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Cancéro dig. Vol. 4 N° 2 - 2012 - 83-87 83 dOI 10.4267/2042/47389 © aln.editions DOSSIER THéMATIQUE : LES TUMEURS NEUROENDOCRINES DIGESTIVES Modalités et indications des traitements locorégionaux dans les tumeurs neuroendocrines Modalities and indications of locoregional treatments in digestive neuroendocrine tumours Jean-Luc Raoul 1 , Marine Gilabert 1 , Anthony Sarran 2 , Marc Giovannini 3 , Patricia Niccoli 1 1. département d’Oncologie Médicale 2. département de Radiologie 3. département d’Explorations Médico-Chirurgicales Oncologiques, Institut Paoli-Calmettes, 232 Boulevard Sainte Marguerite, BP 156, F-13273 Marseille RAOuLJL@ipc.unicancer.fr Résumé Les traitements locorégionaux des métastases hépatiques des tumeurs neuroendocrines du tube digestif sont dominés par la chimioembolisation et la radioembolisation. La chimioembolisa- tion (usuellement à la doxorubicine ou à la streptozotocine) est bien tolérée et efficace sur les symptômes notamment sécrétoires et sur la taille tumorale (taux de réponse objective entre 30 et 60 %) ; son bénéfice en survie est très probable. L’utilisation des billes chargées en chimiothérapie semble prometteuse mais sa tolérance est mal évaluée. La radioembolisation aux microsphères chargées à l’yttrium 90 semble également efficace et bien tolérée. Les contre-indications (notamment les anastomoses bilio- digestives) doivent être connues pour limiter les toxicités. Les indi- cations ne sont pas bien codifiées mais ces traitements semblent raisonnables dans les maladies métastatiques classées G1 ou G2 évolutives en première (carcinoïdes) ou seconde/troisième ligne (tumeurs pancréatiques) thérapeutique. Mots-clés Tumeurs neuroendocrines ; Métastases ; Chimioembolisation ; Radioembolisation Abstract Loco-regional treatments of liver metastases from neuroendo- crine tumors are represented by transarterial chemoemboliza- tion (TACE) and radioembolization. TACE (usually with doxorubicin or streptozotocin) is well tolerated and associated with symptomatic improvements and objective tumor responses rates ranging from 30 to 60%. The use of chemo- therapy-loaded microspheres seems promising. Radioembolization (90y-microspheres) also gives promising results. Contra-indications, particularly bilio-digestive anasto- mosis, need to be considered in order to avoid severe side effects. Best indications are not well recognized, but progres- sive metastases from G1-G2 tumors in first (GI tract) or second/ third (pancreatic tumors) lines seem to benefit from those therapeutic options. Keywords Neuroendocrine tumours; Metastases; Chemoembolization; Radioembolization

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Cancéro dig. Vol. 4 N° 2 - 2012 - 83-87 83dOI 10.4267/2042/47389

© aln.editions

DOSSIER THéMATIQUE : LES TUMEURS NEUROENDOCRINES DIGESTIVES

Modalités et indications des traitements locorégionauxdans les tumeurs neuroendocrinesModalities and indications of locoregional treatments in digestiveneuroendocrine tumours

Jean-Luc Raoul1, Marine Gilabert1, Anthony Sarran2, Marc Giovannini3, Patricia Niccoli1

1. département d’Oncologie Médicale2. département de Radiologie3. département d’Explorations Médico-Chirurgicales Oncologiques,Institut Paoli-Calmettes, 232 Boulevard Sainte Marguerite, BP 156, F-13273 [email protected]

❚ Résumé

Les traitements locorégionaux des métastases hépatiques destumeurs neuroendocrines du tube digestif sont dominés par lachimioembolisation et la radioembolisation. La chimioembolisa-tion (usuellement à la doxorubicine ou à la streptozotocine) estbien tolérée et efficace sur les symptômes notamment sécrétoireset sur la taille tumorale (taux de réponse objective entre 30 et60 %) ; son bénéfice en survie est très probable. L’utilisation desbilles chargées en chimiothérapie semble prometteuse mais sa

tolérance est mal évaluée. La radioembolisation aux microsphèreschargées à l’yttrium 90 semble également efficace et bien tolérée.Les contre-indications (notamment les anastomoses bilio-digestives) doivent être connues pour limiter les toxicités. Les indi-cations ne sont pas bien codifiées mais ces traitements semblentraisonnables dans les maladies métastatiques classées G1 ou G2évolutives en première (carcinoïdes) ou seconde/troisième ligne(tumeurs pancréatiques) thérapeutique.

