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EHESS Michel Servet (1511-1553). Hérésie et pluralisme du XVIe au XXIe siècle. Actes du colloque de l'École Pratique des Hautes Études, 11-13 décembre 2003 by Valentine Zuber Review by: Daniel Vidal Archives de sciences sociales des religions, 53e Année, No. 142 (Apr. - Jun., 2008), pp. 318-321 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30116986 . Accessed: 16/06/2014 02:42 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sciences sociales des religions. http://www.jstor.org This content downloaded from 185.44.78.129 on Mon, 16 Jun 2014 02:42:04 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Michel Servet (1511-1553). Hérésie et pluralisme du XVIe au XXIe siècle. Actes du colloque de l'École Pratique des Hautes Études, 11-13 décembre 2003by Valentine Zuber

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Michel Servet (1511-1553). Hérésie et pluralisme du XVIe au XXIe siècle. Actes du colloque del'École Pratique des Hautes Études, 11-13 décembre 2003 by Valentine ZuberReview by: Daniel VidalArchives de sciences sociales des religions, 53e Année, No. 142 (Apr. - Jun., 2008), pp. 318-321Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30116986 .

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peut refl~ter des pertes ou des changements de statuts sociaux, plus largement des change- ments socioculturels, ce qu'ont par ailleurs soulign6 plusieurs ethnographies du pente- c6tisme et du shamanisme, analysant la resur- gence de pratiques de possession en relation avec la transformation de soci6tes connaissant une liberalisation &onomique rapide.

Cet ouvrage sera bien entendu compris comme une contribution, importante, a l'tude du New Age. Mais surtout, il renouvelle la r6flexion sur l'individualisme religieux au prin- cipe de la s&cularisation, ce en empruntant concepts et cadres theoriques (champs, pou- voir, autorit6, pratique sociale) i d'autres champs de la sociologie (sociologie politique, sociologie des classes sociales, sociologie de la sante mentale). Ii n'est pas certain que les d&tails et approfondissements de la discussion theorique pr6sentre dans l'ouvrage soient tous n&cessaires, d'autant que la description ethno- graphique et I'analyse fine des donn6es nous semblent extrimement convaincantes. Toute- fois, il n'tait peut-8tre pas inutile d'insister une fois encore sur les problimes li6s i l'isole- ment de la sociologie des religions (J. Beckford notamment a continuellement insist6 sur cette faiblesse de la sociologie de la religion, et plus r6cemment dans Social Theory and Religion, Cambridge, Cambridge University Press, 2003), et la necessit6 de prendre en compte d'autres cadres theoriques et analyses des sciences sociales, afin de mettre en contexte les faits religieux qui eux, ne sont pas ind6pendants de changements sociaux structurels bien plus larges.

VWronique Altglas

142-65 Valentine ZUBER, (6d.)

Michel Servet (1511-1553). Hifrsie et pluralisme du xvi' au xxi' sitcle. Actes du colloque de I'Ecole Pratique des Hautes Etudes, 11-13 dicembre 2003 Paris, Honori Champion, 2007, 374 p.

Au xxe siecle, toute commemoration de l'ex&cution de Michel Servet i Geneve en 1553, s'inscrit dans des contextes singuliers. En 1903, chacun des monuments erig~s repond i un objectif sp&cifique, et ob~it i des enjeux parti- culiers: garder, i Champel, lieu du supplice, m~moire vive du martyr; i Annemasse, convo- quer Jean Calvin, acteur central du proces pro- testant, devant le tribunal de la conscience R6form~e ; s'insurger, i Paris, contre la R6forme

en tant que telle; i Vienne, enfin, oui il fut une premiere fois, par l'institution catholique, condamni au feu et brfil en effigie apris son evasion, officialiser par l'exemple de Servet la n&cessaire separation du politique et du reli- gieux. En 1953, Geneve accueille le Congries international pour la tolkrance, dont Servet, repr6sentant l'esprit de la Renaissance, impo- sait que l'on privilegiit l'intangibilit6, dans le cadre des travaux passionnis de l'histo- rien americain Roland H. Bainton, auxquels Valentine Zuber consacre en cet ouvrage une analyse attentive et stimulante. Le 450e anni- versaire, en 2003, tout en approfondissant sur des points essentiels la connaissance de I'oeuvre et de la vie de Michel Servet, les rai- sons de son martyre, et le cheminement de son heritage, ouvre la thematique de la tolerance au grand large du droit i la difference- a

l'indiff~rence -, jusqu'aux droits, aujourd'hui, de l'Homme, en un monde pluriel, en une << ultra-modernite >, cette < modernit6 disen- chant6e >, oiu rien ne risque de paraitre plus << h~r&tique > qu'une conformit6 i des normes naguere communes, ainsi que propose Jean- Paul Willaime en conclusion du colloque.

