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Apports et limites des études existantes Mobilité étudiante Erasmus (NLUJL ,\YVWL ,K\JH[PVU -VYTH[PVU -YHUJL TXDL GHV &KDUWURQV %RUGHDX[ FHGH[ ^^^LMMY Erasmus

mobilité étudiante Erasmus | Apports et limites des études existantes

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2e2f.fr

AGENCE EUROPE-EDUCATION-FORMATION FRANCE

25 quai des Chartrons • F - 33080 Bordeaux Cedex Tél. 05 56 00 94 00 • Fax 05 56 00 94 80

www.2e2f.fr • [email protected]

www.2e2f.frCOMENIUS • LEONARDO DA VINCI • GRUNDTVIG • VISITES D’ÉTUDE • ERASMUS • ERASMUS MUNDUS •

TEMPUS • EUROPASS • EUROGUIDANCE • LABEL EUROPÉEN DES LANGUES • EXPERTS DE BOLOGNE

Apports et limitesdes études existantes

Mobilité étudiante Erasmus

Erasmus

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CENTRE INTERNATIONAL D’ÉTUDES PÉDAGOGIQUES Département langues et mobilité 1, avenue Léon-Journault 92318 Sèvres cedex - France

La mobilité étudiante Erasmus

Apports et limites des études existantes

Commande de

l’Agence Europe Education Formation France

MAPA n°12-2011/ERA.COM

Centre international d’études pédagogiques Département langues et mobilité

Centre de ressources et d’ingénierie documentaire

Auteur du rapport : Annick Bonnet

Mars 2012

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Centre international d’études pédagogiques| La mobilité étudiante Erasmus | Apports et limites des études existantes | Page 2

SOMMAIRE

Listes des sigles utilisés ....................................................................................................................... 3

Introduction ............................................................................................................................................. 4

I Littérature sur la mobilité étudiante Erasmus : auteurs, sources et méthodologie ......................... 7

1.1 Auteurs et commandes ............................................................................................................. 7

1.2 Méthodologies et sources utilisées ......................................................................................... 10

II Thématiques et enjeux couverts par les recherches existantes .................................................... 16

2.1 Cartographie de la mobilité Erasmus ...................................................................................... 16

2.2 Profil des étudiants .................................................................................................................. 23

2.3 Motivations et perceptions ..................................................................................................... 26

III Principaux impacts de la mobilité étudiante Erasmus .................................................................. 30

3.1 Impact au niveau de l’enseignement supérieur ...................................................................... 30

3.2 Impact sur le développement d’une citoyenneté européenne .............................................. 32

3.3 Impact économique et valeur professionnelle du séjour Erasmus ......................................... 33

3.4 Impact sur les territoires ......................................................................................................... 37

3.5 Amélioration des compétences linguistiques des étudiants Erasmus .................................... 39

3.6 Expérience identitaire et compétences interculturelles ......................................................... 41

IV Obstacles et/ou freins qui réduisent la portée de la mobilité étudiante Erasmus ....................... 43

4.1 Un constat : seule une minorité d’étudiants européens bénéficie du programme ................ 43

4.2 Contrainte financière ............................................................................................................... 45

4.3 Reconnaissance et intégration dans le cursus......................................................................... 46

4.4 Autres obstacles perçus ........................................................................................................... 46

V Perspectives et prospectives .......................................................................................................... 48

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Centre international d’études pédagogiques| La mobilité étudiante Erasmus | Apports et limites des études existantes | Page 3

Listes des sigles utilisés

2e2f Agence Europe Education Formation France

ACA Association de coopération académique

AFS American Field Service

AN Agence nationale de la Commission européenne

CEREQ Centre d'études et de recherches sur les qualifications

CHEPS Centre for higher education policy studies

CIEP Centre international d'études pédagogiques

CIMO Centre for International Mobility (FI)

CLES Certificat de Compétences en langues de l’enseignement supérieur

Comenius Sous-programme EFTLV (enseignement scolaire)

CORIE Commission des Relations internationales et européennes de la CPU

CPU Conférence des présidents d'universités

CRID Centre de ressources et d'ingénierie documentaire du CIEP

DAAD Deutscher akademischer Austauschdienst (DE)

DG EAC Direction générale Education, Audiovisuel et Culture de la Commission européenne

DG COM Direction Communication de la Commission européenne

DLM Département langues et mobilité du CIEP

EACEA Agence exécutive Education, audiovisuel et culture de la Commission européenne

ECTS Système européen de transfert et d'accumulation de crédits

EEES Espace européen de l'enseignement supérieur

EES Etablissements d'enseignement supérieur

EFTLV Programme Enseignement et formation tout au long de la vie de la Commission européenne (2007-2013)

ERASMUS European Region Action Scheme for the Mobility of University Students (Sous-programme EFTLV)

ESN European Student Network

ESU European Students' Union

Eurydice Information sur les systèmes et les politiques d'enseignement en Europe

HEFCE Higher Education Funding Council for England

HIS Hochschul-Informations-System GmbH (DE)

IFE Institut français de l’Education

IFOP Institut français d'opinion publique

INCHER- Kassel

The International Centre for Higher Education Research Kassel (DE)

IPK Internationella Programkontoret (SE)

Leonardo Sous-programme EFTLV (enseignement et formation professionnelle)

LRU Loi sur l'autonomie des universités

MAEE Ministère des affaires étrangères et européennes

MENJVA Ministère de l’Education nationale, de la jeunesse et de la vie associative

MESR Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche

NUFFIC Netherlands Organisation for International Cooperation in Higher Education (NL)

OCDE Organisation de coopération et de développement économique

OVE Observatoire de la vie étudiante

PE Parlement européen

PRES pôle de recherche et d'enseignement supérieur

UNESCO Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture

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Introduction

La mobilité des jeunes, une préoccupation européenne

La mobilité des jeunes figure parmi les priorités du programme Education et Formation Tout au Long

de la Vie (EFTLV) qui a vu, depuis son lancement en 2007, l’intégration du programme ERASMUS créé

en 1987 à destination de l’enseignement supérieur, le développement d’actions à destination des

élèves et du personnel de l’enseignement scolaire (Comenius), des élèves, apprentis, personnes sur

le marché du travail et acteurs de la formation professionnelle (programme sectoriel Leonardo) et

des adultes (programme Grundtvig). Ces actions visent à accroître la qualité de l’éducation et de la

formation, à améliorer la coopération en éducation en Europe et à favoriser la mobilité. Depuis 2007,

le programme s’est enrichi de nouvelles actions, telles que « Comenius Regio », favorisant la

coopération à l’échelle régionale dans le domaine de l’éducation, ou la promotion de la mobilité

individuelle des élèves dans le cadre de Comenius.

2012 marque une étape importante ; elle verra l’active préparation du nouveau programme

européen dédié à l’enseignement et la formation (2014-2020), dont le nom et les grandes

orientations ont été dévoilés le 23 novembre dernier par Androulla Vassiliou, Commissaire à

l’éducation, à la culture, au multilinguisme et à la jeunesse. Le programme s’appellera « Erasmus

pour tous », en référence au programme éponyme actuel, dédié à l’enseignement supérieur :

« Erasmus est l’une des grandes réussites de l’Union, celui de nos programmes qui est le plus connu

et le plus populaire ». Le Président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso, a

notamment évoqué les impacts du programme : « Les retombées d’Erasmus sont extraordinaires,

non seulement pour les étudiants, mais pour l’économie tout entière ». Doté d’un budget global de

19 milliards d’euros, il vise à faciliter la mobilité de plus de 5 millions de personnes, parmi lesquelles

2,2 millions d’étudiants et 540.000 jeunes dans le cadre des programmes de volontariat et

d’échanges de jeunes.

L’actuel programme pour l’Education et la Formation Tout au Long de la Vie (EFTLV) est arrivé

à un moment charnière, entre bilan et prospectives. Pour construire l’avenir du programme, les

acteurs, les décideurs, les bénéficiaires ont besoin d’outils et d’indicateurs pour connaître les

retombées des actions menées, identifier les obstacles ou les freins et relayer les bonnes pratiques.

Au regard des enjeux et des sommes engagés, les parties prenantes ont créé des outils de suivi et

d’évaluation propres à mesurer l’impact de ce programme, tant sur les bénéficiaires directs que sur

les systèmes d’enseignement supérieur et sur l’économie européenne. Parmi ces outils figurent les

études d’impact, dont l’usage s’est répandu dans le domaine de l’éducation depuis la fin des années

1990.

Des outils au service du pilotage

En tant qu’Agence nationale (AN) de la Commission européenne, l’Agence Europe-Education-

Formation-France (2e2f) gère les actions décentralisées du programme EFTLV ; dans le cadre de cette

mission, elle souhaite développer son action de réflexion stratégique et d’impulsion, en appui à ses

missions de gestion de projets. Depuis quelques années, elle a initié le lancement de plusieurs études

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et enquêtes pour contribuer à la réflexion sur les enjeux sectoriels nationaux et européens dans le

domaine de l’éducation, l’enseignement supérieur et à la formation professionnelle.

Via un appel d’offres, l’Agence 2e2f a commandité un rapport sur la littérature existante au

regard de deux actions de mobilité à destination des jeunes, et a choisi de mettre en avant deux

programmes communautaires :

- Erasmus : mobilité des étudiants (études et de stages) ;

- Comenius : mobilité individuelle des élèves (études)1.

Ce rapport, réalisé entre novembre 2011 et janvier 2012, doit proposer des jalons pour

l’analyse de l’impact de ces actions de mobilités tel qu’il a pu être mesuré en Europe et en France, et

étudier l’opportunité de lancer une ou plusieurs études sur ces domaines. C’est au Centre

international d’études pédagogiques (CIEP) que l’Agence 2e2f a choisi de confier la recension, la

synthèse et la formulation de recommandations.

Mobilité étudiante Erasmus

Le programme sectoriel Erasmus entre en 2012 dans sa 25ème année. L'un de ses objectifs

primordiaux est de contribuer à la création d'un « espace européen de l'enseignement supérieur » et

de favoriser l'innovation à travers toute l'Europe. Plus de 2,3 millions d'étudiants y ont participé

depuis son lancement en 19872 (DGEAC3 2011)4, ainsi que 270 000 professeurs et autres membres du

personnel de l'enseignement supérieur depuis 1997, ce type d'échanges ayant été encore renforcé

en 2007 par l’introduction d’une mobilité de stage.

Le budget annuel du programme sectoriel (actions décentralisées) dépasse les 415,25 millions

d'euros et bénéficie de la participation de 2.982 établissements d'enseignement supérieur (DGEAC

2011) dans 33 pays. Au regard des enjeux et des sommes engagés, les parties prenantes ont créé des

outils de suivi et d’évaluation propres à mesurer l’impact de ce programme, tant sur les bénéficiaires

directs que sur les systèmes d’enseignement supérieur et sur l’économie européenne. Parmi ces

outils figurent les études d’impact, dont l’usage s’est répandu dans le domaine de l’éducation depuis

la fin des années 1990.

La France participe activement au programme Erasmus5 : en 2009-2010, dans le cadre de ce

programme, la France a envoyé plus de 30.000 étudiants (mobilité stage et études) étudier ou

travailler en Europe, tandis qu’elle en accueillait plus de 26.0006. La mobilité stage (entrante et

1 Le rapport concernant la mobilité des élèves a fait l’objet d’une publication distincte (« La mobilité individuelle des élèves, un chaînon

manquant dans l’analyse d’impact de la mobilité des jeunes », Sèvres : Centre international d’études pédagogiques, mars 2012). Elle est consultable sur le site de l’Agence 2e2f. 2 Les chiffres qui suivent renvoient à l’année académique 2009/10. 32 pays participaient au programme Erasmus à ce moment, avant l’entrée de la Suisse. 3 L'Agence exécutive "Education, audiovisuel et culture" (EACEA) est responsable de la gestion de certaines parties des programmes de l'UE dans les domaines de l'éducation, de la culture et de l'audiovisuel et gère notamment les actions décentralisées. Pleinement opérationnelle depuis le 1er Janvier 2006, l'Agence Exécutive exerce ses activités sous la supervision de la Direction Générale EAC Education et Culture (DG EAC). 4 Pour les références complètes, se reporter à la bibliographie du présent rapport, accessible depuis le site de l’Agence 2e2f.

http://www.europe-education-formation.fr/etudes-impact.php 5 Les objectifs du programme Erasmus ainsi que la documentation officielle sont détaillés sur le site Internet de l’Agence Europe Education Formation France. http://www.2e2f.fr/erasmus.php 6 Le présent rapport ne portera pas sur le programme Erasmus Mundus. Le programme encourage et soutient la mobilité des personnes et la coopération entre établissements européens et non européens. L'objectif est de promouvoir l'Union européenne comme espace d'excellence académique à l'échelle mondiale, de contribuer au développement durable de l'enseignement supérieur des pays tiers et d'offrir aux étudiants les meilleures perspectives de carrière. Pour plus d’informations sur ce programme, se reporter aux pages dédiés à ce programme sur le site de l’Agence 2e2f http://www.2e2f.fr/erasmus-mundus.php.

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Centre international d’études pédagogiques| La mobilité étudiante Erasmus | Apports et limites des études existantes | Page 6

sortante) connaît la plus forte croissante. La mobilité Erasmus ne concerne qu’un faible pourcentage

de la population étudiante (2 % par an), car une série d’obstacles empêche un accès plus large à la

mobilité. Des recherches et des analyses des retombées du programme ont été menées, mais n’ont

pas fait l’objet d’une véritable synthèse. On peut même avancer que la mobilité Erasmus a été moins

analysée que la mobilité entrante de diplôme.

Méthodologie suivie

Ce travail est le fruit d’une collaboration au sein du CIEP entre l’Unité Europe du Département

langues et mobilité (DLM) et le Centre de Ressources et d’Ingénierie Documentaire (CRID). Cette

synthèse ne prétend nullement à l’exhaustivité et se conçoit comme un rapport opérationnel.

Pour dresser un état des lieux de la littérature (rapports, ouvrages, articles, etc.) sur les deux

types de mobilité, la recherche a porté tout d’abord sur les études d’impact commanditées par les

trois acteurs clés que sont le Parlement européen (PE), la Direction générale Éducation et Culture de

la Commission européenne (DGEAC) et les Agences nationales (AN), afin de cerner les principaux

enjeux et d’identifier les organismes et les experts européens spécialisés dans ce domaine. L’analyse

a porté ensuite sur les études nationales et régionales commanditées par des acteurs institutionnels.

Elle a enfin interrogé la littérature universitaire (ouvrages, revues, publications en ligne) qui a pris

pour objet d’analyse la mobilité Erasmus. Les études portant sur la mobilité de diplôme ont

également été intégrées au corpus de recherche afin de replacer la mobilité étudiante dans le

contexte des autres mobilités. Les recherches ont été menées sur des publications rédigées en

allemand, en anglais et en espagnol ; les sources récentes (depuis 2005) disponibles en français ont

été privilégiées.

La phase d’analyse a pour objectifs de dégager les principales thématiques couvertes par la

littérature existante, de sélectionner les publications et de proposer une bibliographie commentée

(jointe à ce rapport).

Synthèse et recommandations

Le présent rapport propose une synthèse des principaux impacts ou freins de la mobilité

étudiante dans le cadre du programme sectoriel Erasmus ; l’objectif est d’identifier les domaines

pour lesquels la mobilité sortante et entrante Erasmus (depuis et vers la France) n’a pas fait l’objet

d’une analyse détaillée. Même si, pour des raisons de clarté, il est apparu nécessaire de scinder

l’analyse des retombées des deux types de mobilité7, l’étude de la mobilité des jeunes implique un

regard croisé sur ces deux publics. De cette synthèse ont émergé plusieurs recommandations qui ont

été transmises à l’Agence 2e2f, concernant des champs encore inexploités ou insuffisamment

valorisés.

Le rapport et la bibliographie sont accessibles depuis le site de l’Agence Europe Education Formation France :

http://www.europe-education-formation.fr/etudes-impact.php

7 Si le rapport concernant la mobilité des élèves et celui sur la mobilité étudiante Erasmus ont fait l’objet de deux publications distinctes, il

n’en n’existe pas moins des liens importants et des synergies entre les deux types de mobilité.

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I Littérature sur la mobilité étudiante Erasmus : auteurs, sources et

méthodologie

1.1 Auteurs et commandes

1.1.1 Institutions européennes et internationales

Plusieurs institutions européennes ont commandité des études visant à améliorer la mise en œuvre du programme Erasmus, en particulier la mobilité étudiante.

Au niveau centralisé, la DGEAC a commandité dans le cadre d’appels d’offres spécifiques plusieurs études. Les publications les plus récentes ont porté sur les enjeux de recensement et de cartographie de la mobilité étudiante, de la valeur professionnelle d’un séjour à l’étranger, de l’impact à l’échelle de l’enseignement supérieur et à l’échelle des Etats du Programme Erasmus. La question de la participation au programme Erasmus a également été étudiée sous le prisme du milieu d’origine et des ressources financières des étudiants Erasmus.

