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Méditations confiné 20 05 2020

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MÉDITATIONS D’UN CONFINÉ

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Fabrice BRAVAIS

MÉDITATIONS D’UN CONFINÉ

Recueil de textes

Éditions annickjubien

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ISBN 978-2-492122-01-9

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays.

© Les Éditions annickjubien, 2020, 2021

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Du plus loin qu’il me revienne La cité ouvrière Les cacahuètes le dimanche au foot Un mégot au-dessus de tout soupçon Zeppy et les poussins Le coiffeur à domicile La ferme des grands-parents L’accent du Midi, les lézards et l’huile d’olive La grammaire ambulante Ça routche Je fais mon beurre avec un croissant Le temps des copains et les animaux Le départ de chez les parents La tête d’épingle avec un micro Quand je m’excusais Avec le général La bière est de mise Je rentre de tournée Un copain inattendu L’île aux hasards Un soir de dégustation à l’aveugle Le négoce de matériaux La vie de bureau Pas un mot Les petits ports bretons du Vercors La cornemuse et le pendule Je rends mon Minitel Le numéro complémentaire Une méga-blonde en décapotable

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La strophe à Cat Angélique Les entretiens d’embûches C’est pas Venise (il change de gondole) L’abbé confiture Je ne lui écrirai pas de poèmes La grande lessive Un blanc avant le marché La cantine illusoire Dis, quand reliras-tu ? Un temps de retard Ce n’est pas Jacques Les ehpad inouïs Les autres maladies continuent La nouvelle vague, une projection réaliste ? Je médite, il m’édite…

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Du plus loin qu’il me revienne Cela doit être une matinée d’été, en tout cas ce qui est sûr c’est que la journée est ensoleillée. Ma mère m’a mis là, sur le balcon, sans doute ai-je environ deux ans. Elle a laissé la porte entrouverte et doit faire le ménage. Il n’y a aucun risque, le mur du balcon est haut. Malgré ma petite taille, j’ai vue sur le parc. Maintenant j’ai enlevé ma couche, je trouve qu’il fait vraiment chaud. À cette époque, elle me couvrait la tête d’un chapeau de paille, j’ai en mémoire une vielle photo où je joue, affublé de la sorte, avec un seau rouge vermillon sur une plage d’un plan d’eau non loin du Luxembourg. Je devine malgré le soleil éclatant un oiseau qui chante sur un arbre devant moi. Je crois que j’ai gazouillé un moment avec lui.

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On a tous un premier souvenir, ce n’est peut-être pas aussi fort que le premier diplôme, le premier amour, la première voiture ou le premier travail... Mais cela est et restera toujours un je d’enfant. Quand ma mère m’a fait rentrer et m’a remis ma couche, l’oiseau chantait encore.

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La cité ouvrière

Avec les copains, on les appelait les trois blocs. C’étaient en fait trois immeubles quasi identiques avec en leur centre un espace mi-sableux, mi-herbeux où nous nous retrouvions pour jouer librement. À cette époque la sidérurgie lorraine tournait à fond et c’était le plein emploi. Les trois immeubles étaient presque exclusivement occupés par des familles d’ouvriers dont certaines étaient des immigrés que les usines employaient. En descendant vers le centre-ville, d’autres ensembles s’étalaient où nous nous aventurions parfois pour faire des rencontres de football interquartiers. Par contre, en remontant, quand j’allais à la maternelle, puis plus tard au club de foot, c’était un tout autre décor. Les immeubles laissaient place à un riche quartier résidentiel niché sur une colline et les maisons rivalisaient en taille, en beauté, voire en atouts luxueux.

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Au club, on disait parfois que la maison d’un copain dont le père était chirurgien était équipée de portes blindées qui s’ouvraient automatiquement en appuyant sur un bouton. Est-ce dû à mon regard d’enfant innocent et candide, mais il me semble que l’air de ce temps-là s’écoulait plutôt joyeux malgré un rude climat et les conditions difficiles de travail de nos parents. Pourvu que nous travaillions bien à l’école, nos parents nous laissaient libres et il nous suffisait de descendre les escaliers pour nous retrouver dehors avec les copains. Dans ce vaste champ de jeux, l’atmosphère était bon enfant. Dix années plus tard, au cours de mes études, j’effectuai un stage dont le cadre était le grand site de Gandrange-Rombas et ses gigantesques aciéries. Il s’agissait d’une recherche portant sur l’optimisation des additions minérales et métalliques, et l’on sentait poindre une certaine inquiétude chez le personnel. À la fin de mon rapport, en annexe, parmi d’autres documents techniques, j’avais joint deux longs articles du Républicain lorrain concernant le plan « acier bis » qui annonçait une suppression de dix mille emplois entre 1982 et 1984. Tandis que j’avais obtenu de bonnes notes à mon rapport lors de ma soutenance, pour mes parents sonnait l’heure d’une retraite anticipée. Ils ont quitté leur emploi à l’âge de cinquante ans dans de bonnes conditions.

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Trente ans plus tard je suis retourné en Moselle. Ce fut par un jour férié de mai et de grisaille. La cité avait bien changé, j’avais trouvé la ville plus triste et moins vivante et la mélancolie m’a envahi.

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Les cacahuètes le dimanche au foot

Quand mon père était petit, ma grand-mère n’aimait pas qu’il fasse du sport. — Roger, tu transpires, tu vas encore attraper froid, lui disait-elle. Pourtant, avant que j’aie atteint l’âge de m’inscrire au club de foot, le dimanche après-midi, il m’emmenait voir un match. J’aimais bien y aller avec lui, j’étais un spectateur sage et discret, il y avait un petit aérodrome à côté du terrain et parfois des bimoteurs colorés décollaient ou atterrissaient, j’aimais bien ça. Je pouvais apercevoir au loin un manche à vent et je m’amusais à le voir flotter. Comme souvent dans l’équipe, un joueur se distinguait, c’était une petite vedette, même si elle était locale car c’était un club régional.

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J’aimais bien quand il marquait un but et je scrutais ses actions, sa vitesse et son déplacement. Mais, jeune enfant, ce que je préférais, c’est quand mon père, à la mi-temps ou avant le début du match, m’achetait des cacahuètes. Ça valait bien le déplacement et j’adorais cette petite attention. Quand le match était terminé et que nous quittions la tribune, je pouvais voir dans les travées des coques de cacahuètes vides. Je n’étais pas le seul à en manger pendant le match. Certains spectateurs, quant à eux, préféraient le vin chaud pour commenter la partie à la mi-temps. Quelques années plus tard, c’était moi qui étais sur le terrain et quelquefois, à la pause, on avait droit aux citrons. Ne mentons pas, c’était plutôt coriace !