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MICHEL HUBERT JACQUES PERNET

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MICHEL HUBERT

JACQUES PERNET

REGARD SUR UN SIÈCLE

DE VIE ÉCONOMIQUE A REIMS

L' impression de cet ouvrage a été réalisée sur les presses de l' Atel ier Graphique 36, rue de Solférino - 51100 R eims

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REIMS ancienne cité gauloise, ville prospère sous la domination romaine, berceau de la monarchie française, REIMS a toujours été mêlé à tous les évènements de la patrie, REIMS au XXIe siècle deviendra une des cités les plus importante aux marches de l'Europe.

1850-1960 Pourquoi un siècle de vie économique ?

1850 - REIMS est encore une cité médiévale entourée de remparts avec ses rues nauséabondes, mal pavées, mal alignées. Les 45.000 habitants sont à l'aube d'une évolution, d'une révolution industrielle. En 1960, la ville avec ses 160.000 habitants a vu se développer pendant cette période de nouvelles industries, de nouveaux commerces et pourtant nombre de ces activités créées pendant ce siècle vont disparaître. Le succursalisme créé à REIMS, le textile héritage de COLBERT, la biscuiterie et son pain d'épices, les brasseries, disparitions dues à une autre forme du commerce, à une évolution de l'industrie transformée par les techniques nouvelles.

REIMS en 1990 est à l'avènement d'un rayonnement européen. Son Député-Maire Jean FALALA a reçu en héritage le travail de ses prédécesseurs, en premier Edouard WERLE comme HAUSSMANN fit "tomber les remparts", Paul MARCHANDEAU après le désastre de la grande guerre rebatit la ville, Jean TAITTINGER porta REIMS ville universitaire, ville carrefour.

Au seuil du XXIe siècle, REIMS avec ses 200.000 habitants a tous les atouts pour devenir le carrefour de l'ouest de l'Europe.

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REIMS : VILLE DE LA LAINE

La fabrication des tissus dans la région de Reims est très ancienne. Elle est prouvée par la découverte de vestiges de l'époque gauloise et gallo-romaine. La première preuve écrite signale, au IVe siècle, à Reims, un gynécée où les femmes esclaves fabriquaient des tissus de laine pour les soldats. Au moyen-âge, l'industrie et le commerce des tissus furent prospères : fabrication de tissus de lin et surtout de laine. Il s'agit d'articles peignés (interdiction

Atelier de Filature et Tissage

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de carder la laine) réputés pour leur finesse : draps, serges, camelots, étamines, etc... Ce développement est lié à deux faits. D'une part, la présence de la matière première y joue un grand rôle. En effet, les troupeaux de moutons sont nombreux dans toute la région, plus particulièrement sur les savarts de la Champagne pouilleuse. D'autre part, l'importance des Foires de Champagne contribue également à cette prospérité : celles-ci deviennent au Moyen-Age de grands marchés internationaux, axés principalement sur le commerce des tissus. Ainsi la réputation drapière de Reims gagne-t-elle la France entière, l'Italie, les Flandres et l'Angleterre.

Dès cette époque, des difficultés souvent graves, surgissent entre drapiers (négociants) et tisserands (fabricants).

Du XIVe siècle à 1660 : Nous possédons peu de renseignements sur cette époque ; nous constatons seulement qu'avec des fortunes diverses, l'industrie lainière et les commerces qui en découlent se sont maintenus à Reims dont ils constituent le principal et à peu près unique élément d'activité.

De 1660 à 1789 : L'industrie à ce moment se trouvait dans une situation précaire et complètement désorganisée. Les marchands occupaient dans la ville une situation de tout premier plan, très supérieure à celle des fabriquants. Ce sont eux qui occupaient les sièges du Conseil de Ville et de ce fait bénéficiaient de certains privilèges et surtout d'une influence prépondérante.

