8
Migrations et cancers A.J. SASCO* Migration and cancer. Mots cl~s: cancer (sein et rhinopharynx), 6piddmiologie, gdndtique, migration. Rev Med Interne 1989 ; 10 : 341-8. environnement, Le risque de cancer, comme d'ailleurs celui de nom- breuses maladies, prdsente parmi diffdrentes popula- tions, des variations considdrables. La description prdcise de l'dtat de sant6 ou de maladie des popula- tions est l'un des objectifs de l'dpiddmiologie descrip- tive, visant ~ ddterlniner la frdquence des maladies, par exemple des cancers, en fonction de l'~tge, du sexe, du pays ou de la rdgion concernde. L'intdr& est double : scientifique, permettant de ddfinir des populations haut et bas risque pour un type de cancer donnd, et d'administration sanitaire, afin d'dvaluer le nombre de lits d'hospitalisation et les structures mddicales ndces- saires. La comparaison des causes de ddcds dans diverses rdgions du monde montre ainsi des diffdrences impor- tantes (1). En particulier, les ddcbs par cancer reprd- sentent 23 p. 100 des ddcds en France mais seulement 8 p. 100 au Brdsil ou ~t l'~le Maurice. A l'inverse, les maladies infectieuses et parasitaires ne reprdsentent qu'l p. 100 des d6cbs en France alors qu'elles en reprd- sentent 6 p. 100 ~ File Maurice et 9 p. 100 au Brdsil. Une partie de ces diffdrences s'explique par la struc- ture d'gge des populations. D'une fagon gdndrale, plus une population est figde, plus l'importance du cancer, qui touche surtout les adultes, apparait grande. Mais Ce texte est bas6 sur un rapport prdsent6 le 13 juin 1986 /t Bordeaux, lors de la sdance << Migrations et Pathologie >> du XIV e Congrds de la Socidt6 nationale fran~aise de mddecine interne. * Unitd d'dpiddmiologie analytique, Centre international de Recherche sur le cancer, 150 cours Albert-Thomas, 69372 Lyon Cedex 08 Tirds h part : Dr A.J. Sasco, adresse ci-dessus*. mdme aprds correction pour le facteur pyramide des ages par standardisation sur l'fige, les taux de morta- lit6 (1) des diffdrents cancers varient trds largement d'un pays ~ un autre, d'une rdgion du monde & une autre. Face 5 cette constatation, la vigilance s'impose. Certes, une diffdrence entre les taux de mortalit6 peut indiquer une diffdrence rdelle de survenue de la maladie, mais aussi des diffdrences de survie ou d'effi- cacit6 thdrapeutique, sans parler de toutes les diffdren- ces qui peuvent rdsulter de la fa~on de remplir les certificats de ddc~s et de coder les causes de ddcds. Lors de la comparaison des statistiques d'incidence (2), en principe, les biais lids aux diffdrences de moda- lit6 thdrapeutique et de certification de ddcds sont dli- minds, mais d'autres surgissent. Les systdmes de notification des maladies sont varids. Dans le cadre des cancers, les registres du cancer s'efforcent de fonction- her de fa~on relativement similaire afin d'assurer une uniformit6 de prdsentation de leurs statistiques. Ndan- moins, marne avec un systdme unifid, toute comparai- son devra s'efforcer d'6tre aussi prdcise que possible. Par exemple, des taux semblables d'un caficer peuvent dans diffdrents pays correspondre ~ des types histolo- giques dont la distribution diffdre. Face ~tune diffdrence rdelle de survenue d'une mala- die, une difficult6 subsiste : comment ddterminer les rdles spdcifiques jouds par le terrain gdndtique et les facteurs de l'environnement dans l'dtiologie des can- cers ? C'est l'existence mdme de cette question qui per- met de comprendre l'intdrdt particulier que prdsente l'dtude des populations migrantes. Plutdt que de prdsenter une revue exhaustive des dtu- des sur migrations et cancer, avec de nombreux chif- fres et tableaux, nous avons choisi de montrer h partir de deux exemples, comment l'approche 6piddmiologi- que appliqude ~ l'dtude des cancers dans les popula- tions migrantes peut suggdrer des hypotheses 6tiologiques et donc nous aider dans la recherche des facteurs de risque et dventuellement des causes des cancers. Epiddmiologie et 6tudes de Migration De multiples ddfinitions de l'dpiddmiologie ont dtd proposdes (3). La plus simple et la plus compldte est celle ddcrivant l'dpiddmiologie comme la science de la Recu le 9-1-1987 = Renvoi pour correction le 19-6-1987 Acceptation ddfinitive le 25-11-t988

Migrations et cancers

  • Upload
    aj

  • View
    212

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Migrations et cancers

Migrations et cancers

A . J . S A S C O *

Migration and cancer.

Mots cl~s: c a n c e r (sein et r h i n o p h a r y n x ) ,

6p iddmio log ie , gdnd t ique , m i g r a t i o n .

Rev M e d In t e rne 1989 ; 10 : 341-8.

e n v i r o n n e m e n t ,

Le risque de cancer, comme d'ailleurs celui de nom- breuses maladies, prdsente parmi diffdrentes popula- tions, des variations considdrables. La description prdcise de l 'dtat de sant6 ou de maladie des popula- tions est l 'un des objectifs de l'dpiddmiologie descrip- tive, visant ~ ddterlniner la frdquence des maladies, par exemple des cancers, en fonction de l'~tge, du sexe, du pays ou de la rdgion concernde. L'intdr& est double : scientifique, permettant de ddfinir des populations haut et bas risque pour un type de cancer donnd, et d'administration sanitaire, afin d'dvaluer le nombre de lits d'hospitalisation et les structures mddicales ndces- saires.

La comparaison des causes de ddcds dans diverses rdgions du monde montre ainsi des diffdrences impor- tantes (1). En particulier, les ddcbs par cancer reprd- sentent 23 p. 100 des ddcds en France mais seulement 8 p. 100 au Brdsil ou ~t l'~le Maurice. A l'inverse, les maladies infectieuses et parasitaires ne reprdsentent qu ' l p. 100 des d6cbs en France alors qu'elles en reprd- sentent 6 p. 100 ~ File Maurice et 9 p. 100 au Brdsil. Une partie de ces diffdrences s'explique par la struc- ture d'gge des populations. D 'une fagon gdndrale, plus une population est figde, plus l ' importance du cancer, qui touche surtout les adultes, apparait grande. Mais

Ce tex te est ba s6 sur u n r a p p o r t p rdsent6 le 13 j u i n 1986 /t B o r d e a u x , lo rs de l a sdance << M i g r a t i o n s et P a t h o l o g i e >> d u X I V e C o n g r d s de la Socidt6 n a t i o n a l e f ran~a ise de mddec ine in te rne .