Mots-clésTumeurs neuroendocrines ; Métastases ; Chimioembolisation ; Radioembolisation

❚ Abstract

Loco-regional treatments of liver metastases from neuroendo-crine tumors are represented by transarterial chemoemboliza-tion (TACE) and radioembolization. TACE (usually withdoxorubicin or streptozotocin) is well tolerated and associatedwith symptomatic improvements and objective tumorresponses rates ranging from 30 to 60%. The use of chemo-t he rapy - l oaded m ic rosphe res seems prom is i ng .

Radioembolization (90y-microspheres) also gives promisingresults. Contra-indications, particularly bilio-digestive anasto-mosis, need to be considered in order to avoid severe sideeffects. Best indications are not well recognized, but progres-sive metastases from G1-G2 tumors in first (GI tract) or second/third (pancreatic tumors) lines seem to benefit from thosetherapeutic options.

KeywordsNeuroendocrine tumours; Metastases; Chemoembolization; Radioembolization

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❚ Modalités des traitementslocorégionaux

Nous ne parlerons ici que des traitements délivrés par voie intra-artérielle de type chimioembolisation et radioembolisation. Cestraitements reposent essentiellement sur la vascularisation tumo-rale de ces métastases, qui est préférentiellement artérielle, avecen imagerie (TdM ou IRM) une hypervascularisation souvent netteà la phase précoce. des agents thérapeutiques injectés par voieartérielle vont ainsi, en suivant le flux artériel, se concentrer dansles métastases hépatiques de ces tumeurs endocrines qu’ellessoient d’origine pancréatiques ou qu’elles proviennent du tubedigestif. Sont ainsi usuellement injectés un mélange entre unehuile servant de vecteur, le Lipiodol et un agent (usuellement ladoxorubicine, 50 mg/m² ou la streptozotocine 1,5 g/m²) ou unecombinaison d’agents chimiothérapiques (CddP + doxorubicine,MMC + CddP + doxorubicine, gemcitabine + MMC…). Ensuite,est effectuée une embolisation qui va stopper le flux sanguin arté-riel pendant une durée limitée (avec les gélatines résorbables leflux est modifié pendant environ 48 h). Tout ceci va se traduire parun relargage progressif de fortes concentrations de l’agent dechimiothérapie au sein de la maladie tumorale et surtout par unenécrose ischémique. L’effet de l’ischémie est majeur et lespremières études testant l’efficacité de l’ischémie faisaient état denettes améliorations symptomatiques après ligatures de l’artèrehépatique de patients symptomatiques avec métastases hépa-tiques de tumeurs endocrines sécrétantes. Cependant, la revas-cularisation rapide par des artères autres que l’artère hépatiqueen limitait la durée d’efficacité. de nouvelles techniques dechimioembolisation utilisant de nouveaux vecteurs couplent

❚ Introduction

Les tumeurs neuroendocrines (TNE) digestives sont rares, avecune incidence voisine de 0,8/100 000 qui semble croître cesdernières décennies [1] ; mais à cause de leur évolution trèssouvent lente, leur prévalence est importante. du fait de cetteévolution souvent lente et insidieuse elles sont fréquemmentdiagnostiquées au stade métastatique. Les traitements systé-miques ont peu évolué jusqu’à ces derniers mois. La chimio-thérapie, basée sur les associations avec la streptozotocine estpeu efficace notamment dans les tumeurs carcinoïdes du tubedigestif. de gros progrès ont été accomplis ces dernières annéesen ce qui concerne leur pronostic permettant le développementde classifications (basées en particulier sur les indices de prolifé-ration cellulaire et notamment l’immunohistochimie ki67) maiségalement en thérapeutique avec la mise en évidence en 2011 del’efficacité de deux thérapeutiques dites ciblées, le sunitinib [2] etl’évérolimus [3] dans les TNE pancréatiques. Cependant les trai-tements locorégionaux délivrés par voie intra-artérielle qui sontdes options efficaces sur la maladie locale et sur le syndromesécrétoire, restent totalement d’actualité même si leur place dansl’algorithme thérapeutique est encore mal précisée (Tableau 1).

