4
Les peptides sont très utilisés en chimie médicinale car ils présen- tent de nombreux avantages pour des utilisations in vivo par rapport aux molécules purement synthé- tiques. Comme les protéines, ils sont solubles dans les fluides biologiques et leur dégradation conduit à des acides aminés bio- compatibles, ce qui limite leur toxicité. Des peptides aux sé- quences bien choisies peuvent mimer la structure des protéines et donc reproduire des interactions moléculaires essentielles dans le vivant, entre deux protéines ou entre des protéines et l’ADN par exemple. Mimer ces interactions permet non seulement d’étudier les mécanismes du vivant mais aussi de bloquer certaines réac- tions biologiques indésirables, un point crucial pour qui veut mettre au point des médicaments inhibant ces réactions. Les peptides peuvent également piéger – ou chélater – des ions métalliques. À ce titre, ils sont donc des candidats intéressants pour mettre au point des molé- L es peptides sont des molé- cules qui ressemblent aux protéines présentes dans les organismes vivants. Ils sont constitués des mêmes briques élé- mentaires – les acides aminés –, liés entre eux par des liaisons amides primaires, dites « pepti- diques » (figure p. 40). Il existe 20 acides aminés naturels, qui diffèrent par la nature de leur chaîne latérale. Ces acides aminés donnent naissance à de très nom- breuses combinaisons, caracté- risées par la grande variété de protéines du vivant. En général, on considère que les peptides possèdent moins de 70 à 80 acides aminés quand les protéines peu- vent être beaucoup plus longues. La présence de liaisons peptidiques dans les peptides et les protéines impose des structures tridimen- sionnelles particulières, mainte- nues par de nombreuses liaisons hydrogène. Les plus communes sont les structures en hélice α et en feuillet β, mais il existe aussi des structures aléatoires sans réelle organisation tridimensionnelle. cules visant à éliminer des métaux toxiques de l’organisme. Ces com- posés modèles sont également des outils très utiles pour étudier les interactions des métaux avec les protéines, interactions qui sont à l’origine de nombreux processus biologiques vitaux ou néfastes. PIÈGES À MÉTAUX De nombreux ions métalliques essentiels sont efficacement piégés ou chélatés dans des sites bien définis de protéines (1). Certains interviennent ainsi directement dans des réactions chimiques ou biologiques nécessaires à la vie, à l’instar du fer de l’hémoglobine sur lequel se fixe l’oxygène lors du processus de respiration, quand d’autres sont nécessaires pour imposer des structures particu- lières aux protéines, comme les doigts de zinc. Tout métal, même essentiel, peut néanmoins s’avé- rer toxique si sa concentration excède les valeurs physiologiques. La concentration cellulaire en métaux est donc finement régulée Utilisés ou produits par les centrales électronucléaires, les actinides sont des radionucléides sans aucune fonction biologique connue et sont toxiques à la fois par leurs propriétés chimiques et radiologiques. C’est pourquoi les chimistes élaborent des molécules pour les piéger à l’intérieur de l’organisme et limiter ainsi leur toxicité en cas de contamination suite à une exposition accidentelle. Une des approches utilisées pour éliminer les actinides de l’organisme repose sur des peptides mimant le vivant. AVRIL 2014 BIOFUTUR 353 < 39 Mimer le vivant pour piéger les radionucléides © M. AGLIOLO/BSIP les auteurs Pascale Delangle* et Catherine Berthomieu** * Laboratoire de Reconnaissance ionique et de chimie de coordination, Université Joseph Fourier - Grenoble 1, CEA, Institut Nanoscience et Cryogénie, SCIB, UMR-E3, Grenoble ** Laboratoire des Interactions protéine métal (LIPM), CEA-Cadarache, UMR7265 CNRS, CEA, Aix-Marseille Université, Saint-Paul-lez-Durance

Mimer le vivant pour piéger les radionucléides - toxcea.fr · métalliques. À ce titre, ils sont ... sont les structures en hélice α et en feuillet β, ... de Wilson, pathologie

  • Upload
    hakiet

  • View
    214

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Les peptides sont très utilisés enchimie médicinale car ils présen-tent de nombreux avantages pourdes utilisations in vivo par rapportaux molécules purement synthé-tiques. Comme les protéines, ilssont solubles dans les fluidesbiologiques et leur dégradationconduit à des acides aminés bio-compatibles, ce qui limite leurtoxicité. Des peptides aux sé-quences bien choisies peuventmimer la structure des protéineset donc reproduire des interactionsmoléculaires essentielles dans levivant, entre deux protéines ouentre des protéines et l’ADN parexemple. Mimer ces interactionspermet non seulement d’étudierles mécanismes du vivant maisaussi de bloquer certaines réac-tions biologiques indésirables, un point crucial pour qui veutmettre au point des médicamentsinhibant ces réactions.

