t-ildumuretdelaporte?1500 Puisquejesuisinsouciantdelaglorificationadresséeparceluiquiparle,

commentmoncœurconnaîtrait-illaglorificationprovenantdecequiestmuet?Lesunniten’estpasconscientdelalouangeeffectuéeparledjabrî*:le

djabrîn’estpastouchéparlemodedeglorificationdusunnite.Lesunniteaunmodeparticulierdeglorification;ledjabrîaunefaçon

opposéedechercherrefugeenDieu.L’un (le djabrî) dit : « Lui (le sunnite) est égaré et perdu », étant

ignorantdesonétatetdel’ordredivin:«Lève-toi(etprêche)49.»Et l’autre (le sunnite) dit : « Quelle connaissance a celui-ci (le

djabrî)?»Dieu,parprédestination,lesajetésdanslalutte.Ilrendmanifestelavéritablenaturedechacun,Ilfaitvoirlecongénère

(parcontraste)aveccequin’estpasdemêmeespèce.Chacun distingue la miséricorde de la vengeance, qu’il soit sage,

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ignorantouvil;Maisunemiséricordequiestdevenuecachéedanslavengeance,ouune

vengeancequis’estenfoncéedanslecœurdelamiséricorde,Nulnelesconnaît,saufl’hommedivinisédanslecœurduquelsetrouve

unepierredetouchespirituelle.Le reste des gens ont seulement une opinion de ces deux choses : ils

volentversleurnidavecuneseuleaile.

*Partisandufatalisme.

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Expliquantquelaconnaissancepossèdedeuxailes,etl’opinionuneseule:«L’opinionestdéfectueuse

etsonvolestécourté»;etunecomparaisonillustrantl’opinionet

laconnaissancecertaine

1510 aconnaissanceadeuxailes,l’opinionuneseule;l’opinionestdéfectueuse,etsonvolestcourt.L’oiseauquin’aqu’uneailetombebientôtdetoutsonlong;puisilse

remetàvoler,deuxpasoudavantage.L’oiseaudel’opinion,tombantetserelevant,s’envaavecuneaile,dans

l’espoird’atteindresonnid.Mais,quandelleaété libéréedel’opinion, laconnaissanceluimontre

sonvisage;cetoiseauàuneailedevientdouédedeuxaileset lesétendtoutesgrandes.Ensuite,ilmarchedroitetferme,sanstombersursafaceniêtremalade.Ilprendsonessoravecdeuxailes,commeGabriel, sansopinion,sans

incertitudeetsansdiscussion.Silemondetoutentierluidisait :«TuessurlechemindeDieuettu

suislavraiereligion»,Ses paroles n’augmenteraient pas sa ferveur ; son âme solitaire ne

s’associepasàeux;Etsitousluidisaient:«Tut’égares;tupensesêtreunemontagneeten

réalitétuesunbrindepaille»,Ilnetomberaitpasdansledouteàcausedeleursreproches,ilneserait

pasaffligéparleurdépart.1520 Envérité,silesmersetlesmontagnesvenaientàparleretluidisaient:

«Tuesvouéàlaperdition»,Ilnetomberaitpaslemoinsdumondedansl’imaginationoulamaladie

àcausedessarcasmesdesrailleurs.

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Paraboled’unhommerenduspirituellementmaladeparsavanité

àcausedelavénérationqueluivouaientlesgens,etdela

supplicationquiluiétaitadresséeparceuxquirecherchaientsa

faveur;etl’histoiredel’instituteur

es garçons, dans une certaine école, souffraient d’ennui et defatigueàcausedel’excèsdetravaildonnéparleurmaître.Ils se consultèrent sur lesmoyens d’arrêter ce travail, de sorte que le

maîtresoitréduitàlanécessité(deleslaisserpartir),(Disant:)«Puisqueaucunemaladieneluiarrive,quileferaits’absenter

pendantplusieursjours,«Desortequenouspuissionséchapperàcetemprisonnement,réclusion

ettravail,quefaire?Ilestfixéicifermecommeunroc.»L’und’eux, leplusmalin,projetadedire :«Maître,pourquoies-tusi

pâle?« Puisses-tu aller bien ! Ta couleur a changé : ceci est l’effet soit du

(mauvais)air,soitdelafièvre.«Alors,lemaîtrevacommenceràsefairedesimaginations;toiaussi,

monfrère,aide-moidecettefaçon.«Quandtuarriverasàlaportedel’école,dis:“Maître,est-cequevotre

santéestbonne?”1530 «Alors,sonimaginationaugmenteraunpeu,carparl’imaginationun

hommedevientfou.«Après nous, que le troisième, le quatrième et le cinquième garçons

témoignentde lamême façonde la sympathie et du chagrin,«De sorteque, lorsque trente garçons raconteront successivement cette histoire defaçonunanime,celapuissepénétrerdanssonesprit.»Chacun des élèves lui dit : «Bravo, ô toi le sagace ! Puisse ton sort

resterfavorisé(deDieu).»Ils convinrent, avec un ferme accord, qu’aucun d’entre eux ne

changeraitcesparoles;Etensuite,illeurfitprêtersermentàtous,depeurquequelqueracontar

n’éventelecomplot.Le conseil de ce garçon prévalut sur tous les autres, son intelligence

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précédaittoutcetroupeau.Ilexistelamêmedifférencedansl’intellecthumainqueparmilesaimés

dansleursformesextérieures.C’estdecepointdevuequeAhmad(Mohammad)adit:«L’excellence

del’hommeestcachéedanssalangue.»

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Lesintellectsdesgensdiffèrentdansleurnatureoriginelle,bienque,selonlesmotazilites,ilssoientégauxàl’origine,etqueladifférenceentrelesintellects

proviennedel’acquisitiondelaconnaissance

ous devez croire, en accord avec les sunnites, que la différenceentrelesintellectsétaitoriginelle,

1540 Contrairementàladoctrinedesmotazilites,quiaffirmentquetouslesintellectsétaientégauxàl’origine,Etquel’expérienceetl’enseignementlesrendentplusoumoinsgrands,

desortequecelarendunepersonneplusinstruitequ’uneautre.Cela est faux, comme le prouve le conseil d’un garçon qui n’avait

aucuneexpérienceenmatièred’action:Decepetitenfantjaillitunepenséequelevieilhomme,possédantune

centained’expériences,nedécelapasdutout.Envérité, la supériorité qui provient de la nature estmeilleure que la

supérioritéquivientdel’effortetdelaréflexion.Dites-moi, le don de Dieu vaut-il mieux, ou bien qu’une personne

boiteuseapprenneàmarchercorrectement?

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Commentlesgarçonsfirentimagineraumaître(qu’ilétaitmalade)

ejourseleva,etcesgarçons,remplisdecettepensée,serendirentdeleursmaisonsàl’école.Ilssetenaienttousàl’extérieur,attendantquecegarçonrésoluentrâtle

premier,Parcequ’ilétaitàl’originedececomplot:latêteesttoujoursunimâm

(guide)pourlepied.Ôimitateur,nerecherchepaslaprécellencesurceluiquiestunesource

delumièrecéleste.1550 L’élèveentraetditaumaître:«Salam!J’espèrequevousallezbien.

Votrevisageestdecouleurjaune.»Lemaître dit : « Je ne suis pasmalade.Va t’asseoir et ne dis pas de

sottises.»Illeniait,maislapoussièred’uneimaginationmauvaisesoudainfitune

légèreimpressionsursoncœur.Unautregarçonvint,etditlamêmechose;parceci,cetteimagination

s’accrutunpeu.(Ilscontinuèrent)decettefaçon,jusqu’àcequesonimaginationprîtde

laforce,etilfutlaissés’interrogeantquantàsonétatdesanté.

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CommentPharaonfutrendumaladeparlavaineimaginationprovenantdurespectdupeuple

pourlui

aprosternationdupeuple—femmes,enfants,hommes—frappalecœurdePharaonetlerenditmalade.Lefaitquechacunl’appelaitseigneuretroilerenditsiperturbéparune

vaineimagination,Qu’ilosaprétendreà ladivinité : ildevintundragonetn’était jamais

rassasié.L’imaginationet l’opinionsontunecalamitépour la raisondiscursive,

parcequesademeuresetrouvedansl’obscurité.S’il existe sur le sol un passage large d’une demi-aune, un homme y

marcheratranquillementsansriens’imaginer;1560 Maissivousmarchezausommetd’unhautmur,vouschancellerez,

mêmesisalargeurestdedeuxaunes;En vérité, par l’imagination et la crainte, vous serez sur le point de

tomber.Réfléchissez-yetcomprenezlapeurquiestdueàl’imagination.

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Commentlemaîtrefutrendumaladeparl’imagination

emaîtredevinténervépar1’imaginationet1’anxiété;ilselevaetsetraîna(verssamaison),Fâchécontresafemmeetdisant:«Sonamourestfaible;jesuisdans

cetétatdesanté,etellenes’enestpasenquis.«Ellenem’amêmepasinformédemacouleur:elleal’intentiondese

débarrasserdemoi.«Elleestdevenuegriséeparsabeautéetl’étalage(desescharmes)et

neserendpascomptequejesuistombédutoitcommeunbol(brisé).»Il revintchez luietouvrit rageusement laporte—lesgarçonssurses

talons.Sa femme luidit : «Toutva-t-il bien?Comment es-tu rentré si tôt ?

Qu’aucunmaln’arriveàtachèrepersonne!»Ildit:«Es-tuaveugle?Regardemacouleuretmonapparence;même

lesétrangersplaignentmonaffliction,«Tandis que toi, à lamaison, par haine et hypocrisie, tu ne vois pas

l’étataffreuxdanslequeljemetrouve.»1570 Safemmedit:«Messire,iln’yariendemauvaisencequite

concerne:c’estseulementtonimaginationettonopinionfausses.»Illuidit:«Ôcatin,es-tuencoreentraindediscuteravecmoidefaçon

obstinée?Nevois-tupascechangementetcetremblement?«Situesdevenuesourdeetaveugle,est-cedemafaute?Jesuisdansla

peine,lechagrinetlasouffrance.»Elledit:«Ômessire,jevaisapporterlemiroir,afinquetuvoiesqueje

suisinnocente.»« Va-t’en, dit-il. Que ni toi ni ton miroir ne soient sauvés ! Tu es

toujourspleinedehaine,demaliceetdepéché.« Prépare aussitôt mon lit, que je puissem’étendre, car j’ai mal à la

tête.»La femme s’attardait ; l’homme lui cria : «Ô femmedétestable, plus

vite!Cetteconduiteestdignedetoi!»

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Commentlemaîtresemitaulitetgémit,s’imaginantêtremalade

avieillefemmeapportalaliterieetl’étendit.Elledit:«Iln’yapasdepossibilitédeparler,etmoncœurestremplidepeine.« Si je parle, il me soupçonnera ; et si je ne dis rien, cette affaire

deviendrasérieuse.»Unhommequin’aéprouvéaucunesouffranceestrendumaladeparun

mauvaisprésage.1580 IIestobligatoired’accepterlaparoleduProphète:«Sivousprétendez

êtremaladesàcôtédemoi,vousdeviendrez(effectivement)malades.»«Si je lui dis (qu’il n’est pasmalade), il va se faire des idées : “Ma

femmeademauvaisdesseins,carelles’arrangepourêtreseule.“Ellemefaitsortirdelamaison,ellecomploteetcajoledanslebutde

quelquemauvaisechose.”»Ellepréparasonlit,etlemaîtretombadessus:soupirsetgémissements

étaientpoussésparlui.Les garçons restaient assis là, récitant leur leçon avec cent chagrins

secrets,Pensant:«Nousavonsfaittoutcela,etnousvoilàprisonniers:c’était

unemauvaiseconstructionetnoussommesdemauvaisconstructeurs.»

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Comment,pourlasecondefois,lesgarçonsfirentimagineraumaître

(qu’ilétaitmalade),disantqueleurrécitationduQor’ânaugmenterait

sonmaldetête

’élèvemalindit:«Ômesbonsamis,récitezlaleçonetfaites-leàhautevoix.»Tandisqu’ilsrécitaient,ildit:«Garçons,lebruitquenousfaisonsfera

dumalaumaître.«Lemaldetêtedumaîtreaugmenteraàcausedecebruit:celavaut-il

lapeinequ’iléprouvedelasouffrancepourquelquessous?»Lemaître dit : « Il dit la vérité : partez.Monmal de tête a empiré.

Sortezd’ici.»

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Commentlesgarçonséchappèrentàl’écolegrâceàcetour

1590 lssaluèrentetdirent:«Ôhonorémonsieur,puisselamaladieetledangerêtreéloignésdevous!»Puisilsseprécipitèrentversleursmaisons,commedesoiseauxdésirant

desgraines.Leursmèresdevinrentfâchéescontreeuxetdirent:«Unjourdeclasse,

etvous,vousjouez!»Ils présentèrent des excuses, disant : « Arrête, mère ! Ce péché ne

provientpasdenous,etn’estpascauséparnotrefaute.« Par le décret du Ciel, notre maître est devenumalade, souffrant et

affligé.»Lesmèresdirent :«C’estunartificeetunmensonge :vous racontez

unecentainedemensongesàcausedevotredésirpourdesplaisirs.«Aumatin,nousironsrendrevisiteaumaître,pourvoircequiestau

fonddevotreastuce.»« Allez-y au Nom de Dieu, dirent les garçons ; informez-vous pour

savoirsinousmentonsoudisonslavérité.»

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Commentlesmèresdesgarçonsallèrentrendrevisiteaumaîtremalade

1600 umatin,cesmèresvinrent;lemaîtreétaitaulitcommequelqu’undegravementmalade,Transpirantenraisondugrandnombredecouvertures,satêtebandéeet

sonvisageenveloppédansl’édredon.Il gémissait doucement : elles aussi semirent à crier : «Lâhawl ! »

(Dieunousprotège!)Ellesdirent:«Maître,nousespéronsquetoutirabien.Cemaldetête

—surnotreâme,nousn’étionspasaucourant.»Il répondit : «Moi aussi, je ne m’en rendais pas compte ; ces sales

garnementsm’enontfaitprendreconscience.«Jenel’avaispasremarqué,étantoccupéàenseigner,maisàl’intérieur

demoiilyavaituneaussigravemaladie.»Quandunhommeestoccupésérieusement,ilestaveugleàlavuedesa

souffrance.Onasouventcontél’histoiredesfemmesd’ÉgypteautempsdeJoseph:

ellesperdirentconscienced’elles-mêmesenraisondeleurfascination.C’est pourquoi elles se tailladèrent les avant-bras : l’esprit est

bouleversédesortequ’ilneregardeniderrièrenidevantlui.Oh,maint bravedans la bataille a eu lamainou le pied coupépar le

glaive,Etilapportecettemêmemaindanslecombat,pensantqu’elleestrestée

intacte.Ensuite, en vérité, il s’apercevra que samain a été blessée, et qu’il a

perdubeaucoupdesang,bienqu’ill’ignore.

Page 791: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Expliquantquelecorpsestcommeunvêtementpourl’esprit,etque

cettemain(corporelle)estlamanchedelamaindel’esprit,etquecepiedcorporelestlesoulier

dupieddel’esprit

1610 edisceci)afínquevouspuissiezsavoirquelecorpsestcommeunvêtement.Va,chercheleporteurduvêtement,nebaisepasunvêtement.Pourl’esprit,laconnaissancedel’UnitédeDieuestplusdouce:l’esprit

aunemainetunpieddifférentsdeceuxquisontvisibles.Vouspouvez contempler en rêve lamain et lepied (spirituels) et leur

relation au corps (spirituel) : considère cela comme une réalité, neconsidèrepasquecelaestenvain.Tuestel:enplusducorpsmatériel,tupossèdesuncorps(spirituel):ne

crainsdoncpasledépartdel’âmeducorps.

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Histoiredudervichequivivaitreclusdanslesmontagnes,avecun

exposédeladouceurdudétachement(dumonde)etdelaréclusionetdel’entréesurce

sentier,car(Dieuadit):«Jesuislecompagnondeceuxquise

souviennentdeMoietl’amideceuxquiMeprennentpourami*.Situesavectous,tuessanstous

quandtuessansMoi;Etsituessanstous,tuesavectous

quandtuesavecMoi.»

l y avait un derviche demeurant dans un lieu montagneux. Lasolitudeétaitsoncamaradedelitetsonboncompagnon.EtantdonnéquelabriserafraîchissanteluivenaitdelapartduCréateur,

ilétaitlasdessoufflesdel’hommeetdelafemme.Demêmequeresterà lamaisonnousestfacile,voyagerestaisépour

uneautrecatégoriedegens.Delamêmefaçonquetueséprisdupouvoir,cebravehommeestépris

dumétierdeforgeron.Chacunaétéfaitpouruntravailparticulier,etledésirpourcetravaila

étémisdanssoncœur.Commentlamainetlepiedseraient-ilsmussansdésir?Commentles

brindillesetlespailless’eniraient-ellessanseauousansvent?1620 SituvoisquetondésirestdirigéversleCiel,étendslesailesdela

royautécommelehoma**.Maissituvoisquetondésirestdirigéverslaterre,resteàtelamenter,

necessepasdegémir,Les sages, en vérité, commencent par se lamenter ; les imbéciles se

frappentlatêteàlafin.A partir du début de l’affaire, discernes-en la fin, afin de ne pas te

repentirauJourduJugement.

*Hadithqudsi(parolesacrée).**Oiseaufabuleux.Selonleslégendes,ilapportaitlachance.

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Commentunorfèvrediscernalafindel’affaireetparlaconformémentà

lafinavecceluiquidésiraitempruntersabalance

n certain homme vint chez un orfèvre, disant : « Donne-moi tabalance,quejepuisepeserdel’or.»L’orfèvreluidit:«Va,jen’aipasdetamis.»«Donne-moilabalance,

dit-il,etnerestepasàplaisantercommecela.»Ildit:«Jen’aipasdebalaidansmaboutique.»«Assez,assez,s’écria

l’autre;cessecesplaisanteries;«Donne-moilabalance,quejetedemande;nefaispassemblantd’être

sourd,nevapasdanstouslessens.»L’orfèvredit:«J’aientenducequetudisais,jenesuispassourd;tune

doispascroirequejesuisinsensé.« Je t’ai entendu ; mais tu es un vieillard tremblant : ta main est

vacillanteettoncorpsn’estpasdroit;1630 «Et,enoutre,tonorconsisteendetoutpetitsfragments;tamain

trembledesortequelesfragmentsd’ortomberont;« Alors, tu diras : “Monsieur, apportez-moi un balai, que je puisse

cherchermonordanslapoussière.”«Quandtubalaieras,turamasserasdelapoussière;tudiras:“Jeveux

letamis,ôhommeaimable!”«Depuis le début, j’ai discerné toute la fin.Va-t’en ailleurs qu’ici et

adieu!»

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Restedel’histoiredel’ascètedelamontagnequiavaitfaitlevœu

qu’ilnecueilleraitaucunfruitdelamontagnesurlesarbresnine

secoueraitlesarbresninediraitàpersonnedelessecouer,ni

ouvertement,nientermesvoilés,etqu’ilmangeraitseulementcequele

ventferaittomberdesarbres

urcettemontagne,ilyavaitdesarbresetdesfruits;ilyavaitdenombreusespoiresdemontagne—ellesétaientincalculables.Ledervichedit:«ÔSeigneur,jem’engageauprèsdeToiànecueillir

aucundecesfruitsduranttoutemavie.« Je ne cueillerai riende ces arbres élevés, sauf les fruits que le vent

aurafaittomber.»Pendant un temps, il fut fidèle à son vœu ; jusqu’à ce que les

tribulationsduDestinarrivent.Pourcetteraison,Dieuaordonné:«Faitesuneexception:ajoutez“si

Dieuveut”àvotrepromesse.« A chaque instant, Je donne au cœur un désir différent, à chaque

momentJeposesurlecœurunebrûluredifférente.1640 «Achaqueaube,J’aiunenouvelleoccupation;riennemedétournede

cequeJ’aientrepris50.»Il nous a été rapporté par les Traditions du Prophète que le cœur est

commeuneplumedansledésert,captived’unsouffledusarsar.Leventemportelaplumeinsolemmentdanschaquedirection,tantôtà

gauche,tantôtàdroite,aveccentdiversités.DansuneautreTraditionilestdit:«Considérezcecœurcommeétant

del’eaubouillantdansunchaudronpar(lachaleurdufeu).»Achaqueinstant, lecœuraunerésolutiondifférente :elleneprovient

pasdelui,maisd’uncertainlieu.Pourquoi,alors,mettretaconfiancedanslarésolutionducœuretfaire

unpacte,pourêtrevouéàlahonteàlafin?Ceci vient aussi de l’effet de l’ordre et du décret divins, que tu voies

l’abîmeetnepuissesteprotéger.

Page 795: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Quoid’étonnant,envérité,quel’oiseauquivolenevoiepaslepiègeetsoitdétruit?L’étonnant,c’estqu’ilvoieàlafoisleleurreetlepieu,ettombedansle

piège,bongré,malgré.Lesyeuxouverts,lesoreillesouvertes,etlepiègeenfacedelui,ilvole

verslepiègedesespropresailes.

Page 796: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

UnecomparaisonmontrantquelesliensetpiègesdelaDestinée,bienqu’extérieurementinvisibles,sont

manifestesdansleurseffets

1650 npeutvoirlefilsd’unnoble,dansunmanteaurapiécé,têtenue,tombédansl’affliction.Ilestconsumédepassionpourquelquevaurien;ilavendusesmeubles

etsesbiens;Sa maisonnée est partie, il est devenu de mauvaise renommée et

méprisé;ilavancecommequelqu’unplongédanslemalheur,àlajoiedesesennemis.S’ilvoitunascète, il luidira:«Ovénérablemessire,octroie-moiune

bénédiction,pourl’amourdeDieu,«Car je suis tombédanscetaffreuxmalheuret j’ai laissé la richesse,

l’oretlebonheurs’échapperdemesmains.«Donne-moiunebénédiction,pourquepeut-êtrejesoisdélivrédetout

celaetquejepuisseéchapperàcettebouenoire.»Ilfaitcetteprièredesupplicationàtoutunchacun,criant:«Libère,et

libère,etlibère!»Sa main est libre et son pied est libre, il n’y a pas de chaîne ni de

gardienpourlui,nidefers.De quelle chaîne cherches-tu à te libérer, et de quel emprisonnement

cherches-tuàt’échapper?Delachaînecachéedelaprédestinationetdeladestinée,quenul,sauf

l’espritélu,nepeutcontempler.1660 Bienquecenesoitpasvisible,c’estlà,enembuscade;c’estpirequela

prisonetleschaînesdefer,Parceque le forgeronpeut romprecette (chaînede fer)et le terrassier

peutmêmeretirerlesbriquesdelaprison,Mais, oh ! merveille, cette lourde chaîne cachée, les forgerons sont

impuissantsàlabriser.LavisiondecettechaîneduDestinappartientàAhmad(Mohammad):

(illavit)surlagorgeliéeparunecordedefibresdepalmier51.Ilvitunechargedefagotssurledosdelafemmed’AbûLahabetdit:

«Laporteusedebois(pourlefeudel’Enfer)52.»La corde et les fagots, aucun œil que le sien ne les vit, car pour lui

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chaquechoseinvisibledevientvisible.Tout le reste des gens l’interprètent (faussement), car cette vision

provientdel’inconscient(intuitif)eteuxsontconscients(rationnels).Mais, par l’effet de cette (chaîne), le dos (de celui qui la porte) a été

courbéendeux,etilgémitdevantvous:« Une prière ! une bénédiction ! que je puisse être délivré et que je

puisseéchapperàcettechaînecachée.»Celui qui aperçoit clairement ces signes, comment ne distinguerait-il

paslesdamnésdesélus?1670 IIsait,etparl’ordreduTout-Puissant,illecache,carilneseraitpas

licitededivulguerlesecretdeDieu.Cediscoursn’apasdefin.Cederviche,àcausedelafaim,devintfaible

etsoncorpstelunprisonnier(épuisé).

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Commentledervichequiavaitfaitlevœufutréduit(parlafaim)àcueillirlespoiresdel’arbre,et

commentlechâtimentdeDieuluiadvintsansdélai

urant cinq jours, le vent ne fit pas tomber une seule poire, et enraisondesaffresdelafaimsapatience1’abandonnait.Ilaperçutplusieurspoiressurunebranche,mais,unefoisdeplus,ilfit

preuvedepatienceets’abstint.Le vent arriva et abaissa le bout de la branche et fit que sa nature

charnellel’emportaetlefitmangercesfruits.La faim, la faiblesseet la forceduDestin rendirent l’ascète infidèleà

sonvœu.Quandileutcueillilesfruitsdupoirier,ildevintinfidèleàsonvœuetà

sapromesse.Aumêmeinstantarriva lechâtimentdeDieu : ilouvritsonœilet tira

sonoreille.

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Commentlesheikhfutsoupçonnédesetrouverdanslacompagniede

voleurseteutlamaincoupée

ncelieusetrouvaientplusdevingtvoleurs,separtageantlesobjetsqu’ilsavaientvolés.Lepréfetavaitétéavertiparuninformateur:leshommesdupréfetleur

tombèrentpromptementdessus.1680 Oncoupaaussitôtàeuxtouslepiedgaucheetlamaindroite,etil

s’élevaungrandtumulte.Lamaindel’ascèteaussifutcoupéeparerreur;il(lebourreau)étaitsur

lepointdefairetombersurlesolsonpiedaussi,Quand, juste à temps, un cavalier très bien choisi arriva et cria à

l’officier:«Faisattention,ôchien!«Celui-ciesttelettelsheikhestunabda*deDieu:pourquoiluias-tu

coupélamain?»L’officier déchira ses habits et se précipita chez le préfet et lui donna

1’informationaussitôt.Lepréfetvintpiedsnus,suppliantdelepardonner:«Jenesavaispas,

dit-il,Dieum’esttémoin.«Jet’enprie,absous-moidecettehorribleaction,ôhommegénéreux,

chefdeceuxquidemeurerontauParadis.»Il(lesheikh)dit:«Jeconnaislacausedecetteblessureducouteau:je

reconnaismonpéché.«J’aiviolélasaintetédeSesserments:c’estpourquoiSasentencem’a

immédiatementenlevémamain.J’ai brisé mon pacte, et je savais que c’était mal de le faire ; c’est

pourquoicettecalamitém’estadvenue.1690 «Puissentmamainetmonpiedetmoncerveauetmapeauêtreofferts

ensacrifice,ôgouverneur,audécretduBien-Aimé!«C’étaitmondestin. Je t’absouspourcela.Tunesavaispas : tun’es

pascoupable.«EtCeluiquisavait,c’estLuidontlesordressontpartoutexécutés:où

estlepouvoirdeluttercontreDieu?»Oh!combiend’oiseauxvolantàlarecherchedegrainesonteulegosier

coupéparleurgourmandise!Oh!combiend’oiseaux,àcausedeleurappétitetdesaffresdelafaim,

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ontétérenduscaptifssurlebordd’uneterrasse!Oh!combiendepoissonsqui,àcausedudésirde leurgosier,ontété

attrapésparunhameçondansuneeaudifficileàatteindre!Oh!combiende femmeschastes,cachéesderrièredes rideaux, furent

publiquement déshonorées en raison de leur mauvais destin, par leurgourmandiseetleursdésirssexuels!Oh!combiendejugessavantsethonnêtessonttombésdansl’opprobre

àcausedelacupiditéetdelacorruption!DanslecasdeHârûtetMârût,cevindudésirlesempêchademonterau

ciel.Acetégard,Bâyazîdpritdesprécautions:ilobservaenlui-mêmedela

paressedansl’accomplissementdelaprièrerituelle;1700 Quandcethommeperspicaceméditasurlacausedecela,ilperçutque

celavenaitdufaitqu’ilbuvaittropd’eau.Il dit : « Pendant une année, je ne boirai pas d’eau. » Il agit en

conséquence,etDieuluioctroyalapossibilité(des’enabstenir).C’étaitlàlamoindredesesmortificationspourl’amourdelaReligion:

ildevintunroi(spirituel)etlePôledesmystiques.Étantdonnéque lamainde l’ascèteavaitétécoupéeen raisondeson

appétit,ilrenonçaàseplaindre.Le nom sous lequel il était connu devint Sheikh Aqta, les malheurs

provenantdesagourmandiselefirentconnaîtreparcenom.

*Saintd’untrèshautrang.

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LesdonsmiraculeuxdeSheikhAqta,etcommentilavaitcoutume

detresserdespaniersenfeuillesdepalmieravecsesdeuxmains

nvisiteurletrouvadanssahutte,etvitqu’iltressaitunpanieraveclesdeuxmains.Il(lesheikh)luidit:«Ôennemidetaproprevie,tuesvenumettrela

têtedansmahutte.«Pourquoit’es-tuhâtédelasorte?»Ilrépondit:«Parexcèsd’amour

etdenostalgie.»Alors, il (le sheikh) sourit etdit :«Aprésent, entre,maisgardecette

chosesecrète,ônoblesire,«Jusqu’àcequejemeure,neracontecelaàpersonne,niàuncamarade,

niàunbien-aimé,niàquelqu’und’indigne.»1710 Parlasuite,d’autresgens(regardant)parsafenêtredevinrentaucourant

desontressage.Il dit : « Ô Créateur, Tu connais la raison (de ceci). Je cache (mon

secret)etTul’asrévélé.»L’inspiration divine vint à lui : « Il y avait un grand nombre de

personnesquicommençaientànepluscroireentoiàcausedecemalheur,« Disant : “Peut-être était-il un hypocrite dans la Voie (de Dieu), de

sortequeDieul’arendudéshonoréparmileshommes.”«Jenedésirepasquecesgensdeviennentdesimpiesetqu’enpensant

dumaldetoiilstombentdanslaperdition.« C’est pourquoi Nous avons divulgué ce miracle — que Nous te

donnonsunemainlorsquetutravailles—«Afinquecesmalheureuxhommesàlapenséemauvaisenesoientpas

écartésduSeigneurduCiel.«Auparavant,envérité,sanscesmiracles,Jetedonnaisuneconsolation

provenantdeMaPersonne;«Cemiracle,Jetel’aiaccordéàcaused’eux,etc’estpourcetteraison

queJet’aiaccordécettelampe(spirituelle).«Tuespasséau-delàdelapeurdelamortcorporelleetdudétachement

desmembres.1720 «Lavaineimaginationconcernantledémembrementdelatêteetdu

piedt’aquitté:ilt’estvenu,pourtedéfendrecontrel’imagination,un

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bouclierextrêmementfort.»

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LaraisonpourlaquellelesmagiciensdePharaoneurentle

couragedesupporterl’amputationdeleursmainsetdeleurspieds

’est-il pas vrai que le maudit Pharaon menaça les magiciens depunitionsurlaterre,Disant:«Jecouperaivosmainsetvospiedsdesdeuxcôtés,ensuiteje

vouspendrai:jenevoustiendraipasquittes.»Il pensait qu’ils se trouvaient encore dans la même imagination et

terreurettentationetdoute,Desortequ’ilsseraienttremblantsetterrifiéseteffrayésparlesvaines

imaginationsetmenacesdel’âmecharnelle.Ilnesavaitpasqu’ilsavaientétélibérésetétaientassisàlafenêtredela

lumièreducœur;Etqu’ilsavaientreconnu(ladifférence)entreleursombres(corporelles)

et leur « Moi » réel, et qu’ils étaient légers et alertes et heureux etexultants;EtquesilemortierduCiellesréduisaitenmiettesunecentainedefois

danscelieufangeux,Cependant,puisqu’ilsavaientperçul’originedececomposé(corporel),

ilsn’avaientpaspeurdesproduitsdel’imagination.Cemondeestunrêve—nedemeurepasdansune(fausse)opinion;si

danslerêveunemainestperdue,celanefaitrien.1730 Sienrêveuneserpet’acoupélatête,nonseulementtatêteesttoujours

àsaplace,maisencoretavieestprolongée.En rêve, tu te vois coupé en deux morceaux, et tu es en bon état

corporelquandtutelèves,etnonpasmalade.Enrésumé:danslesrêves,celanecausepasdepréjudiceaucorpsque

d’êtremutiléoudéchiréendeuxcentsmorceaux.Le Prophète a dit de cemonde, qui est permanent en apparence, que

c’estlerêvedudormeur.Tu as accepté cette affirmation de façon conventionnelle, mais les

voyageurs(surlaVoiemystique)ontperçucelaclairement,sansréférenceauProphète.Tu dors pendant le jour : ne dis pas que cela n’est pas du sommeil.

L’ombreestdérivée,sonoriginen’estriend’autrequelaclartédelalune.

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Sache, ô camarade, que ton sommeil et ton éveil sont comme si undormeurrêvaitqu’ils’estendormi.Ilpense:«Maintenant,jedors»,etilestinconscientqu’enréalitéilse

trouvedanslesecondsommeil.Silepotierbriseunpot,lui-mêmeleraccommoderaquandilledésire.L’aveugle,àchaquepas,apeurdetomberdanslefossé;ilmarchesur

lecheminavecmillecraintes;1740 Maisl’hommevoyantavulalargeurdelaroute,desortequ’ilconnaît

lestrousetlesfossés;Ses jambes et ses genoux ne tremblent jamais : pourquoi paraîtrait-il

ameràcaused’uneafflictionquelconque?« Lève-toi, ô Pharaon ! nous ne sommes pas tels que nous nous

arrêtionsàchaquecrietàchaquegoule.«Déchirenotremanteau(corporel)!IlyaQuelqu’unquilerecoudra;

et,sinon,envérité,plusnousseronsnus,mieuxcelavaudrapournous.«Sansvêtement,nousétreindronscetteBeautésurnotresein,ôennemi

bonàrien!« Il n’est rien de plus doux que d’être débarrassé du corps et du

tempérament(corporel),ôstupidePharaondénuéd’inspiration!»

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Commentlamuleseplaignitauchameau,disant:«Jetombe

souventsurmaface,tandisquetutombesrarement.»

amuleditauchameau:«Ômonbonami,danslescollinesetlesvalléesetdanslessentiersdifficiles,«Tunetombespassurlatête,maistut’envasgaiement,tandisqueje

tombesurlatêtecommeceluiquiaperdusonchemin.«A toutmoment, je tombesurmaface,quecesoitenun lieusecou

humide.«Dis-moiquelleestlacausedecela,afínquejesachecommentjedois

vivre.»1750 II(lechameau)dit:«Monœilestplusperçantqueletien,enoutre,il

regarded’enhaut;« Quand j’arrive au sommet d’une colline élevée, je regarde

attentivementleboutdupassage.«AlorsaussiDieurévèleàmesyeuxtoutel’élévationetladépression

duchemin.«Desortequejefaischaquepasavecunevueclaireetsuisdélivrédu

trébuchementetdelachute,«Tandisquetunevoispasdeuxoutroispasenfacedetoi:tuvoisle

leurre,maistuneperçoispaslasouffrance(causée)parlepiège.«Les aveugles et les voyants sont-ils égaux

53 devant toi quant à leur

arrêt,leurdescente(d’unemonture)etleurvoyage?«QuandDieuoctroieunespritàl’embryondanslamatrice,Ilimplante

ensanaturele(désir)d’attirerensemblelesparticules.«Aumoyendelanourriture,ilattirelesparticulesensembleettissela

chaîneetlatramedesoncorps;«Jusqu’àl’âgedequaranteans,Dieul’aurarendudésireuxderelierles

particulesentreellespourlacroissance.« Le Roi incomparable a enseigné à l’esprit à attirer les particules

ensemble : comment Lui-même ne saurait-il pas comment attirer cesparticulesensemble?

1760 «Cequiaassemblétouscesatomes,c’estleSoleildivin:Ilsaitcommentsaisirtesparticulescorporelleset(lesrelier)sansnutrition.« Au moment où tu émerges du sommeil, Il rappelle rapidement la

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conscienceetlasensationquiétaientparties.« Afin que tu puisses savoir que ces (facultés) ne sont pas devenues

absentesdeLui,ellestereviennentquandIIordonne:“Retournez!”»

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Comment,parlapermissiondeDieu,lesparticulesdel’âne

d’Uzayrfurentrassembléesaprèslaputréfactionetrecomposéessousles

yeuxd’Uzayr

é,Uzayr, regarde ton âne qui a pourri et est tombé enmorceauxdevanttoi.«Nousallonsrecueillirsespartiesentaprésence—satête,saqueue,

sesoreillesetsespattes.»Iln’yapasdemain,et(cependant)Ilrassemblelespartiesetdonneune

unitéauxmorceauxdispersés.Considèrel’artd’untailleurquicouddevieuxchiffonssansaiguille:Pas de fil ni d’aiguille aumoment où il coud ; il coud de telle façon

qu’aucunecouturen’estvisible.«Ouvre lesyeuxet considère la résurrectionclairement, afinqu’ilne

restepasdedouteentoiconcernantleJourduJugement,« Et que tu puisses contempler Mon pouvoir d’unification, de sorte

qu’aumomentdelamorttunetremblespasd’angoisse,1770 «Demêmequ’aumomentdusommeiltun’éprouvespasdecrainteà

causedel’affaiblissementdessenscorporels;«Aumomentdusommeil,tunetremblespaspourtessens,bienqu’ils

deviennentdispersésetruinés.»

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Commentuncertainsheikhnetémoignapasdechagrinàlamort

desesfils

adis, il y avait un sheikh, un directeur (spirituel), un flambeaucélestesurlafacedelaterre,Quelqu’un de semblable à un prophète au sein des communautés

religieuses,unouvreurdelaportedujardinduParadis.LeProphèteaditqu’unsheikhquis’estavancé(jusqu’àlaperfection)

estcommeunprophèteauseindesonpeuple.Unmatin,safamilleluidit:«Dis-nous,ôhommevertueux,comment

as-tulecœursidur?«Nous,courbésendeux,nousdéploronslamortetlapertedetesfils.«Pourquoinepleures-tupasetnetelamentes-tupas?Oubienn’as-tu

aucunepitiédanstoncœur?« Puisque tu n’as pas de pitié en toi, quel espoir nous reste-t-il de ta

part?«Nousespéronsdetoi,ôguide,quetunenouslaisseraspaspérir.

1780 «QuandletrôneseradresséleJourdelaRésurrection,c’esttoiquiserasnotreintercesseurencejourterrible.«Enunjouretunenuitsiimpitoyables,nousespéronsentabonté.«Nosmainss’attacherontaupandetonvêtement,aumomentoùnulle

sécuriténedemeurepourunpécheur.»LeProphèteadit:«AuJourdelaRésurrection,commentlaisserais-je

lespécheursverserdeslarmes?« J’intercéderai de toute mon âme pour les désobéissants, afin de

pouvoirlesdélivrerd’undurtourment.«Jedélivreraiparmeseffortslesdésobéissantsetceuxquiontcommis

despéchéscapitauxduchâtimentencourupouravoirbriséleurpacte.« Les justes de ma communauté n’ont pas besoin, en vérité, de mes

intercessionsleJourdelaCalamité.«Non, ilspeuvent se livreràdes intercessions,et leursparolesont la

forced’undécreteffectif.«Nuldeceuxquiportentunfardeauneporteralefardeaud’unautre54,

maisjen’enportepas:Dieum’aexalté.»Ôjeunehomme,lesheikhestceluiquiestsansfardeauetsemblableà

unarcdanslamainpourrecevoir(l’ordredeDieu).

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1790 Quiestun«sheikh»?Unvieillard(pîr)auxcheveuxblancs.Comprends-tulasignificationdeces«cheveuxblancs»,ôignorant?Lescheveuxnoirs,c’estsonexistencepropre:(iln’estpas«vieux»)

tantqu’unseulcheveudesonexistencepropreluireste.Quandsonexistenceproprenedemeureplus,ilest«vieux»(pîr),qu’il

aitdescheveuxnoirsougris.Ces « cheveux noirs », c’est l’attribut des hommes (sensuels), ces

«cheveux»nesontpaslespoilsdelabarbeoulescheveuxdelatête.Jésus dans son berceau s’écria : « Sans être devenu un adolescent, je

suisunsheikhetunpîr55.»Si lui (le soufi) n’a été délivré que d’une partie des attributs des

hommes (sensuels), il n’est pas un sheikh ; il est grisonnant (d’âgemoyen),ômonfils.Quandnese trouveplussur luiunseulcheveunoir (desonexistence

propre)quiestnotreattribut,alorsilestunsheikhetacceptéparDieu;Maissi,quandsescheveuxsontblancs,ilest(encore)aveclui-même,il

n’estpasunpîretn’estpasl’éludeDieu;Et si un seul bout de cheveu de ses attributs existe encore, il

n’appartientpasauciel:ilappartientaumondematériel.

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Commentlesheikhs’excusadenepaspleureràlamortdesesfils

esheikhluidit(àsafemme):«Necroispas,ômonamie,quejen’aiepasdepitié,nid’affection,niuncœurpleindecompassion.

1800 «J’éprouvedelapitiépourtouslesincroyants,bienqueleursâmesàtoussoientingrates.«J’aide lapitiépour leschienset je leurpardonne,medisantàmoi-

même : “Pourquoi subissent-ils un châtiment en étant frappés depierres?”.« J’offre une prière pour le chien qui mord, m’écriant : “Ô Dieu,

délivre-ledecettemauvaisedisposition!“Garde aussi ces chiens dans cette intention, de sorte qu’ils ne soient

paslapidésparlesgens.”»Dieu a amené les saints sur la terre, afin qu’il puisse en faire une

miséricordepourtouteslescréatures56.Il (le saint) appelle les gens au Portail de laGrâce ; il imploreDieu,

disant:«Accorde-leurunetotalelibération.»Il s’efforce ardemment de les admonester à cette fin, et quand il ne

réussitpas,ildit:«ÔDieu,nefermepaslaporte!»Aucommundesgensn’appartientqu’unemiséricordeparticulière ; la

miséricordeuniverselleappartientausaintparfait.Samiséricordepersonnelleaétéunieàl’universelle;lamiséricordede

laMerestleguidepourtousleschemins.Ô toi qui possèdes une miséricorde particulière, joins-toi à

l’universelle : considère la miséricorde universelle comme le véritableguide,etavance.

1810 Tantqu’iln’estqu’unepartie,ilneconnaîtpaslecheminverslaMer:ilsereprésentechaquemarecommelaMer.Étant donné qu’il ignore le chemin vers la Mer, comment pourrait-il

servirdeguide?Commentconduirait-illesgensverslaMer?Lorsqu’il devient uni à laMer, alors il guide vers laMer, comme un

torrentouunerivière.Etsi(avantcela)ilappelle(leshommesversDieu),c’estd’unemanière

conventionnelle;celaneprovientpasdelavisionetdel’inspirationd’unequelconqueaide(divine).Elle (l’épouse du sheikh) dit : « Alors, puisque tu as pitié de tout le

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monde,etquetuescommelebergergardantcetroupeau,«Pourquoinetelamentes-tupaspourtespropresfils,quandlamortles

asaignésdesalancette?« Étant donné que la preuve de la pitié est les larmes dans les yeux,

pourquoitesyeuxsont-ilssecsetsanslarmes?»Il se tournavers sa femmeet dit : «Ô femme, envérité la saisonde

décembren’estpaspareilleàcelledeTamûz(juillet).«Qu’ilssoientmortsouvivants,quandsont-ilsabsentsetcachésàl’œil

ducœur?«Puisque je lesvoisdistinctementdevantmoi,pourquelle raisonme

déchirerais-jelevisagecommetulefais?1820 «Bienqu’ilssetrouventendehorsdelarévolutiondutemps,ilssont

avecmoietjouentautourdemoi.«Lespleurssontcausésparlaséparationetledépart;jesuisuniàmes

chérisetlesembrasse.«D’autrespersonnesvoient(leursbien-aimés)danslesommeil;jeles

voisdistinctementenétantéveillé.«Jemecachepourunmomentloindecemonde,jesecouelesfeuilles

delaperceptionsensorielledel’arbre(demonexistencecorporelle).»La perception sensorielle est captive de l’intellect, ô lecteur ; sache

aussiquel’intellectestcaptifdel’esprit.L’espritlibèrelamainenchaînéedel’intellectetconfèreuneharmonieà

sesaffairesembrouillées.Lessens(corporels)etlespensées(sensuelles)sontpareilsàcesherbes

surl’eauclaire,couvrantlasurfacedel’eau.Lamaindel’intellectbalaiecesherbesauloin;alorsl’eauserévèleà

l’intellect.Lesherbesfontunecoucheépaissesurleruisseau,commedesbulles;

quandlesherbesfurentécartées,l’eaufutrévélée.AmoinsqueDieunerelâchelamaindel’intellect,lesherbessurnotre

eausontaccruesparledésirsensuel.1830 Achaqueinstant,ellesrecouvrentl’eau:cedésirrit,ettonintellect

pleure;Maisquandlapiétéaenchaînélesmainsdudésir,Dieulibèrelesmains

del’intellect.Ainsi, quand l’intellect devient ton capitaine et ton maître, les sens

dominantstedeviennentsoumis.Alors,sansêtrelui-mêmeendormi,ilmetsessensensommeil,desorte

queleschosesinvisiblespuissentémerger(dumonde)del’Ame.

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Mêmedanssonétatd’éveil,ilrêvedesrêvesetouvreainsilesPortesduCiel.

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HistoireduvieillardaveuglelisantleQor’ânplacéenfacedelui,et

recouvrantlavuependantqu’illisait

l y avait une fois un sheikh derviche qui vit un Qor’ân dans lamaisond’unvieillardaveugle.IldevintsoninvitédanslemoisdeTamûz: lesdeuxascètesrestèrent

ensembleplusieursjours.Ilseditàlui-même:«Oh,jemedemandepourquoileLivresetrouve

ici,puisquecevertueuxdervicheestaveugle.»Réfléchissantainsi,saperplexitéaugmenta;ilsedit:«Personnenevit

icisauflui.«Ilestseul,etpourtantilaaccrochéunQor’ân(surlemur).Jenesuis

pasassezmalélevéoutroublédansmesesprits1840 «Pourl’interroger.Non,taisons-nous!Jeseraipatient,afinqueparla

patiencejepuisseréussir.»Il témoigna de la patience et fut dans l’ embarras pendant quelque

temps, jusqu’àceque lesecret fut révélé,car lapatienceest lacléde lajoie.

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CommentLuqmân,quandilvitDavid(surluilapaix)fabriquantdesanneauxdefer,s’abstintde

l’interroger,avecl’intentionquecetactedecontrôledesoipuisseêtrela

causedusoulagementdesaperplexité

uqmânserenditchezDavidaucœurpur,etremarquaqu’ilétaitentraindefairedesanneauxdefer,EtqueceRoisublimecoulaittouslesanneauxdeferl’undansl’autre.Il n’avait pas vu le métier d’armurier auparavant, aussi resta-t-il

stupéfaitetsacuriositéaugmenta:«Qu’est-cequecelapeutêtre?Jeluidemanderaicequ’ilfaitavecles

anneauxentrelacés.»Puisilseditàlui-même:«Lapatiencevautmieux;lapatienceestle

guideleplusrapideversl’objetdevotrequête.»Quand vous ne posez pas de question, plus tôt le (secret) vous sera

révélé:l’oiseaudelapatiencevoleplusvitequetouslesautres.Et sivousdemandez,votrebut seraatteintplus lentement :cequiest

aiséserarendudifficileparvotreimpatience.Pendant queLuqmângardait le silence, aussitôt ce travail fut terminé

parl’habiletédeDavid.1850 Alorsilfaçonnaunecottedemaillesetl’apportaenprésencedunoble

etpatientLuqmân.«Ceci,dit-il,est’unexcellentvêtement,ôjeunehomme,pouréviterles

coupssurlechampdebatailleetdanslaguerre.»Luqmân dit : « La patience aussi a de bons effets, parce que c’est la

protectionetladéfensecontrelasouffrance,oùqu’ellesoit.»Dieuajointlapatience(sabr)avecHaqq(laRéalité).Ôlecteur,réciteattentivementlafindelasourateWa’l-Asr57.Dieuacréédescentainesdemilliersd’élixirs,maisl’hommen’apasvu

d’élixirtelquelapatience.

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Restedel’histoiredel’aveugleetdesalectureduQor’ân

’invité fit preuve de patience, et tout à coup la difficulté lui futdévoilée.Aminuit,ilentenditlarécitationduQor’ân;ilbondithorsdusommeil,

etcontemplaunemerveille.L’aveugle était en train de lire correctement le Qor’ân. Il devint

impatientetluidemandal’explicationdecetteaffaire.« Oh, merveille ! s’écria-t-il, toi qui as des yeux qui ne voient pas,

commentlis-tu;commentvois-tuleslignes?«Tuastouchécequetulisais;tuasposétamainsurlesmots(dece

passage).1860 «Tondoigt,ensemouvant,rendévidentquetuastonœilfixésurles

mots.»Il répondit : « Ô toi qui as été séparé de l’ignorance corporelle,

éprouves-tucettestupeurdevantl’œuvredeDieu?«J’aisuppliéDieu,criant :“ÔToidontonimplore lesecours, jesuis

aussidésireuxdelireleLivrequejelesuisdelavie.“Je ne le connais pas par cœur ; aumoment de le lire, octroie àmes

deuxyeuxunelumièresanstrouble.“Rends-moimes yeux à cet instant, de sorte que je puisse prendre le

Livreetlelireclairement.”»«DelaPrésencedivinevintlecri:“Ôhommeauxœuvrespies,ôtoi

quiplacestonespoirenMoienchaquepeine,“Tu as une bonne pensée (de Moi) et le bel espoir qui, à chaque

moment,t’ordonnedemonterplushaut.“Chaque fois que tu auras l’intention de lire (le Qor’ân) ou que tu

désireras(vérifier)lalecturedonnéedansdifférentescopies,“Acemoment,Je te rendrai lavue,afinque tupuisses lire,ôhomme

vénérable.”«C’estcequ’Ilafait,etchaquefoisquej’ouvreleLivrepourlire,

1870 «CeluiquiestOmniscientetquin’oubliejamaisSonœuvre,ceSouverainetCréateurhonoré,«CeRoiincomparableaussitôtmerendlavue,commeunelampequi

metfinàlanuit.»C’est pourquoi le saint n’a pas d’objection : pour tout ce que Dieu

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enlève,Ilenvoieunecompensation.S’ilbrûletonvignoble,Iltedonneradesraisins;auseindudeuil,Ilte

donneralaréjouissance.Au paralytique dépourvu de main, Il donne la main ; à celui qui est

accablédechagrin,Ilaccordelecœurjoyeuxd’unhommeivre.(Lapensée)«Nousnenoussoumettronspas»et(celledesoulever)des

objectionsnousaquittés,étantdonnéqueviendraunegranderécompensepourcequiaétéperdu.Puisquelachaleurmevientsansfeu,jesuissatisfaits’iléteintmonfeu.Puisqu’il donne de la lumière sans lampe, si ta lampe est partie,

pourquoitelamenter?

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Descriptiondecertainssaintsquisontsatisfaitsdel’ordre(divin)etneprientpasnin’implorent(Dieu)

dechangercedécret

coûtezàprésentunehistoireconcernantcesvoyageurssurlaVoiequin’ontpasd’objectioncontrelemonde.Ceux d’entre les saints qui font des invocations sont en vérité

différents:parfoisilscousent,etparfoisilsdéchirent.1880 Jeconnaisuneautrecatégoriedesaintsdontleslèvressontclosesà

l’invocation.A cause de la satisfaction qui est conférée à ces êtres nobles, il est

devenuillicitepoureuxdechercheràéchapperauDestin.En (se soumettant) à laDestinée, ils éprouvent une joie spéciale : ce

seraitdel’impiétépoureuxquededésirerlalibération.Il(Dieu)arévéléàleurscœursunesibonneopiniondeLui,qu’ilsne

revêtentpasdeshabitsdedeuilpourquelquechagrinquecesoit.

Page 818: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentBuhlulinterrogeauncertainderviche

uhlul dit à un certain derviche : «Comment vas-tu, ô derviche ?Dis-le-moi.»Ildit :«Commentdoitêtrecelui-ci,selonledésirdequilemondese

meut?«Selonledésirdequilestorrentsetlesrivièrescoulent,etlesétoilesse

meuventainsiqu’illeveut;«EtlaVieetlaMortsontsesenvoyés,allantçàetlàselonsondésir.«Ilenvoiedescondoléanceslàoùilleveut;iloctroiedesfélicitations

làoùilleveut.«LesvoyageurssurlaVoievontselonsonplaisir;ceuxquiontperdu

laVoiesonttombésdanssonpiège.1890 «Nulnepeutriredanslemondesansl’approbationetl’ordredece

personnagequidétientl’autorité.»Il (Buhlul) dit : «Ô roi, tu as dit vrai : il en est bien ainsi : cela est

manifestedanstonrayonnementettonapparence.«Tuescela,etcentfoisplusquecela,ôhommesincère;maisexpose

(cemystère)etexplique-letrèsbien,« De telle manière que l’homme sage et l’homme stupide puissent y

acquiescerquandcelavientàleursoreilles.«Expose-ledanstondiscoursdetellemanièrequelacompréhensiondu

vulgairepuisseenprofiter.»L’orateur parfait est semblable à celui qui distribue des plateaux

d’alimentsetdontlatableestrempliedetoutessortesdenourriture,De sorte qu’aucun invité ne reste sans provision, mais que chacun

obtiennesapropresubsistanceséparément;Tel leQor’ân dont la signification est septuple, et en lequel il y a un

alimentpourl’éliteetunpourlecommundesgens.Il(lederviche)dit:«Celadumoinsestévidentpourlevulgaire,quele

mondeestsoumisàl’ordredeDieu.« Pas une feuille ne tombe d’un arbre sans la prédestination et le

commandementdeCeluiquigouvernelesort.1900 «Aucunebouchéenevadelaboucheaugosierjusqu’àcequeDieu

diseàcemorceau:“Entre!”« L’inclination et le désir qui sont les rêves de l’homme — leur

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mouvementestsoumisàl’ordredeCeluiquiSesuffitàLui-même.«Dans toutes les terres et tous les cieux, pasun atomenebougeune

paillenetourne,«SaufparSonordreéterneletefficace.Exposercelaestimpossible,et

laprésomptionn’estpasbonne.»Qui peut dénombrer toutes les feuilles des arbres ? Comment l’infini

peut-Ilfairel’objetdeparoles?Écoute ceci (pourtant) : étant donnéque toute actionn’arrive quepar

l’ordreduCréateur,Quand la prédestination de Dieu devient le plaisir de Son serviteur,

celui-cidevientl’esclavevolontairedeSondécret.Non pas par conformisme et non en raison de la rétribution et

récompense(futures);non,c’estquesanatureestdevenuesibonne.Ilnedésirepassaviepourlui-même,niafindepouvoirjouirdelavie

quiesttrouvéedouce.Partoutoùl’Ordreéternels’applique,vivreetmourirsontpourluiune

mêmechose.1910 IIvitpourl’amourdeDieu;ilmeurtpourl’amourdeDieu,nondepeur

oudesouffrance.Sa foi est en vue de faire Sa volonté, non en vue du Paradis, de ses

arbresetdesesruisseaux.Son renoncement à l’impiété est aussi pour l’amour deDieu, non par

crainted’allerdansleFeu.Sadispositionesttelleoriginellement:ellenevientpasdeladiscipline,

oudel’effortetdelarecherche.Ilritaumomentoùilvoitlasatisfaction(divine):pourlui,ladestinée

estcommeunmetsdélicieux.LeserviteurdeDieudontladispositionetlecaractèresontainsi—le

mondenesemeut-ilpasselonsoncommandementetsonordre?Alors,pourquoisupplierait-ilets’écrierait-ildanslaprière:«ÔDieu,

écartecettedestinée?»Pour l’amour de Dieu, sa mort et celle de ses enfants sont pour lui

commedesdouceursdanssongosier.Pour cet être loyal, l’agonie mortelle de ses enfants est comme des

gâteauxdemielpourunvieillardmisérable.Pourquoi, dès lors, invoquerait-il Dieu, à moins que par hasard il

aperçoiveleplaisirduJuge(divin)encetteinvocation?1920 Ceserviteurjusteneselivrepasàcetteintercessionetinvocationpour

recevoirlui-mêmemiséricorde.

