Memoires concernant les chinoise 3

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  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

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    Mmoires concernantl'histoire, les sciences,

    les arts, les moeurs, lesusages, ,c. des Chinois/ par les missionnaires

    [...]

    Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France

    http://www.bnf.fr/http://gallica.bnf.fr/
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    MMOI RE S

    CONCERNANT

    L'HISTOIRE, LES

    SCIENCES, LES

    ARTS,LES MURS, LES USAGES, &c.

    DES CHINOIS,

    Par LES Missionnaires de P-kin.

    TOME TROISIEME.

    A PARIS,

    Chez Nyon l'an, Libraire, rue Saint-Jeaii-'de-Beauvais,

    vis--vis le College.

    M. D C C. L X X V I I I.

    Avec Approbation, et P riv ilege DU, Roi,

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    Aij

    AVAN T-P R O P O S.

    %j E troifieme volume des Mmoires concernant

    les Chinois contient cinquante deux Portraits

    de Perfonnages clbres chez les Chinois. Ces Por-

    traits feront fuivis de plusieurs autres, qui feront

    placs dans les volumes fuivans, pour varier les ma-

    tieres. Dans le manufcrit venu de P-kin, ils font

    tous accompagns de la figure deffne & colore

    d'aprs les originaux; mais comme il y en a un grandnombre qui ne prfentent aucune diffrence fenfibe,

    on s'eft content d'en faire graver feulement quel-

    ques-uns des plus intreflans. Comme ces Portraits

    font dans le coftume Chinois, quoiqu'ils n'aient rien

    de gracieux, ni de recherch, quant la manire dont

    ils font peints, les Chinois cependant leur don-

    nent la prfrence fur tout ce qu'ils peuvent avoir

    d'ailleurs de recommandable. Cet aliment dont leur

    amour-propre fe nourrit, ne fauroit tre dans d'autres

    climats qu'un mets affez infipide, fi on ne tche par

    quelque afaifonnement d'en relever le got ou d'en

    corriger la fadeur. C'eft ce que l'Auteur a tch dee

    f,Ire. ~.1 a h 1 dans 1>1"1' ('

    faire. Il a cherch dans i'hiiloire gnrale, fouill

    dans les hidoires particulires il a eu recours aux

    anecdotes pour trouver de quoi faire connorre

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    AVANT-P RO PO S.

    fuffifamment des trangers qui ont rempli du bruit

    de leurs noms la partie de la terre qu'ils ont habite.

    On verra par cette efquifle que les hommes quant

    au moral, fe reiemblent dans tous les pays, &qu'ils

    ont et -peu-prs les mmes dans tous les temps

    beaucoup de vices, peu de vertus; quelques bril-

    lantes qualits, des dfauts fans nombre: voil ce

    qui s'eft toujours vu, & ce qui probablement fe

    verra toujours fur le globe que nous habitons.

    On trouvera la fuite de ces Portraits la Relationde la conqute des Miao-tfe, acheve en 1775

    avec des dtails qui feront connotre quel point en

    eft, encore aujourd'hui, la nation Chinoife par rap-

    port au caractre, aux murs, aux principes, &c.

    On y verra auffi une ide de fa puiffance, de ion

    crmonial dans les grandes occafions,

    de la ma-

    niere dont ce vafte Empire fe gouverne, &c.

    Le volume eft termin par des Notices fur les

    Serres Chinoifes fur quelques Plantes & Arbriffeaux,

    fur des pratiques particulieres en fait de culture, dont

    les curieux en ce genre peuvent tirer quelque parti.On y a ajout l'annonce de la crmonie du La-

    bourage par l'Empereur.Le quatrieme Volume s'imprime, &a pour objet

    la Pit Filiale des Chinois.

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    MEMOIRES

    CONCERNANT

    LES CHINOIS.

    P Q R TRAITS

    DES CHINOIS CLBRES.

    AVERTISSEMENT.

    JLi'auteur Chinois qui s'eft donn la peine de copierles Portraits de quelques-uns des JPerfonnages clbres de fa

    Nation a mis la tte de fes peintures les paroles fuivantes

    Au commencement de la onzime lune de la vingt-qua-

    trieme anne de Kang-h ( c'eft--clire fur la fin de l'an 68 5 ), moi Po-ki furnomm Tc/iang-feou ayant achev de

    copier les Portraits de plus de cent Perfonnages clbres

    dont on conferve les originaux dansle temple o on. apprcie fans panialn le le ceux qui ont pratiqu la venu

    ( Hlng-t-fe Tao-ki-huung-koung)- j'ai cru devoir dire

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    PORTRAITS

    quelque chofe de chacun, pour qu'on pt au moins s'en

    former une lgre ide ou s'en rappeller le fouvenir.

    Grand tre qui tes le principe des trois principes actifs

    San-tfai ( c'eft--dire le Ciel, la Terre & l'Homme ), ayez pour agrable un ouvrage que je n'ai entrepris que pour la

    fatisfaction & l'inftruftion de la poftrit .

    L'Auteur ne donne exactement que ce qu'il a promis. 'Deux

    ou trois mots font fouvent tout ce qu'il dit d'effentiel fur les

    Perfonnages qu'il reprfente. Cela peut fufEre pour des Chinois

    qui peuvent fe procurer des connoiffances plus exactes en

    consultant leur hiftoire & les autres livres qui entrent dans le

    dtail de tout ce qui concerne leurs hommes clbres.Mais ce que peuvent faire des Chinois qui font dans leur

    patrie pour fe mettre au fait de ce qui concerne d'autres

    Chinois, ne fauroit tre pratiqu par des

    Europens qui font

    leur fjour dans la Cour de P-kin o tous les fecours leur

    manquent. C'eft ce qui m'a engag ajouter quelques traits

    aux crayons un peu trop fuccincts de Po-kt-tchang-Jleou.En raflemblant quelques-uns des principaux traits qui cara-

    ctrifent ceux des Chinois qui, depuis l'etablifTement de leur

    monarchie fe font rendus clbres dans le gouvernement, les

    lettres & les armes, je tracerai infenfiblement le caractre de la

    nation elle-mme dans fes diffre ns ges. Les Portraits des Per-

    fonnages particuliers deviendront des Portraits gnraux. Les

    traditions populaires les contes puriles qu'on y rencontrera

    quelquefois, y figureront & tourneront en preuve comme le

    refce. Ce morceau manquent, je penfe, la littrature fran-

    oife S: je fois bien aife de l'en enrichir. Du refte, je ne pr-

    tends donner ici qu'une lgre efquiiie d'autres aprs moi

    pourront achever ce tableau. Parmi les grands

    hommesqu'on

    yerra parotre fuccefilveraent fur la feene il en eft dont le

    petite ne peut tre apprci que par ceux du pays parce que

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    DES CHINOIS CELEBRES.

    ce n'en que dans le pays qu'on en connot le genre, & qu'on

    y fait cas de ceux qui l'ont poffd dans un certain degr.

    Le lecleur doit donc fe transporter en efprit la Chine pour

    y voir ce qui fe

    pratique, & le

    voir, s'il fe

    peut en vritableChinois. Ce ne fera que de cette manire qu'il pourra porter

    un jugement quitable & fans prjug national.

    Il s'en trouve auffi que les Abrgs de Fhiftoire Chinoise 9

    imprims en Europe ont dj ce femble fuffifamment fait

    connotre. J'ai ctu nanmoins pouvoir y revenir, & les prfenter

    ma faon, parce que les coups de pinceau que j'ajouterai

    leurs Portraits, leur donneront la reffemblance & les feront

    rentrer dans le coftume dont on les avoit fait fortir. j^

    II en eft quelques-uns, enfin dont je ne dirai guere ici

    que les noms; parce que la poftrit leur ayant dfr une

    place dans la falle de Confucius je me rferve de les faire

    connotre, leur tour, la fuite de l'hiftoire de ce Philo-

    fophe, lorfque je parlerai des Sages qui en diffrens temps,ont illuftr fon ecole.

    Pour ce qui eft de l'arrangement que j'ai donn ces Portraits,

    je m'en fuis tenu l'ordre chronologique, comme tant le

    plus naturel. On pourra, fi l'on veut, leur en fubftituer un

    autre, & placer les Empereurs avec les Empereurs, les Mi-

    hiftres d'Etat & les Magistrats avec ceux qui ont couru la mme

    carrire, les Lettrs avec les Lettrs, & les Guerriers avec

    les Guerriers. J'avoue que j 'ai cherch ma commodit en

    m'attachant l'ordre que j'ai choif on peut chercher, la

    fiennSj en le drangeant pour en fiiivre un autre (i).

    (i) On a fuivi dans Pimpreffion l'ordre & les envois de TAureur-.

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    PORTRAITS

    -I.

    TAIHAO-FOU HI-CH, Fond. de la Mon. (i).

    J_ a i-h a o, dont le nom propre etoit Fou-hi, Se le furnom

    Soung, tenoit fa Cour Ouan-kieou: c'eft aujourd'hui Tchen-

    tcheou dans le Ho-nan. Il rgna 115 ans. Le bois fut fon

    emblme. On ne parle point de fon pre on dit feulement

    que fa jnere s'appelloit Hoa-Ju. Quelques-uns le font fucceffeurde ce Soui-jen auquel on attribue l'invention du feu. Ils difent

    qu'il avoit la tte d'un homme & le corps d'un ferpent ce

    qui cependant ne doit pas fe prendre la lettre, puifqu'enmme temps qu'ils lui donnent un corps de ferpent dans leurs

    crits, ils le peignent avec un corps d'homme.

    Fou-hi fut inventeur des filets pour la pche il apprit aux

    hommes l'art de cuire les viandes & la maniere de lesapprter.C'eft pour cela qu'on lui a donn le nom de Pao-hi-h,

    Sa

    vertu etoit femblable celle du ciel & de la terre; & c'ell

    pour la conflater aux yeux des hommes que le ciel fit

    parotre fous ion regne un phnix (foung-koang) & un dra-

    gon (loung). Il parut aufli un cheval ail qui etoit marqu

    ir fon corps de certaines figures dont l'arrangement fournit

    Fou-hi l'occafion de tracer les huit Koa. La vertu de ces

    Koa ejl fpirituelle $>' toute cleje il nejlrien quelle ne- ren-

    ferme dit l'Hiftorien. Voyelle Tome II, pag. 11 & fuiv.

    (i)ll y a des Lettrs en Chine ce qui regarde Fou-hi, Chen-

    qui ne remontent pas au del noung Hoaag-ti &c. Voyt\_ le

    de Yao Si qui renvoient dans les Tomt I, pag. m >C;.ff> jufqu'temps fabuleux ou incertains tout a-f.

    Quelques

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    1 -i t'Ili /Il. ty,OUI.111.f/t'/Ilo'{'J .1'111'Ii, ('Illi/(J

    l'iU/C S.