* Unitd d'dpiddmiologie analytique, Centre international de Recherche sur le cancer, 150 cours Albert-Thomas, 69372 Lyon Cedex 08

Tirds h part : Dr A.J. Sasco, adresse ci-dessus*.

mdme aprds correction pour le facteur pyramide des ages par standardisation sur l'fige, les taux de morta- lit6 (1) des diffdrents cancers varient trds largement d 'un pays ~ un autre, d 'une rdgion du monde & une autre. Face 5 cette constatation, la vigilance s'impose. Certes, une diffdrence entre les taux de mortalit6 peut indiquer une diffdrence rdelle de survenue de la maladie, mais aussi des diffdrences de survie ou d'effi- cacit6 thdrapeutique, sans parler de toutes les diffdren- ces qui peuvent rdsulter de la fa~on de remplir les certificats de ddc~s et de coder les causes de ddcds.

Lors de la comparaison des statistiques d'incidence (2), en principe, les biais lids aux diffdrences de moda- lit6 thdrapeutique et de certification de ddcds sont dli- minds, mais d'autres surgissent. Les systdmes de notification des maladies sont varids. Dans le cadre des cancers, les registres du cancer s'efforcent de fonction- her de fa~on relativement similaire afin d'assurer une uniformit6 de prdsentation de leurs statistiques. Ndan- moins, marne avec un systdme unifid, toute comparai- son devra s 'efforcer d'6tre aussi prdcise que possible. Par exemple, des taux semblables d 'un caficer peuvent dans diffdrents pays correspondre ~ des types histolo- giques dont la distribution diffdre.

Face ~t une diffdrence rdelle de survenue d 'une mala- die, une difficult6 subsiste : comment ddterminer les rdles spdcifiques jouds par le terrain gdndtique et les facteurs de l 'environnement dans l'dtiologie des can- cers ? C'est l'existence mdme de cette question qui per- met de comprendre l'intdrdt particulier que prdsente l 'dtude des populations migrantes.

Plutdt que de prdsenter une revue exhaustive des dtu- des sur migrations et cancer, avec de nombreux chif- fres et tableaux, nous avons choisi de montrer h partir de deux exemples, comment l 'approche 6piddmiologi- que appliqude ~ l 'dtude des cancers dans les popula- tions migrantes peut suggdrer des hypotheses 6tiologiques et donc nous aider dans la recherche des facteurs de risque et dventuellement des causes des cancers.

Epiddmiologie et 6tudes de Migration De multiples ddfinitions de l'dpiddmiologie ont dtd

proposdes (3). La plus simple et la plus compldte est celle ddcrivant l'dpiddmiologie comme la science de la

Recu le 9-1-1987 = Renvoi pour correction le 19-6-1987 Acceptation ddfinitive le 25-11-t988

Page 2: Migrations et cancers

342 A.J. Sasco La Revue de MOdeeine Interne Juillet-Ao~t 1989

survenue des 6tats pathologiques. L 'dpid6miologie s'intdresse aussi bien aux maladies (morbus) quelle que soit leur 6tiologie, qu 'aux handicaps (v i t ium) et son champ d '6tude peut 6galement recouvrir ces deux ~ extremes ~ de la pathologie que repr6sentent la sant6 (distribution des param6tres physiologiques) et la mort (causes de mortalit6). L '6piddmiologie va donc s 'a t ta- chef / t d6crire l '6tat de sant6 ou de maladie des popu- lations mais aussi s 'e f forcer de d6terminer ce qui va provoquer le passage de l '6tat de non-maladie/~ celui de maladie , c'est-fi-dire 6tudier et d6finir les facteurs de risque d 'une maladie donn6e.

Cette recherche des causes des maladies est l 'objec- t i f l e plus passionnant de l '6piddmiologie. I1 s 'agit d 'une pr6occupation ancienne puisque d6j~t Hippocrate soulignait l ' impor tance de l ' environnement dans le ddclenchement et le d6roulement des maladies. Plus pr6s de nous, l '6piddmiologie s 'est d ' a b o r d int6ress6e essentiellement aux maladies infectieuses. Depuis une quarantaine d'ann6es, l '6piddmiologie des maladies chroniques - - cancer, maladies cardiovasculaires et neurologiques - - s 'est ~t s o n tour d6velopp6e. La recherche des causes s'av~re 1/~ plus complexe. En effet, il faut de nombreuses ann6es - - dix, vingt arts ou plus - - pour qu 'une maladie chronique apparaisse et elle est le plus souvent le r6sultat de plusieurs facteurs qui, au fil des anndes, ont conjugu6 leurs actions pour fina- lement produire la maladie.

Certaines interactions, comme celles existant entre le terrain g6ndtique et l 'ensemble des facteurs d 'envi- ronnement , en particulier darts l 'enfance, paraissent difficiles/t s6parer, voire inextricables. C'est 1/~ que les 6tudes de migrat ion vont prdsenter un intdrat particu- lier car les sujets qui 6migrent emportent leur patri- moine gdndtique, mais le lieu dates lequel ils vont vivre et tout leur environnement vont se modif ier .

Les 6tudes de migrat ion permettent ainsi de discer- ner des facteurs de risque, spdcifiques/~ un nouvel envi- ronnement, que les migrants vont subir alors que ceux rest6s au pays d 'or igine ne les subissent pas. Le soleil qui peut favoriser les mdlanomes chez les sujets de race blanche/ t peau claire qui 6migrent en Australie, est un exemple d 'un tel risque. De fagon plus g6n6rale, les 6tu- des de migrat ion permettent de s6parer dans une cer- taine mesure les facteurs gdn6tiques non modifi6s par la migrat ion et les facteurs d 'envi ronnement qui, eux, vont ~tre modifi6s de fagon plus ou moins impor tante par la migrat ion (tabagisme r6sultant d ' un environne- ment social plus permissif, alimentation non tradition- helle, vie reproductive modifi6e).

L 'acquis i t ion de ces nouveaux modes de vie se fera d 'a i l leurs de fagon progressive, au fil des g6n6rations successives et/~ une vitesse variable en fonction du pays d 'origine et du pays d'accueil. Si des donn6es suffisam- ment pr6cises existent, les 6tudes de migrat ion permet- tent de mieux d6finir l '~ge et le lieu auxquels opbrent les facteurs 6tiologiques. Par exemple, les 6tudes rda- lisdes sur le m61anome darts les populat ions ayant 6mi- gr6 en Austral ie ont montr6 que c 'est surtout l 'exposi t ion au soleil au cours de l 'enfance et de l ' ado- lescence qui joue un r61e dans l ' appar i t ion de ce can-

cer. Enfin, les 6tudes de migrat ion permettent parfois de soup~onner ou de tester des hypoth6ses 6tiologiques pr6cises.