De 1789 à 1878 : C'est de ce moment que date le début de la véritable industrie réunissant, dans de vastes locaux, le matériel nécessaire à la fabrication complète des draps et rassemblant dans ces ateliers les ouvriers des différentes spécialités qui travaillaient autrefois de

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manière artisanale. Ces premières usines trouvèrent immédiatement place dans les anciens couvents désaffectés, vendus comme biens nationaux : le Mont- Dieu, les Longuaux, les Capucins, les Cordeliers, etc... Le premier usinier de Reims fut Dérodé-Cornette et la première filature industrielle fut fondée à Bazancourt par Jobert-Lucas, Maire de Reims. Cette usine fut ensuite celle des Etablissements Lelarge, dont un gérant fut maire de Reims. Son exemple fut rapidement imité et en quelques années, sept importantes manufactures furent créées à Reims. C'est en 1800 que le rémois Ternaux invente le tissu mérinos, alors appelé "shall", tissu qui cherche à imiter les châles du Cachemire. Le "mérinos" devient désormais une spécialité rémoise : sur ce tissu peigné Reims vit pendant un siècle. C'est semble-t-il, de cette époque que datent : - la réputation des apprêts de Reims, due, non seulement aux tours de main et aux soins apportés par les ouvriers à ce travail, mais également aux qualités de l'eau, - le développement de la flanelle de Reims. Au cours de la campagne d'Algérie en 1830, la ceinture de flanelle fut utilisée pour la première fois dans l'armée. Dès ce moment, la fabrication de cet article venait aider les fabricants qu'atteignait une crise très sérieuse.

En 1804, un ouvrier rémois met au point une machine à filer des peignées de 60.000 mètres au kilogramme. En 1829, Houzeau-Muiron découvre le moyen de décomposer les eaux savonneuses du dégraissage des fils cardés et d'en extraire une huile d'abord employée à faire du gaz d'éclairage, ensuite à fabriquer du savon.

C'est vers 1840 que Croutelle instaura le tissage mécanique dans le quartier Fléchambault.

De 1830 à 1842, le développement de l'industrie, lié au perfectionnement du machinisme, continue assez

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régulièrement, quoiqu'entrecoupé de crises périodiques. Les peigneuses mécaniques remplacent les peigneuses à la main.

En 1860 Reims est vraiment la grande cité lainière.

De 1878 à 1914 : La perturbation apportée à cette prospérité par la guerre de 1870 fut de courte durée et l'apogée de l'industrie textile à Reims peut être fixée à 1878. Cette même année, sont recensés à Reims quatre-vingt-neuf fabricants et vingt-et-un autres établissements se rattachant à l'industrie du tissu (teinture, apprêts...), soit un total de cent-dix entreprises textiles.

En 1885, quatre-vingt-quatre exposants rémois participent à l'exposition universelle de Paris qui consacre la réputation des "articles de Reims" ; les Rémois sont également en 1876 à l'exposition de Philadelphie. A chacune de ces manifestations, des récompenses leur sont décernées. Les visites officielles montrent enfin combien la Fabrique tient une place importante dans la vie économique rémoise, puisque chacune porte sur un établissement textile. Ainsi, en 1891, l'usine Lelarge est visitée par Sadi Carnot ; en 1898, l'Empereur d'Annam se rend à l'usine Noirot...

Les grèves de 1880 (trente-trois jours d'arrêt de travail dans les usines textiles), de 1885 et plus particulièrement celles de 1890 avaient été extrêmement néfastes pour Reims. Dans un premier temps elles ont provoqué la disparition des petits fabricants, ouvriers à domicile en ville et à la campagne, ainsi que celle des artisans ; dans un deuxième temps, elles ont amené la fermeture d'établissements : de 1880 à 1888 on note la suppression de quatorze établissements de peignage, de 1880 à 1910 celle de trente établissements de filature peignée à main et mécanique, de quatorze filatures de laine cardée à main et mécanique, de

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quarante-et-un tissages à main, de treize teinturiers- apprêteurs, de sept établissements de lavage et de dégraissage des laines, soit un total de cent-dix-neuf établissements textiles.

Les grèves de la fin du XIXe siècle, rappelons-le, avaient une origine sociale, tenant en particulier à l'insuffisance des salaires. Elles ont bénéficié à une ville textile concurrente, Roubaix, qui a su profiter de la situation de crise dans laquelle se trouvait Reims. A cette époque, les réunions patronales roubaisiennes avaient notamment pour thème "la destruction de Reims". De nombreux Rémois pensent encore que ces grèves ont été fomentées et entretenues par les Roubaisiens : on prétend même que les grévistes "ne pouvaient tenir seuls pendant 33 jours..."

