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    Renate MayntzFritz W. Scharpf

    L'institutionnalisme centr sur les acteursIn: Politix. Vol. 14, N55. Troisime trimestre 2001. pp. 95-123.

    Abstract

    The Actors Centred Instutionalism

    Renate Mayntz et Fritz W. Scharpf

    This article summarizes an approach that has been characteristic of research, carried out at the Max Planck Institute for the

    Study of Societies, Cologne, on the interaction between government policy and the self-organization of industrial and service

    sectors. According to this approach, outcomes are explained by the interactions of individual, collective and (primarily) corporate

    actors, all of them guided by their respective cognitive and normative orientations. In this context, institutions play a dual role. On

    the one hand, they define the rules and actor constellations within which interactions take place, and on the other hand they

    shape the normative and, to a lesser extent, the cognitive orientations of the actors involved. In combination, these institutional

    effects increase mutual predictability among the actors themselves and, by the same token, they create ontological preconditions

    which allow for limited generalization in the social sciences.

    Rsum

    L'institutionnalisme centr sur les acteurs

    Renate Mayntz et Fritz W. ScharpfCet article rsume une approche caractristique de la recherche mene l'Institut Max Planck pour les sciences sociales de

    Cologne, sur les interactions entre politique gouvernementale et autoorganisation des secteurs industriels et des services. Selon

    cette approche, les rsultats sont expliqus par les interactions entre acteurs individuels, personnes collectives et (le plus

    souvent) corps constitus, tous tant guid par leurs orientations cognitive et normative. Dans ce contexte, les institutions jouent

    un rle double. D'un ct, elles dfinissent les rgles et les constellations d'acteurs dans lesquels les interactions se droulent;

    d'un autre ct, elles configurent les orientations normatives et, dans un moindre mesure, les orientations cognitives des acteurs

    impliqus. En se combinant, ces effets institutionnels augmentent la prvisibilit rciproque pour les acteurs eux-mmes et, dans

    le mme temps, crent les prconditions ontologiques qui permettent une gnralisation limite en sciences sociales.

    Citer ce document / Cite this document :

    Mayntz Renate, Scharpf Fritz W. L'institutionnalisme centr sur les acteurs. In: Politix. Vol. 14, N55. Troisime trimestre 2001.

    pp. 95-123.

    doi : 10.3406/polix.2001.1174

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_2001_num_14_55_1174

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_polix_192http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_polix_193http://dx.doi.org/10.3406/polix.2001.1174http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_2001_num_14_55_1174http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_2001_num_14_55_1174http://dx.doi.org/10.3406/polix.2001.1174http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_polix_193http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_polix_192
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    L institutionnalisme

    centr

    sur les acteurs*

    Renate MAYNTZ

    Fritz W. SCHARPF

    ne pproche

    analytique s appuie

    sur un

    canevas

    de catgories assez

    gnrales, qui servent recenser

    et

    classifier

    les

    faits empiriques

    et sont gnralement adaptes

    un

    type donn

    d objets

    explicatifs.

    Dans

    le

    cadre

    de

    la thmatique

    esquisse

    dans

    le

    premier chapitre,

    nous

    disposions

    de plusieurs approches

    de ce type,

    gnralement

    associes

    une

    thorie spcifique (par

    exemple

    la thorie de la diffrenciation, la thorie de

    la gouvernance, la thorie des

    jeux),

    dont aucune n tait cependant adapte

    en soi aux spcificits de notre

    objet explicatif.

    Il

    a

    donc

    fallu,

    pour

    rpondre

    correctement

    la problmatique, recourir

    des

    lments provenant de

    plusieurs thories,

    susceptibles

    d clairer diffrents

    aspects d un

    faisceau de

    conditions

    complexes.

    Progressivement,

    nous avons pu dgager

    diverses

    questions dominantes

    et catgories analytiques, particulirement utiles, qu il

    a

    fallu

    ensuite ajuster les

    unes aux

    autres, au prix

    de grands efforts et de

    longues

    discussions.

    Nous

    allons

    dcrire

    dans

    ce

    chapitre

    le

    rsultat

    provisoire de ces efforts

    pour dfinir une approche

    sur

    mesure

    de la

    problmatique

    de la rgulation et de l autoorganisation dans

    des

    sous-

    ensembles sociaux entiers,

    approche que nous avons appele

    institutionnalisme centr sur les acteurs

    .

    On

    gardera

    toutefois

    l esprit

    qu une

    approche

    s appuie sur des prmisses orientes et thoriques, mais

    Ce

    texte

    est

    la

    traduction du chapitre 2 Der Ansatz des akteurzentrierten

    Institutionalismus

    de l'ouvrage dirig par R.

    Mayntz

    et F.W. Scharpf,

    Gesellschaftliche

    Selbstregelung und politische

    Steuerung, Francfort/Main,

    Campus,

    1995,

    p.

    39-72.

    Elle

    a

    t

    ralise par

    S.

    Avril

    de

    l'INIST-

    CNRS et revue par O. Giraud et

    P.

    Laborier.

    Politix. Volume 14 - n

    55/2001, pages 95

    123

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    96

    Politix

    n

    55

    qu elle

    ne reprsente pas en soi une thorie

    sur

    le fond, rapporte un objet.

    L institutionnalisme centr

    sur

    les acteurs

    n est donc

    pas

    un

    modle

    apportant

    une

    explication,

    mais

    tout

    au mieux

    une

    heuristique de recherche,

    qui

    attire

    l attention

    sur certains

    aspects de

    la

    ralit.

    La renaissance de l institutionnalisme

    Le concept d institutions connat depuis quelque temps un regain d'intrt.

    Les

    institutions ont toujours jou un

    rle

    important en sciences

    sociales,

    sans

    que le concept ait

    toutefois

    t toujours utilis de manire homogne.

    Herbert

    Spencer

    a dcrit en

    sociologie

    une srie d institutions

    fondamentales

    correspondant

    des besoins

    fondamentaux. Dans le prolongement de cette

    approche, le concept

    a pris

    une

    place centrale

    dans le fonctionnalisme

    en

    anthropologie

    culturelle

    et

    en

    sociologie,

    les institutions

    tant

    rapportes soit

    aux besoins fondamentaux de l homme, soit

    des

    impratifs

    systmiques.

    L institution tait galement un concept essentiel

    pour

    Durkheim, qui

    mettait

    toutefois moins

    l accent

    sur la fonctionnalit

    que

    sur l lment de

    contrainte sociale externe influenant

    le comportement

    humain.

    Dans la

    thorie

    politique, les

    institutions

    occupent

    depuis

    l Antiquit une

    place

    importante, voire prdominante1.

    Quant

    la

    science

    politique, mme

    aprs

    avoir abandonn la

    description compare

    des institutions

    dfinies

    juridiquement (gouvernement,

    parlement, administration

    et

    partis)

    pour

    se

    tourner vers l tude

    des

    comportements, elle s est concentre sur l analyse

    de

    l action

    dans

    les

    institutions

    politiques observes

    empiriquement2.

    Le

    concept

    d institution

    est donc appliqu tant

    des construits sociaux qu

    des modles de

    comportements

    normaliss3. Les tentatives visant ramener

    le concept d institution

    des

    rgles

    abstraites

    (mais

    applicables, autrement

    dit

    approuves socialement

    si

    ncessaire4) et

    le

    remplacer,

    pour

    les

    construits sociaux, par le concept

    d organisation5

    n ont pas

    abouti

    jusqu

    prsent. Il

    est

    cependant gnralement admis

    que,

    dans

    le

    concept

    d institution, on insiste surtout

    sur les aspects

    de rgulation se rapportant

    avant tout

    la

    rpartition

    et l exercice du

    pouvoir,

    la dfinition

    des

    1. Cf. les contributions dans

    Ghler

    (G.), edv

    Politische

    Institutionen

    im gesellschaftlichen

    Umbruch :

    Ideengeschichtliche Beitrge

    zur Theorie

    Politischer

    Institutionen,

    Opladen, Westdeutscher Verlag,

    1990.

    2.

    Notamment

    l'article de

    K. von Beyme

    dans

    Ghler (G.)

    et

    al., eds,

    Die

    Rationalitt politischer

    Institutionen,

    Baden-Baden,

    Nomos, 1990.

    3.

    Vanberg (V.),

    Markt und Organisation, Tbingen,

    Mohr,

    1982,

    p. 32.

    4.

    Pour

    R. Jepperson le cur

    du

    concept d'institution est la reprsentation d'un

    schma

    stable

    pour des squences d'activits

    rptes

    de faon chronique , Jepperson (R.), Institutions,

    Institutional Effects,

    and Institutionalism ,

    in Powell (W.), DiMaggio

    (P.), eds, The New

    Institutionalism

    in

    Organisational

    Analysis,

    Chicago,

    University

    of

    Chicago

    Press, 1991, p. 145.

    5. Cf. North (D.), A Transaction Cost

    Theory

    of Politics , journal of

    Theoretical

    Politics,

    2, 1990.

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    L'institutionnalisme centr

    sur

    les acteurs 97

    comptences,

    la

    disposition

    de ressources

    ainsi

    qu aux

    relations

    d autorit

    et de dpendance.

    Les

    institutions ont retrouv, depuis peu,

    une

    place

    de

    choix

    dans

    l institutionnalisme

    conomique,

    la sociologie institutionnelle

    des

    organisations, le no-institutionnalisme en

    science

    politique. Ces thories ont

    en

    commun de

    porter

    un

    regard critique sur certaines

    approches

    employes

    jusqu

    prsent,

    mais

    cette critique porte sur

    un

    lment diffrent dans

    chaque

    cas et le concept d institutions utilis n est pas le mme.

