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Michel ISSINDOU Député Isère (2 e circonscription) Christian PLOTON Membre de la DRH du groupe Renault Sophie FANTONI-QUINTON Professeur de médecine du travail Anne-Carole BENSADON Hervé GOSSELIN Membres de l’inspection générale des affaires sociales Rapport du groupe de travail "Aptitude et médecine du travail" Établi par RAPPORT - Mai 2015 - 2014-142R

Médecine Du Travail - Rapport Issindou

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Medecine Du Travail - Rapport Issindou

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  • Michel ISSINDOU Dput Isre (2e circonscription)

    Christian PLOTON

    Membre de la DRH du groupe Renault

    Sophie FANTONI-QUINTON Professeur de mdecine du travail

    Anne-Carole BENSADON Herv GOSSELIN

    Membres de linspection gnrale des affaires sociales

    Rapport du groupe de travail "Aptitude et mdecine du travail"

    tabli par

    RAPPORT

    - Mai 2015 -

    2014-142R

  • 2 RAPPORT N2014-142R

  • RAPPORT N2014-142R 3

    SYNTHESE

    [1] Les lois de 2012 et de 2011 ont confort le choix opr depuis la loi fondatrice de 1946 de confier un rle majeur au mdecin du travail au sein du systme de protection de la sant et de la scurit des salaris. Toutefois, si les volutions rcentes ont incit les mdecins du travail accrotre significativement leurs actions en matire de prvention des risques professionnels et de maintien dans lemploi des salaris, lobligation de vrifier systmatiquement laptitude des salaris chaque visite mdicale pse sur lactivit des services de sant au travail et limite les effets des rformes engages.

    [2] Le service de sant au travail est suppos jouer un rle prpondrant dans la surveillance priodique de ltat de sant des salaris. Or ce suivi est aujourdhui ralis en rponse des obligations rglementaires plutt qu des besoins de sant. Le dcalage est massif entre dune part le nombre de visites dembauche et de visites priodiques raliser et dautre part le nombre de visites effectues. La dtermination de la priodicit des visites mdicales repose en outre plus souvent sur des consensus construits entre les partenaires sociaux et lEtat que sur des justifications de nature mdicale. A titre dillustration, lobligation de visite tous les six mois pour les travailleurs de nuit est cite rgulirement comme non pertinente en termes de prvention de laltration de ltat de sant. Par ailleurs, les modifications de priodicit des visites accordes dans le cadre des agrments par les DIRECCTE, possibles depuis la rforme de 2011, apparaissent trs diffrentes selon les rgions avec, pour les salaris qui ne bnficient pas dune surveillance mdicale renforce, des drogations allant jusqu 72 mois. Ces drogations napparaissent pas fondes principalement sur les besoins de sant, contrairement ce quavait prvu la loi de 2011, mais plutt sur les contraintes de la ressource mdicale. Le contexte de vieillissement de la population, dintensification du travail, de recours massif aux formes demploi prcaires, dapparition de nouveaux risques professionnels, aux effets souvent diffrs, et dexplosion des pathologies lies aux organisations de travail (TMS/RPS) impose un changement de paradigme fond sur une adaptation de la surveillance de ltat de sant au travail des salaris prenant en compte la globalit de leurs besoins de sant et des recommandations de bonne pratique . Il est galement indispensable dinterroger la pertinence des notions daptitude et dinaptitude mdicale au poste de travail afin de permettre aux mdecins du travail de se consacrer davantage la prvention des risques professionnels, par des actions individuelles et collectives dans lentreprise. Ladaptation des postes de travail et le reclassement des salaris constituent galement une priorit.

    [3] La mission propose le remplacement de la visite dembauche par une visite obligatoire dinformation et de prvention ralise par linfirmier en sant au travail sous la responsabilit du mdecin du travail. A lissue de cette visite, linfirmier pourra dcider de lorientation du salari vers le mdecin du travail, sil le juge ncessaire. La priodicit des visites infirmires ou mdicales ultrieures sera dtermine dans le cadre de cette visite, sur la base de protocoles et aprs un ventuel change avec le mdecin du travail. Cette visite devra avoir lieu au plus tard dans les trois mois suivant lembauche pour les salaris occupant un poste risque, six mois pour les autres.

    [4] Les modalits de surveillance des salaris occupant un poste risque devront tre dtermines en fonction de recommandations valides par la Haute Autorit de Sant.

    [5] La mission recommande le maintien dune visite mdicale tous les 5 ans au minimum pour tous les salaris et celui de visites priodicit plus rapproche pour les salaris occupant un poste risque. Dans ce contexte, la possibilit de visite la demande par le salari doit lui tre rappele de faon rgulire.

  • 4 RAPPORT N2014-142R

    [6] La mission souligne limportance de la traabilit individuelle des expositions et recommande une consolidation au niveau national de ces donnes, dans le respect du secret mdical, afin de favoriser la connaissance pidmiologique dans ces domaines de damliorer ainsi la prvention individuelle et collective au travail.

    [7] La vrification systmatique de laptitude, dont ni la pertinence mdicale, sauf pour les postes de scurit, ni la pertinence juridique ne sont tablies, selon la mission, loccasion de lensemble des visites obligatoires, occupe la plus grande partie du temps mdical, au dtriment dune surveillance de ltat de sant adapte aux besoins des salaris et des actions du mdecin du travail en milieu de travail. La notion daptitude est une notion floue qui soulve des difficults pratiques. Elle ne figure pas dans la directive cadre sur la protection de la sant et de la scurit des travailleurs de 1989. Elle nest pas dfinie par le code du travail, ce qui suscite des confusions du fait de la difficult de cerner le poste de travail et/ou lemploi et de la proximit avec les notions voisines daptitude professionnelle ou dinvalidit. Surtout, la mission a constat quelle soulve des interrogations de nature thique et dontologique. Ds lors, la mission a pu constater des pratiques htrognes des mdecins du travail quant au fondement mme de leurs avis daptitude, entre logique de prvention pure pour les uns, et logique plus scuritaire pour les autres.

    [8] De nombreux interlocuteurs de la mission ont fait valoir que les consquences des avis daptitude ou dinaptitude des mdecins du travail sont parfois difficiles comprendre et/ou mettre en uvre par les entreprises, notamment dans lhypothse daptitude avec dimportantes rserves, ce qui alimente des contentieux et contestations, tant devant le juge judiciaire que devant ladministration du travail.

    [9] Par ailleurs, la pertinence mdicale de la notion daptitude nest pas tablie. Elle est peu efficiente lors de la visite dembauche du fait notamment de limpossibilit pour le mdecin du travail davoir une connaissance approfondie de ltat de sant rel du salari et de la connaissance parfois insuffisante du poste de travail par le mdecin. Elle na pas de caractre prdictif, et, pour beaucoup, elle nest pas utile la prvention. Enfin, elle ne constitue pas une protection juridique pour lemployeur, ni en matire de reconnaissance de laccident du travail ou de la maladie professionnelle, ni en matire de respect de son obligation de scurit et de rsultat.

    [10] Sagissant de linaptitude, elle ne joue que marginalement un rle de protection de lemploi du salari puisque 95% des salaris dclars inaptes sont licencis, une petite minorit dentre eux seulement parvenant retrouver un travail. La constatation de linaptitude intervient dsormais, soit en conclusion dun processus continu dadaptation du poste de travail, soit comme une mesure thrapeutique visant soustraire le salari de son milieu de travail afin de protger sa sant.

    [11] En consquence, la mission propose de strictement limiter le contrle de laptitude aux salaris qui occupent un poste de scurit. Ce contrle interviendrait avant lembauche. Il serait renouvel ensuite priodicit rgulire et serait opr par un mdecin distinct du mdecin du travail qui assure le suivi habituel de ltat de sant au travail du salari. La mission propose de ces postes la dfinition suivante : Les postes de scurit sont ceux qui comportent une activit susceptible de mettre, du fait de loprateur, gravement et de faon imminente en danger la sant dautres travailleurs ou de tiers . Entrent par exemple dans le cadre de cette dfinition, les pilotes davion, les conducteurs de train, les grutiers.

    [12] En complment des textes rglementaires qui peuvent les recenser dans certains secteurs dactivit conomique, la mission propose un mode didentification de ces postes par lemployeur aprs avis du mdecin du travail et du CHSCT ou des DP. Elle suggre une numration de ces postes dans le rglement intrieur, document soumis au contrle de linspecteur du travail, et une valuation de la mise en uvre de ces dispositions au niveau national.

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    [13] La mission suggre de prvoir une surveillance renforce de leur tat de sant pour les salaris qui occupent un poste risque. Ces postes devraient tre dfinis par le mdecin du travail sur proposition de lemployeur. Le mdecin inspecteur rgional du travail pourrait tre saisi en cas de litige. La priodicit des visites et le contenu prcis de cette surveillance devrait tre dfini par des recommandations proposes notamment par la Socit franaise de mdecine du travail valides par la Haute Autorit de Sant. Dans lattente de ces recommandations la mission propose un entretien infirmier tous les deux ans et une visite avec le mdecin du travail tous les cinq ans. Cette priodicit de visite mdicale est celle retenue pour tous les salaris noccupant pas un poste de scurit, tant rappel que lorganisation dune visite la demande de lemployeur ou du salari est toujours possible et quil appartient au mdecin du travail dajuster les modalits du suivi de sant des salaris en fonction des risques auxquels ils sont exposs et de leur tat de sant.

    [14] Pour tous les salaris qui noccupent pas des postes de scurit, la mission propose dabandonner la vrification systmatique de laptitude qui concluait jusqu prsent les visites mdicales. Une attestation de suivi de sant sera dlivre lemployeur et au salari par le mdecin du travail ou linfirmier en sant au travail, et, si ncessaire, le mdecin du travail prcisera ses prconisations damnagement du poste de travail ou de reclassement.

