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Journal des Maladies Vasculaires RAPPORTS Les traitements antiplaquettaires MECANISMES D'ACTION DES AGENTS ANTIPLAQUETTAIRES CONFERENCE D'EXPERTS DE LA SFAR SUR LES AGENTS ANTI-PLAQUETTAIRES PERIOPERATOIRES J.F. SCHVED C.M. SAMAMA Lnboratoire d'Hdmatologie, H6pital Saint-Eloi, CHU Montpellier, Dipartemenr d'anesthisie-rianimation, H6pital Avicenne, 125, 80 rue Augustin Fliche, 34295 Montpellier Cedex 5. route de Stalingrad, 93009 Bobigrzy, France. Les agents antiplaquettaires (AAP) interfkrent avec la phase initiale de l'h6mostase ou hemostase primaire. Leurs indica- tions sont liees a la place que I'hCmostase primaire peut avoir dans une pathologie thrombotique. S'il est reconnu que I'hC- mostase primaire est prCpondCrante dans les pathologies artC- rielles, alors qu'elle est beaucoup moins importante dans les pathologies veineuses. Les principales indications des AAP se situeront done dans la pathologie artCrielle et cardiaque. Ces in- dications varient suivant le type d'AAP et les donnCes cliniques issues des grands essais. Les AAP peuvent se distinguer en trois categories suivant leur point d'impact : 1) AAP interferant avec la reconnaissance du signal. On trouve 18 les traitements dont la cible est le rCcepteur h I'ADP : ticlo- pidine, clopidogrel, et Cventuellement les produits actifs sur les rCcepteurs beta. Par contre il n'existe pas actuellement d'AAP commercialisCs dans les inhibiteurs du rCcepteur ii la thromboxane ou des recepteurs a la ~Crotonine. 2) AAP agissant sur la transmission du signal et I'activation plaquettaire. Ils comprennent : - les inhibiteurs de la voie des prostaglandines : le plus reprC- sentatif de cette categorie est l'aspirine qui est un inhibiteur ir- rCversible de la cyclooxygCnase. On peut en rapprocher les anti- inflammatoircs, inhibiteurs rCversibles de la cyclooxygCnase : flurbiprofkne, ibuprofkne, indomitacine ; - les inhibiteurs de la. voie de I'AMP cyclique : toute aug- mentation du taux de I'AMP cyclique diminue le taux de leur activitC plaquettaire par blocage des flux calciques. Parmi les inhibiteurs de I'AMP cyclique, on distingue les produits stimu- lants I'adCnylcyclase : prostacycline et iloprost et les produits inhibant la phosphodiestCrase : dipirydamole. En fait le mode d'action du dipirydamole est plus complexe puisqu'il inhibe I'adCnosine dCaminase, ce qui bloque la stsorption de I'adCno- sine par les globules rouges. 3) AAP bloquant l'interaction fibrinogkne-IIbIIIa : ce sont les vrais anti-agrkgants plaquettaires. I1 s'agit d'une classe recente particulikrement intkressante. Trois produits sont commercialisCs : l'abciximab, tirofiban et eptifibatide. Les essais de dkveloppement des anti IIbIIIa per os ont CtC interrompus. Object$ Les agents antiplaquettaires sont administrCs a un nombre croissant de vatients. L'utilisation vrCooCratoire de ces A . mCdicaments est problCmatique pour l'anesthtsiologiste. Voici les rCsultats de la confkrence d'experts de la SFAR prCsentCs en 2001. Me'thode. Les rCponses aux questions dCfinies par le comitC d'organisation ont CtC rCdigCes par un groupe d'experts et re- lues par un groupe de lecture multidisciplinaire. Les recom- mandations ont CtC classCes selon leur force en grades en tenant compte du niveau de preuve des etudes sur lesquelles el- les s'appuient. Vis-a-vis du risque hkmorragique, les agents antiplaquettaires ont un effet variable sur 1'hCmostase. L'aspi- rine et les anti-inflammatoires non steroi'diens (AINS) aug- mentent les saignements peropCratoires et postopCratoires de fa~on modtree mais non les besoins transfusionnels. I1 existe peu de donnCes sur le clopidogrel et la ticlopidine. Les anti- glycoprotCines IIbIIIIa peuvent accroitre les saignements lors- qu'une intervention chirurgicale est ntcessaire peu aprks leur administration. La pratique courante de retirer les agents anti- plaquettaires est maintenant remise en cause par ['incidence accrue d'infarctus du myocarde et d'accidents vasculaires cC- rCbraux rapportCs chez des patients pour qui le traitement a CtC interrompu. L'aspirine ne devrait pas &tre interrompue avant la plupart des interventions vasculaires et dans de nombreuses circonstances supplCmentaires. Quand une augmentation du risque h i m o r r a g h e peropCratoire est h craind;e ou quand le contrble de I'hCmostase chirurgicale est difficile. l'asoirine. le - . clopidogrel ou la ticlopidine peuvent &tre remplacCs par des AINS, administres pendant 10 jours et interrompus le jour prC- cCdant 1'opCration. La transfusion de plaquettes ne devrait &tre A faite que dans les cas de saignement apparent. La reprise pos- toptratoire du traitement antiplaquettaire devrait &treprkcoce (idCalement entre la 4e et la 6e heure). Conclusion. Les anesthCsiologistes doivent connaitre les indi- cations, les complications possibles et les moyens de substitu- tion de ces medicaments. Mots-cle's : Agents antiplaquettaires. HCmorragies. Mots-clb : Traitement antiplaquettaire. Hemostase primaire.