Malheureusement, ces ~tudes prdsentent des difficul- t6s dont l ' impor tance d6pend du contexte sp6cifique et de la p6riode consid6r6e. Pour certaines populations, l ' immigra t ion ill6gale ne permet pas de conna~tre avec sfiret6 les populat ions en fonct ion de leur origine eth- nique, rendant difficile toute 6valuation d 'un taux d 'une matadie dans une popula t ion donnde. Ce pro- blbme se pose en particulier pour les populations d 'or i- gine d 'Amdrique Centrale ou des Carai~oes migrant vers les Etats-Unis, ou en France pour les populat ions d 'Af r ique du Nord. Lorsque l ' in format ion sur l 'or i - gine ethnique n'est pas disponible, certains auteurs ont classifi6 les individus en fonct ion de la consonnance du nom patronymique. Outre le probl6me rencontr6 pour les femmes qui prennent le nom de leur mari au moment du mariage, et les possibilit6s multiples d 'er reur de classification, une telle approche n 'est pas utilisable dans les pays o/1 le caract6re anonyme de cer- taines donndes, comme la part ie mddicale des certifi- cats de ddcbs, doit atre respect& Les probl6mes de confidentialit6 se posent d 'a i l leurs de fagon de plus en plus aigua, et demander g un sujet son origine ethni- que e t /ou l 'his toire d '6migrat ion de ses ancatres n 'es t pas toujours ais6 et peut parfois ~tre ill~gal. Au-delg des difficult6s ldgales et administratives, les populations migrantes peuvent manifester une certaine r6ticence 5 part iciper g des enqu~tes 6pid~miologiques pour des raisons de mauvaise ma~trise de la langue du pays d 'accueil ou l 'existence d 'obstacles culturels.

Un autre probl6me est repr6sent6 par le ph6nom6ne d'auto-s61ection des migrants. Ce n 'est pas un 6chan- t i l lon al6atoire de la popula t ion qui 6migre, mais une fraction qui diff6re de la populat ion gdn6rale, avec une sur-repr6sentation des adultes jeunes, de sexe mascu- lin et en bonne sant6. Ces trois consid6rations 5 elles seules peuvent ~tre responsables d 'une exp6rience de la maladie diff6rente de celle de la popula t ion rest6e dans le pays d 'or igine.

De multiples 6tudes de migrat ion ont 6t6 r~alis~es, portant sur de nombreuses populations et sur plusieurs types de maladie. Notre but n 'es t pas d ' en faire une revue exhaustive, d 'ai l leurs fort bien r6alis6e, notam- ment dans le domaine du cancer par Haenszel (4) mais plut6t d ' i l lustrer de fagon critique par des 6tudes de la popula t ion chinoise l ' influence de la migrat ion sur deux cancers, le cancer du sein et le cancer du rhino- pharynx. Le choix de ces deux cancers est bas6 sur deux ordres de consid6ration : d 'une part , la comparaison de ces cancers dans le pays d 'or ig ine et dans le pays d 'accueil fournit le contraste entre des zones/L tr6s bas risque et des zones/ t haut risque, et d 'au t re part , l 'un, le cancer du sein, peut atre considdr6 comme un can- cer ~ moderne )~ li6 ~t un mode de vie de type occiden- tal (5), alors que l 'autre , le cancer du rhinopharynx, est ~ l ' inverse un cancer ~ t radi t ionnel )), caract6risti- que de la socidt6 de la Chine du Sud-Est, e t / t un degr6 moindre, rencontr6 en Afr ique du Nord et chez les Esquimaux. La migration de la populat ion chinoise de

Page 3: Migrations et cancers

Tome X Migrations et cancers 343 Num~ro 4

Chine vers les Etats-Unis va s 'accompagner au fil des g6n6rations d 'une augmentation du cancer du sein et d 'une diminution du cancer du rhinopharynx (6).

Cancer du Sein et migrations

Facteurs de risque Les facteurs 6tiologiques connus (tableau I) concer-

nent essentiellement la vie reproductive (5, 7) avec un risque accru associ6 ~t un fige tardif ~ la premiere gros- sesse ou h l 'absence de grossesse, ~ l'existence de cycles anovulatoires, d 'une pubert6 pr6coce et d 'une m6no- pause tardive. De plus, un facteur familial existe, avec un risque accru chez les filles ou soeurs de cas de can- cer du sein. L'alimentation pourrait jouer un r61e, mais les m6canismes pr6cis ne sont pas 61ucid6s. Enfin, les radiations ont 6t6 mises en cause (radiations /t dose importante, par exemple pour contrbles radioscopiques des traitements antituberculeux dans les ann6es 1940-1950), avec un effet diff6rent en fonction de l'fige au moment de l ' irradiation. Une hypoth~se qui pour- rait unifier en pattie ces facteurs de risque est une hypo- th~se hormonale (8-16) (tableau II). Des 6tudes pr6c6dentes, effectu6es surtout sur des Japonaises et des Britanniques, ont montr6 que les populations ayant un taux 61ev6 de cancer du sein ont en g6n6ral un rap-

port oestriol/oestrone + oestradiol bas (8, 9) et des oestrog~nes libres 61ev6s (17). Ce type de contraste existe 6galement entre les populations du nord de l 'Europe et celles du sud (9). Des 6tudes visant ~ 6va- luer le profil hormonal des adolescentes ont 6galement montr6 en phase lut6ale des taux plasmatiques plus 61e- v6s d 'oestrone et d'oestradiol chez les adolescentes japonaises que chez les adolescentes britanniques (18). Les sujets ~ risque de cancer du sein pour des raisons familiales ou de pathologie b6nigne du sein ont en g6n6- ral une progest6rone basse (en pr6m6nopause) et un taux de testost6rone augment6 (13, 19).

