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Mécanique des Structures et Approximations Numériques janvier 2016 S. Drapier Département Mécanique et Procédés d’Elaboration Centre Science des Matériaux et des Structures & LGF UMR CNRS 5307 École Nationale Supérieure des Mines de Saint-Étienne 158, cours Fauriel 42023 Saint-Étienne Cedex 2 bureau J3-15, tél :00-79

Mécanique des Structures et Approximations Numériques · 2017. 1. 30. · Mécanique des Structures et Approximations Numériques janvier 2016 S. Drapier DépartementMécaniqueetProcédésd’Elaboration

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  • Mécanique des Structureset

    Approximations Numériques

    janvier 2016

    S. Drapier

    Département Mécanique et Procédés d’ElaborationCentre Science des Matériaux et des Structures & LGF UMR CNRS 5307

    École Nationale Supérieure des Mines de Saint-Étienne158, cours Fauriel

    42023 Saint-Étienne Cedex 2

    bureau J3-15, tél :00-79

  • Introduction générale

    La mécanique des milieux continus, ou MMC, est la base de la résolution de pro-blèmes en mécanique des solides et mécanique des fluides. Si la MMC permet de traitertout type de problème, la résolution analytique simultanée des 3 équations d’équilibre entout point du domaine considéré, devient vite insurmontable pour être utilisée directementdans le dimensionnement des produits industriels courants. Dans le cas de la mécaniquedes solides, les ingénieurs ont isolé des cas particuliers de la MMC, où via certaines hy-pothèses sur les géométries et le chargement, la résolution peut se faire plus aisément. Cedomaine de la mécanique des solides se nomme la mécanique des structures et se définit,par opposition à la MMC, comme la mécanique des solides de dimensions finies où unedes dimensions au moins est très faible devant les autres.

    Les théories cinématiques qui sous-tendent la mécanique des structures ont étémises au point dans les 2 derniers siècles pour le dimensionnement des structures. Dansle même temps la résistance des matériaux, ou RdM, était mise en place comme uncadre particulier de la mécanique où des hypothèses supplémentaires simplifient encoreles problèmes à traiter. Dans ce cours, la théorie des poutres sera plus particulièrementdéveloppée (Figure 1) et ensuite étendue à la théorie des plaques, ceci principalement dansle cadre de la RdM.

    On verra, à travers cette introduction à la mécanique des structures, que bienavant que les résolution numériques ne soient disponibles, le dimensionnement desstructures à l’aide de ces approches répondait, au moins en première approximation, à laplupart des cas de la vie courante. On peut toutefois noter que pour les cas complexes,les calculs s’alourdissent considérablement, et le bon sens de l’ingénieur doit primer dansle choix des hypothèses à poser pour mener à bien ces résolutions, que ce soit de façonanalytique ou bien numérique.

    L’introduction de la théorie des poutres en RdM peut être envisagée principale-ment de 2 façons différentes. Une première approche consiste à partir des considérationsparticulières pour des grandes familles d’exemples. Une telle approche nécessite une bonneconnaissance et une bonne maîtrise de la modélisation des problèmes physiques à résoudre.Une approche plus systématique, choisie ici, permet de poser la formulation rigoureusede la théorie des poutres à partir de considérations purement mécaniques. Cette théorietout à fait générale sera ensuite appliquée aux cas plus simples permettant d’isoler lescomportements linéaires en traction, flexion simple, et en torsion. Les comportementsnon-linéaires seront ensuite abordés, et la mécanique des plaques sera décrite à partir

    i

  • ii

    d’une cinématique proche de celle des poutres. Au fur et à mesure des exemples traités,le lien entre les problèmes physiques et leur formulation devra apparaître de plus en plusnaturellement.

    Enfin, même si les solutions proposées dans le cas des structures simples restentd’un grand intérêt, il apparaîtra rapidement, dans le cas des plaques notamment, quela résolution analytique est de portée limitée. On comprend alors que la conception desystèmes avancés, de plus en plus complexes et multi-physiques (aéroélasticité/structure,thermo-mécanique, biomécanique, . . .) ne pourra se faire à l’aide de solutions simplifiéesseulement. Au contraire, la conception et le dimensionnement de structures doit s’appuyerde façon systématique sur les 2 types d’approches, analytique pour accéder rapidement àdes ordres de grandeur, puis numérique pour prendre en compte plus finement des com-portements extrêmes et/ou locaux. En effet, l’avancée conjointe des connaissances dansle domaine du comportement des matériaux et de la puissance de calcul des ordinateursfait que le recours aux simulations numériques, et souvent au calcul intensif (massivementparallèle), est dorénavant systématique et pointue. Il faut toutefois noter que l’utilisationde ces simulations ne peut se faire sans connaissance avancée en mécanique, et notammenten mécanique des structures qui reste la base dans la formulation des éléments finis struc-turaux largement répandus en conception. Seule une bonne connaissance de ces éléments,et donc des hypothèses qui ont amené à leur formulation, ainsi que des méthodes de ré-solution numériques correspondantes, permet de mener à bien, de façon optimale et sûre,des calculs de dimensionnement des structures. Une extension à la résolution numériquedes problèmes de mécanique est donc proposée en fin de ce cours, avec un accent parti-culier mis sur la mécanique numérique des structures. Ce chapitre représente égalementun avant-goût du module 2 mis en place à la rentrée 2009-2010 dans l’option Matériauxet Mécanique, intitulé ’Mécanique numérique’, et qui se concentre exclusivement sur lesméthodes numériques et la simulation en mécanique.

    Quelques ouvrages de référence— Introduction à la mécanique des milieux continus, P.Germain et P.Muller, Éd.

    Masson 1995, collection Enseignement de la physique,— Mécanique des Structures, Tome 2 Poutres, S.Laroze et J.-J. Barrau, Éd. Mas-

    son 1991,— Cours de Mécanique des Milieux Continus de 1ère année de l’École Nationale

    Supérieure des Mines de Saint-Étienne, R. Fortunier, 2000 et H. Klöcker, 2003.— Theories of elastic plates, V.Panc, Éd. Noordhoff International Publishing 1975,

    collection Mechanics of Structures.— Finite element simulations of heat transfers, J.-M. Bergheau et R. Fortunier,

    ISTE - J. Wiley, ISBN 9781848210530, 2008.

  • iii

    (a)

    (b)

    (c)

    (d)

    Figure 1: Exemples de structure : (a) poutre ventrale en composite carbone/époxyde d’unAirbus A340 : 16 mètres de long pour 1600 kg, (b) la plus grande pale d’éolienne aumonde (LM61.5 par LMGlasfiber) : 61,5 m de long pour 17,7 tonnes ; composite verre /époxyde. (c) exemple de tablier de pont soumis à des charges de roulement et une pousséeaérodynamique, et (d) caisson central de voilure A380 - concept et réalisation

  • Table des matières

    1 Théorie des poutres 2

    1.1 Rappels de MMC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

    1.2 Mécanique des structures et RdM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

    1.2.1 Définition des structures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

    1.2.2 Résistance des Matériaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

    1.2.3 Hypothèses des poutres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

    1.3 Cinématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

    1.3.1 Torseur des déformations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

    1.3.2 Bilan de la cinématique de poutres . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

    1.4 Contraintes et déformations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

    1.4.1 Torseur des efforts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

    1.4.2 Énergie de déformation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

    1.5 Élasticité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

    1.5.1 Loi de comportement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

    1.5.2 Conditions aux limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

    1.6 Méthode de résolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

    1.6.1 Calcul des efforts internes - Équations d’équilibre . . . . . . . . . . 21

    1.6.2 Calcul des déplacements et des rotations . . . . . . . . . . . . . . . 28

    1.6.3 Calcul des états de contraintes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

    1.7 Bilan de la théorie des poutres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

    2 Théorie des poutres droites 34

    2.1 Poutre droite à plan moyen chargée dans ce plan . . . . . . . . . . . . . . 35

    2.1.1 Simplifications dans le cas des poutres à plan moyen chargées dansce plan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

    2.1.2 Interprétation des grandeurs cinématiques et statiques . . . . . . . 36

    2.1.3 Prise en compte du cisaillement transverse . . . . . . . . . . . . . . 37

    2.1.4 Formulation des problèmes de flexion-tension . . . . . . . . . . . . . 38

    v

  • vi

    2.2 Applications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

    2.2.1 Tension . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

    2.2.2 Flexion simple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

    2.2.3 Flexion déviée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

    2.2.4 Sollicitation composée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

    2.2.5 Torsion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

    2.3 Bilan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60

    3 Théorèmes énergétiques - Hyperstatisme 62

    3.1 Rappels - calcul du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

    3.1.1 Simplifications dans le cadre de la RdM . . . . . . . . . . . . . . . . 63

    3.1.2 Travail dans le cas des poutres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64

    3.2 Théorèmes énergétiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66

    3.2.1 Théorème de réciprocité ou de Maxwell-Betti . . . . . . . . . . . . 67

    3.2.2 Théorème de Castigliano . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70

    3.3 Hyperstatisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72

    3.4 Résolution des systèmes hyperstatiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74

    3.4.1 Principe de superposition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74

    3.4.2 Théorème de Ménabréa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76

    4 Extension aux problèmes non-linéaires et dynamiques 78

    4.1 Flambage des poutres droites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79

    4.1.1 Équations non-linéaires de la statique des poutres droites . . . . . . 81

    4.1.2 Application à une poutre droite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85

    4.1.3 Extension aux calculs numériques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88

    4.2 Modes et fréquences propres de vibration en flexion dans les poutres droites 90

    4.2.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90

    4.2.2 Équations de la dynamique des poutres droites à plan moyen . . . . 90

    4.2.3 Vibrations libres - application à la flexion simple . . . . . . . . . . . 91

    4.2.4 Vibrations libres - calculs numériques . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

    4.3 Extension : réponse post-bifurquée d’une poutre . . . . . . . . . . . . . . . 96

    4.3.1 Poutre homogène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97

    4.3.2 Poutre sur fondation élastique à deux paramètres . . . . . . . . . . 102

  • vii

    5 Plaques 110

    5.1 Plaques et coques - généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111

    5.1.1 Définition d’une plaque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112

    5.1.2 Cas des coques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112

    5.2 Plaques planes de Love-Kirchhoff . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113

    5.2.1 Cinématique en flexion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114

    5.2.2 Champ de déplacement complet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116

    5.2.3 Déformations et contraintes généralisées . . . . . . . . . . . . . . . 117

    5.2.4 Équations d’équilibre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122

    5.2.5 Introduction des efforts tranchants . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125

    5.2.6 Exemples de plaque de Love-Kirchhoff en flexion . . . . . . . . . . . 131

    5.3 Plaques de Hencky-Mindlin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134

    5.3.1 Cinématique et déformations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134

    5.3.2 Équations d’équilibre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135

