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LES TRACES DU PASSÉ DANS LA VILLE Quelle posion adopter face à la queson du patrimoine ? MÉMOIRE M2 - Pauline BERNARD - ENSA Paris Val de Seine - Enseignant : Dominique BRARD

MEMOIRE_LES TRACES DU PASSE DANS LA VILLE : Quelle position adopter face à la question du patrimoine

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MEMOIRE M2_Pauline BERNARD

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LES TRACES DU PASSÉ DANS LA VILLEQuelle position adopter face à la question du patrimoine ?

MÉMOIRE M2 - Pauline BERNARD - ENSA Paris Val de Seine - Enseignant : Dominique BRARD

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Musée et site archéologique de Keramikos

Musée de l'Acropole SITES ARCHÉOLOGIQUES : 1_Acropole2_Agora antique3_Agora romaine4_Porte d'Hadrien5_Olympion

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Musée et site archéologique de Keramikos

Musée de l'Acropole SITES ARCHÉOLOGIQUES : 1_Acropole2_Agora antique3_Agora romaine4_Porte d'Hadrien5_Olympion

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Carte des sites et musées archéologiques du centre ville d’Athènes © Pauline Bernard

Vue de l’Acropole depuis le site archéologique de Kérameikos,Athènes © Pauline Bernard

Vue d’ensemble du site archéologique de Kérameikos, Athènes © Pauline Bernard

/AVANT PROPOS

Étudiante à Paris, j’ai eu l’occasion de voyager dans plusieurs grandes villes d’Europe, Londres, Rome, Naples, Barcelone, autant de cités au patrimoine historique riche et unique. Des villes très différentes, avec un passé propre à chacune, mais toutes fortement marquées par leur Histoire. L’an dernier, dans le cadre de mes études d’architecture, j’ai vécu pendant 1 an en Grèce. De toutes les villes que j’avais pu visiter, c’est à Athènes que l’Histoire et la présence des ruines m’a le plus touchée. Le sous-sol de la ville foisonne de vestiges ainsi, au moindre détour de rue, l’on peut croiser des ruines antiques à ciel ouvert. Cette proximité entre l’ancien et le contemporain est très marquée dans cette ville hyper dense et hyper patrimoniale.

Le site archéologique de Kérameikos au pied de l’Acropole en plein centre d’Athènes, fait partie des importants vestiges de l’époque antique et a tout de suite attiré mon attention. Le site dévoile une partie des vestiges de l’ancien mur d’enceinte de la ville, construit par Thémistocle durant l’apogée d’Athènes. L’entrée dans la ville se faisait par deux portes où passaient une voie sacrée pour les processions et une voie publique pour le commerce et l’accès à l’Agora. Y subsistent aussi les traces du premier cimetière d’Athènes, initialement situé en dehors des murs de la ville.

Le site dégagé est aujourd’hui à la frontière entre le centre historique et la ville contemporaine, à la rencontre des quartiers très animés de Metaxourhio, Gazi, Psiri et Thissio. Cependant le site ne profite pas à la ville. Au lieu d’être un trait d’union entre ces quartiers, il est perçu comme un obstacle par les habitants. La nature a repris ses droits, laissant place à plus de quatre hectares de champ de ruines et de végétation, ce qui représente une vraie respiration dans le centre ville dense et saturé. L’ensemble du site est encerclé par un muret surmonté de grilles laissant voir les vestiges mais en y empêchant l’accès libre. Ces contraintes sont liées à son statut de site archéologique touristique, l’accès étant payant et soumis à des horaires spécifiques.

Le site est déconnecté de la ville et du quotidien des athéniens. Ce qui en fait un lieu avant tout touristique sans aucune appropriation par les habitants. Ils vivent à coté, passent tous les jours le long de ses grilles, sans pour autant y prêter attention.

Partant de ces constats, j’ai souhaité orienter mon diplôme de fin d’études sur ce site particulier de Kérameikos. Ma volonté est d’intervenir pour reconnecter le site avec sa ville, tout en intégrant les vestiges au quotidien des athéniens. Ma volonté est d’oeuvrer pour que les habitants puissent se réapproprier ces traces de leur passé. A travers cet exemple, je m’intéresse à la question de l’intégration des ruines dans la ville de façon à réfléchir à de nouvelles manières d’appréhender les traces du passé, de les parcourir et de les vivre au quotidien.

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Cf. Annexes p.66-68

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I/ LES VILLES «ANCIENNES» : Importance des traces du passé

A/ VILLES «ANCIENNES» 1- Ville plurielle 2- Ville sociale

B- TRACES DU PASSE 1- Définition 2- Formes 3- Identité

C- VILLES MUSÉES

II/ L’ARCHÉOLOGIE AU REGARD DU PROJET URBAIN

A/ ARCHÉOLOGIE MODERNE

B/ ARCHÉOLOGIE URBAINE

C/ ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE

D/ LES TRACES DU PASSÉ DANS LE PROJET URBAIN

III/ L’INTRÉGATION DES TRACES DU PASSÉ DANS LA VILLE

A/ CONSERVATION D’UNE TRACE PHYSIQUE 1- Le choix de la conservation 2- Faire vivre les traces

B/ COHABITATION AVEC LA VILLE CONTEMPORAINE 1- Intervention réversible 2- Cohabitation avec l’architecture contemporaine 3- Greffe architecturale

C/ AU DELÀ DE LA TRACE PHYSIQUE 1- Les archives : mémoire iconographique et écrite 2- La restitution symbolique 3- Traces virtuelles

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIEANNEXES

/ INTRODUCTION

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INTRODUCTION/

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/INTRODUCTION

Pour m’aider dans mon projet de diplôme et dans ma réflexion sur les sites archéologiques, j’ai décidé d’orienter mon mémoire sur les rapports qu’entretiennent les villes contemporaines avec leur patrimoine historique.

Le cadre de la ville d’Athènes, très dense et très urbanisé, fait ressortir le problème des villes musées. Nous sommes à une époque où le patrimoine est particulièrement mis en valeur. Les sociétés occidentales, dans lesquelles nous vivons, sont fortement attachées à la mémoire du passé, leur donnant une forte identité, un ancrage dans leur histoire. Cependant, cette tendance à préserver et à sacraliser la moindre trace physique du passé, produit un phénomène de muséification des villes. Or une ville figée, qui n’évolue plus et qui ne se renouvelle pas, est condamnée à mourir.

Face à nos sociétés actuelles, qui ne cessent d’évoluer et ce de plus en plus vite, les traces du passé doivent trouver leur place. Cependant, l’importance de notre patrimoine doit-il prédominer sur l’évolution de la ville ? Sommes-nous obligés de faire un choix en privilégiant l’un au détriment de l’autre, ou peuvent-ils cohabiter ?

Il existe un juste équilibre entre la préservation à tout prix de ces vestiges et l’intervention de la ville future sur ces traces. Il nous faut alors trouver une manière de concilier vestiges et projets urbains, en intégrant les traces du passé à une logique urbaine actuelle.

L’ensemble de ces questions m’ont mené à énoncer une problématique :

LES TRACES DU PASSÉ DANS LA VILLE :Quelle position adopter face à la question du patrimoine ?

Dans un premier temps, je cadrerai mon propos sur les villes dites «anciennes», au fort passé historique, en étudiant leur position par rapport aux traces du passé ainsi que leur présence et perception dans la ville.

Dans un deuxième temps, j’aborderai la question de l’archéologie et de la manière dont elle intervient de nos jours dans le projet urbain.

Dans un troisième temps, à partir de la question concrète de l’intégration des traces du passé dans la ville, je tenterai de me positionner sur la gestion du patrimoine dans la ville contemporaine.

Stratification urbaine à Rome© MyNight, Source : www.pss-archi.eu/article-78.html

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LES VILLES «ANCIENNES» Importance des traces du passéI /

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Alain Schnapp, La fabrique de l’archéologie en France, p.32

/ INTRODUCTION

Pour aborder la question du patrimoine en ville, il nous faut tout d’abord comprendre les villes dans lesquelles nous vivons. Définies comme villes «historiques» ou «anciennes», Paris, Londres, Rome ou encore Athènes concentrent un fort passé historique avec lequel elles entretiennent un lien étroit. L’exemple de la ville d’Athènes est caractéristique de ces villes marquées par leur histoire et dont l’identité se définit en grande partie à travers ce patrimoine.

C’est ce lien avec leur passé, commun à toutes ces villes «anciennes», et l’importance de ces traces dans la ville que nous allons essayer de décrypter.

Dans un premier temps, nous analyserons ces villes «anciennes» ainsi que les sociétés qui y vivent pour comprendre l’influence de ce passé sur la ville et ses habitants. Dans un deuxième temps nous étudierons les traces du passé et les différentes formes qu’elles peuvent prendre, ainsi que leur influence sur l’identité de la ville. Puis, dans un troisième temps, nous essayerons de définir la notion de muséification et de comprendre pourquoi nous en sommes arrivés à ce phénomène de villes musées.

A/ VILLES «ANCIENNES»

«La singularité de l’Europe, c’est son passé, la marque de son histoire et les traces matérielles

qui ordonnent ses paysages et ses sols» Alain Schnapp

1- Ville plurielle

Le continent européen est le berceau de grandes civilisations, de l’Empire Grec à celui des romains en passant par l’Empire Ottoman. La ville est l’endroit le plus favorable au développement de la culture humaine et les plus importantes d’entre elles abritaient les plus grands pouvoirs de ces civilisations. Ces villes «anciennes» possèdent un passé glorieux et, encore aujourd’hui, en gardent des traces, tout autour de nous, visibles ou invisibles.

Cependant on ne devrait pas parler d’«un» passé mais plutôt «des» passés car la ville est composite. Ce sont les différentes époques et sociétés se succédant qui la dessinent au fil du temps. La ville en tant qu’objet fini n’existe pas. Elle est en perpétuelle évolution et continue de se développer et de s’étendre. Cette évolution est liée à celle des sociétés, des modes de vie, des politiques ou encore des guerres.

La ville est également le résultat d’une stratification des différentes époques. Cependant, tous ces changements ne s’opèrent pas d’un seul coup mais au fil du temps. Les époques se superposent comme des strates. Ces différentes couches géologiques, architecturales et même sociales cohabitent. La ville actuelle, elle-même vouée à évoluer, s’est d’ailleurs construite sur ses propres traces et de nombreux édifices sont érigés sur, ou à partir, de ruines anciennes. La ville se réinvente ainsi au fur et à mesure, sur un même territoire. La ville de Paris, par exemple, est associée tout aussi bien à la cathédrale moyennâgeuse de Notre Dame, à l’architecture Haussmanienne, à la tour Eiffel de 1889, ou encore au centre Georges Pompidou du XXè siecle.

Stratification urbaine à Rome© MyNight, Source : www.pss-archi.eu/article-78.html

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La ligne du méridien dans le parc de l’Observatoire de Paris© Le ptit Lu de part le monde, Source : leptitludeparlemonde.blogspot.fr

La ville actuelle est donc plurielle, dans son histoire et son passé, et cette stratification forme une image composite de la ville qui participe à sa complexité et sa richesse.

2- Ville sociale

Nous l’avons expliqué précédemment, cette stratification de la ville est par définition spatiale, cependant elle est aussi sociale.

L’étymologie grecque «πόλις» (pólis) fait appel à la notion de cité en tant que communauté de citoyens. L’écrivain Y. Grafmeyer, auteur du livre Sociologie urbaine, nous explique sa complexité. «La ville, écrit-il, est à la fois territoire et population, cadre matériel et unité de vie collective, configuration d’objets physiques et nœud de relations entre sujets sociaux». La ville constitue ainsi un point d’articulation entre des cultures, des populations et des espaces habités. Lieu d’échange des savoirs et d’interaction entre les individus, elle est toujours en mouvement. Elle se nourrit des différents rapports sociaux, du quotidien de ses habitants, de leur manière d’habiter et de s’approprier les lieux.

Au fil du temps, les sociétés changent et façonnent la ville. L’aménagement des villes est lié aux formes d’organisation de la société. On parle de morphologie urbaine tout aussi bien que de morphologie sociale. Ce sont nos modes de vie, nos usages et notre quotidien qui façonnent la ville. Elle reçoit l’empreinte de la société qui y réside. Nous créons notre propre stratification qui contribue à enrichir la ville. Nous sommes tous acteurs de la ville, pas seulement les architectes, les politiques, les urbanistes ou les hommes de sciences mais aussi les habitants, les citoyens, ceux qui y résident et lui donnent vie. Chaque habitant participe à l’histoire de sa ville. Le passé et le présent de la ville constituent un bien commun pour l’ensemble de la société créant ainsi une ville à l’image de ses habitants.

