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Méthodologie de l'explication de texte I. Nature et exigences de l'épreuve Qu'est-ce qu'expliquer un texte ? Expliquer renvoie au moins à trois choses : 1. ce que dit le texte 2. comment il le dit 3. ce que cela implique comme présupposés et comme conséquences 1. ce que dit le texte : Ce qu'il ne faut pas faire : il ne s'agit pas de faire de la paraphrase, c'est-à-dire de répéter platement ce que l'auteur dit. Ce qu'il faut faire : il s'agit d'identifier et de hiérarchiser les différents énoncés du texte (est-ce une thèse ? Un argument ? Un exemple ? La réfutation d'une autre thèse ? La reformulation d'une thèse ? Une conclusion ?...) 2. comment il le dit : C'est le point le plus important de l'explication car c'est en dégageant la manière dont l'auteur argumente que l'on peut cerner à la fois l'unité et la spécificité du texte. Ce que l'on attend de vous c'est de montrer que le texte est unique et en quoi il est unique. Ce qu'il ne faut pas faire : il ne faut pas utiliser le texte comme un prétexte pour « étaler » votre science sur la philosophie en général ou la philosophie générale de l'auteur. Ce qui nous intéresse ce n'est pas l'auteur, c'est le texte et rien que le texte, c'est-à-dire sa logique interne, la manière qu'il a à lui de se dérouler. Astuce : si vous passez dans votre copie plus de 5 lignes à parler d'autre chose que du texte, vous allez vers le hors-sujet. Il faut dans ce cas revenir immédiatement au texte. Vous pouvez faire référence à la philosophie de l'auteur si elle éclaire le texte et vous pouvez faire référence à d'autres textes mais cela doit être avant tout pour marquer des différences et non des ressemblances. Ce qu'il faut faire : il faut avoir une lecture problématique du texte. L'auteur a écrit ce texte pour répondre à un problème. C'est en cernant ce problème et en prêtant attention à la manière dont l'auteur tente de répondre à ce problème que se trouve la clé de l'unité et de la spécificité de texte. 3. ce que cela implique comme présupposés et comme conséquences : En examinant les conséquences et les présupposés de ce que dit l'auteur, on donne un caractère souvent problématisant à l'explication. En effet, l'auteur semble parfois soutenir deux thèses contraires dans son œuvre. Le texte sert souvent à recoller les morceaux pour faire admettre ce qui n'est pas évident. Ex : Descartes, au début du Discours de la méthode, admet que le bon sens, c'est-à-dire la capacité à reconnaître spontanément le vrai et le faux est partagé par tous les hommes. Pourtant, dès la seconde partie du Discours, l'auteur semble admettre qu'il existe de grandes inégalités de jugement parmi les hommes et même que « le monde n'est quasi composé que de deux sortes d'esprits » dont le jugement est gravement fautif : ceux qui jugent avec précipitation, et ceux qui à l'inverse se contentent « de suivre les opinions de ces autres [plutôt] qu'en chercher eux-mêmes de meilleures ». 1

Méthodologie de l'Explication de Texte

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Page 1: Méthodologie de l'Explication de Texte

Méthodologie de l'explication de texte

I. Nature et exigences de l'épreuve

Qu'est-ce qu'expliquer un texte ? Expliquer renvoie au moins à trois choses :

1. ce que dit le texte2. comment il le dit3. ce que cela implique comme présupposés et comme conséquences

1. ce que dit le texte :Ce qu'il ne faut pas faire : il ne s'agit pas de faire de la paraphrase, c'est-à-dire de répéter platement ce que l'auteur dit. Ce qu'il faut faire : il s'agit d'identifier et de hiérarchiser les différents énoncés du texte (est-ce une thèse ? Un argument ? Un exemple ? La réfutation d'une autre thèse ? La reformulation d'une thèse ? Une conclusion ?...)

