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À quoi ressemblera l’année 2017 ISSN: 0757-2395 MENSUEL ÉDITÉ PAR L’U.J.R.E. PNM n° 342 - Janvier 2017 - 35 e année Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide Le N° 6,00 La PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toutes les manifestations d'antisé- mitisme et de racisme, ouvertes ou sournoises. La PNM se prononce pour une paix juste au Proche-Orient, basée sur le droit de l'État d'Israël à la sécurité et celui du peuple palestinien à un État. À l’orée de cette nouvelle année, nous for- mulons pour chacune et chacun de nos lectrices et lecteurs, pour leurs proches, pour tous nos amis, les meilleurs vœux de santé, de prospérité, de paix. « Qui parle de bonheur a souvent les yeux tris- tes », écrivait Aragon. Si nos vœux sont sincères, ne le cachons pas, il est bien difficile aujourd’hui de souhaiter le meilleur à chacun autrement qu’en termes de revendication. Nous avons dernière nous une année horrible, pleine de la fureur des guerres ; du bruit des atten- tats, chez nous et ailleurs ; du poids des désillu- sions ; de la destruction de nos services publics ; des ravages des politiques d’austérité. Nous avons devant nous nombre d’incertitudes. Que sortira-t-il, en France, des élections présiden- tielles et législatives du printemps prochain ? Que nous réserve le trouble Donald Trump, une fois installé à la Maison blanche ? Les forces de paix l’emporteront-elles au Proche- Orient ou le sang continuera-t-il de couler en Syrie, en Irak, au Yémen, en Afrique ? L’Union européenne laissera-t-elle enfin la Grèce respirer ? Poursuivra-t-elle son soutien aux nazis en Ukraine ? Ouvrira-t-elle les bras aux réfugiés de la misère et des conflits qu’elle a contribué à créer ? Bruxelles continuera-t-elle à gérer les inté- rêts des puissants au mépris de ceux des peuples ? À toutes ces questions, il y a, c’est certain, plusieurs et différentes réponses. On voit celles qu’apportent les nationalismes qui se réveillent sur le continent européen, en manœuvrant sur les décombres que laissent, physiquement et morale- ment, les politiques antidémocratiques et antiso- ciales, antinationales d’une Europe où l’appau- vrissement du plus grand nombre fait écho à l’en- richissement effréné d’une petite minorité. En 2016, selon Bloomberg, les 500 plus riches du monde ont gagné 237 milliards de dollars. Le prix de 2370 Airbus A320 ! Si nous ne sommes pas dans les années trente, quelque chose nous conduit à nous en souvenir et à crier : danger ! On ne saurait faire comme si la probable qualifi- cation de Marine Le Pen au second tour de l’élec- tion présidentielle à venir, relevait de la banalité. En France, le pays des Lumières ! À quoi d’autre que l’affrontement peut conduire l’hystérie contre la Russie que nos médias propagent de façon irresponsable ? Aux dangers bien réels du monde d’aujourd’hui, voilà qu’on ajoute une fiction pro- vocatrice qui ne fait le bonheur que des mar- chands de canons. « Qui parle de bonheur a souvent les yeux tris- tes » disait bien Aragon chanté par Jean Ferrat, mais il ajoutait : « Et pourtant je vous dis que le bonheur existe Ailleurs que dans le rêve ailleurs que dans les nues Terre terre voici ses rades inconnues ». C’est un peu facile à écrire comme ça, mais il tient beaucoup à nous que nous accostions à ces rades. La PNM fait serment d’y contribuer, à sa mesure. < 30/12/2016 Bernard Frederick 27 JANVIER 1945 - Auschwitz libéré L e samedi 27 janvier 1945, vers 15 heures, sous un ciel gris et sombre, à quelques kilomètres du village polonais d’Oświęcim, rebaptisé Auschwitz par les Allemands en 1939, une poignée d’é- claireurs de la soixan- tième armée du pre- mier front d’Ukraine, commandée par le général Koniev, avance prudemment vers « un camp où l’on brûle les gens », comme l’ont indiqué aux soldats Rouges des villageois polonais. Personne ne sait encore rien dudit « camp ». Le jeune sergent Enver Alimbekov, l’un des premiers à y entrer, racontera : « J’ai ouvert la porte d’un baraquement en bois gris, délabré. L’entrée donnait sur une pièce très longue. J’ai regardé : des enfants, des enfants partout, là et là et là. Des restes de vêtements pendaient sur leurs corps tout maigres. Leurs petites mains sales et osseuses s’accrochaient à mes jambes ». < Lire en p. 8 l’article de Gérard-Georges Lemaire L e président sortant est déjà sorti. L’annonce par François Hollande qu’il ne briguerait pas un second quinquennat a surpris. Jusque dans son camp. C’est la première fois, sous la Ve République, qu’un chef de l’État n’est pas candidat à sa succession. Le président a beau faire l’éloge de son bilan, il a dû avouer qu’il ne pouvait plus rassembler ni les siens ni les Français. Pathétique ! Le bilan, on ne reviendra pas dessus, cha- cun le connaît. Penchons-nous sur l’état dans lequel l’ancien Premier secrétaire du PS, laisse son parti et la gauche. La défection de François Hollande a per- mis à Manuel Valls, qui piaffait d’impa- tience, de se placer in extremis sur les rangs des candidats à la primaire du 27 jan- vier, ... <<< BF (suite en p. 4) Élections Paysage avant la bataille

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À quoi ressemblera l’année 2017

ISSN: 0757-2395 MENSUEL ÉDITÉ PAR L’U.J.R.E.PNM n° 342 - Janvier 2017 - 35e année Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide Le N° 6,00 €

La PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toutes les manifestations d'antisé-mitisme et de racisme, ouvertes ou sournoises. La PNM se prononce pour une paix juste au Proche-Orient, basée sur le droit de l'État d'Israël à la sécurité et celui du peuple palestinien à un État.

Àl’orée de cette nouvelle année, nous for-mulons pour chacune et chacun de noslectrices et lecteurs, pour leurs proches,

pour tous nos amis, les meilleurs vœux de santé,de prospérité, de paix.

« Qui parle de bonheur a souvent les yeux tris-tes », écrivait Aragon. Si nos vœux sont sincères,ne le cachons pas, il est bien difficile aujourd’huide souhaiter le meilleur à chacun autrement qu’entermes de revendication.

Nous avons dernière nous une année horrible,pleine de la fureur des guerres ; du bruit des atten-tats, chez nous et ailleurs ; du poids des désillu-sions ; de la destruction de nos services publics ;des ravages des politiques d’austérité.

Nous avons devant nous nombre d’incertitudes.

Que sortira-t-il, en France, des élections présiden-tielles et législatives du printemps prochain ?

Que nous réserve le trouble Donald Trump, unefois installé à la Maison blanche ?

Les forces de paix l’emporteront-elles au Proche-

Orient ou le sang continuera-t-il de couler enSyrie, en Irak, au Yémen, en Afrique ?

L’Union européenne laissera-t-elle enfin la Grècerespirer ? Poursuivra-t-elle son soutien aux nazisen Ukraine ? Ouvrira-t-elle les bras aux réfugiésde la misère et des conflits qu’elle a contribué àcréer ? Bruxelles continuera-t-elle à gérer les inté-rêts des puissants au mépris de ceux des peuples ?

À toutes ces questions, il y a, c’est certain, plusieurs et différentes réponses. On voit cellesqu’apportent les nationalismes qui se réveillentsur le continent européen, en manœuvrant sur lesdécombres que laissent, physiquement et morale-ment, les politiques antidémocratiques et antiso-ciales, antinationales d’une Europe où l’appau-vrissement du plus grand nombre fait écho à l’en-richissement effréné d’une petite minorité. En 2016, selon Bloomberg, les 500 plus riches dumonde ont gagné 237 milliards de dollars. Le prix de 2370 Airbus A320 !

Si nous ne sommes pas dans les années trente,quelque chose nous conduit à nous en souvenir età crier : danger !

On ne saurait faire comme si la probable qualifi-cation de Marine Le Pen au second tour de l’élec-tion présidentielle à venir, relevait de la banalité.En France, le pays des Lumières ! À quoi d’autreque l’affrontement peut conduire l’hystérie contrela Russie que nos médias propagent de façonirresponsable ? Aux dangers bien réels du monded’aujourd’hui, voilà qu’on ajoute une fiction pro-vocatrice qui ne fait le bonheur que des mar-chands de canons.

« Qui parle de bonheur a souvent les yeux tris-tes » disait bien Aragon chanté par Jean Ferrat,mais il ajoutait :

« Et pourtant je vous dis que le bonheur existeAilleurs que dans le rêve ailleurs que dans les nuesTerre terre voici ses rades inconnues ».