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Il a renoncé à obtenirmiséricorde pour lui-même, aumoment où il aallumélalampedel’amourdeDieu.L’AmourestleFeudel’Enferdesesattributs,etilabrûlélesattributs

dusoi,cheveuparcheveu.Quand un voyageur de nuit a-t-il compris cette distinction, sauf

Daqûqî?Detellesortequ’ils’esthâtéverscetempire(spirituel).

Page 821: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

HistoiredeDaqûqîetdesesdonsmiraculeux

eDaqûqîavaitunbeaufront,c’étaitunseigneurspirituelquiaimaitDieuetpossédaitdesdonsmiraculeux.Ilmarchaitsurlaterrecommelalunedansleciel;parluilesespritsdes

voyageursdenuitétaientilluminés.Iln’établissaitpassademeureenunlieuunique,ilnepassaitpasdeux

joursenunvillage.Il disait : « Si je passe deux jours dans unemaison, l’amour de cette

demeureestéveilléenmoi.«Jecrainsd’êtreenchantéparlelieuoùl’ondemeure;émigre,ômon

âme,etvoyageversl’indépendance.«Jeneveuxpasaccoutumerlanaturedemoncœuràunlieu: jefais

celaafínqu’ellesoitpurelorsdujugement.»1930 Durantlejour,ilétaitenvoyage,durantlanuitenprières:sonœil

s’ouvraitsurleRoi,lui-mêmeétaitpareilaufaucon.Ilétaitcoupédescréatures,maisnonàcaused’unemauvaisenature ;

isolédel’hommeetdelafemme,maisnonàcausedeladualité.C’était un homme miséricordieux envers les créatures, et bienfaisant

pour elles, comme l’eau ; un noble intercesseur, dont les prières étaientexaucées.Bon pour les bons et les mauvais, et un sûr refuge, meilleur qu’une

mère,pluscherqu’unpère.LeProphètedisait:«Ôamis,pourvousjesuispleindecompassionet

tendrecommeunpère,«Parcequevousêtestousdespartiesdemoi-même.»Pourquoivoulez-

vousarracherlapartieautout?Quandlapartieestcoupéedutout,elledevientinutile,lemembrecoupé

ducorpsdevientcharogne.Jusqu’àcequ’on le joignedenouveauau tout, il estmort : iln’apas

consciencedelavie,Et s’il se meurt, (c’est qu’)il n’a pas de support : le membre

nouvellementcoupébougeencore.Silapartieestcoupéeettombeloindecetout,cen’estpasletoutqui

estsusceptiblededéfaut.1940 Laséparationloindeluietl’unionavecluinepeuventêtreprédites;la

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chosedéfectueusen’aétémentionnéequepourservirdecomparaison.

Page 823: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Retouràl’histoiredeDaqûqî

eProphète)comparaun jour’Alîàun lion,mais le lionn’estpascommelui,bienqu’ilaitemployéceterme.De la comparaison (mithâl) et de la ressemblance (mithl) et de la

différenceentreeux,avance,ôjeunehomme,versl’histoiredeDaqûqî,Lui qui en donnant des fetwa (décisions) juridiques, était l’imam du

peupleetquidanslapiétél’emportaitsurlesanges.Luiquiéclipsaitlaluneenvoyages,tandisquelaReligionjalousaitsa

religiosité.Malgré tant de piété, de dévotions, de prières rituelles, il recherchait

toujourslesélusdeDieu.En voyage, son principal but était de passer un moment avec un

serviteurchoisi.Tandisqu’ilmarchaitsurlesroutes,ilallaitrépétant:«OmonDieufais

demoilecompagnondesélus.«OSeigneur,deceux-làdontmoncœursaitqu’ilestesclave,etqueje

suisquelqu’unprêtàlesservir;«Etquantàceuxquejeneconnaispas,Toi,ôDieudel’âme,rends-les

bienveillantsàmonégard,moiquiensuisprivé.»1950 LeSeigneurluidisait:«Onobleprince,quelestcetamour,etquelle

estcettesoif?«TuasMonamour:pourquoiencherches-tuunautre?QuandDieuest

avectoi,pourquoichercherunhomme?»Ilrépondait:«OSeigneur,ôConnaissanceduSecret,c’estToiquias

ouvertenmoncœurlavoiedelasupplication.«BienquejesoisassisaumilieudelaMer,pourtantj’aiattachémon

désiràl’eaudel’aiguière.« Je suis commeDavid : j’ai quatre-vingt-dix brebis, et cependant le

désirèourlabrebisdemonrivals’estlevéenmoi58.« L’avidité pour Ton amour est grande et glorieuse, l’avidité pour

l’amourd’unautrequeToiesthonteuseetcorrompue.»Le désir et l’avidité pour l’homme viril, c’est d’avancer ; chez

l’efféminéc’esthonteetimpiété.Le désir des hommes véritables est d’aller de l’avant ; le désir de

l’efféminévaàreculons.Le désir de l’un appartient à la perfection de la virilité, tandis que

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l’autredésirestopprobreetdégoût!Ah!ilexisteunmystèretrèscachédanslefaitqueMoïseailleversun

khizr.1960 Commel’hydropiquequin’estjamaissaturéd’eau,parDieu,ne

t’attardejamaisdanscequetuasacquis.Cette Cour divine est le Plan infini : laisse derrière toi la place

d’honneur:c’estlaVoiemêmequiesttaplaced’honneur.

Page 825: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

LemystèredeMoïsecherchantKhezr,endépitdesaperfectionentantqueProphèteetqueprochede

Dieu59

pprendsdeceluiavecquiDieuparlait,ôhommenoble,voiscequeKalîm(Moïse)ditdanssonaspiration.«Endépitd’unetelledignitéetd’unetellefonctionprophétiquejesuis

unchercheurdeKhezr,j’airenoncéàmoi-même.»(Ils dirent) : « Ô Moïse, tu as abandonné ton peuple, tu as erré

désorientéàlarecherched’unsainthomme.«TuesunKaykobad* libérédelacrainteetdel’espoir :combiende

tempsvas-tuerrer?Combiendetempsvas-tuchercheretjusqu’où?«Celuiquiestàtoiestavectoi,ettuesconscientdecela;ôtoipareil

auciel,combiendetempsvas-tuparcourirlaterre?»Moïse répondit : «Nem’adresse pas ce reproche, ne détourne pas le

soleiletlalune.« Je voyagerai jusqu’au point de rencontre des deux mers60, afin de

pouvoirêtreaccompagnéparlesouveraindutemps.« Je ferai de Khezr un moyen d’atteindre mon but : ou bien je

continueraimarouteetvoyageraipendantlanuitlongtemps.1970 «Jevoleraiavecdesailesetdesplumesdurantdesannées:quedis-je,

desannées?Desmilliersd’années!»« Je voyagerai » signifie : « Cela n’en vaut-il pas la peine ? » Ne

considère pas l’amour pour le Bien-Aimémoindre que l’amour pour lepain.Cediscoursestsansfin,racontel’histoiredeDaqûqî.

*CélèbressultansseldjoukidesduXIIIes.

Page 826: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Retouràl’histoiredeDaqûqî

e Daqûqî, Dieu ait pitié de lui, disait : « J’ai voyagé longtempsentreSesdeuxhorizons.«Pendantdesannéesetdesmois,j’aivoyagépourl’amourdelaLune,

inconscientdelavoie,perduenDieu.»Onluidemanda:«Pourquoimarches-tupiedsnussurlesroncesetles

pierres?»Ildit:«Jesuisébloui,horsdemoi-même,insensé.»Ne regardepas lespiedsquimarchent sur la terre, car sansnuldoute

l’amoureuxmarchesursonproprecœur;LecœurenivréparleBien-Aimé,quesait-ildelaroute,del’étape,du

longetducourt?Ce«long»etce«court»sontdesattributsdel’esprit;levoyagedes

espritsestd’uneautresorte.Tuasvoyagédelasemenceàlaraison:cen’étaitpasenavançantpar

étapesouenallantd’unendroitàunautre.1980 Levoyagedel’espritestinconditionnéparleTempsetl’Espace;c’est

denotreespritquenotrecorpsaapprisàvoyager.A présent, il a renoncé à lamanière corporelle du voyage, il semeut

sanscontingences,bienquetravestisouslaformedelacontingence.Daqûqî raconte : « Un jour, j’allais comme celui qui est rempli de

nostalgie,afindecontemplerenl’hommel’éclatduBien-Aimé;«Afindepouvoircontemplerunocéandansunegoutted’eau,unsoleil

enclosdansunatome.« Lorsque je parvins à pied à un certain rivage, le jour était devenu

tardif,c’étaitlesoir.»

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L’apparitiondecequisemblaitêtreseptchandellesdansladirection

delarive

oudain,j’aperçusdeloinseptchandelles,etjemehâtailelongdurivageverselles.«Lalumièredelaflammedechaquechandellemontaitavecsplendeur

jusqu’enhautdescieux.« Je fus frappé de stupeur, au point que la stupeur elle-même devint

stupéfaite : lesvaguesde l’émerveillementpassaientpardessus la têtedemacompréhension.« Jeme demandai : “Quelle sorte de chandelles sont celles-ci qu’il a

allumées,desortequelesyeuxdeSescréaturesnepeuventlesvoir?”« Les gens étaient allés chercher une lampe en présence de ces

chandellessurpassantlalune.1990 «Ilsavaientunbandeausurlesyeux;oh!merveille!ilsétaientliéspar

Ilguidebienceuxqu’ilveut61.»

Page 828: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentlesseptchandellesdevinrentcommeune

seulechandelle

nsuite, je vis que les sept chandelles devenaient une seule : salumièrepénétraitleseindufirmament.«Puiscettechandelledevintànouveausept:monivresseetmastupeur

s’accrurent.«Ilyavaitdesrelationsentreceschandellestellesqu’ellesnepeuvent

venirsurmeslèvresetdansmesparoles.«Cequ’unseulregardaperçoit,ilestimpossibledurantdesannéesde

lemanifesterparlalangue.« Ce que la vision intellectuelle saisit en un seul instant, il est

impossible,pendantdesannées,del’entendreparl’oreille.« Puisque cela n’a pas de fin, retourne à toi-même, car “Je ne puis

considéreraucunelouangedignedeToi*."« J’avançai plus loin, en courant, me demandant ce qu’étaient ces

chandelles,quisontdessignesdelaMajestédivine.« J’allai, hors de moi-même, stupéfait, bouleversé, jusqu’à ce que je

tombeàterreàforcedecouriretmehâter.«Dans cet état, privé demes sens et demes esprits, je restai couché

quelquetempssurlapoussièredusol.2000 «Puisjerevinsàmoi,etmelevai:onauraitditquejen’avaisnitêteni

pieds.»

*ParoleduProphète.

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Commentceschandellesapparurentauxyeuxcommesepthommes

es sept chandelles apparaissaient aux yeux comme sept hommes,leurlumièremontaitverslavoûteazurée.«Auprèsdeceslumières,lalumièredujourétaitcommelalieparleur

éclat,elleséclipsaienttoutesleslumières.»

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Commentceschandellesdevinrentalorsseptarbres

uischaquehommerevêtitlaformed’unarbre:monœilétaitréjouiparleurverdure.«Aucunrameaun’enétaitvisibleàcausedel’épaisseurdesfeuilles,les

feuillesaussidisparaissaientsousl’abondancedesfruits.«Chaquearbreavaitjetésesbranchesau-dessusdeSidra*62;quedis-

je,leSidra?Ilsétaientparvenusau-delàduVide,«Laracinedechacund’euxétaitdescenduejusqu’aufonddelaterre;

assurément,elleétaitplusbasqueleBœufetlePoisson.« Leurs racines étaient d’aspect plus souriant que les rameaux :

l’intelligenceétaitstupéfaiteetbouleverséeparleursformes.« Des fruits qui éclataient, comme du jus, jaillissaient des éclairs de

lumière.»

*Lejujubierdelalimite(=au-delàduParadis).

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Commentcesarbresétaientinvisiblesauxyeuxdesgens

eplusmerveilleuxétaitceci,quedescentainesdemilliersdegenspassaientdansledésertetlaplaineàcôtéd’eux,

2010 «Risquantleurviedansleurdésirdetrouverdel’ombre,etsefaisantunparasold’unvêtementdelaine,«Etnevoyantaucunementl’ombredecesarbres.Abascesyeuxàla

visiondéformée!« Le courroux de Dieu avait scellé leurs yeux, de sorte qu’Untel ne

pouvaitvoirlalune,maispouvaitvoirSuha*.« Il voit un atome, non le soleil, cependant, il ne désespère pas de la

grâceetdelamiséricordedeDieu.«Lescaravanessontsansnourriture,etlesfruitsmûrstombent.ÔDieu,

quellemagieest-celà?«Lesgens,lagorgedesséchée,étanttombéstousensemblepourpiller,

ramassaientlespommespourries.«Tandisquechaquefeuilleetchaquebourgeondecesbranchesdisait

continuellement:Oh!simonpeuplesavait63/”«De ladirectiondechaquearbrearrivait le cri : “Venezversnous,ô

vousinfortunés.”«Tandisque,par la jalousie (divine),venait auxarbres lecri : “Nous

avonsmisunbandeausurleursyeux:non;n’yapasderefuge64.”« Si quelqu’un leur avait dit : “Allez dans cette direction afín d’être

rendusheureuxparcesarbres”,2020 «Ilsauraienttousdéclaré:“Ledestindivinarenducepauvrehomme

ivrogne;“Une longuemélancolie et les austéritésont fait que le cerveaude ce

pauvrediableestdevenupourricommeunoignon.”«Ilseraitrestéstupéfait,disant:“ÔSeigneur,qu’estceci?Quelestce

voileetcetégarementdesgens?« Les gens de toutes sortes, même doués de discernement et de

compréhension,nefontpasunpasdanscettedirection.«D’uncommunaccord,ceuxd’entreeuxquisontintelligentsetlucides

parmieuxsontdevenusincrédulesàl’égardd’unteljardin,etrebelles.«Oubiensuis-jedevenufouetinsensé?LeDémona-t-iljetéquelque

chosesurmatête?

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«Achaque instant, jeme frotte lesyeux,medemandant si je rêve etcontempleunfantasmetemporel.«Commentcelapeut-ilêtreunrêve?Jemontesurlesarbres,jemange

leursfruits:commentnecroirais-jepas?«Puis,quandjeconsidèrelesincrédulesquisedétournent,« Passant leurs vies dans la pire indigence et misère à cause de leur

désird’undemi-raisinvert;2030 «Quandjevoiscesmalheureuxpoussantdesgémissementslamentables

dansleurenvieetaviditépouruneseulefeuille,«Etcescentainesdemilliersdemilliersd’hommess’enfuyantloinde

cetarbreetdecesfruits,«Anouveau,jemedis:Oh!merveille!Ai-jeperdul’esprit?Mesuis-

jeattachéàunebranched’arbreimaginaire?»Répétezlesparoles:Quand lesprophètessedésespéraient jusqu’àen

pensantqu’onlestraitaitdementeurs(kudhibu).65Récite ce verset avec la lecture kudhibu (et non kudhdhibu) : cela

signifieque leMessagerdeDieuseconsidèrecommeprivé (de recevoirl’aidepromiseparDieu)*.Lesâmesdesprophètesperdirentconfianceàcausedel’incroyancedes

genspervers,Maisnotresecoursleurparvintaprèsqu’ilseurentdouté;laisselà(les

égarés)etmonteàl’arbredel’esprit.Mange(desesfruits)etdonnes-enàchacunquienaunepart:àchaque

moment,àchaqueinstant,ilyadesleçonsdemagie(pourlui).Lesgensdisent:«Oh!merveille!quelestcecri?Étantdonnéquele

désertestdépourvud’arbresetdefruits,« Nous avons été leurrés par les paroles de ces fous qui nous disent

qu’auprèsdenoussetrouventdesjardinsetdesplateaux(defruits);2040 «Nousnousfrottonslesyeux,iln’yapasdejardinici,c’estsoitle

désert,soituneroutedifficile.« Oh ! merveille ! cette histoire est si longue, comment serait-elle

vaine?Etsicelaexistevraiment,oùest-cedonc?»Moiaussi,commeeux,jedis:«Oh!merveille!pourquoil’actiondu

Seigneura-t-ellemisuntelsceau(surleursyeux)?»CesobjectionsdesincroyantsremplissaientMohammadd’éton-nement.

AbûLahabaussidemeuraitdansl’étonnement(àsonsujet).Entre cet étonnement-ci et cet étonnement-là, il y a une profonde

différence,nousverronscequeleRoitout-puissantferaàlafin.

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ODaqûqî, avance plus rapidement, sois silencieux, puisqu’il manquedes oreilles pour entendre ; combien de temps parleras-tu, combien detemps?

*Petiteétoile.*Selon que l’on écritkudhibu sans redoublement de la consonnedh, oubienkudhdhibu,avecredoublement,l’interprétationdeceversetseradifférente;onaicicelledonnéeparRûmî.

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Commentlesseptarbresdevinrentunseul

aqûqîdit:«Moi,lefortuné,jem’avançai;ànouveau,touslesseptdevinrentunseularbre.«Achaque instant, ilsdevenaient sept,puisun seul : quedevenais-je

d’étonnement!«Ensuite,jevisquelesarbresaccomplissaientlaprièrerituelle,lesuns

àcôtédesautresenrang,commel’assemblée(desmusulmans).«Un arbre était devant, comme l’imâm, les autres se tenaient debout

derrière.2050 «Cettestation(qiyam)etcetteinclinaison(rukuh)etcetteprosternation

(sajoud)delapartd’arbresmeremplirentd’émerveillement.«Alors jeme rappelle laparoledeDieu :“Iladit : lesplanteset les

arbresseprosternent66.”«Lesarbresn’avaientnigenouxnitaille,etunetelleperfectiondansla

prièrerituelle!« Une inspiration (ilham) m’advint : “Ô homme noble, t’étonnes-tu

encoreausujetdenotreaction?”»

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Commentlesseptarbresdevinrentsepthommes

prèsunlongtemps,cesarbresdevinrentsepthommes,tousassis,pourl’amourduDieuunique.«Jemefrottailesyeux,medemandantquiétaientcessepthérosetce

qu’ilsavaientàfaireaveccemonde.« Lorsque je m’approchai d’eux, après avoir traversé la route, je les

saluaiaveccuriosité.«Lacompagnieréponditàcettesalutation,disant:“ÔDaqûqî,gloireet

couronnedesnobles.”« Eh quoi, me dis-je, comment m’ont-ils reconnu ? Ils n’ont jamais

jusqu’icijetélesyeuxsurmoi.«Ilsconnurentaussitôtmapensée,nonexprimée,etseregardèrentles

unslesautres,2060 «Etrépondirentensouriant:“Ôcherami,cecit’est-ilcachéencoreà

présent?“AucœurquiestémerveilléparDieu,commentseraitcachélemystère

delagaucheetdeladroite?”«Jemedis: ilssontréceptifsauxréalitésspirituelles:maiscomment

sont-ilsaucourantdenomsconsistantenlettresformant(desmots)?« L’un d’eux dit : “Si un nom disparaît de (la mémoire) d’un saint,

sachequecelavientdesonabsorptionenDieu,nondel’ignorance.”«Ensuite,ilsdirent:“Nousdésironsêtreguidéspartoi(pourlaprière)

ôamipur.”«Oui,dis-je,maisattendezunpeu,carj’aidesdifficultésvenantdela

marchedutemps,«Afinqu’ellespuissentêtrerésoluesgrâceàcettesainteassemblée;car

c’estparlacompagniequeleraisinpoussedusol.«Unegrainepleines’estunieàlaterrenoire.« Elle s’est effacée entièrement dans la terre, de telle sorte que ni

couleur,nisenteur,nirouge,nijauneneluisontrestés.«Aprèsceteffacement,sonresserrementpritfin,elleouvritsesailes,se

dilataetpritsacourse.2070 «Etantdonnéqu’elledevintdétachéed’elle-mêmeenprésencedeson

origine,saformedisparutetsonessenceréellesemanifesta.«Ilshochèrentlatête(commepourdire):“C’estàtoidecommander”;

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decehochementdetête,uneflammes’élevadansmoncœur.«Aprèsavoirparticipépendantuntemps,aveccettecompagniechoisie,

àlacontemplationdeDieuetavoirétéséparédemoi-même,«Acetteheuremême,monesprit fut libérédesheures,car lesheures

rendentlesjeunesvieux.«Tous les changements sont nés des heures ; celui qui est libéré des

heuresestlibéréduchangement.«Lorsquependantuneheuretuéchappesauxheures,lacontingencene

demeurepas,tudeviensfamilieraveccequin’estpascontingent.«L’heure n’est pas consciente de ce qui est sans heures, car il n’y a,

pour ce qui est temporel, d’autre voie vers l’intemporel que l’émerveillement.«Dans cemonde de la recherche et de la quête, chaque catégorie de

gensaétéattachéedansl’écuriequiluiestparticulière,« Et pour chaque écurie, un instructeur a été désigné : sauf avec sa

permission,aucunrebellenevaailleurs.«Si,parvaindésir,ils’évadedel’écurieets’introduitdansl’écuriedes

autres,2080 «Aussitôt,lesagilesetbonsgardiensdel’écurielesaisissentparla

brideetleramènent.«Ôrusé,si tunevoispas tesgardiens,contemple tonchoix,quiétait

involontaire.«Tu fais un choix, et tesmains et tes pieds sont détachés : pourquoi

donces-tuemprisonné,pourquoi?«Tuasentreprisdenierl’actiondugardien;tul’asappelé“menacesde

l’âmecharnelle”.»

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CommentDaqûqîs’avançapourtenirlerôled’imâm

e discours n’a pas de fin. Cours vite ! Écoute, le moment de laprièreestarrivé.Avance,ôDaqûqî!Ôêtreunique,accomplislesdeuxrakat*afinqueleTempssoitornépar

toi.Ô imâmà lavueclaire,dans laprière rituelle, leguidedoitêtredoué

d’uneclairevision.Selon laLoi religieuse, ilestdéconseillé,ônoble lecteur,deconfierà

unaveuglelafonctiond’imâm.Même s’il connaît le Qor’ân par cœur, est intelligent et instruit en

théologie,l’hommequivoitbienluiestsupérieur,mêmes’ileststupide.L’homme aveugle n’a pas lesmoyens de se prévenir de la souillure ;

l’œilestlasourcedel’abstentionetdelaprécaution.2090 Ilnevoitpaslasaletéenpassantprèsd’elle.Puissenulcroyantn’être

atteintdecécité!L’homme aveugle extérieurement est dans une souillure matérielle ;

l’hommeaveugleintérieurementsetrouvedansunesouillureinterne.La souillure externe peut être enlevée avec de l’eau : cette souillure

intérieures’accroît(graduellement).Elle ne peut être lavée que par l’eau des larmes, une fois que les

souilluresintérieuressontdevenuesmanifestes.ÉtantdonnéqueDieuaappelél’infidèle«souillure»,cettesouillurene

setrouvepasàl’extérieurdelui.L’extérieur de l’infidèle n’est pas sali par cela : cette souillure existe

danssadispositionetreligion.L’odeurdecettesouillure-làs’étendàvingtpas;maisl’odeurdecette

souillure-ci(l’intérieure)s’étenddeRayyàDamas.Bienplus, sonodeur s’élève jusqu’auxcieuxetmonteaucerveaudes

hourisetdeRizwan(Paradis).Ce que je dis est à la mesure de votre compréhension : je meurs de

chagrinàcausedel’absenced’unebonnecompréhension.La compréhension est pareille à l’eau, et l’existence corporelle à la

cruche:quandlacrucheestfêlée,l’eauserépand.2100 Cettecrucheacinqtrous:nil’eau,nimêmelaneigeneresteronten

elle.

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Vousavezentendu,aussi, l’ordredeDieu :«Baissezvosregards67.»Cependant,vousn’avezpasmarchédroit.Votreparoleanéantitvotrecompréhension;votreoreilleestcommele

sable:elleabsorbevotrecompréhension.De même, vos autres orifices (de perception sensorielle) emportent

l’eaucachéedevotrecompréhension.Sivouschassezl’eaudelamersanscompensation,vousferezdelamer

undésert.Ilesttard;autrement,j’exposeraislevéritableétatdechoses,encequi

concernelescompensationsetlesremplacements.Etjediraisd’oùviennentàlamercescompensationsetremplacements

aprèsdetellesdépenses.Descentainesdemilliersd’animauxyboivent;del’extérieuraussiles

nuagesemportentl’eau;Mais à nouveau lamer attire en elle des compensations—d’où elles

viennentestconnudeshommesjustes.Nous avons commencé ces histoires en hâte ; dans ce Livre (du

Mathnawî)ellessontlaisséessansconclusion.2110 ÔLumièredeDieu,nobleHusâm-od-Dîn,roitelquelescieuxetles

élémentsn’ontjamaisdonnénaissanceàquiconquesemblableàtoi,Tu es venu, irremplaçable, dans l’âme et dans le cœur, ô toi à

l’avènementdequilecœuretl’âmesontconfus.Combiensouventj’ailouélesgensdupassé!Bienentendu,c’étaittoi

quiétaisl’objetdemaquêteenleslouant.Envérité,l’invocationconnaîtsonpropredomaine:instaurelalouange

aunomdeceluiquetuveux.Dieu a créé ces contes et paraboles afin de dissimuler (la véritable

naturede)lalouangeàceuxquiensontindignes.Mêmesicette louangeestconfusedevant toi,Dieuacceptecependant

l’effortdeceluiquin’aquepeudechoseàdonner.Dieuaccepteunecroûtedepainetabsoutledonateur,carauxyeuxd’un

aveugledeuxgouttessuffisent.Les oiseaux et les poissons connaissent le sens du style ambigu dans

lequelj’ailouéabondammentcettepersonnedebonrenom,Afin que les soupirs des envieux ne soufflent pas sur lui, et que

l’envieuxneblessepassonimage.Où l’homme envieux trouverait-il même une idée de lui ? Quand un

perroquetest-ilrestédanslademeured’unesouris?2120 Cetteidéedelui(Husâm-od-Dîn)naît(dansl’espritdel’envieux)à

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causedesaruse;c’estlepoildesonsourcil,nonlanouvellelune.Jecélèbretalouangehorsdescinq(sens)etdessept(cieux).Aprésent,

écris:«Daqûqîs’avança.»

*L’undesgestesdelaprièrerituelle.

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CommentDaqûqîs’avançapourdirigerlaprière

anslessalutationsetlesbénédictionsadresséesauxsaintsestunielalouangedetouslesprophètes.Leslouangessont toutesconjointes : lesaiguièressontvidéesdansun

seulrécipient.Étant donné que l’objet de la louange Lui-même n’est qu’Un, de ce

pointdevuetouteslesreligionsnesontqu’uneseulereligion.Sache que chaque louange est destinée à laLumière deDieu et n’est

queprêtéeauxformesetauxpersonnes.Commentlesgensloueraient-ilsquiconque,exceptéCeluiquienaseul

ledroit;maisilssontégarésparunevaineimagination.La Lumière de Dieu, par rapport aux phénomènes, est pareille à une

lumièrebrillantsurunmur;lemurestunfoyerpourcessplendeurs.Nécessairement, quand le reflet s’est dirigé vers sa source, celui qui

s’étaitégaréperditdevuelaluneetabandonnalalouange;Oubienunrefletdelaluneapparuthorsd’unpuits,etlui(l’égaré)mit

satêtedanslepuitsetloualereflet.2130 Envérité,iladressesalouangeàlalune,bienqueparignoranceilse

tourneverslereflet.Salouangeappartientà la lune,nonàcereflet ;cette louangedevient

uneimpiétéquandlaquestionn’estpascomprise,Car cet homme a été égaré par sa hardiesse : la lune était dans les

hauteursalorsqu’ils’imaginaitqu’elleétaitenbas.Les gens sont égarés par ces idoles, et ensuite se repentent du désir

qu’ilsontsatisfait,Parcequ’untelhommeasatisfaitsondésiravecuneforceimaginaireet

estrestéencorepluséloignédelaRéalité.Tondésirpourune illusionestpareilàuneaile,pourqu’aumoyende

cetteailetupuissesmonterverslaRéalité.Quandtuassatisfaitàundésir, tonailetombe; tudeviensboiteux,et

cetteimages’enfuitloindetoi.Préserve l’aile et ne satisfais pas au désir, afin que l’aile du désir

t’emporteauParadis.Les gens s’imaginent qu’ils s’amusent ; en réalité, ils déchirent leurs

ailesàcaused’uneformeimaginaire.

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Je suis devenu un débiteur, car je dois l’explication de ce sujet.Accordez-moi du temps, je suis sans ressources ; pour cette raison, jegardelesilence.

Page 842: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentl’assembléefutdirigéeparDaqûqî

2140 aqûqîs’avançapouraccomplirlaprière;l’assembléeétaittellelarobedesatin,etluilabordurebrodée.Cesrois(spirituels)étaientdirigésparlui,deboutenunerangéederrière

cemodèleréputé.Quandilseurentprononcélestakbirs*,ilsquittèrentcemonde,comme

unsacrifice.Ô imam, le sens du takbir est ceci : « Nous sommes devenus un

sacrifice,ômonDieu,devantToi.»Au moment d’égorger la victime, on dit Allah akbar, de même en

égorgeantl’âmecharnellequ’ilfauttuer.Le corps est comme Isma’îl** et l’esprit comme Abraham, l’esprit a

prononcéletakbir(desfunérailles)surlenoblecorps.Parlesappétitsetlesdésirs,lecorpsn’étaitquetué,maisparlesmots

Bismillah***delaprièrerituelle,ilaétésacrifié.Enaccomplissantlaprière,ilssetenaientenrangdevantDieu,commeà

laRésurrection,occupésàl’examendesoietauxoraisons(monâdjât),SetenantdeboutenprésencedeDieuetversantdeslarmes,telceluiqui

selèveenressuscitantd’entrelesmorts.(Ce jour-là)Dieudira :«Qu’as-tu faitpourMoipendantce tempsde

répitqueJet’aidonné?2150 «Enquelleœuvreas-tumenétavieàsafin?Enquoias-tuconsuméta

nourritureettaforce?«Oùas-tuternil’éclatdetesyeux?Oùas-tudissipétescinqsens?« Tu as dépensé tes yeux, tes oreilles, ton intelligence et les pures

essencescélestes:qu’as-tuachetéàlaterre?« Je t’ai donné des mains et des pieds comme bêche et pelle pour

labourer le soldesbonnesœuvres ;quandsont-ilsdevenusexistantspareux-mêmes?»Ainsidescentainesdemilliersdetelsmessagesaffligésviennentdela

partduSeigneur.Aumomentdeqiyâm(lorsqu’onsetientdeboutpourlaprière)cesmots

retournent (venantdeDieu,àceluiquiprie),etdehonte il secourbeendeuxparrukû(inclinaison).PuisvientTordredivin :«Relève la têtedecette inclinaisonetdisce

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quetuasàrépondreàDieu.»L’homme honteux Relève la tête de son inclinaison, puis cet homme

dontlesactionssontimparfaitestombesursaface.A nouveau lui arrive l’ordre divin : « Relève ta tête de cette

prosternation,etrendscomptedetesactes.»2160 Unefoisdeplus,l’hommehonteuxlèvelatête,etretombefacecontre

terrecommeunserpent.Denouveau,Ildit:«Lèvelatête,etparle,carJet’interrogerai,cheveu

parcheveu.»Iln’apaslepouvoirdesetenirsursespieds,carlesparoleseffrayantes

quiluisontadresséesontfrappésonâme,Aussi s’assied-il à cause de ce lourd fardeau. Le Seigneur lui dit :

«Parleclairement.«Jet’aiaccordédesbienfaits:dis-Moi,qu’étaienttesremerciements?

Jet’aidonnéuncapital,montre-Moil’intérêt.»Alors, l’orant tourne son visage vers la droite dans le salut vers les

espritsdesprophètesetdessaints,Voulantdire :«Ôrois,accordezvotre intercession,car lespiedset le

manteaudecemisérablesontenlisésdanslaboue.»

*LaparoleAllahakbar,«Dieuestplusgrand»,commençantet terminantlesprieresrituelles.*Danslatraditionislamique,c’estIsmael,nonIsaac,quifutoffertensacrificeparAbraham.***«AuNomdeDieu.»

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Expliquantquelasalutation(danslaprière)versladroiteàla

Résurrectionindiquelacraintedel’orantd’êtreexaminéparDieu,

etsademandedusecoursdel’intercessiondelapart

desprophètes

esprophètesontdit:«Lejourduremèdeestpassé.Leremèdeetlesmoyenspuissantsétaientlà-bas(danslavieterrestre).«Tu es unoiseau inopportun.Va-t’en, ômisérable, quitte-nous, ne te

baignepasdansnotresang.»Puisiltournesonvisageverslagauche,dansladirectiondesafamille

etparenté:ilsluidisent:«Tais-toi!2170 «Écoute,répondspourtoi-mêmedevanttonCréateur.Quisommes-

nous?Net’accrochepasànous!»Nul secours ne provient de ce côté-ci ou de celui-là ; l’âme de cet

hommedésespéréestdéchiréeencentmorceaux.Le malheureux perd tout espoir ; alors, il lève les deux mains en

supplication,S’écriant : « Ô Dieu, j’ai perdu l’espoir en tout le monde, Tu es le

PremieretleDernieretleTermeultime.»Percevez dans la prière rituelle ces nobles indications, afin que vous

puissiezsavoirqu’ellesseréaliserontsûrement.Delaprièrerituelle,quiestcommel’œuf,faiteséclorelepoussin;ne

vousagitezpascommeunoiseau,sansrespectniconvenance.

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Comment,durantlaprièrerituelle,Daqûqîentenditdescrisdedétressevenantd’unnaviresurlepointde

sombrer

aqûqî sepréparaà jouer le rôled’imâm : il semit à accomplir laprièrerituellesurlerivage,Tandisquel’assembléesetenaitdeboutderrièrelui.Voyez,quellenoble

compagnieetquelimâmchoisi!Tout à coup, ses yeux se tournèrent vers la mer, parce qu’il entendit

«Ausecours,ausecours»venantdeladirectiondelamer.Ilaperçutauseindesvaguesunnavireendétresse,enpéril,etdansune

situationaffreuse.2180 Lanuit,desnuages,d’énormesvagues:cestroisténèbres,etlacrainte

dutourbillon.Unventféroce,telAzraîl,s’éleva;lesvaguessejetaientdedroiteetde

gauche.Lesgensdanslenavireétaientaccablésdeterreur,descrisdedésespoir

s’élevaient.Etenselamentant,ilssefrappaientlatêtedeleursmains:incroyantset

impies,ilsétaienttousdevenussincères,FaisantdetouteleurâmedespromessesetdesvœuxàDieu,aveccent

humblessupplicationsàcetteheure.Tête nue, prosternés, étaient ceux dont les visages, à cause de leur

perversité,n’avaientjamaisététournésverslaQibla.Jadis,ilsdisaient:«CetteadorationdeDieuestinutile»,maisàcette

heuredésespéréeilsytrouvaientcentvies.Ilsavaiententièrementrenoncéàtoutespoir(d’unsecours)venantdes

amis,desonclesmaternelsetpaternelsetdespèreetmère.Acemoment,l’ascèteaussibienqueleplusgrandpécheurcraignaient

Dieu,commeunmauvaishommelorsdesonagonie.Niàdroiteniàgauche,iln’yavaitaucunsecourspoureux:quandtous

lesexpédientssontépuisés,c’estlemomentd’invoquerDieu.2190 Ilsétaientplongésdanslesinvocations,leslamentations,les

gémissements;unefuméenoiremontaitd’euxversleciel.Alors, leDémons’écriaavechostilité :«Allez,allez,ôadorateursde

chiens,voussubirezdeuxmaux.

Page 846: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

«Lamortetlemalheursurvous,ôincroyantsethypocrites,cecivousadviendraàlafin:«Aprèsquevousserezsauvés,vousvousplairezàdevenirdesdiables

afindesatisfairevosappétits,«Etnevoussouviendrezpasqu’aujourdudangerDieupritvosmains

pourvoussauverdeSondécret.»CecriprovenaitduDémon,maiscesmotsnesontentendusqueparune

bonneoreille.Mustafâ,lePôle,l’Empereur,laMerdepureté,aditjustementQuece

quel’ignorantvoitàlafinlesagelevoitdèslepremierpas.Sileschosessontcachéesetsecrètesaucommencement,l’hommesage

voitaucommencement,tandisquecethommeobstinélevoitàlafin.Ledébutdececiestcaché,et l’hommesageaussibienque l’ignorant

verrontlafinlorsdelamanifestation.2200 Maissitoi,ôhommesuffisant,nevoispasl’événementcaché,quandle

torrenta-t-ilbalayétaprudence?Qu’est-cequelaprudence?Penserdumaldumonde.Danscemonde,

l’hommeprudentàchaquemoments’attendàunecalamitésoudaine.

Page 847: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Lesidéesdel’hommeprudent

insi, quandun lion surgit, saisit un homme et l’entraîne dans lajungle,Aumomentoùilestemporté,àquoipensera-t-il?Réfléchis,etpenseà

lamêmechose,ôtoiquiesversédanslaReligion.Ledestin,ce lion,entraînedans les jungles (de lamort)nosâmesqui

sontabsorbéesparlesaffairesetlecommerce.Celaestcomparableàlapeurquelesgensontdelapauvreté,plongés

qu’ilssontjusqu’aucoudansl’eausaumâtre.S’ils craignaient leCréateurde lapauvreté,des trésors s’ouvriraient à

euxsurlaterre.Par crainte de l’affliction, ils sont tous dans l’essence même de

l’affliction ; dans leur poursuite de l’existence, ils sont tombés dans lanon-existence.

Page 848: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

LasupplicationdeDaqûqîetsonintercessionpourlesauvetage

dunavire

orsqueDaqûqîaperçutcebouleversement,ilfutémudepitiéetseslarmesruisselèrent.Ildit:«ÔSeigneur,neconsidèrepasleursactions;tends-leurlamain,

ôRoipropice.2210 «Ramène-lessainsetsaufssurlarive,ôToidontlapuissanceatteintla

terreetlamer.«ÔToi leGénéreux,ôToiCompatissantetÉternel,oublieces fautes

commisesparceuxquifontlemal.« Ô Toi qui as donné, gratuitement, cent yeux et oreilles et qui,

bénévolement,asoctroyél’intelligenceetlacompréhension.«Toiquiasaccordéledonavantlemérite,ayantsupportédenotrepart

toutel’ingratitudeetlesfautes.«ÔTout-Puissant,Tupeuxabsoudrenosgrandspéchésenlesgardant

secrets.« Nous nous sommes brûlés nous-mêmes par la concupiscence et la

cupidité,etmêmecetteprière,c’estdeToiquenousl’avonsapprise.«NousTesupplions,parrespectpournousavoirapprisàT’invoqueret

pouravoirallumélalampe(del’invocation)auseind’unetelleténèbre.»Ainsi la prière coulait de ses lèvres, comme les paroles des mères

fidèles;Les larmesruisselaientdesesyeux,etson invocations’élevaitvers le

ciel,tandisqu’ilétaithorsdelui-même.Cette invocation inconsciente est, en vérité, une autre chose : cette

invocationnevientpasdel’homme,elleestprononcéeparleJugedivin.2220 C’estDieuquiprononcecetteprière,puisquel’orantestannihilé

(fanâ);l’invocationetlaréponseproviennenttouteslesdeuxdeDieu.Acemoment, l’intermédiaire,c’est-à-dire lapersonnecréée,n’estpas

présente:lecorpsetl’espritsontinconscientsdecettesupplicationqu’ilsfont.Les serviteurs de Dieu sont compatissants et patients : ils ont, pour

arrangerleschoses,lamêmeattitudequeDieu.Ils sont bienveillants et désintéressés, secourables lors de la dure

épreuveetdujourdouloureux.

Page 849: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Attention, recherche cette sainte assemblée, ô toi qui es affligé.Attention,garde-lescommeuntrésoravantquesurviennel’affliction.Grâceàlaprièredecesaint,lenavirefutsauvé,tandisquelesgensdu

bateaupensaientquec’étaitdûàleurspropresefforts.Supposantquepeut-être,lorsdeladétresse,leurbrasavaitadroitement

tiréuneflèchesurlacible.Les renards, pendant la chasse, sont sauvés par leurs pattes,mais les

renards,déraisonnablement,imaginentquec’estparleursqueues.Aussi jouent-ils joyeusement avec leurs queues, en pensant : « C’est

ellesquisauverontnosviesdansl’embuscade.»Ôrenard,gardetespattescontrelespierres;situn’aspasdejambes,à

quoiteservirataqueue,ôrenardàl’œilaudacieux?2230 Noussommespareilsauxrenards,etlessaintssontnosjambes,ilsnous

sauventdecentsortesdevengeance.Notre faible race, ce sont nos queues, nous jouons joyeusement avec

nosqueuesdedroiteetdegauche.Nous agitons la queue dans l’argumentation et la ruse afin queUntel

resteéblouiparnous.Nouscherchonsàéblouirlesgens,nousnousagripponsavecferveurà

laDivinité,Afindepouvoir,enlesleurrant,prendrepossessiondescœurs;nousne

voyonspasquenoussommesdansunfossé.Noussommesdanslefosséetdansl’abîme,ôscélérat:net’occupepas

desfautesd’autrui.Quand tu arriveras à un jardin beau et splendide, cesse alors de

t’accrocheraupanduvêtementdesautres,etconduis-les.Ôtoiquidemeuresdanslaprisondesquatre(éléments),descinq(sens)

etdessix(directions),amèneaussilesautresàcenoblelieu.Ôtoiqui,commeleserviteurdel’âne,eslecamaradedel’arrière-train

del’âne,tuastrouvélàunbelendroitàembrasser,emmènenouslà.PuisquelevéritablesevrageenversleBien-Aiménet’apasétéaccordé,

d’oùestnéentoiledésirdelasouveraineté?2240 Danstondésirqu’ilstecrient:«Bravo»,tuasliélacorded’unarcau

coudetonâme.Ô renard, laisse là cette queue, ta ruse, et consacre ton cœur aux

seigneursducœur.Tantquetuessouslaprotectiondulion, lavianderôtieneteferapas

défaut,ôrenard;netehâtepasverslacarcasse.Ôcœur,tuserasregardéfavorablementparDieuaumomentoù,comme

Page 850: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

unepartie,tuirasversleTout.Dieudit:«Notreregardvaverslecœur,nonverslaformeextérieure,

quin’estquedel’eauetdel’argile.»Tu dis : «Moi aussi, j’ai un cœur », mais le cœur est au-dessus de

l’empyrée,iln’estpasau-dessous.Assurément,dans la terrenoireaussi ilyade l’eau,mais iln’estpas

convenablepourvousdelavervosmainsaveccetteeau.Car,bienqu’ellesoitde l’eau, la terre l’emportesurelle.Nedisdonc

pasdetoncœur:«Ceciaussiestuncœur.»Le cœur qui est plus haut que les cieux est le cœur du saint ou du

prophète.Cecœuraéténettoyédelaterreetpurifié,ilaatteintsapleinestatureet

aétérenducomplet.2250 IIapriscongédelaterreetestvenuverslaMer;ilaéchappéàla

prisondelaterreetestdevenudelaMer.Mais notre eau est restée emprisonnée dans la terre ; ô Mer de la

miséricorde,tire-noushorsdel’argile.LaMerdit:«Jet’attireraienmoi-même,maisc’estvainementquetu

prétendsêtrel’eaudouce.« Ta prétention vaine te garde privé de bonheur : renonce à cette

imagination,etentreenmoi.»L’eaudanslaterre(ducorps)désirepénétrerdanslaMer,maislaterre

retientl’eauetlatireenarrière.Si elle échappe à l’étreinte de la terre, celle-ci restera sèche et l’eau

deviendraabsolumentlibre.Qu’est-cequifaitquel’eauestattiréeenarrièreparlaterre?C’estton

attirancepourlesdouceursetlevinpur.Ainsi, chaque désir dans le monde, qu’il soit pour les richesses, le

pouvoiroulepain,Chacune de ces choses produit en toi un enivrement, et quand tu ne

l’obtienspas,ellet’infligeunmaldetête.Cemaldetêteestdevenulapreuvequetonenivrementétaitcausépar

cetobjetmanquant.2260 N’usedeceschosesqueselonlamesuredetesbesoins,depeurqu’elles

neprédominentetnedeviennenttestyrans.Tuasrefuséavecdédain toutsecours,disant :«Jesuis lepossesseur

d’unCœurpurifié;jen’aibesoindepersonned’autre,jesuisuniàDieu.»C’estcommesil’eaudanslaterrerefusaitavecdédain,disant:«Jesuis

l’eau,etpourquoichercherais-jedel’aide?»

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Tut’imaginaisquececœursouilléétaitlecœurpur,aussias-tudétournétoncœurdeceuxquipossèdentdescœurspurifiés.Crois-tuenvéritépossiblequececœuréprisde laitetdemiel soitce

cœurpur?Lasuavitédulaitetdumielestlerefletducœurpur,c’estdececœur

queprovientladouceurdechaquedoucechose.C’est pourquoi le cœur est la substance, et le monde est l’accident ;

commentlerefletducœurpourrait-ilêtrel’objetdudésirducœur?Est-celàlecœurquiestéprisdesrichessesetdupouvoir,oubienest-il

soumisàcetteterrenoireetàcetteeau?Ouàdevainesimaginationsqu’iladoredansl’obscuritépardésirdela

renommée?Lecœurn’estriend’autrequelaMerdeLumière:lecœurest-illelieu

delavisiondeDieu—etensuiteaveugle?2270 Lecœurn’estpascontenudanscentmillepersonnes,noblesou

vulgaires:iln’estqu’enuneseule:quiest-il,qui?Laissecequin’estqu’unfragmentducœuretrecherchelecœurparfait,

afinquegrâceàluicefragmentpuissedevenirunemontagne.Lecœur(parfait)embrasse toutce royaumede l’existenceetdistribue

l’orparbienveillanceetlibéralité.IlchoisitderépandrelesbénédictionsquiviennentdusalutdeDieusur

lesgensdecemonde.Celuidontlepanduvêtementestpuretprêt,leslibéralitésducœurlui

parviennent.Le pan de ton vêtement, pour recevoir cette libéralité, c’est la

supplicationet laprésence(avecDieu) :prendsgarde,neplacepasdanstonvêtementlapierredel’iniquité,Afinqu’ilnesoitpasdéchiréparcespierresetquetupuissesdistinguer

lamonnaiedebonaloidescouleurs(delafausseté).Tuasremplilepandetonhabitdespierresvenantdecemonde,etaussi

depierresd’argentetd’or,àlamanièredesenfants.Étantdonnéquecetteimaginationd’argentetd’ornefournissaitpasde

l’orvéritable,l’habitdetasincéritéaétédéchiréettonchagrinaugmenté.Comment la pierre apparaîtrait-elle aux enfants comme une pierre,

avantquelaRaisonnesesaisissedupandeleurvêtement?2280 L’aîné(pîr)estlaRaison,noncescheveuxblancs;ceux-cin’ontrienà

faireaveccettefortuneetcetespoir.

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Commentl’assembléefutinvitéeparl’invocationetl’intercessiondeDaqûqî,ets’enfuitetdisparutsous

levoileduMondeinvisible;commentDaqûqîfutstupéfait,sedemandants’ilss’enétaientallés

dansl’airousurlaterre

uand le navire fut sauvé et que les voyageurs eurent atteint cequ’ilsdésiraient,aumêmemomentlaprièredecetteassembléesetermina.Ils semirent à chuchoter entre eux, disant : «Ô Père, lequel d’entre

nousestcetimportun?»Chacunparlaitensecretàl’autre,tandisqu’ilsétaientcachésderrièrele

dosdeDaqûqî.Et chacun disait : « Je n’ai pas fait cette invocation maintenant, ni

extérieurementniintérieurement.»L’undit:«Ilsembleraitquenotreimâm,àcausedesonchagrin,aitfait

cetteprièresansdroit.»L’autre dit : «Ô toi qui es familier avec la certitude, celam’apparaît

ainsiégalement.« Il a été importun : poussépar ladétresse, il est intervenuauprèsde

Celuiquichoisit,l’Absolu.« Lorsque je regardai derrière moi pour voir ce que ces nobles

personnagesdisaient,«Jenevisaucund’entreeuxàleurplace: ilsavaient tousdisparude

leurplace.2290 «Ilsn’étaientniàgaucheniàdroite,niau-dessusniau-dessous;mon

œilperçantneputapercevoircetteassemblée.«Oneûtditquec’étaientdesperless’étanttransforméeseneau;iln’y

avaitnitracesdepasnipoussièredansledésert.«Acemoment,ilsétaienttousentrésdanslestentesdeDieu;dansquel

jardinleurgroupeétait-ilallé?« Je restai dans la stupeur,me demandant commentDieu avait rendu

cetteassembléecachéeàmesyeux.»De cette manière, ils s’évanouirent à sa vue, comme des poissons

plongeantdansl’eaud’unruisseau.Pendantdesannées,ilcontinuaàlespleurer;pendantdesviesentières,

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ilversaitdeslarmesdenostalgiepoureux.Tupeuxdire:«Commentsefait-ilqu’unhommedeDieuaitàl’esprit

lapenséed’êtreshumainsendehorsdeDieu?»Tuesparalyséici,ôUntel,cartulesconsidèrescommedechair,etnon

d’esprit.Ton échec, ô homme inexpérimenté, provient de ce que, à l’instar du

vulgaire,tulesasprispourdesêtreshumains.Tu les as regardés de la même façon qu’Iblîs le maudit (regardait

Adam):ildisait:«Jesuisdefeu,Adamestdeterre.»2300 Fermepourunmomenttonœilsatanique:combiendetemps,enfin,

considéreras-tulaformeseule?Combiendetemps,combiendetemps?ÔDaqûqî,toidontlesyeuxruissellentdelarmes,va,nerenoncepasà

l’espoir;cherche-les.Va, cherche-les, car la recherche est le fondement de la fortune ; tout

succèsprovientdel’attachementducœur.Sanstesoucierdetouteslesaffairesdecemonde,continueàrépéter,de

toutetonâme,kû,kû(où,où?)commelatourterelle.Considère bien, ô toi qui es voilé, que Dieu a lié l’invocation à Je

répondrai68.Celui dont le cœur est purifié de l’infirmité, son invocation montera

jusqu’auSeigneurdegloire.

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Continuationdel’explicationdel’histoiredeceluiqui,autempsdeDavid(surluilapaix),cherchaà

recevoirdeDieudesmoyenslicitesdevivresanstravaillerniprendrede

lapeine,etcommentsaprièrefutexaucée

’histoire m’est revenue à l’esprit : comment ce pauvre hommegémissaitetselamentaitjouretnuit,ImplorantdeDieudesmoyensdevivrelicitessansrecherchenitracas,

nitravail,nidéplacement.Nous avons déjà raconté une partie de ce qui lui arriva, mais un

empêchementintervint.Maintenant, nous allons relater le reste de l’histoire.Où s’envolera-t-

elle,puisquelasagesses’estdéverséesurnousdesnuagesdelagénérositédeDieu?

2310 Lepropriétairedelavachel’aperçutetdit:«Hé,ôtoiàlamalhonnêtetédequimavacheesttombéeenproie,«Dis-moi,pourquoias-tutuémavache?Imbécile!Brigand!Unpeu

deraison!»Il dit : « Je suppliais Dieu dem’accorder le pain quotidien et je me

préparaisuneQibladesupplication,«CetteancienneprièrefutexaucéeparDieu.Lavacheétaitmaration

depainquotidien:jel’aituée.Voilàlaréponseàtaquestion!»L’hommes’avançaaveccolèreetlepritaucollet:ayantperdupatience,

illefrappaauvisageavecsonpoingàmaintesreprises.

Page 855: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentlesdeuxadversairesserendirentchezleprophèteDavid

(surluilapaix)

I le conduisit au prophèteDavid, disant : «Viens, fou stupide etcriminel!«Laissecetargumentimbécile,ôimposteur!qu’unpeud’intelligence

viennedanstoncorpsettessens!«Qu’est-cequetudis?Qu’est-cequecetteprière?Nemerispasau

nezetàlabarbe,ôvaurien!»Lepauvrehomme répondit :« J’aioffertbiendesprièresàDieu, j’ai

supportébiendelafatigueetdespeinesdanscettesupplication.« Je possède la certitude que cette prière a été exaucée. Frappe-toi la

têtecontrelespierres,ôimpudent!»2320 IIs’écria:«Hé,rassemblez-vousici,ômusulmans!Voyezles

balivernesetl’insistancedecetimbécile!« Ômusulmans, pour l’amour de Dieu, comment la prière ferait-elle

quemapropriétéluiappartienne?« S’il en était ainsi, au moyen d’une seule prière de cette sorte, le

mondeentieremporteraitparlaforcelespossessionsd’autrui.«S’ilenétaitainsi,lesmendiantsaveuglesseraientdevenusdesgrands

seigneursetdesprinces.« Car ils sont plongés jour et nuit dans l’invocation et la louange de

Dieu,suppliantetcriant:“ÔDieu,donne-nous!“SiTunedonnespas,assurémentpersonnenenousdonnerarien;ôToi

quiouvres,ouvreleverroudecettegénérosité!”« La supplication et la prière sont le moyen par lequel les aveugles

gagnentleurvie,cependantilsn’obtiennentd’autredonqu’unecroûtedepain.»Lesgensdirent:«Cemusulmanditlavérité,etcevendeurdeprières

estquelqu’unquichercheàagirinjustement.« Comment cette prière serait-elle un moyen d’acquérir une

possession?QuandenvéritélaLoireligieusea-t-elleindiquécela?«Une chose devient votre propriété par la vente, la donation, ou par

legsoudonoupardesmoyensdecegenre.2330 «Dansquellivresetrouvecettenouvellerègle?Rendslavacheouva

enprison!»

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Lepauvrehommetournaitsonvisagevers lecielendisant :«Nulneconnaîtmonexpérience,saufToi.«Tuasmiscetteprièredansmoncœur,Tuasfaitlevercetespoirdans

moncœur.«Cen’estpasvainementquejeprononçaicetteprière:commeJoseph,

j’avaisfaitdesrêves.»Josephvitensongelesoleiletlesétoiless’inclinantdevantlui,comme

desserviteurs.Ilplaçasaconfianceencesongevéridique;dansledonjonetlaprison,

ilnerecherchariend’autrequecela.Parce qu’il se fiait à cela, il ne se soucia pas de la servitude et des

reproches,qu’ilsfussentnombreuxounon.Ilavaitunegrandeconfianceencerêvequibrillaitdevant luicomme

unechandelle.Lorsqu’ilsjetèrentJosephdanslepuits,uncrivenudeDieuarrivaàson

oreille:«Ôpaladin,unjourtudeviendrasroi,desortequetupuissesleurfaire

hontedecetort(commisàtonégard).»2340 Celuiquipoussececrin’estpasvisible,maislecœur(deJoseph)

reconnutl’Orateurd’aprèsl’effet(desesparoles).Decetteallocution(divine),laforce,lapaixetlesecoursparvinrentau

seindesonâme.Acausedececrimajestueux,lepuitsdevintpourluiuneroseraieetun

banquet,commelefeupourAbraham,Grâce à cette force, il supporta joyeusement chaque affliction qui lui

advintparlasuite,DemêmequelasaveurdélicieusedeNesuis-jepas(votreSeigneur)69?

demeure dans le cœur de chaque vrai croyant jusqu’au Jour de laRésurrection,De tellesortequ’ilnese révoltepascontre la tribulationnin’hésiteà

obéirauxordresetdéfensesdeDieu.La suavité spirituelle rend délicieux l’ordre divin et lui retire son

amertume.Mais celui qui n’a pas savouré ce délice rejette cette amertume avec

dégoût.QuiconquearêvéduJourdel’Alastestenivrédanslavoiedesœuvres

pies,enivré;Comme un chameau forcené, il porte ce lourd fardeau sans faiblesse,

sanshésitationetsansfatigue.

