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Dossier pédagogique ARSENAL Metz 2013 / 2014 Musique de chambre LA SUITE N°1 DE BACH expliquée aux enfants Jean-Guihen Queyras Violoncelle © Marco Borggreve JEUNE PUBLIC À partir de 9 ans Séance scolaire Mar. 4 fév. 2014 14h00 Salle de l’Esplanade Durée : 1h00

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Dossier pédagogique

ARSENAL Metz

2013 / 2014

Musique de chambre —

LA SUITE N°1 DE BACH

expliquée aux enfants

Jean-Guihen Queyras Violoncelle

© Marco Borggreve

JEUNE PUBLIC

À partir de 9 ans

Séance scolaire Mar. 4 fév. 2014

14h00

Salle de l’Esplanade Durée : 1h00

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Sommaire ―

Le concert p. 5 L’artiste p. 6 L’univers artistique p. 7

La musique baroque p. 7 Jean-Sébastien Bach p. 9 L’analyse de l’œuvre p. 9 Les suites de danse p. 14 Le violoncelle p. 20

Pour aller plus loin p. 22

Le Crédit Mutuel Enseignant

soutient les spectacles

Jeune Public de l’Arsenal.

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Musique de chambre —

LA SUITE N°1 DE BACH

expliquée aux enfants Jean-Guihen Queyras

© Marco Borggreve

« Nous ne pouvons comprendre ou sentir une grande œuvre d'art sans, jusqu'à un certain point, répéter et reconstruire le processus créatif par lequel elle a vu le jour. »

• ERNST CASSIRER

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LE CONCERT

© Marco Borggreve

Avec ce concert commenté, Jean-Guihen Queyras, violoncelliste de talent et professeur à la Musikhochschule de Freiburg, vous invite à découvrir l’un des chefs-d’œuvre de la musique pour violoncelle.

N’ayant pas bénéficié à leur écriture d’un succès immédiat, les Six suites pour violoncelle seul de Jean-Sébastien Bach sont aujourd’hui considérées comme un véritable sommet de composition. Passées entre les doigts des plus grands violoncellistes, ces suites balayent toutes les possibilités de l’instrument, avec esthétisme et pédagogie. C’est avec ce même esthétisme et cette même pédagogie que Jean-Guihen Queyras fait pénétrer dans l’univers musical de Jean-Sébastien Bach, avec l’explication de la Suite n°1.

Cette dernière est devenue un réel classique au sein de la culture musicale savante et populaire grâce à son prélude.

Éminemment connu, celui-ci peut être entendu de nos jours au cinéma, à la radio, ainsi qu’à la télévision.

Ce concert est alors une formidable occasion de percer les mystères de la musique de l’un des grands maîtres de la composition mais aussi d’explorer les sonorités, les jeux, ainsi que les complexités du violoncelle.

Dans le cadre de la Carte Blanche à Jean-Guihen Queyras.

+ REPRÉSENTATIONS

TOUT PUBLIC Mar. 04 fév. 2014 Mer. 05 fév. 2014

20h00 Salle de l’Esplanade

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© Marco Borggreve

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L’ARTISTE

JEAN-GUIHEN QUEYRAS Violoncelle

Élu « Artiste de l’Année » par les lecteurs de Diapason et « Meilleur Soliste Instrumental » aux Victoires de la Musique Classique en 2008, Jean-Guihen Queyras se distingue par un éclectisme musical qui lui est cher. Longtemps soliste de l’Ensemble Intercontemporain où son travail avec Pierre Boulez l’influence profondément, Jean-Guihen s’est depuis épanoui dans un répertoire qu’atteste sa discographie variée et ambitieuse.

Son interprétation des Suites pour violoncelle seul de Bach chez Harmonia Mundi couronne une série d’enregistrements magistraux tels que le CD Arpeggione avec le pianiste Alexandre Tharaud qui a obtenu les meilleures récompenses de la presse internationale (Editor’s Choice du Gramophone, « E » (excepcional) de Scherzo, « Chamber Music Choice » pour le BBC Music Magazine et « Strad Selection ») et le magnifique Concerto de Dvořák avec le Philharmonia de Prague sous la direction de Jiří Bělohlávek. Jean-Guihen est invité par les orchestres du monde entier parmi lesquels le Philharmonia de Londres, l’Orchestre de Paris, le BBC Symphony Orchestra, l’Orchestre du Gewandhaus et de la Konzerthaus de Berlin, Tokyo Symphony Orchestra, SWR Sinfonieorchester Baden-

