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L’agriculture urbaine comme réponse à une crise : l’exemple de la ville de Detroit, Michigan 2013 – 2014 Camille GELLIN Mémoire de 3 ème année Sous la direction de M. Michel Favory Professeur des Universités de Géographie, Aménagement de l’Espace et Urbanisme

Mémoire AU Camille Gellin

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  • Lagriculture urbaine comme rponse une crise : lexemple de

    la ville de Detroit, Michigan

    2013 2014

    Camille GELLIN

    Mmoire de 3me anne

    Sous la direction de M. Michel Favory Professeur des Universits de Gographie, Amnagement de lEspace et Urbanisme

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    Sommaire SOMMAIRE ........................................................................................................ 2

    REMERCIEMENTS ............................................................................................ 4

    RESUME MOTS CLES .................................................................................... 5

    INTRODUCTION ................................................................................................ 6

    1ERE PARTIE : UNE CRISE URBAINE DURABLE QUI EXPOSE

    INEGALEMENT LES INDIVIDUS A LINSECURITE ALIMENTAIRE ....... 9

    1. LA DECADENCE DUNE VILLE POST-INDUSTRIELLE ....................................... 10

    1.1. Ingalits et exode urbain : les mutations de la population ................. 11

    1.2. De la dsindustrialisation aux terrains vacants : lvolution du paysage

    urbain .......................................................................................................... 12

    2. DETROIT, EXEMPLE TYPE DU FOOD DESERT AMERICAIN ? ............................. 15

    2.1. Dfinition et application au cas de Detroit ......................................... 15

    2.2. Un accs ingal lalimentation au dtriment des communauts afro-

    amricaines .................................................................................................. 17

    2EME PARTIE : LAGRICULTURE URBAINE A DETROIT, ENTRE

    RESILIENCE ET RESISTANCE ..................................................................... 20

    1. HISTOIRE ET ACTEURS DE LAGRICULTURE URBAINE A DETROIT ................... 21

    1.1. Un recours cyclique lagriculture urbaine dans lhistoire de la ville 21

    1.2. Une typologie des formes et des acteurs : la mise en valeur du

    fonctionnement associatif et communautaire ................................................ 23

    2. D-TOWN FARM : UN PROJET, TROIS OBJECTIFS ............................................. 24

    2.1. Regagner le contrle de ses choix alimentaires pour mieux se nourrir 25

    2.2. Eduquer, sensibiliser et informer ........................................................ 27

    2.3. Restaurer le lien communautaire et revitaliser les quartiers ............... 29

    3EME PARTIE : PLUS QUUNE SOLUTION DURGENCE, INTEGRER

    LAGRICULTURE URBAINE DANS UN MODELE DE LONG TERME :

    LES DEFIS DE MISE EN PLACE ET DE RECONNAISSANCE ................... 31

    1. VERS UN NOUVEAU MODELE DAGRICULTURE URBAINE ? ............................. 31

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    1.1. Lvolution rcente vers un cadre lgal de lutilisation des sols .......... 32

    1.2. Dont think a farm with tractors. Thats old : enjeux et dbats

    autour du projet de ferme urbaine industrielle de John Hantz ...................... 34

    2. QUELLES PERSPECTIVES ? ........................................................................... 36

    2.1. Homogniser loffre de nourriture en centre-ville : concilier

    agriculture urbaine et supermarchs ............................................................ 37

    2.2. Un Urban Agriculture Homestead Act pour Detroit ? ......................... 38

    CONCLUSION .................................................................................................. 40

    BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................. 42

    TABLE DES ILLUSTRATIONS ....................................................................... 45

    TABLE DES ANNEXES .................................................................................... 46

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    Remerciements

    Je remercie M. Michel Favory, pour avoir accept de diriger mon mmoire et

    mavoir guide lors mes recherches.

    Je tiens aussi remercier ma mre, Isabelle Chauvet, de mavoir la premire fait

    dcouvrir les jardins urbains de Detroit et mavoir encourage, travers lintrt

    quelle a port mes travaux.

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    Rsum mots cls

    Rsum :

    La ville de Detroit, Michigan connait depuis les annes 1950 tous les symptmes

    de la crise urbaine. Comme de nombreuses villes de la Rust Belt, elle fait face la

    dsindustrialisation de son centre ainsi qu un dclin et une pauprisation de sa

    population. Ce contexte a favoris lmergence de zones dinscurit alimentaire,

    parfois appeles food desert, o laccs aux produits frais (fruits et lgumes

    notamment) est particulirement difficile, notamment pour les populations les plus

    vulnrables. Lagriculture urbaine est une des solutions adoptes par les habitants

    de Detroit pour ragir cette situation. Les jardins communautaires se sont

    multiplis depuis une priode rcente, mais ce ne sont pas les seules structures

    existantes. Les bnfices attendus vont bien au-del de la simple production

    agricole, comme le montre lexemple de la D-Town Farm. Lavenir et la durabilit

    de lagriculture urbaine dpendront de la trajectoire choisie par les pouvoirs

    publics, les entrepreneurs et les communauts de Detroit.

    Mots cls :

    Detroit Agriculture urbaine Ingalits Ville Crise Communaut

    Dsindustrialisation Jardins Supermarchs Inscurit alimentaire Pratiques

    alternatives - Durabilit

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    Introduction

    Detroit and Michigan are ground zero of the urban crisis .

    Le 28 aot 2010, sur fond de crise conomique et de fermetures dusines, le

    Rvrend Jesse Jackson sadressait une foule de travailleurs au Grand Circus

    Park de Detroit. Son appel laide a t entendu par le Prsident des Etats-Unis

    mais les plans de sauvetage proposs par Barack Obama nont pas suffi sauver

    General Motors et Chrysler, deux entreprises automobiles emblmatiques de la

    ville de Detroit, aggravant donc le taux de chmage, aujourdhui proche de 25%.

    Bien quelles ne datent pas seulement de la crise de 2008, les difficults

    conomiques ont aussi mis mal les finances de la ville. Lincapacit de la

    municipalit rgler les problmes financiers structurels a justifi la mise sous

    tutelle de la ville par lEtat du Michigan en mars 2013. En qualit dEmergency

    Financial Manager (EMF), Kevyn Orr pouvait donc intervenir et prendre des

    dcisions sans consultation, dans les domaines cruciaux de la finance et de la

    fiscalit, mais sa nomination na pas empch, seulement quelques mois aprs, la

    faillite de la ville, dont la dette cumule slevait environ 18 milliards de

    dollars1. En dcembre 2013, Detroit est donc devenue la plus grande ville des

    Etats-Unis se placer sous le rgime des faillites. La mise sous tutelle de la ville a

    t vcue par les habitants et les responsables locaux comme une humiliation et

    une perte de souverainet dans de nombreux domaines. Car si Detroit est bien une

    ville dmocrate (Obama y avait remport 97% des suffrages en 2008), lEMF a lui

    t nomm par Rick Snyder, Gouverneur rpublicain de lEtat du Michigan.

    Ces rebondissements rcents sinscrivent dans une crise globale dont Detroit

    narrive pas sortir depuis que la ville est entre dans la spirale de la

    dsindustrialisation partir des annes 1950. Limage de Detroit na cess de se

    dgrader, passant de Motor City Murder City . Le centre-ville a tout perdu

    de sa grandeur et abrite dsormais un ensemble de btiments abandonns et en

    1 LAUER Stphane, Detroit autorise se placer en faillite, 3 dcembre 2012: http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2013/12/03/detroit-autorisee-a-se-placer-en-faillite_3524805_3222.html

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    ruine qui lui confrent parfois des airs apocalyptiques. La dcadence de Detroit

    attire les journalistes et mmes des touristes qui sadonnent sans complexe la

    photographie des btiments en dcomposition, pratique rebaptise ruin porn. Deux

    photographes franais, Yves Marchand et Romain Meffre, ont rcemment publi

    un recueil intitul The ruins of Detroit 2 : aux cts de la tristement clbre

    Michigan Central Station, gare traverse pour la dernire fois en 1988 avant dtre

    laisse labandon, les auteurs exposent les photos de btiments ravags, sans

    me, les vestiges dune ville autrefois prospre, aujourdhui relgue la 18me

    place dans le classement des villes amricaines en termes de population.

    Cest dans ce contexte dnu de perspectives optimistes que sest dvelopp un

    engouement pour lagriculture urbaine. Cette notion soulve a priori des

    contradictions que John Gallagher note dans son ouvrage de 2010 :

    We expect farmers to grow crops out in the countryside or perhaps on

    the urban fringes where a few pumpkin patches or apple orchards

    survived the onslaught of the bulldozers. Cities, on the other hand, are

    filled with asphalt and concrete and tall buildings and traffic jams.

    The urban farms that we see sprouting in cities across America today

    (and elsewhere in the world) strike many people as curiosities,

    perhaps akin to the plants we see growing up out of the cracks in

    sidewalks, or those trees that famously grow on the rooftops of

    Detroits abandoned auto factories.3

    La notion dagriculture urbaine rassemble, dans sa dfinition la plus large, toute

    culture de vgtaux dans un environnement urbain. Elle traduit le souhait de

    rapprocher la production alimentaire et agricole du consommateur urbain, de

    revenir des circuits courts ou locaux, un retour que prconise notamment lItalien

    Alberto Magnaghi dans Le projet local. Cette logique soppose la chane

    2 http://www.marchandmeffre.com/detroit/ 3 GALLAGHER John, Reimagining Detroit: Opportunities for Redefining an American City,

    Wayne State University Press, Detroit, 2011 p. 42

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    dapprovisionnement classique, qui sest complexifie et allonge en mme temps

    que les villes se sont dveloppes, souvent au dtriment de la qualit des produits

    et donc du consommateur :

    The sheer tonnage of food that must be transported daily to supply a citys

    residents is stunning. Food products typically travel between 1,500 and

    2,500 miles from farm to plate, as much as 25 percent farther than food

    products traveled in 1980. Fruits and vegetables shipped from distant states

    and countries can spend as many as seven to fourteen days in transit before

    arriving in the supermarket. Almost 50% of the food transported is lost to

    spoilage. Most fruit and vegetable varieties sold in supermarkets are chosen

    for their ability to withstand industrial harvesting equipment and extended

    travel, not for their taste or nutritional quality4.