Revisit6 par Jean Dupabe et Jean-Jacques Dreifuss, Michel Servet acquiert peu i peu figure d'intellectuel humaniste, p6regrinant tris t&t depuis l'Espagne en une Europe enfievrde de conflits religieux irremissibles, et d'explo- sions de savoirs en tous genres. A Paris dans les ann6es 1536-1538, Servet (sous le pseudo- nyme de Villanovanus) 6tudiant la m6decine (il lui sera un peu trop legbrement attribue la d6couverte de la circulation sanguine - mais on ne pr~te qu'aux riches...), enseignant les math6matiques et explorant les vertiges de l'astrologie, fut < l'un des nombreux huma- nistes luth~rianisants de l'Universit6 > - mais ne se r6clamant ni de Rome, ni explicitement de la Reforme telle qu'elle s'institutionnalisait et se confinait en ses dogmes. Le dogme, ce capital theologique le plus pr&cieux, et par li le plus vulnerable. En 1534, Calvin fait paraitre son ouvrage fondateur, L'institution chritienne. Dis 1531, Servet avait publi6 sept trait6s contre le dogme de la Trinite, De Trinitatis erroribus, que catholiques et reform6s condanm- narent aussitrt comme < h6retiques >. Entre le th~ologien de Geneve et le tres jeune huma- niste espagnol, une polemique s'tablit, dont t6moigne une correspondance 6chang6e dans les annies 1546-1547, sans que Servet vienne i contrition. Son projet : refonder le christia- nisme. L'ouvrage qui en etablit la raison et

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l'urgence, acheve de rediger en 1553: Chris- tianismi Restitutio, dont l'auteur adresse le manuscrit a Calvin. Dans le trait6 anti-trinitaire, Rolande-Michelle Benin avere l'influence eras- mienne, dans le style oiu se milent ironie, satire, et une < immense erudition >, que Servet n'a pu acquerir que dans la frequentation des bibliotheques de Bile et Strasbourg, avant son

&tape parisienne. Admirable precocite, d'au- tant que ce traite << pose avec une autorite fulgurante les bases de son futur systeme >. Critique du serf-arbitre et de la predestination, et privilege accorde a

, la justification par la

grfice, sans les ceuvres >. Contre la doctrine trinitaire qui d&cide d'une vision de Dieu Sdivise et tripartite ,,, Dieu en trois < 8tres >

ou trois << personnes >,, Servet dit Dieu < un >

comme parole, homme-Christ et Esprit. Trois < aspects >, trois < modalites > de la divinite, trois

, dispositions ,,. Une image, presente chez

Denys d'Alexandrie: < monade qui se deve- loppe en une triade sans se diviser >, ou, chez Joachim de Flore, un << projet &voluant r dans le temps ,,. Ses rf6erences explicites : Paul, Ir~nee, Origene, Tertullien. Mais aussi Maimonide et la litterature rabbinique. Et la Kabbale. Ne l'accusa-t-on pas de vouloir un

, christianisme

juif > ? < Redoutable logicien >, confirme R.M. Benin, rejetant toute speculation et partant de l'homme historique J6sus, ,

divinise car Dieu lui confere sa propre deite et toute sa puissance .

Le rapport de Servet a la Bible est rap- port informe, maitrise. Quels maitres ? Juan de Quintana, confesseur de Charles Quint: Servet en est le secretaire, introduit ainsi dans les milieux theologiques rhenans, rappelle Bernard Roussel. Mais au plus profond de son engagement contre-dogmatique, Santi Pagnini, dominicain hebraisant, qui lui rend familieres philologie et science de l'interpr&- tation des textes sacres. Quand Servet dit

, modalit6s > de Dieu, et non < personnes ,

Pagnini dit < ciselures > pour qualifier les diverses phases de la manifestation de Dieu, comme autant de < motif[s] cisel6ls] dans un bloc sans en &tre separe[s] >. Nulle ciselure ne < blesse > ainsi 1'< unite de la DeitU >. Lec- teur avise des fcritures, Servet entre dans la cohorte des < predicateurs laics , qui visent la << restitution du christianisme >. Et Irena Backus, interrogeant les < Peres ant&-niceens >, mais aussi bien le corpus hermetique, les exe- geses juives, la theorie neo-platonicienne de la hierarchie de l'8tre, etc., inscrit Servet dans cette filiation contre-trinitaire. Car le dogme

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trinitaire &tablissant une distinction entre essences, d&cide d'un < d&calage irreparable > entre Dieu et sa creation. Tout au contraire, recusant un tel d&calage, Servet dit Dieu capable de

, s'adapter i l'homme pour commu-

niquer avec lui >, corps et tme. Et corps ne s'entend pas comme metaphore: Servet pro- pose une < doctrine somatique de l'Incarna- tion >,

- la semence du Pire devient matibre

(donc chair) grice au sang de la mere ; de la mime falon, < l'infusion de l'esprit dans l'homme > se refere a la circulation du

sang, < qui v6hiculerait l'Esprit dans le corps humain >. Humain, trop humain, sans doute aux yeux des doctes et des dogmatiques, ce Dieu dont Servet dit le Verbe comme semence infiniment f&condante.

