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JACQUES VOISINE Mt~MOIRES ET AUTOBIOGRAPHIE (1760-1820) I1 importe de partir d'une nette distinction entre ces deux variantes d'un type de discours, g~n~ralement 5. la premiere personne, qui en embrasse encore plusieurs autres. Cette distinc- tion tMorique entre un genre d~js. reconnu dans les po~tiques du temps, et une d~marche nouvelle qui dans la plupart des langues ne recevra un nora que bien plus tard, ne saurait dis- simuler le fait que nombre d'~crits participent de l'un et de l'autre. Un ph~nom~ne remarquable de notre p~riode est pr~- cis~ment la contamination croissante des m~moires par l'auto- biographie. Partons donc d'un postulat justifiant le sens qui sera donn~ dans ce chapitre 5. Fun et l'autre terme. Alors que les m~moires contribuent 5. l'histoire sons la forme d'un t~moignage personnel, l'autobiographie litt&aire se ddgage au cours de notre p~riode de la confession religieuse; le premier module en est donn~ par J.-J. Rousseau 5. partir du prototype augustinien, qu'il la~cise encore incompl~tement. Un auto- biographe construit r~trospectivement l'histoire de sa vie in- t~rieure, vers la fin de ses jours, autour d'une vocation ou d'une conversion qui lui donne signification. La confusion est ~videmment moins prononc~e dans notre p&iode qu'en cette fin du XX e si6cle, entre m6moires et auto- biographie d'une part, et de l'autre des genres connexes comme journal personnel, correspondance r6elle ou fictive ... Des r6flexes de retenue brident encore, chez la plupart, l'exhibition du moi, et des variantes nouvelles aujourd'hui r6pandues (sou- venirs d'enfance, gen6se d'une oeuvre litt6raire...) commencent 5. peine 5. apparattre. Neohclicon xvln/2 Akaddmiai Kiad6, Budapest John Benjamins B. V., Amsterdam

Mémoires et autobiographie (1760–1820)

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JACQUES VOISINE

Mt~MOIRES ET AUTOBIOGRAPHIE

(1760-1820)

I1 importe de partir d'une nette distinction entre ces deux variantes d'un type de discours, g~n~ralement 5. la premiere personne, qui en embrasse encore plusieurs autres. Cette distinc- tion tMorique entre un genre d~js. reconnu dans les po~tiques du temps, et une d~marche nouvelle qui dans la plupart des langues ne recevra un nora que bien plus tard, ne saurait dis- simuler le fait que nombre d'~crits participent de l 'un et de l'autre. Un ph~nom~ne remarquable de notre p~riode est pr~- cis~ment la contamination croissante des m~moires par l'auto- biographie. Partons donc d'un postulat justifiant le sens qui sera donn~ dans ce chapitre 5. Fun et l'autre terme.

Alors que les m~moires contribuent 5. l'histoire sons la forme d'un t~moignage personnel, l'autobiographie litt&aire se ddgage au cours de notre p~riode de la confession religieuse; le premier module en est donn~ par J.-J. Rousseau 5. partir du prototype augustinien, qu'il la~cise encore incompl~tement. Un auto- biographe construit r~trospectivement l'histoire de sa vie in- t~rieure, vers la fin de ses jours, autour d'une vocation ou d'une conversion qui lui donne signification.

La confusion est ~videmment moins prononc~e dans notre p&iode qu'en cette fin du XX e si6cle, entre m6moires et auto- biographie d'une part, et de l'autre des genres connexes comme journal personnel, correspondance r6elle ou fictive . . . Des r6flexes de retenue brident encore, chez la plupart, l'exhibition du moi, et des variantes nouvelles aujourd'hui r6pandues (sou- venirs d'enfance, gen6se d'une oeuvre l i t t6raire. . . ) commencent 5. peine 5. apparattre.

Neohclicon x v l n / 2 Akaddmiai Kiad6, Budapest John Benjamins B. V., Amsterdam

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~ M I ~ M O I R E S H I S T O R I Q U E S >) E T

<t M I ~ M O I R E S P A R T I C U L I E R S ~>

Dans toutes les litt6ratures les chroniques, en vers ou en prose, apparaissent avant les mdmoires, mot qui en frangais d6signe ~t partir du XV e si~cle un type de r6cit ressortissant 5. l'histoire - laquelle est d6sormais promue au rang de genre litt6raire. C'est le sens que donne ~ mdmoires le Dictionnaire de l'Acad6mie fran~aise de 1694. Sous cette forme primitive les rn6moires, aussi appel6s journaux, ne sont pas n6cessaire- ment l'0euvre d'un r6dacteur unique. Conform6ment ~ l'6tymo- logie memorabilia, le mot et son 6quivalent dans les diverses langues peut s'appliquer h une relation collective retragant, sur plusieurs g~n6rations, et de diverses plumes, la vie d'une famille ou d'une communaut6. Paul-Louis Courier donne ing6nieuse- ment cette forme ~t son pamphlet Gazette du Village (1823) qui constitue une libre chronique des injustices subies par les pay- sans d'un village de Touraine: ~ Ce journal n'est ni litt6raire, ni scientifique, mais rus t ique . . . >>. Chez Courier, c'est d6j~t un artifice litt6raire. Les m6moires collectifs au village se rar6fient d~s le d~but de notre p~riode dans les litt6ratures les plus ~volu- des, ob les m6moires sont la cons6cration litt6raire d'un individu de haut rang, g6n6ralement de condition noble, relatant les 6v6nements marquants auxquels il a eu part et ses rencontres avec les grands personnages. Du fait de la promotion sociale de la bourgeoisie en Europe occidentale, des notables roturiers commencent eux aussi ~ avoir assez d'exp~rience de la vie publique pour pouvoir, et d~sirer, r~diger des m~moires, Mais cette 6volution sociale s'accompagne d'une 6mancipation de l'individu, et d 'un int6r& chez le lecteur pour le ~ petit fait vrai >> dans la vie quotidienne. Ce dont t~moignent 5. la lois les in- nombrables romans intitul6s ~ La vie d e . . . >>, ~ Histoire v6ri- dique d e . . . ~>, et la presence de moins en moins discut6e de l 'auteur-narrateur dans la litt6rature de fiction de Sterne, Diderot et leurs 6mules allemands d~s les ann~es 1770. J.-J. Rousseau est un des premiers 5. en tirer les cons6quences,

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6crivant dans le pr6ambule primitif, rest6 longtemps in6dit, de ses Confessions:

Les faits ne sont ici que des causes occasionnelles. Dans quelque obscurit6 que j'aie pu vivre, si j'ai pens6 plus et mieux que les Rois, l'histoire de mon ame est plus int6ressante que eelle des leurs.

La port6e de cette revendication, on le voit, n'est pas seule- ment sociale, mais psychologique; l'accent est mis non plus sur ce qui est relat6 mais sur la vie int6rieure de celui qui relate. Aussi n'intitule-t-il pas finalement son ouvrage Mdmoires mais Confessions. La semi-impropri6t6 de ce titre par rapport au contenu (la seconde partie au moins constitue des m6moires fortement p6n&r6s d'un plaidoyer pro domo) situe sa d6marche

la rencontre des m6moires proprement dits et de la con- fession religieuse pratiqu6e depuis longtemps, dans diverses sectes protestantes en particulier, notamment les pi6tistes. Aid6 par le sentimentalisme ambiant, Rousseau amorce ainsi la s6cularisation d'une pratique qui est ~t l'origine de l'autobio- graphie litt6raire - laquelle tendra bient6t, vule retentissement des Confessions de Rousseau, ~t p6n6trer le genre des m6moires. Avec 1'~ 6gotisme >> (mot import6 par Stendhal d'Angleterre off il venait d'6tre cr66) que cultivent les romantiques, la laicisation de la confession autobiographique est achev6e, car le mot confession ne sera plus que rarement utilis6, sauf intention d61i- b6r6e (De Quincey, Musset).

Mais ce n'est gu6re avant la fin de XIX e si6cle qu'on com- mencera ~t appliquer ~ cette nouvelle forme de m6moires le terme autobiographic, dont le premier emploi attest6 se rencontre en 1798 dans un fragment de l'Athenaeurn de Fr. Schlegel. La litt6rature p~riodique anglaise (sous la plume de Southey, 1809) commence ~t l'employer dans le premier quart du XIX e si6cle; il passe ainsi en France (~ auto-biographic ~>) dans les traductions publi6es par la Revue britannique des ann6es 1830, mais n'est admis que lentement par les 6crivains, et le Dictionnaire de l'Acad6mie de 1836 en donne r surprenante d6finitiorl

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(( biographie faire ~t la main ou manuscrite ~). Littr~ vers 1860 applique encore le terme ~( m6moires ~) aux Colfessions de Rousseau. I1 va de soi clue le titre donn6 par l 'auteur ou l'6diteur n'est pas toujours un stir crit~re de l'orientation de l'ouvrage. Le flottement entre (( Vie ~) et (~ M6moires ~ qui r~gne dans beaucoup de titres d'ouvrages publi6s ~t partir des ann6es 1770 fait place ~t la fin du XIX ~ si~cle h u n gofit marqu6, dans les r66ditions qui en sont faites alors, pour le titre (~ Autobio- graphie ~), qui n'dtait pas, et pour cause, celui de l'auteur, et qui est souvent impropre. C'est le cas par exemple des M6moires de Benjamin Franklin. En revanche la premiere 6dition~ post- hume, du Prelude de Wordsworth (1.850) porte le sous-titre parfaitement justifi6 (~ An autobiographical poem ~); il s'agit bien d'une des tras rares autobiographies en vers.

Dans la p6riode de t~tonnements contemporaine de la nais- sance du nouveau genre, vers 1800, les Allemands, qui sous l'influence de Herder s'y int~ressent beaucoup, essaient des termes comme Selbstbekentnisse, Selbstbio#raphie, Selbstleben- beschreibung. Mais le terme Autobiographie s'impose vite en allemand; E. T. A. Hoffmann ironise sur le nouveau genre ~ la mode dans ses Lebens-Ansichten des Katers Murr (t819-1821), off le chat qui r6dige ses m6moires 6crit avec une pompeuse satisfaction:

C'est certainement une chose tr~s int6ressante et fort instructive que d'entendre un esprit sup6rieur donner dans une autobio- graphie (in einer Autobiographie) des d6tails bien circonstanci6s sur tous les 6v6nements de sa jeunesse, m~me sur les moins importants, si toutefois il est permis d'admettre qu'~t un grand ggnie il arrive rien de peu important.