Baden/Freiburg, Philharmonia de Prague, Orchestre Philharmonique de Strasbourg, Orchestre de Chambre de Münich, Sinfonietta d’Amsterdam, l’Orchestre Philharmonique d’État de São Paulo, The Hallé et City of Birmingham Symphony Orchestra avec lesquels il a joué sous la direction de Heinz Holliger, Franz Brüggen, Günther Herbig, Ivan Fisher, Hans Graf, Philippe Herreweghe, Marek Janowski, Leonard Slatkin, Ed Gardner, Jean Claude Casadeus, Roger Norrington, Muhaï Tang, John Neschling et David Stern, sous la direction duquel il a fait ses débuts dans la grande salle du Carnegie Hall à New York. Passionné de musique de chambre, il fonde avec Tabea Zimmermann, Antje Weithaas, et Daniel Sepec le quatuor à cordes Arcanto.

Son premier enregistrement solo consacré aux Suites pour violoncelle seul de Britten (Harmonia Mundi) lui a valu les éloges de la presse britannique qui le cite depuis en référence. Jean-Guihen est Professeur à la Musikhochschule de Freiburg-en-Brisgau et codirecteur artistique des Rencontres Musicales de Haute-Provence qui ont lieu chaque année au mois de juillet à Forcalquier.

Depuis novembre 2005, Jean-Guihen Queyras joue un violoncelle de Gioffredo Cappa de 1696 prêté par Mécénat Musical Société Générale.

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L’UNIVERS ARTISTIQUE

La musique baroque Le baroque couvre une grande période dans l’histoire de la musique. Il s’étend du début du XVIIe siècle environ au milieu du XVIIIe siècle, de façon plus ou moins uniforme selon les pays considérés. L’esthétique et l’inspiration baroques succèdent à celles de la Renaissance et précèdent celles du classicisme.

Le mot baroque vient vraisemblablement du portugais barroco qui désigne en joaillerie des perles de forme irrégulière. On l’a inventé pour qualifier, au début de façon péjorative, l’architecture baroque venue d’Italie. Ce n’est que plus tard, en 1951, que le claveciniste français Robert Veyron-Lacroix l'a utilisé pour la première fois pour qualifier la musique qui lui était contemporaine, lorsqu'il créa « L'Ensemble Baroque de Paris ». Toute connotation péjorative a disparu depuis lors, et le terme tend davantage maintenant à désigner la période de composition que le caractère de l’œuvre.

L’ère de la musique baroque débute symboliquement en Italie avec l'opéra de Claudio Monteverdi (1567-1643), L'Orfeo (1607), et se termine avec Jean-Sébastien Bach et Georg Friedrich Haendel. Jean-Philippe Rameau (1683-1764) et Georg Philipp Telemann (1681-1767), de par leur longévité, composent

leurs dernières œuvres dans les années 1760, mais bien avant cette décennie, les compositeurs plus jeunes se sont tournés vers un nouveau style. Haydn, grand représentant de l’ère classique naît en 1733.

Au cours de la période baroque, la musique instrumentale s’émancipe et naît véritablement : elle ne se contente plus d’accompagner ou de compléter une polyphonie essentiellement vocale ; si elle emprunte encore, au début du XVIIe siècle, ses formes à la musique vocale, elle ne tarde pas à élaborer ses propres structures, adaptées aux possibilités techniques et expressives des instruments.

Les deux pôles de la musique baroque sont l’Italie et la France, dont les styles sont fortement opposés malgré des influences réciproques. Cette opposition était telle que beaucoup de musiciens de l’une des écoles allaient jusqu’à refuser de jouer des œuvres provenant de l’autre.

Le style baroque se caractérise notamment par l’importance du contrepoint puis par une harmonie qui s’enrichit progressivement, par une expressivité accrue, par l’importance donnée aux ornements.

Le style baroque exprime aussi beaucoup de contrastes : les oppositions notes tenues/notes courtes, graves/aiguës, sombres/claires (un accord majeur à la fin d’une pièce mineure), ou encore l’apparition du concerto (de l’italien concertar « dialoguer ») qui met en opposition un soliste au reste de l’orchestre, l’opposition entre pièces d’invention (prélude, toccata, fantaisie) et pièces construites (fugue).