Tableau 1 : Principales indications de la chimioembolisation ou de laradioembolisation en cas de métastases hépatiques de tumeursneuroendocrines (TNE)

– Tumeur neuroendocrine bien différenciée G1 ou G2 (ki 67 < 20 %) ;– métastases hépatiques prédominantes ;– syndrome sécrétoire non contrôlé par les traitements usuels ;– progression tumorale :

• en première ligne, pour les métastases de TNE du grêle ?• en seconde ou troisième ligne, pour les TNE pancréatiques.

Figure 1Patient de 48 ans, tumeur neuroendocrine pancréatique métastatique, prise en charge initiale par chirurgie pancréatique et hépatectomie droite élargie ;récidive au niveau du foie restant 1 an plus tard1A : aspect avant chimioembolisation ;1B : 2 mois plus tard : rétention importante de Lipiodol au sein des tumeurs.

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également les deux mécanismes avec un relargage progressif ausein de la tumeur de l’agent de chimiothérapie à forte concentra-tion et une microembolisation. Ces systèmes de billes chargéesaux cytotoxiques (ici, essentiellement la doxorubicine) semblenttrès efficaces mais sont peut-être plus toxiques (toxicitébiliaire notamment). usuellement les traitements sont précédés(Tableau 2) d’une prémédication par de l’allopurinol pour limiter

Tableau 3 : Principales complications des traitements intra-artériels pourmétastases hépatiques de tumeurs neuroendocrines

Chimio-embolisation

– Syndrome post-embolisation (douleur, fièvre,vomissements, …)

– Asthénie– Insuffisance rénale– Exacerbation du syndrome sécrétoire– ulcérations duodéno-gastriques, ischémie du grêle– Cytolyse hépatique majeure, insuffisance

hépatocellulaire– Abcès hépatiques– Sténoses de l’artère hépatique

Radio-embolisation

– Fatigue, nausées, douleurs– ulcérations gastroduodénales (radio-induites, difficiles

à traiter)– Insuffisance hépatique (radio-induite)– Pneumopathie radio-induite

Tableau 2 : Modalités pratiques usuelles de chimio-embolisation en cas demétastases hépatiques de tumeurs neuroendocrines (d’après [4])

Prémédication

– Allopurinol– Perfusion IV abondante sur 24 à 48 h

(sérum salé, bicarbonates)– Antibioprophylaxie– Analogues de la somatostatine– Antiémétiques, corticoïdes, antalgiques à la

demande

Technique

– Injection d’un mélange agent de chimiothérapie(doxorubicine 50 mg/m² ou streptozotocine1,5 g/m²) dilué dans du sérum salé et mélangéavec du Lipiodol (10 ml) puis embolisationaux particules résorbables

– Nécessité d’une anesthésie généralesi utilisation de la streptozotocine

– deux séances à 2-3 mois d’intervalle avantévaluation

Contre-indications

– Thromboses porte– Insuffisance hépatocellulaire– Maladie métastatique extra-hépatique

prédominante– Carcinome endocrine peu différencié G3

(ki 67 > 20 %)

Contre-indications relatives

– Aérobilie chirurgicale (aprèsduodénopancréatectomie céphalique) ou dueà une endoprothèse (risque infectieux +++)

– Multiples sites antérieurs de destruction parradio-fréquence (risque infectieux ++)

Figure 2Patient de 53 ans, glucagonome métastatique après échec d’une chimiothérapie systémique, de 2 chimioembolisation et du sunitinib.2A : foie multimétastatique avant traitement locorégional2B : 2 mois après radioembolisation (TheraSphere®) : amélioration clinique, diminution de la vascularisation des métastases.(Phot. : JL Raoul, Centre E Marquis, Rennes)

les risques de syndrome de lyse tumorale, encadrés d’analoguesde la somatostatine pour éviter une crise carcinoïde (en cas detumeurs du grêle), d’antiémétiques, d’antalgiques et d’une anti-bioprophylaxie de quelques jours [4]. Le temps artériographiquecommencera, bien sur, par une analyse de la veine porte pouréliminer une thrombose qui contre-indiquerait ce traitement. unehospitalisation de 2 à 3 jours est ensuite nécessaire. Ces séancessont usuellement répétées tous les 2 à 3 mois selon l’efficacité etla tolérance pour au moins deux séances, mais l’absence deréponse après deux chimioembolisation (TACE) laisse présagerde l’inutilité d’aller plus avant [5]. La tolérance (Tableau 3) est celleclassiquement notée après TACE (syndrome post-embolisation,cytolyse hépatique) et le syndrome sécrétoire peut dans quelquescas se majorer nettement dans les jours suivant le traitement.