Mais il est bien évident que si les usines ont cessé toute activité au moment des grèves c'est parce qu'elles étaient déjà en crise : en fait, on a l'impression que l'industrie rémoise, euphorique, s'était endormie, restant morcelée dans ses structures familiales, et progressivement dominée par les puissantes concentrations nordistes.

De 1918 à 1939 Sans doute la guerre de 1914 à 1918 a-t-elle joué un rôle décisif et tout Rémois insiste à juste titre sur ses effets : les destructions sont très importantes, la remise en route des usines est longue et difficile, un certain nombre d'affaires ne se reconstituent pas (on compte 25 fermetures).

Les Destructions ont atteint surtout les filatures et tissages (45 % des moyens de production dans ce domaine). Le quartier de la Fabrique est anéanti. Quelques usines sont réinstallées ailleurs, notamment à Elbeuf et à Roanne. Les peigneurs d'origine anglaise se sont retirés. Cependant, l'usine de Jonathan Holden est reconstruite en 1920 et devient la Société anonyme du

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peignage de Reims, par l'association de plusieurs négociants et industriels rémois.

Quelques négociants qui jusqu'à cette date prépondérante, cumulaient deux activités, celle du négoce et celle de la confection, ne vont plus se consacrer qu'à cette dernière. Ces maisons se spécialisent alors dans la confection d'articles en flanelle : gilets, pyjamas, chemises de travail. Parallèlement, commissionnaires en tissus depuis 1838, les Warnier-David deviennent fabricants en 1931, après avoir acheté un tissage dans le quartier Fléchambault.

En réalité, la crise du textile à Reims a des origines anciennes : les destructions de 1914 n'ont, en fait, qu'aggravé une crise latente, même si beaucoup de Rémois n'en étaient pas persuadés.

Le développement à Reims de la confection industrielle constitue pour notre ville un élément d'activité extrêmement intéressant.

Dès avant 1914, plusieurs ateliers existaient à Reims et une dizaine d'années avant la guerre, plusieurs négociants en tissus : Magniaudé, Benjamin Mennesson, eurent l'idée d'adjoindre à leur commerce une industrie de confection de vêtements fabriqués de tissus de Reims. En outre, d'autres ateliers utilisant surtout des tissus de coton, existaient déjà : Grandremy, Martinet.

Après la guerre, le nombre de ces maisons s'est accru ainsi que leur importance.

On doit signaler également la nouvelle orientation de la filature peignée, créée autrefois pour fournir du fil au tissage pour les articles classiques, mérinos, cachemires, etc... et qui, à défaut de ces débouchés, s'est tournée avec succès vers la production de fils

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destinés à la bonneterie, de fils de laine à tricoter et de laine mercerie.

Dès 1935, la publicité collective faite en faveur de la flanelle était devenue une véritable entente. Les résultats se firent immédiatement sentir et le nombre de métiers battant en flanelle avait plus que doublé à fin 1936. Il en était de même pour les teinturiers dont l'entente s'était reconstituée.

Les évènements de 1936 furent l'occasion de la fermeture d'une filature, d'un tissage et d'une usine de teintures et apprêts. Les grèves s'étendirent à toutes les usines, ne furent ni très longues, ni violentes. Aucune grève n'eut lieu de 1936 à 1939, contrairement aux autres professions de Reims. Une légère reprise se manifesta.

1940 : La période de guerre 1939-40 apporta à l'Industrie Textile des dégâts beaucoup moins graves que ceux de la guerre 1914. Quelques usines de la vallée de la Suippe furent cependant assez atteintes, mais on peut considérer que les moyens de production n'en sont pas diminués. Au contraire, des industriels Sedanais ont remis en route une filature cardée à Reims.

1943, l' inventaire des moyens de production de la place de Reims est le suivant :

- Négoce de matières premières et de déchets. - 3 maisons seulement. Les principaux négociants ont, depuis la guerre de 1914, leur siège à Paris et seulement des représentants à Reims : Gosset, Wenz, Dupont, Odelin, Lainé, Wallon, etc...

- Peignage. - 1 usine à Reims reconstruite en 1920. Un modèle du genre. C'est le seul peignage français à façon en dehors de Roubaix, Tourcoing, et de l'Alsace.