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2350 L’écumeautourdesonmuseauattestesonivresseetlabrûluredesoncœur.Enraisondelaforce(quiluiestconférée),lechameaudevientcomme

unlionféroce;soussonlourdfardeau,ilmangepeu.Danssondésirpourlachamelle,ilresteaffamé;lamontagneluiparaît

commeunemèchedecheveux.Mais celui qui n’a pas fait un tel rêve dans l’Alast ne devient pas un

serviteuretunchercheur(deDieu)encemonde.Ou,s’il ledevient, ilest toujoursen traindechangeretde tergiverser

dansl’atermoiement:ilprésentedesremerciements(àDieu)uninstant,etselivreàdesplaintespendantuneannée.IlavanceetreculedansleChemindelaReligionaveccenthésitations

etsansaucunecertitude.Jevousdoiscetexposé.Envérité,jemesuisengagéàlefaireetsivous

êtespressé,écoutezleversetN’avons-Nouspasouvert70?Étant donné que l’explication de ce sujet est sans fin, continuons à

parlerduplaideur(seplaignant)delavache.L’homme (qui avait tué la vache) dit : « Cet imposteur m’a appelé

aveugleàcausedececrime :ôSeigneur,c’estunedéduction toutà faitdiaboliquedesapart.«Quand ai-je prié à lamanière des aveugles ?Quand ai-jemendié à

quiconque,saufauCréateur?2360 «L’aveugle,danssonignorance,placesonespoirenTescréatures;

moi,j’espèreenToiseul,quirendsfacilechaquedifficulté.«Cetaveugle*m’a comptéparmi les aveugles ; il n’apasperçumon

humblesupplicationetmatotaledévotion(enversToi).«Ma cécité est l’aveuglement de l’amour : “L’amour rend aveugle et

sourd,ôHasan.”«Jesuisaveugleà toutautrequeDieu, jesuisrenduvoyantparLui ;

c’estlàcequ’exigel’Amour:n’enest-ilpasainsi?«Toi, qui es voyant, neme considère pas commeaveugle : je tourne

autourdeTagrâce,ôAxedetouteschoses.«DemêmequetuasmontréunrêveàJosephlevéridique,etceluifut

unsecours,«Amoi,aussi,Tagrâceaaccordéunrêve;maprièreincessanten’était

pasunjeu.«Tescréaturesnecomprennentpasmespenséescachéesetconsidèrent

mesparolescommevaines.

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«Ilssontendroitdelefaire,carquiconnaîtlemystèredel’Invisible,sinonleConnaisseurdessecretsetCeluiquicachelesfautes?»Sonadversaire luidit : «Tourne tonvisageversmoi !Dis lavérité !

Pourquoias-tutournétafaceversleCiel,mononcle?2370 «Tuusesdefraude,tucausesTerreur,tutevantesd’amouretde

proximitédeDieu.«Étantdonnéquetuesmortspirituellement,commentas-tuosétourner

tafaceversleciel?»Alors un tumulte s’éleva dans la ville, tandis que ce musulman se

couchaitfacecontreterre,S’écriant : «ÔSeigneur, ne rendspasTon serviteur déshonoré ; si je

suismauvais,cependantnedivulguepasmonsecret.« Tu connais la vérité, et les longues nuits pendant lesquelles je

T’imploraisaveccentsupplications.«Bienquecettesupplicationn’aitpasdevaleurauxyeuxdesgens,à

Tesyeux,elleestpareilleàunelampebrillante.»

*Lepropriétairedelavache.

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CommentDavid(surluilapaix)entenditcequelesdeuxplaideurs

avaientàdire,etinterrogealedéfendeur

uandleProphèteDavidarriva,ildit:«Hé,quelestlesujetdetoutcela?Qu’est-cequec’est?»Leplaignantdit:«ÔprophètedeDieu,justice!Mavaches’estégarée

danssamaison.«Ilatuémavache.Demandez-luipourquoiilatuémavache,etqu’il

expliquecequiestarrivé.»Davidditaupauvrehomme:«Parle,ôbravehomme!commentas-tu

détruitlapropriétédecettehonorablepersonne?2380 «Prendsgarde!Neparlepasdefaçonincohérente,maisprésenteton

affaire,afinquecetteplainteetcausepuisseêtreréglée.»Ildit:«ÔDavid,pendantseptannées,j’étaisoccupéjouretnuitdans

l’invocationetl’imploration.«Voiciceque jedemandaisàDieu :“ÔDieu, jedésireunmoyende

vivreliciteetsanstracasdemapart.”«Hommeset femmessontaucourantdema lamentation ; lesenfants

peuventdécrirecetévénement.« Demande à qui tu veux de l’information à ce sujet, de sorte qu’il

puissetelediresanstortureetsansencourirdepeine.«Informe-toiauprèsdesgens,tantouvertementquesecrètement,dece

quecemendiantaumanteaurapiécéavaitcoutumededire.«Aprèstoutescesinvocationsetcesgémissements,soudain,jevisune

vachedansmamaison.«Mesyeuxsemouillèrent,nonàcausede lanourriture,maisde joie

quemasupplicationaitétéexaucée.«Jel’aituéepourpouvoirdonnerdesaumônesenremerciementdece

queCeluiquiconnaîtleschosesinvisiblesaitécoutémaprière.»

Page 860: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentDavid(surluilapaix)renditsonjugementcontrecelui

quiavaittuélavache

avid dit : « Retire ces paroles et présente ta défense légale danscettecontestation.

2390 «Crois-tuéquitableque,sansunetelledéfense,jepuisseétablirunerègleerronéedanscetteville?« Qui t’a donné cette vache ? L’as-tu achetée ou en as-tu hérité ?

Commentprendras-tularécolte?Es-tulefermier?« Sache que l’acquisition de la propriété est comme l’agriculture : à

moinsquetun’ensemenceslaterre,leproduitnet’appartientpas.«Car tu récoltes ce que tu as semé : c’est à toi.Autrement, cet acte

d’injusticet’estimputé.«Va,donnedel’argentàcemusulman,etneparlepasfaussement.Va,

essaied’emprunterl’argent,paie-leetnecherchepasàmalagir.»«ÔRoi,répondit-il,tumedislamêmechosequelesoppresseurs.»

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CommentcettepersonnefitardemmentappelàDieucontrelejugementdeDavid(surluilapaix)

lseprosternaetdit:«ÔToiquiconnaismonardeursecrète,jettecetteflammedanslecœurdeDavid!«MetsdanssoncœurcequeTuas laissé tombersecrètementdans le

mien,ômonBienfaiteur!»Ilparlaainsietsemitàpleureravecdegrandscrisdelamentation,de

sortequelecœurdeDavidfutextrêmementému.«Êcoute,dit-il,ôdemandeurderéparationpourtavache,laisse-moiun

délaiaujourd’huietnet’occupepasdecesujetdedispute,2400 «Desortequejepuissemerendreenunlieusolitaireetdemanderau

Connaisseurdesmystèrescequ’ilenest,tandisquejeseraienprière.«Durantlaprière,j’aicoutumedemetournerainsi(versDieu):c’estlà

ce que signifie la Tradition prophétique : “Le délice que j’éprouve à laprièrerituelle.”«La fenêtredemonâmeestouverte, etde lapuretéde l’invisible, le

LivredeDieumeparvientsansintermédiaire.« Le Livre et la Pluie (de la grâce divine) et la Lumière tombent à

traverscettefenêtre,dansmamaison,àpartirdelasourceoriginelle.»Lamaison sans fenêtre est l’Enfer ; ouvrir une fenêtre, ô serviteurde

Dieu,estlefondementdelaReligion.Nefrappepasdetahachesurchaquebuisson:oh,viensetsers-toide

tahachepourcreuserunefenêtre.Oubiennesais-tupasquelalumièredusoleilestlerefletdeceSoleil

derrièrelevoile?Tusaisquelesanimauxaussiontvulalumièredecesoleil(extérieur);

qu’est-cedoncque:Nousavonsennobli71MonAdam?Je suis plongé dans la Lumière, comme le soleil ; je ne puis me

distinguerdelaLumière.Allerà laprièreetàcette solitudeapourbutd’enseignerauxgens la

Voie.2410 Jerendsleschosesdetravers,afinquecemondepuissedevenirdroit;

c’estlesensde«laguerreestunetromperie»,ôpaladin.Ilnem’estpaspermis (d’endiredavantage) ;autrement,Davidaurait

toutrévéléetauraitfaitpénétrerdanslamerdesmystères.

Page 862: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Davidcontinuaàparlersurce ton,desorteque lacompréhensiondesgensétaitsurlepointd’êtrebrûlée.Alors quelqu’un le saisit par le collet dans son dos, disant : « Je n’ai

aucundoutequantàSonUnité.»Ilrevintàlui,abrégeasondiscours,fermaseslèvresetsedirigeavers

l’endroitoùilseraitseul.

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CommentDavidentraenuneretraiteafinquelavérité

semanifeste

l fermalaporte,etallarapidementvers lanichedeprièreetseconsacraàl’invocationquiestexaucéeparDieu.Dieu lui révéla toute l’affaire : il se rendit compte qui était celui qui

méritaitréellementunchâtiment.Lejoursuivant,lesplaideursvinrentetsetinrentenrangdevantDavid.Ainsi les questions soulevées par la querelle revinrent : le plaignant

aussitôtselivraàdeviolentsreproches.

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CommentDavidrenditsonjugementcontrelepropriétairede

lavache,luiordonnantdeseretirerduprocèsconcernantlavache;etcommentlepropriétairedelavacheadressadesreprochesàDavid(sur

luilapaix)

avid lui dit : «Tais-toi !Va, abandonne ton action, et acquitte cemusulmandelaresponsabilitédetavache.

2420 «ÉtantdonnéqueDieuajetéunvoilesurtoi,ôjeunehomme,parsetgardelesilenceetreconnaistonobligationderemercierDieudecettedissimulation.»Il s’écria : «Oh,malheur àmoi !Qu’est-ce que ce jugement, quelle

justice?Veux-tuinstaurerunenouvelleloiàmonsujet?«Larenomméedetajustices’estétenduesiloinquelaterreetleciel

ensontdevenusimprégnés.«Unteltortn’ajamaisétéfaitmêmeàdeschiensaveugles:rocheret

montagnesontfendussoudainparcetteiniquité.»Decettefaçon,ilprononçaitdesreprochesenpublic,criant:«Ecoutez,

voiciletempsdel’injustice,écoutez!»

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CommentDavidrenditsasentencecontrelepropriétairedelavache,disant:«Donneaudéfendeurta

propriététoutentière.»

près cela, David lui dit : « Ô homme obstiné, donne-luiimmédiatementtoutetarichesse;«Autrement,tasituationdeviendratrèsgrave.Jeteledisafinqueton

crimenesoitpasrendumanifesteàcausedelui.»Ilmitdelapoussièresursatêteetdéchirasonvêtement,encriant:«A

chaqueinstant,tuajoutesuneinjustice.»Anouveau,ilsemitàproférerdesreproches;alors,Davidleconvoqua

ensaprésence,Etdit :«Puisquecen’étaitpastondestin(d’êtresauvé),ôtoidont la

chanceestaveugle,petitàpetittaperversitéaétérenduemanifeste.2430 «Tut’essouillé,etensuitetut’avancesverslesiègeélevéetlaplace

d’honneur.Oh,puissentlesbrindillesetlapailleêtreretiréesàunânetelquetoi!« Va-t’en ! Tes enfants et ton épouse sont devenus ses esclaves à

présent.Nedisplusrien!»Le plaignant se frappait la poitrine des deux mains avec des pierres,

courantçàetlàdanssafolie.Lesgens,euxaussi,semirentàblâmerDavid,carilsignoraientl’aspect

cachédel’actionduplaignant.Comment celui qui est soumis, comme une paille, au vent de la

sensualité,pourrait-ildistinguerl’oppresseurdel’opprimé?Celuiquicoupelatêteàsonmoimauvais—luiseultrouvelemoyen

dedistinguerl’oppresseurdel’opprimé.Autrement cet oppresseur, qui est l’âme charnelle en nous, dans sa

frénésieestl’adversairedel’opprimé.Unchienattaquetoujourslespauvres;autantqu’illepeut,ilinfligedes

blessuresaupauvre.Sacheque les lions éprouvent de la honte,mais non les chiens, parce

quelelionnepourchassepassesvoisins.La populace, qui tue l’opprimé et adore l’oppresseur, leur âme

charnelle,cechien,bondithorsdesonembuscadepoursejetersurDavid.2440 CesgenstournèrentleursvisagesversDavid,disant:«Ôprophète,

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choisis,toiquiaspitiédenous,« Cela est indigne de toi, car c’est une injustice manifeste : tu as

rabaisséunhommeinnocentpourrien.»

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CommentDavid(surluilapaix),résolutdeconvoquerlepeupleà

unecertaineplaine,afindedévoilerlemystèreetdemettrefinàtoutes

lesdiscussions

l dit : «Ômesamis, le tempsestvenuque son secret caché soitdévoilé.«Levez-voustous,pourquenouspuissionsallernousrendrecomptede

cesecretcaché.« A tel endroit se trouve un arbre énorme, dont les branches sont

épaisses,nombreusesetcourbées.«Sa tenteet sespiquetsde tente sont très solides ;de ses racinesme

parvientl’odeurdusang.« Unmeurtre a été commis au pied de ce bel arbre ; cet homme au

destinfunesteatuésonmaître.«LaclémencedeDieuacachécecrimejusqu’àprésent,maisàlafin,il

aétédécouvert,àcausedel’ingratitudedecevaurien,« Qui, pas un seul jour, ne s’est occupé de la famille de sonmaître,

mêmepasauNouvelAn(Nowruz)etautressaisonsdefêtes,«Etquin’ajamaischerchéàaiderlespauvresavecunseulmorceaude

nourriture, ni ne s’est souvenu des bienfaits qui lui avaient été accordésjadis,

2450 «Etquiacontinuéainsijusqu’àceque,àcaused’unevache,cemauditmisérableaittuélefils(desonmaître).« C’est lui-même, de son propre chef, qui a dévoilé son crime ;

autrement,Dieuauraitdissimulésonpéché.»Danscemondede1’affliction,l’infidèleetledébauchédéchirentleurs

voilesdeleurpropregré.Letortestcachédanslespenséeslesplusintimesdel’âme:celuiqui

faitlemall’exposeauxhommes,Disant:«Regardez-moi!J’aidescornes!Regardezlavachedel’Enfer

(l’âmecharnelle)detousvosyeux!»

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Commentlesmains,lespiedsetlalanguetémoignentdusecretdesméchants,mêmeencemonde72

êmeici-bas,donc,vosmainsetvospieds,encommettantlemal,sontdestémoinsdevotreconscienceÉtant donné que votre conscience devient comme un surveillant pour

vousetdit:«Parle!Nedissimulepastespensées.»Et, spécialement aux moments de la colère et des querelles, rend

manifestevotrepenséesecrète,entoussesdétails,Étantdonnéquelemaletl’injusticedeviennentvotretémoinetdisent:

«Révélez-moi,ômainsetpieds.»Et puisque la conscience qui témoigne de la pensée secrète s’empare

des rênes— notamment auxmoments de l’émotion, de la colère, de lavengance—

2460 CetUn,donc,quidésignecetteconsciencecommesurveillant,afinqu’elledéploiel’étendarddusecretsurlechampdebataille,Luiaussipeutcréer,auJourduJugement,d’autressurveillantsafindedévoiler(lespenséessecrètes).Ôtoiquit’esengagétrèsimprudemmentsurlechemindel’injusticeet

desmauvaisesactions,tavraienatureestévidente:cetavertissementn’estpasnécessaire.Iln’estpasnécessairededevenircélèbreenfaisant lemalpourqu’ils

discernenttaconsciencemauvaise.Ton âme charnelle à chaque instant émet cent étincelles, disant :

«Regardez-moi!JesuiscompagneduFeu!«JesuisunepartieduFeu:jevaisversmontout.Jenesuispasfaitede

lumièrequej’ailleauSeigneur.»,A l’instar de cet homme injuste et ingrat qui créa tant de troubles à

caused’unevache.Il avait enlevé (au grand-père du défendeur) cent vaches et cent

chameaux : c’est là le fait de l’âme charnelle : ômon père, sépare- toid’elle.Enoutre, jamais ilnese livraàunehumblesupplicationàDieu ;pas

une seule fois, un cri de«ÔSeigneur ! »ne s’échappade lui dans sonchagrin.«ÔmonDieu,satisfaismonadversaire : si je luiai infligéuneperte,

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Toi,jeT’enprie,octroie-luiunprofit.2470 «Sijel’aituéparerreur,leprixdusangincombeàmaparenté:Tuas

étélaparentédemonespritdepuisleJourdel’Alast.»Uncaillounepeutsetransformerenpierreprécieuseparlacontrition;

non,c’estlà,ônobleesprit,lafaçondejugerdel’âmecharnelle(noncelledeDieu).

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Commentlesgensserendirentauprèsdecetarbre

uand ils se rendirent à cet arbre, David dit : « Attachez-lui lesmainsfermementderrièrelui,«Afin que je puisse révéler son péché et son crime, et planter sur le

champl’étendarddelajustice.« Ô chien, dit-il, tu as tué le grand-père de cet homme. Tu es un

esclave;parcemoyen,tuesdevenuunseigneur.«Tuastuétonmaîtreetemportésesbiens:Dieuarendumanifestece

quiluiestarrivé.«Ta femmeétait sa servante ; elle a agidemanière injusteenversce

mêmemaître.«Quelsque soient lesenfants, fillesougarçons,qu’elle lui adonnés,

toussontlapropriétédel’héritierdumaître.«Tuesunesclave:tesgainsettesbienssontsapropriété.Turéclamais

laloi:prendslaloi,etva:c’estbienainsi.«Tuas tué tonmaîtrecruellementparviolence, tandisque tonmaître

demandaitpitiéàcetendroitmême.2480 «Danstahâte,tuascachétoncouteaudanslesol,àcausedelaterrible

apparitionquetuasaperçue.«Envérité,satêteetlecouteausetrouventdanslesol.Creusezlaterre,

ainsi!«Surlecouteauaussi lenomdecechienestécrit, luiquiatraitéson

maîtredemanièresiperfideetaffreuse.»Ilsfirentcommeill’avaitordonné,etquandilseurentfaituntroudans

laterre,ilsytrouvèrentlecouteauetlatête.Alorsdegrandes lamentationss’élevèrentauseinde la foule :chacun

coupalaceinturedesonincroyance*.Aprèsquoi,Daviddit aumeurtrier :«Viens,ôdemandeurde justice,

avectonvisagenoirci,recevoirlajusticequit’estdue!»

*Zonar,cordonsacrédesZoroastriens,devenusymboledel’impiété.

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CommentDavid(surluilapaix)ordonnaquevengeancefûtfaiteaprèslareconnaissancedela

culpabilitédumeurtrier

lordonnaqu’il fût tuéavec lemêmecouteau :commentunerusepouvait-elleledélivrerdelaconnaissancedeDieu?BienquelaclémencedeDieuoctroiedenombreusesbontés,cependant,

quandlepécheuradépassétouteslimites,Illedévoile.Le sang ne dort pas : le désir de s’enquérir d’une difficulté et de la

résoudresetrouvedanschaquecœur.Ledésirincitéparl’ordreduSeigneurduJourduJugementsurgitdans

laconsciencedetoutunchacun,2490 (Ilsdemandent:)«Commentétait-ceavecUntel?Queluiest-ilarrivé?

Qu’est-ildevenu?»,demêmequelagraineseméepoussehorsdelaterre.Cesinterrogations,letroubledescœursdeshommes,larechercheetla

discussionsontlejaillissementdusangdel’hommeassassiné.Quandlemystèreducasdumeurtriereutétédivulgué,lesmiraclesde

Daviddevinrentdeuxfoisplusévidents.Tousleshommesvinrenttêtenueposerleurtêteenprosternationsurle

sol,Disant:«Nousavonstousétécommedesaveugles-nés,bienquenous

ayonsvudetoidesmerveillesdecentsortes.« La pierre vint te parler ouvertement, et dit : “Prends-moi pour

l’expéditiondeSaül(contreGoliath).”«Tuesvenuavec troiscaillouxetune frondeet tuasmisendéroute

centmillehommes;«Tescaillouxsebrisèrentencentmillemorceaux,etchacunbutlesang

d’unennemi.«Leferdevintcommedelaciredanstamain,quandl’artdefabriquer

descottesdemaillestefutinculqué.«Lesmontagnesdevinrenttesaccompagnatricesreconnaissantes:elles

chantent lespsaumesavectoi,commeceluiquienseignelarécitationduQor’ân.

2500 «Descentainesdemilliersd’yeuxspirituelsfurentouvertset,partonsouffle,furentrendusprêtsàcontemplerl’invisible.«Etcemiracleestplusgrandquetouslesautres,carilestpermanent:

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tuoctroieslaviequidureàjamais.»C’est là en vérité l’âme de tous les miracles, qu’ils octroient la vie

éternelleàceuxquisontmorts(spirituellement).Leméchanthommefuttué,etunmondeentierdegensfurentamenésà

lavie:chacundevintànouveauunfidèleserviteurdeDieu.

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Expliquantquel’âmecharnelledel’hommeestdanslasituationdumeurtrierquiétaitdevenuun

plaignantàcausedelavache,etqueletueurdelavacheest

l’intellect,etqueDavidestDieu,oulesheihk,quiestledéléguéde

Dieu,grâceàlaforceetausecoursdequiilestpossibledetuerle

méchantmeurtrieretd’êtreenrichiparlepainquotidienspirituel,quin’estpasgagnéparletravailetpourlequeliln’yapasdecompte

ue ton âme charnelle et rends lemonde spirituellement vivant ;elleatuésonmaître:fais-entonesclave.Écoute ! tonâmecharnelleestcomme ledemandeurdecompensation

pourlavache:elles’estfaitemaîtreetpotentat.Letueurdelavacheesttonintellect:va,netefâchepasavecletueur

delavacheducorps.L’intellectestuncaptifetlanguitaprèslepainquotidiendeDieugagné

sanspeine,etleslargessesplacéessurunplateau.Dequoidépendsonpainquotidiengagnésanstravail?Decequ’iltue

lavachequiestàl’originedetoutmal.L’âme charnelle dit : «Comment tuerais-tuma “vache” ? »—car la

“vache”del’âmecharnelleestlaformeextérieureducorps.2510 L’intellect,personnifiéparlepetit-filsdumaître,estlaissédansla

misère,tandisquel’âmecharnelle,lemeurtrier,estdevenueunmaîtreetunchef.Sais-tu ce qu’est le pain quotidien gagné sans labeur ? C’est la

nourrituredel’espritetlepainquotidienduprophète.Maisildépenddusacrificedelavache:sachequeletrésorspirituelse

trouvedanslesacrificedelavache,ôtoiquicherches!Hiersoir,j’aimangéquelquechose,autrement,j’auraislaissélesrênes

danslamaindevotrecompréhension.«Hier,j’aimangéquelquechose»,cesontlàdesmotsvains:toutce

quisepasseprovientdel’intérieurcachédel’homme.

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Pourquoiavons-nousfixénosregardssur lescausessecondes,sinousavons appris de ceux doués de vision comment jeter des coups d’œilperçants?Au-delà des causes secondes, il y a d’autres causes (premières) ; ne

regarde pas la cause seconde ; laisse ton regard se fixer sur la causepremière.Les prophètes sont venus pour écarter les causes (secondes), ils ont

projetéleursmiraclesjusqu’auseptièmecieldeSaturne.Sansmoyens,ilsontfendulamer;sanssemer,ilsontrécoltédublé.Le sable, aussi, s’est transformé en farine par leur effort ; le poil de

chèvreestdevenudelasoieparleursmains.2520 LeQor’ântoutentierconsisteàécarterlescausessecondes:sonthème

estlagloireduderviche(leprophèteoulesaint)etladestructiondesAbûLahab*.Unoiseaud’Ababil73 jettedeuxou troiscaillouxetdéfait lapuissante

arméed’Abyssinie;Le caillou d’un oiseau qui vole dans les hauteurs vainc l’éléphant

couvertdeblessures.(Dieu a dit :) « Infligez un coup avec la queue de la vache tuée à

l’homme assassiné, pour qu’à cemême instant il puisse revenir à la viedanssonlinceul74,«Etqueceluidontlagorgeaétécoupéepuissesurgirdesaplaceetse

vengerdesonsangsurceluiquil’aversé.»De la même façon, du début du Qor’ân à la fin, il est entièrement

occupédel’abandondescausesetdesmoyens.Etc’esttout.L’explicationde cemystère n’est pas fournie par l’intellect intrigant :

servezDieu,afinquecelapuissedevenirclairpourvous.Le philosophe est asservi aux choses perçues par l’intellect ; mais le

saintestceluiquichevauchecommeunprincesurl’intellectdel’intellect(l’intelligenceuniverselle).L’Intellect de l’intellect est votre noyau, tandis que votre intellect est

seulementl’écorce:leventredesanimauxesttoujoursàlarecherchedesécorces.Celui qui recherche l’écorce a cent dégoûts pour l’écorce : pour les

saints,seullenoyauestlicite,licite.2530 Quandl’intellect,l’écorce,présentecentpreuves,commentlaRaison

universelleferait-elleunpassansavoirunecertitudeintuitive?L’intellectnoircitentièrementles livres(avecl’écriture) ; l’intellectde

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l’intellectgardeleshorizonsremplisdelalumièrevenantdelaLune(delaRéalité).Ilestdénuédenoirceuretdeblancheur:lalumièredesaluneselèveet

brillesurlecœuretl’âme.Siceblancetnoir(encreetpapier)ontacquisquelquepouvoir,c’estde

laNuitduDécret75,quibrillacommeuneétoile.La valeur du sac et de la bourse vient de l’or : sans l’or, le sac et la

boursenevalentrien.Demêmequelavaleurducorpsprovientdel’âme,lavaleurdel’âme

vientdurayonnementdel’Amedesâmes.Si l’âme était à présent vivante sans ce rayonnement, Dieu aurait- il

jamaisappelélesinfidèles«morts76»?Viens,parle!carlaParolecreuseuncanal,afinqu’unpeud’eaupuisse

parveniràunegénérationaprèsnous.Bienquedanschaquegénérationilse trouvequelqu’unquiapporte la

Parole (deDieu), cependant, cequ’ontdit ceuxqui sontpartis avant estuneaide.N’est-il pas vrai que le Pentateuque et l’Évangile et les Psaumes ont

attestélavéritéduQor’ân,ôtoiquiesreconnaissant?2540 Rechercheungagne-pain(spirituel)sanslabeuretsanscompte,desorte

queGabrielpuisset’apporterdespommesduParadis;Ouplutôt,ungagne-painvenantduSeigneurduParadis,sanspeinede

lapartdujardinieretsanslafatiguedesemer.Étantdonnéquedanscepainspirituellebienfaitconféréparlepainest

ledondeDieu,Iltedonnecebienfaitsansfairedel’écorceunmoyen.Legoûtestcaché;laformeextérieuredupainestcommeunenappe:le

painquiestsansnappeestuneportionréservéeausaint.Comment, en dépit de tous tes efforts et recherches, obtiendras- tu le

moyendevivrespirituel,exceptégrâceà la justicedusheikhquiest tonDavid?Quandl’âmecharnellevoitquetespassontunisàceuxdusheikh,bon

gré,malgré,elletedevientsoumise.C’est alors seulement que le propriétaire de la vache devint soumis,

lorsqu’ileutconnaissancedesparolesdeDavid.L’intellect,enquêtedelavérité,dominevotremisérableâmecharnelle

seulementlorsquelesheikhluivientenaide.L’âmecharnelleestundragonavecuneforceetunerusecentuplées:le

visagedusheikhestl’émeraudequiluiarrachel’œil*.

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Situdésiresquelepropriétairedelavachesoitabaissé,dirige-ledanscette direction (du sheikh) comme tu conduirais des ânes, ô hommeobstiné!

2550 Quandil(ledragon)s’approchedusaint,quiesttoutprèsdeDieu,salangue,longuedecentaunes,estraccourcie.Il possède cent langues, et chacune a cent langages : saperfìdie et sa

rusesontindescriptibles.Leplaignantpourlavache,l’âmecharnelle,estéloquentetprésentedes

centainesdemilliersdepreuvesinexactes.Iltrompetoutlemondedanslacité,exceptéleroi:ilnepeutégarerle

roisagace.L’âme charnelle a la glorification deDieu sur la langue et le Qor’ân

danssamaindroite;maisdanssamanche,setrouventpoignardetépée.Necroisepas sonQor’ânet sonostentationhypocrite,nedevienspas

sonconfidentetcamarade;Car cela t’amènera au bassin pour accomplir l’ablution rituelle, et te

jetteradanssonfond.L’intellectestlumineuxetrecherchelavérité:commentlasombreâme

charnellel’emporte-t-ellesurlui?Elle le fait parce qu’elle est chez elle, tandis que ton intellect est un

étranger:lechienàsapropreporteestunlionterrible.Attendsqueleslionsretournentàlajungle(del’au-delà)etceschiens

aveugles(lesâmescharnelles)croironteneuxlà-bas.2560 Lecommundesgensdanslaciténeconnaissentpaslaperfidiedel’âme

charnelleetducorps:l’âmecharnellen’estsoumisequeparl’inspirationdivinedanslecœur.Quiconque est son congénère devient son ami, excepté, bien sûr, le

Davidquiestvotresheikh;Car il a été transmué, et celuiqueDieua installédans lademeuredu

cœurn’estpluslecongénèreducœur.Tous les autres sont infirmes en réalité ; il est certain que l’infirmité

s’associeavecl’infirmité.ChaquepersonnesansvaleurprétendêtreDavid;celuiquiestdénuéde

discernements’attacheàlui.Il entend l’oiseleur imiter l’oiseau et, comme un oiseau stupide, il se

dirigedanscettedirection.Ilnedistinguepas le faitde la fiction : il est égaré.Viens,enfuis- toi

loindelui,mêmes’ilteparaîtspirituel.Ce qui a poussé (réellement) et ce qui a été attaché représentent la

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mêmechosepourlui:bienqu’ilpuisseprétendreàlacertitudeintuitive,ilest,enfait,dansledoute.Siunetellepersonneestdouéed’uneintelligencetrèsvive,cependant,

quandellenepossèdepascettefacultédediscernement,c’estunimbécile.Attention,enfuis-toiloindeluicommeledaimdulion:netehâtepas

hardimentverslui,ôhommesage!

*OncleennemiduProphète.*Selonunecroyancepopulaire,lavued’uneémeraudeaveuglelesserpents.

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CommentJésus(surluilapaix)sesauvaausommetd’unemontagne

pouréchapperauximbéciles

2570 ésus,filsdeMarie,sesauvaitversunemontagne;oneûtditqu’unliondésiraitversersonsang.Uncertainhommecourutaprèsluietdit:«Celava-t-il?Personnene

tepoursuit:pourquoit’enfuis-tucommeunoiseau?»Maislui(Jésus)continuaitàcourirentoutehâte,sivitequ’enraisonde

cettehâteilneluiréponditpas.Il continuaàpoursuivre Jésus surunedistanced’unoudeuxchamps,

puisils’adressaàJésusavecleplusgrandsérieux,Disant : « Afin de plaire à Dieu, arrête-toi un instant, car j’ai une

difficultéconcernanttafuite.«Dequit’enfuis-tudanscettedirection,ôhommenoble?Iln’yapas

de lion qui te poursuive, pas d’ennemi, et il n’y a pas de crainte ni dedanger.»Ildit:«Jem’enfuisloindesimbéciles.Va-t’en!Jemesauve.Nem’en

empêchepas!»«Ehquoi!dit-il,n’es-tupasleMessieparquilesaveuglesetlessourds

sontguérisdeleurinfirmité?»Ildit:«Oui.»L’autredit:«N’es-tupasleRoienquilessortilègesdu

mondeinvisibleontleurdemeure,«De sorteque,quand tu récites ces sortilèges surunhommemort, il

bonditcommeunlionquiasaisisaproie?»2580 IIdit:«Oui,c’estmoi.»L’autredit:«Nefaçonnes-tupasdesoiseaux

vivantsavecdel’argile,ôhommerayonnant?»Ildit:«Oui,c’estmoi.»L’autredit:«Alors,ôpurEsprit,tufaistout

cequetuveux:dequias-tupeur?«Avecdetellespreuves(miraculeuses),quidanslemondenevoudrait

pasêtrel’undetesesclaves?»Jésusdit:«ParlasainteEssencedeDieuquiafabriquélecorpsetcréé

l’âmedansl’éternité;«ParlasaintetédelapureEssenceetdesAttributsdeCeluiparquile

Cielestravi,« (Je jure)que les sortilègeset lePlusGrandNom(deDieu)que j’ai

prononcéssurlessourdsetlesaveuglesétaientbons(dansleurseffets).

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«Jelesaiprononcéssurlamontagnedepierre;elleaétéfendueetadéchirésurelle-mêmesonmanteau;« Je les ai prononcés sur le cadavre : il est revenu à la vie. Je les ai

prononcéssurlanon-entité:elleestdevenueentité.«Jelesaiprononcéstendrementsurlecœurdel’imbéciledescentaines

demilliersdefois,etcelanel’apasguéri.« Il est devenu dur comme un roc et ne s’est pas départi de cette

disposition;ilestdevenudusabled’oùnepousseaucunproduit.»2590L’autredit:«QuelleestlaraisonpourlaquelleleNomdeDieua

étéefficacedanscescas-là,tandisqu’iln’apasopéréici?« Cette infirmité est une maladie, et cette stupidité est aussi une

maladie : pourquoi leNom deDieu n’a-t-il pas guéri l’une, puisqu’il aguéril’autre?»Jésusdit :«Lamaladiede lastupiditévientducourrouxdeDieu ; la

maladie (physique) et la cécité n’en proviennent pas : elles sont uneépreuve.»L’épreuveestunemaladiequiapporteavecellelamiséricorde(divine):

lastupiditéestunemaladiequientraînelerejet.Ce qui marque d’opprobre (l’imbécile), c’est Dieu qui l’a infligé ;

aucunemainnepeutluiappliquerunremède.Enfuis-toi loin des imbéciles, quand tu vois que Jésus s’est enfui loin

d’eux : combiende sangn’a-t-ilpasétéversépar l’associationavecdesimbéciles!L’airabsorbel’eau,petitàpetit:demême,l’imbécileteprive-t-ildeta

religion.Ils’emparedetachaleurettedonnedufroid,commeceluiquimetune

pierresoustonséant.La fuite de Jésus n’était pas causée par la peur, car il n’a rien à

craindre:c’étaitdansledesseindedonnerunenseignement.Mêmesiunefroidureintenseremplitlemonded’unboutàl’autre,quel

malcelacauserait-ilausoleilradieux?

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HistoiredupeupledeSabaetdeleurstupidité,etcommentlesexhortationsdesprophètesne

produisentaucuneffetsurlesimbéciles

2600 emesouviensdel’histoiredupeupledeSaba—commentleurzéphyr(saba)futtransforméenpestilence(waba)parlesparolesdesimbéciles.CeroyaumedeSabaressembleàlagrandevilledontparlentlesenfants

dansleurscontes.Lesenfantsracontentdeshistoires,maisdansleurshistoiressontcachés

maintsmystèresetleçons.Bien que dans leurs histoires, ils racontent des choses ridicules,

cependant,danstouteslesruines,onpeuttoujourschercheruntrésor77.Ilyavaitunefoisunevilletrèsgrande,énorme,maissadimensionétait

celled’unesoucoupe,pasdavantage.Elle était extrêmement grande, large et longue, aussi grande qu’un

oignon.Lesgensdedixcitéss’ytrouvaientassemblés,maisletoutconsistaiten

troisgaillardsauvisagesale.A l’intérieur de la ville, il y avait d’innombrables gens, mais le tout

consistaitentroismendiantsstupides.LesâmesquinesesontpashâtéesversleBien-Aimé—mêmesielles

sontdesmilliers—nesontcependantquelamoitiéd’uncorps.L’undestroisvoyaitauloin,etilétaitaveugle—aveugleàSalomonet

voyantlapatted’unefourmi;2610 Etlesecondavaituneouïetrèsfineetétaitextrêmementsourd:un

trésordanslequelnesetrouvepaslepoidsd’ungraind’orged’or;Et l’autre était nu, découvert, impudique ; mais les pans de son

vêtementétaientlongs.L’aveugle dit : «Voyez, une armée approche : je vois qui ils sont et

combien.»Lesourddit :«Oui, j’ai entendu leursvoixet je saiscequ’ilsdisent

ouvertementetensecret.»L’homme nu dit : « J’ai peur qu’ils coupent quelque chose de la

longueurdemarobe.»

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L’aveugledit:«Voyez,ilsapprochent!Levons-nousetenfuyons-nousavantleurscoupsetleurschaînes.»«Oui,ditlesourd,lebruits’approche.Allons,mesamis!»L’hommenudit:«Hélas,parcupidité,ilscouperontmonvêtement,et

jesuissansprotection.»Les trois quittèrent la ville et s’avancèrent et dans leur fuite entrèrent

dansunvillage.Danscevillage,ilstrouvèrentunevolaillegrasse,maissansunboutde

chairsurelle:c’étaitaffreux.2620 Unevolaillemorteetdesséchée,etdontlesos,àforced’avoirété

picoréspardescorbeaux,étaientdevenusnuscommedesfils.Ils enmangèrent commeun lion se repaît de sa proie : chacun d’eux

devintrassasiécommeunéléphant,enenmangeant.Tous les trois en mangèrent, et devinrent excessivement gros ; ils

devinrentcommetroisgrandsetgroséléphants,Atelpointquechaquejeunehomme,àcausedesagrosseur,étaittrop

corpulentpourêtrecontenudanslemonde.En dépit de cette grosseur et de ce corps volumineux, ils bondirent à

traversunefissuredelaporteetpartirent.Lechemindelamortdescréaturesestunchemininvisible:iln’estpas

perceptibleauxyeux:c’estunlieumerveilleuxdedépart.En vérité, les caravanes se suivent l’une après l’autre à travers cette

fissurecachéeàlavuedanslaporte.Sivousregardez laportepoury trouver lafente,vousne la trouverez

pas : elle est extrêmement inapparente, bien que tant de cortèges latraversent.

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Expliquantcequesignifientl’aveugleàlavueperçante,lesourdàl’oreillefine,etl’hommenuaux

longuesjupes

achequel’Espoirestl’hommesourdquiasouvententenduparlerdelamort,maisnondesapropremort,nin’aconsidérésapropremaladie.L’aveugleestl’Envie:ilvoitlesfautesd’autrui,détailpardétail,etles

racontederueenrue,2630 Maissesyeuxaveuglesneperçoiventpasunatomedesespropres

fautes,bienqu’ilsoitundécouvreurdefautes.L’hommenucraintque lepande sonvêtement soit coupé : comment

pourrait-oncouperlevêtementd’unhommenu?L’hommeattachéauxchosesdecemondeestpauvreet terrifié : ilne

possèderien,maisapeurdesvoleurs.Ilestvenusansrienets’envatoutnu,ettoutletempssoncœursaigne

d’inquiétudeàcausedesvoleurs.A l’heurede lamort,quandcent lamentations s’élèvent auprèsde lui,

sonespritsemetàriredesespropresfrayeurs.A ce moment, l’homme riche sait qu’il n’a pas d’or ; l’homme

intelligent,luiaussi,saitqu’ilestdépourvudetalent.C’est comme lorsqu’un enfant a son tablier rempli de morceaux de

poterie:iltremblepoureux,àl’instardupossesseurderichesses.Sionluienlèveunmorceau,ilsemetàpleurer;etsionleluiredonne,

ilsemetàrire.Puisque l’enfantn’estpasdouédeconnaissance,sespleursetsonrire

n’ontpasd’importance.Étantdonnéquelericheconsidéraitcequin’étaitqu’unprêtcommesa

propriété,iltremblaitpourcetterichessevaine.2640 IIrêvequ’iladel’argentetapeurduvoleurquipeuts’enemparer.

QuandlaMortluitirel’oreilleetleréveilledesasomnolence,alorsilseprendàriredesesfrayeurs.Demêmetremblentcessavantséruditsquipossèdentl’intelligenceetla

connaissancedecemonde.C’est au sujetdeceshommesaccompliset intelligentsqueDieuadit

dansleQor’ân,Ilsnesaventpas78.Chacun d’eux craint que quelqu’un lui prenne de son temps, il

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s’imagineposséderunemassedeconnaissances.Il dit : « Ilsme font perdredu temps»,mais en réalité, il n’apasde

tempsquisoitprofitable.Il dit : « Les gens m’ont arraché à mon travail », mais son âme est

plongéetoutentièredansl’oisiveté.Commel’hommenu,ilesteffrayéetdit:«Jetraîneunelonguejupe:

commentlasauverais-jedeleursgriffes?»Ilconnaîtcentmillesujetssuperflusenrapportaveclessciences,mais

cethommeinjusteneconnaîtpassapropreâme.Il connaît les propriétés particulières de chaque substance ; pour

comprendresapropreessence,ilestignorantcommeunâne,2650 Disant:«Jesaiscequiestliciteetillicite.»Tunesaispassitoi-même

tuespermisouprohibé.Tuconnaiscettechose liciteetcettechose illicite,maises-tu liciteou

illicite?Réfléchisbien!Tu sais quelle est la valeur de chaque article demarchandise : tu ne

connaispastaproprevaleur,c’estdelafolie.Tuesdevenufamilieraveclesastresfavorablesoudemauvaisaugure:

tuneregardespaspourvoirsituesfortunéou(spirituellement)souillé.Cela,cela,c’estl’âmedetouteslessciences—quetusachescequetu

serasauJourduJugement.TuesaucourantdesélémentsessentielsdelaReligion,maisconsidère

taproprenatureetvoissicelaestbien.Tes propres fondements valentmieux pour toi que les deux branches

fondamentales (de laReligion) (Jurisprudenceet théologie),desortequetupuissesconnaîtretaproprenatureessentielle,ôhommemûr.

Page 884: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

DescriptionduluxedelacitédesSabéens,etleuringratitude

eur nature était fondamentalement mauvaise : ces habitants deSabarepoussaientlesmoyensconduisantàlarencontredeDieu,Alors qu’il leur avait donné tant de propriétés et de vergers et de

prairies,detouscôtés,pourleursloisirs.Lesfruitstombaientsurlesolavecunetelleabondancequ’iln’yavait

pasdeplacepourtraverserlaroute,2660 Carlaquantitédefruitsrépandusbloquaitlechemin;levoyageurétait

stupéfaitdevantcetteabondance.Dansleursbosquets,parlachutedesfruits,unpanierplacésurlatêtese

remplissaitinvolontairement.C’estlabrisequidispersaitlesfruits,nonquelqu’un:parcesfruits,une

multitudedejupesseremplissaient.D’énormes grappes, étant descendues très bas, frappaient la tête et le

visageduvoyageur.En raison de l’abondance d’or, un chauffeur de bains aurait pu se

ceindrelatailled’uneceintureenor.Leschienspiétinaient lesgâteauxsous leurspattes ; le loupdudésert

avaituneindigestiondenourriture.Villesetvillagesn’avaientplusrienàcraindredesvoleursetdesloups;

lachèvren’étaitpaseffrayéemêmeparleloupféroce.Sij’expliquaistouteslesbénédictionsoctroyéesàcepeuple,lesquelles

augmentaientdejourenjour,Cela m’empêcherait de traiter de sujets importants. Les prophètes

apportèrent(auxSabéens)l’ordre(divin):«Soisdroit79.»

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CommentlesprophètesvinrentdelapartdeDieupouradmonesterle

peupledeSaba

reizeprophètess’yrendirent:tousétaientprêtsàguiderceuxquis’étaientégarés,

2670 Disant:«Venez,lesbienfaitsontaugmenté:oùestl’actiondegrâces?Silecoursierdelareconnaissanceestendormi,fais-lesemouvoir.«Auxyeuxdelaraison, ilestnécessairederemercier leBienfaiteur;

autrement,laporteducourrouxéternelseraouverte.«Ecoutez,contemplezlatendressedeDieu!Et,envérité,quid’autre

queDieuagiraitainsi—secontenterd’unseulremerciementpourdetelsbienfaits?«Iloctroieunetêteetnedemandecommeremerciementqu’uneseule

prosternation;Iloctroiedespieds,etnedemandeenremerciementquedes’agenouiller.»Les gens dirent : « La goule a emporté nos remerciements, nous

sommes devenus las d’offrir des remerciements et de recevoir desbienfaits.«Noussommesdevenussidégoûtésdelagénérositéquenilapiéténi

lepéchénenousplaisent.«Nousnedésironspasdesbienfaitsetdesvergers :nousnedésirons

pasdesmoyensdeplaisiretdeloisir.»Les prophètes dirent : « Dans vos cœurs se trouve unemaladie d’où

provientdel’ingratitude,«Etparquoileprofitesttotalementtransforméenmaladie;comment

lanourrituredeviendrait-elleunesourced’énergiepourlesmalades?«Combiendedouceurstesont-ellesadvenues,ôtoiquipersistes(dans

le péché), et toutes ont perdu leur douceur et leur pureté est devenuetrouble!

2680 «Tuesdevenul’ennemidecesdouceurs:quellequefûtlachosesurlaquelletuposaistamain,elleperdaitsadouceur.»Quiconque devint ton familier et ton ami t’est apparu comme vil et

méprisable.Etquiconqueaussi,quienréalitéteseraithostile,est,danstonopinion,

trèsgrandetvénérable.Cette(fausseopinion)estdueaussiàl’effetproduitparlamaladie:son

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poisons’insinueentoutcequiluiestassocié.Ilconvientquetutedébarrassesrapidementdecettemaladie,caravec

ellelesucresembleradégoûtant;Chaquedouceurquiteparvientdevientamère:sil’EaudelaViearrive,

ellesetransformeenfeu.Cettequalité(mauvaise)estl’élixirdelamortetdumalheur:parelle,

taviespirituellesetransformeàlafinenmort.Ilyavaitmaintalimentparlequeltonespritétaitrevigoré:quandila

pénétrédanstoncorps,ilestdevenunauséabond.Maint être cher fut poursuivi par toi avec des faveurs ; quand il est

devenutaproie,ilestdevenusansvaleuràtesyeux.Lorsque, par sincérité, l’amitié de l’intellect avec l’intellect naît, à

chaqueinstantl’affections’accroît;2690 Maissoisassuréquel’amitiédel’âmecharnelleavecn’importequelle

âmecharnellevileestrapidementdiminuée,Parcequesonâmecharnellefavoriselamaladieetbientôtcorromptla

relationamicale.Si tu ne veux pas que ton ami te soit hostile le lendemain, choisis

l’amitiéaveclesgensintelligentsetavecl’intellect.Étantdonnéquetuesinfectéparlepoisondel’âmecharnelle,quoique

tupuissesprendre,tucommuniqueslamaladie.Situprendsunepierreprécieuse,elledevientunepierreordinaire;etsi

tuprendslatendresseducœur,elledevientdel’hostilité.Et si tu prends une belle parole originelle, elle devient insipide et

vulgaire.« J’ai entendu celabiendes fois ; c’est devenuusé : dis-moiquelque

chosed’autre,ômonami.»A supposer qu’ait été dit quelque chose de neuf à nouveau, le

lendemain,tuesécœuréettuyesopposé.Écarte cette maladie : quand la maladie sera enlevée, chaque vieille

histoiretedeviendranouvelle,De telle sorte que ce qui est vieux donnera naissance à de jeunes

feuilles;cequiestvieuxferafleurircentgrappesaufossé.2700 Noussommeslesmédecinsspirituels,lesdisciplesdeDieu:lamer

Rougenousaaperçusetsestfendue80.Lesmédecinsdelanaturesontdifférents,carilsregardentdanslecœur

aumoyendupouls.Nous regardons profondément dans le cœur sans intermédiaire, parce

que,grâceàlaclairvoyance,nousvoyonsleschosesdetrèshaut.

Page 887: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Ceux-là sont les médecins de l’alimentation ; grâce à eux, l’âmeanimaleestrendueforte.Noussommes lesmédecinsdesactionsetdesparoles : le rayonde la

lumièredelaMajestédivinenousinspire,De sorte que nous savons que telle action sera bénéfique, tandis que

telleautret’éloigneradelaVoie;Etquedesparolescommecelles-citeconduirontàlagrâce,tandisque

desparolescommecelles-làt’apporterontdestourments.Pour ces autres médecins, un échantillon d’urine constitue un signe,

tandisquepournouslesigneestl’inspirationduTout-Puissant.Nous ne désirons un salaire de la part de personne : notre salaire

provientd’unLieusaint.Allons,venezfairesoignercettemaladieincurable!Chacundenousest

unremèdepourceuxquisontspirituellementmalades.

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CommentlesgensdeSabaexigèrentdesmiraclesdelapart

desprophètes

2710 esgensdirent:«Ôimposteurs,oùestlapreuvedevotreconnaissancedelamédecineetdevotreutilité?« Puisque vous êtes, comme nous, asservis aux mêmes sommeil et

nourritureetquevousfaitespartiedumêmetroupeau,«Puisquevousêtesprisaupiègedecetteeauetdecetteterre,comment

êtes-vousleschasseursduSimorgh,quiestlecœur?«L’amourdupouvoiretdel’autoritéconduitunhommeàsecompter

aunombredesprophètes.«Nousneprêteronspas l’oreilleàcesvantardisesetàcesmensonges

pourêtrelesvictimesdelatromperie.»Les prophètes dirent : « Ceci provient de votre maladie : la cécité

originelledevoscœursestl’écranquivousempêchedevoirlavérité.«Vous avez entendu notre appel, et cependant vous ne voyez pas ce

joyaudansnosmains.«Cejoyauestunemiseàl’épreuvedesgens:nouslefaisonstourner

devantleursyeux.»«Quiconquedit:“Oùestlapreuve?”sesparolessontlapreuvequ’il

nevoitpaslejoyauetestenproieàl’aveuglement.»Siunsoleilvenaitàparleretdisait:«Lève-toi!carlejours’estlevé:

debout,nediscutepas!»2720 Etquetudises:«Ôsoleil,oùestlapreuve?»Ilterépondrait:«Ô

aveugle,supplieDieuqu’Iltedonnedesyeux.»Si quelqu’un cherche une lampe en plein jour, le fait même de sa

rechercheindiquesacécité.Etsitunevoispaslalumièredujour,maisquetut’imaginesquec’est

l’aubeetquetuesvoilé,Ne proclame pas ta cécité avec ces paroles ; reste silencieux et dans

l’attentedelagrâcedivine.Direaumilieudujour«Oùestlejour?»,c’estsecouvrirdehonte,ô

chercheurdujour.La patience et le silence attirent la miséricorde divine, tandis que

cherchercettepreuveestunsigned’infirmité.Obéis à l’ordre divin Soyez silencieux81, afin que la récompense de

Page 889: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

SoyezsilencieuxpuisseveniràtonâmedelapartduBien-Aimé.SitunesouhaitespasfaireunerechuteenprésencedeceMédecin,jette

surlesoltonor(zar)ettatête(sar),ôhommeintelligent.Vends tes discours superflus et achète le sacrifice de ta vie, et le

sacrificedetaposition,etlesacrificedetonor,QueSagrâceàLui (Hu)puisseprononcer tes louanges,de telle sorte

queleCielenvieratonhautrang.2730 Quandvousconsidérerezlescœursdesmédecins,vousaurezhontede

vous-mêmes.Iln’estpasaupouvoirdesêtrescréésd’enlevercettecécité,maislefait

quevoushonoriezcesmédecinsprovientdelaDirectiondivine.Soyezdetoutevotreâmedévouésàcesmédecins,afind’êtreremplisde

muscetd’ambre.

Page 890: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentlesgenssoupçonnèrentlesprophètes

esgensdirent :«Tout cela, c’estde la fraudeetde laperfidie ;commentDieuferait-ilSonmessagerdeZaydetBakr(UntelouUntel)?«Chaqueambassadeurduroidoitêtredelamêmesortequeleroi:que

sontl’eauetl’argileencomparaisonduCréateurdescieux?« Sommes-nous devenus des ânes pour penser, comme vous, qu’un

moucheronpeutêtreleconfidentduhoma?« Qu’est-ce qu’unmoucheron en comparaison du homa ? Qu’est- ce

que la terre encomparaisonavecDieu?Quelle relationavec l’atome lesoleildansleciela-t-il?«Quelleressemblanceoffrecela,etquelrapport,quecelapuisseentrer

dansuncerveauetunesprit?»

Page 891: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Histoiredeslièvresquienvoyèrentunlièvreenambassadeauprèsdel’éléphant,luiordonnantdedire:

«Jeviensverstoicommeambassadeurdelalunedansleciel,pourtediredeprendregardeànepasboireàcettefontaine»,ainsi

qu’ilestracontétoutaulongdanslelivredeKalilaetDimna

ela ressemble aux dires d’un certain lièvre : « Je suisl’ambassadeurdelaluneetlecompagnondelalune.»Car toutes les bêtes de chasse étaient dans la détresse, à cause d’un

troupeaud’éléphantsquirestaitprèsdecettesourcelimpide.2740 Tousétaientprivésd’eauettenusloindelasourceparlacrainte;étant

donnéqueleurforceétaitinférieure,ilseurentrecoursàunstratagème.Du sommet de la montagne, le vieux lièvre cria aux éléphants la

premièrenuitdelanouvellelune:« Viens le quatorze, ô roi éléphant, afin de pouvoir trouver dans la

fontainelapreuvedececi.« Ô roi éléphant, je suis l’ambassadeur auprès de toi. Arrête ! Les

ambassadeurs ne sont pas soumis à l’emprisonnement, la violence et lacolère.«La lunedit : “Ôéléphants,partez.Cette sourceest àmoi, éloignez-

vous-en;“Sinon,jevousrendraiaveugles.J’aidéclarélemalquevousfaiteset

j’airejetédemoncou(touteresponsabilité).”«Allez-vous-enloindecettesourceetpartez,afind’êtrepréservésdes

coupsd’épéedelalune.«Lapreuvedeceque j’avanceestque la lunereflétéedans lasource

seratroubléeparl’éléphantassoiffé.«Viens, et sois présent telle nuit, ô roi éléphant, afin que dans cette

sourcetupuissesdécouvrirlapreuve.»Lorsqueseptethuitnuitsdumoissefurentécoulés,leroiéléphantvint

pourboireàlasource.2750 Lorsque,cettenuit-là,l’éléphantmitsatrompedansl’eau,l’eaufut

troublée,etlalunetémoignasontrouble.

Page 892: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

L’éléphant ajouta foi à ce discours du lièvre, quand la lune dans lasourcemontradutrouble.«Ôassembléedesprophètes,nousnedevonspasêtremisaunombrede

ceséléphantsstupidesquiétaientterrifiésparletroubledelalune.»Les prophètes dirent : «Ah, notre exhortation spirituelle n’a fait que

rendrevotreesclavagecharnelplusterrible,ôimbéciles!»

Page 893: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentlesprophètesrépondirentàleursmoqueriesetleurdirent

desparaboles

h!hélas,danslecasdevotremaladie,leremèdeestdevenupourvouslepoisondelavengeancedivinequiaffligelesâmes.« Cette lampe (de l’exhortation) a augmenté la cécité de vos yeux,

puisqueDieuaplacédevanteuxlevoileducourroux.« A quelle domination aspirerions-nous de votre part ? Car notre

dominationestplusvastequeleciel.« Quelle gloire de mer de perles pourrait-elle acquérir du navire ?