Les peptides peuvent égalementpiéger – ou chélater – des ionsmétalliques. À ce titre, ils sontdonc des candidats intéressantspour mettre au point des molé-

L es peptides sont des molé-cules qui ressemblent auxprotéines présentes dans

les organismes vivants. Ils sontconstitués des mêmes briques élé-mentaires – les acides aminés –,liés entre eux par des liaisonsamides primaires, dites « pepti-diques » (figure p. 40). Il existe 20 acides aminés naturels, quidiffèrent par la nature de leurchaîne latérale. Ces acides aminésdonnent naissance à de très nom-breuses combinaisons, caracté-risées par la grande variété deprotéines du vivant. En général,on considère que les peptidespossèdent moins de 70 à 80 acidesaminés quand les protéines peu-vent être beaucoup plus longues.La présence de liaisons peptidiquesdans les peptides et les protéinesimpose des structures tridimen-sionnelles particulières, mainte-nues par de nombreuses liaisonshydrogène. Les plus communessont les structures en hélice α eten feuillet β, mais il existe aussides structures aléatoires sans réelleorganisation tridimensionnelle.

cules visant à éliminer des métauxtoxiques de l’organisme. Ces com-posés modèles sont également desoutils très utiles pour étudier lesinteractions des métaux avec lesprotéines, interactions qui sont àl’origine de nombreux processusbiologiques vitaux ou néfastes.

PIÈGES À MÉTAUXDe nombreux ions métalliques

essentiels sont efficacement piégésou chélatés dans des sites biendéfinis de protéines (1). Certainsinterviennent ainsi directementdans des réactions chimiques oubiologiques nécessaires à la vie, à l’instar du fer de l’hémoglobinesur lequel se fixe l’oxygène lorsdu processus de respiration, quandd’autres sont nécessaires pourimposer des structures particu-lières aux protéines, comme lesdoigts de zinc. Tout métal, mêmeessentiel, peut néanmoins s’avé-rer toxique si sa concentrationexcède les valeurs physiologiques.La concentration cellulaire enmétaux est donc finement régulée

Utilisés ou produits par les centrales électronucléaires, les actinides sont des radionucléidessans aucune fonction biologique connue et sont toxiques à la fois par leurs propriétéschimiques et radiologiques. C’est pourquoi les chimistes élaborent des molécules pourles piéger à l’intérieur de l’organisme et limiter ainsi leur toxicité en cas de contaminationsuite à une exposition accidentelle. Une des approches utilisées pour éliminer les actinidesde l’organisme repose sur des peptides mimant le vivant.

AVRIL 2014 • BIOFUTUR 353 < 39

Mimer le vivant pour piéger les radionucléides

© M. AGLIOLO/BSIP

les auteursPascale Delangle* et Catherine Berthomieu*** Laboratoire de Reconnaissance ionique

et de chimie de coordination,Université Joseph Fourier - Grenoble 1,CEA, Institut Nanoscience et Cryogénie,SCIB, UMR-E3,Grenoble

** Laboratoire des Interactions protéine métal (LIPM),CEA-Cadarache,UMR7265 CNRS, CEA, Aix-Marseille Université,Saint-Paul-lez-Durance

39-42_dossier05_353 24/03/14 15:56 Page 39

Liaison peptidique plane

20 briques élémentairesles acides aminés

peptides - protéines

Chaîne latérale R

liant les métaux

Chaînes R « molles » Chaînes R « intermédiaires »

Chaînes R « dures »

Cu+, Ag+, Hg2+ Fe2+, Co2+, Ni2+, Cu2+, Zn2+

Na+, K+, Mg2+, Ca2+, Co3+, Fe3+

Actinides

ne liant pas les métaux

Acides aminés aliphatiques Acides aminés aromatiques

glycine (Gly)

alanine (Ala)cystéine (Cys)

méthionine (Met)

acide aspartique (Asp)

glutamine (Gln) lysine (Lys)

acide glutamique (Glu) asparagine (Asn)

tyrosine (Tyr)

histidine (His)valine (Val)

leucine (Leu)

isoleucine (IIe)

proline (Pro)

sérine (Ser)

thréonine (Thr)

phénylalanine (Phe)

dipeptide

thryptophane (Trp)

arginine (Arg)