    5.3.3 Lois de comportement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137

    6 Approximations numériques 140

    6.1 Notions de base sur les approximations numériques en mécanique . . . . . 141

    6.2 Approximations numériques les plus courantes en élasto-statique . . . . . . 142

    6.2.1 Résidus pondérés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144

    6.2.2 Formulation intégrale faible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146

    6.2.3 Galerkin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148

    6.3 Applications à la mécanique des structures : Barre soumise à son poids propre149

    6.3.1 Solution analytique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151

    6.3.2 Résolution par différences finies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152

    6.3.3 Méthodes de collocation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153

    6.3.4 Méthode de Galerkin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157

    6.3.5 De la méthode de Galerkin aux éléments finis . . . . . . . . . . . . 163

    6.4 Conclusions sur les méthodes numériques en mécanique des structures . . . 173

    7 Rappels - Éléments et Principes de la mécanique 176

    7.1 Rappel sur les torseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177

    7.1.1 Définition d’un torseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177

    7.1.2 Produit scalaire de deux torseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178

  • 1

    7.1.3 Dérivation d’un torseur dans un repère mobile . . . . . . . . . . . . 178

    7.2 Calcul variationnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180

    7.2.1 Extremum d’une intégrale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180

    7.2.2 Condition d’Euler-Lagrange . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181

    7.2.3 Cas où la dérivée seconde intervient . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182

    7.2.4 Importance des conditions aux limites . . . . . . . . . . . . . . . . . 183

    7.2.5 Cas d’une fonctionnelle faisant intervenir des dérivées en temps eten espace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183

    7.2.6 Remarque : Indépendance des formes de y dans la fonctionnelle I . 185

    7.3 Cinétique - Dynamique - Énergétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185

    7.3.1 Moments et autres caractéristiques du mouvement des corps . . . . 185

    7.3.2 Théorème de Huygens-Koënigs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187

    7.3.3 Tenseurs d’inertie pour des géométries courantes . . . . . . . . . . . 188

    7.3.4 Cinétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189

    7.3.5 Dynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192

    7.3.6 Principe Fondamental de la Dynamique . . . . . . . . . . . . . . . . 192

    7.3.7 Théorème de l’énergie cinétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194

    7.4 Principe des puissances virtuelles - PPV - et lien avec les autres principesde la mécanique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194

    7.4.1 Principe des Travaux Virtuels et Principe de Hamilton pour lessystèmes discrets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195

    7.4.2 Forme proposée par Lagrange pour les systèmes discrets . . . . . . 198

    7.4.3 Généralisation aux systèmes discrets non-conservatifs . . . . . . . . 199

    7.4.4 Principe de Hamilton pour les systèmes continus . . . . . . . . . . 201

    7.4.5 Liens avec le PPV/PTV, et le Principe de Hamilton dans les milieuxcontinus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206

    7.5 Concepts de stabilité des équilibres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209

    7.5.1 Stabilité des équilibre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209

    7.5.2 Définition d’un équilibre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 210

    7.5.3 Petites oscillations autour d’une configuration d’équilibre . . . . . . 210

    7.5.4 Stabilité d’un équilibre paramétrique . . . . . . . . . . . . . . . . . 211

    7.5.5 Linéarisation des énergies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213

  • 1.

    Théorie des poutres

    Sommaire1.1 Rappels de MMC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

    1.2 Mécanique des structures et RdM . . . . . . . . . . . . . . . . 4

    1.2.1 Définition des structures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

    1.2.2 Résistance des Matériaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

    1.2.3 Hypothèses des poutres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

    1.3 Cinématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

    1.3.1 Torseur des déformations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

    1.3.2 Bilan de la cinématique de poutres . . . . . . . . . . . . . . . . 13

    1.4 Contraintes et déformations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

    1.4.1 Torseur des efforts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

    1.4.2 Énergie de déformation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

    1.5 Élasticité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

    1.5.1 Loi de comportement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

    1.5.2 Conditions aux limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

    1.6 Méthode de résolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

    1.6.1 Calcul des efforts internes - Équations d’équilibre . . . . . . . 21

    1.6.2 Calcul des déplacements et des rotations . . . . . . . . . . . . . 28

    1.6.3 Calcul des états de contraintes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

    1.7 Bilan de la théorie des poutres . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

    2

  • Théorie des poutres 3

    Dans ce chapitre, la théorie des poutres est présentée d’un point de vue général.Une grande partie des développements, notamment concernant la définition des grandeurscinématiques et statiques en 3D, est tirée du document Mécanique des milieux continusprésenté en première année du cycle ICM de l’ÉNSM.SE par le professeur H.Klöcker(centre SMS).

    1.1 Rappels de MMC

    La mécanique des milieux continus permet de caractériser le comportement phy-sique de milieux continus, solides ou fluides (schématisé Figure 1.1), soumis à des solli-citations extérieures (forces de volume

    −→f ou ponctuelles

    −→F d (ou forces surfaciques), ou

    déplacements −→u d). Dans la résolution d’un problème, des équations d’équilibre définissentl’équilibre de tout élément de matière occupant un domaine Ω (Eq. 1.2). Sur ses frontières(∂Ω) le milieu est en contact avec l’extérieur. Dans le cas des solides (Figure 1.1), cescontacts peuvent correspondre à des efforts imposés (sur ∂ΩF Eq. 1.3) ou des déplace-ments imposés (sur ∂Ωu Eq.1.1). Finalement, la loi de comportement (Eq. 1.4) permet derelier les 2 grandeurs duales que sont les contraintes, notées ici σ(−→x ), et les déplacementsdont dérivent les déformations, notées ici �(−→x ). Le problème est alors complètement posé(fermé) et peut être résolu, en utilisant les équations rappelées ci-dessous dans le cadrede la dynamique des milieux continus (Eqs 1.1 à 1.4).

    Figure 1.1: Représentation générale d’un solide occupant un domaine Ω, de frontière ∂Ω(∂Ω = ∂Ωu ∪ ∂ΩF et ∂Ωu ∩ ∂ΩF =Ø), soumis à des sollicitations extérieures.

    On rappelle qu’un champ de déplacement vérifiant les conditions aux limites ciné-matiques est dit cinématiquement admissible ou C.A.. Un champ de contraintes vérifiantles équations d’équilibre au bord ou conditions aux limites statiques et les équations

  • Théorie des poutres 4

    d’équilibre intérieur est dit statiquement admissible ou S.A.. On comprend bien alors quela résolution d’un problème posé en déplacements est plus simple car la famille de champsde déplacements C.A., à laquelle appartient la solution, est simple à poser. Par contre,résoudre un problème posé en contraintes est plus complexe puisque la famille des champsS.A, à laquelle le champ de contraintes solution appartient, doit vérifier à la fois les condi-tions aux limites statiques et les équations d’équilibre intérieur. Il est donc peu aisé deposer a priori des familles de champs de contraintes solution.

    1. Conditions aux limites cinématiques - champ C.A.

    −→u (−→x , t) = −→u d(−→x , t) ,∀ −→x ∈ ∂Ωu (1.1)

    2. Équilibre intérieur

    ∂σij(−→x , t)

    ∂xj+ fi(

    −→x , t) = ρüi(−→x , t) ,∀ −→x ∈ Ω (1.2)

    3. Équilibre au bord

    σij(−→x , t)nj(−→x ) = F di (−→x , t) ,∀ −→x ∈ ∂ΩF (1.3)

    4. Loi de comportementσij = Lijkl�kl (1.4)

    1.2 Mécanique des structures et RdM

    1.2.1 Définition des structures

    La mécanique des structures se définit comme la mécanique des solides de dimen-sions finies où une des dimensions au moins est faible devant les autres. La mécaniquedes structures couvre donc un grand nombre de géométries dont les plus courantes sontles poutres (1D), les plaques et coques (2D), et les solides axisymétriques (2D) (Figure1.2). En observant la géométrie des structures étudiées, des hypothèses peuvent êtrefaites quant à la cinématique qui prévaut dans ces solides. Toute la difficulté de ce typed’approche réside dans le choix judicieux de cette cinématique qui doit être suffisammentriche pour observer tous les phénomènes rencontrés durant l’utilisation des structuresconsidérées, mais assez simple pour permettre des résolutions analytiques. Ce point seravu en détail dans ce cours.

    On peut remarquer que ces structures sont également utilisées dans les simulationsnumériques, telles que les simulations par éléments finis par exemple. Dans ce cas, commelors de la résolution analytique d’ailleurs, les temps de calcul nécessaires à la résolutiond’un problème sont amplement plus faibles que si le même problème était traité avec uneapproche de type MMC (3D dans un calcul par éléments finis).

  • Théorie des poutres 5

    Figure 1.2: Type de structures

    1.2.2 Résistance des Matériaux

    La résistance des matériaux est un cadre restreint, mais utilisable pour la plu-part des applications courantes, pour traiter des problèmes de mécanique des structures.Principalement, les hypothèses simplificatrices de la RdM portent sur des conditions deréversibilité et de linéarité. Les études en RdM sont conduites sous les hypothèses sui-vantes :

    — cadre de l’HPP : petites déformations, petits déplacements (pas de flambageou de striction par exemple),

    — les matériaux constitutifs sont élastiques linéaires isotropes,— les problèmes appartiennent au domaine de la statique, ou sont supposés quasi-

    statiques,— principe de Saint-Venant : loin de son point d’application, une sollicitation

    extérieure peut être remplacée par son torseur équivalent,— principe de superposition : quelque soit l’ordre d’application des efforts exté-

    rieurs sur un solide, l’état final est invariant.Sous ces hypothèses, la RdM permet de traiter des problèmes de poutres, plaques,

    coques, ... Il faut maintenant introduire la notion de modélisation géométrique des solides.Ceci fait l’objet du paragraphe suivant qui traite plus particulièrement de la théorie despoutres.

  • Théorie des poutres 6

    1.2.3 Hypothèses des poutres

    Les hypothèses sur la géométrie des poutres permettent de représenter un solide3D élancé par sa ligne moyenne. Ceci s’applique également aux plaques et coques où cettefois-ci l’épaisseur étant faible devant les autres dimensions le solide est remplacé par lefeuillet moyen correspondant.

    Définition d’un poutre

    Une poutre est un solide engendré par une aire plane S qui est déplacée dansl’espace, de sorte que durant son mouvement le centre de gravité G de la section Sparcourt une ligne donnée L, et que l’aire se maintienne constamment normale à cettesurface (Figure 1.3). De plus, la section peut varier au cours de ce parcours, mais de façoncontinue, i.e. le profil ne doit pas présenter de discontinuités. La ligne L est appelée fibremoyenne de la poutre. Une poutre est dite :

    — gauche si la ligne L suit une courbe gauche,— plane si la ligne L suit une courbe plane,— droite si la ligne L suit une droite.