La radioembolisation utilise le même principe [6] : l’agent vecteurde la source radioactive est inclus dans des microsphères,

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injections de bille chargées (126 séances). Les toxicités hépa-tiques et biliaires étaient significativement plus fréquentes en casd’utilisation de billes chargées (surtout en cas de TNE) et ceciétait encore plus net pour les complications les plus sévères(infarctus hépatiques, bilomes) et particulièrement en cas deTNE (par rapport aux carcinomes hépatocellulaires sur cirrhoses)amenant les auteurs à proposer la prudence en cas de foie noncirrhotique [12].

Quoi qu’il en soit, globalement les patients présentant unsyndrome sécrétoire sont améliorés dans plus de 60 % des cas,surtout en cas de syndrome carcinoïde ou d’insulinome ; le tauxde réponse tumorale varie selon les séries de 25 à 60 % des casmais les séries sont en général d’effectifs limités et hétérogènes.

Les facteurs pronostiques après TACE sont mal connus : lesrésultats semblent meilleurs en cas de volume tumoral limité oude tumeur primitive réséquée. une importante série française [13]rapportant 67 patients (dont 19 tumeurs du pancréas ; 44 traite-ments avec de la streptozotocine et 23 avec de la doxorubicine),s’est intéressée à ces facteurs. En analyse multivariée(43 patients), les facteurs prédictifs de réponse étaient l’indice demasse corporelle, le caractère fonctionnel de la tumeur, l’hyper-vascularisation tumorale sur le TdM et l’utilisation de la streptozo-tocine ; ceux associés au temps jusqu’à progression étaientl’indice de masse corporelle et la prise de contraste au tempsartériel.

Radioembolisation

une large expérience américaine chez 148 patients [14] recevant185 injections de microsphères en résine chargées au 90y rappor-tait une excellente tolérance et un taux de réponse partiellede 60,5 % incluant 2,7 % de réponses complètes ; la médianede survie était dans cette population de 70 mois. une sérieaustralienne colligeait 34 cas de métastases hépatiques de TNE,essentiellement digestives, traités [15] par injection de micro-sphères en résine marquées au 90y. La majorité des patientsprésentaient comme effets secondaires des douleurs, nausées,ou une fatigue transitoire ; 3 développaient des ulcérationsgastro-duodénales (malperfusion des sphères) et un décédait depneumopathie et d’insuffisance hépatocellulaire. Les signescliniques d’efficacité étaient évidents chez plus de 50 % despatients à 6 mois et 50 % avaient une réponse partielle radio-logique dont 18 % de réponses complètes. La médiane de survieétait de 29,4 mois.

une revue générale [16] confirme la bonne tolérance globalede ces traitements en identifiant les complications les plusfréquentes (Tableau 3) et leur grande efficacité dans le contrôleclinique de la maladie et dans l’obtention d’une réponse tumo-rale durable. Quelques recommandations sont proposéesdans cette population : ne traiter que les patients ayant unemaladie métastatique prédominant au foie, sans atteinte fonc-tionnelle du bilan hépatique même si les localisations sontbilobaires, mais en évitant les envahissements hépatiquesmassifs.

lesquelles une fois injectées dans l’artère hépatique vont suivrele flux sanguin vers la tumeur. L’agent isotopique est le90yttrium (90y), béta émetteur puissant ; les microsphèrespeuvent être soit en verre (TheraSphere®) soit en résine(SIRSphere®) ; leur diamètre est d’environ 25 à 35 µ ; ces deuxtypes de sphères diffèrent par leur activité, les sphères en résineétant moins chargées il convient d’en injecter une plus grandequantité. Vu le grand volume tumoral en cas de métastases etnotamment de TNE, la majorité des études ont utilisé des billesen résine. L’irradiation va alors concerner une sphère d’environ10 mm de diamètre centrée sur la microbille.

❚ Résultats de ces traitementslocorégionaux

Embolisation et Chimioembolisation

L’efficacité de la TACE et de l’embolisation (TAE) a été rapidementconfirmée du fait de l’efficacité rapide sur le syndrome sécrétoirequelle qu’en soit la nature. une des premières séries est fran-çaise [7] rapportant 24 patients (carcinoïdes du grêle ou gastri-nomes) ayant souvent une maladie très avancée (> 50 %d’atteinte hépatique chez la moitié des patients) recevant desTACE à la doxorubicine tous les 3 mois. La réponse clinique surles flushs et diarrhées était majeure chez la majorité des patientset une réponse objective était constatée dans un tiers des cas.L’efficacité, dans cette série, semblait surtout concerner les carci-noïdes du grêle.