Acides aminés polairesUn acide aminé cyclique

40 > BIOFUTUR 353 • AVRIL 2014

comme le cuivre donnent des ionsqui peuvent être classés commemou (Cu+) ou comme intermé-diaire (Cu2+). Les propriétés d’union métallique, notamment lesinteractions qu’il établit avec sonenvironnement, étant très dépen-dantes de sa nature dure, molle ou intermédiaire, il est crucial deconnaître son degré d’oxydation– sa charge – pour prédire lesinteractions privilégiées de cetélément. Les ions métalliques,chargés positivement donc plutôtdéficitaires en électrons, onttendance à s’entourer d’atomesdonneurs (bases) plutôt riches enélectrons (O, N, S…).

Globalement, les acides dursinteragissent préférentiellementavec des bases dures en formantdes liaisons électrostatiques, tandis que les ions mous ont uneplus grande affinité pour les basesmolles avec lesquelles ils formentdes liaisons covalentes. Une clas-sification similaire a été établiepour les bases ce qui permet deprédire les interactions les plusfavorables entre ions métalliqueset atomes donneurs (3). Les pro-téines interagissent avec les ionsmétalliques majoritairement parles chaînes latérales des acidesaminés de leur séquence. Les

afin d’éviter toute carence maisaussi toute surcharge qui devien-drait toxique pour l’organisme. Ceprocessus d’« homéostasie » faitintervenir des protéines de trans-port et de stockage qui permettentde contrôler les concentrations enions métalliques dans l’organisme.

Certains acides aminés possèdentdes fonctions chimiques induisantdes interactions fortes avec les mé-taux qui peuvent être décrites etprédites par la théorie des acideset bases durs et mous proposée par le chimiste américain RalphPearson en 1963 (2). Dans cettethéorie, les ions métalliques sontclassés dans trois catégories selonleurs affinités pour des atomesdonneurs définis. De petits ionspossédant un nombre élevé decharges positives comme le cal-cium (Ca2+) sont ainsi appelés « durs » parce qu’ils possèdent unecharge très concentrée sur l’ion.Par opposition, des ions métal-liques avec un rayon ionique élevéet une faible charge comme le mer-cure (Hg2+) sont appelés « mous » carleur charge est beaucoup plus dif-fuse. Il existe également des ionsmétalliques intermédiaires, commele zinc (Zn2+), qui se comportentà la fois comme des ions durs etdes ions mous. Certains éléments

acides aminés complexant les ionsmétalliques peuvent ainsi êtreclassés en fonction de leur carac-tère dur, mou ou intermédiaire(figure ci-dessus). Les ions alcalins(Na+, K+) et alcalino-terreux (Ca2+,Mg2+), très abondants dans l’or-ganisme, sont en général liés à desatomes d’oxygène durs apparte-nant aux fonctions carboxylatesdes résidus aspartate et glutamate,ou à des fonctions phénolates des résidus tyrosine, tout commel’ion ferrique (Fe3+). De même, les ions essentiels intermédiairesFe2+ et Cu2+ sont couramment liésaux atomes d’azote des résidushistidine. Enfin, des ions mouscomme Cu+ ou l’ion toxique Hg2+

sont très fortement associés auxacides aminés portant des atomesde soufre comme la cystéine et la méthionine, connues pour leurcaractère mou. Le vivant a ainsimis au point un système naturelde détoxification à travers lesmétallothionéines, de petitesprotéines dédiées à la protectiondes cellules contre les métauxtoxiques qui contiennent denombreuses cystéines desti-nées à séquestrer efficacementle Cu+ en excès ainsi que le Hg2+

ou le cadmium (Cd2+) en casd’intoxication.

©D

R

Les acides aminés, briquesélémentaires des peptideset protéines, peuvent êtreclassés en fonctionde leur capacité à lierles métaux.