    En

    science

    conomique,

    on distingue

    - bien

    que

    conceptuellement la

    distinction ne

    soit

    pas

    toujours aussi

    nette -

    une

    conomie institutionnelle,

    qui cherche

    des

    explications

    institutionnelles

    aux situations

    conomiques,

    et

    un institutionnalisme conomique qui

    tente

    d expliquer les

    institutions

    par

    des

    arguments

    conomiques

    (autrement

    dit,

    comme

    le

    rsultat

    d une

    action

    rationnelle,

    calcule, manant

    d individus^). Le

    premier

    courant dnonce

    une thorie

    conomique qui se contente, au

    niveau

    micro-conomique, de

    l analyse du comportement

    individuel

    rationnel et, au niveau

    macroconomique,

    des

    variables agrges de l'offre et de la demande, sans

    prter attention

    aux

    particularits des structures de

    production

    et du

    march, ni du cadre

    social

    dans

    lequel

    l action conomique s insre. Ce

    n est

    pas un

    hasard

    si

    des

    sociologues comme Granovetter7

    et

    Streeck ont critiqu

    de telles

    omissions.

    Streeck a

    d ailleurs

    contribu,

    par ses

    travaux

    empiriques,

    l laboration d une

    thorie institutionnelle

    de l'offre dans les

    socits capitalistes

    avances8

    .

    Bien

    que

    la

    thorie

    conomique

    des

    institutions

    fonde sur

    une

    argumentation

    gntique

    ne s carte pas de

    l approche no-classique, elle

    critique

    cependant l hypothse d un Homo

    conomicus hyper-rationnel

    mais

    dj domestiqu

    par les normes.

    Elle

    suppose qu il

    existe

    d une part des acteurs qui ne sont pas totalement

    rationnels,

    et d autre

    part

    la

    possibilit

    toujours prsente de

    prjudices

    opportunistes . Ces deux lments

    se

    traduisent par

    des

    cots de

    transaction

    , susceptibles de

    nuire des

    changes et cooprations

    normalement

    bnfiques.

    L existence d institutions

    adquates peut

    accrotre

    la fiabilit des

    attentes

    mutuelles et rduire ainsi les cots de transaction.

    Les

    avantages

    ainsi obtenus

    en

    terme

    d efficience

    expliquent,

    selon les

    arguments tirs de thories volutionnistes,

    non

    seulement le choix entre le

    march et la hirarchie

    , mais

    aussi le choix entre diffrentes formes

    d organisation

    de l entreprise9.

    6. Ghler (G) et

    al.,

    eds, Die Rationalitt politischer Institutionen, op. cit.

    7. Granovetter

    (M),

    Economie

    Action and

    Social Structure : The

    Problem

    of Embeddedness ,

    American

    journal

    of Sociology,

    91, 1985.

    8.

    Streeck

    (W.),

    Social Institutions and

    Economic

    Performance, Londres, Sage, 1992.

    9.

    Williamson (O.),

    Markets

    and

    Hierarchies. Analysis

    and

    Antitrust

    Implications,

    New

    York, Free

    Press, 1975

    ;

    Williamson

    (O.),

    The

    Economic Institutions

    of Capitalism. Firms,

    Markets, Relational

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    Politix n 55

    L institutionnalisme de la sociologie

    des

    organisations

    dnonce, quant

    lui,

    la conception selon laquelle

    Les

    organisations

    taient envisages

    principalement comme

    des systmes

    de production et/ou

    d change

    et

    leurs

    structures

    comme

    tant

    modeles,

    dans

    une

    large

    mesure,

    par

    leurs

    technologies,

    leurs transactions,

    ou

    les relations de pouvoir-dpendance qui

    rsultent de ces

    interdpendances10.

    Zucker

    dtache la nouvelle thorie

    institutionnelle de toutes les

    approches

    fondes sur l hypothse

    selon

    laquelle le comportement est motiv par

    les

    intrts

    des acteurs

    humains et

    s explique par

    ceux-ci11.

    II

    se

    rfre

    ici

    moins

    Selznick - qui soulignait

    dj,

    dans son tude sur la Tennessee Valley Authority12,

    que

    les

    organisations peuvent

    certes tre

    cres comme

    des instruments,

    mais

    qu elles acquirent

    en gnral une

    valeur

    propre

    pour

    leurs

    membres et

    pour les acteurs intervenant dans

    leur

    environnement

    - qu au

    constructivisme

    sociologique

    ou

    l interactionnisme symbolique.

    Dans

    F

    ouvrage-clef

    de Berger

    et

    Luckmann, l institutionnalisation

    est

    le

    processus

    par lequel les

    individus

    laborent

    une

    dfinition

    commune de la

    ralit

    sociale ; les rgles vcues

    tenues

    pour acquises

    , les reprsentations

    et

    les

    croyances jouent

    alors

    un rle de

    premier

    plan13. En consquence,

    l institutionnalisme de la sociologie

    des

    organisations

    s intresse surtout

    aux

    lments symboliques et

    cognitifs

    de l environnement d une

    organisation

    (mythes,

    traditions

    orales,

    idologies

    lgitimes, etc.) qui influencent celle-

    ci14.

    Le concept d institution est

    alors

    employ

    dans un sens trs large et

    concret, synonyme de

    culture15

    .

    L un

    des

    courants

    mme

    du no-institutionnalisme en science

    politique

    se

    fonde sur la

    critique des

    approches

    rductionnistes et utilitaristes, qui

    expliquent

    les phnomnes

    politiques comme

    les

    effets agrgs de l action

    intresse d individus

    et n accordent

    aucune

    importance aux

    structures

    organisationnelles ni aux actions

    vise

    normative voire symbolique. Cette

    critique

    est formule de

    manire

    incisive par March et Olsen, qui

    Contracting,

    New

    York, Free Press, 1985

    ;

    North (D.),

    Structure and

    Change

    in

    Economie

    History,

    New

    York,

    W.W.

    Norton,

    1981.

    10. Scott

    (R.),

    The

    Adolescence

    of

    Institutional Theory

    ,

    Administration

    Science

    Quarterly,

    32,1987, p. 507.

    11 . Zucker

    (L.), ed., Institutional Patterns

    and

    Organization,. Cambridge, Ballinger, 1988,

    p.

    4.

    12. Selznick (P.),

    TVA

    and the Grass Roots. A Study in the Sociology of Formal Organization, New

    York, Harper & Row,

    1966.

    13 . Berger

    (P.),

    Luckmann (T.), Die gesellschaftliche Konstruktion der Wirklichkeit, Francfort/Main,

    Fischer, 1972.

    14. Cf. les

    contributions

    dans Powell (W.), DiMaggio

    (P.),

    eds, The New Institutionalise? in

    Organizational

    Analysis op.

    cit.

    15. Cf.

    aussi

    la caractrisation

    synthtique

    de R.

    Jepperson

    : Dans

    l'analyse

    organisationnelle,

    en particulier,

    de nombreux

    commentateurs

    associent

    d'une faon

    ou

    d'une

    autre les

    institutions

    la culture , c'est--dire aux effets normatifs, aux ides, aux conceptions,

    aux

    institutions

    prconscientes ,

    aux

    mythes,

    aux rituels,

    l'idologie,

    aux

    thories

    ou aux

    rcits

    (Jepperson (R.),

    Institutions, Institutional

    Effects,

    and

    Institutionalism,

    in

    Powell

    (W.),

    DiMaggio

    (P.), eds, The New

    Institutionalism.

    ., op. cit.,

    p.

    150).

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    L'institutionnalisme centr sur les acteurs 99

    s intressent

    la place

    des institutions en

    politique16 et

    insistent sur

    l importance de

    comportements

    appropris ,

    vise

    normative,

    ainsi

    que

    des

    rituels, des

    crmonies et des mythes.

    Ce

    courant

    du

    no-

    institutionnalisme en

    science politique

    rejoint

    ainsi l institutionnalisme

    de

    la

    sociologie des organisations.

    Un second courant

    du no-institutionnalisme politique

    fait

    davantage

    appel

    une

    notion dj

    ancienne, qui

    entend

    par

    institutions politiques,

    les

    organes politiques centraux, autrement dit (contrairement

    l orientation

    sociologique

    organisationnelle dcrite

    plus

    haut) des

    construits sociaux

    prcis. Il ne s agit cependant pas d un simple

    retour

    la pense classique,

    encore

    que ce nouvel

    institutionnalisme

    soit

    apparu aux

    Etats-Unis

    avec la

    devise bringing the state

    back in17

    .

    Ce

    courant

    du

    no-institutionnalisme

    politique,

    fond

    sur

    la

    thorie

    de

    l Etat,

    s oppose

    aux

    approches

    bhavioristes18, structuralistes,

    et

    systmiques, qui ne

    s intressaient

    pas

    aux

    particularits de

    l organisation

    politique

    (comme

    construction et

    systmes

    de

    rgles)

    et

    se concentraient soit sur les comportements individuels pertinents

    sur le

    plan politique,

    soit

    sur

    les

    effets

    des

    structures de pouvoir

    et

    d intrts

    sur

    les

    dcisions politiques.

    Partant de l, Keck

    identifie

    une

    renaissance de

    la

    vision

    institutionnelle , accordant

    davantage

    d attention aux

    structures

    organisationnelles du systme

    politique.

    Ces dernires ne constituent pas

    une scne neutre,

    mais

    restreignent

    le champ d action ou bien ouvrent de

    nouvelles options d action.

    Contrairement

    aux conceptions antrieures de

    la

    thorie

    de

    l influence,

    les

    intrts

    sociaux

    dominants... n ont

    pas

    de

    rpercussions

    directes

    sur les

    rsultats du processus politique

    :

    ils sont

    modifis

    ou filtrs par

    la machinerie du systme politique19. L ouvrage

    collectif

    Do

    Institutions Matter ? est un exemple loquent de ces

    nouvelles

    tendances : ses coordinateurs

    cherchent

    comprendre comment diffrents

    arrangements institutionnels

    influencent

    la

    stabilit

    et

    l'efficacit des

    gouvernements20 .

    16 . March

    (].), Olsen (].), The New Institutionalism : Organizational

    Factors in Political Life

    ,

    American

    Political

    Science

    Review,

    78,

    1984,

    p. 735.

    17 .

    Evans (P.) et al., eds,

    Bringing

    the State

    Back

    In, Cambridge, Cambridge University Press,

    1985.

    18 . Courant dans lequel K.

    von Beyme se distingue particulirement.

