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Sommaire EDITORIAL La Relance DOCTRINE Enjeux et Défis de la justice administrative en Côte d’Ivoire JURISPRUDENCE Evolutions récentes du droit de la Fonction Publique - Le droit à l’emploi : L’administration ne peut forcer un fonctionnaire à l’oisiveté - La note attribuée à un fonctionnaire désormais susceptible de contrôle de la légalité Regards sur la responsabilité administrative - L’émergence contrariée du droit de la responsabilité administrative Sommaire des decisions de la Chambre Administrative de la Cour Suprême (Janvier - Fevrier 2014) INAUGURATION DE LA SALLE D'AUDIENCE DE LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE 03 03 05 05 21 21 21 22 27 27 32 34 exé La Tribune Chamb. Admi:Mise en page 1 03/04/14 15:42 Page1

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Somma ir e

EDITORIAL

La Relance

DOCTRINE

Enjeux et Défis de la justice administrative en Côte d’Ivoire

JURISPRUDENCE

Evolutions récentes du droit de la Fonction Publique - Le droit à l’emploi : L’administration ne peut forcer un fonctionnaire à l’oisiveté

- La note attribuée à un fonctionnaire désormais susceptible de contrôle de la légalité

Regards sur la responsabilité administrative

- L’émergence contrariée du droit de la responsabilité administrative

Sommaire des decisions de la Chambre Administrative de la Cour Suprême (Janvier - Fevrier 2014)

INAUGURATION DE LA SALLE D'AUDIENCE DE LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

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evoici « la Tribune de la Chambre Administrative », ce périodique trimestriel d'information dela Chambre Administrative, né en 2005 d'une intuition lumineuse du Président AMANGOUAGeorges, qui, après six (06) parutions de belle facture, accueillies très favorablement par lesprofessionnels du droit, a cessé de paraître, faute de crédits pour assurer sa fabrication.

Mais sa relance s'imposait : la Chambre Administrative a besoin d'un bulletin d'informations et de diffusionde sa jurisprudence, de ses analyses, un support de liaison et de dialogue avec les destinataires de sesdécisions.

Après la mise en place d'un site internet, www.consetat.ci, pour recueillir et diffuser l'ensemble des décisionsrendues, la renaissance de « la Tribune de la Chambre Administrative », revue qui se polarisera etéclairera ses arrêts les plus significatifs, ses études doctrinales, la mise en relief des évènements marquants,permet à notre institution de poursuivre son dévoilement, son ouverture sur la société et la facilitation del'accès à ses décisions. Elle entend sortir de la "Tour d'Ivoire'' pour rendre compte de sa mission.

Jusque là, faute de n'avoir pas pu ou su communiquer, la Chambre Administrative de la Cour Suprême et sajurisprudence sont restées largement méconnues par nos concitoyens. Cet état de choses se révèlefortement dommageable pour le droit administratif, l'administration et les administrés qui sont les justiciables.Il devenait urgent de remédier à cette situation.

Le fait est que, plus que toute autre discipline juridique, le droit administratif se nourrit, sinon se trouve dansla jurisprudence. Ce n'est pas que les textes y soient absents : en dehors même de ceux fixant l'organisationadministrative, les lois et règlements prolifèrent pour régir les rapports de l'administration et des administrés.Mais, en l'absence de code administratif analogue au code civil, ses principes fondamentaux, ses notions etcatégories ont été élaborés par la jurisprudence. Celle-ci supplée la loi d'une façon telle que le droitadministratif apparaît comme un droit fondamentalement jurisprudentiel. En d'autres termes, il est l'œuvredes juges ou des tribunaux et singulièrement de la juridiction suprême, en l'occurrence, pour notre pays, laCour Suprême en sa Chambre Administrative. Celle-ci est, à la fois, créatrice et gardienne de la légalitéadministrative. Faut-il, ici, évoquer l'exemple de la France où ce sont les arrêts du Conseil d'Etat qui ontforgé, pierre après pierre, l'édifice majestueux du droit administratif français qui fait l'admiration du monde etse présente comme le meilleur produit d'exportation française ?

Quoi qu'il en soit, des données rappelées ci-dessus, il résulte que maîtriser le droit administratif ivoirien, c'estdans une large proportion, connaître la Chambre Administrative et son œuvre. Le citoyen, l'autoritéadministrative, l'administré, en quête de solutions juridiques à leurs interrogations ou aux litiges en rapportavec l'administration, doivent se faire lecteurs de sa jurisprudence au travers des ouvrages ou revues quil'exposent, l'explicitent, la commentent.

En l'absence de supports de publication et de diffusion, eu égard à son mode d'action, dans la discrétion,hors des agitations médiatiques, même si elle exerce son activité juridictionnelle au grand jour et que lesdébats y sont contradictoires et les audiences publiques, la Chambre administrative, dont la mission est desoumettre l'administration au droit, de concilier les exigences de l'action et de l'efficacité administratives avecla garantie des libertés et des droits individuels, est une inconnue, sinon une énigme pour beaucoup.

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ÉDITOrIal

la relance

R

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Notre juridiction, accréditée, à juste titre, pensons-nous, d'indépendance et d'impartialité, a fait la preuve desa nécessité au travers du règlement de multiples et complexes litiges touchant aux élections locales, à lafonction publique, à la régulation économique, au foncier, aux libertés publiques… et a généré unejurisprudence riche, solide et stimulante au service de l'intérêt général, de la protection des droits individuelset de l'Etat de droit. Il lui importe d'étendre, de faire émerger le droit administratif au-delà du cercle des initiés,de sortir les arrêts qu'elle rend de la confidentialité, de les rendre accessibles à tous par leur publication etleur diffusion.

Pour ce faire, elle a besoin d'une revue. La résurrection, à tout le moins, la relance de « la Tribune de laChambre Administrative » devenait une exigence. Gageons que les pouvoirs publics sauront lui assurerles moyens de sa pérennité.

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KOBO Pierre Claver

Vice-président de la Cour SuprêmePrésident de la Chambre Administrative

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INTRODUCTION

La justice administrative, par-delà la diversité desorganes au travers desquels elle peut s'exprimer, apour fonction de résoudre le contentieuxadministratif, c'est-à-dire régler les litiges quiopposent les administrés à l'administration. Cerèglement des litiges suscités par les actes etactivités des organes et agents administratifs s'opèresur la base du droit administratif.

La justice administrative repose sur l'idée que l'Etat,les personnes publiques, les administrations, enconsidération de leurs missions d'intérêt général etdes moyens qu'ils utilisent, en l’occurence lesprérogatives de puissance publique et les sujétions,ne peuvent pas être regardés, jugés comme lesparticuliers.

Mais bien souvent, lorsque la justice administrativen'est pas présentée comme une justice d'exception,marginale, suspecte, on lui fait la réputation, ainsiqu'au droit qu'elle promeut, le droit administratif,d'être complexe, ésotérique, réservée à des initiés,patiemment instruits de ses mystères.

C'est un fait, dans notre pays, que la justiceadministrative est dans une situation singulière,paradoxale. Alors que sa mission la place au cœurde la relation entre les pouvoirs publics et lescitoyens, qu'elle est l'un des éléments essentiels del'Etat de droit et qu'elle est dans notre pays, à l'instarde tous les pays du monde, en plein essor, on parlepartout d'explosion du contentieux administratif, lajustice administrative reste assez méconnue,marginalisée. Nos compatriotes en ont une visionembryonnaire.

A bien d'égards, il est permis de dire qu'il se pose unproblème d'identification, voire de légitimité de lajustice administrative.

Sans doute, il est loin le temps où certainsaffirmaient que, dans notre pays, il n'existe pasd'instance juridictionnelle pour contester lesdécisions des pouvoirs publics ou engager leur

responsabilité lorsqu'ils provoquent des dommages.La Chambre Administrative était regardée comme unorgane administratif consultatif.

Les efforts conjugués des enseignants et desmagistrats ont su rendre perceptible et légitime lajustice administrative. La Chambre Administrative,par-delà le règlement du contentieux des électionslocales, qui la propulse, périodiquement, au devantde la scène politique et médiatique, a su gagner laconfiance et la considération des justiciables par laqualité de ses décisions, l'indépendance etl'impartialité dont elle fait montre lorsqu'elle est saisiepar les justiciables.

A regarder la croissance exponentielle des saisinesdevant la Chambre Administrative en matière derecours pour excès de pouvoir qui, d'environ dix (10)par an dans les années 1990, sont passées à 336 en2013 et la diversité de l'objet des requêtes et lesenjeux dont elles sont porteuses, on est fondé à direque la justice administrative, aujourd'hui, n'est plusréservée ou sollicitée par quelques initiés.L'interventionnisme de la puissance publique,fragmentée en de nombreux foyers de décisions,suscite fatalement des litiges avec les administrésque ceux-ci vont porter d'autant plus fréquemmentdevant le juge de l'administration que le niveauintellectuel et juridique de la personne concernée estélevée.

Débarrassés de la peur révérencielle del'administration, les citoyens, les administréstergiversent, de moins en moins, à la braverjudiciairement lorsqu'elle leur cause un dommage ous'écarte de la règle de droit ; ils n'hésitent plus à luiopposer leurs droits ou le droit devant le juge del'administration. Cette fréquence et cette extensionde la saisine du juge par les administrés pour lerèglement des différends qui peuvent les opposer àl'administration sont particulièrement visibles auregard de l'objet des arrêts de la ChambreAdministrative pour ces dernières années.

Les domaines traditionnels d'élection du contentieux,qui étaient la fonction publique et les concours,suscitent beaucoup moins de requêtes que la

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DOcTrIne

enjeux eT DÉfIs De la jusTIce aDmInIsTraTIve

en côTe D’IvOIre

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matière domaniale et foncière, le contentieux deschefs de village, la régulation économique et lesprocédures d'urgence (sursis à exécution et référés)et de rétractation des arrêts.

Il est donc incontestable que, la justiceadministrative a acquis droit de cité, qu'elle estsollicitée, de plus en plus, par un nombre toujourscroissant de justiciables, qu'il existe même desrequérants d'habitude qui manifestent une ardeurprocessive telle que certaines de leurs requêtes ontpu être jugées abusives.

Mais si ces évolutions sont réelles et visibles, il n'enreste pas moins que, tout compte fait, encomparaison de la justice civile, des complaintes etrécriminations de nos concitoyens contrel'administration et ses dysfonctionnements, lesrequêtes et les arrêts qui ressortent de la justiceadministrative sont faibles et que nombreux sontencore ceux, y compris les autorités publiques, quien ont une vision tronquée ou approximative.

Pour nous limiter au monde des juristes, combiensont-ils les conseillers juridiques, les avocats et lesmagistrats qui connaissent véritablement la justiceadministrative et le droit administratif que, arrêtaprès arrêt, les juridictions édifient ? Combien sont-ils ceux qui connaissent les conditions derecevabilité ou les cas d'ouverture du recours pourexcès de pouvoir ? Sont-ils nombreux ceux en quides noms, aussi insolites, comme BLANCO,TOMASO GRECCO, TROMPIER-GRAVIER,CENTAURES ROUTIERS, El HADJ BAKARYKONE, DIAWAR ZELATO, NEA GAHOU, WILSONTETE... suscitent une longue et joyeuserésonnance ?

Ne sont-ils pas encore trop nombreux les jugesadministratifs qui s'ignorent ? De même quemonsieur Jourdain de MOLIERE faisait de la prosesans le savoir, beaucoup de magistrats ivoiriens sontdes juges administratifs sans le savoir et professent,à tort, que la Chambre Administrative est unejuridiction administrative et qu'elle est la seule.

Pourtant, dans notre pays, eu égard à l'unité dejuridictions, tout juge est, à la fois, juge judiciaire etjuge administratif, dans la mesure où tous les jugessont appelés à régler des litiges administratifs sur labase du droit administratif. C'est, sans doute, là l'unedes infirmités de la justice administrative que de nepas avoir son juge propre et que certainesconfusions sont faites avec la situation française.

C'est le lieu de rappeler que la justice administrative,tout comme l'ensemble de notre systèmejuridictionnel, procède de la colonisation française.En France, la justice administrative est née, à partirde la révolution française (1790), d'une certaineinterprétation de la séparation des pouvoirs qui s'esttraduite par la séparation des autorités judiciaires etadministratives, laquelle a abouti à la création d'unordre juridictionnel avec à sa tête le Conseil d'Etat, àcôté de l'ordre judiciaire coiffé par la Cour deCassation.

Ce système de dualité de juridictions était en coursdans notre pays pendant la période coloniale. Lajustice administrative était incarnée, en premierressort, par le Conseil du contentieux de l'AfriqueOccidentale Française qui siégeait à Dakar et enappel et cassation par le Conseil d'Etat en France.Avec l'indépendance, la Côte d'Ivoire n'a pas répudiécet héritage. Si elle n'a pas repris le système dedualité de juridictions (avec un ordre administratif etun ordre judiciaire), elle a maintenu et consacrél'idée, d'une part, que l'administration doit êtresoumise à un contrôle du juge dans son activité, quele droit encadre l'administration et d'autre part, quel'administration, dans ses missions de puissancepublique, ne soit pas assimilable à un justiciableordinaire, qu'elle ne soit pas soumise au même droitque les particuliers.

La Constitution du 1er août 2000, en prévoyantl'institution d'une juridiction administrative suprême,Conseil d'Etat, à côté de la Cour de Cassation, aopté clairement pour la dualité de juridictions avec unordre de juridictions spécifiquement consacré aucontentieux administratif.

Mais tel n'est pas l'objet de notre étude. Aujourd'hui,pour parler de la justice administrative, on négligerala dimension historique et organique pour sepolariser sur le service rendu à la collectivité,notamment aux justiciables, en s'efforçant derépondre à quatre grandes interrogations :

1- A quoi sert la justice administrative ?

2- Quel est le droit qu'elle applique ?

3- Quels sont les lieux d'exercice de la justiceadministrative ?

4- Quels sont les défis ou les voies d'évolution dela justice administrative ?

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I- Les MIssIONs De LA jUsTICe ADMINIsTRATIve

La fonction de la justice administrative est detrancher, sur la base du droit administratif, les litigesqui opposent les administrés et les diversesadministrations. Saisie par un administré,généralement une personne privée, mais quelquesfois par une personne publique relativement à undifférend, un litige qui l'oppose à une personnepublique ou à une personne privée, chargée d'unemission de service public, la justice administrativedoit le régler sur la base du droit administratif. Ce quiconduit à exercer un contrôle juridictionnel et àprendre diverses décisions à l'encontre del'administration. Cela peut être :

- condamner l'administration à indemniser lesvictimes des dommages causés par ses activités ;

- annuler les décisions ou actes administratifslorsqu'ils se révèlent infectés d'illégalités ;

- et en cas d'urgence, suspendre l'exécution d'unedécision dans l'attente du jugement au fond.

En rendant ces diverses décisions, le jugeadministratif assure la soumission de l'administrationau droit pour protéger les droits et libertés individuels(A) et leur conciliation avec l'intérêt général et l'actionadministrative (B).

A- Assurer la soumission de l'administration audroit pour protéger les droits et libertésindividuels...

Au travers du règlement des litiges portés devantelle, la justice administrative contrôle l'activitéadministrative de l'administration. Elle assure, cefaisant, la soumission effective de celle-ci au droit etpartant, la protection des droits et libertés contrel'arbitraire et l'incohérence de l'administration…..