    [15] La mission suggre de mieux organiser laction du mdecin du travail en faveur de ladaptation du poste de travail et du reclassement par le biais de prconisations quil adresse lemployeur tout au long de la vie professionnelle du salari dans lentreprise. A cet effet, il est suggr de rcrire larticle L4624-1 du code du travail en clarifiant le rle de lemployeur et celui du mdecin du travail, en permettant au mdecin du travail de formuler des propositions concernant ladaptation du poste de travail aux capacits restantes du salari. Cela permettra lemployeur dajuster le poste de travail ou de proposer un reclassement. Pour scuriser la rdaction de ces propositions quand elles entranent une rduction significative des tches exerces, la mission suggre une relecture collgiale interne aux services de sant au travail de ces propositions dans le respect du secret mdical, que le service de sant au travail propose son aide lemployeur, et que le dialogue entre lemployeur et le mdecin du travail soit organis.

    [16] La mission fait des propositions visant donner une plus grande efficacit la visite de pr-reprise pour favoriser le maintien dans lemploi du salari. Elle propose damnager le rgime juridique de la rupture du contrat de travail conscutive la constatation de linaptitude dune part, en gnralisant le principe de la constatation en une seule visite, sauf dcision contraire du mdecin du travail, dautre part en introduisant des conditions de fond la constatation de linaptitude.

    [17] La mission suggre de dcharger linspecteur du travail des recours contre les prconisations ou les avis dinaptitude du mdecin du travail, pour linstruction desquels il ne dispose pas des comptences mdicales indispensables. Elle envisage deux hypothses. Lune serait de confier ce recours une commission mdicale rgionale instituer, lautre dinstaurer dabord une contestation devant une structure collgiale interne au service de sant au travail, puis, pour les cas rsiduels, un recours expert mdical judiciaire.

    [18] Enfin, afin de permettre de trouver une solution certaines situations de blocage actuelles, la mission propose, dune part, que le mdecin du travail puisse signaler dans son avis dinaptitude quun reclassement serait prjudiciable la sant du salari, ce qui dispenserait lemployeur dune recherche de reclassement, dautre part, que le refus par le salari dune proposition dadaptation du poste de travail ou de reclassement conforme aux prconisations du mdecin du travail, ds lors quelle nentraine pas de modification du contrat de travail, constitue une cause relle et srieuse de licenciement. Si le salari est licenci pour inaptitude et impossibilit de reclassement la suite dun tel refus, lemployeur serait rput avoir satisfait son obligation de recherche de reclassement.

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    [19] La mission fait le constat dune multitude dacteurs et de dispositifs qui concourent au maintien en emploi du salari et /ou la prvention de la dsinsertion professionnelle. Elle suggre des pistes pour clarifier, simplifier et surtout coordonner et piloter cet ensemble complexe, dont lefficacit est globalement encore insuffisante.

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    Sommaire SYNTHESE ....................................................................................................................................................... 3

    RAPPORT .......................................................................................................................................................... 9

    INTRODUCTION ....................................................................................................................... 9 1 LE SUIVI DE LETAT DE SANTE DES SALARIES EST PENALISE PAR UNE FOCALISATION SUR LEUR APTITUDE ET PAR UNE LOGIQUE TROP DECONNECTEE DES BESOINS DE SANTE 13

    1.1 Les notions daptitude et dinaptitude sont floues et soulvent des difficults pratiques .. 13 1.1.1 Labsence de dfinition des notions daptitude et dinaptitude est problmatique ....... 13 1.1.2 Lutilisation des notions daptitude et dinaptitude suscite des difficults pratiques ..... 17

    1.2 Un systme de suivi de ltat de sant des salaris au travail qui montre ses limites ........... 23 1.2.1 Une masse considrable de visites dembauche raliser dans des dlais trs contraints23 1.2.2 Un suivi de ltat de sant chronophage rythm par des textes rglementaires et des agrments dconnects des besoins de sant .................................................................................. 26 1.2.3 Les visites la demande, de pr-reprise et de reprise viennent sajouter la masse des visites dembauche et priodiques raliser .................................................................................... 29 1.2.4 La dmographie des mdecins du travail est proccupante, avec de fortes ingalits territoriales, et ncessite de mobiliser des leviers complmentaires pour y remdier ............... 31 1.2.5 Une pluridisciplinarit en cours de dploiement................................................................. 34

    2 LA PERTINENCE DES NOTIONS DAPTITUDE ET DINAPTITUDE DOIT ETRE INTERROGEE ......................................................................................................................... 37

    2.1 Le principe de la vrification de laptitude des postes de scurit ne soulve pas de dbats .......................................................................................................................................................... 37

    2.1.1 Pour certains postes de travail, des textes rglementaires rgissent les modalits de vrification de laptitude...................................................................................................................... 37 2.1.2 Dautres postes ne font pas lobjet de dispositions rglementaires et sont galement susceptibles dtre lorigine de danger pour dautres travailleurs ou des tiers ......................... 40 2.1.3 Certaines dispositions existant dans dautres pays fournissent des pistes de rflexion intressantes .......................................................................................................................................... 40 2.1.4 Ces diffrents lments conduisent la mission proposer une dfinition des postes de scurit et des modalits spcifiques de contrle de laptitude des salaris qui les occupent .. 41

    2.2 La pertinence mdicale de laptitude nest pas tablie .............................................................. 43 2.2.1 On retrouve trs peu dinaptitudes et daptitudes avec rserves en proportion lors des visites dembauche et priodiques ..................................................................................................... 43 2.2.2 La vrification de laptitude se heurte des difficults ...................................................... 43 2.2.3 Lavis daptitude nest pas prdictif de lvolution de ltat de sant du salari ............. 45 2.2.4 Une protection illusoire en matire de risques professionnels : laptitude nest pas un levier de prvention .......................................................................................................................... 46

    2.3 La pertinence juridique de laptitude est hypothtique ............................................................ 47 2.3.1 La protection de lemployeur est illusoire sur le plan juridique illusoire de lemployeur47 2.3.2 La protection du salari contre la discrimination ne saurait rsulter de la notion daptitude ............................................................................................................................................... 50

    2.4 Linaptitude conduit la rupture du contrat de travail ............................................................ 51 2.4.1 Les salaris dclars inaptes sont licencis ........................................................................... 51 2.4.2 Les salaris licencis pour inaptitude ont peu de perspectives aprs le licenciement ... 55

    3 LE SUIVI DE LETAT DE SANTE DES SALARIES DOIT ETRE ADAPTE A LEURS BESOINS . 56 3.1 Les constats raliss et ladaptation aux besoins des salaris imposent de remodeler la visite dembauche ....................................................................................................................................... 57

  • 8 RAPPORT N2014-142R

    3.1.1 Des dispositifs spcifiques doivent permettre aux salaris en CDD de moins de 3 mois et aux intrimaires de bnficier dun suivi de sant ...................................................................... 59

    3.2 La surveillance priodique de ltat de sant du salari demeure une priorit ..................... 60 3.2.1 Le suivi des travailleurs de nuit nest pas adapt ................................................................. 61 3.2.2 Les salaris occupant des postes risque bnficient de modalits spcifiques de surveillance de leur tat de sant ....................................................................................................... 61 3.2.3 La surveillance de ltat de sant doit bnficier lensemble des salaris, dans une logique de prvention .......................................................................................................................... 62

    3.3 Les visites de reprise et les visites la demande doivent tre ralises par un mdecin du travail .......................................................................................................................................................... 63

    3.3.1 La visite de reprise constitue un temps fort de la surveillance de ltat de sant du salari ..................................................................................................................................................... 63 3.3.2 Les visites la demande .......................................................................................................... 64

    3.4 La traabilit des expositions constitue un enjeu majeur ........................................................ 64

    4 LES SERVICES DE SANTE AU TRAVAIL DOIVENT SORIENTER DAVANTAGE VERS LA PREVENTION DES RISQUES PROFESSIONNELS ET LAIDE AU MAINTIEN DANS LEMPLOI DU SALARIE .................................................................................................................................. 66

    4.1 Dvelopper la prvention primaire des risques professionnels .............................................. 66 4.1.1 Linvestissement du mdecin du travail en faveur de la prvention des risques professionnels doit tre facilite ........................................................................................................ 67 4.1.2 Le SST doit aider lidentification des risques et la mise en place dune politique de prvention, notamment dans les TPE .............................................................................................. 69 4.1.3 Lintervention de lquipe pluridisciplinaire fait partie de loffre de service ................... 69

    4.2 Les actions dadaptation du poste de travail et de reclassement doivent tre mieux organises .................................................................................................................................................... 70

    4.2.1 Lobligation dadaptation du poste de travail et de reclassement qui pse sur lemployeur ncessite un meilleur encadrement juridique ............................................................. 71 4.2.2 Lefficacit la visite de pr-reprise doit tre renforce .................................................... 72 4.2.3 Le rgime juridique de la rupture du contrat de travail conscutive la constatation de linaptitude, mrite dtre clarifi et simplifi. ................................................................................. 73

    4.3 Dvelopper et mieux coordonner les actions de maintien en emploi constituent une priorit ......................................................................................................................................................... 78

    4.3.1 Chacun des acteurs du maintien dans lemploi a dvelopp ses outils ............................ 80 4.3.2 Une coordination et un pilotage sont ncessaires ainsi quune redfinition des bnficiaires des actions de maintien en emploi ............................................................................. 82

    CONCLUSION .............................................................................................................................................. 85

    RECOMMANDATIONS DE LA MISSION ........................................................................................... 87

    LETTRE DE MISSION ................................................................................................................................ 91

    LISTE DES PERSONNES RENCONTREES ........................................................................................ 93

    ANNEXE 1 : ................................................................................................................................................. 105

    ANNEXE 2 : ................................................................................................................................................. 109

    SIGLES UTILISES ....................................................................................................................................... 115

  • RAPPORT N2014-142R 9

    RAPPORT

    INTRODUCTION

    [20] Par lettre du 7 novembre 2014, la ministre des affaires sociales, de la sant et des droits des femmes et le ministre du travail, de lemploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ont confi trois personnalits, Monsieur le dput Michel ISSINDOU, Monsieur Christian PLOTON, membre de la Direction des ressources humaines (DRH) de Renault et Madame le Professeur Sophie FANTONI-QUINTON, ainsi qu lIGAS une mission ayant pour objet : Aptitude et mdecine du travail , centre sur la notion daptitude et les enjeux qui sy attachent pour les salaris et les employeurs, dune part, les mdecins du travail, dautre part, et pour le systme franais de protection de la sant au travail. Pour lIGAS, Anne-Carole BENSADON et Herv GOSSELIN ont t missionns pour mener bien ces travaux.