    Cf.

    son

    article

    dans

    Ghler

    (G.),

    ed., Grundfragen der Theorie

    Politischer

    Institutional. Forschungsstand, Problem, Perspektiven,

    Opladen, West-deutscher Verlag,

    1987.

    19 . Keck

    (O.),

    Der neue Institutionalismus

    in der Theorie der Internationalen Politik

    ,

    Politische Vierteljahr sschrift, 32, 1991, p. 637.

    20 .

    Weaver

    (R.),

    Rockman

    (B.), eds,

    Do

    Institutions

    Matter

    ?

    Government Capabilities

    in the

    United

    States and Abroad, Washington,

    DC, Brookings Institution,

    1993, p.

    4.

  • 7/27/2019 Mayntz & Scharpf - L'institutionnalisme centr sur les acteurs.pdf

    7/30

    100

    Politix n 55

    L institutionnalisme

    centr sur les acteurs

    L approche de l institutionnalisme centr sur les

    acteurs,

    labore pour un

    objet

    d tude

    spcifique,

    se

    rattache

    ce

    dernier

    courant

    du

    no-

    institutionnalisme en

    science politique,

    dont elle se distingue

    toutefois

    par

    plusieurs aspects. En effet, ce courant ne

    se

    limite pas aux institutions

    politiques, il se base sur un concept troit des institutions, considre celles-ci

    comme

    des

    variables pouvant

    tre dpendantes aussi

    bien

    qu indpendantes, et ne leur attribue pas d'effet dterminant. Au contraire,

    les facteurs

    institutionnels

    constituent bien

    plus

    un contexte de

    l action,

    stimulant,

    potentialisant

    ou

    limitant. La figure 1

    tente

    de schmatiser cette

    approche. Si

    l on

    veut

    tudier

    la

    rgulation sectorielle

    et l autorgulation

    dans les secteurs

    para-tatiques et

    leurs rsultats,

    il

    est

    ncessaire

    de

    s intresser en

    priorit

    aux

    interactions

    entre

    les

    acteurs

    corporatifs,

    ces derniers

    pouvant tre

    provisoirement dfinis comme des organisations

    capables

    d action. Si l accent est mis

    sur les acteurs corporatifs,

    c est

    la

    fois en

    raison

    du niveau d analyse choisi (sous-systmes sociaux)

    et

    de l organisation

    trs

    pousse

    propres aux secteurs

    dits

    para-tatiques ; sans cela, on ne pourrait

    pour

    ainsi

    dire

    pas parler

    d autoorganisation

    au niveau

    macrosocial. Bien

    que l action

    des acteurs corporatifs occupe effectivement

    une

    place de

    premier plan dans notre champ d investigation

    et

    notre problmatique,

    cela

    ne

    signifie

    pas

    pour

    autant

    que

    nos tentatives

    d explication

    se

    limitent

    l action de ces

    seuls

    acteurs. Mme dans

    les secteurs trs organiss,

    il arrive

    que

    l action d individus,

    au

    niveau

    microsocial,

    contribue

    de

    manire

    dcisive la situation

    que

    l on souhaite expliquer21.

    En outre,

    les stratgies

    d acteurs

    corporatifs

    peuvent aussi s expliquer,

    dans certains cas,

    par

    l action,

    non

    dtermine par

    les institutions,

    d individus

    en leur

    qualit

    de

    membres,

    de

    titulaires

    d une

    fonction ou de reprsentants. Ceci

    implique

    nouveau, en principe,

    une

    perspective multi-niveaux, dans laquelle le

    cadre

    institutionnel

    influence

    l action des organisations, ces dernires

    crant leur

    tour le

    cadre

    institutionnel dterminant

    l action de

    leurs membres.

    Dans les secteurs sociaux

    trs

    organiss,

    chaque

    acteur corporatif fait en

    gnral partie d une constellation d'acteurs

    plus

    ou moins complexe. De fait, en

    science politique, le

    no-institutionnalisme s intresse

    moins

    aux diffrentes

    institutions

    politiques qu

    l'effet

    que produisent

    certains dispositifs

    institutionnels,

    que

    l on cherche

    styliser de manire

    en extraire des types

    idaux, puis spcifier

    selon

    leur mode de fonctionnement. On

    peut citer

    comme

    exemple

    le modle de

    dmocratie

    parlementaire de Westminster

    ou le

    fdralisme unifi

    l allemande

    (Verbundfderalismus).

    Ces

    catgories

    dfinies dans

    une

    optique

    phnomnologique

    oriente vers les

    formes

    ont

    21. Cf. Schimank

    (U.),

    Wasem (].), Die staatliche Steuerbarkeit unkoordinierten kollektiven

    Handelns

    ,

    in

    Mayntz

    (R.), Scharpf (F.W.), eds,

    Gesellschaftliche

    Selbstregelung

    und

    politische

    Steuerung, Francfort /Main, Campus, 1995.

  • 7/27/2019 Mayntz & Scharpf - L'institutionnalisme centr sur les acteurs.pdf

    8/30

    L'institutionnalisme centr sur les acteurs 101

    toutefois l inconvnient d'tre assez

    peu abstraites

    et de ne

    concerner que

    les

    structures de

    dcision

    politiques. Dans l institutionnalisme centr sur

    les

    acteurs,

    en

    revanche, on

    s'efforce de dfinir des

    catgories

    analytiques

    permettant d'identifier

    les

    aspects

    thoriques

    pertinents

    des

    constellations

    d acteurs englobant tout un secteur.

    C est

    la

    raison pour laquelle, on

    ne

    peut

    pas

    se limiter aux institutions (ou

    acteurs)

    politiques il est ncessaire

    d'intgrer tous les acteurs pertinents dans les diffrents

    champs de rgulation

    sociale.

    On

    vite ainsi le

    point de vue du lgislateur

    ,

    commun

    bien

    des

    tudes

    en

    science

    politique,

    dans

    lesquelles

    les champs

    de rgulation sociale

    constituent

    un environnement

    plus ou

    moins

    amorphe et

    passif. Au contraire,

    l accent est mis ici sur l intgration des acteurs tatiques et non tatiques dans

    les

    structures

    qui influencent

    leur action.

    Facteurs

    non

    institutionnels

    Contexte

    institutionnel

    Acteurs

    en

    constellations

    en

    situations

    Mode

    d'interaction

    Rsultat,

    effet

    Figure

    1.

    Vue d'ensemble du modle

    analytique

    A la diffrence des

    tentatives

    d largissement

    culturaliste

    , le concept

    d'institutions dans l institutionnalisme centr

    sur

    les acteurs

    est relativement

    troit

    et

    se concentre sur

    les

    aspects de rgulation. Cette orientation

    analytique,

    fondamentale

    pour

    l ensemble de la dmarche,

    a deux

    consquences

    importantes.

    D une part,

    les

    institutions

    ne sont pas interprtes

    simplement

    comme

    le rsultat d un

    dveloppement

    volutionniste

    et tenues

    pour acquises : elles peuvent

    tre

    volontairement modeles et modifies par

    l action d acteurs

    identifiables.

    L approche centre sur les acteurs

    considre

    donc

    les

    institutions

    comme des

    variables aussi

    bien

    dpendantes

    qu indpendantes. D autre part, en

    limitant le concept d institution

    aux

    aspects de rgulation,

    on

    met en valeur

    une

    prmisse,

    souvent simplement

    cite de manire

    formelle,

    selon laquelle

    le

    contexte institutionnel autorise ou

    entrave l action,

    mais

    ne

    la

    dtermine

    pas. Bien

    qu elles

    s en

    dfendent,

    les

    approches

    institutionnalistes

    sont

    souvent

    crypto-dterministes concernant

    l action des

    acteurs, surtout

    lorsque

    le

    concept d institutions est assez large

    pour englober non seulement les normes du

    comportement

    adquat,

    mais

    aussi

    les lments cognitifs

    et symboliques

    influenant l action. Si l on inclut

    encore dans

    ce concept les pratiques

    de la

    vie

    quotidienne, sans

    se poser

    la

    question

    de

    leur

    provenance,

    les

    acteurs

    sont

    alors

    privs

    de

    toute

    latitude

    et il

  • 7/27/2019 Mayntz & Scharpf - L'institutionnalisme centr sur les acteurs.pdf

    9/30

    102

    Politix n 55

    ne reste au

    sujet

    que quelques

    impulsions idiosyncrasiques, quasiment

    inaccessibles

    l analyse

    sociologique thorique.

    Cette

    conceptualisation est

    peut-tre exploitable dans les thories sociologiques

    qui

    s intressent au

    comportement

    individuel

    (moyen).

    En

    revanche,

    l explication

    des processus

    de

    rgulation

    et d autoorganisation

    au

    niveau macrosocial

    ncessite

    quant

    elle

    un

    concept

    plus

    troit des

    institutions,

    permettant de considrer l action

    des acteurs

    comme une

    variable autonome et

    d analyser

    ainsi

    des situations

    o,

    malgr un cadre institutionnel fondamentalement

    inchang,

    on observe

    des modifications

    lourdes de consquences au

    niveau

    de

    l'action22.

    L analyse des structures sans rfrence

    aux

    acteurs est tout aussi dficiente

    que

    l analyse de l action

    des

    acteurs sans

    rfrence

    aux structures,

    comme

    Alexander

    l a

    rappel

    rcemment encore23. L institutionnalisme centr sur

    les

    acteurs surmonte cette

    dichotomie par sa double perspective

    sur les

    acteurs et les institutions.

    La dmarcation

    explicite,

    ainsi propose, entre

    institutions

    et

    action

    observable,

    rejoint ainsi le dbat de

    longue

    date sur les

    rapports

    entre

    acteur

    et

    systme24

    ou

    structure

    et

    agency25. Ce dbat porte

    toutefois davantage

    sur le

    primat de

    la

    structure

    ou de l action de l acteur

    que sur

    l'intgration de

    ces deux

    perspectives. De mme, la dmarcation

    entre structure

    et agency

    reste floue

    dans

    l analyse26. Le concept

    gency est

    associ

    celui de

    libre arbitre,

    mais dans la ralit,

    les acteurs sont

    toujours

    marqus

    par

    des

    influences sociales. Cela ne pose pas de problme

    si l on

    distingue les

    rgles institutionnelles

    de l action des

    acteurs rels,

    comme

    le

    fait

    l institutionnalisme

    centr sur les acteurs27.