Parmi les études les plus fréquemment reprises dans la littérature universitaire figurent les suivantes :

- une étude portant sur la cartographie de la mobilité dans l’Enseignement supérieur (Study on Mapping mobility in European higher education (juin 2011), en réponse aux difficultés d’avoir une vue d’ensemble des flux de la mobilité étudiante et enseignante (Teichler et al., 2011) ;

- une étude sur l’impact d’Erasmus sur l’Enseignement supérieur : qualité, ouverture et internationalisation (Study on the Impact of Erasmus on European Higher Education: Quality, Openness and Internationalisation) axée sur les effets sur les institutions (CHEPS 2008) ;

- l’enquête Survey of the Socio-Economic Background of the Erasmus Students (2006), qui

porte sur la question du profil et de l’accès du programme Erasmus aux étudiants européens

(Souto Otero, 2006) ;

- l’Évaluation externe de l’impact de la mobilité ERASMUS sur l’accès à l’emploi et le

déroulement de la carrière des étudiants ainsi que sur le déroulement de la carrière des

personnels enseignants (External Evaluation on the Professional Value of Erasmus Mobility

(Impact of Erasmus Mobility on Students' and Teaching Staff Access to Employment and

Career Development) (VALERA, 2006) ;

- Eurodata – la mobilité étudiante dans l’enseignement supérieur en Europe (Student mobility

in European higher education, 2006) ;

- l’Evaluation externe de l’impact institutionnel et de l’impact national du programme Erasmus

(External evaluation of Erasmus institutional and national impact, 2004).

La DGEAC publie également des statistiques annuelles (cf. infra) et a commandité plusieurs sondages d’opinion. Dans le cadre des appels à propositions annuels du programme EFTLV, plusieurs projets multilatéraux Erasmus ont été déposés sur des thématiques portant sur la mobilité8, mais ne comportent pas d’études d’impact sur la mobilité étudiante Erasmus.

Le Parlement européen a commandité une enquête sur l’amélioration de la participation au programme Erasmus (Vossensteyn et al. 2010) en analysant principalement les obstacles (économiques, juridiques, académiques) qui entravent sa généralisation. Elle reflète en cela les préoccupations politiques des députés européens à l’égard d’un programme auquel seule une minorité participe.

8 La liste des compendia, résumés des projets, donne un aperçu des projets en cours dans le domaine de la mobilité : http://eacea.ec.europa.eu/llp/results_projects/project_compendia_en.php

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Le réseau Eurydice a analysé dans ses études thématiques sur l’enseignement supérieur la place de la mobilité, en particulier en tant qu’élément du processus de Bologne (EURYDICE 2009 ; EURYDICE 2010). L’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) a publié également des rapports sur la mobilité étudiante, dont plusieurs chapitres concernent plus particulièrement le continent européen (OCDE, 2011).

Les études sur la mobilité Erasmus doivent être également replacées dans le cadre des problématiques énoncées dans les travaux de l’Organisation des Nations unies (ONU) pour l'éducation, la science et la culture, l’UNESCO (UNESCO 2009).

1.1.2 Syndicats, associations, groupe de travail européens

La mobilité étudiante a fait l’objet d’analyses et d’enquêtes de la part de syndicats ou de réseaux distincts de l’administration communautaire.

Le réseau Erasmus Student Network (ESN) est l’une des plus grandes associations étudiantes européennes. Créé en 1989, elle œuvre pour soutenir et développer les échanges étudiants. Implanté dans 36 pays et plus 390 établissements de l’Enseignement supérieur, le réseau publie chaque année une enquête auprès des étudiants sur des thématiques en lien avec la mobilité étudiante (génération mobile, enquête sur la reconnaissance) dont l’objectif est de restituer la perception du programme et ses grands enjeux, tels que les perçoivent les étudiants. Le réseau a également coordonné le projet PRIME sur la reconnaissance de la mobilité internationale dans l’Enseignement supérieur.

Le Syndicat des étudiants européens (European Students' Union - ESU) est une organisation représentant 45 syndicats nationaux étudiants issus de 38 pays. Cette structure a publié également plusieurs enquêtes qui intéressent directement l’analyse et la perception de la mobilité étudiante. Elles portent plus particulièrement sur la perception du processus de Bologne dans le cadre de l’enquête Bologna in the student’s eyes menée en 2005, 2007 et 2009, qui a permis de faire remonter la perception du Processus de Bologne par les étudiants européens au travers des représentations syndicales, en particulier au regard de l’avancement des réformes.

L’Association de coopération académique (ACA) 9 est un réseau pan-européen à but non lucratif qui regroupe des organisations responsables dans leurs pays de la promotion de l’internationalisation dans le domaine de l’éducation et de la formation. L’ACA a notamment initié et développé des projets de cartographie et de réflexion sur la collecte des données sur la mobilité dans l’enseignement européen (EURODATA, 2006), et coordonné l’étude publiée en 2011 qui prolonge la réflexion et propose une cartographie actualisée et des études de cas (Teichler, 2011a et b). Elle participe également à plusieurs projets multilatéraux interrogeant des aspects encore mal connus de la mobilité européenne, « les fenêtres de mobilité », c’est-à-dire là les périodes de mobilité intégrées au cursus des étudiants.10

Le groupe de suivi du processus de Bologne (Bologna Follow-up Group – BFUG) rassemble des représentants des Etats ainsi que des réseaux et des associations pan-européens. Pour chaque thématique, des groupes de travail ont été créés pour réfléchir à la mise en œuvre du processus de Bologne. L’un de ces groupes a travaillé spécifiquement sur la mobilité et a rendu ses conclusions (BFUG, 2011).

9 L’ACA regroupe notamment des institutions telles que le DAAD (Allemagne), l’Agence 2e2f et Campus France (France), le Österreichischer Austauschdienst GmbH (Autriche), le CIMO (Finlande), le NUFFIC (Pays-Bas) et le Norwegian Centre for International Cooperation in Education (Norvège). 10 Mapping "mobility windows" in European higher education. Examples from selected countries (MOWIN) en partenariat avec le CIMO et le

HIS. On ne notera que la France ne figure pas dans les pays qui seront analysés.

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Centre international d’études pédagogiques| La mobilité étudiante Erasmus | Apports et limites des études existantes | Page 9

1.1.3. Institutions nationales et régionales

A l’échelle étatique, ce sont les Agences nationales qui, de par les missions de gestion des actions décentralisées qui leur ont confiées, sont les institutions qui ont mené les principales études sur la mobilité.

D’un pays à l’autre, la structure juridique des AN et l’étendue de leurs missions varient. Ainsi en

Allemagne (le DAAD), aux Pays-Bas (le NUFFIC), en Finlande (le CIMO), en Suède (l’IPK), les agences

en charge de la promotion de l’enseignement supérieur sont également AN, en charge de la mise en

œuvre de la mobilité Erasmus. Cette double mission a pour conséquence que les enquêtes qui

portent sur la mobilité étudiante ne portent pas uniquement sur la mobilité Erasmus, même si cette

dernière est clairement identifiée dans les rapports.

Parmi les missions de l’AN française figurent entre autres la promotion, le suivi de la mobilité

sortante dans le cadre des programmes européens (Erasmus et Erasmus Mundus). Mais ce n’est pas

le seul acteur à analyser ou à promouvoir la mobilité. L’EPIC Campus France a pour mission la

valorisation et la promotion à l'étranger du système d'enseignement supérieur et de formation

professionnelle français […], l'accueil des étudiants et chercheurs étrangers, la gestion de bourses, de

stages et d'autres programmes de la mobilité internationale des étudiants et des chercheurs et la

promotion et le développement de l'enseignement supérieur dispensé au moyen des nouvelles

technologies de l'information et de la communication. L’accent est donc placé sur la mobilité

entrante, tandis qu’au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) incombe un

rôle important dans la promotion de l’enseignement supérieur et de la mobilité11. Le Ministère des

affaires étrangères et européennes (MAEE) est également en charge du soutien à la mobilité

entrante et sortante, notamment par l’octroi de bourses aux chercheurs. La Loi sur l’Autonomie des

Universités (LRU) a renforcé le rôle décisionnaire des universités et certaines d’entre elles ont choisi

de faire de la mobilité l’un des axes majeurs de leur politique. Un des leviers d’analyse et d’action se

situe également au niveau de la CPU (Conférence de Présidents d’Université) et notamment au sein

de la CORIE (Commission des Relations Internationales et Européennes de la CPU). A la différence de

l’Allemagne, où le DAAD est en charge de la promotion de la mobilité entrante et sortante ainsi que

de la gestion de nombreux programmes de mobilité, la France compte plusieurs acteurs dans ce

domaine, mais un chaînon manque pour la promotion de la mobilité sortante et de son suivi, un

domaine pour lequel l’Agence 2e2f pourrait avoir un rôle plus central.

1.1.4 Centres de recherche et d’analyse (collecte, analyse, commandes institutionnelles)

Les principales études d’impact qui ont été menées à l’échelle européenne et à l’échelle nationale

l’ont été par des centres de recherches rattachés à une université : en Allemagne, l’INCHER-Kassel,

aux Pays-Bas, le Centre for higher education policy studies (CHEPS) ; apparaissent aussi des centres

indépendants (Hochschul-Informations-System GmbH en Allemagne) ou ECORYS Group (issue de la

fusion d’ECOTEC). Au Royaume-Uni, les dernières études sur la mobilité étudiante Erasmus ont été

réalisées par l’Observatory on borderless higher education.

En France, outre les Agences déjà citées, une série d’institutions ont analysé la mobilité

étudiante : le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) et ses centres associés

(Franche-Comté et Caen) ont ainsi proposé plusieurs notes et synthèses dans le cadre d’une

commande sur les différentes mobilités (CEREQ 2007, CEREQ 2009). L’Institut national de recherche

pédagogique (INRP), devenu Institut français de l’Education (IFE) a proposé des synthèses

11 Le MESR octroie des bourses de mobilité aux étudiants les moins aisés.

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Centre international d’études pédagogiques| La mobilité étudiante Erasmus | Apports et limites des études existantes | Page 10

bibliographiques sur la mobilité étudiante, dont La mobilité étudiante entre mythe et réalité (Endrizzi,

2010).

L’Observatoire de la vie étudiante (OVE) collecte des données sur les conditions de vie des

étudiants, notamment dans le cadre de l’enquête d’Eurostudent, et récompense également les

recherches sur le monde étudiant. Opérateur du ministère de l’Education nationale, de la jeunesse et

de la vie associative (MENJVA), le Centre international d’études pédagogiques (CIEP) gère plusieurs

programmes de mobilité dans l’enseignement scolaire et dans l’enseignement supérieur, et a

également conduit une série d’enquêtes et d’études dans le champ de la mobilité.

1.1.5 Universités

Les universités elles-mêmes sont à l’origine de l’analyse des flux de mobilité étudiante depuis

ou vers leur établissement. Des observatoires de la mobilité ont été créés au sein de l’université de

Lille et de Rennes, tandis que le CREMA Franche-Comté en lien avec le CEREQ a analysé l’impact de la

mobilité sortante et entrante. Toutefois les documents rendus publics par les universités se résument

trop souvent à des statistiques de la mobilité entrante ou sortante. On notera que les rapports mis

en ligne sont parfois anciens (2006) et n’ont pas fait l’objet d’une réactualisation. Des enquêtes

d’impact peuvent avoir été menées par les services des Relations internationales de certaines

universités, mais elles demeurent peu ou pas accessibles. Un travail de centralisation de ces rapports

et études pourrait permettre de mesurer à l’échelle d’une université l’impact de la mobilité Erasmus.

1.1.6 Recherche universitaire (hors commande institutionnelle)

Souvent parallèlement et trop rarement en lien avec les études institutionnelles, le

programme Erasmus et particulièrement les séjours d’études Erasmus ont fait l’objet d’analyse de la

part de chercheurs français et étrangers issus de différentes disciplines. Les thèses en linguistique et

en sciences de l’éducation dominent (Papatsiba 2003 ; Dervin 2008 ; Ballatore 2010). En géographie

l’analyse des mobilités étudiantes en Bretagne propose une analyse renouvelée des territoires

(Terrier 2009). Ce sont donc les aspects linguistiques, interculturels et migratoires qui dominent. La

dimension politique est également représentée. On notera toutefois la sous-représentation des

analyses de la part d’économistes et de sociologues, à deux notables exceptions (Perret 2008 et

Demange 2010). Dans le champ des sciences politiques et du droit comparé, les analyses sont sous-

représentées au regard de l’enjeu que représente le programme.

1.2 Méthodologies et sources utilisées

1.2.1 La question de la définition de la mobilité

Le présent rapport analyse les deux types de mobilité étudiante Erasmus (mobilité d’études ;

mobilité de stage).

La mobilité d’études Erasmus

La mobilité des étudiants à des fins d'études permet à des étudiants d’établissements

d’enseignement supérieur d’effectuer une période d’études intégrée de 3 à 12 mois dans un autre

pays participant au programme. La mobilité des étudiants à des fins d'études se fait dans le cadre

d'accords interinstitutionnels préalablement conclus entre l'université de départ et l'université

d'accueil. Les deux établissements doivent, en outre, être signataires d'une charte universitaire

Erasmus. La mobilité est reconnue et prise en compte pour l'obtention du diplôme par

l'établissement d'origine, notamment grâce au Système européen de transfert et d'accumulation de

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crédits (ECTS) et au contrat d'études qu'un étudiant Erasmus signe avant son départ avec les deux

établissements concernés.

Mobilité à des fins de stage

La mobilité étudiante à des fins de stage permet à des étudiants inscrits dans des

établissements d'enseignement supérieur titulaires de la Charte universitaire Erasmus "élargie"

d’effectuer un stage d’une durée comprise entre 3 et 12 mois12 dans une entreprise ou un organisme

d’un pays participant. Une convention de stage (bourse de stage) couvre la période de la mobilité et

est signée par l'étudiant et son établissement d'origine. Un "contrat de formation" déterminant le

programme du stage doit être signé par l’établissement d’enseignement supérieur d'origine et par

l’organisme d’accueil. Un "engagement qualité" définit les droits et obligations de toutes les parties

prenantes au stage à l'étranger. Enfin, une "Charte des étudiants ERASMUS" définit leurs droits et

devoirs pendant leur période d’études à l’étranger.

A la fin de la période de mobilité, le temps passé à l’étranger doit être pleinement reconnu par

l’établissement d’envoi, de préférence sous forme de crédits ECTS. La reconnaissance est basée sur le

contrat de formation approuvé par toutes les parties avant le début du stage13.

Mobilité de diplôme et mobilité d’études

La littérature anglo-saxonne utilise une terminologie qui n’a pas (encore ?) été reprise en

français. Le premier terme est celui de la mobilité de diplôme («degree/diploma mobility ») : les

étudiants s’inscrivent à l’étranger pour y faire tout ou partie de leurs études en vue de passer un

diplôme. Ces étudiants, sauf exception, ne passent pas par un programme d’échanges et s’inscrivent

de manière individuelle. Ce terme recoupe partiellement le terme français de « mobilité

diplômante » ou « mobilité de diplôme ». Il s’oppose au terme de « credit mobility », qui est souvent

traduit en français par « mobilité d’études » mais que l’on pourrait également traduire par « mobilité

de crédit » ; on trouve en français également le terme de « mobilité temporaire », de « mobilité dans

le cadre d’échanges » ou de « mobilité non diplômante ». Or ce dernier terme provoque un contre-

sens préjudiciable, car si l’étudiant n’obtient pas son diplôme dans une université étrangère, son

séjour d’études est cependant reconnu par son université d’origine (ECTS), et son séjour est

également inscrit dans la section 6 (« autres informations ») du supplément au diplôme Europass. Il

se distingue en cela du double-diplôme. L’analyse de la mobilité Erasmus s’inscrit dans la littérature

portant sur la mobilité d’études et sur les expériences professionnelles (en l’occurrence de stage) à

l’étranger.

1.2.2 Enjeux des sources

Sources statistiques

Laure Endrizzi récapitule dans la première section de sa bibliographie dédiée à la mobilité

étudiante (Endrizzi, 2010) les difficultés de collecte des données concernant la mobilité étudiante

internationale. En effet, les sources collectées par l’OCDE, l’Union européenne (Eurostat), par les

Etats, par les Universités ne se recoupent pas toujours et faussent la quantification exacte,

notamment en minorant l’impact des flux temporaires de mobilité (« credit mobility ») ou en usant

de termes ambigus, comme celui d’ « étranger », qui n’est pas opératoire dans tous les pays. Le suivi

12 Des modalités particulières peuvent s’appliquer aux étudiants inscrits dans un cycle court. 13 Des modalités spécifiques sont prévues dans le cas particulier d’un stage qui ne ferait pas obligatoirement partie du diplôme de l’étudiant.

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de la mobilité sortante des étudiants qui s’inscrivent de leur propre fait dans une université est

également difficile, sauf pour ceux qui continuent à percevoir des aides de leurs Etats d’origine

(NUFFIC 2011 ; Nordic Survey 2011).

La forte croissance de la mobilité Erasmus est à replacer dans un contexte de forte croissance

de la population étudiante mondiale, qui a connu une augmentation de plus de 50 % depuis 2000,

atteignant plus de 150 millions d’étudiants en 2007 et l’augmentation de la mobilité des étudiants à

l’échelle mondiale. La mobilité internationale étudiante s’est fortement accrue, passant de 1,9

millions d’étudiants internationaux à 3 millions en 2007, tandis que les projections pour 2010 de

l’OCDE (OCDE 2011) tablent sur 7 millions d’individus.