2. comment il le dit :C'est le point le plus important de l'explication car c'est en dégageant la manière dont l'auteur argumente que l'on peut cerner à la fois l'unité et la spécificité du texte. Ce que l'on attend de vous c'est de montrer que le texte est unique et en quoi il est unique. Ce qu'il ne faut pas faire : il ne faut pas utiliser le texte comme un prétexte pour « étaler » votre science sur la philosophie en général ou la philosophie générale de l'auteur. Ce qui nous intéresse ce n'est pas l'auteur, c'est le texte et rien que le texte, c'est-à-dire sa logique interne, la manière qu'il a à lui de se dérouler.Astuce : si vous passez dans votre copie plus de 5 lignes à parler d'autre chose que du texte, vous allez vers le hors-sujet. Il faut dans ce cas revenir immédiatement au texte. Vous pouvez faire référence à la philosophie de l'auteur si elle éclaire le texte et vous pouvez faire référence à d'autres textes mais cela doit être avant tout pour marquer des différences et non des ressemblances. Ce qu'il faut faire : il faut avoir une lecture problématique du texte. L'auteur a écrit ce texte pour répondre à un problème. C'est en cernant ce problème et en prêtant attention à la manière dont l'auteur tente de répondre à ce problème que se trouve la clé de l'unité et de la spécificité de texte.

3. ce que cela implique comme présupposés et comme conséquences :

En examinant les conséquences et les présupposés de ce que dit l'auteur, on donne un caractère souvent problématisant à l'explication. En effet, l'auteur semble parfois soutenir deux thèses contraires dans son œuvre. Le texte sert souvent à recoller les morceaux pour faire admettre ce qui n'est pas évident. Ex : Descartes, au début du Discours de la méthode, admet que le bon sens, c'est-à-dire la capacité à reconnaître spontanément le vrai et le faux est partagé par tous les hommes. Pourtant, dès la seconde partie du Discours, l'auteur semble admettre qu'il existe de grandes inégalités de jugement parmi les hommes et même que « le monde n'est quasi composé que de deux sortes d'esprits » dont le jugement est gravement fautif : ceux qui jugent avec précipitation, et ceux qui à l'inverse se contentent « de suivre les opinions de ces autres [plutôt] qu'en chercher eux-mêmes de meilleures ».

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Comment penser l'accord de ces deux thèses ?

Pour résumer : – éviter la paraphrase.– se confronter à la manière dont l'auteur argumente et ce que cela implique.

II. Travail préparatoire (le brouillon) → 1h/1h30

[Cf. Support : Fontenelle, Entretiens sur la pluralité des mondes, 1686]

Conseil : munissez-vous de surligneurs et de stylos de couleur pour vous repérer dans le texte. La codification ici en est une parmi d'autres. Vous êtres libres de vous repérer dans le texte comme vous le souhaitez.

• Sur le texte :

– encadrer les connecteurs logiques du texte

– souligner le vocabulaire technique, les concepts qu'emploie l'auteur (notion, un repère [ex : « contingent » → contingent/nécessaire], un terme employé dans un sens précis qu'il définit ou pas (et dans ce cas c'est à vous de le définir par exemple en montrant la différence avec son sens commun)).

– Repérer les moments de l'argumentation (Argument A, Argument B, conclusion). Procéder à un découpage du texte selon les grands moments, les grandes articulations du texte.Comment faire ?

→ En utilisant les connecteurs logiques que l'on aura préalablement soulignés, les expressions qui marquent le passage à une autre idée. (Un changement de paragraphe est souvent le signe du passage à une autre idée, mais pas nécessairement).→ On lit le texte progressivement et on fait une petite marque de séparation dans le texte dès qu’on repère le passage d’une idée à une autre (« / »). On essaie ensuite de voir ce qui va ensemble afin de dégager les différentes parties du texte.→ Chaque partie doit correspondre à une étape dans l’argumentation de l’auteur : l’énoncé d’une idée, la définition d’un concept, un argument, une objection, la réponse à une critique, un exemple…→ Lorsqu’on dégage ces différentes étapes, on ne se contente pas de dire qu’il y a un argument, qu’il y a un exemple … on précise toujours de quel argument il s’agit, de quel exemple il s’agit, …→ On peut dégager entre 2 et 5 étapes au maximum. Une seule phrase peut, dans certains textes, constituer une étape à part entière.

– Identifier les modalités de l'argumentation (analogie, comparaison, exemple, hypothèse, définition, critique...).

• Sur une feuille de brouillon écrire1 :

1 Pour illustration, se reporter aux exercices sur le texte de Fontenelle.

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– le thème : ce dont il est question dans le texte. Il est bien de formuler une question à laquelle le texte répond.