>

39-42_dossier05_353 24/03/14 15:56 Page 40

»

+

ionsêtrerac-aire

alinsCa2+,’or-desrte-ates

mate,ates

mmeme,

airesliésdusous

Hg2+

auxmese et leurinsiurelles

itestionauxde

sti-mentHg2+

cas

libre est déplacé vers la forma-tion du complexe métal-peptideet plus la concentration rési-duelle en métal libre est faible. Il s’avère que ces peptides modè-les complexent très efficacementleur métal cible (KCu+ 1017) parrapport à d’autres métaux endo-gènes abondamment présentsdans les cellules comme le zinc(KZn2+ 107) (4,5). Ces propriétés dechélation ont donc conduit à envisager l’utilisation de telspeptides puis de pseudopeptidesplus riches en cystéines pour ladétoxification du cuivre chez lespatients atteints de la maladie de Wilson, pathologie génétiquerare conduisant à une surchargeen cuivre dans le foie (6). La fonc-tionnalisation de ces peptides par des unités glucidiques per-met leur internalisation dansles hépatocytes et la chélation ducuivre en excès au niveau intra-cellulaire (7,8). Ces dérivés pepti-diques sont actuellement consi-dérés comme des candidatsmédicament novateurs pour traiter la maladie.

ET LES ACTINIDES ?Les actinides n’ont aucun rôle

in vivo. La plupart de ces élémentsne sont pas naturels et ne parti-cipent donc à aucune fonctionbiologique. Ils sont, en revanche,toxiques en cas d’inhalation, d’in-gestion ou d’absorption et possè-dent une toxicité à la fois chi-mique et radiologique. Afin deprédire et de mimer leurs interac-tions avec le vivant, il faut d’abords’intéresser à leur forme chimiquein vivo. Les radionucléides commele plutonium et l’américium sontprésents dans les milieux bio-logiques, respectivement au degréd’oxydation IV et III, sous la formedes cations Pu4+ et Am3+, fortementchargés et sphériques. L’uranium

DES PEPTIDESMIMÉTIQUES

La structure adoptée par les sitesmétalliques dans les protéinespermet d’ajuster très finement lespropriétés du métal, grâce à desinteractions directes entre celui-ciet le ligand mais aussi à desliaisons plus lointaines, de typehydrogène ou électrostatique. Les métalloprotéines catalysentainsi de très nombreuses réactionschimiques spécifiques en utilisant un petit nombre de métaux essen-tiels. La dynamique des protéinescomme la maîtrise de l’accessibi-lité du solvant sont également desfacteurs qui contrôlent l’affinitédes sites pour le métal et leur réac-tivité. Les protéines sont donc unesource inépuisable d’inspirationpour la mise au point de compo-sés piégeant les ions métalliques.Chimistes et biochimistes ont, enparticulier, reproduit les sites dechélation des ions essentiels dansdes peptides, plus simples que lesprotéines, à la fois pour étudierles mécanismes biologiques liésà la présence des métaux et obte-nir des chélateurs efficaces de ces ions pour des applicationsthérapeutiques.

Le Service de chimie inorganiqueet biologique (SCIB) du CEA, àGrenoble, a développé des peptidesmodélisant la boucle de liaison ducuivre présente dans des trans-porteurs de ce métal, afin d’étudierla sélectivité de ces motifs vis-à-vis des métaux essentiels ettoxiques. Ces transporteurs lient le cuivre au degré d’oxydation +I (Cu+) au sein des cellules grâceà deux cystéines portant deschaînes latérales soufrées – Cu+

est un ion mou. Un paramètreimportant pour décrire l’interac-tion métal-ligand est la constanted’affinité K de la réaction entre ces deux partenaires. Plus cetteconstante est élevée, plus l’équi-

est, lui, présent à son degré d’oxy-dation le plus élevé VI, sous formede dioxo cation uranyle (UO2

2+),une espèce chimique en forme debâtonnet qui ne présente pas lesmêmes géométries de coordina-tion que Pu4+ et Am3+. L’encom-brement stérique dû aux deuxatomes d’oxygène impose, eneffet, des liaisons avec les ligandsdans le plan équatorial de l’ura-nyle, perpendiculairement à l’axeO=U=O. À l’inverse, les liaisonsavec Pu4+ et Am3+ se répartissentsphériquement dans l’espace enminimisant l’encombrement entreles différents ligands (figure ci-dessous). Malgré ces différences,les actinides, dans leur ensemble,sont considérés comme des ionsdurs et établissent donc préféren-tiellement des liaisons avec desligands durs oxygénés. Il n’existepas de site de liaison spécifique de ces éléments naturellementprésents dans les protéines. Cepen-dant, les cations actinides se lientdans les sites connus des ionsessentiels durs comme le Fe3+. Parexemple, in vitro, UO2

2+ se lie àl’apotransferrine à la place de Fe3+.La coordination de l’ion UO2

2+

est alors assurée par des ligandspurement oxygénés provenantnotamment de chaînes latéralescarboxylates (acide aspartique) etphénolates (tyrosine), alors quedans le cas de Fe3+, un ligandazoté imidazole (histidine) estégalement impliqué dans la sphèrede coordination du cation (9).