Sources officielles

Le programme Erasmus permet la collecte de nombreuses données, qu’il s’agisse des statistiques

publiées par la DGEAC, qui dégagent les grandes tendances de la mobilité européenne Erasmus

(DGEAC, 2011a et b), ou des données publiées par les AN, qui autorisent une analyse plus fine en

termes de territoire et de profil. Le fonctionnement même du programme fournit des indications sur

le profil des institutions émettrices et réceptrices, les montants alloués par type d’enseignement, les

accords entre universités (charte Erasmus), les rapports des étudiants.

On notera que toutes les sources n’ont encore pas été analysées ou ne l’ont été que dans quelques

pays. Ainsi les chartes Erasmus n’ont pas fait l’objet d’analyse en tant que telle ; l’analyse du

fonctionnement des consortia sur la gestion de la mobilité Erasmus est encore incomplète14.

L’analyse des rapports des étudiants Erasmus fait l’objet d’une étude pionnière en Belgique, d’abord

menée pour le compte de l’Agence Epos (Communauté flamande de Belgique), puis par l’Agence

AEF-Europe (Communauté française de Belgique), et semble dépourvue d’équivalent dans d’autres

pays européens (Kirsch 2011)15. Vassiliki Papatsiba (2003) a montré la richesse des rapports rédigés

par les étudiants Erasmus de la Région Rhône-Alpes pour l’analyse des représentations des étudiants,

la cartographie mentale de l’expérience de l’étudiant en mobilité et la prise en compte de l’influence

du séjour Erasmus sur la construction de l’identité16. Sous-exploitées, ces sources officielles

comportent pourtant de très riches indications sur la préparation, le déroulement et la

reconnaissance de la mobilité sortante.

Données collectées par des sondages

Ces sources ne permettent toutefois pas de prendre en considération des variables de contexte

(origines sociales, antécédents de mobilité) ou une évaluation du programme sans le biais

qu’introduit la restitution d’un document officiel.

La DGEAC et la Direction Communication de la Commission (DG COM) ont ainsi commandité des

sondages portant sur la mobilité des jeunes (Gallup, 2011) organisés à l’échelle européenne et qui

font partie intégrante de l’analyse de l’opinion publique européenne (série des Euro Flash

Barometer). La méthode du panel a également été utilisée par l’enquête menée par le HIS pour le

compte du DAAD, en s’appuyant sur un panel d’étudiants (panel HISBUS), utilisé dans le cadre

14 L’étude IMERA a identifié des bonnes pratiques (IMERA 2009) issues des chartes Erasmus et de l’entretien avec des référents de la mobilité. 15 Les études recensées dans le cadre du présent rapport n’ont pas porté que les études publiées en allemand, anglais, espagnol. 16 PAPATSIBA Vassiliki, "Ecrire pour une commande administrative : le destinataire, son rôle et son influence sur l’écriture d’une expérience étudiante" - Spirale 29 (2002), consultable à http://spirale-edu-revue.fr/IMG/pdf/11_Papatisba_SPI29F.pdf

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d’autres études sur le monde étudiant. Commanditée par les Euronautes et l’Etudiant, le sondage17

mené en France par l’Institut français d’opinion publique (IFOP) a montré que le programme Erasmus

était à la fois bien connu des Français et bénéficiait d’une image positive.

Les études européennes (Souto Otero, 2006 ; VALERA, 2006) ont privilégié des enquêtes menées

auprès de larges échantillons sans utiliser la méthode des panels représentatifs préexistants, mais

ont choisi d’analyser la représentativité des profils des répondants et de pondérer si nécessaire le

poids relatif des réponses par pays ou par profil. Certaines études menées à l’échelle nationale

(IMERA, 2009) ou régionale (pays nordiques) ont également fait usage des sondages d’opinion.

La mobilité Erasmus et les enquêtes françaises sur les diplômés

On note que les enquêtes menées à l’échelle du territoire n’intègrent pas de questions explicites sur la participation au programme Erasmus, ce qui prive la recherche de réaliser une analyse fine des caractéristiques de la population Erasmus dans leur contexte mais également d’établir des corrélations entre la participation à ce type de mobilité et des données telles que l’insertion professionnelle.

Dans le champ de la mobilité, les ouvrages et enquêtes ont davantage porté sur l’analyse des étudiants étrangers en France (mobilité entrante de diplôme). L’ouvrage Les étudiants étrangers à Paris : entre affiliation et repli étudie les étudiants inscrits dans les universités pour y réaliser leurs études, les enquêtes réalisées par l’OVE et propose un panorama très complet des projets, des parcours et des conditions de vie des étudiants étrangers en France (Enaffa, 2008).

Les sondages organisés, tels que le Baromètre Jeunesse commandité par la lettre de l’Opinion pour le compte du MENJVA en 2011 a interrogé un panel de 1000 personnes représentatif de la population française âgée de 16 à 30 ans sur la mobilité, mais aucune question ne porte explicitement sur Erasmus18.

Certaines enquêtes renseignent sur les périodes de mobilité et sur les aspirations des étudiants français à la mobilité internationale, sans toutefois permettre d’isoler la population Erasmus. Ainsi, l’enquête menée par l’OVE dans le cadre d’Eurostudent IV comporte un volet « internationalisation » qui se décline en 4 thématiques : « niveau en langues », « lieux des séjours à l'étranger », « cycle d'études et séjours à l'étranger »19 et « freins à la mobilité internationale ». Elles renseignent sur les séjours déjà réalisés, les intentions mais également sur la part de la population étudiante qui n’envisage pas d’effectuer un séjour à l’étranger pendant leurs études. Toutefois, les questions ne portent pas sur la participation spécifique au programme Erasmus. Les questions posées dans le cadre de cette enquête ne permettent donc pas d’identifier les caractéristiques de la population étudiante Erasmus (ici : mobilité sortante) par rapport à une population témoin. Ceci est d’autant plus regrettable que l’optique internationale de l’enquête Eurostudent 2011 aurait permis une comparaison à l’échelle européenne.

Les enquêtes annuelles « Générations » du CEREQ interrogent les diplômés sur leurs séjours à l’étranger dans la section 2.3.5 (« Séjours à l’étranger »)20. Les diplômés sont interrogés sur le nombre de séjours à l’étranger, le niveau de diplôme de la dernière mobilité, sa position dans le cursus, la durée, la modalité (stage et/ou formation) et la langue de travail. Ces données croisées avec d’autres variables permettent l’analyse des profils des étudiants partis en séjour à l’étranger, mais également leur insertion professionnelle trois ans après l’obtention de leur diplôme. La collecte

17 L’analyse du sondage est consultable depuis le site de l’Etudiant http://www.letudiant.fr/etudes/international/sondage-ifop-touteleurope-fr-13364.html 18 Le sondage est consultable sur le site de l’IFOP http://www.ifop.com/?option=com_publication&type=poll&id=1584 19 Etudiants de nationalité française uniquement. Réponse à la question : "Depuis votre entrée dans l’enseignement supérieur, avez-vous effectué un (ou plusieurs) séjour(s) à l’étranger, en relation avec vos études ?" 20 Question ERA1 : Dans le cadre de votre formation scolaire ou universitaire, avez-vous effectué un séjour à l'étranger? Pour les autres questions se reportent au questionnaire complet p. 96, 97. (CEREQ, Génération 2004, questionnaire complet et interrogation, Printemps 2007, dictionnaire des variables, Marseille : 2009) consultable sur le site du CEREQ http://www.cereq.fr/index.php/content/download/1884/22235/file/Dictionnaire%20G2004_complet_CMH_vf.pdf

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des données ne permet pas d’isoler les étudiants selon le type de séjour à l’étranger, notamment le séjour Erasmus, ni d’identifier les destinations. Comme le souligne Cathy Perret dans son article Une expérience professionnelle à l’étranger est-elle payante en début de carrière pour les diplômés de l’enseignement supérieur ? (Perret, 2008, notamment p. 211-212) l’enquête « Génération » du CEREQ fait du critère de résidence en France métropolitaine une condition de participation à l’enquête21, ce qui ne permet pas d’analyser l’insertion professionnelle des diplômés français à l’étranger, en particulier ceux qui ont participé à une mobilité internationale.22

L’enquête sur l'insertion professionnelle à 30 mois des diplômés de Master, de diplômes universitaires de technologie (DUT) et de licences professionnelles23, commanditée en 2008 par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) n’interroge pas les expériences préalables des diplômés dans le champ de l’expérience à l’international (études ou stages) et le champ de l’enquête est la France métropolitaine et les Départements d’Outre-Mer (DOM). A la différence de celles menées en Allemagne (Parey, 2008) et au Royaume-Uni (Higher Education Funding Council for England - HEFCE - 2009), il n’est pas possible de tirer de ces enquêtes une analyse en termes d’insertion professionnelle des étudiants qui ont participé à une mobilité Erasmus.

Conclusions La mobilité Erasmus, contrairement à d’autres types de mobilité, est aisément quantifiable en raison de la centralisation européenne des données statistiques, mais la mesure de son impact ne fait pas l’objet d’un champ universitaire spécifique. Elle est analysée à différentes échelles et par de nombreux acteurs selon des points de vue très différents, rendant le travail de recensement et d’organisation d’autant plus nécessaire. Les sources qui permettent d’analyser l’impact de la mobilité étudiante, notamment Erasmus, sont très dispersées. Plus que dans d’autres pays européens, les données collectées rendent difficile de cerner en France les impacts de la mobilité Erasmus.

1.2.3 Importance de la méthodologie croisée

En raison de la multiplicité des sources, l’analyse des données statistiques a trop souvent tendance à

dominer l’analyse de la mobilité. Pourtant les études les plus significatives combinent plusieurs

méthodologies et exploitent des domaines souvent mal connus.

Entretiens semi-guidés

Certaines enquêtes ont également choisi d’approfondir leur analyse en organisant des entretiens

semi-guidés soit individuels, soit collectifs (cf. l’analyse par focus groupe - Kirsch, 2011) en

interrogeant étudiants, décideurs, experts, chefs d’entreprise, etc.). On verra que les enquêtes n’ont

pas ciblé toutes les catégories avec la même intensité.

Plusieurs enquêtes (ESN, 2007 ; Vossensteyn et al., 2010) comparent également les réponses des

étudiants Erasmus avec celles d’étudiants n’ayant pas participé au programme, un échantillon

21 « L’enquête « Génération 2004 » concerne les « primo sortants » de formation initiale en 2003-2004 (année scolaire). Les sortants de formation qui avaient déjà interrompu leurs études au moins un an avant l’année scolaire considérée sont hors champ. Tous les niveaux et domaines de formation étaient concernés. De façon plus précise, les critères d’éligibilité pour être dans le champ retenu, nommé ensuite « champ CEREQ », sont les suivants : avoir été inscrit dans un établissement de formation en France métropolitaine durant l’année scolaire 2003-2004 ; avoir quitté le système éducatif entre octobre 2003 et octobre 2004 ; ne pas avoir interrompu ses études durant une année ou plus avant l’année scolaire 2003-2004 (sauf pour raison de santé) ; ne pas avoir repris ses études pendant l’année qui a suivi l’entrée sur le marché du travail ; avoir 35 ans ou moins en 2004 ; être localisé en France métropolitaine au moment de l’enquête (ce qui exclut donc notamment les personnes poursuivant des études à l’étranger ou y allant pour un premier emploi). (CEREQ, Génération 2004, Questionnaire complet et interrogation, Printemps 2007, dictionnaire des variables, Marseille : 2009, p. 5). 22 Les difficultés méthodologiques d’une collecte de données auprès des diplômés sont documentées dans plusieurs ouvrages du CEREQ (2009) mais également dans l’analyse du HEFCE (HEFCE, 2010). 23 Les résultats sont accessibles sur le site du MESR.

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témoin. Dans la mesure où elle est possible, l’analyse peut alors mettre en évidence les

caractéristiques de l’échantillon Erasmus. On notera que pour la France, il n’existe pas d’analyse

permettant la comparaison au sein d’une cohorte d’étudiants entre un échantillon ayant participé à

Erasmus et un échantillon qui n’en ait pas bénéficié. Aucune génération d’étudiants Erasmus n’a été

analysée à l’échelle de la France.

Autres sources – les apports de la recherche interculturelle

Les études menées par les chercheurs universitaires notamment dans le champ de l’interculturel ont

montré que d’autres sources pouvaient être utilisées afin de mesurer l’impact d’un séjour Erasmus,

notamment au niveau des compétences interculturelles ou de la construction de l’identité et de la

relation à autrui. Les auteurs se sont intéressés au parcours des étudiants (Murphy-Lejeune, 2003), à

l’analyse de journaux de bord (Anquetil, 2006), du récit de la mobilité (Dervin, 2008). Cette approche

fondée sur des données qualitatives n’a pas été utilisée pour analyser les parcours et les trajectoires

professionnels d’étudiants Erasmus.

Conclusions D’un point de vue méthodologique, les études d’impact menées à l’échelle européenne comme au niveau national ont montré l’importance d’une méthodologie croisée pour mesurer l’impact des mobilités Erasmus. L’approche qualitative a montré comment elle pouvait servir à appréhender d’autres aspects, notamment l’apport interculturel de la mobilité. A l’échelle de la France, l’analyse des parcours de mobilité individuelle et professionnelle n’a pas fait l’objet d’analyses suffisamment approfondies.

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II Thématiques et enjeux couverts par les recherches existantes

La recherche et les études sur la mobilité étudiante Erasmus ont principalement porté dans les

dernières années sur la cartographie de cette mobilité en la replaçant dans le cadre des flux de la

mobilité étudiante (2.1), sur l’analyse du profil des étudiants (2.2) et les raisons pour lesquelles les

étudiants Erasmus avaient choisi de partir en mobilité et la manière dont ils évaluent l’impact du

programme (2.3).

2.1 Cartographie de la mobilité Erasmus

2.1.1 Mesure et analyse des flux

Un nombre croissant d’étudiants mobiles grâce au programme Erasmus

Les données statistiques sur le programme Erasmus sont collectées par les AN et centralisées

par la DGEAC. Elles sont disponibles sur le portail de l’Agence Exécutive (DGEAC, 2011a). Elles font

état de la croissance régulière de la mobilité étudiante Erasmus et de la percée de la mobilité de

stage.

Figure 1 Mobilité étudiante Erasmus 1987/88 et 2009-2010

Source : DGEAC (2011a, p. 20)

213.266 étudiants européens ont participé au programme Erasmus au cours de l’année

académique 2009-2010, ce qui représente une augmentation de 7,4% par rapport à l’année

académique précédente. 177.705 étudiants sont partis étudier à l’étranger (mobilité études Erasmus)

et 35.561 étudiants ont fait un stage à l’étranger (mobilité Erasmus de stage). Si la tendance se

poursuit au cours des trois prochaines années, le programme Erasmus aura permis depuis sa création

en 1987 à 3 millions d’étudiants de partir en mobilité d’ici à la fin de l’année académique 2012-2013,

objectif signé en 2006 lors de l’intégration du programme Erasmus au programme EFTLV24.

24 Décision N° 1720/2006/EC du Parlement européen et du Conseil du 15 novembre 2006 établissant ce programme dans le cadre du programme Education et Formation Tout au Long de la Vie, article 21a. Sur l’histoire du programme, se reporter à Ballatore (2011).

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Les stages en entreprise ou au sein d’organisations constituent l’action du programme Erasmus qui a

connu la croissance la plus rapide (+ 17%). Coordonnés auparavant dans le cadre du programme

Leonardo da Vinci (pour l’enseignement et la formation professionnels), les stages en entreprise font

partie intégrante d’Erasmus depuis l’année académique 2007-2008. Les bourses allouées permettent

aux étudiants d’effectuer un stage en entreprise à l’étranger pendant une période comprise entre 3

et 12 mois25.

Figure 2 Nombre d’étudiants Erasmus en 2009-2010

La France, deuxième pays pour le nombre d’étudiants Erasmus (mobilité sortante). Source : DGEAC (2011a, p. 26)

En 2009-2010, l’Espagne (31.158 étudiants), la France (30.213 étudiants), l’Allemagne (28.854

étudiants) et l’Italie (21.039 étudiants) étaient les pays qui envoyaient le plus d’étudiants étudier ou

travailler à l’étranger dans le cadre du programme Erasmus.

En moyenne, la proportion d’étudiants qui partent en mobilité dans le cadre d’Erasmus s’élève à

0,94%26. Avec 1.39 %, la France se situe au-dessus de la moyenne européenne, derrière l’Espagne

(1.73%), l’Autriche (1.66 %), la Finlande (1.53%) et devant la Lituanie (1.38 %), l’Allemagne (1.18 %) et

l’Italie (1.05%). Si l’on projette ces données sur l’ensemble de la population étudiante en partant du

postulat que la durée moyenne des études dans l’enseignement supérieur est de 4 à 5 ans en

moyenne, on peut estimer que sur l’ensemble de la population étudiante, 4 % des étudiants

européens auront bénéficié du programme Erasmus.