(Surtoutd’unnavirequiaétéremplid’ordures?)«Oh ! hélaspour cetœil aveugle et obscurci ! Ici, un soleil semblait

aussiinsignifiantqu’unatome.«EnunAdamquiétaitsanspareilniégal,l’œild’Iblîsnediscernarien

d’autrequ’unmorceaud’argile.2760 «L’œildiaboliqueperçutleprintempsd’Adamcommeunhiver;ilse

tournaverssonorigine.« Oh, combien de bonheurs arrivent de temps à autre à l’homme

infortuné,etils’endétourne!« Oh, combien de bien-aimées viennent incognito à un homme

malchanceux,etilnesaitpasrendrecetamour!«Ainsi, ce qui égare l’œil est notre damnation, et ce qui détourne le

cœurestunmauvaisdestin.«Puisquepourvousl’idoledepierreestdevenueunobjetd’adoration,

lamalédictiondeDieuetl’aveuglementvousontégarés.« Quand votre pierre est un associé convenable pour Dieu, comment

l’intellect et l’esprit ne sont-ils pas des confidents convenables pourDieu?«Lemoucheronmortestdevenul’associéduhoma;comment,alors,le

vivant(leprophète)neserait-ilpasdigned’êtreleconfidentduroi?« Ou peut-être est-ce parce que le moucheron mort est façonné par

vous,tandisquelemoucheronvivantestfaçonnéparDieu.«Vousêtesamoureuxdevous-mêmesetdelachosefabriquéeparvous-

mêmes:pourlesqueuesdeserpents,latêteduserpentestleguide.«Danscettequeue,iln’yanichancenibonheur;danscettetête,iln’y

aniplaisirnidélice.

Page 894: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

2770 «Laqueueduserpenttourneautourdelatête:cesdeuxsontfaitsl’unpourl’autre.»Ainsi parle le Sage de Ghazna (Sanâ’î) dans le llâhi-nâma si vous

l’écoutezbien:«Ne te conduis pas commequelqu’unqui interfère dans le décret de

prédestination:laformedel’âneconvientàl’oreilledel’âne.»Les membres et les corps s’accordent entre eux, les qualités sont en

accordaveclesâmes.Indubitablement, la qualité de chaque âme s’accorde avec l’âme ; car

Dieul’afaçonnéeenconséquence.Étantdonnéqu’ilajointlaqualitéàl’âme,sachequelaqualitéluiest

accordée,commelesyeuxetlevisage.Lesqualités(bonnesetmauvaises)sontaccordéesdanslesâmesbonnes

etmauvaises:enaccordsontleslettresqueDieuaécrites.L’œiletlecœursontentredeuxdoigtscommeuneplumedanslamain

del’écrivain,ôHusain.CesontlesdoigtsdelaGrâceetduCourroux,etentreeuxsetrouvele

cœur,dansunétatdedétresseoudejoiecauséparcesdoigts.Ôplume,si tuneglorifiespasDieu,considèreentrequelsdoigtstute

trouves.2780 Toutevolition,toutmouvementdetapartsontcontrôlésparcedoigt;ta

penséesetrouveàlacroiséedescheminsmenantaucarrefourdurassemblement.Ceslettres,symbolisanttesdiversétats,sontSonœuvre;lefaitquetu

formesundesseinoulechangesprovientdecequ’ilformeouchangeundessein.Iln’yapasd’autrevoiequelasupplicationetl’humilité:touteplume

n’estpasconscientedecettesoumissionaucontrôledivin.Laplumeconnaîtcecontrôle,maisseulementdanslamesurequiluiest

prédestinée : elle manifeste la mesure (de sa connaissance) dans lesactionsbonnesetmauvaises.En ce qui concerne cet apologue du lièvre et de l’éléphant, de sorte

qu’ilsontconfondulaprééternitéavecde(vulgaires)stratagèmes,Comment conviendrait-il que tu te livres à ces comparaisons et les

appliquesàcetteCoursainte?Cet emploi des paraboles appartient au Seigneur, car II est la seule

autorité quant à la connaissance de ce qui est caché et de ce qui estmanifeste.Que sais-tu de la nature cachée de quoi que ce soit, que toi, ô crâne

Page 895: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

chauve,prennesuneboucledecheveuouunejouecommeexemples?Moïse a cru que c’était un bâton, mais ce ne l’était pas : c’était un

dragon,sanaturecachéesemanifestait.Puisqu’un tel roi (spirituel) ne connaît pas la nature cachée du bois,

commentconnaîtrais-tulanaturecachéedecepiègeetdecesgraines?2790 Sil’œildeMoïseétaittrompéparl’apparence,commentunesouris

importunetrouverait-elleunaccès(àlavérité)?Dieuferadetacomparaisonundragon,afinqu’enréponseilpuissete

mettreenpièces.Iblîslemauditutilisacettesortedecomparaison,desortequ’ilencourut

lamalédictiondeDieujusqu’auJourduJugement.Qârûnparrébellionemployacettesortedecomparaison,desortequ’il

s’engloutitdanslaterreavecsontrôneetsacouronne.Sachequetacomparaisonestsemblableauxcorbeauxetauxhibouxqui

causentlapertedecentmaisonnées.

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CommentlescompatriotesdeNoéselivrèrentàdescomparaisons

moqueusesautempsdelaconstructiondel’arche

oé construisit une arche dans le désert : cent personnesaccoururentpourleridiculiseravecdescomparaisons.« Il fabrique un vaisseau dans le désert, là où n’existe aucun puits

d’eau:quelimbécileignorant!»L’un disait : « Ô vaisseau, cours ! », tandis qu’un autre disait :

«Fabrique-luiaussidesailes!»Noédisait:«Ceciestfaitsurl’ordredeDieu:ceneserapasdétruitpar

lesrailleries.»

Page 897: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Histoireduvoleuràquil’ondemanda:«Quefais-tuaubasde

cemuràminuit?»etquirépondit:«Jebatsdutambour.»

coûtezcetteparabole—commentunméchantvoleurcreusaituntrouaubasd’unmur.

2800 Quelqu’un,àdemiendormi,etquiétaitmalade,entenditlefaiblesondesapioche.Ilmontasurletoitetpenchasatête,etluidit:«Quefais-tulà,ômon

père?«Toutvabien,j’espère.Quefais-tuici,àminuit?Quies-tu?»Ildit:

«Unjoueurdetambour,ôhonorésire.»«Quefais-tu?»Ildit:«Jebatsdutambour.»Lemaladeluidit:«Où

estlebruitdutambour,ôhommerusé?»Il dit : «Tu entendras ce bruit demain, c’est-à-dire, les cris de “Oh !

Hélas!”et“Oh,malheurpourmoi!”»Cette histoire (du lièvre et de l’éléphant) est un mensonge : elle est

fausse et fabriquée de toutes pièces ; en outre, tu n’as pas saisi le senssecretdecettefausseté.

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Réponseàlaparabolecontéeparlesincroyantsconcernantl’envoidu

lièvrecommeambassadeuravecunmessageprovenantdelalune

dansleciel

achequelanaturecachéedecelièvreestleDémoninsolentquiestvenucommeambassadeurauprèsdetonâme,Afindepouvoirprivertonâmedel’EaudelaViedontKhezr82abu.Tu as dénaturé le sens de la parabole, tu as prononcé un blasphème :

prépare-toipourlablessureoulechâtiment.Tuasracontécommentlaluneavaitététroubléedansl’eaulimpide,par

quoilelièvreeffrayaleséléphants.2810 Tuasrapportél’histoiredulièvre,del’éléphantetdel’eau,etlacrainte

del’éléphantenfacedelalunelorsqu’ellefuttroublée.ô vous hommes aveugles et inexpérimentés, dites-moi, comment ceci

aurait-ildelaressemblanceaveclaluneàlaquellesontsoumisl’éliteetlecommundesgens?Qu’est-cequelalune,qu’est-cequelesoleil,qu’est-cequeleciel,que

sontlesintelligences,lesâmesetlesanges?« Le Soleil du soleil du soleil » : que dis-je ? Assurément, je suis

endormi.Lecourrouxdecesrois(spirituels)arenversédescentainesdemilliers

devilles,ôégarésquiavezperduvotrechemin.Sur un geste d’eux, la montagne se fend en cent fissures ; un soleil

tournecommeunmoulin.Lecourrouxdes saintshommesdessèche lesnuages ; lecourrouxdes

cœursfaitdesmondesdesruines.Voyez,ôvouslesmortsnonembaumés,lelieuoùlavilledeLotsubit

sonchâtiment.Qu’est-ce que l’éléphant lui-même ? Car trois oiseaux qui volaient

brisèrentlesosdecesmisérableséléphants83.L’ababîlestleplusfaibledesoiseaux,etcependantildéchiral’éléphant

defaçonirréparable!2820 Quin’aentenduparlerduDélugedeNoéouducombatdel’arméede

Pharaonavecl’Esprit?L’Esprit lesmit en déroute et les jeta pêle-mêle dans l’eau ; l’eau les

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brisaitenmiettes.Quin’aentenduparlerdecequiadvintàThamûd,etcommentlevent

desarsarbalayalesAdites?Ouvreenfinlesyeuxetconsidèreceséléphantstueursd’éléphantsdans

laguerre.De tels éléphants, de tels rois injustes, sont toujours en butte au

courrouxducœur(desprophètes).Eternellement, ils vont d’une obscurité à une obscurité, et il n’y a ni

secoursnimiséricorde.Peut-êtren’avez-vouspasentendulenomdubienetdumal.Tousont

vu,etvousnevoyezpas.Vousfaitessemblantdenepasvoircequiestvisible,maislamortvous

ouvrirabienlesyeux.Suppose que le monde soit plein de soleil et de lumière ; quand tu

pénètresdansuneténèbrecommecelledutombeau,Tuneparticipesplusàcettegrandelumière,tafenêtreestferméedevant

cettelune.2830 Tuesallédupalaisaupuits:lesvastesmondessont-ilsfautifs?

L’âmequiestdemeuréepareilleàunloup,commentcontemplerait-ellelevisagedeJoseph?La musique de David parvint au rocher et à la montagne, mais les

oreillesdeceshommesaucœurdurnelaperçurentpas.Quesoientbénieslaraisonetlajustice:etDieuconnaîtmieuxlavoie

droite.Crois auxnoblesmessagers,ôSaba !Croisunesprit renducaptifpar

Celuiquil’acapturé.Crois-les,ilssontdessoleilslevants,etilstepréserverontdescalamités

deal-qâri’a(leJourduJugement).Crois-les, ils sont des pleines lunes rayonnantes — avant qu’ils te

confrontentavecal-sâhira*84Crois-les—ellessontleslampesdel’obscurité;honore-les—cesont

lesclésdel’espoir.Crois ceux qui n’espèrent pas en ta générosité : ne t’égare pas, n’en

détournepasd’autres(delaVérité).Parlonspersan ;allons, laissons la languearabe.Sois l’esclavehindou

deceTurc(leBien-Aimédivin),ôhommefaitd’eauetd’argile!2840 Ecoute,prêtel’oreilleauxtémoignagesdesroisspirituels;lescieuxles

ontcrus:toi,crois-les!

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*Ils’agitsoitdel’Enfer,soitdelasurfacedelaterred’oùselèverontlesmorts.

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Lasignificationdelaprudenceetuneparaboledel’hommeprudent

u bien considère ce qui est arrivé aux peuples anciens, ou bienvoleavecprudenceversladestination.Qu’est-cequelaprudence?Laprécautiondanslecasdedeuxprojets

différents:entrelesdeux,tuchoisirasceluiquiestéloignédelastupidité.Unepersonnedira:«Surcetteroute,iln’yapasd’eaudurantseptjours

(demarche)etlesableestbrûlant.»Une autre personne dira : «C’est faux : avancez, vous trouverez une

sourcechaquenuit.»La prudence, c’est d’emporter de l’eau, de façon à être sauvé de la

crainteetdetetrouverdanslabonnevoie.S’ilyadel’eauenroute,versezcelle(quevousavezemportée);ets’il

n’yenapas,hélaspourl’hommeobstiné!Ô enfants du khalife de Dieu (Adam), agissez de façon juste ;

comportez-vousavecprudenceàcauseduJourduJugement.Cetennemiquis’estvengédevotreancêtreetl’aentraînédes’Illiyyùn

(Paradis)verslaprison,Etrenditéchecetmatceroidel’échiquierspiritueletenfit,chassédu

Paradis,laproiedecalamités—2850 Combiensouventdanslecombats’enest-ilsaisienlemaîtrisant,afin

depouvoirlutteravecluietlejeterparterreayantperdulaface!Ainsi a-t-il agi avec ce paladin (Adam) : ne le considérez pas avec

dédain,vousautres!Cet être envieux s’est emparé adroitement de la couronne et de

l’ornementdenotremèreetdenotrepère.Il les renditnus,misérablesetméprisables ;durantdesannées,Adam

pleuraamèrement,De sorte quedes herbes douces poussèrent, causées par les larmesde

sesyeux;ilsedemandaitpourquoiilétaitinscritsurleregistredela*.Juge la perfidie du Démon au fait qu’à cause de lui un prince tel

qu’Adams’arrachaitlescheveuxdechagrin.Prenez garde, ô mangeurs d’argile, à sa malice : frappez l’épée de

Lâhawl,«Jemeréfugie(enDieu)»,sursatête.Carilvousguetted’uneembuscade,detellesortequevousnelevoyez

pas.Attention!

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L’oiseleur jette du grain sans cesse : le grain est visible, mais latromperiecachée.Chaquefoisquevousvoyezlegrain,prenezgarde,depeurquelepiège

n’emprisonnevosailesetvosplumes.2860 Carl’oiseauquirenonceauleurredugrain,mangedugraindansle

vastechamp(delaRéalité)quiestsansimposture.Avec ce grain, il est satisfait, et échappe au piège : nul piège

n’emprisonnesesailesetsesplumes.

*Registrecomportantlesnomsdespécheurs.

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Ledangerencouruparl’oiseauquiabandonnelaprudencepourdes

raisonsdegourmandiseetdevainsdésirs

noiseauseposesurunmuretfixesonregardsurlegraindansunpiège.Tantôt il regarde la campagne, tantôt sa gourmandise le pousse à

regarderlegrain.Ce regard-ci lutte avec ce regard-là et prive soudain l’oiseaude toute

sagesse.Unautreoiseau,quiarenoncéàcettehésitation,détournesonregarddu

grainetlefixesurleschamps.Sesailesetsesplumesbrillent;commeilestbeau,puisqu’ilestdevenu

leguidedetousceuxquisontlibres!Tousceuxquileprennentpourmodèlesontsauvésetdemeurentdansla

sécuritéetlaliberté,Parcequelecœurd’untelhommeestdevenuleroidesgensprudents,

desortequelaroseraieetlejardinduParadissontdevenussademeure.Laprudenceestsatisfaitedelui,etilestsatisfaitdelaprudence:agis

demêmesituveuxtecomporteravecprévoyanceetrésolution.2870 Maintesfoistuestombédanslepiègedelacupiditéettuasdonnéta

gorgeàcouper.AnouveauCeluiquipargrâcedisposeàlarepentancet’alibéré,Ilaacceptétonrepentirett’arenduheureux.Iladit:«Sivousrecommencez85ainsi,nousrecommenceronsainsi.»

Nousavonsunilesactionsàlarétribution.« Lorsque j’amène à Moi-même le membre d’un couple, l’autre

membre,inévitablement,courtaprèslui.»Nous avons joint l’action à l’effet ; quand un membre d’un couple

arrive,l’autrearriveaussi.Quand un brigand enlève le mari d’une femme, l’épouse le poursuit,

cherchantsonmari.Unefoisencore,tut’esdirigéverscepiègeettuasjetédelapoussière

danslesyeuxdurepentir.DenouveauCelui qui pardonne adénoué cenœudpour toi, et a dit :

« Prends garde ! Sauve-toi ! Ne tourne pas ton visage dans cette

Page 904: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

direction!»Quandlepapillondel’oubliestarrivé,ilaattirétonâmeverslefeu(de

l’Enfer).Ôpapillon,ne témoignepasdedouteetd’oubli : regardeunefois ton

ailebrûlée!2880 Puisquetuessauvé,l’actiondegrâces,c’estquetun’éprouvespasde

penchantpourcegrain,Afinque,quand tu rendsgrâces, Ilpuisse t’accorder lepainquotidien

quiestsanspiègeetsanspeurdel’ennemi.Enrendantgrâcespourlagénérositéqui t’aété témoignée, ilconvient

quetutesouviennesdelagénérositédeDieu.Combiendefois,dansleschagrinsetlestribulations,t’es-tuécrié:«Ô

monDieu,délivrez-moidupiège,«Que jepuisseVous rendre tel service et pratiquer labienfaisance et

jeterdelapoussièredanslesyeuxdeSatan!»

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Histoireduvœufaitparleschiens,chaquehiver,deconstruire,l’étévenu,unemaisonpourl’hiver

nhiver,lechienserecroquevilleàcausedufroid;lesattaquesdufroidlerendentsipetitQu’ildit:«Ayantunsipetitcorps,jedoisbâtirunemaisonenpierres.« Quand l’été viendra, je construirai avec mes pattes une maison en

pierrescontrelefroid.»Maisquandl’étéarrive,soncorpssedilateetsapeaudevientluisante,Et quand il se voit de forte corpulence, il dit : «Dans quellemaison

pourrais-jeentrer,ônoblesire?»2890 IIdevientfortetseglissedansunendroitombragé—paresseux,bien

nourri,indolent,obstinéqu’ilest!Saconscienceluidit:«Construisunemaison,ôpauvrehère!»Ildit:

«Commenttrouverais-jeplacedanslamaison?Dis-le-moi!»Al’heuredelasouffrance,tacupiditéserétrécitetdiminue.Et tudis :«Par repentir, jevais construireunemaison ; ce serapour

moiunrefugeenhiver.»Mais quand la douleur est passée et que ton avidité a grandi, le désir

pourlamaisontequitte,commedanslecasduchien.Rendregrâcespour lebienfaitestplusdouxque lebienfait luimême:

comment celuiqui est attachéà l’actiondegrâces se consacrerait-il à laconsidérationdubienfait?L’action de grâces est l’âme du bienfait, et le bienfait est comme

l’écorce,parcequel’actiondegrâcesvousconduitàlademeureduBien-Aimé.Lagénérositéproduit l’insouciance,et l’actiondegrâceslavigilance:

vaàlachassedubienfaitaveclepiègedel’actiondegrâcesauroi.Lalargessedel’actiondegrâcesterendraheureuxetprincier,desorte

quetuconférerascentlibéralitésauxpauvres.Tumangerastouttoncontentdesviandesetdesfriandisesdonnéespar

Dieu,desortequelafaimetlamendicitétequitteront.

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Commentlesincroyantsempêchèrentlesprophètes(sureux

lapaix)deselivreràdesexhortationsetutilisèrentles

argumentsdesfatalistes

2900 esgensdeSabadirent:«Ôconseillers,cequevousavezditsuffit,s’ilsetrouvequelqu’undanscevillage.«Dieu amis unverrou sur nos cœurs ; nul ne peut l’emporter sur le

Créateur.«CetArtisteafaitquenotreimageesttelle:ceneserapaschangépar

desparoles.«Pendantcentannées,vouspouvezdireaucailloudedevenirunrubis:

centannéesdurant,vouspouvezdireàcequiestvieuxdedevenirjeune;« Vous pouvez dire à la terre d’acquérir les qualités de l’eau, vous

pouvezdireàl’eaudedevenirdumieloudulait:«IlestleCréateurdescieuxetdesêtrescélestes,leCréateurdel’eauet

delaterreetdesêtresterrestres.«Auciel,Iladonnésonmouvementcirculaireetsapureté:àl’eauetà

laterre,sonaspectsombreetlepouvoirdelavégétation.Commentlecielpeut-ilchoisir l’impureté?Commentl’eauet laterre

peuvent-ellesacquérirlapureté?«Achacun,Ilaoctroyéuncertainétat:commentunemontagne(kouh)

deviendrait-elle,paruneffortquelconque,unepaille(kâh)?»

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Laréponsedesprophètes(sureuxlapaix)auxfatalistes

esprophètesontdit:«Oui,Dieuacréécertainesqualitésdontilestimpossibledesedéfaire,

2910 «EtIlaaussicréédesqualitésquinesontqu’accidentelles—c’estainsiqu’unepersonnedétestéedevientacceptable.«Sil’onordonneàunepierrededevenirdel’or,celan’apasdesens;

maissil’onordonneaucuivredesetransmuerenor,lemoyenexiste.«Si l’onordonneau sablededevenirde l’argile, il enest incapable ;

maissil’onordonneàlaterrededevenirdel’argile,c’estpossible.«Dieuadécrétépournousdesmaladiespourlesquellesiln’existepas

deremède,tellesquelaclaudication,unnezdéformé,lacécité;« Et des maladies pour lesquelles il existe un remède, telles que la

paralysiefacialeetlemaldetête.«Cestraitementsmédicaux,Illesafaitspourrestaurerl’harmonie:ces

maladiesetcesremèdesnesontpasenvain.« La plupart des maladies peuvent être guéries : quand on cherche

sérieusement,ontrouveralemoyen.»

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Commentlesinfidèlesrépétaientlesargumentsdesfatalistes

es gens dirent : «ÔCompagnie (des prophètes), notremaladien’estpasdecellesquisontsusceptiblesdeguérison.« Pendant des années, vous avez prononcé des sortilèges et des

exhortationsdecettesorte,etilsontrendunotresortpluspénibleàchaqueinstant.«Sicettemaladiepouvaitêtreguérie,quelqueparcelleenauraitenfin

étéretirée.2920 «Lorsqueseproduitunehépatite,l’eaunepénètrepasdanslefoie:si

l’onbuvaitlamerentière,l’eaus’eniraitailleurs;« En conséquence, lesmains et les pieds enflent : le fait de boire de

l’eaunevaincpaslasoif.»

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Commentlesprophètes(sureuxlapaix)leurrépondirentànouveau

esprophètesdirent:«Ledésespoirestunpéché: lagrâceet lesbienfaitsduCréateursontinfinis.«Ilneconvientpasdedésespérerd’untelBienfaiteur:accroche-toià

l’étrierdecetteMiséricorde.«Oh,biendesmalheursfurentdursàsupporteraudébut,maisensuite

ilsfurentsoulagés,etlasouffrancedisparut.«Aprèsledésespoir,ilyabeaucoupd’espoirs;aprèsl’obscurité,ilya

biendessoleils.« Je vous accorde, en vérité, que vous êtes devenus durs comme la

pierreetquevousavezverrouillévosoreillesetvoscœurs,«Maisnousn’avonsrienàfairedevotreacceptation:notredevoirest

denousrésigneretd’accomplircequeDieuordonne.«Ilnousaordonnéd’effectuerceservice :notrerôledeprophètesne

vientpasdenous-mêmes.« Nous ne possédons la vie que pour exécuter le commandement de

Dieu:s’ilnousenjointdesemerdansunbancdesable,noussemons.2930 «L’âmeduprophèten’ad’autreamiqueDieu:iln’aquefairede

l’acceptationoudurefus(desonmessage)parlesgens.«LarécompensepourceuxquitransmettentlesmessagesdeDieuvient

de Lui : nous sommes devenus haïssables et avons revêtu l’aspectd’ennemis(desgens)pourl’amourduBien-Aimé.« A ce Seuil divin, nous ne sommes pas las, de telle sorte que nous

fassionshaltepartoutenraisondeladistance.«Seul est las etoppressédans soncœurceluiqui est enprisonparce

qu’ilestséparédel’Ami.«Celuiquiravitlescœurs,leDésiré,estprésentavecnous:auseinde

lamagnitudedeSamiséricorde,nosâmesrendentgrâces.« Dans nos cœurs se trouvent un champ d’anémones et un jardin de

roses:iln’yapasd’entréepourlavieillesseetledéclin;«Noussommestoujoursfrais,jeunes,gracieux,nontouchésparl’âge,

doux,riants,débonnaires.« Pour nous, cent années sont commeune seule heure, car ce qui est

longoucourtnenousconcernepas.«Cettelongueuretcettebrièvetén’existentquedanslescorps:oùsont

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ce“long”etce“court”dansl’âme?«LestroiscentneufansdesHommesdelaCaverne86leurparurentune

seulejournée,sanschagrinnipeine;2940 «Etmême,celaneleurparutunjourquelorsqueleursespritsrevinrent

delanon-existencedansleurscorps.«Quandiln’yanijour,ninuit,nimois,niannée,commentyaurait-il

delasatiété,delavieillesseetdelalassitude?«Puisqu’ilyapournous l’absencede soidans la roseraiede lanon-

existence,ilyapournousl’ivressecauséeparlacoupedelaGrâcedivine.«Quiconquen’enapasbu,nesaitpas,s’iln’enapasgoûté;comment

lebousierimaginerait-illeparfumdelarose?« (Cette ivresse) n’est pas concevable : si elle était concevable, elle

deviendraitnonexistante,commetouslesobjetsdeconception.«Commentl’Enferconcevrait-illeParadis?Unbeauvisageapparaît-il

horsd’unvilainporc?« Ecoute, ne coupe pas ta propre gorge ! Fais attention, ô être

méprisable,quanduntelmorceauestvenuàtabouche.« Nous avons mis fin aux voies difficiles, nous avons rendu la voie

facilepournotreproprecommunauté.»

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CommentlepeupledeSabarésistaànouveauàl’espoir(duProphète)

ets’opposaauxprophètes(sureuxlapaix)

esgensdeSabadirent:«Sivousobtenezdelachancepourvous-mêmes, pour nous vous êtes demauvais augure et vous êtes opposés ànousetrejetésparnous.«Nosâmesétaient libresde tout souci :vousnousavez jetésdans la

peineetlesennuis.2950 «Acausedevotremauvaisprésage,lemerveilleuxaccordetla

concordequiexistaiententrenoussontdevenuscentséparations.«Jadis,nousétionsdesperroquetsmangeantdessucreries;maintenant,

parvotrefaute,noussommesdevenusdesoiseauxméditantsurlamort.«Partoutoùexisteunehistoirecréantlechagrin,partoutoùexisteune

rumeurodieuse,«Partoutdanslemondeoùexisteunmauvaisprésage,partoutoùilya

unetransformationmonstrueuse,unchâtimentterrible,oùl’oninfligeunepunition,«Tout cela est contenu dans la parabole de votre histoire et de votre

mauvaisprésage:vousavezsoifdefairenaîtrelapeine.»

Page 912: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentlesprophètes(sureuxlapaix)leurrépondirentànouveau

es prophètes dirent : « Le terrible etmauvais présage prend sonappuidansvospropresâmes.« Si vous êtes endormis dans un endroit dangereux, et qu’un dragon

s’approchedevous,devotretête,«Etqu’unepersonnebienveillanteveutlefairesavoir,disant:“Sauvez-

vousvite,sinonledragonvavousdévorer”—«Si vous dites : “Pourquoi donnez-vous cemauvais présage ?” (Elle

répondra):“Quelprésage?Levez-vousviteetvoyezàlalumièredujour.“Moi-même, jevousdélivreraiduseindecemauvaisprésageetvous

ramèneraichezvous.”2960 «Unetellepersonnevousfaitconnaîtreleschosescachées,commele

prophètequiavucequelesgensdecemonden’ontpasvu.«Siunmédecinvousdit:“Nemangezpasduraisinvert,carlamaladie

quecelacauseproduiradegrandsennuis”,«Etsivousdites:“Pourquoidonnez-vousunmauvaisprésage?”alors

vousferezparaîtrecoupablevotresincèreconseiller.«Et si un astrologuevous dit : “Nevous préparez surtout pas à telle

affaireaujourd’hui”,« Bien que vous ayez constaté les erreurs de l’astrologue cent fois,

cependantsi laprédictionseréaliseunefoisoudeux,vousêtesdésireuxdeluifaireconfiance.« Nos étoiles à nous ne diffèrent jamais de la vérité ; comment leur

véritédemeure-t-ellecachéeàvosyeux?« Le médecin et l’astrologue vous informent d’après leur propre

opinion,maisenvériténousvousinformonsparclairvoyance.« Nous apercevons de loin la fumée et le feu se précipitant sur les

incroyants.« Vous dites : “Taisez-vous et abstenez-vous de parler ainsi, car ces

parolesdemauvaisprésagenousblessent.’’«Ôvousquin’écoutezpasl’admonitiondeceuxquivousconseillent,

lemauvaisprésagevousaccompagne,oùquevousalliez.2970 «Unevipèrerampesurvotredos:leconseillerlavoitduhautd’untoit

etvouslefaitsavoir;«Vousluidites:“Chut!Nemetroublezpas!”Ildit:“Soyezheureux!

Page 913: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Envérité,j’aidit.”«Quand la vipèremord ton cou, tout ton désir de bonheur est rendu

amer.«Alors,tuluidis:“ÔUntel,c’étaitcelatonavertissement?Pourquoi

n’as-tupasdéchirétoncolencriant,“Oupourquoi nem’as-tupas jeté unepierreduhaut du toit, afinque

cetteterriblecalamitéetcemalheurpuissentm’apparaîtreclairement?”«Ildit:“(Jem’ensuisabstenu)parcequetuétaisennuyé.”Vousdites:

“Tum’asrendutrèsheureux,envérité!”«Ildit:“Jet’aioffertgénéreusementunconseil,pourtedélivrerdecet

esclavagestérile.“Par bassesse, tu ne t’es reconnu aucune obligation à l’égard de cette

générosité;tuenasfaitunesourced’injuresetd’insolence.”»Telleestlanaturedesvilsvauriens:untelhommetefaitdumalquand

tuluifaisdubien.Quantàl’âmecharnelle,mortifie-laaumoyendurenoncement,carelle

estvile,etlabonténeluiconvientpas.2980 Situtémoignesdelabienveillanceàunhommenoble,celaestbon:il

donneracentbienfaitsenéchangedechacun(deceuxqu’ilareçus).Maisquandtu traitesunmisérableavecviolenceetcruauté, ildevient

pourtoiunserviteurfidèle.Les infidèles dans leur prospérité semèrent la cruauté : ensuite, en

Enfer,leurcriest«ÔSeigneur,délivre-nous!»

Page 914: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

LasagessedeDieu,créantl’Enferdanslemondeàveniretlaprison

(destribulations)danscemonde-ci,afinqu’ilpuisseyavoirdeslieuxd’adorationpourlespécheursarrogants:Venez,degréoude

force*.»

ar,ensouffrantcruellement,lesgensvilssontpurifiés;quandilssontl’objetdebienveillance,ilsdeviennenteux-mêmescruels.C’est pourquoi l’Enfer est la mosquée où ils accomplissent leurs

dévotions:unpiègeestlaseulechaînepourl’oiseausauvage.La prison est le cloître du voleur et du vaurien, parce que là il peut

penserconstammentàDieu.Étant donné que l’adoration de Dieu était le but de la création de

l’humanité,lefeudel’Enferestlelieud’adorationpourlesrebelles.L’hommealepouvoird’agirentoutechose,maisceservice(deDieu)a

toujoursétésonbutfinal.Je n’ai créé les djinns et les hommes que pour qu ’ils M’adorent87.

Récitececi.Lebutfinaldumonden’estautrequel’adorationdeDieu.Bien que le but final d’un livre soit la science (qu’il contient),

cependant,sivousenfaitesunoreiller,ilserviraàcelaaussi;2990 Maiscerôled’oreillern’étaitpassonbut:lebutfinalétaitlesavoiret

laconnaissanceetladirectionjusteetleprofit.Sivousfaitesdel’épéeunclou,vouspréférezladéfaiteàlavictoire.Bienquelebutfinaldel’hommesoitlaconnaissancedeDieuetd’être

biendirigé,cependantchaquehommeaunlieuparticulierd’adoration.Ce qui fait que l’homme noble adore, c’est que vous le traitiez avec

bonté;cequifaitquel’hommeviladore,c’estquevouslemaltraitiez.Frappezlesgensvils,qu’ilscourbentlatête;donnezauxgensnobles,

qu’ilsproduisentdebonsfruits.Nécessairement,Dieuacrééunemosquéepourcesdeuxcatégories—

l’Enferpourceux-ci,etunaccroissementdebienfaitspourceuxlà88.MoïseconstruisitlaBab-iSaghir(lapetiteporte)àJérusalem,afinque

lesgensmalades(d’orgueil)puissentcourberlatête,Parcequ’ilsétaientinsolentsetarrogants.L’EnferestcommecetteBab-

iSaghir,etunlieud’humiliation.

Page 915: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

*Qor’ân,XLI,11.

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ExpliquantcommentDieuleTrès-Hautafaitdelaformecorporelledesroisunmoyenpoursoumettrelespécheursinsolentsquinese

soumettentpasàDieu,àl’instardeMoïse(surluilapaix)qui

construisitlaBab-iSaghirdanslemurdeJérusalemafinqueleshommesinsolents,parmiles

Israélites,puissentsecourberbienbasenypénétrant(selonla

parole):Franchissez-enlaporte,prosternez-vousetdites

«Pardon»89.

emême,DieuaconstruituneBab-iSaghirdelachairetdesosdesrois.Prenezgarde!Lesgensdecemondeseprosternentdevanteux,étantdonnéqu’ilssont

opposésàlaprosternationdevantlaMajestédivine.3000 Dieuafaitd’unpetittasd’orduresleurmihrab*;lenomdecemihrab

est«prince»et«paladin».Vousn’êtespasdignesdecettesaintePrésence:lessaintssontcomme

lacanneàsucre,etvouscommeleroseauvide.Cesvilsvaurienss’abaissentdevantcesgensméprisables;maislelion

(le prophète ou le saint) considère comme un déshonneur qu’ils soientcomplaisantsàsonégard.Lechatest leguetteurdeceluiquia lanaturede lasouris :quiest la

souris,qu’ellesoiteffrayéeparleslions?LeurcrainteestseulementdesmanantsdeDieu;commentcraindraient-

ilsleSoleildeDieu(lesaint)?La litaniedeceshommesnobles est«monSeigneur leTrès-Haut» ;

«monseigneurleplusbas»convientàcesimbéciles.Comment la souris craindrait-elle les lions du champ de bataille

(spirituel)?Non,ceuxquilescraignentsontceuxquiontlacéléritéetlapochedemuscdudaim(ceuxquisontdouésd’intuitionmystique).Ô toi qui lèches les pots, va chez celui qui lèche les marmites et

considère-lecommetonseigneuretbienfaiteur!

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Ilsuffit!Sijemelivreàunexposédétaillé,leprinceserafâché;etluiaussiserendracomptequesoncasestceluiquej’aidécrit.Laconclusionestcelle-ci :«Ôhommenoble, faisdumalà l’homme

vil,afinquelemanantsesoumetteàtoi.»3010 Quandl’hommenoblesecomporteaimablementavecl’hommevil,

c’est-à-diresonâmecharnelle,laméchanteâmetémoignedel’ingratitude,commel’hommevil.C’estpourcette raisonque lesaffligés sont reconnaissants, tandisque

lesheureuxsontrebellesetperfides.Le seigneur avec sonmanteau brodé d’or est rebelle ; lemalheureux

porteurd’unrudemanteaudelaineestreconnaissant.Comment la gratitude proviendrait-elle des possessions et de la

richesse?Lagratitudeprovientdelatribulationetdelamaladie.

*Nicheindiquantladirectiondelaprièredanslamosquée.

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Histoiredusoufis’enamourantd’unsacàprovisionsvide

njour,unsoufiaperçutunsacàprovisionsaccrochéàunclou:ilsemitàtournoyeretàdéchirersesvêtements,S’écriant :«Voyez, lanourrituredesaffamés!Voyez, leremèdepour

lesfaminesetlessouffrancesdelafaim!»Quandsonardeuretsontransportgrandirent,tousceuxquiétaientdes

soufissejoignirentàlui.Ils criaient et hurlaient : plusieurs devenaient enivrés et hors d’eux-

mêmes.Unimportunditausoufï:«Qu’est-cequiarrive?Cen’estqu’unsacà

provisionsaccrochéàunclou,etilestvidedepain!»Le soufi dit : « Va-t’en, va-t’en ! Tu n’es qu’une forme dépourvue

d’esprit:cherchel’existence,cartun’espasunamoureux.»3020 Lanourrituredel’amoureuxestl’amourdupain(sansl’existencedu

pain):nuldeceuxquisontsincèresdansleuramournesontattachésàl’existence.Les amoureux n’ont rien à faire avec l’existence : les amoureux ont

l’intérêtsansavoirlecapital.Ilsn’ontpasd’ailes,etcependantilsvolentautourdumonde;ilsn’ont

pasdemains,etcependantilsemportentlaballeduterraindepolo.Cedervichequipercevait laRéalitésuprême tressaitdespaniers,bien

quesamaineûtétécoupée*.Les amoureux ont planté leurs tentes dans la non-existence ; ils sont

d’une seule couleur (qualité) et une seule essence, comme la non-existence.Comment le nourrisson connaîtrait-il le goût de la viande ? Pour les

djinns,l’odeurestalimentetboisson.Commentunêtrehumainpercevrait-ill’odeurdudjinn,étantdonnéque

lanaturedel’unestlecontrairedecelledel’autre?Cedjinn qui respire l’odeur en tire du délice : tu n’obtiendras pas ce

délicedecentmaundsdefriandises.Pourl’Egyptien,l’eauduNilestdusang;pourlebonIsraélite,c’estde

l’eau.ParlesIsraélites,lamerestrendueuneroute;parleméchantPharaon,

unlieudenoyade.

Page 919: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

*Cf.LivreIII,1705etsqq.

Page 920: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentJacob(surluilapaix)eutleprivilègedegoûteràlacoupedeDieuparlevisagedeJoseph,etde

respirerleparfumdeDieuparl’odeurdeJoseph;etl’exclusiondesfrèresdeJosephetd’autresde

cesprivilèges

3030 equeJacobéprouvaitàregarderlevisagedeJosephluiétaitpersonnel:quandcedéliceadvint-ilauxfrèresdeJoseph?Celui-ci(Jacob),paramourdeJoseph,semetdanslepuits,tandisque

celui-là(lefrèredeJoseph)creusepourluiunpuitsparhaine.Auxyeuxdecelui-ci(lefrèredeJoseph)lesacàprovisionsdeJoseph

est vide de pain : aux yeux de Jacob, il est plein, car il le désireardemment.Personne ne peut contempler les visages des houris avec son propre

visagenon lavé : leProphèteadit :«Iln’yapasdeprièrerituellesansablutions.»L’amourestleboireetlemangerdesâmes;lafaim,decepointdevue,

estl’alimentdesâmes.JacobavaitfaimdeJoseph;c’estpourquoil’odeurdupainluiparvenait

deloin.Celui qui avait pris la chemise de Joseph se hâtait, et ne sentait pas

l’odeurdelachemisedeJoseph,Alors que celui qui se trouvait éloigné des cent lieues de cet endroit

sentaitsonparfum,carilétaitJacob.Oh, combien d’hommes érudits ne tirent aucun profit de cette

connaissance:ceux-làmémorisentlaconnaissance,maisnel’aimentpas.Par eux, l’auditeur perçoit l’odeur de la connaissance, même si

l’auditeurestunhommeordinaire.3040 Carlachemise,danslamaindel’hommesavant,estunechose

empruntée,commeunejeuneesclavedanslesmainsd’unmarchandd’esclaves.La jeune esclave n’est d’aucune utilité pour lemarchand d’esclaves :

ellen’estentresesmainsquepourl’acheteur.CequeDieuoctroie,c’estundestin.Celotestpourchacun,etnonpour

unautre.

Page 921: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Unebonne imaginationdevientpourcethomme le jardinduParadis ;uneimaginationlaideégarecetautrehomme.CeSeigneurquia faitd’une imagination le jardinduParadisetd’une

autreimaginationl’Enferetunlieudetourment—Quidonc,saufLui,connaîtrait lechemindeSesroseraies?Quidonc,

saufLui,connaîtraitlechemindeSesfournaises?Lasentinelleducœur,pendantqu’ellefaitsaronde,nevoitpasdequel

coindel’âmevientl’imagination.Si elle voyait l’endroit d’où elle naît, elle s’efforcerait de barrer le

cheminàtoutevilaineimagination.Maiscommentlepieddel’espionarriverait-ilàcetendroit?carc’estla

tourdeguetetlacitadelledemontagnedelanon-existence.Saisisaveuglément lepande la robedeSagrâce :c’est là laprisede

possession(saisine)del’aveugle,ôroi.3050 SarobeestSonordreetcommandement;heureuxceluipourquila

piétéestcommesonâme.Celuiquiestbénisetrouveaumilieudeprairiesetderuisseaux,tandis

quel’autre(maudit)estprèsdeluidanslestourments.Ce dernier reste dans la stupeur, disant : « Pourquoi la joie de cet

homme?»;etl’autredemeuredansl’étonnement,disant:«Dansquelleprisonestcethomme?»Écoute,pourquoies-tuassoiffé?—caricisontdesfontaines.Ecoute,

pourquoies-tupâle?—caricisontcentremèdes.Écoute,voisin,viensdanslejardin!Etl’autrerépond:«Ômonami,je

nepuisvenir.»

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Histoiredel’émiretdesonesclavequiaimaitprofondémentlaprière

rituelleetéprouvaitunegrandejoiedanscetteprièreetdansla

communionavecDieu

l’aube,l’émirsouhaitaserendreauhammam:ilcria:«ÔSunqur,lève-toi!« Prends chez Altun le bassin, la serviette et l’argile pour que nous

allionsaubain,ôtoiquim’esindispensable.»Sunquraussitôtpritlebassinetunejolieservietteetpartitaveclui,tous

deuxensemble.Il y avait une mosquée sur la route, et l’appel à la prière arriva aux

oreillesdeSunqur.Sunqurétaittrèsattachéàlaprièrerituelle;ildit:«Ômonémir,ômon

bonmaître,3060 «Attends-moipatiemmentquelquetempssurcebanc,pourqueje

puisseaccomplirlesprièresobligatoiresetquejepuisseréciter(lasouratecomprenant)lamyakun90.»Lorsque l’imâm et les assistants furent sortis et eurent terminé les

prièresetleslitanies,Sunqur resta là jusqu’à près de midi : l’émir l’attendit pendant un

temps,Puis ildit :«ÔSunqur,pourquoine sors-tupas?» Il répondit :« Il

(Dieu)nemelaissepassortir,ôhommeaccompli!«Prendspatience !Vois, jeviens,ô lumièredemesyeux!Jenesuis

pasinattentif,cartuesdansmonouïe.»Sept fois de suite, il fit preuve de patience, puis cria — jusqu’à ce

qu’enfinl’émirfûtréduitaudésespoirparleretarddeSunqur.Saréponseétait toujours:«Ilnemelaissepasencoresortir,ômaître

respecté!»Lemaîtredit:«Eh!quoi,pluspersonnenerestedanslamosquée.Qui

teretientlà?Quit’afaitdemeurerlà?»Sunqur dit : «Celui qui t’a enchaîné en dehors (de lamosquée)m’a

enchaînéàl’intérieur.«Celuiquinetelaissepasentrernemelaissepassortir.

3070 «Celuiquinetelaissepasfaireunpasdanscettedirectionaenchaîné

Page 923: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

lepieddecetesclavedesortequ’ilnepeutallerdansl’autredirection.»Lamernelaissepassortirlespoissons;lamernelaissepasentrerles

êtresterrestres.L’eauestlademeureoriginelledespoissons,etl’animalestdelaterre:

icineserventàrienlesrusesetlesastuces.Leverrou(delaDestinée)estfort,etDieuseulpeutl’ouvrir:attache-

toiàlarésignationetàl’acceptationdeSavolonté.Bien que les atomes, un à un, devraient devenir des clés, cependant

cetteouverturen’esteffectuéequeparlaMajestédivine.Quand tuoublieras tapropreperspicacité, tuobtiendrascetteheureuse

fortunedetonGuidespirituel.Quand tu t’oublies toi-même, Dieu Se souvient de toi : quand tu es

devenuSonesclave,alorstueslibre.

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Commentlesprophètesperdirentl’espoird’êtreacceptésetapprouvésparlesincroyants,commeDieuadit:«Jusqu’àceque,lorsquelesenvoyésdeDieudésespérèrent…»

es prophètes se disaient à eux-mêmes : « Combien de tempscontinuerons-nousàprodiguerexhortationsetconseilsàcelui-cietcelui-là?«Combiende tempsallons-nousbattre inutilementunmorceaude fer

froid?Ecoutez,jusqu’àquandallons-noussoufflerdansunecage?»L’activité des choses créées est causée par la Destinée divine et le

dessein :ce sont les spasmesde faimde l’estomacqui rendent lesdentsacérées.

3080 LaPremièreAme(l’Ameuniverselle)ainfluencélasecondeâme:lepoissonpourritparlatête,nonparlaqueue.Mais, toutenreconnaissantcela,hâte-toicependantcommelaflèche :

puisqueDieuadit:«Faisconnaître(cequit’aétérévélé)91»,iln’yapasd’échappatoire.Tu ne sais pas à quelle espèce (poissons ou animaux terrestres) tu

appartiens:efforce-toidonc,aussilongtempsqu’illefaudra,dediscernercequetues.Quandtumetsunecargaisonàbordd’unnavire,tulefaisparconfiance

enDieu.Car tu ne sais pas laquelle de ces deux choses t’arrivera : si tu seras

noyépendantlevoyageousauvé.Si tu dis : «Avant de savoir quel seramondestin, je ne vais pasme

hâterdem’embarquersurcenavireetl’océan;«Pendantcevoyage,jedoisêtresauvéounoyé:révélez-moiàquelle

catégoriej’appartiens.« Je ne vais pas partir pour ce voyage avec des doutes et de vains

espoirs,commelesautres»,Alors,aucuncommercenesera faitpar toi,parceque lesecretdeces

deuxpossibilitéssetrouvedansl’invisible.Lemarchandàlanaturetimideetàl’esprittimoréneperdninegagne

danssarecherche;3090 Ouplutôt,ilsubituneperte,carilestprivédelachanceetméprisable;

Page 925: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

seulceluiquibrûled’ardeurtrouveralalumière.Étantdonnéquetoutes lesaffairesreposentsur l’espoir, l’affairedela

religionestlaplusdigne(d’inspirerdel’espoir)car,parcemoyen,onpeutgagnersonsalut.Ici, il n’est pas permis de frapper à la porte ; seul l’espérance est

permise:etDieuconnaîtmieuxledroitchemin.

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Expliquantcommentlafoidel’hommeconformisteconsisteen

crainteetespoir

a motivation, dans chaque commerce, est la chance et l’espoir,même si les cous sont devenusmaigres comme un fuseau à cause d’unlabeurincessant.Quandlemarchandserend,lematin,danssaboutique,ilycourtdans

l’espoiretlachanced’ygagnersavie.Si l’on n’a pas la chance de gagner desmoyens de vivre, pourquoi y

aller?Ilyaunrisquededésappointement:pourquoidoncêtreconfiant?Lorsqu’il s’agit de gagner de la nourriture, comment la crainte d’un

désappointementprévudetouteéterniténet’a-t-ellepasrendufaibledanstarecherche?Tudiras :«Bienquecettepeurd’êtredéçusoitprésenteàmesyeux,

cettecrainteestplusgrandequandjesuisoisif.Quandjetravaille,monespoirestplusgrand:dansl’oisiveté,jecours

plusderisques.»Alors, ô homme auxmauvaises pensées, pourquoi cette crainte de la

perteteretient-elleenmatièredereligion?3100 Oubienn’as-tupasvudansquelcommerceprofitablelesgensdenotre

bazar,saintsetprophètes,sontengagés?Etquellesminesdetrésorsleursontapparuesdufaitqu’ilsserendentà

la boutique (spirituelle), et comment ils ont obtenu des gains sur lemarché?A celui-ci (Abraham) le feu est devenu soumis, comme un anneau ;

pourcelui-là(Moïse)lamerestdevenuesoumiseetl’atransporté;Pourl’un(David)leferdevintsoumisetpareilàlacire;pourunautre

(Salomon)leventdevintunsujetetunesclave.

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ÉnonçantcommentleProphète(surluilapaix)adit:«Envérité,Dieu

leTrès-Hautadesamisquisontcachés.»

a démarche de certains est excessivement cachée : commentdeviendraient-ilsconnusparlecommundesgens?Ils possèdent tous cette souveraineté spirituelle, et cependant à aucun

momentlesyeuxnel’aperçoivent.Leursmiracleseteux-mêmessetrouventdanslesanctuairedivin: les

abdâleux-mêmesn’entendentpasleursnoms.Oubienignores-tulesgénérositésdeDieuquit’appelleàterendrelà-

bas?Lemonde tout entier aux six directions est rempli de Sa générosité :

partoutoùturegardes,IlmanifesteSagénérosité.Quandunhommegénéreuxt’ordonnedevenirdanslefeu,vas-yviteet

nedispas:«Ilmebrûlera.»

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Histoired’Anas(queDieusoitsatisfaitdelui):commentiljeta

uneserviettedansunfourembrasé,etellenefutpasbrûlée

3110 lnousaétérapporté,concernantAnasfilsdeMalik,qu’unecertainepersonnedevintsoninvité.Celle-ci a racontéqu’après le repas,Anasvitque la serviettede table

étaitjaunie,Saleettachée,etdit:«Ôservante,jette-laaussitôtdanslefour.»Là-

dessus,l’intelligenteservantelajetadanslefourquiétaitpleindefeu.Touslesinvitésétaientétonnés:ilss’attendaientàvoirlafuméedela

servietteentraindebrûler.Auboutdepeudetemps,ellelasortitdufour,propre,blanche,purifiée

detoutesouillure.Les invités dirent : «ÔvénérableCompagnonduProphète, comment

celan’a-t-ilpasbrûlé,etcommentest-cedevenupropre?»Il répondit : « Parce que Mustafâ (Mohammad) frottait souvent ses

mainsetseslèvressurcetteserviette.»Ô cœur effrayé par le feu et les tourments (de l’Enfer), approche-toi

d’unetellemainetd’unetellelèvre!Puisque la bénédictionduProphète conféra un tel honneur à unobjet

inanimé,quelleschosesrévélera-t-elleàl’âmedel’amoureux!3120 ÉtantdonnéqueleProphètefitdesmottesdeterredelaKa’balaQibla,

toi,ômonâme,soiscommelapoussièredessaintsdanstaguerrecontrelachair.Ensuite,ilsdirentàlaservante:«Neveux-tupasnousdiretespropres

sentimentsausujetdetoutcela?« Pourquoi l’as-tu si rapidement jetée dans le feu à son ordre ? Je

supposequ’ilconnaissaitlessecrets(delaserviette),«Mais toi,maîtresse,pourquoias-tu jetéuneservietteaussiprécieuse

danslefeu?»Ellerépondit:«J’aiconfiancedanslesgénéreux:jenedésespèrepas

deleurmagnanimité.« Qu’est-ce qu’un morceau de tissu ? S’il m’ordonnait d’aller sans

regretdansl’essencemêmedufeu,«Moi,àcausedemaparfaiteconfianceenlui,jem’yjetterais:j’aiun

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grandespoirenceuxquisontconsacrésàDieu.«Jem’yjetteraismoi-même,etpasseulementcetteserviette,àcausede

maconfianceentoutêtregénéreuxquiconnaîtlemystère.»Ômonfrère,bénéficiedecetélixir:lafoid’unhommenedoitpasêtre

moindrequecelled’unefemme.Lecœurd’unhommequiestmoindrequeceluid’unefemmeestsans

valeur.

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HistoireduProphète(surluilapaix)venantenaideàunecaravaned’Arabesquiétaienttombésdans

degrandesdifficultésàcausedelasoifetdumanqued’eauetenvisageaientlamort;les

chameauxetleshommestiraientlalangue(d’épuisement)

3130 anscedésert,ilyavaitunecompagnied’Arabes:leursoutresétaientdevenuessèchesparmanquedepluie.Une caravane au sein du désert dans la pire détresse — ils se

préparaientàlamort.Soudain, celui qui secourt les deux mondes, Mustafâ (Mohammad),

apparutdanslecheminpourlesaider.Il vit là une très grande caravane sur le sable brûlant, partie pour un

voyageduretterrible,Les chameaux à la languependante, les hommesgisant partout sur le

sable.Ileutpitiéd’euxetdit:«Ecoutez,quequelques-unsdevoscamarades

s’enaillentaussitôtetcourentverscesduneslà-bas,«Carunnègreàdosdechameauvaveniravecuneoutred’eauqu’il

apporteentoutehâteàsonmaître.« Amenez-moi ce chamelier noir avec le chameau, par force, s’il le

faut.»Cesémissairess’approchèrentdesdunes;auboutdepeudetemps,ils

virentqu’ilenétaitbienainsi:Unesclavenoirvenait avecunchameau, l’outrepleined’eau,comme

unporteurdeprésents.3140 Alors,ilsluidirent:«L’orgueildel’humanité,lameilleuredes

créatures,t’inviteàterendredanscettedirection.»Il dit : « Je ne le connais pas : qui est-il ? »On lui dit : «C’est cet

hommesidoux,dontlevisageestcommelalune.»IlsluidécrivirentlesdiversesqualitésexistantchezleProphète;ildit:

«Ilsemblequecesoitcepoète(sorcier)«Quiasoumisdesmultitudesparsamagie:jeneferaipasunedemi-

coudéeverslui.»

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Enletirantlelongduchemin,ilsl’amenèrentlà-bas:ilpoussauncridefureuretdesinjures.Lorsqu’ils l’eurent conduit devant cet homme vénérable, le Prophète

dit:«Buvezl’eauetemportez-en.»Il satisfit la soif de tous avec cette outre ; les chameaux et chaque

personneburentdecetteeau.A partir de l’outre du nègre, il remplit grandes et petites outres : de

jalousie,lesnuagesdanslecielétaienttroublés.Vit-onjamaisunetellechose:quel’ardeurbrûlantedetantd’Enfers(de

soif)soitrafraîchieparuneseuleoutre?Vit-onjamaisquetoutescesoutrespuissentêtrerempliesparuneseule

outre,sansdifficulté?3150 L’outreelle-mêmeétaitunvoile,etenréalité,àl’ordreduProphète,les

vaguesdelagénérositédivineleurarrivaientdelaMeroriginelle.« L’eau, en bouillant, est transformée en air ; et cet air, par le froid,

devientdel’eau.»Non;sanscauseetau-delàdecesmaximesdescience(naturelle),l’acte

(divin)d’ameneràl’existenceproduisitl’eauàpartirdelanon-existence.Étantdonnéquetuasobservélescausessecondesdepuistonenfance,

parignorance,tut’esbornéàcettecause.Attachéauxcauses,tuoubliesleCausateur:c’estpourquoitut’inclines

verscesvoiles.Quandtouteslescauses(secondes)aurontdisparu,tutefrapperaslatête

encriant:«ÔnotreSeigneur!ÔnotreSeigneur!»LeSeigneurdira:«Occupe-toidelacause(seconde)!T’es-tusouvenu

deMonœuvre?Oh!merveille!»Lui (qui croyait aux causes secondes) dit : « Désormais, je Te

contempleraitotalement;jeneconsidéreraipaslacauseetcetteerreur.»Dieu lui répondra : « Ton cas est décrit dans le verset S’ils étaient

ramenéssurla terre, ilsreviendraient(àcequi leurétait interdit)92.»ôtoiquiesfaibledanslerepentiretlavassalité.Mais Je ne ferai pas attention à cela, Je te témoignerai de la

miséricorde:Mamiséricordeestabondante,Jelacontinuerai.3160 Jeneconsidéreraipastonmanquedefidélité,parbienveillance,Je

t’octroieraileprésentàcetinstantmême,puisqueTum’implores.Les gens de la caravane étaient stupéfaits de l’action duProphète. Ils

s’écriaient:«ÔMohammad,ôtoiquiaslanaturedelaMer,qu’estcela?«Tuasfaitd’unepetiteoutreunvoile:tuascomplètementdésaltéréles

ArabesetlesKurdes.»

