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Modèles psychiatriques et modèles de thérapie des troubles psychiques Valérie Houot 2015 Modèles psychiatriques et modèles de thérapie des troubles psychiques Dr Valérie Houot UE 2.6.S2 Cours du 19/06/2015 3h I – Généralités - Historique II - Modèles psychiatriques III - Définition et caractéristiques dʼune psychothérapie individuelle IV - les Thérapies de soutien V - Les Thérapies Relationnelles VI - Les Thérapies directives VII - Les Thérapies Familiales ou Systémiques. VIII - Les Thérapies dʼinspiration analytique (psycho-dynamique) ou psychanalyse. IX - La Psychothérapie Institutionnelle La Réadaptation (Réhabilitation) Psychosociale I – GENERALITES - HISTORIQUE Définition de la Psychothérapie selon Laplanche et Pontalis : « Toute méthode de traitement des désordres psychiques ou corporels utilisant des moyens psychologiques et, dʼune manière plus précise, la relation du thérapeute et du malade ». Même sʼil est complexe de comparer des approches thérapeutiques très différentes, on sait maintenant que toutes les psychothérapies ont à peu près les mêmes capacités dʼamélioration clinique, les mêmes taux de réussite… tant quʼelles durent et en proportion de leur intensité de mise en oeuvre.

Modèles de thérapie des troubles psychiques Houot

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Modèles  psychiatriques  et  modèles  de  thérapie  des  troubles  psychiques  Valérie  Houot  2015  

 Modèles psychiatriques et modèles de thérapie des troubles

psychiques Dr Valérie Houot UE 2.6.S2 Cours du 19/06/2015 3h I – Généralités - Historique II - Modèles psychiatriques III - Définition et caractéristiques dʼune psychothérapie individuelle IV - les Thérapies de soutien V - Les Thérapies Relationnelles VI - Les Thérapies directives VII - Les Thérapies Familiales ou Systémiques. VIII - Les Thérapies dʼinspiration analytique (psycho-dynamique) ou psychanalyse. IX - La Psychothérapie Institutionnelle La Réadaptation (Réhabilitation) Psychosociale I – GENERALITES - HISTORIQUE Définition de la Psychothérapie selon Laplanche et Pontalis : « Toute méthode de traitement des désordres psychiques ou corporels utilisant des moyens psychologiques et, dʼune manière plus précise, la relation du thérapeute et du malade ». Même sʼil est complexe de comparer des approches thérapeutiques très différentes, on sait maintenant que toutes les psychothérapies ont à peu près les mêmes capacités dʼamélioration clinique, les mêmes taux de réussite… tant quʼelles durent et en proportion de leur intensité de mise en oeuvre.

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 Toutes les méthodes psychothérapeutiques sʼavèrent efficaces pour soulager la souffrance humaine. Rien ne permet dʼaffirmer que lʼune dʼelles possède une nette supériorité sur ce point. La modestie est donc de mise. Si toutes les approches se « valent » sur le taux de réussite, toutes ne se valent pas dans lʼidée de lʼaccompagnement des personnes, dans leur considération du sujet et dans les positionnements éthiques. Il sʼagit également de tenir compte, pour lʼorientation de la thérapeutique la plus adaptée, des pathologies sous-jacentes, de la personnalité des patients, de leurs capacités dʼélaboration, de leur compliance aux soins, du positionnement de son entourage… Etymologie « Clinique » vient du grec classique : « le lit » Le substantif féminin « la clinique » et lʼadjectif apparaissent au XVIIème siècle. En latin « clinicus » servait, au IVème siècle, à désigner les tenants dʼune hérésie chrétienne du haut moyen âge. Cette hérésie consistait à ne demander le baptême que « clinicus » cʼest à dire « alité » sur son lit de mort. « Clinique » = clinique de lʼâme Lʼâme se retrouve dans lʼétymologie du terme de « psychothérapie » : littéralement « soigner » lʼâme. Au IVème siècle, psychothérapie désignait lʼart de convertir les païens. Un ancêtre du psychothérapeute : le philosophe. Pe : psychothérapie des états dépressifs sous forme dʼexhortations morales ou de consolations Le savoir hippocratique prône la rationalité pour organiser les données recueillies dans la clinique et la logique prime sur lʼexpérience Hippocrate sʼinscrit dans un mouvement philosophique qui se prolongera avec Socrate et Platon : la pensée dans le registre du raisonnement. Ce registre du raisonnement :