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- Filature peignée. - 1 usine : Filatures et Tissages de Reims

- Filature cardée. - 4 usines : Etablissements Lelarge, Etablissements Poullot, Walbaum et Cie et Filatures du Mont Dieu.

- Tissage de laine. - 7 usines : Etablissements Lelarge, Filatures de Carignan, Filatures et Tissages de Reims, Etablissements L. Masson et Fils, Etablissements Poullot, Walbaum et Cie, Warnier-David.

- Teintures et Apprêts. - 2 usines de teinture : Etablissements Vignau et Etablissements Lelarge,

- 3 usines de teintures et apprêts : Etablissements Laval, Machuel et Neouze, anciens établissements Mortier-Gaignot et Ets Lelarge,

1 usine ne faisant que l'apprêt et le blanchiment des tissus, spécialisée dans le traitement des flanelles : Ets Floquet.

- Autres industries Textiles : Coton. - 2 usines : Filatures et Tissage des Longuaux, Etablissements Paindavoine.

Bonneterie. - 2 usines : Société Rémoise de Bonneterie et bonneterie fine Mélina à Reims.

Feutre. - 1 usine : Etablissements Ivan Voos.

1951 à 1964 nous avons relevé la fermeture de vingt-quatre entreprises. Celles-ci possèdent parfois plusieurs usines : c'est le cas par exemple des établissements Lelarge qui comptaient deux tissages, une filature et un atelier de teinture et apprêts à Bazancourt, Boult-sur-Suippe, Isles-sur-Suippe et Reims.

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OPERATION DIVERSES DU TRAITEMENT DE LA LAINE

La laine du mouton présente, suivant sa provenance, suivant les circonstances de l'élevage, des caractères extrêmement différents. On peut en diviser les variétés en deux grandes classes : 1° Les laines composées en majorité de filaments longs et résistants, se prêtant à la fabrication des tissus ras ; 2° Les laines courtes et vrillées, se feutrant facilement, propres à la fabrication des draps. Les premières sont presque exclusivement employées dans la fabrication rémoise. Les laines utilisées à Reims proviennent, soit de France, soit de diverses contrées de l'Europe, du Cap, de Buenos-Ayres, et principalement d'Australie. Elles arrivent généralement sous forme de balles, où les toisons, restées entières, sont roulées sur elles-mêmes. Ces toisons sont chargées d'une substance graisseuse, secrétée par l'animal lui-même, et de corps étrangers (terre, poussière, crottin) qui s'y sont attachés. Suivant qu'elles en ont été ou non partiellement débarrassées par un lavage qu'on a fait subir à l'animal avant la tonte, les laines sont dites lavées à dos ou en suint. Les toisons d'une même provenance n'ont pas toutes une égale finesse, et, dans une même toison, les diverses parties du corps présentent des différences notables. Aussi la première opération à leur faire subir est un triage par lequel des ouvriers spéciaux les divisent en qualités. Cette opération, autrefois très minutieuse, tend à se simplifier de plus en plus. Cette division opérée, il reste encore, au milieu des filaments de même finesse, des différences de longueur et de résistance qui ne permettraient pas de les employer simultanément à la confection des mêmes produits. Mais cette séparation ne peut s'effectuer que par une opération mécanique, celle du peignage. Les filaments longs, séparés des autres, constituent le coeur de la laine et sont transformés en fils cylindriques et résistants par l'opération de la filature en peigné.

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Les filaments courts, ou blousse, constituent en quelque sorte une nouvelle matière première et, seuls ou mélangés de laines naturellement courtes et vrillées, sont transformés, par les opérations de la filature en cardé, en fils susceptibles d'être employés plus tard pour les étoffes foulées. Enfin, les fils obtenus avec l'une ou l'autre sont entrecroisés pour former l'étoffe par l'opération du tissage.