La ville de Paris, par exemple, n’a cessé d’évoluer et d’accumuler ces strates. L’image de la ville et de ses quartiers évolue en fonction de ses occupants. Le quartier de Massena, dans lequel se trouve l’école d’architecture Paris Val de Seine, est actuellement en plein

Y. Grafmeyer, Sociologie urbaine

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Patrice Béghain, Le patrimoine :

culture et lien social, p.60

La Piazza Castello à Turin, Série de photos «Ritorno»

© FEELDESAIN, Source : www.feeldesain.com

renouveau. La réhabilitation et la rénovation de bâtiments comme la Halle aux Farines, les Grands Moulins ou l’usine d’air comprimé de la SUDAC témoignent de ce passé industriel. Le visage du quartier a complètement changé, l’activité industrielle laissant place aux immeubles de logements, aux bureaux et universités.

Ces villes «historiques» se définissent donc comme des unités plurielles, regroupant l’ensemble de ses habitants au sein d’une structure composite. Les deux entités évoluent ensemble, la ville étant marquée par les traces du passage de chacun de ses habitants. Quelles sont alors ces traces que nous laissons dans la ville, quel statut ont-elles ?

B/ TRACES DU PASSÉ

1- Définition

Comme l’on vient de le voir, en agissant dans la ville, nous y laissons une trace.

L’histoire ne disparaît pas complètement car elle a encore une présence dans le monde actuel. L’intervention de Patrice Béghain dans l’ouvrage Le patrimoine : culture et lien social, nous explique que «La ville ancienne, elle, continue à nous parler; la vie, notre vie continue à s’y dérouler [...] Elle est un patrimoine vivant». C’est cette dimension vivante qui donne à la trace physique un statut privilégié. Elle offre un accès direct à notre passé car elle s’adresse à la sensibilité de chacun et, est ainsi perceptible par tous. Il s’agit d’un passé que l’on peut toucher, voir de ses propres yeux contrairement aux supports indirects que sont les livres, les cours d’histoire ou les iconographies. L’historien Paul Veyne, dans son ouvrage Comment on écrit l’histoire, nous décrit une vision de la recherche historique. Il affirme qu’«en aucun cas ce que les historiens appellent un événement n’est saisi directement et entièrement : il l’est toujours incomplètement

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et latéralement à travers des documents ou des témoignages, disons à travers des teckmeria, des traces». Les traces du passé constituent alors une voie d’accès, un support de transmission de cette connaissance historique.

Ces traces que nous laissons dans la ville sont propres à chacun et les différentes approches de la notion de traces nous montrent la complexité de sa définition.

Une première définition tend à associer les traces à la notion matérielle d’empreinte. Au sens figuré, elle fait référence à la marque d’une action, d’un événement passé, le passage d’un homme, d’un animal ou même d’un véhicule. Les traces façonnent la ville et participent à sa lecture en tant que témoins de son évolution. Elles existent en tant que témoin d’un usage lié au mœurs d’une civilisation passée.

Mais la trace se définit aussi par son aspect immatériel. En étudiant la notion de trace dans son texte Quelle(s) problématique(s) de la trace ?, Alexandre Serres définit la complexité et la nuance de cette notion : «La trace se tient à cheval entre la réalité sensible, matérielle, et la réalité symbolique [...] La trace est toujours trace de quelque chose ; elle ne se définit pas par elle-même, elle n’a pas d’existence propre, autonome, au plan ontologique du moins, elle n’existe que par rapport à autre chose (un événement, un être, un phénomène quelconque), elle est de l’ordre du double, voire de la représentation et ne prend son sens que sous le regard qui la déchiffrera». Cette autre définition nous oriente sur la dimension immatérielle de la trace. En transmettant le souvenir d’un fait passé, elle est porteuse de mémoire et reste de l’ordre du psychique et de l’imaginaire. Cette partie sensible de la trace, en tant qu’empreinte affective propre à chaque habitant, la rend subjective. Elle correspond à une mémoire tout aussi bien individuelle que collective.

Ainsi, la trace peut-être à la fois physique et symbolique, matérielle et immatérielle.

Cette complexité dans la notion de trace se retrouve aussi dans la diversité des formes qu’elle peut prendre en se matérialisant dans la ville.

2- Formes

Les archives écrites ou iconographiques sont une trace de notre passé. Elles constituent un témoignage, physique ou oral et participent à la transmission de cette connaissance. Dans la conscience collective, la notion de trace physique de notre passé nous renvoie à une image grossière de monuments ou de ruines en tant que vestiges matériels d’un passé révolu. Mais ces traces peuvent également se matérialiser de façon plus subtile. Notre Histoire n’est pas seulement constituée de pierres, de châteaux ou de maisons, d’autres types de traces, pas nécessairement construites, sont également perceptibles.

Les vides de la ville peuvent être porteurs d’une trace. Cet espace non construit dans la trame urbaine peut marquer la disparition et l’absence d’un élément qui, autrefois, avait sa place dans la ville. Le plan de ces villes «historiques», leur morphologie ou encore leur structure constituent une trace significative puisqu’ils sont issus de leur passé. Les tracés sur lesquelles la ville actuelle et future se développent sont le plus souvent le résultat d’une longue évolution historique.

Prenons l’exemple des voiries. La ville s’organise le long et autour d’axes majeurs suivant un plan directeur. Les avenues, les boulevards, les rues et les ruelles sont l’ossature du tissu

Alexandre Serres, Quelle(s) problématique(s) de la trace ?, p.1

Paul Veyne, Comment on écrit l’histoire, p.47

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urbain, et certaines d’entres elles perdurent tout au long de l’Histoire de la ville. A travers leur typologie, elles témoignent de différentes époques. Ces voiries changent peut-être de statut, de nom ou de fréquentation mais elles n’en restent pas moins dessinées sur les mêmes tracés anciens. Par exemple, le centre ville d’Athènes fourmille de traces du passé, toujours visibles aujourd’hui. De nombreuses rues de la ville contemporaine sont les héritières des anciennes voiries antiques toujours pratiquées aujourd’hui.

Ayant cerné les définitions et les différentes formes que représentent les traces du passé, il convient d’aborder les conséquences qu’elles engendrent pour la ville et ses habitants.

3- Identité

Au delà de la notion de témoin du passé, ces traces sont aussi la marque d’une identité commune.

Elles sont la marque de notre attachement à une communauté, à la ville. Ce passé commun est un élément fédérateur qui rassemble les habitants autour de mêmes valeurs. Ce sentiment très vif d’appartenance à un même territoire nous permet de nous intégrer dans une société. Les habitants doivent s’approprier ce patrimoine car il fait partie de leur vie, de leur environnement, de leur quotidien.

Dans son intervention dans le colloque régional de 2011 sur les patrimoines qui font territoires, Jacques Grossard met le point sur l’importance de la connaissance de ce passé : «Le patrimoine est déjà un enjeu historique et esthétique reconnu par tous. Il est un élément de repère, de reconnaissance, d’identification [...] social et historique. Il est un vecteur d’appartenance à un territoire. Il est aussi un enjeu citoyen, parce que connaître son patrimoine, c’est aussi connaître son histoire et son identité, ce qui n’est

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Carte du centre ville d’Athènes et des anciennes voiries antiques toujours existantes dans la trame urbaine

© Pauline Bernard

Jacques Grossard , Ces patrimoines qui font

territoires, p.23

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pas chose simple.» Les habitants se reconnaissent dans cet héritage du passé. En tant que fondateur et acteur de la ville, l’Homme a un lien direct avec sa ville, son identité est liée à celle de sa ville.

Tout comme les hommes, l’identité des villes évolue. Les époques, les modes de vie, les styles architecturaux, tous ces éléments qui s’accumulent au fil des siècles, participent à la richesse d’une identité qui ne reste pas figée.

Prenons en exemple la ville de Marseille. Fondée par les grecs, elle est l’une des plus anciennes villes de France. Elle possède ainsi un passé antique conséquent. Elle fut notamment le plus grand port maritime durant l’époque de l’Empire Romain. Cette identité portuaire qui apparaît dès ses origines, est toujours d’actualité. Marseille est aujourd’hui le premier port français et le cinquième port européen. Certes, elle a évolué pour s’adapter au monde actuel et à l’évolution de l’activité portuaire. Cependant, la ville bénéficie par son histoire d’une légitimité plus forte que d’autres villes portuaires de même importance. En 2013, la ville s’ouvre et s’enrichit en devenant la Capitale Européenne de la Culture. Cet événement dénote une volonté de s’affirmer autrement, en mettant en avant une image culturelle et ainsi enrichir l’identité de la ville actuelle.

Ces villes historiques évoluent au rythme de leurs habitants. Au fil du temps, les sociétés se succèdent, laissant leurs propres traces dans la ville. Les strates s’accumulent et forment ainsi l’image plurielle de ces villes.

Cette lente évolution en continuité avec son histoire, donne aujourd’hui à la ville une identité forte et unique, ancrée dans le passé.

Pour assurer cette continuité, il faut entretenir la mémoire du passé et la transmettre afin d’écarter le danger d’un passé compromis par l’ignorance. Tout comme on transmet des valeurs familiales à ses enfants, il convient de léguer aux générations futures une identité ancrée dans le passé. Cette dernière constitue un socle commun qui évoluera en fonction des transformations de la société, des modes de vies ou encore des moeurs. Cette transmission est donc essentielle pour que cet héritage perdure et soit sous-jacent à toutes les évolutions futures.

Cependant, bien que le passé soit un élément omniprésent et essentiel dans les villes historiques, il ne doit pas prédominer sur l’évolution progressive de la ville contemporaine.

Dos d’un billet de 5 euros représentant un modèle de pont de l’époque romaine

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C/ VILLES MUSÉES

Notre attachement au passé nous pousse à garder et préserver la moindre trace, le moindre objet patrimonial. Cette réaction est d’autant plus accentuée face à notre monde qui ne cesse d’évoluer et de s’étendre de plus en plus vite (mondialisation, évolution des technologies, Internet, virtualisation...), propulsant l’Homme à une échelle mondiale dépourvue de cadres et de repères. L’Homme ressent d’autant plus le besoin de se rattacher à des valeurs qu’il connaît et qui lui sont proches. Les traces du passé agissent alors comme un facteur d’équilibre et de sécurité : concrètes, authentiques, rassurantes, elles sont ancrées dans l’Histoire et ont traversé les âges. Elles renvoient à des formes anciennes et à des systèmes reconnus qui justifient la présence de notre civilisation. Elles témoignent de notre appartenance à ce monde.

Cet attachement exacerbé finit par provoquer un phénomène de muséification et de villes musées. Même si l’intention initiale de sauvegarde de ce patrimoine est compréhensible, figer la ville, ne peut pas être une solution, bien au contraire. Elle pose encore plus de problèmes. En voulant le conserver et le protéger, les Hommes ont tendance à sacraliser et figer le patrimoine de manière trop systématique. Sous couvert de le protéger, la muséification coupe les traces du passé de leur contexte, de leur rapport à la ville. La ville «ancienne» n’est plus qu’une image. Symbole d’une époque déjà révolue, il ne s’agit plus d’un lieu de vie.

La ville contemporaine, fonctionnelle avec ses activités, ses habitants, se développe en parallèle mais sans lien. La ville devenue musée meurt, comme l’évoque le chanteur du groupe JAVA dans la chanson Paris musée :

«Paris musée, Paris devient un muséeAdmirez les vieilles pierres, les vitrines sous réverbère. Venez voir Paris frivole qu’on a plongé dans le formol

Affiche publicitaire pour la ville de Marseille, Capitale européenne de la culture en 2013, Source : www.mp2013.fr

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[...] Venez tous faire la fête, à la maison de retraite. Une ambiance funéraire, dans la grande ville lumière»

La ville ancienne devient alors un endroit déconnecté de la vie ambiante. Les modes de vies contemporains et les possibilités d’appropriation de l’espace par les habitants se retrouvent restreints. Les activités liées à la conservation de ce patrimoine (tourisme, musée...) s’imposent dans certains cas au détriment de celles des habitants. Les bâtiments et les sites sont transformés en objets sentimentaux, plutôt qu’en lieux pour l’action humaine et la dynamique de la vie sociale.

La survalorisation du patrimoine se fait donc au détriment des activités et des relations humaines ce qui engendre un abandon de ces lieux par les habitants. Un article de la revue Continuité, dédié au patrimoine bâti et paysager, et au titre provocateur, Menace universelle, dénonce cette désaffectation des populations dans les centre villes anciens : «On pourra objecter que le dépeuplement est survenu dans tous les centres historiques du monde, et que tous tendent à devenir la partie muséale de leur ville».