Page 932: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentleProphèteremplitmiraculeusementl’outredel’esclave

avecdel’eauvenueduMondeinvisible,etrenditblanclevisage

decetesclavenoir,parlapermissionduDieuTrès-Haut

sclave,voistonoutrepleined’eau,afinquetunepuissesriendiredemauvaisenteplaignant.»Lenègrefutstupéfaitdevant lemiraclemanifesteduProphète :safoi

apparaissaitd’au-delàdel’espace.Ilvitqu’unefontaines’étaitmiseàsedéverserdel’airdecemonde-là

etquesonoutreétaitdevenueunvoilepoursonjaillissement.Lesvoilesaussifurentdéchirésparsavision,desortequ’ilcontempla

distinctementlafontainedel’invisible.Là-dessus,lesyeuxdel’esclaveseremplirentdelarmes:iloubliason

maîtreetsademeure.La force luimanquapour repartir :Dieu jetaunpuissant troubledans

sonâme.Alors, à nouveau, le Prophète le fit revenir pour son bien, disant :

«Reviensàtoi;retourne,ôtoiàquiilseraprofitabled’agirainsi!3170 «Cen’estpaslemomentdel’émerveillement:l’émerveillementest

devanttoi;àprésent,contente-toid’avancersurtoncheminrapidementetvivement.»L’esclaveposalesmainsdeMustafâ(Mohammad)sursonvisageetles

couvritdetendresbaisers.Alors,Mustafâfrottasamainbéniesurlevisagedel’esclaveetlerendit

heureux.CeNoir d’Abyssinie devint blanc comme la pleine lune, et sa nuit se

transformaenunjourradieux.IldevintunJoseph,enbeautéetencoquetterie;leProphèteluidit:«A

présent,retournecheztoietracontecequit’estarrivé.»Ilmarchait,inconscient,enivré:ilnedistinguaitpas,enmarchant,son

pieddesamain.Puis,duvoisinagedelacaravane,ilarrivaensehâtantverssonmaître,

avecdeuxoutresrempliesd’eau.

Page 933: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentlemaîtrevitsonesclavedevenublancetnelereconnutpas;ildit:«Tuastuémon

esclave:tonmeurtrefadémasqué,etDieufajetédansmesmains.»

e maître l’aperçut de loin et resta stupéfait : d’étonnement, ilconvoqualesgensduvillage.« Ceci, dit-il, estmon outre etmon chameau : où donc est allémon

esclaveauvisagenoir?« Cet homme qui vient de loin est comme une pleine lune : le

rayonnementdesafacel’emportesurlalumièredujour.3180 «Oùestmonesclave?Peut-êtrea-t-ilperdusonchemin,ouunloupFa

attaquéetilaététué.»Lorsqu’ilarrivadevantsonmaître,celui-ciluidit:«Quies-tu?Es-tu

originaireduYémen,ouTurc?«Dis-moi,qu’as-tufaitàmonesclave?Dislavérité!Situl’astué,dis-

le!Necherchepasuneéchappatoire.»Il répondit : « Si je l’ai tué, comment suis-je venu à toi ? Comment

serais-jevenu,demonpropregré,danscerisquemortel?»(Ildemandaànouveau:)«Oùestmonesclave?»L’esclavedit:«En

vérité,c’estmoi:lagrâcedeDieum’arenduresplendissant.»«Eh,quedis-tu?Oùestmonesclave?Ecoute,tunem’échapperaspas,

saufenmedisantlavérité.»L’esclavedit:«Jevaisteracontertoutcequis’estpasséensecretentre

toietcetesclave;«Jevaisrapportercequis’estpasséentrenousdepuis le tempsoùtu

m’asachetéjusqu’àmaintenant,«Afin que tu puisses savoir que je suis lemêmedansmon existence

(spirituelle),bienqu’uneauroresesoitlevéedemoncorpscouleurdenuit.«La couleur a changé ;mais l’esprit pur est libéré de la couleur, des

quatreélémentsetdelapoussière.»3190 Ceuxquiconnaissentlecorpsseulbientôtnousperdent;maisceuxqui

s’abreuventdel’eau(spirituelle)abandonnentl’outre(corporelle)etl’aiguière.Ceuxquiconnaissentl’espritsontlibérésdesnombres:ilssontplongés

danslaMerquiestsansqualiténiquantité.

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Deviensesprit,etconnais l’espritaumoyendel’esprit :deviensl’amidelavision,nonl’enfantdelaratiocination.Étantdonnéquel’Angeestdemêmeoriginequel’intelligence,etqu’ils

nesontdevenusdeuxformesdifférentesqu’envertudelaSagessedivine—L’Angeacquitdesailesetsemitàvolercommeunoiseau, tandisque

cette Intelligence renonça aux ailes et se revêtit de splendeur(immatérielle)—Nécessairement, tous deux sont devenus associés ; ces deux beautés

devinrentunappuil’unepourl’autre.L’Ange, comme l’Intelligence, estundécouvreurdeDieu ; chacunde

cesdeuxestunaideetunadorateurd’Adam.LaChair(nafs)etleDémonétaientaussiessentiellementunaudébut,et

ontétéennemisetenvieuxd’Adam.CeluiquiconsidéraitAdamcommeuncorpss’enfuitloindelui,tandis

queceluiqui levoyaitcommelaLumière immuableseprosternadevantlui.Ces deux (l’Ange et l’intelligence) furent rendus clairvoyants par cet

Adam, tandisque lesyeuxde cesdeuxautres (laChair et leDiable)nevirentquedel’argile.

3200 Cediscoursestmaintenantdevenuimpossibleàsuivre,étantdonnéqu’onnepeutexpliquerl’Evangileauxjuifs.Comment peut-on parler de ’Omar aux shi’ites* ? Comment peut-on

jouerduluthdevantlessourds?Maissiquelqu’unsetrouvedansuncoinduvillage,letumultequej’ai

crééestsuffisant.Pourceluiqui estdigned’entendre l’exposé, lespierreset lesbriques

deviennentunorateurcompétent.

*Les shi’ites sontopposésà ’Omar,deuxièmekhalifede l’islam,parcequ’ilsconsidèrentqu’ilausurpélaplacede’Alî.

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Expliquantque,toutcequeleDieuTrès-Hautaoctroyéetcréé—

lescieuxetlesterresetlessubstancesetlesaccidents—Illesacréésenraisondubesoin,etquel’ondoitavoirbesoind’unechosepourqu’Ilpuissel’octroyer;car

N’est-cepasLuiquiexaucelemalheureuxquiL’invoque?93.Ladétresseestlapreuvequel’onestdigne(delabienveillancedivine)

’est lamisèreet la souffrancedeMariequi firentqu’un telbébé(Jésus)semitàparlerdanssonberceau94.Unepartied’elle-mêmeparlapourellesanselle:chaquepartiedetoi-

mêmeauneparolesecrète.Tesmains et tes pieds deviennent des témoins contre toi, ô esclave ;

combiendetempstelivreras-tu,piedsetpoings,àlanégation?Et si tu n’es pas digne d’entendre l’exposé et le discours, l’âme

rationnelledel’orateurs’enestaperçueets’abstint.Toutcequiapoussél’afaitpourceuxquisontdanslebesoin,afinque

lechercheurpuissetrouverlachosequ’ilcherche.Si leDieuTrès-Haut a créé lesdeux, Il les a crééspour subvenir aux

besoins.3210 Partoutoùsetrouveunesouffrance,leremèdes’ydirige;partoutoù

existelapauvreté,lesecoursyva.Partoutoùilyaunequestiondifficile,laréponseyparvient;partoutoù

setrouveunnavire,l’eauluiarrive.Necherchepasl’eau,maisdeviensassoiffé,pourquel’eaupuissejaillir

d’enhautetd’enbas.Avant que naisse le bébé à la gorge délicate, comment le lait

commencerait-ilàcoulerpourluiduseindesamère?Vacourirdanscesvalléesetsurcescollines,afindedevenirassoifféet

victimedelachaleur!Aprèsavoirentendulebruitdutonnerre,tuentendraslebruitdel’eau

duruisseau,ôroi!Tonbesoinn’estpasmoindrequeceluidesplantessèches:tuprendsde

Page 936: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

l’eauettul’amènesauprèsd’elles;Tu te saisis de l’eau et tu l’apportes aux récoltes desséchées pour

qu’ellessoientrafraîchies.Pourlesmoissonsspirituelles,dontlesessencessontcachées,lenuage

delamiséricorde(divine)estpleindel’eaudeKawthar*.Afin que les paroles leur Seigneur les abreuvera95 puissent t’être

adressées,aiesoif!Dieuconnaîtmieuxledroitchemin.

*SourceduParadis.

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CommentlafemmeincroyantevintchezMohammad(surluilapaix)avecunnourrisson,etcommentil

parla,commeJésus,desmiraclesduProphète(Dieulebénisseetle

sauve!)

3220 nefemmedumêmevillage,l’unedesincroyantes,courutversleProphètepourlemettreàl’épreuve.EllevintauprèsduProphète,recouverted’unvoile;elleavaitdansles

brasunbébédedeuxmois.L’enfant dit : « Dieu te donne la paix, ô Messager d’Allah ! Nous

sommesvenusàtoi.»Samèreluiditaveccolère:«Hé!tais-toi!Quiamiscetémoignage

danstonoreille?« Qui t’a enseigné cela, ô petit enfant, de sorte que ta langue est

devenueéloquentedanstapetiteenfance?»Ilrépondit :«Dieumel’aappris,puisGabriel : jesuis l’interprètede

Gabrieldanscettedéclaration.»Elledit:«OùestGabriel?»Ilrépondit:«Au-dessusdetatête;nele

vois-tupas?Lèvelesyeux.«Gabrielsetientau-dessusdetoi:pourmoi,ilestdevenuunguidede

centmanièresdifférentes.»Elledit:«Levois-tu?»«Oui,répondit-il,jelevoisbrillantau-dessus

detoicommeunepleineluneparfaite.« Il m’enseigne les qualités du Prophète etme délivre, aumoyen de

cettesublimité,deladégradation.»3230 AlorsleProphèteditaubébé:«Ônourrisson,quelesttonnom?Dis-

le-moietsatisfaismademande.»«Abdu’l-Aziz (serviteur duTout-Puissant), dit l’enfant, estmon nom

auprèsdeDieu;mais’Abd-iUzza(serviteurdeladéesseUzza)aveccettepoignéederéprouvés.«JesuispuretlibreetdélivrédeUzza,jelejureparlavéritédeCelui

quit’aaccordécettequalitédeprophète.»L’enfant de deux mois, lumineux comme la pleine lune, prononça le

discoursd’unadulte,commeceuxquioccupentlaplaced’honneur.AlorsàcetinstantarrivadubaumeduParadis,desortequelamèreet

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l’enfantenrespirèrentleparfum.Tous deux disaient : « De peur de tomber de cet état, mieux vaut

soumettresonâmeauparfumdecebaume.»QuantàceluiqueDieu louedeconnaissance, les choses inaniméeset

vivantesprononcentcentexpressionsdefoienLui.QuantàceluiqueDieuprotège, lesoiseauxetlespoissonsdeviennent

sesgardiens.

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Commentunaigles’emparad’unechaussureduProphète(surluilapaix),l’emportadanslesairsetlaretourna,etcommentunserpent

noirtombadelachaussure

lsétaientoccupésainsi,quandMustafâ(Mohammad)entenditd’enhautl’appelàlaprièrerituelle.Ildemandadel’eauetrenouvelasesablutions:ilselavalesmainsetle

visageaveccetteeaufroide.3240 IIselavalespiedsetallaitprendresachaussure:unvoleurdesouliers

s’ensaisit.Cet homme au caractère si doux tendit lamain vers son soulier : un

aigles’enemparadesamain,Etl’emportadanslesairs,aussirapidequelevent:puisilleretournaet

unserpententomba.De la chaussure tombaun serpent noir : en raisonde cette sollicitude

(divine)pourleProphète,l’aigledevintsonamibienfaisant.Puisl’aiglerapportalesoulieretdit:«Viens,prends-leetvaprier.« J’ai effectué cet acte présomptueux par nécessité : je suis rendu

honteuxparmonrespectpourtoi.« Malheur à celui qui agit présomptueusement sans nécessité parce

qu’unvaindésirl’yautorise!»Alors,leProphèteremercial’aigleetdit:«J’avaisconsidéré(tonacte)

commedel’insolence,maisenréalitéc’étaitdelabienveillance.«Tuasemportélesoulier,etj’étaisennuyé:tuasenlevémonsouci,et

jesuisdevenuaffligé,«BienqueDieum’aitmontréchaquechoseinvisible,àcemomentmon

cœurétaitoccupédemoi-même.»3250 L’aiglerépondit:«Net’imaginepasquel’oublisesoitproduitentoi:

sij’aivucettechoseinvisible,c’estpartonreflet.«Simoi,dansl’air,jevoisleserpentdanslachaussure,cen’estpasde

moi-même,c’esttonreflet,ôMustafâ.»Lerefletdel’hommedelumièreesttotalementresplendissant;lereflet

del’hommedeténèbren’estqu’obscurité.Le reflet du serviteur deDieu est entièrement lumineux ; le reflet de

celuiquiestétrangeràDieuesttotalementcécité.

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Connaislerefletdechacun:vois-leclairement,ômonâme.Puisrestetoujoursaveclecongénèrequetudésires.

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Lafaçonjustedetireruneleçondecettehistoireetdesavoiravec

certitudeque,envérité,lebonheurestprochedumalheur*

ette histoire est une leçon pour toi, ô mon âme, afin que tu tesoumettesauxdécretsdivins,De sorte que tu comprendras rapidement et que tu auras de bonnes

penséesausujetdeDieuquandtuverrasunecalamitét’arriversoudain.Tandisqued’autrespâlissentdepeur,turiras,àl’heuredugainoudela

perte,commelarose,Parcequelarose,mêmesituluiarrachespétaleaprèspétale,necesse

d’êtrerianteetnedevientpascourbée(depeine).«Pourquoi,dit-elle, serais-jeaffligéeàcaused’uneépine?Envérité,

j’aiacquismonrireaumoyendel’épine.»3260 Quoiquecesoitqui,parladestinée,devientperdupourtoi,soissûrque

celat’asauvédelapeine.On demanda : « Qu’est-ce que le soufisme ? » Le sheikh répondit :

«Eprouverdelajoiedanslecœurlorsquevientlechagrin.»ConsidèreSonchâtimentcommel’aiglequiemportalachaussuredecet

hommeparfait(leProphète),Afin de sauver son pied de la morsure du serpent. Oh, heureuse la

compréhensionquin’estpasobscurcie!Dieu a dit : « Ne soyez pas désespérés en perdant ce qui vous

échappe96»sileloupvientetdétruittesmoutons,Car ce malheur détourne de grands malheurs, et cette perte empêche

d’énormespertes.

*Qor’ân,XCIV,5-6.

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CommentuncertainhommedemandaàMoïsedeluienseigner

lelangagedesanimauxetdesoiseaux

n jeune homme dit à Moïse : « Apprends-moi le langage desanimaux,«Pourquepeut-être,delavoixdesanimauxetbêtessauvages,jepuisse

acquériruneleçonconcernantmareligion.« Étant donné que les langages des fils d’Adam sont entièrement

destinésàobtenirdel’eau,dupain,etunerenommée,« Il se peut que les animaux aient un souci différent, c’est-à-dire, de

penseràl’heuredequittercemonde.»3270 «Va-t’en,ditMoïse,renonceàcevaindésir,carilimpliquedegrands

dangersdevantetderrière.«Recherchel’enseignementetl’éveilspiritueldeDieu,nondelivreset

deparoles,demotsetdelèvres.»L’homme devint plus avide en raison du refus deMoïse : un homme

devienttoujoursavidequandonluirefusecequ’ildésire.Ildit:«ÔMoïse,depuisquetalumièreabrillé,toutechoseaacquisde

toiquelquechose.« Ce n’est pas digne de ta bienveillance, ô homme généreux, de me

désappointerausujetdecetobjetdemondésir.« Actuellement, tu es le représentant de Dieu ; ce sera pour moi un

désespoirsitumerefuses.»Moïse dit : «Ô Seigneur, sûrement leDémonmaudit a subjugué cet

hommesimple.«Sijel’instruis,celaluiseranuisible;etsijenel’instruispas,ilperdra

cœur.»Dieu dit : « Instruis-le, ôMoïse, carNous, dansNotre bienveillance,

Nousn’avonsjamaisrejetélaprièredequiconque.»Moïse dit : «ÔSeigneur, il va éprouver du repentir et semordre les

mainsetdéchirerseshabits.3280 «Lepouvoirneconvientpasàtoutlemonde:lafaiblesseestcequiest

lemeilleurpourlesdévots.»Pourcetteraison,lapauvretéestunegloireéternelle,étantdonnéquela

mainquinepeutatteindrelesobjetsdesondésirresteavecseulementla

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craintedeDieu.LesrichessesetlesgensrichessontrejetésparDieu,parcequeceuxqui

détiennentunpouvoirrenoncentàlarésignation.La faiblesse et la pauvreté sont une sécurité pour l’homme contre les

dangersdel’âmecharnelleavideetinquiète.Cette inquiétude naît des vains désirs auxquels cet homme qui est

devenulaproiedelagouleesthabitué.Lemangeurd’argileéprouvedudésirpourl’argile:lesucreparfuméà

laroseestindigestepourcemalheureuxhomme.

Page 944: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentlaRévélationvintdeDieu—leTrès-Haut—àMoïse

qu’ildevaitluienseignerlachosequ’ildemandait,ouunepartie

ieudit:«Accorde-luicequ’ilveut:qu’ilaitlesmainslibrespourchoisir.»La liberté de choix est ce qui confère de la valeur à la dévotion ;

autrement (il n’y aurait pas de mérite) : cette sphère céleste tourneinvolontairement;Donc,sarévolutionnecomportenirécompensenipunition,carlelibre

arbitreestconsidérécommeunmériteleJourduJugement.Tous les êtres créés, envérité,glorifientDieu,mais cetteglorification

obligatoiren’acquiertpasderécompense.3290 Metsunsabredanssamain,tire-ledesafaiblesse,afinqu’ilpuisse

devenirsoitunsaintguerrier,soitunbrigand.Car:«Nousavonsennoblilesfilsd’Adam97parledondulibrearbitre:

ilestpourmoitiéuneabeille,etpourmoitiéunserpent.»Les vrais croyants sont une ruche de miel, comme l’abeille, les

infidèles,envérité,sontuneréservedepoison,commeleserpent,Parce que le vrai croyant s’est nourri d’herbes choisies, de sorte que,

commel’abeille,sasaliveestdevenueunmoyendedonnerlavie;Tandisque l’impieabude l’eau sale : enconséquence,dupoisonest

apparuenluienraisondesanourriture.CeuxquisontinspirésparDieusontlasourcedelavie;ceuxquisont

fascinésparlescharmesdelasensualitésontunpoisondemort.Danslemonde,cetélogeet«Bienfait!»et«Bravo!»sontoctroyésà

causedulibrearbitreetdelavigilancedel’attention.Touslesdébauchés,quandilssontenprison,deviennentdesdévots,des

ascètesetdessuppliantsdeDieu.Quand le pouvoir d’agir librement n’existe pas, l’action devient

dépourvue de valeur. Prends garde que le Destin ne s’empare de toncapital!Lepouvoird’agirlibrementesttoncapitalquitefaitgagnerduprofit.

Guettelemomentdecepouvoiretobserve-lebien!3300 L’hommechevauchelecoursierdeNousavonsennobli(lesfils

d’Adam):lesrênesdelalibertésontdanslamaindesonintelligence.

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Anouveau,Moïsel’admonestaavecbienveillance,disant :«Lachosequetudésiresferapâlirtaface,«RenonceàcettepassionvaineetcrainsDieu:leDémont’asubjugué

afindetetromper.»

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Commentcechercheursecontentad’apprendrelelangagedesvolailles

domestiquesetdeschiens,etcommentMoïse(surluilapaix)

satisfitàsademande

ldit:«Entoutcas,apprends-moilelangageduchienquiestàlaporteetlelangagedesvolaillesdomestiquesquiontdesailes»«Ecoute,ditMoïse,tusaismieux!Va,lasatisfactiondetondésirest

arrivée:lelangagedecesdeuxteserarévélé.»Au point du jour, afin d’en faire l’épreuve, il se tint en attente sur le

seuil.Laservantesecoualanappe,etunboutdepain,restantdurepasdela

veilleausoir,tombaparterre.Uncoq l’attrapacommesi c’était l’enjeud’unecourse.Lechiendit :

«Tuascommisuneinjusticeenversmoi.Va-t’en!« Tu peuxmanger un grain de blé, tandis que je ne peuxmanger de

grainsdansmademeure.«Tupeuxmangerdubléetdel’orgeetlerestedesgrains,tandisqueje

nelepuis,ôtoiquiteréjouis!3310 «Cettecroûtedepain,lepainquiestnotreration,tuenlèvesauxchiens

unesipetitequantitédenourriture!»

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Laréponseducoqauchien

lorsIeeoqluidie:«Tais-toi,net’affligepas,carDieutedonneraquelquechosed’autreàlaplacedecela.«Lechevaldecehodjâestsurlepointdemourir:demain,mangetout

toncontentetnet’affligepas.«Lamortduchevalseraunjourdefêtepourleschiens:ilyauradela

nourritureenabondance,sanslabeurnipeinepourlagagner.»Quandl’hommeentenditcesparoles,ilvenditlecheval.Cecoqperdit

lafaceauxyeuxduchien.Le lendemain, le coq s’empara du pain de la même façon

(qu’auparavant)etlechienluidit:«Ôcoqtrompeur,combiendetempsvas-tudiretouscesmensonges?

Tuestyranniqueetfauxetmenteur.«Où est le cheval dont tu avais annoncé lamort ?Tu es pareil à un

hommeaveuglequiparledesétoiles,ettuesdénuédevérité.»Cecoqsagacerépondit:«Sonchevalestmortailleurs,« Il a vendu le cheval et échappé à la perte : il a rejeté la perte sur

d’autres.3320 «Maisdemainsamulevamourir:ceseraunebonnefortunepourles

chiens,doncnedisplusrien.»L’homme cupide vendit immédiatement la mule et en cet instant fut

délivréduchagrinetdelaperte.Letroisièmejour,lechienditaucoq:«Ôprincedesmenteursavectes

tamboursettestambourins!»Lecoqdit:«Ilavendulamuleentoutehâte,mais,dit-il,demainson

esclavemourra;«Etquandsonesclavemourra,sesprochesdistribuerontdesmorceaux

depainauxchiensetauxmendiants.»Lemaîtreentenditcelaetvenditsonesclave:ilfutsauvédelaperteet

sonvisages’illuminadejoie.Il rendit grâces et se réjouissait, disant : « J’ai été préservé de trois

calamitésencemonde.«Depuisquej’aiapprislelangagedelavolailleetduchien,j’aicrevé

lemauvaisœil.»Lelendemain,lechiendésappointédit:«Ôcoqtrompeur,oùsontles

choses(quetum’avaisannoncées)?

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« Combien de temps, dis-moi, combien de temps ta fausseté et tatromperiecontinueront-elles?Envérité,seulelafaussetévolehorsdetonnid.»

3330 IIdit:«Loindemoietdemespareilsquenoussoyonsaffligésdefausseté!«Nouslescoqssommesaussivéridiquesquelemuezzin:noussommes

desobservateursdusoleilaussibienquedeschercheursdel’heurejuste.« Nous sommes intérieurement des guetteurs du soleil, bien qu’on

puissenousenfermerdansl’obscurité.»LesguetteursduSoleil(delaRéalité)sontlessaints:ilssontaucourant

desmystèresdivinsmêmedansleurcorps.«Dieuaaccordéànotrefamillecommedonpourl’hommed’appelerà

laprièrerituelleetàlapréparationdecelle-ci.« Si une erreur est commise par nous en appelant à la prière à une

mauvaiseheure,ceseralacausequel’onnoustue.«Direàuneheureinexacte:“Venezàlafélicité*’’rendranotresang

sarisvaleur,etleverserseralicite.»C’est seulement lecoqspirituel, l’Amede l’inspirationdivine,quiest

préservéeparDieuoupurifiéedel’erreur.L’esclave du maître mourut dans la maison de son acheteur : ce fut

entièrementlapertedel’acheteur.Lehodjâsauvasonargent,maisversasonpropresang.Comprendsbien

cela!3340 Uneperteauraitévitéplusieurspertes:noscorpsetnotreargentsontla

rançondenosâmes.Enprésencedesrois,aumomentoùilsprescriventunchâtiment,vous

offrezdel’argentetrachetezvotrevie.Commentdoncêtes-vousdevenus,dans lecasde ladestinée (divine),

pareilsàunrustre—refusantvotreargentauJuge(suprême)?

*Faitpartiedel’appelàlaprièrerituelle.

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Commentlecoqpréditlamortduhodjâ

ais demain, il va certainementmourir : sonhéritier, en célébrantsondeuil,vaégorgerunbœuf.«Lepropriétairedelamaisonmourraetquitteracemonde:envérité,

demaintuaurasunegrandequantitédenourriture.«Lesnotablesetlepeuplerecevrontdesmorceauxdepainetdebons

repasetdesviandesdanstoutlequartier.«Laviandedubœufsacrifiéetdesgalettesdepainserontrapidement

distribuéesauxchiensetauxmendiants.»Lamortduchevaletdelamuleetcelledel’esclaveétaientdestinéesà

détournerlemalheurdecethommestupide.Iléchappaàlapertedelarichesseetduchagrincauséparcetteperte:il

augmentasafortune,maisversasonpropresang.Ces austérités des derviches, à quoi servent-elles ?C’est que la peine

infligéeaucorpsestenréalitélavieéternelledesesprits.3350 Amoinsqu’unpèlerin(mystique)obtiennelavieéternelledesonmoi

(spirituel),commentferait-ildesoncorpsunechosefaibleetpérissable?Comments’adonnerait-ilàdesactesd’altruismeetdedévotion,àmoins

devoirlesalutdesonâmeenéchangedecequ’ildonne?Celuiquidonnesansattendreaucungain—celui-làestDieu,estDieu,

estDieu,Ou l’ami de Dieu qui a atteint la nature de Dieu et qui est devenu

lumineuxetareçulerayonnementabsolu;CarIIestriche,tandisquetous,exceptéDieu,sontpauvres:comment

unpauvrehommepourrait-ildire«Prends»sanscompensation?Jusqu’à ce qu’un enfant voie que la pomme est là, il ne donnera pas

l’oignonpourriqu’iltientdanssamain.Touscesgensdumarché,danscedessein,sontassissurdesbancsdans

lesboutiquesdansl’espoirderecevoirunecompensation.Ils offrent cent bellesmarchandises, et dans leur cœur, ils ne pensent

qu’àrecevoirquelquechoseenéchange.ÔhommedelaReligion,tun’entendraspasunseulsalamdontlebut

neserapasdetetirerparlamanche(pourtedemanderquelquechose).Jen’aijamaisentendudequiconqueunsalamdésintéressé,ômonfrère

—quelapaixsoitavectoi!—

Page 950: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

3360 ExceptélesalamdeDieu.Viens,recherchecesalamdemaisonenmaison,deplaceenplaceetderueenrue.Delabouchedel’hommequipossèdeunebonneintuition(deschoses

spirituelles),j’aientenduàlafoislemessageetlesalamdeDieu.Etdansl’espoirdecesalam,j’écouteavecmoncœurlessalamsdetous

lesautres,commes’ilsétaientplusdouxquelavie.Lesalam du saint est devenu le salam deDieu, parce qu’il amis en

dangertoutcequ’ilpossédait.Ilestmortàlui-mêmeetdevenuvivantparleSeigneur:c’estpourquoi

lesmystèresdeDieusontsurseslèvres.Lamortducorpsparladisciplinedesoiestlavie:lessouffrancesdu

corpssontdel’éternitédel’esprit.Ceméchanthommeavaitprêtél’oreille:ilentendaitducoqlanouvelle

desamort.

Page 951: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentcettepersonnecourutversMoïsesollicitersaprotectionquandilentenditducoql’annonce

desamort

uandilentenditcesparoles,ilsemitàcourirentoutehâte:ilserenditàlaportedeMoïse,avecquiDieuconversait.Il frottait son visage dans la poussière, disant : « Sauve-moi de cette

fatalité,ôKalîm!»Moïserépondit:«Vatevendretoi-mêmeàprésent,etéchappeàcela!

Puisquetuesdevenuhabile(àéviterlespertes),sautehorsdupuits(delamort).

3370 «Rejettelapertesurlesmusulmans!Rendstesboursesettesbesacesdeuxfoisplusremplies!« J’ai aperçudansunebrique cette destinée, qui pour toi est devenue

visibledanslemiroir.« L’homme intelligent voit avec son cœur le but dans le

commencement ; celui qui manque de connaissance ne le voit qu’à lafin.»Une fois de plus, l’homme se lamenta, disant : « Ô toi qui as un

caractèresublime,nemefrappepassurlatête,nemefaispasrougir.«Cepéchéestvenudemoiparcequej’étais indigne: toi,accordeun

pardonàmonactionindigne.»Moïsedit :«Une flècheaété tiréepar l’archer,mongarçon,cen’est

pasl’habitudequ’ellerevienneàsonorigine;«MaisjesupplierailamiséricordedeDieuquetupuissesmourirdans

lafoiaumomentoùtuquitterascemonde.«Quandtumeursdanslafoi,tuesvivant;quandtuparsaveclafoi,tu

duresàjamais.»Au même instant, le hodjâ se sentit indisposé, de telle sorte qu’il

ressentitdesmauxdecœuretl’onapportaunbassin.Cesontlesdouleursdelamort,nondel’indigestion:àquoiteservirait-

ildevomir,ôinfortuné?3380 Quatrepersonnesl’emportèrentdanssamaison:sajambesecrispait

contresajambe98;Situn’écoutespasleconseild’unMoïseettémoignesdel’irrespect,tu

tejettescontreuneépéed’acier.

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L’épéen’éprouvepasdehonteàprendretavie:c’esttaproprefaute,ômonfrère,taproprefaute!

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CommentMoïsepriapourcettepersonne,demandantqu’ellepuisse

quittercemondedanslafoi

l’aube,Moïsecommençasapnère,disant:ÔDieu,neluienlèvepaslaFoi,nelaluiretirepas!«Agisdefaçonroyale,pardonne-lui,carils’estégaréets’estcomporté

avecimpudenceetapéchégravement.« Je lui avais dit : “Cette connaissance ne te convient pas” ; mais il

considéramesparolescommevainespourlerefusdesondésir,«Celui-làposesesmainssurledragon,celui-làseuldontlamainafait

dubâtonundragon.«Apprendre le secret de l’invisiblene convient qu’à celui-là seul qui

peutfermerseslèvresets’abstenirdeparler.« Seul le gibier d’eau convient à lamer. Comprends cela— etDieu

connaîtmieuxlebonchemin.« Lui (l’homme obstiné) alla dans la mer, et il n’était pas un gibier

d’eau:ils’estnoyé.Prendssamain,ôMiséricordieux!»

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CommentDieuleTrès-HautexauçalaprièredeMoïse(surluilapaix)

3390 ieudit:«Oui,JeluiaccordelaFoiet,situledésires,Jeleramèneraiàlavieencetinstant.«Envérité,Jerendrailavieencemomentàtouslesmortsdelaterre

pourtoi.»Moïsedit:«Ceciestlemondedelamort:élève-lesàcetautremonde,

carc’estunlieuresplendissant.«Étantdonnéquecettedemeuredelamortalitén’estpaslemondede

l’Existence,leretouràcequiestimpermanentn’estpasungrandgain.«Accorde-leur Tamiséricorde déjàmaintenant dans le lieu secret de

tousensembleilscomparaîtront99devantNous.»(J’airacontécettehistoire)pourquevoussachiezquelaperteducorps

etdelarichesseestungainpourl’espritetledélivredumalheur.Acquiersdoncl’ascèsedetoutetonâme:tusauverastonâmequandtu

aurasconsacrétoncorpsauservicedeDieu.Et si cetteascèse tevient sans librechoixde tapart, courbe la têteet

rendsgrâces,ôhommefortuné!Puisque Dieu t’a donné cette ascèse, rends grâces : Il t’a attiré par

l’ordre«Sois!».

Page 955: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Histoiredelafemmedontlesenfantsnevivaientjamais

longtemps,etcomment,quandelleseplaignitàDieu,laréponsevint:«Celaestaulieudel’ascèse(quetunepratiquespas)etremplacela

guerresaintedeceuxquis’yadonnent.»

ettefemmeavaitcoutumed’avoirunfilschaqueannée,maisilnevivaitjamaisplusdesixmois.

3400 Auboutdetroisouquatremois,ilmourait.Lafemmeselamenta,s’écriant:«Hélas,ôDieu,«Pendantneufmois,j’aiportécefardeau,etpendanttroismoisj’aieu

delajoie:monbonheurestpluséphémèrequel’arc-en-ciel.»Cette femme, en raison de la terrible souffrance qu’elle éprouvait, se

plaignaitainsidevantleshommesdeDieu.De cette façon, vingt de ses enfants allèrent dans la tombe : une

calamitétombaitrapidementsurleursvies,Jusqu’à ce qu’une nuit, il lui futmontré un jardin éternel, verdoyant,

délicieuxetremplidepaix.J’aiappelé laBonté inconditionnéeun jardin,étantdonnéquec’est la

sourcedetouteslesgénérositésetl’assembléedetouslesjardins.Autrement, c’est ce que l’œil n’a jamais contemplé : comment parler

d’un jardin ? Cependant,Dieu a appelé la Lumière de l’invisible « unelampe».Ce n’est pas une comparaison, c’est unemétaphore, utilisée pour que

celuiquiestdésorientépuissesaisiruneffluvedelaréalité.Enrésumé,lafemmevitcelaetdevintenivrée:àcetterévélation,cette

faiblecréaturetombaenextase.Ellevitsonnomécritaufrontond’unpalais:ellequiétaitcroyantesut

quecepalaisluiappartenait.3410 Aprèsquoi,onluidit:«Cettelibéralitéestpourceluiquis’estsacrifié

avecsincérité.«Ondoitavoirservifidèlement(Dieu)pourpartageruntelbanquet.« C’est pourquoi, comme tu négligeais de chercher refuge en Dieu,

Dieut’ainfligécesmalheursaulieudecela.»

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« Ô Seigneur, s’écria-t-elle, inflige-moi de telles peines pendant centansetplus!Versemonsang,jeT’enprie!»Quandelleavançadanscejardin,ellevitlàtoussesenfants.Elle dit : « Ils étaient perdus pourmoi,mais ils n’étaient pas perdus

pour Toi. » Si l’on ne possède pas la vision de l’invisible, personne nedevientvoyantcommel’hommeparfait.Tun’aspasperdudesangparlasaignée,c’estpourquoiletrop-pleinde

sangacoulédetonnez,afinquetaviepuisseéchapperàlafièvre.Lenoyaudechaquefruitvautmieuxquesonécorce;considèrelecorps

commel’écorce,etl’espritcommelenoyau.Après tout, l’homme possède un noble noyau ; recherche-le si tu es

inspiréparlesouffle(divin).

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CommentHamza(queDieusoitsatisfaitdelui)allaaucombatsans

cottedemailles

haque fois qu’à la fin de sa vie Hamza allait sur le champ debataille, il entrait dans la mêlée, comme un homme ivre, sans cotte demailles.

3420 Avançantlapoitrinedécouverteetlecorpsnu,ilsejetaitdanslesrangsdesporteursd’épées.Lesgensl’interrogeaient:«ÔoncleduProphète,ôLionquibrisesles

rangsdesennemis,ôprincedeschampions,«N’as-tupasludansleMessagedeDieu:Nevousexposezpas,devos

propresmains,àlaperdition100?«Alors,pourquoidonctejettes-tudansladestructionsurlechampde

bataille?«Quand tuétais jeune,et robusteetbiencharpenté, tun’allaispasau

combatsanscottedemailles.«Aprésentque tuesdevenuvieux, infirmeetcourbé, tu frappesà la

portedel’imprudence,«Etsansépéenilance,commeceluiquin’apeurderien,tutebatsettu

temetstoi-mêmeàl’épreuve.«Lesabren’apasderespectpourlesvieillards:commentlesabreetla

flècheauraient-ilsdudiscernement?»Decettemanière,lesamisignorantsluiapportaientdesconseilspleins

dezèle.

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LaréponsedeHamzaauxgens

amzadit:«Quandj’étaisjeune,jeconsidéraisl’adieuàcemondecommelamort.

3430 «Commentquiconquepeut-ilalleràlamortavecdésir?Commentviendrait-ildésarméàlarencontredudragon?«Maisàprésent,grâceàlaLumièredeMohammad,jenesuisplusle

sujetdecettecitépérissable.« Au-delà des sens, je contemple le camp du Roi divin rempli de

l’arméedelaLumièredeDieu,«Tentesurtente,etcordagesurcordage.GrâcessoientrenduesàCelui

quim’aéveillédelatorpeur!»Celuiauxyeuxdequilamortestladestruction—ils’attacheàl’ordre

divin:Nevousexposezpas,devospropresmains,àlaperdition,Etceluipourquilamortestl’ouverturedelaporte—pourlui,dansle

Discoursdivin(leQor’ân),est l’ordre :«Hâtez-vous (vers lepardondevotreSeigneur)101.»Prenezgarde,ôvousquicontemplez lamort !Surpassez-vous lesuns

lesautres(dansl’absencedecraintedelamort)!Hâtez-vous,ôvousquicontemplezlaRésurrection!Bienvenue à vous qui considérez la grâce divine ! Réjouissez-vous !

Malheuràvous,ôvousquiconsidérezlecourrouxdivin!Soyezaffligés!Celui qui considère lamort comme aussi belle que Joseph donne son

âme en rançon pour elle ; quiconque la considère comme le loup sedétournedelavoiedroite.Lamortdechacunestdelamêmequalitéquelui-même,monfils;pour

l’ennemideDieu,elleestunennemi,etpourSonami,unami.3440 AuxyeuxduTurc,lemiroiraunecouleurclaire:demême,auxyeux

del’hommenoir,lemiroirestsombrecommeunNoir.Ta peur de la mort en la fuyant est en réalité la peur de toi-même.

Prendsgarde,ômonâme!C’est ton propre laid visage, non le visage de laMort : ton esprit est

commel’arbre,etlamortcommelefeuillage.Ilapousséde toi,qu’ilsoitbonoumauvais :chacunedetespensées,

belleoulaide,estnéedetoi.Situesblesséparuneépine,c’esttoiquiassemé;etsituesvêtude

satinetdesoie,c’esttoiquiasfilé.

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Sachequel’acten’estpasdemêmenaturequelarétribution:leservicen’estnullementdemêmenaturequelepaiementquiluiestdonné.Lesalairede l’ouvrierneressemblepasàson travail,étantdonnéque

l’unestl’accident,tandisquel’autreestlasubstanceetestpermanent.Le travail consiste entièrement en difficulté, en effort et en fatigue,

tandisquelesalaireconsisteenargent,enoretenplateauxdenourriture.Si une accusation est portée contre toi par quelqu’un, la raison en est

quelapersonneàquituavaisfaitdutortainvoquéDieucontretoidanssonaffliction.Tudis:«Jesuisinnocent;jen’aiaccusépersonne.»

3450 Non,maistuascommisuneautresortedepéché;tuassemélagraine:commentlagraineressemblerait-elleaufruit?Un homme s’est rendu coupable de fornication, et le châtiment était

centcoupsdebâton.«Quand,dit-il,ai-jejamaisfrappéquelqu’unavecdubois?»Cettepeinen’était-ellepas lapunitionde la fornication?Comment le

bâtonressemblerait-ilàunactecommisensecret?Comment le serpent ressemblerait-il au bâton, ô Kalîm (Moïse) ?

Commentlasouffranceressemblerait-elleauremède,ôdocteur?Quandtoi,aulieudejeterlebâton,tuasfécondélafemme,tasemence

estdevenueunbelêtrehumain.Cette semence est devenue pour toi un ami ou un serpent : pourquoi

donccetétonnementdetapartausujetdubâtondeMoïse?Est-cequelasemenceressembletantsoitpeuàl’enfant?Est-cequela

canneàsucreressembletantsoitpeuausucrecandi?Quandunhommeaseméuneprosternationouuneinclinaisondansla

prière,dansl’autremonde,cetteprosternationdevientleParadis.Quand la louangedeDieu s’est envoléede sabouche, le Seigneurde

l’aurore102lafaçonneenunoiseaudeParadis.Talouangeettaglorificationneressemblentpasàl’oiseau,bienquela

semencede1’oiseaunesoitquesouffleetair.3460 Lorsquelalibéralitéetlesaumônesproviennentdetamain,cetacte

devientdansl’au-delàdespalmiersetdefraisherbages.Cette eau de ta patience est devenue une rivière dans le Paradis ; ton

amourettonaffection(pourDieu)sontunfleuvedelaitauParadis.Ledélicedeladévotionestdevenuunerivièredemiel:considèreton

enivrementettanostalgiecommeunfleuvedevin.Ces causes ne ressemblaient pas à leurs effets : nul ne sait comment

Dieuaplacél’effetaulieudelacause.

Page 960: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Puisquecescausesobéissaientàtonordre,lesquatrefleuvesduParadist’ontdemêmetémoignéleurobéissance.Tu les fais coulerdans ladirectionque tuveux : commecettequalité

étaitencemonde,delamêmemanièretufaisquesoneffetsoit(enl’autremonde).Par exemple, ta semencequi est à tes ordres— laprogéniturequi en

vientestprêteàobéiràtesordres.Tonjeunefilssehâtepourt’obéir,disant :«Jesuiscettepartiedetoi

quetuasdéposée(dansleseindemamère).»Cettequalitéobéissaitàtonordreencemonde:demême,dansl’autre,

lesrivièrescoulentselontonordre.Ces arbres (duParadis) t’obéissent, parce qu’ils ont porté des fruits à

causedetesbonnesqualités.3470 Puisquecesqualitésobéissentàtonordreici,demêmetarécompense

estàtesordreslà-bas.Quanddescoupsfurentfrappéspartamainsurlavictimedel’injustice,

ilsdevinrentunarbreenEnfer—leZaqqum103enestsorti.Quand, par colère, tu as jeté du feu dans les cœurs, tu es devenu

l’originedufeudel’Enfer.Puisqueici-bastonfeubrûlaitdeshommes,cequiennaquitbrûlades

hommesenEnfer.Lefeudetacolèreattaquelesgensici:lefeuquienasurgiseprécipite

surlesgenslà-bas.Tes paroles semblables à des serpents et des scorpions sont devenues

desserpentsetdesscorpionsett’attaquentpar-derrière.TuasfaitattendrelesamisdeDieu:aussi,onteferaattendrelorsdela

Résurrection.Tapromesse:«Demain»et«Après-demain»estdevenuetonattente

auJourduRassemblement:hélaspourtoi!Tu resterasà attendre,durant cette longue journée, en rendant compte

detesactions,etentetenantdanscesoleilconsumantl’âme,Parce que tu avais coutume de faire attendre le Ciel et de semer la

grainede:«J’iraisurlaVoiedemain.»3480 Tacolèreestlasemencedufeuinfernal:prendsgarde,éteinscetEnfer

quiestletien,carc’estunpiège.L’extinctiondecefeunepeutêtreeffectuéequeparlaLumière:«Ta

lumièreaéteintnotrefeu,noussommeslesreconnaissants.»SituesdépourvudelaLumièreetaccomplisunactedeclémence,c’est

unmal:lefeudetacolèreestencorevivantetcachédanslesbraises.

Page 961: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Prendsgarde!Cetteclémenceestpureostentationetdéguisementdelavérité:rienn’éteindralefeudelacolère,sauflaLumièredelaReligion.NesoispasensécuritéavantdecontemplerlaLumièredelaReligion,

carlefeucachédeviendraunjourmanifeste.ConsidèrequelaLumièreestdel’eau,etattache-toiàcetteeau:quand

tupossèdesl’eau,tun’aspasàcraindrelefeu.L’eau éteindra le feu, parce que le feu, par sa nature, brûle la

progénitureetlesenfantsdel’eau.Va, pour un temps, auprès de ce gibier d’eau, pour qu’ils puissent te

conduireàl’EaudelaVie.L’oiseau terrestreet legibierd’eauont lamêmeapparenceextérieure,

maisenréalité,ilssontopposés:ilssontcommel’eauetl’huile.Chacun d’eux est attaché à sa propre origine : prends soin (de les

distinguer):ilsseressemblent,3490 Demêmequelasuggestion(satanique)etl’inspirationdivinedeNe

suis-jepas(votreSeigneur)104sontintelligibles,etcependantilyaunegrandedifférenceentreelles.Ces intermédiairesdans lemarchéde laConsciencevantent tousdeux

leursmarchandises,ôprince.Si tu es un changeur d’argent spirituel, qui reconnaît la pensée,

distingue la véritable nature des deux pensées qui ressemblent à desmarchandsd’esclaveshâbleurs.Etsi,d’aprèstapropreopinion,tunedistinguespascesdeuxpensées,

dis:«Pasdetromperie!»etnetehâtepasetnet’avancepas.

Page 962: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Lesmoyensd’éviterd’êtretrompésdanslaventeetl’achat

n certain ami dit au Prophète : « Je suis toujours dupé dans lecommerce.«Latromperiedechacunquivendouachèteestcommeunemagiequi

m’égare.»Le Prophète dit : «Quand tu crains d’être dupé dans une transaction

commerciale,stipulequetuaurastroisjourspourfairetonchoix.« Car la délibération vient assurément du Miséricordieux ; ta hâte

provientduDémonmaudit.»Quandtujettesunmorceaudepainàunchien,d’abordillesent,puisil

mange,ôhommeprudent.Ilsentavecsonnez;nousaussi,quisommesdouésdesagesse,sentons

avecuneintelligencepurifiée.3500 Laterreetlessphèrescélestesfurentamenéesàl’existenceparDieu

avecunedélibérations’étendantsursixjours.Autrement, Ilétaitcapable—«Sois,etcelaest105»—decréercent

terresetcieux.Petit à petit, jusqu’à l’âgedequarante ans, ceSouverain fait de l’être

humainunhommecomplet,Bienqu’ilsoitcapableenunseulinstantdetirercinquantepersonnesde

lanon-existence.Jésus,aumoyend’uneseuleprière,pouvaitrendrelemortàlavie,sans

aucundélai;Le Créateur de Jésus est-il incapable d’amener à l’existence des

hommes,sanscesse,l’unaprèsl’autre?Cettedélibérationapourbutdevousenseignerquevousdevezchercher

Dieulentementetsansarrêt.Unpetitruisseauquisemeutcontinuellementnedevientpassouilléni

nauséabond.Decettedélibérationnaissentlafélicitéetlajoie:cettedélibérationest

l’œuf,labonnefortuneestcommel’oiseau.Commentl’oiseauressemblerait-ilàl’œuf,ôhommeobstiné,bienqu’il

soitproduitparl’œuf?3510 Attendsjusqu’àcequetesmembres,commelesœufs,donnent

naissanceàdesoiseauxàlafin(àlaRésurrection).

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Bienquel’œufduserpentressembleàl’œufdumoineauenapparence,ladistanceentreeuxestgrande.Ouencore,bienquelepépinducoingressembleaupépindelapomme,

reconnaislesdifférences,ômoncher!Lesfeuillessontdemêmecouleur,maistouslesfruitssontdediverses

sortes.Lesfeuilles,c’est-à-direlescorps,sontanalogues,maischaqueâmevit

d’unefaçondifférente.Danslebazarlesgenscirculent,toussemblables,maisl’unestjoyeux

etl’autreattristé.Ilenvademêmedanslamort:nousallonstouspareils,maislamoitié

d’entre nous sont des perdants, et l’autre moitié heureux comme desempereurs.

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CommentBilal(queDieusoitsatisfaitdelui!)mourut

danslajoie

uandBilal,defaiblesse,devintmincecommelanouvellelune,lacouleurdelamorttombasursonvisage.Safemmelevitencetétatets’écria :«Ôchagrin!»AlorsBilal lui

dit:«Non,non!Dis:“Ôjoie!”« Jusqu’à présent, j’ai été dans la peine à cause du fait de vivre :

comment saurais-tu combien lamort est délicieuse, et ce qu’elle est enréalité?»

3520 IIparlaitainsi,etencemêmeinstantsonvisageétaitflorissantcommedesnarcisses,despétalesderoses,derougesanémones.L’éclatdesonvisageetdesesyeuxrayonnantsattestaitlavéritédeses

paroles.Tous ceux qui avaient un cœur noir le regardaient comme noir (par

mépris);maispourquoilapupilledel’œilest-ellenoire?L’homme spirituellement aveugle a le visage noir, mais l’homme qui

possèdel’œilintérieurestlemiroirdelaLune(Dieu).Quidanscemonde,envérité,voitlapupilledevotreœilintérieur,sauf

l’hommeàlavueperçante?Puisquenul,exceptélevoyant,nel’acontemplée,quidonc,sauflui,est

parvenuàconnaîtresacouleur?C’estpourquoitous,sauflevoyant,s’entiennentàcequ’ilsdécouvrent

parcettepupilledel’œil.L’épouse deBilal lui dit : «C’est la séparation, ô homme si bon ! »

«Non,non,dit-il,c’estl’union,l’unionavecDieu.»Lafemmedit:«Cesoir,tuirasdansunpaysétranger,tuserasabsent

detafamilleetdetaparenté.»«Non,non, répondit-il ;bienaucontraire,cesoirenvéritéd’unpays

étrangermonespritreviendrachezlui.»3530 Elledit:«Oùverrons-noustonvisage?»Ilrépondit:«Danslecercle

desélusdeDieu.»Son cercle choisi est tout près de vous, si vous regardez vers le haut,

nonverslebas.Danscecercle,laLumièreduSeigneurdeschosescrééesbrillecomme

lechatondanslecercled’unebague.

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«Hélas,dit-elle,cettemaisonestruinée.»«Regardelalune,ditil,neregardepaslenuage.« Il l’a ruinée afin de la rendre plus florissante : ma parenté était

nombreuseetlamaisontroppetite.»

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Laraisondeladestructionducorpsparlamort

adis, comme Adam, j’étais prisonnier du chagrin ; à présent,l’Orientetl’Occidentsontremplisdelaprogénituredemonesprit.J’étaisunmendiantdansunemaisonpareilleàundonjon,àprésentje

suisdevenuunroi:ilfautauroiunpalais.Envérité,lespalaissontlelieuoùlesroisseréjouissentpourceluiqui

estmort;unetombeestunemaison,unedemeuresuffisante.Aux prophètes, cemonde semblait exigu : tels des rois, ils s’en sont

allésau-delàdel’espace.Aceluiquiestmortcemondeparaissaitsplendideenapparence;ilest

vaste,maisenréalitéilestétroit.3540 S’iln’étaitpasétroit,pourquoicettelamentation?Pourquoichacunest-

ildevenucourbéàforced’yvivre?Lorsque durant le sommeil, l’esprit est libéré, voyez comment il se

réjouitd’êtrelà-bas.L’hommeméchant est alors délivré de laméchanceté de sa nature, le

prisonniers’évadedelaconsciencedesonemprisonnement.Cette terre et ce ciel si vastes deviennent extrêmement exigus au

momentdesecoucher.Lemonde est un bandeau sur les yeux : vaste en apparence,mais en

réalitéextrêmementexigu;sonrireestfaitdelarmes,sagloiren’estquehonte.

Page 967: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Comparaisondecemonde,vasteenapparence,maisexiguenréalité(àunhammam),etcomparaisondel’autremondeausommeil,qui

libèredecetteexiguïté

emondeestsemblableàunhammamquiesttrèschaud,desortequetuesgênéetquetonâmeesttroublée.

Bienque lehammamsoit largeet long, tonâmeestgênéeet fatiguéeparlachaleur.Toncœurnesedilatepasavantquetunesortes:àquoidonctesertque

lasallesoitspacieuse?Ouencore,c’estcommesituportaisdessouliersétroits,ôégaré,etque

tuaillesdansunvastedésert.La grandeur du désert devient resserrée, ce désert et cette plaine

deviennentpourtoiuneprison.3550 Quiconquet’aperçoitdeloindit:«Ilestflorissantcommeunefraîche

tulipedanscedésert.»Ilnesaitpasquetoi,commelesméchants,tutetrouvesextérieurement

dansuneroseraie,alorsquetonâmeselamente.Ton sommeil consiste à retirer ces souliers, car alors ton âme est

pendantquelquetempslibéréeducorps.Pourlessaints,ôlecteur,lesommeilestunroyaume,commecelefut

pourlesCompagnonsdelaCaverneencemonde106.Ils rêvent, mais il n’y a pas là de sommeil : ils vont dans la

nonexistence,etiln’yapaslàdeporte.Le corps est une étroitemaison, et l’âme à l’intérieur est ankylosée :

Dieul’adétruitafindeconstruireunpalaisroyal.Jesuisankylosécommel’embryondanslamatrice,jesuisarrivéàl’âge

deneufmois:cettemigrationestdevenueurgente.Amoinsquelesdouleursdel’enfantementnes’emparentdemamère,

(queferai-je?)danscetteprison?Jesuisdanslefeu.

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Mamère,c’est-à-diremanature(moncorps),parsesdouleursd’agoniedonnenaissance(à l’esprit),afinque l’agneau(l’esprit)puisseêtreretirédelabrebis;Afinque l’agneaupuissepaîtredans lesvertspâturages.Viens, ouvre

tonsein,carcetagneauestdevenugrand.3560 Silesdouleursdel’enfantementsontpéniblespourlafemmeenceinte,

c’estpourl’embryonl’ouverturedesaprison.Lafemmeenceintepleurelorsdel’accouchement,disant :«Oùest le

refuge?»Maisl’embryonrit,disant:«Ladélivranceestvenue.»Quelles que soient les mères qui se trouvent sous le ciel, minéral,

animalouvégétal,Elles sont ignorantes, toutes, de la souffrance des autres, sauf les

personnesdouéesdediscernementetparfaites.Comment l’homme stupide connaîtrait-il de sa propremaison ce que

l’hommeintelligentconnaîtdesdemeuresd’autrui?Ceque lemystiqueconnaîtde tacondition, tune leconnaispasde ta

proprecondition.

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Expliquantquetoutcequereprésententlanégligence,l’inquiétude,l’indolenceet

l’obscurité,toutcelaprovientducorps,lequelappartientàlaterreet

aumondeinférieur

a négligence provient du corps : quand le corps est devenuesprit,ilcontemplesansnuldoutelesmystères.Quand la terre est retirée de l’atmosphère céleste, il n’y a ni nuit, ni

ombre,nicoucherdesoleil.Làoùexistentl’ombre,lanuit,ouunlieuobscur,celaestcauséparla

terre,nonparlescieuxoulalune.Demême,c’estdufeudesbrindillesquenaîttoujourslafumée,nondes

feuxresplendissants.3570 L’imaginationtombedansl’erreuretlafaute,l’intelligencenes’occupe

qu’àdesactesdevéritableperception.Chaque état de lourdeur et d’indolence, en vérité, provient du corps ;

l’esprit,enraisondesasubtilité,esttoujoursdansl’envol.Levisageestrougeàcausedel’excèsdesang;ilestjauneàcausede

l’actiondelabilejaune.Levisageestblancpar lepouvoirduphlegme;c’estpar labilenoire

quelafaceestrenduesombre.Enréalité,Dieuestlecréateurdeseffets,maisceuxquis’intéressentà

l’écorce(lesformalistes)nevoientquelacauseseconde.Le noyau (l’intellect) qui n’est pas séparé de la coque n’a pas la

possibilitéd’échapperaumédecinetàlamaladie.Maisquandunfilsde l’hommeestnédeuxfois, ilpose lepiedsur la

têtedetouteslescauses.La Cause première n’est pas sa religion ; la cause seconde n’a pas

d’hostilitéàsonégard.Il vole, comme le soleil, dans l’horizon spirituel avec son épousée, la

sincérité;etlaformematérielleestpourluicommeunvoile.Au-delàdeshorizonsetdescieux,ilestsanslieu,commelesespritset

lesintelligences.3580 Nosintellectssontsesreflets:ilstombent,tellesdesombres,àses

pieds.