Dis tr ibut ion gdographique

Le cancer du sein est dans nos populations l 'un des cancers les plus fr6quents chez la femme. L'incidence cumul6e qui repr6sente le risque de d6velopper un can- cer du sein au cours de la vie pr6sente de larges varia- tions dans le monde, de l 'ordre de 1 A 10 (tableau III). Les femmes ayant le plus haut risque, 10 p. 100, sont les Am6ricaines de race blanche. Les femmes ayant le taux le plus bas sont les Africaines de Dakar, avec une incidence cumul6e ~ peine sup6rieure A 1 p. 100. Les Chinoises de R6publique Populaire de Chine comme la plupart des populations d'ExtrSme-Orient repr6sen-

Tableau I

FACTEURS DE RISQUE POUR LE CANCER DU SEIN CHEZ LA FEMME (d'apres Kelsey, 1979) (5)

Valeur Variable Risque 61ev6 du risque

Age Pays de r6sidence Niveau socio-@conomique Etat civil Lieu de r6sidence Race

Age & la 1are naissance vivante Constitution physique Puberte M6nopause

Histoire familiale de cancer du sein bilat@al pr6m6- nopausal Cancer du sein chez la m6re etlou une soeur Ant6c6dent de pathologie mammaire b6nigne Ant~c~cent de cancer primitif de I'ovaire ou de I'endom6tre

Radiations

Alimentation Traitement antihypertenseur Teintures pour cheveux

Augmentation r6guli@re du risque avec I'@tge Am6rique du nord, Europe du nord Elev6 C61ibataire Urbain Blanche

Apr6s 30 ans Obesit6 (surtout apres ia menopause) Pr@coce Tardive

Histoire positive Au moins 1 cas Maladie fibrocystique, anomalies mammographiques

Histoire positive

En particulier en phase d'activit6 mammaire intense (pubert6, allaitement) : Riche en graisses et pauvre en fruits et 16gumes Traitement par la r6serpine Utilisation fr6quente

A A B C C C

B B C C

A B B

B C C(?) C(?)

A : risque relatif sup@ieur & 4 B : risque relatif compris entre 2 et 4 C : risque relatif compris entre 1 et 2 (?) : risque non retrouv~ de fagon constante

Page 4: Migrations et cancers

344 A.J. Sasco La Revue de M#decine Interne Juillet-Aoat 1989

Tableau II PRINClPALES HYPOTHI~SES ETIQLQGIQUES HORMONALES POUR LE CANCER DU SEIN

Auteur(s) Hypoth6se (R6f6rence) Description de I'hypoth6se

,, Oestriol ratio ,,

Oestrone

Oestrog6nes libres

Progest6rone

Androg~nes

Prolactine

MacMahon (8, 9)

Kirschner (1 O)

Bulbrook, Moore (11)

Sherman, Secreto (12, 13)

Grattarola, Secreto (13, 14)

Rose (15, 16)

Oestriol (E3) Oestriol ratio =

Oestrone (E,) + oestradiol (E2)

Rapport 61ev6 associ~ avec un risque bas (comparaison des niveaux urinaires dans des populations a risque different).

R61e important surtout darts les ann6es suivant la pubert&

Taux 61ev6 associ~ avec un risque augment6. L'oestrone est la principale forme circulante des oestrog6nes en

postm6nopause. La transformation d'androst6nedione en oestrone se passe essentielle-

ment au niveau du tissu adipeux (r61e de I'ob6sit6).

Niveau 61ev~ d'oestradiol libre associe & un risque augment& Modification d'affinite de I'oestradiol pour I'albumine et la SHBG

(sex hormon binding globulin).

Taux bas associ6 & un risque ~lev6. Oestrog6nes non oppos6s R61e uniquement en pr~m6nopause

Augmentations de la testosterone et de I'androstenedione li@es au risque.

Taux plus elev6 chez les cas de cancer du sein. Niveau plus 61ev~ de la prolactine bioactive chez les femmes & risque

familial de cancer du sein.

tent 6galement une population ~t risque bas (Chang- Ha l : 2 ,2p . 100; Osaka : 1,4p. 100; Nagasaki: 2,4 p. 100) alors que les Chinoises de Hong-Kong pas- sent/~ 3,5 p. 100 et les Chinoises r6sidant aux Etats- Unis & 6,5 p. 100 (2). A l'int6rieur m~me de la Chine, il semble exister des diff6rences r6gionales, et les taux les plus 61ev6s se rencontrent surtout dans les grandes

Tableau III INCIDENCE CUMULI~E (0-74 ans)

(femmes) du cancer du sein (d'apr6s Waterhouse et al., 1982) (2)

Etats-Unis, Hawaii, Blanches Etats-Unis, Los Angeles, Blanches Grande-Bretagne, Oxford France, Doubs Etats-Unis, Los Angeles, Chinoises Hong Kong Singapour, Chinoises R6p. Pop. de Chine, ChangHai S6n6gal, Dakar

10,0 O/o 9,6 o/o

6,5 % 6,5o/0 5,1 o/o 3,5% 2,4 % 2,2 o/o 1,3O/o

villes (Beijing, ChangHai, Guangzhou ou Can- ton) (20). Une partie de ces diff6rences peut n6anmoins correspondre davantage & des diff6rences d'enregistre- ment de la maladie qu'& des diff6rences r6elles.

Var ia t ions li~es ?t la m i g r a t i o n

Des 6tudes de migration faites pr6c6demment ont montr6 une augmentation du risque de cancer du sein pour les femmes d'origine japonaise migrant du Japon vers Hawaii et vers les Etats-Unis d'Am6rique qui n'appara~t qu'& la troisi~me g6n6ration (21, 22) alors que cet effet se retrouve d6s la deuxi6me g6n6ration pour les immigrants venus d 'Europe (4, 6). Cette dif- f6rence peut traduire une adoption plus rapide et plus totale d 'un nouveau mode de vie chez les Europ6en- nes, alors que les Japonaises essaient de maintenir une vie plus traditionnelle. Si l 'on examine de plus pr6s ce qui se passe dans les populations chinoises et am6ri- caines (fig. 1), on voit que l'incidence la plus basse cor- respond aux femmes chinoises de ChangHai en R6publique Populaire de Chine, la plus haute aux fem- mes blanches des Etats;Unis d'Am6rique. Les femmes chinoises r6sidant aux Etats-Unis se situent en position interm6diaire, avec des diff6rences notables en fonc-

Page 5: Migrations et cancers

T o m e X Migra t ions et cancers 345 N u m d r o 4

400 - --

300

=~ 200

i00

20

0

0 0 • 0 •

San Francisco (EUA),Blanches

San Francisco (EUA),Chinoises

Los Angeles (EUA), Chinoises

Hong Kong, Chinoises 1 Chang-Hai (RPC), Chinoises /

::

• /k *

/ t Ix" \ •* / \

i ~"~" .'/ \3 J' / .i."'"......