PEIGNAGE

Le premier travail que subit la laine est le dégraissage, qui la débarrasse du suint et des corps étrangers. Le suint se composant d'un savon de potasse soluble et d'une partie graisseuse, il y a des usines où l'on traite d'abord la laine par l'eau pure pour en extraire cette partie soluble qui présente une certaine valeur : c'est le désuintage. La matière graisseuse s'enlève au moyen d'un lavage dans une succession de bains de savon de potasse. Dans les installations perfectionnées, la laine est agitée dans ces bains au moyen de fourches mues mécaniquement. Au sortir de chacun de ces bains, une presse à cylindres expulse la plus grande partie du liquide qui imbibe la laine ; après le dernier, dit bain de rinçage, elle est séchée dans une étuve à air chaud, où elle circule sur des toiles métalliques. Cette série d'opérations n'a pas désagrégé les flocons qui constituaient la toison. Pour répartir également ces filaments en une nappe à peu près homogène, et pour commencer à les paralléliser, on emploie la machine appelée carde ; elle est composée essentiellement d'un grand tambour, garni d'un ruban armé de pointes en fil d'acier, animé d'une assez grande vitesse et entouré d'autres tambours beaucoup plus petits, dont les pointes saisissent au passage l'extrémité des filaments, tandis que d'autres rendent au tambour les filaments dont les premiers étaient déjà chargés. Pour faciliter ce travail, la laine est graissée avec de l'huile d'olive. Au sortir de la carde, un entonnoir réunit la nappe en un ruban, qui s'enroule sous forme de bobine.

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Pour augmenter la régularité du ruban, on en fait passer plusieurs simultanément dans la machine appelée étireuse, que nous allons décrire tout à l'heure, et cette opération, répétée deux ou trois fois, donne un ruban propre à être engagé dans la peigneuse. On emploie deux genres de peigneuses : la peigneuse circulaire, ou peigneuse anglaise, et la peigneuse Heilmann, à arrachages successifs. Nous n'entrerons pas dans le détail du mécanisme de ces appareils compliqués ; leur effet est de séparer les filaments courts, ou blousse, des filaments longs, ou coeur, et en même temps d'achever de paralléliser ces derniers et de les dépouiller des boutons et des pailles qu'ils peuvent retenir. Il ne reste plus qu'à débarrasser la laine de l'huile dont on l'avait graissée, par le passage au savon dans une machine appelée lis s eus e, et à effacer les irrégularités du peignage par un ou deux passages d'étirage. Dans beaucoup d'usines, le lissage précède le passage à la peigneuse.

FILATURE PEIGNEE

Pour être amené à l'état de fil, le ruban de laine peignée doit être aminci et régularisé ; cette opération s'effectue au moyen de machines appelées étireuses. Elles se composent essentiellement de deux paires de cylindres, dont l'une développe environ quatre fois plus que l'autre, et d'un peigne, animé d'un mouvement rectiligne ou circulaire, qui divise les filaments et facilite leur glissement. Lorsque le ruban est arrivé à un certain degré de finesse, on lui donne la cohésion nécessaire au moyen d'un frottement entre deux manchons de buffle ; les machines munies de ces manchons se nomment bobinoirs. L'opération de l'étirage se répète de huit à douze fois, et chaque fois on réunit ensemble plusieurs rubans à l'entrée de chaque machine, en nombre généralement moindre que la quantité dont on les allonge ; de sorte que le ruban sortant de la dernière machine, ou

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bobinoir finisseur, résulte de la superposition d'un nombre de rubans de peignage qui dépasse souvent 1 million. On arrive donc ainsi à une grande régularité. Pour former le fil, il reste à donner au ruban sa finesse définitive, à lier entre eux les filaments qui le composent au moyen de la torsion, et à le renvider sous la forme voulue pour son emploi. On rencontre encore un certain nombre de métiers dits mull-jennys, où les deux premières opérations s'effectuent seules mécaniquement, et où la troisième est guidée par la main de l'ouvrier. Mais on leur a substitué en général les métiers dits renvideurs, où toutes les périodes s'effectuent d'une façon automatique. L'organe essentiel des uns et des autres est la broche, qui donne la torsion et reçoit le fil fait. L'importance des usines de filature se chiffre par le nombre de broches qu'elles renferment.