Une autre méthode de calcul est de rapporter ces données au nombre de diplômés. La disparité

entre Etats est alors plus forte, comme l’indique le tableau ci-dessous. 4,51 % des diplômés français

de l’enseignement supérieur27 ont bénéficié d’un séjour Erasmus.

25 Deux mois pour les filières courtes. 26 Certains petits pays présentent des taux élevés (Luxembourg, Liechtenstein) mais ne peuvent être considérés comme étant représentatifs de l’ensemble de la population étudiante, au regard du nombre d’étudiants envoyés mais également parce que toutes les filières ne sont pas représentées. 27 Les notes de méthodologie disponibles ne permettent pas toutefois pas de savoir s’il s’agit des diplômés de l’enseignement supérieur ou des seules universités [University graduates].

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Figure 3 Part des étudiants Etudiants Erasmus dans la population étudiante en 2009

Source : DGEAC, 2011 a, p 31

La mobilité de stage connaît une forte croissance (+ 17%) et la France a envoyé le plus d’étudiants

(5.787 en 2009/10) faire un stage à l’étranger en entreprise à l’étranger dans le cadre d’Erasmus. On

note toutefois que la durée moyenne des stages à l’étranger (3,3 mois) est inférieure à la moyenne

européenne, ce qui s’explique par l’inclusion des filières courtes de type BTS à hauteur de 41 % (voir

infra).

Figure 4 Mobilité étudiante Erasmus sortante et entrante – Mobilité de stage en 2009-10

Source : DGEAC 2011b, p.28

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Mobilité entrante

La mobilité entrante Erasmus a doublé en l’espace de 10 ans. Les destinations privilégiées par les

étudiants européens sont l’Espagne (avec 35.389 étudiants, soit 16, 6 %), la France (avec 26.141

étudiants, soit 12,6 %), le Royaume-Uni (avec 22.650 étudiants 10,6 %), suivi par l’Allemagne avec

22.509 étudiants.

Figure 5 Equilibre entre mobilité entrante et sortante – année académique 2009-2010

Source : DGEAC, 2011, a

Si la France envoie davantage d’étudiants Erasmus qu’elle n’en reçoit, le différentiel reste peu

important. Dans le cas inverse, c’est-à-dire lorsque le ratio entre le nombre d’étudiants entrants le et

nombre d’étudiants sortants est supérieur à 1,5 ou à 2, qu’il s’agisse de la mobilité de diplôme ou

d’Erasmus, la question de la balance devient alors une préoccupation politique (NUFFIC, 2011 ;

HEFCE, 2010 ; Kirsch et al., 2011 ; Valle, 2009). Elle a poussé certains Etats à adopter une législation

plus stricte sur l’inscription des étudiants mobiles, notamment en limitant l’inscription d’étudiants

étrangers dans les universités (« degree/diploma mobility »), voire à réduire leur participation au

programme d’Erasmus.

La place d’Erasmus dans les autres types de mobilité

Comme mentionné dans la première partie, la recherche européenne récente s’est orientée vers les

enjeux de la collecte des données sur les mobilités étudiantes et sur la cartographie de ces flux. En

effet, si les statistiques du programme Erasmus sont accessibles et s’établissent sur les bases de

données comparables et centralisées, il n’en est pas de même pour les autres formes de mobilité. Or

il n’est pas possible d’analyser l’impact de la mobilité Erasmus sans considérer les autres formes de

mobilité étudiante.

Ainsi l’étude européenne sur la cartographie de la mobilité en Europe (Teichler et al., 2011a et b)

souligne les difficultés de la collectes de données en raison de l’absence d’harmonisation entre pays

européens, et montre que la mobilité dite « de crédit » est très largement méconnue à l’exception du

programme Erasmus. Les auteurs soulignent même un désintérêt pour cette dernière par rapport à

la mobilité de diplôme. Or ce manque de données entrave la réalisation d’études d’impact sur le

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programme (CEREQ, 2009), en particulier sur l’insertion des jeunes diplômés (Schomburg et al., 2008

et Perret, 2008).

Mobilité régionale et mobilité internationale

Les études européennes soulignent l’intérêt de comparer les profils des pays en considérant tous les

types de mobilité. Diverses études (HEFCE 2009 et CEREQ 2009) prennent ainsi en considération la

mobilité comme phénomène global et montrent qu’il est important ne pas cloisonner les analyses de

la mobilité à l’échelle d’un territoire d’une part, et les analyses de la mobilité internationale d’autre

part (CEREQ, 2009).

La mobilité gagnerait à être analysée à chaque échelle, afin de déterminer le contexte dans lequel

s’insère la mobilité Erasmus et son influence sur cette dernière. Par exemple, dans quelle mesure

une première mobilité ou l’existence de flux importants au sein d’un territoire donné (zone rurale

vers une zone urbaine ; mobilité intra- et interrégionale) constituent-elles des facteurs déterminants

pour la mobilité internationale ? Si l’idée reçue est que la mobilité pousse à la mobilité, les études ne

le démontrent pas clairement. Pourtant, une meilleure connaissance de ces variables pourrait

permettre une information et une formation plus ciblée en la matière. Eugénie Terrier a notamment

montré l’impact des représentations culturelles à l’égard de la mobilité (Terrier, 2009).

Répartition des types de mobilité28

Concernant la France, la mobilité entrante et sortante hors Erasmus a fait l’objet de davantage de

publications que la mobilité Erasmus. Les études et les enquêtes d’envergure ont porté sur les

étudiants étrangers et donc plus particulièrement sur la mobilité de diplôme entrante.

La France présente un profil spécifique (Teichler et al., 2011b). Elle compte une part importante

d’étudiants étrangers (15,5 % des étudiants inscrits à l’université). Les ressortissants de l’Union

Européenne représentent 18% des étudiants étrangers.

Comme cela a été souligné, les grandes enquêtes et les notes de conjonctures informent davantage

sur la mobilité entrante que sur la mobilité sortante même si la tendance récente intègre davantage

le programme Erasmus. Cela s’explique par les chiffres beaucoup plus élevés de la mobilité de

diplômes mais également par les enjeux que représentent l’inscription et la poursuite d’études sur le

sol français.

Une tendance qui commence à s’inverser, comme en témoigne la dernière note de conjoncture de

Campus France29, qui propose les données de la mobilité entrante et sortante en intégrant le

programme Erasmus.

Cette synthèse (Campus France, 2011) écrite en collaboration avec l’Agence 2e2f, compare les

chiffres de la mobilité entrante et sortante en France (mobilité de diplôme ou mobilité d’études). Il

ressort qu'en 2010-2011, la France a accueilli 284.659 étudiants étrangers, qui représentent 12% du

total des étudiants et 41% du total des doctorants. Hors Erasmus, la mobilité entrante en France est

cinq fois plus élevée que la mobilité sortante : 249.142 étudiants étrangers [sources ONU cité par

Campus France 2011] accueillis contre 51.154 étudiants français à l’étranger. La France est la 5ème

destination des étudiants européens.

28 On notera toutefois qu’à l’exception d’un document de synthèse Erasmus – Faits, chiffres et tendances, les documents statistiques et les résumés exécutifs récents ne sont disponibles qu’en anglais. Les documents sont au format .pdf ce qui ne permet pas aux chercheurs d’exploiter directement ces résultats sous forme statistique. 29 « Les étudiants internationaux », Chiffres clés Campus France, 2011

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Figure 6 France : Mobilité entrante Erasmus et mobilité de diplôme des ressortissants de l’UE

Année 2009/10

Nombre d’étudiants étrangers (mobilité de diplôme) – incrits dans une université française

214.252

Nombre d’étudiants issus de l’UE (mobilite de diplôme)

38.269

Nombre d’étudiants Erasmus (mobilité d’études)

30

22.033

Source : INSEE/DGEAC/2E2F

La répartition par zone géographique montre que les étudiants inscrits dans les universités françaises

pour y passer leur diplôme proviennent en premier lieu d’Afrique (46%), d’Asie, du Moyen-Orient et

d’Océanie (24 %), d’Amérique (8 %). Les ressortissants de l’Union Européenne représentent 18 % des

étudiants internationaux en France.

Si l’on rapporte les chiffres des ressortissants européens (mobilité de diplôme) aux chiffres de la

mobilité entrante Erasmus, les flux d’étudiants Erasmus sont plus importants que le nombre

d’étudiants de l’UE qui passent leur diplôme en France et constituent une part non négligeable de la

mobilité Nord/Nord, ce qui inviterait à analyser plus en profondeur les liens entre les deux types de

mobilité, c’est-à-dire entre la mobilité horizontale (à l’intérieur d’un même cycle) et la mobilité

verticale (inter-cycles).

Combiner les synergies et les continuités entre mobilité

On observe un fort cloisonnement des données collectées par type de mobilité et par année. Ainsi la

mobilité Erasmus est traitée, mais on ignore combien d’étudiants ayant bénéficié au préalable d’une

mobilité Erasmus s’inscrivent ensuite dans les universités françaises ou européennes pour y passer

un diplôme (Master ou Doctorat). Il serait en effet intéressant de montrer la structure des parcours

de mobilité afin de mesurer l’impact du programme à moyen terme, voire de proposer un

accompagnement spécifique et de faciliter les passerelles entre les dispositifs.

En France, une mise à disposition des données statistiques par les établissements de l’enseignement

supérieur (incluant la question des séjours préalables Erasmus) permettrait d’attester que la mobilité

Erasmus n’est pas seulement une expérience temporaire de la mobilité ; qu’elle induit des stratégies

diplômantes dans le pays d’accueil et que les mobilités d’études contribuent à accroître la mobilité

de diplômes. Cela permettrait d’analyser également l’attractivité de l’enseignement supérieur

français et de mieux piloter et coordonner les actions de toutes les parties prenantes.

2.1.2 Synthèse et valorisation

La question de la valorisation et de l’information sur la mobilité Erasmus est cruciale. Au niveau

européen, les données sont présentées pour l’ensemble des pays. On notera toutefois qu’à

l’exception d’une publication synthétique de l’ensemble des actions au sein d’Erasmus, tous les

documents sont en anglais et non traduits dans d’autres langues, ce qui nuit à une reprise et une

diffusion plus large.

30 La mobilité Erasmus de stages n’est pas comptabilisée.

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La majorité des Agences nationales en charge du programme Erasmus publie chaque année des

données sur la mobilité entrante et sortante (diplôme et Erasmus), car ce sont elles qui sont

également en charge de la promotion de l’enseignement supérieur (cf. supra). Ces publications (SIU

2011) qui sont souvent soit bilingues, soit éditées en deux langues, soit dotées d’une version abrégée

en anglais, ce qui a d’ailleurs permis d’analyser leur contenu dans la présente étude. Ces publications

présentent des graphiques, une analyse, une cartographie de la mobilité que les autres acteurs (en

particulier les universités) peuvent réutiliser.

Entre autres, l’Agence NUFFIC publie chaque année un document très complet qui présente

l’internationalisation du système éducatif néerlandais ; il comprend à la fois une présentation de

l’enseignement supérieur, l’analyse de la mobilité entrante et sortante, ainsi qu’un dossier

thématique (NUFFIC 2011). Cette publication d’une centaine de pages est éditée en néerlandais et en

anglais. Le DAAD publie quant à lui une publication bilingue (allemand/anglais) qui présente les

grandes tendances et les flux de la mobilité Erasmus31. Cet ouvrage ainsi que le corpus de visuels sont

régulièrement repris par la presse généraliste et spécialisée ainsi que par les universités.

A la différence de la plupart des autres agences, l’Agence 2e2f propose depuis 2010 un accès en ligne

direct aux statistiques des différentes actions. Un moteur de recherche ergonomique permet une

recherche à plusieurs échelles (nationale, régionale et départementale). Un travail au niveau de

l’infographie et de la présentation des sources serait toutefois un atout supplémentaire. En effet,

l’Agence fait appel à des sources extérieures (le Figaro, et le site Toute l’Europe) pour illustrer ses

données. Actuellement, les statistiques d’Erasmus sont disponibles à partir de l’entrée par

programmes (Erasmus / Documentation/ Statistiques) et par l’entrée Analyses/Soleo Stat ; aucun lien

n’est proposé pour relier les deux contenus au niveau de cette page32. Concernant les statistiques,

elles sont orientées vers le montant des subventions et non vers les flux. Les informations sur le

nombre d’étudiants, la répartition entre mobilité de stage et mobilité d’études ne sont actuellement

pas disponibles. L’information est éclatée, ce qui nuit à la lisibilité de l’action.

Contrairement à d’autres Agences nationales, l’Agence 2e2f ne propose pas de synthèse étayée et

illustrée de la mobilité Erasmus, ni de résumés en anglais de ses études, ce qui limite leur potentiel

de diffusion et de reprise dans des études européennes tierces et dans des ouvrages sur la mobilité.

De même qu’à l’échelle européenne la traduction des résumés exécutifs et la conduite d’études

européennes dans d’autres langues sont vivement souhaitables, l’Agence 2e2f gagnerait en visibilité

si elle proposait une partie des contenus de son site en anglais. En effet, à l’inverse du site Internet

de Campus France (disponible en 4 langues), ni le site du MESR, ni celui de l’Agence 2e2f ne

proposent un accès Internet, même restreint en anglais ou dans d’autres langues ; aucune

publication sur la mobilité n’est accessible. Une politique d’internationalisation de l’enseignement

supérieur passe également par l’édition d’une documentation en plusieurs langues, car si la majorité

des étudiants européens viennent en France pour suivre des cours en français ou approfondir leurs

connaissances de la langue française, leurs enseignants ou leurs tuteurs et les responsables des

relations internationales ne bénéficient pas toujours de la maîtrise des langues de tous les pays dans

lesquels leurs étudiants travaillent ou effectuent un stage.

31 http://eu.daad.de/imperia/md/content/eu/lllp/erasmus_jb_2010_internet_72dpi.pdf 32 Le lien est fait au niveau de la sous-rubrique Erasmus.

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Conclusions Le nombre d’étudiants Erasmus croît de manière régulière et devrait atteindre les 3 millions en 2013 ; la percée de la mobilité de stage est à souligner. A l’échelle des pays européens, des synthèses centrées sur les enjeux et les régions qui dominent les flux de la mobilité étudiante sont publiées par les Agences nationales. En France, on constate que la mobilité Erasmus est moins analysée que la mobilité de diplôme.

2.2 Profil des étudiants Plusieurs études européennes dressent le profil type de l’étudiant Erasmus : celui d’une jeune

étudiante en troisième année de Licence de droit ou sciences sociales ou humaines, dont l’un des parents au moins a étudié dans le supérieur et dont la famille est plutôt aisée.

Pour l’année académique 2009-2010, l’âge moyen des étudiants Erasmus était de 23,5 ans (DGEAC, 2011). Les données collectées à l’échelle européenne par les enquêtes d’Eurostudent (2011) et par les enquêtes nationales (HFCE, 2009) montrent que les étudiants sont plus jeunes (à niveau de diplôme équivalent) que la moyenne des étudiants européens, mais les données publiées à ce jour sur le programme Erasmus ne permettent pas d’obtenir l’âge moyen des étudiants français sortants33.

La population Erasmus est très féminisée : 62 % des étudiants Erasmus sont des femmes, soit une part légèrement supérieure à celle des femmes dans la population étudiante globale (55.2 %). Aucune donnée n’a été publiée pour la France.

Filières et niveaux de diplôme

Les étudiants partant en mobilité études Erasmus sont issus des filières « Sciences sociales, droit, économie » (35 %), « Lettres et Sciences Humaines » (33%), et « Ingénierie, production et construction » (12 %). Des profils ressortent selon les pays ; ainsi, 86 % des étudiants Erasmus britanniques partent pendant la troisième année de leur diplôme. 46 % des étudiants Erasmus étudient les langues étrangères. 16 % étudient l’économie (« business »), 13 % les humanités (lettres et sciences humaines), 6 % les sciences, 3% les sciences de l’ingénieur, 2 % les arts.

Figure 7 Mobilité – Erasmus - Répartition par filières

33 Les données ne sont disponibles que pour la moyenne européenne (DGEAC, 2011)

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Source : DGEAC (2011b)

On note que ce sont les étudiants issus de l’enseignement supérieur universitaire qui partent en mobilité plus que ceux issus des filières « professionnalisantes ».

En Allemagne, les étudiants des établissements de l’enseignement supérieur non universitaire (« Fachhochschulen ») participent dans une moindre mesure à la mobilité (19 % contre 27 %). Pour la France, on peut simplement noter que 40 % des stages Erasmus sont réalisés dans les filières courtes de type BTS ; il n’existe pas de données sur la participation au programme Erasmus des licences professionnelles.

Etablissements d’origine

En raison de l’hétérogénéité des systèmes éducatifs et des données disponibles, il est difficile d’établir un profil d’établissement qui envoie ses étudiants à l’étranger. Toutefois, les études nationales renseignent et contextualisent cette mobilité sortante Erasmus. Les rapports nationaux soulignent que les établissements jouent un grand rôle dans la promotion de la mobilité internationale. Ainsi le rapport de l’Agence NUFFIC (2011) note que certains établissements font de la mobilité un axe de leur politique : ainsi, plus de 90 % des étudiants à l’école hôtelière de La Haye partent étudier ou travailler à l’étranger. L’inscription de la mobilité à l’étranger dans le cursus des études a pour effet mécanique d’accroître la mobilité des étudiants et d’homogénéiser les parcours34

. A contrario, l’étude du HEFCE note également que tous les établissements de l’enseignement

supérieur n’envoient pas leurs étudiants étudier à l’étranger ; seul un établissement dans tout le Royaume-Uni envoie 20 % d’une promotion étudier à l’étranger (dans et hors Erasmus).