1 I ] . ' , . - / . / • e • /.--.

I ° °/" / • . / " .° . ." .°

r • / , , . . , . . .. %%

• e•t ¢:.

l l I l I I ,l

15 25 35 45 55 65 75

Age

Fig. 1

Taux d'incidence sp6cifique par flge pour le cancer du sein dans diffdrents groupes de population (d'apr~s Waterhouse et al. 1982) (2).

tion de l'fige. Les femmes les plus fig6es, en majorit6 n6es hors des I~tats-Unis, ont un taux de cancer plus bas que les blanches, alors que les femmes plus jeu- nes, n6es en majorit6 aux I~tats-Unis, ont un taux qui devient semblable fl celui des blanches. Les femmes chi- noises de Hong-Kong ont des taux interm6diaires entre ceux des Chinoises de Chine et des Chinoises r6sidant aux Etats-Unis.

Le Centre international de Recherche sur le cancer effectue en ce moment une dtude multicentrique, en R6publique Populaire de Chine, fl Guangzhou, zone fl haut risque pour la Chine mais encore risque tr6s bas fl l'6chelle mondiale, chez les femmes chinoises de New York aux I~tats-Unis et chez les femmes blanches de New York. Cette 6tude de type cas-t6moin utilise un protocole identique pour les trois populations concer- n6es ; en particulier le questionnaire utilis6 a 6t~ con~u en vue de son application dans un contexte pluri- culturel et pluri-ethnique et les d6terminations biolo- giques et hormonales seront faites de fagon centrali- s6e et/t l 'aveugle, c'est-h-dire que tes endocrinologues

ne connaitront ni l 'origine ethno-g6ographique des 6chantillons, ni si le pr616vement vient d 'un cas ou d 'un t6moin. Cette 6tude limit6e aux femmes non encore m6nopaus6es 6valuera le r61e des facteurs de la vie reproductive (qui, notons-le en passant, ont chang6 de fa~on drastique en Chine au cours des trente derni6- res ann6es), les profils hormonaux et l 'alimentation (alimentation traditionnelle et alimentation de type occidental). Cette 6tude s'efforcera 6galement de d6ter- miner pour les femmes chinoises avec le plus de pr6ci- sion possible t ' importance du lieu de naissance (Chine, Asie du Sud-Est et I~tats-Unis d'Am6rique), toute l'his- toire d'6migration, notamment l'~ge au moment de l '6migration (avec pr6cision de la p6riode pr6 ou post- pubertaire) et la g6n6ration par rapport fl la migration.

Ceci nous permettra de d6terminer de faqon exacte l 'influence de la migration sur le risque de cancer du sein mais aussi, par la comparaison des sujets sains indemnes de cancer dans les deux populations chinoi- ses, l ' influence de la migration sur le profil hormonal des femmes.

Cancer du Rhinopharynx et migrations

Facteurs de risque Les facteurs ~tiologiques soup~onn6s de jouer un r61e

dans le cancer du rhinopharynx appartiennent fl dif- f6rentes cat6gories, puisque des facteurs g6n6tiques, virologiques, alimentaires et d 'environnement profes- sionnel et gdndral ont 6t6 invoqu6s (23). Aetuellement, le facteur de risque qui semble le plus important est repr6sent6 par l'alimentation (24). C'est en effet fl Puff- lisation de poisson sdch6 darts l 'alimentation et plus particuli6rement dans le r6gime alimentaire de l ' en fam qu'ont pu 8tre rattachds les risques les plus 61ev6s. C'est Ho qui, le premier, a soulev6 la question du risque lid fl l 'utilisation r6guli6re de poisson s6ch6 et conserv6 dans le sel pour la survenue du cancer du rhinopharynx (25). Cet aliment correspond en effet fl l 'un des mets favoris des Chinois du sud et repr6sente l 'un des pre- miers aliments solides donnds aux enfants au moment du sevrage. Des nitrosamines en quantit6 importante ont 6t6 retrouvdes darts ces poissons (26-28). Le pois- son s6ch6 cantonnais a donc 6t6 utilis6 pour des 6tu- des exp6rimentales chez l 'animal. Vingt rats fig6s de 1 mois ont 6t6 nourris avec du poisson sdch6 cuit ~t la vapeur et avec de la soupe fl base de tates de poisson sdch6. Trois de ces rats ont d6velopp6 un cancer des cavitds nasales ou des sinus apr6s 12 fl 24 mois de rdgime alimentaire exp6rimental. Par contre, aucun des rats t6moins n ' a d6velopp6 ce type de tumeur. I1 existe ndanmoins une sp6cificit6 d'esp6ce ; des hamsters dor6s soumis au marne rdgime alimentaire n ' on t pas eu de tumeur (29).

Les r6sultats de ces 6tudes exp6rimentales et d 'analyse des aliments ont montr6 la n6cessit6 d'6tu- des 6pid6miologiques 6valuant le r61e du poisson sal6 dans l'alimentation. Plusieurs 6tudes cas-t6moins n 'ont pas mis en 6vidence de diffdrence significative dans l'utilisation de poisson s6ch6 mesur6e au moment de l'6tude, c'est-~-dire fl l'fige adulte. Ces 6tudes ont 6t6

Page 6: Migrations et cancers

346 A.J. Sasco La Revue de MOdecine Interne Juillet-Ao~t 1989

r6alis6es/i Hong-Kong (30), en Malaisie (31) et en Cali- fornie (32). Par contre, l'utilisation de poisson sal6 au moment du sevrage et dans l 'enfance a 6t6 associ6e/~ un risque 61ev6 de cancer du rhinopharynx. Un risque relatif de 2,6 a 6t6 retrouv6 h Hong-Kong (30). Plus rdcemment, une 6tude cas-tdmoin effectu6e en Malai- sie a confirm6 un risque relatif de 3 pour la consom- marion de poisson sal6 dans l 'enfance et la fr6quence journali6re d'utilisation de ce poisson dans l 'enfance est associ6e A un risque relatif sup6rieur ~ 17 (33). Une nouvelle 6tude cas-t6moin rdalisde A Hong-Kong sur des sujets fig6s de moins de 35 ans a 6galement trouv6 un risque accru pour l'utilisation de poisson sal6, avec un effet particuli6rement marqu6 dans l 'enfance (34).