Rue touristique de Venise© Tipti & Lou, Source : www.tiptilou.com

Article Menace universelle, de la revue Continuité

Extraits de la chanson Paris musée du groupe JAVA

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La ville de Venise est, depuis 40 ans, confrontée à un dépeuplement croissant de son centre ville historique. Contrairement aux idées reçues, l’activité touristique, rythmée par les 50 000 visiteurs qui défilent chaque jour, n’enrichit pas la ville mais contribue à en chasser les résidants du centre historique. La flambée des prix de l’immobilier d’une part et les politiques excessives de conservation d’autre part, freinent le développement de la vie urbaine et rendent le centre ville historique inadapté aux usages et à la vie quotidienne. Or, l’avenir et la sauvegarde de Venise, en tant que cité vivante, passent par le maintien des populations et des activités artisanales, commerciales et administratives dans leur lieu d’origine.

Cet exemple le montre bien, les villes historiques ne peuvent vivre qu’à travers ceux qui y habitent quotidiennement et qui constituent, ainsi, son âme. Les propos de Eugène Ollivier extraits de l’ouvrage Les monuments historiques demain dénoncent ce problème «Sans l’intégration du monument dans la vie quotidienne du village, de la cité ou du pays, toute protection risque de rester artificielle, sans conséquence au niveau de la conscience collective.»

Ainsi, si le patrimoine est dépourvu d’usage et délaissé, il perd tout son sens et sa force symbolique.

/ CONCLUSION

Nous l’avons vu dans cette première partie, les traces du passé font partie de la vie des habitants et marquent fortement l’identité de la ville. L’importance du patrimoine dans les villes «anciennes» est indéniable.

Pour autant, sa place dans la ville, est à traiter avec parcimonie. Dans nos sociétés modernes, où l’angoisse de l’effacement du patrimoine prend de plus en plus d’ampleur, la tentation de la muséification est grande. Or, la préservation des traces du passé, ne doit en aucun cas prévaloir sur la ville future. Comme nous l’avons abordé, cette pratique tend à isoler le patrimoine et à le faire, peu à peu, disparaître de la vie quotidienne.

Il nous apparait important alors, de réfléchir à l’intégration des traces du passé dans la ville contemporaine et future.

Nous allons donc, dans les parties qui suivent, nous demander sous quelles formes et par quels moyens intégrer ces traces. Dans la deuxième partie, nous verrons comment les intégrer dans la pensée du projet urbain au travers de la planification de la ville. Dans la troisième partie nous verrons comment intégrer physiquement ces traces dans la ville.

Eugène Ollivier, Les monuments historiques

demain

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L’ARCHÉOLOGIEau regard du projet urbainII /

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/ INTRODUCTION

«Étude scientifique des civilisations anciennes reposant sur la collecte et l’analyse de leurs traces matérielles» L’internaute.com

«Étude des civilisations anciennes réalisée à partir des vestiges matériels d’une activité exercée par les hommes, ou à partir des éléments de leur contexte» Larousse

«Science qui a pour objet l’étude des civilisations humaines passées à partir des monuments et objets qui en subsistent» Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales

«Etude des civilisations antiques, par l’analyse des vestiges» Reverso

Pour connaître notre passé il faut l’étudier. L’archéologie est la discipline qui traite de cette question. Ce sont, grâce aux fouilles, aux analyses et aux recherches couplées aux archives que l’on en apprend le plus sur nos origines. Les différentes définitions que l’on peut trouver sur cette discipline mettent l’accent sur les mêmes éléments principaux : une démarche scientifique basée sur des éléments matériels.

L’archéologie fait partie des différentes disciplines d’études des sociétés humaines tout comme l’éthnologie, l’anthropologie ou même la sociologie. Cependant, elle se démarque quant aux moyens qu’elle utilise. Elle se penche à la fois sur l’étude des traces écrites et physiques. L’avantage de se baser sur des faits scientifiques lui permet une étude plus objective que celle des textes seuls ou d’iconographies qui transmettent souvent un point de vue subjectif. Elle fait appel à de nombreuses autres disciplines : les Sciences de la vie et de la terre, l’Histoire et également l’Architecture puisque, une grande partie des traces qui perdurent, sont les vestiges de constructions réalisées par l’Homme.

Cependant, il faut se rappeler que cette pratique de l’archéologie n’a pas toujours été la même. Elle a longtemps connu des limites plus étroites, tant dans les méthodes utilisées que dans le choix des sujets d’études. La considération même des vestiges du passé et leur place dans la ville contemporaine n’a cessé d’évoluer. D’ailleurs cette prise en compte est liée aux différentes pratiques de l’archéologie. C’est pour cela que j’ai voulu, dans un premier temps, retracer cette évolution et les origines de l’archéologie contemporaine afin de mieux comprendre comment, aujourd’hui, l’on considère les traces du passé.

A/ ARCHÉOLOGIE MODERNE

De nos jours, notre intérêt pour les traces du passé et la pratique de l’archéologie sont ancrés dans nos sociétés. Mais on oublie parfois que cette valeur donnée aux vestiges, n’a pas toujours été si forte, voire même, quasi inexistante.

Depuis le début des grandes civilisations jusqu’au Moyen Age, les constructions sont rattachées à une vision très concrète et très matérielle. Les édifices ne sont généralement pas totalement abandonnés. Les Hommes investissent, recyclent et continuent de se servir de ces anciens monuments. Certains sont complètement détruits et, une fois retournés à leur état initial de matière première, servent à la création de nouvelles constructions.

A partir du XIVème siècle, le mouvement de la Renaissance marque un tournant dans le

Définitions de l’Archéologie

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rapport de la société avec son passé, notamment à travers la redécouverte de l’Antiquité. Tous les regards de l’époque sont ainsi tournés sur les ruines qui, par leur matérialité, témoignent directement de ce passé. Une esthétique et une poétique de la ruine se répand largement et s’étend aux différents domaines artistiques et intellectuels tels que la peinture, la poésie, la littérature ou encore l’architecture.

Les grandes avancées technologiques du XIXème siècle transforment en grande partie les sociétés contemporaines. Les villes se développent et avec elles, de grands travaux d’aménagement sont lancés : création d’autoroutes, lignes de TGV, parkings souterrains, métros et autres lignes de transports urbains. Tous ces développements multiplient les impacts et les risques de destruction du sous-sol archéologique, de ces vestiges porteurs d’histoire, de culture et d’identité. La prise de conscience de cette menace se propage dans les esprits et l’opinion publique, autrefois indifférente, réagie. L’idée de patrimoine ainsi que la volonté de préserver ces mémoires qui se propagent dans les esprits depuis longtemps, devient une nécessité et une évidence.

Cette prise de conscience et l’intérêt grandissant pour les traces du passé au cours du XIXème et XXème siècle permettent à l’archéologie de se développer et de prendre de l’ampleur. J.P. Demoule nous explique ici l’état d’esprit de l’époque : «Comprendre le monde différemment, mieux se situer dans la trajectoire historique des civilisations, devint, consciemment ou non, une préoccupation grandissante». L’archéologie évolue à la fois dans la manière de penser et dans les techniques employées. Cette nouvelle vision marque fortement l’histoire de la discipline en France, puisqu’en 1960, elle atteint le statut de science à part entière. Ce sont tous ces changements qui ont permis à l’archéologie de se réinventer, permettant ainsi de poser les bases d’une archéologie moderne.

En effet, à partir de cette époque la recherche archéologique s’ouvre à de nouvelles problématiques : «Tandis que l’archéologie traditionnelle découvrait des trésors et s’attachait à retrouver les traces matérielles des grand évènements, voire des faits légendaires, et celles des civilisations historiques, une autre archéologie est née qui développait ses travaux dans un esprit totalement différent et avec des méthodes nouvelles». Jean-Marie Pesez nous explique que les fouilles archéologiques ne sont

Fouilles archéologiques sur le site de Courvaudon à Villers-

Ecalles, sept 2012 à juin 2013, © J.Refuveille, Source :

www.INRAP.fr

Jean Paul Demoule, La Fabrique de l’archéologie

en France, p.11

Jean-Marie Pesez, L’archéologie : mutations,

missions, méthode, p.44

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plus limitées à la découverte d’objets, mais s’intègrent dans un processus de recherche historique. Dépassant l’aspect matériel, elle atteint une dimension sociale. Elle cherche à comprendre comment une construction s’intègre dans l’ensemble d’un territoire, au sein d’une société, à une époque donnée. Il ne s’agit plus d’une «exploration matérielle du passé» mais d’une étude plus large des civilisations et de leur mode de vie et de leur évolution. On se rapproche du quotidien et de l’architecture domestique. On peut citer le cas de l’archéologie médiévale qui n’avait cessé d’être monumentale, se réduisant à l’étude des édifices religieux et des palais. Avec l’élargissement du champ d’étude de l’archéologie, les fouilles se sont étoffées et les connaissances de cette époque furent démultipliées. L’archéologie s’attache à restituer, dans son ensemble, l’Histoire contenue par les objets et constructions, même des bâtiments les plus modestes.

Avec ces nouvelles problématiques, l’archéologie s’est rapprochée des sciences sociales, au même titre que l’anthropologie, la sociologie, l’ethnologie ou même la psychologie. Tout comme elles, l’archéologie moderne cherche à étudier le comportement et l’évolution des groupes de populations, ainsi que de leurs activités et leur occupation du territoire. Mais son statut de science est également dû à l’évolution de ses techniques. A ses débuts, l’archéologie n’était qu’une discipline auxillière de l’histoire. Essentiellement basée sur des postulats historiques, la recherche ne se résumait qu’à une vérification matérielle des traces d’un passé décrites dans les livres. La discipline s’est ensuite progressivement tournée vers une pratique plus rigoureuse et des méthodes de travail plus scientifiques. En effet, le résultat des fouilles archéologiques possède de nombreuses caractéristiques qui font défaut aux informations tirées des textes ou des iconographies. L’aspect scientifique apporte une objectivité dans la connaissance de notre passé pouvant affirmer ou au contraire rejeter les postulats énoncés autrefois. C’est ce qui en fait un élément supplémentaire et indispensable de la connaissance historique, lui permettant d’explorer des hypothèses nouvelles et de découvrir des faits jusque là inconnus et inexistants dans les textes.

Ces nouvelles méthodes de recherche sont également liées aux nouveaux sujets d’étude. Avec l’arrivée de ces nouvelles problématiques, les fouilles archéologiques prennent en compte beaucoup plus de données. Des thèmes comme la biodiversité, la topographie ou la géologie sont devenus partie prenante de la recherche archéologique. C’est ainsi, que les archéologues sont aujourd’hui amenés à collaborer avec des géologues, des

Coupe géologique sur les strates du terrain de la cour du Napoléon, © EPGL , Source : Le grand Louvre, métamorphose d’un musée.

Jean Paul Demoule, La Fabrique de l’archéologie en France, p.21

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topographes, des botanistes, ou même des zoologues. L’interdisciplinarité est devenue essentielle pour l’étude globale d’un site et la bonne compréhension de son passé. En s’ouvrant à ces autres domaines, l’archéologie s’est énormément enrichie tout comme nos connaissances sur le passé.

L’exemple des fouilles du Louvre, dans le cadre du grand projet d’extension du musée lancé en 1981 et de la création de la pyramide, symbolise assez bien l’émergence de cette nouvelle archéologie. Pour la première fois, des fouilles préventives d’une telle ampleur sont planifiées en amont des travaux.

Deux fouilles principales sont alors réalisées dans la cour Carrée et dans la cour Napoléon. Les motivations et les méthodes utilisées, assez éloignées, sont emblématiques des différentes pratiques s’affrontant à l’époque.

D’une part, les fouilles de la cour Carrée sont dirigées par l’archéologue Michel Fleury. Spécialiste des rois de France, il représente une archéologie monumentale, qui s’intéresse principalement aux grands faits historiques de notre histoire. En cela, les archéologues du chantier avaient comme objectif principal de mettre au jour les ruines de l’ancienne tour du château médiéval dont l’emplacement était déjà connu. Des techniques et des moyens de fouilles radicales sont utilisés, notamment des bulldozers pour dégager rapidement les vestiges.

D’autre part, l’archéologue Pierre-Jean Trombetta, spécialiste de l’archéologie urbaine, médiévale et moderne, s’est vu confié les fouilles de la cour Napoléon. Ces fouilles sont, à l’époque, considérées sans grand intérêt historique car d’après les

Fouilles de la cour Carrée, © EPGL , Source : Le grand

Louvre, de la pyramide à l’Orangerie.

