Medecine legale et biologie F:ditorial

MI DECI N E LI GALE, ET BIOLOGIE

CRIMINALISTIQUE

Paul Lafargue a

I I y a maintenant plus de 13 ans, le numero d'octobre 1993 de notre revue etait entierement consacre & de nouvelles disciplines de la biologie, disciplines appliquees & une activite en

pleine expansion : la criminalistique.

A I'epoque, Directeur de I'lnstitut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), nous avions pense que nos collegues biologistes, qu'ils exercent en milieu public ou wive, ne pouvaient qu'etre interesses par des articles concernant le developpement et la mise en oeuvre de I'entomologie, de la thanatologie ou de la reconstitution faciale, pour ne citer que quelques applications de ce vaste domaine scientifique mis & la disposition de la justice.

En effet, chacun s'accorde & reconnaTtre que, de nos jours, I'intime conviction du magistrat n'est plus suffisante pour instruire et conclure un dossier et que des preuves scientifiques auraient tres vraisemblablement, si elles avaient et6 alors disponibles, evit6 ce qui nous paraft 6tre aujourd'hui des erreurs qui ont porte prejudice & la credibilite de la justice.

Les sciences criminelles* sont devenues de nos jours incontournables, du debut de I'enquete sur la scene de crime jusqu'au rendu du verdict et, bien entendu, tout au long de I'instruction.

C'est la raison pour laquelle, et compte tenu du succes rencontre par le numero d'octobre 1993, il nous a paru interessant de coordonner & nouveau un numero entierement consa- cre & ce vaste sujet. Pour ce faire, nous avons demande & nos amis, le Colonel Jacques Hebrard, actuel directeur de I ' IRCGN et au Pr Ivan Ricordel, directeur du Laboratoire de toxi- cologie de la Prefecture de police de Paris, de bien vouloir nous aider & elaborer un numero special, dont les articles puissent interesser nos lecteurs et satisfaire leur legitime curiosite. Notre souhait a ete exauce au-del& de notre esperance. En effet, ils nous ont fait parvenir six projets d'articles d'excellente facture, que le Comite de lecture de notre revue a accep- tes pour publication dans ce numero special.

Le premier article est consacre & I 'entomolog ie m~dico-I~gale. Awes un rappel des modi- fications que subit un cadavre et le rble successif des huit especes d'insectes dans sa mind- ralisation, des cas concrets sont rapportes. Les auteurs developpent ensuite I'apport de la biologie moleculaire & I'identification de I'ADN humain contenu dans le tractus digestif des larves, ainsi que le developpement de I'entomotoxicologie. En effet, I'experience montre que les larves concentrent les xenobiotiques, ce qui a pour consequence une modification du cycle des insectes et pour interet de faciliter I'identification des toxiques. Enfin, est rappele le r61e des parametres environnementaux qui, par I'etude attentive de I'apparition successive de dif- ferents insectes sur le cadavre, correlee aux donnees meteorologiques, permettent une approche pertinente du delai post mortem ecoule.

* On les appelle parfois ,, sciences forensiques ,, de I'anglais forensic, equivalent de notre terme ,, medecine I~gale ,,.

a President du Conseil scientifique Revue Francophone des Laboratoires lafargue.PM@wanadoo.fr

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Revue Francophone des Laboratoires, mai 200?, N ° 392 21

M~decine legale et biologie

Le deuxieme article traite de la thanatologie moderne. Apres une mise au point concer- nant I'approche moderne de la thanatologie, I'auteur dresse les perspectives d'avenir de cette discipline. Son experience le mene & poser la question du moment et des conditions de son intervention, Iors de la levee des corps sur la scene de crime.