Page 970: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Chaquefoisquelemujtahid(juriste)connaîtuntextedeloi,encecasilnepenserapasàutiliserl’analogie;Maisdanslecasoùilnetrouvepasdetexteformel,alorsilemploiera

unexempletirédel’analogie.

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ComparaisonentreleTexteformel(qoranique)etl’analogie

ache de façon certaine que le Texte (qoranique) est laRévélationde l’Esprit saint,etque l’analogieeffectuéepar l’intelligenceindividuelleluiestsubordonnée.L’intellect est doté de compréhension et d’illumination par l’Esprit :

commentl’Espritdeviendrait-ilsoumisàsasupervision?Mais l’Esprit faitune impressionsur l’intellect,et,enconséquencede

cetteimpression,l’intellectexerceunecertainedomination.Si l’Esprit a affirmé croire en toi, comme enNoé, où sont laMer et

l’ArcheetleDélugedeNoé?L’intelligence considère que l’impression est l’Esprit,mais la lumière

dusoleilestbienloind’êtreleglobedusoleil.Donc,unpèlerin(surlaVoiemystique)sesatisfaitd’unegalettedepain

(qurs),afinqueparsalumièreilpuisseêtredirigéversl’orbedivin(Qurs),Parcequecettelumièred’enbasn’estpasdurable:elledisparaîtchaque

jour,3590 Tandisqueceluiquiasademeureetsonséjourdansl’Orbedivinest

continuellementimmergédanslaLumière.Le nuage ne l’égare pas, ni le coucher du soleil : il est délivré de la

séparationquibriselecœur.L’origined’unetellepersonneétaitlescieux,ou,s’ilétaitdelaterre,il

aététransmué,Parce qu’une créature de la terre ne peut supporter que les rayons du

Soleillafrappentéternellement.Si le rayonnement du soleil frappe continuellement la terre, elle sera

brûléedetellesortequ’elleneporteraaucunfruit.Lepoissonatoujoursàfaireavecl’eau:commentunserpentaurait-ille

pouvoird’accompagnerlepoisson?Mais dans la montagne se trouvent des serpents habiles qui

accomplissentlesactionsdespoissonsdanscetteMer.Bienqueleursrusesrendentlesgensfous,cependantleuraversionpour

laMerrévèlecequ’ilssont.Et dans cette Mer se trouvent des poissons habiles, qui par magie

transformentlesserpentsenpoissons—Les poissons de la plus grande profondeur de la mer de la Majesté

Page 972: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

divine;laMerleuraenseignéunemagielicite.3600 C’estpourquoi,àcausedeleurillumination,cequiétaitabsurdeest

devenuunfait;celuiquiavaitunemauvaiseétoiles’estrendulàetestdevenudebonaugure.Mêmesijeparlaisàcesujetjusqu’àlaRésurrection,centRésurrections

passeraient,etcediscoursseraitencoreincomplet.

Page 973: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Lesrèglesàobserverparlesauditeursetlesdisciplesen

écoutantlesparolesdesagesseémanantdusheikh

our ceuxqui sont las, il s’agit seulementde répétition,mais àmesyeux,c’estl’apportd’unevierenouvelée.Lachandellebrûleplushautpardesflammesrépétées,laterredevient

del’or,grâceàunechaleurrépétée.S’ilyadesmilliersdechercheursdelaconnaissance,etqu’unseulsoit

lassé,leMessagers’abstiendradedélivrersonmessage.CesMessagers de l’Esprit caché qui révèlent lesmystères ont besoin

d’unauditeurayantlanatured’Isrâfîl.Ilsontunefiertéetunorgueilcommeceluidesrois:ilsexigentqueles

gensdecemondeleurrendentdesservices.Avant d’avoir accompli les devoirs qui leur sont dus, comment

profiterez-vousdeleurmessage?Comment vous délivreront-ils ce dépôt avant que vous vous soyez

courbésendeuxdevanteux?Comment toute attention serait-elle admise par eux ?— car ils sont

venusduPalaissublime.3610 Cenesontpasdesmendiants,qu’ilsdoiventt’êtrereconnaissants,ô

imposteur,pourchaqueservice.Mais, ô toi qui es la conscience la plus intime de Dieu, malgré leur

manque de désir (d’entendre tonmessage), répands la charité du Sultandivin:nelarefusepas!ÔMessagercéleste,nefaispasattentionauxtièdesetlaissetoncheval

bondirenavant!BénisoitleTurcomanquilaissedecôtélesdiscussionsetdontlecheval

galopedanslefossédefeu—Qui échauffe son cheval à tel point (dans la course) qu’il cherche à

monterjusqu’auzénithduciel;Quiafermésesyeuxàtoutautre(queDieu)etestdénuédejalousie;

qui,commelefeu,aconsuméàlafoislesecetl’humide.Silerepentirletrouveenfaute,ilmetlefeuaurepentir.En vérité, le repentir ne surgit pas de la non-existence, quand il voit

l’ardeurdeceluidontlaprésenceapportelebonheur.

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Commentchaqueanimalconnaîtl’odeurdesonennemietprenddesprécautions.Lafolieetlaperditiondeceluiquiestl’ennemidecetUn

contrequilaprécautionestimpossible,lafuiteestimpossible,

etlarésistanceestimpossible

e cheval, bien qu’il soit un animal, connaît le rugissement etl’odeurdulion,saufendetrèsraresoccasions.Envérité,chaqueanimalconnaîtsonpropreennemiparlessignesetles

marques.3620 Lapetitechauve-sourisn’osepasvolerpendantlejour:ellesortlanuit,

commelesvoleurs,etseprocuresanourriture.L’hommesemblable à la chauve-souris fut plusdamnéque les autres,

carilétaitl’ennemidusoleilmanifesté.Ilnepeutêtreblesséencombattantcontrelesoleil,ninepeutlechasser

enlemaudissant.Le soleil qui se détourne à cause de la fureur et de la violence de la

chauve-souris,C’estlàuneextrêmebienveillanceetperfectiondesapart;autrement,

commentlachauve-sourispourrait-elles’opposeràlui?Si tu prends un ennemi, prends-le selon ta capacité, afin qu’il te soit

possibled’enfairetonprisonnier.Siquelqu’undesemblableàunegoutted’eauveutlutteravecl’océan,il

eststupide:ilsebatcontrelui-même.Sarusenevapasplusloinquelui-même:commentpénétrait-elledans

lavoûtedelalune?Cediscoursétaitunreprocheadresséàl’ennemidusoleil,ôennemidu

Soleildusoleil.ÔennemiduSoleildevant lagloiredequi tremblentSonsoleiletSes

étoiles,3630 Tun’espasSonennemi,tuestonpropreadversaire:qu’importeauFeu

quetusoisdevenudesfagots?Oh!merveille!Subira-t-Ilune imperfectionàcausede tabrûlure,ou

deviendra-t-Ilpleindechagrinpourlasouffrancequetecauselabrûlure?Samiséricorden’estpaslamiséricorded’Adam,carlechagrinestmêlé

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àlamiséricorded’Adam.Lamiséricordedelacréatureestanxieuse:lamiséricordedeDieuest

exemptedepeineetd’anxiété.SachequelamiséricordeduDieuinconditionnéestainsi,ômonami:

seull’effetquiendécouleestconcevablepournous.

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Ladifférenceentreconnaîtreunechoseparcomparaisonet

convention,etconnaîtrelaréalitédecettechose

es effets et les fruits de Sa miséricorde sont manifestes, maiscommentunautrequeLuiconnaîtrait-ilsonessence?NulneconnaîtlesréalitésdesattributsdelaPerfectiondivine,saufpar

leurseffetsetaumoyendecomparaisons.L’enfant ne connaît pas ce qu’est le rapport sexuel, sauf que vous lui

dites:«C’estcommeunesucreriepourtoi.»Commentl’essenceduplaisirdesrelationssexuellesserait-ellecomme

celledessucreries,ômonmaître?Mais,étantdonnéquetuesinfantile,cethommeintelligentt’aprésenté

uneanalogieconcernantsasuavité,3640 Afinquel’enfantpuisseleconnaîtreparcomparaison,quoiqu’ilne

connaissepasl’essencedelachose.C’estpourquoi,situdis:«Jesais»,cen’estpasloin(delavérité);et

situdis:«Jenesaispas»,cen’estpasunmensongeetuneerreur.Siquelqu’untedit :«Connais-tuNoé,l’envoyédeDieuetlalumière

del’esprit?»Etsituréponds:«Commentneleconnaîtrais-jepas?CarcetteLune

estpluscélèbrequelesoleiletlalune:«Lespetitsenfantsàl’école,ettouslesimâmsdanslesmosquées«RécitentsonnomdistinctementdansleQor’ânetracontentclairement

sonhistoiredupassé»;Toi,ôhommevéridique, tu leconnaisgrâceà ladescription,bienque

l’essencedeNoénet’aitpasétérévélée.Et si tu réponds : «Comment connaîtrais-jeNoé ? Seul celui qui est

semblableàluipeutleconnaître,ôjeunehomme.« Je suis une fourmi boiteuse. Comment connaîtrais-je l’éléphant ?

Commentunmoucheronconnaîtrait-ilIsrâfîl?»Cetteparole,elleaussi,estvraie,encequiconcernelefaitquetunele

connaispasdanssaréalité,ôUntel.3650 ÊtreincapabledepercevoirI’essenceestlaconditionducommundes

gens:neledispasd’unefaçonabsolue,Étant donné que les essences et leur secret le plus profond sont

Page 977: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

clairementvisiblesauxyeuxdesParfaits.Qu’existe-t-ildepluséloignéde la compréhensionetde laperception

mentalequelaconscienceetl’essencedeDieu?Puisque cela ne reste pas caché à ceux qui Lui sont proches, quelle

essenceouquelattributdemeureraientcachés?L’intellectduthéologienscolastiquedit:«Ceciestloindelaraisonet

profondément enfoncé dans l’erreur : n’écoute pas une absurdité sansquelqueexplication.»LeQutb(Pôle)répond:«Pourtoi,ôêtreinfirme,cequiestau-delàde

tonétatspirituelsembleabsurde.»Lesvisionsquitesontàprésentrévélées,n’est-ilpasexactqu’audébut

ellestesemblaientabsurdes?ÉtantdonnéquelaBontédivinet’alibérédedixprisons,nefaispasdu

désertuneprisonétouffantepourtoi-même.

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Commentlanégationetl’affirmationd’uneseuleetmêmechosepeuventêtrecombinéesetconciliéesdupointdevuedela

relativitéetdeladifférenced’aspect

lestpossibledenieretd’affirmerlamêmechose:quandlepointdevueestdifférent,larelationestdouble.LeversetTun’aspas lancéquand tu lançais107 est relatif : c’est une

négationetuneaffirmation;toutesdeuxsontautorisées.3660 Tuaslancécelaparcequec’étaitdanstamain;tunel’aspaslancé,

parcequeDieuamanifestéSapuissance.Laforced’unfilsd’Adamaunelimite:commentunepoignéedeterre

(unhomme)deviendrait-ellelacausedeladérouted’unearmée?«Lamainesttamain,etlefaitdelancerprovientdeMoi»:enraison

de ces deux relations, la négation et l’affirmation de cette action sonttoutesdeuxexactes.Lesprophètessontconnusde leursennemis,demêmeque lesenfants

(desennemis)sontconnusdeleursparents.Les incroyants les connaissent (les prophètes) comme ils connaissent

leursenfantsparcentindicationsetcentsignes,Mais,parjalousieetenvie,ilscachentleurconnaissanceets’attachentà

répéter:«Jenesaispas.»Alors,puisqueDieuadit:«Il(l’incroyant)sait108»,commenta-t-Ildit

ailleurs : «Nulne les connaît, saufMoi,donccessez (de chercher à lesconnaître);«Envérité,ilssontcachéssousMestentes.»Personnenelesconnaît

parexpérience,saufDieu.Considèreaussicomme(explicable)aumoyendelamiseenrelationce

dont il a été question plus haut, à savoir que vous connaissez et neconnaissezpasNoé.

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Laquestiondufanâetdubaqâduderviche

’orateurdit:«Iln’yapasdedervichedanslemonde;ets’ilyaderviche,cederviche,enréalité,estnonexistant.»

3670 IIexisteencequiconcernelasurviedesonessence,maissesattributssontdevenusnonexistantsdanslesattributsdeDieu.Comme la flamme d’une chandelle en présence du soleil, il est non

existant,bienqu’ilexisteselonunraisonnementformel.L’essencedelaflammeestexistante,detellesorteque,sil’onposedu

cotonsurelle,celui-ciseraconsuméparlesétincelles.Mais elle est, en réalité, non existante : elle ne vous donne pas de

lumière:lesoleill’auraannihilée.Quandonajetéuneoncedevinaigredansdeuxcentsmaunddesucre,

etqu’ils’yesttrouvédissous,Legoûtduvinaigre,quandongoûte(lemélange),estnonexistant,bien

quel’onceexisteentantquesurplusquandonpèse.En présence d’un lion, une gazelle devient privée de sens : son

existenceàelledevientunsimplevoilepoursonexistenceàlui.Cesanalogiesesquisséespardeshommesimparfaitsconcernantl’action

duSeigneursontcommel’émotiondel’amour,ellesnesontpasduesaumanquederespect.Lepoulsdel’amoureuxbatfiévreusement;ilsesitueaudacieusementà

égalitéavecleroi.Nul n’est plus irrévérencieux que lui extérieurement, nul n’est plus

respectueuxqueluiensecret.3680 Sache,ôamichoisi,quecesdeuxopposésaussi,«respectueux»et

«irrespectueux»,sontconciliésaumoyendelarelation.L’amourestdépourvuderespectquandonconsidèrel’aspectextérieur,

carprétendreàl’amourimpliquel’égalité(avecleBien-Aimé).Maisquandonregardel’aspectintérieur,oùestlaprétention?Luietsa

prétentionsontannihilésenprésencedeceSultan.Mâta Zaydun (Zayd est mort) : si Zayd est le sujet grammatical,

cependantiln’estpaslesujet,carilestmort.Iln’estlesujetqu’àl’égarddel’expressiongrammaticale,autrementil

estl’objetdel’action,etlaMortestsonmeurtrier.Quel sujet est-il, puisqu’il a étévaincuet que toutes lesqualitésd’un

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agentluiontétéretirées?

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HistoireduWakil(ministre)duSadr-iDjahân,quifutaccuséet

s’enfuitdeBoukharadepeurpoursavie;puisl’amourleforçaà

revenir;carlaquestiondelavieestdepeud’importancepourles

amoureux

Boukhara,leserviteurduSadr-iDjahânencourutlesoupçonetsecachaloindesonsadr(prince).Durantdixannéesilerradésorienté,tantôtenKhorassan,tantôtdansles

montagnes,tantôtdansledésert.Auboutdedixans,sanostalgielerenditincapabled’endurerlesjours

deséparationd’avecsonbien-aimé.Ildit:«Désormais,jenepuissupporterd’êtreséparédelui:comment

lapatiencepeut-elleremédieràl’étatd’abandondel’amoureux?3690 «Parlaséparation,cesterresdeviennentinfertilesetl’eaudevient

jaune,malodoranteetnoire;« L’air vivifiant devientmalsain et néfaste ; un feu se transforme en

cendresetpoussière.«LevergerquiressemblaitauParadisdevientlademeuredelamaladie,

avecsesfeuillesjaunes,ettombeenruine.«L’intelligence pénétrante, par la séparation d’avec ses amis, devient

commeunarcherdontl’arcestbrisé.« C’est par la séparation que l’Enfer est devenu si brûlant ; par la

séparationquelevieillardestdevenusitremblant.«Si jedevaisparlerde la séparation,quiestcommedesétincellesde

feu, jusqu’à la Résurrection, ce ne serait qu’une parcelle hors de centmilliers.« Ne souffle donc pas mot pour décrire sa brûlure : dis seulement :

“Seigneur,sauve-moi!Seigneur,sauve-moi!”« Tout ce qui te réjouit en ce monde — pense au temps où tu le

quitteras.« Nombreux sont ceux qui ont été heureux par ce qui t’a rendu

heureux:àlafin,celaleuraéchappéetestdevenucommeduvent.« Cela s’enfuira loin de toi aussi ; ne lui donne pas ton cœur. Toi,

échappe-luiavantqu’ilnet’échappe.»

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Apparitiondel’Espritsaint(Gabriel)sousformed’unhommeà

Marie,alorsqu’elleétaitdéshabilléeetfaisaitsatoilette,etcomment

ellepritrefugeenDieu

3700 vantquecequetupossèdess’évanouisse,disauxformesdesêtres,commeMarie:«JechercherefugecontretoienleMiséricordieux.»Mariedanssachambrevituneformequiaugmentaitlavie,unêtrequi

accroissaitlavie,quiravissaitlecœur.CetEspritloyalsurgitdevantelle,commelaluneetunsoleil.La beauté dévoilée se dressa hors du sol, tel le soleil apparaissant à

l’Orient.Marie semità tremblerde toussesmembres,carelleétaitdévêtueet

craignaitlemal.C’était une forme telle que, si Joseph l’avait vue clairement, il se fût

coupélamaindestupeur,commelesfemmesd’Égypte.Ilfleuritcommeunerosedevantelle,commeuneimagelevant la tête

horsducœur.Mariedevinthorsd’elle-même,etdanscetteinconscience,elles’écria:

«Jemeréfugieenlaprotectiondivine!»Carcettecréatureaucœurpuravaitcoutumedeprendresonessorvers

l’Invisible.Ellejugeaitlemondeunroyaumesanspermanence,aussisefaisait-elle

prudemmentunrempartdecettePrésencedivine,3710 Afínque,àl’heuredelamort,elleaituneforteressequel’Ennemine

pourraitattaquer.Elle ne voyait pas demeilleure forteresse que la protection deDieu :

ellechoisitsademeureprèsdecechâteau,Lorsqu’elle aperçut ces regardsamoureuxquidétruisent la raison,par

lesquelslescœursétaientcommetranspercésdeflèches—Leroietl’arméesontenchaînésparLui,lessouverainsdel’intelligence

sontrendusstupidesparLui;DescentainesdemilliersderoissontgardésenesclavageparLui;Ila

donnédescentainesdepleineslunesàlafièvredévorante(del’amour).Zohra* n’ose soufflermot ; laRaison universelle, quand elleLe voit,

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s’humilie,Quedirais-je?Ilascellémeslèvres:Safournaiseaconsumélelieude

monsouffle.«Jesuislafuméedecefeu,j’ensuislapreuve»—quesoitloindece

roileurfausseinterprétation!Envérité, il n’y a d’autre preuved’un soleil que la lumière duSoleil

sublime.Qu’est-ce que l’ombre, qu’elle puisse être une preuve pour Lui ? Il

suffitqu’ellesoitabaisséedevantLui.3720 Cettemajesté,quantàlapreuve,déclarelavérité:touteslesperceptions

sontderrièreLui,Illesdevance.Toutes les perceptions sont montées sur des ânes boiteux, Lui, Il

chevaucheleventetvolecommelaflèche.S’Il s’enfuit, nul d’entre elles ne peut rejoindre le Roi ; et si elles

s’enfuient,Illeurbarrelechemin.Touteslesperceptionssontinquiètes:c’estletempsducombat,nonde

lacoupe(deréjouissances).Une imagination vole comme un faucon, tandis qu’une autre, rapide

commelaflèche,s’ouvreunpassage.Etuneautreestcommeunnavireavecdesvoiles,etuneautreretourne

enarrièreàchaqueinstant.Lorsqu’un objet de chasse leur apparaît de loin, tous ces oiseaux (les

perceptions)augmententleurvitessed’attaque.Lorsqu’ildisparaît à lavue, ellesdeviennentperdues, telsdeshiboux,

elless’envontverschaquedésert,Attendant, avecunœil ferméetunœilouvert,que ladélicieuseproie

apparaisse.Quand elle tarde longtemps, elles disent, par lassitude : «Nous nous

demandonssic’étaituneproieréelle,ouuneimagination.»3730 Cequ’ilconvientqu’ellesfassent,c’est,pouruncourtmoment,

d’acquérirquelqueforceetvigueurenprenantdurepos.Si la nuit n’existait pas, à cause de leur cupidité, tout le monde se

consumeraitdansl’agitation.Pardésiretaviditéd’amasserdugain,chacundonneraitsoncorpspour

êtreconsumé.La nuit apparaît, comme un trésor de miséricorde, afin qu’ils soient

libérésdeleuraviditépourquelquetemps.Quandunsentimentdesécheressespirituelle t’advient,ôpèlerin,c’est

pourtonbien,nedevienspasenflammé(dedouleur)danstoncœur,

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Car dans l’état de dilatation et de délice, tu dépenses : la dépensenécessiteunrevenupréalable(pouryfaireface).Si c’était toujours la saison de l’été, la chaleur flamboyante du soleil

détruiraitlejardin,Enbrûlantdefondencomblelesold’oùpoussentsesplantes,desorte

quecellesquisontdesséchéesneredeviendraientplusjamaisfraîches.Sidécembrefaitgrisemine,cependantilestbienveillant:l’étérit,mais

ilconsume.Quand la sécheresse spirituelle t’advient, vois la dilatation qui en

proviendra;soisgai,etnelaissepaslesridesapparaîtresurtonfront.3740 Lesenfantsrient,etlessagessontamers;lechagrinvientdufoie,etla

joievientdespoumons.L’œilde l’enfant,commeceluide l’âne,est fixésur l’étable ; l’œilde

l’hommesages’attacheàcalculerlafin.L’enfant voit le riche fourrage dans l’étable, tandis que l’homme voit

quesafindernièreseralamortparlamainduboucher.Ce fourrage est amer, car le boucher l’a donné, il amis des balances

pournotrechair.Va, mange le fourrage de sagesse que Dieu nous a donné par pure

générosité.Ôhomme, tuascomprisquec’était lepain,etnon la sagesse,dont il

s’agissaitdanscequeDieut’adit:«Mangezdesesprovisions109.»La provision dans cette étape (de ton existence) est la sagesse qui ne

t’étoufferapasàlafin.Quand tu fermes cette bouche-ci, une autre bouche s’ouvre, qui se

nourritdesmystères,SitusèvrestoncorpsdulaitduDémon,tutrouveraslafélicité.Je n’ai donné de tout cela qu’une explication imparfaite, comme la

viandemalcuitedesTurcs:entends-laenentierdusagedeGhazna*.3750 Dansl’Ilâhî-nâma,cesagedel’invisible,cettegloiredeceuxqui

savent,expliquecesujet.Il dit : « Nourris-toi de chagrin, ne mange pas le pain de ceux qui

augmenteronttonchagrin,carlesagesenourritdechagrin,etl’enfantdesucre.»Ladouceurdelajoiedel’au-delàestlefruitduchagrind’ici-bas;cette

joie(terrestre)estlablessure,cechagrin(spirituel)estl’onguent.Quand tu vois le chagrin spirituel, étreins-le d’un amour passionné,

regardeDamasduhautdeRubuva**.

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Lesageaperçoitlevindansleraisin,l’amoureuxmystiquevoitl’entitédanslenon-existant.Avant-hier,lesporteurssequerellaient:«Nesoulèvepascettecharge,

laisse-moilaportercommeunlion.»Étant donné qu’ils trouvaient du profit dans cette tâche, chacun

arrachaitàl’autresacharge.Quellecomparaisonya-t-ilentrelarécompensedeDieuetcelledonnée

parlacréatureindigne?Lepremiertedonneenrécompenseuntrésor,etlasecondeunliard.Untrésord’orquidemeureavectoiquandtugisenterrésouslesableet

n’estpaslaisséenhéritage.Ilcourtdevanttoncercueiletdevienttoncompagnondanslatombeet

dansl’étatoùtoutestétrange.3760 Envuedujourdetamort,soismortàtoi-mêmeàprésent,afinde

pouvoirêtreuniàl’Amouréternel,ômoncompagnon,Atraverslevoiledelalutte,lerenoncementaperçoitlevisagepareilà

lafleurdegrenadeetlesdeuxtressesduBien-Aimé.Le chagrin est unmiroir devant celui qui lutte, car dans ce contraire

apparaîtlevisagedel’autrecontraire.Aprèscecontraire,lasouffrance,l’autrecontraire,c’est-à-direlajoieet

letriomphe,semanifeste.Observe ces deux qualités (de contraction et d’expansion) dans les

doigts de ta main ; certes, après que le poing est fermé, vient sonouverture.Si lesdoigtssontcomplètement fermésoucomplètementouverts, leur

possesseurestsemblableàunepersonneaffligée.Sontravailetsonacquisitionsontréglésparcesdeuxqualités,cesdeux

conditionssontpourluiaussiimportantesquelesailespourl’oiseau.LorsqueMariefuttoutàcouptroublée,commelespoissonssurlaterre

ferme,LemodèledelaGénérositédivineluidit:«Jesuislemessagerfidèle

duSeigneur;nemefuispas.«NetedétournepasdesélusdelaMajestédivine,net’éloignepasde

cessaintsconfidents.»3770 Pendantqu’ilparlait,unrayondepurelumièresortantdeseslèvres

montaitjusqu’àSimâk(Arcturus).«Tut’enfuisdemonexistenceversleMondeinvisible:là,jesuisRoi

etporteurd’étendard.« En vérité, ma demeure se trouve dans l’Invisible, seule ma forme

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extérieureestdevanttoi.«ÔMarie, regardebien,car jesuisuneformedifficileàpercevoir, je

suisàlafoisunenouvelleluneetuneimagedanslecœur.«Quanduneimagevientdanstoncœurets’yétablit,elledemeureavec

toioùquetut’enfuies,« Sauf cette image vaine et sans substance qui s’évanouit comme la

fausseaurore.«JesuislaLumièreduSeigneur,tellelavéritableaurore,carnullenuit

nerôdeautourdemonjour.«Prendsgarde,necriepasLâhawl*contremoi,ôfilled’Imran,carje

suisdescenduicidepuisLâhawl.«Lâhawlétaitmonorigineetmasubsistance,lalumièredeceLâhawl,

antérieureàtouteparole.«TuprendsrefugecontremoienDieu:jesuisdansl’éternitél’image

deCeluiquiestleseulrefuge.3780 «Jesuislerefugequifutsouventlasourcedetadélivrance:tu

cherchesrefugecontremoi,etjesuismoi-mêmecerefuge.«Iln’estpointdecalamitépirequel’ignorance:tuesavecl’Amietne

saiscommentluimontrertonamour.«TuconsidèrestonAmicommeunétranger:àlajoie,tuasdonnéle

nomdechagrin.»Unteldattier,quiestundondenotreAmi—puisquenoussommesdes

voleurs,cepalmierdevientpournousungibet.Untelobjetparfumé,quiestlatressedenotrePrince—puisquenous

sommesinsensés,cettetresseestnotrechaîne.Une telle grâce divine, s’écoulant comme un Nil — puisque nous

sommesdespharaons,elledevientpareilleausang.Lesangdit :« Jesuisde l’eau.Prendsgarde,neme répandspas ! Je

suisenréalitéJoseph,maistuasfaitdemoileloup,ôhommebrutal!»Nevois-tupasqu’unamipatientdevientcommeunserpentquandtului

esdevenuhostile?Sa véritable nature n’est pas changée : c’est seulement en apparence

qu’ilestdevenusimauvais.

*Vénus.*Sanâ’î,poèteetmystiquepersanduXIesiècle.**Proverbe,i.e.:«Regardeleschosesàpartirdelaréalité.»*«Jeprendsrefuge»(enDieu).

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Commentcewakil,paramour,décidaderetournerimprudemment

àBoukhara

aisse allumé le cierge deMaryam, car cet amoureux passionnés’envaàBoukhara,

3790 Extrêmementimpatient,etbrûlantd’amour.Allons,ouvronsuneparenthèsedansl’histoiredeSadr-iDjahân.Ce « Boukhara » est la source de la connaissance ; c’est pourquoi

quiconqueacetteconnaissanceestoriginairede«Boukhara».Enprésenced’unsheikh,tutetrouvesà«Boukhara»;prendsgardeà

nepasconsidérer«Boukhara»commedepeudevaleur.Saufpar tonhumilité, tunepourraspénétrerdans le«Boukhara»du

cœur du sheikh, dont l’abord est aussi difficile que celui d’une merhouleuse.Oh!heureuxceluidontl’âmecharnelleestmortifiée!Hélaspourcelui

quiestdétruitparsonopiniâtreté!Laséparationd’avecleSadr-iDjahânavaitbrisésonêtrejusqu’enses

fondements.Il dit : « Je vais me lever et retourner là-bas ; si je suis devenu un

infidèle,jevaisredevenircroyant.« Je reviendrai là-bas et je me prosternerai devant lui — devant le

bienveillantprince(sadr)deBoukhara.«Jeluidirai:“Jemeprosternedevanttoi;fais-moirevivre,oucoupe-

moilatête,commeàunmouton!“Mieuxvaut être tué etmortdevant toi, ôLune,qued’être le roides

vivantsenunautrelieu.3800 “J’enmillefoisl’épreuve:jenepuisconsidérermavie

doucesanstoi.“Chante-moi, ô objet de mon désir, la mélodie de la résurrection !

Agenouille-toi,ômachamelle!Lajoieestcomplète.“Ôterre,boismeslarmes—sûrement,j’enaiassezversé!“Bois,ômonâme,unegorgéepureàprésent!“Tu es revenue à nous, ô ma joie ! Bienvenue à toi ! Combien est

délicieuxlerafraîchissementquetuasapporté,ôZéphyr!”»Ildit:«Adieu,mesamis:jesuispartiverslesadrquicommandeetest

obéi.

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«D’instant en instant, je suisbrûlédans les flammesde la séparationd’aveclui:j’irailà-bas,adviennequepourra.«Bienqu’il fassedesoncœurundurroc,monâmeestenroutepour

Boukhara.«C’est la demeure demonAmi et la cité demon roi : aux yeux de

l’amoureux,c’estlàcequesignifiel’amourdupaysnatal.»

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Commentuneaiméedemandaàsonamoureux,quiavaitvoyagé

dansdespaysétrangers:«Quellevilleas-tutrouvéelaplusbelleetlapluspeupléeetlaplusmagnifique

etricheetcharmante?»

neaiméeditàsonamoureux:«Ômonami,tuasvubeaucoupdevillesàl’étranger:«Laquelleestlaplusbelle?»Ilrépondit:«Lavilleoùestmabien-

aimée.»3810 PartoutoùletapisestétendupournotreRoi,c’estlaplaine,mêmesicet

endroitestaussiétroitquelechasd’uneaiguille.Partout où un Joseph beau comme la lune se trouve, c’est le Paradis,

quandbienmêmeceseraitlefondd’unpuits.

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Commentsesamisl’empêchèrentderetourneràBoukharaetlemenacèrent,etcommentildit:

«Celam’estégal»

n conseiller sincère lui dit : « Ô homme imprudent, pense auxconséquences,situenescapable.«Considèreraisonnablementl’aveniretlepassé,netelaissepasbrûler

commeunphalène.«Commentpeux-tuterendreàBoukhara?Tuesfou,tuesbonpourles

chaînesetlaprison.« Il (leSadr-iDjahân) rongeson freindans sacolèrecontre toi ; il te

rechercheavecvingtyeux.« Il aiguise le couteaupour toi ; il est commeunchienaffamé, et toi

commelesacdepain.«Aprèsquetut’eséchappéetqueDieut’adonnélaliberté,turetournes

enprison:qu’est-cequit’arrive?«S’ilyavaiteudixsortesdegardienspourtesurveiller,ilt’auraitfallu

del’intelligencepourtedébarrasserd’eux.«Puisquetun’asaucungardien,pourquoil’aveniretlepassétesont-ils

devenusscellés?»3820 L’amoursecretavaitfait(duwakil)sonprisonnier:celuiquile

critiquaitnevoyaitpascegardien.Legardiendechaquegardienestcaché:autrement,pourquoiserait-on

prisonnierd’unenatureperverse?La colère du Roi de l’Amour s’attacha à son âme et l’enchaîna à

l’oppressionetàlahonte.Lacolèrelefrappe,disant:«Écoutez,frappez-le!»Malheuràmoià

causedecesoppresseurscachés.Quiconquetuvoisallersurlesentierdelaperdition,bienqueseul(en

apparence),estaccompagnéd’unoppresseurcaché.S’ilenétaitconscient,ilpousseraitdescrisdedétresseetserendraiten

présenceduRoidesrois,EtsecouvriraitlatêtedepoussièredevantleRoi,afindesetrouveren

sécuritéloinduterribleDémon.Mais toi, plus infime qu’une fourmi, tu t’es cru un prince : aussi,

aveuglequetues,tun’aspasvucegardien.

Page 991: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Tuétaisleurréparcesfaussesailesetplumes—lesailesetlesplumesconduisantaumalheur.S’ilgardesesaileslégères,ilmonteversleshauteurs;quandildevient

souillédeterre,ilcréelapesanteur(quilefaitdescendre).

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Commentl’amoureux,incitéparl’amour,dit:«Celam’estégal»à

lapersonnequileconseillaitetleréprimandait

3830 ldit:«Ôconseiller,tais-toi!Combiendetemps,combiendetemps(meferas-tudesreproches)?Nemedonnepasdeconseils,carmeslienssonttrèsforts.« Mes liens sont plus forts que tes conseils : ton savant maître ne

connaissaitrienàl’amour.« Dans ce quartier où l’amour augmentait ma douleur, Bû Hanîfa et

Shâfi’î*n’ontpasdispenséd’enseignement.«Nememenacepas d’être tué, car je suismisérablement assoiffé de

monpropresang.»Pourlesamoureux,ilestunemortàchaqueinstant:envérité,lamort

desamoureuxn’estpasd’uneseulesorte.L’amoureux possède deux cents âmes venant de l’Ame de Celui qui

guideetcesdeuxcentsâmes,illessacrifieàchaqueinstant.Pourchaqueâme(vie),ilenreçoitdixenéchange:lisdansleQor’ân

dixfoisautant110.Si Celui au visage amical verse mon sang, en dansant je Lui

abandonneraimavie.Jel’aiéprouvé:mamortestdanslavie:quandj’échapperaiàcettevie,

ceserapourdureràjamais.« Tuez-moi, tuez-moi, ômes amis ! car dansmamort, il y a vie sur

vie.»3840 Ôtoiquirendslevisageradieux,ôEspritdel’éternité,attiremonesprit

versToietdanstagénérositéaccorde-moideTerencontrer.J’aiunBien-Aimédontl’amourestdansmesentrailles,qu’llfoulemes

yeux,s’illedésire.Parle persan, bien que l’arabe soit plus doux : l’amour, en vérité,

possèdecentautreslangages.Quand leparfumdeceCharmeurdescœursprendsonvol, toutesces

languesdeviennentébahies.Jecessedeparler:leBien-Aiméacommencéàparler,soistoutouïe—

etDieusaitmieux.Puisque l’amoureux s’est repenti, à présent prends garde, car il

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enseignera,commelesmystiquesdel’amour,surlegibet.BienquecetamoureuxserendeàBoukhara,ilnevapasassisteràdes

coursniécouterunprofesseur.Pour les amoureux, le seul professeur, c’est la beauté du Bien-Aimé,

leursseulslivre,coursetleçonsontsonvisage.Ils sont silencieux (extérieurement) mais leurs cris répétés montent

jusqu’àl’EmpyréeetautrônedeleurAmi.Leur seule leçon est l’enthousiasme et la danse tournoyante et le

frémissement;nonleZiyâdat(manueldejurisprudence)etlechapitresur«lachaîne».

3850 La«chaîne»decesamoureuxestlesbouclesàl’odeurdemuscduBien-Aimé;ilsontlaquestion«ducercle»,maisc’estle«cercle»del’Ami.Siquelqu’unt’interrogesurlaquestiondela«bourse»,répondsquele

trésordeDieun’estpascontenudanslesbourses.Si l’on parle de khul (divorce intenté par l’épouse) et de mubara

(divorce par consentement mutuel) ne t’y oppose pas : ce dont il estquestion,enréalité,c’estBoukhara.Lamémoration de chaque chose produit un effet spirituel particulier,

étantdonnéquechaquequalitépossèdeunequiddité.ABoukhara, tu arrives à la perfection dans les sciences ; quand tu te

tournesversl’humilité(bi-khâri),tueslibéréd’elles.CethommedeBoukharan’avaitpaslesoucidelascience:ilfixaitson

regardsurleSoleildelavision.Nul de ceux qui dans la solitude ont trouvé la voie vers la vision ne

chercheralepouvoiraumoyendesdiversessortesdeconnaissance.Quandilseradevenul’amiintimedelabeautédel’Ame,iléprouvera

dudégoûtpourlesavoiretlaconnaissance.La vision est supérieure à la connaissance ; c’est pourquoi le monde

d’ici-basl’emporte(surl’autre)auxyeuxducommundesgens,Parcequ’ilsconsidèrentcemonde-cicommeunevaleurprésente,tandis

qu’ils considèrent cequi concerne cet autremonde commeunevaleur àvenir.

*Célèbresjuristes.

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CommentceserviteuramoureuxtournasonvisageversBoukhara

3860 ecœurbattant,l’amoureux,quiversaitdeslarmesmêléesdesang,partitpourBoukharaentoutehâte.Lessablesd’Amunluiparurentdelasoie,lefleuvedel’Oxusluiparut

unemare.Pourlui,cedésertétaittelleuneroseraie:ilétaitcourbéendeuxderire

commelaroseépanouie.LesucrecandisetrouveàSamarkand;maisseslèvresledécouvrirentà

«Boukhara»quidevintsonbut.«ÔBoukhara, tu as accru la compréhensiondes autres,mais tum’as

privédecompréhensionetdereligion.«JerecherchelapleineLune:c’estpourquoijesuis(mince)commela

nouvellelune.Jerecherchelesadr(Prince)dansl’anti-chambrequ’estcemonde.»Quand il aperçut ce « Boukhara » se profilant en noir au loin, la

blancheur(del’illumination)apparutdanslaténèbredesonchagrin.Il tomba et resta quelque temps étendu, évanoui : sa raison s’envola

danslejardindumystère.Ils aspergeaient de l’eau de rose sur sa tête et son visage : ils ne

connaissaientpasl’eauderosedesonamour.Il avait contemplé une roseraie cachée : l’assaut de l’Amour l’avait

arrachéàlui-même.3870 Toidontl’espritestglacé,tun’espasdignedecesouffle(del’amour):

bienquetusoisunecanne,tun’espasassociéausucre.Lebagagedel’intellectestavectoi,ettuesencoreenpossessiondetes

esprits,cartuesinconscientdesarméesinvisibles111.

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Commentl’amoureuximprudententraàBoukharaetcommentsesamisledissuadèrentdesemontrer

oyeusement,ilentradansBoukharaprèsdesonbien-aiméetdelademeuredesasécurité,Comme l’homme enivré d’amour qui s’imagine s’envoler au ciel : la

lunel’embrasseetdit:«Embrasse-moi!»Tous ceux qui le virent àBoukhara lui dirent : «Va-t’en avant de te

montrer!Nerestepaslà!Fuis!«Carceprincetechercheaveccolère,afindet’infligerunevengeance

dedixannées.«ParDieu,parDieu,neplongepasdanstonpropresang,neterepose

passurtesparoleshabilesettesruses.«Tuétaisl’intendantduSadr-iDjahân,etunnoble:tuétaisl’homme

deconfianceetledirecteurdesesaffaires.«Puis tuasagi traîtreusementet t’esenfui loinduchâtiment ; tu t’es

échappé;commenttelaisses-tusaisirànouveau?«Aveccentastuces,tut’esenfuiloindestribulations:est-celafoliequi

t’aamenéicioutadestinée?3880 «Ôtoidontl’intellectsemoquedeMercure(leScribecéleste),le

Destinrendstupidesl’intellectetlesintelligents.«Malchanceuxestlelièvrequichercheàrencontrerlelion:oùestta

perspicacité,tonintelligence,tavivacitéd’esprit?« Les ruses de la Destinée sont cent fois plus nombreuses que les

tiennes ; le Prophète a dit : “Quand vient leDestin, le vaste champ estrétréci.”«Ilexistecentcheminsetlieuxderefugeàdroiteetàgauche,maisils

sontbloquésparleDestin,carc’estundragon.»

Page 996: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentl’amoureuxréponditàceuxquileréprimandaient

etlemenaçaient

ldit:«Jesuishydropique:l’eaum’attire,bienquejesachequec’estl’eauaussiquimetuera.«Aucundeceuxquisontaffligésd’hydropisienefuiral’eau,mêmesi

elleleruineetledétruitdeuxcentsfois.«Simesmainsetmonabdomendeviennentenflés,cependant ledésir

passionnépourl’eaunemequitterapas.« Lorsqu’onm’interroge surmon état intérieur, je dis : “Puisse cette

Mercoulerenmoi!”«Quecetteoutre,monabdomen,éclatepar lesvaguesde l’eau :si je

meurs,mamortestacceptable.«Chaquefoisquejevoisl’eaud’unruisseau,lajalousiem’étreintetje

souhaiteêtreàsaplace.3890 «Avecdesmainsgonfléescommeuntambouretunventrepareilau

tambour,jetambourinemonamourpourl’eau,commeuneroseassoiffée.«Simonespritloyalversemonsang,jeboiraigorgéeaprèsgorgéedu

sang,commelaterre.« Je suis un buveur de sang, comme la terre et comme l’embryon :

depuisquejesuisdevenuunamoureux,jesuisoccupéàcela.«Durantlanuit,jebrûlesurlefeudelapassiontoutlejourjusqu’àla

nuit,jeboisdusang,commelesable.«Jemerepensd’avoireurecoursàdesrusesetdem’êtreenfuiloinde

cequedésiraitsacolère.« Qu’il dirige sa colère contre mon âme enivrée : il est la Fête du

Sacrifice,etl’amourestlebuffleàégorger.« Que le buffle dorme, ou qu’il mange quelque chose, il l’engraisse

pourlaFêteetleSacrifice.«Considère-moicommelavachedeMoïsequidonnalavie(àl’homme

assassiné) : chacun demesmembres est unmoyen pour ressusciter desmortsceuxquisontlibres.La vache de Moïse fut offerte en sacrifice ; le plus infime de ses

membresressusciteunhommeassassiné.«Asontoucher, l’hommeassassinébonditdesaplace—auxparoles

ditesparDieu,“Frappez-le112”.

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3900 «Ômesnoblesamis,égorgezcettevache(l’âmecharnelle)sivousdésirezfairevivrelesespritsdouésd’intuition.« Je suismort à l’état inorganique et suis devenudouéde croissance,

puisjesuismortàl’étatvégétaletparvinsàl’animalité.«Jesuismortàl’animalitéetdevenuAdam:quecraindrais-jedonc?

Quandai-jeétédiminuéparlamort?«Puisjemourraiàl’étatd’hommeafindepouvoirprendremonessor

parmilesanges.« Et je dois échapper même à cet état angélique : toute chose est

périssante,saufSaFace113.«Anouveau,jeseraisacrifiéetmourraiàl’étatd’ange:jedeviendrai

cequel’imaginationnepeutconcevoir.«Puisjedeviendrainon-existence:lanon-existencemedit,commeun

orgue:“Envérité,àLuinousretournerons114.”«SachequelamortestcequecroitlaUmma(Communauté),àsavoir

quel’EaudelaVieestcachéedanslesténèbres.«Pousseduborddelarivière,commelenénuphar,avideetlanguissant

aprèslamortcommeceluiquisouffred’hydropisie.«L’eauestpourluilamort,etcependantilcherchel’eauetlaboit—et

Dieusaitmieux.3910 «Oh,lefroidamoureux,portantlevêtementdelahonte,quiparpeutde

perdresavies’enfuitloinduBien-Aimé!«Ô toi,hommeefféminé,contempledescentainesdemilliersd’âmes

battantdesmainsetseprécipitantsurleglaivedeSonAmour!«Tuasvularivière:déverses-ytacruche:commentl’eaus’enfuirait-

elledelarivière?«Quandl’eaudansl’aiguièrevadansl’eaudelarivière,elledisparaît

enelleetdevientlarivière.«Lesattributsde1’amoureuxsesonteffacés,etsonessencedemeure:

aprèscela,ilnediminuepasninedevientmalheureux.« Jeme suis pendu à son palmier pourm’excuser d’avoir fui loin de

lui.»

Page 998: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentcetamoureuxparvintàsonbien-aiméquandileutrenoncé

àsavie

eprosternantsursafaceetsatête,roulantàterre,ilallalesyeuxmouillésdelarmesverslesadr.Toutlemondeattendait,latêteenl’air,pourvoirs’illebrûleraitoule

pendrait.«Aprésent,disaient-ils,ilvamontreràcesotcequeleDestinmontre

auxmalheureux.«Comme le phalène, l’amoureux a pensé que les étincelles étaient la

lumière:stupidementilesttombéetaperdulavie.»3920 Maislachandelledel’amourn’estpascommecettechandelle-ci:c’est

lumièresurlumièresurlumière.Elleestlecontrairedesbougiesallumées:ellesembleêtredefeumais

enréalitéelleesttoutedouceur.

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Lamosquéeenchantéedelamort.Descriptiondelamosquéequituait

lesamantsetdel’amoureuxinsouciantetcherchantlamortqui

endevintl’hôte

rêtel’oreilleàunehistoire,ôhommedebonneconduite.IlyavaitunemosquéeauxabordsdelacitédeRayy.Nuln’ydormitjamaislanuitsansymourircettemêmenuit,etsansque

sesenfantsnedevinssentorphelins.Maintétranger indigentyentraaucrépusculepours’enallerà l’aube,

commelesétoiles,danslatombe.Sois très attentif à cette histoire ; l’aube est arrivée, mets fin à ton

sommeil.Toutlemondedisaitques’ytrouvaientdesdjinnsférocesquituaientles

hôtesavecdesépéesémoussées.L’un disait : « C’est magie et sorcellerie, car cet enchantement est

l’ennemietl’adversairedelavie.»Unautredisait:«Placezuneinscriptionenévidencesurlaporte:“Ô

hôte,nerestepasici.“Ne dors pas ici pendant la nuit, si tu désires vivre ; sinon la mort

démasquerasesembûchespourtoiencelieu.”»3930 Unautreencoredisait:«Verrouillezlaportelanuit,etlorsqu’un

imprudentviendra,nelelaissezpasentrer.»

Page 1000: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentl’hôteentradanslamosquée

lenallaainsijusqu’àcequ’arrivâtàlatombéedelanuitunhôtequiavaitentenducetterumeurétrange.Illamitàl’épreuve,pourvoirsielleétaitfondée,carilétaittrèsbrave

etlasdelavie.Ilsedisait :«Jefaispeudecasd’unetêteetd’unventre ;supposons

qu’ungrainsoitpartidutrésordel’esprit,«Quelaformecorporelledisparaisse:quisuis-jeenréalité?Laforme

n’est-ellepasd’unprixinfime,quandjedoisdurertoujours?«Puisque,parlagrâcedeDieu,l’espritdeDieumefutinsufflé,jesuis

lesouffledeDieuquiestgardédistinctdugosierducorps,«Afinque le sondesonsoufflene tombepasdanscettedirection,et

quecetteperlenes’échappepasdelacoquilleétroiteducorps.«PuisqueDieuadit:“Désirezlamort,ôvousquiêtessincères”,jesuis

sincère,jevaisdonnermonâmepourcela.»

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Commentlesgensdelamosquéeblâmèrentl’hôteamoureuxpour

sonintentiondedormirlàpendantlanuit,etlemenacèrent

esgensluidirent:«Prendsgarde,nedorspaslà,depeurqueceluiquiprendl’âmenetebroiecommelagrainedesésame,«Cartuesétrangerettuignoresquequiconquedortencelieupérit.

3940 «Cen’estpaslàunhasard;nous-mêmes,ettousceuxquisontdouésd’intelligence,enavonssouventétélestémoins.« Quiconque est hébergé dans cette mosquée pour une seule nuit, la

mortempoisonnéeluiadvientàminuit.Chacun de nous a vu cela cent fois ; nous ne l’avons pas entendu

raconter.Le Prophète a dit : “La religion consiste à donner de bons conseils

(nasihat).” Cette nasihat littéralement est le contraire du ghulûl (lemanquedesincérité).«Cettenasihatconsisteàêtresincèreenamitié;enunactedeghulûl,

onesttraîtreetvil.»Nouspratiquonscettenasihatenverstoi,sanstromperie,paramour;ne

tedétournepasdelaraisonetdelajustice.

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Laréponsedel’amoureuxàceuxquileréprimandaient

l répondit : « Ô conseillers sincères, je suis devenuirrémédiablementlasdecemondedelavie.«Jesuisunvagabondoisif,cherchantlescoupsetdésirantlescoups:

nerecherchepaslabonneconduitechezlevagabonddesroutes.«Jenesuispaslevagabondquienvéritérecherchelanourriture,jesuis

levagabondinsouciantquirecherchelamort.« Je ne suis pas le vagabond qui reçoit de la petitemonnaie dans sa

paume,mais le vagabond agile qui voudrait franchir ce pont (vers l’au-delà);

3950 «Niceluiquis’attacheàchaqueboutique;non,maisceluiquibondithorsdel’existenceetdécouvreunemine(deréalité).«Lamort et le départ de cette demeure sont devenus pourmoi aussi

douxqu’ill’estpourl’oiseaudequitterlacageetdeprendresonenvol,«Lacagequiestauseinmêmedujardin,desortequel’oiseauaperçoit

lesparterresderosesetlesarbres;« Tandis qu’au-dehors, autour de la cage, une multitude d’oiseaux

chantentdoucementlaliberté,«Àlavuedecelieuverdoyant,nidésirdenourritureneresteàl’oiseau

danslacage,nipatience,nirepos;«Maisilpasselatêteàtraverschaqueorifice,dansl’espoird’arracher

cettechaînedesonpied.«Puisque soncœuret sonâmesontdéjà au-dehorsde la sorte,qu’en

sera-t-ilquandonouvriralacage?»Iln’envapasainsipourl’oiseauencageparmilesangoisses,leschats

l’entourantd’uncercle:Comment,danscettecrainteetcechagrin,aurait-illedésirdesortirde

lacage?Il souhaite que, pour se préserver d’avoir ses plumes arrachées, se

trouventcentcagesautourdelasienne.

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L’amourd’unGalienestpourlavieprésente,carcen’estqu’ici-basque

sonartestutile;iln’apratiquéaucunartquisoitutiledansl’audelà:

ils’yvoitcommeétantlemêmequelecommundesgens

3960 elaestcommecequelesageGalienaditenraisondesonamourpourcemonde-cietpourcequ’ilydésirait:« Jeme satisferais de ce que lamoitié seulement demon esprit vital

demeure,afinquejepuissevoirlemonde,mêmesijedevaismetrouverpourceladansleventred’unemule.»Ilvoitautourdeluidesarméesdechats;sonoiseaudésespèredevoler.Ouilaconsidéréquetout,saufcemonde,estnon-existence,etn’apas

perçudanslanon-existenceunerésurrectioncachée.Al’instardel’embryonquelaBontédivineattireau-dehors:ils’enfuit

pourretournerdansleseinmaternel.LaGrâce divine tourne le visage de l’embryon vers une issue, tandis

quel’embryonfaitsademeuredansleseindelamère,Disant : « Oh, je me le demande : si je tombe hors de cette cité et

demeuredeplaisir,verrai-jedemesyeuxcetendroit;«Ou bien y aura-t-il dans cette ville bruyante (dumonde) une porte,

pourquejepuisseregarderàl’intérieurdelamatrice;«Ou y aura-t-il pourmoi un sentier pareil au chas d’une aiguille, de

sortequelamatricesoitpourmoivisibledel’extérieur?»Cetembryon,luiaussi,n’estpasconscientd’unmondeextérieur:cene

luiestpasfamilier,commepourGalien.3970 IInesaitpasqueleshumeursquiexistentdansleseinmaternelluisont

fourniesàpartirdumondeextérieur,Demêmeque lesquatreélémentsencemondereçoiventcentsecours

decetteCitéau-delàdel’espace.S’il a trouvé de l’eau et des graines dans sa cage, ces choses sont

apparuesenprovenantd’unJardinetd’unLieu.LesespritsdesprophètescontemplentleJardinàpartirdecettecageau

momentoùilssonttransportésetlibérés(ducorps);Alors,ilssontlibérésdeGalienetdumonde:ilsbrillentcommelalune

danslescieux.

Page 1004: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Etsicetteparolequel’onrapportedeGalienn’estpasauthentique,maréponsen’estpaspourGalien,Mais c’est une réponse à la personne qui l’a dite, car : un cœur

lumineuxn’apasétésonlot.L’oiseau, sonesprit,estdevenuunesourischerchantun trou,quand il

entenditleschatsluicrier:«Arrête!»Pourcetteraison,sonesprit,pareilàlasouris,aconsidéréquesonfoyer

etsademeuresetrouvaientdanscetroudumonde.Dans ce trou aussi il se mit à construire et acquit une connaissance

convenantàcetrou;3980 IIchoisitlesmétiersquiluiseraientprofitables,etseraientutilesdans

cetrou.Étantdonnéqu’il détourna son cœurdudésir d’avancer, la voiede la

délivranceducorpsfutbarrée.Sil’araignéeavaitlanaturede1’Anqâ,commentaurait-elledresséune

tentefaitedefil?Le chat a mis ses griffes dans la cage : le nom de ses griffes est la

souffrance,ledélire,lesaffres.Lechatestlamort,etsesgriffessontlamaladie:ellefrappel’oiseauet

sonplumage.Lemaladesehâtedecoinencoinversleremède.Lamortestcommele

cadi,etlamaladieestletémoin.Ce témoinvientà toi,comme l’envoyéducadi,pour teconvoquerau

lieudujugement.Toi, t’enfuyant, tu le supplies de t’accorder un délai : s’il y consent,

c’estaccordé;autrement,ildit:«Lève-toi(etviens).»La recherche d’un délai consiste en remèdes etmédicaments, afin de

rapiécercefrocducorps.Alafin,unmatin,ilvientaveccolère,disant:«Combiendetempsva

durercedélai?Aprésent,jeteprie,aiehonte!»3990 Ôhommeenvieux,demandepardonauRoiavantqu’unteljourarrive.

Etceluiquimontesonchevaldansl’obscuritéetdétourneentièrementsoncœurdelaLumièreS’enfuit loindu témoinetde sonobjet, carce témoin leconvoqueen

jugement.

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Commentlesgensdelamosquéeblâmèrentànouveaul’hôtedevouloirdormirlanuitdansla

mosquée

es gens lui dirent : «N’agis pas avec tant de témérité ; pars, depeurquetoncorpsettonâmenesoientendangerdemort.»Deloin,celasemblefacile,maisfaisattention,caràlafinlepassageest

terrible.Plusd’unhommes’estpenduets’estrompulecou,qui,aumomentde

l’agonie,cherchaitquelquechoseoùaccrochersamain.Avant la bataille, l’imagination du bien ou du mal est faible dans le

cœurd’unhomme.Mais quand il entre dans le combat, alors pour lui l’affaire devient

pénible.Puisquetun’espasunlion,prendsgarde,net’avancepas,carceDestin

estunloupettonâmeestlemouton.Maissituesl’undesabdâletquetonmoutonestdevenuunlion,viens

entoutesécurité,cartamortaétévaincue.4000 Quiestl’abdâl?Celuiquidevienttransmué,celuidontlevinest

transforméenvinaigreparlatransmutationdivine.Mais tues ivre, audacieux,et tu teconsidèrescommeun lion.Prends

garde,n’avancepas.Dieu a dit des hypocrites pervers : « Leur courage entre eux est un

grandcourage.»Entreeux,ilssontvaillants,maisdansuneexpéditionguerrièreilssont

commelesfemmesdelamaison.LeProphète,lecommandantenchefdel’Invisible,adit:«Iln’yapas

debravoure,ôjeunehomme,avantlesbatailles.»Les hommes ivres se font beaucoup valoir quand on parle de guerre,

maisquandlescombatsfontrage,ilssontdénuésdetoutevaleur.Aumomentoùl’onparledeguerre,lecimeterreesttiré:aumomentdu

combat,l’épéeestcommeunoignon(rentréedanssonfourreau).Aumomentdesprojets, lecœurestavidedeblessure,puissonsacse

vided’airavecuneseulepiqûred’aiguille.Jesuisstupéfaitdevantceluiquirecherchelapuretéetquiaumoment

dupolissagetrembled’êtremaniérudement.