    Figure 1.3: Définition géométrique d’une poutre

    Une poutre à plan moyen est une poutre dont la section S possède un plan desymétrie. Cette hypothèse est finalement peu restrictive et permet de traiter de trés nom-breux cas (Figure 1 page iii). Enfin, si la fibre moyenne est une courbe fermée, on parlerad’anneau (les sections droites initiale et finale sont confondues).

    Finalement, les hypothèses permettant de classifier un solide comme étant unepoutre sont les suivantes :

    — un élancement de la poutre suffisant :L

    sup{L2, L3}> 5 et

    L2L3≤ 10 (L2 et L3

    étant les dimensions caractéristiques respectivement selon les directions −→x2 et−→x3),

    — un rayon de courbure de L grand devant les dimensions transversales,

  • Théorie des poutres 7

    — un profil sans discontinuité.Remarque : des problèmes complexes associant un grand nombre de poutres ont été large-ment utilisés au cours des 2 derniers siècles. Ces structures sont dites structures réticuléesou treillis. Les cas les plus typiques sont par exemple la Tour Eiffel, constituée de treillisà plusieurs échelles, imbriqués pour former des structures de plus en plus imposantes,et finalement constituant la Tour elle-même. De nombreux autres exemples d’applica-tion existent pour ces approches où des méthodes de calcul propres ont été développéesspécifiquement (méthode graphique de Crémona par exemple). Dans le cadre de cette in-troduction à la RdM, seules les poutres seront étudiées, offrant suffisamment d’exemplesd’application pour donner une vision rapide mais détaillée de la RdM.

    Grandeurs physiques

    La théorie élastique des poutres est basée sur celle des milieux curvilignes. Uneposition sur la poutre sera caractérisée uniquement par l’abscisse curviligne l d’un pointsur la fibre moyenne L. Le reste de la géométrie, c’est-à-dire la section S, sera caractériséen chaque point G(x1) de la fibre moyenne, pour un matériau constitutif homogène, par :

    — la section S de la poutre obtenue sous la forme :

    S(x1) =

    ∫S(x1)

    ds =

    ∫S(x1)

    dx2dx3

    — des moments d’ordre 1 nuls puisque le point G de la fibre moyenne est le centrede gravité de la section S :∫

    S(x1)

    x2ds =

    ∫S(x1)

    x3ds = 0

    — des moments d’ordre 2, ou moments quadratiques (plans) :

    I2(x1) =

    ∫S(x1)

    x23ds et I3 =∫S(x1)

    x22ds

    — un moment produit, différent de 0 pour les sections non-symétriques ou dontles axes de symétrie (−→x2 ,−→x3 ) ne sont pas confondus avec le repère global :

    I23(x1) =

    ∫S(x1)

    x2x3ds

    — un moment de giration ou moment quadratique polaire :

    I0(x1) =

    ∫S(x1)

    (x22 + x23)ds = I2(x1) + I3(x1)

    Par exemple, pour une section S circulaire, de rayon R, on a I2 = I3 = πR4

    4et

    I23 = 0, tandis que pour une section rectangulaire, de hauteur L2 et largeur et L3, on aI2 =

    L2L3312

    , I3 =L32L3

    12et I23 = 0.

  • Théorie des poutres 8

    Repère de Frenet

    Dans le cas général d’une poutre paramétrée par son abscisse curviligne s, on peutdéfinir pour des raisons de commodité un trièdre direct, le repère de Frenet (−→τ ,−→n ,

    −→b )

    (Table 1.1). Les grandeurs locales peuvent être exprimées dans ce repère, et les dérivationslocales suivent les règles indiquées ci-après, avec les rayons de courbures R1 et R2 définisdans les plans (M,−→τ ,−→n ) et (M,−→τ ,

    −→b ) respectivement.

    d−→τds

    =−→τ ′ =

    −→nR1

    d−→nds

    =−→n′ = −

    −→τR1−−→b

    R2

    d−→b

    ds=−→b′ =

    −→nR2

    n

    bM

    (s)t

    Repère de Frenet.

    Table 1.1: Définition du repère de Frenet pour une abscisse courante s.

    Avertissement : Dans la première partie de ce cours, nous établirons les équations dansle cas plus particulier des poutres où les courbures restent faibles. L’extension, auxpoutres quelconques, de la théorie développée ici passe par le prise en compte des cour-bures dans la dérivation des grandeurs cinématiques et statiques par rapport à l’abscissecurviligne s, selon les règles rappelées ici. Ceci ne modifie pas fondamentalement les ré-sultats présentés dans cette première partie, mais introduit une complexité qui n’est pasnécessaire pour poser les bases des théories de poutre ; cette complexité apparaît dans lescouplages des comportements, tels que le couplage traction-flexion par exemple dans lespoutres courbes. Il en est de même pour les coques vis-à-vis des plaques.

    d

    ds

    −→τ−→n−→b

    =

    01

    R1(s)0

    − 1R1(s)

    0 − 1R2(s)

    01

    R2(s)0

    −→τ−→n−→b

    1.3 Cinématique

    Dans ce document, nous nous limiterons à la cinématique des déplacements is-sue de l’hypothèse de Navier. D’autres cinématiques existent, elles sont dites ’enrichies’et répondent à une besoin de précision accrue dans la prise en compte du cisaillementnotamment. Certaines de ces théories sont présentées dans le cas spécifique des maté-riaux composites, au Chapitre 5 du support de cours ’Mécanique des Composites Hautes

  • Théorie des poutres 9

    Performances’ disponible à l’adresse http://www.emse.fr/~drapier/index_fichiers/CoursPDF/Composites/Composites-Drapier-2014.pdf.

    Selon l’hypothèse de Navier, au cours de la déformation de la poutre, la sectiondroite S reste droite (elle ne subit aucun gauchissement). Cette section S subit donc :

    — un mouvement de corps rigide,— une déformation dans son plan.

    Mouvement de corps rigide de S

    Figure 1.4: Hypothèse cinématique de Navier

    La Figure 1.4 illustre la caractérisation du mouvement de corps rigide de la sectionS par un vecteur de déplacement −→u et un vecteur de rotation −→r appliqués à son centrede gravité G (voir également Figure 1.5). Le déplacement d’un point M de la section S(−−→GM = x2

    −→x2 + x3−→x3) dû à ce mouvement de corps rigide sera de la forme :−−−−−→u(M,x1) =

    −→u M(x1) =−−→u(G)(x1) +

    −−→MG ∧

    −−→r(G)(x1)

    = −→u (x1) +−−→MG ∧ −→r (x1)

    ce qui peut encore se mettre sous la forme du torseur des déplacements exprimé au pointG (voir ’Rappel sur les torseurs’ page 177), dont les éléments de réduction au point Gsont les vecteurs −→u et −→r représentant respectivement le déplacement et la rotation de lasection S en ce point :

    {UM(x1)} =

    −→r (x1)

    −→uM(x1) = −→u (x1) +−−→MG ∧ −→r (x1)

    (M)

    (1.5)

    On voit ici l’intérêt de la théorie des poutres, où le déplacement d’un pointM quelconquede la poutre s’exprime complètement à partir des déplacements et rotations du centrede gravité de la section S contenant ce point. Les déplacements de tous les points de

    http://www.emse.fr/~drapier/index_fichiers/CoursPDF/Composites/Composites-Drapier-2014.pdfhttp://www.emse.fr/~drapier/index_fichiers/CoursPDF/Composites/Composites-Drapier-2014.pdf

  • Théorie des poutres 10

    ce solide 3D sont donc représentés par les déplacements et les rotations des centres degravité, ramenant le problème tridimensionnel à une modélisation unidimensionnelle.

    Dans l’hypothèse des petites perturbations le vecteur−−→GM (position d’un point

    courant par rapport au centre de gravité de la section) est contenu, avant et après dé-formation, dans le plan formé par les vecteurs −→x 2 et −→x 3 portés par la section S. Lescomposantes du vecteur −→u M s’écrivent donc dans le repère local de la section S :

    −→u M =

    ∣∣∣∣∣∣∣u1u2u3

    +

    ∣∣∣∣∣∣∣r2x3 − r3x2−r1x3r1x2

    Dans l’hypothèse des petites perturbations, on calcule le tenseur des déformationsau point M , �

    M(x1), comme la partie symétrique du tenseur gradient des déplacements

    en ce point, dM

    (x1) (Eq. 1.6). Comme les vecteurs −→u et −→r s’appliquent au point G de lasection S, et donc sur la ligne L, ils ne dépendent que de l’abscisse curviligne l sur cetteligne. Les seuls gradients non nuls pour ces vecteurs sont donc ceux mettant en jeu lapremière coordonnée x1, tandis que la dépendance en x2 et x3 est donnée explicitementpar l’équation précédente. Dans la suite, nous noterons x′ la dérivée de toute quantité xpar rapport à la première coordonnée. Ceci permet d’écrire :

    dM

    (x1) =

    u′1 + r′2x3 − r′3x2 −r3 r2u′2 − r′1x3 0 −r1u′3 + r

    ′1x2 r1 0

    (1.6)On peut remarquer dans cette équation que les dérivée mises en jeu sont des dé-

    rivées totales, résultant de la formulation unidimensionnelle de la cinématique de poutre.Mais dans le cas d’une poutre courbe par exemple, ces dérivées devront prendre en comptele fait que le repère (−→x 1,−→x 2,−→x 3) "tourne" lorsque l’on parcourt la fibre moyenne L. Onrecourt alors à une définition prenant en compte les courbures, tel que dans le repère deFrénet.

    À partir du tenseur gradient des déplacements dM

    (x1), on peut maintenant obtenirle tenseur des déformations �

    M(x1) par sa partie symétrique. On constate que ce tenseur ne

    possède que trois termes non nuls qui sont une déformation normale (�11) et 2 glissementsqui sont le double des cisaillements entre deux sections voisines (2�12, 2�13 - Figure 1.5) :

    �11 = u′1 + r

    ′2x3 − r′3x2

    2�12 = u′2 − r′1x3 − r3

    2�13 = u′3 + r

    ′1x2 + r2

    Le mouvement de corps rigide de la section S ne produit donc pas directement dedéformations dans le plan de cette section (la section ne peut "s’écraser" ni se cisaillerdans son plan). Les seules déformations existantes correspondent au déplacement relatifdes sections d’abscisses curvilignes consécutives (Figure 1.5).

  • Théorie des poutres 11

    Figure 1.5: Déformations dans les sections.

    Figure 1.6: Illustration des contraintes normales nulles sur les faces d’une poutre à sectionprismatique.