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⁂ Jean-Sébastien Bach

Jean-Sébastien Bach est l’un des plus illustres représentants de l’art musical baroque germanique. Né le 21 mars 1685 à Eisenach dans le Thuringe, il est le descendant d’une famille d’organistes et de cantors établis dans la région depuis le XVIe siècle. Il acquiert pendant sa jeunesse une solide culture classique, étudiant le grec et le latin. Après le décès de son père, le jeune homme entreprend des études musicales afin d’étudier le violon, l’orgue et le clavecin. Il débute aussi l’étude de la composition avec Herder. Après un séjour à Mülhausen, il devient en 1708 musicien de chambre et organiste à la Cour de Weimar puis Konzertmeister en 1714. Il y compose de nombreuses cantates et des premières pièces pour clavier (orgue ou clavecin). C’est en 1717 qu’il devient maître de chapelle à Köthen. Cette cour calviniste ne lui permet pas de composer de musique religieuse. Il se consacre alors à l’orchestre et surtout au clavier avec Le Clavier bien tempéré, Les Inventions à deux et trois voix ou encore Les Suites Anglaises. Il accepte le poste de cantor de l’église Saint Thomas de Leipzig en 1723 où il restera jusqu’à sa mort.

Il assure l’enseignement musical et doit composer de la musique religieuse pour chaque dimanche et jour de fête. C’est notamment pour ces occasions qu’il composera ses deux Oratorios et les Passions. À la fin de l’année 1749, Bach perd la vue après une opération de la cataracte. On dit qu’il recouvrit soudainement la vue en juillet 1750, avant de mourir dix jours plus tard…

L’apogée musical qu’il représente se caractérise notamment par l’aboutissement des traditions musicales de son temps, particulièrement de la composition polyphonique, à travers de grandes fresques sonores, à la fois complexes et perpétuellement renouvelées.

⁂ L’analyse de l’œuvre

Les Suites pour violoncelle

Les Suites pour violoncelle furent composées à Köthen, où Bach fut maître de chapelle entre 1717 et 1723. C’est durant ces six années qu’il composa la majeure partie de sa musique instrumentale. L’orchestre de la Cour comptait deux excellents violoncellistes : Christian Ferdinand Abel et Christian Bernhard ; Bach aurait composé ses Suites pour l’un d’entre eux.

Le compositeur exploite les sonorités du violoncelle, en créant un style musical particulier pour cet instrument relativement récent pour l’époque, supplantant la viole de gambe qui disparait peu à peu du monde musical…

Les Six Suites pour violoncelle adoptent la structure des suites de danses, très prisées à l’époque.

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Cette structure comprend un « noyau » autour des quatre danses : l’allemande, la courante, la sarabande et la gigue. Bach y ajoute un prélude, et, suivant les cas, deux gavottes, deux bourrées ou deux menuets, issus de la Cour française. Bach compose d’ailleurs deux suites célèbres pour clavier selon ce modèle : Les Suites françaises et les Suites anglaises.

Ces Suites sont un élément incontournable du répertoire pour violoncelle, d'abord en raison de leurs qualités musicales, ensuite pour leur intérêt pédagogique et théorique. Bach met en valeur toutes les possibilités polyphoniques de l'instrument.

C’est dans les préludes de ses Suites que Bach se permet la plus grande inventivité mélodique et sonore, avec une tessiture étendue, une palette sonore diversifiée dans un cadre non soumis aux rythmes de danses.

Suite n°1

Le prélude de la Première Suite, intense et expressif, fait entendre un flot quasi ininterrompu de doubles croches sur une note pédale. Son apogée intervient après une montée chromatique d’une octave et demie. L’allemande majestueuse conserve les rythmes de doubles croches alors que la courante est très légère et bondissante. Une sobre et brève sarabande précède deux menuets (l’un majeur, l’autre mineur) et une gigue finale où l’archet rebondit sur des notes répétées.

Suite n°2

Le prélude de la Deuxième Suite évolue dans un climat mélancolique, avec d’élégantes courbes mélodiques. L’allemande conserve l’atmosphère du prélude, avec cependant une allure plus

majestueuse. C’est ensuite une courante à l’élan fougueux que nous propose Bach avant une sarabande pleine de gravité. Deux menuets (en ré mineur et en ré majeur) précèdent la gigue finale grandiose, toujours dans la sombre couleur de ré mineur.

Suite n°3

Le mouvement continu de gammes, d’arpèges et de marches harmoniques, le tout dans un ton lumineux d’ut majeur, caractérisent le prélude de la Troisième Suite. L’allemande est un vaste mouvement exposant les rythmes de triples croches. La traditionnelle courante au caractère alerte contraste avec la sarabande qui la suit, introduite par de puissants accords suivis par une mélodie simple et noble. Les deux bourrées, ces danses populaires françaises, annoncent la gigue gaie et élancée.