    [21] La mission doit, au vu dun tat des lieux des utilisations de cette notion par les mdecins du travail, de ses consquences sur lavenir professionnel du salari et sur sa prise en charge dans le cadre de diffrents rgimes sociaux, interroger la pertinence mdicale et juridique, de la notion daptitude au poste de travail ainsi que de son apprciation systmatique dans le cadre des examens prvus par le code du travail, au regard notamment de lvolution des missions et des comptences des services de sant au travail ainsi que des moyens dont ils disposent.

    [22] Il est ds lors attendu de la mission des propositions dvolution de lutilisation de la notion daptitude dans le cadre de la surveillance de ltat de sant du salari. Plus largement, il lui est demand de rflchir aux modalits les plus pertinentes de suivi de ltat de sant des salaris dans une vise prventive, en veillant au caractre soutenable de ses propositions compte tenu de la disponibilit de la ressource mdicale et de lobjectif gnral de simplification poursuivi par les pouvoirs publics. Compte tenu de la dfinition de son champ et de ses objectifs, la mission ninclura pas dans sa rflexion la fonction publique, qui a fait lobjet dun rapport rcent1, non plus que le systme de gouvernance des services de sant au travail, bien que ce sujet ait t abord souvent par ses interlocuteurs.

    [23] Selon larticle 2 de la convention 187 sur le cadre promotionnel pour la scurit et la sant au travail adopte en juin 2006 par lOrganisation internationale du travail OIT2, Tout membre qui ratifie la prsente convention doit promouvoir lamlioration continue de la scurit et de la sant au travail pour prvenir les lsions et maladies professionnelles et les dcs imputables au travail par le dveloppement , en consultation avec les organisations demployeurs et de travailleurs les plus reprsentatives, dune politique nationale, dun systme national et dun programme national.

    1 Rapport IGA/IGAS/IGAENER Septembre 2014 La mdecine de prvention dans les trois fonctions publiques 2 Ratifie par la France le 29 octobre 2014, elle entrera en vigueur le 29 octobre 2015

  • 10 RAPPORT N2014-142R

    [24] La directive cadre 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 concernant la mise en uvre de mesures visant promouvoir lamlioration de la scurit et de la sant des travailleurs au travail prvoit que lemployeur est oblig dassurer la scurit et la sant des travailleurs dans tous les aspects lis au travail. Si un employeur fait appel des comptences (personnes ou services) extrieurs lentreprise et/ou ltablissement, ceci ne le dcharge pas de ses responsabilits dans ce domaine. Lemployeur prend les mesures ncessaires pour la protection de la scurit et de la sant des travailleurs, y compris les activits de prvention des risques professionnels, dinformation et de formation ainsi que la mise en place dune organisation de moyens ncessaires. Il doit mettre en uvre les principes gnraux de prvention suivants : viter les risques, valuer ceux qui ne peuvent pas tre vits, combattre les risques la source, adapter le travail lhomme, tenir compte de ltat dvolution de la technique, remplacer ce qui est dangereux par ce qui nest pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux, planifier la prvention, prendre des mesures de protection collective par priorit des mesures de protection individuelle, donner les instructions appropries aux travailleurs. La directive impose la surveillance approprie de la sant des travailleurs en fonction des risques concernant leur sant et leur scurit au travail.

    [25] La notion daptitude au poste de travail ne figure pas dans cette directive.

    [26] Le systme franais de protection de la sant au travail, la diffrence de ce que lon peut constater dans dautres pays de lUnion europenne, repose pour une part importante, depuis la loi du 11 octobre 1946, sur les mdecins du travail, et, depuis la loi n 2002-73 de modernisation sociale du 17 janvier 2002, plus largement, sur les services de sant au travail. Chargs de faon exclusive, aux termes de la loi n 2011-867 du 20 juillet 2011 , dviter toute altration de la sant des travailleurs du fait de leur travail, ils conduisent des actions de sant au travail, ils conseillent les employeurs, les travailleurs et leurs reprsentants, ils assurent la surveillance de ltat de sant des travailleurs en fonction des risques, ils participent au suivi et contribuent la traabilit des expositions professionnelles et la veille sanitaire.

    [27] Les missions des services de sant au travail sont assures par une quipe pluridisciplinaire de sant au travail comprenant des mdecins du travail, des intervenants en prvention des risques professionnels et des infirmiers. Ces quipes peuvent tre compltes par des assistants de services de sant au travail et des professionnels recruts aprs avis des mdecins du travail. Les mdecins du travail animent et coordonnent lquipe pluridisciplinaire. Le rle du mdecin du travail est exclusivement prventif.

    [28] Les dpenses affrentes aux services de sant au travail, quils soient autonomes ou interentreprises, sont la charge des employeurs, sous la forme dune cotisation forfaitaire qui comprend la surveillance mdicale et laction en milieu de travail, sans considration des ressources internes prsentes dans lentreprise en matire de prvention des risques professionnels.3

    [29] Ces services sont engags dans une volution de longue haleine depuis la loi de 2002. Toutefois, la rforme de la mdecine du travail rsultant des lois du 17 janvier 2002 et du 20 juillet 20114 na pas, pour linstant, permis de mettre la prvention primaire des risques professionnels au premier plan, en rquilibrant substantiellement les temps passs par le mdecin du travail de la surveillance individuelle de ltat de sant des salaris vers laction sur le milieu de travail.

    3 Elles reprsentent 1,3 Mds euros en 2013 4 Circulaire DGT n 13 du 9 novembre 2012

  • RAPPORT N2014-142R 11

    [30] Trop centr sur la vrification systmatique de laptitude son poste de travail loccasion de chaque visite mdicale obligatoire, dembauche, priodique, de pr-reprise ou de reprise, ou la demande de lemployeur ou du salari, le systme de surveillance de ltat de sant du salari au travail conduit, selon la mission, au double constat de difficults pratiques pnalisantes lies au flou de la notion daptitude, et dune relle asphyxie du systme, provenant dun ciblage trs insuffisant de cette surveillance sur les travailleurs exposs des risques lis au poste de travail ou leur tat de sant, dans un contexte de rarfaction de la ressource mdicale.(1re partie).

    [31] Ce constat est dautant plus proccupant que la notion daptitude, telle quactuellement utilise, nest pertinente selon la mission, ni mdicalement, sauf pour les postes de scurit , ni juridiquement, tandis que la constatation de linaptitude du salari conduit presquexclusivement au licenciement (2me partie).

    [32] Il est donc propos dabandonner la vrification systmatique de laptitude, sauf pour les postes de scurit. La mission souhaite galement faire voluer le dispositif de surveillance de ltat de sant des salaris, en ladaptant selon les besoins des salaris et en intgrant les articulations possibles entre mdecins du travail et infirmiers en sant au travail (3me partie).

    [33] Enfin, la mission souligne lintrt dune orientation renforce des services de sant au travail vers la prvention primaire des risques professionnels et laide au maintien dans lemploi des salaris (4me partie).

  • RAPPORT N2014-142R 13

    1 LE SUIVI DE LETAT DE SANTE DES SALARIES EST PENALISE PAR UNE FOCALISATION SUR LEUR APTITUDE ET PAR UNE LOGIQUE TROP DECONNECTEE DES BESOINS DE SANTE

    1.1 Les notions daptitude et dinaptitude sont floues et soulvent des difficults pratiques

    [34] Alors mme que lensemble du systme obligatoire de surveillance de ltat de sant des salaris au travail est fond sur les notions daptitude et dinaptitude, aucune dfinition de ces termes ne figure dans le code du travail. Cela contribue sans doute aux difficults rencontres par les acteurs de la sant au travail dans lutilisation concrte de ces notions

    1.1.1 Labsence de dfinition des notions daptitude et dinaptitude est problmatique

    1.1.1.1 Les termes daptitude ou dinaptitude ne figurent pas dans la directive cadre de 1989

    [35] Certains pays en Europe utilisent ces notions, dautres pas. Mais elles nont pas forcment la mme signification et nentranent pas les mmes consquences pour le salari.

    [36] Ainsi en Allemagne, lorsque la visite dembauche est obligatoire, le mdecin, qui nest pas ncessairement le mdecin du travail, doit indiquer si le candidat est apte ou inapte. Cest un mdecin conventionn par les caisses dassurance maladie qui se trouve habilit dclarer un salari inapte sur un poste de travail particulier. Cette dclaration prend en compte sa sant physique ou psychique, lorsque les consquences dune maladie rendent le salari incapable de poursuivre son activit professionnelle dans les conditions fixes par son contrat de travail ou si la poursuite de son activit risque de porter atteinte son tat de sant. Cette information nest communique lemployeur quavec laccord du salari.

    [37] En Espagne, le mdecin du travail, intgr dans le service de prvention des risques au travail qui relve de la scurit sociale na pas de comptence pour dclarer un salari inapte. Il appartient lemployeur, au vu des informations dont il dispose, tant indiqu que la visite dembauche nest pas obligatoire pour le salari sauf pour certains postes risques, de prendre les dcisions ncessaires (adaptation du poste de travail, reclassement ou licenciement). Lincapacit permanente pour le poste habituel et limpossibilit dadapter le poste de travail pour le salari ouvrent la possibilit dune procdure administrative destine faire connatre lincapacit permanente comme incapacit professionnelle par la scurit sociale.

    [38] LItalie, la Belgique et le Luxembourg utilisent les notions daptitude ou dinaptitude lactivit assigne au salari, vrifies par le mdecin du travail (ou par un professionnel de sant pour le Luxembourg), dans des conditions assez proches de ce qui est pratiqu en France, mme si dans ces pays les visites mdicales dembauche, priodiques et de reprises ne sont obligatoires que pour certains postes risques.