Le fait est que l'idée que l'administration ne doit pasêtre libre, que l'administration doit insérer ses acteset ses activités dans le cadre tracé par la légalité s'estimposée depuis le 19ème siècle avec l'avènement del'idéologie de l'Etat de droit. Celui-ci postule que pouréviter l'arbitraire, le pouvoir d'Etat doit être soumis àl'obligation de respecter le droit, et les juridictionsadministratives, saisies par les administrés, sontchargées de sanctionner les atteintes portées audroit…..

Quelles que soient les résistances larvéesauxquelles elle se heurte encore, la soumission del'administration au droit a acquis valeur de principe et

nul ne la récuse ouvertement. C'est qu'il n'y a pasd'autre alternative à cette soumission au droit que lerègne de l'arbitraire. Or, il n'est plus possible,aujourd'hui, tant pour des raisons idéologiques quepour des raisons de nécessités concrètes, de fairel'apologie de l'arbitraire et de l'ériger en moded'action, même s'il est présenté comme reflétant nonle bon plaisir, mais le résultat d'une démarcherationnelle et scientifique.

Si largement que des Etats pratiquent l'arbitraire, iln'en existe aucun dans le monde qui fasse la théoriede sa pratique et affirme les vertus d'uneadministration libérée des contraintes du droit.

L'administration a besoin du droit, d'abord pour sonorganisation, pour définir ses structures, sesautorités et leurs compétences. Ce droitorganisationnel a toujours existé, et partout. Mais,lorsqu'on parle de la mission du juge tendant àassurer la soumission de l'administration au droit, onvise principalement l'action, l'activité administrative.

Sans doute, la soumission de l'administration au droitn'allait pas de soi, c'est une gageure. On a même pu,avec Prosper WEIL, y voir un miracle. Cet auteurnote, avec perspicacité, que « le droit qui régit

l'activité des particuliers est imposé à ceux-ci du

dehors, et le respect des droits et obligations qu'il

comporte se trouve placé sous l'autorité et la sanction

d'un pouvoir extérieur et supérieur : celui de l'Etat.

Mais que l'Etat lui-même accepte de se considérer

comme lié par le droit, cela mérite l'étonnement. Il est

de la nature des choses qu'un gouvernement croie,

de bonne foi, être investi du pouvoir de décider

discrétionnairement du contenu et des exigences de

l'intérêt général. Il faut qu'il fasse effort sur lui-même

pour se considérer comme tenu de rester dans les

voies d'un droit qui lui dicte certaines conduites et lui

en interdit d'autres. A plus forte raison doit-il

considérer comme peu normal de voir ses décisions

soumises à la censure d'un juge… ».

La soumission de l'administration au droit se révèled'autant plus étonnante que l'on sait que le pouvoirde l'administration trouve son fondement initial dansl'autorité du souverain et le souverain, par définition,échappe à la règle puisqu'elle procède de lui.

Mais, en dépit de tous ces éléments etconsidérations, le droit a fini par s'imposer àl'administration. Aujourd'hui, les rapports del'administration et du droit sont des rapports desubordination. Longtemps maîtresse de ses actes,l'administration doit désormais les insérer dans lecadre tracé par la légalité, agir selon les modalités etdes procédures prédéterminées et connues de tous.

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L'action administrative n'est pas libre. Elle est limitéepar l'obligation de respecter certaines règles.L'administration ne bénéficie pas d'immunité, elle doitréparer les dommages qu'elle cause.

Lorsque l'administration s'écarte de la règle de droitou provoque un dommage, l'administré peut luiopposer le droit ou ses droits devant le juge pour quecelui-ci contrôle l'administration pour la contraindreau respect du droit. Ce contrôle juridictionnel del'administration qu'assure la justice administratives'opère au travers de deux principaux recours quiassurent les deux protections essentielles auxquellespeut prétendre un administré.

l Le recours de plein contentieux

Il concerne principalement le contentieux de laresponsabilité qui permet d'obtenir la réparation desdommages causés par l'action administrative. Autravers du recours de plein contentieux, qui ressortde la compétence des tribunaux d'instance, la justiceoctroie des indemnités aux particuliers auxquelsl'action administrative a causé un préjudice.

A côté du contentieux de la responsabilité, il faut faireune place au contentieux des contrats administratifs,au contentieux fiscal.

l Le recours d'excès de pouvoir

Il permet aux administrés d'obtenir du juge de lalégalité l'anéantissement des actes del'administration contraires au droit.

Au travers de ce recours, les administrés demandentau juge de l'administration, en l'occurrence laChambre Administrative, de contrôler la légalité d'unedécision administrative et d'en prononcer l'annulationsi elle est illégale.

Le recours pour excès de pouvoir est, sans aucundoute, l'instrument le plus connu et le fleuron del'œuvre de la justice administrative. Il a pu êtreprésenté « comme la plus merveilleuse création des

juristes, l'arme la plus efficace, la plus économique,

la plus pratique qui existe au monde pour défendre

les libertés » (Gaston JEZE).

C'est un procès fait à un acte, qui permet nonseulement d'assurer le respect du principe de lalégalité, mais il est aussi et surtout un moyen dedéfense des droits des particuliers.

Le recours pour excès de pouvoir a un caractèred'ordre public. Ce qui signifie qu'il est impossible derenoncer en avance à son exercice.

Il existe même sans texte à l'égard de tous les actesadministratifs. L'intérêt à agir en recours pour excèsde pouvoir est très largement entendu, même si sonexercice est naturellement enfermé dans des délais.

Au fur et à mesure de son évolution, le contrôlequ'exerce la Chambre Administrative, au titre durecours pour excès de pouvoir, est, de plus en plus,poussé (contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation,contrôle de proportionnalité) et, de plus en plus,étendu. A travers le recours pour excès de pouvoir, lajustice administrative impose au pouvoirdiscrétionnaire de l'administration des limitations, deplus en plus, strictes.

Qu'il s'agisse du plein contentieux ou du recours pourexcès de pouvoir, ce contrôle juridictionnel par lajustice administrative vise à assurer la protection desdroits et libertés des administrés face auxagissements des gouvernants et leurs agents.

Si la justice pénale vise à défendre la société contreceux qui en troublent l'ordre et si la justice civilearbitre les différends entre personnes de rang égal,la justice administrative est appelée à défendre lescitoyens contre les pouvoirs publics, contre l'arbitraireadministratif. Cette défense des droits et libertés descitoyens, pour être importante, n'en est pas pourautant la seule mission de la justice administrative.Elle doit la concilier avec l'intérêt général et l'actionadministrative.

B- ...et leur conciliation avec l'intérêt général etl'action administrative

A ce niveau, il est impérieux de préciser que si laprotection des droits et des libertés des particuliersest l'objectif poursuivi par la justice administrativelorsqu'elle contrôle ou limite les pouvoirs del'administration, il ne s'agit nullement pour elled'empêcher l'administration d'agir, de saper sonautorité, de porter atteinte à ses prérogativesindispensables à sa mission d'intérêt général…

La justice administrative est soucieuse, en premierlieu, de préserver l'intérêt général porté parl'administration qu'elle doit faire prévaloir, quand ellene peut le concilier avec les intérêts privés.L'exemple de la théorie des circonstancesexceptionnelles (C.E. 28 juin 1918, HEYRIES…) estparticulièrement illustratif de ce souci de la justiceadministrative de faire en sorte que la légalité, lerespect de la règle de droit, ne constitue pas uncarcan pour l'action administrative nécessaire à la viecommune….

Le droit administratif, dans lequel se meut la justiceadministrative et que celle-ci alimente par sa

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jurisprudence, est d'abord un moyen d'action del'administration. Il lui permet de prendre desdécisions et de les imposer…

En contrôlant l'action de l'administration, la justiceadministrative s'assigne pour mission desauvegarder les droits des particuliers, mais aussi lesprérogatives de l'administration pour lui permettred'agir…

Pour réussir une telle mission, qui fait d'elle la clé devoûte de l'Etat de droit, la justice administrative vaagir au moyen d'un droit autonome du droit commun,un droit spécifique à la création et au développementduquel elle assure le rôle essentiel : le droitadministratif.

II- Le sUPPORT De LA jUsTICeADMINIsTRATIve : Le DROIT ADMINIsTRATIf

En matière de contentieux administratif, le règlementdes litiges, qui opposent les administrés àl'administration, s'opère sur le fondement du droitadministratif. Dès lors, on peut s'interroger,légitimement, sur le contenu ou les particularités dece droit. Quelle définition peut-on en donner ?

Le droit administratif, comme a pu le constater RenéCHAPUS, a la particularité d'être à la recherched'une définition. Né d'un miracle, selon ProsperWEIL, on ne s'étonnera donc guère que la définitiondu droit administratif soit un peu mystérieuse oucompliquée. On ne reviendra pas ici sur toutes lescontroverses que suscite sa définition. Mais, il resteentendu que le droit administratif est un droitspécifique (A) et un droit jurisprudentiel (B).

A- Le droit administratif : un droit spécifique

Qu'est-ce donc le droit administratif ? A cettequestion, certains n'hésiteront pas à répondre, defaçon tautologique, que c'est l'ensemble des règlesque l'administration est tenue de respecter,autrement dit, l'ensemble des règles applicables àl'administration, quelle que soit leur nature : droitpublic ou droit privé.

Une telle définition, même si elle a l'avantage dedonner une vue complète de la nature du régimeauquel est soumise l'administration qui, selon lesdomaines et les moyens qu'elle utilise, peut être liéepar les règles du droit civil ou commercial, estinacceptable en ce qu'elle n'a pas grand intérêtjuridiquement.

S'il est incontestable qu'il y a une gestion privée desservices publics, seules les règles qui s'en écartent et

qui caractérisent la gestion publique méritent le nomde droit administratif. Après tout, le citoyen, dans savie quotidienne, est tenu à la fois par le droit civil, ledroit pénal, le droit fiscal, bref par la totalité desrègles juridiques. On ne peut pas, pour autant, àpartir de ce constat, dire que toutes ces règles, cesdisciplines juridiques forment un tout, constituent unseul droit, une seule discipline.

Le droit administratif doit être entendu dans son sensrestrictif, c'est-à-dire les seules règles de droitspécifiques applicables à l'administration.

Pour bien comprendre cette définition du droitadministratif, il faut s'interroger sur ce qui caractériseles relations de l'administration avec les administréspar rapport à celles qui se nouent entre lespersonnes privées.

Ce qui distingue la relation entre administration etadministrés de la relation privée, ce qui constitue ladérogation au droit privé par laquelle le droitadministratif se caractérise, ce sont d'une part, lesprérogatives que l'administration met en œuvre, etd’autre part, les sujétions dans lesquelles son actionest enfermée. Les prérogatives et les sujétions del'administration n'ont pas d'équivalence dans lesrapports entre particuliers.

l Les prérogatives

Qu'on le veuille ou non, l'Etat, à travers sonadministration, ne peut poursuivre les fins qui sont saraison d'être, c'est-à-dire l'intérêt supérieur de lacollectivité qui englobe la satisfaction des besoinsessentiels de ceux qui la composent, lesquels lestranscendent, s'il ne dispose pas de pouvoirs que ledroit commun refuse aux particuliers dans leursrapports réciproques.

L'égalité entre les personnes privées est la base dudroit privé. Le droit administratif implique, lui, unerelation fondamentalement inégalitaire. Il ne peut enêtre autrement, à défaut, les intérêts privéspourraient tenir en échec la poursuite du biencommun qui peut leur imposer des sacrifices.

Que l'existence des prérogatives propres à lapuissance publique réponde à une nécessité, le droitanglais le confirme. Longtemps, il a reposé surl'application de la « common law » à l'action del'administration. Aujourd'hui, au terme d'uneévolution, « l'administrative law » existe et confère àl'administration la quasi-totalité des prérogatives del'administration.

Ces pouvoirs, ces prérogatives, chacun les connaît.D'abord, et avant tout, la possibilité par une décision

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unilatérale produisant immédiatement ses effets, demodifier, pour l'avenir, la situation juridique desadministrés en dehors de tout consentement de leurpart. C'est l'acte administratif.

Même lorsque l'administration recourt au procédécontractuel, le régime propre au droit administratif luipermet d'imposer au particulier cocontractant dessujétions que le contrat privé ignore. L'administration,de plus, peut, si une de ses décisions se heurte à larésistance du particulier, recourir, dans certainesconditions, à la contrainte. Elle peut ainsi, parl'expropriation, obliger un particulier à lui céder unimmeuble.

Elle est responsable, certes, des dommages que sesfautes, parfois même la réalisation des risquesauxquels elle expose les particuliers, peuvententraîner pour eux, mais sa responsabilité, commel'indique l'arrêt CENTAURES ROUTIERS de laChambre Administrative du 14 janvier 1970,reprenant l'arrêt BLANCO, n'est ni générale, niabsolue.

Mais ces prérogatives dont bénéficie l'administrationsont contrebalancées par des sujétions et contraintesqui n'existent pas dans les relations des particuliers.

l Les sujétions

Dans des domaines où l'activité privée s'exercelibrement, les activités de l'administration se heurtentà des contraintes particulières.

A titre d'illustration des sujétions, on peut évoquer lacapacité d'agir. L'administration, au contraire desparticuliers, n'est pas libre d'agir ; elle est liée par sacompétence. Elle ne peut déléguer celle-ci qu'àcertaines conditions. Elle n'est pas maître de serefuser à l'exercer. On peut aussi citer la sujétion quiôte à l'administration le choix des fins qu'elle poursuitet des modalités à emprunter. L'administration n'apas la liberté du choix des fins qu'elle entendpoursuivre, au contraire des particuliers. Il n'est paspermis à l'administration, de façon générale, des'écarter des procédures et de la finalité définies pourla poursuite de l'intérêt général. Le détournement depouvoir entache d'illégalité toute décisionadministrative qui méconnaît la compétence et lafinalité de l'administration.

Et comment ne pas citer l'obligation del'administration de prendre ses actes, ou de choisirses cocontractants au travers de procéduresprédéterminées et des modalités précises ? Faut-ilévoquer aussi la règle de l'inaliénabilité du domainepublic qui interdit à l'administration de céder son bien ?

Sans les prérogatives de puissance publique, il neserait pas possible à l'administration de remplir safonction ; sans les sujétions, la tentation d'abuser dupouvoir, commune, selon Montesquieu, à tous ceuxqui détiennent ne fût-ce qu'une parcelle de pouvoir,risquerait de réduire la liberté des administrés et leursécurité face à l'administration. C'est dire quel'administration est à la fois au service de l'actionpolitique et au service des individus. Le droitadministratif est, à la fois, droit d'action et droit deprotection contre l'arbitraire.

Ainsi, la seule définition valable qu'on peut retenir dudroit administratif est ce qu'on appelle la définitionstricte. Le droit administratif se donne alorscomme l'ensemble des règles exorbitantes dudroit commun applicables à l'administration, àl'exclusion des règles de droit privé. C'est le grandenseignement de l'arrêt Blanco et de son alter egoivoirien, l'arrêt Société des Centaures Routiers de1970. Ces arrêts fondateurs posent en principe quele droit privé, conçu pour les rapports de particulier àparticulier, n'est pas adapté aux activités du servicepublic qui nécessitent, pour leur mise en œuvre, uneconciliation entre les droits des particuliers et lesdroits de la puissance publique.

Abstraction faite de son caractère dérogatoire etautonome par rapport au droit privé, l'autre principalecaractéristique du droit administratif tient àl'importance de la source jurisprudentielle.