    Afemoiref sur /c,r C/ii/ioi.r

    ,t' ,l'III' Ii,.f' Clui/ot1lq(. 4

    1

    1-

    .I~l'lllc)(!'t'J' ,fll!' ll'.f ' C~llillltl,f'

    I

    t~~rA'7'y~ou

    C~A'C/t~, 7-J't~. tKO 1 c; 7"~i~lp ou Co 1loci~pl~e Il-T~~J'l~ ou COU'l' UCIL'S, l~li1(C~.I~oplZO

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    DES CHINOIS CELEBRES.

    o ;Tome III, F

    retir qu'il n'avoit fait jufqu'alors. Il alla Han-houan pour

    s'y cacher. Le Mandarin du lieu l'y reut bien & lui dit

    volts voule^ vivre en folitaire je ne m'y oppofe point; mais

    dans votre folitude occupez-vous quelque ckoje d'utile. Com-

    Pfe{ quelque- Ouvrage dans lequel les principes de votre doctrine

    foient clairement expliqus. Le Philoiophe lui en fit la promeffe& s'en, acquitta il compofa le Tao-t-kng c'eft--dire le

    livre de la doctrine & de la vertu. Cet Ouvrage n'eft pas tel

    aujourd'hui qu'il etoit au fortir des mains de fon auteur. On

    prtend que fes difciples & fes feftateurs y ont infr en

    divers temps bien des maximes pernicieufes qui n'etoient

    pas dans l'original. Quoi qu'il en foit aprs qu'il eut fini fon

    Ouvrage Lao-tfe Sortit de Han-kouan & s'eclipfa tout--

    coup, fans qu'on ait jamais pu favoir o il fe retira ni ce

    qu'il devint.

    Les Seclateurs de Lao-tfe font encore aujourd'hui trs-nom-

    breux la Chine. On les connot fous le nom de Tao-fie. Leur

    dotrine n'eft pas tout--fait telle que le dit le Pere du Halde.

    Il eftprobable que

    ce Pere a tir lui-mme lesconfquences& les a enfuite riges en principes de la doftrine.

    XX I.

    KOUNG-TSE, Philofophe.

    Koung-tfe qu'il a pl nos Europans d'appeller. Confu-

    cius avoit pour nom propre Kieou & pour furnom. Tchoung-ni. Ses anctres etoient originaires de la principaut de Soung,

    qui comprenoit depuis les confins de ce qu'on appelle aujour-d'hui le Ho-nan jufqu'au Kang-nan. Son pere s'appelloit

    Chou-leang-h 6k fa mere Yen-ch. Il naquit la onzime

    lune de la vingt-deuxime anne du regne de Siang-koung Roi

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    PORTRAITS

    de Lou c'eft--dire au mois de Dcembre de l'an 551 avant

    J. C. Il travailla avec ardeur faire fleurir la vertu la faine

    doctrine & les bonnes murs. Il parcourut la plupart des

    petits Royaumes qui partageoient alors l'Empire & fit un

    grand nombre de difciples on en compte jufqu' trois mille

    mais il n'y en eut que foixante-douze qui furent expliquer &

    qui entendirent parfaitement quelqu'un des fix Arts & douze

    fulement qui furent coiiflamment attachs fa perfonne, &

    qui ont mrit le furnom de fages.

    Aprs avoir paff par diffrais emplois Koung-tfe gde foixante-huit ans, fe retira dans fa patrie o il employale peu d'annes qui lui refloient encore vivre faire des

    glofes fur le Li-ki, purger le Chi-king de bien des pices

    apocryphes ou indcentes qu'on y avoit infres & donner

    une explication des Koua de Fou-hi. Enfin, fe voyant prt terminer fa carriere & perfuad qu'il n'avoit oubli aucun

    des moyens qui dpendoient de lui pour faire connotre &

    pratiquer la vertu il attendit fans inquitude le moment de

    fa mort, qui arriva la quatrieme lune de la feizieme annedu rgne de Ngai-koung Roi de Lou, c'eft--dire l'an avant

    J. Ch. 478. Il etoit alors dans la foixante -treizime anne

    de fon ge.

    Confucius n'eut qu'un fils auquel il furvcut il s'appelloit

    Koung-ly & autrement P-yu mais de P-yu fortit le

    fameux Tfe-fe qui, fur les maximes de fon aeul, compofale livre du jufe milieu en Chinois Tchoiing-young ( 1 ).

    Sur les mmes maximes Tfeng-tfe publia le Ta-hio ou la

    grande doctrine ( 2 ) & fes autres difciples ayant fait un

    choix des fentences & difcours familiers de leur matre en

    ( i ) La Traduion de cet Ou- (2) La Traduftion de cet Ou-

    vrage efl imprime dans le Tome I vrage efl: auffi imprime dans lede ces Mmoires, mme volume,

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    DES CHINOIS CELEBRES.

    Fi)

    compoferent ce qu'on appelle le Lun-yu. Confucius avoit

    rdig lui-mme le Chou-king & compof les annales du

    Royaume de Lou intitules Tchun-tjeou (3). Je donnerai la

    vie de ceSage

    danslaquelle

    on verraplus particulirementce qui le regarde. En attendant on peut fe contenter du peu

    que j'en dis ici.

    X X I.

    KIU-FING, Miniftre.

    Le nom de fa famille etoit Klu & fon nom propre Ping.

    Il prit pour furnom Yuen del vient qu'on l'appelle in-diffremment Kiu-ping & Ki-yuen. Il etoit de mme fang

    que le Roi de Tchou ( Hoai-ouang) fous le rgne duquel il

    fut mis la tte d.- s affaires.

    Il s'etoit a donn de bonne heure l'etude, & y avoit fi.

    bien runi qu'il fut regard comme un des plus favans

    hommes de fon fiecle. Il avoit outre cela une loquencenaturelle qui le faifoit admirer de tout le monde. Il ecrivoit

    bien & avec beaucoup de facilit. C'etoit lui qui rpon-doit toutes les lettres des Gouverneurs de Province &

    autres Officiers qui etoient hors de la Capitale & qui leur

    intimoit les ordres du Souverain avec un difcernement &

    une fageffe qui lui acquirent Feftirne univerfelle & toutes

    fortes d'honneurs & de bienfaits de la part de fon Prince.

    Il ne lui falloit pas tant de mrite pour avoir des envieux.

    Les Grands de la Cour luifuppoferent des crimes &

    l'accu-

    ferent auprs du Roi qui eut la foibleffe de facrifier fon prin-

    cipal Miniftre & ton homme de confiance fur de Simples

    foupons il l'eloigna de la Cour.

    (3) Voyez ce qui eft dit du Chou-king, dans le Tome J, p. 43 jufqu' C4.r

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    PORTRAITS

    Kiu-yu&n fentit vivement fa difgrace il quitta non-feu-

    lement la Cour mais encore le Royaume de Tchou ne

    voulant plus vivre fous la domination d'un Prince dont il avoit

    fi bien mrit & qui le t raitoit fi indignement. Il fe retira

    dans les terres propres de l'Empire. L dbarraff de tout

    foin & rendu lui-mme il exera fon gnie & dchargeafon cur. Il compofa la fameufe Elgie nomme Li-faodans laquelle il exhale fa douleur avec une eloquence & un

    pathtique qui arrachent des larmes. Il croyoit tre dformais

    l'abri des fureurs de la calomnie il fe trompoit l'envie le

    pourfuivit dans fa retraite & fufcita d'abord contre lui

    le Mandarin du lieu & enfuite quelques Grands de la Cour

    de l'Empereur qui le deffervirent & le firent regarder comme

    un perfonnage dangereux. L'Empereur trop crdule le

    relgua dans un lieu marcageux nomm Pin non loin des

    bords du Kiang.Dans cet exil Kiu -yuen compofa neuf autres Elgies.

    Aprs quoi dgot des hommes auxquels il avoit fait tout

    le bien qu'il avoit pu & de la part defquels il n'avoit prouv

    que des injuirices il tomba dans une profonde mlancolie

    qu'il ne put vaincre, tout philofophe qu'il etoit. La vie lui

    devint charge & il prit le parti d'en terminer lui-mme le

    cours il s'attacha une groffe pierre & fe prcipita dans le

    fleuve.

    Le peuple, touch des m alheurs d'un homme qui fut tout-

    -la-fois grand fans fafle, bel efprit fans orgueil Miniflre

    habile, Magiftrat quitable citoyen vertueux lui donna deslarmes. Il vint en foule fur les bords du fleuve, pour tcher de

    dcouvrir le corps de celui qu'il regrettoit. Pendant une efpacede temps afTez confidrable on fit chaque jour les mmes

    recherches ce qui a donn lieu une efpece de fte qui fe

    clebre chaque anne en fon honneur, le cinquime jour de

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

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    DES CHINOIS CELEBRES.

    la cinquime lune. Les bateliers ornent leurs barques, courent

    les rivieres, comme s'ils cherchoient encore le corps du ver-

    tueux Magtrat, pour lui procurer les honneurs de la fpulture

    dont il fut priv.

    XXIII.

    M ON GTS E, e Philofophe.

    Mong-tfe le plus clbre des Philofophes Chinois, aprs

    Confucius, avoit pour nom propre Ko, & pour furnom Tfe-

    yu il etoit de famille Mandarine originaire du Royaume de

    Tchou & defcendoit de ce Mong-fun qui, du temps de

    Confucius exeroit une des principales charges de la Magi-

    firature, avec un faite qui mrita l'animadverfion de ce Philo-

    fophe. Son pere Ki-koung-y etoit tabli dans le pays de Tfeou,

    qui appartenoit alors au Roi de Tchen, & qui eft ce qu'on

    appelle aujourd'hui Tfeou-hien du diftrift de Yen-tcheou-fou y

    de la Province de Chan-tcng il mourut peu de temps aprsla naiffance de fon fils. Tchang-ch mere de Mong-tfe fut

    charge feule de fon ducation, & y donna tous les foins

    qui dpendoient d'elle. On la cite aux peres & aux meres

    comme un modele. Le dtail de tout ce qu'elle fit pour infpirerde bonne heure l'horreur du vice & l'amour de la vertu

    celui qu'elle devoit former, n'eft pas ici mon objet. Je ne

    puis cependant m'empcher d'en rapporter un trait, par lequel

    on pourra juger du refte.La maifon o elledemeuroit etoit voifme de celle d'un boucher