En dehors de l 'alimentation, d 'autres facteurs ont 6galement 6t6 impliqu6s. Le virus d'Epstein-Barr (EBV) a 6t6 ainsi mis en cause. La pr6sence de s6quences d ' A D N de ce virus au sein de biopsies de cancer du rhinopharynx a 6t6 d6crite pour la premi6re fois en 1970 (35). La comparaison de biopsies de cancer du rhino- pharynx en provenance de diverses r6gions du monde caract6ris6es par des taux d'incidence diff6rents pour ce type de tumeur a montr6 que l 'association du virus avec les cellules 6pith61iales tumorales 6tait relativement constante (36). Bien que le virus d'Epstein-Barr soit ubiquitaire, des diff6rences importantes existent, aussi bien en ce qui concerne l'~ge ~ la primo-infection que les niveaux d'anticorps dirig6s contre le virus (37, 38). La s6rologie EBV est utilis6e comme aide au diagnos- tic du cancer du rhinopharynx, ainsi que pour la sur- veillance et le pronostic des sujets trait6s (39, 40). Cette

s6rologie a 6galement ~t6 propos6e pour le d6pistage pr6coce de la tumeur (41, 42) mais si les premiers r6sul- tats paraissent encourageants, une 6valuation rigou- reuse de l'efficacit6 de ce d6pistage sur la mortalit6 n ' a pas encore 6t6 effectu6e.

L'exposition dans le milieu professionnel & des fum6es, des poussi6res et des produits chimiques a 6t6 reconnue comme facteur de risque dans plusieurs 6tu- des cas-t6moins (32, 33, 43). L'exposition sur le lieu d 'habitat ion aux fum6es des fours/~ bois a 6t6 incri- min6e en Malaisie (31). Cependant, la frdquence plus 61ev6e de la maladie chez les hommes que chez les fem- rues et le risque important pour certains groupes de populations de Hong-Kong qui vivent sur des bateaux et cuisinent dehors vont/~ l 'encontre de cette hypothbse (25). Dis tr ibut ion g~ographique

La figure 2 montre, sur la carte du monde, les zones haut risque de cancer du rhinopharynx, avec indica-

tion des taux d'incidence standardis6s pour l'~ge pour les sujets de sexe masculin. La zone off le risque est le plus 61ev6 est la r6gion sud-est de la R6publique Populaire de Chine autour de la ville de Canton, avec un taux d'incidence de 30 cas pour 100 000 personnes- ann6es. Les populations chinoises hors de Chine gar- dent un taux 61ev6 : 20/100 000/t Singapour (23) et encore 10/100 000/l San Francisco ou Los Angeles (2). D'autres groupes ethniques pr6sentent un risque 61ev6 de cancer du rhinopharynx, mais inf6rieur ~ celui des Chinois cantonais, et ce sont les populations du Magh-

Esquimaux du Groenland

Esquimaux i Alaska ( 15 / I00. 000 ) Indiens } Canada ~ o | _ o ~ ~ _ ~°

" ' ~ - ~ ~ I ~ ~"(/(0,~/100(0~6) (0,11100.000) l-~k~'~

/ Maghreb ~_r..%~-~ %~hinois . . . . ~ ~ (10/100>000) ~ ~ J 0 Cantonais ~nxnols o4~o1~ ~q~o ( ~'" k\ "~ ~q ~ "~ (301100.000) man Yranclsco~vL. ~o / k k . J " h f ~ .%~. Los Angeles ~A~/~-x k ~ ~ ~ ~'~ , 0 000oo -)- /

L ~-~ l [ Chinois de ~;~o" k~ "'. \ / I ! d Singapour ~ " 1 / t.s "o' oo.ooo' c_,)

.f l:ig. 2

Zones ~ haut risque de cancer du rhinopharynx (avec indication pour lee hommes des taux d'incidence standardis6s pour l'fige).

Page 7: Migrations et cancers

Tome X Migrations et cancers 347 Numdro 4

feb et les populat ions esquimaudes du Groenland ou de l 'Alaska . Par contre, les populat ions blanches du nord de l 'Europe ont des taux tr6s bas, de l ' o rd re de 0,1 cas/100 000. La France a un taux de 1/100 000, vraisemblablement expliqu6 en partie par la popula- tion originaire du Maghreb (2). De fagon analogue, une 6tude rdalis6e en Israel a montr6 que l 'incidence du can- cer du rh inopharynx n '6tai t 61evde que chez les sujets n6s en Afr ique du Nord (44).

A l ' int6rieur m~me de la Chine, seules les rdgions du sud-est ont des taux impor tants de cancer du rhi- nopharynx, et ceci est vrai aussi bien pour les horn- rues que pour les femmes (19). C'est dans la province de Guangdong, autour de Guangzhou (ou Canton) que la mortalit6 par cancer du rhinopharynx est la plus 61e- v6e, ainsi que dans les rdgions l imitrophes, comme la rdgion autonome du Guang-Xi, autour de Wuzhou. Le risque de la maladie semble d 'ai l leurs suivre non seu- lement des limites gdographiques mais peut-~tre encore plus ethniques. C'est ainsi que dans la rdgion autonome du Guang-Xi o/1 plusieurs minoritds nationales coha- bitent, le cancer du rh inopharynx est plus 61ev6 chez les Hans que chez les Yaos ou les Zhuans. L ' impor - tance de l 'ethnicit6 et des facteurs culturels se retrouve d 'ai l leurs hors de Chine. Les Chinois d 'or igine canto- naise ont un risque plus 61ev6 que les Chinois venant d 'aut res provinces / t Hong-Kong (25), Singapour (45) ou aux Etats-Unis d 'Am6rique .

Alors que le rapport homme/femme pour l 'incidence du cancer du rh inopharynx est 5 peu pr6s de 2/1 dans diverses rdgions du monde, la distr ibution par age des cas diff6re en fonction des zones de risque. A Hong- Kong, le taux d ' incidence augmente ~t part i r d ' un taux de 6 cas pour 100 000 personnes-anndes chez les horn- rues de 20 ans jusqu'~t un maximum de 98 pour 100 000 pour le groupe d'~ge 50-55 ans, avant de diminuer pour les hommes plus ~gds (2). Darts les pays du Maghreb, la courbe du taux d ' incidence sp6cifique par fige pr6- sente un premier pic au moment de l 'adolescence. En Tunisie, le pourcentage des cas survenus chez les ado- lescents est de l ' o rdre de 15/t 20 p. 100 (46). Au Sou-

dan, des cas ont 6galement dt6 ddcrits chez les enfants et les adolescents (47).