B- Le droit administratif : un droit jurisprudentiel

Le droit administratif est fondamentalementjurisprudentiel, parce que ses principales règles etnotions sont créées, élaborées par le juge. Présenterle droit administratif comme procédantessentiellement de la jurisprudence, c'est-à-dire créépar le juge, ne signifie qu'il ne soit pas alimenté pard'autres sources, comme la coutume, les lois etrèglements. Il existe de nombreux textes en droitadministratif, surtout en ce qui concernel'organisation administrative, la fonction publique.Mais, le caractère jurisprudentiel du droit administratifne tient pas à des facteurs quantitatifs, telle lacomparaison des règles de droit qui procèdent detextes par rapport à celles issues de la jurisprudence(particulièrement le juge suprême). Ce quicaractérise le droit jurisprudentiel par rapport au droitécrit, ainsi que l'a mis en lumière le Doyen VEDEL,c'est une certaine structure.

Au contraire du droit civil où les règles fondamentalessont posées par la législation, en droit administratif,les notions et principes essentiels sont d'originejurisprudentielle. Les textes ne viennent que pour

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régler les situations ou cas particuliers, alors que lesrègles applicables à la généralité des situations setrouvent dans la jurisprudence.

En l'absence de code administratif, à l'exemple ducode civil, ou de textes qui établissent les théoriesgénérales, énoncent les principes généraux, etprécisent les notions, il est revenu au juge, contraintde statuer, même en cas d'obscurité ou d'absence dela loi, de créer la règle de droit pour l'appliquer aulitige porté devant lui.

Il en résulte qu'en matière de droit administratif, lajurisprudence fournit le droit commun et la législation,le droit d'exception.

Il est incontestable que le droit administratif estfondamentalement jurisprudentiel ; que le juge del'administration a un pouvoir normatif et qu'il estdevenu par la force des choses un jurislateur.

Ce caractère jurisprudentiel ne va pas sans souleverdiverses controverses sur la légitimité et aussi laconnaissance, l'accès ou la compréhension du droitadministratif.

Le caractère jurisprudentiel a pour effet de faire dudroit administratif un droit connaissable par les seulsinitiés. Littéralement, la règle de droit ne s'y lit nullepart, sinon dans les entrailles des arrêts qu'il fautdéchiffrer. Certes, la règle est tout entière dans l'arrêt,mais elle n'y est que comme le métal dans leminerai ; elle ne devient utilisable que par un travailde décantation, d'interprétation qui la manifeste danssa pureté. Ce travail d'interprétation, d'analyse et decommentaire de la jurisprudence fait les délices desspécialistes du droit administratif qu'il exalte, mais quiexaspère les profanes qui dénoncent l'hermétismeou le byzantinisme de la jurisprudence.

Ces difficultés d'accès ou de compréhension de lajurisprudence, autrement dit au droit administratif,constituent l'un des défis qui se posent à la justiceadministrative qui, dans notre pays, s'exerce en demultiples lieux.

III- Les LIeUx D'exeRCICe De LA jUsTICeADMINIsTRATIve

Où et comment s'exerce la justice administrative ?Contrairement à une certaine imagerie reçue, elle nes'exerce pas exclusivement à la ChambreAdministrative de la Cour Suprême.

Organiquement, la justice administrative qui setraduit, si l'on fait abstraction du contentieux électoral,dans le contentieux de pleine juridiction et dans le

contentieux de l'annulation, s'exprime au travers detrois (3) principales juridictions :

- les juridictions de droit commun ;- les juridictions spécialisées ;- la Chambre Administrative.

A- Les juridictions de droit commun

Elles sont constituées par les tribunaux de premièreinstance, les Cours d'appel et la Chambre Judiciairede la Cour Suprême.

1 - Les tribunaux de première instance et leurssections détachées

En vertu de l'article 5 du code de procédure civile,commerciale et administrative, qui dispose que « les

tribunaux de première instance et leurs sections

détachées connaissent de toutes les affaires civiles,

commerciales, administratives et fiscales pour

lesquelles compétence n'est pas attribuée

expressément à une autre juridiction en raison de la

nature de l'affaire», les tribunaux de premièreinstance sont juges de droit commun en matièreadministrative.

Cet article signifie que les tribunaux de premièreinstance bénéficient d'une compétence de principe àl'égard du contentieux administratif par opposition àla compétence d'attribution de la ChambreAdministrative de la Cour Suprême et des juridictionsspécialisées. Les tribunaux de première instancesont donc compétents pour connaitre de toute affaireadministrative dès lors que la loi n'a pasexpressément prévu la compétence d'une autrejuridiction. En application de ce principe, échappent àla compétence des TPI le recours pour excès depouvoir et le contentieux des élections localesdévolus à la Chambre Administrative. Relèvent acontrario de la compétence des TPI, le contentieuxde la responsabilité, le contentieux contractuel, lecontentieux fiscal qui n'ont pas été attribués àd'autres juridictions.

La jurisprudence, elle-même, a confirmé cettecompétence de principe des tribunaux de premièreinstance à l'égard du contentieux administratif. Dansl'arrêt Société des Centaures Routiers de 1967 (arrêtn°4 du 31 mai 1967), la Chambre Administrative ajugé que les recours qui ne rentrent pas dansl'énumération des compétences de la ChambreAdministrative « rentrent dans la compétence des

juridictions civiles ou pénales alors même qu'ils

doivent être résolus en application des règles du droit

administratif ; …dès lors, c'est par une application

inexacte de la loi que l'arrêt entrepris a déclaré la

juridiction civile incompétente pour connaître d'un

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litige dans lequel est mise en cause la responsabilité

de l'Etat ».

2 - Les Cours d'appel

Les Cours d'appel, en leur qualité de juge d'appel desjugements rendus par les tribunaux et leurs sectionsdétachées, constituent également des lieuxd'exercice de la justice administrative.

En matière de plein contentieux, l'appel est toujourspossible, quel que soit l'intérêt du litige.

3 - La Chambre Judiciaire de la Cour Suprême

La Chambre judiciaire, en sa qualité de juge decassation des décisions juridictionnelles rendues endernier ressort, connaît des affaires de natureadministrative.

La lecture combinée des articles 21 et 54 de la loi surla Cour Suprême permet de déterminer lescompétences de la Chambre Judiciaire en matièreadministrative.

D'abord, la Chambre Judiciaire est compétente pourconnaître des procédures mettant en cause unepersonne publique lorsque le pourvoi est dirigécontre une décision rendue en dernier ressort parune juridiction répressive.

Ensuite, elle est compétente pour connaître despourvois contre des décisions rendues en dernierressort dans des litiges qui ne mettent pas en causeune personne publique mais qui ont une natureadministrative. La jurisprudence a contribué à éclaircirce second chef de compétence de la ChambreJudiciaire en matière administrative, par rapportnotamment aux contrats portant occupation dudomaine public qui sont des contrats administratifsdont le contentieux relève, conformément au décret-loi du 17 juin 1938, de la Chambre Judiciaire enl'absence de personne publique au litige.

De façon constante, la Chambre Administrative, enrappelant le caractère administratif des contrats aucœur du litige dans les affaires société GETMA-CIcontre SICPRO et PAA (arrêt n° 49 du 17 juin 2009)et PAA contre SICPRO (arrêt n° 94 du 30 mai 2012),retient la compétence de la Chambre Judiciaire.

B- Les juridictions spécialisées

Elles sont diverses. Elles se différencient desjuridictions de droit commun par leur composition etleur mode de fonctionnement. Leurs décisions sontsoumises à la Chambre Administrative par la voie de

l'appel ou de la cassation. Il s'agit essentiellement,entre autres, des organismes de répressiondisciplinaire comme ceux de l'université et desordres professionnels.

Certaines activités, qui relèvent de la fonctionjuridictionnelle entendue matériellement, sont, dansune certaine mesure, confiées à des organismesadministratifs. Ceux-ci bénéficient en quelque sorted'un dédoublement fonctionnel en conséquenceduquel ils peuvent prendre des actes juridictionnelssoumis à un contrôle de cassation devant laChambre Administrative. Il en va ainsiparticulièrement du domaine disciplinaire pour desmesures prises par les instances disciplinaires desuniversités ou de certains organismesprofessionnels. Pour les premières citées, la Cour ajugé dans l'affaire François Xavier SANTUCCI (arrêtn°2 du 28 avril 1976) que la décision prise par leConseil de l'Université, siégeant en formationdisciplinaire, constitue une décision juridictionnelleinsusceptible de recours pour excès de pouvoir maisde recours en cassation. Pour les secondes, la Course reconnaît également juridiction de cassation àl'égard des décisions prises par la Chambre deDiscipline du Conseil National de l'Ordre desPharmaciens (arrêt n°10 du 26 mai 2004, ConseilNational de l'Ordre des Pharmaciens c. / DoumbiaMohamed ; arrêt n°28 du 25 juin 2008, VEI Bernardc. / Conseil National de l'Ordre des Pharmaciens). Ilen va de même du Conseil Supérieur de laMagistrature lorsqu'il statue en formation disciplinaire

C- La Chambre Administrative de la Coursuprême

La carte des compétences de la ChambreAdministrative est dressée par la loi n° 94-440 du 16août 1994, notamment en son article 54 aux termesduquel elle « connaît :

- des pourvois en cassation dirigés contre les

décisions rendues en dernier ressort dans les

procédures où une personne morale de droit public

est partie. Toutefois, les décisions rendues par les

juridictions répressives sont, dans tous les cas,

dévolues à la Chambre Judiciaire ;

- en premier et dernier ressort des recours en

annulation pour excès de pouvoir formés contre les

décisions émanant des autorités administratives ».

A l'analyse de ce texte, la Chambre Administrative,sans exclure sa compétence en matière decontentieux électoral local et administratif, dispose dedeux catégories de compétence relative, l'une auxpourvois en cassation, à l'exclusion de ceux portant

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sur des décisions pénales, dans lesquels, au moinsune partie au litige est une personne publique, etl'autre, aux recours en annulation contre lesdécisions des autorités administratives. Ces deuxcatégories de compétences représentent des panstrès importants de la justice administrative.

S'agissant de la première catégorie, la compétencede la Chambre Administrative est organique et nonmatérielle, de sorte que les litiges qui lui sont soumisdans ce cadre ne sont pas forcément de natureadministrative. C'est le cas par exemple lorsqu'uneconvention de cession est l'objet d'un litige auquell'Etat est partie (Arrêt n° 06 du 30 janvier 2013,SAPHIC c/ Ministre de l'Economie et des Finances).Dans une telle hypothèse, la Chambre Administrativeest amenée à appliquer le droit privé et ne met pas enœuvre la justice administrative. C'est le caségalement lorsqu'une collectivité territoriale licencieses agents et que cette situation fait naître uncontentieux devant la Chambre Administrative (Arrêtn° 32 du 27 février 2013, Commune d'abobo c/ YapoArsène et autres).

Au-delà de ces quelques exemples où la ChambreAdministrative n'a pas constitué un espace de justiceadministrative, la plupart des autres cas où elle s'estprononcée sont relatifs à des affaires de natureadministrative. Il s'agit notamment des affairesrelatives à la responsabilité administrative :

- responsabilité du fait de dommages d'ouvragespublics (arrêt n° 1 du 14 janvier 1970, SOCIéTé DESCENTAURES ROUTIERS contre Ministre desAffaires économiques ; arrêt n° 44 du 31 juillet 1986,DJAN ZIAGO Joseph contre Etat de Côte d'Ivoire) ;

- responsabilité du fait du mauvais fonctionnement duservice public (arrêt n° 7 du 27 février 2002, DirectionGénérale des Douanes contre NIANGADOUMamadou) ;

- responsabilité résultant d'activités de police (arrêt n°2 du 18 janvier 2012, Etat de Côte d'Ivoire contreNomel Agness Antoinette);

Par ailleurs, le fait que la Chambre Administrative soitle juge de cassation du contentieux des personnespubliques a pour conséquence d'accroître laprobabilité d'administrativité des contrats qu'ellesconcluent et, par-delà, de faire de la ChambreAdministrative un espace privilégié de la justiceadministrative comme elle l'est pour les recours enannulation.

La Chambre Administrative, sous le fondement del'alinéa 2 de l'article 54 de la loi sur la Cour Suprême,

est compétente, en premier et dernier ressort, pourconnaître des recours pour excès de pouvoir forméscontre les décisions des autorités administratives. Enla matière, la compétence de la ChambreAdministrative est exclusive. Aucune autre juridictionne peut connaître des décisions des autoritésadministratives.

Cette exclusivité conférée à la ChambreAdministrative a fait d'elle le lieu par excellence de lajustice administrative, le lieu de la protection deslibertés contre les intrusions excessives, les dérivesde l'autorité administrative, le lieu du contrôle de lalégalité des actes des autorités administratives, de lasoumission effective de l'administration au droit, enfinle lieu de la garantie de l'intérêt général, de l'intérêtpublic.

Par le recours pour excès de pouvoir, « l'arme la plus

efficace, la plus économique et la plus pratique qui

existe au monde pour défendre les libertés

individuelles » (Gaston JEZE), au moyen duquel laChambre Administrative est très souvent saisie, elle atoujours su défendre les droits et libertés descitoyens. En témoignent les arrêts dans lesquels laChambre Administrative :

- garantit le droit de propriété (arrêts n° 34 du 9janvier 2008, KAAWAR JALAL FAKHREDDINE, n°18 du 31 mars 2010, HODROJ BASSAM et autres,n° 40 du 26 mai 2010, SICOGI et n° 53 du 23 juin2010, Syndicat des copropriétaires de la Cité RoseBatim de Yopougon) ;

- protège la liberté d'association (arrêts n° 7 du 26janvier 2000, EDOUA KACOU FULBERT et l’ UJCYet n° 134 du 19 décembre 2012, FEDERATIONIVOIRIENNE DE SPORT AUTOMOBILE ET DEMOTOCYCLISME dite FISAM), la liberté demanifestation (arrêt n° 32 du 28 octobre 1992,DEMBELE BOUA, DEMBELE LAGANENI), la libertédu commerce et de l'industrie (arrêt n° 117 du 25juillet 2012, SYNATRANS-CI)… ;

- protège les droits des fonctionnaires (annulationd'une décision d'affectation fondée sur des motifsétrangers à l'intérêt public : arrêt n° 45 du 31 juillet1986, DIAWAR ZELATO ; annulation d'une décisiondu Ministre de la Fonction Publique qui porte atteinteau droit et au traitement d'un fonctionnaire : arrêt n°218 du 31 juillet 2013, KOUASSI KOUASSIMICHEL…..) et des travailleurs protégés (annulationd'une autorisation de licenciement de délégués dupersonnel : arrêt n° 10 du 25 mai 1994 ANGORANIAMKE, COFFI SESS ET ESSOH GEORGES ; rejetd'une requête contre le refus d'une autorisation delicenciement de délégué du personnel : arrêt n° 5 du25 février 2004, UTEXI).

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Par-delà la protection des droits des citoyens, laChambre Administrative contrôle la légalité des actesdes autorités administratives en sanctionnant :

- les violations de compétences (arrêts n° 1 du 27février 1974, EDI OSSOHOU, n° 25 du 21 avril 2010,PAA, n° 13 du 26 janvier 2011, Université deCocody),

- la violation des principes généraux du droit(violation des droits de la défense, arrêts n° 1 du 27février 1974, EDI OSSOHOU, n°124 du 21 novembre2012, LA REGIE CYCLONE ; violation des droitsacquis : arrêt n° 2 du 22 juillet 1981, EL HADJBAKARY KONE ; violation du principe de la non-rétroactivité : arrêts n° 27 du 26 juillet 2006, GNAKOGNAYORO GEORGES, n° 33 du 28 avril 2010,BEAT-SEKI SEANDJE ANGE ; violation du principedu non-cumul des sanctions : arrêt n° 13 du 28novembre 1990, GUINDE LOUA …) ;

- etc…

Enfin, la Chambre Administrative sanctionne defaçon constante les atteintes à l'intérêt public,concrétisées ces dernières années par les tentativescroissantes de privatisation du domaine public (arrêtsn° 63 du 21 décembre 2011, société ITELCOM, n° 1du 18 janvier 2012, ANAC, n° 141 du 19 décembre2012, PAA).