(Trad. Lo6ve-Veimars, Les Contemplations du Chat Murr)

A d6faut d'employer autobiographie, on a recours, quand on veut 6viter le terme (~ M~moires ~), ~ des p6riphrases comme Histoire de ma vie (A. G. Meissner), Vie ~crite par lui-mOrne (Alfieri), Vie et aventures (litt. (( ce qui m'est arriv6 ~)) du Serbe Dositej Obradovid, Vie et opinions du Danois J. Ewald.

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Ce que le Bulgare Sofronij Vra~anski intitule Vie et souffrances du pdeheur Sofronij semble nous ramener ~t la confession, mais le livre constitue aussi des m6moires riches d'informations pour l'historien. A vrai dire, ce processus de contamination entre confessions religieuses et mSmoires Stait dSja engag6 au XVII e si~cle, non seulement chez les jansSnistes fran~ais traducteurs de St Augustin, mais aussi en Hongrie oll ce si6cle est marquS par une lignSe de mSmorialistes dont l'Itistoire de ma conversion de Mih~ily Veresmarty, tandis que Franqois II R~ik6czy rSdige parall~lement, au dSbut du XVIII e si~cle, des M~moires en franqais et des Confessions en latin.

Plusieurs de ces Scrivains, dont le Hongrois Mikl6s Bethlen, Staient dSja conscients de la valeur, pour la connaissance de l'homme, d'une histoire proprement intSrieure de l'individu par lui-mame, constatation qui s'imposait ~ Herder dans son essai de 1778 Vom Erkennen und Empfinden der menschIichen Seele. C'est cette annSe l~t que mourait Rousseau qui avait affirms dans le premier prSambule des Confessions (encore inconnues du public) <~ Nul ne peut Scrire la vie d'un homme que lui- m~me ~>. A quoi fait Scho Restif de la Bretonne: << Connais-je quelqu'un aussi bien que je me connais? ~>. Mine de Charri~re trouvait sans doute la formule naive, car elle 6crit dans son petit roman Sir Walter Finch et son ills William <~ I1 faut un ami pSnStrant et sinc6re pour nous montrer ~t nos propres yeux, et tandis que chacun de nous se voit, nous nous ignorons ~>.

Cette rSserve ne met d'ailleurs pas en cause les mSrites reconnus au << genre >> nouveau par les esprits les plus vigou- reux et originaux du temps, en Allemagne ot~, apr~s Herder et Wieland, Goethe et Fr. Schlegel lui reconnaissent une fonction esthStique, et plus seulement documentaire.

Les curiositSs nouvelles rel~vent de cette affirmation de l'individu qui constitue un des aspects majeurs du romantisme. Elles sont en rapport avec l'intSr~t manifests par la philosophic, apr~s Locke, pour les phSnom6nes de l'association, de la mS- moire, de la conscience. Le genre dSjh ancien que sont les mS- moires se trouve ainsi d6tourn6 de son r61e auxiliaire de pour-

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voyeur d'informations pour l'historien, et promu h la dignit6 d'instrument privil6gi6 dans l'exploration de la nature int6rieure de l'homme, au m6me titre au moins que les genres nobles cultiv6s par les moralistes de l'antiquit6, de la Renaissance, et du classicisme franqais.

I1 va de soi qu'on ne saurait s'attendre & un net partage des voles entre m6moires et autobiographie. Les mdmoires de type traditionnel, 6crits par des notables qui entendent porter t6- moignage sur les grands 6v~nements de leur temps, se multi- plient dans ces armies off l'Am6rique et l 'Europe sont bou- levers~es par les r6volutions et les guerres. Mais ces m6mes bouleversements font vivre aussi ~t des hommes d'origine plus que modeste des aventures auxquelles leurs pares n'auraient jamais pu pr6tendre. Ces humbles t6moins, s'ils savent un peu s'exprimer, ont eux aussi quelque chose g dire, et comme dans le cas de Rousseau il peut arriver que l'histoire de leur 5.me soit ~ plus int6ressante clue celle des rois. ~)

Rousseau, on le salt, a dit plus d'une fois sa r6ticence et marne son hostilit6 /t l'6gard de l'histoire, estimant comme plusieurs des philosophes ses contemporains qu'elle n'est gubre clue le tableau des crimes commis par l'humanit6 ou contre elle. La biographie, au contraire, est jug6e utile et profitable par les habituels d6tracteurs de l'histoire, dont Volney qui en recom- mande la pratique dans ses Ler d'histoire au titre quelque peu paradoxal.

Les Eldments de littdrature de Marmontel consacrent aux M~moires un long article, dans lequel une grande page s'en prend avec indignation - sans le nommer - g l 'auteur des Confessions, coupable d'affecter une cynique sinc6rit6 et une hypocrite s6v6rit6 & l'6gard de soi-m~me alors qu'ils trahit les secrets de l 'amour et de l'amiti6 et calomnie ses bienfaiteurs. C'est le d~faut auquel sont exposes les auteurs de ~ m6moires particuliers ~, sans que pour autant Marmontel proscrive ce genre, dans lequel les femmes se sont particuli6rement illustr6es. Mais plus importants lui paraissent les (~ m~moires express~- ment ~crits pour servir ~ l'Histoire ~; il invite toutefois rhis-

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torien b. ne les consulter (~ qu'avec d6fiance et beaucoup de pr6caution >>. Marmontel a lui-m~me r6dig6 des Mdmoires d'un pore pour servir d l'instruction de ses enfants. On peut constater ~t leur lecture combien tMorique est la distinction entre ~ m6- moires priv6s ~> et ~ m6moires 6crits pour l'histoire >>. I1 en a commenc6 la r6daction h l'gtge de soixante ans, en 1792, en partie pour meubler la solitude familiale dans le village normand o~ il s'est r6fugi6 avec les siens pour fuir la Terreur. Domes- tiques et didactiques d'apr~s leur titre, et rest~s inachev~s ~ sa mort en 1798, ils retracent dans leur seconde moiti6 les origines et progr6s de la r6volution ~t Paris jusqu'~t l'6tablissement du Directoire. Ce n'est qu'au vingti6me et dernier livre qu'il revient ~t ses travaux personnels:

Les 6vdnements dont je viens de rappeler le souvenir ont tellernent oeeup6 ma pens6e qu'~t travers tant de calamit6s publiques je me suis presque oubli6 moi-m~me...

En fait, seuls les deux premiers livres, qui se d6roulent dans son Auvergne natale (un assez joli paysage est d6crit au passage) rel6vent plus ou moins de l'autobiographie; mais d6s le troisi6me livre, l'auteur, arriv6 tr~s jeune ~ Paris et venant solliciter les conseils de Voltaire, est devenu un homme public dont la rapide ascension sociale constitue d6sormais le sujet du livre, agr6ment6 de portraits des grandes figures du monde litt6raire et artistique. L'instruction destin6e ~t ses enfants porte de ce fait sur les moyens d'arriver. Ce n'est pas l'histoire d'une vie, ni d'une vocation, mais d'une carri6re, autant mondaine qu'intellectuelle (les mfmes de Rousseau y sont malmen6es, et nomm~ment cette fois).

Les Lectures on Rhetoric and Belles-Lettres dans lesquelles Hugh Blair a consign6 l'essentiel de ses cours ~t l'universit6 d'Edimbourg, traitent bri~vement des m6moires dans la section ~ Historical Writing >>. Comme Volney il juge la biographie ~ un genre de composition fort utile >>; il la distingue des ~ Vies >>, prenant ce mot pour synonyme de m~moires, sur lesquelles il porte une appr6ciation plus s6v~re que Marmontel

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(~ inferior kinds of historical composition O, observant qu'ils favorisent la vanit6: ce qui explique, ajoute-t-il, que depuis deux si~cles la France ait tant produit de m6moires!

Blair et Marmontel - les deux th6oriciens qui font autorit~ ~t travers toute l 'Europe - pr6sentent une rue traditionnelle des m6moires comme auxiliaires, mais auxiliaires peu fiables, de la composition historique. Prisonniers encore en grande partie des cadres rigides des ~ Po6tiques ~ classiques, qu'ils ont pour- tant fait effort pour assouplir, ils ne peuvent concevoir la ldgitimit6 d 'une nouvelle forme de m6moires tourn6e vers l 'homme int&ieur, et qu 'on appelera plus tard autobiographie. C'est aux Allemands, rivaux iconoclastes de l'esth6tique clas- sique fran~aise, c'est aux pr6curseurs et aux tMoriciens du romantisme allemand, que revient ce m&ite.

LA CONFESSION SI~CULARISt~E

Rousseau a fort bien d6fini son projet au d6but du 7e livre des Confessions:

je n'ai qu'un guide fid61e sur lequel je puisse compter, c'est la eha~ne des sentiments qui ont rnarqu6 la succession de rnon ~tre, et par eux celle des 6v6nernents qui en ont 6t6 la cause ou l'effet [...]. L'objet propre de rnes confessions est de faire conna~tre exaeternent rnon int6rieur dans routes les situations de ma vie. C'est l'histoire de rnon gtrne que j'ai promise.. .

Id6al sans doute irr6alisable; les Confessions sont souvent cela, mais souvent aussi bien autre chose, surtout dans les derniers livres. Le projet de Rousseau d6finit l '~pure d 'un r6cit d 'une absolue sinc6rit6 qui pr6senterait la vie int&ieure dans son unit6 et son d6veloppement organique ~t partir des germes pr6sents d6s l 'enfance (~ pour me conna~tre dans mon ~ge avanc6, il faut m'avoir bien connu dans ma jeunesse ~, 6crit-il ~t la fin du livre IV), et imposant ainsi/t la vie d 'un individu son irremplagable signification.