1) invention de lʼordre du Discours (lʼépistèmé) : lʼéquilibre et lʼharmonie de lʼunivers, lʼorganisation de théories comme celles des humeurs, une satisfaction intellectuelle du médecin

2) le discours engendre la dimension de la vérité découvert par Socrate. Ce nʼest pas lʼinterlocuteur qui contredit mais la vérité ;

3) la « naturalisation » de la causalité introduit le principe dʼune distinction entre la rationalité et causalité divine. Les dieux ne sont plus ni lʼexplication, ni la causalité de la maladie. Apparaît là le Pharmakon (remède, médicament) ;

4) le primat de la parole, la civilisation de la langue. Cette invention du discours est conjuguée avec lʼémergence de la démocratie.

5) Socrate montre que les faits ne prouvent rien, et met en avant quʼil a toujours su quʼil ne savait pas… sauf dans les affaires de lʼamour – le transfert, donc.

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 Platon poursuit en envisageant lʼexistence dʼune science (de lʼhomme), la parole distingue lʼhomme des animaux.

Platon oriente sa réflexion sur lʼidée, le projet de prendre lʼhomme au piège de sa parole. Comment pacifier son existence ? Le logos (signe, discours et raison), voilà ce moyen de pacification qui anticipe largement et sur la naissance de la science au sens moderne et sur le sujet de la parole propre à la clinique. Revenons à la « médecine des incantations » à la charge des religieux, qui privilégie ce qui fonde lʼhumain, le langage. Cette médecine des incantations témoigne de la découverte, quʼune parole « bien envoyée », « bien dite », « bien entendue », soulage parfois et parfois guérit. De nombreux auteurs contemporains, comme Claude Lévi-Strauss (1958), tendent à identifier les traitements par la magie à la psychanalyse et aux psychothérapies. « Un nouvel ordre de prêtres laïcs, les psychothérapeutes, ont fait leur apparition. A eux de traiter les phénomènes psychiques. Les pratiques de la « magie » ont donc repris leur place en médecine, sous la forme de la psychanalyse et la suggestion ». (Walker, 1956) « La notion de maladie diffère dʼun peuple et dʼune génération à une autre : normalité ici, inquiétude ailleurs, douleur considérée comme tolérable dans un groupe, nécessité dʼhospitalisation dans un autre… Le chaman exerce une forme de psychothérapie moderne en réagissant selon le patient, en appréciant le rôle social, les liens familiaux, sa situation dans le clan. Il estime le malaise physique ou mental et porte un diagnostic sur lʼétat du malade. Le griot au Sénégal pratique une méthode voisine de la psychothérapie moderne par la suggestion et lʼhypnotisme. » (Sournia, 1992) II Modèles psychiatriques Partons des différents modèles psychiatriques qui sous tendent les différents types dʼinterventions thérapeutiques. Lʼentité nosologique (la maladie) psychiatrique (mentale) est pourvue des 3 dimensions de la clinique médicale :

1) une observation clinique, à lʼaide du regard (ou de lʼoreille), vise à lʼexistence de la maladie sous la forme du tableau descriptif (sémiologie)

2) un substratum anatomique, reconnu ou exclu, mais toujours recherché 3) une étiologie, postulée à partir de la lésion (sʼil y en a une) ou déduite des

symptômes eux-mêmes… en découleront pronostic et traitement. Cette conception « tri-dimentionnelle » pose en son principe l ʻaffirmation du déterminisme de la pathologie mentale. Quand la folie restait lʼaffaire dominante du philosophe moraliste, du prêtre ou du

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 juge, elle oscillait du registre moral au registre policier en passant par le religieux. Considérer la folie comme un fait de pathologie humaine conduit à détourner les sorcières du bûcher, à distinguer le malade mental du délinquant, à délier le fou et à étudier psychopathologie et « psycho-clinique ». La psychiatrie est, en quelque sorte, Bipolaire : une dimension organique et anatomique et une dimension psychologique. Il existe des tentatives de synthèses des 2 registres… On en fait un « rapide » inventaire.