Si au travers de l'activité et des arrêts rendus par lesjuridictions que nous venons d'évoquer, la justiceadministrative est en marche, force est de constaterqu'elle n'a pas donné encore la pleine mesure de sonefficacité. Il lui reste des défis à relever pour renforcerson utilité et sa légitimité.

Iv- Les DéfIs OU Les vOIes D'évOLUTION DeLA jUsTICe ADMINIsTRATIve

Par-delà l'adaptation des structures organiques de lajustice administrative et le renforcement de sa qualitéqui passent, entre autres, dans l'unité, la cohérence,la stabilité et la prévisibilité de sa jurisprudence, lesdéfis auxquels se trouve confrontée la justiceadministrative dans notre pays peuvent se ramener àtrois (3) :

- l'exécution effective de ses décisions ;- la maîtrise des délais de jugement ;- l'ouverture de la justice administrative sur la société.

A- L'exécution des décisions

En matière de contentieux administratif, on constateque les bénéficiaires des décisions de justicedevenues définitives rencontrent d'énormes

difficultés pour obtenir des autorités publiquesl'exécution desdites décisions ayant acquis l'autoritéde la chose jugée. Quelques fois même, les autoritésadministratives refusent explicitement d'exécuter lesdécisions juridictionnelles qui ne les agréent pas.

Une telle situation est anormale et choquante. Endroit, la chose jugée doit être tenue pour la vérité.L'autorité de la chose jugée exclut que ce qui a étéjugé puisse être méconnu. La décision juridictionnelles'impose à tous, y compris à l'administration.

A quoi servirait-il de saisir la justice administrative siles arrêts et les décisions rendus ne venaient pas àêtre exécutés ? A rien!! Le recours à la justice devientillusoire si une décision juridictionnelle définitive etexécutoire reste inappliquée, au détriment de lapartie la plus faible. L'inexécution des décisions dejustice par l'administration est en soi inacceptabledans un Etat de droit.

L'utilité réelle du recours pour excès de pouvoir tientà ses conséquences pratiques. Ce que le plaideursouhaite, c'est que, dans la réalité de sa viequotidienne, quelque chose, au terme du recours, setrouve changé en mieux : le versement dedommages et intérêts lorsque la responsabilité del'administration a été retenue par le juge; qu'il puisse,par exemple, faire ce qui lui a été interdit à tort,occuper la fonction qu'on lui a refusé illégalement;retrouver le terrain qu'on lui a, arbitrairement,retiré…. Ce n'est pas l'annulation abstraite ouplatonique, la victoire morale de s'entendre dire qu'ila eu raison contre l'administration qui l'intéresse. Iln'est pas besoin d'être grand clerc pour percevoirqu'en introduisant un recours en annulation devant laChambre Administrative, l'administré vise à obtenirnon seulement la disparition de l'acte litigieux, maisaussi et surtout, le rétablissement de la légalité, cequi implique l'obligation pour l'administration de seplier à la décision juridictionnelle et lui faire produiretous ses effets.

Mais, force est de constater que si les arrêts de rejet,qui repoussent les prétentions des particuliersrequérants, et partant, donnent une assise juridiquefortifiée à la décision administrative attaquée, sontaccueillis chaleureusement par l'administration quin'hésite pas alors à dresser lauriers à la ChambreAdministrative, il n'en va pas toujours ainsi,malheureusement et illogiquement, des arrêtsd'annulation. Bien souvent, l'exécution de ceux-ci seheurte à des difficultés, à des retards, ou plus grave,au mauvais vouloir et même à des refus résolus etclaironnés de certaines autorités administratives.Pour la non-exécution des arrêts d'annulation,l'administration utilise plusieurs formules. Danscertains cas, elle prend une nouvelle décision qui est

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exactement identique à la décision annulée ou qui,de nature différente, a pratiquement des effetsanalogues. Mais, le plus souvent, le non-respect dela chose jugée prend la forme passive de l'inertie.L'administration ne procède pas aux mesures quiseraient nécessaires pour donner une suite pratiqueà l'annulation prononcée. L'administration tient, enquelque sorte, l'arrêt d'annulation pour « nul et non

avenu ».

Face à de telles hypothèses, la ChambreAdministrative et les juridictions de plein contentieuxsont dans une situation d'impuissance. Elles sonttotalement désarmées lorsque l'administration refused'exécuter les décisions qu'elles ont rendues.

Assurément, c'est là l'infirmité qui handicape, le plus,la justice administrative dans notre pays.Contrairement à la justice judiciaire ou aux tribunauxstatuant sur la base du droit civil, elle ne dispose pasde mécanismes, de voies d'exécution pouvantcontraindre la partie perdante, lorsqu'il s'agit del'Administration, quand celle-ci se refuse à exécuterune décision de justice qui ne l'agrée pas.

Ainsi, il n'est pas rare que le justiciable, qui a gagnéson procès contre l'administration, qui a vu laChambre Administrative prononcer l'annulation pourillégalité de l'acte administratif qui lui faisait grief,lorsqu'il se heurte à la désinvolture ou à la résistanced'une autorité administrative qui refuse de tirer lesconséquences de l'arrêt, revienne vers la ChambreAdministrative, à travers son Président, et l'appeler àson secours.

A titre d'illustrations, on peut citer les saisines de :

- Monsieur Roger ABINADER, en vue de l'exécutionde l'arrêt n°17 du 16 février 2011 par le Ministre encharge de la Construction ;

- Monsieur ANZAN Niamiké, en vue de l'exécution del'arrêt n°50 du 28 mars 2012 par le Président del'Assemblée Nationale de Côte d'Ivoire ;

- Madame Abonou Youa Jeannette et autres, en vuede l'exécution de l'arrêt n°26 du 27 février 2013 par leMinistre de l'Education Nationale.

Hélas, vainement !!! Lorsque la Chambre ne luirépond pas, rituellement, que l'exécution desdécisions juridictionnelles n'est pas de son ressort etqu'en annulant la décision administrative, elle arempli son office et qu'elle se trouve dessaisie, elle luiconseille d'exercer un recours en responsabilitécontre l'administration pour retard d'exécution ouméconnaissance de l'autorité de la chose jugée

devant le juge du plein contentieux qui est le juge dutribunal de Première Instance.

De fait, dans notre pays, comme ailleurs, iln'appartient pas au juge de la légalité de substituersa décision à l'acte administratif annulé. Par ailleurs,n'étant pas le supérieur hiérarchique de l'autoritéadministrative, il ne lui est pas permis de lui imposerune obligation de faire. Il incombe à l'administrationde tirer les conséquences nécessaires de l'annulationjuridictionnelle de ses actes. En outre, c'est auPrésident de la République que le constituant aconfié la charge de la responsabilité de l'exécutiondes décisions de Justice (article 44 de laConstitution).

Cependant, la Chambre Administrative peut-elleperdre de vue que l'inexécution des décisions ou leurexécution trop tardive porte gravement atteinte à soncrédit, à l'Etat de droit, en accréditant chez lejusticiable que les décisions défavorables àl'Administration sont de pure forme ? Que la saynètejudiciaire ne vaut pas la chandelle si elle n'est passuivie d'effets pratiques ?

A l'exemple de juridictions administratives des payseuropéens, mais aussi de certains pays africains, telsle Tchad ou le Benin, la Chambre Administrative doits'intéresser à l'exécution de ses décisions, faireentrer dans son office la responsabilité de veiller àl'après-jugement. Il appartient à la Haute Courd'imaginer des procédures et des mécanismes quiassurent l'efficacité et l'effectivité de ses décisions,surtout celles condamnant pécuniairementl'administration ou annulant sa décision.

Pour prévenir certains cas d'inexécution qui ne sontpas dus à une volonté délibérée de défiance àl'autorité de la chose jugée, mais aux difficultésrencontrées par l'administration pour exécuter lejugement, la Cour devrait, autant que possible,abandonner le laconisme qui caractérise certaines deses décisions, pour mieux expliciter leur portée,déterminer les obligations qui incombent àl'administration, autrement dit, d'être pluspédagogue.

Il s'agira pour elle de rappeler aux autoritésadministratives que l'annulation contentieuse d'unedécision administrative a pour effet de la fairedisparaître ab initio, qu'un arrêt d'annulation a uneffet rétroactif et que l'acte annulé est censé n'avoirjamais existé. Par voie de conséquence, les effetsjuridiques qu'il a pu produire, avant qu'intervienneson annulation, sont aussi frappés d'inexistence etdisparaissent puisque le fondement légal sur lequel ilreposait a été anéanti, que l'annulation de l'acte avec

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ses conséquences s'imposent à tous, aussi bien auxparticuliers, aux juges qu'à l'administration qui nepeut plus recourir à l'acte annulé pour lui faireproduire des effets. L'article 75 de la loi sur la CourSuprême dispose à cet égard que « l'arrêt de la

Chambre Administrative annulant en tout ou partie un

acte administratif a effet à l'égard de tous » et pourque nul n' ignore cet effet erga omnes, le mêmearticle précise que « si l'acte administratif a été publié

au journal officiel, l'arrêt d'annulation fait l'objet de la

même publication ».

Par-delà cette attention plus soutenue à la traductionpratique de ses décisions, la Chambre Administrativeet tous ceux qui sont soucieux de la réalité de l'Etatde droit devront sensibiliser le législateur pour quecelui-ci dote la Chambre Administrative de pouvoirsd'injonction, d'astreinte et de sanction à l'encontredes administrations et des autorités administrativesqui bravent ou bafouent ses décisions.

Mais, en attendant du législateur de telleshabilitations, gages d'une justice administrativeeffective et efficace, des interventions du Présidentde la République, en des occasions solennelles, ensa double qualité de Chef de l'administration (article46 de la Constitution) et d'autorité chargée del'exécution des décisions de justice (article 44 de laConstitution), rappelant aux autorités administrativesl'obligation qui pèse sur elles de défendre l'intérêtgénéral et les décisions de l'administration,lorsqu'elle est attraite devant les juridictions, etsurtout l'obligation de respecter la chose jugée,seraient une incitation de premier ordre de nature àendiguer bien de dérives et les comportements quidéfigurent l'Etat de droit.

La maîtrise des délais, c'est-à-dire l'examen desaffaires dans un délai raisonnable, constitueégalement une caractéristique de l'Etat de droit.

B- La maitrise des délais de jugement

Il est loin le temps où la Chambre Administrativerecevait moins de dix (10) requêtes par an. Ledéveloppement de l'esprit processif de nosconcitoyens, plus attentifs à leurs droits, au fur et àmesure qu'ils s'émancipent de la peur del'administration, fait que le cap symbolique de cent(100) requêtes a été franchi en 2007. La ChambreAdministrative a été saisie de :

- 145 affaires pour l'année judiciaire 2010-2011 ;- 158 affaires pour l'année judiciaire 2011-2012 ;- 182 affaires pour l'année judiciaire 2012-2013.

Même si l'on fait abstraction des années électorales,où les nombreux recours se rattachant aucontentieux électoral administratif font passer labarre de trois cent (300) saisines, ce mouvement decroissance des requêtes semble irréversible, surtoutavec la multiplication des personnes publiquesengendrées par la décentralisation.

L'inflation contentieuse a des conséquencesfâcheuses sur la rapidité de la justice, et c'estparticulièrement vrai en matière administrative.

Si on annule l'interdiction d'une réunion deux (2) ansaprès le moment où elle devrait avoir lieu, l'efficacitéde l'intervention du juge est évidemment nulle. Il enva de même si la justice accorde des indemnités àdes personnes qui ont été victimes des fautescommises dans les hôpitaux publics, alors qu'ellesont perdu la vie avant le jugement.

L'actualité judiciaire française, avec l'interdiction desspectacles de l'inénarrable DIEUDONNE, a montrécombien il est impérieux que la justice soit rapide ;que la maîtrise des délais de jugement est un pilierde la qualité d'une bonne justice, que la sérénitén'exclut pas la célérité.

Pour ne se polariser que sur la ChambreAdministrative, face à l'accroissement du contentieuxadministratif, force est de constater que, quelquesfois, le règlement de certains litiges est intervenupresque dix (10) ans après l'introduction de larequête.

Sans doute, une juridiction suprême doit, sansprécipitation, œuvrer dans la sérénité, examiner avecméticulosité les affaires, apprécier l'impact de sonjugement sur l'évolution de sa jurisprudence, quel'instruction du rapporteur soit la plus complètepossible, il n'en reste pas moins que le traitementd'un dossier contentieux n'est pas une course delenteur ! On ne saurait perdre de vue qu'il s'agit,avant tout, de répondre à une demande de justiceexprimée par un particulier. Ce dernier ne peutqu'être troublé ou exaspéré par un retard deplusieurs années, surtout si aucune information ne luiest fournie sur le sort de sa requête.

Quelles que soient les procédures et les diligencesimposées par les textes, la maîtrise des délais dejugement se révèle une condition d'une bonnejustice. Des délais excessifs sont de nature nonseulement à engager la responsabilité de l'Etat, maisaussi et surtout portent atteinte à la crédibilité de laJustice. A nos yeux, seule l'intervention rapide du

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juge peut donner aux justiciables le sentimentd'appartenir à un Etat de droit. Il ne fait pas de douteque des délais trop longs confinent au déni de justice.

L'intervention rapide du juge est un gage d'efficacitéde son contrôle. Aussi, et en dehors même desdemandes de sursis et de référé, la ChambreAdministrative doit mieux prendre en compte lesimpératifs de l'urgence et se convertir à la culture del'urgence, au mieux à la culture du temps qui laconduirait à prendre en considération les délais utilesdans lesquels doivent être jugées l'ensemble desaffaires qui lui sont soumises.

Dans cet ordre d'idées, et en dépit de la hausse desrequêtes, les délais moyens de nos jugements qui,présentement, excèdent deux ans, doivent êtrenotablement réduits. L'objectif à atteindre serait defaire en sorte que le délai moyen de jugement nedépasse pas une année à compter de ladésignation du rapporteur. C'est à cette conditionqu'il nous apparait que, à défaut de résorber, le stockdes affaires en souffrance qui, en juillet 2013,s’élévait à 346, n'augmente plus d'année en année.

Pour la réussite d'un tel challenge, outre lacroissance de la productivité des Conseillers qui,pensons-nous, pourrait être stimulée par un systèmede primes ou d'avancement indiciaire, unrenforcement substantiel des moyens logistiques ethumains s'impose.

Nul ne le contestera : l'amélioration dufonctionnement et de la capacité de la Cour àrépondre aux défis et sollicitations dont elle estl'objet, et singulièrement, la résorption des affairesen stock, le traitement rapide des dossiers, la qualitéde ses décisions passent par l'accroissementsignificatif de ses moyens matériels et humains.

Ce n'est, sans doute, pas le lieu d'insister surl'exigüité et la pénibilité de l'accès aux bureaux de laChambre Administrative, cloîtrée dans l'immeubleBICICI, et le rabougrissement progressif du budgetqui lui est alloué. Comme un organe qui a trop vitegrandi, la Chambre Administrative craquelle detoutes parts dans son emplacement physique actueldevenu trop étroit…

Mais, plus encore que l'incommodité de sonemplacement physique et de la faiblesse de sesmoyens matériels, la Chambre Administrative souffrede déficience humaine, seulement treize (13)Conseillers plus le Président l'animent.