Suite n°4

Le prélude de la Quatrième Suite s’articule en deux grandes sections avec un langage harmonique audacieux et des couleurs subtiles. Après une pédale de tonique, le soliste exécute un flot de doubles croches. L’allemande est plus calme ; la courante alterne rythmes binaires avec des triolets donnant une énergie rythmique remarquable. Après une sarabande contemplative, les deux bourrées débutent par un court motif de cinq notes. La gigue frappe par sa virtuosité : ce mouvement perpétuel rappel le final du Sixième concerto brandebourgeois.

Suite n°5

La Cinquième Suite débute par un prélude au climat sombre et expressif

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avant une fugue vive, très virtuose, aux rythmes pointés, à la manière d’une ouverture à la française. L’allemande conserve le caractère du prélude avant une courante rythmée et une sarabande éloquente. Les deux gavottes suivantes alternent rythmes binaires et rythmes ternaires dans un climat très dansant et jovial. La suite s’achève par une gigue subtile pleine d’entrain.

Suite n°6

Dans cette dernière suite, le prélude exploite un rythme de danse. Il alterne la nuance piano et la nuance forte créant des contrastes saisissants. L’apogée est atteint avec le registre le plus aigu de l’instrument. L’allemande ressemble à une vaste improvisation qui s’éloigne du modèle dansé. Une gracieuse courante aux envolées rythmiques et aux traits rapides du violoncelliste la suit. La sarabande déploie une longue ligne mélodique sur un rythme syncopé. Les deux gavottes aux allures joyeuses précèdent la gigue finale en doubles croches au caractère enlevé.

Dans chaque suite à l’identité propre, Bach fait preuve d’une intarissable invention mélodique, avec une façon d’insuffler de la vitalité aux rythmes, et un sens remarquable de la synthèse des styles italiens et français.

• François Marcaud

Les Suites de Bach en leur temps

À leur création les Suites pour violoncelle seul furent éclipsées et il fallut attendre le XIXe pour qu’elles soient reconnues.

Il faut voir deux raisons à l'éclipse que subirent les six suites : la faible popularité du violoncelle avant la période romantique, et celle, alors également limitée, de Bach.

Le violoncelle resta longtemps cantonné au rôle de faire-valoir ; il faut attendre la deuxième moitié du XVIIIe siècle pour que soit définitivement supplantée la basse de viole de gambe, et le XIXe siècle pour que soient acquises au violoncelle ses lettres de noblesse d'instrument soliste et concertant, notamment grâce à Ludwig van Beethoven, Johannes Brahms, Robert Schumann, Edouard Lalo, Jacques Offenbach, Camille Saint-Saëns, Félix Mendelssohn.

Bach connut, étrangement, un destin comparable : Jean-Sébastien Bach n'accéda pas de son vivant à la célébrité, et fut considéré, tout au plus, comme un brillant compositeur et organiste. Si les grands classiques que furent Wolfgang Mozart, Joseph Haydn ou Ludwig van Beethoven connaissaient, étudiaient, respectaient l'œuvre de Bach pour sa constante perfection formelle et sa maîtrise éclairante du contrepoint, et s'en inspiraient, il n'en restait pas moins démodé. Leurs héritiers romantiques, Félix Mendelssohn en tête, le sortiront de cet oubli pour le placer plus « hors des modes ».

Toutefois, le XIXe siècle ne fut pas l'heure du réveil des suites : la musique se tournait de plus en plus résolument vers la musique orchestrale, et de Bach on jouait alors surtout les passions (Passion selon saint Matthieu, Passion selon saint Jean).

Le XXe siècle fut plus favorable : Pablo Casals, tout jeune, se prit de passion pour les suites ; son talent et son interprétation novatrice leur permirent d'acquérir la reconnaissance qu'elles méritent.