C’est un peu facile à écrire comme ça, mais il tientbeaucoup à nous que nous accostions à ces rades.

La PNM fait serment d’y contribuer, à sa mesure. <

30/12/2016

Bernard Frederick

27 JANVIER 1945 - Auschwitz libéré

Le samedi 27janvier 1945,vers 15 heures,

sous un ciel gris etsombre, à quelqueskilomètres du villagepolonais d’Oświęcim,rebaptisé Auschwitzpar les Allemands en1939, une poignée d’é-claireurs de la soixan-tième armée du pre-mier front d’Ukraine,commandée par legénéral Koniev,

avance prudemment vers « un camp où l’on brûle les gens », comme l’ont indiqué aux soldatsRouges des villageois polonais. Personne ne sait encore rien dudit « camp ». Le jeune sergent Enver Alimbekov, l’un des premiers à y entrer, racontera : « J’ai ouvert la ported’un baraquement en bois gris, délabré. L’entrée donnait sur une pièce très longue. J’ai regardé :des enfants, des enfants partout, là et là et là. Des restes de vêtements pendaient sur leurs corps toutmaigres. Leurs petites mains sales et osseuses s’accrochaient à mes jambes ». <

Lire en p. 8 l’article de Gérard-Georges Lemaire

Le président sortant est déjà sorti.L’annonce par François Hollandequ’il ne briguerait pas un second

quinquennat a surpris. Jusque dans soncamp. C’est la première fois, sous la VeRépublique, qu’un chef de l’État n’est pascandidat à sa succession. Le président abeau faire l’éloge de son bilan, il a dûavouer qu’il ne pouvait plus rassembler niles siens ni les Français. Pathétique !

Le bilan, on ne reviendra pas dessus, cha-cun le connaît. Penchons-nous sur l’étatdans lequel l’ancien Premier secrétaire duPS, laisse son parti et la gauche.

La défection de François Hollande a per-mis à Manuel Valls, qui piaffait d’impa-tience, de se placer in extremis sur lesrangs des candidats à la primaire du 27 jan-vier, ... <<< BF

(suite en p. 4)

ÉlectionsPaysage avant

la bataille

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Hommage aux handicapés victimes des nazis et de Vichy

Trois ans d’action ont payé ! C’est en novembre 2013 que Charles Gardou,anthropologue et professeur à Lumière-Lyon-II, lançait une pétition pour

que la France reconnaisse les victimes du régime nazi et de Vichy, handicapés,malades mentaux et leur dédie un mémorial. Pétition que la PNM avait relayée.Le 10 décembre 2016, sur le Parvis des droits de l’homme à Paris, FrançoisHollande vient de dévoiler une plaque en hommage aux 300 000 victimes civi-les de la Seconde Guerre mondiale en France, en présence du secrétaire d’Étataux Anciens combattants et à la Mémoire et de la secrétaire d’État chargée desPersonnes handicapées et de la Lutte contre l’exclusion. Rares sont les media qui ont rendu compte de cette reconnaissance tardive, quiarrive plus de 70 ans après la guerre. La plupart ont choisi de traiter l’inaugura-tion de la grotte de Lascaux IV : le seul événement du jour. Émules deNietzsche, apparemment, qui écrivait « L'homme de l'avenir est celui qui aurala mémoire la plus longue ? Quand la préhistoire prend le pas sur l’histoire ! <

Mémoire Carnet

Notre objectif est de retracer l’his-toire des combattants de la sec-tion juive de la MOI, dont la

contribution à la Libération de la Francea été déterminante, et celle de toutes lesorganisations clandestines, notammentSolidarité en zone Nord et le Secourspopulaire en zone Sud avant qu’elles nese fondent dans l’UJRE en 1943.

Avec le concours des derniers survivantsde cette Résistance, il est vite apparu quela formule qui permettrait à MRJ d’avoirla plus grande audience, y compris auniveau international, serait celle d’unmusée virtuel ancré dans son temps etporteur de cette mémoire. Il témoignera,pour l’avenir, des valeurs humanistes etdémocratiques défendues, souvent auprix de leur vie, par ces femmes et ceshommes.MRJ-MOI, au travers de ce projet, vise :

• Un public jeune que notre histoire peutamener à réfléchir sur le sens de l’enga-gement ; l’outil Internet constitue un lan-gage familier pour ce public.• Un public plus vaste, passionné d’his-toire et désireux de s’informer.

2 Presse Nouvelle Magazine n°342 - Janvier 2017L

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L A P R E S S E N O U V E L L E

Magazine Progressiste Juiffondé en 1934

Editions :1934-1993 : quotidienne en yiddish, Naïe Presse

(clandestine de 1940 à 1944)1965-1982: hebdomadaire en français, PNHdepuis 1982 : mensuelle en français, PNM

éditées par l'U.J.R.EN° de commission paritaire 061 9 G 89897

Directeur de la publicationJacques LEWKOWICZ

Rédacteur en chefBernard Frederick

Conseil de rédactionClaudie Bassi-Lederman, Jacques Dimet,Jeannette Galili-Lafon, Patrick Kamenka,

Nicole Mokobodzki, Roland WlosAdministration - Abonnements

Secrétaire de rédactionTauba Alman

Rédaction – Administration14, rue de Paradis

75010 PARISTel : 01 47 70 62 1 6Fax : 01 45 23 00 96

Courriel : lujre@orange. frSite : http://ujre.monsite-orange.fr

(bulletin d'abonnement téléchargeable)Tarif d'abonnement

France et Union Européenne :6 mois 30 euros1 an 60 eurosEtranger (hors U.E. ) 70 eurosIMPRIMERIE DE CHABROL

PARIS

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Musée des Résistants juifs de la M.O.I. - Où en est-on ?L’UJRE ayant contribué à la création de MRJ-MOI et la PNM ayant régulièrement rendu compte de ses activités, ilnous a paru logique de donner à sa présidente l’occasion de faire le point sur les travaux de cette association.

• Un public de spécialistes qui trouveradocuments et matière à analyse.

Quinze « salles » audiovisuelles cou-vrent intégralement et chronologique-ment cette période qui va de l’avant-guerre aux années de l’immédiat après-guerre, sous forme d’une narration àdeux voix, rédigée par notre comité d’écriture avec le concours d’un histo-rien ; narration illustrée et complétée pardes documents sonores et visuels dontcertains sont inédits.Notre projet a été validé par le conseilscientifique de la Fédération des muséesde la Résistance nationale.Les premières salles sont en cours deréalisation. Notre projet, interrompu parla recherche de financements complé-mentaires et de professionnels du web,est à nouveau en bonne voie.

Si le financement* est indispensable, la quête de matériel historique l’est toutautant. Certains d’entre vous nous ont

déjà donné accès àleurs archives familia-les, mais bien évidem-ment, tout documentsur cette période a saplace dans notremusée, étant entenduque MRJ restitue cestémoignages à leurspropriétaires, s’ils le souhaitent, aprèsles avoir numérisés.

Enfin, notre Commission Archives agrandement besoin de bénévoles pouraider à la recherche et au classement dedocuments, et bien entendu tous vosdons financiers* seront les bienvenus.N’hésitez pas à nous contacter sur notresite ou par courrier adressé à MRJ-MOI14 rue de Paradis 75010 Paris. <

Claudie Bassi-Lederman, présidente de MRJ-MOI

* Rappel : La souscription « Musée virtuelMRJ-MOI » est ouverte en permanence.

Maurice Failevic, enfant cachédurant la Seconde Guerre mondiale,alliait son engagement de militant –il avait adhéré au parti communistefrançais en 1953 à l’âge de 20 ans –à un esprit toujours critique. Il estmort à l’âge de 83 ans le 27 décem-bre 2016. Étudiant à l’IDHEC, passionné parle cinéma classique depuis son plusjeune âge, il transmit cette passion ànombre de ses amis qui s’en sou-viennent encore avec émotion. Il en fut de même lorsqu’il dirigea ledépartement « Réalisation » de laFEMIS (ex-IDHEC). Réalisateur decinéma et de télévision, on lui doitde nombreux films inspirés par laréalité sociale parmi lesquels De labelle ouvrage ; Gouverneurs de larosée ; Journal d’un prêtre ouvrier ;L’Atlantide, une histoire du commu-nisme. Sur ses 45 créations, sept ontreçu des prix. Très attaché au servicepublic, il a été un militant actif duSyndicat français des réalisateurs detélévision et membre de la Fédé-ration CGT du spectacle. Lecteurassidu de la PNM, il a toujoursrépondu avec sa gentillesse coutu-mière à toutes nos sollicitations. L’UJRE, la PNM, MRJ-MOI assu-rent Micheline, la femme deMaurice Failevic, et ses enfants deleur amitié chaleureuse en cesmoments douloureux. <