L’influence de la chimiothérapie (TACE vs. Embolisation simple)est discutée, particulièrement pour les tumeurs endocrines dugrêle après notamment les résultats « préliminaires » d’une étuderandomisée française récente, portant sur un petit effectif mais nemettant pas en évidence de tendance à une différence en termesde survie sans progression à 2 ans en faveur du bras TACE [8].Plusieurs études allaient dans ce sens mais ceci ne semblait parti-culièrement vrai que pour les patients atteints de tumeurs carci-noïdes du grêle, les métastases de tumeurs endocrines dupancréas semblant quant à elles bénéficier de l’adjonction d’unagent chimiothérapique [9].

Les injections de billes chargées ont été testées dans plusieursséries. une série de Boston [10] chez 18 patients notait uneréponse objective dans la moitié des cas mais au prix de2 complications biliaires majeures (une nécessitant une mise enplace de prothèse). Les résultats de l’expérience préliminaire del’Institut Gustave Roussy (20 patients recevant 22 embolisa-tions) étaient proches [11] avec un taux de réponse objective de80 % ; les effets secondaires étaient dominés par des tableauxdouloureux persistants et par 5 cas de nécroses hépatiquespériphériques. Ces résultats très intéressants amenaient àproposer une étude randomisée contre la TACE classique.Cependant, les mêmes auteurs ont plus récemment rapportéleur expérience chez 134 patients ayant des métastaseshépatiques de TNE et traités par TACE (152 séances) ou par

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❚ Indications des traitementslocorégionaux

Les indications actuelles ne reposent pas sur des résultats indis-cutables de type « médecine basée sur les preuves ». Ces théra-peutiques locorégionales ne sont pas recommandées dans lesmaladies métastatiques principalement extra-hépatiques ni dansles formes peu différenciées (carcinome endocrine G3 définis parun ki67 > 20 %). Comme pour d’autres thérapeutiques, les trai-tements intra-artériels seront essentiellement discutés en cas demaladie progressive. Les indications comprennent classiquementles syndromes sécrétoires résistants aux traitements médicauxclassiques, et les cas de progression tumorale pour lesquels lestraitements intra-artériels sont plutôt utilisés en première ligne encas de tumeurs primitives provenant du tube digestif (peu chimio-sensibles) et en seconde ou troisième ligne en cas de primitifsduodéno-pancréatiques.

Le traitement comporte plusieurs contre-indications : altérationmajeure de l’état général (non liée au syndrome sécrétoire),insuffisance hépatocellulaire, insuffisance rénale, contre-indica-tions autres de l’artériographie (allergies, pathologie vascu-laires, …), thrombose porte. Les contre-indications relativessont essentiellement en rapport avec des gestes préalables surles voies biliaires (chirurgie ou endoprothèses) ou des radio-fréquences multiples qui font courir un risque infectieux.Idéalement les patients ayant le plus de chance de bénéficierde ces thérapeutiques délivrées par l’artère hépatique sontceux dont les métastases sont hypervascularisées (aspect TdMen phase artérielle), dont le volume tumoral représente moinsde 50 % du volume hépatique, dont le primitif a été réséqué etdont la tumeur est fonctionnelle et, peut-être les patients ayantune surcharge pondérale. Le cytotoxique de référence sembleêtre la streptozotocine qui serait plus efficace mais justifie uneanesthésie générale du fait des douleurs induites (produitacide).

Les indications de la radio-embolisation sont mal connues maisles premiers résultats semblent très intéressant et méritent d’êtreau mieux précisés. Le nombre de centres utilisant ces techniquesest encore très limité, mais devrait augmenter dans l’avenir.

❚ Conclusion

Les traitements locorégionaux délivrés par voie artérielle desmétastases hépatiques des tumeurs endocrines digestivesrestent une arme majeure. Ils associent une bonne tolérance àune efficacité fréquente et parfois très durable. Ils sont cependantréservés à des centres experts habitués à ces traitements.Beaucoup d’inconnues persistent, notamment sur le positionne-ment de ces traitements par rapport aux thérapies systémiques(chimiothérapie ou thérapie ciblées) et sur le rôle de la radio-embolisation. Ces indications devraient se préciser grâce à uneexpérience plus complète dans l’utilisation de ces modalitésthérapeutiques locorégionales.