Cf. Annexes p.74

Cf. Annexes p.75

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connaissances de l’époque, aucun vestige d’importance ne s’y trouvait. Cependant, contre toute attente, le chantier fut le lieu de nombreuses découvertes inédites et le témoin de la mise en pratique de cette nouvelle archéologie qui se développe alors à l’époque. En opposition avec les fouilles de la cour Carrée, les découvertes faites dans la cour Napoléon concernent une quantité d’objets de la vie quotidienne. Les fouilles se sont intéressées non plus à la vie du Palais mais aux modes de vie des habitants de cet ancien quartier qui se développait autour, l’étude allant de la construction des immeubles aux latrines. Ce chantier est également l’occasion pour P.J. Trombetta de mettre en application la technique de fouilles stratigraphiques (fouille des couches archéologiques dans l’ordre inverse de leur déposition), jusque là très peu utilisée en archéologie. Une technique adaptée au terrain, tout comme les différents outils utilisés, de la pelle mécanique au pinceau.

Ces fouilles à leur début sans grands enjeux, ont finalement permis une compréhension chronologique et fonctionnelle des structures du bâti et de l’évolution du tissu urbain et des habitants eux-mêmes. Ce chantier du Louvre arrive en effet à

Fouilles de la cour Napoléon, Source : Le Grand Louvre, histoire d’un projet

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un moment clé de l’évolution de l’archéologie en France et symbolise cette montée d’une archéologie moderne avec de nouvelles problématiques sociales et de nouvelles techniques scientifiques.

B/ L’ARCHÉOLOGIE URBAINE

«Aucune des créations de l’homme n’a autant servi le développement de la culture humaine que la ville»

Les sociétés se développent et évoluent au sein de cette structure. Les traces de chaque époque s’accumulent tandis que la ville ne cesse de muter. Toutes ces accumulations font de la ville un livre ouvert sur notre passé, offrant une lecture concrète des actions des hommes à travers le temps.

Comme nous l’avons déjà évoqué, les villes se sont beaucoup développées au cours du XIXème et XXème siècle. Le phénomène d’urbanisation a connu une expansion très forte et ce, en peu de temps. Martin Biddle nous explique dans le livre Archéologie urbaine que «La croissance rapide de la population urbaine, [résultat pour l’essentiel de l’exode rural], a eu pour effet non seulement un accroissement de la taille des villes, mais aussi de très rapides changements dans les centres urbains». En effet, beaucoup d’aménagements ont été entrepris, en particulier dans les centres villes, touchant directement au sous-sol du territoire. Ces aménagements ont entraîné une multiplication des opérations archéologiques dans les secteurs urbanisés. A tel point que les fouilles en milieu urbain sont devenues les principales opérations archéologiques. Cette multiplication des fouilles associée aux nouvelles problématiques apportées par l’archéologie moderne ont permis la naissance d’une archéologie dite urbaine.

L’archéologie urbaine se définit comme l’archéologie de la ville et non en ville. Elle pense la ville en termes de sujet d’étude et non de lieu de recherche. L’archéologie urbaine peut être résumée par l’étude de l’organisation de l’espace par les hommes et à travers les âges. Comme nous l’explique Patrice Béghain : «Il ne s’agit pas que d’un élargissement spatial du champ d’application du concept, mais d’une évolution de son sens même. Ce n’est plus exclusivement la qualité du monument, son intérêt artistique ou historique qui comptent, mais ce qui, dans le tissu urbain auquel il est lié, nous rattache à une histoire et à des pratiques collectives». La recherche archéologique est donc portée à la fois sur l’évolution de la ville et à la fois sur l’évolution des sociétés rattachées. Il s’agit de comprendre comment l’homme s’est approprié la ville en décryptant la structuration de l’espace induite par les modes de vies. On cherche à repérer les transformations apportées au parcellaire et leur lien avec les mutations sociales qui les ont accompagnées. C’est ce que nous explique Patrice Béghain : «Plus que l’édifice isolé, la forme de la ville, ses rues, ses places, ses ressentis et ses maladresses nous restituent la vie d’hier et, surtout, offrent dans la continuité un cadre aux activités d’aujourd’hui. La morphologie urbaine nous situe dans une tradition». Nous étudions donc l’évolution du tissu urbain afin de comprendre la genèse des villes et leurs principes de structuration. Cette nouvelle archéologie a permis, dans beaucoup de cas, de remettre en cause l’idée que l’on se faisait jusqu’alors de la naissance des villes.

Par exemple, en 1967, la ville de Marseille lance un grand projet de rénovation du quartier de la Bourse avec la construction d’un centre commercial, non loin du port moderne. Dès le début des travaux, d’importants vestiges antiques ont été mis au jour. On y découvrit une partie des remparts de l’ancienne ville, le reste des quais du port antique grec ainsi

Patrice Béghain, Le patrimoine, culture et lien social, p.59

Patrice Béghain, Le patrimoine, culture et lien social, p.59

Martin Biddle, Archéologie urbaine, p.47

Martin Biddle, Archéologie urbaine, p.28

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que la voie d’entrée dans la ville venant d’Italie. Ces découvertes représentant un intérêt fondamental dans la perspective de nouvelles connaissances sur le passé antique de la ville, le chantier fût interrompu. Cependant, pour ne pas pénaliser l’avancement du projet, la décision a été prise d’un commun accord de ne classer qu’une partie du site, permettant aux archéologues de continuer leur fouilles. En contrepartie, le projet a été modifié pour intégrer, au plan général d’aménagement du centre commercial, la zone de fouilles et la création d’un musée archéologique.

Ce premier exemple de prise en compte de l’archéologie urbaine ainsi que des vestiges dans un projet d’aménagement urbain a permis à la ville de satisfaire un grand nombre des attentes, tant sur le plan archéologique, urbanistique et économique que culturel.

Jardin archéologique du Centre Bourse, © Pauline Bernard

Cf. Annexes p.76

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C/ L’ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE

On a vu qu’il y a eu une prise de conscience de la fragilité des traces du passé entraînant des opérations de sauvetage. Cependant, avec l’archéologie préventive, les archéologues entendent dépasser cette situation d’urgence.

L’archéologue Alain Schnapp nous dépeint l’image d’une «archéologie préventive [qui] tente d’apprivoiser le temps». L’archéologue J.M. Pesez nous aide également à comprendre les fondements de cette archéologie dans l’ouvrage L’archéologie : mutations, missions, méthode «elles ont pour finalité de prévenir les destructions entraînées par toutes sortes de travaux portant atteinte à l’intégrité du sol et pouvant donc faire disparaître, sans qu’on en ait pris connaissance, des vestiges enfouis, que la présence de ceux-ci soit connue, soupçonnée ou totalement ignorée.». L’objectif est donc d’éviter ces destructions liées aux travaux. Agir en amont pour empêcher les conflits entre fouilles et aménagements et surtout pour ne pas avoir à devoir choisir l’un aux dépens de l’autre.

Dans le cas du Centre Bourse à Marseille, les vestiges ont pu être conservés en partie, cependant les travaux ont été arrêtés pendant plusieurs mois et leur coût a dû être intégré, explosant de plus les délais. Dans beaucoup trop de cas, la découverte d’un site archéologique est perçu comme une contrainte onéreuse et ralentissant le chantier. L’archéologie est souvent accusée d’être en contradiction avec le «développement économique». Cependant, l’archéologue J.P. Jacob défend que «L’archéologie n’est pas un handicap, c’est un atout pour que l’aménagement du territoire ne se fasse pas au prix d’une «tabula rasa» qui n’aurait d’équivalent que l’incendie de nos archives publiques, et nous plongerait dans une amnésie délétère.»

La prise en compte des fouilles dès le début d’un projet est en effet bénéfique pour l’ensemble des acteurs de la ville. La planification permet d’offrir de bonnes conditions de fouilles aux archéologues, sans gêner l’avancée des travaux et les entrepreneurs. Les relations interprofessionnelles et la cohabitation entre les disciplines se sont pacifiées. Sur la plupart des projets, l’archéologue intervient désormais au même titre que l’architecte, le promoteur ou le bureau d’études techniques.

Le chantier du Louvre est, quant à lui, emblématique de la reconnaissance de l’archéologie préventive en France. En effet, c’est la première fois que des fouilles préventives de cette importance sont planifiées et organisées en amont des travaux. Le chantier est marqué par son ampleur, les fouilles s’étendant sur 9 hectares et allant de 4 à 5m de profondeur. Cette prise en compte des fouilles préventives et leur intégration au projet général d’aménagement, permet aux archéologues de travailler dans des conditions favorables et adaptées à l’ampleur des travaux : un budget de plusieurs dizaines de millions est mis à disposition. Durant les 4 années de fouilles, jusqu’à 200 personnes ont travaillé sur le chantier dont 60 professionnels, archéologues et spécialistes, assistés de terrassiers et de bénévoles.

Ce premier exemple marquant met en avant la nécessité pour l’archéologie préventive de bénéficier de moyens adaptés, d’être intégrée aux projets d’aménagements, et ainsi d’être pensée au même titre que les différentes étapes d’un chantier.

Contrairement aux fouilles dites programmées, qui s’efforcent de répondre à des problématiques scientifiques, les fouilles préventives ont bénéficié d’une aide financière

Aalin Schnapp, La Fabrique de l’archéologie en France, p.20

Jean-Paul Jacob, La Fabrique de l’archéologie en France, p.7

Jean-Marie Pesez, L’archéologie : mutations, missions, méthode, p.102

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majeure. Au milieu des années 90, les fouilles préventives bénéficiaient d’environ 40 millions de francs contre 10 millions pour les fouilles programmées. Ces investissements conséquents liés aux politiques d’aménagement urbain ont aidé considérablement à faire avancer ce domaine de l’archéologie. En effet, l’archéologie préventive a permis de faire un bond dans nos connaissances du passé. Les fouilles archéologiques n’étaient pas si répandues à l’époque, et les quelques informations que l’on avait sur le sous-sol de nos villes étaient le plus souvent dûes à des interventions individuelles, de particuliers, d’érudits profitant des dégagements liés aux grands travaux. La systématisation de ces fouilles dans les zones à risques a permis de multiplier considérablement les connaissances historiques. Aujourd’hui «Dans tous les pays qui la pratiquent, l’archéologie préventive représente désormais quelque 90% des sites et objets exhumés chaque année». La somme d’informations accumulées depuis plus de vingt ans permet d’ores et déjà, pour toutes ces villes, d’opérer une révision des hypothèses qui ont été avancées le plus souvent à partir de données fragmentaires ou anciennes.

On peut citer en exemple la ville de Grenoble. Grace aux opérations, réalisées entre 1989 et 1991, pour la ligne de Tramway entre les places Notre-Dame et Sainte-Claire, de vastes fouilles ont été effectuées sur l’ensemble de la ville. Sous la direction de François Baucheron, elles ont permis pour la première fois, une lecture continue de la stratification antique de la ville, du nord au sud. L’importance de cette découverte a entraîné des modifications du projet et de l’aménagement urbain et la construction d’une crypte archéologique présentant les vestiges au public.

Le passé est ainsi intervenu dans le projet urbain apportant des compléments sur l’histoire antique et l’origine de la ville.

Carte des remparts de la vielle ville, Grenoble, Source : Archéologie Urbaine, p.499

Jean-Paul Demoule, L’Archéologie préventive dans le monde, p.9

Cf. Annexes p.82-83

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D/ LES TRACES DU PASSÉ DANS LE PROJET URBAIN

L’archéologie préventive a donc permis une avancée considérable pour la connaissance historique, mais elle joue également un rôle très important pour notre présent et notre futur.

En intervenant en amont, les fouilles sont encouragées et non subies. Les traces du passé ont alors une place à part entière dans le processus urbain. Elles sont liées au projet d’aménagement et ne peuvent plus être ignorées. C’est pour cela que l’archéologie préventive a grandement contribué à la valorisation de ces traces au sein des villes. L’archéologie est maintenant intégrée au processus du projet urbain et l’archéologue en est un de ses acteurs.

«Il faut savoir d’où l’on vient pour comprendre où l’on va»

En étant prises en compte dans le projet urbain, les traces du passé interviennent sur la ville actuelle et future. La nature et le développement historique des villes sont des atouts pour comprendre l’évolution, la croissance et l’avenir d’une civilisation. La ville actuelle étant l’héritière dans ses formes de la ville passée, le lien entre passé, présent et futur est marqué. En effet la connaissance de notre passé nous aide à appréhender l’état actuel de nos villes. L’archéologue J.P Jacob nous explique que «l’archéologie n’est pas seulement la science du passé, c’est aussi le socle de la réflexion sur la société contemporaine, qu’il s’agisse des évolutions du climat, des transformations du paysage, des usages du territoire, des mouvements de population, des conditions de vie urbaine ou du rapport de l’homme avec l’au-delà...». La recherche archéologique et les connaissances tirées nous apportent des pistes de réflexions pour construire la ville de demain. Elles permettent de mettre en évidence les différents modes de gestion du territoire urbain, de révéler les dynamiques d’organisation et de mettre au jour les processus d’évolution de la ville qui sont d’ailleurs toujours d’actualité. C’est à partir de

Jean-Paul Jacob, La Fabrique de l’archéologie en France, p.7

MAXIME

Plan-relief de la ville de Grenoble, construit de 1839

à 1848, ©RMN - Stéphane Maréchalle René-Gabriel

Ojéda, Source : www.connaissancedesarts.com

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ces données, de ces connaissances que nous pouvons ensuite aborder le futur de la ville. Mieux comprendre la fabrication du territoire permet d’en devenir acteur et d’enrichir sa transformation.