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« Les éléments d’une bonne exécution sont la force ou la douceur des notes, leur toucher, le pincement, le coulé, le détaché, le balancement, l’arpègement, les tenues, l’art de ralentir ou de presser. »

• CARL PHILIPP EMMANUEL BACH, 1753

Le regard de Jean-Guihen Queyras sur les Suites

La force du sous-entendu, entretien avec

Jean-Guihen Queyras —

Jean-Guihen Queyras, comment se mesure-t-on à un tel monument de la discographie ? La liste des enregistrements des Suites est en effet longue, de Casals au premier YoYo Ma en passant par Bylsma, pour ne citer que trois enregistrements qui m'ont beaucoup marqué. Mais s’il existe une œuvre qui résiste avec ténacité à l’usure du foisonnement discographique, ce sont bien les Suites, en raison de leur structure même : le handicap apparent du violoncelle « sensa basso » laisse à l’interprète d’infinies possibilités d’interprétation, par rapport à une œuvre « normalement » harmonisée.

Ce qui est fascinant, c’est le plaisir avec lequel Bach, loin de contourner les problèmes posés par l’instrument, les intègre, par un tour de passe-passe génial, jouant de ces limites comme principal outil de composition. Il se délecte de

l’obligation qui lui est faite d’exposer l’harmonie par le biais mélodique, autrement dit de présenter dans le temps (chaque note de l’accord étant jouée l’une après l’autre) ce qui devrait être entendu simultanément. Pourtant, quelques mouvements échappent à cette règle… Certes, mais la présence d’accords de trois ou quatre sons demeure sporadique. Il arrive au contraire qu'une note-clé ne soit donnée à entendre que longtemps après sa présence virtuelle dans l’harmonie. Mieux : Bach prend souvent plaisir à ne pas faire entendre certaines notes très attendues. Ce jeu de cache-cache avec l’auditeur confère à l’interprète un rôle d’entremetteur décisif et exige de lui un éveil de chaque instant, une note jouée plus ou moins tôt donnant à la phrase une signification totalement différente. On est pourtant emporté par la mélodie et le rythme à l’écoute de ces suites de danses ! Ce n’est pas une contradiction chez Bach : loin de toute ascèse, l’intellect et le travail de construction apportent une force vitale exaltante, en osmose avec la vitalité rythmique et le flux mélodique. Dans certains mouvements cependant, Bach prend largement ses libertés vis-à-vis du rythme de danse, l’exercice étant poussé à son paroxysme dans la Sarabande de la cinquième Suite, selon moi un des sommets métaphysiques de l’histoire de la musique grâce à ses harmonies « sous-entendues ». © Harmonia Mundi

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La Suite pour violoncelle n°1 en sol majeur, BWV 1007

(1720)

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⁂ Les suites de danse

« Pour mieux connaître le vrai mouvement de chaque pièce, je trouve que la connaissance de l’art de la danse est d’un grand secours ».

• Préface de Florilégium, Georg Muffat, 1968

Étroitement liée à la musique baroque, tant par la chronologie que par le style, la danse baroque est l’art chorégraphique des XVIIe et XVIIIe siècles. Il s’agit principalement de danse de cour et de théâtre.

Les six suites suivent un plan de suite de danses avec ses quatre danses obligatoires : allemande, courante, sarabande et gigue, toutes dans la même tonalité.

Le plan retenu par Bach est très classique mais il y ajoute un menuet. L'allemande : danse en couple qui apparaît dans les répertoires de bal du XVIe siècle, devient une danse de théâtre au siècle suivant. Elle peut alors être à deux ou à trois temps. Elle devient une danse à la mode dans les salons parisiens et ses entrelacs et « tours de bras » avec le partenaire bousculent les habitudes des adeptes du menuet. L'allemande assurera la transition entre le mythique menuet et la nouvelle valse romantique. La Courante : danse française de la Renaissance, elle devient l'ouverture des bals sous Louis XIV dans sa version française majestueuse, à trois temps. Elle se danse sur des pas glissés en diagonales, par couple. Elle est peu à peu remplacée par le menuet au cours du XVIIIe siècle.

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La Sarabande : originaire d'Amérique puis importée en Andalousie au XVIe siècle, la Sarabande est d'abord une danse lascive et emportée interdite par Philippe II en 1583. Elle se diffuse en France sous Louis XIII. Sous Louis XIV, la sarabande devient une danse ternaire, lente et gracieuse qui disparaîtra vers 1750.

Le Menuet : Originaire des bransles du Poitou ou de l'Anjou, le menuet est la danse favorite du Roi-Soleil et supplanta la courante sous son règne. Danse ternaire, gaie, légère et rapide, elle est formée d'un seul pas avec variantes et figures obligées. La Gigue : danse anglaise introduite en France par le luthiste Jacques Gaulthier de retour d'exil.