    Déformation dans le plan de S

    Le plan de la section S contient les vecteurs −→x 2 et −→x 3. Il s’ensuit qu’une déforma-tion dans son plan (une déformation plane) ne produira que des déformations �22, �23 et�33. Ces déformations doivent permettre de satisfaire les conditions aux limites au bordde la section. En effet, sur ces bords libres de contraintes extérieures, on doit vérifier quele vecteur contrainte relatif à la normale sortante à la section soit nul. Dans le cas d’unesection prismatique, les vecteurs contraintes par rapport aux normales −→x 2 et −→x 3 sontbien nuls (σ · −→n (−→x ) = −→0 ) (Figure 1.6). Cette condition conduit à σ22 = σ23 = σ33 = 0 enx2 = ±L22 ∩x3 = ±

    L32. On a également σ12 = 0 sur la face de normale −→x 2 et σ13 = 0 sur la

    face de normale −→x 3. Toutefois ces dernières conditions sont difficilement vérifiables avecles théories classiques des poutres, mais sont acceptables dans les cas les plus courantscomme nous le verrons sur un exemple en TD dans le chapitre 2.

    Dans le cas de poutres homogènes, on fait souvent l’hypothèse que les contraintes

  • Théorie des poutres 12

    σ22, σ33 et σ23 sont nulles dans toute la section S. Pour cette composante du cisaillement,cette condition est bien vérifiée pour un matériau isotrope (σ23 ⇔ �23 = 0). Pour lescontraintes normales, ceci peut se justifier compte-tenu de l’épaisseur et de la largeur dela section qui sont des dimensions faibles. Les contraintes étant nulles sur les bords, ellesne peuvent se développer sur des dimensions aussi faibles, et sont donc également nulles àl’intérieur de la section. En considérant un matériau à comportement élastique isotrope,cette hypothèse nous donne les valeurs suivantes pour les déformations dans la section S(λ et µ sont les coefficients de Lamé du matériau 1) :

    2µ�22 + λ(�11 + �22 + �33) = 0

    2µ�23 = 0

    2µ�33 + λ(�11 + �22 + �33) = 0

    {�23 = 0

    �22 = �33 = − λ2(λ+µ)�11

    On constate que, dans ce cas, les déformations normales �22 et �33 de la section Sdans son plan sont complètement déterminées à partir de la composante �11 calculée àpartir de son mouvement de corps rigide. Ces déformations résultent uniquement de l’effetde Poisson induit par des déformations normales �11, et sont donc faibles puisque la plusgrande dimension de la section doit être au plus de 1

    10de la longueur de la poutre, soit

    pour un matériau courant (�22, �33) ' ν sup(L2,L3)L <3

    100. Ces déformations sont donc bien

    négligeables devant les déformations engendrées par le déplacement relatif des sections(�11,�12,�13). C’est là tout l’intérêt de la théorie des poutres qui permet de simplifierconsidérablement les problèmes à résoudre, les ramenant du 3D au 1D.

    Degrés de liberté

    Les résultats précédents nous montrent que le mouvement du solide peut êtrecomplètement déterminé à partir des vecteurs −→u et −→r de la Figure 1.4. La cinématiquedes déplacements ainsi mise en place permet de concentrer les inconnues du problème surla fibre moyenne L de la poutre. Le solide tridimensionnel est remplacé par la ligne L.Chaque point de la ligne dispose de six degrés de libertés au lieu de trois (les déplacementsdans les trois directions). Ces six degrés de liberté sont :

    — les déplacements dans les trois directions du point G de la ligne L, représentéspar le vecteur −→u , de composantes u1, u2 et u3,

    — la rotation de la section S, représentée par le vecteur rotation −→r , de compo-santes r1, r2 et r3, appliqué au point G.

    1.3.1 Torseur des déformations

    Les hypothèses faites sur la cinématique des déplacements dans la poutre nousconduisent au tenseur symétrique suivant des déformations en un point M quelconque

    1. σij = 2µ�ij + λ�ppδij et �ij = 1+νE σij −νEσppδij avec E le module d’Young et G le module de

    cisaillement du matériau isotrope

  • Théorie des poutres 13

    d’une section S :

    �M

    =

    �11 = u′1 + r

    ′2x3 − r′3x2 �12 �13

    �12 =12(u′2 − r′1x3 − r3) �22 = − λ2(λ+µ)�11 �23 = 0

    �31 =12(u′3 + r

    ′1x2 + r2) �23 = 0 �33 = − λ2(λ+µ)�11

    Ce tenseur des déformations ne comporte que trois termes indépendants : �11, �12 et �13. EnRdM, ces termes sont associés sous la forme d’un vecteur −→eM , appelé vecteur déformation :

    −→eM(x1) =

    �11(M,x1)2�12(M,x1)2�13(M,x1)

    Le vecteur −→eM contient une dilatation dans la direction de la fibre moyenne comme

    premier terme, puis des glissements (doubles des cisaillements entre deux sections voi-sines). Il représente la déformation du milieu curviligne au point M . Cette déformationpeut à son tour être exprimée en fonction d’une déformation −→e dite de membrane et d’ungradient de rotation appelé courbure −→κ au point G sous la forme :

    −→eM(x1) = −→e (x1) +−−→MG ∧ −→κ (x1)

    où −→e et −→κ , éléments de réduction de la déformation au point G de S, constituent letorseur des déformations défini par :

    −→e (x1) = −→u ′(x1) +−→x 1 ∧ −→r (x1) =

    u′1u′2 − r3u′3 + r2

    et −→κ (x1) = −→r ′(x1) = r′1r′2

    r′3

    (1.7)ce qui peut encore s’écrire de façon similaire au déplacement en un point M de la section(Eq. 1.5) :

    {�M(x1)} =

    −→κ (x1)

    −→eM(x1) = −→e (x1) +−−→MG ∧ −→κ (x1)

    (M)

    1.3.2 Bilan de la cinématique de poutres

    — déplacements :

    {UM(x1)} =

    −→r (x1)

    −→uM(x1) = −→u (x1) +−−→MG ∧ −→r (x1)

    (M)

  • Théorie des poutres 14

    — déformations :

    {�M(x1)} =

    −→κ (x1)

    −→eM(x1) = −→e (x1) +−−→MG ∧ −→κ (x1)

    =

    u′1u′2 − r3u′3 + r2

    + 0−x2−x3

    ∧r′1r′2r′3

    (M)

    On peut remarquer que l’écriture avec des torseurs permet également d’écrire directement

    les déformations par dérivation du torseur cinématique {�M} =d

    dx1{UM}, voir Eq. 7.2

    ’Rappel sur les torseurs’ page 177.

    1.4 Contraintes et déformations

    1.4.1 Torseur des efforts

    L’hypothèse de Saint-Venant, présentée précédemment, consiste à supposer queloin de leur point d’application les efforts agissant sur S peuvent être schématisés par letorseur des efforts équivalent {τ(x1)}, dont les éléments de réduction sont une force

    −→R (x1)

    et un moment−→M(x1), appliqués au centre de gravité G de S (Figure 1.7). Dans le cas

    d’efforts extérieurs appliqués à la poutre, à l’abscisse xi, le torseur des actions extérieurpeut par exemple (Figure 1.7) être :

    {F(xi)} =

    −→R (xi)

    −→M(xi)

    (Gi)

    (1.8)

    Pour les efforts intérieurs, les éléments de réduction se déduisent naturellement del’intégration des contraintes induites par les sections voisines sur la section S considérée(Figure 1.8). D’après les hypothèses faites sur les contraintes dans le plan d’une sectionS, les seules contraintes non nulles dans le solide sont σ11, σ12 et σ13. En RdM, cescontraintes sont associées dans un vecteur −→tM , appelé vecteur contrainte, qui représenteles efforts de cohésion ou efforts intérieurs. Par convention, on définit ces efforts internesentre 2 sections voisines, comme les efforts exercés par une section de gauche (S−) surune section de droite (S+) (Figure 1.8) en comptant les abscisses curvilignes croissantesselon −→x 1 :

    −→tM(x1) =

    σ11(M,x1)σ12(M,x1)σ13(M,x1)

    Comme la normale à S est le vecteur −→x 1 (dans le cadre des petites perturbations

    la configuration finale est confondue avec la configuration initiale), on peut remarquer que

  • Théorie des poutres 15

    Figure 1.7: Illustration du principe de Saint-Venant : (a) chargement sur la poutre, et (b)torseur équivalent sur la ligne moyenne.

    le vecteur contrainte −→tM(x1) coïncide avec celui défini en mécanique des milieux continus,agissant sur un élément de surface contenu dans S.

    Figure 1.8: Définition des efforts intérieurs, torseur des efforts intérieurs.

    Dans le cas des efforts intérieurs à la poutre, les efforts agissant sur S résultent del’intégration du vecteur contrainte sur la section, et sont appelées contraintes généralisées.On distingue les contraintes généralisées de membrane et de flexion résultant respective-ment de l’intégration des contraintes sur la section et de l’intégration des contraintesprenant en compte l’éloignement du point considéré par rapport au centre de gravité dela section. Les efforts de membrane sont définis ci-dessous par les relations 1.9 et sontillustrés sur la Figure 1.9 :

  • Théorie des poutres 16

    −→R (x1) =

    ∫S(x1)

    −→tM(x1)ds

    =

    effort NORMAL : N(x1) =∫S(x1)

    σ11(M,x1)ds

    effort TRANCHANT / −→x2 : T2(x1) =∫S(x1)

    σ12(M,x1)ds

    effort TRANCHANT / −→x3 : T3(x1) =∫S(x1)

    σ13(M,x1)ds

    (1.9)

    Figure 1.9: Contraintes généralisées de membrane.

    Les moments sont définis par les relations 1.10 et illustrés sur la Figure 1.10 :

    −→M(x1) =

    ∫S(x1)

    −−→GM ∧ −→tM(x1)ds

    =

    moment de TORSION : Mt(x1) =∫S(x1)

    (x2σ13(M,x1)− x3σ12(M,x1))ds

    moment de FLEXION / −→x2 : Mf2(x1) =∫S(x1)

    x3σ11(M,x1)ds

    moment de FLEXION / −→x3 : Mf3(x1) =∫S(x1)

    −x2σ11(M,x1)ds

    (1.10)

    Figure 1.10: Contraintes généralisées de flexion.