Michel Pomeranc est mort lejour de Noël à 86 ans. Militant com-muniste du 4° arrdt. de Paris, il futtoujours présent depuis 1945 pourdiffuser l’Humanité Dimanche dontle dernier numéro fut déposé sur soncercueil parmi les roses. Nous l’a-vions interviewé pour le 75° anni-versaire de notre journal en décem-bre 2009 (PNM n° 271). Le père de Michel, né en Pologne,ancien déporté d’Auschwitz, étaitabonné à la Naïe Presse ; lui, aconnu les colonies de la CCE. Au début des années 50, HenriCitrinot, journaliste à la Naïe Presse,qu’il avait connu aux Cadets del’UJRE, cherchait un typo. Michelqui avait travaillé dans la confectionet la menuiserie a tout appris sur letas. Il ne parlait que yiddish à la mai-son, mais il dut apprendre à l’écrireet à le lire dans un livre édité parl’UJRE. Il put ainsi participer à l’im-pression des 4 pages quotidiennes dela Naïe Presse. Par la suite, LéonGordon décida que Michel seraitresponsable de la page hebdoma-daire en français qui sortait sur lino-type*, les techniques ayant évolué.Lecteur assidu de la PNM, adhérentde longue date de l’UJRE et deMRJ-MOI, notre Michel toujourssouriant va nous manquer. L’UJRE,la PNM, MRJ-MOI assurent lesenfants de Michel de leur afflictionet de leur tendresse. <

* Nous pouvons maintenant admirer cettefameuse linotype au 14 rue de Paradis, Paris 10°

La Presse nouvelle magazine vous souhaiteune excellente année 2017 !אײַך ּנטשט ווו פּרעסע נײַע די

ור י נט י געז ן או גוט ַ א

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personnes oules représen-tants d’entre-prises, de fon-dations oud’associationsappelant aub o y c o t td’Israël.Certes, cettepratique estdepuis long-temps couranteà l’aéroportBen-Gourion,mais elle sedrapait jus-qu’ici dans la« sécurité »d’Israël : l’affi-chage désor-mais est ouver-tement poli-tique. Pour le

député du Foyer juif, BezalelSmotrich, qui la défend, il s’agit destopper cette « industrie » qui « envoiedes gens en Israël sous couvert devisas touristiques à des fins anti-israé-liennes [6] ».

Cette liste ne comporte que des loiseffectivement votées. Il faudrait néan-moins, pour mesurer la gravité du phé-nomène, énumérer les propositions delois de députés du Likoud ou desalliés-concurrents de ce dernier. Un exemple : en octobre dernier, HagaiEl-Ad, directeur exécutif de l’organisa-tion droitdel’hommiste israélienneB’Tselem, est invité par le Conseil desécurité des Nations unies à s’exprimeren son sein sur l’occupation [7].Immédiatement, le Premier ministre

Pendant la guerre d’Algérie, onappelait cela « la gangrène » : laremontée de la maladie coloniale

depuis les « départements français »d’Afrique du Nord jusqu’à la métro-pole. Israël connaît aujourd’hui lemême phénomène, avec le gouverne-ment le plus extrémiste de son histoire.La radicalisation de sa politique « exté-rieure », qui met le cap sur l’annexionde tout ou partie de la Cisjordanie,s’accompagne, en politique « inté-rieure », d’un processus qu’on pourraitqualifier de « fascisation ». Voilà un terme que, pour ma part, j’aitoujours hésité à utiliser, mais laréalité, désormais, m’y incite, et singu-lièrement les lois adoptées par laKnesset depuis cinq ans ou encore endébat en son sein : • la loi Boycott, qui date de 2011, inter-dit tout appel au « boycott d’une per-sonne en raison de ses liens avec Israëlou des régions sous le contrôled’Israël » (autrement dit, des coloniesisraéliennes de Cisjordanie) [1] ;• la loi Nakba, qui remonte égalementà 2011, interdit la commémoration del’expulsion de 800 000 Palestiniens en1948 et permet de sanctionner finan-cièrement toute institution, mairiecomprise, qui passerait outre [2] ;• toujours en 2011, la loi ségrégationpermet aux villes et aux cités de créerdes « comités d’admission » pour déci-der si une ou des personnes venants’installer dans une localité sont jugées« convenables ». Cette loi, estimel’Association pour les droits civiquesen Israël (ACRI), « légalise la pratiqueexistante qui consiste à dénier auxArabes le droit de rejoindre une com-munauté à majorité juive, ou à exclure

des handica-pés, desfamilles à fai-bles revenus,des gens ayantun autre typede pratiquesr e l i g i e u -ses [3] » ;• la loi sur lesorganisationsnon gouver-nementa le s(ONG), adop-tée en 2016,les contraint àdéclarer lessubventions enprovenance deg o u v e r n e -ments étran-gers, si ces der-nières repré-sentent plus dela moitié de leur budget. Échappent ducoup à cette obligation les associationsde droite et d’extrême droite qu’arro-sent pourtant littéralement les fonda-tions juives américaines extrémis-tes [4] ;• unique au monde, la loi d’exclusionpermet à 90 députés (sur 120) d’enexpulser d’autres du Parlement. Cettemenace vise particulièrement les 13élus de la Liste arabe unie, dont l’une,Hanine Zoabi, du parti Balad, faitdepuis six ans l’objet d’un véritableharcèlement, y compris physique, pouravoir pris part à la « Flottille de lapaix » en 2010 [5] ; • dernière législation en date, en coursd’adoption : la loi BDS, qui permet àIsraël de refouler, à ses frontières, les

Le XI e commandement Extrait de Coups doubles assemblages drolatiques dessins

politiques paru aux Éd. Helvétius.Avec l’aimable autorisation de l’auteur et de l’éditeur

3Presse Nouvelle Magazine n°342 - Janvier 2017

Monde

France. Dimanche 25 décembre, destags à caractère raciste et antisémite ontété découverts sur les murs de l’écoleprimaire « Anne Franck » à Montreuil(93) ; « Juden verboten » « Sales juifset Roms ». Ces inscriptions étaientaccompagnées d’étoiles de David et decroix gammées. Le maire PCF deMontreuil, Patrice Bessac, a immédia-tement condamné « avec la plus grandefermeté » cet acte raciste.

Ukraine. Des nationalistes ont jeté destêtes de cochon et profané la sépulturedu Rabbi Nahman de Bratslav (1772-1810 ) à Ouman, un lieu de pèlerinagedu hassidisme en Ukraine. Des tensionsont régulièrement lieu entre Juifs etUkrainiens nationalistes, notammentissus du parti Svoboda qui avait déjàorganisé une manifestation contre « l’agressivité des hassidim à l’égarddes Ukrainiens » en 2011. En 2015, des

nationalistes avaient aussi saccagé destentes de pèlerins à proximité de lasépulture du rabbin. Un hôtel à Oumanrefuse de louer des chambres à desJuifs.

Pologne. La gestionnaire culturelle etdirectrice de l’Institut de la culturepolonaise à Berlin, Katarzyna Wielga-Skolimowska, vient d’être licenciée.Selon le quotidien de gauche allemandTAZ qui a révélé l’histoire, la droitePiS au pouvoir en Pologne a exigé sondépart immédiat en raison de sa pro-grammation qui comprenait « trop de

contenus juifs », contre lesquels l’am-bassadeur de Pologne en AllemagneAndrzej Przyłębski avait porté plainte.

Il y a quelques mois, le ministre polo-nais de la Culture, Piotr Gliński (PiS)avait appelé à mettre fin à la « culturede la honte » concernant la SecondeGuerre mondiale et le génocide desJuifs. Katarzyna Wielga-Skolimowskaavait organisé la projection du film« Ida » (2015), dont la principale pro-tagoniste découvre dans les années1960 en Pologne qu’elle est juive et queses parents biologiques avaient étéassassinés par leurs voisins. Le 26 décembre, sur une invitationparue sur Facebook à fêter Hanouka àl’Université de Varsovie, un étudiant,Konrad Smuniewski, s’en est pris aux« communistes juifs » et a qualifié lejudaïsme d’ « idéologie criminelle ». <

Chronique de l’antisémitisme ordinaire

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Israël : un arsenal juridique inquiétantpar Dominique Vidal*

Benjamin Netanyahu fustige l’associa-tion qui, dit-il, a rejoint les « chœurs deceux qui salissent Israël », répétant« l’assertion fallacieuse » selonlaquelle l’occupation et les coloniessont la cause du conflit israélo-palesti-nien [8]. L’affaire donne lieu, auParlement à un festival de proposi-tions : la plus modérée consiste à inter-dire purement et simplement auxcitoyens israéliens de collaborer avecles organisations internationales ; laplus violente exigera qu’on prive le« traître » de sa citoyenneté !Israël, on le sait, se présente comme« la seule démocratie du Proche-Orient ». Mais est-ce encore vraimentune démocratie ? <

[1] Haaretz, 12 juillet 2011.[2] rue89.nouvelobs.com/2011/04/03/la-knesset-prive-les-arabes-israeliens-de-nakba-198009 [3] www.acri.org.il/en/2011/06/20/high-court-issues-order-nisi-regarding-acceptance-to-com-munities-law[4] abonnes.lemonde.fr/proche-orient/arti-cle/2016/07/13/israel-adopte-une-loi-visant-le-financement-des-ong-de-gau-che_4968823_3218.html [5] www.europe1.fr/international/israel-adop-tion-dune-loi-jugee-raciste-sur-leviction-de-deputes-2803861[6] www.europe-israel.org/2016/11/israel-la-loi-anti-bds-adoptee-en-premiere-lecture/[7] blogs.mediapart.fr/boudinovitch/blog/071116/declaration-de-lorganisation-israelienne-btse-lem-au-conseil-de-securite-de-lonu [8] Le Monde, 17 octobre 2016.