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Cette d6marche ne peut ~tre comprise qu'fi partir des origines religieuses du genre, fond6es par saint Augustin. Transpos6e sur un plan profane, 6changeant au besoin l'humilit6 contre une tranquille fiert6 (l 'arrogance trouve mieux ~t s'exprimer dans les m6moires), l 'autobiographie litt6raire sera, apr~s Rousseau, le fait du grand artiste ou 6crivain conscient d'avoir par son oeuvre t6moign6 pour une valeur qui d6passe sa personne, et qui ~ l a fin de sa vie, tel le Yahweh de la GenOse au septi~me jour, contemple son oeuvre et volt que son oeuvre 6tait bonne. Avec le passage de la confession religieuse ~t l 'autobiographie s'efface cette obsession de l'aveu qui chez Rousseau a tant choqu6 les contemporains. Ce qui reste acquis, c'est l 'impor- tance des souvenirs d'enfance et la signification qui leur est accord6e. L~ aussi les contemporains furent choqu6s. Lors de la publication de la premiere partie des Confessions, le critique de l'Annde littdraire d~plore ce manquement au s6rieux et ~t la dignit6 qu 'on attend d'une oeuvre litt6raire; de marne La Harpe 6crit dans sa Correspondance littdraire destin6e au futur tsar Paul Ier:

I1 est impossible de ne pas conclure qu'il y avait un eoin de peti- tesse bien marqude dans un esprit qui s'occupe gravement du sou- venir de ces niaiseries pudriles, et qui croit que le lecteur dolt en 6tre le confident.

Les auteurs des m~moires traditionnels passent vite, en effet, sur leur enfance et leur adolescence, press6s d'en arr iver / : la ~< vraie >> vie, la vie publique. Mais les temps ont commenc6 5. changer; l'int6r~t pour l'enfant, auquel l'Emile a si fortement contribu6, gagne la littdrature de fiction avec Berquin, Mme de Genlis, et d6ja les auteurs f6minins de romans 6ducatifs en Angleterre; en Allemagne, les auteurs du Sturm-und-Drang. Avant toutefois que Wordsworth ne proclame ~< The Child is Father of the Man >>, on est encore tr~s conscient du caract~re r6volutionnaire de cette affirmation par rapport 5. l '&hique et 5. l'esth6tique classiques. C'est le cas de Rousseau lui-mSme, qui s'excuse h plusieurs reprises aupr~s de son lecteur de men-

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tionner des enfantillages, dont il justifie la pr6sence tant6t parce qu'ils donnent la c16 de sa personnalit6 - tant6t par le simple plaisir qu'il 6prouve ~t se les rem6morer.

Le romancier ~ jacobin >> anglais Thomas Holcroft, com- mengant ~ r6diger vers 1800 des m~moires qu'il n'a pu pour- suivre au-delh de la relation de ses quinze premi6res ann6es, croit lui aussi n6cessaire de justifier la mention de d6tails du m~me ordre qui peuvent paraitre insignifiants au lecteur. Marne excuse dans les Mdmoires de Goldoni.

HflROS ET NARRATEUR

C'est sans doute pour 6viter la propension ~t la vanit6, con- sid6r6e comme le d6faut habituel des auteurs de m6moires, clue certains recourent au roman autobiographique, qui fait son apparition aussi dans le dernier quart du XVIII e si6cle. S'abritant derri6re un personnage fictif plus ou moins transparent, et transposant les noms propres de personnes et de lieux, ou les remplagant par des initiales (comme c'6tait le cas pour les noms de personne dans la premi6re 6dition des Confessions)

- l 'auteur peut ainsi sans scrupules excessifs publier le r6cit de sa vie de son vivant m6me, au lieu d'en confier la publication ~t ses h6ritiers. C'est l~t l'inverse du proc6d6 en faveur tout au long du XVIIP si6cle, o~ quantit6 de ~ Vies >> ou ~ Histoires >> de h6ros fictifs ont 6t6 pr6sent6es par un pr&endu t~ 6diteur 7> comme des documents authentiques. I1 ne sera question ici que des romans reconnus par les contemporains - et reconnus plus tard par la recherche 6rudite - comme authentiquement autobiographiques. Restif de la Bretonne n'a aucun scrupule fi se raconter complaisamment; mais comment tracer la ligne de partage entre Monsieur Nicolas ou le eceur humain d~voil~, volumineux m6moires (ou autobiographie?) passablement ro- manc6s, et les nombreux romans de ce disciple abusif de Rous- seau, fiddle dans ce titre fi la pr6tention du moraliste ? Le sons- titre choisi par Karl-Philip Moritz pour son Anton Reiser va

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dans le m~me sens: <~ roman psychologique ~>, mais ici le r6cit est ~t la 3 ~ personne. Nous sommes encore plus pros que chez Rousseau de la confession religieuse, comme on s'en apergoit dans les premieres pages, o/a est 6voqu6e la pr6sence au foyer familial des ouvrages de Mine Guyon, et o~ ~h et l~t le narra- teur tance s6varement l'hypocrisie ou la vanit6 du h6ros, pr6- sentant parfois la tendance 6gotiste de l'adolescent ~t se r6fugier dans la solitude en des termes qui anticipent sur la condamna- tion par Chateaubriand des dangereuses raveries de son Ren6. En tSte de chacune des quatre parties publi6es successivement de 1785 ~t 1790, 1'~ ~diteur >> (Herausgeber) K. Ph. Moritz a plac6 un Avis qui, darts chaque cas, souligne l'utilit6, pour les 6ducateurs, de ce roman qui ~ pourrait aussi s'appeler bio- graphie ~ (Avis en tSte de la 16r~ partie). C'est un Bildungsroman (le terme ~ roman~) est employ6 ~t plusieurs reprises pour d6signer le livre, et m~me dans l'avis de la 3 ~ partie <~ Roman seines Lebens ~>) - dans lequel pr6domine le rf le du hasard, et qui ne suit le h6ros que jusqu'~t l'gge de vingt ans environ, la quatri6me partie soulevant la question du difficile choix de la vocation. L'exactitude minutieuse du d6tail, dans la descrip- tion des lieux ou dans l'emploi du temps des journ6es du h6ros, ralentit le r6cit, mais a permis h la critique de confirmer l'6troite identification du h6ros et du narrateur.

I1 faut distinguer ici entre le roman autobiographique et le r6cit de fiction transposant plus ou moins des 6pisodes que le lecteur devine ou salt avoir 6t6 v6cus par l'auteur, et attribu6s par lui ~ un h6ros confondu ou non avec le narrateur. Les Dernikres lettres de Jacopo Orris constituent, ne serait-ce qu'en raison de leurs remaniements successifs, un cas particulier. A la diff6rence d'Anton Reiser, ce roman n'est pas le r6cit d'une vie sous un nom d'emprunt. Foscolo n'a que vingt ans lorsque l'ouvrage inachev6 est compl6t6 et publi6 sans son aveu sous un titre qui le situe dans la lign6e des nombreuses imitations sen- timentales de la Nouvelle H~loi'se: Histoire v~ritable de deux amants infortunOs ou Dernikres lettres de Jacopo Ortis (l'allu- sion est aussi ~t Werther). Pourtant la tentation autobiographi-

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que a poursuivi Foscolo; elle se manifeste sous une forme humo- ristique, emprunt6e/t Sterne, dans le fragment de 1801 intitul6 Le sixi~me tome du Moi, et encore en 1813 la Notice sur Didyme Leclerc - pr6nom qui sugg~re un jumeau ou alter ego - publi~e avec la traduction par Foscolo du Sentimental Journey de Sterne. Sterne, on le salt, y relatait sous le nora de son alter ego Yorick quelques 6pisodes d'un voyage sur le Continent qu'il avait d6ja utilis6s dans son roman pr6sent6 comme une autobiographie fantaisiste, Tristram Shandy. C'est encore dans la tradition plaisante de Sterne, abondamment cultiv6e en Allemagne, que se situera tel roman off nous est sugg6r6es l'iden- tification avec un h6ros autobiographe ou non, sentimental et sympathiquement ridicule, comme la Vie de Maria Wutz de Jean Paul, narration ~t la 3 e personne avec des passages inat- tendus ~t la 1 ~ro, ~( biographie ~) off sont mis en oeuvre des crit~res de l 'autobiographie comme le regard r6trospectif sur la vie 6coul6e et la quasi-61imination de tous les autres personnages. Jean Paul a d'ailleurs laiss6 d'autre part des fragments pr6sent6s express6ment comme autobiographiques.

Apr~s 1800, Sterne ayant largement fait 6cole, et la hardiesse de son 6gotisme s'6tant 6mouss~e, les 6crivains n 'ont plus honte de faire des confidences ~t leurs lecteurs; avec le romantisme, ils ont m~me tendance h consid6rer leur vie comme une partie de leur oeuvre, digne h ce titre d'etre connue des lecteurs. On ne consid~re m6me plus indispensable d'invoquer la ~( connais- sance du coeur humain ~ pour se complaire dans l'analyse de sol. Alfieri parlera, comme le Rousseau des Rdveries et comme Chateaubriand, de (~ converser de moi avec moi-m~me ~). Mais Foscolo s'en est tenu ~t des 6bauches h peine esquiss6es d'une confession humoristique d'une part, et de l 'autre ~t la version s6rieuse, sous forme romanesque, d'exp6riences qu'il venait de vivre: moiti6 m6moires - avec l'6vocation de personnages r6els comme Parini, vieilli et mis6rable - et moiti~ autobio- graphie romanc6e puisque dans ces Dernikres Lettres il s'iden- tifie partiellement, ~t la lois au h6ros Jacopo et au narrateur Lorenzo, lequel joue le m~me r61e de confident et 6diteur que

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le Wilhelm de Werther. Cette identification, Foscolo l'a recon- nue dans une lettre de 1802/~ son 6diteur Bodoni ainsi que dans la Notice bibliographique qui accompagne en 1816 la r~6dition de l'ouvrage. Elle a jou~ pourrait-on dire, dans les deux sens puisque Foscolo va en quelque sorte prendre module sur son personnage et devenir comme lui un exil6 politique.

Le cas de Foscolo, dans sa complexit6, r6unit plusieurs des formes que peut prendre alors une d6marche autobiographique qui h6site encore b~ s'avouer pour telle: d'une part l'affectation de jeu, la provocation ou mystification du lecteur, dans la tradition de Sterne; de l'autre l'exp&imentation, dans une structure romanesque imit6e (malgr6 les d6n6gations de l'au- teur) de Werther, avec les formes d'~criture ~t la premiere per- sonne que sont la confidence 6pistolaire et le journal intime. A la diff6rence de l'autobiographie, qui proc6de r6trospective- ment, nous avons affaire ici ~ une relation ~ ~t chaud ~), mor- cel6e, et suivant pas ~t pas l'6v6nement, des esp&ances et d6cep- tions v6cues par les patriotes italiens lors de la campagne du ~ lib&ateur ~ Bonaparte.