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L’amour est comparable à un procès ; subir de rudes traitements estcommelapreuve:fautedepreuves,onperdsonprocès.

4010 NesoispasaffligéquandleJugedemandetapreuve,donneunbaiserauserpentpourobtenirletrésor.Cetteduretén’estpasadresséecontretoi,ômonfils,non,maiscontre

lesdéfautsquisontentoi.Lescoupsdebâtonaveclesquelsunhommebatuntapis,cen’estpasau

tapisqu’illesinflige,maisàlapoussièrequis’ytrouve.Sicethommeirasciblefouettelecheval,ildirigelescoupsnoncontre

lecheval,maiscontresontrébuchement,Afin qu’il soit délivré de l’habitude de trébucher et marche

convenablement;onemprisonnedumoûtdanslacuveafinqu’ildevienneduvin.Quelqu’undit :«Tuas frappéde tantdecoupscepetitorphelin :ne

craignais-tupaslecourrouxdivin?»Il répondit : « Ômon cher ami, quand l’ai-je frappé ? J’ai frappé le

diablequiétaitenlui.»Si ta mère te dit : « Puisses-tu mourir ! » elle désire la mort de ta

mauvaisenatureetlamortdel’iniquité.Les gens qui s’enfuirent loin de la correction déshonorèrent l’esprit

chevaleresqueetleshommes.Lesdétracteurs les firent revenirde laguerre,de sortequ’ils restèrent

infâmesetefféminés.4020 N’écoutezpaslesvantardisesetlesfanfaronnadesdubavard:n’allez

passurlalignedebatailleavecdetellesgens,Étantdonnéqu’ilsn’auraientfaitqu’ajouteràvotretrouble115.Dieua

dit:«Évitezlescamaradespusillanimes.»Car, s’ils vont avec vous, les guerriers deviendront faibles comme la

paille.Ils se placent avec vous en ligne (sur le champ de bataille) puis ils

s’enfuientetbrisentlemoraldel’armée.C’est pourquoimieux vaut une petite armée sans de telles personnes,

plutôtqued’êtrerenforcéepardeshypocrites.Quelques amandes bien triées valent mieux qu’un grand nombre

(d’amandesdouces)mêléesàdesamandesamères.Lesdoucesetlesamèressontpareilles,quantaubruitqu’ellesfonten

s’entrechoquant;ledéfautprovientdecequ’ellesnesontpassemblablesenréalité.L’impie a un cœur timoré car, parmanque de certitude, il vit dans le

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doutequantàl’étatdel’autremonde.Ilparcourtlaroute,maisilneconnaîtaucuneétape:celuiquialecœur

aveugleavancetimidement.Quandlevoyageurneconnaîtpaslechemin,commentmarche-t-il?Il

vaavecmainteshésitations,tandisquesoncœurestangoissé.4030 Siquelqu’unluidit:«Hé!cen’estpaslebonchemin»,ils’arrêtelàet

resteimmobile,terrifié.Maissilecœursageduvoyageurconnaîtlechemin,commenttousles

hé!etho!pénétreront-ilsdanssonoreille?C’est pourquoi, ne voyagez pas avec ces poltrons, car à l’heure de la

détresseetdudangerilssontceuxquit’abandonnent;Puisilss’enfuientetilstelaissentseul,bienquedansleurvantardiseils

soientlamagiedeBabylone.Prends garde ! Ne demande pas à des sybarites de se battre ; ne

demandepasàdespaonsdes’engagerdanslachasseetlapoursuite.Lanaturecharnelleestunpaon:elletetenteett’inciteafindetefaire

quittertonrangspirituel.

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CommentSatanditauxQoraysh*:«AllezvousbattreavecAhmad

(Mohammad),carjevousaideraietappelleraimatribuàl’aide»;etcomment,lorsquelesdeuxlignes

debatailles’affrontèrent,ils’enfuit

insi, lorsque Satan devint le chef de l’armée (des Qoraysh) etprononça des paroles charmeuses, disant : « En vérité, je suis unprotecteurpourvous116»,Quand lesQoraysh se furent rassemblés à son ordre, et que les deux

arméesseconfrontèrent,Satan aperçut une cohorted’anges sur une route auprèsdes rangsdes

fidèles.Ilvitcestroupesquevousnevîtespas117,enrang;et,de terreur,son

âmedevintcommeuntempledufeu.4040 Faisantdemi-tour,ilcommençaàpartir,disant:«J’aperçoisunearmée

merveilleuse»,C’est-à-dire:«JecrainsDieu : jenereçoispasd’aidedeLui.Allez-

vous-en!Envérité,jevoiscequevousnevoyezpas118»Hârithdit:«Hé,ôtoiquiasl’aspectdeSurâqa*,pourquoinedisais-tupasdetellesparoleshier?»Il répondit :«Encemoment, jevois lesennemis.»Hârithdit :«Tu

voislesplusvilsdesArabes.«Tunevoisquecela;mais,ôtoiquiesunehonte,c’étaitletempsde

parler,maintenantc’estletempsdelabataille.« Hier, tu disais : “Je m’engage à ce que la victoire et l’aide divine

soienttoujoursàvous.”«Hier,tuétaislasécuritédel’armée,mauditquetues,etmaintenant,tu

eslâche,bonàrien,etvil,«Desorteque,aprèsquenouseûmesavalétesparolesetfûmesvenus

combattre, toi tu es entré dans la chaudière de bain et nous sommesdevenuslecombustible.»Quand Hârith dit cela à Surâqa, ce maudit fut rendu furieux par ces

reproches.Il retira coléreusement samain de celle deHârith, car son cœur était

peinéparcesparoles.

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4050 SatanfrappalapoitrinedeHârithets’enfuit:parcecomplot,ilversalesangdecespauvreshommes.Aprèsavoir ruinéunesigrandemultitude, ilditalors :«Envérité, je

vousdésavoue119.»Illefrappaàlapoitrineetlejetaausol;puisils’enfuit,carlaterreurle

poussaitenavant.L’âme charnelle et le Démon ont tous deux été une seule personne ;

maisilssesontmanifestéssousdeuxformes,Commel’angeetl’intellectquienréalitéétaientun,maissontdevenus

deuxformesenraisondessagesdesseinsdeDieu.Tu possèdes un tel ennemi dans ton intériorité : il est l’obstacle de

l’intellect,etl’adversairedel’espritetdelareligion.Aunmoment,ilbonditenavantcommelelézard,puisils’enfuitetse

précipitedansuntrou.Aprésent,ilabeaucoupdetrousdanslecœurhumain,etdechaquetrou

ilsortsatête.LetermequidésignelefaitqueleDémondevientcachédesâmesdes

hommesetentredanscetrouestkhunûs(furtif).Car sonkhunûs est comme le khunûs du hérisson : comme la tête du

hérisson,ilrentreetsort.4060 CarDieuaappeléleDémonKhannâs,parcequ’ilressembleàlatêtedu

petithérisson.La tête du hérisson se cache continuellement, à cause de sa peur du

cruelchasseur,Jusqu’àceque,lorsquel’opportunités’enprésente,ilsortesatête:par

untelstratagème,leserpentdevientsaproie.Si l’âme charnelle ne t’avait pas égaré de l’intérieur, comment les

brigandsauraient-ilslepouvoirdet’attaquer?Acausedecetoppresseur,quiestleDésir,lecœurestprisonnierdela

cupidité,del’aviditéetdumalheur.Acausedecetoppresseurintérieur,tuesdevenuvoleuretdépravé,de

sorte que la voie est libre pour les oppresseurs extérieurs, afin qu’ils tecontraignent.Écoute ce bon conseil dans les Traditions prophétiques : «Votre pire

ennemiestentrevosdeuxcôtés.»N’écoutepas le langagepompeuxde cette ennemie (l’âmecharnelle),

carelleestsemblableàIblîs,sedisputantetsequerellantobstinément.Pourl’amourdecemondeetleplaisirdediscuter,ellet’afaitapparaître

lechâtimentéternelcommepeudechose.

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Quoid’étonnantàcequ’ellefasseparaîtrelamortfacile?Parsamagie,ellefaitcentfoisplusquecela.

4070 Lamagiefaitd’unepaille(kâh)unemontagne,parartifice;oubienellefaitdelamontagne(kouh)unepaille.Ellerendbellesleschoseslaides,aumoyendelaruse;ellerendlaides

leschosesbellesenraisond’uneopinionfausse.L’opérationde lamagie,c’estdeprononcerdes sortilègesetàchaque

instantdetransformerlesréalités.Aunmoment,ellemontreunhommesous la formed’unâneet,àun

autre,faitapparaîtreunânecommeunhommeetunnotable.Un telmagicien se trouveen toi-mêmeetdissimulé ; envérité, il y a

unemagiecachéedanslatentation.Mais dans lemondeoù existent ces artsmagiques, il existe aussi des

magiciensquivainquentlasorcellerie.Danslaplaineoùapoussécepoisonviolent,aaussipoussél’antidote,ô

monfils.L’antidotetedit:«Chercheenmoiunbouclier,carjesuisplusproche

detoiquelepoison.»Les paroles (de l’âme charnelle) sontmagiques et sont ta ruine ;mes

parolessontunemagie(licite)etlecontre-charmeàsamagie.

*TribudeLaMecquehostileauProphète.*LesQoraysh,ayantquittéLaMecque,hésitaientsurlamarcheàsuivre,quandSurâqa ibn Mâlik, le Kinânite, leur ennemi, leur assura faussement qu’ilsn’avaientrienàcraindredesatribu,lesBanûKinânah.

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Commentlesconseilleursrépétèrentleurconseilàl’hôtedelamosquée-

qui-tuait-ses-hôtes

eProphèteadit:«Envérité,ilyadelamagiedansl’éloquence»;etcehérosaditlavérité.

4080 «Allons,n’insistepasetnerendspaslamosquéeetnous-mêmesl’objetdessoupçonsàcausedecela;«Carunennemiparleparinimitié,etdemainlesmauvaisesgensnous

jetterontaufeu,«Disant:“Quelqueméchantl’aétranglé,sachantquesousprétextede

lamosquée,ilnerisquaitrien.“Desortequ’ilpourrait imputer lemeurtreà lamosquéeet,commela

mosquéeamauvaiseréputation,ilpourraits’échapper.”«Nefaispasdenousl’objetdesoupçons,ôhommeàl’espritvaillant,

carnousnesommespasensécuritécontrelesrusesdenosennemis.«Allons,parsàprésent,ne soispas téméraire,nenourrispasdevain

désir,carilestimpossibledemesurerSaturneavecunempan.«Biend’autresquetoisesontvantésdeleurchance,etàlafinsesont

arrachélabarbe,bribeparbribe.«Allons,va-t’en,cessecebavardage,nenousplongepas, toietnous,

danslemalheur.»

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Commentl’hôteleurréponditetajoutalaparaboledugardienduchampdebléqui,enfaisantdu

bruitavecuntam-tam,s’efforçaitdechasserduchampunchameau

surledosduquelonbattaitlegrandtambourdeMahmud

l dit : « Ômes amis, je ne suis pas l’un des démons, quemesmusclesperdentleurforceàunseulLâhawl*.»Un jeune garçon, qui surveillait un champ de blé, avait coutume de

battredutam-tampourécarterlesoiseaux,4090 Desortequelesoiseaux,àcebruit,étaienteffrayés,etquelechamp

devintpréservédesoiseauxmauvais.Quandlesultan,lenobleroiMahmud,dressaunegrandetentedansle

voisinage,commeilpassaitparlà,Avecunearméesemblableauxétoilesduciel,nombreuseetvictorieuse,

transperçantlesrangsdel’ennemiets’emparantd’unempire.Il y avait un chameau portant le tambour : c’était un chameau de

Bactriane,marchantentêtedel’armée,commeuncoq.Jour et nuit, le conducteur battait fortement du grand tambour et de

l’autretambourqu’ilportaitsursondos,àl’alleretauretour.Cechameauentradanslechampdeblé,etlejeunegarçonbattaitdeson

tam-tampourprotégerleblé.Unhommeintelligentluidit:«Nebatspasdutam-tam,carlechameau

al’expériencedutambour,ilesthabituéàlui.«Qu’est-cequecepetittam-tampourlui,monenfant,alorsqu’ilporte

letambourdusultan,vingtfoisplusgrand?»Jesuisunamoureuxquiaétésacrifiéàl’anéantissement,monâmeest

lecercleentourantletambourdelatribulation.Envérité,tesmenacessontcommeunpetitgongàcôtédecequemes

yeuxontvu.4100 Ôamis,jenesuispasl’undeceux-là,pourquedevainesimaginations

m’arrêtentsurlaVoie.Jesuis,commeles ismaéliens,sansfrayeur ;commeIsmaël, jeneme

souciepasdematête.J’ai renoncé au faste et à l’ostentation :Dites, venez120. Il (le Bien-

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Aimé)aditàmonâme:«Viens.»Le Prophète a dit que celui qui est assuré de la récompense donnera

généreusementauparavant.Quiconque aperçoit cent compensations pour un présent renoncera

aussitôtàcecadeau.Toussontdevenusattachésaubazar(decemonde)afinque,lorsquese

présenteuneoccasiondegain,ilspuissentdonnerleurargent.Avecdel’ordansleurssacs,ilssontassisdansl’attente,souhaitantque

le gain survienne et que celui qui persévère puisse semettre à dépenser(sonor).Lorsqu’il aperçoit une marchandise dont le profit sera meilleur, son

amourpoursespropresbiensserefroidit;Car, jusqu’alors, ilétaitrestééprisdeceux-ci,parcequ’iln’apercevait

pasdeprofitnid’avantagesupérieuràceluidesespropresbiens.Ilenvademêmepourlesconnaissances,lestalents, lesnégoces;(on

s’yattache)parcequ’onn’arienvuquilessurpasseenexcellence.4110 Tantquerienn’estmeilleurquelavie,lavieestprécieuse;siquelque

chosedemeilleurapparaît,lenomdeviedevientchosevaine.Lapoupée inanimée est aussi chèreque lavie à l’enfant, avantqu’en

grandissantilnesoitdevenucapabled’engendrerdesenfants.Cetteimaginationetcetteillusionsontpareillesàlapoupée:tantquetu

esunenfant,tuasbesoind’elles.Maisquandl’espritaéchappéàcetenfantillage,ilestuni(àDieu),ilen

afiniaveclaperceptionsensorielle,l’imaginationetl’illusion.Iln’estpointdeconfidentàquijepuisseparlersansdétour.Jegarderai

lesilence,etDieuconnaîtmieuxlevéritableaccord.Lesbiensdecemonde,ainsiquelecorps,sontdelaneigequis’anéantit

enfondant;cependant,Dieuestleuracheteur,car«Dieuaacheté121.»Lesneigesvousparaissentmeilleuresqueleprix,carvousêtesdansle

doute:vousn’avezpointdecertitude.Et en toi, ô homme méprisable, existe cette étrange opinion qui ne

s’envolepasverslejardindelacertitude.Ômonfils,chaqueopinionestassoifféedecertitude,etbatdesailesà

l’enviàsarecherche.Quandelleparvientàlaconnaissance,alorsl’ailedevientunebase(un

pied),etsaconnaissancecommenceàflairerlacertitude.4120 Car,danslaVoiedel’épreuve,laconnaissanceestinférieureàla

certitude,maisau-dessusdel’opinion.Sache que la connaissance est chercheuse de certitude, et que la

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certitudeestchercheusedevisionetd’intuition.Recherchedonccettedifférence(entrelaconnaissanceetlacertitude)à

présentdanslasourate(quicommencepar)Alhâkum ;aprèslemotkallâetlesmotslawta’lamûn*.Laconnaissanceconduità lavision,ô toiquisais :si laconnaissance

devenaitunecertitudeintuitive,onverraitl’Enfer.La vision naît immédiatement de la certitude, de même que

l’imaginationnaîtdel’opinion.VoisenAlhâkuml’explicationdececi,àsavoirquelaconnaissancede

certitude(‘ilm-ul-yaqîn)devientl’intuitiondecertitude(‘ayn-ul-yaqîn).« Je suis supérieurà l’opinionetà lacertitude,etma têtenedoitpas

êtredétournéeparleblâme.«PuisquemaboucheagoûtéSadouceur,jesuisdevenuclairvoyantet

jeLevois.«Jemarchehardimentquandjemerendsàmademeure,mespiedsne

tremblentpas,jenevaispascommelesaveugles.«CequeDieuaditàlaroseetquil’afaits’épanouir,Ill’aditàmon

cœuretl’arenducentfoisplusbeau.4130 «Ilaoctroyéàmoncœurcequiatouchélecyprès,etarendusastature

élancée,etcequ’ontpartagélenarcisseetl’églantine.«Cequiarendudouxl’âmeetlecœurdelacanneàsucre,etgrâceà

quoilacréatureterrestreaacquislabeautédeChigil*;«Cequiarendulesourcilattrayantetlevisagecouleurderosecomme

lafleurdegrenade;«Ce qui a conféré cent sortilèges à la langue, et qui a donné l’or de

Ja’faràlamine.« Quand la porte de l’armurerie fut ouverte, les regards amoureux

devinrentdesarchers;«Ilslancèrentdesflèchesdansmoncœur,ilsmerendirentéperdu,épris

del’actiondegrâcesetdeladouceur.«JesuisamoureuxdeCeluiàquiappartientchaqueinstant.Laraisonet

l’âmesontrendusvivantsparLui.«Jenemevantepas,ou,sijemevante,commel’eau,jen’aipaspeur

d’éteindrelefeu.«Commentserais-jeunvoleur,quandilestlegardiendutrésor?Ilest

monappui.«QuiconqueestréchaufféparleSoleilestaudacieux:iln’anicrainte

nihonte.

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4140 «IlestdevenucommelevisageduSoleilsanségalquibrûlesesennemisetdéchirelesvoiles.«Chaque prophète était vaillant en cemonde, et se battit seul contre

l’arméedesrois,«Etilnedétournapassonvisagedelapeuroudelasouffrance,mais

seulfonçacontreunmondeentier.«Lerocestduretinflexible;iln’estpaseffrayéparlemonderempli

demorceauxdebriques;«Carcesfragmentsdebriquesontétérendussolidesparlefabricantde

briques,tandisquelerocfutrendudurparl’Artdivin.«Silesmoutonssontinnombrables,commentleboucheraurait-ilpeur

deleurgrandnombre?“Chacundevous est unberger” ; le prophète est pareil au berger, les

hommessontletroupeau,ilveillesureux.«Lebergern’apaspeurdesontroupeauendisputantaveclui,maisille

protègecontrelechaudetlefroid.«S’ilcriedecourrouxcontrelesouailles,sachequec’estenraisonde

l’amourqu’ilapourelles.«MonBonheurnouveaumurmureàchaqueinstantàmonoreille:“Je

terendraiaffligé,maisnesoispasaffligé.4150 “Jeterendraiaffligéetpleurant,afindepouvoirtecacherauxyeuxdes

méchants.“Jeterendraiamerparleschagrins,afinquelemauvaisœilsoitécarté

detonvisage.“Tun’espas celui quiMepourchasse etMecherche ; envérité tu es

monesclaveprosternédevantMaProvidence.“Tu cherches des artifices pour pouvoir parvenir jusqu’àMoi : tu es

impuissant,enMequittantcommeenMecherchant.“TadouleurchercheunmoyenpourM’atteindre;j’écoutaishiersoirtes

soupirs.“Ilm’est possible,même sans cette attente, de te faire entrer et de te

montrerlechemindepassage,“Afinquetusoislibérédutourbillondutempsetquetupuissesposer

tonpiedsurletrésordel’unionavecMoi;“Maisladouceuretlesdélicesdulieudurepossontenproportiondela

peineduvoyage.“Tunejouirasdetavilleetdetesparentsquelorsquetuaurassouffert

lesdouleursetlestribulationsdel’exil.”»

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*«Iln’yadeforce(Lâhawl)qu’enDieu.* « Le désir de vous surpasser les uns les autres en richesse vous égare(alhâkum), jusqu’à ce que vous visitiez les tombes. Si vous saviez seulement(Kallâ law ta’lamûn) avec la connaissance de certitude (‘ilm-ul-yaqîn). Envérité,vousverrezlefeudel’enfer.Jeledisànouveau,envérité,vousleverrezaveclavisiondecertitude(‘ayn-ul-yaqîn)122.»*VilledeTurkestan,célèbrepourlabeautédeseshabitants.

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Comparaisondelafuiteduvraicroyant,etdesonimpatiencedans

l’affliction,àl’agitationetl’impatiencedespoischichesetautreslégumesbouillantdansla

marmite,etàleurprécipitationverslasurfacepours’échapper

ois le pois chiche dans la marmite, comme il saute lorsqu’il estsoumisaufeu.

4160 Aumomentoùonlefaitbouillir,lepoischichemonteconstammentenhautdelamarmite,enpoussantcentcris,Disant : « Pourquoi me brûlez-vous ? Puisque vous m’avez acheté,

pourquoimeretournez-voustêteenbas?»Laménagèrecontinueàlefrapperaveclalouche:«Non,dit-elle,reste

sagementàbouillir,etnesautepasloindeceluiquifaitlefeu.« Je ne te fais pas bouillir parce que je te déteste : c’est pour que tu

acquièresdugoûtetdelasaveur,«Afinque tupuissesdevenirunalimentetque tusoismêléà l’esprit

vital;tonafflictionnevientpasdecequetuesméprisé.«Lorsquetuétaisvertetfrais, tubuvaisdel’eaudanslejardin;si tu

buvaisl’eau,c’étaitàcausedecefeu.»LamiséricordedeDieuestantérieureàsoncourroux,afinquegrâceà

lamiséricordedeDieuonpuissesubirl’affliction.Samiséricordeaprécédééternellementsoncourroux,afinqu’onpuisse

obtenirlecapitaldel’existence.Car,sansplaisir,lachairetlesangnecroissentpas;ets’ilsnecroissent

pas,qu’est-cequel’amourdel’Amiconsumera?Si,enraisondecettenécessité,desactesdecourrouxadviennent,afin

quetuprodiguescecapital,4170 LagrâcedeDieuviendraensuiteafind’excusercetacte,disant:«A

présent,tut’eslavéettuassautéhorsdecefleuve.»La ménagère dit : « Ô pois chiche, tu t’es nourri au printemps ; à

présent,laDouleurestdevenuetonhôte:traite-labien,« Afin que l’invité puisse rentrer en remerciant et puisse raconter ta

générositéenprésenceduroi,’«Desortequeceluiquiconfèrelafaveurpuisseveniràtoi,aulieude

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lafaveur,etquetouteslesfaveurspuissentt’envier.« Je suis Khalil (Abraham) et tu es mon fils, pose ta tête devant le

couteau:“Envérité,j’aivuquejetesacrifierais123.”«Posetatêtedevantmoncourroux,avecuncœursanstrouble,queje

puissetecouperlagorge,commeàIsma‘îl.«Jetecouperailatête,maiscettetêteestlatêtequin’apasàcraindre

d’êtrecoupéeetdemourir.«Cependant,tesoumettreestceàquoitendledesseinéterneldeDieu.

Ômusulman,tudoischercheràtesoumettre.«Continue,ôpoischiche,àbouillirdanslestribulations,pourqu’ilne

resteentoiniexistencenitoi-même.«Situasridanscejardin(terrestre),tueslarosedujardindel’espritet

l’œilspirituel;4180 «Situasétéséparédujardindel’eauetdelaterre,tuescependant

devenunourrituredanslaboucheettuesentrédanslesêtresvivants.«Deviensnourriture, forceetpensées.Tuétaisdu lait (shîr).Deviens

unlion(shîr)danslesjungles.« Par Dieu, tu as grandi au commencement à partir des attributs de

Dieu:retourneavecagilitéetrapiditéversSesattributs.« Tu es venu du nuage, du soleil et du ciel, puis tu es devenu des

attributsettuesmontéauciel.«Tuesvenusouslaformedelapluieetdelachaleur,tuirasdansles

attributsdivins.«Tufaisaispartiedusoleil,dunuageetdesétoiles,tuesdevenul’âme

etl’actionetlaparoleetlespensées.»L’existence de l’animal est née de lamort du végétal, aussi l’ordre :

«Tuez-moi,ômesloyauxamis*!»estjuste.Puisqu’ilyaune tellevictoirepournousaprès l’échecde lamort, les

mots:«Envérité,dansmamiseàmortilyaunevie»sontvrais.L’action,laparoleetlasincéritésontdevenueslanourrituredel’ange,

desortequ’aumoyendecetteéchelleilestmontéauciel.Demême,lorsquecettebouchéeestdevenuelanourrituredel’homme,

ils’estélevédel’étatinaniméetestdevenudouéd’uneâme.4190 Encequiconcernecesujet,uneimportanteexplicationseradonnée

ailleurs.La caravane des esprits arrive continuellement du ciel, afin de

commencersurterre,puisdes’enretourner.Va donc, doucement et joyeusement, et de bon gré, non pas avec

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amertumeethaine,commeunvoleur.Jetedisdesparolesamères,pourpouvoirtelaverdetouteamertume.Leraisingeléestlibéréparl’eaufroide,etlaissedecôtésafroidureet

songel.Lorsque après avoir supporté ce qui est amer, ton cœur est rempli de

sang,tuéchapperasalorsàtouteslesamertumes.

*«Tuez-moi,ômesamis!C’estdansmamortqu’estmavie,c’estdansmaviequ’estmamort…»ParolesdeMansûral-Hallâdj.

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Comparaisonmontrantcommentlevraicroyantdevientpatientquandilcomprendlesensintérieuretlanaturebénéfiquedelatribulation

i l’onnegardepasunchienpour la chasse,onne luimetpasdecollier. Ce qui est cru et non bouilli n’est rien d’autre que ce qui estinsipide.Le pois chiche répondit : « Puisqu’il en est ainsi, ô dame, je serai

heureuxdebouillir,aide-moi,envérité.«Danscetteébullition, tues,pourainsidire,mon instructeur, frappe-

moiavecl’écumoirecartufrappesbien.«Jesuisl’éléphant,bats-moietmarquematêteauferrouge,pourque

jenerêvepasàl’Hindoustanetàsesjardins,4200 «Etquejemesoumetteàcetteébullition,afindetrouverunevoievers

l’étreinte(duBien-Aimé).« Car l’homme, lorsqu’il est indépendant, devient insolent et hostile,

commel’éléphantquirêve.« Quand l’éléphant rêve de l’Hindoustan, il n’écoute pas son

conducteur.

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Commentlaménagèrefitdesexcusesaupoischiche,etcomment

lesagedesseinfutpoursuiviencontinuantàfairebouillirlepois

chiche

adameluidit:«Jadisjefaisais,commetoi,partiedelaterre.«Aprèsavoirbuunecoupededureascèse,jesuisdevenueacceptable

etpleinedemérites.« Pendant longtemps, j’ai bouilli dans le monde du Temps, pendant

longtempsencore,danslechaudronducorps.«Enraisondecesdeuxcuissons, jesuisdevenueunesourcedeforce

pourlessens;jedevinsl’espritanimal,puisjedevinstonmaître.«Alorsquejemetrouvaisdansl’étatinanimé,jemedisais:“Tucours

çà et là afin de pouvoir être douée de connaissance et de qualitésspirituelles.”«Puisquejesuisdevenueespritanimal,àprésentpuissé-jebouillirune

foisencoreetpasserau-delàdel’animalité.»SupplieDieucontinuellement,afindenepastrébuchersurcesprofonds

enseignementsetd’arriveràlafinduvoyage.4210 CarnombreuxsontceuxquiontétéégarésparleQor’ân:en

s’accrochantàcettecorde,unefouledegenssonttombésdanslepuits.Cen’estpaslafautedelacorde,ôhommepervers,étantdonnéquetu

nedésiraispasatteindrelesommet.

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Suitedel’histoiredel’hôtedecettemosquéequituaitseshôtes;sa

fermeté,etsasincérité

etétrangeràlaville,auxaspirationsélevées,déclara:«Jedormiraidanscettemosquéependantlanuit.«Ômosquée,situdeviensmaKerbéla*,tuseraslaKa’baquirépondà

mesbesoins.« Allons admets-moi, ô demeure choisie, que je puisse danser sur la

corde,commeMansûr(al-Hallâdj).«Sienmeconseillant tuesdevenucommeGabriel,cependantKhalil

(Abraham)nesupplierapasqu’onluiprêtesecoursdanslefeu**.« Allez-vous-en, ô vous pareils à Gabriel, car j’ai été attisé par les

flammesdel’amour,etcommeleboisd’aloèset l’ambre, jevauxmieuxbrûlé.« Ô Gabriel, bien que tu m’aides et me gardes comme un frère,

cependant,ôfrère,j’aspireaufeu;« Je ne suis pas cette âme charnelle, que je puisse croître puis

diminuer.»L’esprit animal s’accroît par le fourrage : c’était un feu et il a été

consumécommedesfagots.4220 S’iln’étaitpasdevenuduboispourlefeu,ilauraitportédesfruits;il

auraitprospéréjusqu’àl’éternitéetauraitétécausedeprospérité.Sachequecefeuestunventbrûlant:c’estunrayondefeu,cen’estpas

lefeului-même.Assurément,l’essencedufeusetrouvedansl’éther:surterre,iln’ya

quesonrayonetsonombre.Nécessairement, le rayon,en raisonde son instabilité,nedurepas : il

retournerapidementàsasource.Tastatureestnormalementinvariable,maistonombreesttantôtcourte,

tantôtlongue.Étant donné que nul ne trouve de permanence dans le rayon, tous les

refletsretournentàleurorigine.Prends garde, tais-toi : la malveillance a ouvert ses lèvres. Silence !

Dieuconnaîtmieuxlavoiedroite.

* Petite ville près de Kufa, où le petit-fils du Prophète, Husain, périt

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tragiquementavecplusieursdesesparentsetalliésaucombat,en680.*Abraham, sur lepointd’être jetédans le feuparNemrod, refusad’invoquerl’aidedeGabrieloudequiconque,saufDieu.

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Ausujetdelaconceptiondemauvaisesimaginationsparceuxqui

sontd’intelligencefaible

vant que cette histoire ne touche à sa conclusion, une vapeurnauséabondeprovientdel’envieux.Celanemepeinepas,maiscecouppourraitdécouragerunhommeau

cœursimple.Le Sage de Ghazna eut raison de proposer cette parabole spirituelle

pourserviràceuxquisontvoilés(delaperceptiondelavérité),4230 (Disant)quesil’onnevoitdansleQor’ânquedesmots,cen’estpas

surprenantdelapartdeceuxquisesontégarés,Étant donné que l’œil de l’aveugle n’est sensible qu’à la chaleur

provenantdesrayonsdusoleillumineux.Soudainunhommeaussistupidequ’unânes’avança,telleunemégère,Disant que ce discours, à savoir leMathnawî, est faible ; que c’est

l’histoireduProphèteetqu’ilconsisteenimitations;Qu’il ne comporte pas de discussions au sujet desmystères sublimes

verslesquelslessaintsfontgaloperleurcoursier;Que, des degrés de l’ascétisme jusqu’à l’annihilation de soi (fanâ),

étapeparétape,jusqu’àl’unionavecDieu,Ilnecontientpasl’explicationetladéfinitiondechaque«station»et

phase,desortequ’aumoyendecesailesunmystiquepuisseprendresonessor.Quand le Livre de Dieu (le Qor’ân) fut révélé, les incroyants s’en

moquèrentégalement,Disant:«Cenesontquedeslégendesetdeshistoiresvaines;iln’ya

paslàderechercheprofondenidespéculationsublime;« Les petits enfants le comprennent ; ce ne sont rien que des choses

approuvéesoudésapprouvées—4240 «L’histoiredeJoseph,desesbouclesdecheveux,l’histoiredeJacobet

celledeZulaikhâetdesapassion.«C’estsimple,etchacunytrouvelechemindesasignification:oùest

l’exposédanslequell’intellectseperd?»Dieudit:«Sicelatesemblesifacile,composeuneseulesourateaussi

“facile”queceQor’ân.« Que les djinns et les hommes et les plus habiles d’entre vous

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produisentunseulversetdecestyle“facile”.»

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CommentaireduhadithdeMustafâ(surluilapaix)queleQor’ânaunsensextérieur,etunsensintérieur,etquecesensintérieuraunsensintérieur,etainsidesuite,jusqu’à

septsens

achequelesmotsduQor’ânontunsensextérieur,etsouscesensextérieurunsensintérieur,extrémementpuissant;Etendessousdecesensintérieur,untroisièmesensintérieurparlequel

touteslesintelligencesdeviennentperdues.LequatrièmesensintérieurduQor’ân,personnenel’ajamaissaisi,sauf

Dieu,leSansrival,l’incomparable.DansleQor’ânneconsidèrepas,ômonfils,seulementl’extérieur:le

DémonnevoitenAdamriend’autrequedel’argile.LesensextérieurduQor’ânestcomme lecorpsd’unhomme,car ses

traitssontvisibles,tandisquesonespritestcaché.Lesonclespaterneletmaterneld’unhomme(peuventlevoir)pendantcentans,etnepasapercevoirdesonétatintérieurleboutd’un

cheveu.

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Ilestexpliquéquelesprophètesetlessaints(sureuxlapaix)nevont

pasdanslesmontagnesetlescavernesdansledesseindese

cacher,nienraisondeleurcrainted’êtredérangésparlesgens,maisafindeguiderleshommesdansle

droitcheminetdelesinciteràabandonnercemondeautantque

possible

4250 uantàcequel’onditquelessaintsdemeurentdanslesmontagnesafind’êtrecachésàlavuedeshommes,Auxyeuxdesgens,ilssontplushautsquecentmontagnesetmettentle

piedsurleSeptièmeCiel.Pourquoi donc ceux qui sont au-delà de cent mers et montagnes se

cacheraient-ilsetchercheraient-ilsunrefugedanslesmontagnes?Iln’apasbesoindes’enfuirverslesmontagnes,celuiàlapoursuitede

quileCielmêmes’essouffle.La sphère céleste a tourné si longtemps sans jamais voir une tracede

l’esprit;c’estpourquoileCielaprisdeshabitsdedeuil.Si,extérieurement,lapériestcachée,l’hommeestcentfoispluscaché

quelespéris.Aux yeux des gens intelligents, l’homme est en vérité cent fois plus

cachéquelapéri,quiestinvisible.Puisque, dans l’opinion de l’homme intelligent, l’homme est caché,

combiendoitl’êtreAdamquiestéluparDieudanslemondeinvisible!

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Comparaisondelaformedessaints,etdelaformedesparolesdes

saints,aveclaformedubâtondeMoïseetaveclaformede

l’incantationdeJésus(lapaixsoitsurtousdeux)

’homme est comparable au bâton de Moïse, l’homme estcomparableàl’incantationdeJésus.Pourl’amourdelajusticeetdelabeauté,lecœurduvéritablecroyant

estdanslamaindeDieu,entreSesdeuxdoigts.4260 Laformeextérieuredubâtonestunmorceaudebois,maistoute

existencen’estpourluiqu’unebouchéequandilouvresongosier.Dans l’incantation de Jésus, ne t’arrête pas à la lettre et au son,

considèrelefaitquelamorts’estdétournéeets’estenfuie.Danssonincantation,net’arrêtepasauxmots infimes:considèreque

lesmortssesontdressésetsesontassis.Quant à ce bâton, ne considère pas combien il fut facile à obtenir ;

considèrelefaitqu’ilafendulamerverte.Tuasvudeloinledaisnoir,faisunpasenavantetcontemplel’armée.De loin, tu n’aperçois que la poussière : avance un peu et tu verras

l’hommedanslapoussière.Sa poussière rend les yeux brillants ; son courage déracine les

montagnes.QuandMoïsearrivadesconfinslesplusreculésdudésert,àsavenuele

montSinaïsemitàdanser.

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Commentaire(duverset):Ôvousmontagnes,répétez(leslouangesde

Dieu)enaccordaveclui,etaussilesoiseaux124

e visage de David rayonnait de la gloire divine, les montagnesgémissaientaprèslui.La montagne accompagnait David (dans ses chants) : ces ménestrels

étaientenivrésd’amourpourunRoi.4270 L’ordredivinarriva:Ôvousmontagnes,répétez(leslouangesdeDieu).

Ilsjoignirentleursvoixetchantèrentensemble.Dieudit:«ÔDavid,tuassubilaséparation;paramourpourMoi,tu

t’esséparédetesamisintimes.»Ôétrangersolitairedevenusansamis,danslecœurdequiaflambéle

feudelanostalgie,Tudésiresdesménestrels,deschanteurs,desamis;l’Eternelapportera

lesmontagnesdevanttoi.Ilenfaitdesménestrels,deschanteurs,desjoueursdesurnâ(genrede

flûte):Ilfaitjouerdevanttoilamontagneenmesure.Afinquetupuissessavoirque,puisqu’ilestpermisaumontdechanter,

lesaint,demême,chantedeschantsplaintifs,sanslèvresetsansdents.Lamélodiedesatomesdecetêtreaucorpspurparvientàchaqueinstant

àl’oreilledesessens.Ses compagnonsne l’entendentpas,mais il l’entend : heureuse l’âme

quicroitàsonmystèrecaché!Lesaintperçoitcentdiscoursenlui-même,tandisquesoncompagnon

n’enaaucunindice.Dans ton propre cœur, cent questions et cent réponses viennent de ce

quiestau-delàdel’espaceverstademeure.4280 Tulesentends,unautrenelesentendpas,mêmes’ilapprocheson

oreilledetoi.Ôtoiquiessourd, j’admetsqu’enréalité tunelesentendspas;mais,

puisquetuasvuleuremblèmeextérieur,commentnecrois-tupas?

Page 1030: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

RéponseàceluiquisemoqueduMathnawîparcequesonintelligenceestfaible

vaurienmoqueur, tuaboiescommeunchienet trouvesdes fautesafinderaillerleQor’ân.Cen’estpasunliontelquetupuissespréservertavieousauvertafoi

desgriffesdesavengeance.LeQor’ânproclamejusqu’àlaRésurrection:«Ôhommesconsacrésà

l’ignorance,«Quimeconsidériezcommeuncontevainetquisemiezlagrainedela

raillerieetdel’infidélité,«À présent, vous avez constaté ce dont vous vousmoquiez, à savoir

quec’estvousquiétiezpérissablesetuncontevain.« Je suis laParoledeDieu subsistantedans l’Essencedivine ; je suis

l’alimentdel’Âmedel’âme,etjesuislejoyaudelapureté.«JesuislaLumièredusoleilquiesttombéesurvous,maisjenesuis

pasdevenuséparéduSoleil.«Envérité,jesuislaSourcedel’EaudelaVie,pourlibérerdelamort

lesamoureuxdeDieu.4290 «Sivotrecupiditén’étaitpasdevenueaussipourrie,Dieuaurait

répandusurvostombesunpeudecetteEau.«Non,jeveuxaccepterleconseiletlesdiresduSage(deGhazna);je

neveuxpaslaissermoncœurêtreblesséparchaqueraillerie.»

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Paraboledupoulainrefusantdeboiredel’eauàcausedescris

despalefreniers

insiqu’ill’araconté,lepoulainetsamèreétaiententraindeboiredel’eau.Lespalefrenierscriaientsansarrêtauxchevaux:«Allons,buvez!»Cescrisparvinrentaupoulain:illevalatêteetrefusadeboire.Sa mère lui demanda : « Ô poulain, pourquoi refuses-tu toujours de

boiredecetteeau?»Lepoulaindit:«Cesgenshurlent:j’aipeurdeleurscris.« C’est pourquoi mon cœur tremble et palpite : je crains d’entendre

leurscris.»Lamèrerépondit:«Depuisquelemondeexiste,ilyatoujourseusur

terredesimportunsdelasorte.»Écoute,occupe-toidetespropresaffaires,ôhommedigne:bientôt,ils

s’arracherontlescheveux(deregret).4300 Letempsestlimité,etl’eauabondanteserépandauloin:(bois-en),de

peurd’êtremisérableenenétantséparé.Ilexisteuncélèbrecanal,remplidel’EaudelaVie:tiredecetteEau,

afinquedetoipuissepousserlaverdure.Nousbuvonsl’eaudeKhizrdanslefleuvedesparolesdessaints:viens,

ôhommeignorantetassoiffé!Situnevoispasl’eau,habilement,àlamanièredesaveugles,apgorte

l’aiguièreàlarivière,etplonge-ladanscetterivière,Étantdonnéquetuasentendudirequ’ilyavaitdel’eaudanslelitdela

rivière:l’hommeaveugledoitseplierauconformisme.Apporte à la rivière l’outrequi aspire à l’eau, afinde trouverque ton

outreestdevenuelourde.Quandtul’aurastrouvéelourde,tuserasincitéàdéduirelavérité:àcet

instant,toncœurseradélivrédusecconformisme.Si l’homme aveugle ne voit pas de ses yeux l’eau de la rivière,

cependantilsait,quandils’aperçoitquel’outreestlourde,Quedel’eaudelarivièreapénétrédansl’aiguière ;carcetteaiguière

étaitlégère,etmaintenantelleestdevenuelourdeetgonfléed’eau;«Parceque,dira-t-il,chaqueventm’emportaitjadis;àprésent,levent

nem’emporteplus:monpoidss’estaccru.»

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4310 Lesgensstupidessontemportésparchaquesoufflededésir,parcequ’ilssontdépourvusdulestdesfacultés(intellectuelles).Leméchantestunnaviresansancre,carilnetrouvepasdemoyensde

sedéfendrecontreleventmauvais.Pour l’homme intelligent, l’ancre de l’intelligence est la sécurité :

mendieunetelleancreauprèsdesintelligents.Étant donné que le sage a emporté des richesses de l’intelligence du

trésordecetteMerdegénérosité,Par de tels apports le cœur est rempli de connaissance : cette

connaissancesurgithorsducœur,etl’œilaussidevientilluminé,Parcequelalumièrevenantducœurs’estposéesurcetœil,desorteque

tonœil,étantdevenulecœur,transmuesafonctionsensorielle.Quand le cœur, lui aussi, est entré en contact avec les lumières

intellectuelles,ilenoctroieuneportionsurlesyeux.Sachedoncquel’EaubénitevenueduCielestl’inspirationdescœurset

lavéritableexplication(desmystères).Commecepoulain,buvonsl’eauduruisseau;nefaisonspasattention

auxvilessuggestionsdumoqueur.Situeslediscipledesprophètes,parcourslaVoie:considèretoutesles

railleriesdescréatureshumainescommeduvent.4320 QuandlesmaîtresquiontfranchilaVoieont-ilsprêtél’oreilleàla

clameurdesvauriens?

Page 1033: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Suitedel’histoiredel’hôtedanslamosquéequituaitleshôtes

aconte ce qui arriva dans la mosquée à cet homme vaillant ets’offrantensacrifice,etcequ’ilfît.Il dormit dans la mosquée, mais, en vérité, comment dormit-il ? Un

hommeimmergépeut-ildormirdanslarivière?Toujours, les amoureux, sous l’emprisede lapassion,ontun sommeil

semblableàceluidesoiseauxetdespoissons.Aminuits’élevaunevoixépouvantable:«Jeviens,jevienssurtoi,ô

toiquirecherchesunprofit.»Cinqfoisvintcettevoixterrible,etsoncœurétaitdéchiréenlambeaux.

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CommentaireduversetduQor’ân:Rassemblecontreeuxtescavalierset

tesfantassins125

uandtuprendslafermerésolutiond’êtrereligieux,leDémondanstanaturetecrie:«Nevapasdanscettedirection!Réfléchis,ôhommemalguidé;cartu

deviendrascaptifdelasouffranceetdelapauvreté.«Tudeviendrasmisérable,tuserascoupédetesamis,tuserasméprisé,

tuleregretteras.»De peur du cri de ceDémonmaudit, tu t’enfuis d’une vérité certaine

pourtomberdansl’erreur,4330 Disant:«Eh!bien,j’aidemainetaprès-demain:jecourraidansla

Voiedelareligion,j’aitoutmontemps.»Alors,tuvoislamorttuanttesvoisinsàdroiteetàgauche,desorteque

s’élèventleslamentations.Acemoment,depeurpour tavie, tudécidesd’êtrepieuxpendantun

temps,tutecomportesenhommevéritable;Turevêtsl’armuredelaconnaissanceetdelasagesse,disant:«Jene

reculeraidevantaucundanger.»Denouveau,leDémontecrieperfidement:«Prendsgarde,détourne-

toidel’épéedelapauvreté!»Anouveau,tut’enfuisloindelaVoiedelaLumière,etturejettescette

armuredeconnaissanceetdevertu.Durantdesannées, tuessonesclaveàcaused’uncri : tu t’esassoupi

dansunetelleobscurité!Lacrainteducridesdémonsaenchaînélesgensetlesaprisàlagorge,Jusqu’àceque leursâmessoientdevenuesdésespérantde laLumière,

commelesespritsdesinfidèlesquidemeurentdanslestombeaux.Telleestlaterreurducridecemaudit:quelledoitêtrelacrainteducri

divin!4340 Lapeurdufaucontombesurlanobleperdrix:lamouchen’apaspartà

ceteffroi,Parce que le faucon n’est pas un chasseur de mouches : seules les

araignéesattrapentlesmouches.Cette araignée, leDémon, exerce son empire sur lesmouches comme

toi,nonsurlaperdrixetl’aigle.

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Lecridesdémonsestleconducteurdesdamnés;lecriduSeigneurestlegardiendessaints,Afinque,étantdonnéquecesdeuxcrissontéloignésl’undel’autre,pasunegoutted’eaude lamerdoucene semélangeà lamer

salée.

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Commentlecrimagiqueparvintàminuitauxoreillesdel’hôte

delamosquée

présent,écoutel’histoiredeceterriblecri,parlequelcethommeàl’heureusefortunenefutpastroublé.Il dit : «Que craindrais-je ? Car c’est le tambour de la Fête. Que le

tambours’effraye,puisquec’estluiquireçoitlescoups.«Ôtambourscreuxetdépourvusdecœurs!votrepartdanslafêtede

l’espritn’estquelescoupsdelabaguette.«LaRésurrectionest laFête,et lesincroyantssont le tambour;nous,

pareilsauxgensdelaréjouissance,nousrionscommelarose.»Maintenant écoute comment, lorsque ce tambour résonna, l’hôte vit

s’accroîtresaprospérité.4350 Quandcethommedouéd’intuitionentenditletambour,ildit:

«Commentmoncœurserait-ileffrayéparletambourdelaFête?»Ilsedità lui-même:«Prendsgarde,ne laissepas toncœur trembler,

car seules les âmes de ceux au cœur faible, qui manquent de foi, sontmortesaubruitdecetambour.« Le temps est venu pour moi, commeHaydar (’Alî), de m’emparer

d’unroyaumeoudequittercecorps.»Ilbonditets’écria:«Ôprince,mevoici:situesunhomme,viens!»Asavoix,cetalismanfutaussitôtdétruit : l’orsedéversa,dediverses

sortes,danstouteslesdirections.Tant d’or se déversa que le jeune homme craignit qu’à cause de son

abondanceilpuissebloquerlaporte.Ensuite,cethommevaillantseleva,etjusqu’àl’aubetransportal’or,L’enterrant,puisrevenantànouveauavecdessacsetdescouffins.Cethommebraveendéposadegrandesquantités,malgrélapeuretla

fuitedesgenscraintifs.L’idée qu’il s’agit d’un or matériel est venue à l’esprit de chaque

adorateurdel’or,aveugleetéloignédeDieu.4360 Demême,lesenfantsbrisentdespoteries,donnentauxmorceauxle

nomd’or,etlesmettentdanslespansdeleurvêtement.Quand, dans ce jeu, vous mentionnez le nom de l’or, l’idée de cette

poterietraverse1’espritdel’enfant.Non, c’est l’or portant lamarque divine, l’or qui ne devient pas hors

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d’usage,maisquiestéternel;L’or de qui cet or terrestre a tiré son éclat, et acquis le brillant, la

splendeuretlelustre;L’or par lequel le cœur est rendu riche : il surpasse la lune en

rayonnement.Cette mosquée était la chandelle et lui (l’invité) son phalène ; cet

homme,ayantlanaturedupapillon,sesacrifialui-même.Ilbrûlasesailes,maissatisfitsondésir:sejeter(danslaflamme)était

unebénédiction.Cet homme fortuné était comme Moïse qui aperçut un feu dans la

directiondel’arbre126;Puisque les faveurs divines lui étaient abondamment octroyées, il

s’imaginaitquec’étaitunfeu,enréalitéc’étaitlaLumière.Ô mon fils, quand tu vois un homme de Dieu, tu supposes qu’il se

trouvedanslefeudelanaturehumaine.4370 Tudéduiscelaàpartirdetoi-même;or,celaestentoi(nonenlui):le

feuetlesépinesdel’opinionfaussesontdececôté.Ilest l’arbredeMoïseet remplideclarté ;allons,appelle-leLumière,

nel’appellepasfeu.Êtresevrédecemondeneparut-ilpascommeunfeu?Lespèlerinss’en

allèrent,etcesevrageétaitenréalitélaLumière.SachedoncquelaChandelledelaReligionesttoujoursgrandissante:

cen’estpascommelachandelledeflammes.CettechandelleardentesembleêtrelaLumière,maisellebrûlesonami,

tandis que celle (de la Religion) a l’apparence du feu, mais elle estsemblableauxrosespourceuxquilavisitent.La première est comparable à un ami complaisant, mais elle brûle,

tandisquel’autreilluminelecœuraumomentdel’union.A ceux qui sont présents avec Dieu, l’apparition de l’étincelle de la

Lumière pure et noble est lumineuse, tandis que pour ceux qui sontéloignés(deDieu)elleestpareilleaufeu.

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Larencontredel’amoureuxavecleSadr-iDjahân*

’hommedeBoukharase jeta luiaussi sur lachandelle, sapassionluirendaitcettesouffrancefacile.Sessoupirsbrûlantsmontèrentversleciel,latendresseremplitlecœur

duSadr-iDjahân,Quipriaintérieurement,àl’aube:«ÔToil’Unique,qu’enest-ildece

vagabondbouleversé?

4380 «Ilacommisunpéché,etnousl’avonsvu,maisilneconnaissaitpasbiennotremiséricorde.

«Lecœurdupécheurapeurdenous,maisdanssacrainte ilyacentespoirs.« J’effraie l’homme insolent qui s’est égaré ; pourquoi effraierais- je

celuiquiesteffrayé?«Lefeuestutilisépourlechaudronfroid,nonpourceluiquibout.«J’effraieceluiquiestsanspeurparmaconnaissance;j’enlèvelapeur

deceluiquiesteffrayéparmaclémence.«Jesuisunrapiéceur, jemets lapièceàsaplace : jedonneàboireà

chacunselonlamesurequiconvient.»Laconscience laplus secrètede l’hommeestpareilleà la racined’un

arbre,c’estàpartirdelàquesesfeuillespoussent,duboisdur.Lesfeuillespoussentselonlaracine,dansl’arbre,danslesâmesetdans

lesintelligences.Desarbresde la fidélitésortentdesailesquis’élèventvers leciel :Sa

racineestfixée(danslaterre)etsabrancheestdansleciel127.Puisqueparl’amourestpousséel’ailequis’élèveversleciel,comment

nepousserait-ellepasdanslecœurduSadr-iDjahân?4390Lepardondupéchéemplissaitsoncœur,étantdonnéqu’ilexisteune

fenêtredechaquecœuràunautrecœur.Sansnuldoute,ilexisteunefenêtreentrelecœuretlecœur;ilsnesont

passéparésetéloignéscommedeuxcorps.L’argilededeuxlampesn’estpasunie,maisleurlumièreseconfond.En vérité, aucun amant ne recherche l’union si son bien-aimé ne la

cherche.

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Maisl’amourdesamantsrendlecorpspareilàlacordedel’are,tandisquel’amourdesaiméslerendgracieuxetdodu.Quandl’éclairdel’amourpourlebien-aiméafrappécecœur-ci,sache

quel’amourexistedanscecœur-là.Quand l’amourdeDieu redoubledans toncœur, sache sansnuldoute

queDieuadel’amourpourtoi.Lebruitdel’applaudissementneprovientpasd’unedetesmainssans

l’autremain.L’hommeassoiffégémit:«Ôdélicieuseeau.»L’eaugémit,elleaussi,

disant:«Oùestlebuveurd’eau?»Cettesoifdansnosâmesestl’attirancevenantdel’Eau,noussommesà

Elle,etElleestànous.4400LasagessedeDieudansledestinetleDécretnousafaitsamoureuxles

unsdesautres.En raison de cet ordre prééternel, toutes les particules dumonde sont

crééesparpairesetsontéprisesdeleurproprepartenaire.Chaqueparcelledel’universdésiresonpartenaireàl’instardel’ambre

etdubrindepaille.Lecielditàlaterre:«Bienvenue.Vis-à-visdetoi,jesuiscommelefer

etl’aimant.»Dupointdevuedel’intellect,lecielesthommeetlaterrefemme:ce

quelecielfaitdescendre,laterrelenourrit.Quanddanslaterreilneresteplusdechaleur,leciell’envoie;quandil

neresteplusdefraîcheurnid’humidité,ill’octroie.Lesignedeterre(duzodiaque)vientenaideàlapoussièredelaterre;

lesigned’eauycréelafraîcheur;Le signed’air lui envoie les nuages, afin qu’ils fassent disparaître les

vapeurspestilentielles;Lesignede feuest la sourcede lachaleurdusoleil, telleunepoêleà

frireportéeaurouge,devantetderrière,parlefeu.Lefirmamenttournedansletemps,commeleshommesquierrentàla

recherchedugainpourl’amourdeleurépouse.4410 Etcetteterrefaitœuvredesage-femme,elles’occupedesnaissanceset

d’allaitercequ’elleporte.Considère donc que la terre et le ciel sont doués d’intelligence,

puisqu’ilseffectuentlatâched’êtresintelligents.Amoinsquecesdeuxamoureuxnejouissentl’undel’autre,pourquoi

serapprochent-ilscommeuncouple?Sans la terre, comment les roses et les fleurs d’arghawan croîtraient-

Page 1040: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

elles?Quenaîtrait-ildel’eauetdelachaleurduciel?Le désir que la femelle éprouve pour le mâle tend à ce qu’ils

accomplissentl’œuvrel’undel’autre.Dieuaplacéledésirdansl’hommeetdanslafemmeafinquelemonde

soitpréservéparcetteunion.Ilamisaussiledésirdechaquepartiepourunepartie;de1’unionde

tousdeuxrésulteunactedegénération.Demême,lanuitetlejours’étreignentmutuellement;ilsdiffèrenten

apparence,maisenréalitésontd’accord.Extérieurement, le jour et la nuit sont deux opposés et ennemis,mais

tousdeuxs’occupentd’uneseulevérité,Chacundésirantl’autre,telsdesparents,envued’accomplirleuraction

etleurtâche,4420 Car,sanslanuit,lanaturenerecevraitpasderevenu;qu’est-cequeles

joursdépenseraientdonc?

*Litteralement:«PrinceduMonde»,termesymboliquepourBien-Aimé.