    elle s'apperut qu'au moindre cri des animaux que ton voifin

    alloit gorger le petit Mong-ko couroit pour voir ce qui fe

    pafoit qu'il jouiffoit avec plaisir de ce fpeftacle, & qu' fon

    retour il tchoit d'imiter ce qu'il avoit vu. Un pareil voifinage,

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    PORTRAITS

    exemples qu'on y apporte en preuves les allgories fines

    qu'on y emploie quelquefois & un peu plus fouvent qu'il

    ne faudroit des inventives un peu fortes contre des perfonnes

    en place en rendent la lefture dlicieufe ceux d'entre les

    Lettrs dont le zele imptueux pour ce qu'ils appellent la

    Saine doctrine, ei incapable de difllmulation ou de mna-

    gement. Les Chinois conviennent en gnral qu'il efl digne

    de la rputation dont il jouit. Sans lui difent-ils c'en etoit

    fait peut-tre de la faine plulofophie. On commenoit oublier

    Confucius &ce qu'il avoit enfeign i &les S claires Yang & Mo,

    qui aux abfurdits dbites par Lao-tfe av oient ajout leurs

    propres rveries avaient dja pris le dejfus. Il fallut combattre

    les nouvelles erreurs il fallut oppofer une forte digue la

    rapidit du torrent qui alloil tout entraner. C'ejl ce que fil

    Mong-tfe avec un courage qui mriwit plus de fuccs qu'il

    ncn eut. L'erreur quoiqu' affaiblie fubfifa & fit encore du

    ravage. Les temps etoient mauvais tout alors alloit en dca-

    dence dans l'Empire. Le Roi de Tfin avoit pour Minijire un

    Chang-yang les Rois de Tchou de Ouei & de Tfi etoient

    gouverns par un Ou-ki un Sun-pin & un Tien-ki tous-

    gens inquiets & turbulens qui ne refpiroient que la guerre &

    qui ne fe plaifoient que dans le tumulte des armes. Comment

    un Sage qui ne parlait que des vertus pacifiques de Yao de

    Chun, de Tcheng-tang & de Ouen-ouang, pouvoit-ilfe fairecouter} comment pouvoit-il tre employ dans les lieux o l'on

    ne voulait que des guerriers ?

    Mong-tfe ajoutent-ils, avoit un air fvere, une contenance

    grave, & il le refpeil & la crainte; or il efl rare qu'unhomme de cette forte puijje fe faire aimer de la multitude. Le

    grand nombre veut de ces Sages qui s'accommodent art temps 3

    & qui je conduijent fuivant les circonflances.

    Quelqu'un demanda un jour Tckeng-tfe i Mong-tfe

    etoit

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    DES CHINOIS CELEBP.ES.

    Tome III. G

    etoit un parfait Sage. Je noferois t'ajfurer, rpondit Tcheng-

    ife ce que je fais c'ej que r Ouvrage qui porte fon nom ne

    refpire que la plus haute fageffe & la vertu la plus pure. Je crois

    qu'on peut le placer aprs Conjucius & le regarder comme un

    Sage du premier ordre.

    Dans une autre occafion, le mme Tcheng- tfe faifant

    entrer Mong-tfe en parallele avec Confucius s'exprime ainf.

    Confucus par prudence ou par modeflie dtJfunuL [cuvent f

    il ne dit pas toujours ce qu'il pourroit dire Mong-tfe ne

    fait pas de mme incapable de fe contraindre, il dit tout ce

    qu'il penfe & le dit hardiment il va droit au but. Il eflfetn-hlable cette belle glace faite de Veau Laplus pure au travers

    de laquelle on voit tout elle brille elle eji unie elle laiffe

    appercevoir tous les dfauts comme toutes les beauts. Confuciusau contraire ejl comme zme pierre prcierzfc: qui n'a pas tnut

    l'clat de la glace, mais qui a plus de confjlance & de fol-

    dit, &c.

    Par ce que je viens de rapporter, on peut fe former une

    ide fuffifante du caraftere de Mong-tfe. Il mourut l'gede

    quatre-vmgt-quatre ans fans jamais avoir poffd aucune

    de ces charges auxquelles fa naiffance & fou mrite perfonnelfembloient le deftiner. Mais fi pendant fa vie il ne fur pashonor comme il le mritoit il l'a t aprs fa mort autant

    qu'il pouvoir l'tre & la poftrit en le comblant d'honneurs& de titres magnifiques l'a veng en quelque forte de l'in-

    diffrence de fes contemporains. On a pour fa mmoire le

    mme refpett que pour celle du grand Yu de Tcheou-koung& de Confucius on lui a erig des monumens publics; on

    a plac fon portrait ct de celui de Yen-lwei dans la lalledite Ouen-miao on l'a lev la dignit de Prince; & on a

    accord fes defcendans toutes les prrogatives dont jouiffentceux qui appartiennent la famille des Rois. Enfin on l'a

    ~r. /Y7-

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

    52/509

    PORTRAITS

    honor jufqu' donner volontairement fa vie pour foutenr

    la

    gloire de fon nom. Ce trait d 'hiitoire terminera ce que j'ai

    dire de ce Philofophe.

    Le fondateur de la Dynaftie des Mlng le grand Kao-

    tfou connu autrement fous le nom de Houng-ou qu'il donna

    aux annes de ion regne, lifant un jour Mong-tfe tomba

    fur le pafface o le Philoibphe s'exprime ainf le Prince

    regarde fes fujets comme la terre qu'il joule aux pieds ou

    comme des grains de fetiev dont il ne fait aucun cas les fujets,

    leur tour, regardent leur Prince comme un brigand ou comme

    leur ennemi. Cesexpreffions le choqurent. Ce nefi point ainf, a

    dit-il qu'on doit parler des Souverains. Celui qui tient un

    pareil langage nejl pas digne de partager les honneurs qu'on

    rend au fao-e Confucius. Qu'on dgrade Mong-tfe &qu'ontefon

    portrait de la [aile du Philofopke de la Nation. Quiconque fera

    affe\ hardi pour me faire fur cela des reprfentations fera

    trait comme criminel de le^e-majef. Qu'on ne me prfente

    aucun placet fier cette affaire qu'on n'ait perc d'une flche celui

    qui voudra l'offrir.Un pareil ordre fut bientt public. Tous les gens de lettres en

    furent confterns. Un d'entr'eux, nomm Tflen-tang natif de

    la ville de Hiang-chan-hien, & qui etoit alors Prlident d'un

    des grands Tribunaux de l'Empire, plus courageux que tous

    les autres voulut fe facrifier le premier pour l'honneur de

    Mong-tfe. Il compofa fa requte, dans laquelle aprs avoir

    expof le pafage en entier, & expliqu le vrai fens qu'il

    renferme il fait le portrait des diffrens petits Souverains

    qui rgnoient alors dans les principales Provinces de l'Empire

    fous le t itre de Roi. Cefl de ces fortes de Souverains &

    nullement du lgitime fils dit Ciel, que Mong-tfe a voulu parlerdit-il en finiffant pourquoi donc aprs tant de jecles rvolus

    Voudroit-on lui faire un crime de ce que jufqu ce jour 3 on ne

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

    53/509

    DES CHINOIS CELEBRES.

    Gi)

    s'etoit pas encore avlf de regarder comme tel ? Je mourrai

    puifque. tel efl l'ordre mais je mourrai contant en mourant

    pour l'honneur de Mong-tfe, & ma mort fera certainement

    glorieufe aux

    yeux de

    la

    pojlrh.

    Sa

    requte

    ainfi.

    prpareTfien-tang prpare auffi

    {on cercueil, & s'en va droit au

    Palais. Arriv la premiere enceinte cejl polir faire des

    reprsentations en faveur de Mong-tfe que je viens dit-il aux

    gardes voila ma requte & dcouvrant tout de fuite fa

    poitrine, il continua ainfi je fais quels font vos ordres frappe^.A l'inftant un des gardes lui dcoche un trait prend la

    requte & la fait parvenir jufqu' l'Empereur qui on raconta

    ce qui venoit d'arriver. L'Empereur lut attentivement l'crit .>l'approuva ou fit femblant de l'approuver, & donna ls

    ordres pour faire traiter Tfien-tang de fa bleffure & pour

    qu'on laifft la mmoire de Mong-tfe en poiTeffion de tous

    les honneurs dont elle jouiffoit.

    XXIV.

    HAN-KAO-TSOU, Empereur.

    Aprs les fages Princes de la haute antiquit le fonda-

    teur de la cinquime Dynailie dite des Han tient un des

    premiers rangs dans l'hiftoire. Le nom de fa famille etoit

    Lieou il eut pour nom propre Pang & pour furnom Ki,

    I naquit dans le pays de Pei. Il ne dut fon lvation qu'fon mrite. N dans une famille obfcure, lev comme un

    particulier fans nom il vint bout d'affembler des gens de

    guerre & de s'en faire obir. Il fe mit leur tte, les mena

    contre ceux des Royaumes de Tfn & de Tc/iou qui fe difpu-

    toient l'Empire les battit alternativement les dtruint l'un

    aprs l'autre, & refta feul matre de l'Empire.

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

    54/509

    PORTRAITS

    Parvenu la dignit fubitine de Fils du Ciel c'efl--clire

    devenu Empereur, il prit le jeu pour fymbole, & fixa (a Cour

    Tchanv-ngan. Il n'etoit point lettr, parce que l'incendie de

    Tfin-chi-hoano

    avoit confum tous les livres c'eft cependant

    de lui que defeendent les rertaurateurs des Lettres & tant

    de grands hommes qui ont illuftr la Chine. N'ayant pu lire

    les Kinv il ne lui a pas t poflible de fe conduire exacte-

    ment fuivant la doctrine qu'ils renferment & c'eft par cette

    raifon que ton gouvernement ne fauroit tre compar celui

    des anciens mais cela prs on peut dire en gnral qu'il

    a trs-bien gouvern & ton mrite eft d'autant plus grand,

    qu'il s'eit fray lui-mme la route qu'il a luivie.Il avoit la conception aile & le jugement fur. Dans

    quelque affaire que ce fut il voyoit du premier coup d'il,

    comment on pouvoit l'entreprendre &la terminer. Il ecoutoit

    volontiers ceux qui lui donnoient des avis. A un difcernement

    exquis pour connoitre Se apprcier les talens il joignoit Fart

    de les employer propos.

    La bont dont il ufoit envers les troupes fa clmence

    envers ceux qu'il avoit vaincus fa modelHe dans les temps

    de fes plus glorieux fuccs fon courage & fa fermet dans fes

    malheurs ou dans fes dfaites ton refpccl: pour la mmoire

    des Princes 6v des Gnraux qui avoient pri fous l'effort de

    fes propres armes & ion attention rendre leurs dpouillesles devoirs funbres d'une manire conforme au rang qu'ils

    occupoient lui frayrent le chemin au trne, autant & plus

    que fa valeur & fes autres qualits guerrieres. Il rgna douzeans & mourut dans la cinquante-troifieme anne de ton ge, yl'an avant J. C. 195. On lui donna aprs fa mort le titre de

    Kac-tfou qui lignifie le premier de fa Race,

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

    55/509

    DES CHINOIS CELEBRES.

    XXV.

    SIANG-OUANG, Empereur.