FILATURE CARDEE

Les filaments courts, ou blousse, séparés par l'opération du peignage et les laines courtes et tendres, qui ont subi l'opération du dégraissage, sont réunis en nappe homogène au moyen d'une carde, analogue comme principe à celle employée dans l'opération du peignage, mais en différant par les vitesses des organes et la finesse des garnitures. Pour faciliter leur glissement, et aussi pour leur donner une certaine adhérence, on les arrose, beaucoup plus largement que pour le peignage, avec de l'huile et autres substances onctueuses. La nappe obtenue est placée derrière une seconde carde, qui l'allonge en l'affinant et la transforme en ruban. Un certain nombre de ces rubans sont réunis derrière une troisième carde munie d'un appareil diviseur, qui les sépare à la sortie en un grand nombre de rubans fins, susceptibles d'être placés directement derrière le métier à filer. Généralement l'opération de la filature s'effectue en deux fois. Dans la filature cardée, on rencontre plus souvent le mull-jenny que le renvideur ; ce dernier commence cependant à s'y répandre. Le métier à filer

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en cardé, à la main ou automatique, différe notablement par son principe du métier en peigné.

TISSAGE

Le tissage est l'opération qui consiste à entrecroiser les fils de chaîne, disposés dans le sens de la longueur de l'étoffe, avec les fils de trame pour en former un dessin déterminé. Les dessins simples s'effectuent sur les métiers à la marche, où les fils de chaîne sont divisés en un petit nombre de séries : c'est le cas le plus général. Les dessins compliqués s'effectuent, soit sur les métiers à armures, où les fils de chaîne peuvent former jusqu'à vingt-quatre séries et plus, soit sur les métiers Jacquart, où chaque fil de chaîne peut se lever isolément. Les étoffes renfermant des trames de plusieurs couleurs exigent l'emploi des métiers revolvers. Avant d'être placés sur le métier, les fils de chaîne doivent être ourdis, c'est-à-dire disposés parallèlement sur un cylindre appelé , et recouverts d'un enduit de colle gélatine qui les protège contre les frottements qu'ils ont à subir dans le tissage. Ces deux opérations s'effectuent presque toujours mécaniquement. Dans les grands établissements, spécialement dans ceux qui s'appliquent à la fabrication des tissus en pure laine peignée, dits mérinos et cachemires d'Ecosse, on trouve généralement réunis les appareils nécessaires aux trois opérations du peignage, de la filature peignée et du tissage mécanique. D'autres ne font que la filature et le tissage et font peigner la laine qu'ils emploient dans des établissements spéciaux travaillant à façon. D'autres enfin font transformer successivement leur matière première en peigné et en fils dans des établissements façonniers. La filature à façon, industrie peu rémunératrice, a ses usines dans les campagnes. A l'industrie de la fabrication des tissus se rattache intimement celle qui s'occupe de leur traitement. Pour les tissus mérinos et autres confectionnés uniquement avec la laine peignée, il s'agit de fixer le grain de

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l'étoffe et de la teindre à la nuance demandée. Au contraire, pour les étoffes renfermant de la laine cardée, il faut modifier profondément la nature des tissus, produire un feutrage plus ou moins complet des fibres, en faire ressortir le duvet de mille manières ou le raser complètement, etc. D'où deux catégories d'usines, dites usines de teinture et apprêts, travaillant les tissus peignés, et usines d'apprêts proprement dits, s'occupant spécialement des tissus cardés ; ces dernières comprennent la foulerie, la blanchisserie, la teinture et les apprêts. Quelques usines de teinturerie teignent aussi la laine brute ou peignée et les fils ; souvent ces derniers produits sont teints chez le fabriquant lui-même. La teinture des tissus ras comprend diverses opérations : des lavages ou dégorgeages, ayant pour but de les débarrasser de la colle et des substances grasses employées dans la fabrication ; le grillage, qui consiste à faire passer l'étoffe au-dessus d'une plaque rougie ou d'une rangée de becs de gaz pour en détruire le duvet ; le mordançage et la teinture proprement dite ; le tondage, au moyen de lames hélicoïdales, et enfin les apprêts, opération analogue au repassage du linge, qui s'effectue sur des cylindres chauffés à la vapeur. Nous dirons peu de mots des établissements de foulerie et apprêts de flanelle et nouveautés ; l'outillage de ces établissements consiste en foulons, dans lesquels l'étoffe, plongée dans un bain alcalin, est soumise au moyen de cylindres ou de pilons à un frottement qui produit un feutrage plus ou moins prononcé. Les opérations subséquentes sont le garnissage ou tirage à poils, au moyen d'une machine dont les plaques sont revêtues de têtes de chardons, le tondage, parfois le battage à la baguette, enfin l'apprêt, soit sur des cylindres chauffés, soit par la pression hydraulique, avec interposition de feuilles de carton dans les plis de l'étoffe. Les établissements d'apprêt sont généralement munis des appareils nécessaires pour l'épaillage chimique des tissus ou des laines, par le passage dans un bain acide suivi de l'exposition à la chaleur.