Il a par ailleurs été montré queles ions actinides se lient aux sitesà calcium dans des protéinescomme la calmoduline, présentedans la signalisation calcique detoutes les cellules eucaryotes, oula protéine C Reactive, synthé-tisée notamment dans le foie, qui intervient dans les processusimmunitaires (10), ainsi qu’à desprotéines fortement phosphorylées

AVRIL 2014 • BIOFUTUR 353 < 41

Géométrie de coordinationde quelques ions actinidesCaractère dur (en rouge),mou (en bleu) ou intermé-diaire (en jaune) des acidesaminés.

>

©D

R

©D

R

~~

~~

39-42_dossier05_353 24/03/14 15:56 Page 41

(1) Holm RH et al. (1996)

Chem Rev 96, 2239-314

(2) Pearson RG (1963)

J Am Chem Soc 85, 3533-9

(3) Pearson RG, Songstad J (1967)

J Am Chem Soc 89, 1827-36

(4) Rousselot-Pailley P et al. (2006)

Inorg Chem 45, 5510-20

(5) Sénèque O et al. (2004)

Chem Commun (7), 770-1

(6) Delangle P, Mintz E (2012)

Dalton Trans 41, 6359-70

(7) Pujol AM et al. (2012)

Angew Chem Int Ed 51, 7445-8

(8) Pujol AM et al. (2011)

J Am Chem Soc 133, 286-96

(9) Vidaud C et al. (2007)

Biochemistry 46, 2215-226

(10) Pible O et al. (2010)

Protein Science 19, 2219-30

(11) Qi et al. (2014) Metallomics 6, 166-76

(12) Le Clainche L, Vita C (2006)

Environ Chem Let 4, 45-9

(13)Pardoux R et al. (2012) PLoS ONE7(8), e41922

(14) Boturyn D et al. (2008)

J Peptide Sci 14, 224-40

(15) Bonnet CS et al. (2009)

Chem Eur J 15, 7083-93

42 > BIOFUTUR 353 • AVRIL 2014

actions à plus longue distance etdes aspects de dynamique deshélices du motif pour accroîtrel’affinité et la spécificité des sitesde fixation pour l’uranyle. Cesvariantes du domaine N-terminalde la calmoduline, dessinées parbiologie moléculaire, sont pro-duites en grande quantité « à la demande » par la bactérieEscherichia coli, puis purifiées.L’interaction avec les ions Ca2+ oul’uranyle peut être suivie grâce àl’introduction d’un acide aminéaromatique luminescent dans laboucle du motif HBH. Ce disposi-tif a permis d’obtenir des peptidesqui fixent l’uranyle avec demeilleures affinités (K 109). Enphosphorylant une thréonine dela boucle, donc en introduisant un ligand phosphoryle, on obtientdes peptides qui fixent l’uranyleavec des constantes d’affinité del’ordre de 1010 (13). Approchesexpérimentales et modélisationsont actuellement combinées pour accroître l’affinité et la sélec-tivité des architectures protéiqueschélatantes, et piéger de façonsélective les actinides.

… ET DES PEPTIDESSYNTHÉTIQUES

Une seconde approche, déve-loppée au SCIB, utilise des pep-tides synthétiques de faible taille– 10 acides aminés – obtenus parsynthèse chimique sur supportsolide. Ces séquences ne sont pasdirectement inspirées de sites métal-liques existant dans des protéinesmais sont mises au point afind’imposer une structure tridimen-sionnelle optimale pour piéger lesmétaux, en prédisposant les chaîneslatérales d’acides aminés appro-priés dans l’espace. Des cyclo-décapeptides comportant deuxenchaînements Proline-Glycine,qui favorisent la formation decoudes, induisent ainsi des struc-tures planes dîtes en feuillet β (14).Ces plateformes peptidiques pré-orientent avantageusement quatrechaînes latérales d’acides aminésdans la même direction de l’es-pace pour chélater un ion métal-lique (15). Cette structure est parti-culièrement adaptée à la chélationde l’uranyle, qui est préférentiel-lement lié par quatre à six ligandsoxygénés dans son plan équato-rial. L’aspartate et le glutamate,durs et chargés négativement, présentent les affinités les plus

comme l’ostéopontine, qui parti-cipe à l’homéostasie osseuse (11).Ces ions durs présentent, en effet,des affinités très élevées pourl’oxygène des groupes phospho-ryles (P=O), une fonction présentein vivo dans des protéines lorsqueles acides aminés portant desalcools comme la sérine, la thréo-nine ou la tyrosine sont phos-phorylés pour donner des chaîneslatérales phosphates (-OP(O)(OH)2)à forte affinité pour les ions durscomme les actinides.