L’archéologue P. Garmy nous explique cette relation étroite dans laquelle nous devons considérer la ville future par rapport au passé : «La création contemporaine en matière d’urbanisme doit pouvoir passer par le respect documenté ou, au contraire, la transgression consciente et raisonnée de l’héritage urbain». Il met en évidence le fait que la ville de demain ne peut être projetée qu’en toute connaissance de cause. L’enjeu du processus de fabrique urbaine est d’articuler et de mêler de la façon la plus pertinente possible, les héritages du passé et les projets futurs. Au fil du développement des villes, on dénombre beaucoup trop de cas d’aménagements dont le tissu urbain n’a que peu de choses en commun, voire aucune, avec celui qui le précédait alors même qu’il était le résultat d’une lente évolution pensée à travers les siècles.

Cette rupture urbaine et historique est généralement génératrice de rupture sociale. Le lien avec le passé et le respect de la ville d’hier «permet de réinscrire la ville et ses quartiers dans les réseaux géographiques et sociaux qui lui donnent du sens et aide les acteurs de l’aménagement à prendre conscience des impacts des choix du passé – autrement dit, à identifier et à prendre en compte les potentiels des héritages en termes d’atouts et/ou de risques». Mélanie Foucault résume ici très bien l’idée principale de la prise en compte du passé pour le futur de la ville. A partir de l’étude du passé et de l’évolution des villes, il convient de tirer les leçons négatives ou positives pour ensuite construire au mieux la ville de demain. Partir des traces du passé lui permet ensuite de perdurer dans l’Histoire. Le passé est pris en compte dans la ville et celle-ci en est enrichie.

/ CONCLUSION

La conservation du patrimoine et la réhabilitation de bâtiments abandonnés paraît de nos jours bien ancrée dans l’opinion publique, tout comme dans l’apprentissage et la pratique de l’architecture. On assiste à une effervescence de ce type de projet, que ce soit sur du patrimoine ancien ou plus récent comme industriel. Cependant le débat reste ouvert sur la question des ruines et l’ensemble des traces du passé. Comment intervenir sur des ruines que l’on ne peut pas réhabiliter ? Comment redonner vie à des vestiges qui ne sont que ruines ? Doit on en garder une trace physique ou non ?

Pierre Garmy, Villes, réseaux et systèmes de villes : Contribution à l’archéologie.

Mélanie Foucault, 6e rencontres nationales de l’Anact Lyon

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L’INTÉGRATION des traces dans la villeIII /

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INTRODUCTION

Les fouilles menées par les archéologues, ainsi que les recherches des historiens, nous aident à décrypter les traces de notre passé et à tirer toutes les connaissances qu’elles peuvent nous livrer. Nous avons démontré dans la partie précédente, qu’il est important de donner une place à cette connaissance historique dans la planification de la ville future, pour que celle-ci se fasse en continuité avec la ville passée. Les traces du passé ont, certes, une importance dans la pensée de la ville mais la question se pose de leur place physique.

Nous avons tous, un jour ou l’autre, été confronté à ces traces du passé. Que ce soit lors d’une visite d’un site archéologique, la redécouverte d’un édifice réhabilité ou tout simplement en déambulant dans un centre ville ancien. Dans le contexte des villes «anciennes», elles sont omniprésentes, et le moindre coin de rue est un témoin de notre histoire. Nous avons évoqué dans la première partie les risques d’une conservation à outrance, qui à l’extrême, tend à figer les vestiges du passé et muséifier les villes. Cependant, en opposition, devons-nous tout détruire ? Les traces de notre passé doivent-elles s’effacer face au développement de la ville contemporaine ? Nous sommes forcés de constater que privilégier l’un aux dépens de l’autre n’est qu’une solution extrême qui ne règle pas la question du patrimoine dans la ville.

Existe-il alors un entre-deux ? Ne pouvons nous pas allier traces physiques, mémoire du passé et vie contemporaine ? Pour une intégration réussie dans le tissu urbain, il nous faut tout d’abord admettre que le passé, le présent et le futur peuvent cohabiter. Une intervention subtile sur ces traces peut-elle permettre à la ville contemporaine de s’immiscer sans s’imposer ?

Pour répondre à cette question nous allons aborder un panel d’exemples permettant de mettre en évidence les différentes manières d’agir sur ce patrimoine. Cette recherche nous aidera à déterminer quels sont les dispositifs et les aménagements facilitant l’intégration des traces du passé dans la ville.

A/ CONSERVATION D’UNE TRACE PHYSIQUE

La conservation des traces physiques de notre histoire est une nécessité. Comme nous l’avons démontré précédemment, ces traces sont un témoignage concret du passé, ce qui leur confère un statut privilégié dans l’affectif et la mémoire collective. Le comportement dénoncé à travers ce mémoire n’est autre que la conservation avec excès et non la conservation en soi. Le tout est de mettre en évidence les conditions et les enjeux de la conservation pour que cette dernière se fonde en harmonie avec la ville contemporaine.

1- Le choix de la conservation

Pour éviter de tout garder il faut donc faire un choix, mais comment choisir, quels sont les critères ?

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Par exemple, ces dernières années, le site archéologique de Pompéï est au coeur d’une polémique internationale sur la conservation de ses vestiges. En novembre 2010, l’effondrement de la Maison des gladiateurs alerte l’opinion publique sur l’état de délabrement du site. Environ un an après, l’effondrement d’un pan du mur d’enceinte de la ville ne fait que confirmer les problèmes d’entretien de ces vestiges. Le site de 44 hectares de ruines à ciel ouvert est négligé depuis plus de vingt ans, faute de moyens et de personnels en nombre suffisant. L’avenir du site de Pompéï est aujourd’hui grandement compromis.

Face à l’état de délabrement de nombreux vestiges qui n’ont pas bénéficié de travaux de consolidation, des initiatives portées par un élan collectif se développent de plus en plus. De nombreux habitants, riverains et autres intéressés, entreprennent des projets de sauvetage, de conservation et de réhabilitation de ce patrimoine à l’abandon. Au delà de l’intérêt historique et de la rareté des vestiges, la valeur sentimentale et donc subjective du patrimoine est souvent mise en avant dans de tels projets. Cette initiative collective mobilise des passionnés pour qui ce patrimoine a de la valeur, car il lie les habitants à leur propre histoire.

Ecroulement de la domus des gladiateurs à Pompeï en Novembre 2010 © CIRO LUCA - REUTERS,Source : www.francetvinfo.fr

Il est évident que la seule raison esthétique ne peut pas prévaloir. Ce critère est en totale opposition avec la définition même de la trace en tant que porteuse de passé. Si l’on conserve une trace c’est pour transmettre une histoire, un patrimoine. Dénuée de cette valeur historique, la trace risque de n’être plus qu’une enveloppe matérielle dépourvue de sens.

Le choix idéal semble être celui des archéologues, historiens ou encore architectes qui sont à même de juger de la rareté des vestiges, de l’importance historique ou de la valeur symbolique des vestiges. Cependant, ce choix reste grandement tributaire du contexte politique et économique. L’investissement des différents acteurs politiques, que ce soit l’État, les ministères, les collectivités locales, les administrations ou les mairies, influe sur les critères de sélection, les moyens et les budgets accordés.

Le coût de la conservation est d’ailleurs trop souvent sous-estimé. Toute trace finit par se dégrader et la conservation à long terme implique un entretien constant et un investissement conséquent qui n’est pas forcement mis à disposition indéfiniment.

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Le choix du patrimoine à conserver peut dépendre tout autant de critères rationnels, liés aux politiques et à l’économie, que de critères affectifs, en fonction des initiatives personnelles.

2- Faire vivre les traces

La conservation donne aux ruines les armes pour lutter contre le temps et leur disparition. Mais il ne faut pas oublier que conserver correspond avant tout à figer la ruine à un moment donné, un instant T qui est celui de notre ville actuelle. Elle permet, certes, d’arrêter les dégradations mais empêche aussi l’évolution future et potentielle des vestiges.

Nous évoquions dans la première partie le risque de figer la ville ainsi que ses traces historiques et ainsi lui ôter tout usage et toute vie. Or, sans vie et sans fréquentation le lieu finit par mourir. «Les œuvres les plus belles ont besoin d’être regardées et entourées. Un paysage sans vie est un paysage voué à la mort». C’est pour cela qu’il est important de leur redonner de la vie, de les intégrer à la vie quotidienne contemporaine pour ne pas qu’elles perdent leur usage et dépérissent.

Dans un premier temps, il est primordial d’assurer l’accessibilité de ces traces au public car c’est à travers le regard du visiteur que les vestiges s’animent et prennent tout leur sens. A quoi sert de conserver des traces si elles ne sont pas exposées aux yeux de tous ? L’intérêt primordial de conserver une trace physique de notre passé est de pouvoir raconter, questionner et transmettre son histoire à l’ensemble de la population. Contrairement à certaines époques, l’histoire n’est plus une affaire de spécialistes ou d’érudits, elle nous concerne tous sans exception.

L’exemple de l’aménagement de la place Piazza Alicia, dans le village de Salemi en Sicile réalisé par l’architecte Alvaro Siza en association avec Roberto Collovà est assez radical dans cette idée de total accès au public. Suite à un tremblement de terre en 1968, l’église

Le mouvement associatif REMPART est un parfait exemple de cette pratique collective et bénévole. Le mouvement se développe depuis les années 1960 et agit au niveau national et international. Il regroupe plus de 170 associations qui ont toutes en commun la volonté de restaurer et sauvegarder le patrimoine. Selon les dirigeants du mouvement «Le patrimoine est notre bien commun, il nous a été légué et nous devons le transmettre». Les interventions sont effectuées sur tout type de patrimoine, que ce soit des édifices protégés au titre des Monuments historiques ou de patrimoines moindres, et ce, de toute époque, sans qu’aucune ne soit particulièrement privilégiée.

Dominique Audrerie, La notion et la protection du patrimoine, p.39

Source : www.rempart.com

© REMPART, Source : www.rempart.com

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Dans un deuxième temps, il faut assurer la diffusion de cette connaissance du passé transmise par ces traces. Il ne suffit pas de conserver la trace physique, il faut également aider le public à comprendre l’histoire qu’elles nous transmettent. Que ce soit par le biais d’expositions, de publications, d’ateliers pédagogiques, de panneaux explicatifs ou de signalitiques in situ, les archéologues, historiens, architectes et autres détenteurs de cette mémoire ont le devoir d’éduquer le public. Comme nous l’évoquions depuis le début, les traces du passé ont valeur de témoins et sans cette transmission de l’histoire, ces traces sont vidées de leur sens et ne représentent plus que de la matière à l’état initial.

L’exemple récent du musée de l’Acropole à Athènes attire l’attention quant aux risques d’une conservation incomplète. Le projet de l’architecte Bernard Tschumi est construit sur des pilotis au dessus de ruines permettant ainsi leur conservation. La structure du bâtiment est pensée en fonction de l’emplacement des vestiges, malgré tout, il n’y a pas de réelle communication entre l’architecture et ces derniers. Seule une vue au dessus des ruines est proposée à l’entrée du musée mais l’accès y est impossible et

Chiesa Madre et une partie de la ville ont été détruites. Contrairement aux attentes, les architectes décident de ne pas reconstruire l’église mais d’aménager à l’endroit même des ruines, une place publique. Cette intervention, datant des années 80, permet de les laisser à ciel ouvert et de les rendre accessibles à l’ensemble de la population. Les architectes respectent ainsi l’état même de ruine de l’édifice et donc la mémoire de cet événement qui a touché la ville autrefois.

Piazza Alicia, village de SALEMI © Roberto

Collovà, Source : www.europaconcorsi.com

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aucune information ne permet la compréhension du site archéologique. Les visiteurs n’en connaissent pas la nature, l’époque ou leur usage. Dans ce projet, la préservation apparaît finalement comme un acte de bonne conscience, ne prenant pas entièrement en compte les vestiges qui restent isolés et relégués à un simple élément de décors.

Enfin, pour intégrer au mieux les traces du passé à la vie quotidienne, il est primordial de faire revivre ce patrimoine en réinvestissant ces traces. Il nous faut démontrer que l’on peut intervenir dessus, sans pour autant les dénaturer ou perdre leur valeur de témoins, bien au contraire, cela permet de leur redonner vie et de les mettre en avant dans la ville actuelle. Le but d’une telle intervention est de redonner à ce patrimoine une nouvelle vie et d’y apporter de nouveaux usages contemporains, pour permettre aux habitants de l’investir, de se l’approprier. Ces traces du passé sont alors le germe d’un nouveau dynamisme social, économique ou encore culturel en lien avec son histoire. On assiste ainsi à la naissance de lieux où le passé, le présent et le futur cohabitent.