    Dans les

    explications

    proposes dans le cadre de l institutionnalisme centr

    sur les acteurs,

    l action observable

    des acteurs a

    toujours une fonction de

    cause premire {proximate cause), tandis que le

    cadre

    institutionnel

    reprsente

    pour

    nous la cause seconde (remote cause) centrale. Entre ces

    deux

    ples, de nombreux

    facteurs interviennent

    pour codterminer

    les

    acteurs

    et leurs

    orientations, leurs relations

    et les

    situations dans lesquelles

    22. Par

    exemple

    les changements de stratgie

    politico-conomique

    de ces vingt dernires

    annes.

    Le succs de la

    rforme Seehofer dans le secteur

    de

    la sant,

    aprs l'chec

    des

    multiples

    tentatives prcdentes,

    ne

    s'explique pas non plus par une modification des

    conditions

    institutionnelles.

    23. Alexander (J.),

    Commentary

    : Structure, Value,

    Action

    , in Hamilton (P.), ed.,

    Talcott

    Parsons : Critical Assessment, Londres, Routledge,

    1992.

    24.

    Crozier

    (M.), Friedberg (E.), L'acteur et le systme, Paris, Seuil,

    1977

    ; Weyer (J.), System und

    Akteur. Zum Nutzen zweier soziologischer Paradigmen bei der Erklrung erfolgreichen

    Scheiterns , Klner Zeitschrift

    fr

    Soziologie

    und Sozialpsychologie, 45, 1993.

    25.

    Par

    exemple Giddens (A.),

    The

    Constitution of Society. Outline of

    a

    Theory of Structuration,

    Cambridge,

    Polity Press, 1984.

    26. Alexander (J.), Sowie

    Differenzierung

    und

    kultureller

    Wandel, Francfort /Main, Campus,

    p.

    502.

    27. Pour A. Giddens (The Constitution of Society.

    ..,

    op. cit.,

    p.

    282), les acteurs

    agissent

    surtout

    par

    habitude.

    La

    variance,

    qui parvient

    ramener un comportement

    globalement

    habituel

    dans

    des

    explications

    du

    reste

    dtermines

    structurellement,

    est

    pourtant

    si

    faible

    que

    le

    rsultat

    de

    l'action

    parat en

    pratique

    dtermin

    par

    la

    structure.

  • 7/27/2019 Mayntz & Scharpf - L'institutionnalisme centr sur les acteurs.pdf

    10/30

    L'institutionnalisme centr

    sur

    les acteurs 103

    ils interagissent. Ainsi, les acteurs

    corporatifs

    sont

    constitus,

    ou du

    moins

    approuvs, par la lgislation, mais

    cela ne

    suffit

    pas dterminer

    entirement leurs caractristiques en tant qu organisation

    sociale, ni

    l orientation

    de

    leur

    action

    dans

    une

    situation

    concrte.

    Il

    en

    va

    de mme des

    structures plus

    globales dans lesquelles

    ils s insrent. Ici encore,

    par

    exemple,

    une

    partie des relations durables

    est

    donne

    par

    les institutions,

    mais une

    autre

    partie est

    plus

    informelle, voire

    parfois

    hors la loi . Enfin,

    les

    interactions entre certains acteurs sont

    aussi

    motives

    par

    des

    rgles

    institutionnelles,

    mais

    les

    situations relles contiennent galement de

    nombreux

    lments

    non

    institutionnels. Nous

    dtaillerons

    ci-aprs

    ces

    composantes

    de notre

    approche. Pour des

    raisons pragmatiques

    et

    pour

    assurer

    une

    meilleure transparence dans la recherche d explications, nous

    n employons

    aucune grille

    de

    catgories

    pour

    le

    recensement systmatique

    des

    facteurs

    d influence,

    y

    compris

    des

    facteurs

    non

    institutionnels.

    Le

    contexte

    institutionnel

    Une

    classification diffrentielle

    des contenus possibles de la

    rgulation

    devient

    trs

    vite trop

    complexe28 et

    finit

    par dpasser la systmatique

    juridique

    du droit

    constitutionnel,

    administratif, fiscal, pnal, civil, du droit

    des socits, des associations, du travail ou du droit procdural.

    L important

    est

    que

    les rgles institutionnelles (dfinies,

    appliques et approuves)

    permettent

    de

    fonder

    la

    fiabilit

    des

    attentes

    mutuelles

    et

    rendent

    ainsi

    possible

    l action

    sociale par-del les limites

    des

    relations

    personnelles,

    comme

    l ont

    soulign

    les

    institutionnalistes,

    juste

    titre,

    par opposition

    une

    thorie

    conomique dpourvue de dimension institutionnelle29. Une

    classification minimaliste

    des contenus

    de

    la rgulation,

    en vue

    de l analyse

    des

    structures sectorielles

    et

    des

    processus

    de

    dcision,

    doit tout

    d abord

    distinguer,

    selon

    les

    dfinitions

    courantes des

    institutions,

    les rgles qui :

    -

    dfinissent

    les

    normes

    (matrielles) de comportement et de

    procdure

    (formelles)

    dans des situations donnes,

    -

    autorisent ou

    au

    contraire

    refusent

    l accs

    de

    certains groupes des

    ressources

    financires,

    juridiques,

    personnelles,

    techniques

    ou

    naturelles,

    -

    et

    dterminent les relations (notamment de dominance

    et

    de dpendance)

    entre

    des acteurs donns.

    28 .

    Cf. Ostrom (E.), A Method of Institutional

    Analysis

    , in Kaufmann (F.-X.) et

    ah,

    dir.,

    Guidance, Control,

    and

    Evaluation in the Public

    Sector. The

    Bielefeld

    Interdisciplinary

    Project, Berlin,

    De Gruyter, 1986

    ;

    Ostrom (E.), An Agenda

    for

    the Study of Institutions , Public Choice,

    48,

    1986.

    29 .

    North (D.),

    A

    Transaction Cost

    Theory

    of

    Politics

    , art.

    cit

    ;

    North

    (D.),

    Institutions

    ,

    Journal of Economic

    Perspectives, 5, 1991.

  • 7/27/2019 Mayntz & Scharpf - L'institutionnalisme centr sur les acteurs.pdf

    11/30

    104

    Politix n 55

    II

    est

    en outre important, dans

    notre optique,

    que

    les

    acteurs

    corporatifs

    soient constitus par

    des

    rgles

    institutionnelles. Il

    est mme frquent qu ils

    soient crs

    par une

    dcision de l'Etat, ce qui leur confre, en

    une seule fois,

    une mission

    et

    des

    comptences30.

    Il

    convient

    enfin

    de

    souligner

    que, dans

    le

    cadre de la rgulation

    institutionnelle des

    procdures,

    des

    motifs

    d interaction

    entre

    certains acteurs sont dfinis

    et des arnes

    sont cres dans

    lesquelles

    des acteurs donns se runissent

    pour

    discuter

    ou dcider de

    thmes spcifiques, tout en tant subordonns

    des rgles

    de dcision

    dtermines. En dfinissant les

    tches

    et

    les relations

    entre

    les acteurs,

    la

    rgulation institutionnelle

    cre

    des

    structures

    de division du

    travail qui

    peuvent aussi tre dcrites

    par

    les

    concepts

    de la diffrenciation sociale.

    Bien

    que

    la thorie systmique, qui ne laisse pas de part aux acteurs et argumente

    uniquement

    sur

    la base

    des relations

    de communication, diffre fortement,

    dans

    sa

    perspective analytique,

    de

    l institutionnalisme

    centr sur

    les

    acteurs,

    celui-ci se rapproche beaucoup d une thorie de la diffrenciation mettant

    l accent

    sur

    les

    structures sociales

    relles31. Ainsi,

    la

    structure

    particulire du

    systme

    de

    sant

    allemand, avec sa

    sparation caractristique

    entre soins

    hospitaliers et soins ambulatoires

    ainsi que son mode de financement bas

    sur

    les

    cotisations

    obligatoires32, ou

    encore la

    proximit

    de l enseignement et

    de la recherche dans les universits allemandes, avec les consquences

    qu elle

    entrane33, constituent

    des

    formes de diffrenciation sociale modeles

    par

    les institutions. La thorie de

    la

    diffrenciation met

    l accent

    la fois sur

    un

    aspect important

    pour

    la description des structures sectorielles et des

    constellations

    d acteurs (la

    division

    du

    travail)

    et

    sur

    une composante

    importante

    (fonctionnelle)

    de l orientation

    de

    l action.

    Acteurs et orientation de

    l action

    Le

    cadre

    institutionnel, dfinissant

    les rgles

    que l on doit

    soi-mme

    respecter et

    que l on

    souhaite que

    les

    autres

    respectent, est

    un lment

    constitutif des acteurs

    et

    des constellations

    d acteurs

    ;

    il

    structure leur

    accs

    aux

    ressources

    ncessaires l action, influence leurs orientations

    et

    modle

    des aspects

    importants

    des

    situations

    auxquelles

    chaque

    acteur

    est

    confront.

    Pour

    autant, ce

    cadre

    institutionnel n englobe pas

    tous

    les types

    d action,

    ni tous les facteurs pertinents

    pour

    l action,

    et

    ne dtermine pas

    entirement non

    plus

    l action lorsqu il entre en

    jeu.

    Cela

    signifie

    non

    30.

    La capacit

    d'action

    des individus repose

    souvent, elle

    aussi, sur des conditions

    institutionnelles. S'

    agissant

    des personnes physiques, cela est toutefois moins vident et

    l'influence

    sur

    les comportements est moins

    dterminante.

    31.

    Mayntz (R.),

    Funktionelle Teilsysteme in der

    Theorie

    sozialer

    Differenzierung ,

    in

    Mayntz

    (R.)

    et ed.,

    eds, Differenzierung und Verselbstndigung, Francfort/Main, Campus, 1988.