    Ce schma dapprovisionnement semble tre rompu dans le cas de Detroit : peu de

    points de vente offrent la possibilit de consommer quotidiennement des fruits et

    lgumes frais, ce qui a forcment un impact ngatif sur la sant de la population.

    En 2009, 70% des habitants de Detroit taient en situation dobsit ou de surpoids

    selon une enqute du Michigan Department of Community Health5. La crise de

    2008 a contribu encore plus dgrader laccs lalimentation, un risque qui se

    superpose ceux du chmage et de la pauvret et rend extrmement vulnrable une

    partie de la population.

    En quoi lagriculture urbaine peut-elle apporter une rponse durable la

    situation dinscurit alimentaire dont souffre Detroit ?

    Aprs avoir tudi les facteurs contribuant depuis longtemps linscurit

    alimentaire, nous verrons sous quelles formes lagriculture urbaine tente dy

    apporter une rponse. Enfin, nous parlerons des perspectives envisageables pour

    lintgrer dans un modle durable.

    4 Community Food Security Coalitions North American Urban Agriculture Committee, Urban

    Agriculture and Community Food Security in the United States: Farming from the City Center to the

    Urban Fringe p. 4 5 http://www.essence.com/2009/12/11/an-oasis-in-the-food-desert/

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    1re Partie : Une crise urbaine durable qui expose ingalement les individus linscurit alimentaire

    Detroit connat aujourdhui un taux de chmage denviron 25%, et 32,5% de sa

    population vit sous le seuil de pauvret6. Cette description tranche avec limage

    que renvoyait Detroit dans les annes 1950, alors surnomme l arsenal de la

    dmocratie ou encore Motor City, en rfrence lindustrie automobile et aux

    Big Three (Ford, General Motors et Chrysler), qui faisaient de leurs salaris les

    cols bleus les mieux pays des Etats-Unis. Entre 2007 et 2009, ces trois industriels

    ont ferm 59 de leurs usines. La crise que traverse Detroit ne date pas de 2008, et

    les difficults conomiques ne font quaggraver une dgradation amorce ds les

    annes 1950 avec le processus de dsindustrialisation, comme le rappelle Thomas

    Sugrue dans son introduction7. Depuis, Detroit est passe par les diffrentes tapes

    de la crise urbaine telle que la dfinit Flaminia Paddeu :

    En 1950, crise urbaine signifiait rarfaction des populations des

    centres-villes au bnfice des banlieues, augmentation du chiffre des

    populations minoritaires dans les villes et de celui des zones de taudis ainsi

    que crise des valeurs immobilires. En 1970, il voquait, outre les

    problmes sociaux (racisme, misre et dlabrement des logements), le

    chaos politique et linterruption des investissements immobiliers dans les

    centres- villes. () Dans lAmrique postindustrielle actuelle, le concept

    de crise urbaine est utilis pour dcrire ltat de nombreux quartiers

    dfavoriss des centres-villes amricains. () La rsidence en centre-ville,

    la race, le chmage et la pauvret sont devenus les caractristiques

    6 DIAMOND Andrew et DURKHEIM Vera, De l'arsenal de la dmocratie au parc thme apocalyptique : pauvret et impuissance Detroit, Outre-Terre, 2013/3 N 37, p. 93

    7 SUGRUE Thomas, The Origins of the Urban Crisis: Race and Inequality in Postwar Detroit, Princeton University Press, 1 Edition, Princeton, 1998, p. 6

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    indissociables de cette crise urbaine.8

    En plus dtre durable, cette crise est, selon lauteur, une crise multiforme

    qui englobe les aspects conomiques, financiers, politiques, immobiliers et urbains

    de la ville. A cela se rajoutent des ingalits raciales qui se manifestent non

    seulement dans le monde du travail, dans le domaine du logement mais aussi dans

    laccs lalimentation. Labsence suppose de supermarchs a contribu

    associer Detroit la notion de food desert. Des habitants de Detroit ont refus ce

    terme, certains allant mme jusqu recenser et photographier tous les points de

    vente alimentaire de la ville, mais derrire cette contestation se cachent de

    profondes disparits et des problmes encore non rsolus.

    1. La dcadence dune ville post-industrielle

    Detroit possde toutes les caractristiques dune shrinking city, une ville qui

    rtrcit, linstar dautres villes de la Rust Belt (lancienne Manufactoring Belt

    aujourdhui rebaptise ceinture de rouille ) comme Cleveland (Ohio), Pittsburgh

    (Pennsylvanie) ou encore Chicago (Illinois). Detroit, the nations poster city for

    urban dystopia 9 ou encore poster child of urban decay 10 : John Gallagher ne

    mche pas ses mots pour qualifier ltat de la ville aujourdhui. Le dclin la fois

    dmographique, conomique et social a profondment marqu la structure de la

    socit, de sa population aux paysages urbains.

    8 PADDEU Flamina, Faire face la crise conomique Detroit: les pratiques alternatives au service de la rsilience urbaine, L'Information gographique, 2012/4 Vol. 76, p. 125 9 GALLAGHER John, Reimagining Detroit: Opportunities for Redefining an American City, op. cit. p. 1 10 Ibid, p. 26

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    1.1. Ingalits et exode urbain : les mutations de la population

    La premire vague darrive massive dAfro-Amricains Dtroit date du

    lendemain de la Seconde Guerre Mondiale et correspond une tendance globale

    pendant laquelle un grand nombre de Noirs amricains ont migr vers le Nord,

    attirs par de meilleures opportunits demplois et chappant aux Jim Crow Laws.

    La ralit sest avre toute autre et Detroit, ville pourtant plus librale que les

    Etats du Sud, ils se sont rapidement retrouvs confronts une forte sgrgation.

    Pour T. Sugrue, the labor and housing market of the postwar city became arenas

    where inequality was shaped ans contested 11 : en effet, les salaris Noirs

    amricains ont d faire face la rsistance des syndicats de travailleurs blancs qui

    les ont exclus de toute une frange demplois et les ont contraints accepter les

    tches les plus manuelles et les moins valorisantes. De mme, il sest opr une

    sgrgation rsidentielle sous la forme dune ghettosation et dune concentration

    de la pauvret en centre-ville.

    La dmocratisation de lautomobile et la construction dun rseau autoroutier

    dense a acclr le phnomne de White Flight, cest--dire la fuite de la

    population blanche vers les zones de banlieues. Un autre facteur expliquant la

    suburbanisation est directement li la dsindustrialisation du centre et au

    transfert des emplois, qui ont entran leur suite une partie de la population. On a

    ici affaire un cercle vicieux lorigine du racisme et des strotypes sur la

    population du centre-ville : la classe moyenne, par son dpart, a prcipit Detroit

    dans la crise et contribu la dgradation de lenvironnement urbain et sa

    pauprisation. Cet argument a ensuite t rutilis pour justifier le fait de ne pas

    revenir en centre-ville et a engendr un sentiment de dtachement vis--vis de ses

    habitants12.

    En 1960, on recensait Detroit une population de 1,8 million dhabitants ;

    11 SUGRUE Thomas, The Origins of the Urban Crisis: Race and Inequality in Postwar Detroit, op. cit. p. 67 12 STASZAK Jean-Franois, Dtruire Dtroit. La crise humaine comme produit culturel, in Annales de Gographie. 1999, t. 108, n607, p. 290

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    en 2000, il ny en avait que 951 000 et en 2010, 713 000. La ville a perdu

    plus de la moiti de sa population en un demi-sicle. En revanche, entre

    1960 et 2000, la population mtropolitaine de Detroit (ville et banlieue) est

    passe de 3,9 millions dhabitants en 1960 4,3 millions dhabitants en

    2010, suggrant quau moins une partie des gens qui ont quitt la ville se

    sont installs dans les banlieues trs aises de Detroit telles que Grosse

    Pointe, Ferndale ou Bloomfield Hills.13

    Detroit prsente toujours aujourdhui une structure en doughnut14 trs marque,

    caractrise par une opposition entre une priphrie peuple et dynamique et un

    centre enclav et dlaiss, dont la population en 2010 tait noire 84,3%, en

    faisant la ville avec le plus fort taux dAfro-Amricains des Etats-Unis15. On y

    retrouve les lments typiques dune crise urbaine moderne, savoir la perte de la

    moiti de sa population depuis 1950, et un centre-ville caractris par une

    population trs majoritairement noire ainsi quun seuil de pauvret et un taux de

    chmage particulirement levs. La crise de 2008 na fait quaccentuer ces traits,

    puisqu entre les deux recensements les plus rcents (2000-2010), Detroit a perdu 25

    % de sa population, indiquant une aggravation du dclin dmographique. La ville

    continue dcrotre et les prvisions pour Detroit voient sa population passer en

    dessous de la barre des 700 000 habitants 16.