– la thèse : ce que l'auteur dit à propos du thème traité. Il est bien de deviner les positions dont l'auteur se démarque.

– le problème que l'auteur cherche à résoudre.

– Rendre compte des présupposés du texte dans la mesure du possible (si le texte aborde un problème philosophique classique ou s'il s'oppose à la thèse d'un autre auteur le précédant chronologiquement).

– Dégager le schéma argumentatif (cela revient à justifier le découpage du texte) : thèse, hypothèse, exemples, reformulation de la thèse... NB : s'interroger sur le statut des exemples. Le choix des exemples n'est jamais anodin. Il s'agit souvent d'illustrer certes, mais parfois en critiquant ou en choisissant un domaine qui rappelle une autre thèse de l'auteur...

– A partir du schéma argumentatif écrire un plan qui allie fond et forme.

III. La rédaction → 2h30/2h + 30min (conclusion/relecture)

Si la philosophie est le royaume de la liberté quant au parti que l'on choisit, les exercices philosophiques ont une forme dont les codes sont ceux de la tradition des concours à la française. Une explication de texte et une dissertation doivent comprendre une introduction, un développement et une conclusion.

A. L'introduction • La situation du texte (facultatif)

→ macroscopique (au sein de l'histoire de la philosophie) : « Fontenelle s'interroge ici sur l'origine de la recherche de la vérité, recherche qu'il considère comme l'essence même de la philosophie. Il s'inscrit alors dans toute une tradition philosophique voire métaphysique où philosophie et savoir vont de paire ».→ microscopique (au sein de la philosophie de l'auteur ou de l'ouvrage) : « Entretiens sur la pluralité des mondes est un ouvrage de vulgarisation des travaux de Descartes et de Copernic. Ici nous sommes aux prises avec l'introduction d'une œuvre d'astronomie où Fontenelle expose le motif du philosopher partant d'un constat sur la nature humaine, soit d'un argument scientifique, à savoir le caractère limité de la sensibilité humaine ».

• L'énoncé du thème

• L'énoncé de la thèse

• Le problème auquel se confronte l'auteur

• Le type du texte (facultatif) : heuristique, polémique, didactique...

• Le type d'argumentation (il pourra être énoncé dans le plan ou au cours du développement) : raisonnement par l'absurde, par déduction, par analogie...

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• Ce qui fait problème selon vous dans le texte (un ou plusieur(s) problème(s) ou paradoxe(s) que vous pouvez formuler dans une phrase du type : « comment... sachant que ? »).Il faut soulever les problèmes internes au passage, ceux auxquels l'auteur tente de répondre, mais vous pouvez aussi mettre en lumière des problèmes externes en montrant le caractère paradoxal de certaines affirmations de l'auteur, les contradictions entre certains passages de l'auteur et d'autres ou encore le décalage entre une thèse et un exemple censé l'illustrer.

• Enjeu(x) : Quel est l'intérêt de ce texte ? Généralement l'intérêt est encore valable aujourd'hui. Il s'agit d'évoquer la portée et les conséquences de la thèse philosophique pour un thème plus général.

• Annonce du plan : à faire à partir du découpage de texte. Ne pas oublier d'indiquer les lignes d'où à où s'étendent les différentes parties. Les parties du texte correspondent au mouvement du texte donc s'il y a quatre mouvements, il y aura quatre parties.

B. Le développementEn tête de chacune des parties, une courte (deux ou trois phrases) introduction de partie où l’on expose l’objet de ce moment particulier de l’argumentation, ainsi que les problèmes et hypothèses qu’il suscite, est la bienvenue.

Le développement doit ressembler à une description du texte. A l'intérieur de chaque partie, il nous faut analyser la manière dont l'auteur argumente, répond au problème qu'il s'est posé, et ce que ce type d'argumentation ou de concept qu'il fait intervenir suscite, implique. On a donc toujours trois moments dans l'analyse des phrases que l'on peut formuler ainsi :

– ce qui est dit et rôle de la phrase dans la chaîne argumentative (thèse, exemple...).– les oppositions de concepts (quels concepts ? quelles sont leurs relations ? comment ils

évoluent ?).– Statut de la phrase dans l'argumentation (sa place dans l'économie du texte : par exemple

une proposition universelle qui entre en contradiction avec un exemple particulier).