Werther se pr6sentait d6pourvu de cette ouverture sur la tragfdie nationale qui fait des Derni&es Lettres le premier grand roman de la litt6rature italienne. Le roman de Goethe exploitait aussi des 6pisodes v6cus par l 'auteur - que nous retrouverons plus loin comme authentique autobiographe avec Podsie et V&itL I1 s'est d6fendu d6s le lendemain de la publica- tion de ce roman de jeunesse d'y avoir present6 des figures de son entourage - qui avaient pu s'y reconna]tre. On sait depuis longtemps qu'il a transpos6 son aventure avec Frederike Brion en y m~lant tr~s habilement l'exp6rience de situations v6cues par d'autres, de faqon ~t rendre indiscernable le degr6 d'identi- fication entre h~ros et auteur. I1 a expos6 dans Podsie et Vdritd la gen~se de son roman; mais ne dit-il pas aussi dans ce na~me ouvrage que la plupart de ses 6crits constituent comme autant de ~ fragments d'une grande confession ~)? Nous d6passons ici le cadre de l'autobiographie litt&aire, pour entrer dans le myst6re de la cr6ation. Un m~me rapport entre transposition

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romanesque d'exp~riences ou souvenirs de jeunesse d'une part, r~cit autobiographique d'autre part, existe dans le cas de Goethe et darts le cas de Chateaubriand, auteur de Rend et des Mdmoires d'outre-tombe.

I1 arrive que le r~cit commenc~ par un auteur de sa propre Vie soit achev~ par un autre. L'essayiste William Hazlitt pu- blie en 1816 des Memoirs of the late Thomas Holcroft, written by himself, and eontinued to the time of his death, from his diary, notes and other papers. Dans la partie r~dig6e par lui, il arrive 5. Hazlitt d'introduire d'int6ressants commentaires sur cette vie d'un homme d'humble origine mais de forte personnalit6, acteur ambulant avant de devenir romancier ~ engag6 ~), vie qui n'est ~ gu~re plus que l'histoire des difficult6s et des succ6s qui r6pondent aux efforts des ~crivains de talent ~).

Ces m6moires de Holcroft sont un des premiers documents illustrant la transformation du genre ~ m6moires ~ sous l'in- fluence de l 'autobiographie 5. la mani~re des Confessions de Rousseau - 6crivain fort en honneur dans ce milieu ~ jacobin ~ anglais. Holcroft, adepte de la r6volution fran~aise, militant pour une soci6t6 plus juste aux humbles, n'aurait certes pas chercM 5. contester cette influence. En revanche Goethe et Chateaubriand, devenus personnages c~l~bres et solidaires de l 'ordre ~tabli, prendront soin d'6viter toute allusion 5. un Jean- Jacques Rousseau qui a pourtant profond~ment marqu6 leurs premiers ~crits. Le r~cit que l'un et l 'autre ont laiss~ de leur vie n'en t6moigne pas moins de la contagion exerc~e d~sormais par l'esprit et les techniques de l 'autobiographie: r61e important du temps subjectif, raise en valeur des souvenirs d'enfance notamment. Si cette contagion est sensible dans des m~moires ~ 6crits pour l'histoire ~) comme ceux de Chateaubriand, 5. plus forte raison la constatation s'impose-t-elle dans le cas des (~ m6moires priv6s ~).

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INSTABILITE DU GENRE <~ MI~MOIRES ~

Tenter ici de classer en cat6gories dfiment 6tiquet6es les ouvrages autobiographiques les plus repr6sentatifs de notre p6riode, serait donc une tftche assez artificielle, apr~s la publica- tion des Confessions du moins. On ne peut que montrer com- ment dans chacun se malent, dans des proportions variables, l'aspect <~ m6moires ~ et l'aspect ~ autobiographie r), sans pour autant pr6tendre que ces deux orientations suffisent ~ rendre compte des intentions complexes des 6crivains.

Le titre des Confessions d'un opiomane anglais, [de Thomas De Quincey, semble faire 6cho au titre qu'avait choisi Rousseau. Ce n'est qu'apparence. L'int6rat, l'originalit6 du livre, ne sont pas en cause, mais il ne s'agit pas du r6cit d'une vie: l 'auteur n'a pas plus de 35 ans lorsque parait en 1822 cet 6crit oh les 6pisodes se succ~dent sans souci apparent de coh6sion ou de continuit6. Episodes v6cus, mais appartenant ~t la litt6rature du rave, points de d6part de po6tiques divagations, nullement construction et interpr&ation d'une vie.

La scandaleuse sinc~rit~ de Rousseau a 6t~ d6pass~e par Casanova, qui commence en 1790, ~t 65 ans, la r6daction en fran~ais d'une volumineuse Histoire de ma vie connue seulement au XX e si6cle dans son texte original; vendue par son ills l'6diteur Brockhaus en 1821, elle circula longtemps sous le titre Mdmoires dans des versions d6form6es d'une traduction alle- mande elle-m~me incomplete et adult6re. Le changement de titre est caract6ristique de l'impossibilit6 de situer cet 6tonnant ouvrage entre le t6moignage v6ridique qu'il constitue sur l 'Europe cosmopolite du temps et la confession sans p6raitence d'un 616gant aventurier.

C'est bien dans le sillage imm6diat des Confessions de Rous- seau que se situe la Vie dcrite par lui-mOme qu'a laiss6e Alfieri. I1 avait d6s l'~ge de 25 ans commenc6 ~t 6crire un journal, en frangais d'abord, puis en italien. I1 semble avoir 6t6 d6cid6 par la publication ~, Paris, oil il vivait alors, des Mdmoires de Goldoni en 1787 (suivie deux ans plus tard par la seconde partie

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des Confessions de Rousseau), ~ rfdiger l'histoire de sa vie, qui para~tra apr6s sa mort. I1 n'a encore en 1790 que 40 ans. L'in- troduction, qui date des d6buts de la r6daction, et qui pourrait ~tre compar6e au premier pr6ambule (in6dit) des Confessions, justifie par le souci de la v6rit6 du caract~re la d6marche autobiographique que le lecteur pourrait attribuer ~t la seule vanit6. I1 y expose son projet de r6viser et continuer dans un d61ai de dix ans la r6daction men6e jusqu'~t la date de 1790; il pr6voit cinq parties correspondant aux cinq gges de l 'homme, enfance, adolescence, jeunesse, ~.ge mfir, vieillesse - et r6clame d'avance l'indulgence du leeteur au cas oft l 'auteur radoterait une lois arriv6 h cette derni~re partie - qu'en fair il n 'aborda pas, 6tant mort ~t 54 a n s e n 1803. Alfieri est guid6 dans cet ouvrage par le souci de pr&enter l'histoire de la formation et du d6veloppement d'un 6crivain. Chez Rousseau d6ja, bien qu'il pr6tendit ne plus parler alors en auteur, la justification de la conduite de l 'homme 6tait ins6parable de l'histoire de sa pensfe telle qu'elle s'exprimait darts ses 6crits ant6rieurs. I1 y a 15. une d~marche naturelle 5. tout ~crivain h la fin de sa carri6re. D6- marche qui peut n'atre pas innocente d'un int6r~t commercial de la par t de l 'auteur, ou de son libraire, ou des deux. Peut- ~tre Rousseau n'aurait-il pas eu besoin des sollicitations de son 6diteur et ami Rey pour 6crire sa vie; toujours est-il qu'~t l'origine de sa d6cision semble ~tre Ia demande du libraire d'Amsterdam, d6sireux de placer une biographie de son auteur en tate de l'6dition de ses eeuvres qu'il pr6parait dans les ann6es 1750. Eviter qu'apr6s sa mort un libraire trop entreprenant ne lance sur le march~ une biographic non autoris6e, est une des raisons que donne Alfieri de son entreprise.

L'op~ration commerciale ~tait d61ib6r6ment d~eid~e au profit de l 'auteur lui-m6me, lorsque Goldoni d~cida huit ans avant sa mort de lancer en souscription des Mdmoires qui seraient publi~s de son vivant. R6sidant en France, il les r~dige en fran~ais. I1 est un des rares auteurs de m~moires qui expose clairement le terme qu'il se fixe - retracer sa vie jusqu',t l'~,ge de 80 ans - , la date du d6but de la r6daction

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(1785), le temps mis h r6diger l 'ouvrage (3 ans). Ces informations nous sont donn6es dans le dernier chapitre d'un gros ouvrage qui comprend trois parties de 40 ~ 50 chapitres chacune. L'objet de l'entreprise a 6t6 mentionn6 tout aussi clairement dans divers passages des deux premi6res parties: il s'agit de retracer l'histoire de sa carri6re th6fttrale et de ses efforts pour faire triompher en Italie la r6forme de la com6die, contre les pr6jug6s en faveur de (~ l'ancien gofit de la farce ~.

L'6vocation d'6v6nements historiques, comme la bataille de Parme ~ en 1733 ~ (en fait 1734), les descriptions de cit& (Pise et sa colonie d'Arcadiens), les rencontres de grands personnages (visite de Goldoni au pape), apparentent le livre de Goldoni aux m6moires traditionnels. Mais l'influence de Rousseau (qu'il a connu personnellement, et dont le personnage est 6voqu6 dans la 3 e partie), est ais6ment constatable. Seule la premi6re partie des Confessions, parue comme Goldoni Fin- dique lui-mame trois ans avant le d6but de la rMaction, est ici en cause; la seconde paraitra post6rieurement aux Mdmoires de Goldoni, mais son intdr~t quant aux techniques de l'auto- biographie est rMuit. Dans les premiers chapitres de Goldoni, telle phrase pourrait aussi bien se lire sous la plume de Rousseau:

C'est une faute que j'ai faite, je l'avoue; j'en ai fait d'autres, je les avouerai de m6me [...]. Je demande pardon h ceux que j'ai offens6s, en les assurant que j'ai et6 bien puni, et que je crois ma faute expi6e.