    1.2. De la dsindustrialisation aux terrains vacants : lvolution du paysage urbain

    En 1999, cest ainsi que Jean-Franois Staszak dcrivait le centre-ville de

    Detroit, un paysage urbain () sinistr , une sorte de ville-fantme fige dans

    le temps et sans perspectives davenir : La moiti des gratte-ciel, au luxe arrogant

    13 PADDEU Flamina, Faire face la crise conomique Detroit: les pratiques alternatives au service de la rsilience urbaine , op. cit. pp.125-126 14 Notion dfinie dans STASZAK Jean-Franois, Dtruire Dtroit. La crise humaine comme produit culturel, in Annales de Gographie. 1999, t. 108, n607 (voir annexe 2) 15 U.S. Census, The Black Population 2010 16 PADDEU Flamina, Faire face la crise conomique Detroit: les pratiques alternatives au service de la rsilience urbaine , op. cit. p.125

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    des belles annes de lindustrie automobile, sont condamns. Les portes et les fentres

    des premiers tages en sont mures par des parpaings. Friches industrielles, immeubles

    incendis et terrains vagues trouent la continuit du bti. Les rues sont dfonces de

    nids de poule, lclairage de lespace public est plus que dficient. 17

    La dsindustrialisation et la fuite urbaine ont boulevers le paysage urbain de

    Detroit. Le dpart des industries et de ses travailleurs a laiss une partie des usines

    et des btiments vide et a aussi pour consquence majeure de rduire

    considrablement lassiette fiscale, dj fragilise par la pauprisation des

    habitants de cette zone. Cela sest surtout traduit par des coupes budgtaires

    importantes pour la municipalit et donc une rduction des services fournis par la

    mairie. Les btiments vacants ne peuvent pas tre dmolis faute de fonds

    suffisants, ni entretenus et sont donc laisss labandon. Le contraste avec la

    banlieue de Detroit nen est que plus saisissant :

    Alter Road, la route de lAutre , marque la fin de Dtroit et le

    commencement de la municipalit cossue de Grosse Pointe Park. Dans cet

    espace de confins, le paysage est passage, il porte la marque dune csure,

    dun partage: lest, les pelouses propres, les routes impeccables, et les

    arbres tts ; louest, les orties enttes, les ornires bantes et ce quil est

    encore possible de deviner dun bosquet darbres calcins.18

    On observe une dtrioration prcoce du parc immobilier. En 2006, le taux de vacance

    tait dj denviron 22% mais la crise des subprimes dmarre en 2007 a eu un impact

    particulirement fort sur Detroit puisque 67 000 proprits ont t abandonnes par

    leurs propritaires qui y ont t contraints, dont 65% restent encore inoccups 19. Le

    taux de parcelles vacantes est encore plus impressionnant puisquen 2010, 39,1% des

    terrains rsidentiels taient vides, les maisons ayant t dmolies, grce des

    17 STASZAK Jean-Franois, Dtruire Dtroit. La crise humaine comme produit culturel", op. cit. p. 280 18 POPELARD Allan, Detroit, catastrophe du rve, Hrodote, 2009, n 132, p. 208 19 PADDEU Flamina, Faire face la crise conomique Detroit: les pratiques alternatives au service de la rsilience urbaine , op. cit. p. 127

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    subventions fdrales au titre du Housing and Recovery Act vot en juillet 2008 20

    ou parfois mme brles dans le but dobtenir une compensation financire de la part de

    lassurance. Pendant longtemps, ces vacant lots ont t ignors par les propritaires ou

    par la municipalit (pour ceux qui lui appartenaient) et dans certains quartiers, o le

    taux de vacance tait bien au-del de 50%, la nature a repris ses droits. Avec une

    superficie gale celles de Manhattan, Boston et San Francisco runies, Detroit est

    donc devenue une ville trop grande pour sa population. Et si labandon de ces parcelles

    trouble les rapports sociaux en loignant les habitants dun quartier les uns des autres,

    ces terrains crent aussi un trs grand nombre dopportunits pour dvelopper

    lagriculture urbaine.

    20 Ibid, p. 127

    Figure 1 : Carte des terrains vacants, en pourcentage des parcelles rsidentielles (2010)

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    2. Detroit, exemple type du food desert amricain ?

    La notion de dsert alimentaire est souvent cite en rfrence la ville de

    Detroit et comme une nime consquence de la crise. Son interprtation a pu

    varier au sein des habitants et des universitaires et certains refusent demployer

    cette expression pour dcrire le centre-ville de Detroit. Cependant, les

    caractristiques de loffre alimentaire permettent de mettre en lumire une

    vritable situation dinscurit alimentaire, encore plus significative si lon

    lobserve travers le prisme des ingalits raciales et communautaires.

    2.1. Dfinition et application au cas de Detroit

    Food security is all persons in a community having access to culturally

    acceptable, nutritionally adequate food through local, non-emergency sources at all

    times.21 La situation dinscurit alimentaire nest pas propre la ville de Detroit. Elle

    renvoie, pour ce qui concerne les Etats-Unis, aux personnes qui mangent trop peu, sont

    obliges de sauter des repas ou davoir recours laide alimentaire cause de moyens

    financiers trop restreints. Pour quantifier laccs lalimentation, lapproche la plus

    souvent retenue est celle du food desert. Lexpression est apparue en Grande-Bretagne

    dans les annes 1990 avec le constat que le diabte et lobsit, ainsi que des maladies

    lies une mauvaise alimentation taient de plus en plus frquents.22 Ce concept a par

    exemple permis de mettre en relation la sant dun individu avec ses origines sociales et

    gographiques. Ce terme a commenc tre employ propos de la ville de Detroit

    aprs la fermeture de la dernire enseigne nationale de supermarch, Farmer Jack, en

    2007.

    This seems incrediblea city of nearly 1 million people without a

    supermarketbut its true. No A&P. No Meijers. Not even a Wal-Mart.

    Any Detroiters who want fresh store-bought fruits and vegetables or 21 Community Food Security Coalitions North American Urban Agriculture Committee, Urban Agriculture and Community Food Security in the United States: Farming from the City Center to the Urban Fringe, op. cit. p. 4 22 WALKER Samuel, Growing ideology: urban agriculture in Vancouver and Detroit, 2013, p. 13

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    wrapped meats have to get in their car and drive to the suburbs. That is, if

    they have a car.23

    Les medias et les chercheurs se sont rapidement empars de Detroit pour souligner la

    dtresse dans laquelle se trouvent ses habitants. En ralit, il existe encore des

    supermarchs, ou grocery stores en centre ville, mme sil ne sagit pas de chanes

    nationales. Une rapide recherche sur Google Maps avec le mot-cl supermarket en

    fait apparatre une vingtaine. En revanche, sur la carte apparaissent une multitude de

    points plus petits qui symbolisent les corner-shops, les convenience stores et les party

    stores ; ce sont ces magasins de proximit que lon retrouve le plus dans les quartiers de

    Detroit. Or, les produits quils proposent sont incompatibles avec un rgime alimentaire

    quilibr :

    The quality and quantity of food are lacking in small neighborhood

    stores. A study of all food stores in three low-income zip codes in

    Detroit found that only 19 percent, or fewer than one in five stores,

    carried a minimal "healthy food basket" (products based on the food

    pyramid).24

    Si lon prend en compte la dfinition que lUS Department of Agriculture donne des

    food desert, savoir une zone o au moins 500 personnes et/ou au moins 33% de la

    population concerne vit plus dun mile dun supermarch ou dun grand grocery

    store 25, il est alors possible de conclure que certains quartiers de Detroit sont bien des

    dserts alimentaires, mme si la ville dans sa globalit ne peut tre qualifie de la sorte.

    Selon Robert Linn, en 2010, ce terme recouvrait environ 10% de la ville, ce qui

    correspondait un ensemble de 90.000 habitants en situation dinscurit alimentaire26.

    23 LONGWORTH Richard, Forget Urban Farms. We Need a Wal-Mart, 7 janvier 2011 : http://magazine.good.is/articles/forget-urban-farms-we-need-a-wal-mart 24 Community Food Security Coalitions North American Urban Agriculture Committee, Urban Agriculture and Community Food Security in the United States: Farming from the City Center to the Urban Fringe, op. cit. p. 5 25 http://apps.ams.usda.gov/fooddeserts/foodDeserts.aspx 26 http://mapdetroit.blogspot.fr/2011/02/blog-post.html

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    17

    2.2. Un accs ingal lalimentation au dtriment des communauts afro-amricaines

    Puisque lassociation du terme food desert au cas de Detroit ne fait pas

    consensus, certains chercheurs ont dcid dtudier linscurit alimentaire en

    terme de food injustice , cest--dire une mauvaise rpartition de loffre

    alimentaire sur un territoire, au dtriment des populations les plus pauvres et des

    minorits. Cest un phnomne constat lchelle nationale selon le Food Trust,

    une organisation caritative :

    Accessing healthy food is a challenge for many Americansparticularly

    those living in low-income neighborhoods, communities of color, and rural

    areas.27

    Another multistate study found that eight percent of African Americans live

    in a tract with a supermarket, compared to 31 percent of whites.28

    Une tude de 2002 sur la ville de Detroit a montr de fortes disparits entre les

    quartiers majoritairement blancs et les quartiers composs en majorit dAfro-

    amricains. Cela se traduisait dabord par un dsquilibre du nombre de grands

    supermarchs entre le centre et la priphrie, caractrise par une classe moyenne

    blanche29, comme le montre le tableau suivant.