Variations li~es glla migration

I1 s 'agi t l / t , / l l ' inverse du cancer du sein, d ' un can- cer qui a pu 8tre qualifi6 de cancer de la civilisation tradit ionnelle et qui diminue avec la migrat ion du pays d 'or igine vers les pays occidentaux. L ' inf luence de la migrat ion sur le cancer du rh inopharynx a dt6 6tudide surtout chez les Chinois (6) 6migrant vers les t~tats-Unis d 'Am6rique . Ces 6tudes, por tant soit sur l ' incidence du cancer (48), soit sur la mortalit6 (6, 49, 50) ont mon- tr6 un risque beaucoup plus considerable pour les Chi- nois nds aux I~tats-Unis d 'Amdrique que pour les blancs mais ce risque est quand m~me infdrieur de moi t i6 / t celui des Chinois vivant aux l~tats-Unis d 'Amdrique mais nds au sud-est asiatique. Ceci tendrait & souligner l ' importance de l 'environnement au cours de l 'enfance. De faqon analogue, la France pourra i t servir de zone d '6tude avec son taux faible et la possibilit6 d '6tudier la maladie , en particulier chez les sujets originaires d 'Af r ique du Nord, afin de ddterminer le r61e de l'~tge au moment de la migration et de la g6ndration par rap- por t & la migrat ion.

Comme l ' i l lustrent les exemples pr6sentds dans cet article, les 6tudes de migrat ion sont potentiel lement riches de donndes importantes pour la recherche des facteurs 6tiologiques du cancer, mais elles sont 6gale- ment difficiles/t r6aliser et ndcessitent des moyens rela- t ivement impor t an t s et sur tou t l ' i nd i spensab le coopdrat ion de nombreuses 6quipes. Permet tant de sdparer au moins en par t ie les r61es respectifs du patri- moine g6ndtique et des facteurs de l ' environnement dans la gen6se des maladies chroniques, comme le can- cer, les 6tudes de migrat ion repr6sentent un outil 6pi- ddmiologique difficilement remplagable, et il est souhaitable que de telles 6tudes se poursuivent et se ddveloppent.

BIBLIOGRAPHIE

1. Organisation Mondiale de la Sant6. Annuaire de Statistiques Sanitai- res Mondiales. Gen6ve : Organisation Mondiale de la Sant6 1985.

2. Waterhouse J, Muir C, Shanmugaratnam K, Powell J (eds). Cancer Incidence in Five Continents. Vol IV. IARC Sci Pub N ° 42. Lyon : Centre International de Recherche sur le Cancer, 1982.

3. Lilieufeld DE, Lilienfeld AM. Epidemiology ; a retrospective study. Am J Epidemiol 1977 ; 106 : 445-59.

4. Haenszel W. Migrant studies. In : Schottenfeld D, Fraumeni JF (eds). Cancer Epidemiology and Prevention. Philadelphia : WB Saunders Co, 1982: 194-207.

5. Kelsey JL. A review of the epidemiology of human breast cancer. Epidemiol Rev 1979 ; 1 : 74-109.

6. King H, Haenszel W. Cancer mortality among foreign- and native- born Chinese in the United States. J Chronic Dis 1973 ; 26 : 623-46.

7. MacMahon B, Cole P, Brown J. Etiology of human breast cancer : A review. J Natl Cancer Inst 1973 ; 50 : 21-42.

8. MacMahon B, Cole P, Brown JB et at. Urine estrogen profiles of Asi- an and North American women. Int J Cancer 1974 ; 14 : 161-7.

9. MacMahon B, Andersen AP, Brown Je t al. Urine estrogen profiles in European countries with tow or high breast cancer rates. Eur J Cancer 1980 ; 16 : 1627-32.

10. Kirschner MA, Cohen FB, Ryan C. Androgen-estrogen production rates in postmenopausal women with breast cancer. Cancer Res 1978 ; 38 : 4029-35.

11. Bulbrook RD, Moore JW, Wang DY, Clark GMG. Oestrogens and the etiology and clinical course of breast cancer. In : B6rzs6nyi M, Day NE, Lapis K, Yamasaki H (eds). Models, Mechanisms and Etiol- ogy of Tumour Promotion. IARC Sci Pub N ° 56. Lyon : Centre In- ternational de Recherche sur le Cancer, 1984 : 385-95.

12. Sherman BM, Korenman SG. Inadequate corpus luteum function : A pathophysiological interpretation of human breast cancer epidemi- ology. Cancer 1974 ; 33 : 1306-12.

13. Secreto G, Recchione C, Fariselli G, Di Pietro S. High testosterone and low progesterone circulating levels in premenopausal patients with hyperplasia and cancer of the breast. Cancer Res 1984 ; 44 : 841-4.

Page 8: Migrations et cancers

348 A.J. Sasco La Revue de Mddecine Interne Juillet-Aoftt 1989

14. Grattarola R. Anovulation and increased androgenic activity as breast cancer risk in women with fibrocystic disease of the breast. Cancer Res 1978 ; 38 : 3051-4.

15. Rose DP, pruitt BT. Plasma prolactin levels in patients with breast cancer. Cancer 1981 ; 48 : 2687-91.

16. Rose DP. Bioactive prolactin and the potential for reducing breast cancer risk. Prev Med 1986 ; 15 : 99-101.

17. Moore JW, Clark GMG, Takatani O, Wakabayashi Y, Hayward JL, Bulbrook RD. Distribution of 17 beta-estradiol in the sera of normal British and Japanese women. J Natl Cancer Inst 1983 ; 71 : 749-54.

18. Bulbrook RD, Swain MC, Wang DY et al. Breast cancer in Britain and Japan : plasma oestradiol-17-beta, oestrone and progesterone, and their urinary metabolites in normal british and japanese women. Europ J Cancer 1976 ; 12 : 725-35.

19. Secreto G, Fariselti G, Bandieramonte G, Reechione C, Dati V, Di Pietro S. Androgen excretion in women with a family history of breast cancer or with epithelial hyperplasia or cancer of the breast. Eur J Cancer Clin Oncol 1983 ; 19 : 5-10.

20. Editorial Committee for the Atlas of Cancer Mortality in the Peo- ple's Republic of China. Atlas of Cancer Mortality in the People's Republic of China. China Map Press, 1979.

21. Haenszel W, Kurihara M. Studies of Japanese migrants : I. Morta- lity from cancer and other diseases among Japanese in the United Sta- tes. J Natl Cancer Inst 1968 ; 40 : 43-68.

22. Haenszel W. Cancer mortality among the foreign-born in the United States. J Natl Cancer Inst 1961 ; 26 : 37-132.

23. Shanmugaratnam K. Nasopharynx. In : Schottenfeld D, Franmeni JF (eds). Cancer Epidemiology and Prevention. Philadelphia : WB Saunders Co, 1982 : 536-53.