En considération de cet état de choses, rienn'apparaît plus urgent qu'un accroissement quantitatifet qualitatif de ses membres. Mais, dans la fournée

des membres attendus, outre des Conseillers, ilserait indiqué, en tout cas, vivement souhaité, qu'yfigurent deux autres catégories de magistrats, ouplus exactement des magistrats ayant un grade autreque celui de Conseiller.

Il s'agit :

- des Maîtres de requêtes qu'on pourrait aussi,comme à la Chambre des Comptes, appelerConseillers référendaires ;

- des Auditeurs ;

Ces deux nouveaux grades, au contraire desConseillers, ne seraient pas des magistrats horshiérarchie. Il s'agit de jeunes magistrats entrant dansla vie active et dont la Chambre Administrative est lepremier poste pour les Auditeurs et des magistratsayant seulement une dizaine d'années d'expérienceou des fonctionnaires et universitaires venant d'êtrerecrutés et intégrés à la magistrature pour les Maîtresde requêtes. Appelés les uns et les autres à fairecarrière dans la justice administrative et soucieux degravir les échelons et les étapes qui mènent auxgrades supérieurs du corps, il est à parier qu'ilssauront mettre leur jeunesse, leur juste ambition etleur enthousiasme au service de l'institution enaccroissant sa productivité et en améliorant la qualitéde ses décisions.

Les Auditeurs qui représenteront le troisième ou leplus bas grade du corps des magistrats de laChambre Administrative seront recrutés à la sortie,soit de l'Ecole Nationale d'Administration (E.N.A.) etde l'Institut National de Formation Judiciaire (I.N.F.J.),soit de l'Université s'ils sont nantis d'au moins unDiplôme d'Etudes Approfondies (D.E.A.) en droit.Après une dizaine d'années passées à faire leurapprentissage, à s'instruire en instruisant desdossiers, à assister les membres plus gradés dansl'examen des requêtes dans la préparation desdécisions, la maturité atteinte, ils deviendront desMaîtres de requêtes (ou Conseillers référendaires).Ceux-ci constitueront la force de travail, la chevilleouvrière de la juridiction. Après de bons et loyauxservices pendant aussi une dizaine d'années, ceux-ciaccèderont à la noblesse de la Cour en devenantConseillers, en quelque sorte, les généraux dans cecorps si hiérarchisé de magistrats qui soutient lacomparaison avec les militaires.

Quelles que soient les modalités de l'avancementdans les différents grades, il ne fait pas de doute quel'association au sein de la Chambre Administrative,de jeunes juristes, frais et émoulus que sont lesAuditeurs, les Maîtres de requêtes dans la force del'âge et au meilleur de leur capacité intellectuelle et

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des Conseillers chenus, qui ont blanchi sous leharnais, et qui connaissent tous les coins et recoinsde l'édifice juridique, ne peut qu'être une richesse.L'audace et l'inventivité des uns pourraient êtreréformées, sinon encadrées par l'expérience et lasagesse des autres. Cet assemblement ou cetaccouplement en son sein des hommes et femmesappartenant aux trois âges de la vie active fera de laCour un exceptionnel creuset humain et intellectuel.Cet amalgame des générations, croyons-nous, seraitle meilleur moyen de maintenir les traditions de laCour, mais aussi et surtout, la permanence et lacontinuité de l'Institution, sans brusques secousses.

Mais, quel que soit le schéma d'évolution et derecrutement de ses animateurs, la ChambreAdministrative ne devrait pas, selon nous, hésiter àintégrer parmi ses membres des personnes venuesd'autres horizons professionnels, tels lesuniversitaires et les fonctionnaires qui peuvent luiapporter des vertus nouvelles qui l'empêcheront dese scléroser. Le brassage de magistrats de formationet de ces derniers est de nature à ajuster etapprofondir le contrôle de l'administration et, danstous les cas, est source d'émulation etd'enrichissement mutuel. A notre sens, la ChambreAdministrative, vu sa singularité, doit se garder d'êtreune sorte de corps fermé, composé exclusivement demagistrats de formation comme si elle devaitredouter la lumière et l'expérience venant du dehors.Une telle Chambre, composée de toutes lespersonnes ressources sus-citées, trouvera, à n'enpoint douter, les solutions idoines aux nombreusesaffaires qui lui sont de plus en plus soumises, et ce,dans un délai raisonnable de moins d'un (1) an.

C- L'ouverture de la justice administrative

Sous ce chapitre, nous voulons insister sur lanécessité pour la Chambre Administrative de mieuxcommuniquer, d'organiser l'accès à ses décisions etdialoguer avec ses principaux partenaires que sontl'administration, les milieux économiques et sociauxet la doctrine universitaire. C'est une exigence destemps nouveaux.

Certes, la Chambre Administrative dit le droit par sesarrêts, et éventuellement, par ses avis. Pour autant,l'autorité qui s'attache à ceux-ci ne devrait pas, ànotre sens, la dispenser de rendre compte del'accomplissement de sa mission aux pouvoirspublics, à la société et à ses multiples composanteset en particulier, aux professionnels du droit. Notreresponsabilité consiste principalement à faireconnaître nos décisions et à nous prêter auxquestionnements qu'elles peuvent susciter. Lesdébats auxquels nos travaux peuvent donner lieu,loin de porter atteinte à notre indépendance ou à

l'autorité de nos décisions, sont plutôt de nature,dans mon esprit, à fortifier l'une et l'autre.

La crédibilité et l'indépendance qu'a acquise laChambre Administrative par la qualité de sesdécisions et la confiance que lui manifestent lescitoyens-justiciables, confrontés à l'arbitraireadministratif, lui permettent d'aborder ces débats etcette ouverture sur la société avec sérénité etassurance.

Quoi qu'il en soit, l'ouverture devient une exigence dela qualité de la justice rendue. L'image d'un jugeenfermé dans sa tour d'ivoire, à supposer qu'elle aitjamais existée, est devenue caduque. Pour bienjuger, il faut correctement analyser et comprendre lesréalités que saisit le droit. Outre qu'elle doit être àl'écoute de ses partenaires et justiciables etentretenir avec eux un dialogue fécond, notrejuridiction doit mieux faire connaître les décisionsqu'elle rend.

Pour ce qui concerne l'accès à ses décisions, laChambre Administrative a commencé à publier surson site, www.consetat.ci, certaines de sesdécisions. L'objectif à atteindre sera de permettrel'accès libre à l'ensemble de ses décisions. Lesarrêts, une fois rendus, devraient être,systématiquement, diffusés sur le site internet.

Toujours au niveau de la diffusion, sans doute,faudrait-il relancer la publication de « La tribune de la

Chambre Administrative », notre périodiquetrimestriel qui, 3 ans après sa naissance et quelquesnuméros de belle facture, accueillis trèsfavorablement par les professionnels du droit, acessé de paraître, faute de crédits.

Par ailleurs, pour éviter les interprétationstendancieuses de ses décisions, peut-être serait-ilindiqué que des communiqués de presse rédigés parla Chambre Administrative accompagnent etexpliquent les décisions les plus importantes oucelles qui trouvent un écho dans la grande presse. LaChambre Administrative doit, en outre, faire desefforts pour que les motivations de ses décisionssoient plus lisibles et compréhensibles par les non-spécialistes.

Concernant ses rapports avec l'Université, laChambre Administrative, qui est le lieu, parexcellence, de la fabrique de ce droit particulier,fondamentalement jurisprudentiel qu'est le droitadministratif qu'étudie et enseigne l'Université, doitœuvrer de concert avec celle-ci et principalementavec la Faculté de droit. Par-delà la participation àdes exercices universitaires, tels que les colloques,les soutenances de thèses qui donnent l'occasion,

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aux membres de la Cour, d'un dialogue fructueuxavec les universitaires, la Chambre Administrativepourrait, dans le but d'encourager la recherche, créerun prix de thèse touchant au droit administratif. « Le

prix de thèse de la Chambre Administrative » seraitdécerné, chaque année, par un comité composéd'enseignants et de membres de la Cour. Ilconsistera essentiellement, à la publication de lathèse honorée. Celle-ci, outre ses qualitésacadémiques, doit se révéler utile pour notreInstitution.

L'intérêt de la Chambre Administrative à entretenirdes fructueuses relations avec l'Université tient en ceque le concours confiant de la doctrine et de ceux quiélaborent la jurisprudence est toujours stimulant,enrichissant. Comme ont pu l'écrire le ProfesseurMarcel WALINE et le Vice-Président du Conseild'Etat René Cassin, dans la préface des GrandsArrêts de la Jurisprudence Administrative (G.A.J.A.),« aux monologues alternés du professeur qui risque

de s'enfermer dans une tour d'ivoire, et du juge à qui

les ensembles risquent d'être masqués par les

particularités sans cesse changeantes des procès à

lui soumis, devrait succéder un véritable dialogue, ou

mieux, selon l'heureuse expression de M. RIVERO,

un « chœur à deux voix » ».

eN GUIse De CONCLUsION

Je voudrais vous dire ma foi dans la justiceadministrative. Bien que mal connue par nosconcitoyens et maltraitée par les pouvoirs publics quine lui donnent pas les moyens humains, juridiques etbudgétaires nécessaires à son éclosion, elle est uneexigence et une institution précieuse pour l'Etat dedroit et la démocratie.

Sans doute est-elle imparfaite, mais elle reste,comme toute justice, une promesse qu'il nous fauttenir pour maintenir le pacte social.

J'espère vous avoir fait mieux découvrir, mesurer lesenjeux dont la justice administrative est porteuse etles défis auxquels elle est confrontée, qui sont autantde sources de progrès à accomplir.

Il reste beaucoup à faire, mais c'est le temps desvœux. Alors j'en ferais deux :

- que la justice administrative, par-delà l'élaborationprogressive du droit administratif par l'apport de sajurisprudence, devienne chaque jour, plus forte pourêtre le gardien de l'Etat de droit qui assure laprotection des droits individuels et leur conciliationavec l'intérêt général ;

- pour les étudiants de l'Institut National de FormationJudiciaire, je forme des vœux d'études fécondes etd'insertion professionnelle réussie. La justiceadministrative vous ouvre, vous l'avez compris, desespaces d'action à la mesure de vos connaissanceset talents.

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Pierre-Claver KOBO

Professeur de droitVice-Président de la Cour Suprême

Président de la Chambre Administrative

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Deux arrêts rendus, récemment, par la ChambreAdministrative de la Cour Suprême dans lecontentieux de la fonction publique, méritent unécho particulier en ce qu'ils traduisent lerenforcement du contrôle de la Cour sur lesdécisions administratives affectant la carrière et lesdroits des fonctionnaires et agents de l'Etat.

Dans l'affaire Kouassi Kouassi Michel en date du31 juillet 2013, la Cour a jugé que l'administrationne peut condamner un fonctionnaire à l'oisiveté,faute de lui donner une affectation.

Concernant la seconde affaire en date du 18décembre 2013, Yao Douka Anderson, la Cour aestimé que la note chiffrée, attribuée à unfonctionnaire, et les appréciations quil'accompagnent, constituent une décisionadministrative susceptible de recours d'excès depouvoir.

Par les principes posés, ces deux arrêts ouvrent unnouvel horizon au contrôle de la Cour dans lecontentieux de la fonction publique en offrant unegarantie supplémentaire aux fonctionnaires pour laprotection de leurs droits statutaires.

1- Le droit à l’emploi : L’administration ne peutforcer un fonctionnaire à l’oisiveté

Arrêt n°218 du 31 juillet 2013, KOUAssIKOUAssI Michel c. / Ministre de la fonctionPublique et de la Reforme Administrative(Annulation).

Dans l'affaire Kouassi Kouassi Michel contreMinistre de la Fonction Publique, la HauteJuridiction a posé le principe du droit de tout agentde la fonction publique à percevoir un traitement.

Selon les faits de l'espèce, monsieur KouassiKouassi Michel, ingénieur agronome, qui exerçaitles fonctions de Directeur régional de l'Agricultureet des Ressources Animales dans l'ex-région duN'zi-Comoé, a été remplacé à ce poste, le 08septembre 2005, par monsieur Assi Akossi Louisen exécution de l'arrêté n°292 du 10 août 2005.

Demeuré, dès lors, à la disposition de l'administration,il ne recevra aucune affectation ; plus grave, sa soldesera suspendue dès novembre 2005. S'étant aperçude cette illégalité, le Ministre de la Fonction Publiquea rétabli la rémunération du requérant à compter du24 août 2011. Estimant irrégulière la date retenue parle Ministre pour la régularisation de sa solde,monsieur Kouassi Kouassi Michel a déféré l'arrêté àla censure de la Cour.

Ainsi, s'est posée au juge de la ChambreAdministrative la question de savoir si unfonctionnaire qui, faute d'avoir reçu une affectation,ne travaille pas, depuis plusieurs années, peut êtreconsidéré comme ayant abandonné son poste et,par conséquent, être privé de sa rémunération.

En vertu de la règle du service fait, le fonctionnairen'a pas droit à rémunération en l'absence deservice fait. Monsieur Kouassi Kouassi Michel,n'ayant accompli aucun service de septembre 2005à fin août 2011, soit pendant six (6) ans, pouvait-illégitimement prétendre à une rémunération ?

Pour résoudre ce problème de droit, la Cour ad'abord posé le principe suivant : « Considérantque l'Administration est tenue de placer sesagents dans une situation régulière et de lesaffecter, dans un délai raisonnable, à desfonctions effectives ; que le droit de tout agentà percevoir son traitement ne peut cesser que sil'absence d'accomplissement de son servicerésulte de son propre fait ou en cas d'abandonde poste ».

A la suite du principe énoncé, le juge a recherché si« l'absence d'accomplissement de son service

(par le requérant) résulte de son propre fait » ou s'ila abandonné son poste. La Cour soulignequ'aucune faute d'abandon de poste ne peut êtreimputée à monsieur Kouassi Kouassi Michelpuisqu'il est « demeuré à la disposition de

l'administration ». C'est donc logiquement que laCour a conclu que « le Ministre de la Fonction

Publique, en rétablissant sa rémunération,

illégalement suspendue, seulement à partir de la

jurIsPruDence

evOluTIOns recenTes Du DrOIT De

la fOncTIOn PuBlIQue a la lumIere Des arreTs

KOuassI KOuassI mIcHel eT YaO DOuKa anDersOn

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22 La tribune de la Chambre Administrative 2014

signature de l'arrêté n°6491/MFPRA/CD du 24 août

2011 et non à la date de sa suspension en

novembre 2005, a commis une erreur de droit qui

entache sa décision d'illégalité ; que dès lors,

monsieur KOUASSI Kouassi Michel est fondé à

demander l'annulation de l'arrêté litigieux et le

paiement des rémunérations indûment retenues

depuis sa suspension ».

2- La note attribuée à un fonctionnaire désormais susceptible de contrôle de la légalité

Arrêt n°247 du 18 décembre 2013, YAO DOUKAAnderson c. / Premier Président de la Courd'Appel de Bouaké (Rejet).

L'affaire YAO DOUKA a permis à la Cour de fixer sajurisprudence en matière de notation desfonctionnaires. La Cour a en effet jugé que « lesnotes et appréciations dont les fonctionnairessont l'objet, de la part de l'autorité hiérarchique,sont au nombre des décisions administrativessusceptibles d'être déférées à la ChambreAdministrative de la Cour Suprême par la voiedu recours pour excès de pouvoir » ; mais celle-ci ne les annule que si elles sont entachées« d'erreur manifeste ou de détournement depouvoir ».