1- Perspective organiciste

a) le modèle anatomo-clinique ou anatomo-pathologique ; Ancêtre des courants organicistes, étend à la psychiatrie le schéma médical. Bayle en 1822 et la découverte de la Paralysie Générale comme modèle médical de la maladie mentale. Travaux prolongés par Falret. Séquelles de lʼalcoolisme, maladie dʼAlzheimer, de Pick… syndrome de Korzakov, Huntington. Morel va proposer un principe de compréhension et de classement des maladies mentales fondé sur la pathogénie. Il introduit lʼétiologie de la dégénérescence, théorie conçue comme une « déviation par rapport à un type humain normal qui est transmise par lʼhérédité et qui sʼaggrave peu à peu jusquʼà lʼextinction de la famille ». Cette théorie va avoir une portée considérable et qui fera entrer la médecine mentale dans la biologie générale. Kraepelin est à lʼapogée de la perspective organiciste en 1852. Citons lʼorgano-dynamisme de Henry Ey. Ce courant organiciste, même réformé dʼaujourdʼhui, maintient vivace lʼidéal de la réintroduction de la psychiatrie dans la médecine générale. Publicité et financement importants sur la recherche sur un modèle génétique, par exemple sur lʼorganicité de certains cas dʼautisme (3/1000). Les résultats sont toujours paradoxaux : dans certains cas il nʼest pas douteux quʼun lien existe entre substratum organique et affection psychiatrique ; par contre il nʼexiste pas de corrélation directe, mécanique entre la symptomatologie psychiatrique décrite et le processus organique observé.

b) La recherche biologique

A surtout une influence sur le mode de traitement. Découverte dans les années 50, par Henry Laborit, Delay et Deniker de nouveaux psychotropes quʼils baptisent les neuroleptiques, les américains les appellent directement les « antipsychotiques ». Le lithium, découvert puis commercialisé un peu plus tard. Les antidépresseurs, les anxiolytiques… Il y a un trou explicatif entre le médicament et son effet. On ne sait pas

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 précisément leur mode dʼaction encore à ce jour. Parfois on utilise lʼeffet des médicaments comme éléments diagnostiques. En psychiatrie, le médicament « crée » la maladie. Cela pose un problème éthique, il faut faire en sorte que la « chimiothérapie » là où elle est nécessaire, nʼhypothèque pas la responsabilité du sujet.

c) Le modèle cognitiviste Héritier du behaviorisme [ behaviorisme dont « lʼobjet de la psychologie est exclusivement limité aux données observables du comportement (behavior) extérieur, moteur, verbal, glandulaire avec élimination de la conscience ; sans aucun appel à lʼintrospection et aux processus physiologiques internes. »] Le modèle cognitiviste tend à sʼimposer comme le plus « scientifique » de la psychologie. Tentative de systématisation de son modèle pour le traitement de lʼautisme. Le paradigme dominant dans cette démarche est le traitement de lʼinformation. Idée de hiérarchisation des fonctions sous-tendue au dernier niveau explicitement par les structures neuronales donc sur le modèle des neurosciences et la psychologie cognitiviste. Ce sont les neurosciences qui font la scientificité du cognitivisme. Il sʼagit encore de trouver un modèle qui pourrait élucider le rapport entre un cerveau, ses neurones et la créativité de ce cerveau, ses idées, ses pensées…

2- La perspective psychogénétique Cʼest la lignée de Bleuler et lʼexemple princeps de la spaltung/dissociation de la schizophrénie dans son développement psychique. La schizophrénie de Bleuler est née de la rencontre entre la découverte freudienne et la psychiatrie. La paranoïa est un concept purement psychiatrique dʼavant la psychanalyse. La schizophrénie est un concept dʼaprès la psychanalyse. « Lʼapplication des idées de Freud à la Dementia Praecox. » (Bleuler) Cette voie est également explorée par Gaétan de Clérambault (1872-1934), en admettant une organicité floue, il décrit le noyau central des psychoses : le syndrome dʼautomatisme mental que se déploie dans le registre du discours. La causalité psychique est reconnue à côté de la causalité organique.