    [39] Au Royaume-Uni, il ny a pas de distinction entre inaptitude et arrt de travail et il nexiste pas de lgislation ou rglementation sur la dfinition de laptitude au travail. Ce sont principalement les mdecins gnralistes qui se prononcent sur lincapacit du salari travailler. Il leur revient galement de prciser lemployeur les mesures prendre pour permettre au salari de reprendre le travail. Lemployeur doit suivre ces recommandations ds lors quelles sont raisonnables . Dans certaines branches et pour certains postes de scurit, une vrification priodique de laptitude est obligatoire.

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    1.1.1.2 Les notions daptitude et dinaptitude ne sont pas dfinies et peuvent susciter des confusions

    [40] Le code du travail ne comporte aucune dfinition de laptitude et de linaptitude. Les organisations professionnelles et syndicales avaient dailleurs tent de combler cette lacune lors de la ngociation non aboutie dun protocole daccord sur la modernisation de la mdecine du travail en 2009. Le projet des organisations patronales retenait, dans sa version du 10 septembre 2009, les dfinitions suivantes : Laptitude se dfinit comme labsence de contre-indication physique ou psychique la tenue, par le salari, du poste de travail actuel ou envisag. Elle permet galement de rechercher si le salari nest pas atteint dune affection dangereuse pour les autres salaris. Pour sa part, linaptitude se dfinit comme lexistence de contre indication physique ou psychique entranant une restriction pour le salari de remplir une ou plusieurs tches lies son poste de travail . Ce qui en tout tat de cause ressort de larticle R 4624-31 du code du travail, de la jurisprudence tant judiciaire quadministrative, cest que laptitude ou linaptitude sapprcient au regard du poste de travail occup, ou selon la terminologie utilise par le Conseil dEtat dans un arrt rcent, en prenant en compte les fonctions occupes effectivement avant larrt de travail , quel que soit lemploi prvu par le contrat de travail.5

    [41] Les dfinitions envisages dans la ngociation interprofessionnelle comme les jurisprudences judiciaire et administrative font apparatre la grande difficult de cerner la notion de poste de travail. Cest une notion qui na gure de sens dans des organisations du travail qui privilgient la polyvalence et surtout qui intgrent des volutions frquentes du contenu mme du travail. En second lieu, il apparait immdiatement une confusion possible avec lemploi, tel quil est dfini dans le contrat de travail. Dailleurs, le code du travail nchappe pas cette possible confusion en mentionnant plusieurs reprises linaptitude un emploi et non au poste de travail6 . Dans dautres cas, le code du travail assume la confusion et requiert une aptitude lemploi, sagissant notamment des travailleurs temporaires ou des travailleurs saisonniers7. Enfin, la notion de poste de travail associe laptitude ou linaptitude nest pas suffisamment explicite pour dfinir de faon incontestable partir de quand le salari deviendrait inapte son poste de travail. Le projet de dfinition mentionn voque une restriction pour le salari de remplir une ou plusieurs tches lies son poste de travail . Dans un tel essai de dfinition, aucune frontire napparait clairement entre laptitude et linaptitude au poste de travail.

    [42] Une autre source de confusion rside dans la proximit entre aptitude mdicale et aptitude professionnelle . En dehors des cas de confusion, pas si rares, o lemployeur a tendance demander au mdecin du travail de se prononcer sur certaines caractristiques comportementales du candidat ou du salari qui relvent plus des savoir-tre utiles, voire indispensables, pour tenir le poste de travail, le mdecin du travail est parfois sollicit pour se prononcer sur une aptitude du salari requise par des assureurs ou des certificateurs. Ces demandes concourent au respect de procdures de qualit mais qui nont nullement pour finalit de sassurer que ltat de sant du salari lui permet doccuper son poste de travail sans altration de sa sant.

    5 Conseil dEtat 21 janvier 2015 n364783 6 Articles L 1226-2 et 10 du code du travail 7 Articles R 4625-9 et D 4625-22 du code du travail.

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    [43] Une troisime source de confusion rside dans la comprhension difficile, tant pour les employeurs que pour les salaris, de la distinction entre la notion dinaptitude mdicale au poste de travail et celle dinvalidit, notamment de catgorie 2. Le classement en invalidit deuxime catgorie regroupe les invalides qui sont absolument incapables dexercer une activit professionnelle quelconque .8 Or, cette apprciation qui est porte sur la situation et les capacits du salari par la Caisse primaire dassurance maladie (CPAM) nempche nullement ce salari, si le mdecin du travail le juge apte reprendre son travail, ventuellement aprs certains amnagements du poste de travail, travailler, ce mdecin tant le seul pouvoir se prononcer sur ce point. Cest une source de confusion importante pour lemployeur et le salari, qui peut conduire lun ou lautre des erreurs graves en matire dexcution ou de rupture du contrat de travail. Ainsi, lemployeur peut penser que la dcision de mise en invalidit vaut dclaration dinaptitude et sengager tort dans une procdure de licenciement ou ne pas requrir lavis du mdecin du travail sur les propositions de reclassement quil fait au salari en invalidit, loccasion dune procdure de licenciement pour motif conomique.9

    [44] Enfin, on mentionnera une difficult, galement lie la coexistence des deux droits de la scurit sociale et du travail, dans la notion de retraite pour inaptitude telle quelle ressort de larticle L 351-7 du code de la scurit sociale. Linaptitude ainsi vise concerne les assurs bnficiaires dune pension dinvalidit, dune rente dincapacit permanente partielle, de lallocation adulte handicap ou ceux qui font connatre leur inaptitude au travail lors du passage la retraite. La retraite pour inaptitude est accorde exclusivement par le mdecin conseil. Elle peut faire suite une inaptitude constate par le mdecin du travail.

    1.1.1.3 La notion daptitude soulve des interrogations de nature thique et dontologique

    [45] Deux questions principales retiennent lattention.

    [46] La premire concerne la signification mme de la vrification de laptitude un poste de travail.

    [47] Ainsi que le soulignait le Comit national dthique pour les sciences de la vie et de la sant dans son avis n 80 relatif lOrientation de travailleurs vers un poste comportant un risque , lorsquil sagit dun poste risque, la notion mme daptitude est quivoque et peut laisser croire aux intresss quils ne courent aucun risque ou, linverse, quils sont slectionns pour ce poste risque ; le rle du mdecin du travail pourrait alors tre ressenti comme celui dexposer un risque plutt que de le prvenir. Telle est effectivement lambigut majeure de la notion daptitude qui, sous le vocable d aptitude ou de non contre-indication un risque laisse clairement penser que la vrification dont il sagit a pour objet premier de slectionner le salari que lon envisage daffecter sur un poste de travail sur des critres de sant au lieu de prvenir les risques potentiels du poste de travail.

    8 Article L 341-4 du code de la scurit sociale 9 Cassation sociale 5 dcembre 2012 N 10-24.219 : Mais attendu que, ds lors quil a connaissance du classement en invalidit 2me catgorie dun salari au moment dengager la procdure de licenciement pour motif conomique ou pendant son droulement, lemployeur est tenu , aprs avoir fait procder une visite de reprise, de lui proposer une offre de reclassement qui prenne en compte les prconisations du mdecin du travail exprimes lissue de cette visite .

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    [48] Cest manifestement la conception retenue par le Conseil dEtat lorsquil indique que les mdecins du travail disposent de plusieurs lments dordre gntique, comportemental ou historique pour apprcier les risques particuliers que courent individuellement les salaris tre exposs des cancrognes, mutagnes ou toxiques pour la reproduction .10 Cette position a t critique par de nombreux professionnels de sant. Dans une contribution aux travaux de la mission, le Professeur Soulat prcise que cet avis rvle une mconnaissance totale de la notion mdicale de fragilit et plus gnralement du fondement de la pratique mdicale, le mdecin ne disposant en gnral sur une consultation daucun des trois lments cits par le Conseil dEtat . De plus, selon le Professeur, ces notions sont inutilisables : la fragilit gntique ne peut tre utilise pour carter un salari. Ce nest ni scientifiquement, ni dontologiquement, ni thiquement dfendable. Les troubles comportementaux ne sont pas ncessairement de nature mdicale..La notion dhistoricit est hors sujet en matire mdicale. Lhistoire des vnements de sant du patient est un lment important justement parce quil sagit dune histoire en perptuelle volution, ce qui rend difficile une prise de dcision dfinitive dans la plupart des cas. Enfin, le terme de fragilit est flou : carter une personne fragile na pas de sens, ce dautant que la loi favorise au contraire linsertion professionnelle de la fragilit dfinie en terme de handicap. Prendre en compte la fragilit, cest dabord jouer sur lamnagement et les conditions de travail et non sur laptitude lemploi .11

    [49] Cette conception de laptitude se heurte ainsi au sens profond de la mission du mdecin du travail, exclusivement prventive, qui vise amliorer les conditions de vie et de travail dans lentreprise, adapter les postes, les techniques et les rythmes de travail la sant physique et mentale, notamment en vue de prserver le maintien dans lemploi des salaris et protger les travailleurs contre lensemble des nuisances et notamment contre les risques daccident du travail ou dexposition des agents chimiques dangereux .12

    [50] La seconde question concerne la confusion des postures du mdecin du travail entrane par la vrification dune aptitude au poste de travail, quelle que soit sa dangerosit, et les risques quil fait courir au travailleur ou des tiers.