  • Théorie des poutres 17

    Finalement, le torseur des efforts intérieurs s’écrit en fonction de l’abscisse du point consi-déré le long de la ligne moyenne G(x1) :

    {τ(x1)}(G) =

    −→R (x1) =

    N(x1)T2(x1)T3(x1)

    −→M(x1) =

    Mt(x1)Mf2(x1)Mf3(x1)

    (G)

    1.4.2 Énergie de déformation

    En élasticité, l’énergie de déformation du solide de volume V peut s’écrire W =12

    ∫Vσ(−→x ) : �(−→x )dv. En RdM, puisque les hypothèses portant sur la géométrie et la ci-

    nématique ont conduit à formuler un problème purement unidimensionnel, cette énergiepeut être écrite simplement à l’aide des composantes des torseurs des efforts et des défor-mations. En effet, en utilisant la définition des vecteurs déformation −→eM(x1) et contrainte−→tM(x1), on obtient :

    W (−→u (−→x )) = 12

    ∫V

    σ(−→x ) : �(−→x )dV = 12

    ∫L

    ∫S

    σ(−→x ) : �(−→x )dsdl

    = 12

    ∫L

    ∫S

    −→tM(x1).

    −→eM(x1)dsdl

    = 12

    ∫L

    ∫S

    −→tM(x1).(

    −→e (x1) +−→κ (x1) ∧−−→GM)dsdl

    =1

    2

    ∫L

    (−→e (x1).

    ∫S

    −→tM(x1)ds+

    −→κ (x1).∫S

    −−→GM ∧ −→tM(x1)ds

    )dl

    ↓ (par définition des éléments de réduction)

    =1

    2

    ∫L

    (−→R (x1).

    −→e (x1) +−→M(x1).

    −→κ (x1))dl

    (1.11)

    Ceci montre que les forces−→R (x1) agissant sur la fibre moyenne L sont associées

    à la déformation −→e (x1) de membrane, tandis que les moments−→M(x1) sont associés à

    sa courbure −→κ (x1) (gradient de la rotation). Cette dualité résulte de l’intégration desgrandeurs physiques sur la section S(x1) de la poutre, et reste également valable dansles structures de type plaques et coques. On trouvera dans certaines approches de lamécanique des structures, ces grandeurs appelées contraintes généralisées pour le torseurdes efforts et déformations généralisées pour le torseur des déformations. L’énergie dedéformation de la poutre (Eq. 1.12) peut s’écrire en utilisant le produit scalaire de torseursdéfinit par la somme des produits croisés des éléments de réduction des torseurs considérés,

  • Théorie des poutres 18

    dépendant seulement de la position x1 (voir Eq. 7.1 dans ’Rappel sur les torseurs’ page177) :

    W (−→u (x1)) =1

    2

    ∫L

    {τ(x1)} · {�(x1)} dl

    =1

    2

    ∫L

    (Nu′1 + T2(u′2 − r3) + T3(u′3 + r2) +Mtr′1 +Mf2r′2 +Mf3r′3) dl

    (1.12)

    1.5 Élasticité

    La RdM peut s’appliquer à beaucoup de matériaux constitutifs différents. Géné-ralement, en première approximation les matériaux sont supposés homogènes élastiqueslinéaires isotropes (HELI). La loi de comportement permet de relier les contraintes auxdéformations, dernier élément nécessaire à la résolution de tout problème en mécanique.Le cadre de la statique sera adopté ici (∂σij(

    −→x ,t)∂xj

    + fi(−→x , t) = 0).

    1.5.1 Loi de comportement

    La connaissance des déformations en tout point M du milieu curviligne permetd’obtenir les contraintes en utilisant la loi de comportement. Nous nous sommes limitésau cas d’un comportement élastique linéaire isotrope. En notant λ et µ les coefficients deLamé du matériau constituant la poutre, on a donc :

    σ11 =µ(3λ+2µ)λ+µ

    �11 = E�11 = E(u′1 + r

    ′2x3 − r′3x2)

    σ12 = 2µ�12 = G(u′2 − r′1x3 − r3)

    σ13 = 2µ�13 = G(u′3 + r

    ′1x2 + r2)

    (1.13)

    Dans cette équation, E désigne le module d’Young du matériau et G le module de ci-saillement associé. À partir de ces contraintes, il est possible de calculer les éléments deréduction des efforts appliqués en un point G quelconque de la ligne L sous la forme :

    −→R (x1) =

    ∫S

    σ11ds = ESu′1 = ESe1∫

    S

    σ12ds = GS(u′2 − r3) = GSe2∫

    S

    σ13ds = GS(u′3 + r2) = GSe3

    −→M(x1) =

    ∫S

    (x2σ13 − x3σ12)ds = GI0r′1 = GI0κ1∫S

    x3σ11ds = E(I2r′2 − I23r′3) = E(I2κ2 − I23κ3)∫

    S

    −x2σ11ds = E(−I23r′2 + I3r′3) = E(I3κ3 − I23κ2)

  • Théorie des poutres 19

    On constate alors que le torseur des efforts s’écrit relativement simplement enfonction du torseur des déformations sous la forme :

    N

    T2T3MtMf2Mf3

    =

    ES 0 0 0 0 0

    0 GS 0 0 0 0

    0 0 GS 0 0 0

    0 0 0 GI0 0 0

    0 0 0 0 EI2 −EI230 0 0 0 −EI23 EI3

    .

    e1e2e3κ1κ2κ3

    (1.14)

    Cette loi de comportement peut se réécrire en utilisant les sous-matrices 3 × 3ci-dessous (Eq. 1.15). On constate que pour les poutres homogènes considérées ici lescomportements en membrane et en flexion sont totalement indépendants ([B] = [0]).Dans le cas de poutres constituées de matériaux composites par exemple, dont les axesd’orthotropie ne sont pas confondus avec les axes des sections, ces comportements ne sontpas indépendants. :

    { −→R (x1)−→M(x1)

    }=

    [[A] [B]

    [B] [D]

    { −→e (x1)−→κ (x1)

    }⇔ {τ(x1)} = [L] {�(x1)} (1.15)

    Remarque : en cisaillement l’approximation faite sur la distribution des déformations,supposées constantes dans la section, conduit à surestimer la rigidité. Par des considé-rations énergétiques, on introduit un coefficient correcteur, dit coefficient de correctionen cisaillement qui permet de prendre en compte la répartition parabolique (contraintenulle sur les faces et non-nulle au centre de la section) réelle à l’aide d’une répartitionconstante sur la section. Ce coefficient est noté généralement kα, avec α = 2, 3, il est égalà 5

    6pour une section rectangulaire (voir §5.3.3). La loi de comportement en cisaillement

    s’écrit donc :Tα(x1) = kαGS eα (α = 2, 3)

    1.5.2 Conditions aux limites

    Nous avons vu que, selon l’hypothèse de Navier (sections droites), chaque pointdu milieu curviligne (sur la fibre moyenne) possède six degrés de libertés. Ces degrés deliberté servent à représenter :

    — le déplacement de la fibre moyenne (vecteur déplacement −→u ),— la rotation de la section droite (vecteur rotation −→r ).

    De même, selon l’hypothèse de Saint-Venant (efforts concentrés), les efforts internes (decohésion) dans un milieu curviligne sont représentés par deux vecteurs, et donc six com-posantes, qui sont :

    — les forces de cohésion de la fibre moyenne (vecteur force−→R ),

  • Théorie des poutres 20

    — les moments de cohésion de la fibre moyenne (vecteur moment−→M).

    Les conditions aux limites sur une poutre porteront donc sur ces six degrés deliberté et ces six efforts de cohésion. La frontière ∂Ω (2D) sur laquelle s’appliquent cesconditions dans un milieu 3D (Figure 1.1), sera donc remplacée par des abscisses surla fibre moyenne (1D) pour les poutres. En chacun de ces abscisses, six informationsdoivent apparaître explicitement. Le nombre de degrés de liberté et d’efforts connus, etleur combinaison, dépend essentiellement du type de liaison rencontré. Les conditions auxlimites en déplacements les plus communes sont les suivantes :

    — l’encastrement : si une poutre est encastrée à l’une de ses extrémités, alors ence point on a −→u = −→r = −→0 , et les efforts résultants

    −→R et

    −→M sont inconnus.

    — la rotule : une rotule empêche tout déplacement en ce point, −→u = −→0 , maislaisse les rotations libres. En contre-partie, les moments transmissibles en cepoint sont nuls, soit

    −→M =

    −→0 , tandis que les forces de réaction sont inconnues.

    — l’appui simple : un appui simple empêche un déplacement dans une direction,par exemple u3 = 0, et laisse libre les autres degrés de liberté. Le seul effort decohésion non nul sera alors T3.

    Ces conditions aux limites sont d’une grande importance pour l’intégration deséquations d’équilibre (obtention des efforts internes) et de la cinématique (obtention desdéplacements). Pour déterminer les conditions aux limites en efforts, il est important dese fixer un sens de parcours de la ligne moyenne L. En effet, le torseur des efforts {τ(x1)}est lié au vecteur contrainte −→tM , et donc à la normale à la section S. Comme la normale àconsidérer est toujours sortante, le torseur des efforts sera affecté d’un signe opposé entreles deux côtés de la poutre. En général, la convention de signe suivante est adoptée (voirpar exemple l’expression des termes de bords dans le principe des travaux virtuels - Eq.1.20-b). En parcourant la ligne L de la gauche vers la droite :

    — le torseur des efforts est affecté d’un signe + à droite du segment considéré surla poutre (la normale sortante de S est −→x 1),

    — le torseur des efforts est affecté d’un signe − à gauche du segment considérésur la poutre (la normale sortante de S est −−→x 1).

    1.6 Méthode de résolution

    La résolution du problème de poutre peut avoir des buts différents, ce qui condi-tionne en grande partie la stratégie de résolution à adopter. On peut par exemple sou-haiter connaître des informations ponctuelles, comme un déplacement maximum ou lescontraintes en des points précis. Dans ce cas, la résolution complète du problème n’estpas toujours nécessaire, et des méthodes seront présentées ultérieurement pour obtenirces informations ponctuelles. Dans la plupart des cas par contre, le lieu des déplacementsou contraintes maximales n’est pas connu à priori, ce qui nécessite de caractériser com-plètement les champs de déplacements et contraintes solutions.

  • Théorie des poutres 21

    Il faut noter dés à présent que l’équilibre extérieur de la poutre étudiée, vis-à-visdes sollicitations et des conditions aux limites cinématiques imposées, peut être vérifiépar un bilan des forces extérieurs, sans nécessité de connaître les efforts de cohésion ouefforts internes qui règnent à l’intérieur de la poutre. À l’opposé, dans l’optique d’undimensionnement nous chercherons à connaître ces efforts de cohésion, définissant lescontraintes dans les sections. Dans ce cas, les efforts extérieurs de réaction, résultantdes conditions cinématiques imposées, seront inutiles pour vérifier l’équilibre intérieuret pourront être connus a posteriori. Par contre les développements pourront devenirrapidement lourds. Le point clef de la résolution des problèmes de RdM passe de toutemanière par la connaissance de ces efforts internes à la poutre. La stratégie de résolutionpermettra de connaître ces efforts avec plus ou moins de développements, et sera souventla combinaison de l’équilibre extérieur et de l’équilibre intérieur de la poutre.