    27 TREUHAFT Sarah & KARPYN Allison, The Grocery Gap : Who has access to healthy and why it matters, Rapport de Food Trust & Policy Link, 2011 p. 9 28 Ibid, p. 7 29 ZENK Shannon, SCHULZ Amy, ISRAEL Barbara, JAMES Sherman, BAO Shuming & WILSON, Neighborhood Racial Composition, Neighborhood Poverty, and the Spatial Accessibility of Supermarkets in Metropolitan Detroit, American Journal of Public Health , 2005, Vol 95, No. 4

  • GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    18

    Figure 2 : Nombre de chanes de supermarchs, par type, Detroit et dans sa zone

    mtropolitaine (2002)

    Les auteurs ont aussi pu conclure que les mmes disparits existaient entre les

    quartiers les plus pauvres de composition ethnique diffrente. Ainsi, les habitants

    des quartiers noirs les plus dfavoriss taient en moyenne 1,1 mile plus loin

    dun supermarch que les habitants dun quartier blanc prsentant les mmes

    caractristiques socio-conomiques30. Ltude du Food Trust de 2010 arrive des

    conclusions similaires, mme si limplantation des supermarchs a volu : les

    Afro-Amricains de Detroit ont moins accs aux supermarchs (notamment les

    femmes) et doivent donc se contenter de produits de moins bonne qualit et de

    moins de produits frais, notamment les fruits et lgumes, ce qui a forcment des

    consquences sur leur niveau de sant.

    30 Ibid

  • GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    19

    La crise urbaine de Detroit prsente donc de nombreuses facettes qui se

    chevauchent et sadditionnent jusqu former des conditions de vie extrmement

    difficiles pour les habitants rests en centre-ville. La question des ingalits

    raciales est une variable commune tous les pans de la crise et a particip la

    formation dun sentiment dinjustice et dabandon, notamment concernant loffre

    alimentaire. Cest ce sentiment qui motive les logiques de rapprochement

    communautaire et, associ aux transformations spatiales, cre un contexte

    favorable au dveloppement de lagriculture urbaine dans de nombreux quartiers

    du centre-ville.

  • GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    20

    2me Partie : Lagriculture urbaine Detroit, entre rsilience et rsistance

    We havent given up. Detroit is resilient explique Mark Covington, le

    fondateur du Georgia Street Collective Garden31. Le concept de rsilience est

    emprunt la physique, mais peut aussi semployer dans le cadre de ltude dune

    crise urbaine :

    Adapte la gographie, la rsilience doit donc dsigner la capacit des

    systmes (sociaux, spatiaux, conomiques, etc.) se reproduire : elle

    nimplique pas la continuit sans changement mais la capacit dun enjeu

    se maintenir, voire intgrer, la perturbation son fonctionnement 32

    Lagriculture urbaine est lune des pratiques alternatives qui permettent

    aujourdhui aux habitants de Detroit de faire face aux consquences des crises

    successives et de rpondre au problme de laccs une alimentation saine.

    Lorganisation spatiale actuelle et la structure dmographique de la ville crent un

    terrain favorable au dveloppement de ce type dactivits qui, de plus, ont eu

    tendance se multiplier depuis la crise de 2008.

    Dans le mme temps, le fait dappartenir ce rseau de jardiniers est une forme de

    rsistance contre ceux qui ont longtemps contrl le processus de distribution

    alimentaire. En inventant un nouveau modle de consommation, les habitants de

    Detroit cherchent avant tout smanciper et affirmer leur identit au travers de

    projets valorisants.

    31 Alter-Echos, Detroit : Lagriculture urbaine, antidote la dsindustrialisation (court-mtrage documentaire) 32 PADDEU Flamina, Faire face la crise conomique Detroit: les pratiques alternatives au service de la rsilience urbaine , op. cit. p.

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    1. Histoire et acteurs de lagriculture urbaine Detroit

    Face la succession de crises qui caractrisent lhistoire rcente de Detroit,

    on observe des comportements similaires dadaptation. Lagriculture urbaine, si

    elle a t une constante Detroit depuis la fin du 18me sicle, est surtout visible en

    temps de crise et a t un vecteur dunification au sein de certains groupes de

    population. Magnaghi rappelle que le rassemblement communautaire est toujours

    dtermin par une situation durgence 33. Cest ce qui sest pass Detroit, et la

    dimension communautaire et associative de la plupart des jardins constitue une de

    leurs caractristiques les plus significatives.

    1.1. Un recours cyclique lagriculture urbaine dans lhistoire de la ville

    Les jardins urbains Dtroit ne sont pas une nouveaut du XXIme sicle.

    On les retrouve plusieurs priodes dans lhistoire de la ville et le recours

    lagriculture urbaine est chaque fois une rponse individuelle ou des pouvoirs

    publics- un manque de nourriture provoqu par une crise ou des transformations

    majeures. La premire exprience remonte 1893, dbut dune priode de

    dpression qui a particulirement touch Detroit et a incit son maire, Hazen

    Pingree, mettre disposition des terres environ un millier de familles, dont une

    majorit de chmeurs, pour y faire pousser des lgumes. Les Pingree Potato

    Patches ont fait de leur crateur un vritable hros34.

    Right from the very beginning, we can see themes emerging that mark

    urban farming to this day. The community turned to urban gardening in

    response to a crisis, specifically an economic crash. Thats true, today,

    too.35

    33 MAGNAGHI Alberto, Le projet local, Mardaga, Lige, 2003 p. 60 34 WALKER Samuel, Growing ideology: urban agriculture in Vancouver and Detroit, op.cit., p. 122 35 GALLAGHER John, Reimagining Detroit: Opportunities for Redefining an American City, op. cit. p. 43

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    22

    Cest cette mme logique permettre aux plus pauvres de subvenir leurs

    besoins sans avoir besoin de recourir la charit- que lon retrouve pendant la

    Premire Guerre Mondiale puis pendant la Grande Dpression et qui a motiv la

    cration des victory gardens. Sur le modle de ceux de Londres, ces jardins ont

    produit 42% des lgumes consomms aux Etats-Unis pendant la Seconde Guerre

    Mondiale36.

    Une nouvelle vague denthousiasme a pu tre observe partir des annes 1970,

    correspondant au dbut du dclin de la ville de Detroit, passant par les

    transformations de son tissu industriel et de sa population. Le programme Farm-A-

    Lot, lanc par le maire Coleman Young, illustre limplication de la municipalit

    mais renvoie aussi une priode o la ville bnficiait encore de subventions

    fdrales. Cette initiative a t un succs puisquen 1975, on comptait un total

    denviron 3000 jardiniers rpartis sur 525 parcelles37. On peut considrer que les

    annes 1990 ont reprsent un tournant dans lvolution de lagriculture urbaine,

    marqu par le retrait des pouvoirs publics dans la gestion et le financement de ces

    activits. On est alors entr dans une re nouvelle caractrise par une prise en

    main de ces projets par des communauts et des associations. Urban agriculture

    emerged as a common strategy employed by community groups to encourage

    neighborhood social interaction, reclaim and beautify vacant urban space, and foster

    livelihood or subsistence for the unemployed 38. Lun des exemples les plus

    significatifs est le mouvement des Gardening Angels initi par lactiviste fministe

    Grace Lee Boggs, qui avait, en plus de produire des lgumes, lambition de crer

    travers les jardins un nouveau modle de ville post-industrielle. Cette dimension

    communautaire et associative ne sest pas perdue et cest elle qui fait aujourdhui

    la singularit et garantit le dynamisme de lagriculture urbaine Detroit.

    36 Ibid, p. 44 37 WALKER Samuel, Growing ideology: urban agriculture in Vancouver and Detroit, op.cit. p. 123 38 Ibid, p.123

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    23

    1.2. Une typologie des formes et des acteurs : la mise en valeur du fonctionnement associatif et communautaire

    Au travers des lectures sur les diffrentes expriences dagriculture urbaine

    Detroit, on remarque demble la multitude dacteurs qui composent ce paysage et

    peut a priori porter confusion lorsque lon essaie de comprendre leur

    positionnement et leurs interactions. La notion dagriculture urbaine recouvre un

    ensemble de pratiques varies, que lon peut tenter de catgoriser en rpondant

    notamment aux questions suivantes39: qui participe aux activits de production ?

    Qui consomme la production ? Le terrain est-il priv ou public ? La pratique est-

    elle lgale ou illgale ? Quels sont les objectifs recherchs ? Ainsi, Detroit,

    comme dans le reste des villes amricaines, on distingue dj les jardiniers

    individuels de ceux qui voluent dans un cadre organis, savoir les jardins

    communautaires non-commerciaux ( non-profit ) et les jardins commerciaux

    ( profit ). Il semble aujourdhui difficile de rendre compte dune liste exhaustive

    de tous les acteurs qui participent au dveloppement et la promotion de

    lagriculture urbaine dans la ville de Detroit, tant ils sont nombreux.

    On recense environ 1 300 jardins impliquant rgulirement 16 000 habitants et la

    majorit des activits40 celles qui sont le plus valorises de par leur caractre

    social- est conduite par un tissu associatif dense. En haut de lorganigramme, on

    trouve deux structures but non-lucratif, Garden Ressources et Greening of

    Detroit, ayant pour mission dencadrer les initiatives et de conseiller les jardiniers

    lchelle de la ville. Elles peuvent galement fournir du matriel ou des graines

    des prix plus intressants que ceux du march. Les jardins quelles encadrent sont

    bass dans diffrents quartiers et reprsentent donc des communauts diffrentes.

    Parmi eux Earthwork Urban Farm, le rseau le plus ancien de Detroit qui possde

    sept parcelles diffrentes ; Georgia Street Community Collective ; North Cass

    Community Garden situ dans un quartier moins dfavoris de lest de Detroit ;

    Hortaliza Garden, un jardin tourn vers la jeunesse dune communaut hispanique 39 Typologie emprunte Samuel WALKER 40 CHRISTENSEN Dana, Securing a momentum: could a Homestead Act help sustain Detroit urban agriculture ?, Drake Journal of Agricultural Law, Vol. 16 Issue 2, 2011 p. 242

  • GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    24

    de louest de la ville ou encore les jardins de Lafayette Greens. Les jardins

    communautaires (community garden) peuvent tre cultivs sur des terrains publics

    ou privs et les produits sont consomms par un grand nombre de personnes,

    quelles aient ou non particip la culture, souvent sur le principe du comenpick

    ( venir et se servir ). Paralllement, 45 coles publiques font partie du dispositif

    Farm-to-School 41 : ces jardins appartiennent la catgorie des institutional

    gardens, aux cts des jardins thrapeutiques, et se caractrisent par leur mission

    ducative.