PIÉGER L’URANYLEAVEC DES MIMES DEPROTÉINES À CALCIUM…

La calmoduline est une protéine qui lie quatre cations Ca2+ dansquatre sites structurés par un motifhélice-boucle-hélice (HBH), très ré-pandu dans les protéines. La bouclede 12 acides aminés contient l’en-semble des ligands oxygénés ducalcium, inséré dans une structurebipyramidale à base pentagonale.L’affinité des sites HBH pour lecalcium est assez faible (K 106) mais suffisante pour permettre dechélater le calcium lorsque saconcentration intracellulaire atteintune valeur micromolaire. L’inter-action calmoduline-calcium engen-dre un changement de conformationde la protéine qui déclenche soninteraction avec un grand nombrede protéines cibles. La calmodulineintervient ainsi dans la régulation de nombreuses activités physio-logiques en réponse à la concen-tration intracellulaire en Ca2+.

Une première approche pourmettre au point un site de fixationde l’uranyle consiste à synthétiserdes peptides dérivés du motif HBHde la calmoduline en modifiant laséquence de sa boucle. Elle a per-mis d’obtenir des peptides pré-sentant une affinité équivalentepour l’uranyle (K 106), tout endiminuant celle observée pour lecalcium (12). Le Laboratoire desinteractions protéine métal duCEA, à Cadarache, poursuit cettedémarche en utilisant l’ensembledu domaine N-terminal de lacalmoduline, qui contient deuxsites de fixation du calcium – et77 acides aminés –, comme basestructurée pour optimiser la fixa-tion d’actinides, notamment del’uranyle, en combinant la subs-titution des acides aminés et laphosphorylation. L’objectif est debénéficier de l’apport des inter-

élevées pour les ions actinides et ont donc été placés dans laséquence, dans des positions quipermettent d’optimiser les inter-actions entre les donneurs oxy-génés et le cation uranyle en fai-sant converger les quatre groupescarboxylate d es chaînes latéralesde ces acides aminés vers le planéquatorial de l’uranyle. Un résidutryptophane luminescent est éga-lement inséré dans la séquenceafin de rendre visible l’interactionavec l’ion métallique.

La parfaite adaptation de cesmotifs peptidiques à la chélationde l’uranyle a été démontrée pardes études spectroscopiques. Ununique complexe se forme, danslequel l’ion uranyle est coordonnépar les quatre fonctions carbo-xylates du glutamate ou de l’as-partate. Structuré en feuillet β, ildémontre une stabilité similaireaux sites préstructurés pour le cal-cium de la calmoduline (K 109).À l’inverse, des séquences pep-tidiques similaires mais linéairespiègent l’uranyle avec des affi-nités moindres. Comme pour les composés issus de la cal-moduline, l’introduction d’acidesaminés phosphorés comme laphosphosérine exacerbe les affi-nités pour l’uranyle et permetd’atteindre des affinités supé-rieures à 1010.

VERS DES PEPTIDESPOUR DÉTOXIFIERLES ACTINIDES

L’optimisation de peptides pourla fixation de l’uranyle, soit ens’inspirant des sites à calcium dela calmoduline, soit en construi-sant de novo des séquences per-mettant de préorganiser le site deliaison, ont permis d’atteindre desaffinités significatives vis-à-vis de l’uranyle. L’insertion d’acidesaminés phosphorés s’avère trèsprometteuse pour obtenir desligands peptidiques d’affinitésencore plus élevées pour l’uranylemais aussi pour d’autres actinides,comme le plutonium et l’améri-cium. Même si des optimisationssont encore nécessaires, ces pep-tides sont très prometteurs pourla détoxification des actinides, en cas de contaminations internesaccidentelles chez des travailleursdu secteur nucléaire ou suite à une dispersion dans l’environ-nement liée à une catastrophenucléaire. �

~~

~~

~~

~~

39-42_dossier05_353 24/03/14 15:56 Page 42