Mécanismes d’action des agents antiplaquettaires

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Journal des Maladies Vasculaires

RAPPORTS

Les traitements antiplaquettaires

MECANISMES D'ACTION DES AGENTS ANTIPLAQUETTAIRES

CONFERENCE D'EXPERTS DE LA SFAR SUR LES AGENTS ANTI-PLAQUETTAIRES PERIOPERATOIRES

J.F. SCHVED C.M. SAMAMA

Lnboratoire d'Hdmatologie, H6pital Saint-Eloi, CHU Montpellier, Dipartemenr d'anesthisie-rianimation, H6pital Avicenne, 125, 80 rue Augustin Fliche, 34295 Montpellier Cedex 5. route de Stalingrad, 93009 Bobigrzy, France.

Les agents antiplaquettaires (AAP) interfkrent avec la phase initiale de l'h6mostase ou hemostase primaire. Leurs indica- tions sont liees a la place que I'hCmostase primaire peut avoir dans une pathologie thrombotique. S'il est reconnu que I'hC- mostase primaire est prCpondCrante dans les pathologies artC- rielles, alors qu'elle est beaucoup moins importante dans les pathologies veineuses. Les principales indications des AAP se situeront done dans la pathologie artCrielle et cardiaque. Ces in- dications varient suivant le type d'AAP et les donnCes cliniques issues des grands essais.

Les AAP peuvent se distinguer en trois categories suivant leur point d'impact :

1) AAP interferant avec la reconnaissance du signal. On trouve 18 les traitements dont la cible est le rCcepteur h I'ADP : ticlo- pidine, clopidogrel, et Cventuellement les produits actifs sur les rCcepteurs beta. Par contre il n'existe pas actuellement d'AAP commercialisCs dans les inhibiteurs du rCcepteur ii la thromboxane ou des recepteurs a la ~Crotonine. 2) AAP agissant sur la transmission du signal et I'activation plaquettaire. Ils comprennent : - les inhibiteurs de la voie des prostaglandines : le plus reprC- sentatif de cette categorie est l'aspirine qui est un inhibiteur ir- rCversible de la cyclooxygCnase. On peut en rapprocher les anti- inflammatoircs, inhibiteurs rCversibles de la cyclooxygCnase : flurbiprofkne, ibuprofkne, indomitacine ; - les inhibiteurs de la. voie de I'AMP cyclique : toute aug- mentation du taux de I'AMP cyclique diminue le taux de leur activitC plaquettaire par blocage des flux calciques. Parmi les inhibiteurs de I'AMP cyclique, on distingue les produits stimu- lants I'adCnylcyclase : prostacycline et iloprost et les produits inhibant la phosphodiestCrase : dipirydamole. En fait le mode d'action du dipirydamole est plus complexe puisqu'il inhibe I'adCnosine dCaminase, ce qui bloque la stsorption de I'adCno- sine par les globules rouges. 3) AAP bloquant l'interaction fibrinogkne-IIbIIIa : ce sont les vrais anti-agrkgants plaquettaires. I1 s'agit d'une classe recente particulikrement intkressante. Trois produits sont commercialisCs : l'abciximab, tirofiban et eptifibatide. Les essais de dkveloppement des anti IIbIIIa per os ont CtC interrompus.

Object$ Les agents antiplaquettaires sont administrCs a un nombre croissant de vatients. L'utilisation vrCooCratoire de ces

A .

mCdicaments est problCmatique pour l'anesthtsiologiste. Voici les rCsultats de la confkrence d'experts de la SFAR prCsentCs en 2001.

Me'thode. Les rCponses aux questions dCfinies par le comitC d'organisation ont CtC rCdigCes par un groupe d'experts et re- lues par un groupe de lecture multidisciplinaire. Les recom- mandations ont CtC classCes selon leur force en grades en tenant compte du niveau de preuve des etudes sur lesquelles el- les s'appuient. Vis-a-vis du risque hkmorragique, les agents antiplaquettaires ont un effet variable sur 1'hCmostase. L'aspi- rine et les anti-inflammatoires non steroi'diens (AINS) aug- mentent les saignements peropCratoires et postopCratoires de f a ~ o n modtree mais non les besoins transfusionnels. I1 existe peu de donnCes sur le clopidogrel et la ticlopidine. Les anti- glycoprotCines IIbIIIIa peuvent accroitre les saignements lors- qu'une intervention chirurgicale est ntcessaire peu aprks leur administration. La pratique courante de retirer les agents anti- plaquettaires est maintenant remise en cause par ['incidence accrue d'infarctus du myocarde et d'accidents vasculaires cC- rCbraux rapportCs chez des patients pour qui le traitement a CtC interrompu. L'aspirine ne devrait pas &tre interrompue avant la plupart des interventions vasculaires et dans de nombreuses circonstances supplCmentaires. Quand une augmentation du risque h i m o r r a g h e peropCratoire est h craind;e ou quand le contrble de I'hCmostase chirurgicale est difficile. l'asoirine. le - . clopidogrel ou la ticlopidine peuvent &tre remplacCs par des AINS, administres pendant 10 jours et interrompus le jour prC- cCdant 1'opCration. La transfusion de plaquettes ne devrait &tre

A

faite que dans les cas de saignement apparent. La reprise pos- toptratoire du traitement antiplaquettaire devrait &tre prkcoce (idCalement entre la 4e et la 6e heure).

Conclusion. Les anesthCsiologistes doivent connaitre les indi- cations, les complications possibles et les moyens de substitu- tion de ces medicaments.

Mots-cle's : Agents antiplaquettaires. HCmorragies.

Mots-clb : Traitement antiplaquettaire. Hemostase primaire.