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INDUSTRIE TEXTILE : RECONSTRUCTION (1920)

EDOUARD BENOIST, Reims. La maison Edouard Benoist a été fondée en 1822 par M. Benoist-Malot, son arrière grand-père, avec un tissage à la main comportant 75 métiers environ, tant à Reims même que les villages voisins qu'arrose la Suippe. Elle fabriquait des gilets, châles, cachemires des Indes et des cache-nez. Elle fut reprise vers 1840 par M. Benoist Loched, son fils, qui monta d'abord une filature peignée de 2.000 broches, puis un tissage de 150 métiers, destinés à faire des mérinos et cachemires écrus. Elle passa ensuite aux mains de MM. Benoist frères et Poulain, fils et gendre du précédent, qui portèrent le nombre des broches à 10.000 et celui des métiers à 300. Enfin M. Edouard Benoist en prend la direction en 1900, s'associe en 1903 avec M. A. Bouchez et ne cesse de la développer, notamment par l'adjonction de deux nouvelles usines, réunissant 810 métiers et 22.000 broches ; aux fabrications précédentes s'étaient ajoutés les articles flanelles, draperies pour dames et robes fantaisie. Cet essor progressif est arrêté net par la guerre. Deux usines (Saint-Hilaire et Saint-Thierry) sont détruites, ainsi que la maison mère de Reims. La 3e usine, rue Hincmar, 35, à Reims, bien que fortement endommagée, a pu être en partie réparée et remise en marche en Août 1919, avec 300 métiers et 4.000 broches. La participation de la maison Benoist à toutes nos Expositions, depuis 1849 jusqu'à 1900, ainsi que celles de Londres, Chicago, Bruxelles, etc., lui avait valu les plus hautes récompenses.

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SOCIETE ANONYME DES DECHETS DE LA FABRIQUE DE REIMS La Société Anonyme des Déchets de la Fabrique de Reims, au capital de un million, fondée en 1834 est administrée par 12 administrateurs choisis parmi les principaux industriels et négociants en laine de Reims et de la région. A sa tête est placé un Directeur Général chargé de toutes les affaires industrielles et commerciales. Son but : trier, battre, laver et épailler chimiquement les laines et déchets de laine pour les rendre propres à la filature cardée et à la fabrication des feutres. Répartition des bénéfices : 40 % aux Actionnaires ; 30 % aux Vendeurs-Actionnaires, 30 % aux anciens employés ou ouvriers de la Fabrique de Reims. Les 30 % appliqués aux bonnes oeuvres permettent à la Société de distribuer chaque année environ 50.000 francs de pensions. Les sommes distribuées jusqu'à ce jour sur ce fonds s'élèvent à environ 3.500.000 francs. Malgré les bombardements journaliers la Société a employé tout son personnel jusqu'à fin Mars 1916, époque à laquelle un grave incendie a obligé la Société à transporter marchandises et matériel sauvés de l'incendie à Paris. Plus de 300 obus sont tombés sur l'usine qui a souffert de trois incendies. Les dégâts, bâtiments, machines et marchandises s'élèvent à près de huit millions au cours actuel. Aussitôt après l'armistice les travaux de réparation ont été commencés et la Société a pu recommencer à fonctionner à Reims avant fin 1919. Le travail normal d'avant-guerre sera repris dès 1921 avec de nombreux perfectionnements au point de vue travail, sécurité et salubrité.

MAISON NOUVION-JACQUET & PRINCIAUX Pont-Faverger et Reims

Cette très ancienne maison a été particulièrement éprouvée par la guerre.