24. Sasco A J, Hubert A, de Th6 G. Diet and nasopharyngeal carcinoma : Epidemiologic approach to comparative dietary assessment in diffe- rent populations. In : Joossens JV, Hill M J, Geboers J (eds). Diet and Human Carcinogenesis. Excerpta Medica ICS 685. Amsterdam : Elsevier, 1985 : 63-9.

25. Ho JHC. Nasopharyngeal carcinoma. Adv Cancer Res 1972 ; 15 : 57-92.

26. Fong YY, Walsh EOF. Carcinogenic nitrosamines in Cantonese salt dried fish. Lancet 1971 ; 2 : 1032.

27. Fong YY, Chan WC. Bacterial production of di-methylnitrosamine in salted fish. Nature 1973 ; 243 : 421-2.

28. Huang DP, Ho JHC, Gough TA. Analysis for volatile nitrosamines in salt-preserved foodstuffs traditionally consumed by Southern Chi- nese. In : de Th6 G, Ito Y (eds). Nasopharyngeal carcinoma : Etio- logy and control. IARC Sci Pub N ° 20. Lyon : Centre International de Recherche sur le Cancer, 1978 : 309-14.

29. Huang DP, Ho JHC, Saw D, Teoh TB. Carcinoma of the nasal and paranasat sinuses in rats fed with Cantonese salted marine fish. In : de Th6 G, Ito Y (eds). Nasopharyngeal carcinoma : Etiology and con- trol. IARC Sci Pub N ° 20. Lyon : Centre International de Recher- che sur le Cancer, 1978 : 315-28.

30. Geser A, Charnay N, Day NE, Ho JHC, de Th6 G. Environmental factors in the etiology of nasopharyngeal carcinoma : report on a case- control study in Hong-Kong. In : de Th6 G, Ito Y (eds). Nasopharyn- geal carcinoma : Etiology and Control. IARC Sci Pub N ° 20. Lyon : Centre International de Recherche sur le Cancer, 1978 : 213-29.

31. Armstrong RW, Kannan Kutty M, Armstrong MJ. Self-specific envi- ronments associated with nasopharyngeal carcinoma in Selangor, Malaysia. Soc Sci Med 1978 ; 12D : 149-56.

32. Henderson BE, Lonie E, Soo Hoo Jing J, Buell P, Gardner MB. Risk factors associated with nasopharyngeal carcinoma. N Engl J Med 1976 ; 295:1101-6.

33. Armstrong RW, Armstrong M J, Yu MC, Henderson BE. Salted fish and inhalants as risk factors for nasopharyngeal carcinoma in Malay- sian Chinese. Cancer Res 1983 ; 43 : 2967-70.

34. Yu MC, Ho JHC, Lai SH, Henderson BE. Cantonese-style salted fish as a cause of nasopharyngeal carcinoma : report of a case-control study in Hong-Kong. Cancer Res 1986 ; 46 : 956-61.

35. Zui" Hausen H, Schulte-Holthausen H, Klein G, Henle W, Henle G, Clifford P, Santesson L. EBV-DNA in biopsies of Burkitt's tumors and anaplastic carcinomas of the nasopharynx. Nature 1970 ; 228 : 1056-8.

36. Desgranges C, Wolf H, Zur Hausen H, de Th6 G. Further studies on the detection of the Epstein-Barr viral DNA on nasopharyngeal carcinoma biopsies from different parts of the world. In : de Th6 G, Epstein MA, Zur Hausen H (eds). Oncogenesis and herpes viruses II. IARC Sci Pub N ° 11. Lyon : Centre International de Recherche sur le Cancer, 1975 : 191-3.

37. de Th6 G. Epidemiology of Epstein-Barr virus and associated disea- ses in man. In : Roizman B (ed). The herpes viruses. New York : Ple- num Publishing Corp, 1982 : 25-t03.

38. Metbye M, Ebbesen P, Levine PH, Bennike T. Early primary infec- tion and high Epstein-Barr virus antibody titers in Greenland Eski- mos at high risk for nasopharyngeal carcinoma. Int J Cancer 1984 ; 34 : 619-23.

39. Coates HL, Pearson GR, Neel HB, Weiland LH, Devine KD. An immunologic basis for detection of occult primary malignancies of the head and neck. Cancer 1978 ; 41 : 912-8.

40. Naegele RF, Champion J, Murphy S, Henle G, Henle W. Naso- pharyngeal carcinoma in American children : Epstein-Barr virus- specific antibody titers and prognosis. Int J Cancer 1982 ; 29 : 209-12.

41. Zeng Y, Zhang LG, Li HY et al. Serological mass survey for early detection of nasopharyngeal carcinoma in Wuzhou city, China. Int J Cancer 1982 ; 29 : 139-41.

42. Zeng Y, Gong CH, Jan MG, Fun Z, Zhang LG, Li HY. Detection of Epstein-Barr virus IgA/EA antibody for diagnosis of nasopharyn- geal carcinoma by immunoautoradiography. Int J Cancer 1983 ; 31 : 599-601•

43. Lin TM, Chen KP, Lin CC et al. Retrospective study on nasopharyn- geal carcinoma. J Natl Cancer Inst 1973 ; 51 : 1403-8.

44. Turgman J, Modan B, Shiloh M, Rappaport Y, Shanon E. Naso- pharyngeal cancer in a total population : selected clinical and epide- miological aspects. Br J Cancer 1977 ; 36 : 783-6.

45. Shanmugaratnam K. Variations in nasopharyngeal cancer incidence among specific Chinese communities (dialect groups) in Singapore. In : de Th6 G, Ito Y (eds). Nasopharyngeal carcinoma : Etiology and control• IARC Sci Pub N ° 20. Lyon : Centre International de Recher- che sur le Cancer, 1978 : 191-8.

46. Camoun N, Vogt-Hoerner G, Mourali N. Les tumeurs du naso- pharynx en Tunisie : 6tude anatomo-clinique de 143 observations. Tunis Med 1971 ; 49 : 131-41.

47. Hidayatalla A, Malik MOA, E1 Hadi AE, Osman AA, Hutt MSR. Studies on nasopharyngeal carcinoma in the Sudan. I. Epidemiology and aetiology. Eur J Cancer Clin Oneol 1983 ; 19 : 705-10.

48. Zippin C, Tekawa IS, Bragg KU, Watson DA, Linden G. Studies in heredity and environment in cancer of the nasopharynx. J Natl Cancer Inst 1962 ; 29 : 483-90.

49. Buell P. Nasopharynx in Chinese of California. Br J Cancer 1965 ; 19 : 459-70.

50. Buell P. Race and place in the etiology of nasopharyngeal cancer : a study based on California death certificates. Int J Cancer 1973 ; 11 : 268-72.