    Le nom de fa maifon etoit Slang ou en pro-

    nonant l'h d'une maniere un peu forte & il avoit pour nom

    propre Tu. Il etoit petit-fils du fameux Hiang-leang Gnral

    des troupes de Tchou & naquit Pang-uheng. On voulut

    lui faire apprendre les lettres mais indocile aux leons de

    fes matres &

    incapable

    de toute contrainte il renona

    l'tude. On lui fit prendre le parti des armes fon indocilit &

    fon amour pour l'indpendance lui firent encore ngliger fes

    devoirs dans ce nouveau genre de vie. Il ne fit pas plus de

    progrs dans cette partie qu'il en avoit fait dans l'tude des

    lettres.

    Le Gnral Hiang-leang fon grand-pere lui tmoigna

    plufieurs fois fon mcontentement. Un jour qu'il lui faifoit

    d'affez vifs reproches il en eut la rponfe fuivante. Si favois

    appris les lettres, elles ne mauroient fervi qu' marquer les

    noms des gens de guerre que j'aurois eus fous moi J f apprenoisactuellement les diffrens exercices des armes ce ne Je/vit que

    pour ?ri en fervir combattre avec avantage dans les occajons.

    Qu'ai-je befoin de tout cela J feul & fans le fecours de

    perfonne je puis combattre avec avantage contre di x mille

    hommes ?

    Cette rodomontade fut afTez, bien reue dans cette maifon

    de guerriers. On n'inquita plus le jeune homme & on le

    laiffa fuivre tranquillement fou inclination fans le contraindre

    en rien.

    La fconde anne de Eulh-chi-hoang-n de la Dynailiedes Tfin j c'eft--dire l'an ayant J. C. 208. Hiang-yu voyant

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

    56/509

    PORTRAITS

    que la guerre etoit allume dans toutes les parties de l'Empire

    voulut aui faire la guerre. Il ramaffa des jeunes gens fans

    aven & Il en compofa une arme de huit mille hommes

    quelques vieux ioklats

    que lui donna ion grand-pere fervirent

    les former. A la tte de cette troupe de dtermins il

    paiTa le grand Kiang, &: alla du ct de l'occident attaquerles troupes Impriales. Il les battit plufeurs reprtes, &

    commena Ce faire un nom. Son arme qui groflifloit

    chaque jour, le mit en tat de faire des exploits fi brillans

    que le Roi de Tchou ton Souverain lui donna le titre de

    Gnral de les armes & lui envoya des troupes rgles commander. Avec ces nouvelles forces Hmng-yv dtruifit

    peu--peu les troupes de Tjin qui etoient du ct de l'occident;

    tandis que Licou- pang qui combattoit contre les mmes

    Tfin les dtruiioit du ct de l'orient. En moins de trois

    annes les armes Impriales furent entirement dfaites

    par ces deux Conqurans fi fon peut donner ce titre des

    aventuriers qui au fond n'etoient que des rbelles.

    Lieou-pang entra dans la Capitale qui lui ouvrit fes portesla livra au pillage mais dfendit les foldats fous les plus

    grieves peines de faire aucun mal aux habitans. Il traita

    l'Empereur ion prifonnier avec tous les gards 6k tous les

    reipefts qui lui etoient dus. Hiang-yu n'en fit pas de mme.

    Fch d'avoir t prvenu par ton comptiteur l'Empire il

    prit, ion arrive, tout le contrepied de ce qu'avoit fait Lieou-

    pang ck autant que celui-ci avoit montr de clmence & demodration l'gard, des vaincus autant Hang-yu montra-t-ilde barbarie & de frocit. Il tua de fa propre main l'infor-

    tun Prince qui venoit d'tre dpouill fit faire main-baffe

    fur toute ia famille & allgua pour raifon qu'il falloit prvenir

    les rvoltes & donner enfin la paix l'Empire ce qui ne

    pouvoir fe faire tant que les TJ?i fubfifteroient 5 enfui, aprs1

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

    57/509

    DES CHINOIS CELEBRES.

    avoir livr de nouveau la ville au pillage, il y fit mettre le

    feu & prit fa route du ct de Tchon.

    Le Roi de Tckou voulant faire honneur fon Gnral

    fortit de la ville pour aller fa rencontre. A peine parut-il,

    qu'il fut cruellement maffacr par les ordres de ce barbare.

    Lieou-pang voulut tenir une conduite toute oppofe celle

    de Hiang-yu. Il tmoigna la plus vive douleur de la mort du

    Roi de Tchou. A la premire nouvelle qu'il en eut il prit

    le deuil, & le fit prendre fon arme il ordonna des cr-

    monies funbres, qui fe firent avec le plus grand appareil 9

    & qui ne fervirent pas peu lui

    gagner les curs.

    Ces deux hommes qui vifoient galement l'Empire ne

    pouvoient tre long-temps d'accord. Aprs avoir dtruit les

    TJn qui etoient leurs ennemis communs ils fongerent a fc

    dtruire mutuellement. Hiang-yu prit le titre de Pa-ouang

    qui fignifie le premier des Rois & fe fit appeller Tchou-pa-

    vuang c'eft--dire le premier des Rois affis actuellement fur

    le trne de Tchou. Lieou-pang fe contenta du fmple t itre de

    Roi de Han.

    La rupture clata bientt entre ces nouveaux Rois. Ils fe

    battirent pendant l'efpace de cinq ans il y eut entr'eux jufqu'

    dix-fept batailles ranges o ils furent alternativement tantt,

    vainqueurs tantt vaincus. La dernire qu'ils fe livrrent 9aux environs de Ou-kLang fut gagne par Lieou-pang i &

    Hiang-yu fe voyant perdu fans refources fe coupa la gorge

    pour ne pas tomber entre les mains de fon ennemi. Ce fut la douzieme lune de l'an 202 avant J. C. Le Roi de Han

    fe trouvant alors matre de tout prit le titre d'Empereur; fiece titre lui fut confirm par tous les Ordres de l'Etat quifurent charms d'obir un conqurant^ dont ils admiroient

    depuis long temps les qualits brillantes qui font le grandSouverain.

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

    58/509

    PORTRAITS

    Aprs fa victoire Lieou-pang fit chercher le Corps de Pa-

    ouang & lui rendit tous les honneurs funbres qui etoient

    dus fa dignit. Il n'envifagea dans ion ennemi mort que le

    Roi cv le grand Capitaine. Hang-yu etoit l'un & l'autre. Il et

    pu tre quelque chofe de plus encore s'il avoit fu mettre des

    bornes ion ambition & un frein la frocit de fon natu-

    relle. Le portrait qu'on fait de fa perfonne eft affez iingulier

    pour l'enclaver ici.

    Hiang-yu difent les Hiftoriens avoit naturellement du

    talent pour la guerre & fut dans l'occafion de le cultiver.

    Il etoit courageux jufqu' l'intrpidit fe montrant toujours le

    premier au plus fort du pril. Il triomphoit prefque toujours de

    l'es ennemis quand c'etoit armes egales qu'ils combattoient

    incapable d'employer la rufe il lui arriva quelquefois d'tre

    la dupe de ceux qui l'employoient. avoit une taille gigan-

    tefque & une force de corps prodigieufe i fes bras etoient

    inflexibles 6' l'on et plutt branl une montagne que de les

    lia faire plier malgr lui il avoit /mit pieds de haut ( cejl--

    dire environ Jx de nos pieds modernes") & il pouvoit lever fanss'incommoder jujquk mille livres pejant. Il avoit le fon do

    voix terrible i par fa jorce & par fa valeur, il et pu rfijler

    Jeul une arme entire.

    XXVI.

    TCHANG-LEANG, Miniftre.

    Le nom de fa famille etoit Tchang & fon nom propre

    Leang il fut nomm enfuite Tfe-fang. Depuis le pere de

    ion trifaeul tous ceux dont il defcendoit avoient occup les

    premires places dans le miniftere fous les Rois de Haiu

    Lorfque le Royaume de Han fut dtruit par les Tfin Tchan-

    leang

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

    59/509

    t)ES CHINOIS CELEBRES.

    /0~g/

    L -1--

    H 1-

    leang etoit encore fort jeune hors d'etat par confquent de

    rien entreprendre pour 'la dfenfe de fa patrie mais ds-lors

    il forma la rfolution de lavenger.Il fe retira avec trois cens domeftiques ou perfonnes

    attaches au fervice de fa famille. Peu aprs il perdit fon

    frere & ne voulut faire aucune dpenfe pour les frais cl a

    fes obfeques. Il amaffoit alors tout l'argent qu'il pouvoit, pour

    l'employer fes deffeins contre les Tfin.

    Bientt il fut en etat .d'offrir une fomme coniidrable

    quiconque enleveroit ou mettroit mort le deftaufteur du

    Royaume de Haii que cinq de fes anctres avoicnt gou-vern fous le nom de Miniftres. Un homme qui fe difoit

    d'un courage & d'une force extraordinaire vint fe prfenter

    lui. Tchang-leang lui fit faire une mafue dont le poids etoit

    de cent vingt livres; c'etoit la feule arme qu'il avoit demande.

    Ainf arm le brave fe rend dans l'endroit o le Roi de

    Tfin faifoit fon fjour pour y pier Foccafion. Il crut l'avoir

    trouve, un jour qu'il vit le char. du Roi avec une fuite

    affez peu nombreufe. Il s'avance .avec intrpidit, & frappefur le char d'une maniere fi terrible qu'il et infailliblement

    ecraf le Roi; mais c'etoit un char qui retournoit vuide.

    Tchang-leang voyant que fon projet etoit manqu & queles foupons commenoient s'elever contre lui prit la

    fuite, & alla fe cacher Hia-pi o il vcut confondu avec

    la plus vile populace. Un jour qu'il etoit fe promener le

    long des bords de la

    riviere un

    vieillard qui eroit fur le

    pont laiffa tomber dans l'eau un de fes fouliers. Tchang-

    leang voyant fon embarras court aprs le foulier que le

    courant emportoit & le rend au vieillard. Charm de cetacte de gnrofit le vieillard le remercie & lui dit de

    revenir au mme lieu dans cinq jours; qu'alors peut-tre, g'T"I 11,T 1

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

    60/509

    PORTRAITS

    il lui donneroit quelque chofe qui pourrait lui fennr dans

    l'excution de fes projets.`

    Tchang-leang craignit d'abord d'avoir et reconnu mais

    s' tant raffur

    &ayant pris

    toutes lesprcautions que

    lapru-

    dence exigeoit en pareil cas, il fe rendit vers le milieu du cin-

    quieme jour, dans l'endroit indiqu. Il y trouve le vieillard

    qui l'attendoit avec impatience & qui lui dit en le voyant

    Vous m'ave^ fait trop attendre pour que je vous donne fi-tt

    ce que je vous ai promis revcne\ dans cinq jours. Ce dlai

    ne fit que piquer davantage la curiofit de Tchang-leang. A

    peine le cinquime jour commena poindre qu'il fe mit

    en chemin pour aller chercher fon vieillard. Il le trouva au

    rendez-vous & n'obtint rien encore Pour excuter les grands

    deffeins que vous mdite^ lui dit le vieillard, il faut plus de

    diligence que vous n'en montre^. Alle^ je ne faurois vous

    donner encore ce que je vous ai promis vous n'aurie^ pas d

    me faire attendre revene^ dan.r cinq jours. Qtiejl-ce que tout

    cela difoit en lui-mme Tchang-leang? Cet homme fait-il que je

    veux me venger des Tfin & que je roule continuellement dans

    ma tte le projet de les exterminer ? S'il le fait d'o, lefait-d?