    Pour le moment, la recherche des efforts intérieurs, en vue de dimensionner lespoutres, sera notre objectif unique. Dans ce cas, la résolution du problème peut se basersur la connaissance des équations d’équilibre intérieur de tronçons de poutre représenta-tifs. Nous nous proposons dans cette partie d’établir ces équations dans le cadre le plusgénéral possible, et de les utiliser dans le chapitre suivant pour résoudre les problèmes depoutre. L’identification des efforts internes par transport des efforts extérieurs est égale-ment présentée rapidement.

    1.6.1 Calcul des efforts internes - Équations d’équilibre

    Dans le cas général, la résolution du problème passe par la détermination desefforts internes. La méthode la plus rigoureuse pour déterminer ces efforts est similaireà la résolution d’un problème de MMC : intégration des équations d’équilibre en veillantà avoir autant de conditions aux limites que nécessaire. Pour des problèmes simples, telsque ceux introduits dans le chapitre suivant consacré à la théorie des poutres à planmoyen, ces équations peuvent se dériver de l’équilibre de tronçons de poutres de longueurélémentaire. Pour une approche générale, un des moyens les plus systématiques pourparvenir à exprimer ces équations d’équilibre et les conditions aux limites correspondantesconsiste à utiliser le Principe des puissances virtuelles ou PPV.

    On rappelle que le PPV (Eq. 1.16) exprime l’équilibre, c’est à dire l’égalité entre lapuissance virtuelle développée par les efforts intérieurs P∗int(

    −→u∗) et la puissance virtuelle

    développée par les efforts extérieurs P∗ext(−→u∗) dans un champ de déplacement virtuel quel-

    conque−→u∗. Ainsi, il y équivalence entre le PPV et l’expression des équations d’équilibre

    et des conditions aux limites statiques associées. Les conditions aux limites cinématiquessont quant à elles incluses dans le PPV si le champs virtuel est CA. Dans notre cas, ondéfinit un champ de déplacements virtuel −→u ∗M , qui se traduit par un torseur de déplace-ment virtuel {U∗(x1)} d’éléments de réduction −→u ∗(x1) un déplacement virtuel, et −→r ∗(x1)une rotation virtuelle sur la fibre moyenne L. Ce déplacement virtuel produit un champ

  • Théorie des poutres 22

    de déformations virtuel �∗M

    dans chaque section S (Figure 1.11).

    Figure 1.11: Segment d’une poutre où l’on applique le principe des travaux virtuels : passagedu solide 3D à la description de type poutre.

    On étudie ici les efforts internes à la poutre, c’est-à-dire les efforts de cohésion dansun tronçon de poutre libre de tout chargement extérieur. On verra plus tard, que chaqueeffort ou déplacement imposé nécessite de découper notre poutre en autant de tronçonslibres de sollicitations extérieures. On note −→t dM le vecteur contrainte qui règne sur lessections terminales, et qui représente l’action des tronçons voisins sur le tronçon isolé.Toutefois, ce vecteur contrainte peut tout aussi bien être imposé par l’extérieur si l’unedes surfaces extrémités S1 et S2 est une surface terminale de la poutre. Pour ce tronçonde poutre, comme seules ces surfaces extrémités S1 et S2 sont soumises à un chargementextérieur, l’intégration du travail virtuel des efforts extérieurs sur la frontière du volumeV se traduit par une intégrale sur la surface S aux points extrémités du segment de Lconsidéré. On remarque que sur S1 (Figure 1.11), la normale sortante à la section estforcément opposée au sens de parcours de la fibre moyenne (vecteur −−→x 1). Cela donnel’expression suivante du principe des travaux virtuels :

  • Théorie des poutres 23

    −∫V

    σM

    : �∗Mdv︸ ︷︷ ︸ +

    ∫V

    −→f v.−→u ∗Mdv +

    (∫S2

    −→t dM .−→u ∗Mds−

    ∫S1

    −→t dM .−→u ∗Mds

    )︸ ︷︷ ︸ = 0,∀

    −→u∗

    P∗int(−→u∗) + P∗ext(

    −→u∗) = 0,∀−→u∗

    (1.16)

    Contribution des efforts extérieurs

    Dans cette équation 1.16, −→t dM est le vecteur contrainte appliqué sur la section Sconsidérée (avec une normale sortante). Les deux derniers termes de la puissance virtuelledes efforts extérieurs peuvent donc être calculés assez simplement en remplaçant le champvirtuel −→u ∗M par la cinématique issue de l’hypothèse de Navier (torseur des déplacementsvirtuels {U∗(x1)}). On obtient pour une section St quelconque (soit S1, soit S2), au signenégatif prés pour S1 :∫

    St

    −→t dM .−→u ∗Mds =

    ∫St

    −→t dM .(

    −→u ∗ +−→r ∗ ∧−−→GM)ds

    = −→u ∗.∫St

    −→t dMds+

    −→r ∗.∫St

    −−→GM ∧ −→t dMds

    =−→R d.−→u ∗ +

    −→Md.−→r ∗

    ={Fd}. {U∗}

    (1.17)

    De même, l’intégrale sur V des forces de volume−→f v devient :∫

    S(x1)

    −→f v.−→u ∗Mdv =

    ∫S

    −→f v.(−→u ∗ +−→r ∗ ∧

    −−→GM)ds

    = −→u ∗.∫S

    −→f vds+

    −→r ∗.∫S

    −−→GM ∧

    −→f vds

    = −→p (−→x 1).−→u ∗(−→x 1) +−→c (−→x 1).−→r ∗(−→x 1))= {Fv} . {U∗}

    (1.18)

    Les vecteur −→p (−→x 1) et −→c (−→x 1) ainsi introduits, éléments de réduction du torseur des effortslinéiques, représentent respectivement :

    — une force par unité de longueur répartie sur la fibre moyenne (pour −→p ),— un couple par unité de longueur réparti sur la fibre moyenne (pour −→c ).

    Remarque : En toute rigueur, des forces réparties peuvent s’appliquer sur les faces dela poutre (cf Figure 1.11). La contribution de ces efforts peut être calculée de la même

  • Théorie des poutres 24

    façon que pour les forces de volume ci-dessus :∫∂S(x1)

    −→f s.−→u ∗Mds =

    ∫∂S

    −→f s.(−→u ∗ +−→r ∗ ∧

    −−→GM)dΣ

    = −→u ∗.∫∂S

    −→f s dΣ +

    −→r ∗.∫∂S

    −−→GM ∧

    −→f s dΣ

    Toutefois, la présence de ces efforts est extrêmement rare compte tenu des hypothèses quiconduisent à considérer une structure comme une poutre. Nous négligerons les contribu-tions correspondantes dans la suite des calculs qui viendraient simplement s’ajouter auxefforts extérieurs répartis −→p et −→c définis ci-dessus.

    Contribution des efforts intérieurs

    En utilisant la même méthode que pour l’équation 1.11 (calcul de l’énergie dedéformation), puis la définition du torseur des déplacements, puis enfin une intégrationpar parties, le premier terme de l’expression à annuler dans le principe des travaux virtuelss’écrit de la façon suivante :

    ∫V

    σM

    : �∗Mdv =

    ∫L

    (−→R (x1).

    −→e ∗(x1) +−→M(x1).

    −→κ ∗(x1))dl

    =

    ∫L

    R1u∗′

    1 +R2(u∗′2 − r∗3) +R3(u∗

    ′3 + r

    ∗2)

    +M1r∗′1 +M2r

    ∗′2 +M3r

    ∗′3

    dl↓ Théorème de la divergence

    ∫L

    x′ydl = −∫L

    xy′dl + [xy]l2l1

    =

    ∫L

    −R′1u∗1 −R′2u∗2 −R′3u∗3−M ′1r∗1 − (M ′2 −R3)r∗2 − (M ′3 +R2)r∗3 dl

    +−→R (l2).

    −→u ∗(l2)−−→R (l1).

    −→u ∗(l1)

    +−→M(l2).

    −→r ∗(l2)−−→M(l1).

    −→r ∗(l1)

    = −∫ l2l1

    (−→R ′.−→u ∗ + (

    −→M ′ +−→x 1 ∧

    −→R ).−→r ∗)dl

    +−→R (l2).

    −→u ∗(l2)−−→R (l1).

    −→u ∗(l1)

    +−→M(l2).

    −→r ∗(l2)−−→M(l1).

    −→r ∗(l1)

    = −∫ l2l1

    d

    dx1{τ} . {U∗} dl + [{τ} . {U∗}]l2l1

    (1.19)

  • Théorie des poutres 25

    On montre en effet que l’expression de la dérivée d’un torseur, et notamment du torseurdes efforts internes, s’écrit au centre de gravité de la section G (Eq. 7.3 page 179) :

    d

    dx1{τ(x1)}(G) =

    −→R′(x1)

    −→M ′(x1) +

    −→x1 ∧−→R (x1)

    (G)

    Équations d’équilibre d’un tronçon de poutre

    En utilisant l’ensemble de ces résultats (Eq 1.19= Eq 1.17+Eq1.18+Eq??), le prin-cipe des travaux virtuels s’écrit simplement de la façon suivante (Eqs 1.20) sur tout seg-ment de la fibre moyenne ne contenant pas d’effort ponctuel :

    ∀(l1, l2) ∈ L, ∀(−→u ∗,−→r ∗)∫ l2l1

    ((−→R ′ +−→p ).−→u ∗ + (

    −→M ′ +−→x 1 ∧

    −→R +−→c ).−→r ∗

    )dl (1.20a)

    +[(−→R d.−→u ∗ +

    −→Md.−→r ∗

    )−(−→R.−→u ∗ +

    −→M.−→r ∗

    )]l2l1

    = 0 (1.20b)

    ou en écriture torsorielle :

    ∀(l1, l2) ∈ L, ∀ {U∗} ,

    ∫ l2l1

    (d

    dx1{τ}+ {Fv}

    ). {U∗} dl +

    [({Fd}− {τ}

    ). {U∗}

    ]l2l1

    = {0}

    Cette équation doit être vérifiée sur tout segment, et pour tout champ de déplacementvirtuel, i.e. pour tout torseur {U∗}. Sachant que l’intégrale ne peut être nulle que si laquantité intégrée est nulle si elle est continue (voir Annexes- Chapitre 7, §7.2.2 page 182),on choisit le champ virtuel nul au bord et non-nul à l’intérieur de la poutre. De l’équation(1.20a) on déduit les équations d’équilibre des milieux curvilignes (Eq. 4.13), à comparerà l’équilibre des milieux continus (

    −→divσ(−→x )+

    −→f (−→x ) = −→0 ). C’est à partir de ces équations

    que tout problème de poutre peut être résolu de manière rigoureuse :