En France, l’Agence 2e2f a publié un classement des universités sur la base du ratio entre le nombre d’étudiants Erasmus et le nombre total d’étudiants.

La structure des établissements français reflète la diversité des établissements de l’enseignement supérieur de ce pays35. On notera la participation de toutes les universités françaises, mais également la participation de nombreuses écoles dans différents domaines.

Figure 8 Typologie des Etablissements français participant au programme Erasmus

Ecoles d’ingénieurs 131

Universités 85

Ecoles d’Art 112

Ecoles de commerce et de gestion 105

Lycées/organismes de formation (CFA, MFR,IREO) 408

Universités privées 5

CFP 18

Ecoles sociales, médicales et para médicales 60

IEP 8

CCI 7

Autres 18

Source : 2e2f, Appel à propositions 2010

34 Sur les fenêtres de mobilité, se reporter aux travaux en cours du projet MOWIN mené par l’ACA.

35 Source http://penelope.2e2f.fr/docs2010/documentation/fiche_contrat/atelier-erasmus-2010.pdf

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Figure 9 Mobilité sortante- répartition des fonds par type d’institutions

Source : 2e2f, 2010

36

On notera que les chiffres publiés ne permettent pas de connaître la part respective des financements accordés à l’université et à des autres établissements en les distinguant. Il n’existe pas de cartographie des flux d’étudiants entre établissements européens, ou de données statistiques qui montreraient la manière dont sont structurés les flux. Seules quelques analyses ont été réalisées à l’échelle d’un établissement. Ainsi Magali Ballatore (2011) souligne les stratégies des établissements de l’enseignement supérieur pour identifier des institutions au profil similaire (au niveau disciplinaire, mais également au regard du profil socio-économique des élèves et du classement national ou international).

Profil des étudiants

La majorité des étudiants Erasmus sont issus de milieux socio-économiques favorisés. L’enquête de

2006 (Souto Otero et al. 2006 et Souto Otero 2008) a montré que les 2/3 des étudiants Erasmus

avaient au moins l’un de leurs parents qui occupait une fonction de direction ou était un travailleur

qualifié. Les auteurs de l’étude ont également constaté que le niveau de diplôme des parents était

plus élevé : ainsi, 58 % des étudiants Erasmus avait au moins un de leurs parents qui avait étudié

dans l’enseignement supérieur. L’enquête Eurostudent (2010) précise que la participation des

étudiants issus d’une famille dont les parents n’ont pas été scolarisés dans l’enseignement supérieur

ou sont sans diploôme est 3 fois plus faible que la moyenne.

Les études menées à l’échelle nationale ou locale confirment ces données (HEFCE 2010 ; Ballatore

2011, Belvis Pons et al. 2008). Ce profil est encore plus marqué dans le cas de la mobilité de diplôme,

comme les études menées dans les pays nordiques le montrent, en particulier dans le cadre du

Nordic Survey (Saarikallio-Top et al. 2010).

On note toutefois que depuis 1998, davantage d’étudiants issus de milieux socio-économique moins

favorisés participent au programme Erasmus (Souto Otero et al. 2006).

36 Outre les 85 universités, les établissements d’enseignement supérieur comptabilisent les 3 instituts nationaux polytechniques, les 4 Écoles normales supérieures, les 5 Écoles françaises à l'étranger, les 2 observatoires (Paris et Nice), les 9 Instituts d'études politiques, et les autres grands établissements (Collège de France, Muséum national d'histoire naturelle, École des hautes études en sciences sociales, École des chartes, Conservatoire national des arts et métiers, École pratique des hautes études) et 31 écoles d'ingénieurs. Source : MESR.

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Expérience préalable de la mobilité

Pour 82 % des étudiants, Erasmus représentait leur premier séjour d’études à l’étranger (Souto

Otero et al. 2006). Il constitue une opportunité sans précédent pour une très grande majorité

d’étudiants en Europe, ce qui a contribué à sa popularité et à la démocratisation des séjours

d’études.

Les auteurs soulignent que les étudiants mobiles ont souvent déjà des expériences préalables

de la mobilité, ce qu’Elizabeth Murphy-Lejeune (2001) appelle à la suite de Pierre Bourdieu un capital

de mobilité. Les études portant sur la mobilité des étudiants nordiques montrent que les étudiants

qui passent leur diplôme à l’étranger ont déjà une expérience préalable de la mobilité, ce qui les

incite à s’engager dans des mobilités plus longues et diplômantes. Les entretiens semi-guidés menés

dans le cadre de recherches sur l’expérience interculturelle en mobilité soulignent le rôle joué par les

expériences précédentes de la mobilité (Dervin 2008).

Comme le note le sondage d’ESN (Generation mobility), la génération Erasmus est une

génération très mobile, voire hypermobile (Terrier 2009 et Dervin 2000) : un quart des étudiants a

fait plus de deux séjours d’études à l’étranger et a visité 5 pays dans les deux dernières années. 35%

des étudiants préféraient travailler à l’étranger et plus de la moitié des répondants déclarent parler 3

ou 4 langues (langue maternelle incluse). Ils utilisent régulièrement les nouvelles technologies et

émettent plus souvent des appels internationaux que les étudiants non mobiles.

Les liens entre le choix de partir en Erasmus et les expériences préalables des étudiants avant

le baccalauréat n’ont pas fait l’objet d’une analyse approfondie ; une telle étude permettrait

notamment de savoir si la promotion de la mobilité dans l’enseignement scolaire a des effets

incitatifs sur la demande de mobilité dans le supérieur37.

Conclusions Le profil socio-économique des étudiants mobiles a fait l’objet de plusieurs études et collectes de données en Europe, mais les données concernant les expériences préalables à la mobilité et l’analyse du capital de mobilité restent insuffisamment étudiées. L’analyse de cohorte des étudiants Erasmus est davantage le fait d’études européennes que de recherches nationales.

2.3 Motivations et perceptions

2.3.1 Des résultats qui proviennent essentiellement des étudiants

Les enquêtes d’envergure menées à l’échelle européenne ont en effet privilégié la perception du

programme Erasmus par les étudiants (Souto Otero et al., 2006, Gallup 2011, ESN 2011). En

Allemagne ou en France, les sondages menés à grande échelle ont interrogé en priorité les étudiants

(panel de 8.000 pour l’Allemagne, panel de 1.000 étudiants pour la France). L’analyse des rapports

finaux des étudiants de la Communauté française de Belgique a permis d’étudier leurs retours. La

majorité des enquêtes concerne la réception du programme par ses bénéficiaires.

Les études menées par les pays nordiques ont également porté sur l’appréciation de la mobilité

internationale par les chefs d’entreprises. Les taux de retour sont toutefois assez faibles, ce qui pose

37 Se reporter aux enjeux de la mobilité individuelle décrite dans l’étude « La mobilité individuelle des élèves,

un chaînon manquant dans l’analyse d’impact de la mobilité des jeunes », Sèvres : Centre international d’études pédagogiques, mars 2012.

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le problème de la représentativité des avis émis (IMERA, 2009). Les auteurs de l’étude VALERA ont

également interrogé des experts, des décideurs universitaires et des responsables des relations

internationales de la mobilité. Il serait utile de bénéficier de données plus précises sur d’autres

groupes que les étudiants, afin de sonder la perception du programme et d’améliorer son efficacité.

2.3.2 Motivations et perception du programme Erasmus

Aspiration à la mobilité

Les étudiants semblent montrer un intérêt marqué quant à la possibilité d'étudier à l'étranger, note

le rapport de 2010 pour le Parlement européen (Vossensteyn et al. 2010). Seuls 24 % des étudiants

n'ayant pas participé au programme Erasmus ont déclaré ne pas être intéressés par un programme

d'études à l'étranger.

Un sondage IFOP réalisé en France en 2008 confirme que le public étudiant a bien identifié le

programme Erasmus (90%) : dans cette enquête, 69 % des jeunes sondés se déclarent prêts à étudier

à l’étranger. On notera toutefois que selon les filières, l’aspiration n’est pas la même, comme le

montre l’étude réalisée par l’OVE en 2010.

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Figure 10 Type d'études et séjours à l'étranger

"Depuis votre entrée dans l’enseignement supérieur, avez-vous effectué un (ou plusieurs) séjour(s) à l’étranger en relation

avec vos études ? » Source OVE, Eurostudent, 2010

Les raisons pour lesquelles les étudiants (Vossensteyn et al., 2010) participent à ce programme sont

principalement liées au développement personnel : la possibilité de vivre à l'étranger, de rencontrer

de nouvelles personnes, d'acquérir des compétences non techniques ("soft skills"), mais également

d'améliorer leurs compétences linguistiques. Les avantages qu'ils en attendent pour leur future

carrière comptent moins que les raisons individuelles, mais ils demeurent un facteur important pour

la plupart des étudiants.

Les étudiants allemands (Heublein et al., 2009) attendent d’un séjour à l’étranger une amélioration

de leurs perspectives sur le marché du travail (85 %), de leurs compétences linguistiques et la

rencontre avec d’autres cultures, mais également la possibilité de démontrer leur capacité à faire

face à des situations inconnues, de développer des compétences spécifiques, d’obtenir une meilleure

qualification, de découvrir de nouveaux modes d’apprentissage et de se préparer en vue de travailler

à l’étranger (49%).

L’un des facteurs qui expliquent également le nombre croissant d’élèves sont les évaluations très

positives faites par les étudiants qui sont partis en séjours Erasmus. Ainsi, les enquêtes menée par le

réseau ESN montrent que les anciens étudiants Erasmus évaluent très positivement leurs études et

leur séjour à l’étranger dans le cadre du programme Erasmus (80% and 93% respectivement).

L’analyse des rapports finaux des étudiants de la Communauté française de Belgique le confirme. Les

appréciations des enseignants, des cours, des infrastructures sont très largement positives, malgré

des différences selon les destinations. Les étudiants Erasmus en mobilité d’études sont très satisfaits

du soutien de l’établissement d’origine et ceux qui sont partis en stage sont également très satisfaits

de la qualité de l’entreprise d’accueil et du soutien de l’organisme d’accueil, mais dans une moindre

proportion du soutien apporté par l’organisme intermédiaire qui les a aidés à trouver un stage.

L’étude IMERA confirme que sur son échantillon, près de 95% des stagiaires jugent leur stage

globalement satisfaisant ou très satisfaisant. Les sondés mettent notamment en avant leur

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intégration dans l’équipe de travail. Près des 60% des sondés jugent leur stage formateur et mettent

en avant l’impact positif de leur stage au niveau de leurs compétences linguistiques, de l’acquisition

de compétences et de savoir-faire professionnels et de la confiance en eux. (IMERA, 2009). On notera

que le taux de satisfaction sur la base des rapports des étudiants Erasmus n’est pas disponible pour

la France.

Conclusions Les grandes enquêtes sur la mobilité étudiante Erasmus interrogent principalement les étudiants ; les panels n’intègrent que trop rarement les chefs d’entreprise et les décideurs au sein du monde universitaire ou des collectivités locales.

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III Principaux impacts de la mobilité étudiante Erasmus

Les principaux impacts de la mobilité étudiante Erasmus portent sur l’enseignement supérieur lui-

même (3.1), notamment en la replaçant dans le contexte du processus de Bologne, sur le

développement d’une citoyenneté européenne (3.2), sur les aspects économiques et la valeur

professionnelle du séjour Erasmus (3.3), sur les territoires (3.4), sur les compétences linguistiques

des étudiants (3.5), sur les compétences interculturelles et la construction de l’identité (3.6).38

3.1 Impact au niveau de l’enseignement supérieur

Le programme Erasmus est un vecteur de l’internationalisation des établissements de

l’enseignement supérieur en Europe. Comme le notait l’évaluation du programme en 200439, il a

permis, en particulier durant ses premières années d’application, d’intégrer l’internationalisation à la

politique générale de nombreux établissements de l’enseignement supérieur.

Erasmus et le processus de Bologne

Le programme Erasmus et le processus Bologne sont intimement liés, puisque l’un des objectifs de ce

dernier40 est d’accroître la mobilité étudiante en Europe, mais également parce que le programme

Erasmus est devenu par ses enjeux (reconnaissance des diplômes, ECTS, coopération entre

établissements, comparabilité des niveaux d’enseignement) l’un des programmes les plus

étroitement lié au processus de Bologne (EURYDICE, 2009). Ainsi, « Bologne du point de vue des

étudiants », l’étude menée en 2009 par l’ESU, relaie la position des syndicats étudiants sur la mise en

œuvre du processus de Bologne et le bilan qu’ils en dressent 10 ans après le lancement des réformes.

L’étude souligne que la mobilité est l’un des piliers sur lequel se fonde le processus de Bologne, et

qu’il en est également l’élément le plus visible et le plus médiatique aux yeux des étudiants. Il ressort

également qu’à leurs yeux, le rythme avec lequel les obstacles à la mise en œuvre de la mobilité et

du processus de Bologne sont levés, est beaucoup plus lent que les déclarations politiques le

laisseraient entendre (Carapinha, 2009).

La participation de pays non membres de l’Union européenne au programme EFTLV et en particulier

au programme sectoriel Erasmus contribuent à favoriser l’intégration et la coopération entre les

établissements de l’enseignement supérieur dans l’Union européenne et aux frontières de celle-ci.

De surcroît l’adhésion de nombreux pays au processus de Bologne en renforce l’impact. Deux

chercheurs de l’université d’Ankara soulignent dans Evaluating the Turkish higher education law and

proposals in the light of ERASMUS goals (Dolasir et al., 2006) l’impact du programme Erasmus sur la

législation turque portant sur l’enseignement supérieur. Melissa Härtel aborde le fonctionnement du

programme en Suisse et son impact sur la perception des étudiants (Härtel, 2007)

L’étude menée conjointement par le CHEPS, l’INCHER-KASSEL et ECOTEC (CHEPS, 2008) a montré que

le programme a un effet catalyseur dans le paysage de l'enseignement supérieur en Europe. Il

38 L’impact sur les compétences n’a pas été traité ici faute d’une bibliographie étayée. 39 Reinout van Brakel, Jeroen Huisman , Anneke Luijten-Lub, External evaluation of Erasmus institutional and national impact, 2004, consultable à http://ec.europa.eu/education/erasmus/doc/publ/impact04rep_en.pdf 40

« Promotion de la mobilité en surmontant les obstacles à la réelle libre circulation, en portant une attention particulière à : - pour les

étudiants, l’accès aux études, aux possibilités de formation et aux services qui leur sont liés, - pour les enseignants, les chercheurs et les personnels administratifs, la reconnaissance et la valorisation des périodes de recherche, d’enseignement et de formation dans un contexte européen, sans préjudice pour leurs droits statutaires. »[Déclaration de Bologne des ministres européens de l’éducation, 19 juin 1999]

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contribue à l'amélioration, à l'ouverture et à la modernisation des établissements d'enseignement

supérieur et des politiques éducatives. Dans leur grande majorité, la participation à Erasmus des

établissements de l’enseignement supérieur les a conduits à innover dans des domaines essentiels, à

renouveler leurs méthodes d'enseignement et d'apprentissage, à favoriser la reconnaissance des

périodes d'études, à mieux organiser les services d’aide aux étudiants, à développer les activités de

recherche, la coopération avec les entreprises et la gestion institutionnelle. Des recherches sont en

cours sur la mise en œuvre des principes d’assurance-qualité dans l’organisation de la mobilité

étudiante.

A l’échelle européenne, un nombre croissant d’institutions de l’enseignement supérieur participe au

programme en envoyant et en recevant des étudiants et des personnels enseignants : ainsi 2.744

(institutions de l’enseignement supérieur en Europe participaient au programme Erasmus en

2008/09, soit 322 de plus qu’en 2007/08 (DGEAC, 2010b, p. 160). Ces flux structurent et

institutionnalisent la collaboration entre institutions européennes, la mise en réseaux et l’échange de

méthodologie. Les chartes Erasmus signées entre les établissements, l’établissement de consortiums,

les échanges entre les enseignants et les référents de la mobilité Erasmus lors de l’établissement des

programmes de stage contribuent à ancrer la coopération universitaire dans le quotidien des

établissements.