* Journaliste et historien, directeur avec BertrandBadie de L’État du monde (La Découverte).

Israël furieux contrel’ONU et … Obama

Le ministre israélien de laDéfense Avigdor Lieberman a

qualifié, lundi 26 décembre, laconférence internationale sur leProche-Orient qui se tiendra le 15janvier à Paris de « procèsDreyfus » et invité les Juifs à quitterla France : « Ce n’est pas votrepays, ce n’est pas votre terre, quittezla France et venez en Israël ».

Le gouvernement israélien estfurieux après le vote, le 23 décembre,d’une résolution du Conseil desécurité des Nations Unies condam-nant la politique de colonisationisraélienne. Pour la première fois,les États-Unis n’ont pas opposé leurveto, ce qui a exaspéré Netanyahouqui veut réévaluer « tous les enga-gements d’Israël avec l’ONU, y compris le financement par Israëldes organisations des Nations unieset la présence en Israël de repré-sentants de l’ONU ».

Dominique Vidal reviendra, dansnotre numéro de février, sur ce voteet sur la conférence de Paris. <

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L’investissement public, une question politique majeurepar Jacques Lewkowicz

Politique

4 Presse Nouvelle Magazine n°342 - Janvier 2017

En effet en période de crise, tout sup-plément de revenu est dépensé dans

une plusg r a n d ep r o p o r -tion quedans unep é r i o d ede pros-périté oùune par-tie dus a l a i r eest épar-gnée.

La diminution de la partie du salaireépargnée au profit de la consomma-tion entraîne une plus grandedemande et donc un effet multiplica-teur supérieur. Mais la nature de l’in-vestissement public importe autantque son montant pour juger de seseffets. L’OFCE recommande de l’ef-fectuer dans les deux domaines de latransition énergétique, et de l’éduca-tion et la recherche : le capitalhumain. Ces économistes évaluent ladépense nécessaire pour réaliser lesobjectifs de la loi sur la transitionénergétique à 19 milliards d’euros paran entre 2015 et 2050, soit 1 % duPIB [3]. Concernant le capital humain,le niveau d’investissement devrait,selon l’OFCE, se situer à 1,4 % duPIB. Par ailleurs, l’OFCE juge peuefficace une action au niveau euro-péen, compte tenu de la diversité dessituations selon les pays.

plicateur ». La dépense d’investisse-ment pour l’État est en effet une ren-trée d’ar-gent pourles entre-prises quip r o d u i -sent lesb i e n sachetés àc e t t eoccasion.

Ces entre-p r i s e svont alorsen distribuer une partie sous forme desalaires qui seront, eux mêmes,dépensés en grande partie en biens deconsommation nécessaires à la viedes salariés, de sorte qu’il se formedans l’économie une demande àlaquelle il faudra répondre par uneproduction supplémentaire et descréations d’emplois qui, à leur tour,grâce aux salaires distribués, génére-ront des achats.

Ainsi, de proche en proche, c’esttoute l’économie qui se développedonnant lieu à une création derichesse largement supérieure à ladépense initiale d’investissementd’où la dénomination de « multiplica-teur ». D’une revue des tentatives dechiffrage de la valeur du multiplica-teur, il résulte que son montant sesituerait entre 1,3 et 2,7 étant entenduqu’il est plus élevé en période decrise que de prospérité.

En France, mais dans bien d’au-tres pays à travers le monde, sepose la question de savoir

comment sortir du marasme écono-mique générateur de chômage. La doctrine libérale préconise le reculdu rôle de l’État et le « laisser-faire »des entreprises privées. C’est la poli-tique qui a été mise en œuvre enEurope depuis de nombreuses annéeset qui n’a fait qu’apporter des effetsnégatifs en contradiction avec lesobjectifs affichés. Les chercheurs del’OFCE [1] ont voulu explorer lesconséquences d’une approche oppo-sée, celle qui consiste à développerl’investissement public en montrantque ce dernier permettrait l’essor dela croissance économique [2].

L’investissement peut être définicomme une dépense dont les effets sefont sentir à long terme, à l’opposé del’achat de biens de consommationdestinés à disparaître rapidementaprès l’achat. L’investissement publicconcerne, par exemple, des routes etbâtiments en passant par des machi-nes et équipements ou des dépensesd’éducation et de recherche. Il accroîtle capital public et crée donc un envi-ronnement favorable à la croissanceéconomique. Sur ce point, l’OFCEconstate une dégradation continue dela valeur du capital public au coursdes dernières années.

De plus, l’investissement public créelui-même de la croissance et de l’em-ploi par le mécanisme dit du « multi-

Enfin, les traités européens interdi-sant tout déficit public supérieur à3 %, l’OFCE préconise d’exclure lesdépenses d’investissement dans cesdeux domaines du calcul du déficit,afin de rendre possible l’endettementnécessaire à la réalisation de cesinvestissements.

On voit à travers cette propositionque le principal obstacle au dévelop-pement de l’investissement public estpolitique. En effet, toute l’expériencedu fonctionnement européen, notam-ment dans l’exemple grec, consistenon seulement à empêcher le déve-loppement de l’investissement publicmais même à opérer son contraire :les privatisations.

Au delà des techniques économiques,la question du développement de l’in-vestissement public devrait être, dansla période à venir, un sujet de mobili-sation des peuples européens. <

[1] Office français de conjoncture écono-mique, Laboratoire de recherche en économiede Sciences Po.

[2] Le document s’intitule : « Investissementpublic, capital public et croissance ». Il est lefruit d’un travail dirigé par Xavier Ragot etFrancesco Saraceno (http://www.ofce.scien-ces-po.fr/pdf-articles/actu/Rapport-FNTP-01-12.pdf).

[3] Produit intérieur brut : ensemble desrichesses produites dans un pays au coursd’une année.

« Je m’engage à préser-ver notre sécurité sociale. La sécurité sociale est un

élément essentiel de lacohésion nationale,

un pilier de notre pacterépublicain hérité duConseil national de la

Résistance. ...»C’est en ces termes que lePr. Grimaldi demande aux can-didats à la présidentielle de s’en-gager, termes repris dans la péti-tion qu’il a lancée et qu’il estencore temps de signer. Vouspourrez lire la suite de son appelsur ce lien : www.change.org/p/pour-la-securite-sociale, voire lesoutenir en rejoignant déjà plusde 200 000 signataires..., dontrécemment Vincent Peillon etArnaud Montebourg. < 30/12/2016

où il côtoie Jean-Luc Bennhamias (Front démocrate),Benoît Hamon, Arnaud Montebourg, Vincent Peillon,Sylvia Pinel (PRG), François de Rugy (dissident desVerts). L’ancien Premier ministre croyait sans doute avoirdevant lui un boulevard. Il semble qu’il n’en soit rien.

D’abord, il lui est difficile de faire oublier que le fâcheuxbilan de Hollande est aussi le sien. Ainsi, sa propositionde supprimer le 49-3 – dont il a usé 6 fois ! – a-t-elle faitrire aux éclats avant que son cynisme ne fâche, à gauchecomme à droite. Ensuite, l’arrivée inopinée, et probable-ment téléguidée, de Vincent Peillon, ancien ministre del’Éducation, divise encore un peu plus la base électoralesur laquelle pouvait compter Valls. Il est évident que c’estl’effet recherché par certains au PS.

Du coup, personne ne peut vraiment dire aujourd’hui quireprésentera le monde des socialistes en avril prochain.Ni quelle sera la participation à cette primaire dite abusi-vement de la gauche. Jean-Luc Mélenchon, que soutientle PCF après moult hésitations, n’en est pas. Les sonda-ges lui donnent entre 10 et 14%. Mais les sondages… Et puis, il y a le candidat du NPA et celle de Lutte ouvrière.