→ Ce que l'on doit analyser dans le développement

Le cœur du développement est consacré à dégager les difficultés et à valider ou infirmer les hypothèses de lecture que l’on formule à leur sujet. On est amené à se confronter à plusieurs types d’objets à commenter, dont voici les principaux :

Des concepts techniques

Lorsqu’une expression ne semble pas pouvoir être comprise directement en son sens commun, c’est qu’un des termes a un sens propre à l’auteur. Il s’agit alors d’un concept technique, propre à la philosophie ou au système philosophique de l’auteur.Attention : chez beaucoup de philosophes, notamment au XVIIIe siècle, certains termes qui semblent être pris dans un sens commun sont en réalité pris dans un sens technique (par exemple « citoyen » chez Rousseau, « nature » chez Hume) : il ne faut pas passer dessus comme si c’était un texte littéraire. Re-attention : dans l’explication, procéder en expliquant tel ou tel concept ce qu’il ne signifie pas, tout autant que ce qu’il signifie. Bien remarquer, par exemple, que « bien-être » n’est pas « bien »…

Des exemples

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Les exemples sont particulièrement importants et intéressants à expliquer. Un exemple n’est jamais neutre, jamais anodin. Il faut toujours se demander : pourquoi cet exemple plutôt qu’un autre ? Qu’apporte-t-il de plus à la thèse de l’auteur ? L’exemple n’est jamais une pure illustration de la thèse de l’auteur ; que celui-ci le veuille ou non, l’exemple oriente sa thèse et fait avancer l’argumentation. Essayez de dégager le bénéfice que le texte retire de l’utilisation de cet exemple.A noter que des exemples personnels peuvent être employés pour illustrer un argument, ou même pour éprouver la validité d’une thèse. L’exemple peut, si possible, être emprunté à l’auteur lui-même, dans ce texte ou ailleurs.

Des reformulations et des explicitations

Comme pour les exemples, les reformulations, les explicitations que donne l’auteur sous prétexte de mieux se faire comprendre, apportent toujours quelque chose en plus.

Des difficultés

Il faut toujours relever et faire apparaître dans la copie les expressions, phrases ou arguments qui posent des problèmes de compréhension. C’est à leur sujet que l’on propose des hypothèses de lecture qui vous donnent la problématique du texte. Il ne faut donc jamais cacher sous le tapis une difficulté en faisant semblant qu’on comprend tout limpidement, mais il faut tout de même faire très attention à ne pas confondre les difficultés objectives et subjectives (qui n’existent que pour vous, parce que vous ne connaissez pas assez l’auteur et ses concepts).

→ Ce qu'il faut faire dans le développement

Analyser les objets cités précédemment

Formuler des hypothèses

Une fois les problèmes énoncés, il faut tenter d’y répondre ! Pour cela il faut proposer une ou deux hypothèses de lecture sur la manière dont on peut interpréter le texte pour qu’il ne soit ni contradictoire ni banal. Il ne faut pas en faire pléthores, mais il faut bien les choisir, car ce sont ces hypothèses d’interprétation qui guident ensuite le déroulement du développement.

Écrire des transitions entre les parties

Le moment de transition est très important et doit être suffisamment développé : insister sur l’articulation d’une partie à l’autre en re-problématisant le propos. Dans ce sens, l’explication ressemble à la dissertation : nous avons bien une progression qui se comprend à la lumière d’une problématique. Dans l’idéal, il faut terminer chaque partie en montrant comment on a avancé dans la compréhension du texte en émettant, validant ou infirmant certaines interprétations possibles, en récapitulant où l’on en est dans l’argumentation à ce moment du texte et pourquoi l’auteur passe à un autre moment de cette argumentation.

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C. La conclusion Il s’agit ici de synthétiser et de reprendre ce que l’on a dit jusque là en montrant à quelles difficultés on s’est affronté et comment on a essayé de les résoudre. C’est le seul moment du devoir où l’on

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peut se permettre de tenir un discours plus général sur l’œuvre ou le système philosophique à laquelle elle appartient. (Bien évidemment, comme partout, les formules du type « de tout temps les hommes se sont interrogés sur… » ou « tel problème est un problème central de la philosophie depuis que la main de l’homme a posé le pied sur terre » sont à bannir rigoureusement).

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