    & comment peut-ill'avoir appris? Il faut voir. Ds minuit, il

    part, & fe met en devoir de prvenir l'arrive de fon homme

    dans le lieu & au jour indiqu. Les premiers rayons du foleil

    commenoient peine fe rpandre, qu'il apperut le vn-

    rable vieillard venir lui avec un air de fatisfaftion Votre

    docilit lui dit-il en l'abordant, votre confiance & la dili-

    gence que vous montre^ aujourd'hui me prouvent ce que voies

    tes capable de faire. Tene^ mon fis voil un livre dont je

    vous fais prfent life^-le avec attention pefej-en toutes les

    paroles y faites-en /e fujet ordinaire de vos rflexions il vous

    apprendra le grand art d'aider les Souverains bien gouvernerleurs tats & dompter leurs ennemis

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

    61/509

    DES CHINOIS CELEBRES.

    Hij 1~

    Tchang-leang prit le livre, l'etudia, & fe mit en tat de

    devenir le principal artifan de la fortune de Han-kao-tfou.

    C'eft fes confeils c'eft fa valeur que Lieou-pang eft en i

    partie redevable de tout ce

    qu'il

    a fait de

    grand en fondant

    une des plus glorieufes Dynafties qui aient occup le trne

    Chinois. Tchang-leang dans fon cabinet lui traoit toute fa

    conduite la tte des armes il battoit fes ennemis. Miniflre

    habile grand Gnral il montra dans l'un & l'autre genre

    la plus grande capacit; & cette capacit il la puifa, dit

    FHiftorien dans le fameux livre que lui donna Heang-ch-

    koung (c'etoit le nom du vieillard ).

    T chang-leanv aprs s'tre bien rempli de toutes les maximesde Hoaiig-ch-koung fe crut en tat de faire de nouvelles

    entreprifes. Il ramaffa tous les mcontens ceux du moins

    qui, dplorant comme lui les malheurs arrivs fa patrie e

    n'attendoient que l'occafion de la venger. Il fe mit leur

    tte & fe rendit l'arme de Lieou-pang pour lui offrir

    fes fervices & les leurs. Il devint bientt le confeil & l'homme

    de confiance de fon Gnral

    & fiLieou-pang parvintenfin l'Empire, ce fut lui qui l'y conduira pour ainii dire,

    par la main. Le trait que je vais rapporter en fervira de

    preuve & fera connotre en mme temps de quoi Tchang-

    leang pouvoit tre capable.Intimid par tant de batailles qu'il avoit perdues en com-

    battant contre Hiang-yu & craignant de tout perdre pourvouloir tout gagner Lieou-pang avoit rfolu d'viter la ren-

    contre de fon ennemi de lui cder la place & de fe retirerdans le Se-tchouen o il comptoit vivre en fimple Roi de

    Han aprs avoir augment fes Etats de tous les pays qui luf

    etoient actuellement fournis. Ce n'etoit pas l l'ide de Tchang-

    leang. Au chemin que prenoit Hiang-yu pour venir les attaquer,& par la difpofition des deux armes il comprit que tout et oit

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

    62/509

    PORTRAITS

    favorable Lieou-pang. Il vit d'un coup d'il qu'en Iaiffant

    avancer Hang-yu jufqu'o il vouloit l'amener, ce Prince etoit

    perdu fans reffource: il expofa f s vues Lieou-pang, & fit tous

    les.effbrts imaginables pour l'engager tenir bon encore quelque

    temps mais ce fut en vain Lieou-pang qui avoit pris fon

    parti, s'obilinoit vouloir dcamper: Du moins lui dit Tchang-

    leang envoyons etz ctvant pour nous ajfurer des clzemins }

    de celui fur- tout qui efl fur le ct de la montagne le long

    du Kiang nous partirons aprs fi vous le voule^. Lieou-

    pang confentit ce dlai & Tchang-leang au lieu d'envoyer

    quelques corps de troupes pour s affurer des chemins, } comme

    il ledifoit

    enenvoya pour

    lesrompre & pour

    brler les

    pieux & branches d'arbres dont etoit conjlruit le chemin fur la

    montagne le long du Kiang, dans Uefpa.ce de quatre cens

    lys ou de quarante de nos lieues. Deux ou trois jours aprs, 4

    quand il vit que fes ordres dvoient avoir t excuts il dit

    fon Gnral Alle{ il prfent dans le Se-tchouen fi vous

    le pouve^ mais comme la chofe vous efl impoffible parce

    que le chemin de la montagne nejl plus l'Empire efl vous,

    En effet, Hiang-yu fit la fauffe dmarche que Tchang-leangavoit prvue fut battu, mis en droute & fe coupa la

    gorge de dfefpoir ce qui laiia Lieou-pang feul matre

    de tout.

    Devenu Empereur, Lieou-pang continua honorer de fa

    confiance & de fa familiarit ceux qui l'avoient aid monter

    fur le trne; mais il diftingua toujours Tchang-leang. Convaincu

    de fon attachement faperfonne

    de fon zelepour

    le bien de

    l'Empire, de fon dfmtreffement de fon amour pour le

    peuple, & de ton talent pour le gouverner il n'entreprit rien

    d'un peu confidrable que par fes confeils. Il y eut cependantune occafion o il voulut agir malgr fes reprfentations 9

    mais la fermet de Tchang-leang & l'cifcendant que la juftice

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

    63/509

    DES CHINOIS CELEBRES.

    a vrit & la vertu ont toujours fur les grands curs fit

    plier le Souverain fous la volont du Miniftre fidele & ver-

    ueux. Il s'agiffoit du Prince hritier prfomptifde laCouronne

    qui l'Empereur

    vouloit fubfiituer un autre de fes fils qu'il

    avoit eu d'une Concubine. Tchang-leang, aprs avoir employ

    inutilement tout le crdit qu'il pouvoit avoir fur l'efprit de fon

    matre s'avifa d'un expdient qui lui ruflt. Il appella fecr-

    tement quatre perfonnages illuftres, qui avoient refuf aupa-

    ravant de fe rendre la Cour, pour y occuper les premires

    charges & les pria, puifqu'ils etoient rputs dans tout l'Em-

    pire pour tre des Sages du premier ordre de vouloir bien lui

    donner des preuves de leur fageffe en entrant dans fes vuespour l'intrt des peuples & la gloire de fon Souverain L'Em-

    pereur, leur dit-il, veut exclure du trne le Prince hritier

    cefi l amour qic'il a pour une de fes femmes dit fcond ordre >

    & les vives infiances de cette femme qui lui ont fait prendrecette rfolution. Il faut que vous acceptiez l'emploi qlle jevous donne ds--prfent de Gouverneurs du Prince hritier.

    Alh\ chaque jour lui donner dans fon appartement des leons

    fur l'art de rgner affecle-^ de vous montrer afin que V Em-

    pereur en foit bientt inflruit je me charge du refle. Les

    Sages comprirent l'intention du Miniitre & s'y conformrent t

    exactement.

    Ils n'eurent pas t trois fois chez le Prince hritier qu'ondit l'Empereur que les quatre fameux Vieillards qui avoient

    fait tant de dificuit, quand il les avoit invits venir auprs

    de fa perfonne pour l'aider de leurs lumieres & de leursconfeils, etoient venus d'eux-mmes quand on ne penfoit

    plus eux & ne deciaignoient pas de paffer chaque jour un

    temps trs-confidrable auprs de l'on fils.

    L'Empereur fut curieux de voir des hommes qui pafloient

    dja pour Sages du temps des Tcheou il voulut les interroger

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

    64/509

    PORTRAITS

    lui-mme & fe tranfporta dans l'appartement de fon fils. Il le

    trouva qui etoient en confrence Vous nave^pas voulu venir

    moi leur dit ce bon Prince en entrant, je viens vous.

    Seigneur, lui rpondit un d'entr'eux fi nous ne nous fommespas rendus vos invitations c'ej parce que nous voyons bien

    que nous eujfions t des hommes inutiles auprs de vous.

    Nourri dans le tumulte des armes vous ne deve\ naturellement

    vous plaire qu'avec des guerriers &nous ne fommes point tels:

    d'ailleurs votre plan de gouvernement & de conduite etoit dja

    pris & vous ne l'eufjle^ pas rform pour nous faire plaijir,

    Qu'eujjions-nous fait autre chofe que vous inquiter & vous

    tre charge par des reprfentations ritres auxquelles vous

    naurie^ point eu d'gard Il n'en efl pas ainfl de votre filsil efl dans l'ge ou on peut le former; & fi tout ce que votre,

    Miniflre qui le connoit mieux que nous ne pouvons le faire

    encore, nous a dit de lui efl vrai comme nous n'en doutons

    point il efl tout propre faire revivre les heureux temps de

    Yao de Chun de Yu de Tcheng-tang & de Ouen-ouang.

    Pourquoi n emploierions-nous pas le peu qui nous refle encorede vie, pour concourir de notre mieux cet important objet ?

    Mon fils efl heureux rpondit l'Empereur, pufque des Sagestels que vous veulent bien concourir le former. Continue^ lui

    vos foins & n'oublie^ rien pour le rendre digne de la place

    qu'il doit occuper je m'en dcharge fur vous. Aprs ces

    mots il fort va chez fa Concubine bien aime & lui dit

    en l'abordant Je viens Madame vous annoncer une nouvelle

    qui ne vous fera pas plaifr renonce^ vouloir tre la mered'un Empereur le Prince hritier a dja des ales les Sages

    fe rendent auprs de lui ils l'inflruifent & il les coute avec

    plaifr il ejl inutile de penfer lui ter fon titre cela ne fe

    peut i n'y penfe{ plus vous-mme & fur-tout ne m'en parler^

    jamais,,

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

    65/509

    DES CHINOIS CELEBRES.

    Tchang-learig continua jouir de tout fon crdit, & n'en

    abufa jamais. Il s'en fervit au contraire pour avancer les Sages,

    & pour placer tous ceux qui avoient quelque mrite, fuivar.t

    la mefure de leurs talens. C'eft fa perfuafion que le nouvel

    Empereur rtablit les anciennes Etudes que les Tfin avoient

    abolies que l'illuftre Han-fin qui de fimple foldat etoit

    parvenu par fes belles actions au*, premieres charges

    de la Milice & commander les armes en qualit de

    Gnralifme, fut lev la dignit de Prince fous le titre

    de Ouang & que Young-ich fut honor du titre de Heou.