    [51] Il y a en effet un assez large consensus parmi les spcialistes de mdecine du travail et de faon plus gnrale au sein de nos socits pour considrer que certains postes, dits de scurit, souvent recenss dans les transports, exigent un contrle lembauche, puis ensuite priodiquement, des capacits physiques et mentales des travailleurs qui occupent ces postes. Mais outre quil est ncessaire de dfinir strictement ces postes, il est impratif de distinguer le mdecin qui va intervenir en qualit de contrleur de laptitude du salari concern et celui qui assure le suivi de sant du salari dans un cadre strictement prventif. Cette diffrence renvoie limpossibilit dontologique pour un mme mdecin dexercer en mme temps des fonctions de conseil, telles quelles sont prvues par le code du travail,13 et des fonctions dexpertise (de contrle). Cette question a dailleurs fait lobjet dun arrt trs clair du Conseil dEtat propos de la circulaire qui organisait les mdecines de contrle et du travail au sein de la SNCF.14 Or, dans la vrification de laptitude lembauche ou loccasion des visites priodiques ou de reprises, le mdecin du travail peut tre conduit, sans ncessairement en avertir le salari, se situer dans un cadre de conseil ou dexpertise.

    10 Conseil dEtat 9 octobre 2002 n 231869 11 Professeur Jean-Marc SOULAT, Prsident du collge des enseignants hospitalo-universitaires de mdecine du travail. Contribution aux travaux de la mission. 30 mars 2015 12 Article R 4623-1 du code du travail 13 Article R 4623-1 du code du travail: Le mdecin du travail est le conseiller de lemployeur, des travailleurs, des reprsentants du personnel et des services sociaux 14 Conseil dEtat 7 juin 2006 n 279632 : que le code du travail a ainsi tabli un rgime dincompatibilit entre les fonctions de mdecin du travail et de mdecin daptitude .

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    [52] Cette question est rsolue dans plusieurs pays europens par un cantonnement strict du rle du mdecin du travail un rle de conseil en matire de prvention des risques, les services relevant de la scurit sociale tant en charge de la prononciation ventuelle de linaptitude15 et/ou par lidentification dun contrle spcifique de laptitude des postes de scurit distinct du suivi de ltat de sant du salari.

    [53] Naturellement, dans laction de conseil du mdecin du travail, ce dernier doit rechercher systmatiquement le consentement clair du salari sur les mesures quil prconise, la diffrence du cadre dune mdecine de contrle dans lequel il sagit pour le mdecin de vrifier que ltat des sant du salari satisfait un certain nombre de critres pralablement dfinis en fonction des exigences du poste de travail ou du mtier.

    1.1.2 Lutilisation des notions daptitude et dinaptitude suscite des difficults pratiques

    1.1.2.1 Les pratiques des mdecins du travail sont htrognes

    [54] A lcoute de trs nombreux mdecins du travail loccasion de ses travaux, la mission a pu constater la trs grande diversit de leurs pratiques, fruit de leurs expriences, de leurs conditions dexercice et bien sr de leurs rflexions. Pour beaucoup dentre eux, la visite mdicale reste le pivot de leur action mais l o, pour certains, elle est intgre dans une pratique professionnelle, indispensable leur intervention sur le terrain de la prvention collective des risques professionnels, sans rfrence la notion daptitude, pour dautres, elle est insparable de lavis, mme sil est le plus souvent daptitude, rendu par le mdecin en conclusion de la visite. Cet avis assoit le rle du mdecin du travail. Ds lors, certains mdecins auditionns par la mission nmettent plus davis daptitude depuis des annes ou jugent cette aptitude comme tant le pch originel de la mdecine du travail, laptitude tant plus proche selon eux de ladaptation de lhomme au travail que de ladaptation du travail lhomme. Dautres, en revanche, estiment que la vrification rgulire de laptitude est ncessaire, quelle est un vrai levier de prvention.

    [55] Source didentit, voire de lgitimit pour certains, lavis daptitude constitue une imposture dontologique pour dautres. La littrature retrace bien la diversit des pratiques et les diffrentes postures que les mdecins du travail du travail adoptent lorsquils prennent une dcision daptitude.

    [56] Ainsi certains sinscrivent-ils dans une dmarche dexpert la demande dun tiers , quand dautres utilisent la notion daptitude pour protger le salari en tant que conseiller, ou dautres encore ne parlent plus que daptitude du poste de travail recevoir le salari (et non linverse). Dans la premire de ces postures, la question du consentement clair ne se conoit pas puisque lintrt collectif prime, pour les autres, elle est incontournable16. Pour la plupart des auteurs, et en particulier pour les sociologues qui ont travaill sur la question, ces diffrentes postures peuvent tre adoptes par un mme mdecin selon le moment ou les circonstances, ce TXL QHVW SDV VDQV SURGXLUH GHV FRQIOLWV GDQV ODFWLYLWp, dans la mesure o elles peuvent tre logiquement contradictoires. Qui plus est, le mdecin ne se prsente pas explicitement comme adepte de lune ou lautre de ces postures, ni auprs du salari, ni auprs des employeurs, ce qui entretient lambigut de la position du corps des mdecins tout entier. Cette situation mixte ne favorise pas le lien de confiance entre le mdecin et le salari malgr la prminence que ce lien revt dans lvolution rcente du droit mdical.

    15 Par exemple en Espagne ou en Allemagne, selon la contribution des conseillers sociaux de ces deux pays ainsi que du Royaume-Uni et de lItalie, aux travaux de la mission. 16 Association nationale des internes en mdecin du travail :

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    [57] Quelle que soit la position retenue dans la pratique par les mdecins du travail, les auditions auxquelles la mission a pu procder, de mme que les trs nombreuses contributions crites provenant de mdecins du travail, dont elle a t destinataire, sont unanimes pour souligner limportance de garder la possibilit pour le mdecin du travail de dlivrer des prconisations en vue de ladaptation du poste de travail ou le reclassement du salari. Le mdecin du travail est en effet le seul connatre la fois ltat de sant du salari et les caractristiques du poste de travail.

    1.1.2.2 Les consquences des avis daptitude ou dinaptitude des mdecins du travail sont parfois difficiles comprendre et/ou prendre en compte pour les entreprises

    [58] Aux incertitudes sur la dfinition exacte des notions sajoutent les enjeux particulirement importants de lavis du mdecin du travail sur le contrat de travail du salari.

    [59] Depuis la loi du 12 juillet 199017, la constatation de linaptitude du salari son poste de travail par le mdecin du travail, est la seule voie possible de rupture du contrat son initiative en raison de ltat de sant du salari, la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation puis la loi tant venues dabord qualifier de licenciement la rupture du contrat de travail intervenant pour inaptitude mdicale, puis dcider que tout licenciement intervenant sans constatation rgulire de linaptitude tait un licenciement discriminatoire qui encourait la nullit18.

    [60] De mme le dveloppement de la jurisprudence de la Cour de cassation dans le domaine de lobligation de scurit de rsultat contraint lemployeur prendre en compte les prconisations du mdecin du travail en matire dadaptation du poste de travail et de reclassement19.

    [61] Enfin, les volutions jurisprudentielles de ces dernires annes conduisent clairement distinguer les notions daptitude et dinaptitude, quelles que soient les rserves mises par le mdecin du travail. Il nest pas possible pour lemployeur de requalifier en inaptitude un avis daptitude avec de lourdes rserves, mme sil considre quun tel avis quivaut un avis dinaptitude20. A lissue du dialogue ncessaire avec lemployeur et le salari, si lavis est maintenu, il ne peut que le contester devant linspecteur du travail21. Coexistent ainsi, selon le vu du lgislateur, prcis par le juge, deux rgimes juridiques distincts, voire mme tanches, ce qui peut tre une source de complexit, tant pour lemployeur que pour le salari.

    17 Loi n90-602 relative la protection des personnes contre les discriminations en raison de leur tat de sant ou de leur handicap 18 Articles L 1132-1 et L 1133-3 du code du travail. Cassation sociale 16 dcembre 2010, N 09-66.954 19 Cassation sociale 23 septembre 2009 N 08-42.525 Mais attendu que ne commet pas un manquement ses obligations le salari, dont le mdecin du travail a constat linaptitude physique, qui, pour refuser un poste de reclassement propos par lemployeur, invoque labsence de conformit du poste propos lavis dinaptitude ; que dans ce cas il appartient lemployeur, tenu dune obligation de scurit de rsultat, de solliciter lavis du mdecin du travail. 20 Cassation sociale 28 janvier 2010 N 08-42.616 : Mais attendu quil rsulte de larticle l 1226-8 du code du travail, que si le salari est dclar apte par le mdecin du travail, il retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti dune rmunration au moins quivalente ; que selon les dispositions de larticle L 4624-1 dudit code, le mdecin du travail est habilit proposer des mesures individuelles , telles que mutations ou transformations de poste, justifies par des considrations relatives lge, la rsistance physique ou ltat de sant des travailleurs ; que le chef dentreprise est tenu de prendre en compte ces propositions ; Et attendu que la cour dappel constat que si le mdecin du travail avait mis dimportantes rserves, il navait cependant jamais rendu un avis dinaptitude de lintresse aux fonctions de responsable de rayon.. 21 Cassation sociale 10 novembre 2009 N 08-42.674 : Attendu que lavis du mdecin du travail sur laptitude du salari occuper un poste de travail simpose aux parties et quil nappartient pas aux juges du fond de substituer leur apprciation celle du mdecin du travail ; quen cas de difficult ou de dsaccord sur la porte de lavis daptitude dlivr par le mdecin du travail, le salari ou lemployeur peuvent exercer le recours prvu larticle L 4624-1 du code du travail.

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    [62] Dans ce contexte, la rdaction des avis daptitude avec rserves par les mdecins du travail revt une grande importance. Or il arrive, malgr les consignes rgulirement rappeles par la direction gnrale du travail,22 que les avis soient confus, insuffisamment prcis sur les capacits restantes du salari, voire muets sur les propositions dadaptation du poste de travail ou de reclassement, laissant lemployeur particulirement dmuni pour organiser le maintien dans lemploi du salari. Certains avocats entendus par la mission expliquent la multiplication des avis daptitude avec dimportantes rserves et/ou les imprcisions ou incohrence des avis par le fait que les mdecins du travail redoutent les consquences de lavis dinaptitude sur le parcours professionnel des salaris, quils ont une connaissance insuffisante de la lgislation du travail et des postes dans lentreprise et par labsence dchange entre lemployeur et le mdecin du travail. La mission ne considre pas que ces avis dficients de certains mdecins du travail soient majoritaires ; ils sont largement minoritaires et souvent leurs insuffisances sont corriges par des changes entre employeur et mdecin du travail. Mais en cas dabsence ou dchec de ce dialogue, la situation peut se rvler particulirement pnalisante et souvent conflictuelle.