A Vienne, dans un contexte anti-lutherien, Servet met en place les 6lements de son ouvrage ultime, sur la < restitution du christia- nisme >. Marianne Carbonnier-Burkhard ana- lyse les derniers mois d'un libre esprit. De la denonciation de ses publications oif Servet < degorge > toutes les

, villainnies > contre

l'tcriture, a son arrestation debut avril 1553, a la demande des archeviques de Lyon et de Vienne, un mois a peine d'investigations et de confrontations. Au cours de l'instruction, Servet parvient a s'echapper, et sera brfll en effigie. Quatre mois plus tard, refugie a Genive, reconnu par des refugi6s lyonnais, il est arrite. Calvin redige en personne les trente-huit articles < r&capitulant toutes les erreurs de Servet exposees depuis "environ vingt-quatre ans" dans ses ouvrages >, dont le dernier, Christianismi restitutio constitue la somme: erreurs sur la Trinite, sur la nature de Jesus- Christ, sur l'ame de l'homme, sur le baptrme des petits enfants, sur I'esprit de Dieu, et dif- famation de la doctrine de Calvin. Lourdes charges, examindes au cours de huit interroga- toires, auxquels Calvin participe a plusieurs reprises. L'auteur presente en detail les enjeux doctrinaux et politiques du proces, I'accusa- tion fallacieuse d'alliance de Servet avec les < libertins > de Geneve, et ce qu'il faut bien appeler l'acharnement de Calvin a discrediter Servet et a obtenir condamnation infamante. Pour crime d'heresie, de schisme et de trouble < en l'6glise de Dieu >, Servet est condamne a 8tre < brusle tout vif >, et I'ensemble de ses ouvrages livre au feu - sentence ex&ut~e le 27 octobre. Consultees, les Eglises suisses approuvent le jugement et son issue. Moment capital dans l'histoire du calvinisme, qui ne cessera de hanter la memoire reformee, en son

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entier satur~e par l'instance morbide de la faute. Tout un travail de deuil commence.

Mais un travail qui passe d'abord par un sursaut d'indignation. Dis le martyre de Servet, g Bile, y ville ouverte, en d6licatesse avec Calvin >, parait en d~cembre, sans doute de la plume de Castellion, I'Historia de morte Serveti, dont Bernard Roussel livre la traduc- tion. Pamphlet qui pose d'emblke, outre la res- ponsabilite de Calvin dans le supplice - que celui-ci reconnait et assume -, le principe de la liberte d'expression en matiere religieuse, et d~finit la nicessit6 de rapports nouveaux entre I'univers du politique et I'espace du religieux. En droit, juges et magistrats civils sont incom- p6tents en ce qui concerne les disputes de reli- gion. Et les theses de Servet relivent de la seule conscience religieuse, et non de l'imperatif civil. Il suffit d'en suivre la trace. Anabaptistes, < remontrants > hollandais du xvII'e, arminiens, parfois sociniens, partagent la critique de la

predestination, du dogme trinitarien des trois " personnes >, du bapteme des enfants, etc. que Servet avait passionn~ment dinoncis. Concernant la these du Dieu < Un > en ce que Servet nommera ses trois << figures >> 6gales et non distinctes, Luisa Simonutti dimontre combien difficile pouvait Stre, aux siacles de Renaissance, la representation iconographique du concept. Servet ne faisait que participer de cette intrigue du sens et du signe, et, pas plus, nous l'avons vu, qu'une < ciselure > ne < blesse > le roc, pas plus, en la thise de l'espagnol, < la participation de Jesus g la nature divine ne doit provoquer de rupture ave son humanite >. Rien qui ne repose sur < les valeurs essentielles de la parole, du document, du texte et du d6ve- loppement historique >, en quoi Servet procede comme son contemporain trasme, en usant de techniques ex~g~tiques fond~es sur la philo- logie, I'analyse grammairienne, et le retour au texte seul, mis A nu par sa lecture mime. Legon d'interpretation. Et donc, aussit8t, lelon de tolerance.