    On trouve ensuite deux formes de jardins ayant pour objectif de faire des profits,

    que ce soit sur des marchs, directement sur le lieu de production ou en revendant

    des chanes de supermarchs, et qui se diffrencient notamment par leur taille : il

    sagit des market gardens et, une plus grande chelle, des fermes urbaines (urban

    farms). Parmi ces dernires se dtache une forme particulire de distribution, la

    community-supported agriculture (CSA). Dans ce modle, qui se rapproche

    fortement des Association pour le Maintien dune Agriculture Paysanne (AMAP)

    en France, le risque li aux rcoltes est partag entre le producteur et le

    consommateur. Il est nanmoins difficile de sparer compltement les jardins

    communautaires des jardins but lucratif, car, de plus en plus, ils cherchent

    vendre une partie de leur production ou les surplus en dehors de la communaut.

    Le principal critre de diffrenciation reste la structure de fonctionnement du

    jardin : la gestion par le bas des jardins communautaires (par des bnvoles,

    aussi appels grassroots) soppose la hirarchie verticale que lon retrouve au

    sein des fermes commerciales, o les profits, et non limplication, sont valoriss.

    2. D-Town Farm : un projet, trois objectifs

    La D-Town Farm est lun des aboutissements du Detroit Black Community

    Food Security Network (DBCFSN), un collectif cr en 2006 par Malik Yakini

    dans le but de trouver des solutions au problme dingalits latent dont souffre la

    communaut noire de Detroit et la volont de prendre en main leur avenir. La

    41 Alter-Echos, Detroit : Lagriculture urbaine, antidote la dsindustrialisation, op. cit.

  • GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    25

    singularit de la D-Town Farm et sa force dune certaine manire - repose sur son

    ancrage dans la communaut noire de Detroit, un trait visible jusque dans le nom-

    mme du DBCFSN et revendiqu par les fondateurs, qui nhsitent pas dnoncer

    les ingalits dans la rpartition des responsabilits en gnral. The BDCFSN

    was created to work towards fixing this racial and cultural mispatch of participants

    and leadership. 42

    Leur ventail dactivits est large, allant de la mise en place de groupes de

    discussions rguliers llaboration des politiques de la ville, mais le projet le plus

    important et le plus mis en valeur est la D-Town, un terrain de 7 acres (2,8

    hectares) dans le quartier de Rouge Park, lou la ville pour un dollar symbolique

    par an. Ctait, sa cration en 2006, la plus grande ferme urbaine de Detroit et

    une partie de la production est vendue, soit directement sur le site du jardin, soit

    sur des marchs locaux. La ferme reoit des subventions pour son fonctionnement

    (graines, matriel), notamment de la part de la Kellogg Foundation, et le travail

    de culture est assur par une base de vingt bnvoles rguliers auxquels sajoutent

    ponctuellement dautres membres de la communaut43.

    Il ne sagit pas ici de minimiser lapport de la production marachre, qui offre une

    vraie solution dalimentation aux habitants de ce quartier. Nous voulons en

    revanche montrer que ce projet se fixe des objectifs plus ambitieux et tout aussi

    importants pour la vie de la communaut. Cette diversification des objectifs est

    visible dans les activits de la D-Town Farm mais aussi dans le discours des

    jardiniers eux-mmes, qui ont conscience de limpact que peut avoir une telle

    entreprise.

    2.1. Regagner le contrle de ses choix alimentaires pour mieux se nourrir

    Le premier objectif associ lagriculture dcoule directement du problme

    dinscurit alimentaire prsent dans la premire partie. Il consiste dune manire

    gnrale mieux se nourrir et viter dtre dpendant. Un des membres de la D- 42 WALKER Samuel, Growing ideology: urban agriculture in Vancouver and Detroit, op. cit., p. 198 43 Ibid, pp. 183-185

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    Town Farm insiste sur la ncessit pour les habitants du centre-ville de simpliquer

    dans ce genre dactivits. Ceux-ci sont directement touchs par les ingalits

    daccs une alimentation saine, ingalits auxquelles on peut probablement relier

    les forts taux de problmes cardiaques, de diabte et dobsit. Ils ont conscience

    de vivre dans un food desert, comme le montrent plusieurs tmoignages :

    There are no markets in our area; therefore, people are not able to shop in

    their immediate area for healthy food, for fresh vegetables, as opposed to

    canned foods or fast-food restaurants, so the need is what directed me to

    towards going out and helping out in community gardens.

    They [Whites] have better access to fruits and veggies in their own

    neighborhood. People in the suburbs make the choice to engage in urban

    farming. For D-Town farmers, its a necessity.44

    La culture marachre de la D-Town permet de fournir aux habitants de cette

    communaut des lgumes frais, varis et biologiques auxquels ils nauraient pas

    accs autrement, pour des raisons financires ou gographiques.

    During the 2010 growing season, D-Town Farm produced 3035

    different crops, including acorn squash, zucchini, kale, collards,

    tomatoes, basil, green beans, cabbage, water- melon, pumpkins, beets,

    turnips, radishes, and much more; this produce is sold at various

    farmers markets through- out the city. In addition to a fully functioning

    farm, D-Town has beekeeping, hoop houses for year-round food

    production, and a composting operation. Additionally, it is one of few

    city farms growing several varieties of mushrooms. 45

    Les bnvoles de la D-Town ont un accs direct aux lgumes puisque ce sont

    eux qui les cultivent mais la production a un impact sur une population plus large

    puisquune partie est vendue sur le site ou sur les marchs locaux, comme le

    44 WHITE Monica, D-Town Farm: African American Resistance to Food Insecurity and the Transformation of Detroit , Environmental practice, 2011 p. 414 45 Ibid, p. 412

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    27

    Northwest Farmers Market. Lagriculture a donc des consquences sur la sant, en

    proposant une alternative aux produits vendus dans les rares magasins du centre-

    ville, a small selection of prepackaged and canned food products high in salt, fat, and

    sugar 46, dont la date de premption est bien trop souvent dpasse.

    Le terme control revient de nombreuses reprises dans les tmoignages de

    jardiniers, montrant quel point ils ont conscience davoir perdu leur souverainet

    concernant le choix des aliments. Les jardiniers estiment que la population

    majoritaire doit tre celle qui contrle les ressources alimentaires. Lide de

    rsistance est perceptible puisque choisir de manger mieux, cest, pour cette

    communaut, refuser quune entit au-dessus delle fasse les choix sa place.

    Community gardening lets you decide the kinds of food you want to eat and

    grow, and the Detroit Black Community Food Security Network lets you

    have some input as to what is grown. You get to help in the entire process of

    growing the food. That addresses the problem of self-reliance. . . . I feel

    more empowered by growing my own. I have experienced not having it, and

    I felt powerless.47

    Lobjectif recherch est bien ici de ne plus dpendre des autres pour les provisions

    alimentaires. Cette rsistance est un premier pas vers une autonomie (self-reliance)

    dans dautres domaines et il est primordial que les habitants de cette communaut

    aient le sentiment davoir les mmes choix que les habitants des priphries plus

    aises.

    2.2. Eduquer, sensibiliser et informer

    Le deuxime objectif de la D-Town Farm est dduquer et de sensibiliser

    cette population limportance dune alimentation saine et quilibre. Monica

    White explique que cette sensibilisation a lieu ds lenfance travers lcole mais

    que, dans le cas des communauts noires les plus pauvres, elle ne se poursuit pas

    46 Ibid, p. 414 47 Ibid, p. 414

  • GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    28

    car celles-ci nont pas accs aux sources traditionnelles dinformation sur la

    nutrition ( news report, academic studies, websites, public service annoucements,

    fitness clubs, and health-food establishment )48. A cela sajoutent les difficults

    lies la lecture et la comprhension des informations contenues dans les

    tiquettes des produits alimentaires :

    Comprehension of food labels is influenced by education, literacy, and

    income: those with higher levels of education, income, and literacy are

    better able to interpret the nutritional information on packaged food and

    make healthier choices on the basis of that understanding.49

    Les jardiniers de la D-Town Farm partent donc du principe quune meilleure ducation

    au sujet des qualits nutritionnelles de certains aliments, de rgimes alimentaires

    particuliers comme les vgtarisme ainsi que les vertus dune activit physique

    permettent de faire de meilleurs choix. Cette sensibilisation sadresse tout dabord aux

    adultes, travers des ateliers de groupe ou des vnements ponctuels, comme le Harvest

    Festival, rendez-vous annuel qui rassemble une multitude dacteurs, notamment des

    professionnels de la sant, et permet damliorer la visibilit de lassociation une plus

    grande chelle, comme lexplique lune des membres :

    The Harvest Festival is such an accomplishment with great success.

    Citizens got a chance to check your blood pressure, sugar levelsthings

    like that are important, and a lot of people dont have the opportunity to do.

    They also teach the importance of vegetables, what each vegetable

    represented, was good for, in terms of how it would help the body, those

    kinds of things were great.50

    Lducation passe videmment galement par les plus jeunes, qui sont ensuite mme

    de faire remonter les informations assimiles jusqu leurs parents et dinfluer sur leurs

    choix. Les responsables de la D-Town Farm ont donc mis sur louverture de leur

    48 Ibid, p. 413 49 Ibid, p. 413 50 Ibid, p. 413 (voir annexe 4)

  • GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    29

    structure aux coles pour toucher un public plus large : The farm is the choice

    volunteer destination for hundreds of students from local and regional schools, as well

    as various community organizations51. Les bnvoles de la D-Town Farm, en plus

    denseigner certaines techniques agricoles, veulent redonner un sens aux choix

    alimentaires et montrer que la nourriture ne devrait pas tre considre comme un

    acquis.