    32. Alber (J.),

    Das Gesundheitswesen

    der

    Bundesrepublik

    Deutschland. Entwicklung, Struktur und

    Funktionsweise,

    Francfort /Main,

    Campus,

    1992.

    33. Schimank

    (U.),

    Hochschulforschung im Schatten der Lehre, Francfort /Main, Campus, 1995.

  • 7/27/2019 Mayntz & Scharpf - L'institutionnalisme centr sur les acteurs.pdf

    12/30

    L'institutionnalisme centr sur les acteurs 105

    seulement

    que

    l on peut enfreindre les normes, abuser du pouvoir ou

    recourir

    des

    interactions

    informelles,

    mais

    aussi que l accs

    aux ressources

    n est

    rgul

    que

    partiellement

    par les

    institutions,

    notamment s agissant de

    ressources naturelles

    et

    techniques.

    Tous

    ces aspects

    sont

    vidents,

    si

    l on

    s intresse

    non plus

    au

    cadre

    institutionnel

    mais aux

    acteurs qui agissent

    dans ce cadre.

    Les acteurs

    Selon

    March

    et Olsen34, le concept de bringing the

    state

    back in implique

    aussi que les institutions

    politiques

    soient considres

    comme

    des acteurs

    part entire : on peut noter, avec raison,

    que

    les institutions politiques

    peuvent

    tre traites

    comme

    des acteurs,

    de la mme manire

    que l on

    traite

    les

    individus

    comme des

    acteurs35.

    Cela va

    de

    soi

    si

    l on dsigne

    par

    institutions non seulement

    les

    systmes de rgles,

    mais

    aussi

    les

    formes

    sociales.

    Si l on utilise en revanche un

    concept d institutions troit, centr

    sur

    les rgles,

    il

    faut alors dans

    l analyse

    faire la distinction entre institutions

    et

    acteurs.

    Les systmes de rgles n agissent pas, mais

    ils

    peuvent

    tre

    un

    lment constitutif des acteurs

    et

    modeler des

    caractristiques

    importantes

    de

    ceux-ci.

    On

    peut ds

    lors

    considrer

    les

    structures sociales comme

    les

    organisations

    aussi

    bien

    du point

    de

    vue des rgles

    qu elles

    incarnent,

    autrement dit du point de vue institutionnel, que du point de vue de leur

    capacit

    d action, autrement dit en

    tant

    qu acteurs corporatifs.

    Selon la dfinition de Coleman36, un

    acteur

    corporatif est un groupe

    organis

    de

    faon formelle, majoritaire dans son sous-ensemble social

    capable d action,

    et disposant

    pour agir

    de ressources centralises (c est--

    dire qui ne sont

    plus disponibles au

    niveau individuel des membres), dont

    l utilisation est dtermine soit par la voie hirarchique (par exemple dans

    les entreprises

    ou les

    administrations), soit

    la

    majorit (dans les

    partis

    ou

    les associations). La

    manire

    dont les

    organisations

    se voient habilites agir

    et

    quelles conditions elles le sont, est un thme largement

    dbattu

    en

    sociologie37. Les

    conditions internes aux organisations

    les

    plus

    importantes

    pourront

    tre

    la

    capacit

    former

    une

    volont

    collective

    et

    le

    contrle

    effectif

    34 . March

    (J.), Olsen (J.)

    The New

    Institutionalism...,

    art.

    cit, p.

    738.

    35. Ibid., p.

    742.

    36 . Coleman

    (J.),

    Power and the Structure

    of Society,

    New

    York, Norton,

    1974.

    37. Cf. Mayntz

    (R.),

    Corporate

    Actors in Public

    Policy

    : Changing Perspectives in Political

    Analysis

    ,

    Norsk Statsvitenskapelig Tidsskrift, 3, 1986 ; Schneider (V.), Werle

    (R.),

    Vom Regime

    zum korporativen Akteur. Zur institutionellen Dynamik der Europaischen Gemeinschaft , in

    Kohler-Koch

    (B.),

    ed., Regime in den internationalen Beziehungen, Baden-Baden, Nomos,

    1989

    ;

    Flam (H.), Corporate Actors, MPIFG Discussion Paper 90/11,

    Cologne,

    MPI fr

    Gesellschaftsforschung, 1990

    ; Wiesenthal (H.), Unsicherheit und Multiple-Self-Identitat : Eine

    Spekulation

    ber die Voraussetzungen strategischen

    Handelns,

    MPIFG

    Discussion

    Paper

    90/2,

    Cologne,

    MPI

    fur

    Gesellschaftsforschung,

    1990 ; etc.

  • 7/27/2019 Mayntz & Scharpf - L'institutionnalisme centr sur les acteurs.pdf

    13/30

    106

    Politix n 55

    de Faction

    des

    membres de

    l organisation ;

    c est

    sur ces critres

    que

    l on

    valuera si

    l action

    peut tre attribue

    l organisation

    (et

    non

    pas certains

    de ses membres). Il ne s agit pas ici d une

    alternative.

    Toute organisation

    n est

    pas

    tout

    moment

    dote

    de

    la

    mme

    capacit

    d action,

    comme

    l a

    montr

    par exemple la

    reconstitution des comportements

    de l Acadmie des

    sciences

    de RDA au cours de l unification allemande38. La

    capacit d action

    des

    organisations

    est

    donc une

    variable.

    Les

    acteurs individuels et corporatifs

    (organisations)

    sont lis par

    une

    relation

    d inclusion

    : tous

    les

    acteurs

    corporatifs

    ont pour membres des

    acteurs

    individuels. Gnralement,

    pourtant, lorsqu on cherche

    expliquer

    l action stratgique

    des

    acteurs collectifs,

    on

    nglige

    les

    processus qui se

    droulent

    au niveau

    microsocial,

    soit au niveau

    de

    leurs membres. Cette

    omission est principalement

    pragmatique

    : la

    complexit

    de

    nombreux

    processus

    ne

    peut

    tre

    rduite

    des

    proportions

    grables que

    si

    l on

    se

    concentre sur le comportement des acteurs corporatifs. Il en rsulte toutefois

    une

    perte

    d acuit.

    Les processus

    internes aux

    organisations

    sont en

    effet

    des

    dterminants

    importants

    de la perception

    des

    situations et des choix

    stratgiques de celles-ci. A ce

    titre,

    ils

    doivent

    tre inclus dans l analyse

    chaque fois

    que

    les facteurs institutionnels et le contexte de la situation ne

    suffisent

    pas

    expliquer le

    comportement

    apparent d un

    acteur corporatif.

    L approche

    sur

    plusieurs

    niveaux,

    intgrant

    les

    acteurs

    individuels,

    est

    particulirement prcieuse

    lorsque

    l on

    tudie les

    interactions

    entre

    acteurs

    corporatifs. Toujours

    pour

    des raisons de simplification, les acteurs

    individuels

    reprsentant

    une

    organisation

    sont

    gnralement

    assimils

    l acteur

    corporatif

    lui-mme.

    Cela

    ne poserait aucun problme

    si

    tous

    les

    reprsentants taient intgralement dirigs par

    un

    mandat

    impratif

    de leur

    organisation, ou si un seul reprsentant pouvait diriger parfaitement

    l organisation. Or, il n en est

    gnralement

    rien. Les organisations

    sont le

    plus

    souvent

    des coalitions de groupes ayant des intrts,

    des

    perceptions

    et

    des potentiels d influence diffrents39

    et

    les

    individus agissant pour

    le

    compte d une organisation disposent

    presque toujours d une certaine

    latitude

    d action

    (qui peut

    tre

    considrable), notamment parce

    qu aucune

    organisation

    ne dispose

    de

    stratgies

    prdfinies pour

    toutes les

    situations

    auxquelles

    elle

    est

    confronte.

    De

    ce

    fait,

    l issue

    de

    ngociations

    peut

    tre

    diffrente

    selon

    la

    personne

    qui reprsente l organisation,

    selon

    qu il s agit

    d un

    membre

    de l encadrement, disposant d une grande autonomie

    d action

    et

    autoris

    engager et

    discipliner l organisation,

    ou par

    exemple d un

    spcialiste d un

    rang

    hirarchique

    moins

    lev.

    Pour la

    pratique

    de

    recherche, cela

    signifie

    en pratique qu il faut ventuellement

    (mais

    pas

    38. Mayntz (R.), Academy of

    Sciences in

    Crisis : A Case Study of

    a Fruitless Struggle for

    Survival

    ,

    in

    Schimank

    (U.), Stucke (A.), eds,

    Coping With

    Trouble. How Science

    Reacts to Political

    Disturbances

    of

    Research Conditions,

    Francfort/Main,

    Campus,

    1994.

    39. Cyert (R.),

    March

    (J.), A

    Behavioral

    Theory of

    the

    Firm, Englewood Cliffs, Prentice-Hall,

    1963.

  • 7/27/2019 Mayntz & Scharpf - L'institutionnalisme centr sur les acteurs.pdf

    14/30

    L'institutionnalisme

    centr sur les

    acteurs

    107

    toujours), dans notre tentative

    d explication de l action d un acteur

    corporatif, tenir compte aussi des orientations des

    individus agissant

    dans

    et

    pour

    les

    organisations.

    Il

    ne

    suffit

    pas,

    pour

    dcrire

    la

    structure

    de

    sous-systmes

    sociaux ou

    de

    secteurs

    politiques entiers,

    d utiliser

    seulement

    deux catgories

    d entits

    sociales,

    savoir

    les acteurs individuels et corporatifs.

    Les

    individus ne se

    regroupent

    pas seulement en organisations,

    mais

    aussi en familles, en

    rseaux

    de

    connaissances moins formels, en foules occasionnelles ou en

    simples

    quasi-groupes

    ,

    autrement dit dans des

    catgories de

    personnes

    ayant en

    commun une

    caractristique

    prcise et

    pertinente

    pour l action.

    Ce

    sont eux, tous ensemble, qui peuvent jouer un

    rle

    important dans

    les

    processus de rgulation et d autoorganisation et

    dans

    la production de

    macroeffets, qu on leur concde ou non une capacit d action.