A juste titre, S~bastien Castellion est consi- deri comme l'auteur le plus engage, irriver- siblement, dans la defense et illustration de ce nouvel enjeu. Son Traictd des heretiques, c savoir si onl les doit persecuter, publi6 en latin dis 1554, constitue, par le rappel cons- tant du supplice de Servet, le plaidoyer le plus argument6 en faveur de la tolkrance. La revendication d'une

, R~forme radicale > avait anticip6 l'affirmation de < principes anti-obscurantistes >, selon le formule de Maria d'Arienzo. Mais deux conceptions de

la tolerance se font jour. Si Castellion se situe sur le plan &thique et valorise ainsi la libert6 de conscience et la < diversit6 >, Michel de L'Hospital use du droit a la diff6rence comme instrument de gouvernance politique. Au demeu- rant, les deux exigences, morale et juridique, viendront plus tard I convergence. < Tolerance , et << liberti >>, en ce siacle decisif, valaient cat&- gories fondamentales dans le projet de

, recons-

titution de la v&ritable 1glise du Christ,,. Bayle en d~rivera a la fin du xvII'e siicle l'ab- solu respect de l'alterit6, et I'autonomie du ' champ spirituel > de chacun. Locke, enfin, en dira la vertu politique. Par son parcours intellectuel oii l'humanisme accompagnait inti- mement une opiniitre controverse religieuse, qui lui sera fatale, Servet posait aux autoritis des Eglises romaines et r6formbes, le redou- table problame de la tolerance. On sait que I'une et I'autre confessions n'ont pas hesitr & trancher dans le vif ce d~fi: l'her~sie doit &tre combattue, y compris jusqu'en I'ultime sen- tence de mort. Roland H. Bainton, au coeur du xxe siicle, attentif aux theses de < l'aile gauche de la Riforme >, regroupant partisans de la R~forme radicale ou dissidents de la foi, dont Servet repr~sente a ses yeux la figure embl6ma- tique, s'engage, selon le propos de Valentine Zuber, en une ( histoire comprehensive et militante

,> de cette < valeur montante de la

modernite occidentale >. S~duit par Servet, sans pour autant accabler Calvin sans autre forme de procks, l'historien oppose l'homrne de Renaissance, qui chercha B ( unifier tous les savoirs >>, au dirigeant d'une theocratie, qui fut a Genive < l'une des dernibres grandes figures mediivales >. Au principe de cette pro- fonde divergence, I'imp~ratif de tolerance, dis- qualifi6 en toutes les institutions de religion, quand une pensbe libre exige que l'on s'en empare. Tout pluralisme peut alors se conce- voir, et se vivre en sa plknitude.

Mais profonde fut la haine vou~e aux h~r tiques. Les anabaptistes furent en si grand nombre pourchass~s et execut6s, qu'une tradi- tion de martyre fut leur marque identitaire. Ainsi des mennonites, des << frares suisses >

hutt~riens, dont Neal Blough rappelle pour- tant la vocation pacifiste. Mais l'amalgame par Luther de toutes les dissidences en une seule et mime < h~resie >, n'autorisait nulle distinction. Dis lors, crime pour crime, pour R~forme et catholicisme vient aujourd'hui le temps du grand pardon. Laurent Mayali met cependant en garde contre le recevabilit6 d'un pardon tel quel demande. Dans le discours

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normatif de la Contre-R~forme, &crit-il, - mais n'en allait-il de mime pour les lglises de la Reforme ? - < l'injustice n'est pas le produit de l'arbitraire, mais simplement la consequence d'une erreur de procedure qui ne remet pas en cause la legitimite du pouvoir souverain de juger >. Reduire ainsi proces et mises a mort a de simples et inevitables dysfonctionnements de l'institution, a des rates d'une logique pro- cedurale, restreint la portee et la credibilit6 du < pardon > sollicite, et, plus grave encore, va jusqu'a effacer la culpabilit6 des acteurs en cause et en faute. Car il s'agit, a partir de l'in- jonction de tolerance que Castellion oppose a l'exclusivisme calviniste, et a sa rigueur, de < placer le Bien au-dessus du Vrai >, ecrit Etienne Barilier - soit l'orthopraxie au-dessus de l'orthodoxie. Le dominicain Batholom6 de

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Las Casas, exact contemporain de Castellion, venait a mime conclusion. Castellion : < II faut oser quelque chose > : oser substituer I'esprit a la lettre, r&cuser toute lecture < littbraliste >

de la Bible, relativiser le dogme, et, A prendre en son sens plenier, oser camper en h~resie, ce choix en permanence propose a la conscience. Apres Servet, d'illustres h~ritiers: Bayle et sa ( critique 6thique de la Bible >, selon la formule de Cassirer, Grotius et sa ( raison ardente >, Locke, Leibniz, Lessing... Tolkrance, cepen- dant, prend sans doute de plus en plus une signification condescendante. Il s'agit aujour- d'hui de bien plus, dans l'clairage toujours de l'evenement Servet : le droit a l'egalite dans l'alt~rite que reclament les temps modernes est signature desormais de la condition humaine.

Daniel Vidal

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