L’association REMPART a valeur d’exemple en ce qui concerne les interventions sur le patrimoine. Ils définissent eux même cette volonté d’intervenir sur les vestiges tout en les réhabilitant en lieu de vie : «L’union REMPART nourrit une double ambition à l’égard du patrimoine : elle veut non seulement le sauvegarder et le restaurer mais aussi le réutiliser et l’animer. [...] En effet, une action de restauration n’est complète que si elle intègre dans son projet une finalité pour son objet. Si bien restaurés soient-ils, le bâtiment, le site naturel ou archéologique, retourneront vite à l’état antérieur de dégradation si une utilisation justifiée et un accord avec la société actuelle ne sont pas trouvés». Chacun des sites pris en charge par une association REMPART est donc non seulement sauvegardé ou restauré mais également réutilisé et animé dans le cadre d’un «projet de développement local» : une ruine médiévale devient un lieu de spectacle, une maison rurale un gîte d’étape, une ancienne blanchisserie industrielle, un musée… Avant même la fin des travaux, les associations redonnent vie au site et le rendent accessible en organisant des visites guidées, des journées portes ouvertes, des animations ou des expositions.

LOGO © REMPARTSource : www.rempart.com

Source : www.rempart.com

Entrée du musée de l’Acropole © Courtesy of Bernard Tschumi Architects, Source : www.Archidaily.com

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Conclusion

Le choix de conserver une trace du passé doit être fait avant tout pour transmettre un témoignage matériel de notre histoire. C’est pour cela que la conservation n’est pas une fin en soi. Elle doit être accompagnée de dispositifs aidant à la compréhension de la trace tout en leur permettant de s’intégrer dans la ville actuelle, qu’elles ne soient plus isolées et délaissées. L’accès et la transmission du savoir doivent être une priorité car il est notre bien à tous. C’est la raison pour laquelle il nous faut investir ces traces en mêlant nos usages contemporains aux constructions du passé, nous permettant ainsi de s’approprier notre histoire. Les traces du passé n’appartiennent donc plus uniquement au passé, elles font également partie de notre présent et notre futur.

B/ COHABITATION AVEC LA VILLE CONTEMPORAINE

Les traces du passé restent un objet de fascination dans nos sociétés occidentales. Nous sommes attachés à une vision du patrimoine sacralisé qui nous pousse à systématiquement surprotéger ces vestiges. Cette pensée est ancrée dans la conscience collective qui, le plus souvent, n’arrive pas associer l’architecture et les usages contemporains à l’ancien. C’est pour cela que beaucoup d’entre eux s’acharnent à refuser certains projets d’intervention moderne, jugés irrespectueux ou brutaux.

Nous l’affirmions au début de ce mémoire, les mentalités doivent changer. Il nous faut prouver que l’on peut intervenir sur ces traces du passé et que l’architecture contemporaine peut être un moyen d’investir ces lieux.

Le plus souvent, la nature et l’état même de la ruine permet de déterminer le type de projet possible. La diversité des réponses architecturales contemporaines est liée à la diversité des formes et typologies de la ruine elle-même, c’est pour cela que nous allons aborder plusieurs manières d’intervenir sur ces ruines par le biais d’exemples de natures différentes.

1- Intervention réversible

La solution d’une construction réversible permet une intervention minimale, dans le respect des vestiges. La structure ajoutée n’a pas d’incidence sur les traces du passé et peut à tout moment, selon les envies et les besoins, s’effacer. Ce type d’intervention a également un avantage archéologique car elle laisse le champ libre aux diverses études et fouilles toujours en cours.

Le plus souvent, ces interventions concernent un dispositif de couverture, le but étant de protéger les vestiges contre les intempéries et la lumière du soleil pour éviter les infiltrations d’eau, les décollements de fresques ou d’enduits et les chutes de fragments.

De tels dispositifs sont également mis en place dans le but d’accueillir du public et de garantir leur sécurité car, comme nous l’évoquions précédemment, l’accès au public est un élément primordial pour la vie et la pérennité de ces sites. Dans beaucoup de cas d’anciens lieux de spectacles (arènes, cirques, théâtres...), l’organisation de représentations et d’activités culturelles ponctuelles permet de faire revivre ces lieux

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Ce type d’intervention nous incite donc à investir ces lieux chargés d’histoire tout en les protégeant. Les aménagements éphémères/réversibles permettent la cohabitation entre traces du passé et activités contemporaines, à travers le respect à la fois du lieu historique et de la vie actuelle.

Cependant, l’aspect éphémère et réversible nous limite dans le type d’interventions et le type d’usages. Les activités nécessitant des installations permanentes (de type fluides, alimentation électrique, etc.) ne peuvent être réellement aménagées. C’est donc à se demander si les critères d’intervention ne sont pas trop restreints, empêchant ainsi l’ensemble de la vie contemporaine d’investir ce type de lieux. Françoise Choay se questionne d’ailleurs, dans l’introduction de l’ouvrage de Gustavo Givannoni sur l’avenir des villes anciennes : «N’est-il pas possible, au contraire, d’intégrer villes, centres et quartiers anciens dans la vie quotidienne de l’ère électronique, de les rendre à des usages qui ne soient pas ceux de l’industrie culturelle ?».

Il faut nous ouvrir à de nouvelles possibilités, démontrer que le patrimoine peut cohabiter avec des usages contemporains, et ce, même s’il ne sont pas liés à des besoins culturels. Nous devons pour cela envisager d’aller plus loin, introduire d’autres types d’usages, en intervenant de manière durable sur ces traces du passé.

et dans leur fonction initiale. Les aménagements éphémères de type gradins, scènes et structures d’éclairage permettent d’adapter les usages contemporains aux constructions historiques. On retrouve partout en Europe des projets de ce type, réunissant lieux chargés d’histoire et vie contemporaine, comme par exemple les arènes de Vérone, le théâtre antique d’Epidaure dans le Péloponèse, ou encore le Festival d’Avignon, durant lequel les spectacles investissent l’ensemble de la ville et ses monuments anciens, notamment la célèbre cour d’honneur du Palais des Papes. A Nîmes, la mise en place d’un dispositif de couverture légère et mobile a permis l’accueil du public et l’organisation de corridas, courses camarguaises, concerts et autres festivals. Très impressionnante, la structure n’est cependant pas visible depuis l’extérieur des l’arènes et s’intègre ainsi avec discrétion. Bien que l’installation ait été permanente, elle a finalement été démontée plusieurs années après, redonnant au site l’image intacte des vestiges de l’un des plus vieux monument antique de la ville.

Françoise Choay, introduction L’urbanisme face aux villes anciennes.

Arênes de Nïmes vues du ciel,© LABFAC, Source : www.a rc h i co nte m p o ra i n e . o rg

Cf. Annexes p.78-79

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2- Cohabitation avec l’architecture contemporaine

Nous évoquions précédemment le besoin de faire évoluer les mentalités. Il nous faut donc démontrer que d’autres types d’interventions sont possibles, que nous pouvons intervenir de manière concrète et durable et que l’architecture contemporaine peut cohabiter avec ces traces tout en les respectant.

De nombreux projets contemporains de réhabilitation ont recours à une intervention plus franche sur ces vestiges à travers l’insertion complète d’une architecture contemporaine dans les vestiges. Les espaces vides intérieurs, laissés par l’inachèvement ou la destruction, sont investis par une nouvelle structure qui ne vient ni dénaturer ni compléter l’ossature existante. Un dialogue se créé entre plein et vide, neuf et ancien, qui cohabitent dans le même espace sans pour autant s’opposer. Ce type d’intervention, le plus souvent discret, permet ainsi de conserver la force historique du lieu tout en lui offrant la possibilité d’évoluer et de s’adapter au monde contemporain.

L’ensemble des réalisations de l’architecte Andrea Bruno, célèbre pour ses ajouts contemporains adaptés à des bâtiments anciens, est un exemple caractéristique de ce type d’intervention. Dans le projet de rénovation du Castello di Rivoli dans la région de Piémont en Italie, l’architecte insère ponctuellement son architecture dans les vides du bâtiment. Il intervient avec une structure indépendante, utilisant des matériaux et des formes contemporaines qui permettent de se distinguer de l’ancien existant. Andrea Bruno investit notamment, le long bâtiment Monica Lunga, initialement prévu pour l’exposition de collections d’oeuvre d’art, en aménageant de nouvelles salles d’expositions contemporaines. Tout en respectant les espaces originaux, il se démarque par l’utilisation de matériaux contemporains. Cela lui permet de respecter les différentes étapes de la vie de l’édifice, tout en y apportant lui même une nouvelle stratification contemporaine.

C’est ce type d’intervention qui permet l’aménagement d’usages contemporains dans le respect des vestiges anciens qu’il nous faut mettre en avant.

Chateau de Rivoli © Adnethile, Source : adnethile.tumblr.com

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Le projet «Dovecote studio» de l’architecte Haworth Tompkins réalisé dans la région de Snape en Angleterre, en 2009, reproduit dans des dimensions beaucoup plus réduites ces mêmes principes. Il s’agit de la réhabilitation des ruines d’une ancienne bergerie en studio de 25m². Ce projet simple et facile à mettre en oeuvre, consiste à insérer un volume préfabriqué en bois à l’intérieur du squelette de la ruine. Ceci redonne vie à cette ancienne bâtisse en recréant le volume initial tout en gardant son aspect extérieur.

Cependant, ce dernier projet met l’accent sur une possible dérive de ce type d’intervention. On pourrait se demander si cette distance créée entre l’ancien et le moderne n’a pas tendance à isoler les vestiges. L’intervention contemporaine se doit d’être «détachée» de l’ancien, dans l’objectif de le mettre en valeur, mais il faut faire attention à ce que ces vestiges ne soient pas utilisés uniquement comme «enrobage» et décor dans lequel l’on peut insérer une structure moderne.

Cette apparente déconnexion montre bien qu’il existe encore une barrière dans l’intervention architecturale et que la ruine reste un élément intouchable, sur lequel il ne faut pas intervenir. Nous devons donc nous demander si nous ne pouvons pas aller plus loin dans l’intervention architecturale.

3- Greffe architecturale

A travers cette idée de désacralisation et cette envie d’aller toujours plus loin dans l’intervention contemporaine en relation avec des vestiges, nous allons explorer le principe de «greffe» architecturale qui peut permettre une intervention directe sur ces vestiges. Dans ce type d’intervention, l’architecture contemporaine est comme un morceau ajouté à l’architecture existante. Les vestiges sont une base physique, une fondation sur laquelle on greffe un projet contemporain, ce qui permet la création d’une relation fusionnelle entre le passé et le présent dans le but de ne former plus qu’une entité. Les traces du passé peuvent être alors le germe de la ville de demain, comme nous le démontrions dans la partie II. Mais elles peuvent également, à plus petite échelle, être le germe d’un projet architectural. Le passé devient donc au sens littéral et symbolique, un support pour la création moderne en continuité du passé.

L’architecte Peter Zumthor a appliqué ce procédé avec rigueur dans le projet du

Dovecote studio© Philip Vile, Source : www.archdaily.com

Cf. Annexes p.77

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Kolumba Museum de Cologne. L’ancienne église médiévale St Kolumba est réhabilitée entièrement pour abriter plus de 4500m² d’espaces pour une imposante collection d’oeuvres religieuses. Les vides laissés par l’état de ruine de l’église sont comblés par un mur de briques qui se prolonge ensuite en continuité des murs et des façades, le nouvel édifice se construisant sur les empreintes de l’ancienne église. Par cette intervention, il ne cherche ni à cacher, ni à protéger les restes de murs ou de sols. Il s’en sert comme élément de fondation, les mettant ainsi en confrontation directe avec l’architecture contemporaine. Les deux parties sont imbriquées et forment ainsi la continuité et l’unité de l’édifice.

La greffe est également un moyen de restituer une image architecturale, un état antérieur de l’édifice, aujourd’hui effacé. A travers cette notion de greffe, les éléments en ruines peuvent être rematérialisés permettant ainsi, aux visiteurs, une meilleure lecture et une meilleure compréhension des constructions et des espaces anciens.

La galerie David d’Angers dans l’ancienne abbatiale de Toussaint est un exemple célèbre de reconstitution contemporaine. Pierre Prunet, architecte en chef des monuments historiques, en charge de la rénovation, décide de recréer la charpente en reprenant le profil du toit d’origine mais avec des matériaux et des méthodes complètement modernes. La toiture, autrefois en ardoise, est remplacée par une large verrière teintée qui, à l’intérieur, laisse passer la lumière et à l’extérieur donne l’illusion d’une couverture opaque. Le projet reconstruit à la fois l’image du bâtiment tel qu’il était auparavant, tout en conservant l’état de ruine qu’il était devenu.