Certains, dans les médias, placent Emmanuel Macronparmi les hommes de gauche. Lui affirme qu’il n’est ni degauche ni de droite. Cela signifie qu’il n’est pas de gau-che. Mais, ça pourrait lui servir. Il est jeune, il est beau, il parle bien, il s’emballe. C’est le type d’aventurier – il était banquier chez Rothschild dans le civil ! – quel’histoire de France connaît bien. Il pourrait hélas, à lafaveur de la crise politique qui secoue le pays, tirer sonépingle du jeu.

Car, après la flambée Fillon, en novembre, il semble quela droite patauge dans les cendres. On a voté Fillon contreSarkozy, bien éliminé, et encore contre Juppé, le favori.Mais quand le programme de l’heureux élu a été un peumieux découvert, les choses se sont gâtées. C’est quel’honorable monsieur Fillon voudrait liquider, entre autres,la Sécurité sociale [NDLR : voir ci-contre]. La France, à juste titre, y est fort attachée. Même dans une partie dela droite. Alors, le nouveau favori de la présidentielles’est mis à reculer assez piteusement. Ça fait mauvaiseffet. Et Macron, la coqueluche des médias, pourrait enprofiter. Marine Le Pen aussi.

Ce paysage avant la bataille ne cesse d’inquiéter. Il est lesigne d’un délitement de la démocratie. On peutd’ailleurs se demander si la mode des primaires ne l’ag-grave pas, laquelle ôte aux partis politiques toute espècede souveraineté, voire leur utilité. <

<<< (suite de la p. 1)

Paysage avant la bataillepar Bernard Frederick

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Presse Nouvelle Magazine n°342 - Janvier 2017 5

France

Quand Finkielkraut refait l’histoire …[3] Texte cité par Antoine Casanova dans son article La Révolution,Napoléon, et les juifs paru dans la Presse Nouvelle Magazinen° 250 de novembre 2007. Voir également, du même auteur sous lemême titre, l’article paru dans le n° 249 d’octobre 2007 de la PNM.

On sait que François Fillon a cru bon de préten-dre que la « communauté juive » avait dû êtrerappelée à l’ordre quant au respect des règles

de la République. L’UJRE a publié un communiquépour dire son indignation et son questionnement quantau sens de ces propos. Aucune réponse n’est venue del’intéressé. Mais voila que Fillon a trouvé un défen-seur en la personne de Finkielkraut. Selon ce dernier,dans une émission de radio [1], Napoléon auraitdemandé au Grand Sanhédrin (institué par Napoléonet censé représenter la communauté juive d’alors) derenoncer à la condamnation de ceux qui se livraient àdes mariages mixtes. Pour l’écrivain, c’est cela queFillon « avait en tête ». Celui-ci n’ayant rien expriméde tel, on se demande par quel miracle l’écrivain a pulire dans le cerveau de l’homme politique le contenude sa pensée. Mais, même en admettant de pareilspouvoirs, cette défense-excuse pose de nombreux pro-blèmes.Le premier d’entre eux est l’anachronisme. Fillonavait effectivement parlé des règles de la République. Or, l’époque du Grand Sanhédrin est celle du premierEmpire et, en aucune façon, Napoléon ne saurait êtreconsidéré comme un représentant de la République. Il en est même l’assassin lors du coup d’État du 18 brumaire au cours duquel il a substitué à celle-ci le Consulat. D’autre part, le régime de l’Empire estconcordataire, donc non laïque, ce qui explique l’exis-tence du Sanhédrin, symétrique pour les Juifs de ceconcordat. De plus, Finkielkraut n’ayant pas cité ses sources, il est difficile de les vérifier. Force est donc de sereporter à une encyclopédie [2] et aux bons auteurs. Il y est affirmé qu’en effet, Napoléon avait, en 1807,« interrogé » (et non exigé de lui quoi que ce soit) le Grand Sanhédrin, à propos de douze questions.

Qu’en effet une question portait sur les mariages mix-tes et qu’à cette question la réponse fournie était nuan-cée puisqu’elle consistait à dire concernant les maria-ges mixtes que : “bien qu’ils ne soient pas suscepti-bles d’être revêtus de formes religieuses, ils n’entraî-neraient aucun anathème” [3]. Il n’y a aucune men-tion que Napoléon s’en soit offusqué.A supposer même, ce qui n’a pas de sens, mais à sup-poser que Napoléon puisse être considéré comme unreprésentant de la République et qu’il ait exigé duSanhédrin (lequel avait, dans sa réponse à une autrequestion, affirmé ne disposer d’aucun pouvoir judi-ciaire) de renoncer à la condamnation des mariagesmixtes, cela en aurait-il fait un défenseur des règles dela République ? C’est justement tout le contraire. Danscette hypothèse, il aurait enfreint les règles de la laïcitéen intimant l’ordre aux membres d’une religion de seconformer d’une manière particulière dans le cadre decelle-ci, alors que, selon la loi de 1905, l’État étantséparé des religions, il ne saurait s’en mêler dans toutela mesure où l’ordre public n’est pas menacé.En fait, l’exercice de justification des propos de Fillonest totalement fallacieux. Il s’agissait de trouver uneexcuse, n’importe laquelle, même totalement invrai-semblable. Nous vivons une curieuse époque où cer-tains, toute honte bue, renoncent à leurs idées les pluschères. On avait connu Finkielkraut beaucoup plussourcilleux en matière de lutte contre l’antisémitisme.Pour défendre ses options politiques, en affirmantn’importe quoi en défense de Fillon, Finkielkraut quis’est beaucoup revendiqué Juif renonce à tout, à lavérité historique, à la lutte contre l’antisémitisme etmême à la simple honnêteté intellectuelle. < JL

[1] www.youtube.com/watch?v=M6uGmMfAgbE

[2] fr.wikipedia.org/wiki/Grand_Sanhédrin

Faux, pour ce qu’il dissimule : la défaiteéclatante des USA après un demi-sièclede combats totalement disproportion-nés, qui aboutit comme au Vietnam à ladéfaite de la superpuissance capabled’envoyer ses bombardiers aux antipo-des. À ma connaissance, ni la télévision ni laradio n’ont mentionné dans les com-mentaires politiques de l’événement cefait capital de la victoire historique deCuba sur les États-Unis.Et pourtant, cette victoire s’explique defaçon lumineuse dans les deux cas etdans bien d’autres pays (révolutions,décolonisation, etc.) par le fait fonda-mental de cet enthousiasme d’un peuplequi s’est libéré de l’oppression séculairede l’impérialisme et a reconquis sadignité. Rappelons pour mémoire quec’est pour la même raison qu’en 1792les « va-nu-pieds superbes » de labataille de Valmy (selon Victor Hugo)ont vaincu les puissances monarchiquescoalisées. Les exemples historiquesabondent, au cours du seul XXe siècle.Toutes proportions gardées, les deuxépopées du Vietnam et de Cuba partici-pent du même principe : on n’arrête pasles idées avec des baïonnettes.<27/10/2016

Les mots pour le direLa chronique de Maurice Cling « Rapprochement »

caserne, il rencontre immédiatement unegrande popularité qui lui permettra derenverser la dictature et de créer un nouvel État diamétralement opposé à l’ancien. À la « liberté » américaine, il oppose la vraie démocratie qui repré-sente les intérêts et la dignité du peuple,d’où le fait que malgré toutes les tentati-ves américaines de le détruire, ce régimea pu subsister et gagner en prestige dansle monde et particulièrement dans toutel’Amérique latine. Je ne me souviens pas non plus d’avoirentendu parler de l’échec des multiplestentatives d’assassinat de Castro par laCIA (on en compte plus de 80), de cellede déstabiliser le pays par la propagandepermanente de la radio installée enFloride, de l’étranglement économique etfinancier, et peu de l’invasion de la Baiedes cochons repoussée par la populationlocale. À quoi s’ajoutait l’isolementdiplomatique pour éviter la contagion dumauvais exemple pour les pays voisins.Avec l’aide de l’URSS, Cuba put résister,grâce à cet attachement exceptionnel à sarévolution. Malgré l’embargo quientraîna bien des souffrances, le paysdiabolisé apparut dans le monde commecelui qui envoyait des médecins en

Angola, outre les militaires. Ses succèsdans le domaine de l’éducation et danscelui de la médecine ont été respective-ment salués par l’UNESCO et parl’OMS. Loin de demeurer ostracisé,Cuba est devenu pour une grande partiede la population des nations d’Amériquelatine ex-colonisées une manière dephare, qui explique la sympathie desChávez, Allende, et autres dirigeantsrégionaux. Dans le même ordre d’idées,Cuba a été réintégré dans l’Organisationdes États Américains (OEA) et la récentenégociation entre le gouvernementcolombien et les Forces armées révolu-tionnaires de Colombie (Farc) s’y estdéroulée, consacrant son statut interna-tional. Or, non seulement on a pu voirdans les médias la photo sensationnelledes deux chefs d’État se serrant la main,symbole du rapprochement, en contra-diction totale avec la politique US pour-suivie depuis 50 ans à l’égard de la petiteîle rebelle, mais le mot « rapproche-ment » lui-même est piégé : une fois deplus, c’est à la fois vrai et faux. Vrai, parce qu’il apparaît tel dans lesdéclarations officielles et dans le rétablis-sement progressif de relations normalesentre les deux États.