    C'eft encore par fes confeils & fa perfuafion que les fix

    Royaumes qui partageoient l'Empire, & qui l'avoient fifouventdchir par leurs guerres cruelles, furent entirement abolis

    & rduits au rang de fimples Provinces. C'eft enfin par fes

    confeils que le peuple fut dlivr de tous les impts extraor-

    dinaires dont les Tfin l'avoient furcharg, & qu'il commena jouir tranquillement du fruit de fes travaux.

    Enrcompenfe de tout ce qu'ilavoit fait pour le bien del'Etat,

    l'Empereur lui avoit dja donn la Principaut de Leou. A

    ce premier bienfait il voulut en ajouter un fcond en luidonnant fur trente mille familles tous les droits de Souve-

    rain mais le dfintreffement de Tchang-leang ne lui permit

    pas de profiter de la bonne volont de fon matre Je fuis dja

    trop rcompnf lui dit-il, du rang de Prince auquel vous

    ave^ bien voulu ni lever je n'en mritois pas tant je vous

    ai fervi du mieux qu'il m'a et poffible & en vous fervant

    j'ai fervi F Etat & fait mon devoir. Je puis ajouter que] ai fuivi mon inclination en m attachant votre perfonne.La confiance dont vous riave\ ceff dem honorer jufqu ici ejllajeule rcompenfe laquelle j'ofois prtendre toutes les autres

    font galement au-dej[us & au-deffous demoi. Gratifie^en ceuxde vos anciens Officiers qui ont expof fi fouvent leur vie pour

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

    66/509

    PORTRAITS

    tous, & lai jj[' -m ni j our tranquillement auprs de votre, perjonnt

    des douceurs de i\untti ce font les /eu/es que f ambitionne.

    11parot que Tchan^-leeing parloit hncrement, en s'expri-

    mant ainfi car aprs la mort de ion matre il quitta la Cour

    s'exila volontairement, & ne voulut plus s'occuper des allaites

    du gouvernement. Dans ce nouveau genre de vie, il lui falloit

    quelque occupation qui tut digne de lui. 11 crut l'avoir trouve, 9

    en s'attachunt un homme qui patf oit pour avoir une fagei'e

    confomme, & qui s'appc-lloit Tch-fonng-tjcc. Ce Philosophe

    avoit, dit-on le' i'ecret admirable cle vivre (ans manger, ce qui

    s'appelle en Chinois Pi-kou-tao-yn. Ce fecret coniilfc fe

    nourrir d'air en rcfpirant d'une certaine manire. Tchang-Ie.ing ie ht ion difciple vk eut la foibleile de s'exercer fticu-*

    iement le faire un aliment de fa propre reipiration.Il en eteit aux premiers clTais, quand l'Impratrice Lu-heoitj

    qui rgnoir. la place de fou fils, en fut inltruite. La confid-

    ration qu'elle avoit pour un homme qui avoitet le compagnon,le Miniilre & l'ami du grand Kao-tfou, l'engagea lui dfendre

    d'excuter ton projet inienl Notre rie lui dit-elle, pajfe

    comme une ombre pourquoi fe Ici rendre amere en s~inipoja.nldes loix contraires celles de la nature ? Quand vous ave^renonc A: Cour je

    neni y Juis point oppoje je

    vous ai laijjle matre

    Je Juiv re v otre inclination y mais pr fait que vous

    voule^ renoncer vivre yufe de toute mon

    autoritpour m'y

    oppojer. Flve^,je vous l'ordonne y & puijqite pour vivre il faut

    tn.ingir faites comme les autres hommes, manse.

    Tekang-lein obit, & vcut encore huit ans. Il ordonna;en mourant qu'on mettroit dans ion cercueil le fameux livre

    qui lui avoit t donne par le vnrable vieillard Hoang-ch-

    koung.. Ce livre qu'il n'avoit communiqu perfonne, de

    ion vivant fut trouv plus de cinq cens ans aprs la mort

    par un voleur qui, en fouillant dans les tombeaux, dcouvrit

    ce

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

    67/509

    DES CHINOIS CELEBRES.

    -A~t~f.l~J.~li~J~~ame III

    1.1"~ .i, ~vm

    1

    mc

    ce trfor plus prcieux mille fois que l'or & l'argent qu'il

    cherchoit.

    A la tte du livre ctoient les paroles fuivantes Si vous

    ri tes pas un Sage dit premier ordre ou homme de la nature 7

    pour ainji dire, des Efpr'us gardez-vous bien de lire ce qui fuit

    dans le dejjein d'en faire ufage ou de le publia- fi vous tes

    un Sage lifef hardiment mais que ce ne fou pas fans fruit.

    Si vous nglige^ ce confeil vous vous prparerez coup fur

    les plus cuifans chagrins. Sans tre tel qu'on l'exige & fans me

    croire du nombre des Sages, j'ai of me procurer ce livre &

    j'ai

    eu la hardiefe de le lire parce qu'il eft fort court il ne

    contient que mille trois cent fix caractres qui compofent en

    tout fix Chapitres, dont voici les titres.

    Chapitre premier. Il faut fouiller jufques dans l'origine &

    le vrai principe de tout.

    Chap. II. Il faut avoir une doclrine fonde fur le vrai

    reconnu pour tel.

    Chap. III. Il faut connotre le coeur de l'homme & s'affurer

    de ls intentions.

    Chap. IV. Il faut tenir la vertu par la racine & au favoir

    par le fommet.

    Chap. V. Il faut que la juftice foit la rgle univcrfelle des

    aftions.

    Chap. VI. Il faut faire confifter la tranquillit publique dans

    l'accompliffement des devoirs rciproques de la focict.

    Sous ces diffrens titres, on a mis le prcis de La doctrine

    Chinoife fur le grand art de rgner fur foi & fur les autres. Onne fauroit dire plus de chofes en moins de mots puifque tantle texte que le commentaire, vont peine, l'un joint l'autre, foixante-dix pages d'impreffion. Je crois que ce petit Ouvrage eft

    plus fait pour tre mdit que pour tre lu & il me parok quecertaines maximes de politique qui y font rpandues ne font

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

    68/509

    PORTRAITS

    pas faites pour le grand nombre qui en abuferoit peut-tre

    parce qu'il ne les prendroit pas dans leur vrai fens. Ainfi l'avis

    qui e(l a la tte n'eft. pas inutile & s'il cil de Tchang-lang,

    comme on l'a dure il fufiiroit feul pour faire ion loge. Ce

    Philofophc alternativement folitairc homme d'tat & guerrier,mourut la huitime anne de l'ufurpation de Lu-heou c'eft--

    dire, Fan cent quatre-vingt avant J. C. Aprs fa mort, on lui

    donna le titre de Ouen-tcheng-heou ce qui veut dire Prince

    qui pofjddoit la perfection de V loquence.Les Hiftoriens lui reprochent comme une foibleffe de s'tre

    fait de la Sefte des Tao y comme un crime d'avoir t des pre-miers lecouer le joug des Tfin, & comme une lchet de

    n'avoir pas pri, plutt que de biffer comme il fit, l'Impra-

    trice Lu-heou ulurper l'Empire fur ion fils.

    Les Scalaires qui l'ont mis au rang de leurs Immortels le

    juftifient fans peine fur ces trois articles. On comprend aiiement

    ce qu'ils peuvent dire fur le premier. Pour ce qui eft du fcond,

    ils conviennent que les 7/z/z'etoient encore matres de l'Empire,

    quand Tchang-leang prit les armes mais ils ajoutent que

    quoique matres de l'Empire, les TJn ne pouvoient pas dtruire,

    fans raifon comme ils le firent, le Royaume de H an , & quele Souverain de ce Royaume tant Seigneur immdiat de

    Tchang-leang celui-ci s'etoit conduit en fujet fidle en.,

    prenant les armes pour foienir les intrts de fon matre

    contre des usurpateurs injuftes &c. Ils difent fur le troiiieme

    article que la crainte d'occafionner une guerre civile fit que

    Tchang-leang abandonna la Cour plutt que d'tre oblig d'y

    vivre ou comme Chef de parti contre Lu-hccu, ou comme

    Miniftre fous cette ambitieufe femme. Ils ajoutent que hi con-.

    duite de Tchang-leang, dans ces circonilances critiques, mrite

    les plus grands loges &c.

    Pour moi, je crois que fi Tchang-leang n'avoit pas eu la

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

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    DES CHINOIS CELEBRES.

    1ij

    foibleffe d'embrafer le genre de vie de ceux de la Sotte des

    Tao, les Lettrs ne l'euffent pas jug fi rigoureufement fur le

    reite.

    X X. V I I.

    H A N.O U E N-T I Empereur.

    Il etoit fils du grand Kao-tfou & d'une de fes femmes'

    du fcond ordre nomme Po-ki. Des qu'il fut en ge P

    l'Empereur, fon pere, le fit Prince de Tay & l'envoya gou-

    verner par lui-mme fon petit Etat. Le jeune Prince le montra

    digne du pofte qui lui avoit er confi ilecoutoit les Sages, 8cne faifoit rien que par leurs confeils.

    Hoei-ti fon frre tant mort fans enfans il devoit flon

    les loix, tre fon fucceffeur mais l'Impratrice Lu-heou s'em-

    para de l'autorit & gouverna en Souveraine. Aprs la mort

    de cette Princeffe, les Grands lurent, d'une commune voix, le

    Prince de Tay.En montant fur le trne Imprial Ouen-ti choifit pour fes

    Miniftres, Tcheou-po Koan-yn & Tc/ieno-pin y & les autres

    emplois charges & dignits il ne les donna qu' des

    perfonnages qui en ctoient dignes par l eurs vertus ou leur

    capacit.Il etoit naturellement ennemi du luxe, qu'il regardoit comme

    la fourec de la plupart des malheurs de l'Empire il fit des loix

    pour le rprimer. Il etoit n compatiffant. Il abrogea certaines

    loix pnales, o il nevoyoit

    d'autreufage que

    celui de tour-

    menter inutilement les criminels. 11recevoit toutes les rcmoiv.

    irancesqu'on lui faifoit, fur-tout lorfqu'elles avoient pour objet

    Se foulagement ou l'utilit du peuple. Vertueux par principe,attentif fur lui-mme humble dans fes manires moclefte dans

    es habits il etoit fur-tout rferv dans fes paroles,

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

    70/509

    PORTRAITS

    Quoiqu'il fe ft donn d'excellens Miniftres il ne fe crut pas

    pour cela difpenf de gouverner par lui-mme. Il vouloit tre

    inftruit de tout. Il avoit chaque jour des heures rgles pour

    confrer fur

    les affaires importantes avec ceux qui etoient enplace, & il ne trouvoit jamais mauvais qu'on ft d'un avis

    oppof au n'en. Il laiffoit chacun la libert de dire fes raifons

    & de les faire valoir.