    Les

    quasi-

    groupes

    ne

    sont

    pas

    des

    acteurs

    capables

    d action,

    mais

    ils

    sont

    souvent

    les

    destinataires de tentatives de gouvernance slectives. Ceci

    tant

    dit,

    les

    individus

    composant un quasi-groupe peuvent

    parfois tre modliss

    en tant

    qu acteurs, lorsque les individus rassembls

    dans

    le

    quasi-groupe

    ragissent

    chacun

    de la mme

    manire

    un

    stimulus

    externe.

    Il en va de

    mme

    lorsque

    les membres d un

    quasi-groupe ragissent

    les

    uns aux autres, ce qui renforce

    par

    l'intrieur

    la

    raction collective.

    Dans ces

    quasi-groupes,

    la

    dynamique

    propre de l action convergente, renforce

    par les

    interactions internes, joue

    un rle important

    mme

    dans les secteurs

    trs organiss

    de la

    socit.

    Elle

    seule

    peut

    expliquer

    le

    passage

    tonnamment rapide des soins mdicaux

    ambulatoires

    en

    polyclinique

    la

    mdecine

    en cabinet

    de

    ville en

    Allemagne

    de l'Est40.

    Si les orientations

    d action

    des

    membres d un tel mouvement

    social

    convergent consciemment, autrement dit s ils aspirent

    une

    action

    collective sans organisation formelle,

    on

    peut

    parler

    d acteur collectif .

    C est

    dans

    ce

    sens,

    que

    l on accorde aux classes sociales, par exemple, le

    statut d acteur41.

    Qu ils soient

    constitus ou

    simplement rguls

    par

    les

    institutions ou par des

    phnomnes

    extra-institutionnels, tous ces

    lments

    sociaux

    (pris

    comme

    acteurs ou

    comme

    composante de leur

    contexte

    d action) peuvent

    tre

    importants

    pour les

    processus

    de gouvernance et

    d autoorganisation.

    Orientations de l'action

    Les rgles

    institutionnelles

    ont rarement

    une

    porte

    universelle.

    L exploitation

    de la latitude qui

    subsiste en

    ralit est fortement

    dtermine

    40 .

    Wasem

    (J.),

    Niederlassung

    oder Poliklinik . Zur

    Entscheidungssituation

    der ambulant

    tatigen rzte im

    Beitrittsgebiet

    ,

    in

    Oberender (P.),

    ed., Steuerungsprobleme

    im

    Gesundheitswesen,

    Baden-Baden,

    Nomos,

    1992

    ;

    Schimank

    (U.),

    Wasem

    (].),

    Die

    staatliche Steuerbarkeit.

    , art. cit.

    41 .

    Touraine (A.),

    The

    Self-Production of Society, Chicago, University of Chicago Press, 1977.

  • 7/27/2019 Mayntz & Scharpf - L'institutionnalisme centr sur les acteurs.pdf

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    108

    Politix n

    55

    par l orientation de

    l action par

    les acteurs

    concerns. L orientation

    est elle-

    mme

    en partie modele

    par

    les institutions, notamment

    par

    les tches ou les

    objectifs d action fixs, mais

    aussi par

    la position des

    acteurs au

    sein de

    leur

    constellation.

    Dans le

    mme

    temps,

    elle est galement

    dtermine

    par

    les

    qualits des

    acteurs

    individuels

    ou

    corporatifs,

    indpendantes du contexte et

    lies

    la socialisation ou

    des

    facteurs historiques.

    Cette

    vision

    des rapports

    entre

    les institutions et l orientation de

    l action

    n est

    pas la

    mme que celle

    propose

    dans

    l approche du choix rationnel

    (rational

    choice), qui considre

    les

    institutions, lorsqu elles sont thmatises,

    comme des

    restrictions

    externes imposes

    une maximisation

    des

    profits de

    nature goste et

    rationnelle. Elle diffre

    aussi

    du modle de filtrage, dans

    lequel les institutions dterminent des

    corridors d action

    l intrieur

    desquels les choix peuvent

    se

    faire

    de

    manire

    rationnelle42. L opposition

    de

    deux

    orientations

    d action,

    l orientation

    normative

    impute

    l institution

    et

    l orientation rationnelle par rapport un but (zweckrational) impute

    l acteur, ne rend pas totalement compte de la ralit.

    Les acteurs n utilisent

    pas uniquement la latitude

    que

    mnagent les

    rgles

    institutionnelles

    pour

    maximiser leur profit.

    A l inverse, il

    n est

    pas

    rare

    que

    les

    acteurs

    considrent

    comme

    appropri , par

    rapport aux institutions,

    un

    comportement rationnel par rapport

    un but, voire visant

    une

    maximisation

    goste de leur profit.

    Lorsque

    l on

    veut

    dcrire les orientations

    de

    l action,

    il est

    important

    d identifier

    d abord

    quelle est l unit sociale dont on adopte la perspective

    pour

    envisager les diffrentes options s'offrant aux individus agissants

    (car,

    en dernire

    analyse,

    les acteurs

    corporatifs eux-mmes n agissent

    que

    par

    l intermdiaire d individus).

    En

    s inspirant de la distinction formule

    par

    Parsons entre

    orientation

    par

    rapport soi

    et

    orientation

    par

    rapport

    la collectivit

    ,

    on peut

    tablir

    une

    diffrenciation

    entre l action

    centre

    sur

    soi et

    l action

    centre

    sur

    le systme43. Cette dernire mrite toutefois

    une

    diffrenciation plus

    fine.

    Les

    individus peuvent

    agir en

    tant que

    membre

    d une

    classe

    sociale, d un groupe

    ethnique, d une

    organisation

    ou

    d un

    Etat.

    Parce qu ils appartiennent en gnral

    plusieurs units sociales

    hirarchises,

    des

    conflits

    sont

    possibles non seulement

    entre

    les

    actions

    centres sur soi

    et

    les

    actions

    centres

    sur

    le groupe,

    mais aussi

    dans les

    rapports

    diffrents groupes : ainsi,

    les

    membres du Bundesrat allemand

    (Conseil

    fdral),

    par exemple, peuvent,

    lorsqu ils agissent, se placer dans

    la

    perspective

    de leur Land ou

    bien

    dans

    celle

    de leur parti. La dtermination

    empirique

    du

    rfrent

    social dirigeant

    l action n a

    donc rien

    d anecdotique.

    42.

    Czada

    (R.),

    Windhoff-Hritier (A.),

    eds, Political

    Choice: Institutions,

    Rules,

    and the Limits

    of

    Rationality. Francfort/Main,

    Campus

    1991.

    43. Parsons

    (T.), The

    Social

    System, Glencoe, Free

    Press,

    1951, p. 60.

  • 7/27/2019 Mayntz & Scharpf - L'institutionnalisme centr sur les acteurs.pdf

    16/30

    L'institutionnalisme centr sur les acteurs 109

    On peut ds lors

    distinguer,

    du point de

    vue

    du contenu,

    des

    aspects

    cognitifs et motivationnels dans l orientation de l action.

    Les

    orientations

    cognitives

    concernent la perception de la situation de l action et de

    sa

    causalit, les options disponibles

    et

    les rsultats

    escompts.

    Leur importance

    pour

    la

    russite

    de l action

    est tout aussi

    vidente

    que

    la difficult

    les

    mesurer

    empiriquement44.

    L issue

    de l action

    dpend en

    particulier de

    l existence

    et de l ampleur d une ventuelle

    diffrence

    entre la perception

    des

    acteurs

    et

    la ralit, de la manire dont les interprtations de la

    situation

    et les hypothses sur la fin et les moyens sont intgres dans

    des

    concepts

    stratgiques

    cohrents,

    la manire dont ceux-ci sont rpartis

    selon les

    acteurs

    concerns dans des

    communauts pistmiques45

    ou des coalitions

    advocatives46 et enfin

    de

    la manire dont

    ils

    peuvent

    tre

    modifis par

    des

    processus

    d apprentissage individuels et collectifs. Le sort

    qu a subi

    l Acadmie des

    Sciences

    de

    RDA

    au cours de l unification allemande47

    montre

    bien qu il

    n est

    pas possible de fonder

    des

    stratgies de

    rsolution

    des

    problmes efficaces sur des perceptions

    inexactes (que, pour

    cette raison,

    la recherche empirique

    des

    cognitions

    gouvernant

    effectivement

    l action est

    bien

    une

    condition ncessaire pour trouver

    une

    explication pertinente).

    Une

    interprtation

    concordante

    de la situation

    peut

    tre

    une condition

    ncessaire

    l action

    commune. Cependant, selon

    le phnomne

    universel de

    perception slective48

    ,

    il

    est

    vraisemblable que des

    acteurs indpendants

    ayant

    des missions,

    des attributions

    ou

    des

    intrts diffrents

    peroivent

    des

    fragments diffrents

    de la

    ralit

    avec une acuit diffrente.

    Il

    est

    donc

    peu

    probable

    qu une

    constellation

    d acteurs

    tatiques

    et

    non-tatiques

    interdpendants, confronte

    un

    problme

    commun, parvienne

    spontanment

    une

    perception concordante de la situation,

    des

    options

    d action

    de

    chaque

    intervenant

    et

    des

    effets escompts de

    celles-ci.

    Au

    contraire,

    les schmas

    cognitifs

    des acteurs (cognitive mapsf seront

    plutt divergents. Dans l idal, le processus de rsolution du problme

    permet

    l intgration

    de ces perspectives

    clates50. Si

    cela n est pas possible,

    44 .

    Cf.

    Vowe

    (G.),

    Qualitative

    Inhaltsanalyse.

    Cognitive Mapping Policy

    Arguer,

    Demonstration

    der

    Vorgehensweise zur

    Analyse

    politischer Kognition.

    Forschungsbencht

    zum

    Projekt

    Handlungsorientierungen,

    manuscrit, Cologne, MPI fur

    Gesellschaftsforschung,

    1993.

    45 . Haas (P.), Introduction : Epistemic Communities and

    International Policy Coordination ,

    International Organisation, 46, 1992.