Qui n’a entendu parler, depuisdécembre 2015, de l’événementhistorique que constitue le « rap-

prochement » entre les États-Unis etCuba, événement encore inimaginable ily a peu, après cinquante ans de diabolisa-tion en Occident de la petite île desCaraïbes ? Mais que penser du mot« rapprochement » ? Il est certesincontestable, mais risque fort d’induireen erreur quant aux leçons à en tirer.Nous l’allons montrer tout à l’heure. Les lecteurs-auditeurs-spectateurs ont-ilsentendu parler du Cuba de Batista ? J’endoute, car dans la présentation média-tique de l’événement, pour ma part je nel’ai pas entendu mentionner. Or, pourcomprendre l’histoire contemporaine deCuba, il est indispensable de savoir quele dictateur installé par les États-Unisdans l’ancienne colonie espagnole y fai-sait régner l’ordre US au service de sesmultinationales, de ses financiers, de sescasinos liés à la mafia. À environ 150kilomètres des côtes états-uniennes, le petit paradis fiscal corrompu relevaitdu monde colonial. Quand l’avocat Fidel Castro, entouré deses partisans patriotes, lance la lutte pourl’indépendance du pays en attaquant une

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6 Presse Nouvelle Magazine n°342 - Janvier 2017

À lire

« À travers les yeux d’une fille de douze ans »* de Janina Hescheleslu par Béatrice Courraud

Tikkoun d’Avishaï Sivan

avec AharonTraitel, Khalifa

Natour, Riki Blich

L’action se situe àJérusalem dans

une yeshiva ultraorthodoxe : Haïm-Aaron est un étu-diant brillant, admiré de tous pour sa foiet sa dévotion. Lors d’un jeûne rigou-reux, il prend une douche interdite, aune érection, s’évanouit et tombe dansle coma. La médecine le déclare mort.Son père parvient pourtant à le ranimer.Revenu à la vie, Aaron perd tout goûtpour les études. Son corps ne cesse dele solliciter ce qui l’amène à transgres-ser des règles religieuses. Est-ce Dieu qui le met à l’épreuve oului qui s’éveille à une nouvelle vie ?Aaron s’interroge, scrutant lui-même,sa propre foi et le monde. Ces interro-gations provoquent une crise spirituelleet existentielle qui le conduit peu à peuà une irrémédiable prise de distanceavec son mode de vie antérieur et avec

sa famille. Aaron découvre le monde àtravers des errances nocturnes.

Le film impressionne par la composi-tion des plans, images frontales,séquences de durée longue (plan-séquence). Le réalisateur filme le trou-ble intérieur qui saisit son personnageet parvient à rendre insolites autant lemonde de la foi que les actionsd’Aaron : lenteur des gestes et desactions, rites et mode de vie insolites,semblant venir d’une autre planète. Unspectacle d’êtres déphasés, déconnectésdu monde réel.

C’est la découverte de son propre corpsqui amène Aaroon à briser la loi despères, les tabous, mais en s’arrêtant auxportes de « l’Origine du monde » – parlà, entendez celle-là même que GustaveCourbet a peinte : le sexe de la femme.

Ce film austère entend faire polémiquedans un pays comme Israël où l’affron-tement entre laïcs et religieux est vio-lent. On discerne ici une satire grin-çante du monde religieux ultra-ortho-doxe. Le film est indéniablement beau,mais la sophistication de la photogra-phie, lourdement symbolique, nuit. <

Ce moyen métragede Nadav Lapid

utilise le même direc-teur de photo queTikkoun pour l’image,mais dans un styleimmédiat et stimulant.Le personnage central,narrateur de l’aventure,est un photographerecherché par les familles pour filmerles cérémonies et les fêtes nuptiales.Le sujet permet à Lapid de porter unregard critique sur le mariage, qui estl’une des grandes institutions de lasociété israélienne. Le résumé dufilm dit bien son ironie cinglante «Y.photographe de mariages, épouseune mariée, en tue une autre, et ren-tre chez lui ». Cette ironie se retrouvejusque dans l’écriture visuelle dufilm : le photographe réalise des ima-ges de mariage mal cadrées, trem-blées, floues et où manquent les visa-

ges ! Autant de jeuxsur l’image auxquelse laisse aller avecdélice le réalisateurqui construit ainsi sacritique. Nous assis-tons aux préparatifsde deux mariages,mais trêve de cérémo-nie, les époux se

confient au photographe qui, de sim-ple photographe témoin, devientconfident et prend parti devant l’an-goisse des futures épouses ! NadavLapid montre une bourgeoisie vul-gaire, obsédée par l’argent et quiexige que soit supprimée la présenced’un minaret dans leur photographiede noces ! Ainsi va le déni d’une par-tie de la société qui, refusant lesminarets dans le paysage, donne lapreuve irréfutable de sa volonté d’eneffacer une autre, niant ainsi sa sim-ple existence. <

Parcours d’un manuscritJanina Hescheles écrit ces « mémoi-res », incitée par Maria Hochberg-Mariańska, une fois qu’elle se trouve enrelative sécurité, placée en octobre 1944à l’orphelinat géré par JadwigaStrzalecka à Poronin.Le manuscrit était composé de plusieursparties que Borwicz et Mariańska vontréunir dans l’ordre chronologique, ce qui permet de suivre l’histoire deJanina du début de 1941 jusqu’à sonévasion. Ce témoignage sera publié en1946 en polonais avec une préface deMariańska.« (…) L’histoire de ce texte est, d’unbout à l’autre, une histoire de résistanceet d’engagement, où l’écriture sous tou-tes ses formes, poésie ou récit de témoi-gnage, ainsi que la collecte et la publi-cation de documents jouent un rôle cen-tral (…) précise Judith Lyon-Caen dansl’introduction à l’édition française.Borwicz et Marianska sont des êtresd’exception. Il y en a eu d’autres. Nousne répéterons jamais assez que, pendantcette période d’horreur, un certain nom-bre de Polonais, juifs et non juifs ontparticipé au sauvetage des juifs, en par-ticulier celui d’enfants et ce, au péril deleur vie. [3]Si tu m’aimes…Les mots que lui adressent ses parentsavant de mourir seront le point d’ancragegrâce auquel la petite fille pourra être sau-vée et se sauver elle-même.

Ces paroles resteront à jamais gravéesen sa mémoire et feront d’elle une per-sonne combattante, éprise de paix, dejustice et de liberté.Son père, directeur du journal sioniste enlangue polonaise Chwila (Le Moment)dira à sa fille de 10 ans, juste avant d’êtretué en 1941 : « Si tu m’aimes, vas-y et soiscourageuse. Il ne faut jamais pleurer.Pleurer n’est qu’une humiliation dans lemalheur, comme dans le bonheur. »Sa mère enseignait l’hébreu. En 1941elle se suicida avec le personnel de l’hô-pital du ghetto dans le camp deJanowska. Elle dira à sa fille avant sonsuicide : « Il faut que tu y ailles ! Il fautque tu nous venges, moi et papa ! »La poésie contre la barbarieC’est par la poésie que JaninaHescheles et Michel Borwicz se ren-contrent. Ce dernier est écrivain, auteurdramatique. Il organise dans le campdes soirées littéraires qui servent de cou-verture à ses activités clandestines.Janina, elle, écrit des poèmes qu’ellerécite dans les baraques des femmes ducamp de Janowska.Rencontre qui déterminera le retour del’enfant à la liberté. La poésie est le lienqui les réunit et va permettre d’organiserle sauvetage de l’enfant et l’écriture deses « mémoires ».L’art, la littérature, la poésie furent utili-sés dans tous les ghettos et camps d’ex-termination comme des armes contre labarbarie. <

* Janina Hescheles, À traversles yeux d’une fille de 12 ans,

A. Żuk, J. Lyon-Caen, L. Parnes (éd.), Paris,

Classiques Garnier, coll. Littérature, histoire,

politique, 2016, 134 p., 19 €

** NDLR Voir, en page 8 l'article de Gérard-Georges Lemaire qui analyse, entre autres, la rareté des témoignages précoces.