Page 1041: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentchaqueélémentattiresoncongénèreemprisonnédanslecorps

humainparcequin’estpashomogèneaveclui

aterreditàlaterreducorps:«Retourne.Prendscongédel’esprit,viensàmoicommelapoussière.« Tu esmon congénère, il te convientmieux d’être avecmoi,mieux

vautquetuéchappesàcecorpsetàcettehumidité.»Ellerépond:«Oui,jesuisenchaînée,bienquecommetoijesoislasse

delaséparation.»L’eau cherche l’humidité du corps, disant : « Ô humidité, reviens de

l’exiljusqu’ànous.»L’étherappellelachaleurducorps,disant:«Tuesdefeu,retrouvele

chemindetonorigine.»Ilexistesoixante-douzemaladiesdanslecorps,duesauxélémentsqui

tirent(chacundeleurcôté)sanscorde.Lamaladievientébranlerlecorps,afinquelesélémentss’abandonnent

lesunslesautres.Ces éléments sont quatre oiseaux aux pattes liées ensemble ; lamort,

l’infirmité,lamaladiedélientleurspattes.Quand la mort a détaché les pattes des uns et des autres,

inéluctablementchaqueélément-oiseaus’envoleauloin.4430 Latensionentrecesoriginesetcesdérivésinfligecontinuellementdela

souffranceànoscorps,Afin que puissent être brisées ces associations et que chaque oiseau,

c’est-à-direchaquepartie,puisses’envolerverssademeure.Mais la Providence divine les empêche de se hâter et les maintient

ensembleenbonnesantéjusqu’autermeprescrit,Etdit:«Ôparties!letermenevousestpasconnu:ilestinutileque

vouspreniezvotreenvolavantleterme.»Étantdonnéquechaquepartieducorpsrecherchelelieudesonrepos,

queldoitêtrel’étatdel’âme,cetteétrangère,danslaséparation?

Page 1042: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Comment,demême,l’âmeestattiréeverslemondedesespritsetcommentelledésiresademeureetenasoifetdevientséparéedespartiescorporellesquisontune

chaîneàlapattedufauconspirituel

’âmedit:«Ômesvilespartiesterrestres,monexilestpirequelevôtre:jesuiscéleste.»Ledésirducorpspourlesherbesverteset l’eauvivevientdecequ’il

tiresonoriginedeceschoses;Ledésirdel’âmeestpourlaVieetleVivant,parcequesonorigineest

l’Ameinfinie.Ledésirdel’âmeestpourlasagesseetlessciences,ledésirducorpsest

pourlesvergers,lesprairiesetlesvignes.Ledésirdel’âmeestpourl’ascensionetlasublimité;ledésirducorps

estpourlegainetlesmoyensdeseprocurerdufourrage.4440 Cettesublimité,elleaussi,éprouvedudésiretdel’amourpourl’âme:

d’aprèscela,comprends«Illesaime»et«ilsL’aiment».Si j’explique cela, il n’y aura point de fin : leMathnawî aura quatre-

vingtsvolumes.Enrésumé,chaquefoisqu’oncherche,l’âmedel’objetqu’onrecherche

désirecelui-ciquilecherche.Que ce soit un homme, un animal, une plante ou unminéral, chaque

objetdésiréestéprisdetoutcequisetrouveendehorsdel’objetdudésir.Ceuxquisontsansl’objetqu’ilsdésirents’attachentàunobjetdudésir,

etceuxquisontdésiréslesattirent.Mais le désir des amoureux les rend amaigris, tandis que le désir des

aiméslesrendbeauxetrayonnants.L’amourdesaimésilluminelesjoues,1’amourdel’amoureuxconsume

sonâme.L’ambreaimelapailleenparaissantnerienvouloir,tandisquelapaille

s’efforced’avancersurcettelongueroute.Laissonscela!L’amourdecethommeassoiffébrillaitdansleseindu

Sadr-iDjahân.Lafuméedel’amouretlasouffrancedutempledufeupénétrèrentdans

Page 1043: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

sonseigneuretsetransformèrentencompassion;4450 Maisenraisondesagloire,desafiertéetdesamagnificence,ilavait

hontedes’informerdelui.Sa miséricorde avait commencé à languir après cet homme humble,

maissamajestél’empêchaitdetémoignersabienveillance.L’intellect est désemparé, se demandant si c’est lui (leSadr-iDjahân)

quiattiral’amoureux,ousil’attirancevintdel’amoureuxverslui.Renonceàlaprésomption,cartuesignorantdecela.Closteslèvres,car

Dieuconnaîtmieuxlesecret.Désormais, je renoncerai à ce sujet. Celui qui m’attire (m’attire

ailleurs),quepuis-jefaire?Quelestceluiquit’attire,ôquémandeur?Celuiquinet’autorisepasà

prononcercemot.Tu prends cent résolutions de te rendre (en un certain lieu). Il t’attire

versunautreendroit.Iltournelabride(ducheval)danschaquedirection,afinquelecheval

nondressépuisseapprendreàconnaîtrelecavalier.Le cheval intelligent marche d’un bon pas, parce qu’il sait que le

cavalierestmontésurlui.Ilaattachétoncœuràcentdésirspassionnés,t’adésappointéetensuite

t’abrisélecœur.4460 Etantdonnéqu’ilabrisélesailesdetapremièreintention,comment

l’existenceduBriseurd’ailesn’était-ellepasparfaitementassuréedanstonesprit?PuisqueSonordreacassé lacordede tonaction, comment l’ordrede

Dieun’a-t-ilpasétéparfaitementévidentpourtoi?

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Commentl’annulationetladestructiondesrésolutions

humainesapourbutdefaireconnaîtreàl’hommequ’IlestleSeigneuretleTout-Puissant,etlefaitqueparfoisIln’annulepaslarésolutiondel’hommeetlaréalise,apourbutquel’espoirl’inciteàprendreunerésolutiondesorte

qu’Ilpuisseànouveauladétruire,afinquel’avertissementpuisse

suivrel’avertissement

anslecoursdesévénements,tesrésolutionsettesdesseinsparfoisseréalisent,Afin que, par l’ espoir né de cette réalisation, ton cœur formule une

intention,etqu’ilpuisseànouveaudétruiretonintention,Car s’il te privait toujours du succès, ton cœur serait sans espoir :

commentsèmerait-illagrainedel’espoir?Et à moins que soit semée la graine de l’espoir, comment son

infécondité ne lui rendrait-elle pas évidente sa sujétion (à la volontédivine)?Parleurséchecs,lesamoureuxsontrendusconscientsdeleurSeigneur;L’absencedesuccèsestleguideversleParadis.Écoute,ôhommeàla

bonnenature,(lehadîth):«LeParadisestentouré(desouffrances).»Étant donné que tout ce que tu désires est sans succès, il existe

Quelqu’undontleplaisirestréalisé.C’est pourquoi les (croyants) sincères sont devenus humbles devant

Lui;maisqu’enest-ilenvérité,del’humilitédeceuxquiL’aiment?4470 Lesintelligentss’humilientdevantLuiparnécessité;lesamoureux

s’humilientavecunelibertécentuplée.Les intelligents sont Ses esclaves enchaînés ; Ses amoureux sont

attachésàLuiàcausedeSadouceur.Viens contre ta volonté, est le licou pour les intelligents. Viens

volontairement,estleprintempsdesamoureux128.

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CommentleProphète(surluilapaix)regardalescaptifsetditen

souriant:«Jem’129émerveilledevoirdesgenstirésversleParadisdans

deschaînesetdesliens.»

e Prophète vit une troupe de captifs qu’on emmenait, et ils selamentaientàvoixhaute.Cehéroslucidelesvitdansdeschaînes:illesvitluijetantdesregards

hostiles,De telle sorte que chacun d’eux grinçait des dents et se mordait les

lèvresdecolèrecontreleProphètevéridique.Mais,endépitdeleurcolère,ilsn’osaientprononceruneparole,carils

étaientdanslachaînedecaptivitédedixman*.Leur gardien les fait avancer vers la ville, il les emmène de force du

paysdesincroyants.Ilssedisent:«Il(leProphète)n’accepteraaucunerançonniaucunor,

aucuneintercessionnevientd’aucunprince.«Onl’appelleunemiséricordepourlesmondes,etilcoupelesgorges

etlesgosiersd’unmondedegens.»4480 Avecmilleincroyances,ilspoursuivaientleurchemin,semoquantàmi-

voixdesactionsdeceroi(spirituel),(Disant):«Nousavonstrouvéremède(auparavant)maisdanscecas,il

n’estpointderemède;envérité, lecœurdecethommen’estpasmoinsdurqu’unepierre.«Nous,milliersd’hommesbravescommedeslionsd’Alparsalân,nous

battantavecdeuxoutroishommesnus,faiblesetàdemimorts,« Sommes laissés ainsi impuissants : est-ce dû à notre mauvaise

conduite,ouànosétoiles,ouest-cedelasorcellerie?«Sa chanceadétruit notre chance,notre trône a été renversépar son

trône.« Si sa cause l’a emporté à cause de la sorcellerie, nous aussi avons

pratiquélasorcellerie:commentsefait-ilqu’ellen’aitpasréussi?»

*Lemanestunemesuredepoidsdecinqkilogrammes.

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Commentaireduverset(duQor’ân):Sivouscherchiezle

succès,vousl’avezobtenu130.Ôdétracteurs,vousdisiez:«Donnele

succèsetlavictoireànousouàMohammad,àceluiquiaraison»;

etvousdisiezcelaafinquel’onsupposequevousrecherchiezcequiestbiendefaçondésintéressée.A

présent,nousavonsdonnélavictoireàMohammad,afinque

vouspuissiezvoirquiestledétenteurdubondroit

oussuppliâmeslesidolesetDieu,disant:“Détruisez-noussinousn’avonspasraison.Quelquesoitceluiquiestjusteetvéritable,entrenousetlui,donnezlavictoireàcelui-làetsouhaitezqu’ilsoitvictorieux.”« Nous nous livrâmes souvent à cette invocation, priant devant Lât,

UzzâetManat*,« Disant : “S’il a raison, rendez-le manifeste ; s’il a tort, rendez- le

soumisànous.”4490 «Lorsquenousreconnûmescequis’étaitpassé,c’estàluiquela

victoirefutaccordée;nousétionstousl’obscurité,ilétaitlalumière.«Ceciestlaréponse(quenousreçûmesdeDieu):“Encequiconcerne

cequevousdésiriezsavoir, ilestdevenuévidentquec’estvousquiêtesdansl’erreur.”»Puis, à nouveau, ils dissimulaient cette pensée de leur réflexion, et la

chassaientdeleurmémoire,Disant : «Cettepenséeaussi, à savoir, que le fait qu’il ait raison soit

établidansnosesprits,provientdenotremalchance.«Qu’importe,envérité,qu’ill’aitemportésurnousplusieursfois?La

fortunedonnelaprédominanceàchacun(detempsàautre).«Nousaussiavonsétérendusvictorieuxparlachance,etavonsparfois

remportésurluilavictoire.»Maisànouveau ilssedisaient :«Bienqu’il fûtvaincu,cen’étaitpas

honteuxetvilcommenotredéfaite,«Parceque,lorsdeladéfaite,lachanceluidonnaensecretcentjoies

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cachées;« Car il ne ressemblait nullement à un vaincu, étant donné qu’il

n’éprouvaitpasdepeinenidechagrinàcausedecela.»Êtrevaincuesteneffetlesignedesvraiscroyants;cependant,dansla

défaiteduvraicroyantsetrouveunbienfait.4500 Sil’onécrasedumuscoudel’ambre,onremplitlemondeentierdu

parfumd’herbessuaves;Etsil’onécrasesoudainlecrottind’unâne,lesmaisonsserontremplies

depuanteurjusqu’autoit.AumomentduretourhumiliéduProphètedeHudaybiyah*,lagloirede

Oui,Nousfavonsaccordéuneéclatantevictoire131futproclamée.

*IdolesdeLaMecque.*Ils’agitdel’expéditionmalheureuseduProphèteàHudaybiyah,auxenvironsdeLaMecque,enl’an6del’hégire,quiprécédadedeuxanslaconquêtedeLaMecque.

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LaraisoncachéepourlaquelleDieuleTrès-Hautdonnaletitrede

victoireauretourduProphète(surluilapaix)deHudaybiyahsans

qu’ilaitatteintsonbut;comment(Dieudit):Oui,Noust’avons

accordéuneéclatantevictoire;carcen’étaitunedéfaitequ’en

apparence,maisenréalitéunevictoire,demêmequelebroiement

dumuscestapparemmentunécrasement,maisenréalitéconfirmesaqualitémusquéeetmanifestesesvertusdanstouteleurperfection

el’empire(divin)vintàluicemessage:«Va,net’attristepasdel’empêchementdelavictoire,«Cardanstonabaissementprésentilyadesvictoires;envérité,telle

ettelleforteresse,telleettellevilletesontdonnées.»Considère, après tout, lorsqu’il fit retraite en hâte, ce qu’il accomplit

contreQurayzaetNadir.Lesforteressesaussi,autourdecesdeuxcamps,sesoumirentàluietde

nombreuxavantagesenmatièredebutintombèrententresesmains.Et même s’il n’en était pas ainsi, considère que cette catégorie de

personnes (les prophètes et les saints) sont tristes, afligés, enivrés etamoureuxdeDieu.Ils mangent le poison de l’humiliation comme du sucre ; ils se

nourrissent,commeleschameaux,deschardonsdelapeine.Ils le fontpar amourduchagrin lui-même,nonpourêtre soulagés : à

leursyeux,cettebassesseestcommeuneéchelle.4510 Ilssontsiheureuxaufonddupuitsqu’ilscraignentletrôneetlatiare.

ChaqueendroitoùleBien-Aimélui-mêmeest leurcompagnonestau-dessusduciel,nonendessousdelaterre.

Page 1049: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentairesurlehadîthdeMustafâ(Mohammad)(surluilapaix):«Neditespasquejesuis

plusexcellentqueYûnusibnMatta.»

eProphètedéclara:«Nullepréférencenedoitêtredonnéeàmonascensioncommeétantsupérieureàl’ascensiondeYûnus(Yonas).«Lamienneétaitversleciel,etlasiennetoutenbas,carlaproximité

avecDieuestendehorsdetoutemesure.»Être proche de Dieu, ce n’est pas aller vers le haut ou le bas ; être

prochedeDieu,c’estéchapperàlaprisondel’existence.Quelleplacealanon-existencepour«enhaut»et«enbas»?Lanon-

existencen’ani«bientôt»,ni«loin»,ni«tard».L’atelieretletrésordeDieusontdanslanon-existence.Tuesleurrépar

l’existence:commentsaurais-tucequ’estlanon-existence?Lerésumédecetteaffaireestqueleurdéfaite,ôSeigneur,neressemble

pasdutoutànotredéfaite,Ils se réjouissent d’être abaissés et détruits, comme nous, nous le

faisonsàl’heuredusuccèsetdeshonneurs.Laprovisiondenepasêtrepourvuestlelot(duprophète):lapauvreté

etl’humilitésontsafiertéetsagloire.4520 L’undescaptifsdit:«Sicetadversaireétaitl’undenous,commenta-t-

ilpurireennousvoyantenchaînés?S’ilaététransforméetquesajoien’estpascauséeparcetteprisonetsa

liberté,Pourquoi donc s’es t-il réjoui de la soumission de ses ennemis ?

Commenta-t-ilétéenfléd’orgueilparsavictoireetsaconquête?Sonâmes’estréjouieparcequ’ilaacquisaisémentlesecours(divin)et

lahautemainetlavictoiresurdeslionsféroces.Noussavonsdoncqu’iln’estpaslibreetquecen’estqu’àcausedece

mondequ’ilestheureuxetjoyeuxdanssoncœur.Autrement,commentse rirait-ildenous?Carceuxquines’attachent

qu’àl’autremondesontcompatissantsetbienveillantspourlesméchantscommepourlesbons.Ainsi ces captifs chuchotaient-ils à voix basse l’un avec l’autre en

discutantceci,

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Disant:«Prenezgarde,depeurquelegardiennousentendeetbondissesurnousetrapportenosparolesàcesultan.»

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CommentleProphète(surluilapaix)s’aperçutqu’ilslui

reprochaientsajoie

ien que le gardien n’entendît pas ces paroles, elles entrèrent dansl’oreilledeceluiquientendaitdepuislaprésencedeDieu.Leparfumdel’espritdeJosephnefutpasperçuparsongardien,mais

Jacoblerespira;4530 Lesdémonstoutenhautducieln’entendentpaslesecretdela

«Tablette»quiconnaîtlesmystères*;Mais quand Mohammad s’endormit et s’allongea, le secret vint et

tournaautourdelui.C’estceluiàquilapartestallouéequimangelesdouceurs;noncelui

quialesdoigtslongs.L’étoile brillante devint un guetteur qui chassa au loin les démons,

disant:«Renoncezauvoletrecevezd’Ahmadlesecret.»Ôtoidontlesyeuxsontdebonmatintournésverstaboutique,vaàla

mosquéeetcherchelapartallouéeparDieu.LeProphète,donc,perçutleursparolesetdit:«Monrireneprovenait

pasde1’hostilité.«Cesprisonniers sontmorts et tombés enpourriture : àmonavis, ce

n’estpaslerôled’unhommequedetuerdesmorts.«Quisont-ilsenvérité?Carlalunesefendquandjeposelepiedsurle

champdebataille.« Alors que vous étiez libres et puissants, je vous voyais enchaînés,

commececi.«Ô toiqui tevantesde tes richessesetde tamaisonnée,auxyeuxde

l’hommeintelligenttuespareilauchameausurlagouttière!4540 «Depuisquelaformecorporelles’estrévéléedanssaréalité*,s’est

dérouléedevantmesyeux(lavéritédecetteparole)“Toutcequidoitarriverarrive.”«Jeregardeleraisinvert,etjevoisclairementlevin,jeregardelenon-

existantetjevoisclairementl’existant.«Jeregardelaconsciencesecrète,etjevoisununiverscaché,etAdam

etEvenonencorenésdanslemonde;«Vous, je vous ai vus, enchaînés, rejetés etmisérables, au temps des

“atomesdeAlast132

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«Cequejesavaisdéjàn’apasétéaugmentéparlavenueàl’existenceducieldépourvudepiliers.« Jevous ai vus tombésde toutvotre longavantque jeneviennede

l’eauetdel’argile.«Jen’airienvudenouveau,pourquejem’enréjouisse; jevoyaisla

mêmechosedurantvotreprospéritédejadis.«Enchaînésparuncourrouxinvisible,etquelcourroux!vousmangiez

dusucrecontenantdupoison.«Sitonennemiprendsesdélicesàmangerunsucreaussiempoisonné,

commentpourrais-tuéprouverdel’envieàsonégard?«Vousmangiezcepoisonavecjoie,tandisquelamorts’étaitsaisi,en

secret,devosdeuxoreilles.4550 «Jen’aipasfaitlaguerrepourobtenirlavictoireetpourconquérirle

monde;« Car ce monde est une carcasse, une charogne, et vile ; comment

serais-jedésireuxd’unetellecharogne?«Jenesuispasunchien,pourarracherlamèchedecheveuxdumort;

jesuiscommeJésus,jesuisvenupourluirendrelavie.«Jefendaislesrangsdesarméesafindevousdélivrerdeladestruction.« Je ne coupe pas les gorges des hommes afin d’avoir le pouvoir, la

gloireetdespartisans,«Maisj’aicoupéquelquesgorgesafinqu’unmondeentierpuisseêtre

délivrédecesgorges,«Carvous,dansvotreignorance,avezcoutumedevousprécipiterainsi,

commedesphalènes,danslefeu«Tandisquemoi,jevoustiredesdeuxmains,pourvousempêcherde

tomberdanslefeu,commedeshommesivres.«Cequevous jugiezêtredesvictoirespourvous-mêmes,c’estpar là

quevoussemiezlasemencedevotredamnation.«Vousvousappeliezlesunslesautrestrèsardemment(contremoi)et

vousconduisiezvoschevauxversledragon.4560«Vousl’emportiezsurmoi,tandisquedanscetteactionmêmede

l’emporter,c’estlelionduTempsquil’emportaitsurvous.»

*Law-al-Mahfûz,tablettesurlaquellesontinscritslesdécretsdivins.*Littéralement:«Depuisquelabassinedelaformecorporelleest tombéedutoit.»

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Montrantquelepêcheurendurciestdominédanssonactionmême

dedominer,etestfaitprisonnieraumomentmêmedelavictoire

e voleur tua le marchand et emporta son or ; il était justementoccupéàcelaquandlemagistratarriva.Siàcemomentils’étaitenfuiloindumarchand,commentlemagistrat

aurait-ilpumettrelapoliceàsestrousses?Le fait qu’il ait eu le dessus (sur lemarchand) était en réalité le fait

qu’onaiteuledessussurlui,parcequesonactedeviolenceluicoûtalavie.L’avoir emporté sur lemarchanddevintpour luiunpiège, afinque le

magistratpuissearriveretlepunir.Ôtoiquiesdevenupuissantsurleshommesetquiesplongédansles

guerresetlavictoire,C’est à dessein queDieu a causé ton égarement, de sorte que tout en

t’attirantIIpuisse(àlafin)tefairetomberdanslefilet.Prends garde, tire sur la bride ! Ne galope pas à la poursuite de ce

fugitif,depeurquetesnarinesnesoientpercéesd’unanneau.Lorsque,parcetartifice,Ilt’aattirédanslepiège,aprèscelatuverrasla

ruéedesgenssepressantenfoule.Quandl’intellects’est-iljamaisréjouidecettevictoire,étantdonnéque

danscettevictoireiladécelélaruine?4570 L’intellectalavueperçante,ilestdouéd’intuition,carDieul’aenduit

deSonproprecollyre.LeProphèteaditquelesgensdestinésauParadissontfaiblesdansles

disputes,àcausedeleurs(nobles)actions—En raisonde laperfectionde leurprudenceetde lamauvaiseopinion

qu’ils ont d’eux-mêmes, non par faiblesse d’intelligence, de lâcheté oud’unmanquedefoi.En donnant l’avantage (à leurs Ennemis) ils ont obéi en secret à la

sagessedelaParole:Mais(n’eussentété)deshommescroyants133…Se tenir loin des maudits infidèles devint un devoir permettant de

délivrerlesvraiscroyants.Ecoute l’histoireduPactedeHudaybiyah :C’estLuiquiaécartévos

mainsd’eux134;grâceàcetteparole,comprendstoutel’histoire.

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Mêmedanslavictoire,leProphètesesentaitsubjuguéparleleurredelaMajestédivine.«Cen’estpasparcequej’aimarchésoudaincontrevousavantl’aube

quejemerisdevoschaînes;«Jeris,parcequejevoustraîne,avecvoschaînesetvosliens,versle

jardindecyprèsetlesroses(duParadis).«Ohmerveille !nousvousamenonsenchaînésdu feu impitoyableau

lieuremplideverdure.4580 «Avecdelourdeschaînes,jevoustraînedeladirectiondel’Enfervers

leParadiséternel.»Chaque imitateur aveugle dans cetteVoie, qu’il soit bon oumauvais,

DieuletraîneainsiversSaPrésence.Toussuiventcettevoiedans leschaînesde lapeuretdes tribulations,

sauflessaints.Ils sont traînés sur cette voie contre leur gré, excepté ceux qui sont

initiésausecretdecetteaction.Efforce-toiquetalumièredeviennerayonnante,afinquetonvoyageet

tonservicepuissentêtrerendusaisés.Onemmènelesenfantsdeforceàl’école,parcequ’ilssontaveuglesà

sesbienfaits.Maisquandl’enfantendevientconscient,ilcourtàl’école,sonâmese

dilatedejoieàs’yrendre.L’enfant va à l’école trèsmalheureux, parce qu’il n’a rien aperçu du

salairedesontravail;Quand ilmetdans sabourseun seuldânggagnépar le travail de ses

mains,iln’endortpasdelanuit,commeunvoleur.Efforce-toi que le salaire de l’obéissance à Dieu t’arrive ; alors, tu

envierasceluiquiobéit.L’ordre«venezcontrevotregré»estdestinéàceluiquiestdevenuun

disciple aveugle ; « venez de bon gré » est pour celui qui est fait desincérité.LepremieraimeDieupourquelquecause,tandisquel’autreadonnéun

amourpuretdésintéressé.Le premier aime la nourrice, à cause de son lait, tandis que l’autre a

donnésoncœurpourl’amourdecellequiestvoilée;L’enfantn’apasdeconnaissancedesabeauté,iln’apasdedésirdans

soncœurpourelle,saufpoursonlait,Tandis que l’autre est, réellement, l’amoureux de la nourrice, il est

désintéressé,ilestentièrementamour.

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C’estpourquoiceluiquiaimeDieuàcausedel’espoiretdelapeurlitstudieusementlelivredel’imitationaveugle,AlorsqueceluiquiaimeDieupourDieu—oùest-il?Carilestéloigné

desintérêtspersonnelsetdescauses.Qu’ilsoitcommececioucommecela,s’ilestà larecherchedeDieu,

l’attirancedeDieuletireversDieu,Qu’il aimeDieu pour quelque chose d’autre queLui, afin de pouvoir

continuellementavoirpartàSesbiens,Ou qu’il aime Dieu pour Lui-même, pour rien d’autre que Lui, de

crainted’êtreséparédeLui,Lesquêteset lesrecherchesdetousdeuxproviennentdecetteSource,

cettecaptureducœurdeCeluiquiravitlescœurs.

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CommentleBien-Aiméattirel’amoureuxdetellefaçonquel’amoureuxnelesaitpasnine

l’espère,nisansquecelaluivienneàl’esprit;aucunetracedecette

attirancen’apparaîtnonpluschezl’amoureux,sauflacraintemêléeaudésespoir,bienqu’ilcontinueà

persévérerdanssaquête

ous arrivâmes à ce point, dans l’histoire : si l’attirance de cetamoureuxn’avaitpasétécachéeenleSadr-iDjahân,Commentl’amoureuxaurait-ilétérenduimpatientparlaséparation,et

commentserait-ilrevenuentoutehâtechezlui?Le désir des aimés est caché et voilé ; le désir de l’amoureux

s’accompagnedecenttamboursettrompettes.C’estlàunehistoiredignedeconsidération,maisl’hommedeBoukhara

estdevenudésespéréàforced’attendre.Nous le laissons donc de côté, car il est engagé dans la quête et la

recherche,dansl’espoirdevoiravantsamortlevisagedesonbien-aimé,Afind’échapperàlamortetd’obtenirladélivrance,carlavueduBien-

Aiméestl’EaudelaVie.Quiconquedontlavuenerepoussepaslamortn’estpaslebien-aimé,

cariln’anifruit,nifeuille.Cequi importe, ô amoureuxnostalgique et enivré, est cela enquoi la

mort,siellet’advient,estdouce.Ôjeunehomme,lapreuvedelasincéritédelafoiestquelamorttesoit

douce.4610 Sitafoi,ômonâme,n’estpastelle,ellen’estpasparfaite:va,efforce-

toiderendretareligionparfaite.Celui qui, dans un cas comme le tien, est épris de la mort et sans

appréhensionpourelle,lamortdevientuneamiedanssoncœur.Quandl’appréhensionestpartie,envérité,cen’estpaslamort:cen’est

quel’apparencedelamort,et,enréalité,c’estuneémigrationheureuse.Quand l’appréhension est partie, la mort devient bénéfique ; c’est

pourquoiilestvraiquelamortestrepoussée.LeBien-AiméestDieuetlapersonneàquiIIadit:«TuesàMoietJe

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suisàtoi.»Aprésentécoute,carl’amoureuxvient,luiquel’Amouraattachéavec

unecordedefibresdepalmier.Lorsqu’ilaperçutleSadr-iDjahân,oneûtditquesonesprit,commeun

oiseau,s’envolaitdesoncorps.Soncorpstombaàterrecommeduboissec:sonespritvitaldevintfroid

desatêtejusqu’àsespieds.Oneutbeauluiappliquerdel’encensetdel’eauderose,ilnebougeani

neparla.Quand le roivit sonvisage livide, il descendit de soncoursier et vint

verslui.4620 IIdit:«L’amoureuxrechercheardemmentlebien-aimé:quandlebien-

aimévient,l’amoureuxs’enva.»TuesunamoureuxdeDieu,etDieuesttelque,lorsqu’Ilvient,plusun

seuldetescheveuxnedemeure.ASavue,centêtrescommetois’évanouissent:ilsemble,monami,que

tusoisamoureuxdel’annihilationdetoi-même.Tu es une ombre, et amoureux du soleil : le soleil arrive, et l’ombre

aussitôtdisparaît.

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CommentenlaprésencedeSalomon(surluilapaix)le

moucherondemandajusticecontrelevent

emoucheronvintdujardinetdel’herbe,etlemoucheronsemitàréclamerdeSalomonlajustice,Disant:«ÔSalomon,tuoctroieslajusticeauxdémons,auxenfantsdes

hommesetauxdjinns.«L’oiseauet lepoissonsontsous laprotectionde ta justice ;quelest

celuiquiestperduetquetagénérositén’apasrecherché?«Rends-nousjustice,carnoussommestrèsmalheureux,noussommes

privésduvergeretdelaroseraie.«Lesdifficultésdechaqueêtrefaiblesontrésoluespartoi;envérité,le

moucheronestlesymbolemêmedelafaiblesse.«Noussommescélèbrespournotrefaiblesseetlafragilitédenosailes,

tuescélèbrepourtabontéettasollicitudepourleshumbles.4630«Ôtoiquiasatteint la limitedans lesétapesdupouvoir, tandisquenousavonsatteintlalimitedel’échecetdel’erreur,«Fais-nous justice, délivre-nousde cettepeine, tends-nous lamain, ô

toidontlamainestlamaindeDieu.»AlorsSalomondit:«Ôtoiquirecherchesl’équité,dis-moi,contrequi

réclames-tulajusticeetl’équité?«Quelestl’oppresseurquidanssoninsolencet’ablesséett’aégratigné

levisage?«Oh!merveille!Où,ànotreépoque,estl’oppresseurquinesetrouve

pasdansnotreprisonetnoschaînes?« Quand nous naquîmes, ce jour-là l’injustice mourut ; qui donc a

commisennotretempsunacted’injustice?«Quandlalumièreaparu,lesténèbressesontdissipées:laténèbreest

l’origineetlesoutiendel’injustice.«Vois, des démons travaillent et rendent des services, les autres sont

enchaînésdansdeschaînesetdesliens135.«L’originedel’injusticedesoppresseursprovientdudémon,ledémon

estasservi:commentlaviolenceest-elleapparue?«(L’ordredivin)Soisetcefutnousaconféréleroyaume,afinqueles

hommesneselamententpasversleciel,

Page 1059: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

4640 «Afinquedessoupirsbrûlantsnes’élèventpoint,quelecieletlesétoilesnesoientpasbouleversés,« Que l’empyrée ne tremble pas du gémissement de l’orphelin,

qu’aucuneâmenesoitblesséeparlaviolence.«Nousavonsétabliuneloidanstouslesroyaumes,afinqu’aucuncride

“ÔSeigneur”nemonteverslescieux.«Ôopprimé : ne t’adresse pas au ciel, car tu possèdes un roi céleste

danscemondetemporel.»Lemoucherondit:«MaplainteestcontrelapuissanceduVent,carila

ouvertlesdeuxmainsdel’oppressioncontrenous.«Cetteoppressionnousplongedansladétresse;leslèvrescloses,nous

buvonsdusang,àcausedelui.»

Page 1060: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentSalomon(surluilapaix)ordonnaauplaignant,lemoucheron,d’amenerson

adversairedevantletribunal

lorsSalomondéclara:«Ôtoiquiasunejolievoix,ilconvientquetuécoutesdetoutetonâmelecommandementdeDieu.«Dieum’adit : “Prendsgarde,ô juge,n’écoutepasunplaideur sans

l’autreplaideur”,« Tant que les deux plaideurs ne se présentent pas, la vérité ne se

manifestepasdevantlejuge.«Sil’undesplaideursseulpoussecentclameurs,prendsgarde,prends

garde,n’acceptepassaparolesansentendresonadversaire.4650 «Jen’osepasdétournermonvisagedel’ordredivin.Va,amèneton

adversairedevantmoi.»Lemoucheronrépondit:«Tesparolessontraisonnablesetjustes,mon

adversaireestlevent,etilestsoustajuridiction.»Lerois’écria:«Ôventd’Est,lemoucheronseplaintdetoninjustice,

viens.« Confronte-toi à ton adversaire et réponds-lui ; réplique à ton

adversaire.»Quandlevententendit,ilaccourutentoutehâte:aussitôt,lemoucheron

pritlafuite.Alors Salomon dit : « Ô moucheron, où vas-tu ? Reste, afin que je

puissevousjugertousdeux.»Lemoucheronrépondit:«Ôroi,mamortprovientdesonexistence;en

vérité,monjourestnoirciparsafumée.« Depuis qu’il est venu, où trouverai-je le repos ? Car il arrache le

souffledemoncorps.»Tel est celui qui cherche la Cour de Dieu : quand Dieu arrive, le

chercheurestannihilé.Bien que cette union avecDieu soit immortalité sur immortalité, tout

d’abordcetteimmortalité(baqâ)consisteàmouriràsoi-même(fanâ).4660 LesrefletsquicherchentlaLumières’évanouissentquandSaLumière

apparaît.Comment la raison demeurerait-elle lorsqu’Il lui enjoint de partir ?

ToutechoseestpérissanteexceptéSonVisage136.

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DevantSonVisage,périssent l’existant et lenon-existant : l’existencedanslanon-existenceestenvéritéchosemerveilleuse!DanscelieudelaPrésence,lesespritssontperdussanscontrôle;quand

laplumearriveici,ellesebrise.

Page 1062: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

CommentleBien-Aimécaressal’amoureuxévanoui,afinqu’il

retrouvesesesprits

eSadr-iDjahân,parbonté,letiraitpeuàpeudel’inconscienceàlalucidité.Leprince lui cria à l’oreille : «Ômendiant, j’apporte de l’or pour le

répandresurtoi:étendslepandetarobe.«Tonesprit,qui tremblaitdedouleurd’êtreséparédemoi,puisqueje

suisvenuleprotéger,comments’est-ilenfui?«Ôtoiquiassouffertmortetpassiondecetteséparationd’avecmoi,

reviensàtoidel’inconscience.»Lavolailledomestique,à lamanièred’unhôte,amenastupidementun

chameaudanssamaison.Quand le chameau pénétra dans lamaison de la poule, lamaison fut

détruiteetletoits’écroula.4670 Lamaisondelapouleestnotreintelligenceetnotrecompréhension,la

bonneintelligenceestàlarecherchedelachamelledeDieu.Lorsquelachamelleplongeasatêtedanssoneauetargile,nisonargile

nedemeura,nisonâme,nisoncœur.Laprééminencearendul’hommeprésomptueux:àcausedesondésir

d’avoirdavantage,ilesttrèsinjusteettrèsignorant137.Ilestignorantet,danscettechassedifficile,lelièvreétreintunlion.Comment serrerait-il le liondans sesbras, s’il connaissaitetvoyait le

lion?Il est injuste envers lui-même et envers sa propre âme. Voyez une

injusticequil’emportesurtouteslesjustices!Son ignorance est le professeur de toutes connaissances, son injustice

estdevenueledroitcheminpourtouteslesjustices.Il(leSadr-iDjahân)pritlamaindel’amoureux,disant:«Cethomme

dontlesouffles’estenfuinereviendraàlaviequelorsquejeluidonneraimonsouffle.«Quandcet hommedont le corps estmort deviendravivantparmoi,

alorsc’estparmonespritqu’iltournerasonvisageversmoi.«Aumoyendecetesprit,jelerendsdouéd’unétatélevé;seull’esprit

quejedonnevoitmagénérosité.4680 «L’espritnonfamiliernevoitpaslevisageduBien-Aimé;nulnele

Page 1063: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

voit,saufcetespritdontl’origineprovientdesademeure.« A la manière d’un boucher, je souffle sur ce cher ami, afin que la

partienobleàl’intérieurdelui-mêmequittelapeau.»Ildit:«Ôespritquit’esenfuiloindestribulations,nousavonsouvert

laportedel’unionavecnous:bienvenue.«Ô toi dont la perte de conscience et l’ivresse proviennent de nous-

même,ôtoidontl’êtreprovientincessammentdenotreêtre,«Aprésent,sanslèvres,jeteredirailesanciensmystères:écoute!«Jeteparleensilence,carceslèvres(corporelles)nepeuventsaisirce

souffle,ilsoufflesurlalèvre(rive)duFleuvecaché.« A présent, prête l’oreille de la non-ouïe pour entendre le secret de

Dieufaitcequ’Ilveut138.»Quandilcommençaàentendrel’appelàl’union,peuàpeulemortse

mitàbouger.L’amoureux de Dieu n’est pas moindre que la terre qui, sous les

caressesdelabrise,serevêtdevertetlèvelatêtehorsdelamort;Iln’estpasmoindrequel’eauséminaled’où,àl’ordredeDieu,naissent

desJosephsauvisagepareilausoleil.4690 Iln’estpasmoindrequ’unventd’où,aucommencement:«Sois!»,

paonsetoiseauxàlavoixsuavevinrentàl’existencedansleseindel’oiselle.Iln’estpasmoindrequelamontagnederocquienfantalachamellequi

enfantaunechamelle*.Laisse tout cela ! La substance de la non-existence n’a-t-elle pas

produit,etneproduira-t-ellepascontinuellementununivers?Il(l’hommedeBoukhara)bondit, tremblaet tourbillonnauneoudeux

fois,joyeusement,joyeusement,puisseprosternaenadoration.

* Le Prophète Salih fit sortir miraculeusement d’un rocher une chamelleenceinte.

Page 1064: Mathnawî, la quête de l'Absolu - 01

Commentl’amoureuxévanouirevintàlui-mêmeettournasonvisagepourloueretremercierle

Bien-Aimé

ldit:«ÔAnqâdeDieu!Lieuautourduqueltournel’espritdanssonvol!JerendsgrâcesquetusoisrevenudecettemontagnelointainedeQâf.«ÔSirafîldulieudelaRésurrectionde1’Amour,ôAmourdel’amour

etdudésirédel’Amour!«Jedésire,commepremierprésentd’honneurquetumeferas,quetu

posestonoreillesurmafenêtre.« Bien que grâce à ta pureté, tu connaisses mes sentiments, prête

l’oreilleàmesparoles,ôtoiquiaimestonserviteur!«Descentainesdemilliersdefois,ôPrinceunique,mesespritssesont

envoléspardésirdetonoreille.«Que tuentendes,etque tuécoutes,etque tusouriesdecessourires

quidonnentlavie,4700 «Quetuprêtesattentionàmesaffaires,petitesetgrandes,etaux

artificesdemonâmesoupçonneuse:« Ma fausse monnaie, que tu connais bien, tu l’as acceptée comme

piècesdebonaloi,«Pour l’audacede celui qui était insolent et égaré, ô toi auprèsde la

clémencedequitouteslesclémencesnesontqu’unatome.« Tout d’abord, apprends que lorsque je restai loin de ton filet, ce

monde-cietl’autredisparurentdedevantmoi.«Ensecond lieu, écoute,ôPrinceaimant ; longtemps je t’ai cherché,

maisnuln’étaitcomparableàToi.«En troisième lieu,puisque jemesuiséloignéde toi,c’estcommesi

j’avaisdit:Letroisièmedetrois*139.« Quatrièmement, étant donné que mon champ de blé est brûlé (j’ai

perdumesesprits),jenedistinguepasmoncinquièmedoigtduquatrième.«Làoù tu trouverasdu sang sur lesmottesde terre, si tu t’informes,

celas’avérerasûrementêtrelesangdemesyeux.«Mes paroles sont comme le tonnerre, et ce bruit et ce gémissement

supplientlenuagequ’ilpleuvesurlaterre.«Entrelesparoleset les larmes, jecontinueàmedemandersi jedois

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pleurerouparler:queferai-je?4710 «Sijeparle,leslarmesserontperdues;etsijepleure,comment

rendrai-jedesactionsdegrâcesetdeslouanges?«Lesangducœurcouledemesyeux,ôroi:voisd’aprèsmesyeuxce

quim’estadvenu.»L’homme amaigri parla ainsi, et se mit à pleurer de telle sorte que

noblesetvulgairespleuraientpourlui.TantdecrisextatiquessortaientdesoncœurquelesgensdeBoukhara

firentcercleautourdelui.Il parlait follement, pleurait follement, riait follement : hommes et

femmes,petitsetgrands,étaientdanslastupeur.La ville tout entière versait des larmes avec lui : hommes et femmes

étaientrassembléscommeauJourdelaRésurrection.A ce moment, le ciel disait à la terre : « Si tu n’as jamais vu la

Résurrection,contemplececi.»L’intellectétaitstupéfait,disant:«Qu’est-cequel’amour,etqu’est-ce

quel’extase?Jemedemandecequiestleplusmerveilleux,laséparationd’avecLuioul’unionavecLui.»LeciellutlemessagedeRésurrection,etdéchirasesvêtementsjusqu’à

lavoielactée.L’amour est étranger aux deuxmondes : il s’y trouve soixante-douze

folies.4720 IIestexcessivementcaché,etseulsonbouleversementestmanifeste;

l’âmedessultansspirituelslanguitpourlui.Sareligionestautrequecelledessoixante-douzesectes;àcôtédelui,

letrônedesroisn’estqu’unéchafaudage.Aumomentdusamâ,leménestreldel’amourjoue:«Laservituden’est

quechaînes,lasouverainetéunennui.»Qu’estdoncl’Amour?Lamerdunon-être;làl’intellectperdpied.Laservitudeetlasouverainetésontconnues,laconditiondel’amoureux

estcachéeparcesdeuxvoiles.Que l’existence n’a-t-elle une langue, pour retirer le voile des êtres

existants!Ôsouffledel’existence,quellesquesoientlesparolesquetuprononces,

sachequeparlàtuasattachéunautrevoilesurlemystère.Cesparoles,etcetétatsontlamalédictiondelaperceptionspirituelle:

laverlesangavecdusangestabsurde,absurde.CommejesuisfamilieravecSesfous,jouretnuitjeparledanslacage.Tuespuissammentivre,horsdetoi-mêmeetbouleversée;hiersoir,de

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quelcôtéas-tudormi,ômonâme?4730 Prendsgarde,prendsgarde.Faisattentionànepassoufflermot,va

d’abordchercherunamidignedeconfiance.Tues amoureuxet enivré, et ta langueest en liberté,MonDieu,mon

Dieu,Tuescommelechameausurlagouttière.Quand la langueparledeSonmystèreetdeSoncharme(naz), le ciel

chante:«Toiquicachesbienleschoses.»Qu’est-ce qui peut être caché ? Le feu est dans la laine et le coton ;

quandtulerecouvres,ilestd’autantplusmanifesté.Lorsquejem’efforcedecacherSonsecret,l’Amourlèvelatête,comme

unétendard,disant:«Vois,jesuislà.»Malgrémoi,ilmesaisitparlesoreilles,disant:«Ôinsensé,comment

lecacheras-tu?Cache-le,situlepeux.»Jeluidis:«Va-t’en,bienquetusoispleind’effervescence;cependant

tuesàlafoiscachéetmanifeste,commel’âme.»Ildit:«Moncorpsestemprisonnédanslajarre,mais,commelevin,je

faisunbruitjoyeuxlorsdubanquet.»Jeluidis:«Va,avantd’êtremisengage,depeurquelamalédictionde

l’ivressenetombesurtoi.»Ildit :«J’égayelejouravecmadélicieusecoupejusqu’àlaprièredu

soir.»4740 Quandlesoirarriveraetmedéroberamacoupe,jeluidirai:«Rends-

la-moi,carmonsoirn’estpasarrivé.»C’est pourquoi les Arabes appellent le vinmudâm (continuel), parce

quelebuveurdevinn’estjamaisrassasié.L’amour de la coupe de la recherche est fervent. Il est l’échanson de

l’amoureuxsincère,ensecret.Quandtucherchesavecl’aidedeDieu,l’essencedetonespritestlevin,

etlecorpsleflacon.QuandIIaugmentelevindeSonsecours,laforceduvinfaitéclaterle

flacon.L’Espritdevient l’Echanson,et l’esprit estaussi l’homme ivre.Neme

dispascomment!EtDieusaitmieuxcequiestjuste.C’est l’ardeur de l’Echanson qui a pénétré dans le moût : le moût a

fermenté,s’estmisàdanseretestdevenufort.Acesujet,interrogelesceptique:«Quandvîtes-vousjamaisunmoût

commececi?»Pourquiconquealaconnaissance,ilestévident,sansréflexion,qu’avec

lapersonnetroubléeilyaquelqu’unquilatrouble.

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* C’est-à-dire que je me suis rendu coupable de polythéisme comme leschrétiensquicroientàlaTrinité.

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Histoiredel’amoureuxquiavaitétéséparédesabien-aiméeetavait

endurémaintestribulations

n certain jeune homme était follement épris d’une femme ; lebonheurdel’unionneluiavaitpasétéaccordé.

4750 L’amourletorturaextrêmementsurcetteterre:pourquoi,envérité,l’amourtémoigne-t-ildel’inimitiéàl’amoureuxdèslecommencement?Pourquoil’amourest-ildèsledébutmeurtrier,detellesorteques’enfuit

celuiquiluiestétranger?Chaque fois qu’il envoyait unmessager à la femme, lemessager, par

jalousie,devenaitunbrigandluibarrantlechemin.Etsisonsecrétaireécrivaitunelettreàlafemme,sonmessagerluilisait

lalettretoutdetravers.Etsi,pourtémoignerdesafidélité,ilfaisaitduzéphyrsonenvoyé,ce

zéphyrétaitobscurciparunnuagedepoussière.S’ilattachaitlalettresurl’ailed’unoiseau,l’ailedel’oiseauétaitbrûlée

parl’ardeurdelalettre.La jalousiedivine leprivade tousmoyensetdétruisit toutes les idées

qu’ilpouvaitavoir.Audébut,l’espérancefutl’amie,leconsolantdesonchagrin;àlafin,il

futbrisé—parqui?Parlamêmeespérance.Parfois, il disait : « Ceci est une affliction sans remède » ; tantôt, il

disait:«Non,c’estlaviedemonesprit.»Tantôt,iléprouvaitlaforcedel’existence,tantôt,ilmangeaitdufruitde

lanon-existence.4760 Quandcetteattitudeintérieureserefroidissait,ledésirferventde

l’unionaveclabien-aiméebouillonnait.Quandilsupportaitavecpatiencecetteséparation,ilrécoltaitlefruitde

cettepatience.Lesépisdesapenséeétaientpurifiésdelapaille;ildevint,commela

lune,unguidepourlesvoyageursdenuit.Oh,combiendeperroquetsparlent, toutenétantmuets!Oh,combien

deceuxdontl’espritestpleindedouceurontunvisageamer!Va au cimetière, assieds-toi là en silence, et contemple ces silencieux

éloquents.Mais, si tuvoisque leurpoussièreestd’uneseulecouleur,cependant,

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leurétatspiritueln’estpasuniforme.Lachair et le sangdespersonnesvivantes sontuniformes, cependant,

l’unesttristeetl’autrejoyeux.Avantde lesentendreparler, commentconnaîtrais-tu leurs sentiments,

étantdonnéqueleurétatintérieurt’estcaché?Tu peux entendre des mots — tels que hay, huy ; mais comment

percevras-tul’étatintérieurquiacentreplis?Notre forme (corporelle) est partout semblable, quoique douée de

qualités contraires ; de même, leur poussière est uniforme, mais leursespritsdivers.

4770 Lesvoix,ellesaussi,sontsemblables,maisl’uneesttristeetuneautrepleinedecharme.Surlechampdebataille,onpeutentendrelescrisdeschevaux;ense

promenant,onpeutentendrelescrisdesoiseaux.Unevoixprovientdelahaine,etuneautredel’harmonie;l’unedela

souffrance,etl’autredelajoie.Pourceluiquiignoreleurétatintérieur,lesvoixsontuniformes.Unarbreestébranlépar lescoupsde lahache,unautreestmûpar la

brisedel’aube.Lamarmitederebutfutpourmoilacausedebiendeserreurs,carelle

bouillaitcouverteparuncouvercle.L’insistanceetl’attraitdechacuntedisent:«Viens»:laferveurdela

sincéritéetlaferveurdel’impostureetdel’hypocrisie.Situnepossèdespasleflairvenudel’âmequireconnaîtlaréalité,va

acquérirpourtoi-mêmeunsensspirituelquireconnaîtl’odeur.Ce sensqui reconnaît cette roseraie—c’est lui qui illumine les yeux

desJacobs.Allons,racontecequiestarrivéàcejeunehommemaladed’amour,car

nousavonslaissél’hommedeBoukharaloinderrièrenous,ômonfils.

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Commentl’amoureuxtrouvasabien-aimée:etundiscours

montrantquelechercheurtrouve,carceluiquiaurafaitlepoidsd’un

atomedebienleverra140

4780 urantseptannées,cejeunehommeétaitenquêteetenrecherche:l’imaginationdel’unionlerenditcommeunfantôme.SilaprotectiondeDieuestsurlatêtedeSonserviteur,àlafinceluiqui

cherchetrouvera.Le Prophète a dit que lorsqu’on frappe à une porte, à la fin une tête

sortiradecetteporte.Quand on s’assied sur le chemin d’une certaine personne, à la fin on

voitaussilevisagedecettepersonne.Quand, chaque jour, oncreuse la terre àpartir d’unpuits, à la fin,on

arriveàdel’eaupure.Même si vous ne le croyez pas, tout le monde sait qu’un jour on

récolteracequel’onasemé.Tuasfrappélesilexcontrelefer:lefeun’apasjailli!Peut-êtren’en

est-ilpasainsi;sioui,c’estrare.Celui à qui Dieu n’a pas octroyé la félicité et le salut, son esprit ne

considèrequeleschosesrares.(Ildit)queteloutelasemédesgrainesetn’apaseuderécolte,quecet

autreaapportéunecoquilled’huîtredelamer,etlacoquillen’avaitpasdeperle.(Ilditquepour)Bal’amfilsdeBâ’ûret lemauditIblîs, leursactesde

culteetleurreligionneleurservirentàrien.4790 LescentainesdemilliersdeprophètesetdepèlerinssurlaVoiene

viennentpasàl’espritdecethommeauxmauvaisespensées.Il prend ces deux exemples qui causent une obscurité spirituelle :

commentsonmauvaissortmettrait-ilautrechosedanssoncœur?Oh, plus d’unmange du pain avec un cœur joyeux, et cela cause sa

mort:ilrestedanssongosier.Vadonc,ôhommeàlamauvaisefortune,nemangepasdepaindutout,

depeurdetombercommeluidanslemalheuretlacalamité.Descentainesdemilliersdegensmangentdupainetacquièrentde la

forceetnourrissentleurespritvital;

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Comment es-tu tombé dans ce rare malheur, à moins que tu soisdéshéritéetstupidedenaissance?L’homme(aumauvaissort)aabandonnécemonderemplidelalumière

dusoleiletilaplongésatêtedanslepuits,Disant:«Sicelaestvrai,alorsoùestlalumière?»Lèvelatêtehorsdu

puitsetregarde,ôpauvrehère!Lemondeentier,OrientetOccident,aobtenucettelumière,maisquand

tuesdanslepuits,ellenebrillerapassurtoi.Laisse le puits, va vers le palais et les vignobles ; ne discute pas ici,

sachequeladisputeestmalchanceuse.4800 Prendsgarde!Nedispas:«Voyez,Untelasemédesgraines,etentelle

année,lessauterellesontdévorécequ’ilavaitsemé.« Pourquoi donc sèmerais-je ? car il y a un risque. Pourquoi

gaspillerais-jecessemencesdemamain?»Etpendantcetemps,celuiquin’apasnégligédesemeretdelabourer

remplitsagrange.Étantdonnéquel’amoureuxfrappaitpatiemmentàuneporte,àlafinil

obtintuneentrevueenprivé.Depeurde lapatrouilledenuit, il sautadenuitdans leverger : là, il

trouvasabien-aimée,radieusecommeunelampe.A cet instant, il dit au Causateur des moyens : « Ô mon Dieu, sois

miséricordieuxenverslapatrouilledenuit!«Sansquejelesache,Tuascausélesmoyens:delaportedel’Enfer,

Tum’asamenéauParadis.«Tuasfaitdecettesituation(lapeurde lapatrouille)unmoyen,afin

quejeneméprisepaslamoindreépine.»Acausedelafractured’unejambe,Dieuoctroieuneaile;demême,des

profondeursdel’abîme,ilouvreuneissue.(Dieudit:)«Netedemandepassituessurunarbreoudansunpuits:

regarde-Moi,carJesuislaClédelaVoie.»4810 Situveuxlirelerestedecettehistoire,recherche-le,ômonfrère,dans

leQuatrièmeLivre.

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Notedulivretroisième

1.XXI,69.2.VII,143.3.XVIII,46.4.Cf.VII,117.5.IX,61.6.XCVI,19.7.XXIII,108.8.XVIII,18.9.IX,111.10.Cf.XX,124.11.LXXX,17.12.II,54.13.VII,73.14.Cf.XIX,23.15.Cf.XII,12.16.XXII,5.17.II,156.18.LXXII,28.19.XX,77.20.XXVIII,76.21.Idem.22.LVH,23.23.Cf.XVIII.24.LV,1.25.XCVI,4.26.XCVI,15.27.LXXX,34.28.XLVIII,17.29.Cf.XVIII.30.V,11931.XI,112.32.IX,126.33.XLVII,30.34.XXI,69.35.Cf.XXVIII,7etsqq.36.Cf.XLVIII,10.37.Cf.LUI,42.

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38.XII,87.39.Cf.XXVI,63-66.40.Cf.XXIX,24.41.II,156.42.II,32.43.Cf.XXVI,219.44.VI,25;VIII,31.45.Cf.XI,46.46.CXII,3.47.VI,76.48.CXII,3.49.LXXIV,2.50.Cf.LV,29.51.CXI,5.52.CXI,453.VI,50.54.Cf.VI,164.55.Cf.XIX,30.56.Cf.XXI,107.57.Cf.LXXXIX.58.Cf.XXXVIII,23etsqq.59.Cf.XVIII.60.XVIII,60.61.LXXIV,31.62.Cf.LUI,14-16.63.XXXVI,26.64.LXXV,11.65.XII,110.66.LV,6.67.XXIV,31.68.Cf.XL,60.69.VII,172.70.XCIV,1.71.XVII,70.72.Cf.XXXVI,65.73.Cf.CV.74.Cf.II,67etsqq.75.Cf.XCVII.76.Cf.XXXIX,30.

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77.Cf.XVIII.78.XXX,VI.79.XI,112.80.XXVI,63.81.VII,204.82.Cf.XVIII.83.Cf.CV.84.Cf.LXXIX,14.85.XVII,8.86.Cf.XVIII.87.LI,56.88.Cf.L,35.89.Cf.II,58.90.CXII,4.91.V,67.92.VI,28.93.XXVII,62.94.XIX,30.95.LXXVI,21.96.LVII,23.97.XVII,70.98.Cf.LXXV,29.99.XXXVI,32.100.II,195.101.III,133.102.CXIII,1.103.Cf.XXXVII,62.104.VII,172.105.II,117.106.Cf.XVIII.107.VIII,17.108.Cf.II,146.109.LXVII,15.110.VI,160.111.IX,26.112.II,73.113.XXVIII,88.114.II,156.115.IX,47.

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116.VIII,48.117.IX,26.118.VIII,48.119.VIII,48.120.III,61;VI,151.121.IX,111.122.Cf.CH,1-5.123.Cf.XXXVII,102124.XXXIV,10.125.XVII,64.126.Cf.XXVIII,29.127.XIV,24.128.Cf.XLI,11.129.VIII,19.130.XLVIII,1.131.LXXXV,22.132.VII,172.133.XLVIII,25.134.XLVIII,24.135.Cf.XXXVIII,38.136.XXVIII,88.137.XXXIII,72.138.III,40.139.V,73.140.XCIX,7.

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