La fa~on dont Goldoni se donne g lui-m~me l'absolution pourrait faire croire ~t une similitude de temp6raments. Le lecteur pourrait m~me atre tent6 de rapprocher le pharisa'/sme de la trop c616bre premi6re page des Confessions, de l'6vidente auto-satisfaction avec laquelle Goldoni se juge dans la conclu- sion des Mdmoires. Mais tandis que l'agressivit6 de Rousseau dans ces lignes rel6ve du comptexe d'inf6riorit6 et du refoule- ment d'un remords intermittent - Goldoni Stale ailleurs com- plaisamment son habile cynisme dans le r6cit de ses bonnes fortunes. Ses Mfmoires ne sont certes pas des Confessions.

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Ce qu'il a de commun avec Jean-Jacques, c'est le plaisir qu'il prend ~t relater des souvenirs d'adolescence, tout en s'excusant aupr~s du lecteur:

Ne vous ennuyez pas, mon cher lecteur, ~t cette digression; vous verrez combien elle a 6t6 necessaire g l'eneha~nement de mon histoire.

POt~SIE ET VI~RITF2

A l'origine de la d&ision prise par Goethe sexag6naire de commencer 5. r~diger et publier lui-m~me une histoire de sa vie, se trouverait, selon la pr6face de la premiere partie de Dichtung und Wahrheit, la demande de ses amis de voir figurer dans une nouvelle ~dition de ses &rits l'histoire de leur gen&e. On retrouve ainsi les circonstances qui auraient pr61ud6 ~t la r~dac- tion par Rousseau de ses Confessions. Bien que soient in6vita- blement ~voqu~s, et parfois longuement, dans le r&it de Goethe, de nombreux personnages historiques, pour la plupart apparte- nant au cercle de ses maitres ~ l'universit6 ou de ses amis litt& raires de jeunesse, bien que l 'auteur apporte un int6ressant t~moignage sur la vie intellectuelle allemande de la d&ennie 1765-1775, le livre constitue moins des m6moires qu'une auto- biographie au sens plein d u terme, mais limit6e ~t l'histoire de la jeunesse. I1 l'appelle lui-m~me dans la preface de la 1 ~e partie, et dans le cours du r&it, sa biographie - les derni6res lignes de cette pr6face annongant qu'il aura en plus d 'un pas- sage i'occasion de s'expliquer sur cette entreprise ~( mi-po6tique, mi-historique >> - formule par laquelle il entend peut-~tre r&oudre l 'opposition qu'&ablissait la Podtique d'Aristote entre ces deux types de discours. Le beau titre Aus meinem Leben Dichtung und Wahrheit montre l'impossibilit~ de les dissocier, et corrige implicitement par un scepticisme souriant la naive pr6tention de Rousseau qui croyait qu'il suffisait d'etre sinc6re pour &re vrai. Et d'ailleurs, dans une vie de po6te ou d'artiste, la v6rit~ po&ique n'est-elle pas celle qui importe le plus ?

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MF.,MOIRES ET A U T O B I O G R A P H I E 167

La publication de rouvrage eut lieu en quatre temps corres- pondant ~ quatre parties de cinq livres chacune; les trois pre- mi6res de longueur sensiblement dgale, parues de 1811 ~t 1815; la derni6re posthume, plus eourte que les prdcddentes de moitid. Le vingti6me et dernier livre s'arr~te au moment du ddpart pour Weimar; le poate, qui travaille alors ~t Egmont, n'a encore que 26 ou 27 ans. C'est donc seulement la jeunesse qui nous est prdsentde, jusqu'h ce grand tournant de sa vie que l'auteur consid6re implicitement, dans les derniers temps de la rddaction, eomme le ddbut de sa carri~re (ddmarche contraire ~t celle de Marmontel). Werther est ainsi le seul de ses dcrits (mais il affecte tr6s t6t de le considdrer comme un pdchd de jeunesse) dont la gen6se nous soit prdsentde: il n'est donc gu~re rdpondu au souhait formuld par ses amis, et qui, selon la prdface de 1811, motivait l'entreprise. Le vdritable objet du rdcit est bien rhis- toire du ddveloppement intellectuel et moral ainsi que de la sensibilitd de rauteur. C'est par rapport h cette formation que sont ddcrits en ddtail les milieux qu'il a frdquentds, les amitids qui ron t marqud, les aventures sentimentales. Les dvdnements his- toriques dvoquds ~h et 1~, indiquent seulement des jalons ou des rep~res: le tremblement de terre de Lisbonne (l'enfant avait alors six ans), le couronnement ~t Francfort comme roi de Rome du futur Joseph II, le passage ~t Strasbourg en 1770 de Marie- Antoinette. Mais cette << histoire de son time ~> (formule de Rousseau, que Goethe n'emploie pas) est ~t mainte reprise inter- rompue par de longs commentaires darts lesquels Goethe expose sa philosophie podtique ou ses rdflexions sur la nature et ta destinde humaines. I1 rejoint ainsi l'idde initiale, d'inspiration classique, dont se rdclamait Rousseau dans ce premier prdambule auquel ses Confessions ne sont pas restdes tr6s fid61es: faire progresser le lecteur, 5. partir d 'un cas exemplaire, darts la connaissance de l'homme. La ddmarche de Rousseau, on le sait, se heurtait immddiatement ~t une contradiction, du fait qu'il se proclamait diff6rent des autres hommes. Sans nullement se prdsenter comme module, sans la moindre trace de vanit6, Goethe a conscience d'atre un de ces hommes de caract6re

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exceptionnel dont le << g6nie >> (dai'mon), aussi bien de leur vivant qu'apr~s leur mort, pourra contribuer ~t tracer la voie ~t leurs semblables; Herder aussi bien que Shakespeare ont ~t6 de ceux-l~t pour Goethe. I1 accorde une large place dans son livre

ces grands hommes, cr6ateurs clans Faction ou cr6ateurs dans l'art, car pour lui il existe une units entre la vie et la cr6ation litt6raire ou artistique, et c'est l~t un des sens que peut prendre son titre Diehtung und Wahrheit. C'est aux figures titanesques de Prom6th6e, Mahomet, Faust, qu'il consacre ses premiers essais po6tiques, comme il s'en explique au livre XV. Ces figures de la 16gende ou de l'histoire sont marqu6es par le destin. Mais chacun de nous dolt ~tre conscient de son propre destin, humble ou grandiose, et, tel Soerate, de son dai'mon. Le premier livre de PoOsie et V~rit~ s'ouvre sur la conjonction astrologique qui pr6sida, le 28 avril 1749 h midi, ~ la naissance de l'auteur; les 6pigraphes en t~te de chacune des quatre parties, constituent, devises ou proverbes, autant d'incitations b, la r6flexion sur le sens de la destin~e humaine et les possibilit6s que peut avoir chacun de nous de contribuer ~t l'orienter. Celle qui orne la 3 e partie est un vieux proverbe allemand, <~ Ce que l'on souhaite dans la jeunesse, on l'obtient en suffisance darts l'~ge mfir ~>, que l'auteur commente dans le tours du livre IX en expliquant que nos souhaits sont des pressentiments des dispositions qui sont en nous. Ce commentaire de plus d'une page, au c0eur de l'ouvrage, lui donne sa pleine signification et justification, en soulignant l'importance capitale que prend le temps de la jeunesse dans la construction de notre vie d'homme. Cette page confirme - comme le faisait d~ja, avant la lettre, la premibre partie des Confessions - , la v~rit6 de la c61~bre formule de Words- worth cit6e plus haut (Goethe ne la connaissait probablement pas). L'6pigraphe latine de la 4 e partie << Nemo contra deum nisi deus ipse >> est, elle, comment~e au debut du livre XX par une observation sur la puissance irr6sistible de l'~16ment d6- moniaque qui chez certains hommes peut s'exercer non seule- ment sur les autres cr6atures, mais m~me sur les ~l~ments. N'est-il pas remarquable de constater la fid61it6 de la d6marche

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autobiographique ~ la tradit ion originelle de la confession reli- gieuse, reposant sur le sens p ro fond donnd ~ la vie? La not ion de vocat ion est sous-jacente; mais pour Goethe c'est sur cette terre que s 'accompli t notre destin; c 'est une vocat ion terrestre qui est ici en cause, laqueUe ddpend en pattie, mais en partie seulement, de la fa~on dont notre volontd sait tirer parti des circonstances.

Notre vie, dcrit-il au livre XI, est comme tout notre environne- ment composde, de fa~on impdndtrable, de libertd et de ndcessitd. Notre vouloir ann once ee que nous ferons en toutes eirconstances. Mais ces circonstances s'emparent de nous h leur fagon. Le quoi est en nous, le comment ddpend rarement de nous; quant au pourquoi, il ne nous est pas permis de le demander, et e'est done avee raison qu'on nous renvoie au puisque.

Podsie et V~ritd nous est done prdsent6 comme un roman de formation, qui diffbre de Wilhelm Meister en ce qu'i l s 'agit d ' un roman v6cu, et vdcu par un cr6ateur qui a une exp6rience ~t communiquer , car son rappor t avec le monde extdrieur n 'est pas passif (le personnage de Wilhelm appara~t au contraire comme h6sitant, incertain, flottant). L 'ambi t ion que Goethe se propose dans la prdface de sa premibre partie combine la fonct ion du m6morialiste et celle de l ' autobiographie :

La thche principale d'une biographie semble 6tre de presenter l'homme dans ses rapports avec son temps et de montrer dans quelle mesure l'environnement s'oppose h lui, dans quelle mesure il le favorise; comment ~t partir de l~t il se forme une conception du monde et des hommes, et comment, s'il est artiste, po6te, ecrivain, il rdfldchit h son tour cette conception.

Podsie et Vdritd pr6sente dans ses trois premi6res parties au moins une unit6 qu 'on retrouve moins dans la quatri6me, publide quelque vingt ans plus tard; mais cette unit6 n 'est pas d6truite, car le recul du narrateur est d@t sensible au d6but: c 'est un sexagdnaire qui prend la plume pour juger un jeune h o m m e qui, au terme du livre, a encore moins de trente ans.

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LES ~ MI~MOIRES D'OUTRE-TOMBE ~)

Beaucoup plus complexe, fragmentaire, capricieux, apparaR le r6cit composite des Mdmoires d'Outre-Tombe. On lit dans les premieres lignes de la conclusion:

J'ai commence h ecrire ces mdmoires h la Vallde aux Loups le 4 octobre 1811; j'ach6ve de les relire en les corrigeant h Paris ce 25 septembre 1841 --

et dans les derni~res:

En tragant ces derniers roots, ce 16 novembre 1841...