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Chorégraphie ou l'art de d'écrire la dance par caractères, figures et signes démonstratifs, Raoul Auger Feuillet, 1713 :

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⁂ Le violoncelle

© Marco Borggreve

Le violoncelle est un instrument à cordes frottées (mises en vibration par l'action de l’archet) ou pincées (le pizzicato) de la famille des violons qui compte aussi l’alto et la contrebasse. Il se joue assis et tenu entre les jambes ; il repose maintenant sur une pique escamotable, mais fut longtemps joué posé entre les jambes, sur les mollets ou sur la poitrine. Ses quatre cordes sont accordées en quintes : do, sol, ré et la (du grave vers l'aigu), comme pour l’alto. Le violoncelle est cependant accordé une octave en dessous de ce dernier, soit une douzième (une octave plus une quinte) en dessous du violon. C'est l'un des instruments ayant la tessiture la plus grande.

L’histoire du violoncelle

L'histoire du violoncelle remonte à la création de la famille des violons au XVIe siècle en Italie. Il est probable que son ancêtre le plus direct soit plutôt le Rebec, sorte de violoncelle plat à 3 cordes qui accompagnait les troubadours dans leurs déplacements.

Le premier violoncelle fut fabriqué aux environs de 1552 par Andrea Amati (1535-1612), luthier de Crémone. Auparavant, la basse était jouée par la viole de gambe, qui fut définitivement supplantée au XVIIe.

Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, où il acquit ses dimensions actuelles, le violoncelle était un instrument d'accompagnement qui jouait les lignes de basse et remplissait des structures musicales. Avec le clavecin, il complète la basse continue et fonde ainsi les bases de l'harmonie d'une œuvre musicale.

C'est au XVIIIe siècle que cet instrument commença à s'imposer. Antonio Vivaldi (1678-1741) écrivit 27 concertos pour violoncelle; Luigi Boccherini (1734-1805) écrivit également des concertos pour violoncelle, étant lui-même un violoncelliste virtuose. Quand à Rossini (1792-1868), surtout connu comme violoniste, il travaillait également le violoncelle. Le violoncelle est consacré comme grand instrument soliste, notamment avec les 6 suites pour violoncelle seul de Jean-Sébastien Bach.

Au XIXe siècle, les œuvres pour violoncelle comprenaient des concertos composés par Johannes Brahms, Schumann, Lalo (1823-1892), Saint-Saëns et par le compositeur tchèque Antonìn Dvorák (1841-1904). À la même époque, Jacques Offenbach (1819-1880), surtout connu comme compositeur d'opérettes, jouait magnifiquement bien sur son violoncelle. Par ailleurs, Chopin, Beethoven, Brahms et Mendelssohn écrivirent des pièces pour violoncelle et piano.

Au XXe siècle, des compositeurs tels que Serge Prokofiev et Dimitri Chostakovitch explorèrent davantage les capacités du violoncelle en tant qu'instrument soliste.

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Petit coup d’œil sur

LE VIOLONCELLE

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POUR ALLER PLUS LOIN

Bibliographie

BASSO Alberto, Jean-Sébastien Bach, 1723-1750, Fayard, 1985 CANTAGREL Gilles, Bach en son temps, Fayard, juin 2003 CANTAGREL Gilles, De Schütz à Bach. La musique du baroque en Allemagne, Hachette, 2008 FAUQUET Joël-Marie et HENNION Antoine, La Grandeur de Bach, Fayard, 2000 MORONEY Davitt, Bach, une vie, Actes Sud, 2003 (conseillé par Jean-Guihen Queyras) WOLFF Christoph, Bach : Essays on His Life and Music

Discographie J.S. Bach : Complete Cello Suites, Jean-Quihen Queyras, harmonia mundi, 2007

DVD Béatrice Massin, La Danse Baroque, Chiloe production, 2011 (voir extraits sur Youtube)

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ARSENAL Metz en Scènes

Direction Générale :

Jean-François Ramon

Déléguée Artistique : Michèle Paradon

Service des Relations avec les Publics

et de l’Action Culturelle : Gilles Fouquet

Salomé Mermoz Myriama Idir Jérôme Pham

3 avenue Ney, F-57000 Metz

Tél. billetterie : +33 (0)3 87 74 16 16 Tél. administration : +33 (0)3 87 39 92 00

Bientôt aux Trinitaires —

Prochaine séance scolaire Jeu. 21.02.2014 : 10h00

Spectacle musical —

LE MYTHE DE LÉLA FRITE KÂLI

Toute la saison sur www.arsenal-metz.fr