Sans se vouloir un cours de medecine legale, les reflexions et I'experience de I'auteur sont sources de precieux renseignements quant & son rele dans I'enquete et rappellent que I'au- topsie medico-legale est un ,, acte qui ne se recommence pas ,,. C'est egalement un acte qui rev~t un aspect pluridisciplinaire faisant intervenir, & cSte de la radiologie, de I'histolo- gie, de la toxicologie, de I'odontologie, des specialites moins connues du grand public telles que I'anthropologie, I'osteo-anthropologie, la paleopathologie, la reconstitution faciale... A I'issue d'un incendie, de multiples questions sont posees & I'expert. En effet, il lui faudra justifier le lieu du point de depart de I'incendie, sa progression, son extension, sa nature accidentelle ou volontaire. Dans ce dernier cas, il devra apporter des elements de preuve qui permettront de confondre I'auteur.

C'est & travers une demarche rationnelle, qui va de I'observation sur site aux resultats des examens physico-chimiques pratiques sur des prelevements, qu'il sera possible d'apporter une explication aux causes de I'incendie, sans negliger la prise de mesures conservatoires indispensables qui pourront ~tre exploitees par d'autres experts (empreintes digitales, traces biologiques...). Mises & la disposition de la justice depuis la fin du 19 e siecle, les empreintes digitales consti- tuent toujours une preuve largement utilisee en criminalistique. La dactyloscopie met en oeuvre de nombreuses methodes de revelation qui sont presentees et dont I'inter~t est discute par I'auteur. A cSte de leur utilisation Iors d'affaires criminelles, elles sont egalement mises & contri- bution pour I'identification d'un cadavre, ce qui necessite parfois de devoir redonner aux doigts, gr&ce a des techniques appropriees, un aspect proche de leur etat ante mortem. Lorsque nous avons participe en 1992 & la creation de la Cellule d'identification des victimes de catastrophes (CIVC), qui repondait a. une necessite devenue evidente - I'accident aerien du Mont Saint-Odile I'a rapidement prouve - nous n'avions pas pense que, quelques annees plus tard, sa ,, grande soeur >>, I'Unit¢~ gendarmerie d'identification des victimes de catas- trophes (UGIVC) deviendrait un modele dans le monde entier. Cette unite operationnelle et pluridisciplinaire necessite, bien entendu, pour son parfait fonc- tionnement, une organisation sans faille et une tres grande qualification de ses personnels. Apres un rappel de ses missions et de ses caracteristiques, les auteurs decrivent la metho- dologie generale raise en oeuvre pour I'identification des victimes et illustrent I'activite de cette structure tres originale et performante de deux exemples parmi une trentaine d'interventions : le crash a6rien du Concorde d'Air France a Gonesse (113 victimes) et le tsunami en Thalllande (plusieurs milliers de victimes, dont 90 fran?aises). Cette derniere catastrophe a montr6, en collaboration avec les specialistes de la police nationale, I'inter~t de disposer d'une telle struc- ture qui ne s'improvise pas et I'excellence de son action, unanimernent reconnue. Enfin, le dernier article est consacre a la recherche des c a u s e s toxiques des morts sus- pectes dans le cadre de rapplication de I'article 74 du Code de proc6dure p6nale (CPP). Apres un rappel des differentes methodologies raises en oeuvre, du point de vue ana- lytique et de Particle 74 du CPP, les auteurs decrivent les principales substances recherch~es : medicaments, stupefiants, substances volatiles, metaux et metallo'fdes. Bien que les metho- dologies mises en oeuvre soient identiques a celles habituellement utilisees dans les labo- ratoires de toxicologie, les analyses pratiquees sur les milieux biologiques post mortem pre- sentent de nombreuses particularites, ce qui necessite, au prealable, un traitement adapte des prelevements avant examen. Enfin, les auteurs n'oublient pas d'insister sur la necessaire et imperieuse maTtrise de la qualite dont depend la credibilite des resultats fournis et sans laquelle ces derniers perdent toute signification et donc tout inter~t.

Nous souhaitons que ce numero special de la RFL, qui traite, & premiere vue, de preoccu- pations apparemment eloignees de celles, quotidiennes, de nos confreres biologistes medi- caux, rencontre le m~me succes que celui de 1993 et apporte la preuve que la biologie deborde largement le champ des preoccupations de la physiopathologie, pour embrasser les domaines les plus divers de I'activite humaine, tout en conservant sa signification etymologique.

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