    2.3. Restaurer le lien communautaire et revitaliser les quartiers

    Community bonding remains a key goal of virtually all the urban gardeners

    in America crit John Gallagher52. Cette phrase est particulirement vraie dans le

    cas de la D-Town Farm, car les participants ont conscience dtre victimes dune

    injustice qui les expose au risque dinscurit alimentaire. Le fait de participer aux

    activits de la ferme est un acte de rsistance vis--vis de ceux qui les ont

    abandonns (la ville, les commerants, les industriels par exemple). On assiste la

    cration dun nous qui soppose un eux et renforce le sentiment

    dappartenir une communaut. Cette structure commune intergnrationnelle

    vient palier le vide laiss par le retrait des services de la ville, notamment les

    centres de loisir (recreation centers) et les community centers. 53 En ce sens,

    lagriculture urbaine apporte une solution contre lisolement des personnes ges

    et une alternative pour la prise en charge des enfants, notamment pendant les

    vacances.

    Farming builds community; it builds a sense of cohesion and collective

    action; it builds intergenerational dialogue and intergenerational work.

    Many times folks involved in gardening are older people . . . [and] giving

    older people a chance to work with younger generations and pass on that

    51 Ibid, p. 412 52 GALLAGHER John, Reimagining Detroit: Opportunities for Redefining an American City, op. cit. p. 53 53 WHITE Monica, D-Town Farm: African American Resistance to Food Insecurity and the Transformation of Detroit , op. cit. p. 412

  • GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    30

    knowledge is important.54

    Les jardiniers sont aussi unis par une volont dembellir le quartier, de ne pas tre

    passifs face aux changements radicaux qui bouleversent le paysage urbain. Ils

    veulent faire de la ferme une source dinspiration pour le reste des habitants,

    comme lexprime Abiba, lune des membres : Look at we have done on a vacant

    lot with nothing It feels like a light, an example of what anyone can do. 55

    Finalement, pour beaucoup de jardiniers, laspect conomique et productif

    des jardins nest pas la priorit. Tout en bnficiant dun apport non-ngligeable en

    fruits et lgumes, ils se fixent des objectifs plus larges dpanouissement personnel

    et de dveloppement de la communaut laquelle ils appartiennent.

    54 Ibid, p. 413 55 Ibid, p. 415

  • GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    31

    3me Partie : Plus quune solution durgence, intgrer lagriculture urbaine dans un modle de long terme : les dfis de mise en place et de reconnaissance

    Lagriculture urbaine sest progressivement impose comme une solution

    viable, la seule vritablement capable dinverser la tendance dans les dserts

    alimentaires . John Mogk, professeur la Wayne State University Law School de

    Detroit crit cependant : promoting agriculture in a once world-leading industry

    will not return the economy to its prior status () Youd have to be an idiot to

    think it would. Thats not the point. The point is, can agriculture provide at least

    some kind of interim use [of] what is now unproductive land ?56

    Lagriculture urbaine est-elle condamne ntre quune exprience temporaire ?

    Les volutions rcentes montrent que ce nest pas la volont gnrale. La russite

    des projets communautaires a montr lexemple et nourrit les ambitions de

    nombreux acteurs, avec en toile de fond les questions primordiales de la lgislation

    et de limplication des pouvoirs publics.

    1. Vers un nouveau modle dagriculture urbaine ?

    La nouvelle zoning ordinance autorisant lagriculture en ville marque un

    tournant majeur qui lui permet de justifier son implantation dans le paysage

    urbain. Mais cette avance peut aussi potentiellement ouvrir la porte de

    nouveaux projets qui sloignent de ce qui a jusque l reprsent lessence

    des projets communautaires.

    56 CHOO Kristin, Plowing Over: Can Urban Farming Save Detroit and Other Declining Cities? Will the Law Allow It ?, 1 aot 2011

  • GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    32

    1.1. Lvolution rcente vers un cadre lgal de lutilisation des sols

    Labsence de lgislation, jusqu une priode rcente, a t un des freins

    majeurs au dveloppement des projets de culture marachre et dlevage en ville.

    Cette situation ne concernait pas seulement Detroit, mais la plupart des villes

    amricaines, et notamment les autres villes de la Rustbelt et du Midwest, comme

    Philadelphie, Cleveland, Pittsburg ou Milwaukee, qui se sont elles aussi engages

    dans le sentier de lagriculture urbaine. Ces zoning laws datent pour la plupart du

    dbut du 20me sicle et correspondent une volont dviter les nuisances

    sonores et olfactives dans le centre des villes et didentifier par un dcoupage

    clair les usages donns aux diffrentes zones57. Une autre difficult sajoute dans

    le cas de Detroit, puisque la ville tait soumise jusquen 2010 au Michigan Right

    to Farm Act (RTFA). Ce dcret de 1981 avait pour objectif de protger les

    agriculteurs ruraux en interdisant les pratiques agricoles nuisibles dans un

    environnement urbain. De plus, le Michigan RTFA empchait les municipalits

    dinterprter de manire large ce que devaient tre des activits nuisibles, dans le

    but de prohiber lagriculture urbaine58. En 2010, le RTFA a t modifi pour

    attribuer une drogation aux grandes villes, dont Detroit. Le problme ntait pas

    rsolu pour autant et labsence de lgislation prcise sur lutilisation des sols

    Detroit traduisait un manque de reconnaissance des pouvoirs publics dans le

    domaine de lagriculture urbaine qui dlgitimait les activits des jardins

    communautaires ou les initiatives personnelles. En pratique, les jardiniers taient

    presque toujours tolrs par la municipalit ou les propritaires des terrains

    vacants mais risquaient tout moment dtre expulss ou relocaliss, ce qui est

    problmatique puisquil peut se passer plusieurs annes avant quun terrain

    natteigne sa pleine productivit.

    57 MOGK John, KWIATKOWSKI Sarah & WEINDORF Mary, Promoting urban agriculture as an alternative land use for vacant properties in the city of Detroit: benefits, problems and proposals for a regulatory framework for successful land integration, Wayne Law Review, vol. 56 n4, 2012, p. 37-42 58 Ibid, p. 43

  • GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    33

    One expert perhaps captured the dilemma best when he called

    community gardens a long-term temporary use . Community gardens

    may be one of the saving graces for cities, but absent a strong

    commitment from authorities and solid legal backing, the gardens can

    disappear almost on a whim.59

    Depuis 2006, les pouvoirs publics, en coopration avec les dirigeants du Detroit

    Black Community Food Security Network, ont travaill la mise en place dune

    politique de scurit alimentaire. Elle sest notamment concrtise, comme le

    montre le tableau suivant avec la publication dun nouveau dcret autorisant

    lagriculture dans les zones du centre-ville de Detroit en avril 201360.

    Cet acte de loi- qui dcrit prcisment les activits autorises par la ville61- est une

    avance majeure : car il montre dune part lefficacit dune coopration entre les

    acteurs de terrain et la municipalit ; et quil assure dautre part une lgitimit

    indispensable au dveloppement durable des jardins, sans prendre le risque de

    devoir les relocaliser. Lgaliser lagriculture urbaine, cest en quelque sorte

    admettre quelle reprsente dsormais davantage quune solution durgence. 59 GALLAGHER John, Reimagining Detroit: Opportunities for Redefining an American City, op. cit. p. 60 WALKER Samuel, Growing ideology: urban agriculture in Vancouver and Detroit, op. cit., pp. 130-135 61 Voir annexe 5

    Figure 3 : Chronologie de llaboration de la Detroit Food Policy

  • GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    34

    1.2. Dont think a farm with tractors. Thats old : enjeux et dbats autour du projet de ferme urbaine industrielle de John Hantz

    Selon lAmerican Institute of Architects, Detroit is particularly well suited

    to become a pioneer in urban agriculture at a commercial scale. 62 La question de

    la taille des fermes urbaines ne fait pas consensus au sein de la population des

    jardiniers et le projet rcent de la Hantz Farm a soulev des critiques et des

    interrogations, puisquil remet en question les fondements et, dans une certaine

    mesure, les valeurs qui avaient contribu lessor de lagriculture urbaine

    Detroit. Lide lance en 2010 par John Hantz, un homme daffaires millionnaire

    rest Detroit, tait ds le dpart ambitieuse puisquil souhaitait dvelopper la

    plus grande ferme urbaine du monde en acqurant progressivement plusieurs

    terrains dune superficie dau moins 400 acres (plus de 160 hectares). Hantz thinks farming could do his city a lot of good: restore big chunks

    of tax-delinquent, resource-draining urban blight to pastoral

    productivity; provide decent jobs with benefits; supply local markets

    and restaurants with fresh produce; attract tourists from all over the

    world; and - most important of all - stimulate development around the

    edges as the local land market tilts from stultifying abundance

    to something more like scarcity and investors move in.63

    62 WHITFORD David., Can farming save Detroit ?, 29 dcembre 2009: http://money.cnn.com/2009/12/29/news/economy/farming_detroit.fortune/ 63 Ibid

  • GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    35

    Aprs de longs mois de ngociations, John Hantz a ainsi pu acqurir 150 acres

    (environ 60 hectares) de terres en ville un prix bien infrieur celui du march,

    un des arguments permettant cette exception tant la qualit des sols.