Kolumba Museum© Jose Fernando Vazquez, Source : www.archdaily.com

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Ces différents exemples nous montrent que les traces du passé peuvent être un support direct à la création contemporaine. En tant qu’élément fondateur d’une nouvelle construction, elles participent à la liaison entre le passé et les usages contemporains. Ce type d’intervention est également un moyen de mettre en valeur la connaissance que les traces nous transmettent, en apportant au public une meilleure appréhension des lieux.

Abbaye de Toussaint, Angers

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Conclusion

Les différents types d’interventions que nous venons d’étudier nous prouvent que, contrairement aux idées reçues qui prônent la mise en valeur des vestiges par leur conservation et leur muséification, nous pouvons intervenir sur ces traces sans pour autant les dénaturer. Ils nous permettent d’aborder une autre manière de les appréhender. Grâce à ces interventions, de nouveaux usages sont mis en place, permettant de redonner vie aux traces du passé et de les mettre en valeur, tout en gardant leur fonction de témoin historique. De même, le projet contemporain basé sur les vestiges et sur les connaissances qu’ils nous transmettent, est enrichi par son ancrage dans l’histoire du lieu. Les habitants sont ainsi, dans leur quotidien, en lien direct avec ces traces du passé et donc à leur histoire.

Cependant, il nous faut admettre que dans beaucoup de cas encore, les critères d’interventions restent trop restreints, empêchant certains types d’usages de pouvoir s’installer. Les mentalités, certes, ont commencé à évoluer, mais le plus souvent la priorité est donnée aux traces physiques et la volonté de transmettre cette connaissance via ces traces conservées en l’état prend le dessus sur toute intervention.

C/ AU DELÀ DE LA TRACE PHYSIQUE

Dans un souci essentiel de transmission de cette connaissance historique, la question de la trace physique et authentique a un enjeu considérable. En effet, il ne faut pas oublier que la transmission de ce passé ne résulte pas forcément de la conservation de traces physiques et que d’autres supports existent pour conserver cette mémoire.

1- Les archives : mémoire iconographique et écrite

N’oublions pas que les archives sont l’un des premiers fonds de documentation sur notre passé et notre évolution. L’ensemble des informations tirées des fouilles et de l’analyse des traces historiques, que ce soit sous forme de photographies, relevés, dessins, échantillons ou encore témoignages, sont les gardiens de notre connaissance. L’idée d’archive est d’ailleurs liée au devoir de mémoire. L’ensemble de ces documents conservés est une source pour quiconque veut connaître son passé.

A Paris, durant les grands travaux d’Haussmann, le photographe Marville a été chargé par le service historique de la ville de fixer, grâce à ses clichés, l’image d’ensemble de la ville héritée du Moyen Âge. Patrice Béghain nous explique plus en détail l’état d’esprit derrière cette démarche : «Tout se passe comme si, dans le même mouvement par lequel l’on décide de la déstructuration d’une partie de la ville d’autrefois, on ressentait la nécessité, pour que s’accomplisse le travail de deuil, d’en conserver la trace, sous la forme de l’image, non pas tant d’ailleurs de ses monuments, auxquels s’intéressaient quasi exclusivement les «antiquaires» de la Commission des monuments historiques, que de ses rues».

Cet exemple d’archives photographiques nous montre que, même si une trace physique n’est pas conservée, d’autres supports de cette connaissance existent. Il ne tient qu’à nous de les faire revivre, ne serait-ce que ponctuellement, par le biais de conférences, d’expositions ou de publications.

Patrice Béghain, Le patrimoine :

culture et lien social, p.62

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2- La restitution symbolique

Nous l’avons vu précédemment, les traces du passé ne doivent pas freiner l’avancée de la ville future, elles doivent parfois laisser place aux aménagements urbains. Même si certaines contraintes rendent impossible toute conservation, que ce soit à cause de projets de développement urbain aux enjeux trop importants ou tout simplement à cause de l’état de délabrement des vestiges, il est toujours possible de conserver la mémoire du passé par le biais d’autres supports.

L’idée d’une restitution symbolique consiste à intégrer au projet urbain une nouvelle trace, un élément non-authentique, certes, mais qui symbolise et témoigne d’événements et de constructions historiques. Le plus souvent l’on retrouve ce type de restitution sous forme de plaques métalliques ou de clous gravés et ancrés dans le sol des nouveaux aménagements, ou encore à travers le pavage du sol reprenant les tracés historiques. Ces éléments ponctuels s’insèrent dans la ville contemporaine avec discrétion tout en transmettant la mémoire du passé.

Par exemple, ce type de restitution a été appliqué à Grenoble sur la place Notre Dame, près de la cathédrale, au portes de l’ancienne ville. Les fouilles organisées suite aux travaux d’aménagement de la ligne de tramway ont révélé la présence dans le sous-sol des vestiges du baptistère de la Cathédrale ainsi que d’un tronçon de l’ancienne enceinte gallo-romaine. Ces découvertes ont été prises en compte dans le projet d’aménagement de l’espace public. Les tracés de l’ancien mur et celui du plan du baptistère sont désormais symbolisés au sol par un changement de matériau dans le pavage de la place.

Cependant ce type d’intervention reste très discrèt et l’on pourrait se demander si cela n’est pas insuffisant quant à la transmission de connaissances importantes pour la ville et ses habitants.

Rue de la Parcheminerie,1858© Charles Marville, Source : www.laflaneuse.org

Cf. Annexes p.80-81

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3- Traces virtuelles

Nous l’évoquions au début de ce mémoire, nous vivons dans un monde qui tend à se virtualiser. Le numérique prend de plus en plus de place dans nos sociétés et notre quotidien. A l’heure des nouvelles technologies et à travers notre volonté de transmettre au mieux les connaissances de notre passé, la reconstitution archéologique en trois dimensions apparaît comme un complément, voire une alternative intéressante à envisager au long terme.

De nombreux sites historiques ont déjà été reconstitués en 3D, comme la ville de Pompéï ou le Forum romain à Rome. Au musée de l’Acropole d’Athènes, une séance de cinéma en 3D est proposée, offrant une visite virtuelle du site à l’époque antique. Le visiteur a alors accès à une reconstitution fidèle et complète qui redonne vie à ce passé effacé.

On retrouve également ce procédé à travers l’univers du jeux vidéo. C’est l’exemple du jeu Assassin’s Creed développé par Ubisoft. Il s’agit d’un jeu d’aventures basé sur des faits historiques, dans lequel le personnage principal arpente différentes villes à l’époque médiévale, comme Jérusalem, Constantinople, Rome, Florence ou encore Venise. L’ensemble des villes de l’époque sont modélisées et des informations historiques sur les bâtiments et la vie de l’époque sont intégrées au jeu.

Ce procédé de reconstitution numérique, bien distinct de la traditionnelle reconstitution physique, est à prendre en considération comme un complément vivant de transmission des connaissances.

En considérant que la connaissance du passé prime sur les traces physiques, nous est-il toujours nécessaire de garder ces traces ? Pouvons nous imaginer que, à terme, la dimension matérielle s’efface et que les traces virtuelles remplacent les traces physiques?

Tracé du baptistère antique, Grenoble, Source : www.g r e n o b l e - t o u r i s m e . c o m

Cf. Annexes p.82-83

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La virtualisation à outrance pose, cela dit, question et ne devrions nous pas, malgré tout, conserver un ancrage physique dans le monde réel ? Il est clair que pour l’instant, les traces physiques tiennent encore une place très importante dans la ville contemporaine pour disparaître.

CONCLUSION

Nous l’avons vu à travers les différents exemples, les diverses solutions possibles d’interventions sont bénéfiques pour les deux parties : l’intervention architecturale offre à ces traces une nouvelle évolution dans son histoire, prouvant que l’on peut redonner vie à une architecture que certains pensaient éteinte. Le projet contemporain est ainsi enrichi de cet ancrage dans l’histoire.

«Toute société qui ne détruirait pas est condamnée à mourir. Toute société qui détruit trop ne peut plus se souvenir.»

Tout conserver serait un frein à la ville moderne. Tout détruire serait une perte pour notre société. Il n’y a pas de réponse nette. L’importance des traces du passé dans la ville est, certes, indispensable, mais leur présence physique est à nuancer. Nous devons en premier lieu nous détacher de cette image sacralisée des traces du passé, qu’elles soient respectées et intégrées mais avec modération et raisonnement. Préserver les centres anciens et leur permettre d’évoluer reste un exercice difficile auquel toutes les villes européennes sont confrontées et doivent répondre en dosant savamment protection et intervention.

Alain Schnapp, La Fabrique de l’archéologie en France, p.20

La Piazzo di San Marco, VeniseCapture d’écran du jeux vidéo Assassins Creed 2, © Vu Tran

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CONCLUSION/

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/ CONCLUSION

Les traces du passé sont des témoins directs de notre Histoire. Elles ont un impact fort sur les villes dites «anciennes» et sur leurs habitants. Cependant, ce patrimoine qui est, certes, important pour notre présent, ne doit pas devenir notre présent. La ville a besoin d’avancer, d’évoluer et non de stagner. Malheureusement, nous vivons dans des sociétés qui restent encore trop attachées à ce patrimoine, la muséification à outrance du moindre vestige historique ne faisant que figer la ville de plus en plus.

À travers ce mémoire, j’ai voulu dénoncer ce rapport excessif qu’entretiennent beaucoup de villes avec leur patrimoine. Malgré tout, nous sommes entourés par ces traces de notre passé qu’il est important de prendre en compte. Ma réflexion a été de comprendre comment leur donner de l’importance sans tomber dans l’excès de la muséification. Selon moi, deux éléments nous permettent une subtile intégration de ces traces dans la ville. Dans un premier temps, la prise en compte du passé dans la planification de la ville future et dans un deuxième temps, la cohabitation physique de ces traces avec la ville contemporaine.

La stratification historique de nos villes est un atout. Ce passé pluriel constitue la richesse de nos villes. Elle est le résultat d’une longue évolution urbaine, se réinventant sur ces propres traces et ce, dans une continuité historique. C’est pour cela qu’il est primordial de concevoir la ville de demain en se basant sur les connaissances du passé, notre histoire devant intervenir dans les différentes étapes d’un projet urbain. Il est important de les penser en même temps, d’intégrer notre passé dans la planification de la ville future. Les disciplines comme l’Archéologie, l’Architecture, l’Urbanisme et l’Histoire sont toutes reliées, et participent à l’évolution de la ville. Leur coordination permet le développement d’une ville ancrée dans le passé.

Tout comme on effectue une analyse de site avant l’élaboration d’un projet architectural, il est nécessaire d’analyser le contexte historique. A l’aide d’archives, de cartes archéologiques, qui recensent les zones archéologiques identifiées sur le territoire, de sondages, de fouilles préventives ou programmées, l’architecte et l’urbaniste recherchent les informations liées au site concerné. En présence de vestiges, des fouilles préventives doivent être engagées, effectuées en amont du projet. Elles disposent alors de conditions, de temps et de moyens adaptés, permettant le bon déroulement des fouilles sans gêne ni interruption des travaux d’aménagement. En parallèle, le projet toujours en conception peut prendre en compte les découvertes faites. Ces éléments forment une base d’informations qui permet ensuite de réfléchir le projet en fonction de ces connaissances historiques ou tout du moins en toute connaissance de causes. La décision est alors prise quant à la conservation ou non des vestiges et leur intégration physique dans le projet. Il se peut que les enjeux liés au projet urbain soient trop importants ou tout simplement que les découvertes soient de moindre importance. Peu importe la décision prise, il faut s’assurer que les résultats des fouilles et des études scientifiques réalisées sur le site soient transmises. Archivages, publications et expositions contribuent à la sensibilisation du public, ce qui est l’un des facteurs fondamentaux de la préservation du patrimoine archéologique.

Pour la conservation des traces physiques, il faut se demander quelle place leur donner dans la ville. Il est important qu’elles soient intégrées et reliées aux habitants et à leur quotidien. La muséification peut se justifier dans la volonté de respecter et garder intactes ces traces, cependant les protéger en les isolant n’est pas une solution. L’on peut tout à fait les conserver et les respecter en intervenant dessus. Une intervention architecturale permet d’ailleurs de les mettre en valeur. Elle apporte de la vie et des usages nouveaux qui donnent aux ruines d’anciens bâtiments une seconde vie. Ce qui ne signifie pas, non plus, intervenir sur toutes les traces de notre passé. Des monuments comme l’Acropole d’Athènes ou le Forum à Rome restent des symboles ancrés dans les esprits de chacun. Des interventions plus légères voires temporaires sont encouragées.