    [63] A ct des avis ambigus ou lacunaires, les entreprises signalent les difficults que leur posent lavis dinaptitude tout emploi dans lentreprise dlivr par certains mdecins du travail. Dans une telle hypothse, lemployeur considre tort quil na pas procder des recherches de reclassement eu sein de lentreprise, en dautres termes, il sestime dcharg par le mdecin du travail de son obligation de reclassement. Or, tel nest pas le cas selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation ; ce qui peut conduire lemployeur mal conseill, souvent dans les Trs petites entreprises/ Petites et moyennes entreprises (TPE/PME), licencier le salari sans avoir procd des recherches de reclassement. Ds lors, en cas de litige, le licenciement sera jug sans cause relle et srieuse. En effet, pour la Cour de cassation, et galement pour le Conseil dEtat23, cest lemployeur qui est dbiteur dune obligation de reclassement et non le mdecin du travail. Ce dernier ne dlivre quun avis dinaptitude tout emploi dans lentreprise ; seul lemployeur est en mesure de dcider dadapter un poste de travail ou de reclasser sur un autre poste, au besoin en mettant en uvre des mesures de transformation de poste, de mutation ou damnagement du temps de travail. Il reste nanmoins que, pour justifie que soit cette jurisprudence au regard de lobligation de reclassement qui pse sur lemployeur, elle peut conduire des situations ingrables pour ce dernier, notamment lorsque lavis dinaptitude tout emploi dans lentreprise est dlivr par le mdecin du travail la suite des effets dltres sur la sant mentale et/ou physique du salari de certaines organisations du travail ou de faits de harclement moral. qui ncessitent le retrait du salari de lentreprise, en labsence de possibilit de mutation sur un autre site.

    22 La circulaire DRT n 2004-06 du 24 mai 2004 relative la motivation des conclusions crites du mdecin du travail sur laptitude mdicale du salari et les dcisions de linspecteur du travail prises en application de larticle L 241-10-1 du code du travail figure en annexe 2 du prsent rapport. 23 Cassation sociale 16 septembre 2009 N 08-42.212 : Mais attendu dabord que lavis du mdecin du travail dclarant un salari inapte toit emploi dans lentreprise ne dispense pas lemployeur , quelle que soit la position prise par le salari , de rechercher des possibilits de reclassement par la mise en uvre de mesures telles que mutations , transformations de postes de travail ou amnagement du temps de travail au sein de lentreprise, et le cas chant, du groupe auquel il appartient.. Dans le mme sens : Conseil dEtat 7 avril 2011 n 334211

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    [64] Enfin, des difficults sont signales par les entreprises pour mettre en uvre les solutions damnagement des postes de travail ou de reclassement prconises par le mdecin du travail du fait du refus par le salari des propositions de lemployeur, pourtant conformes ces prconisations. La jurisprudence actuelle de la Cour de cassation considre que le refus par le salari dune proposition dadaptation du poste de travail ou dun reclassement faite par lemployeur, mme conforme ces prconisations, nest pas fautif, sauf refus abusif sagissant des salaris victimes daccident du travail ou de maladie professionnelle.24 Selon cette jurisprudence, il appartient lemployeur de faire de nouvelles propositions en cas de refus, sauf estimer quil na plus de possibilit de reclassement auquel cas, il lui appartient de licencier le salari pour inaptitude et impossibilit de reclassement, charge pour lui devant le juge en cas de litige de faire la dmonstration de cette impossibilit de reclassement. Cette jurisprudence qui a pour objectif de faire respecter lobligation de reclassement est particulirement exigeante dans lhypothse dune aptitude avec rserves, car ici lemployeur ne dispose pas de la possibilit, in fine, de prendre la dcision de licencier le salari, linaptitude ntant pas constate.

    1.1.2.3 La dlivrance davis daptitude et dinaptitude par les mdecins du travail est lorigine de contentieux, judiciaire et administratif.

    [65] Un contentieux judiciaire de la rupture du contrat de travail peut natre lorsque lemployeur aura prononc un licenciement pour inaptitude et impossibilit de reclassement, ds lors que le mdecin du travail aura constat linaptitude du salari. Trois types de moyens sont alors, le plus souvent, soulevs devant le conseil de prudhommes par le salari.

    [66] La constatation de linaptitude est considre comme irrgulire, car ralise en une seule visite au lieu de deux, en raison du non respect du dlai de 15 jours, ou bien parce quil y a dsaccord sur la qualification des visites de reprise ou sur la porte exacte de la rdaction des avis mdicaux. La sanction de la constatation irrgulire de linaptitude est trs lourde puisque la Cour de cassation juge que le licenciement a t prononc en raison de ltat de sant du salari et quil est donc nul, car discriminatoire, en application de larticle L 1132-4 du code du travail.

    [67] Les efforts de reclassement de lemployeur ont t, selon le salari, insuffisants. La recherche de reclassement doit tre, selon le juge, loyale et srieuse. Elle doit envisager toutes les possibilits au sein de lentreprise ou dans le groupe. Les efforts de reclassement de lemployeur ne peuvent tre pris en compte par le juge quune fois linaptitude dfinitivement constate, ce qui est souvent critiqu par les entreprises qui ont, juste titre, entam des recherches bien en amont de la dclaration dinaptitude. Selon la jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation, linaptitude tout emploi dans lentreprise dlivre par le mdecin du travail nexonre pas lemployeur de la recherche de reclassement. La sanction de linsuffisance des efforts de reclassement est labsence de cause relle et srieuse du licenciement. Et cela mme si, aprs lavoir contest devant linspecteur du travail ou le tribunal administratif, lavis dinaptitude du mdecin du travail, se transforme, finalement, en avis daptitude.

    24 Cassation sociale 26 janvier 2011 N 09-43.193 : Attendu que ne peut constituer une cause relle et srieuse de licenciement le refus par le salari du poste de reclassement propos par lemployeur en application de larticle L 1226-2 du code du travail lorsque la proposition de reclassement emporte modification du contrat de travail ou des conditions de travail ; quil appartient lemployeur de tirer les consquences du refus du salari soit en formulant de nouvelles propositions de reclassement, soit en procdant au licenciement de lintress aux motifs de linaptitude et de limpossibilit de reclassement.

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    [68] Enfin, il peut tre reproch lemployeur par le salari, qui a quelques fois pris acte de la rupture du contrat de travail, de ne pas lavoir fait convoquer dans les dlais prescrits par le code du travail aux visites mdicales dembauche ou priodiques par le service de sant au travail, sur le fondement de lobligation de scurit de rsultat qui pse sur lemployeur en application de larticle L 4121-1 du code du travail , selon la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation.25 Cependant, la jurisprudence de la Cour de cassation semble sur cette question stre un peu inflchie, dune part en reconnaissant dans certaines hypothses la responsabilit du service de sant au travail dans labsence de visite mdicale, ds lors que lemployeur lui en avait fait la demande, dautre part en laissant le juge du fond plus libre de son apprciation de la gravit du manquement de lemployeur lorsque le salari invoque labsence de visite mdicale et quil a pris acte de la rupture du contrat de travail.

    [69] Il faudrait y ajouter le contentieux particulier de la rupture du contrat de travail du salari victime dun accident du travail ou dune maladie professionnelle, compte tenu dun rgime juridique encore un peu diffrent. Un des points dlicats est dailleurs la question de savoir comment lemployeur peut savoir si linaptitude a ou pas une origine professionnelle afin de savoir dans quel cadre juridique il doit rgler la rupture du contrat de travail. A ce stade, le mdecin du travail est taisant, la reconnaissance de laccident ou de la maladie professionnelle relevant de la dcision de la Scurit sociale et des Tribunaux des affaires de scurit sociale (TASS) en cas de contentieux, alors que la protection spcifique institue en faveur des victimes daccident du travail ou de maladie professionnelle sapplique ds que lemployeur a connaissance de lorigine professionnelle de laccident ou de la maladie.

    [70] Il ny a pas de donnes assez fines qui permettent dvaluer le volume de ce contentieux judiciaire. On peut nanmoins avancer lide dune certaine stabilisation de ce contentieux, qui reste toutefois consquent, particulirement dlicat traiter tant les enjeux peuvent tre importants pour le salari comme pour lemployeur.26

    [71] La contestation de lavis daptitude ou dinaptitude dlivr par le mdecin du travail, c'est--dire de la dcision mdicale de ce mdecin, relve aujourdhui exclusivement du recours port devant linspecteur du travail, qui prend sa dcision aprs avis du mdecin inspecteur rgional du travail, en application de larticle L 4624-1 du code du travail.27

    [72] Le choix de confier linspecteur du travail le soin de traiter ces recours est rgulirement critiqu. En effet, il ne dispose pas de comptences mdicales et na pas accs au dossier mdical du salari. Il doit se fier sur ce point lavis du mdecin inspecteur rgional du travail. Mais lapprciation des efforts de reclassement raliss par lemployeur relve de la comptence du juge judiciaire et non de linspecteur du travail, selon la jurisprudence du Conseil dEtat. Ds lors, cest sur le seul terrain de la procdure que linspecteur du travail pourrait trouver une certaine lgitimit. Cest lvidence insuffisant pour justifier de lui confier le traitement de ce type de recours, mme si, selon certains dentre eux, leur intervention loccasion de lenqute quils diligentent dans le cadre de ces recours peut constituer un point dentre dans lentreprise pour aborder la question de la prvention des risques professionnels.