    Ce projet a t confront ds sa gense des contestations de la part de nombreux

    acteurs et organisations comme le DBCFSN et ce pour plusieurs raisons. Tout

    dabord, la dimension commerciale du projet et les ambitions affiches par le

    leadership blanc (John Hantz et son collaborateur Michael Score) font peur aux

    communauts implantes dans la zone investie et dsormais appele Hantz

    Woodlands. Des suspicions subsistent quant aux relles motivations de

    lentrepreneur ; en effet, le marachage nest pas lactivit qui a t retenue en

    priorit, contrairement ce que Hantz promettait. Les terrains ont t transforms

    en une ppinire gante spcialise dans les sapins de Nol, dont la culture

    ncessite plusieurs annes de dveloppement avant dtre productive. Tranchant

    avec la surface moyenne de 0,25 acre pour les autres jardins (environ 1000

    Figure 4 : Emplacement du projet Hantz Woodlands

  • GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    36

    mtres2), la taille de la parcelle de Hantz fait peur, notamment parce quelle

    implique une agriculture intensive et lutilisation de pesticides alors que les jardins

    communautaires essaient pour la plupart de sengager dans la voie de lagriculture

    biologique. Certains y voient un moyen de spculer sur la terre, car en crant de la

    raret, Hantz espre voir les prix des autres proprits et terrains augmenter64.

    Finalement, les responsables de jardins communautaires se sont une nouvelle fois

    sentis abandonns par la municipalit qui a profit de linvestissement massif de

    Hantz pour en faire une vitrine de lagriculture urbaine Detroit, alors mme que

    ce projet est trs loign des nombreuses initiatives prises lchelle des

    communauts. Cela traduit une asymtrie marque entre les responsables de

    communauts et les hommes daffaires dans leurs relations avec les pouvoirs

    publics65. La ville de Detroit est en tel manque dinitiatives et de projets de

    dveloppement grande chelle quelle a accept de changer de cap dans sa

    politique urbaine de dveloppement, probablement au dtriment des habitants qui

    ne profiteront pas directement des retombes conomiques et sociales dune si

    grande ppinire.

    2. Quelles perspectives ?

    Certains critiques estiment que lagriculture urbaine ne peut rsoudre elle

    seule linscurit alimentaire des tous les quartiers de Detroit et ont donc rflchi

    la place que ce nouveau modle devrait accorder aux supermarchs. Au regard des

    nouveaux projets qui souhaitent dvelopper lagriculture urbaine grande chelle,

    il faut galement dterminer comment valoriser avant tout les habitants et les faire

    bnficier au mieux du potentiel en terrains dont dispose Detroit.

    64 WALKER Samuel, Growing ideology: urban agriculture in Vancouver and Detroit, op. cit., pp. 137-138 65 Ibid, p. 139

  • GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    37

    2.1. Homogniser loffre de nourriture en centre-ville : concilier agriculture urbaine et supermarchs

    Wal-Mart is the store that everyone loves to hate, too often for good reason. But

    if anyone has a better idea, lets hear it. Raising your own rutabagas in vacant lots isnt

    it.66 Parue dans lun de ses articles intitul Forget urban farming: We need Wal-

    Marts, la critique de Richard Longworth est svre. Il refuse de croire que lagriculture

    urbaine pourrait long terme nourrir la population de Detroit dans sa totalit. Selon lui,

    those new urban plots are a palliative but no cure . Detroit a donc besoin de plus

    grands supermarchs linstar des nationales Wal-Mart ou Meijer, pour pouvoir

    subvenir aux besoins des personnes nayant pas accs aux jardins et diversifier loffre,

    car lagriculture urbaine ne peut videmment pas tout produire. Les changements

    provoqus par larrive de nouveaux supermarchs sont aussi perceptibles travers le

    moral des habitants : en mai 2013, un site dinformations en ligne crivait A new

    supermarket brings hope to Detroit 67. En effet, louverture dun magasin de la chane

    Whole Foods Market, rpute pour la qualit de ses produits, a t clbre en grande

    pompe, la fois par les habitants et les pouvoirs publics. Le maire de lpoque, Dave

    Bing, a salu le retour dune enseigne nationale, un signe selon lui dun renouveau de

    lattractivit de Detroit.

    Richard Longworth ne prne cependant pas simplement un retour des grands magasins :

    pour lui, il doit saccompagner de contreparties que seuls les responsables de la ville

    peuvent lui imposer et dont ces derniers bnficieront galement :

    But what if Wal-Mart was allowed to set up a super-store in cities like

    Detroitbut only if it established smaller groceries, with fresh fruit and

    vegetables, in the citys food deserts? Empty stores, most of them long off

    the tax rolls, pock these neighborhoods. The city could give the stores to

    66 LONGWORTH Richard, Forget Urban Farms. We Need a Wal-Mart, 7 janvier 2011 : http://magazine.good.is/articles/forget-urban-farms-we-need-a-wal-mart 67 PICKS Jonathan, A New Supermarket Brings Hope to Detroit, 6 mai 2013 : http://www.bet.com/news/national/2013/06/05/a-new-supermarket-brings-hope-to-detroit.html

  • GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    38

    Wal-Mart rent-freebut only if it committed to staying for, say, 10 years

    and to running nutrition classes for local residents.

    Magnaghi estime que lun des facteurs qui dterminent la durabilit des activits

    conomiques alternatives est leur capacit sortir de leur marginalit pour

    sintgrer dans le reste du tissu productif. Pour concilier agriculture urbaine et

    nouveaux supermarchs, ceux-ci devraient intgrer une partie de la production des

    potagers urbains de Detroit dans leur approvisionnement. En plus de fournir des

    fruits et lgumes biologiques des prix moins levs que la moyenne, puisque les

    cots de transports sont considrablement rduits, la vente permet de valoriser

    lengagement des habitants auprs dun public plus large. Cest dj le cas avec

    lEastern Market de Detroit, sur lequel sont reprsents chaque samedi 80 jardins

    communautaires 68 . Le fait dintgrer lagriculture urbaine dans les schmas

    traditionnels de distribution alimentaire redonne un certain pouvoir aux habitants

    de Detroit et louverture de nouveaux supermarchs ne devrait pas reprsenter une

    menace pour eux.

    2.2. Un Urban Agriculture Homestead Act pour Detroit ?

    Lide dun Homestead Act pour lagriculture urbaine a dabord t

    avance par John Hantz mais de nombreuses voix se sont manifestes contre lui et

    ont questionn ses relles motivations, laccusant de vouloir voler les terres :

    Hantz was met with accusations of land grabbing, with one calling it mere

    economic rent-seeking or asking for a bunch of handouts in the form of

    free or greatly discounted property in order for Hantz to start a large-scale

    farming operation.69

    68 Alter-Echos, Detroit : Lagriculture urbaine, antidote la dsindustrialisation, op. cit. 69 CHRISTENSEN Dana, Securing a momentum: could a Homestead Act help sustain Detroit urban agriculture ?, op. cit. p. 250-251

  • GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    39

    Si un Homestead Act peut tre envisag pour enraciner la tradition de lagriculture

    urbaine, son usage historique lui associe demble une connotation ngative,

    suggrant un vol de terres ou une forme dimprialisme amricain. Le

    Homestead Act de 1862 renvoie une srie de 375 actes signs par le Prsident

    Lincoln pour inciter le dplacement dune partie de la population dans le cadre de

    la conqute de lOuest. Le principe tait doctroyer 160 acres de terres fdrales

    (65 hectares) contre une promesse de la part du fermier de cultiver ces terres

    pendant au moins cinq ans ou de leur vendre pour une somme trs faible. 1,6

    million de parcelles ont ainsi t cdes entre 1862 et 1934, ayant pour

    consquence de forcer les Indiens dAmrique qui refusaient de quitter leur tribu

    sinstaller dans des rserves70. Certains membres des communauts noires ont fait

    savoir leurs peurs de la rptition dun tel scnario dans lequel les terres qui

    taient jusque-l utilises par des associations seraient monopolises par la classe

    blanche aise.

    Dans son article, Dana May Christensen avance une srie de propositions pour la

    mise en place dun Homestead Act cohrent et juste. Elle rejette la possibilit de

    mettre disposition des grandes parcelles qui loigneraient lagriculture urbaine de

    ses objectifs primaires et de sa capacit socialisatrice, et propose une taille unique

    adapte aux utilisations retenues. Par exemple, la taille dune parcelle pour un

    jardin communautaire ne serait pas la mme que celle pour une ferme

    entrepreneuriale. Lauteur insiste sur le besoin de justice dans lallocation des

    terres : It must be designed in a way that allows for the demographics that have been

    central to Detroit urban agriculturethe poor, working-class, minoritieshave fair

    access. 71 Les critres de slection, pour viter une gentrification, pourraient tre

    le nombre dannes habites Detroit, ou encore leur quartier dorigine. Comme

    dans le Homestead Act dorigine, les demandeurs devraient avoir le choix entre la

    possibilit dacheter le terrain partir dun certain temps ou de le louer pour une

    dure plus courte. Toutes ces mesures permettraient progressivement la ville de

    ne plus avoir soccuper de ces terrains coteux tout en assurant son rle de

    promotion de la justice sociale.

    70 Ibid, 243-244 71 Ibid, 258

  • GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    40

    Conclusion

    Urban agriculture is an act of faith in a sea of despair. 72

    Le constat que fait John Gallagher dans Reimagining Detroit tait srement

    vrai au dbut de la crise de 2008. Lagriculture urbaine apparaissait alors comme

    une solution dappoint un problme essentiellement alimentaire, tout en

    resserrant les liens communautaires. Or, il ressort dsormais, au travers des

    nombreuses expriences, une volont denraciner ces pratiques dans le paysage

    urbain de Detroit et de les intgrer au quotidien de ses habitants. Cette tape

    ncessite une implication des responsables politiques locaux qui vienne lgitimer

    lexistence des jardins, comme le conseillait dj Alberto Magnaghi dans son

    ouvrage : Ce riche tissu dexpriences et dnergies novatrices, au service dune

    transformation solidaire et cologique du territoire, ne pourra effectivement jouer

    son rle moteur, qu la condition dtre avalis par les nouvelles instances

    institutionnelles du dveloppement local 73. Lagriculture urbaine est intervenue

    pour combler le vide laiss par le dpart des habitants, des industries et des

    services. Elle a fourni une rponse concrte aux difficults de la population, l o

    la ville avait chou et renonc sinvestir, faute de moyens et de crativit.