La notation des fonctionnaires, constituée de façonindivisible d'une note chiffrée et d'une appréciationgénérale, a une incidence directe sur la carrière dufonctionnaire en ce qu'elle conditionne sapromotion, son avancement dans les différentsgrades de la hiérarchie administrative. Pour autant,la Cour n'a pas admis d'emblée son contrôle delégalité sur la notation des fonctionnaires.

Au départ, la Chambre Administrative refusait aufonctionnaire la possibilité d'un recours pour excèsde pouvoir contre la notation, considérée commeune mesure d'ordre intérieure. Dans une espèce,en date du 31 juillet 1991, la Cour a déclaréirrecevable la requête du sergent de policeDALIGOU DADI qui a attaqué en excès de pouvoirles appréciations générales portées sur son bulletinde notation de l'année 1990. (arrêt n°28 du 31 juillet1992, DALIGOU DADI c. / Ministère de la SécuritéIntérieure). En l'espèce, la Cour avait estimé que« les appréciations générales critiquées neconstituent pas une décision administrative ».

Une décennie plus tard, la Cour a admisimplicitement son contrôle sur la notation. Dansl'affaire KOUADOU KOUA, un instituteur a attaquéen excès de pouvoir la note chiffrée (2/5) que lui aattribuée le préfet de Bocanda au titre de l'annéescolaire 1997-1998 pour le mauvais résultat (0%)enregistré à l'examen du C.E.P.E par son

établissement. Le requérant sollicitait de la Courl'annulation de la note et sa révision à la hausse. LaCour a déclaré la requête irrecevable pour défautde moyens. Elle a jugé que : « la ChambreAdministrative ne connaît des recours enannulation pour excès de pouvoir forméscontre les décisions des autoritésadministratives qu'en cas d'incompétence, device de forme, de détournement de pouvoir oude violation de la loi; que le requérant, qui n'asoutenu sa requête par aucun des casd'ouverture suscités, est irrecevable àdemander la modification de la note qui lui a étéattribuée ».

Mais, bien plus que l'espèce KOUADOU KOUA,l'affaire YAO DOUKA Anderson consacre,explicitement, le revirement de jurisprudence de laCour qui étend désormais son contrôle de légalitésur la notation des fonctionnaires.

Il ressort des faits de l'espèce qu'inscrit au tableaud'avancement des Magistrats au titre de l'année2010 pour le passage en 2011 au premier grade,deuxième groupe, premier échelon, monsieur YAODOUKA Anderson, juge d'instruction à la section detribunal de M'BAHIAKRO, s'est vu attribuer la notede 11,33/20 avec les appréciations suivantes : «

Magistrat qui gagnerait à améliorer son

comportement vis-à-vis de ses supérieurs

hiérarchiques, à être plus courtois, plus discipliné et

plus regardant des textes régissant la profession ».

Jugeant cette note et ces appréciationsdéfavorables à son avancement, monsieur YAODOUKA, après des réclamations adressées auPremier Président de la Cour d'appel de BOUAKEet à la Présidente de la Commission d'Avancementdes Magistrats, a saisi la Chambre Administrativepour en solliciter l'annulation.

Au-delà de la consécration de la notation dufonctionnaire comme une décision administrativefaisant grief et susceptible d’être contestée devantle juge de la légalité, en l’occurence la ChambreAdministrative de la Cour Suprême, l'intérêt del'affaire YAO DOUKA réside également dansl'étendue du contrôle que la Cour exerce sur lanotation.

En visant l'erreur manifeste d'appréciation et ledétournement de pouvoir, la Cour indique qu'ellen'entend exercer qu'un contrôle minimum sur lanote attribuée par le supérieur hiérarchique. Ellereconnaît et consacre, ainsi, dans ce domaine, unpouvoir discrétionnaire au supérieur hiérarchique.

Conseillers TOBA Akayé Edouard & KOBON Abé Hubert

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La Cour,

Vu la requête, enregistrée le 08 février 2012 au Secrétariat Général de la Cour Suprême sous le n° 2012-010 Bis REP,par laquelle monsieur KOUASSI Kouassi Michel, ingénieur agronome, ayant pour conseil maître YAO Emmanuel, avocatà la Cour, 01 BP 6714 Abidjan 01, téléphone : 20 32 42 44 / 20 32 42 10, a formé un recours en annulation pour excèsde pouvoir contre l'arrêté n° 6491/MFPRA/CD du 24 août 2011 du Ministre de la Fonction Publique et de la RéformeAdministrative portant rétablissement de monsieur KOUASSI Kouassi Michel dans ses droits ;

vu l'acte attaqué ;

vu les pièces du dossier ;

vu les conclusions du Ministère Public enregistrées le 26 avril 2012 au Secrétariat de la Chambre Administrative tendant àvoir la Chambre Administrative se déclarer incompétente ;

vu le mémoire en défense du Ministre de la Fonction Publique et de la Reforme Administrative enregistré le 14 juin 2012 auSecrétariat de la Chambre Administrative tendant au rejet de la requête ;

vu les observations après rapport du 20 mars 2013 de maître YAO Emmanuel, conseil de monsieur KOUASSI KouassiMichel ;

vu la loi n° 94-440 du 16 août 1994 déterminant la composition, l'organisation, les attributions et le fonctionnement de la CourSuprême, modifiée et complétée par la loi 97-243 du 25 avril 1997 ;

Ouï le Rapporteur ;

Considérant que monsieur KOUASSI Kouassi Michel a exercé, de l'année 2001 au mois de septembre 2005 les fonctions dedirecteur régional de l'Agriculture et des Ressources Animales dans l'ex-région administrative du N'zi Comoé ;

Qu'en exécution de l'arrêté n° 292 du 10 août 2005 du Ministre de l'Agriculture et des Ressources Animales, il a procédé à lapassation des charges avec son successeur le 08 septembre 2005, sans connaître sa nouvelle affectation au sein du Ministèrede l'Agriculture et des Ressources Animales ; qu'il constatera le 02 novembre 2005 la suspension de son salaire, décision prisepar le directeur des Ressources Humaines du Ministère de l'Agriculture pour abandon de poste, alors même qu'il n'a fait l'objetd'aucune procédure disciplinaire ;

Que ce faisant, il s'est rapproché du conseil de discipline de la Fonction Publique aux fins de s'enquérir d'une éventuelle mesurequi aurait été prise contre lui à son insu ; que c'est ainsi que ledit conseil, ayant constaté l'illégalité manifeste de la mesure desuspension de sa rémunération, a décidé de le rétablir dans ses droits par l'arrêté n° 6491 MFPRA/CD du 24 août 2011 duMinistre de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative ;

Qu'estimant cet arrêté entaché d'illégalité en son article 3 qui dispose : « le présent arrêté, qui prend effet à compter de la datede reprise de service de l'intéressé, qui ne peut être antérieure à la date de signature du présent arrêté » il a, par requête du 08

COUR SUPREME

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

REQUETE N° 2012-010 BIS REPDU 08 FEVRIER 2012

KOUASSI KOUASSI MICHEL

C/

MINISTRE DE LA FONCTION PUBLIQUEET DE LA REFORME ADMINISTRATIVE

AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIREDU 31JUILLET 2013

MONSIEUR KOBO Pierre Claver, PRESIDENT

ANNULATION

ARRET N° 218

REPUBLIQUE DE COTE D'IVOIRE

AU NOM DU PEUPLE IVOIRIEN

LA COUR SUPREME

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

DEUXIEME FORMATION

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24 La tribune de la Chambre Administrative 2014 24

février 2012, saisi la Chambre Administrative de la Cour Suprême pour en demander l'annulation après avoir en vain, tenté dele faire rapporter par un recours gracieux du 09 septembre 2011 ;

eN LA fORMe

Considérant que la requête est formée dans les conditions de la loi ; qu'elle est recevable ;

AU fOND

Considérant que l'Administration est tenue de placer ses agents dans une situation régulière et de les affecter, dans undélai raisonnable à des fonctions effectives ; que le droit de tout agent à percevoir son traitement ne peut cesser quesi l'absence d'accomplissement de son service résulte de son propre fait ou en cas d'abandon de poste ;

Considérant que l'abandon de poste par le fonctionnaire recouvre l'hypothèse de l'abandon pur et simple des fonctions, le refusde rejoindre son poste à l'issue d'une période régulière de congé, d'une mutation ou d'une nomination ;

Considérant que monsieur KOUASSI Kouassi Michel, ingénieur agronome, alors Directeur Régional de l'Agriculture et desRessources Animales dans l'ex-région du N'zi-comoé, a, en exécution de l'arrêté n° 292 du 10 août 2005, cédé son poste àmonsieur ASSI Akossi Louis suivant procès-verbal de passation des charges du 08 septembre 2005 ;

Qu'il n'est nullement établi, ni par la Directrice des Ressources Humaines du Ministère de l'Agriculture, ni par le Ministre de laFonction Publique, que le susnommé a été réaffecté ; qu'ainsi, le requérant, qui est demeuré à la disposition de l'Administrationdans l'attente d'une nouvelle affectation, ne peut être considéré comme ayant abandonné son poste ;

Considérant qu'aucune faute d'abandon de poste ne pouvant être imputée à monsieur KOUASSI Kouassi Michel, le Ministre dela Fonction Publique, en rétablissant sa rémunération illégalement suspendue seulement à partir de la signature de l'arrêté n°6491/MFPRA/CD du 24 août 2011 et non à la date de sa suspension courant novembre 2005, a commis une erreur de droit quientache sa décision d'illégalité ; que dès lors, monsieur KOUASSI Kouassi Michel est fondé à demander l'annulation de l'arrêtélitigieux et le paiement des rémunérations indûment retenues depuis sa suspension ;

D e C I D e

Article 1 : La requête de monsieur KOUASSI Kouassi Michel est recevable et bien fondée ;

Article 2 : L'arrêté n° 6491/MFPRA/CD du 24 août 2011 du Ministre de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative estannulé en ce qu'il ne rétablit pas la rémunération de monsieur KOUASSI Kouassi Michel depuis sa suspension denovembre 2005 ;

Article 3 : Les dépens sont mis à la charge du Trésor Public ;

Article 4 : Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour Suprême, Chambre Administrative, en son audience publique ordinaire du TRENTE ET UNJUILLET DEUX MIL TREIZE ;

Où étaient présents MM. KOBO PIERRE CLAVER, Président de la Chambre Administrative, Président ; YAO-KOUAME MARIEFELICITE, Conseiller-Rapporteur ; BOBY GBAZA, TOBA AKAYE EDOUARD, YVES N'GORAN-THECKLY, ZAKPA AKISSICECILE, KACOUTIE N'GOUAN, Conseillers ; en présence ZAMBLE BI TAH GERAMIN, ALLOH AGATHE, Avocats Généraux ;avec l'assistance de Maître N'GUESSAN NICOLAS, Greffier ;

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président, le Rapporteur et le Greffier.

LE PRESIDENT LE RAPPORTEUR

LE GREFFIER

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25La tribune de la Chambre Administrative 201424

LA COUR,

vu la requête, enregistrée le 08 juin 2012 au Secrétariat Général de la Cour Suprême sous le n° 2012-044 REP, parlaquelle monsieur YAO DOUKA Anderson, Magistrat, Juge d'Instruction à la Section de Tribunal de M'bahiakro, 23 BP521 Abidjan 23, cell 09 00 73 25, sollicite, de la Chambre Administrative, l'annulation pour excès de pouvoir de la décisiondu Premier Président de la Cour d'Appel de Bouaké lui attribuant la note de 11,33/20 au titre de l'année judiciaire 2010 ;

vu la note et les appréciations attaquées ;

vu les autres pièces du dossier ;

vu les réquisitions écrites de madame le Procureur Général près la Cour Suprême reçues le 25 juin 2013 au Secrétariat dela Chambre Administrative et tendant à l'irrecevabilité de la requête ;

vu le mémoire en défense de monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Bouaké reçu le 31 juillet 2013 auSecrétariat de la Chambre Administrative et tendant au rejet de la requête ;

vu le mémoire en réplique après le rapport de monsieur YAO DOUKA Anderson reçu le 18 novembre 2013 au Secrétariat dela Chambre Administrative ;

vu la loi 94-440 du 16 août 1994 déterminant la composition, l'organisation, les attributions et le fonctionnement de la CourSuprême, modifiée et complétée par la loi n° 97-243 du 25 avril 1997 ;

Ouï le Rapporteur ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, qu'alors qu'il était inscrit au tableau d'avancement des Magistrats au titre del'année 2010 pour le passage en 2011 au premier grade, deuxième groupe, premier échelon, monsieur YAO DOUKA Anderson,Juge d'Instruction à la Section de Tribunal de M'bahiakro, s'est vu attribuer par ses supérieurs hiérarchiques la note de 11,33/20avec les appréciations suivantes : « Magistrat qui gagnerait à améliorer son comportement vis-à-vis de ses supérieurshiérarchiques, à être plus courtois, plus discipliné et plus regardant des textes régissant la profession » ;

Considérant que monsieur YAO DOUKA, jugeant cette note et ces appréciations défavorables à son avancement, après desréclamations écrites adressées le 22 décembre 2011 au Premier Président de la Cour d'Appel de Bouaké et à la Présidente dela Commission d'avancement des Magistrats, a saisi la Chambre Administrative aux fins de voir annuler la note de 11,33/20 auxmotifs, d'une part, que l'incident né de son refus poli de représenter son Président de section à une réunion convoquée par lePréfet de M'bahiakro avait déjà été réglé à la suite d'excuses publiques présentées à son supérieur hiérarchique et d'autre part,que les droits de la défense ont été violés en ce qu'il n'a reçu aucune demande d'explications avant l'octroi de la note contestée ;

COUR SUPREME

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

REQUETE N° 2012-044 REPDU 08 FEVRIER 2012

YAO DOUKA ANDERSON

C/

MINISTRE DE LA FONCTION PUBLIQUEET DE LA REFORME ADMINISTRATIVE

AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIREDU 31JUILLET 2013

MONSIEUR KOBO Pierre Claver, PRESIDENT

R E J E T

ARRET N° 247

REPUBLIQUE DE COTE D'IVOIRE

AU NOM DU PEUPLE IVOIRIEN

LA COUR SUPREME

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

DEUXIEME FORMATION

exé La Tribune Chamb. Admi:Mise en page 1 03/04/14 15:42 Page25

26 La tribune de la Chambre Administrative 2014 25

en la forme

Considérant que le Ministère Public conclut à l'irrecevabilité de la requête au motif que la note attaquée n'est pas une décisionadministrative ;

Considérant cependant que les notes et appréciations dont les fonctionnaires sont l'objet, de la part de l'autoritéhiérarchique, sont au nombre des décisions administratives susceptibles d'être déférées à la Chambre Administrativede la Cour Suprême par la voie du recours d'excès de pouvoir ; que, dès lors, la requête en annulation pour excès de pouvoirprésentée par monsieur YAO DOUKA Anderson contre la note de 11,33/20 à lui attribuée au titre de l'année judiciaire 2010 estrecevable ;

Au fond

Sur l'inexactitude matérielle des faits ;

Considérant que l'appréciation faite par l'autorité titulaire du pouvoir de notation de la valeur professionnelle d'un magistrat n'estde nature à être discutée devant la Chambre Administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir que si elle est entachéed'erreur manifeste ou de détournement de pouvoir ;

Considérant que si le requérant soutient que la note à lui attribuée est fondée sur un incident déjà réglé, il n'assortit pas sesallégations d'éléments propres à l'établir, que dès lors, ce moyen doit être rejeté ;

Sur la violation de la loi ;

Considérant, selon le requérant, que la note de 11,33/20, qu'il considère comme une sanction, n'a pas été précédée d'unedemande d'explication ;

Considérant que la note et les appréciations sont le résultat du contrôle de la valeur du fonctionnaire impliquant l'appréciation deses aptitudes professionnelles et autres qualités ainsi que la manière dont il s'acquitte des fonctions qui lui sont confiées ; qu'ellene constitue donc pas une sanction devant être précédée d'une demande d'explication ; que dès lors le moyen tiré de la violationde la loi doit être rejeté ;

D e C I D e

Article 1er : La requête de monsieur YAO DOUKA Anderson est recevable mais mal fondée ;

Article 2 : Elle est rejetée ;

Article 3 : Les dépens sont à la charge du requérant ;

Article 4 : Une expédition de la présente décision sera transmise au Ministre de la Justice, des Droits de l'Homme et des LibertésPubliques ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour Suprême, Chambre Administrative, en son audience publique ordinaire du DIX HUITDECEMBRE DEUX MIL TREIZE ;

Où étaient présents MM. KOBO Pierre Claver, Président de la Chambre Administrative, Président ; Mme FATOUMATA DIAKITE,Conseiller-Rapporteur ; N'GNAORE KOUADIO, YOH GAMA, DEDOH DAKOURI, Mme NIANGO ABOKE MARIA, KOBON ABEHUBERT, GAUDJI K. JOSEPH-DESIRE, Conseillers ; en présence de M. ZAMBLE BI TAH GERMAIN, Avocat Général ; avecl'assistance de Maître LANZE DENIS, Greffier ;

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président, le Rapporteur et le Greffier.