[1] En 1950 JaninaHescheles émigre enIsraël. Elle se marie et adeux enfants, Tzvia etEitan. Elle étudie lachimie au Technion àHaïfa, où en 1962 elleobtient un doctorat enchimie. Ensuite elle tra-vaille au Technion, à l’Institut Weizmann et àl’Université technique de Munich. Un séjouren Allemagne lui inspire la réflexion sur l’atti-tude des scientifiques allemands pendant lapériode nazie dont le fruit sera, en 2007, lamonographie la Rose blanche. Elle vit à Haïfa.Janina Hescheles est une grande militantepacifiste. Elle milite dans le mouvement paci-fiste des Femmes en Noir.[2] Le ghetto de Lwow est liquidé en juin1943 et déclaré « judenrein », vide de juifs.Quand l’Armée rouge entre à Lwów le 26juillet 1944, des 110 000 à 120 000 Juifs à lacréation du camp, il ne reste plus, dans laville, que quelques centaines : leur nombrevarie entre 200 et 900 (823 suivant les don-nées du Comité juif provisoire de Lwów).

[3] Pour rappel, en France, l’Union des Juifspour la Résistance et l’Entraide (UJRE) acontribué pendant la guerre à cacher desenfants, puis, a créé dès 1945 les premiersfoyers d’enfants de fusillés et déportés et lescolonies de vacances.

Àtravers les yeux d’une fille dedouze ans est un livre excep-tionnel à plus d’un titre. C’est

un témoignage rare** d’une enfant,Janina Hescheles [1], née en 1931 enPologne, – elle avait huit ans aumoment de l’Occupation de la Polognepar les nazis – qui fut enfermée avectoute sa famille dans le ghetto deLwow [2] et témoin du massacre desjuifs dans le ghetto lui-même et dans lecamp de Janowska, centre de travailforcé et camp de la mort, où elle futaussi internée.

Ce témoignage capital est une écritureà « vif » mais non écrit sur le vif. Il s’agit de « mémoires » et non d’un« journal ». Janina retrace en 1944dans ses moindres détails et sanspathos le calvaire des juifs, leur exécu-tion au jour le jour, sa propre survie auquotidien et celle de toute sa famille,dont elle sera la seule survivante, àl’exception d’une tante. C’est l’histoirede l’incroyable résistance d’une petitefille de 12 ans qui va se battre jusqu’aubout pour échapper à la mort, surmon-ter l’abandon, la peur, la terreur, l’hu-miliation, le froid, la faim… Elle vaentrer en relation avec des résistantspolonais du ghetto, Michel Borwicz etMaria Hochberg-Mariańska, qui fontpartie du réseau clandestin du Comitéd’aide aux Juifs Żegota, ils organisentson évasion et la cachent à Cracovie.

Cinéma La chronique de Laura Laufer

Journal d’un photoraphe de mariage de Nadav Lapid

avec Ohad Knoller, Naama Preis, Dan Shapira

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PNM n°327 - Septembre 2015 11Presse Nouvelle Magazine n°342 - Janvier 2017 7

La beauté inouïe du regard de K. Lupa sur l’œuvre de Bernhard

Culture

L’œuvre de l’écrivain autrichienThomas Bernhard, né en 1931,est postérieure à la guerre. On

connait les thèmes récurrents exprimésdans son œuvre (récits ou pièces) : la fatuité et vacuité des artistes et desintellectuels, le théâtre et la musique, lapolitique, la stupidité et l’absence deprotestation, le nazisme, les résurgencesdu fascisme, la critique de l’Autrichedont l’atmosphère lui est étouffante, lamontée des extrémismes, la haine desjuifs par les autrichiens. Il est bon derappeler que Thomas Bernhard fait en1942 un séjour dans un centre d’éduca-tion national-socialiste pour enfants enThuringe et est placé en 1943 dans uninternat nazi à Salzbourg.

Krystian Lupa, qui a monté sept specta-cles à partir des textes de ThomasBernhard dont il se montre en fraternité,dit de l’auteur dans un entretien avecJean-Pierre Thibaudat : « Son pessi-misme outré a été dévoré par la guerre.Il a besoin d’exagérer pour saisir. Sonécriture, c’est de l’énergie. Il est dans leplaisir de la négation, dans l’exagéra-tion, l’effacement, l’extinction et l’arra-chement de tout le mensonge ». Ceci est

très important car les acteurs, dans Desarbres à abattre [1] et dans Place desHéros [2] portent cet éclairage dans leurjeu et leur phrasé. Toujours un des per-sonnages s’exprime avec un plaisir jubi-latoire communicatif entrecoupé delongs silences grossissant encore davan-tage le trait, rendant cette levée du men-songe particulièrement actuelle. Ainsi,dans Place des Héros, par la bouche duPr. Robert Schuster, frère de Joseph,

nous assistons à unescène époustouflante àlaquelle le spectateurne peut s’empêcherde réagir, complicitéd ’ e n t e n d e m e n t ,devant ce qui se ditdes socialistes, de lapolitique, du théâtre.

On relève des simili-tudes entre l’adapta-tion du roman Desarbres à abattre [3]par Lupa et la piècede théâtre Place des

Héros [4] : la musique théâtralisée à cer-tains moments forts, le rituel du repasfinal (une longue table, comme la cène,un même placement) : dîner artistiquedonné par les époux Auersberger enl’honneur du comédien du Burgtheater(clin d’œil au Théâtre National d’artdramatique de Lituanie à Vilnius et authéâtre Polski de Wroclaw) à l’issue dela première du Canard sauvage et dinerpost-enterrement dans Place des Héros ;centrage sur le suicide de la jeune comé-dienne dans l’une, sur le suicide duPr. Joseph Schuster frère de Robert dansl’autre ; après un temps ralenti le ressentid’une accélération dans l’exacerbationdes problématiques, le personnage cen-tral ayant fait entrer le public commeprotagoniste, le faisant devenir respon-sable et complice. Mais dans Place desHéros l’évocation du fascisme et del’antisémitisme est plus exacerbée :« on n’enlèvera jamais la peur aux juifs ».On voit les monuments mortuaires avecdes inscriptions en lettres hébraïques.Toutsur scène est en blanc et gris, en réserve,

avec un rituel des gestes, évocation duProfesseur disparu. Les éclairagesjouent comme un gros plan de camérafinal sur Madame Schuster qui entendles clameurs monter (l’appartementdonne sur la Place des Héros à Vienne ;Hitler y a fait son entrée le 15 mars 1938avec la proclamation de l’Anschluss(l’annexion de l’Autriche). Les déplace-ments de la servante à la fenêtre ont uncaractère cinématographique. Dans Lesarbres à abattre la couleur est prédomi-nante et la scénographie spectaculaire etmagnifique avec cette espèce de cagetournante. Lui,l’incarnation du person-nage de Thomas Bernhard, est extérieur,assis dans un fauteuil. Dans tous lescas,les acteurs sont exceptionnels.Krystian Lupa fait ressortir, de façonnovatrice, les deux textes de ThomasBernhard avec beaucoup d’actualité, degrandeur et d’acuité. <

[1] Vu au Théâtre de l’Odéon

[2] Vu au Théâtre de la Colline. Jouera du 6 au13 avril au Théâtre national populaire de Villeurbanne rés.04 78 03 30 00

[3] Des arbres à abattre Une irritation, Gallimard coll. Folio, 2013, 232 p., 8,20 €

[4] Place des Héros, Éd. L’Arche, 2016, 143 p., 13 €

Théâtre La chronique de Simone Endewelt

Le coin du Witz Un petit tailleur juif…

Un petit tailleur juif coud dans saboutique. La porte s’ouvre brutale-ment. Apparaît un djihadiste arméd’un fusil mitrailleur qui hurle :

- Allah est grand !Le tailleur juif pose son aiguille, etrépond : « Ça ne fait rien, nous fai-sons toutes les tailles. ». <

Il cherche du travail...

Dans un chtetl vers 1900, l’idiot duvillage va trouver le rabbin, le sagede la petite communauté. « Rabbin, il faut absolument que jetrouve du travail parce que tout lemonde se détourne de moi. Pouvez-vous m’aider ? »- Mon pauvre garçon, tu sais qu’il ya très peu de travail ici, et je ne voisvraiment pas ce que tu pourrais faire.Ah si ! Il y a bien quelque chose,mais je ne sais pas si ça te convien-dra.- Quoi donc ?- Ben voilà : tu te places à l’entréedu chtetl et quand tu vois arriver leMessie, tu viens nous en informer encourant. - Et c’est payé combien ?- 50 kopecks par mois.- C’est tout ?- Oui, mais c’est un emploi stable ! <

La venue à Ivry du

Théâtre National Palestinienavec deux pièces (arabe sous-titré français) mises en scène parAdel Hakim et coproduites par le Théâtre des Quartiers d’Ivry*,avec l’aide du consulat général de France à Jérusalem :

• Antigone de Sophocle (05/01 au 15/01) : Prix 2012 de lacritique du meilleur spectacle étranger.