Les auteurs soulignent que l’un des facteurs d’impact du programme est la corrélation entre la

mobilité étudiante Erasmus et la mobilité des étudiants en général. C’est l’un des résultats de

l’analyse des bonnes pratiques de l’étude « Quality, Openness and Internationalisation » (CHEPS,

2008) mais également des premières conclusions de l’étude IMERA sur l’action mobilité Erasmus

formation pour le personnel enseignant et non enseignant (IMERA, 2009). Les chercheurs du

laboratoire du CEREQ dans leur article « Les échanges européens Erasmus .. .Accroître la mobilité des

enseignants pour développer celle des étudiants » soulignent la nécessité de corréler plus

étroitement les deux mobilités. La corrélation entre mobilité enseignante et mobilité étudiante a été

testée et confirmée, au seuil de significativité de 5%, à l’aide de trois tests statistiques différents :

Kendall, Pearson et Spearman. Chacun de ces tests avance un coefficient de corrélation de

respectivement 97%, 98 % et 99 % (Agbossou et al., p. 4). Les auteurs proposent une cartographie de

la mobilité des étudiants Erasmus et des personnels enseignants (ibidem p.3) qui met en évidence la

convergence. Les auteurs constatent toutefois des disparités non négligeables selon les régions

françaises.

Si l’on compte en Europe un enseignant mobile pour 7 étudiants, la proportion est de 1 pour 10 en

France, malgré une croissance soutenue de la mobilité enseignante. Or, comme le soulignent les

auteurs de l’article, « même si elles ont des logiques différentes, [les deux mobilités] sont corrélées.

Il importe dans ce contexte d’encourager davantage la mobilité des enseignants. D’autant que cette

dernière se positionne en amont de celle des étudiants. Les réseaux d’universités étrangères avec

lesquels les universités françaises sont partenaires dans le cadre des échanges Erasmus proviennent

en effet des contacts à l’étranger des enseignants. De plus, ces derniers décident de la mise en place

d’un accord Erasmus pour les étudiants. Si les enseignants n’ont pas de contacts dans différents pays

ou universités, les étudiants ne peuvent y bénéficier d’une expérience de mobilité » (Agbossou et al.

2007, p.4)

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Figure 11 Mobilité sortante des enseignants (Erasmus) en 2008/09

Source : DGEAC 10a, p. 94

3.2 Impact sur le développement d’une citoyenneté européenne

La visibilité du programme Erasmus et sa popularité parmi les étudiants et l’opinion publique en

Europe ont contribué à en faire un vecteur de l’identité ou du moins une occasion pour qu’émerge

une génération d’Européens (Boomans et al., 2008). Par l’ouverture que le programme Erasmus

représente, par les réseaux que les étudiants Erasmus développent (De Federico, 2008) et par

l’enrichissement culturel dont le séjour à l’étranger est crédité, le programme Erasmus et en

particulier la mobilité étudiante se sont mus en un symbole d’une Europe et d’une identité

européenne en construction41. Le choix d’appeler le prochain programme communautaire dédié à

l’éducation et la formation « Erasmus pour tous » est révélateur de la valeur emblématique du

programme.

De l’enquête menée en 2007 par ESN, il ressort que les étudiants mobiles42 définissent plus souvent

leur identité vis-à-vis d’un contexte international que les étudiants n’ayant pas effectué de mobilité.

Ils se réclament également davantage d’une identité européenne que d’une identité nationale,

même s’ils s’intéressent davantage à la politique nationale qu’à la politique à l’échelle européenne.

Les résultats des recherches sur le lien entre mobilité et identité européenne sont toutefois plus

nuancés (Regnault, 2007). Dans Does ERASMUS student mobility promote a European identity?

Emmanuel Sigalas montre à partir des résultats d'une enquête longitudinale menée auprès

d’étudiants Erasmus et d’étudiants non mobiles, que si le programme ERASMUS permet aux

étudiants d'améliorer leurs compétences en langues étrangères et leurs connaissances d'autres pays

européens, il ne favorise pas de manière systématique le développement d’une identité européenne

ou d’un sentiment de fierté européenne. L’auteur souligne toutefois que l'expérience Erasmus aide

les étudiants britanniques à se sentir plus attachés à l'Europe et à reconnaître qu'ils ont des choses

en commun avec les Européens continentaux (Sigalas, 2009).

41 Euractiv : « Erasmus, l’Europe en marche ». 42 90 % des étudiants sondés qui ont étudié à l’étranger ont participé au programme Erasmus (BOOMANS et al., 2008)

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Centre international d’études pédagogiques| La mobilité étudiante Erasmus | Apports et limites des études existantes | Page 33

Dans Erasmus, vecteur de citoyenneté européenne ?, Caroline Close a analysé l’expérience

d’étudiants belges francophones ayant séjourné à l’étranger en 2002 et 2005 dans le cadre du

programme Erasmus et les a interrogés en 2010. Les entretiens menés auprès d’anciens étudiants

Erasmus montrent que la confrontation à un milieu étranger et la rencontre avec d’autres individus

culturellement différents amène les jeunes à la fois à aiguiser leur perception de soi et à ouvrir leur

identité à une pluralité de sentiments d’appartenance, dont l’identité européenne, sans que cette

dernière soit exclusive (Close, 2011).

D’autres études montrent également qu’un séjour long à l’étranger a un impact non seulement sur la

sociabilité des individus mais qu’on observe une corrélation entre engagement social et mobilité.

Aspasia Nanaki a montré dans sa thèse de doctorat que l’engagement associatif des étudiants en

mobilité était un vecteur de développement de compétences transversales collectives (Nanaki,

2010). Une étude américaine, Beyond immediate impact: Study abroad for global engagement

(SAGE) a souligné l'impact à long terme des études à l'étranger pour les étudiants américains sur

diverses formes d'engagement : l'engagement civique, la production de connaissances, la

philanthropie, une conception sociale de l’entreprise et le bénévolat. Elle s’intéresse aussi aux

répercussions sur les choix d’orientation universitaire et sur la carrière professionnelle, et conclut à

une corrélation forte fondée sur l’entretien avec d’anciens étudiants en mobilité (Paige, 2009).

On notera que des recherches similaires aux travaux d’E. Sigalas et C. Close n’ont pu être identifiées

pour la France. Des pistes dans ce sens pourraient être suggérés aux instituts de sondage (IFOP) et

aux politistes (CEVIPOF), en croisant des questions de type « Avez-vous participé à échange Erasmus

ou autre ? » avec leur représentation de l’Europe ou leur conception de l’Europe (intégration,

fédéralisme, etc.).

3.3 Impact économique et valeur professionnelle du séjour Erasmus

Le programme d’échange universitaire Erasmus a pour objectif de contribuer à la réalisation d'un

espace européen de l'enseignement supérieur (EEES), en améliorant la qualité et l'accroissement la

mobilité étudiante et enseignante en Europe et de la coopération multilatérale entre établissements

d'enseignement supérieur (EES). Depuis 2007, il vise également à faire davantage coopérer les

établissements d'enseignement supérieur et les entreprises et à favoriser la transparence et la

compatibilité des qualifications acquises dans l'enseignement supérieur et la formation

professionnelle supérieure en Europe. Ces objectifs s’inscrivent dans la stratégie de l’Union

européenne de faire de l’Europe l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus

dynamique du monde.

Des études orientées sur la plus-value professionnelle d’un séjour Erasmus

Les études sur le programme Erasmus n’ont pas (encore ?) porté sur la modélisation et la

quantification de l’apport des programmes de mobilité et l’impact de l’amélioration de la qualité de

l’enseignement supérieur sur l’économie européenne. Les recherches qui existent portent sur

l’internationalisation des établissements et de la compétitivité des Etablissements de l’Enseignement

Supérieur43.

43 Sur ce dernier point, se reporter à l’article de Gabrielle DEMANGE et Robert FENGE, Competition in the quality of higher

education : the impact of students' mobility, 2010).

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Les deux grandes études (Bracht et al., « The professional value of ERAMUS MOBILITY », 2006, et

« The Flexible Professionnal in the Knowledge Society : General results from the REFLEX project »,

2007) menées à l’échelle européenne ont souligné l’impact des mobilités Erasmus sur le marché du

travail.

Les compétences et les savoir-être que requiert l’expérience Erasmus sont des atouts reconnus

comme utiles pour les entreprises : les compétences en langues, la flexibilité, la mobilité sont autant

de traits prisés dans le monde du travail.

Les anciens étudiants ainsi que les employeurs interrogés dans le cadre du projet VALERA (Bracht et

al. 2006) ont souligné l’importance des résultats académiques et de la personnalité lors du

recrutement. Environ un ancien étudiant sur deux et un employeur sur trois mentionnent

l’expérience internationale comme un critère important lors du recrutement. Pour 70 % des

employeurs, les compétences en langues figurent parmi les critères importants.

Figure 12 La place de l’expérience à l’étranger

Importance relative des différents critères lors d’un recrutement du point de vue des employeurs. Source : Bracht (2006), p. 90.

Cette étude montre que les employeurs considèrent que les compétences des diplômés ayant vécu

une expérience internationale sont supérieures à celles des autres diplômés. L’expérience

internationale semble renforcer la capacité d’adaptation, l’esprit d’initiative, la capacité à planifier et

la confiance en soi. Beaucoup sont d’avis qu’à long terme, les étudiants mobiles auront plus de

succès dans le déroulement de leurs carrières.

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Centre international d’études pédagogiques| La mobilité étudiante Erasmus | Apports et limites des études existantes | Page 35

Figure 13 Evaluation des compétences des étudiants mobiles par les employeurs

Source : Bracht (2006), p. 98

Une étude menée en Suède (Jonsson, 2010) par l’agence IPK en collaboration avec l’organisation

patronale suédoise SN montre que l'expérience internationale (études ou stage) joue un rôle positif

pour les employeurs, notamment lors de l’entretien d’embauche. Les entreprises suédoises ne font

pas de l’expérience à l’étranger une condition pour l’embauche d’un nouveau collaborateur, mais

cette expérience est considérée comme un plus lorsqu’il s’agit de départager deux candidats aux

profils similaires. Les compétences « internationales », telles que la compétence interculturelle et les

compétences linguistiques, ne constituent toutefois pas les compétences recherchées en priorité par

les employeurs. Ces derniers recherchent davantage des candidats motivés, responsables ayant de

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Centre international d’études pédagogiques| La mobilité étudiante Erasmus | Apports et limites des études existantes | Page 36

bonnes compétences communicationnelles, qualités et compétences que les employeurs associent

davantage aux candidats mobiles qu’aux autres candidats. Les études et notamment un stage ou un

emploi à l’étranger ont ainsi aux yeux des employeurs une valeur sur le marché du travail que les

candidats doivent s’employer à valoriser. Les auteurs de l’étude montrent qu’il y a une convergence

entre les compétences que les employeurs attendent de leurs employés et celles reconnues aux

étudiants mobiles.

Une forte de demande d’employés hautement qualifiés et flexibles : l’expérience Erasmus à

valoriser

On attend de plus en plus des diplômés de l’enseignement supérieur qu’ils possèdent un haut niveau

de qualification, mais aussi qu’ils fassent preuve de flexibilité, qu’ils soient capables de s’adapter, et

également qu’ils soient prêts à relever des défis pour lesquels ils n’ont pas été directement formés.

L'internationalisation des compétences et des exigences de l'emploi se sont accrues dans ce

domaine. Une large proportion de diplômés dit réaliser des tâches pour lesquelles une très bonne

maîtrise des langues étrangères est nécessaire. Les informations fournies par l'étude REFLEX (Allen et

al., 2007) et d’autres études suggèrent que les personnes possédant une expérience internationale

avant l'obtention de leur diplôme ou peu après sont clairement plus susceptibles d'être

internationalement mobiles et d’occuper des fonctions dans leur pays qui requièrent des

compétences internationales. Cela confirme une relation « horizontale » forte entre les expériences à

l’étranger (étude et stage) et le fait de travailler à l’étranger ou dans un contexte international.

Insertion professionnelle

Statistiquement, les étudiants Erasmus ne rencontrent pas de grandes difficultés à s’insérer sur le

marché du travail : les études montrent qu’ils restent peu de temps au chômage et occupent des

positions souvent mieux rémunérées que les autres étudiants. L’étude de la mobilité sur les diplômés

nordiques montre toutefois que les étudiants ayant passé leur diplôme à l’étranger ont parfois plus

de mal à se réinsérer sur le marché du travail national, faute de réseaux suffisants et d’une certaine

méconnaissance des diplômes étrangers chez les employeurs. L’étude menée au Danemark montre

toutefois que les étudiants Erasmus ne semblent pas concernés par ce phénomène.

Les liens verticaux entre l'expérience internationale et la réussite d’une carrière (type de poste,

rémunérations) sont plus difficiles à montrer, car s’il existe bien une corrélation entre l’expérience à

l’étranger, l’occupation d’un poste fortement internationalisé et une rémunération plus élevée,

plusieurs bais existent qui invitent à nuancer les relations de causalité systématique. En effet les

postes occupés sont souvent liés au management, à la vente ou à la finance, fonctions souvent mieux

rémunérées. D’autre part, les étudiants qui ont participé au programme Erasmus sont souvent issus

de familles plus aisées, avec un niveau d’éducation plus élevé (HFCE 2009) et ont un niveau de

diplôme plus élevé.

Les étudiants Erasmus et l’international

Les études menées dans les différents pays européens montrent qu’il y a une corrélation forte entre

emploi à l’étranger ou emploi fortement internationalisé et la participation à une expérience à

l’étranger, comme dans le cas d’Erasmus. Mathias Parey et Fabian Waldinger l’ont montré à partir

d’une modélisation mathématique, que les études à l'étranger augmentent la probabilité de

travailler dans un pays étranger d'environ 15 à 20 points, suggérant que les périodes d’études à

l'étranger constituent un important canal pour la migration ultérieure. Les études à l'étranger ont un

impact plus important chez les étudiants dont les revenus financiers sont plus limités (Parey, 2008).

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Au Royaume-Uni (HEFCE, 2009), l’étude du HEFCE (Higher education funding council for England)

issue des statistiques collectées par l’HESA (Higher Education Statistics Agency) montre que parmi les

diplômés actifs ayant participé au programme Erasmus, 15 % travaillent à l’étranger (dont les deux

tiers en Europe), un pourcentage cinq fois supérieur à la moyenne des étudiants du Royaume-Uni (3

%), un chiffre même légèrement supérieur à ceux qui ont fait un autre type de séjour d’études à

l’étranger (13 %, dont la moitié travaille en dehors d’Europe).

Dans les pays scandinaves (Saarikallio-Top et al., 2010 ; Wiers-Jenssen, 2008) les effets de la mobilité

diplômante se font davantage sentir : ainsi, 42 % des étudiants finlandais qui ont obtenu leur

diplôme à l’étranger y résident (contre 5 % chez les étudiants non-mobiles). Les étudiants qui ont

étudié à l'étranger sont plus susceptibles d'occuper des emplois internationaux, notamment dans des

entreprises étrangères implantées dans leur pays d’origine. Ainsi la part des diplômés mobiles qui

occupe un poste dans une entreprise étrangère est de 20 % en Finlande ; elle n’est que de 11 %

parmi les étudiants non mobiles. A titre de comparaison, elle est de 26 % en Norvège pour les

étudiants mobiles et de 16 % pour les étudiants non mobiles.

En France, Cathy Perret montre que les étudiants français qui travaillent à l’étranger ont un passé

mobile, mais que l’expatriation des diplômés reste un phénomène numériquement peu important et

surtout mal connu. En effet, seule la mobilité internationale des titulaires d’un doctorat a fait l’objet

d’une étude ; la composition des statistiques françaises limite la capacité à appréhender le

phénomène de l’emploi des diplômés français à l’étranger (cf. supra). A l’exception des données de

l’étude européenne REFLEX, les études portant sur la France sont limitées et le plus souvent non

axées sur la relation mobilité à l’étranger et fonctions internationales.

Déclin de la valeur professionnelle : vers davantage de qualité

Les auteurs du projet VALERA ont noté que la comparaison avec les enquêtes précédentes montre

que l’effet positif d’Erasmus sur l’emploi et la situation professionnelle ainsi que sur des activités

apparemment plus internationales des anciens étudiants Erasmus va progressivement en diminuant

par rapport aux étudiants non mobiles. Plus l’internationalisation de l’emploi et du travail se

normalise, plus les étudiants acquièrent des compétences internationales, plus la valeur

professionnelle ajoutée d’Erasmus s’efface.

La valeur professionnelle d’Erasmus pour les anciens étudiants – ainsi que pour les anciens

enseignants – originaires d’Europe Centrale et d’Europe de l’Est est nettement plus élevée que pour

les personnes originaires d’Europe de l’Ouest. 54 % des anciens étudiants Erasmus sont d’avis que

leur séjour à l’étranger les a aidés à obtenir leur premier emploi (contre 66 % en 1994/95). Les

auteurs dans leurs recommandations soulignent la nécessité d’accroître l’assurance-qualité dans la

mobilité des étudiants mais également la valorisation des compétences. Le recours à une période de

stage à l’étranger peut constituer le chaînon manquant dans la perception du programme Erasmus,

comme une valeur ajoutée pour l’entrée sur le monde du travail.

3.4 Impact sur les territoires

Les études sur la mobilité en Europe se sont principalement attachées à établir des typologies des

flux de mobilité étudiante et à quantifier les flux entre pays. Le travail de cartographie n’a pas

débouché en tant que tel sur une étude de l’impact de la mobilité sur les territoires, le resserrement

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Centre international d’études pédagogiques| La mobilité étudiante Erasmus | Apports et limites des études existantes | Page 38

des relations entre institutions ou les flux de personnes, probablement faute de données

quantifiables.