    Dans les temps de fcliereffe ou d'inondation & dans

    toutes les calamits publiques, il vouloit qu'on l'avertt de fes

    fautes, auxquelles feules, difoit-il il falloit attribuer les mal-

    heurs de l'Etat. Quoiqu'il ne ft ni Guerrier ni Lettr, on vit

    les Lettres commencer fleurir fous ton rgne & les armesde l'Empire triompher de tous ceux qui les avoient provo-

    ques. Plus d'une fois les Tartares furent repouffs bien avant

    dans leurs terres & les pertes qu'on leur fit effuyer mirent un

    frein leur inquitude & leur tmrit. C'eftfous ce fage Empe-

    reur que l'augufte crmonie du labourage de la terre fut rtablie;

    qu'aprs une interruption de bien des fiecles, on vit repa-rotre le Fils du Ciel, la

    queue

    d'une charrue,tracer lui-mme

    un fillon & y femer les grains qui font deftins la nourriture

    de l'homme. Oeil encore fous lui qu'on trouva l'art de faire du

    papier que la monnoie de cuivre qui ne fe fabriquoit aupa-ravant que dans l'enceinte du Palais fous la direction des

    Officiers particuliers nomms par l'Etat, fe fabriqua indiff-

    remment par-tout, & devint par-l plus commune. C'eft fous

    lui enfin que s'introduift l'ufage de donner un nom parti-

    culier aux annes du rgne ufage qui a perfvr fans inter-ruption juiqu' nos jours. Cette dnomination fe fit la feizieme

    anne de fon rgne c'efl--dire l'an avant J. C. 1 64 & l'on

    compta non, comme on auroit d le faire, la feizieme anne

    de l'Empire de Ouen-ti, mais la premire anne de Heou,

    qui eir. le nom qu'il adopta.

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

    71/509

    DES CHINOIS CELEBRES.

    On reproche ce Prince de s'tre laine fduire par les

    prefliges d'un nomm- Sln-ouen-ping &d'avoir, la perfuajlon

    de cet impojleur elev uvt temple en l'honneur des cinq Empereurs

    fuprmes pour leur retidre un culte femblable celui qu'on doit

    rendre au feulChang-ty. Mais cette faute fut en quelque forte

    rpare par fa dfrence auxreprfentationsdes f ages. Il permit

    que la Juftice fe faist de Sin-ouen-ping, qu'elle l'examint, le

    juget, & le condamnt s'il etoit coupable, comme on le difoit

    d'avoir voulu renverfer la doctrine de l'Empire ce qui fut.

    excut avec une pleine & entiere libert de la part des Juges.

    Sin-ouen-ping, convaincu d'avoir abufde la faveur du Prince,

    pour lui infpirer des fentimens indignes de la

    majeft dit Fils

    duCiel, fut puni du dernier fupplice; & le Fils du Ciel, dans cette

    occafion, comme dans toutes les autres, n'employa fon autorit

    que pour faire obferver les loix.

    Ce vertueux Prince, difent les Hiftoriens et t compa-rable Ouen-ouang fi comme celui-ci il et cultiv lui-

    mme les Lettres dont il ne fut que le protecteur. Son rgnefut de vingt-trois ans, & fa vie de quarantc-fix. Aprs fa mort,

    qui arriva l'an avant J. C. 157, fou corps fut dpof Pa-ling.

    XXVIII.

    HAN-KING-TI, Empereur.

    Xing-ti, quatrime Empereur de la Dynaftie des Han

    monta fur le trne l'an avant J. C. 156. Il etoit fils de Oueti-

    ti, & fe fit un point capital de marcher fur les traces de t on

    pere. Comme lui, il adoucit les chtimens dont on punifoitles coupables; il abrogea la coutume de donner la baftonnade

    fur le dos, difant qu'elle pouvoit avoir des fuites funeites pourcelui qui la recevoit ainfi. Comme lui, ennemi du luxe, il le

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

    72/509

    PORTRAITS

    proscrivt avec une rigueur exceffive jufqu' dfendre tout

    ouvrage en fculpture, difant, pour raifon, qu'un tel art portoit

    dommage la culture de Ja terre; & de mme la broderie

    parce qu'elle nuilbit aux foins domefliques qui l 'ont du reflbrt

    des femmes comme ion pere, enfin, il voulut qu'il ft libreaux perfonnes en place de l'avertir de

    les fautes perfonnelles

    dont il n'avoit_rien tant a cur diibit-il, que de le corriger. Il

    aimoi: s'entretenir de tout ce qui avoit rapport au gouver-

    nement & fur cet important objet, il entroit quelquefois

    dans des dtails qui n'embarralbient pas peu ceux qui l'appro

    choient ou qui dvoient lui rpondre.

    Ds le commencement de fon rgne il avoit rtabli les droits

    far les grains que ion pere avoit en partie abrogs. On en avoir

    murmur mais les murmures cdrent bientt, & les loges en

    prirent la place., ds qu'on fut convaincu qu'il y avoit t forc

    par la nceit. Ce bon Prince mourut dans la quarante-hui-

    tiemc anne de fon ge, qui etoit la feizieme de fon rgne,

    & la cent quarante-unime avant J. C. Son corps fut dpoic

    Y ang-linv.

    XXIX,

    TOUNG-FANG-CHOUO, Miniftre.

    Le nom de fa famille etoit Toung-fang il avoit pour nom

    propre Chouo & pour furnom Man-tfien.

    Han-ou-n, en montant fur le trne l'an 140 avant J. C.

    n'eut rien deplus

    coeurque

    de faire revivre les Lettres. Il

    publia unEdit, par lequel il invitoit tous lesSavans fe rendre

    dans la Capitale & fe prfenter aux Officiers qu'il nommoit

    pour les recevoir. Ces Officiers dvoient les introduire

    auprs de l'Empereur qui vouloir juger par lui-mme de

    leur capacit,

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

    73/509

    DES CHINOIS CELEBRES.1 1 1)*'

    Toung-fang-chouo fut du nombre des huit premiers qui

    forent choifis. Le Difcours qu'il avoit compof & qui le fit

    admettre, rouloit fur les qualits que doit avoir celui qui veut

    exercer l'emploi de

    grand Mandarin. Il

    difoit, entr'autr es

    chofcs,que l'extrieur

    d'un Mandarin devoit tre brillant & rgl

    doux & majeflueux & qu'il devoit tre courageux comme

    Mong-pen avoir l'efprit pntrant comme TJing-ki, tre

    dfintreff comme Pao-chou, & fidle comme Ouel-c/ieng.C'eft proprement ce peu de paroles que Toung-fang-

    chouo fut redevable de fa premire fortune. L'Empereur le

    combla de careffes, & le retint auprs de fa peribnne. 11lui

    donna fucceffivement plufieurs emplois tels que ceux de Tay-

    tdiao & de Ta-tchoung, Ta -fou qui etoient alors ce que

    peuvent tre aujourd'hui ceux des Grands de la premire Ckifle.

    Dans l'exercice de fes charges, Toung-fang-chouo avoir

    occafioli de voir l'Empereur trs-fouvent & clans des circon-

    ftances o fe dpouillant pour aini dire de la majeft du

    trne il permettoit ceux qui l'environnoient de fe dpouiller

    leur tour de la refpectueufe contrainte qu'ils portoient en faprefence dans les autres momens. Par fes bons mots fes faillies

    & cette aimable libert qui plat toujours quand elle eft d-

    cente & jamais dplace, il gagna le cur de fon matre,& le gagna au point, qu'il devint le favori de prdilectionfhomme nceiaire & le bel-efprit oracle de la Cour.

    Un feul de ces titres fumToit de reile pour lui fufeiter une

    foule d'ennemis ou de jaloux; & cependant il n'eut que des

    pangyriftes & des amis parce qu'il n'offenfa jamais par fes

    plaifanteries & qu'il rendit fouvent fervice par ion crdit,

    Les traits que je vais rapporter, d'aprs les anecdores hiitc-

    nques du temps, feront connotre cet homme qu'on pourroitpeut-tre appeller unique en ion genre.

    La Cour de l'Empereur n'etoit pas alors des mieux rgles le

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

    74/509

    RORTRAITS

    dfordre s'etoit introduit dans l'intrieur mme de fon Palais. Sa

    propre fille entretenoit un commerce criminel avec un jeune

    homme de baffe extraction; mais qui oignoit la figure plufieurs

    desqualits

    brillantesqui

    tiennent fouventlieude mrite. L'Em-

    pereur fut averti plus d'une fois, fans vouloir jamais le croire, du

    dfordre de fa fille. Cependant les dlateurs prirent fi bien

    leurs mefures, qu'ils furent inftruits de l'entre du jeune homme

    dans l'appartement de la Princeffe & fur le champ ils en

    donnrent avis l'Empereur. Sa Majeft ordonna qu'on fermt

    toutes les portes par o le coupable auroit pu s'echapper &

    courut pour tcher de le furprendre. Toung-fang-chouo &

    quelques Officiers de fervice etoient feuls fa fuite. Oncherche par-tout & l'on ne trouve rien. Dis-moi donc o ejlton amant dit l'Empereur fa fille d'un ton de douceur

    propre la raffurer, je veux le voir je te promets que je riahu-

    feraipas de la confidence. Si c ejl peu que de vous pardonr.er

    L'un & l'autre j'y joindrai un autre bienfait. Tu es veuve il

    te faut un mari; je te donnerai celui-l, puijquil efl ton gots

    mais je veux tre

    obi fur le champ.La Princeffe fe profierna aux pieds de fon pere avoua fa

    faute, verfa des larmes, frappa plufieurs fois la terre de fon

    front & alla chercher aufi-tt celui qu'elle avoit cach.

    L'Empereur fut charm de fa bonne min,e & fe mit en devoir

    de tenir la parole qu'il venoit de donner. Pour le faire avec

    quelque dcence il dit au jeune homme qu'il Fle voit la

    dignit de Grand du premier Ordre & qu'il lui donnoit fa

    fille. A ces mots Toung-fang-chouo s'approche de l'Empereur& lui dit: Vous venez de prononcer l'arrt de nzort de celui quivous avei promis la vie & vous vous dshonorer^ doublement.

    Ne voye^-vous pas que ce que vous vaille^ faire vous attirera,

    une foule de reprfentations de la part de vos graves Aa-giflrats?i'' ne vous conjioijje^-vous pas a(fe-{vous-mme } pourcomprendre

    ds-

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    DES CHINOIS CELEBR.ES.