    25 Cassation sociale 25 mars 2009 N 07-44.408 et sur le non respect du dlai par le SSTI : Cassation sociale 31 mai 2012 N11-10.958 26 Le Prsident de la chambre sociale de la Cour de cassation voque un flux rgulier dune vingtaine daffaires par mois traites par cette juridiction, sans que cela ne prjuge du volume daffaires devant les conseils de prudhommes. 27 Cest une jurisprudence constante de la Cour de cassation, encore renforce par les arrts rcents qui refusent lemployeur et au juge judiciaire dinterprter lavis du mdecin du travail lorsque laptitude est accompagne dimportantes rserves. Cassation sociale 16 septembre 2009 dj cit en note 22 : Attendu quil rsulte de larticle L 4624-1 du code du travail que lavis mis par le mdecin du travail, seul habilit constater une inaptitude au travail peut faire lobjet tant de lemployeur que du salari, dun recours administratif devant linspecteur du travail ; quen labsence dun tel recours cet avis simpose aux parties.

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    [73] Ce recours, qui a t progressivement encadr par le juge administratif, a fait lobjet de prcisions importantes de nature procdurale par le dcret n2012-135 du 30 janvier 2012. Il est dsormais obligatoire de mentionner sur lavis du mdecin du travail la possibilit du recours devant linspecteur du travail, et un dlai de deux mois a t fix pour que lemployeur ou le salari exerce ce recours. Cest dailleurs sur ce terrain de la procdure que la jurisprudence du Conseil dEtat a t la plus importante, le juge oprant un contrle restreint sur le fond de la dcision de linspecteur du travail, en se fondant largement sur lavis du mdecin inspecteur. Le juge a ainsi dit que linspecteur du travail devait reprendre entirement lavis du mdecin du travail, sa dcision revenant rtroactivement sur lavis du mdecin du travail.28 Il a t galement jug que lavis du mdecin inspecteur rgional du travail constituait une formalit substantielle peine de nullit de la dcision de linspecteur du travail29. Dernirement, le Conseil dEtat a jug que lauteur du recours devait informer de son dpt lautre partie en se fondant sur larticle 24 de la loi n2000-321 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations30.

    [74] Le nombre de contestations des avis daptitude ou dinaptitude des mdecins du travail a sensiblement augment dans les dernires annes, sans doute sous le double effet de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui en a fait la voie incontournable de la contestation au fond de lavis du mdecin du travail, et de lamnagement rglementaire rcent, notamment en ce quil avertit explicitement lemployeur et le salari de la possibilit dexercer un recours devant linspecteur du travail et des dlais respecter pour le former.

    Tableau 1 : Contestation des avis des mdecins du travail

    2005 2006 2011 2012 2013 Nombre contestations 525 416 1171 1442 1597

    Pourcentage par rapport au nombre davis rendus par les mdecins

    - - - 0,014 0,016

    Source : Inspection mdicale du travail sur 20 rgions en 2011, 2012,2013

    [75] Malgr limprcision des donnes disponibles recueillies par la mission, on constate une augmentation significative des contestations en valeur absolue, mais, dune part, le nombre de contestations reste trs faible en proportion du nombre davis rendus par les mdecins du travail, dautre part, laugmentation sur les annes considres, si elle est importante, doit tre rapproche de laugmentation du nombre davis rendus par les mdecins du travail.

    [76] En complment, plusieurs tudes rgionales donnent des indications intressantes.

    [77] Laugmentation globale du nombre de contestations est nette, mme si les donnes 2014 manquent pour confirmer la progression ou pour linfirmer. Ainsi en Bretagne, le nombre de contestations a nettement diminu en 2014 par rapport 2013, passant de 77 57. De mme, en Rhne-Alpes, il est constat une stabilisation du nombre de contestations entre 2012 et 2014. Lauteur du recours varie selon les rgions et les annes. Ainsi, par exemple, selon ltude Poitou-Charentes portant sur les annes 2009 2013, la prdominance des employeurs jusquen 2011 a laiss place une lgre prdominance des salaris en 2013. En Bretagne, les donnes de 2014 montrent un relatif quilibre entre employeurs et salaris : 54,4% des recours provenant des salaris contre 45,6% des employeurs. Ce sont aussi bien les avis daptitude que ceux dinaptitude qui sont contests. Ainsi, en rgion Nord-Pas-de-Calais, en 2013, 43% des contestations concernent des avis daptitude et 57% des avis dinaptitude.

    28 Conseil dEtat 16 avril 2010 n 326553 29 Conseil dEtat 7 octobre 2009 n319107 30 Conseil dEtat 21 janvier 2015 n 365124

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    [78] Sagissant des circonstances de la contestation, ltude de la rgion Poitou-Charentes relve que 75% des contestations interviennent aprs une visite de reprise. Il ressort de cette mme tude que lorsque lemployeur conteste lavis du mdecin du travail, cest dans 70% des cas parce quil ne comprend pas lavis du mdecin du travail. Enfin, et cette indication est intressante, selon les donnes de la rgion Bretagne concernant 2014, aucune contestation ne provient demployeur ou salari dune entreprise disposant dun service autonome de mdecine du travail. Ce qui laisse penser que, dans ces entreprises, les difficults se rsolvent par des changes entre le mdecin du travail et lemployeur.

    [79] Les dcisions des inspecteurs du travail rendues sur ces contestations des avis des mdecins du travail peuvent faire lobjet dun recours hirarchique devant le ministre charg du travail ou dun recours contentieux.31

    Tableau 2 : Evolution du nombre des recours hirarchiques contre les dcisions des inspecteurs du travail

    2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014

    Nb 45 49 32 34 59 67 72 48 77 83 121 137 177 179

    Source : DGT

    [80] Sur la longue priode, le nombre de ces recours a t multipli par quatre. Il nest pas impossible que cette progression soit en cours de stabilisation, ce que semblerait indiquer le rapprochement du chiffre des recours hirarchiques de 2014 et des quelques lments cits ci-dessus sur la stabilisation, voire la baisse des contestations des avis des mdecins du travail dans deux rgions.

    [81] Il reste que le nombre de ces recours, qui sont traits par la Direction gnrale du travail (DGT), constitue une charge non ngligeable, et, ce, dautant que la valeur ajoute de leur traitement par ladministration est faible et intervient tardivement.

    1.2 Un systme de suivi de ltat de sant des salaris au travail qui montre ses limites

    [82] La rforme de 2011 a contribu une volution de la mdecine du travail en la resituant dans une logique globale de sant au travail. La mission, lors de ses auditions, a pu constater que ces changements sont globalement jugs de faon positive par la plupart des interlocuteurs. Beaucoup ont insist sur le caractre relativement rcent de cette rforme, tout en soulignant que certaines difficults ne seront pas rgles, quel que soit le degr de maturation de cette rforme.

    1.2.1 Une masse considrable de visites dembauche raliser dans des dlais trs contraints

    [83] La visite dembauche est obligatoire et doit avoir lieu au plus tard avant lexpiration de la priode dessai, except pour les salaris soumis une surveillance mdicale renforce (SMR) qui doivent en bnficier avant lembauche.

    31 Il ny a pas de donnes disponibles sur le nombre de recours forms devant les tribunaux administratifs. Le Conseil dEtat voque, pour ce qui le concerne, quelques affaires par an. En 2005, 21 recours devant les tribunaux administratifs avaient t recenss. Cit dans Aptitude et inaptitude au travail : diagnostic et perspectives. Janvier 2007 Herv Gosselin

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    [84] La loi de 2011 largit le champ de la visite dembauche32. Lexamen mdical dembauche a toujours pour finalit de sassurer que le salari est mdicalement apte au poste de travail auquel lemployeur envisage de laffecter, de proposer ventuellement les adaptations du poste ou laffectation dautres postes et de rechercher si le salari n'est pas atteint d'une affection dangereuse pour les autres travailleurs. Mais cet examen vise galement informer le salari sur les risques dexposition au poste de travail et le suivi mdical ncessaire ainsi qu le sensibiliser sur les moyens de prvention mettre en uvre.

    [85] Une dispense de visite dembauche est possible si le mdecin du travail dispose de la fiche daptitude du salari, le salari est appel occuper un emploi identique qui lexpose aux mmes risques professionnels et si aucune inaptitude na t reconnue lors du dernier examen mdical, sous rserve que cet examen ne soit pas trop ancien33.

    [86] Toutefois, cette dispense de visite dembauche ne peut pas avoir lieu si le mdecin du travail estime cette visite dembauche ncessaire ou si le salari en fait la demande. Elle ne sapplique pas pour les salaris bnficiant dune surveillance mdicale intressant certaines professions ou certains modes de travail ni aux salaris bnficiant dune SMR.

    [87] Ainsi, en termes de faisabilit, larticle R4624-12 du code du travail prcit laisse peu de place une relle minoration du nombre des visites dembauche. Mme pour un salari dont la situation permettrait en pratique une dispense de visite dembauche, le mdecin du travail doit tre en possession de la fiche daptitude prcdente et doit sassurer que le nouvel emploi prsente les mmes risques dexposition. Or, le mdecin du travail sera en difficult pour les juger identiques, sauf pour les salaris qui occupent exactement le mme emploi dans la mme entreprise. Cela fait donc beaucoup de conditions runir.

    [88] Larticle prcit soulve toutefois la question essentielle du suivi des risques dexposition tout au long du parcours de travail dun salari. En effet, parmi les missions des mdecins du travail figurent leur participation au suivi et leur contribution la traabilit des expositions professionnelles et la veille sanitaire34. Or, le suivi longitudinal des risques dexposition dun salari quand il change dentreprise et au cours du temps constitue un enjeu majeur de prvention des risques professionnels.

    [89] Un seul examen mdical dembauche est ralis en cas de pluralit demployeurs35, sous rserve que ceux-ci aient conclu un accord entre eux ou soient couverts par un accord collectif de branche prvoyant notamment les modalits de rpartition de la charge financire de la surveillance mdicale. Aucun chiffre na t port la connaissance de la mission pour quantifier lutilisation relle de ce dispositif.