    Équations d’équilibre intérieur des poutres

    d

    dx1{τ}+ {Fv} = {0} ⇔

    { −→R ′(x1) +

    −→p (x1) =−→0

    −→M ′(x1) +

    −→x 1 ∧−→R (x1) +

    −→c (x1) =−→0

    (1.21)

  • Théorie des poutres 26

    Les équations d’équilibre sont deux équations vectorielles. Elles conduisent à sixéquations différentielles scalaires qui traduisent l’équilibre mécanique du milieu unidimen-sionnel. Les forces volumiques sont représentées par les vecteurs −→p (forces réparties surle segment) et −→c (couples répartis sur le segment). L’intégration de ces équations dif-férentielles nécessite six conditions aux limites. Ces conditions sont obtenues aux pointsd’abscisse l1 et l2, extrémités du segment considéré, à partir de l’expression des termesde bord du PPV (Eq. 1.20b) en choisissant un champ de déplacement virtuel nul à l’inté-rieur de la poutre et non-nul aux bords. Ces équations (Eq. 1.22) traduisent simplementle fait que les efforts internes doivent être égaux aux efforts imposés aux même endroits(σ(−→xF ) · −→n =

    −→t d(−→xF ) en MMC) :

    {τ}(li) ={Fd}

    (li)(1.22)

    En complément de ces conditions aux limites, si un torseur d’efforts {F i}(Gi), d’élémentsde réduction Ri(Gi) et M i(Gi), est imposé sur la section Si du tronçon considéré (Figure1.12), une équation des discontinuités apparaît. Cette équation peut s’exprimer à l’aidedu PPV, modifié par la contribution de ces efforts : [| {τ} |](xi) le saut des efforts internesdans la puissance virtuelle des efforts internes, et {F i}(xi) dans la puissance virtuelle desefforts imposés. On n’a plus alors simplement égalité entre les efforts internes et les effortsimposés, mais ces efforts viennent se superposer aux efforts extérieurs. Cette superpositiondonne lieu à un saut des efforts intérieurs qui peut s’exprimer en considérant 2 sectionsinfiniment proches. Ce saut s’écrit, en prenant en compte le sens de parcours de la poutre :[| {τ} |](xi) =

    {τ(x+i )

    }−{τ(x−i )

    }. Finalement cette équation de discontinuité s’écrit :

    [| {τ} |](xi) ={τ(x+i )

    }−{τ(x−i )

    }= −

    {F i}

    (xi)(1.23)

    Figure 1.12: Torseur d’efforts extérieurs appliqué sur une section Si du tronçon étudié.

    On notera que les équations d’équilibre au bord de la poutre (Eq. 1.22) se déduisentde cette condition (Eq. 1.23) en écrivant que

    {τ(l−1 )

    }et{τ(l+2 )

    }sont nuls, soit

    {τ(l+1 )

    }=

    −{F1}(x1) et{τ(l−2 )

    }= {F2}(x2).

  • Théorie des poutres 27

    Identification des efforts internes par transport des efforts extérieurs

    Les efforts internes peuvent être identifiés rapidement, en recourant à l’équilibreextérieur de la poutre. En effet, chaque tronçon de la poutre isolé doit être en équilibresous l’action, d’une part des efforts de cohésion, et d’autre part des efforts extérieursimposés (Figure 4.20). Il suffit donc de procéder par la pensée à des coupes successivesle long de l’abscisse curviligne, et de vérifier l’équilibre de ces tronçons pour identifier lesefforts internes en tout point de l’abscisse.

    Figure 1.13: Identification des efforts internes qui règnent dans une section située en Apar transport des efforts extérieurs à cet abscisse.

    Considérons un tronçon de poutre en équilibre sous l’action d’un torseur d’actionsterminales en li dont les éléments de réduction sont définis en ce point :

    {F d(li)

    }(li)

    (Figure 4.20). Effectuons une coupure imaginaire de ce tronçon en un point A de l’abscissecurviligne. La section située en A est donc en équilibre sous l’action d’une part des actionsextérieures terminales s’exerçant en li, et d’autre part sous l’action des efforts de cohésionqui règnent en A ({τ}(A)) et qui représentent l’action de la section voisine située enx1 = A

    − (par définition des effort internes, efforts de la section de GAUCHE sur lasection de DROITE). Rappelons que la normale sortante est dans ce cas −−→x1. Finalement,l’équilibre s’écrit simplement, en prenant soin de transporter en A le torseur des actionsextérieures :

    −{τ}(A) +{F d}

    (A)= 0

    ⇒ {τ}(A) ={F d}

    (A)

    (1.24)

    Les efforts intérieurs sont rapidement identifiés par transport des efforts extérieurs s’exer-çant sur le tronçon isolé. Cette identification permet de traiter rapidement les problèmessimples, mais rappelons que la vérification de l’équilibre extérieur est un préalable incon-tournable pour cette identification. Cet équilibre peut poser des problèmes, notammentdans le cas des problèmes hyperstatiques pour lesquels une surabondance d’inconnues sta-

  • Théorie des poutres 28

    tiques ne peut être levée sans recourir à des méthodes complémentaires telles que cellesprésentées dans le chapitre 3 de ce document.

    1.6.2 Calcul des déplacements et des rotations

    La connaissance du torseur des efforts intérieurs {τ(x1)}(G) sur le segment per-met, par la loi de comportement, d’obtenir les éléments de réduction (déformations demembrane −→e (x1) et de courbure −→κ (x1)) du torseur des déformations dans la poutre. Cetorseur est relié au torseur des déplacements (vecteur déplacement −→u (x1) et vecteur ro-tation −→r (x1)) par les relations introduites précédemment (Eq. 1.7). L’intégration des sixéquations différentielles ainsi obtenues permet de connaître le torseur des déplacementsen tout point de la fibre moyenne de la poutre, et donc le champ de déplacement parla cinématique introduite. Lors de l’intégration, il est nécessaire d’utiliser six conditionsaux limites cinématiques, qui s’ajoutent aux six conditions aux limites en efforts utiliséesprécédemment (Eq. 1.22). Globalement, sur chaque segment considéré, les conditions auxlimites (aux points d’abscisse l1 et l2) que l’on doit appliquer sont au nombre de douze.Ceci correspond aux six degrés de liberté de chaque côté du segment. En chaque pointd’abscisse l1 et l2, on doit donc connaître :

    (u1 ou N) ET (u2 ou T2) ET (u3 ou T3)

    ET (r1 ou Mt) ET (r2 ou Mf2) ET (r3 ou Mf3)

    En pratique, il arrive que certaines conditions aux limites proviennent de considé-rations de symétrie. Dans ce cas, les conditions portent sur la continuité des déplacementset/ou de leurs dérivées . Par exemple, en flexion trois points sur une poutre à plan moyen(voir exercice Flexion 2), par des considérations physiques on écrira la continuité desdéplacements (−→u ), des pentes (−→u ′) et des rotations (−→r ) au centre.

    1.6.3 Calcul des états de contraintes

    Il est souvent essentiel de pouvoir connaître les contraintes qui règnent dans les sec-tions, par exemple pour vérifier que les limites à rupture ou la limite d’élasticité n’ont pasété dépassées. Comme la théorie des poutres est basée sur l’intégration de ces contraintessur les section (Eqs. 1.9-1.10), les contraintes locales doivent être déduites des informationsmoyennes.

    Pour ce faire, on peut utiliser d’une part la loi de comportement de la structure,notée [L], qui relie le torseur des efforts internes au torseur des déformations (Eq. 1.14),et d’autre part la loi de comportement matériau qui relie les contraintes aux déformationslocales (Eq. 1.13). En effet, les déformations qui règnent dans la section sont calculées àpartir des éléments de réduction du torseur des déformations connus au centre de gravité

  • Théorie des poutres 29

    de la section. On peut donc recalculer les déformations en tout point de la section et endéduire les contraintes correspondantes.

    Contrainte normale

    La contrainte normale est directement reliée à la déformation normale (Eq. 1.13)par le module d’Young dans le cas d’un matériau isotrope. Par ailleurs l’effort normalest relié d’une part à la déformation de membrane (e1) et d’autre part aux courbures deflexion (κ2 et κ3). En résumé, on a :

    {σ11(−→x ) = E�11 = Eu′1︸︷︷︸ + E(r′2x3 − r′3x2)︸ ︷︷ ︸

    = σm11(−→x ) + σf11(−→x )

    et

    N(x1) = ESu

    ′1(x1)

    Mf2(x1) = EI2r′2(x1)− EI23r′3(x1)

    Mf3(x1) = −EI23r′2(x1) + EI3r′3(x1)

    Contribution de la déformation de membrane Pour le terme de membrane, l’expression dela contrainte est évidente, et recoupe le résultat classique où la contrainte est directementégale à l’effort appliqué rapporté à la surface de la section sollicitée :

    u′(x1) =σm11(−→x )E

    =N(x1)

    ES(x1)⇒ σm11(M,x1) = σm11(x1) =

    N(x1)

    S(x1)

    Contribution de la déformation de flexion Cette part de la contrainte normale est évaluéeassez simplement dans le cas où les moments produits sont nuls, c’est-à-dire pour dessections à plan de symétrie et des efforts appliqués dans ce plan (pour une expression pluscompl !te, voir Eq. 2.6 page 51)). Dans ce cas :

    σf11(x1,M) =Mf2(x1)

    I2(x1)x3 −

    Mf3(x1)

    I3(x1)x2

    Pour des sections non-symétriques ou des efforts appliqués hors de ce plan desymétrie, on a alors de la flexion déviée, introduite au §2.2.3 pour les poutres droites.Expression complète de la contrainte normale Finalement la contrainte normale est lasomme des contributions des termes de membrane et de flexion (Figure 1.14), et s’écritde manière générale :

    σ11(x1,M) =N(x1)

    S(x1)+Mf2(x1)

    I2(x1)x3 −

    Mf3(x1)

    I3(x1)x2

    Dans les cas courants, la contrainte est maximale sur les fibres extrêmes des sections, i.e.en x2 = ±L22 et x3 = ±

    L32. La ’rigidité de tension’ est directement liée à la surface de la

    section transverse, tandis que la ’rigidité de flexion’ dépend des moments quadratiquesde la section, c’est-à-dire de la forme de la section. Ce dernier point est abordé en détailsdans les exercices sur la flexion simple.

  • Théorie des poutres 30

    Figure 1.14: Représentation plane de la contrainte normale : contributions de (a) mem-brane et (b) flexion.