Les 6tapes d 'une r6daction dont l 'auteur aurait eu l'id6e d6s 1803, et amorc6e en fair non en 1811 mais en 1809, sont tr+s explicitement soulign~es par les dates qui les jalonnent dans le manuscrit. On peut les regrouper en trois grandes p~riodes. De 1809 h 1817, Chateaubriand r~dige, principalement ~t la Vall6e aux Loups, l 'histoire de son enfance et de son adoles- cence; en 1821 et 1822, ambassadeur ~t Berlin puis ~t Londres, il poursuit le r~cit jusqu'au temps de l '6migration en Angleterre (de 1792 ~, 1800). Interrompue ensuite par la vie politique, la r6daction ne reprend qu'en 1836 au moment ofa, 16gitimiste 61oign6 volontairement des affaires depuis 1830, et press6 par des difficult~s financi~res, il consent ~t vendre / t u n e soci6t6 d'actionnaires la propri6t6 de m6moires qui ne seront publi~s qu'apr~s sa mort - mais dont il lui faut maintenant avancer la r6daction, arr&6e h l'ann~e 1800. C'est /~ ce moment que prend son sens le titre d6finitif, alors qu'un projet de pr6face de 1822 commengait par les mots ~ M6moires de ma vie, commenc6s en 1809 ,. Cette pr6face s 'ouvrait sur une d~clara- tion o~, sans nommer Rousseau, l 'auteur se d6fendait de vou- loir imiter ~ ces hommes qui, conduits par la vanit6 et le plaisir qu 'on trouve naturellement ~t parler de soi, r6v~lent au monde des secrets inutiles, des faiblesses qui ne sont pas les l e u r s . . . ~) I1 ne s'en disait pas moins d&ermin~, tel l 'auteur des R~veries, ~ ~ rendre compte de moi ~t moi-mame ~>, et,

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comme celui des Confessions, ~t entreprendre ~ l'histoire de rues id6es et de rues sentiments plut6t que l'histoire de ma vie ~). Ne partageait-il pas d'ailleurs la revendication rousseauiste de singularit6 lorsqu'il 6crivait, en introduction aux pages c616bres sur la ~ sylphide ~): ~ Je ne sais si l'histoire du c0eur humain offre un autre exemple de cette nature ~).

Les quarante ans de la vie d'6crivain, puis d 'homme d'6tat, seront ainsi couverts en cinq ann6es de travail, de 1836 ~t 1841, avec une tendance 6vidente ~t transformer les m6moires priv6s portant sur les ann6es ant6rieures ~t 1800 en m6moires pour l'histoire - sans d'ailleurs beaucoup de m6thode dans la s61ec- tion des mat6riaux: pourquoi par exemple le Congr6s de V6- rone fait-il l 'objet d'une publication ind6pendante, alors qu'une monographie de plusieurs centaines de pages sur Bonaparte est incluse dans les M~moires ? On a l'impression que l 'auteur fait d6sormais feu de t o u t bois, ins6rant par exemple nombre de lettres b, Mine R6camier, ou les carnets de route de son voyage

Prague aupr6s de Charles X en exil. Je laisserai de c6t6 cette derni6re section des M~moires, dont

le temps de r6daction n'appartient plus ~t notre p6riode. I1 apparaR clairement que tout ce qui pr6c~de 6tait d 'abord congu comme ~ m6moires priv6s ~) ou en tous cas leur donnait une tr6s large place, m~me si l 'ambassadeur de 1821-22 a soin de souligner les d6buts dans la vie publique du jeune noble breton pr6sent6 ~t la cour ~ la veiUe de la R6volution, puis rendant au g6n6ral Washington une ~ visite ~ dont l'existence reste pro- bl6matique.

Une note r6dig6e en 1837 6tablit l 'intention de regrouper les 49 livres qui composent les M~moires ~ en quatre parties ou carri~res: ma carri~re de soldat, ma carri~re litt~raire, ma car- ri6re politique et ma carri~re m~16e au-del~t de la chute de la monarehie (de la branehe a~n6e des Bourbons)~, Ces quatre parties elles-m~mes divis6es en livres constituent une architec- ture d'apparence r6guli~re - qui n'a pourtant 6t6 adopt6e par les 6diteurs qu'5_ l'extr~me fin du XIX ~ si6cle. Elle recouvre imparfaitement une composition tr6s in6galement fragment6e

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selon les interruptions et reprises de la r6daction. En t~te d 'un tr6s grand hombre de ces s6quences, parfois tr~s courtes, baptis6es <~ chapitres ~ par certains 6diteurs et critiques, figu- rent le lieu et la date de r6daction, et quelques roots en mani~re d'<~ argument )) annongant le contenu. Cette disposition souligne mat6riellement, comme le voulait l 'auteur, la m~thode de con- trepoint qui a pr6sid6 h la pr6sentation des deux temps 6voqu6s simultan6ment pour le lecteur, temps narr6 et temps de la r6daction. I1 n'est pas rare que rinscription des date et lieu en tEte de page entraine une interruption dans le fil du r6cit, le pass6 du <~ h6ros r~ c6dant pour plusieurs pages la place au pr6sent du narrateur:

Vall6e aux Loups, fin de d6eembre 1813. Invasion de la France. Jeux. L'abbd de Chateaubriand. De Dieppe off l'injonetion de la police m'avait oblig6 de me r6fugier, 1 on m'a permis de revenir h ta Vall6e aux Loups, off je continue ma narration. La terre tremble sous les pas du soldat etranger...

Ici, c'est l'6vEnement historique qui prime, pour quelques lignes seulement. Mais souvent, le lieu compte plus que le temps d6crit, et suscite des 6chos dans la m6moires de l 'auto- biographe, ou des anticipations du narrateur. Revenu h Dieppe en 1836, l 'auteur y 6voquera, selon ses propres termes, les dif- f6rents ~ moi ,) qui (selon lui) y pas s6 ren t . . , ou qui y passeront dans la suite du r6cit: le sous-lieutenant au R6giment de Na- varre, l'exil6 sous l 'Empire, l'exil6 volontaire apr6s la r6volu- tion de Juillet. Une des dernibres s6quences de la premi6re p6riode de r6daction porte en titre ~ Derni6res lignes 6crites de la Vall6e aux Loups. R6v61ation sur le myst6re de ma vie

l L'exactitude historique est sacrifi6e h l'effet litt6raire. Depuis la publication de la Correspondance de Chateaubriand, on sait qu'il n'a pas resid6 en 1812 h Dieppe mais h Verneuil, pr6s de Meulan (actuel d6pt. des Yvelines). Mais Dieppe lui fournit un leit-motif.

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(c'est ainsi que sont annonc6es les pages sur la << sylphide ~>) >>. Un processus d'association est sugg6r6 par le cadre champ~tre:

C'est en disant adieu aux bois d'Aulnay que je vais rappeler l'adieu que je dis autrefois aux bois de Combourg: tous rues jours sont des adieux.. .

Quelques mois plus t6t, ces bois de Combourg - un des leit- motive secondaires des Mdmoires - lui avaient 6t6 rendus pr6- sents par le chant d'une grive entendu dans le parc de Mont- boissier.

Quatre ans d'interruption interviennent alors dans la r~dac- tion. Lorsqu'elle reprend en mars 1821, Chateaubriand est ~t Berlin, et 6crit en rate d'une s6quence oh il ne manquera pas d'6voquer le grand Fr~d4ric et Sans-Souci:

I1 y a loin de Combourg ~ Berlin, d'un jeune r~veur /tun vieux ministre (il a 53 ans). Je retrouve dans ce qui pr4e~de ces paroles: Dans eombien de lieux ai-je commence ~t ecrire ces Memoires, et dans quel lieu les finirai-je?

L'arriv6e ~ Londres, un an plus tard, fait surgir dans la m6moire du nouvel ambassadeur les souvenirs de la vie mis6ra- ble de l'6migr6, sur le th6me quantum mutatus ab illo. Au lieu de reprendre le fil off il s'6tait interrompu, c'est-h-dire au d6part pour l 'Am6rique en 1791, qui terminait le livre pr6e6dent (<< Ici changent rues destin6es. Encore ~ la mer.t Again to sea [Byron] >> ) - le narrateur ouvre un Prologue solennel, qui ddveloppe un eontraste entre l 'ambassadeur re~u avec faste ~t Douvres, puis ~t Londres, en 1822, et l'6migr6 sans ressources d6barqu6 de Jersey en 1792 apr6s la d6faite de l 'Arm6e des Princes. I1 renvoie h plus tard, le po6te prenant le pas sur l'his- torien, la relation du p6riple am6ricain de 1791-92.

Cet 6gotisme nostalgique est pourtant loin de r6sumer tout le contenu de cette patt ie des Mdmoires. Car la relation des huit ans d'exil en Angleterre s'61argit bient6t en un vaste tableau de l 'Angleterre du temps: soci6t6, m0eurs, l i t t 4 ra tu re . . . La d6marehe ne s'explique pas, comme c'6tait le cas pour Goethe

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174 JACQUES VOISINE

6voquant la vie intellectuelle allemande de son temps d'~tudiant ~t Leipzig, par le souci d'expliquer l 'environnement qui l'a form6. Elle rel6ve moins de la pratique des m6morialistes que de celle des auteurs de relations de voyage, soucieux d'apporter au lecteur le maximum d'informations, livresques au besoin, sur les pays encore mal connus qu'ils ont visit6s.

L'art de Chateaubriand ~crivain n'a pas toujours suffi /t concilier les deux registres, l 'autobiographie d'un grand 6go- tiste d'une part, et de l 'autre les m6moires d'un aristocrate tier de son n o m e t du r61e qu'il a jou6 dans l'histoire de son pays et de l 'Europe, au service du roi de France. La seule unit6 r6side dans le moi, auquel on ne saurait reprocher d'atre omni- present. Le sujet des Mdmoires, c'est un peu les Mdmoires d'outre-tornbe eux-m~mes. Chateaubriand anticipe sur le pro- c6d6 pratiqu6 un si6cle apr~s lui par ces grands 6crivains qui, comme Andr6 Gide ou Thomas Mann, associent au roman l'histoire de la gen~se du roman. Ici l 'une est fondue dans l'autre. Le jeu de contrepoint avec le temps rem6mor6 ou anticip6 par le narrateur fait des Mdmoires, plut6t que l'his- toire d'une vie, le po~me d'une vie - plus proche du Prelude de Wordsworth que de Podsie et Vdrit~ par exemple. L'unit6 est aussi dans ces leit-motive auxquels le Moi entend s'identifier: l 'honneur du gentilhomme, l amer , la religion. Le ton se fait 6pique dans cette invocation ~ la mer sous la date ~ Dieppe, septembre 1812 >>:

Salut, 6 mer, mon berceau et mon image! Je te veux raconter la suite de mon histoire...