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Situées à 4 kilomètres des Monts de Moronvilliers, sur la Suippe, ses usines de Pont-Faverger, - un tissage de 500 métiers et une fabrique de feutres tissés installée en 1913, - ont été complètement détruites ainsi que la maison de commerce, les magasins et les ateliers de Reims incendiés les 19 et 20 Septembre 1914. Pont-Faverger, envahi le 2 Septembre 1914 et libéré le 12 Octobre 1918 n'est plus qu'un amas de ruines sur lesquelles il y a beaucoup de gloire ; c'est de là en effet et des villages voisins que partaient les colonnes allemandes le 15 Juillet 1918 pour la dernière offensive et c'est là que les ramenaient, décimées, battues, les soldats de Gouraud.

C'est dans la maison même de M. Nouvion-Jacquet qu'était installé en 1915 le poste central téléphonique d'où partaient les ordres de destruction de Reims. M. Nouvion, connu pour ses sentiments de philanthropie qui avaient amené à Reims la création du Dispensaire Calmette et de la Cure d'air de la Haubette, établissements de préservation contre la tuberculose, industriel connu, Chevalier de la Légion d'Honneur, était en même temps un patriote ardent et averti et il avait prévu l'importance stratégique du Massif de Moronvilliers. Président du Conseil d'Administration du Chemin de fer de la Vallée de la Suippe, il avait en 1913 obtenu la construction des quais militaires de Pont-Faverger et de Somme-Py, et appelé bien souvent l'attention du Ministère de la guerre sur la nécessité de fortifier le Mont-Haut. Il devait mourir en exil en 1917, sans avoir connu la Victoire qu'il espérait, après avoir lui-même en 1916 donné au Haut-Commandement les renseignements permettant de bombarder utilement ses propriétés et ses usines où les Allemands concentraient les services de la défense formidable des Monts de Champagne. Mme Nouvion et ses enfants, aidés par M. Princiaux, collaborateur dévoué de M. Nouvion et des siens, se sont attachés à la reconstitution de Pont-Faverger. Dès le lendemain de l'armistice ils contribuaient à fonder dans ce pays la première Coopérative agricole de la

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Marne et décidaient d'y ramener leur famille ouvrière dispersée. L'usine de la Providence, reliée à la voie ferrée, utilisant les forces de la Suippe, est en pleine reconstruction ; un important atelier de bonneterie y est actuellement installé.

SOCIETE L. ET H. COLLET Maison de Vente : 10, esplanade Cérès, Etablissement industriel : 13, boulevard Saint-Marceaux à REIMS.

L'origine de la firme Collet remonte à l'année 1845. A ce début de la naissance de l'industrie textile dans la région de Reims, MM. Collet-Varenne frères fabriquent les tissus mérinos et flanelles qui furent très en vogue. M. Collet Delarsille continue cette fabrication jusqu'en 1881, en y apportant toutes les améliorations possibles de sélection de matières premières et de condition des procédés de fabrication. A partir de 1881, ses fils et gendre, MM. Collet frères et L. Meunier d'abord, plus tard, MM. L. et H. Collet prennent la direction de l'établissement, en s'inspirant des directives que leur a léguées leur père. Une réorganisation profonde du matériel de production s'impose bientôt, nécessitée par les besoins de la clientèle. Cette transformation est effectuée entièrement avant la déclaration de guerre. A ce moment, l'établissement industriel comprend quinze mille broches de filature laine peignée travaillant surtout les matières fines et quatre cent quarante métiers à tisser. Un groupe de trois générateurs de 500 mètres carrés de surface de chauffe et une machine à vapeur moderne de la maison Dujardin et Cie de Lille actionnent tout ce matériel. Cinq cents ouvriers constituent le personnel de l'établissement à la déclaration de guerre, dont la moitié ont plus de trente années de présence. Après trois années d'efforts inouïs, tentés dans la tourmente des bombardements continuels, pour

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Éditions de l'Atelier Graphique 3 6, Rue de Solférino

51100 REIMS

Édition originale tirée à 1000 exemplaires dont 100 numérotés de 001 à 100

Parution 15 Mars 1991

Dépot légal 1 trimestre 1991

Déja paru dans la même collection et par les mêmes auteurs "Flanons dans Reims - 1900-1936 - L'Époque du Tramway"

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