    Contraintes de cisaillements

    Comme dans le cas de la contrainte normale, les contraintes de cisaillements dé-pendent de termes de membrane (e2 et e3) et de courbure (κ1) :

    σ12(−→x ) = G�12 = G(u′2 − r3)︸ ︷︷ ︸ + Gr′1x3︸ ︷︷ ︸

    = σm12(−→x ) + σt12(−→x )

    σ13(−→x ) = G�13 = G(u′3 + r2)︸ ︷︷ ︸ + Gr′1x2︸ ︷︷ ︸

    = σm13(−→x ) + σt13(−→x )

    et

    T2(x1) = GS(u

    ′2(x1)− r3(x1))

    T3(x1) = GS(u′3(x1) + r2(x1))

    Mt(x1) = GI0r′1(x1)

    (1.25)

    Si les termes de membrane s’expriment simplement, par contre la contribution descontraintes de cisaillement dans la torsion ne s’exprime simplement que dans le cas desections circulaires où les contributions de σ12 et σ13 sont identiques (notée σ1r(x1, r)).Au final, les contraintes de cisaillements sont :

    σm12(x1) =T2(x1)

    S(x1)σm13(x1) =

    T3(x1)

    S(x1)

    τ(x1, r) = σ1r(x1, r) = f (σt12(x1, r), σ

    t13(x1, r))(Rc) =

    Mt(x1)

    I0(x1)r

    avec r la position radiale du point M dans un système de coordonnée cylindrique (Rc)attaché à la section circulaire centrée en G, et τ(r, x1) la contrainte de cisaillement dansce repère. La contrainte due à la torsion seule sera établie plus précisément dans le casd’une poutre droite soumise à un moment de torsion terminal (58). On remarque quepour la partie membrane des contraintes de cisaillement, seule la section transverse estimportante, tandis que pour la torsion le moment quadratique polaire représente la rigidité’géométrique’ de la section.

  • Théorie des poutres 31

    1.7 Bilan de la théorie des poutres

    Le dimensionnement des poutres passe généralement par la résolution des équationsd’équilibre intérieur (Eq. 1.27). Pour intégrer ces équations différentielles en efforts, ondispose des conditions aux limites cinématiques (Eq. 1.26), utilisables via la loi de compor-tement (Eq. 1.29), ainsi que des conditions d’équilibre au bord (Eq. 1.28). Les équationsdes discontinuités sont également nécessaires si des efforts sont appliqués ailleurs qu’auxextrémités de la poutre (Eq. 1.28). Enfin, lorsque les déplacements sont connus les défor-mations peuvent être calculées (Eq. 1.30) et les contraintes évaluées en tout point à partirdes efforts internes (Eq. 1.31).

  • Théorie des poutres 32

    Bilan de la théorie des poutres

    1. Conditions aux limites cinématiques - champ C.A.

    {U}(li) ={Ud}

    (li),∀ li ∈ {l1, l2} (1.26)

    2. Équilibre intérieur

    d

    dx1{τ}+{Fv} = {0} ⇔

    { −→R ′(x1) +

    −→p (x1) =−→0

    −→M ′(x1) +

    −→x 1 ∧−→R (x1) +

    −→c (x1) =−→0

    ,∀x1 ∈ [0, L]

    (1.27)

    3. Équilibre au bord et discontinuités

    {τ}(li) ={Fd}

    (li),∀ li ∈ {l1, l2}

    [| {τ} |](xi) ={τ(x+i )

    }−{τ(x−i )

    }= −{F i}(xi) ,∀ xi ∈ [0, L]

    (1.28)

    4. Loi de comportement{ −→R (x1)−→M(x1)

    }=

    [[A] [B]

    [B] [D]

    { −→e (x1)−→κ (x1)

    }⇔ {τ(x1)} = [L] {�(x1)} (1.29)

    5. Relations utiles :— Relations déplacements/déformations{ −→r ′(x1) = −→κ (x1)

    −→u ′(x1) +−→x 1 ∧ −→r (x1) = −→e (x1)(1.30)

    — Expressions des contraintes en fonction des efforts internes

    tension : σm11(x1) =N(x1)

    S(x1)

    flexion : σf11(x1,M) =Mf2(x1)

    I2(x1)x3 −

    Mf3(x1)

    I3(x1)x2

    cisaillement : σm1α(x1) =Tα(x1)

    S(x1)(α = 2, 3)

    torsion : τ(x1, r) = f (σt1α(r, x1))(Rc) =Mt(x1)

    I0(x1)r

    (1.31)

  • 2.

    Théorie des poutres droites

    Sommaire2.1 Poutre droite à plan moyen chargée dans ce plan . . . . . . . 35

    2.1.1 Simplifications dans le cas des poutres à plan moyen chargéesdans ce plan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

    2.1.2 Interprétation des grandeurs cinématiques et statiques . . . . . 36

    2.1.3 Prise en compte du cisaillement transverse . . . . . . . . . . . . 37

    2.1.4 Formulation des problèmes de flexion-tension . . . . . . . . . . 38

    2.2 Applications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

    2.2.1 Tension . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

    2.2.2 Flexion simple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

    2.2.3 Flexion déviée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

    2.2.4 Sollicitation composée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

    2.2.5 Torsion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

    2.3 Bilan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60

    34

  • Théorie des poutres droites 35

    Généralement, les poutres présentent des sections et des courbes moyennes dont lesparticularités peuvent être utilisées pour réduire la complexité des problèmes traités. Dansla plupart des cas en effet, les sections présentent des symétries, c’est la cas en particulierdes poutres à plans moyens. De plus, les poutres droites sont les plus largement utilisées.

    2.1 Poutre droite à plan moyen chargée dans ce plan

    Dans le cas des poutres courbes, la rotation du repère de la section par rapport aurepère de référence doit être pris en compte, par exemple en utilisant un repère de Frénet.Les poutres droites ont la particularité de posséder une ligne moyenne rectiligne. Dans cecas les axes du repère de référence et du repère attaché aux sections sont confondus, et lerestent dans le cadre HPP. On notera dorénavant ce repère R(O,−→x ,−→y ,−→z ).

    Comme il a été défini au début de ce document, les poutres à plans moyens sontdes poutres dont la section présente un plan de symétrie (Figure 2.1). Généralement cespoutres sont chargées dans le plan de symétrie de la section, on parle alors de poutres àplan moyen chargées dans leur plan. Des sections à plan moyen plus particulières peuventêtre utilisées, il s’agit des profils creux ou de profils ouverts (Figure 2.1). Dans le cas desprofils ne possédant pas de plan de symétrie par rapport à −→y , le centre de gravité n’estplus confondu avec le centre géométrique, il y a donc apparition de flexion déviée. De plusdans le cas des profils ouverts, des théories spécifiques doivent être utilisées, notammentpour prendre en compte le cisaillement qui peut se développer dans les parois minces dessections. Dans cette introduction à la RdM, nous nous limiterons aux sections ferméesprésentant 2 plans de symétrie (xGy et xGz), telles que les 3 premières sections de laFigure 2.1.

    Figure 2.1: Exemples de sections à plans moyens et section ouverte.

    Ces hypothèses de symétrie conduisent à des problèmes beaucoup plus simples queles cas généraux présentés jusqu’alors. En effet dans ce cas, les moments produits dessections sont nuls, il n’y a donc pas de couplage entre les 2 déformations de flexion (voirEq. 1.14). On supposera de plus que le chargement s’applique dans le plan de symétrie dela section, ce qui évite notamment la prise en compte de la flexion déviée.

  • Théorie des poutres droites 36

    2.1.1 Simplifications dans le cas des poutres à plan moyen char-gées dans ce plan

    Lorsqu’une poutre à plan moyen est chargée dans son plan, les efforts internes entout point d’abscisse x (qui joue ici le rôle de l’abscisse curviligne l) sont contenus dansle plan du chargement et sont :

    — une réaction−→R dans le plan xOy, donc avec deux composantes,

    — un moment−→M dirigé selon Oz, donc avec une composante.

    Les deux composantes de−→R sont alors notées N (effort normal) et T2 = T (effort tran-

    chant), tandis que la composante non nulle de−→M est notée M3 = M (moment de flexion).

    De même, les déplacements de tout point de la poutre (y compris des points situéshors de la ligne moyenne) sont représentés par :

    — un vecteur déplacement de la fibre moyenne −→u dans le plan xOy,— un vecteur rotation −→r de la section selon Oz.

    Les deux composantes non nulles de −→u sont notées ux = u (déplacement normal) etuy = v (flèche), tandis que la composante non nulle de −→r est notée rz = φ (rotation).Nous voyons dans ce cas que nous travaillons sur trois degrés de liberté (au lieu de six).Les équations d’équilibre (Eqs. 4.13) deviennent dans ce cas fonctions des efforts N , T ,et M , eux-même fonctions de l’abscisse x sur la poutre. Elles s’écrivent :

    N ′(x) + px(x) = 0

    T ′(x) + py(x) = 0

    M ′(x) + T (x) + cz(x) = 0

    On remarque dans ces équations que les charges et couples répartis sur la fibremoyenne de la poutre (issus des forces volumiques) se réduisent à :

    — une force par unité de longueur −→p avec seulement deux composantes non nullespx et py,

    — un couple par unité de longueur −→c porté par l’axe z.

    Le problème à traiter dans le cas des poutres droites à plan moyen chargées dans ceplan est totalement plan, et grandement simplifié par rapport au cas des poutres courbesdans l’espace. On note que la torsion n’apparaît pas ici, c’est en effet un mécanisme quifait intervenir une rotation hors du plan de symétrie des sections (κ1(x1) = r′1(x1)). Cettesollicitation sera traitée séparément.

    2.1.2 Interprétation des grandeurs cinématiques et statiques

    Dans ce cas plan de la théorie des poutres, on peut donner aisément une interpré-tation physique simple des quantités telles que la rotation des sections. Les hypothèses depoutre ont conduit à poser une cinématique dans laquelle le déplacement de tout point

  • Théorie des poutres droites 37

    M de la section s’exprime en fonction des déplacements plans du centre de gravité (u(x)et v(x)) de la section et d’une rotation (φ(x)) de cette section (Figure 2.2).

    Figure 2.2: Cinématique de poutre, sans cisaillement (Bernoulli) et avec cisaillement (Ti-moshenko).

    2.1.3 Prise en compte du cisaillement transverse

    Dans la cinématique sans cisaillement ou de Bernoulli, les sections sont supposéesrester normales à la ligne moyenne (φ(x) = dv(x)

    dx). Dans ce cas, la connaissance du dépla-

    cement de la ligne moyenne suffit, par des considérations géométriques simples, à définircomplètement les déformations de membrane et de courbure. Dans la cinématique aveccisaillement ou de Timoshenko, la rotation totale de la section (φ(x)) est indépendantede la rotation de la section due à la flexion (dv(x)

    dx) . Cet effet peut-être schématisé sim-

    plement en flexion pure : la flèche totale est la somme de la flèche de la poutre possédan