    [90] Pour les intrimaires, le mdecin du travail dlivre une aptitude 3 emplois au maximum et non une aptitude des postes de travail. Il sagit demplois de mme nature ou relevant de qualification quivalente par opposition des postes de travail. Il ny a pas toujours lieu deffectuer un nouvel examen dembauche avant une nouvelle mission si les conditions suivantes sont runies dans leur ensemble36 :

    le mdecin a pris connaissance de la fiche daptitude antrieure (tablie conformment larticle R 4625-27, pour le compte de la mme entreprise de travail temporaire, ou bien pour le compte dune autre entreprise de travail temporaire),

    32 Des spcifiques existent pour les salaris des particuliers employeurs de gens de maison domicile et les VRP 33 Article R 4624-12 du code du travail 34 Article L 4622-2 du code du travail 35 Article R 4624-14 du code du travail 36 Article R 4625-10 du code du travail

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    laptitude ou lune des aptitudes reconnues lors de lexamen dembauche loccasion dune mission prcdente correspondent aux caractristiques du nouveau poste de travail,

    aucune inaptitude na t reconnue au cours des 24 derniers mois qui prcdent, si le salari est mis disposition par la mme entreprise de travail temporaire, ou aucune inaptitude na t reconnue au cours des 12 mois prcdents en cas de changement dentreprise de travail temporaire.

    [91] Cette dispense de visite dembauche suppose que le travailleur ne demande pas un nouvel examen et que le mdecin nestime pas celui-ci ncessaire, au vu des risques mentionns par lentreprise de travail temporaire.

    [92] Des dispositions particulires concernent les saisonniers37. Le travail saisonnier se caractrise par l'excution de tches normalement appeles se rpter chaque anne, des dates peu prs fixes, en fonction du rythme des saisons (rcolte, cueillette) ou des modes de vie collectifs (tourisme). Cette variation d'activit doit tre indpendante de la volont de l'employeur.Sont notamment concerns le secteur agricole, les industries agroalimentaires et le tourisme.

    [93] Pour les saisonniers, recruts pour une dure au moins gale 45 jours de travail effectif, un examen mdical dembauche est obligatoire, sauf en ce qui concerne les salaris recruts pour un emploi quivalent ceux prcdemment occups, si aucune inaptitude na t reconnue lors du dernier examen mdical intervenue au cours des 24 mois prcdents.

    [94] Pour les salaris saisonniers recruts pour une dure infrieure quarante-cinq jours, le service de sant au travail, le plus souvent, lquipe pluridisciplinaire de sant au travail, organise des actions de formation et de prvention. Ces actions peuvent tre communes plusieurs entreprises.Le comit dhygine, de scurit et des conditions de travail est consult sur ces actions.

    [95] Le nombre des dclarations pralables lembauche (DPAE) que lemployeur adresse lURSSAF ou la Mutualit sociale agricole (MSA), selon le rgime dont il relve permet une premire approche trs grossire du nombre de visites mdicales dembauche raliser. En 2014, lURSSAF a reu, hors intrim, 22,26 millions de DPAE au niveau national hors secteur agricole dont 2,962 millions de Contrat dure indtermine (CDI). A cela il convient galement dajouter 16,5 millions de contrats dintrim.

    [96] Ces chiffres tmoignent de la masse considrable des visites dembauche raliser en thorie, mme si le nombre des DPAE nest pas directement quivalent aux visites dembauche raliser du fait notamment des dispenses permises par larticle R4624-12, dont nous avons soulign les limites.

    [97] En outre, ces visites dembauche doivent tre ralises dans des dlais qui prennent peu en compte la multiplication de contrats de courte, voire de trs courte, dure. Ainsi, entre 2000 et 2010, le nombre total de dclarations dembauche (hors intrim) a progress de 41,7 %, avec une forte croissance des contrats de moins dun mois (+88,1%) et notamment des Contrats dure dtermine (CDD) de moins dune semaine (+120,2%)38. En 2014, lACOSS comptabilisait 15,87 millions de CDD de moins dun mois.

    37 Article D 4625-22 du code du travail 38 Etude n143, dcembre 2011, ACOSS stat

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    [98] Le bilan 2013 des conditions de travail39 montre une relative stabilit de la part des visites dembauche par rapport lensemble des visites ralises par les mdecins du travail entre 2011et 2012, y compris par type de Services de sant au travail (SST), hors secteur agricole. Elles reprsentent en 2011 et 2012 respectivement 30% et 29% de la part des visites effectues soit 2,8 millions.

    [99] Ce chiffre se situe cependant en de du nombre de visites effectues compte tenu des donnes manquantes pour certaines rgions. Toutefois, mme en majorant fortement le chiffre de 2,8 millions, il reste sans commune mesure avec le nombre de visites dembauche raliser.

    [100] En outre, raliser cette visite dembauche suppose que le SST soit inform de la dclaration dembauche par lemployeur. Or, le SST nest pas toujours destinataire de la DPAE. Plusieurs interlocuteurs ont soulign les problmes de circuit dinformation entre employeur, URSSAF et SST et la ncessit de le simplifier. [101] Enfin, les Services de sant au travail interentreprises (SSTI) prennent en plus rgulirement en charge des agents des trois fonctions publique. A titre dillustration, 6% des effectifs suivis par les SSTI sont des agents de la fonction publique en rgion Provence Alpes Cte dAzur (PACA). Selon le rapport sur la mdecine de prvention dans les trois fonctions publiques40, les SSTI participent largement la ralisation des visites dembauche et des visites priodiques pour les agents de la fonction publique. Le Centre interservices de sant et de mdecine du travail en entreprise (CISME) estime que les SSTI prennent en charge environ 500 000 agents des fonctions publiques41. 1.2.2 Un suivi de ltat de sant chronophage rythm par des textes

    rglementaires et des agrments dconnects des besoins de sant

    1.2.2.1 Des textes rglementaires qui conduisent un suivi priodique de ltat de sant des salaris irralisable et non adapt aux rels besoins

    [102] Les modalits de suivi de ltat de sant des salaris sont aujourdhui dfinies par des textes rglementaires. La surveillance mdicale simple42 prvoit que le salari bnficie dexamens mdicaux priodiques, au moins tous les vingt-quatre mois, par le mdecin du travail. La rforme de 2011 et ses textes dapplication43 offrent une souplesse dans ce domaine par le biais des agrments qui peuvent prvoir, sous rserve dassurer un suivi adquat de la sant du salari , dexcder la priodicit de vingt-quatre mois, lorsque sont mis en place des entretiens infirmiers et des actions pluridisciplinaires annuelles et, lorsquelles existent, en tenant compte des recommandations de bonnes pratiques existantes.

    [103] En ce qui concerne la surveillance mdicale renforce, hormis pour les travailleurs exposs aux rayonnements ionisants en catgorie A qui doivent tre vus tous les ans, ces mmes possibilits dassouplissement existent avec, en complment, la ncessit dinclure dans la surveillance au moins un ou des examens de nature mdicale selon une priodicit n'excdant pas vingt-quatre mois .44

    39 Bilan 2013, conditions de travail, Conseil dorientation sur les conditions de travail, DGT, Ministre du travail, de lemploi, de la formation professionnelle et du dialogue social 40 Rapport dj cit 41 CISME Contribution aux travaux de la mission 15 janvier 2015 42 Article R 4624-16 du code du travail 43 Dcret n 2012-135 du 31 janvier 2012 44 Article R4624-19 du code du travail

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    [104] Pour les travailleurs de nuit, larticle L3122-42 du code du travail prvoit que travailleur de nuit bnficie, avant son affectation sur un poste de nuit et intervalles rguliers dune dure ne pouvant excder six mois par la suite, dune surveillance mdicale particulire, dont les conditions dapplication sont dtermines par dcret en Conseil dEtat.

    [105] Les critres qui ont conduit considrer les situations listes par larticle R4624-18 comme relevant dune surveillance mdicale renforce et la dfinition de la priodicit des visites reposent davantage sur des consensus des partenaires sociaux que sur des justifications de nature mdicale.

    [106] A titre dillustration, sagissant des situations qui ncessitent un suivi mdical renforc, lexposition au bruit a t cite plusieurs reprises la mission comme non pertinente.

    [107] Sur la priodicit, lobligation de visite tous les six mois pour les travailleurs de nuit est apparue plusieurs des interlocuteurs de la mission comme un exemple de mesure nallant pas dans le sens de la prvention de laltration de ltat de sant.

    [108] Le suivi priodique des salaris tel quil est organis actuellement constitue, en effet, une part importante de lactivit des mdecins du travail, au dtriment dautres actions quils ne peuvent mener bien.

    [109] Le bilan prcit prcise que le nombre total davis rendus par les mdecins du travail en 2012 slve 9 453 344 pour 20 rgions tudies (donnes issues des rapports dactivit des mdecins du travail RAM).

    [110] La part des visites priodiques ralises par les mdecins du travail est de 52%45.

    [111] Ce bilan souligne une relative stabilit de la part des visites priodiques, hors secteur agricole entre 2010, 2011 et 2012, respectivement 51%, 50% et 52% pour lensemble Services de sant au travail autonomes (SSTA) et SSTI. Cette stabilit est galement constate par type de SST.

    [112] En 2012, la part de ces visites priodiques est proportionnellement plus importante pour les SSTA (60%) que pour les SSTI (51%). Cette diffrence tait dj observe en 2011, respectivement 57% pour les SSTA et 49% pour les SSTI.

    [113] Le bilan des conditions de travail 2013 souligne galement la hausse des visites dans le cadre de la SMR, tant dans les SSTI que dans les SSTA.

    [114] La masse de visites priodiques raliser est l aussi considrable. 3,5 millions de salaris sont concerns par le travail de nuit46, la priodicit des visites mdicales tant fixe 6 mois, cela conduit 7 millions de visites mdicales. A cela, sajoutent les visites mdicales priodiques pour les travailleurs actifs occups de moins de 18 ans, les travailleurs handicaps et les visites mdicales annuelles correspondant aux autres situations ncessitant une SMR.

    [115] Bien que les mdecins du travail consacrent une part importante de leur activit aux visites priodiques, ils ne peuvent satisfaire toutes les obligations rglementaires. Cest face ce constat que la possibilit de modulation de la priodicit des visites mdicales a t prvue dans le