LE PRESIDENT LE RAPPORTEUR

LE GREFFIER

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27La tribune de la Chambre Administrative 2014

Le lait contaminé à la mélamine, qui avait faitscandale en Chine, a dépassé les frontières de cepays pour être livré en Côte d'Ivoire où il a été aucentre d'un contentieux judiciaire opposant unesociété importatrice, OLAM IVOIRE, et l'Etat deCôte d'Ivoire à travers les administrations duMinistère du Commerce et la Direction Généraledes Douanes.

Des faits, il résulte que l'Etat a, par une décision du26 septembre 2008, suspendu de façon temporairel'importation et la vente de produits laitiersprovenant de Chine. Ne pouvant plus écouler sonstock de lait dont elle avait fait la commande de cepays le 30 juin 2008, la société OLAM IVOIRE aobtenu, de son fournisseur chinois, la réexportationde ce lait, à la condition que celle-ci se fasse avantsa date d'expiration. N'ayant pu procéder à laréexportation du fait de l'inertie du Ministre duCommerce et de la Direction Générale desDouanes, la société OLAM IVOIRE a saisi, sur lefondement de l'article 1382 du code civil, le Tribunalde Première Instance d'Abidjan pour voircondamner l'Etat de Côte d'Ivoire et la DirectionGénérale des douanes au paiement de la sommede trois cent millions de francs CFA (300.000.000FCFA) pour le préjudice résultant de la rétentionabusive de sa marchandise.

Le Tribunal de Première Instance d'Abidjan et laCour d'Appel ont rejeté sa demande. Ayant saisi laChambre Judiciaire de la Cour Suprême d'unpourvoi en cassation, ladite juridiction s'estdéclarée incompétente au profit de la ChambreAdministrative de la Cour Suprême qui, par arrêt n°32 du 26 février 2014, a rejeté le pourvoi etconfirmé la décision de la Cour d'Appel au motifque les services publics en cause, ayant agiconformément aux instructions reçues, dansl'intérêt général de la santé publique et pour laprotection des populations, n'ont commis aucunefaute de nature à engager la responsabilité del'Etat.

Cet arrêt retient l'attention surtout par laméconnaissance que les parties et les jugesmanifestent à l'égard du droit de la responsabilitéadministrative. En effet, cette décision traduit

toutes les difficultés d'émergence auxquelles setrouve confronté ce droit. Elles tiennent à ladétermination, d'une part, du juge compétent (1), etd'autre part, aux errements sur le droit applicable(2).

1- La difficulté relative à la détermination du jugecompétent

L'organisation juridictionnelle actuelle de la Côted'Ivoire, caractérisée par l'unité de juridictions, nedevrait pas être, en principe, source de difficultésquant à la détermination du juge compétent pourconnaître d’une affaire. La preuve, il n'existe pas,dans notre pays, un tribunal des conflits pour réglerles questions de compétence comme en France.Cependant, il est une matière, le contentieux de laresponsabilité administrative, qui est sourced'incertitudes et de confusions pour nombre de nosconcitoyens et même pour des spécialistes dudroit.

En effet, si le contentieux de la responsabilitéadministrative, conformément à la législation envigueur, notamment le code de procédure civile,commerciale et administrative, qui relève enpremier ressort des tribunaux de première Instanceet des Cours d'Appel en second ressort, ne connaîtgénéralement pas de problème de compétence, teln'est pas le cas lorsque l'affaire en cause continuesa course jusque devant le juge de cassation, c'est-à-dire la Cour Suprême comprenant « trois

Chambres : a/ Chambre Judiciaire ; b/ Chambre

Administrative ; c/ Chambre des Comptes » (article2 de la loi sur la Cour Suprême).

Devant cette haute juridiction, où la ChambreJudiciaire connaît «…des pourvois en cassation

formés contre les décisions rendues en dernier

ressort » (article 21 de la loi sur la Cour Suprême)et la Chambre Administrative, des « pourvois

dirigés contre les décisions rendues en dernier

ressort dans les procédures où une personne

morale de droit public est partie ….» (article 54 dela loi sur la Cour Suprême), les parties, qui initientune procédure en cassation, se méprennent,généralement, sur le juge compétent, comme dansla présente espèce. La société OLAM IVOIRE a

26

l'emerGence cOnTrarIee Du DrOIT De

la resPOnsaBIlITe aDmInIsTraTIve a Travers

l'arreT n° 32 Du 26 fevrIer 2014, sOcIeTe Olam IvOIre

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28 La tribune de la Chambre Administrative 2014

saisi le juge de la Chambre Judiciaire, qu'elleconsidérait comme le juge compétent, parce qu'ilest le juge de droit commun de cassation desdécisions rendues en dernier ressort par les Coursd'Appel. Pour elle, seule cette juridiction pouvaitsatisfaire son pourvoi en cassation, alors qu'enl'espèce, la présence d'une personne morale dedroit public au procès, l'Etat de Côte d'Ivoire,ouvrait la compétence de la ChambreAdministrative à qui la Chambre Judiciaire a, àjuste titre, renvoyé l'affaire.

Il n'est pas inutile de rappeler qu'il arrive, parfois,que cette juridiction se méprenne sur sacompétence et renvoie l'affaire, à tort, à laChambre Administrative, lorsqu'une société d'Etat,regardée faussement comme une personne moralede droit public, est partie à un procès en cassation(arrêt n° 94 du 30 mai 2012, PAA C/ SICPRO etautres).

Cette complexité de la trajectoire judiciaire ducontentieux de la responsabilité administrative faitqu'elle a du mal à se développer et à faire intégrer,de façon durable, dans toutes les consciences, lerégime qui lui est propre en ce qui concerne lesjuridictions compétentes. Cette lacune se faitressentir également au niveau du droit applicablequi, depuis l'arrêt Société des Centaures Routiersdu 14 janvier 1970, n'est pas encore totalementmaîtrisé autant par les justiciables que les acteursdu droit.

2- Les errements sur la détermination du droitapplicable

Comme rappelé ci-dessus, un constat désabusés'impose aujourd'hui. En effet, 40 ans après l'arrêt-phare du droit administratif ivoirien, l'arrêt Sociétédes Centaures Routiers du 14 janvier 1970 parlequel la Chambre Administrative a consacrésolennellement le projet architectural de laséparation du droit public et du droit privé, onobserve, selon le cas, avec stupéfaction ourésignation, que les confusions et les incertitudessur le droit applicable à l'administration persistent.En effet, trop souvent, le juge de droit commun quise perçoit, à tort, comme seulement un "JugeJudiciaire" oublie ou ignore le droit administratif quela législation et la jurisprudence lui imposentpourtant d'appliquer, dès qu'il est saisi d'un litigeadministratif !!

Ainsi, la matière même de la responsabilitéextracontractuelle de l'administration, apparuecomme le fleuron de l'autonomie du droitadministratif, est, plus ou moins, totalement« civilisée » par le juge, qu'il soit du Tribunal, de laCour d'Appel ou même de la Chambre Judiciaire dela Cour Suprême.

L'arrêt Société OLAM est assez illustratif de cettesituation. Dans cette espèce, où les faits mettent enlumière une question de responsabilité du fait desdécisions administratives qui postule qu'un acteadministratif légal peut entraîner la responsabilitéde l'administration s'il a pour effet de faire subir àune personne, dans l'intérêt général, un préjudicespécial et anormal, d'une certaine gravité (C.E. 30novembre 1923, Couitéas, rec. 789 ; C.E. 23 février1963, Commune de Gavarnie, rec. 113), autant larequérante, par le canal de son avocat, que lesjuridictions se sont polarisées sur l'article 1382 ducode civil.

Il reste clair qu'avec l'article 1382, il faut nonseulement un préjudice, mais aussi une faute pourengager la responsabilité de la personne à qui estimputée la faute. Or en l'occurrence, l'Etat, enassumant sa mission de sauvegarde de la santépublique par la destruction du lait contaminé, n'acommis aucune faute. Mais si la responsabilité del'Etat ne pouvait être retenue sur la base de l'article1382 parce qu'il n'a commis aucune faute, ellepouvait, par contre, être engagée en se fondant surle droit administratif, sur le régime de laresponsabilité administrative, une responsabilitésans faute pour rupture de l'égalité devant lescharges publiques.

En effet, si, en principe, la responsabilité de lapuissance publique se fonde sur une faute, elle sesingularise, aussi, dans certains cas, par uneresponsabilité sans faute. C'est une responsabilitéde plein droit, en raison du préjudice causé. Il enest ainsi en cas de risque, mais aussi pour rupturede l'égalité devant les charges publiques etsingulièrement de la responsabilité du fait desdécisions administratives. Dans les cas deresponsabilité sans faute, non seulement la preuvedu caractère fautif du fait dommageable n'a pas àêtre faite par la victime, mais encore la preuve parle demandeur qu'aucune faute n'a été commise estsans conséquence. La responsabilité est engagée,même en l'absence de faute.

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Cependant, à aucun moment, ni la requérante niles juridictions saisies n'ont évoqué le régime de laresponsabilité administrative. Et pourtant, l'arrêtSociété des Centaures Routiers précité, qu'ilimporte de garder et de regarder comme la pierreangulaire du droit administratif ivoirien, en destermes quasiment identiques à ceux de l'arrêtBlanco de 1873 du Tribunal des Conflits, a plantésolidement les piliers de l'édifice du droitadministratif ivoirien, en posant en principescardinaux que : « la responsabilité qui peutincomber à l'Etat pour les dommages causésaux usagers ne peut être régie par les principesqui sont établis par le code civil pour lesrapports de particulier à particulier ; que cetteresponsabilité n'est ni générale, ni absolue ;qu'elle a ses règles spéciales qui varientsuivant les besoins du service et la nécessitéde concilier les droits de l'Etat avec les droitsprivés… »

Ainsi, si la responsabilité de l'Etat peut être retenuepour les dommages causés par les personnes qu'ilemploie, il s'agit, cependant, d'une responsabilitéajustée à la singularité des fins poursuivies,notamment, l'intérêt général qui transcende lesintérêts privés ; dès lors, les principes établis par lecode civil doivent être écartés au profit de règlesspéciales qui sont celles du droit administratif.

L'arrêt n° 2 rendu par la Chambre Administrative le18 janvier 2012, Etat de Côte d'Ivoire contreNOMEL Agness Antoinette, confirme la particularitéde la responsabilité de l'Etat, lorsqu'il affirme, dansl'un de ses considérants, que « la responsabilitéde l'administration [est] spécifique et noncalquée sur celle du droit commun ».

Malheureusement, c'est ce qu'a manqué de releverl'arrêt Société OLAM qui s'est fondée sur l'absencede faute de l'Etat au regard de l'article 1382 ducode civil pour rejeter la demande de la requérante,alors que, dans cette affaire, le régime de laresponsabilité sans faute, notamment du fait desdécisions administratives, s'imposait.

De ce qui précède, il est à observer que le droit dela responsabilité administrative, dans notre pays,est malmené, étriqué, perdu entre diversesjuridictions et momifié dans les bandelettes du droitcivil. Au contraire de la France, où c'est ce droit quise développe, chez nous, c'est l'image contraire. Ledroit de la responsabilité administrative est ensouffrance, alors que le recours pour excès depouvoir est en pleine expansion.

Conseillers DIAKITé Fatoumata & NIANGO Aboké Maria

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30 La tribune de la Chambre Administrative 2014 29

COUR SUPREME

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

POURVOI N° 2012-526 CIVDU 17 OCTOBRE 2012

SOCIETE OLAM IVOIRE

C/

ETAT DE COTE D'IVOIRE ETADMINISTRATION DES DOUANES

AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIREDU 26 FEVRIER 2014

MONSIEUR KOBO Pierre Claver, PRESIDENT

R E J E T

ARRET N° 32

REPUBLIQUE DE COTE D'IVOIRE

AU NOM DU PEUPLE IVOIRIEN

LA COUR SUPREME

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

DEUXIEME FORMATION

LA COUR,

vU l'acte d'huissier, enregistré au Secrétariat Général de la Cour Suprême le 17 octobre 2012 sous le n° 2012-526 CIV, parlequel la société OLAM IVOIRE, société à responsabilité limitée, au capital de 200 000 000 Francs, sise à Abidjan, zoneportuaire, Vridi canal, BP 346 cidex 1 Abidjan 06, représentée par son gérant, monsieur RANVEERS CHAUHAN, ayantpour conseil, maître COULIBALY Soungalo, avocat demeurant au Plateau, boulevard ROUME, immeuble JAM, 1er étage,près du Parquet Général près la Cour Suprême, 04 BP 2192 Abidjan 04, téléphone : 20 22 73 54, a formé un pourvoi encassation contre l'arrêt n° 363 du 11 mai 2012 de la Cour d'Appel d'Abidjan confirmant le jugement n° 320 du 03 février2011 du Tribunal de Première Instance d'Abidjan qui l'a déboutée de sa demande en dommages-intérêts ;

vU l'arrêt attaqué ;

vU l'arrêt n° 477 du 10 octobre 2013 par lequel la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême s'est déclarée incompétente auprofit de la Chambre Administrative ;

vU les pièces du dossier ;

vU les conclusions du Ministère Public près la Cour Suprême, reçues à la Chambre Judiciaire le 27 juin 2013 et tendant aurejet du pourvoi ;

vU les pièces desquelles il résulte que le Ministère Public près la Cour Suprême et l'Administration des Douanes ont étéavisés de la date de l'audience du 29 janvier 2014 ;

vU la loi n° 94-440 du 16 août 1994 déterminant la composition, l'organisation, les attributions et le fonctionnement de laCour Suprême, modifiée et complétée par la loi n° 97-243 du 25 avril 1997 ;