    46 .

    Sabatier (P.),

    Knowledge,

    Policy-Oriented Learning, and Policy Change

    ,

    Knowledge :

    Creation, Diffusion, Utilization,

    8, 1987.

    47. Mayntz (R.), Academy of Sciences in Crisis.

    , art.

    cit.

    48 . Dearborn (D.), Simon (H.), Selective

    Perception:

    A Note on the Departmental Identification

    of Executives

    ,

    Sociometry, 21, 1958.

    49. Axelrod

    (R.),

    ed.,

    Structure

    of Decision.

    The

    Cognitive Maps of Political Elites,

    Princeton,

    Princeton University

    Press,

    1976.

    50 .

    Cohen (M.), The Power of Parallel Thinking , Journal of Economic Behaviour and

    Organization,

    2,

    1981

    ;

    Quirk

    (P.),

    The

    Cooperative

    Resolution

    of

    Conflict , American

    Political

    Science Review, 83,

    1989.

  • 7/27/2019 Mayntz & Scharpf - L'institutionnalisme centr sur les acteurs.pdf

    17/30

    110 Politixn55

    il

    est

    tout de mme important que les participants peroivent

    au

    moins

    correctement les diffrentes interprtations de la situation en prsence,

    et

    qu ils

    puissent

    anticiper

    correctement

    les

    stratgies probables de

    chaque

    partie

    concerne51.

    Les

    aspects motivationnels

    de l orientation concernent les facteurs

    d impulsion incitant

    une

    action

    dote

    de sens (ou

    dote

    de sens,

    sinnhaft,

    au sens o l entend Max Weber) ou plus, troitement concernent,

    les

    considrations

    rgissant

    le choix des options

    d action

    (pour

    l adapter

    l action stratgique

    des acteurs corporatifs). Si

    l on

    ne peut faire l impasse

    ni

    sur les

    motions ni

    sur

    les habitudes aveugles

    dans

    l explication

    des

    comportements

    individuels observs,

    l tude

    de l action des acteurs

    corporatifs peut

    souvent

    se concentrer sur les intrts,

    normes

    et

    identits

    guidant l action.

    Le

    concept

    d'intrt

    peut

    revtir

    des

    significations

    trs

    diffrentes52,

    et

    on

    a

    tendance

    l employer de faon assez floue mme dans les

    analyses

    sociologiques.

    Aujourd hui,

    c est le sens du

    profit troit et gocentrique

    qui

    domine.

    En

    consquence,

    l action motive par

    l'intrt est

    oppose l action

    fonde sur les normes ou les valeurs, et elle est facilement qualifie

    pjorativement d goste.

    C est

    faire

    bien

    peu

    de

    cas

    de

    la connotation positive

    que

    peut avoir l action autonome. Comme

    le

    rappelle

    Albert

    O.

    Hirschmann,

    dans les

    dbats idologiques des XVIIe et

    XVIIIe sicles,

    l'intrt

    tait

    considr comme

    le

    pendant

    raisonnable de la passion, idiosyncrasique

    et

    destructrice53. Cette acception ouvre la voie

    une

    dfinition

    de l'intrt

    utilisable pour l analyse

    : puisqu ils

    sont

    raisonnables, les intrts peuvent tre

    dfinis

    objectivement, au

    niveau

    abstrait, comme

    des

    impratifs

    fonctionnels,

    en recourrant

    (comme

    le fonctionnalisme sociologique)

    des

    catgories

    biologiques volutionnistes. Fondamentalement,

    les

    intrts visent

    la

    survie

    long terme :

    ce sont des

    objectifs d action

    centrs sur le

    sujet et que

    celui-ci doit

    s'efforcer

    d atteindre

    pour

    assurer sa propre survie. Le bien-tre

    physique,

    la

    libert

    d action

    et l accs aux ressources importantes, notamment,

    le

    pouvoir,

    la reconnaissance sociale et la possession d un domaine protg, peuvent

    tre

    considrs comme

    des intrts

    quasiment standard chez

    tous les

    tres

    vivants. De la mme

    manire,

    les acteurs corporatifs ont gnralement aussi

    51. C'est

    ainsi

    que la forte

    augmentation du chmage

    en Allemagne en 1974-1975

    a t

    impute

    au

    fait

    que les syndicats allemands, prisonniers de leur

    conception

    keynsienne, n'avaient pas

    peru

    temps le tournant montariste

    pris par

    la

    Bundesbank,

    ou

    du

    moins ne l'avaient pas

    jug crdible.

    Ce type

    de

    quiproquo a pu

    tre vit en Autriche

    par

    une communication

    intensive entre

    la

    banque

    centrale et les

    partenaires sociaux. Cf.

    Scharpf (F.W.),

    Sozialdemokratische

    Krisenpolitik in

    Europa,

    Francfort/Main, Campus, 1987.

    52.

    L'infinitif

    latin

    interesse

    (tre important) domine

    dans

    le

    sens du franais intrt et de

    l'adjectif allemand

    interessant, tandis

    que le

    substantif

    allemand

    Interesse,

    apparu

    dans

    le

    jargon

    juridique

    au

    XIIIe

    sicle, a

    le

    sens

    plus

    restreint

    d'utilit conomique.

    53. Hirschmann (A.),

    The Passions

    and the Interests.

    Political

    Arguments for Capitalism Before Its

    Triumph, Princeton, Princeton University

    Press, 1977.

  • 7/27/2019 Mayntz & Scharpf - L'institutionnalisme centr sur les acteurs.pdf

    18/30

    L'institutionnalisme centr sur les acteurs 111

    leurs propres intrts, lis leur propre existence, leurs ressources

    et

    leur

    autonomie54.

    Intrts

    Normes

    Dterminant

    externe

    Orientation

    durable

    de l action

    Motivations

    lies

    la

    situation

    impratifs fonctionnels

    slection

    i

    prfrences

    stables

    activation

    i

    objectifs

    d action

    lis

    la

    situation

    (motifs

    pour que )

    attentes

    normatives

    slection

    i

    normes

    internalises

    activation

    i

    causes de l action

    lies

    la situation

    (motifs

    parce que

    )

    Figure

    2. Niveaux

    d'orientation de l'action

    Les intrts

    standard imputables doivent d abord

    tre

    concrtiss avant de

    pouvoir diriger

    l action.

    Ce

    sont

    alors

    les rgles

    institutionnelles

    constitutives

    de l acteur qui aident

    dfinir ce

    que signifie l autonomie

    dans

    un

    cas

    particulier ou dlimiter un

    domaine. Par exemple,

    ce sont

    le

    rle

    social

    pour

    l acteur

    individuel

    et

    l objet

    de l organisation pour l acteur

    corporatif qui dfinissent l ventail de tches dans lequel

    leur

    domaine

    est

    circonscrit.

    Les

    intrts standard imputables

    ne

    sont pas non

    plus

    hirarchiss de manire univoque.

    L acteur

    individuel peut s identifier

    eux

    de faon

    slective

    et

    les hirarchiser

    sa

    manire. Lorsqu ils

    ont la

    forme

    de

    prfrences stables, ils deviennent des

    lments d une

    orientation

    propre

    l acteur et

    valable

    dans toutes les situations

    (figure

    2). Par

    exemple,

    si un

    acteur

    corporatif considre

    que

    la croissance est un but

    plus

    important que

    la protection de son

    domaine, il

    accordera plus de place cet intrt dans

    ses

    actions, toutes autres choses gales par

    ailleurs,

    qu un acteur ayant l attitude

    inverse.

    L intrt

    qui

    gouverne

    l action

    dans

    chaque

    cas

    particulier

    dpend

    en fin de compte

    des

    particularits de la situation : les intrts activs

    lorsque

    les

    ressources viennent

    manquer

    ne sont pas

    les mmes que

    lorsque le domaine ou mme l existence de

    l acteur

    sont menacs.

    L influence

    des

    attentes

    normatives

    sur l action peut

    tre

    reprsente dans

    un

    modle

    par niveaux,

    tout

    comme la squence

    des

    impratifs

    54. Schimank (U.), Politische

    Steuerung

    in der

    Organisationsgesellschaft

    am

    Beispiel der

    Forschungspolitik

    ,

    in

    Zapf (W.),

    ed.,

    Die

    Modernisierung moderner Gesellschaften. Verhandlungen

    des 25. Deutschen Soziologentages

    in

    Frankfurt

    am

    Main

    1990,

    Francfort

    /Main,

    Campus,

    1991.

  • 7/27/2019 Mayntz & Scharpf - L'institutionnalisme centr sur les acteurs.pdf

    19/30

    112 Politixn55

    fonctionnels

    /prfrences

    gnrales

    des acteurs

    /intrts

    et

    gouvernent, en

    fonction de la situation,

    les intrts

    gouvernant

    l action .

    Bien

    que les

    attentes

    normatives soient

    formules en partie sous

    la forme de valeurs

    ou

    de qualits

    valables dans l ensemble

    du systme,

    elles

    s adressent

    souvent

    spcifiquement ceux qui

    occupent

    des

    positions

    sociales

    prcises

    et

    sont

    comprises dans le

    contexte institutionnel.

    Au

    premier

    niveau,

    les attentes

    normatives restent

    des

    consignes extrieures

    l acteur,

    bien

    que

    celui-ci

    puisse

    les

    intrioriser sous

    forme

    d orientations

    normatives

    stables55. L

    encore,

    c est

    la

    situation

    concrte de

    l action

    qui active slectivement ces

    orientations,

    aussi

    bien

    pour les

    acteurs

    corporatifs

    que pour les

    acteurs

    individuels. Les attentes normatives

    s adressent

    aussi aux acteurs

    corporatifs,

    puisqu elles

    englobent

    notamment

    les tches

    qu ils doivent

    accomplir (objet de l organisation) et les

    moyens

    admis

    pour

    leur

    accomplissement.