    Aprs avoir longtemps t qualifie de ville fantme , Detroit fait dsormais

    office de laboratoire des transformations urbaines. Ce green movement donne une

    opportunit unique Detroit de se tourner vers un nouveau modle de ville, plus

    cologique, plus durable et moins ingalitaire. Dans un entretien, Grace Lee Boggs

    affirmait ceci : We have the possibility to turn the Rustbelt into a Greenbelt .

    Mais si les jardins urbains sont manifestement la tendance du moment, il serait

    illusoire de croire quils vont permettre de redonner Detroit le dynamisme et le

    niveau dactivit qui la caractrisait lge dor de la socit industrielle. Cette

    transition implique aussi que les habitants et les dirigeants fassent preuve de

    lucidit dans leurs attentes concernant le futur de la ville. En novembre 2010, le 72 GALLAGHER John, Reimagining Detroit: Opportunities for Redefining an American City, op. cit. p. 53 73 MAGNAGHI Alberto, Le projet local, op.cit. p. 62

  • GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    41

    Time publiait un article intitul The Future of Detroit : How to Shrink a City .

    Les prvisions des journalistes taient claires : pour pouvoir prosprer, la ville de

    Detroit doit absolument rtrcir son territoire pour en augmenter la densit et

    ajuster ses ambitions, jusqu maintenant souvent disproportionnes et irralistes.

    En mettant en avant la force de rassemblement des communauts, lagriculture

    a dj pos les bases dun nouveau modle de dveloppement urbain.

  • GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    42

    Bibliographie Ouvrages de rfrence et secondaires

    GALLAGHER John, Reimagining Detroit: Opportunities for Redefining an

    American City, Wayne State University Press, Detroit, 2011

    MAGNAGHI Alberto, Le projet local, Mardaga, Lige, 2003

    SUGRUE Thomas, The Origins of the Urban Crisis: Race and Inequality in

    Postwar Detroit, Princeton University Press, 1 Edition, Princeton, 1998

    Articles de revue et chapitres

    CHRISTENSEN Dana, Securing a momentum: could a Homestead Act help

    sustain Detroit urban agriculture ?, Drake Journal of Agricultural Law, Vol. 16

    Issue 2, 2011 p241

    DIAMOND Andrew et DURKHEIM Vera, De l'arsenal de la dmocratie au parc

    thme apocalyptique : pauvret et impuissance Detroit, Outre-Terre, 2013/3 N 37,

    p. 91-100.

    MOGK John, KWIATKOWSKI Sarah & WEINDORF Mary, Promoting urban

    agriculture as an alternative land use for vacant properties in the city of Detroit:

    benefits, problems and proposals for a regulatory framework for successful land

    integration, Wayne Law Review, vol. 56 n4, 2012

    PADDEU Flamina, Faire face la crise conomique Detroit: les pratiques

    alternatives au service de la rsilience urbaine, L'Information gographique,

    2012/4 Vol. 76, p. 119-139.

  • GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    43

    POPELARD Allan, Detroit, catastrophe du rve, Hrodote, 2009, n 132

    STASZAK Jean-Franois, Dtruire Dtroit. La crise humaine comme produit

    culturel, in Annales de Gographie. 1999, t. 108, n607. pp. 277-299

    WHITE Monica, D-Town Farm: African American Resistance to Food Insecurity

    and the Transformation of Detroit , Environmental practice, 2011

    ZENK Shannon, SCHULZ Amy, ISRAEL Barbara, JAMES Sherman, BAO Shuming

    & WILSON, Neighborhood Racial Composition, Neighborhood Poverty, and the

    Spatial Accessibility of Supermarkets in Metropolitan Detroit, American Journal of

    Public Health , 2005, Vol 95, No. 4

    Documentation grise

    Alter-Echos, Detroit : Lagriculture urbaine, antidote la dsindustrialisation

    (court-mtrage documentaire)

    Data Driven Detroit : Detroit residential parcel survey : Citywide Report for Vacant

    Parcels: Improved and Un-Improved, 2010

    Community Food Security Coalitions North American Urban Agriculture Committee,

    Urban Agriculture and Community Food Security in the United States: Farming from

    the City Center to the Urban Fringe

    U.S. Census, The Black Population 2010

    TREUHAFT Sarah & KARPYN Allison, The Grocery Gap : Who has access to

    healthy and why it matters, Rapport de Food Trust & Policy Link, 2011

    WALKER Samuel, Growing ideology: urban agriculture in Vancouver and

    Detroit, 2013

  • GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    44

    Sources Web

    CHOO Kristin, Plowing Over: Can Urban Farming Save Detroit and Other Declining Cities? Will the Law Allow It ?, 1 aot 2011 : http://www.abajournal.com/magazine/article/plowing_over_can_urban_farming_save_detroit_and_other_declining_cities_will LAUER Stphane, Detroit autorise se placer en faillite, 3 dcembre 2012: http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2013/12/03/detroit-autorisee-a-se-placer-en-faillite_3524805_3222.html Lemonde.fr, Detroit: La chute de Motor City, 30 juillet 2013 :

    http://www.lemonde.fr/international/visuel/2013/07/30/la-chute-de-motor-

    city_3455312_3210.html

    LONGWORTH Richard, Forget Urban Farms. We Need a Wal-Mart, 7 janvier

    2011 : http://magazine.good.is/articles/forget-urban-farms-we-need-a-wal-mart

    PICKS Jonathan, A New Supermarket Brings Hope to Detroit, 6 mai 2013 :

    http://www.bet.com/news/national/2013/06/05/a-new-supermarket-brings-hope-to-

    detroit.html

    WHITFORD David., Can farming save Detroit ?, 29 dcembre 2009:

    http://money.cnn.com/2009/12/29/news/economy/farming_detroit.fortune/

    www.dtownfarm.blogspot.fr

    www.marchandmeffre.com/detroit

  • GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    45

    Table des illustrations

    Figure 1 : Carte des terrains vacants, en pourcentage des parcelles

    rsidentielles (2010)

    Source : Data Driven Detroit, Detroit residential parcel survey : Citywide Report for

    Vacant Parcels: Improved and Un-Improved, 2010

    Figure 2 : Nombre de chanes de supermarchs, par type, Detroit et

    dans sa zone mtropolitaine (2002)

    Source : ZENK Shannon, SCHULZ Amy, ISRAEL Barbara, JAMES Sherman, BAO

    Shuming & WILSON, Neighborhood Racial Composition, Neighborhood Poverty, and

    the Spatial Accessibility of Supermarkets in Metropolitan Detroit, American Journal of

    Public Health , 2005, Vol 95, No. 4

    Figure 3 : Chronologie de llaboration de la Detroit Food Policy

    Source : WALKER Samuel, Growing ideology: urban agriculture in Vancouver

    and Detroit, 2013

    Figure 4 : Emplacement du projet Hantz Woodlands

    Source : http://detroitography.com/2013/11/26/open-spaces-and-hantz-farm-in-

    detroit/

  • Annexes

    GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    46

    Table des annexes ANNEXE 1 : EVOLUTION DEMOGRAPHIQUE DE DETROIT DEPUIS

    1950 (DENSITE ET POPULATION MAJORITAIRE) .................................... 47

    ANNEXE 2 : LA STRUCTURE EN DOUGHNUT DE DETROIT EN 1990 ... 49

    ANNEXE 3 : CARTE DES DESERTS ALIMENTAIRES EN 2011 ................. 50

    ANNEXE 4 : FLYER DU HARVEST FESTIVAL DE LA D-TOWN FARM

    (2012) .................................................................................................................. 51

    ANNEXE 5 : PRATIQUES AUTORISEES PAR LURBAN AGRICULTURE

    ORDINANCE DAVRIL 2013 ........................................................................... 52

  • Annexes

    GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    47

    Annexe 1 : Evolution dmographique de Detroit depuis 1950 (densit et population majoritaire)

    Carte 1 : 1950

    Carte 2 : 1970

  • Annexes

    GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    48

    Source : http://www.lemonde.fr/international/visuel/2013/07/30/la-chute-de-motor-

    city_3455312_3210.html

    Carte 3 : 1990

    Carte 4 : 2010

  • Annexes

    GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    49

    Annexe 2 : La structure en doughnut de Detroit en 1990

    Source : STASZAK Jean-Franois, Dtruire Dtroit. La crise humaine comme

    produit culturel, in Annales de Gographie. 1999, t. 108, n607. pp. 277-299

  • Annexes

    GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    50

    Annexe 3 : Carte des dserts alimentaires en 2011

    Source : Robert Linn, http://mapdetroit.blogspot.fr/2011/02/blog-post.html

  • Annexes

    GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    51

    Annexe 4 : Flyer du Harvest Festival de la D-Town Farm (2012)

    Source : www.dtownfarm.blogspot.fr

  • Annexes

    GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    52

    Annexe 5 : Pratiques autorises par lUrban Agriculture Ordinance davril 2013

  • Annexes

    GELLIN Camille | 3me anne | Mmoire | 2013-2014

    53

    Source : City of Detroit, Urban Agriculture Ordinance

    http://www.detroitmi.gov/Portals/0/docs/legislative/cpc/pdf/Urban%20Ag%20Ordi

    nance%20Abridged_Apr2013.pdf