Pourtant, l’exemple de la France montre que la mobilité des jeunes a un impact réel sur les

territoires, en resserrant les liens entre les collectivités territoriales de part et d’autres des frontières

européennes (jumelage, coopération régionales), mais également entre institutions à l’échelle des

régions.

Les régions jouent un rôle actif dans la promotion de la mobilité internationale (Lechevallier, 2008)

en accompagnant les porteurs de projet, mais également en cofinançant la mobilité étudiante. Cet

engagement déjà ancien reste méconnu, alors qu’il soutient de nombreuses initiatives innovantes.

Les régions agissent en proposant un soutien à la mobilité sortante des jeunes, qui dans le cadre

d’Erasmus passe par l’octroi de bourses à la mobilité et par un réseau de centres d’information, ainsi

qu’une politique d’accueil des étrangers (jeunes, étudiants). L’investissement des régions dans la

mobilité est l’un des vecteurs de promotion des régions à l’étranger par l’intermédiaire de

l’éducation.

Eugénie Terrier souligne dans Mobilités spatiales des étudiants internationaux. Déterminants sociaux

et articulation des échelles de mobilité (Terrier, 2009) que les étudiants ont une approche spécifique

du territoire. Les étudiants d’Europe de l’ouest ou des Etats-Unis se caractérisent ainsi par leur

hypermobilité, et arpentent le territoire en mettant à profit leur présence en France. Ces étudiants

hypermobiles représentent 19,5 % des étudiants étrangers : ils font plus de 10 visites dehors de la

ville où ils résident et plus de huit sorties par mois dans le centre-ville. Ainsi les étudiants sont au

sens propre du terme des consommateurs. Les pistes suggérées par cette thèse de géographie

mériteraient d’être approfondies car la mesure des retombées économiques des dépenses des

étudiants Erasmus sur l’économie locale ainsi que l’impact à plus long terme sur l’image d’une région

n’ont pas fait l’objet de mesures précises.

L’impact du programme Erasmus sur les territoires n’a pas fait l’objet d’études sur la contribution de la mobilité étudiante à la création d’un espace européen intégré. L’analyse de l’impact de la mobilité sur l’économie locale n’a pas non plus fait l’objet d’une analyse qualitative ou quantitative, qui permettrait de mesurer les retombées économiques du programme Erasmus.

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3.5 Amélioration des compétences linguistiques des étudiants Erasmus

L’amélioration des compétences en langues constitue l’une des premières raisons invoquées par

les étudiants44 pour partir à l’étranger dans le cadre du programme Erasmus. C’est aussi l’un des

apports les plus souvent cités par les employeurs et par les décideurs (Saarikallio-Top, 2010).

Il n’existe pas à l’échelle européenne d’études ou de projets européens qui se soient penchés sur

la mesure de l’impact d’un séjour Erasmus sur les compétences en langues des étudiants45. Les

études d’impact s’appuient sur les déclarations des participants mais n’apportent pas d’éléments qui

permettent une véritable comparaison.

Impact sur les compétences linguistiques et reconnaissances de ces compétences

L’analyse se fonde sur des recherches-actions portant sur de petits groupes d’apprenants. Les

auteurs confirment l’impact d’un séjour Erasmus en soulignant le temps d’exposition à la langue, le

développement de stratégies langagières et le contact avec la pluralité de la langue ; l’apprentissage

préalable étant souvent cantonné à une langue normée. Jean-Michel Robert analyse la construction

des apprentissages entre apprenants européens (Interlangue Erasmus : vers un eurofrançais, Robert,

2011). Filomena Capucho montre quant à elle l’impact d’une formation individualisée en langues et

le rôle que peut jouer l’intercompréhension dans l’apprentissage des langues les moins répandues.

En analysant un groupe d’étudiants en séjour Erasmus en Espagne, Christina Pozo Vicente,

Cristina et José Ignacio Aguaded Gomezont montré qu’un séjour de six mois dans un pays étranger

augmentait le volume d'utilisation des TICE et améliorait les compétences linguistiques – et

notamment communicatives – des étudiants (Pozo Vicente, 2011). Aspasia Nanaki (2009) a montré

comment les étudiants engagés dans une action associative lors de leur séjour développaient des

compétences communicatives et des savoirs et savoir-faire socioculturels et interculturels

empiriques. On notera que les étudiants en séjour Erasmus (donc inférieur à un an) n’ont pas

souvent l’occasion de s’investir réellement dans le tissu associatif, mais que des événements

ponctuels (soirées, sorties) peuvent remplir ce rôle.

Raquel Serrano, Angels Lanes et Elsa Tragant ont analysé les compétences en langue seconde à

l’écrit et à l’oral de trois groupes d'étudiants hispanophones : le premier groupe d'apprenants est

constitué d’étudiants Erasmus au Royaume-Uni, et les deux autres suivent un cours intensif ou semi-

intensif d’anglais en Espagne. L’analyse statistique révèle que, pour un même temps d’exposition à la

langue étrangère, les étudiants qui se sont rendus au Royaume-Uni en Erasmus sont plus à l’aise pour

s’exprimer que les étudiants non mobiles, et maîtrisent un lexique plus complexe. Néanmoins, les

auteurs soulignent que les résultats à l’écrit et à l’oral sont similaires dans les deux groupes (Serrano

et al. 2011).

Des compétences en langue(s)

La question de la diversité linguistique est également un facteur à prendre en compte. Si les

étudiants choisissent le plus souvent comme destination des pays anglo-saxons ou des pays dont ils

ont appris la langue au cours de leur scolarité, l’offre demeure souvent inférieure à la demande. De

nombreux étudiants partent ainsi dans des pays dont ils ignorent tout. Même si des financements

44 Se reporter à la section XYZ sur la perception du programme et les sources de motivation. 45 Pour l’enseignement scolaire, une enquête est en cours. L’enquête européenne sur les compétence linguistiques des apprenants âgés de 14 à 18 ans, Surveylang, évalue l'apprentissage d'une deuxième langue par les élèves de dernière année du premier cycle d'éducation secondaire à l'aide des échelles établies par le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) http://www.surveylang.org/ Le rapport sera remis au printemps 2012.

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sont proposés pour que les étudiants suivent des cours dans les langues nationales les moins parlées,

tous n’en tirent pas profit.

Les étudiants interrogées dans le cadre de l’étude The socio-economic background of Erasmus

students: a trend towards wider inclusion? soulignent que leur séjour leur a permis de développer

leurs compétences en langues, y compris dans l’acquisition d’une 3ème et 4ème langues étrangères ;

néanmoins, ils privilégient souvent l’offre de cours dispensée en anglais. C’est ainsi que 40 % des

étudiants de la Communauté française de Belgique ont suivi un enseignement exclusivement en

anglais, pourcentage qui atteint 60 % si l’on prend en compte les cours partiellement dispensés en

anglais.

La non-maîtrise de la langue du pays d’accueil entraine des phénomènes de regroupement en

« tribus » (Papatsiba, 2003), qui ne facilite pas l’intégration des étudiants étrangers, ni le

développement de compétences linguistiques dans d’autres langues que l’anglais (Dervin, 2008).

Les données sur les stratégies linguistiques et les compétences en langues des étudiants Erasmus

en mobilité de stage restent un champ encore très largement méconnu.

Rôle clé des formations comme démultiplicateurs d’impact

Les articles rassemblées dans le dossier thématique « Stratégies d’enseignement et

d’appropriation de la langue du pays d’accueil » de la Revue Ela (Etudes de linguistique appliquée)

soulignent la spécificité du public Erasmus et des conditions de leur apprentissage. Les auteurs

proposent des pistes pour intégrer ces particularités dans la formation dispensée aux étudiants.

Les enseignants soulignent l’importance de la préparation linguistique dans l’accroissement des

compétences en langues des étudiants et pour le bon déroulement du séjour (IMERA, 2009), ainsi

que le rôle du journal de bord et du portfolio pour les étudiants Erasmus (Kemp, 2010). Belinda

Crawford Camiciottoli (2010) montre comment une préparation ciblée avant le départ favorise une

compréhension des cours par les étudiants, Une enquête réalisée après la mobilité montre que ce

cours a été bénéfique aux étudiants. Ces formations doivent également préparer les étudiants à

s’approprier les didactiques spécifiques du pays d’accueil sont bénéfiques aux étudiants (Taillefer,

2005).

Indicateurs d’impact et expérimentations

Afin d’évaluer l’influence du programme Erasmus sur les compétences en langues des participants, il est important de disposer d’indicateurs d’impact compatibles avec le Cadre européen commun de référence pour les langues. A l’échelle de la France, les universités imposent la plupart du temps soit un test de positionnement dispensé par les centres de langues (TOEFL/ Cambridge/ certificate Goethe) soit le CLES (Certificat de Compétences en langues de l’enseignement supérieur)46. Il serait intéressant de mesurer ces compétences au retour de la mobilité sur un échantillon suffisamment large. Il serait opportun d’insérer une question sur l’expérience de la mobilité (notamment Erasmus) dans le cadre des enquêtes sur le CLES47.

46 Le service des relations internationales demande aux étudiants de passer le CLES 1 LE CERTIFICAT DE COMPÉTENCES EN LANGUES DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR : http://www.univ-montp3.fr/ri/index.php?part=partir-erasmus 47 L’université d’Auvergne Clermont Ferrand a rendu accessible une enquête de satisfaction sur le CLES, mais qui n’intègre pas de questions sur les expériences préalables des candidats. http://www.u-clermont1.fr/uploads/sfCmsContent/html/1106/Analyse%20CLES1%20et%20CLES2%20officielle.pdf

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A l’échelle européenne, les étudiants comme les décideurs et les employeurs sont convaincus de l’impact des séjours Erasmus sur les compétences en langues des participants. Il n’existe cependant aucune évaluation chiffrée de cet impact. Les études menées à l’échelle de petits groupes d’apprenants en mobilité Erasmus montrent l’impact des séjours Erasmus sur les compétences linguistiques des étudiants. Si l’offre de cours en anglais domine très largement les expériences des étudiants Erasmus, ces derniers n’en ont pas moins l’occasion de s’initier aux langues moins parlées. Les chercheurs soulignent l’importance d’une préparation linguistique avant et pendant le séjour Erasmus, pour augmenter l’impact sur les compétences des apprenants. On notera que l’impact sur les compétences en langues des étudiants en stage demeure mal connu. A l’échelle de la France, les indicateurs de performance font défaut et des études menées à plus grande échelle seraient souhaitables.

3.6 Expérience identitaire et compétences interculturelles

Une expérience identitaire

Parmi les sources de motivation et d’attractivité du séjour Erasmus figure la volonté de s’ouvrir,

d’élargir ses horizons et de rencontrer de nouvelles personnes. L’interculturel figure parmi les

premières compétences que les bénéficiaires et les décideurs/employeurs associent à cette

expérience à l’étranger. La bibliographie sur l’expérience interculturelle est fortement marquée par

des auteurs d’expression française tels que Martine Abdallah-Pretceille, Elizabeth Murphy-Lejeune

(2003), Vassiliki Papaptsiba (2004), Mathilde Anquetil (2006) et plus récemment Fred Dervin (2008).

L’écho de ces auteurs dans la littérature anglo-saxonne est plus prononcé que pour d’autres champs

universitaires analysant la mobilité.

Impact d’une mobilité Erasmus sur la construction de l’identité

Avec l’ouvrage pionnier L’Etudiant européen voyageur, un nouvel étranger, Elizabeth Murphy-

Lejeune s’est inspirée de la sociologie de l’étranger et notamment des travaux de Simmel au début

du 20e siècle pour cerner les similitudes et les différences existantes entre les étudiants mobiles

européens et les migrants traditionnels, en insistant sur la rupture épistémologique que représente

le terme de mobilité. Vassiliki Papatsiba montre que ce déplacement se présente moins définitif dans

sa durée et davantage lié au pays d’origine. La mobilité ne s’apparente plus à un déracinement

provoqué par des transferts de population, mais devient un acte d’appropriation d’un espace

d’action. L’auteur replace la mobilité dans les théories contemporaines de l’identité et souligne que,

dans une société en mouvement, la nouvelle norme pour l’individu est la responsabilité croissante de

sa propre réussite et de sa construction. L’individu contemporain se donne comme objectif de se

promouvoir lui-même, d’inventer sa propre vie. Etre mobile devient alors une capacité d’orientation

active, qui doit lui permettre d’affronter des environnements changeants au lieu de les subir.La

mobilité devient l’une des figures de la « biographie élective ». Cette rencontre entre l’aspiration

individuelle à créer son propre parcours et les opportunités qu’offrent les séjours pourraient

expliquer le succès mais également l’appropriation du programme par les étudiants.

Mathilde Anquetil (2006) interroge la notion de compétences interculturelles des étudiants en

situation de mobilité. Elle propose une typologie via un référentiel utile tant pour le diagnostic que

pour l’établissement d’objectifs didactiques opérationnels.

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Fred Dervin (2008) a choisi de fonder son ouvrage Métamorphoses identitaires en situation de

mobilité sur l’analyse lexicométrique d’un corpus d’entretiens réalisés avec des étudiants en

mobilité. L’étudiant Erasmus contemporain est devenu l’incarnation emblématique d’une génération

caractérisée par une « hypermobilité ». L’auteur de l’ouvrage souligne que l’analyse de la mobilité est

un phénomène récent, alors que la mobilité étudiante et académique est bien documentée depuis le

Moyen-Âge. Son analyse lexicométrique révèle la manière dont les étudiants expriment leurs

relations aux autres. Les altérités multiformes observées permettent aux étudiants interviewés

d’exprimer le faire-ensemble, l’énoncer-ensemble mais également de se positionner par rapport aux

groupes. Le programme Erasmus offre aux chercheurs un laboratoire de la construction des identités

d’une génération d’Européens.

L’analyse à long terme d’une expérience Erasmus a fait jusqu’ici l’objet de peu de travaux,

constate Caroline Close (2011) dans le cadre de sa recherche menée auprès d’anciens Erasmus

plusieurs années après leur séjour à l’étranger.

Stratégies individuelles/stratégies collectives

En interrogeant dans les rapports des étudiants Erasmus la manière dont ils restituent les

relations établies lors du séjour d’études à l’étranger, V. Papatsiba analyse la façon dont se

construisent les proximités et les complicités (affinités entre étudiants étrangers, création du cocon)

mais également la fugacité de ces relations (De Federico, 2008). Elle analyse en outre la question des

proximités nationales et souligne les tensions entre l’affirmation de soi au travers de l’expérience de

la mobilité et la découverte de l’autre. Dans toutes ces formes, la mobilité devient une nouvelle

expression de la subjectivité, une nouvelle forme d’émergence et de valorisation de soi, en accord

avec les représentations contemporaines de l’individualité et la promesse qu’elle recèle d’ouverture

et de tolérance socio-culturelle. Les auteurs soulignent toutefois les limites de l’approche et des

représentations interculturelles des étudiants (Anquetil 2006 ; Dervin 2010). La rencontre avec

l’autre dépend surtout des stratégies adoptées par les étudiants quand au choix de leur sociabilité

(Terrier 2009 ; Murphy-Lejeune 2003).

La compilation et l’analyse de bonnes pratiques dans le domaine de l’accompagnement

constituerait un apport bénéfique.

Plusieurs ouvrages soulignent le rôle du programme Erasmus dans la construction de l’identité des jeunes Européens. Ils mettent en avant la rencontre, les possibilités d’échange ainsi les compétences interculturelles, tout en précisant les limites de ces échanges au niveau des représentations et l’importance de la formation à l’interculturel.

La recherche se concentre le plus souvent sur les étudiants avant, pendant et juste après leurs

séjours Erasmus. Une étude de l’impact à long terme du séjour Erasmus sur ces participants serait

souhaitable. Si l’impact sur les compétences interculturelles a fait l’objet d’ouvrages devenus des

références, l’impact du programme Erasmus sur l’enseignement supérieur, l’économie, les

territoires et sur les carrières internationales des diplômés reste largement méconnu en ce qui

concerne la France.

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IV Obstacles et/ou freins qui réduisent la portée de la mobilité étudiante

Erasmus

Le principal obstacle qui minore l’impact du programme est la faible part d’étudiants bénéficiaires

(4.1), ce qui est dû essentiellement à des contraintes financières (4.2), à un manque d’information et

à un déficit de compétences ressenti par les étudiants (4.3) ainsi qu’aux problèmes de

reconnaissance.

4.1 Un constat : seule une minorité d’étudiants européens bénéficie du programme

Même si le nombre d’étudiants total ayant pris part a pris à une mobilité Erasmus croît

régulièrement, il n’en demeure pas moins que moins d’1% des étudiants y participent et que les

projections concluent que cela représente 4 % de la population étudiante.

L’enquête Eurostudent montre que moins de 15 % des étudiants européens interrogés48 ont

bénéficié depuis leur inscription dans l’enseignement supérieur d’une expérience de mobilité

internationale (étude, stage, séjour linguistique). Pour la Finlande et les Pays-Bas, le taux s’élève à

14 %, pour la France à 10 %, pour la Hongrie à 2 %). La mobilité d’études constitue l’expérience la

plus courante de mobilité étudiante. Même en l’absence d’expérience dans le domaine, un

pourcentage significatif d’étudiants émet le souhait d’effectuer une mobilité (Finlande 31 % ; France

21 %, Espagne 31 % ; Slovaquie 12 % ; Hongrie 25%). Ces chiffres mettent en avant des « réserves de

mobilité » (21 % en France), tout en montrant que la mobilité reste l’apanage d’une minorité.