OUÏ le Rapporteur ;

Considérant, selon les énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué (arrêt n° 363 du 11 mai 2012, Cour d'Appel d'Abidjan), qu'à lasuite d'une décision du gouvernement ivoirien prise le 26 septembre 2008 portant suspension temporaire d'importation et devente de produits laitiers en provenance de CHINE, la société OLAM IVOIRE, qui avait importé de CHINE par bateau 96 tonnesde lait le 30 juin 2008, a sollicité et obtenu du fournisseur chinois la réexportation du lait litigieux à condition que cette opérationait lieu dès l'arrivée de la cargaison de la marchandise contaminée au port d'Abidjan avant l'expiration du délai de péremption ;que le 15 janvier 2009, la société importatrice a sollicité l'autorisation de réexporter la marchandise incriminée du Ministère duCommerce, lequel, après plusieurs relances, a autorisé la réexportation le 04 septembre 2009 après que le lait litigieux contaminépar la mélanine ait été détruit et la date de péremption expirée ;

Considérant qu'assignés devant le Tribunal de Première Instance d'Abidjan par la société OLAM IVOIRE sur le fondement del'article 1382 du code civil, en paiement de la somme de 300.000.000 Francs à titre de dommages-intérêts pour la réparation dupréjudice résultant de la rétention abusive de la marchandise, l'Etat de Côte d'Ivoire et l'Administration des Douanesont sollicité reconventionnellement la somme de 500 000 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive etvexatoire ;

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31La tribune de la Chambre Administrative 201430

Considérant que le Tribunal, par jugement n° 320 du 03 février 2011, confirmé par arrêt n° 363 du 11 mai 2012 contre lequel lasociété OLAM IVOIRE s'est pourvue en cassation, les a déboutés de leurs demandes ; que par arrêt n° 477 rendu le 10 octobre2013, la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême, au motif que l'Etat, une personne morale de droit public est partie au procès,s'est déclarée incompétente et a renvoyé la procédure devant la Chambre Administrative ;

sur la compétence de la Chambre Administrative

Considérant qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article 54 de la loi sur la Cour Suprême "la Chambre Administrative connaît despourvois en cassation dirigés contre les décisions rendues en dernier ressort dans les procédures où une personnemorale de droit public est partie" ;

Considérant en l'espèce que, l'Etat, une personne morale de droit public est partie au procès où a été rendue la décisionattaquée ; que, dès lors, la Chambre Administrative est seule compétente pour en connaître ;

sur le moyen unique tiré du défaut de base légale

Considérant que la société OLAM IVOIRE reproche à la Cour d'Appel d'avoir privé sa décision de base légale au regard del'article 1382 du Code Civil en confirmant le jugement entrepris qui l'a déboutée de sa demande en dommages-intérêts, sansvérifier si le Ministère du Commerce et l'Administration des Douanes n'ont pas injustement retardé la réexportation de lamarchandise litigieuse et de s'être contentée d'affirmer que les deux Administrations, qui, ont reçu l'ordre de détruire le laitcontaminé provenant de Chine, n'ont commis aucune faute ;

Mais considérant que la Cour d'Appel, en relevant que l'Administration des Douanes et les services du Ministère du Commerce,agissant conformément aux mesures du gouvernement portant suspension temporaire d'importation et de vente des produitslaitiers en provenance de Chine, prises dans l'intérêt général de la santé et pour la protection des populations, n'ont commisaucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué de la Cour d'Appel se trouve légalementjustifié ;

Que le moyen n'est donc pas fondé ;

PAR Ces MOTIfs

Rejette le pourvoi formé par la société OLAM IVOIRE contre l'arrêt n° 363 rendu le 11 mai 2012 par la Cour d'Appel d'Abidjan ;

Laisse les dépens à la charge de la société OLAM IVOIRE ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour Suprême, Chambre Administrative, en son audience publique ordinaire du VINGT SIXFEVRIER DEUX MIL QUATORZE ;

Où étaient présents MM. KOBO Pierre Claver, Président de la Chambre Administrative, Président ; TOBA AKAYE EDOUARD,Conseiller-Rapporteur ; BOBY GBAZA, KACOUTIE N'GOUAN, Mme YAO-KOUAME FELICITE, Conseillers ; en présence deMM. ZAMBLE BI TAH GERMAIN, LIA BIENTO, Avocats Généraux ; avec l'assistance de Maître N'GUESSAN NICOLAS, Greffier ;

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président, le Rapporteur et le Greffier.

LE PRESIDENT LE RAPPORTEUR

LE GREFFIER

exé La Tribune Chamb. Admi:Mise en page 1 03/04/14 15:42 Page31

32 La tribune de la Chambre Administrative 2014 31

sOmmaIre Des DecIsIOns De la cHamBre

aDmInIsTraTIve De la cOur suPreme

(janvIer -fevrIer 2014)

PReMIeRe fORMATION

AUDIENCE DU 22 JANVIER 2014

1- AFFAIRE LA POSTE DE COTED'IVOIRE C/ DAKOURI GNADJA (CASS/ADM)ARReT N° 01 INCOMPeTeNCeReNvOI DevANT LA CHAM. jUD.

2- AFFAIRE COMMUNAUTEMUSULMANE DE LA RIVIERA C/MINISTRE DE LA CONSTRUCTION,DE L'URBANISME ET DE L'HABITAT(REP)ARReT N° 02 RejeT

3- AFFAIRE BREMI AGO C/ PREFETDE GRAND BASSAM (REP) ARReT N° 03 IRReCevABILITe

4- AFFAIRE KOFFI AKE CAMILLE C/MINISTRE DE LA CONSTRUCTION,DE L'URBANISME ET DE L'HABITAT(REP)ARReT N° 04 CLAsseMeNTPROvIsOIRe

5- AFFAIRE LES AYANTS DROIT DECISSE MEDOUNE C/ MINISTRE DELA CONSTRUCTION, DEL'URBANISME ET DE L'HABITAT,MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DESFINANCES, MINISTRE DEL’INDUSTRIE ET DUDEVELOPPEMENT DU SECTEURPRIVé(REP)ARReT N° 05 IRReCevABILITe

6- AFFAIRE ADELE JUSTINE YAPOBIC/ MINISTRE DE LA CONSTRUCTION,DE L’ASSAINISSEMENT ET DEL'URBANISME, CONSERVATEUR DELA PROPRIETE FONCIERE ET DESHYPOTHEQUES DE COCODY(REP)ARReT N° 06 RejeT

7- AFFAIRE CAMARA MOHAMED C/MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DESFINANCES (REP)ARReT N° 07 ANNULATION

AUDIENCE DU 19 FEVRIER 2014

8- AFFAIRE SOCIETE D'ETUDE ET DEDEVELOPPEMENT DE LA CULTUREBANANIERE DITE « SCB » C/MINISTRE DES EAUX ET FORETS(REP)ARReT N° 17 ANNULATION

9- AFFAIRE CALLEGARI STEPHANEC/ PORT AUTONOME D'ABIDJAN(REP)ARReT N° 18 RejeT

10- AFFAIRE Mme ATTOUOPIERRETTE C/ CONSERVATEUR DELA PROPRIETE FONCIERE ET DESHYPOTHEQUES DE COCODY(REP)ARReT N° 19 ANNULATION

11- AFFAIRE ZOKOU BAYE C/MINISTRE DE L’EMPLOI ET DE LAFONCTION PUBLIQUE(REP)ARReT N° 20 IRReCevABILITe

12- AFFAIRE Mme KOUASSI AKOUAMARIE MADELEINE C/ ARRET N° 67DU 18 AVRIL 2012 DE LA CHAMBREADMINISTRATIVE DE LA COURSUPREME (REP)ARReT N° 21 IRReCevABILITe

13- AFFAIRE NAMPE AHOUOSOLANGE ET 06 AUTRES C/MINISTRE DU LOGEMENT, DEL’ASSAINISSEMENT ET DEL'URBANISME(RET)ARReT N° 22 RejeT

14- AFFAIRE ASSOCIATION RALLYESAINT GEORGES C/ ARRET N° 111DU 18 JUILLET 2012 DE LACHAMBRE ADMINISTRATIVE DE LACOUR SUPREME (RET)ARReT N° 23 IRReCevABILITe

15- AFFAIRE DJE N'DRI JEAN NOELC/ MINISTRE DE LA CONSTRUCTION,DE L'URBANISME ET DE L'HABITAT (REP)ARReT N° 24 RejeT

16- AFFAIRE COMMUNE D'ABOBO C/YAO DJOUE ET AUTRES(SOC)ARReT N° 25 CAssATION

17- AFFAIRE AHIN YAO AUGUSTIN C/PREFET DE SAN-PEDRO(REP)ARReT N° 26 ANNULATION

18- AFFAIRE GBO GILBERT C/PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE(REP)ARReT N° 27 IRReCevABILITe

DeUxIeMe fORMATION

AUDIENCE DU 29 JANVIER 2014

19- AFFAIRE YED TOUSSAINTC/MINISTRE DE LA CONSTRUCTION,DE L'URBANISME ET DE L'HABITAT(REP)ARReT N° 08 ANNULATION

20- AFFAIRE DEFLORIN MARCELWERNER C/ ARRET N° 19 DU 21 MAI2008 (RET)ARReT N° 09 IRReCevABILITe

21- AFFAIRE SCP LA FLECHERE C/SOUS-PREFET DE BINGERVILLE(REP)ARReT N° 10 IRReCevABILITe

22- AFFAIRE ALABI OLADEMEJIPHILIPPE C/ MINISTRE DE LACONSTRUCTION, DE L'URBANISMEET DE L'HABITAT, (REP)ARReT N° 11 ANNULATION

23- AFFAIRE Mme ANGRAH BRAHCOLETTE C/ MINISTRE DEL'ECONOMIE ET DES FINANCES(REP)ARReT N° 12 RejeT

24- AFFAIRE GOMI BI ZAOULILUCIEN C/ MINISTRE DE LACONSTRUCTION, DE L'URBANISMEET DE L'HABITAT, (REP)ARReT N° 13 ANNULATION

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33La tribune de la Chambre Administrative 201432

25- AFFAIRE ASSOU CHARLES ETAUTRES C/ MINISTRE D’ETAT,MINISTRE DE L'INTERIEUR(REP)ARReT N° 14 ANNULATION

26- AFFAIRE BEKESSE BEUGREJEAN C/ PREFET D'ABIDJAN(REP)ARReT N° 15 IRReCevABILITe

27- AFFAIRE SOCIETE PLASTICALBEC/ MINISTRE DE LA CONSTRUCTION,DE L'URBANISME ET DE L'HABITAT, (REP)ARReT N° 16 ANNULATION

AUDIENCE DU 26 FÉVRIER 2014

28- AFFAIRE VE BOUA C/ MINISTREDE LA CONSTRUCTION, DEL'URBANISME ET DE L'HABITAT, (REP)ARReT N° 28 ANNULATION

29- AFFAIRE LES AYANTS DROIT DEHOUPHOUET KOUAKOU C/MINISTRE DE LA CONSTRUCTION ETDE L'URBANISME(REP)ARReT N° 29 ANNULATION

30- AFFAIRE MINISTRE DEL'ECONOMIE ET DES FINANCES C/AMIA APO JOCELYNE(CASS/ADM)ARReT N° 30 CAssATIONIRReCevABILITe

31- AFFAIRE ROGER TABA C/KOUASSI AMANY DE PIERREMESMER(CIV)ARReT N° 31 CAssATION

32- AFFAIRE SOCIETE OLAM IVOIREC/ ETAT DE COTE D'IVOIRE ETADMINISTRATION DES DOUANES(CIV)ARReT N° 32 RejeT

33- AFFAIRE KOUAKOU KOUAMECHRISTOPHE C/ MINISTRE DE LACONSTRUCTION, DE L'URBANISMEET DE L'HABITAT, (REP)ARReT N° 33 ANNULATION

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34 La tribune de la Chambre Administrative 2014

ne salle d'audience est pour unejuridiction ce que la Basilique SaintPierre est pour le Vatican, c'est-à-direle lieu d'expression par excellence de

sa liturgie et de son message à la ville et au monde.Depuis le vendredi 19 avril 2013, la ChambreAdministrative de la Cour Suprême s'est vu doterd'une salle d'audience située dans un 15ème étagede la Tour BICICI, avenue Franchet d'Esperey,réaménagé en bureaux et salle de délibérations.

L'inauguration de cette salle a été faiteeffectivement par le Président de la Cour Suprême,le Président KONE MAMADOU, en présence de :

- Monsieur le Président AMANGOUA Georges,

- Madame la Présidente de la Chambre judiciaire,

- Monsieur le Président de la Chambre desComptes,

- Monsieur le secrétaire Général de la Coursuprême,

- Mesdames et Messieurs les Conseillers de laChambre Administrative,

- Mesdames et Messieurs le Personneljudiciaire et Administratif.

33

InauGuraTIOn De

la salle D’auDIence De

la cHamBre aDmInIsTraTIve

U

La coupure du ruban symbolique

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La salle d'audience, avec une salle de délibéréattenante, revêtue de ses nouveaux oripeaux, seprésente comme la pierre d'angle de la juridictionadministrative.

A ce titre, lors de la cérémonie de coupure du rubansymbolique permettant d'accéder aux nouveauxlocaux, le Président de la Chambre Administrative,le Président KOBO, a tenu à préciser que « Le

langage de la justice ne se limite pas à celui des

lois, des arrêts et de la jurisprudence. Il s'exprime

également « dans les formes plus immédiatement

accessibles et plus visibles dans la cité », parl'architecture, par l'inscription dans la ville despalais ou des maisons de la justice ; par leurdessin, leur volume, leurs façades et leurs frontons,leurs espaces intérieurs aussi : salles des pasperdus et salles d'audience ».

Dans ses propos, le Président KOBO a égalementrendu un vibrant hommage à son prédécesseur, lePrésident AMANGOUA Georges, qui a nourri leprojet de réalisation de cette salle d'audience dansle réaménagement du 15ème étage dans l'attente de

la construction d'un temple dédié à la juridictionadministrative.

Prenant à son compte cette heureuse initiative, lePrésident de la Cour Suprême a publiquementsouligné que la Chambre Administrative, s'efforçantd'équilibrer, de concilier les prérogatives légitimesde l'intérêt général, porté par les personnespubliques, et les droits des particuliers, a su, àtravers sa jurisprudence et le récent contentieuxdes élections locales, gagner la confiance despouvoirs publics et des justiciables qui lasaisissent, de façon croissante, d'une année àl'autre.

Ce réaménagement du 15ème étage, avecl'installation d'une salle d'audience, de délibéré etde nouveaux bureaux, fait la joie non seulementdes magistrats, greffiers et avocats, qui bénéficientainsi de locaux de travail fonctionnels, mais aussides justiciables, accueillis dans un cadre agréablepropice à adoucir leur passion contentieuse.

Le Conseiller Yves N'GORAN-THECKLY

35La tribune de la Chambre Administrative 2014

Le prétoire

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LA TRIBUNEDE LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

Président du comité de rédaction : Président KOBO Pierre Claver

Directeur de Publication : Conseiller GAUDJI K. Désiré

Comité de Rédaction : Conseillers N'GNAORE Kouadio Antoine ; BOBY Gbaza ; N’GORAN-THECKLY Yves ; TOBA Akayé Edouard ; Fatoumata DIAKITE ; DEDOH Dakouri ; KOBON ABE Hubert ; NIANGO Maria ; Messieurs KISSIEDOU Sylvère Caporal et KONAN Adjé Houssou Yao

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