• Des roses et du jasmin (20/01 au 5/02) : parcours, à tra-vers trois générations, d’une famille dans laquelle conver-gent les destins de personnages palestiniens et juifs (voirprésentation in PNM n° 327 de juin 2015).

NB : Rencontre avec les acteurs à l’issue de la représentation dudimanche 22 janvier.

Table ronde* sur

La culture en Palestinele samedi 28 janvier à 16h en présence de

• Leila Shahid qui fut déléguée générale de l’Autorité palesti-nienne en France et ambassadrice de la Palestine auprès del’Union européenne, et dont le parcours de vie est parallèle àl’histoire relatée par Des Roses et du Jasmin. Elle a été trèsproche de Mahmoud Darwich et de Jean Genet.• Mohamed Kacimi, auteur et dramaturge, qui lira à cetteoccasion des extraits du journal écrit lors de la création àJérusalem de Des Roses et du Jasmin.• Olivier Celik, directeur de l’Avant Scène Théâtre. <* Manufacture des œillets Théâtre des Quartiers d’Ivry, CentreDramatique National du Val-de-Marne – 1 place Pierre Gosnat –94200 Ivry – www.theatre-quartiers-ivry.com

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Place des héros acte III : le dîner après l'enterrement du Pr. Joseph Schuster

À ne pas manquer

Pourquoi nous détestent-ils ? se demandent Amelle Chahbi, Alexandre Amiel et Lucien Jean-Baptiste, réalisateurs de ce documentaire français éponyme, sorti le 7 décembre, et qui se veut déconstruire le discours raciste.Chacun à leur tour, ils décrivent les relations qu’entretient la France avec trois tranches de sa population : les Musulmans, les Juifs et les Noirs. Ce film est d’intérêt public !!! Après Ils sont partout ! que nous avons adoré, ne manquez pas Pourquoi nous détestent-ils ? mais faites vite, car il ne passe plus que dans une seule salle en France,au cinéma La clef 34 rue Daubenton Paris 5° ! http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=251628.html PNM

Page 8: MENSUEL ÉDITÉ PAR L’U.J.R.E. e année Union des Juifs pour ...data.over-blog-kiwi.com/1/10/37/54/20171117/ob_b5a... · À quoi ressemblera l’année 2017 ISSN: 0757-2395 MENSUEL

Quand on a bien voulu les écouter…

Sans doute le philosophe a-t-il songé àPrimo Levi, qui a été le premier àécrire un livre sur son expérience àAuschwitz : Si c’est un homme. Il fautsavoir que ce livre a été refusé parpresque tous les éditeurs italiens ; il n’aparu qu’en 1947, chez un modeste édi-teur turinois, De Silva ; encore n’a-t-ilconnu le succès qu’en 1958, lorsqu’il aété repris par Einaudi. Ce premierouvrage allait être suivi, en 1964, deLa Tregua (la Trêve), histoire épiquede la libération et du retour dans lePiémont. Enfin I sommersi e i salvati(Les naufragés et les rescapés) paraî-trait en 1986, un an avant son suicide.D’autres suivront les traces de PrimoLevi, comme le prix Nobel de littéra-ture Imre Kertész (1929-2016), dontÊtre sans destin, son autobiographiedans les différents camps de la mort,n’est sorti de presse qu’en 1975. En 1993, il publiait L’Holocauste commeculture. Ce sont là des exceptions. Leslangues se sont déliées tard, très tard.

Les survivants ont fondé des famillesou sont partis vers d’autres contrées ;ou bien ils ont créé Israël. Mais leurtémoignage est venu tard : quand ona bien voulu les écouter…Bien plus pertinentes sont lesréflexions d’Agamben sur ceux quel’on appelait les « musulmans », ceuxqui se laissaient mourir. Car c’est aufond le comble de l’inhumanité etmême l’abandon de l’instinct le plusanimal chez l’homme. La perte totalede l’humain. Et voilà qu’il brode sur

l’industrie de la mort, dont il retrouvedes sources en particulier chezHéraclite et encore plus bizarrementchez Rainer Maria Rilke, qui écrivaitdans le Livre de la pauvreté et de lamort, que seule compte la masse etnon plus le nombre.

Giorgio Agamben a-t-il pris à brasle corps la question d’Auschwitz ?

Je n’en ai pas l’impression. Il a vouluse cacher derrière le concept d’archi-vage qu’il emprunte à Foucault. Maisn’est-ce pas là une notion propre àtout historien digne de ce nom ? Ilaurait d’ailleurs pu tout aussi bien seréférer aux œuvres de l’artisteChristian Boltanski qui a, lui aussi,traduit ce cauchemar colossal par laconstitution d’archives : non pas cesarchives certes indispensables à laconnaissance des faits, mais celles dela mise en scène d’une horreur auquotidien, avec chaque jour ses cen-taines et ses milliers de morts.

La philosophie bute sur le problème,se rabat sur les cas singuliers et cher-che une issue désespérée dans la poé-sie, comme le fait Agamben.

Pas la peine de gloser sur l’idée dereste dans la Torah. Pas la peine nonplus de pleurer sur la langue mater-nelle perdue, en l’occurrence le yid-dish, en se rappelant une phrased’Hanna Arendt. Bien sûr, tout celan’est pas faux et fait partie de l’en-semble. Mais il s’est produit ici l’in-nommable. Et cet innommable, ilfaudrait bien le nommer avec la forcede Dante Alighieri ou l’imaginationfertile de Curzio Malaparte pour res-tituer la machinerie de mort danstoute sa dimension.

La banalité de la mort, qui est, elleaussi, discutée dans ce livre, est unpoint délicat. Je ne crois pas que lamort à cette échelle démentielle ait pudevenir banale. Elle était permanenteet obsessionnelle : il n’y avait pasd’autre spectacle !

Faut-il lire le livre de GiorgioAgamben ? Oui, bien sûr, malgré tou-tes mes réserves. Ce sera pour beau-coup une initiation et, pour ceux quisavent, le point de départ d’une médi-tation peut-être plus pertinente. <

[1] Giorgio Agamben, Ce qui rested’Auschwitz. L’archive et le témoin,traduit de l’italien par Pierre Alféri,Pivaches poche, 208 p., 8 €

[2] Alain Finkielkraut, La Seuleexactitude, édition augmentée, Folio,338 p., 7,70 €

Mémoire

8 Presse Nouvelle Magazine n°342 - Janvier 2017

On a l’impression, dès que l’onprononce le nom d’Auschwitz,que tous les chemins mènent à

Theodor W. Adorno (1903-1969), cegrand intellectuel juif allemand quis'est exilé à temps, aux États-Unis, oùil a fondé l'Institut de recherchesociales. Dans un article intituléL’ornière morale d’Auschwitz, AlainFinkielkraut le cite : « Penser et agiren sorte qu’Auschwitz ne se répètepas, que rien de semblable n’ar-rive. » [2] Et pourtant, bien des assas-sinats de masse ont eu lieu depuislors, en Afrique ou au Cambodge !Agamben, lui, cite une autre phrase,bien plus célèbre, d’Adorno : « AprèsAuschwitz on ne peut plus écrire depoème », et d’ajouter qu’après cettetragédie inouïe, « toute culture n’estqu’un tas d’ordure ». Ces belles pensées sont inlassable-ment répétées comme si elles avaientle pouvoir d’exorciser ce que mêmeDante Alighieri n’aurait pu imaginerdans son Enfer. Elles me semblentparticulièrement absurdes.

Giorgio Agamben commence sonétude par une considération curieuse :il se persuade que les hommes et lesfemmes ont survécu à cet enfer enayant, rivée à l’âme, l’idée de survi-vre pour témoigner. Or, c’est juste-ment ce que ces survivants n’ont pasfait : ils n’ont pas écrit et n’ont mêmepas parlé à leurs proches. La mortleur a été explicitement offerte parleurs bourreaux. Ils l’ont connue danstoute son horreur. Ils ont reconquis lavie coûte que coûte.

Auschwitz est-il un objet philosophique ?par Gérard-Georges Lemaire

Giorgio Agamben a consacré un important ouvrage à Auschwitz, sous-titré L’Archive et le témoin [1].

Témoignages de Boris-Taslitzky-(dessins)

Allemagne, janvier 1945 : Enfants survivants du camp de concentration d’Auschwitz

27 janvier 2017

72e anniversaire

de la libération du

camp d'extermination

d’Auschwitz-Birkenau