    Le concept de comportement appropri de

    March

    et Olsen56

    runit

    l action dtermine par la norme et l action dtermine par

    l identit. Si

    nous

    militons

    pour

    que

    l identit propre soit conserve et confirme comme

    rfrent autonome

    pour

    le choix des options de

    l action,

    c est parce

    que

    l identit de l acteur

    ne se

    rsume pas

    des

    normes internalises. Si l on

    entend par

    identit une image (simplifie) de soi, contenant des

    aspects lis

    l'tre et d autres lis au comportement57,

    alors certaines particularits

    (le

    sexe de l individu, par exemple)

    et

    activits (la peinture chez

    l'artiste,

    la

    production

    d appareils lectromnagers

    pour

    une entreprise)

    font

    aussi

    partie

    du

    cur

    de

    l identit

    propre.

    La

    figure

    2

    illustre notre

    propos.

    L identit

    (consciente) d un

    acteur peut inclure des intrts (par

    exemple

    la

    revendication d un

    domaine

    prcis) et

    des

    orientations normatives (par

    exemple la

    dfinition

    d un

    comportement

    respectueux de

    l environnement),

    qui se situent alors la croise des deux

    colonnes

    du

    schma,

    ainsi

    que

    d autres caractristiques essentielles qui ne peuvent tre subsumes (par

    exemple le caractre tatique

    ou d'intrt gnral

    d une

    organisation, le

    sexe

    ou l appartenance

    ethnique d un individu). En

    tant que

    rfrent

    de l action,

    l identit est transversale

    aux normes

    et aux

    intrts

    et

    les

    transcende.

    Comme l illustre le

    comportement

    de diffrents acteurs dans le domaine de

    55.

    Les sociologues, en

    particulier, insistent sans relche

    sur l'opposition

    entre l'action

    rationnelle par rapport

    un but, gouverne par

    l'intrt,

    et l'action

    dtermination normative,

    et

    opposent

    YHomo sociologicus,

    dtermin

    par la

    socit,

    et YHomo conomicus, acteur rationnel

    autodtermin.

    Il

    serait toutefois erron de formuler une opposition de principe entre valeurs et

    intrts :

    l'autonomie et l'autodtermination, par exemple,

    sont les deux

    la

    fois.

    A

    l'analyse,

    la

    dichotomie conceptuelle entre normes

    (valeurs)

    et intrts est beaucoup plus floue puisqu'elle

    n'est

    pas facilement

    rductible

    une opposition

    entre

    le

    devoir

    (exogne)

    et

    le

    vouloir

    (endogne).

    56. March (].), Olsen (].),

    Rediscovering Institutions.

    The Organisational Basis of Politics,

    New

    York,

    Free

    Press,

    1989.

    57.

    Cette dimension

    apparat

    dj

    chez Parsons (T.), The Social System, Glencoe, Free

    Press,

    1951,

    p.

    63-64.

  • 7/27/2019 Mayntz & Scharpf - L'institutionnalisme centr sur les acteurs.pdf

    20/30

    L'institutionnalisme

    centr sur les acteurs 113

    la politique de la recherche lors de l unification allemande58, la

    conservation

    de l identit propre

    d un

    acteur peut susciter de sa part des

    comportements

    diffrents de ceux qui

    serviraient ses

    propres intrts (organisationnels) en

    fonction

    de

    la

    situation

    ou

    qui

    rpondraient

    aux

    attentes

    normatives

    de

    ses

    partenaires. Le

    risque

    d apparition de conflits

    entre

    diffrentes orientations

    montre

    quel point ce

    troisime

    rfrent

    l action est autonome. Le cadre

    institutionnel,

    par

    le

    biais des

    normes

    et

    des

    missions

    auxquelles s identifie

    l acteur, imprime sa marque

    sur

    l identit. Mais les identits

    ont

    aussi

    d autres racines lies,

    pour

    un individu,

    son histoire et souvent

    sa

    socialisation,

    ou bien,

    pour les

    acteurs corporatifs, sa

    culture

    d organisation, qui s est constitue avec le temps, voire

    sa corporate

    identity

    ,

    qui a

    t

    modele activement.

    Outre

    les composantes cognitives

    et

    motivationnelles de l orientation de

    l action,

    il

    convient

    de

    souligner

    l importance,

    pour l analyse des

    processus

    d interactions stratgiques, d un aspect relationnel

    rarement

    abord dans les

    thories classiques de

    l action

    : les orientations issues des interactions. Il

    s agit ici d interprtations (typifies) de la relation

    entre

    plusieurs acteurs.

    Les

    principales

    orientations des interactions

    dfinissent la relation comme

    hostile (la perte subie par l'autre apparat

    comme

    un

    gain

    pour soi),

    comptitive

    (diffrence entre le

    gain de l autre et le sien propre),

    goste-rationnelle

    (seul

    le propre profit

    compte)

    ou cooprative

    (recherche

    d un profit

    mutuel59).

    Dans

    certains

    contextes, un

    certain

    type

    d orientation des interactions

    peut correspondre

    une attente normative.

    Chez

    les

    individus,

    une

    telle

    orientation

    peut

    aussi

    constituer

    un

    trait

    de

    personnalit,

    li

    par exemple

    la

    socialisation

    ou

    la culture60, et

    tre

    ainsi

    intgre l image

    de

    soi, c est--dire l identit.

    Il

    va

    de

    soi que,

    dans

    bien

    des situations, diffrents

    points de

    vue

    guidant

    l action coexistent,

    chacun

    pouvant, pris isolment, motiver diffremment

    l action. Pour comprendre la manire dont

    les

    acteurs peuvent rgler

    les

    conflits d orientation

    potentiels,

    il

    faut recourir

    une

    thorie de

    l action. S il

    n est pas indispensable, pour expliquer

    les

    macrophnomnes, d expliquer

    comment

    est

    apparue

    une

    orientation

    donne,

    en revanche,

    il

    importe

    de

    savoir quelle

    tait

    l orientation gouvernant

    l action des

    acteurs centraux.

    A

    cet gard,

    une

    thse essentielle de la thorie de l action postule

    que

    (contrairement

    ce que prtend la

    thorie conomique) les acteurs

    n ont

    pas

    58 . Mayntz

    (R.),

    Deutsche Forschung im Einigungsprozess. Die Transformation der Akademie der

    Wissenschaften der DDR

    1989

    bis 1992, Francfort /Main, Campus, 1994.

    59 . Scharpf (F.W.),

    Decision

    Rules, Decision Styles, and

    Policy Choices ,

    Journal

    of

    Theoretical

    Politics,

    1,

    1989

    ;

    Scharpf

    (F.W.), Positive und negative

    Koordination

    in

    Verhandlungssystemen

    ,

    in Hritier

    (A.),

    ed.,

    Policy

    Analyse.

    Kritik

    und Neuorientierung,

    Politische Vierteljahresschrift, Sonderheft 24, Opladen, Westdeutscher Verlag, 1994.

    60 .

    Liebrand (W.), van Rung

    (G.),

    The

    Effects

    of

    Social

    Motives on

    Behavior

    in

    Social

    Dilemmas in Two Cultures , Journal of

    Experimental

    Social Psychology, 21, 1985.

  • 7/27/2019 Mayntz & Scharpf - L'institutionnalisme centr sur les acteurs.pdf

    21/30

    114 Politixn55

    tendance

    hirarchiser durablement leurs diffrents critres,

    ni

    mme

    s orienter

    selon une fonction agrge de

    l'utilit runissant les diffrents

    critres

    et

    tenant

    compte

    de leur

    pondration.

    Le facteur essentiel

    est

    ici la

    situation

    de

    l action,

    laquelle

    nous consacrerons

    le

    paragraphe

    suivant.

    Situations

    de

    l action

    Les acteurs

    agissent toujours

    dans

    des

    situations concrtes. Lorsqu on

    parle

    de la situation dans le

    cadre

    de la thorie de l action,

    on entend

    habituellement par-l l environnement

    d un

    acteur

    individuel, au sens des

    circonstances sociales et non sociales

    pertinentes

    pour

    l action. Pour

    l analyse

    des processus

    dans

    les

    systmes d interorganisation sectoriels (ou

    les rseaux

    politiques),

    il

    est pourtant

    souvent

    important de

    prendre

    en

    compte les

    situations qui concernent, du point de

    vue

    de l observateur,

    une

    pluralit d acteurs

    ou

    un secteur

    entier.

    On parle

    par

    exemple de la situation

    du btiment ou de

    celle

    de l agriculture. Reste savoir dans quelle

    mesure

    on

    peut

    appliquer telles

    quelles

    des secteurs

    entiers des

    catgories dfinies

    suivant le modle de

    l acteur

    individuel et de son

    environnement,

    pour

    caractriser les

    situations

    pertinentes pour

    l action.

    La

    pertinence

    des

    situations pour l action relve, d une

    part, des

    stimuli

    qu elles apportent, et

    d autre

    part des possibilits d action qu elles offrent aux

    acteurs.

    Une situation peut provoquer l action parce

    qu elle

    confronte le

    ou

    les

    acteurs

    un

    problme

    ou

    parce

    qu elle

    leur

    offre,

    au

    contraire,

    des

    opportunits

    particulires.

    En la matire, la perspective d une perte semble

    motiver

    plus

    fortement

    que

    des gains potentiels61,

    mais

    des menaces trs

    lourdes peuvent

    aussi paralyser

    la capacit

    agir.

    Dans la perspective

    du

    choix rationnel, on distingue, en fonction du degr de risque de perte,

    des

    situations cot lev

    et

    d autres faible cot,

    qui

    motivent

    des

    ractions

    diffrentes de la part

    des

    acteurs62. L action peut toutefois

    tre aussi

    provoque par

    un

    motif

    li

    la

    rgulation institutionnelle

    :

    c'est ainsi que sont

    dfinies les circonstances dans

    lesquelles

    un policier doit intervenir,

    un

    parti

    politique, prsenter

    des

    candidats ou

    le parlement, dbattre

    d un projet de loi.

    En

    provoquant

    l action, les situations

    activent

    de manire

    slective certains

    aspects de l orientation de l action prsente l'tat

    latent. Une

    situation

    menaant

    l existence de l acteur active surtout ses intrts de survie. On peut

    supposer

    que

    les

    valeurs et

    les normes

    gouvernent l a