Les profils des établissements contribuent également à déterminer l’orientation vis-à-vis de la

mobilité. Les étudiants des établissements non-universitaires participent moins à la mobilité

internationale et s’y projettent également moins. En Allemagne par exemple, les étudiants des

« Fachhochschulen » sont moins mobiles que ceux des universités (19 % contre 27 %). C’est au

niveau des étudiants en Master que la proportion d’étudiants ayant réalisé une mobilité est la plus

importante (entre 30 % et 50 %), dont près de 25 % d’étudiants partis plusieurs fois. En France, un

sondage IFOP49 réalisé en 2008 auprès de 802 personnes représentatives de la population française

âgée de 15 à 24 ans montre que parmi les 31% de sondés qui ne souhaitent pas partir à l’étranger,

les jeunes non-diplômés (41 %) et les bacheliers technologiques et professionnels (46 %) sont les plus

nombreux. Le détail des résultats montre que le séjour à l’étranger est davantage plébiscité par les

enfants de professions libérales, cadres supérieurs et professions intermédiaires (77%), ainsi que par

les étudiants plus avancés, au-delà du bac+2 (83%). Quant à la mobilité professionnelle, elle est plus

volontiers envisagée par les étudiants issus de catégories sociales privilégiées : 34% des enfants de

cadres supérieurs et professions libérales partiraient « certainement » s’ils en avaient la possibilité,

contre 19% des enfants d’ouvriers ; la disposition à la mobilité semble également étroitement

corrélée au niveau de diplôme des parents (cf. IFOP, p. 4).

De nombreux rapports (Souto Otero et al. 2006 ; Bertoncini 2008 ; EUROSTUDENT 2009 ; Orr et

al. 2011), les associations étudiantes par l’intermédiaire de leurs représentants auprès de l’ESU, le

réseau ESN et de nombreux auteurs (Ballatore 2010, Garneau 2007) concluent à une sélection des

48 On se contentera ici simplement d’observer que la mesure par sondages de la population étudiante ayant participé à une mobilité à l’étranger varie très fortement d’une enquête à l’autre. Concernant les réserves ou les intentions de mobilité, les chiffres présentent de plus fortes disparités. On retiendra alors essentiellement les différences relatives entre pays et les différences entre public. 49 Le sondage est consultable depuis le site de l’IFOP http://www.ifop.com/media/poll/Microsoft%20Word%20-%20Synthèse%2017197.pdf

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étudiants sur des critères socio-économiques – que la mobilité soit intégrée ou non au dispositif

Erasmus.

Figure 14 Freins à la mobilité internationale – étude de l’OVE

Source : OVE (2010), Eurostudent, 2011

Figure 15 Nombre d’étudiants à besoins spécifiques participant à une mobilité Erasmus (2008-09) par pays

Source : DGEAC 2010a, p. 50

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4.2 Contrainte financière

L’obstacle majeur à la participation au programme Erasmus demeure la contrainte financière,

comme le montre l’enquête réalisée pour le compte du Parlement européen. 57% des étudiants

n'ayant pas participé au programme Erasmus affirment qu'il est trop onéreux d'envisager des études

à l'étranger, et 29 % rejettent ce programme après en avoir examiné les modalités, car la bourse

accordée est insuffisante pour couvrir les frais encourus. Diverses études nationales confirment que

le premier obstacle est d’ordre financier.

Selon le rapport de 2006 (Souto Otero et al.), 55 % des étudiants ont indiqué que le montant

de la bourse Erasmus était insuffisant pour couvrir les frais de séjour à l’étranger. La nécessité d’avoir

recours à des financements familiaux est mentionnée par tous les participants. La situation affecte

plus particulièrement les étudiants qui habitaient chez leurs parents pendant leurs études (soit 40 %

de l’échantillon). La bourse ne couvrait alors que 50 % de leurs dépenses. La situation diverge selon

les pays, mais également selon le lieu de résidence des étudiants (capitale/villes moyennes ;

résidence universitaire/logement privé). Si le nombre d’étudiants est en forte augmentation et que le

budget total alloué au programme Erasmus l’est également, les montants individuellement alloués

restent faibles au regard des dépenses engagées. Des simulations budgétaires seraient souhaitables

dans l’objectif de proposer une réponse adaptée.

En 2009/10, le montant moyen mensuel de la bourse pour les étudiants Erasmus français qui

se rendait à l’étranger pour étudier s’élevait à 175 euros. Malgré l’augmentation de la mobilité

étudiante et enseignante, le budget total alloué à la mobilité a été réduit de plus de 3 millions

d’euros par rapport à l’année précédente. Le financement reste le principal obstacle cité par les

étudiants français.

Figure 16 Evolution du montant moyen des bourses et du budget dédié à la mobilité (France)

2007/08

2008/09 2009/10

Montant moyen de la bourse (mobilité d’étude Erasmus)

181 € 216 € 175 €

Montant moyen de la bourse (mobilité de stage Erasmus)

437 € 438 € 347 €

Montant moyen de la bourse (moyenne des mobilités de d’études et de stage Eramus

200 € 236 € 193 €

Montant total du budget alloué aux actions de mobilité – dont Erasmus

€ 43,100,276 € 48,592,989 € 45,493,000 €

Source : DGEAC/ 2e2f

Ces obstacles ne semblent cependant pas conduire à une diminution du taux de participation

au niveau national, ni augmenter la proportion des étudiants issus de familles aisées parmi les

étudiants mobiles. Ce ne sont pas seulement les ressources financières disponibles qui constituent

une contrainte pour les étudiants, mais aussi l'équilibre entre les coûts et les avantages escomptés :

les étudiants sont prêts à investir dans l'expérience Erasmus dès lors qu'ils s'attendent à en obtenir

des avantages directs sur le marché du travail. A mesure que le nombre d'étudiants ayant effectué

des études à l'étranger augmente, l'avantage relatif qu'ils peuvent retirer de cette expérience sur le

marché du travail diminue (Vossensteyn et al., 2010).

L’enjeu du financement pose également la question de la portabilité des bourses nationales à

l’étranger et du coût supplémentaire qu’engendre un déplacement à l’étranger. Les études

scandinaves (SAARIKALLIO-TOP Miia et al. 2010) et néerlandaises (NUFFIC 2011) tendent à montrer

que le fort taux de mobilité observé dans ces pays s’explique par le montant des aides publiques et la

portabilité des aides octroyées aux étudiants (EURIDYCE 2009). Le rapport rendu par le Centre

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d’études stratégiques formule plusieurs recommandations en ce sens (Bertoncini, 2008) et conclut au

faible rôle de l’Etat dans le soutien à la mobilité européenne des jeunes. Les rapports sur

l’enseignement supérieur d’Eurydice (2009) et les études sur la cartographie de la mobilité et

l’analyse des politiques en faveur de la mobilité (Teichler et al., 2011) montrent que les Etats

européens n’accordent globalement pas à la mobilité le soutien qu’elle mérite. L’engagement des

régions pour la mobilité est important mais peu médiatisé (Chevallier, 2008) : il n’existe pas de

document actualisé sur les opportunités de cofinancement ou de cartographie à l’échelle de la

France.

4.3 Reconnaissance et intégration dans le cursus

La reconnaissance et l’insertion de la mobilité dans le parcours renvoient à plusieurs problématiques.

Reconnaissance de la mobilité via les ECTS

La reconnaissance du séjour par des crédits universitaires est une préoccupation majeure des

étudiants dans presque tous les pays. En moyenne, 34 % des étudiants interrogés (Vossensteyn et al.

2010) ont affirmé que les craintes liées à cette reconnaissance ont influencé leur décision de ne pas

participer au programme ; ce taux atteint 60 % pour certains pays. Le projet PRIME développé par le

réseau ESN (PRIME 2009 ; PRIME 2010) a montré que l’octroi d’ECTS se généralisait, mais qu’une part

toujours importante d’étudiants n’obtenaient pas la pleine reconnaissance des notes obtenues dans

une université étrangère. L’étude IMERA (2009), tout comme l’analyse des rapports finaux en

Belgique (Kirsch et al., 2011) montre que les étudiants en mobilité de stage Erasmus (SMP) semblent

mal informés sur la reconnaissance académique de leur période de stage et obtiennent difficilement

la pleine reconnaissance académique.

Dans plusieurs États, cet aspect est renforcé par la crainte de voir les problèmes liés à la

reconnaissance des crédits retarder l'obtention du diplôme et générer des coûts supplémentaires. Il

n’existe pas d’études nationales à ce propos.

Intérêt et compatibilité d’une mobilité avec un cursus dans l’enseignement supérieur

Un tiers des étudiants français interrogés dans le cadre de l’étude OVE/Eurostudent pensent

que leurs études ne leur permettront de partir à l’étranger et près de 20 % n’en voient pas l’intérêt

pour leurs études. La question de la compatibilité des études et de la mobilité à l’étranger est une

question encore mal explorée, notamment à l’échelle de la France. Elle nécessite d’approfondir la

question par type d’établissement, par niveau, par filières pour contextualiser ces réponses.

4.4 Autres obstacles perçus

Manque d’information

Les informations disponibles sur le programme Erasmus demeurent insuffisantes : 53 % des

personnes interrogées ont indiqué que des informations complémentaires les auraient convaincues

de participer. En France, la question du manque d’information est confirmée par plusieurs enquêtes

(IFOP 2008, Eurostudent 2011). Ceci est d’autant plus significatif que parmi les étudiants ayant

participé, seuls 16 % ont déclaré avoir rencontré des problèmes lors de leur séjour en raison d’un

manque d’information. Les réalités étant en France très différentes selon les établissements, une

étude plus approfondie serait souhaitable sur ce thème.

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Manque de compétences linguistiques

D’après l’étude du Parlement européen, 41 % des étudiants ont déclaré être au moins

partiellement découragés par des études à l'étranger en raison de leurs compétences linguistiques

limitées. Ce pourcentage varie entre 34 % et 62 % selon les pays. Le manque de compétences et

l’absence de préparation et d’accompagnement linguistiques sont autant de handicaps pour le bon

déroulement des études (Robert et al. 2011). On notera que tous les étudiants ne mettent pas à

profit les moyens mis à leur disposition, notamment dans le cas des langues les moins répandues.

L’accompagnement linguistique des étudiants est donc un enjeu important.

Relations personnelles et raisons familiales

Pour les étudiants ayant renoncé au programme Erasmus, les raisons personnelles et familiales

ont constitué un obstacle (très) important pour près de la moitié des étudiants (46 %).

Accueil

La question de l’accueil des étudiants est cruciale pour optimiser l’impact du séjour. L’étude

menée auprès des PRES (CAMPUS France, 2010) souligne qu’en ce domaine, une nette amélioration

serait souhaitable (accueil, tutorat, information, disponibilité) ; le rapport souligne tout de même que

des progrès ont été réalisés, notamment dans le cadre de l’assurance-qualité. Une analyse des

rapports finaux et/ou des entretiens semi-guidés permettrait d’en savoir plus sur la perception du

système universitaire et de la qualité de l’accueil par les étudiants entrants.

Conclusions

Malgré le succès croissant du programme, il subsiste un certain nombre d’obstacles à un impact fort d’Erasmus sur l’enseignement supérieur : le faible taux de participation, les contraintes financières qui dissuadent nombre d’étudiants parmi les moins aisés, un déficit de compétences perçu par les candidats potentiels. Dans le cas de la France, les contraintes financières sont lourdes et les étudiants issus des milieux les moins favorisés ont tendance à s’autocensurer et à dévaloriser leurs chances et leurs capacités. Des études plus approfondies seraient nécessaires sur le profil du public cible, le coût des mobilités

et la perception du programme par ses bénéficiaires potentiels.

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V Perspectives et prospectives

Les études rédigées dans le cadre de commandes institutionnelles sont accompagnés de

recommandations quant aux aspects du programme à améliorer. Elles ne seront pas reprises ici in

extenso. A la lumière des prévisions des budgets alloués à la mobilité étudiante en 2014-2020, ces

études soulignent l’importance d’anticiper un certain nombre de questions pour piloter au mieux le

développement du programme.

Comme le souligne le rapport d’Eurydice sur L'enseignement supérieur en Europe 2009 : les

avancées du processus de Bologne (EURYDICE, 2009), la problématique des aides financières

publiques à la mobilité doit être replacée dans le contexte de l’accroissement des exigences

sociétales vis-à-vis des finances publiques, et notamment de l’exigence d’une plus grande

participation au financement de l’enseignement supérieur. À une époque où règnent l’incertitude

financière et l’augmentation des exigences des bailleurs, et où de nombreux pays ont tendance à se

décharger d’une part importante des coûts sur les étudiants, il faudra veiller à ce que l’équité vis-à-

vis de la mobilité reste un principe fort dans l’Espace européen de l’enseignement supérieur.

Se pose également la question de la tension entre la massification, que certains considèrent

comme une banalisation (relative) de l’expérience Erasmus, et la valeur qui lui est attribuée. L’étude

VALERA souligne en effet que les diplômés interrogés en 2006 accordent moins de poids à leur

expérience Erasmus que ceux qui ont été interrogés en 1994/95. La perception de la mobilité

Erasmus est également un enjeu dans la tension entre massification et parcours d’excellence. Les

arguments en faveur d’un séjour Erasmus sont en premier lieu liés au développement personnel et à

l’image – véhiculée par le film « L’Auberge Espagnole » – de tourisme universitaire, qui peut se

révéler dangereuse pour la reconnaissance de cette période d’études comme élément du parcours

professionnel. Car la question de la reconnaissance n’est pas uniquement celle des ECTS, elle est liée

également à la perception par les décideurs du secteur privé et public. Les études scandinaves

montrent que les employeurs ne sont pas toujours au courant de la nature des différentes filières,

qu’ils méconnaissent les suppléments au diplôme et qu’ils peinent à évaluer l’importance d’une

expérience d’études à l’étranger (Jonsson, 2010), même si les compétences qu’ils attendent chez les

candidats sont aussi celles qu’ils reconnaissent aux étudiants mobiles.

Il est également important de disposer d’outils pour mesurer la sensibilité des étudiants à la

conjoncture économique : la prochaine enquête d’ESN devrait apporter des éléments de réponse et

permettre d’envisager la question de la mobilité dans un contexte de crise économique systémique.

Quel arbitrage opéreront les étudiants à l’égard des frais générés par une période de mobilité à

l’étranger lorsque l’on sait que pour la majorité d’entre eux, la bourse ne couvre pas l’ensemble des

frais de séjour ?

Evoquons également la hausse des frais d’inscription dans les universités européennes : l’exemple

du Royaume-Uni, où il existe une forte corrélation entre les frais élevés de scolarité et le faible taux

de mobilité sortante (King, 2010) est un cas de figure sur lequel méditer. Les auteurs du rapport

International student mobility literature review : Report to the HFCE soulignent que pour les

étudiants britanniques, le séjour de mobilité représente un risque potentiel pour leur parcours, en

raison de la reconnaissance académique incertaine et des frais de scolarité élevés. La collecte de

données sur la sensibilité à la conjoncture des étudiants permettrait d’orienter les politiques

nationales et les stratégies européennes pour proposer des mesures adéquates.

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Table des illustrations

Figure 1 Mobilité étudiante Erasmus 1987/88 et 2009-2010 ............................................................................... 16

Figure 2 Nombre d’étudiants Erasmus en 2009-2010 .......................................................................................... 17

Figure 3 Part des étudiants Etudiants Erasmus dans la population étudiante en 2009 ....................................... 18

Figure 4 Mobilité étudiante Erasmus sortante et entrante – Mobilité de stage en 2009-10 ............................... 18

Figure 5 Equilibre entre mobilité entrante et sortante – année académique 2009-2010 .................................... 19

Figure 6 France : Mobilité entrante Erasmus et mobilité de diplôme des ressortissants de l’UE......................... 21

Figure 7 Mobilité – Erasmus - Répartition par filières .......................................................................................... 23

Figure 8 Typologie des Etablissements français participant au programme Erasmus .......................................... 24

Figure 9 Mobilité sortante- répartition des fonds par type d’institutions ............................................................ 25

Figure 10 Type d'études et séjours à l'étranger .................................................................................................... 28

Figure 11 Mobilité sortante des enseignants (Erasmus) en 2008/09 ................................................................... 32

Figure 12 La place de l’expérience à l’étranger..................................................................................................... 34

Figure 13 Evaluation des compétences des étudiants mobiles par les employeurs ............................................ 35

Figure 14 Freins à la mobilité internationale – étude de l’OVE ............................................................................ 44

Figure 15 Nombre d’étudiants à besoins spécifiques participant à une mobilité Erasmus (2008-09) par pays ... 44

Figure 16 Evolution du montant moyen des bourses et du budget dédié à la mobilité (France) ......................... 45

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Édité avec le soutien financier de la Commission européenne. Le contenu de cette publication et l’usage qui pourrait en être fait n’engagent pas la responsablilité de la Commission européenne. Mars 2012.

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