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Les mentalités doivent en effet changer, nous devons considérer notre patrimoine autrement. Il nous faut admettre que les ruines ne sont pas intouchables et que la ville contemporaine et la ville ancienne peuvent cohabiter en harmonie. Elles ne sont pas forcement obsolètes, elles peuvent être vivantes. Il nous faut concevoir de nouvelles formes de gestion et de réutilisation de ces ruines. Ne plus continuer à contempler les monuments mais les réinvestir en leur trouvant de nouveaux usages sociaux.

Série de photos «Looking Into the Past», © Jason Powell, Source : www.g r e n o b l e - t o u r i s m e . c o m

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/ PROJET DE FIN D’ÉTUDE : Kérameikos

La ville d’Athènes est un cas exemplaire des «villes musées». De nombreux vestiges sont découverts dans tout le centre antique et trop souvent ils ne sont pas investis mais conservés en l’état, ne formant qu’un ensemble de «trous» dans la ville.

Le choix pour mon PFE du site archéologique de Kérameikos en plein centre ville me permet de mettre en pratique ma réflexion et les conclusions de mon mémoire. L’idée est de faire de ce site l’exemple d’une nouvelle manière d’appréhender et parcourir les sites archéologiques. Le site est à la rencontre de différents quartiers très vivants du centre ville. Il est au contact des habitants. Ma volonté est d’intégrer le site archéologique dans le quotidien des athéniens en le faisant participer à la vie de la ville actuelle.

Mon projet est de réhabiliter le tracé des anciennes voies pour créer un passage dans ce site et un lien entre les quartiers. L’ancienne voie publique reprend sa fonction initiale de passage et de flux, redonnant ainsi cette voie à l’espace public de la ville actuelle. Le tracé de la voie sacrée traverse l’ancien cimetière qui est très arboré. J’ai souhaité garder ce parcours végétal, important pour la respiration de la ville, d’autant qu’il est très apprécié par les athéniens comme promenade. Le cimetière est, alors aménagé en parcours paysager et scénographique.

Un élément majeur de cette intervention est la réhabilitation de l’ancien mur de Thémistocle. En partant de ses ruines, il s’agit de construire par dessus une architecture légère et poreuse qui matérialise la volumétrie du mur. Le principe est de pouvoir ressentir la présence de cet ancien mur, la volumétrie de ce site autrefois construit. C’est une manière d’appréhender l’espace antique autrement qu’à travers les représentations et documents en 2D présentés habituellement. Le projet investit l’entre deux du mur pour recréer une dynamique et une vie à travers cette construction, qui, à ses extrémités, permet également l’accès au site. Cette ancienne rupture devient alors un lien dans la ville moderne.

Pour relier le site aux habitants, ma volonté est de réinvestir le site par l’aménagement de nouveaux locaux à usages collectifs. Plusieurs écoles se trouvent à proximité du site. Sont donc prévus l’intégration d’un pôle pédagogique pouvant accueillir le petit musée déjà existant sur le site, un accueil pour les classes alentours ou encore l’annexe d’université. D’autres locaux sont également envisagés comme une maison de quartier pour les habitants, une salle polyvalente, des espaces extérieurs aménagés pour des représentations, ainsi qu’un centre social pour les immigrés et les communautés défavorisés du quartier de Metaxourhio.

Cette reconnexion du site avec les athéniens peut être poussée à l’extrême et pourquoi n’envisagerions pas à l’avenir, une gestion commune du site par les habitants ?

Cette intervention cherche à favoriser une appropriation totale du site par les athéniens, voulant prouver que les traces du passé ne sont pas forcement figées. Elles peuvent apporter de la vie et des activités dans une ville très dense, faire bouger les esprits et montrer que le patrimoine et la ville actuelle peuvent cohabiter sans gêne, la ville actuelle se développant tout en participant à la mémoire de notre passé.

Site de Kérameikos, 1/4000e, © Pauline BERNARD

Cf. Annexes p.69-73

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BIBLIOGRAPHIE ANNEXES/

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/ BIBLIOGRAPHIE

/ LIVRE

Aubert Marie, Escalon De Fonton Max, Morel-Deledalle Myriam, Nicolas Alain (1979), Naissance d’une ville : Marseille, Aix-en-Provence, Ed. Edisud

Audrerie Dominique (1997), La notion et la protection du patrimoine, Paris, collection «Que sais-je ?», Ed. Presses Universitaires de France

Babelon Jean-Pierre, Chastel André (1994), La notion de patrimoine, Paris, Ed. Liana Levi

Béghain Patrice (1998), Le patrimoine : culture et lien social, Paris, Ed. Presses de Science Po

Bezombes Dominique (1997), Le Grand Louvre : Histoire d’un projet, Paris, Ed. Moniteur

Biasini Emile (1989), Le Grand Louvre : métamorphose d’un musée 1981-1993, Paris, Ed. Electa Moniteur

Chastel André (1994), Architecture et patrimoine : choix de chroniques du journal «Le Monde», Paris, Ed. Imprimerie Nationale

Choay Françoise (1992), L’allégorie du patrimoine, Paris, Ed. Seuil

Demoule Jean-Paul (sous la direction de) (2007), L’archéologie préventive dans le monde : Apports de l’archéologie préventive à la connaissance du passé, Paris, collection «Recherches», Ed. La Découverte

Demoule Jean-Paul, Landes Christian (sous la direction de) (2009), La fabrique de l’archéologie en France, Paris, Ed. La Découverte

Garmy Pierre (2012), Villes, réseaux et systèmes de villes : contribution de l’archéologie, Paris, Ed. Errance

Giovannoni Gustavo (1998), L’urbanisme face aux villes anciennes, Paris, Collection «Point essais», Ed. Seuil

Grafmeyer Yves (1994), Sociologie urbaine, Paris, Ed. Nathan

Gravelaine Frédérique de (1999), Le Grand Louvre : de la pyramide à l’Orangerie, un parcours architectural, Paris, Ed. Le Moniteur

Pesez Jean-Marie (1997), L’archéologie : mutations, missions, méthodes, Paris, Ed. Nathan

/ COLLOQUE ET RENCONTRE

- Auduc Arlette (2012), Ces patrimoines qui font territoire : actes du colloque régional 24-25 novembre 2011, Paris, Ed. Conseil régional d’Île-de-France

- Baudry Marie-Thérèse, Deconte Dominique (sous la direction de) (1982), Archéologie urbaine : actes du colloque international, Tours, 17-20 novembre 1980, Paris, Ed. Ministère de la culture

- Catalogue d’exposition (1985), Archéologie et projet urbain, Ed. Roma : De luca editore

- Direction du patrimoine (organisé par) (1987), Les monuments historiques demain : Colloque, Paris, La Salpêtrière, novembre 1984, Paris, Ed. Ministère de la culture et de la communication

- Drocourt Daniel, Pomey Patrice, Nieto Javier (1995), 100 sites historiques d’intérêt commun méditerranée : 1ère Rencontre interrégionale des responsables des sites historiques méditerranéens, Marseille, 13-14 avril 1989, Marseille, Atelier du patrimoine, Ed De Broccard

- Rousso Henry (sous la présidence de) (2003), Le regard de l’histoire : l’émergence et l’évolution de la notion de patrimoine au cours du XXème siècle en France, Actes des Entretiens du Patrimoine 2001, Paris, Ed. Monum Editions du patrimoine

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/ REVUE

Centre des monuments nationaux (2002), Dossier patrimoine antique, Revue «Monumental», Paris, Ed. Monum Editions du patrimoine

/ SITE INTERNET

Association REMPART, www.rempart.com

Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), www.inrap.fr

L’archéologie en France, www.culturecommunication.gouv.fr/Disciplines-et-secteurs/Archeologie

/ CHANSON

Bossard François-Xavier, Seguillon Erwan (2009), Paris musée, sur l’album «Maudits français», Label Black Eye

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Ruines du mur de Thémistocle© Pauline Bernard

Vue de l’Eglise Ste Trinité© Pauline Bernard

Ruines du temple Pompeion© Pauline Bernard

/ PROJET DE FIN D’ÉTUDE : Kérameikos

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Tracé du mur de Thémistocle© Pauline Bernard

Vue des ruines du site© Pauline Bernard

Vue des ruines du Pompeion© Pauline Bernard

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/ SITUATION DES RUINES

VOIE DE L’ACADÉMIE DE PLATON

VOIE SACRÉE

PROCESSION DES MYSTERES D’ELEUSIS

PROCESSION DES PANATHÉNÉES

RIVIÈRE DE L’ÉRIDANOS

RUE DES TOMBES

MUR DE THÉMISTOCLE

VERS L’ACROPOLE

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Plan des ruines du site

Plan masse du quartierEchelle : 1/4000e

DES ACTIVITÉS CONTEMPORAINES

LE MUR COMME SUPPORT

RÉUTILISER LES AXES ANTIQUES

/ PRINCIPAUX AXES DE L’INTERVENTION

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PARCOURS SCÉNOGRAPHIQUE

/ PLAN MASSE DE L’INTERVENTION

1/2000e

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MAISON DE QUARTIER ET CENTRE SOCIAL

800m²

RESTAURATION

400m²

ATELIER DE CÉRAMIQUE

400m²

CENTREARCHÉOLOGIQUE

700m²

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/ PARCOURS SCÉNOGRAPHIQUE

Mise en situation des supports scénographiques sur le site© Pauline Bernard

Schéma des supports scénographiques © Pauline Bernard

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/ INTERVENTION SUR LE MUR DE THÉMISTOCLE

Maquette du site© Pauline Bernard

Maquette d’étude du mur de Thémistocle

© Pauline Bernard

Schéma d’intention pour la matérialisation du mur de

Thémistocle© Pauline Bernard

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Situation de la Cour Carrée sur le plan du Louvre actuel© Cliché Etablissement Public du Grand Louvre, Source : Archéologie et projet urbain

Le donjon, la courtine est et la porte orientale © Cliché Etablissement Public du Grand Louvre, Source : Archéologie et projet urbain

Socle du donjon (fin du XIIe) © Cliché Etablissement Public du Grand Louvre, Source : Archéologie et projet urbain

/ FOUILLES ARCHÉOLOGIQUES DE LA COUR CARRÉE

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Plan du quartier d’habitations qui occupait encore en 1830 le site de la Cour Napoléon, Source : Le Grand Louvre, histoire d’un projet

Fouilles archéologiques de la Cours Napoléon Source : Le Grand Louvre, histoire d’un projet

/ FOUILLES ARCHÉOLOGIQUES DE LA COUR NAPOLÉON

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Les fouilles du quartier de la Bourse, Marseille© Photothèque CCJ, Source : www.archeothema.com

Vue aérienne du Centre Bourse et du parc archéologique© Altivue Source : www.inrap.fr

Vue aérienne de l’ilôt Bourse près du port de Marseille, 1959© Studio de la plage H.D.Source : www.paca.culture.gouv.fr

/ PROJET DU CENTRE BOURSE - MARSEILLE

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Coupe est et élévation est du Dovecote studio© Haworth Tompkins, Source: www.archdaily.com

Coupe est et élévation est du Dovecote studio© Haworth Tompkins, Source: www.archdaily.com

/ PROJET «DOVECOTE STUDIO» - HAWORTH TOMPKINS

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Structure de la couverture des Arênes de Nîmes © LABFAC, Source : www.a rc h i co nte m p o ra i n e . o rg

Structure de la couverture des Arênes de Nîmes © George Fessy, Source : www.lincom.fr

/ COUVERTURE DES ARÊNES DE NÎMES

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Structure de la couverture des Arênes de Nîmes

© George Fessy, Source : www.lincom.fr

Structure de la couverture des Arênes de Nîmes

© George Fessy, Source : www.lincom.fr

Structure de la couverture des Arênes de Nîmes

© George Fessy, Source : www.lincom.fr

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Vue de la Rue Saint-Hilaire© Charles Marville, Source : www.laflaneuse.org

Rue Saint-Julien le Pauvre© Charles Marville, Source : www.laflaneuse.org

/ PHOTOS DE PARIS - CHARLES MARVILLE

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Vue sur la Bièvre© Charles Marville, Source: w w w . l a f l a n e u s e . o r g

Rue Saint-Jacques, 1866© Charles Marville, Source : www.laflaneuse.org

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Plan du Baptistère ©BUCEMA, Source : ww.cem.revues.org, Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre

Vue de la place Notre DameSource : www.grenoble-tourisme.com

/ VESTIGES PLACE NOTRE DAME - GRENOBLE

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Plan de l’enceinte ©BUCEMA, Source : cem.revues.org, Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre

Emplacement du mur romain matérialisé sur le sol

© Milky Source : fr.wikipedia.org

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