La derni~re phrase de la conclusion, tr~s th6gtrale ( ~ . . . je descendrai hardiment, le crucifix ~t la main, dans l'6ternit6 >>) fait 6cho /t l'6pigraphe tir6e du Livre de Job qui ouvre les M6moires, et qui associe le th~me de l amer au thame ~ vanit6 des vanit6s >> d6fit c~16br6 dans le Childe Harold de Byron, et que Chateaubriand aime/~ retrouver lui aussi dans l'Eccl6siaste:

Sicut nubes. . , quasi naves.. , velut umbra.

Page 27: Mémoires et autobiographie (1760–1820)

MEMOIRES ET AUTOBIOGRAPHIE 175

Dans un passage, d~ja mentionn6, ~crit ~ Dieppe en 1836, et central dans la composition, Chateaubriand d~signait succes- sivement son livre, ~ deux lignes d'intervalle, comme ses ~ Con- fessions ~) puis comme ses (~ M6moires ~), et ouvrait, pour lui- m~me autant que pour le lecteur, un court bilan intitul~ ~ Oh en sont rues M6moires ~). II y introduisait une c0mparaison implicite entre lui-mame et saint Augustin qui ~ disait au hommes: 'Quand vous m'aurez connu dans ce livre, priez pour m o i ' ~}.

On voit par l~t qu'il ne se refdrait pas, en employant le mot de ~ Confessions ~, ~t celles de Rousseau, mais h celles du P6re de l'Eglise. Le mot r6v61e bien le dilemme du grand &rivain, ddsireux de laisser au monde des m6moires, mais qui a pris surtout plaisir ~t commencer d'~crire pour lui-m~me son auto- biographic.

Goethe a r6ussi mieux clue Chateaubriand ~ r6aliser l'6quili- bre entre l'affirmation du Moi et la cons6cration de la vocation; mais c'est qu'il s'arr6tait, on l'a vu, au d6but de sa carri6re d'6crivain, aux ~ ann6es d'apprentissage ~). Une v&itable auto- biographie, peut-on se demander, est-elle autre chose que l'his- toire de la formation d'un esprit jusqu'~ sa maturit6? Darts le cas de Rousseau, le titre ~ Confessions ~) est-il encore justifi6 en t~te de la seconde pattie? L'autobiographie est menac6e de se transformer en m6moires d6s que l'6tre intellectuel prend le p a s sur l'~tre sensible, d6s que la carri6re l 'emporte sur la naissance de la vocation. La distinction, toute tMorique, entre autobiographie et m6moires, r6pond ~t l 'opposition aristot61i- cienne entre po6sie et histoire.

Page 28: Mémoires et autobiographie (1760–1820)

176 JACQUES VOISINE

MI~MOIRES ET AUTOBIOGRAPH1E

Bibliographie primaire

11 va de soi que sont exclus de cette bibliographie succincte les ouvrages de fiction pr6sent6s sous des titres comme << M6- moires d e . . . >>, << La vie d e . . . 6crite par lui-m~me ~>, <~ Les Confessions d e . . . ~>. En sont aussi exclus les m6moires r~dig6s par un tiers; pieuse pratique encore fr6quente alors, notamment en Angleterre sous le titre Memoir o f . . . ou Memoirs o f . . . ; ainsi les Memoirs of Dr Burney (1726-1814) parus en 1832 ont 6t~ r6dig6s par sa fille la romanci6re Fanny Burney (Mrs. d'Arblay).

Le terme autobiographie forg6 en Allemagne et Angleterre au tournant du XVIII e au XIX e si6cle, ne sera pas d'usage courant avant la seconde moiti6 du XIX e si6cle. Lorsqu'on le rencontrera ici, il sera le fait d'un 6diteur publiant un ms. rest6 in6dit, ou une nouvelle 6dition sous un titre en conformit~ avec la mode.

Peu d'~crits autobiographiques, avant 1820, sont publi6s du vivant de l'auteur. La section finale de ]a pr6sente bibliographie rassemble par ordre chronologique les publications intervenues apr6s 1820 de ross. rest6s jusqu'alors in6dits. La pr6sentation par d6cennies donne une id6e du d6veloppement de la pratique autobiographique apr6s 1760; pour chaque d6cennie ont 6t6 regroup~s ~ part les noms de quelques auteurs dont les m6moires ont 6t6 vraisemblablement r6dig6s alors, et qu'on retrouvera dans la section finale.

L'ast6risque ddsigne un 6crit publi6 totalement ou partielle- ment du vivant de l'auteur.

On n'a pas vis6 ici ~ pr6senter une bibliographie scientifique, pour laquelle on se reportera aux ouvrages de r6f6rence appro- pri6s, mais un rdpertoire chronologique des dates de premi6re publication des 6crits mentionn~s.

Page 29: Mémoires et autobiographie (1760–1820)

MEMOIRES ET AUTOBIOGRAPHIE 177

D~cennie 1761-1770

* 1768 MOSER, Johann Jakob (1701-1785), Lebens-Geschichte Johann Jakob Mosers von ihm selbst beschrieben (publ. partielle) (publ. compl&e en 4 vol., 1777-83)

Ddcennie 1771-1780

1777 HUME David, 41711-1776), The Life of David Hume, Written by Himself

* 1777 JUNG-STILUNG (1740-1817), Heinrich Stillings Jugend. Eine wahrhafte Geschichte (publ. partielle: publ. com- pl6te: Joseph Heinrich Jung's, #ennant Stilling, Lebens- geschichte [ . . . ] , 1835

1777-89 BACHAUMONT, Louis Petit de- (1690-1771), Mdmoires secrets

D~cennie 1781-1790

1782 ROUSSEAU, Jean-Jacques 41712-1778), Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau. Premi6re partie ROUSSEAU, Les R~veries du Promeneur solitaire

* 1783 OBRADOVlC, Dositej (1739-1811), Zivot i prim jucenija (Vie et aventures) compl6t6 1788

* 1783 KN[GGE, Adolf Franz F. L. yon- (1752-1796), Der Roman meines Lebens in Briefen herausgegeben ten partie autobiographique)

* 1785-94 MORITZ, Karl Philip (1756-1793), Anton Reiser, ein psychologischer Roman (roman autobiographique)

* 1785-86-93 LA ROCHE, Sophie yon- (1731-1807), Erinne- rungen aus meinem Leben

* 1787 FRANKLIN, Benjamin (1706-1790), M~moires de la vie priv~e de Benjamin Franklin (publ. Paris en ft.; nouv. 6d. augm., 1798; publ. du texte angl. sous le titre Auto- biography, 1868)

* 1787 GOLDONI, Carlo (1707-1793), M~moires pour servir gt l'histoire de sa vie et ?t celle de son theatre (en fr.)

12

Page 30: Mémoires et autobiographie (1760–1820)

178 JACQUES VO[SINE

* 1789

* 1789

1790

1790

GIBBON, Edward (1737-1794), Memoirs of my Life and Writings ROUSSEAU, Jean-Jacques, Les Confessions de Jean- Jacques Rousseau. Deuxi6me partie DUCLOS, Charles Pinot (1704-1772), Mdmoires his- toriques de D . . . BENIOWSKr, Maurycy August (1746-1786), Voyages et Mdmoires (dict6 en ft. ; publ. en trad. angl. - En tra- duction polonaise 1797)

Ddcennie 1791-1800

1791 SCHUBART, Christian Friedrich Daniel (1739-1791), Schubarts Leben und Gesinnungen yon Ihm selbst im Kerker aufgesetzt

* 1794-97 RESTIF DE LA BRETONNE, Nicolas Edme (1734- 1806), Monsieur Nicolas, ou le eceur humain ddvoil~

* 1796 KOTZEBUE, August von- (1761-1819), Mein liter6riseher Lebenslauf

1797 FORM~Y, Johann Heinrich Samuel (1711-1797), Souve- nirs d'un citoyen (en ft.)

* 1797 GozzI, Carlo (1720-1806), Memorie inutili, publieate per umiltd, della vita di Carlo Gozzi, seritte da lui me- desimo

* 1797 GO~T~E, Johann Wolfgang von- (1749-1832), Selbst- eharakteristik

* 1798 IFFLAND, August Wilhelm (1759-1814), Meine theatra- lisehe Laufbahn

1798 BARTHELEMV, abb6 Jean-Jacques (1716-1795), M~moires sur la vie de l'Abbd B. par lui-m~me

* 1798 DER~.AVIN, Gavrila Romanovi~ (1743-1816), Pamiatniki (M6moires)

Quelques 6crits encore in6dits et probablement r6dig6s en tout ou partie pendant r d6cennie:

ALFIERI (1749-1803, publ. 1861 BELLMAN (1740-1795), publ. 1947

Page 31: Mémoires et autobiographie (1760–1820)

MI~MOIRES ET AUTOBIOGRAPHIE 179

CASANOVA (1725-1798), publ. 1825 CATHERINE II (1729-1796), publ. 1859 Mme ROLAND (1754-1793), publ. 1865 [partiellement en 1795

sous le titre ~ Appel 5. l'impartiale post6rit6 ~)] SAINT-MARTIN (1743-1803), publ. 1961 WALPOLE (1717-1797), publ. 1819

D~cenn~ 1801-1810

1801 HH'PEL, Theodor Gottlieb yon- (1741-1796) Bio#raphie yon Theodor Gottlieb yon HippeI, zum Theil yon ihm selbst verfasst

* 1802 SCHL6ZER (1735-1809), AugustLudwi# Schl6zers bffen- tlches und privat-Leben, yon ihm selbst beschrieben