    Tome III. &

    9-- i- -L

    ds--prfent que, las de tant de remontrances vous leur

    accordere? enfin ce qu'ils vous demanderont ? En s'infinuant

    furtivement dans l'intrieur du Palais en entrant dans l'appar-

    tement des femmes fans ordre exprs de votre Majeft & enpntrant jufques dans celui de votre fille pour la dshonorer es

    jeune- homme a commis trois crimes dont le moindre efi plus

    que fuffifant pour le faire condamner mort. Vous lui pardonnent i

    cela efi trs-bien y mais que ce ne foit pas pour y revenir. Laijfe^-

    le s'vader, &qu'il s'en aille loin d'ici. Ce n'efi qu' ce prix qu'il

    peut conferver fa vie & tout Souverain que vous tes vous

    nave7v pas d'autres moyens

    vous-mmepour

    la luiconferver

    longtemps L'Empereur baiffa la tte & ne rpondit rien.

    On raconte encore que la nourrice de l'Empereur s'etant

    rendue coupable d'un crime qui mritoit la mort ou tout au

    moins l'exil eut recours au crdit de Toung-jang-chouo pourobtenir fa grace, fuppof qu'elle et t accule: Si vous n'tes

    pas encore

    aceufe lui

    rpondit Toung-fang-chouo vous ne

    tarderez pas L'tre. Vos liaifons avec T Impratrice & le Prince

    hritier vous ont rendue fufpecle. L'Empereur efi dj comme

    perfuad de la ralit du complot qu on lui a dit s'tre formcontre lui par fou fils l'Impratrice & tous ceux qui fontdvous l'un ou l'autre. J'ai oui dire que fa Majefi Joie

    elle-mme juger quelques Dames du Palais mais je ne fais pisencore leurs noms fi vous tes du nombre je tcherai

    de dire

    deux mots pour vous. Aye^ attention feulement ne pas vouloir

    trop vous jufiifier. Parler^ peu mais fanglote^ & verfe^ des

    larmes i & lorj que fa Majefi vous ckajj'era de fa prfence pourvous envoyer au fupplice ou en exil retirez-vous pas lents

    arrtez-vous de temps en temps & tourne^ la tte vers l'Empe~reur je me charge du refie..

    La nourrice avoit vritablement t implique dans l'accu-

    fation & l'on avoir fourni des preuves qui etoient plus qu

  • 7/23/2019 Memoires concernant les chinoise 3

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    PORTRAITS

    fuffifantes pour la convaincre. Elle comparut devant l'Empe-

    reur, qui la jugea & la condamna. Elle te coiidiiifit fuivant les

    infini tions de Toung-fang-chouo elle parla peu mais elle

    fanglota & pleura beaucoup. Elle n'oublia pas fur-tout detourner fouvent la tte en fe retirant & d'efuyer fes larmes

    pour pouvoir fixer fr elle quelques regards de fa Majef Que

    lignifie tout ce mange lui dit alors Toung-fang-chouo voudriez

    vous donner encore tetter ci l'Empereur? Il y a long-temps

    qu'il ejl fcvr vous lui avei donn du lait pendant trois ans; cejl

    bien affe^ il n'a plus befoin de vous. Il vous condamne

    l'exil n'ejl-il pas le maure ? Retirez-vous fans tant de faon

    cbiffe- promptemenu

    Cette faillie fit impreffion fur l'efprit de l'Empereur elle

    rveilla dans ion cur les fentimens de reconnorfance &

    procura la coupable le pardon entier de fa faute.

    Quand ontrouvoit dans les diffrentes Provinces de l'Empire

    quelque chofe d'extraordinaire, de curieux, de rare ou de

    prcieux, les Mandarins en faif oient l'acquifition, & i'offroient

    l'Empereur. On lui offrit un Nain, dont la taille n'excdoit

    pas la hauteur d'un pied. Ce Nain parloir fort bien, & etoit

    fur-tout trs-inftruit de ce qui regarde la doctrine des Tao.

    L'Empereur voulut que Toung-fang-chouo qui etoit de cette

    Secle, interroget ce petit nouveau venu; il le fit en ces termes.

    Dites-moi mon petit ami la mre de Ku-iing ejl-ellc de retour

    ou faut-il l 'attendre encore ? Le Nain, foit qu'il ft choqu ou

    pour quelqu'autre raifon ne

    daigna pas rpondre

    mais fe

    tournant du ct o etoit l'Empereur Cet homme lui dit-il, en

    montrant du doigt Toung-fang-choi/o a dja tent trois fois de

    voler les pches de cet arbre merveilleux plant par Ouang-mou,

    qui a et trois mille avant que de donner fes fleurs & trois autres

    mille ans avant que fes fruits fuffent en tat de maturit. Ces

    paroles du Nain furent regardes comme un loge par quel-

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    DES CHINOIS CELEBRES.

    Kij i w:

    K ij

    ques-uns, & comme une incartade par quelques autres tous

    en rirent l'exception de Toung-fang-chouo qui contre fon

    ordinaire, parut tout dconcert & ne rpliqua rien. C'eft

    cependant cette petite fcene qu'il dut une partie de fa clbrit.Son nom, qui jufqu'alors avoit et concentr d ans l'enceinte de la

    Capitale, franchit tout d'un coup les bornes au-del defquelles

    il ne ft peut-tre jamais parvenu. Il vola de bouche en bouche,

    & l'on dit par-tout, comme l'on dit encore aujourd'hui, Toung-

    fang-chouo a vol les pches. Les pches, dans la Secte des

    Tao, font un des fymboles de l'immortalit.

    XXX.

    TOUNG-TCHOUNG-CHOU, Savant &Minift.

    Le nom de fa famille etoit Tnung & fou nom propre

    Tchoung-chou. Il naquit Kouang-tchouan. Le Tchun-tfieoude Confucius fut le livre qu'il tudia de prfrence pendant fa

    jeunelTe. Son application l'tude etoit fi grande qu'il fut

    trois annes de fuite fortir de fa chambre, fans mme jetterles yeux fur la cour de fa mafon. Il et voulu pouvoir fe pafferde nourriture & de fommeil, afin d'employer plus de temps

    s'inftruire.

    Aprs qu'il eut paff par l'preuve. des examens, il fe pr-

    fenta pour tre admis dans les pofles qui pouvoient tre de

    ion reffort. Il obtint pour premier grade un Mandarinat

    fubalterne du titre de Po-ch. Il l'exera avec tant

    defageie,& une fupriorit fi marque que Ses Suprieurs dans le

    mme Tribunal crurent devoir le propoier l'Empereur

    Han-ou-u comme une des lumieres de l'Empire & comme

    un Sage trs-propre remplir avec diftinction les premires

    charges de l'Etat. L'Empereur voulut le voir & s'affurer par lui-

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    PORTRAITS

    mme de ce qu'on lui difoit. Il lui fit plufieurs queflions relatives

    au gouvernement, & fut fi fatisfait de fes rponfes, qu'il lui

    ordonna de les mettre par ecrit, afin, dilbit-il, de s'en rappeller

    fouvent le fouvenir, pour fa propre infiruction & l'avantage

    de fes fujets.

    Toung-tchoung-chou profita de cette occafion pour mettre

    dans tout fon jour la doctrine des premiers Empereurs & des

    anciens Sages. Il avoit fa difpofition la plupart de ces monu-

    mens antiques que l'indullrie des amateurs avoit fouftraits la

    profcription du barbare TJln-ch-hocuig il en avoit calqu pour

    ion ufage propre, tout ce qui lui avoit paru mriter d'tre

    conferv il avoit fouill dans toutes les Bibliothques danstous les Cabinets o l'on dpofoit les anciens Ecrits, mefure

    .qu'on en faifoit la dcouverte, & il en avoit fait des extraits

    dtaills qui pouvoient fuppler aux Ouvrages mmes. Infrruit

    fond de tout ce qui s'etoit pratiqu de mieux fous les rgnes

    prcdens il mit fa fcience profit & compofa fur de

    rgner trois Difcours qui furent regards comme autant de

    chefs-d'uvre. Les Lettrs en firent d'autant plus de cas qu'ils

    les trouvrent exempts des taches qui fouilloient la plupart des

    Ecrits qui paroifbient alors. La Secte des Tao etoit la domi-

    nante l'Empereur la favorifoit ouvertement & les Savans quivouloient faire leur cour pour tre placs en adoptoient les

    -principes & en rpandoient les maximes dans leurs ouvrages.Les trois difcours de Toung-tchoung-chou ne contenoient

    que la plus pure doctrine des anciens; & il la faifoit valoir avec

    tant d'loquence que l'Empereur le regarda ds-lors commeun homme auquel il pouvoit confier le gouvernement de l'Etat.

    Sa Majeft ne voulut pas le placer d'abord auprs de ik per-

    fonne mais pour lui faire acqurir par l'exprience ce qui

    pouvoit lui manquer, il le donna au Prince de Kiang-tou.Dans cette place importante il fut gagner l'amiti & la con-

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    DES CHINOIS CELEBRES.

    fiance de fon matre fe fit aimer &eftimer de tout le monde

    & rgla ce petit Etat avec tant de fageffe que ion gouver-

    nement fut bientt propof pour modele dans tout l'Empire.

    Aprs avoir

    rgl le

    Royaume de Kiang-tou il

    paffa

    celui de Kao-fi qu'il rgla de mme & quand il crut qu'on

    pouvoit fe paffer de fon fecours dans ce qui regardoit le mini-

    tere il fe dmit de fon emploi, pour ne s'appliquer qu' la

    culture des Lettres. Il compoia quantit d'exceUens ouvrages,

    qu'on rduifit en un corps

    fous le titre deFan-lou,qv. revient

    ce que nous appelions en franc ois mlanges de Littrature. Ses

    Commentaires fur le Tchun-tjeou furent donns part, &

    fervirent infiniment dans le renouvellement des Lettres, pourfaciliter l'intelligence de cet excellent ouvrage de Confucius.

    En gnral, on regarde Toung- tchoung- chou comme le

    Savant qui la Littrature a le plus d'obligation, parmi ceux quiillustrent la Dynaftie des Han. On ne fait iurement ni l'anne

    de fa naiffance, ni celle de fa mort mais comme il fleunffoic

    fous le regne de Han-ou-ti on peut fixer le cours de fa vie

    littraire entre l'an avant J. C. 1 40 & Fan 87.

    XXXI.

    SE-MA-TSIEN, Pere de l'Hift. chez les Chinois.

    Se-ma etoit le nom de fa famille il avoit pour nom propre

    Tfien & pour frnom Tfe-tchang. Il naquit Loung-men& eut

    l'avantage d'tre lev fous les

    yeux d'un

    pre lavantplus riche en collections littraires qu'en or & en argent. Ds

    l'ge de dix ans, il connut afiez de caractres pour pouvoir lire

    couramment leKou-ouen ce livre utile dans lequel

    en fe

    formant l'loquence & la n oble {imp licite

    du ftyle ou

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    PORTRAITS

    peut prendre une connoiffance exacte des murs des cou-

    tumes & du gouvernement des anciens. Il montra ds-lors un

    got dcid pour le genre d'occupation auquel fa naiflance

    fembloit le def