1803 AL•IERI, Vittorio (1749-1803), Vita scritta da esso * 1804 ,SINCAI, Gheorge (1754[?]-1815), Elegia nobilis transil-

vani (M6m. en latin d'un Roumain de Transylvanie) 1804 MARMONTEL, Jean-Francois (1723-1799), Mdmoires

d'un pkre pour servir h l'instruction de ses enfants 1804-1805 EWALD, Johannes (1743-1781), Johannes Ewald

Levnet og Meeningen (1774-75) (Vie et opinions de J. E.) publ. dans Den danske Tilksner, 1804-05

* 1806 GORANI, Giuseppe (1740-1819), Mdmoires pour servir gt l'histoire de ma vie (en fr.), Paris, 1806-07

1806 CUMBERLAND, Richard (1732-1811), Memoirs, 1806-07 1806 PRIESTLEY, Joseph (1733-1804), Memoirs of the Revd.

Dr. Joseph Priestley to the Year 1795, Written by Himself * 1806 DUTENS, Louis (1730-1812), Mdmoires d'un voyageur

qui se repose. 3 vol., Paris; trad. allemande 1808 1807 CARTER, Elizabeth (1717-1806), Memoirs 1807 FLORIAN, J.-P. Claris de- (1755-1794), La jeunesse de

F. ou Mdmoires d" un jeune Espagnol 1809 SULZER, Johann Georg (1720-1779), Lebensbeschreibung,

yon Ihm selbst aufgesetzt Quelques 6crits encore in6dits et probablement r~dig6s en tout

ou partie pendant cette d6cennie:

12"

Page 32: Mémoires et autobiographie (1760–1820)

180 JACQUES VOISINE

Van GOENS (1748-1810), publ. 1868 GYLLENBERG (1731-1808), publ. 1865 VRACANSKI, Sofronij (1739-1813), publ. 1861

DOeennie 1811-1820

* t811 ~. 1833 GOETHE, Johann Wolfgang (174%I832), Dich- tung und Wahrheit aus meinem Leben

1813 SEUME, Johann Gottfried (1763-1810), Mein Leben. Veritatem sequi et colere [ . . . ]

1816 HOLCROFT, Thomas (1745-1809), Memoirs of the Late Thomas Holeroft Wr#ten by Himself and Continued by William Hazlitt

* 1817-28 KAZINCZY, Ferenc (1759-1831), Pdly6m emldkezete (Souvenirs de ma carri~re)

1817 (Apoeryphe) Anon. [Lullin de Chateauvieux, Fr6d6rie (1772-1842) (identifi~ seulement en 1843). Manuscrit ve- nu de Ste HdlOne d' une mani&e ineonnue (pr6sent6 corn- me authentique autobiographic de Napol6on)

* 1818 MATTmSON, Friedrich von- (1761-1831), Selbstbio- graphie

1819 WALPOLE, Horace (1717-1797), Reminiscences 1820 EDGEWORTH, Richard Lowell (1744-1817), Memoirs

[ . . . ] concluded by his daughter Quelques 6crits encore in~dits et probablement r~dig~s en tout

ou partie pendant cette d6cennie: HAYLEV (1745-1820), publ. 1823 MAZZEI (1730-1816), publ. 1845-46 MORELLET (1727-1819), publ. 1821 Mine de STAi~L (1766-1817), publ. 1821

Ecrits publids aprOs 1820 et r~digds avant ou aprOs eette date par des auteurs aetifs entre 1760 et 1820

1821 MORELLET Andr6 (1727-1819), Mdmoires sur le X V I I I ~ si~ele et sur la ROvolution

Page 33: Mémoires et autobiographie (1760–1820)

Mi~MOIRES ET AUTOBIOGRAPHIE 181

1821 STAKE, Germaine NECKEr., Baronne de- (1766-1817), Dix anndes d' exil

* 1821-22 DE QtnNCEY, Thomas (1785-1859), The Confessions of an English Opium Eater

* 1823 HAZLITT, William (1778-1832), Liber Amoris (en angl.) 1823 RAHBEK, Knud Lyne (1760-1830), Erindringer of mit

Liv (R6miniscences de ma vie) 1823 HAYLEY, William (1745-1820), Memoirs

* 1823-27 DA PONTE (= Emanuele CONEGUANO) (1749-1838), Memorie

1824 RIVAROL (Antoine Rivarol dit comte de-) (1753-1801) Mdmoires de Rivarol

1825 CASANOVA, Giacomo Girolamo (1725-1798), Histoire de ma vie (premiere publ. incompl, en trad. allemande; texte original fran~ais en 1960)

* 1825 GENLIS, St6phanie Ducrest de St Aubin, comtesse de- (1746-1830), M~moires in~dits sur le XVIII e s.

* 1825 GENLIS, Souvenirs de Fdlic& (8 vol.) 1827 Glrror`o, William (1756-1826), Memoirs 1829 KILl~Sg:V, Jan (1760-1819), Pamigtniki (M6moires)

* 1830-31 OEHLENSCHLAEGEr̀ , Adam (1779-1850), Oehlenschlii- gets Levnet, fortalt af ham so (Vie d'O. racontde par lui-mSme)

1833 Cor`Av, Adamantios (1748-1833), Bios Adamantiou Korai" syngraphei's hypo tou idiou (Vie d'A. C. r6dig6e par lui-mSme), Paris. Plus. r66d. en Grace

(1835 JUNG-STILLnqG, rappel; v. 1777) 1840 ROMILLY (1757-1817), Memoirs of Sir Samuel Romilly

Written by Himself [ . . . ] , Edited by his sons - 2 ~ 6d. 1840, 3 vol.

1840 KITOWICZ, J~drzej (1728-1804), Pamictnilci polityczne (M6moires politiques),

1840 WYmCKI, J6zef (1747-1822), Pamigtniki (M6moires) 1843 NIEMCEWlCZ, Julian Ursyn (1757-1841), Notes sur ma

eaptivitO ?t St P~tersbourg. (En ft.; trad. en angl., all. et polonais)

Page 34: Mémoires et autobiographie (1760–1820)

182 JACQUES VOISINE

1844 KARPI2~SKI, Franciszek (1741-1825), Pamiftniki (M6- moires), achev6 vers 1822

1845 MAZZ~I, Filippo (1730-1816), Memorie della vitae delle peregrinazioni del Fiorentino Filippo Mazzei

1848 NIEMCEWICZ, Julian Ursyn, Pami~tniki czas6w moich (M6moires de rues ann6es), publ. Paris

1849-50 CHATEAUBRIAND, Fran~ois-Ren6 de- (1768-1848), M~moires d' Outre-tombe

1855 HENAULT, Charles Frangois (1685-1770), MOmoires du President H.

1856-1865 KOs Kajetan (1771-1856), Pamifmiki K. Ko~miana obejmujqce wspomieni od r. 1780 do 1815 (M6moires de K. K. comprenant les souvenirs de 1780 5 1815)

1857 OCHOCKI, Jan Duklan (1766-1837), Pamigmiki (M6- moires)

1859 CATHER~NE,II (1729-1796), M6moires de l'lmp~ratrice Catherine II dcrits par elle-m~me. En fr., publ. Londres

1861 COLLETTA, Pietro (1775-1831), Autobiografia 1861 ALFIERI, Vittorio (1749-1813), Vita scritta da esso 1861 VRACANSKI, Sofronij (1739-1813) (Vie et souffrances

du p6cheur Sofronij) 1864 GRIMM, Jakob (1785-1863), Selbstbiographie, in Kleinere

Schriften, vol. I. 1865 Mme ROLAND (Marion Phlipon) (1754-1793), M6moires

particuliers 1868 VAN GOENS, Rijklof Michael (1748-1810). Eigen lebens-

beschrijving., publ. par H. W. Tydeman* 1870 PONIATOWSKI, Stanistaw August (1732-1798), Mdmoires

du roi Start. Aug. Poniatowski (r6d. en fro puN. en trad.

* Le ms. original en langue anglaise, Some Memorandums o f M y Life. Part the first, 1789, a 6t6 publi6 en 1884 par W. H. de Beaufort dans Brieven van R. M. Van Goens en onuitgegeven s tukken hem betreffend, avec une pr6face en frangais de D. F. Van Alphen, h Utrecht. L'auteur l'avait r6dig6 sous le nora de Cuninghame (nora de sa m&e).

Page 35: Mémoires et autobiographie (1760–1820)

MI~MOIRES ET AUTOBIOGRAPHIE 183

polonaise b. Dresde. - Original ft. publ. ~ P6terbourg, vol. I, 1914, vol. II, 1924.

1876 SCnLOSSER, Friedrich Christoph (1776-1861), Selbst- biographie (r6d. 1826), in Georg Weber, Friedrich Christoph Schlosser der Historiker, Leipzig

1880 REMUSAT, Claire, comtesse de- (1780-1821), Mdmoires 1885 GVLLENBURG, Gustav Fredrik (1731-1808), Mit Lef-

verne 1731-1775, Sfiilfbiografika Anteckeningar (Ma vie. 1731-1775, Notes autobiographiques). (Titre de l'6d. G. Franck).

1887 CZARTORVS~:I, Adam Jerzy (1770-1861), Mdmoires du prince A. Czartoryski et correspondance avec l'empereur Alexandre I (en ft.; trad. pol. 1904-05)

1889-1901 BARANTE, Prosper Brugi~re, Baron de- (1782- 1866), Souvenirs

1901 BRODZINSrd, Kazimierz (1791-1835), Wspomienia mojej mtodosci (Souvenirs de ma jeunesse). Nouv. 6d. augm. 1926

1907 CONSTANT (Henri-Constant de Rebecque, dit Benja- min-) (1767-1830), Le Cahier rouge

1927 MACKENZIE, Henry (1745-1831), Anecdotes andEgotisms 1945 FRANZEN, Frans Michael (1772-1847), Till rain bio-

graft. Sjdlvbiografiska antecningar, 1772-1824 (Con- tributions 5. ma biographie. Notes autobiographiques 1772-1824 (Titre de l'6d. G. Landstr6m)

1947 BELLMAN, Carl Michael (1740-1795), Levernesbeskriv- ning (Description de ma vie)

1948 BONNET, Charles (1720-1790), M~moires autobio- graphiques de Ch. B. de Gen~ve

1961 SAINT-MARTtN, Louis-Claude de- (1743-1803), Mon portrait historique et philosophique