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3- La perspective existentialo-phénoménologique

Part dʼune des caractéristiques de lʼhumanité : le rapport de lʼhomme au langage. On peut citer la philosophie phénoménologique de Husserl (1859-1938), celle plus existentielle de Heidegger (1889-1976) mais aussi Kierkegaard, Nietzsche ou Sartre, assurent les fondements dʼune psychopathologie axée sur les états de conscience, le vécu, le sens, lʼexpérience de lʼêtre. On peut distinguer 2 courants essentiels : Celui de Karl Jaspers (1883-1969) qui reste descriptif, préoccupé de ce que les malades vivent et éprouvent, et cherche à révéler les significations. Celui de Ludwig Binswanger (1881-1966) qui utilise le concept heideggerien dʼun « être au monde », de ses composantes avec lʼidée dʼune étude fine de patients schizophrènes ou maniaques. Le psychiatre phénoménologue sʼefforce à décrire les contenus conscients, les vécus « authentiques », lʼéprouvé du patient. La démarche est compréhensive et empathique. Il restaure le sujet en se posant lui-même comme sujet dans une relation dʼintimité… Dans cette perspective, la parole du patient est restituée. On lui doit un renouveau de la psychothérapie, la neutralité bienveillante, lʼempathie qui sont développées par Carl Rogers à partir des années 60.

4- La perspective Psychosociale

Les mouvements qui ont marqué la psychiatrie, la psychopathologie et la clinique. a) le modèle institutionnel

Esquirol, en formulant « une maison dʼaliénés est un instrument de guérison », a ouvert lʼère du mouvement français de thérapeutique institutionnelle. A partir des « journées psychiatriques » de 1945 sont esquissés les principes fondamentaux de la psychiatrie de secteur. Cette émergence est le résultat dʼune réflexion et dʼune pratique acquise notamment à lʼhôpital de Saint Alban, sous lʼinfluence de François Tosquelles. Il inaugure une réflexion sur les principes dʼune psychiatrie communautaire. Bonnafé lui succédera. Le terme de Psychothérapie Institutionnelle est proposé par Daumézon et Koechlin en 1952. Second souffle avec Jean Oury, ancien de Saint Alban, et la clinique de la Borde. Felix Guattari fera partie de lʼéquipe de la clinique de La Borde. Il écrit avec Gilles Deleuze lʼouvrage « lʼanti-oedipe » dans les années 70. On reviendra plus en détail sur cette Psychothérapie Institutionnelle.

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 b) le modèle « anti-psychiatrique »

Lʼanti-psychiatrie anglaise : Années 1960-70 La base philosophique est lʼexistentialisme : Sartre, Kierkegaard, Heidegger David Cooper : Cristallisée sur la violence de lʼinstitution psychiatrique, cʼest elle qui décide de ce qui est normal de ce quʼil ne lʼest pas, qui enferme lʼindividu « malade » dans une position dʼobjet passif, inutile et soumis, qui fige en processus pathologique une détresse psychologique. Lʼinstitution reproduirait cette structure familiale, père brutal et mère possessive. Au niveau social comme au niveau familial, le fou est celui dont nous avons besoin pour nous définir comme sain dʼesprit. Entendre le trouble comme une révolte contre un ordre social et familial. La société a transformé la psychose en un processus de déficit et dʼéchec. La clinique psychiatrique le réduit à une description de symptômes et de comportements destinée quʼà confirmer le diagnostic porté sur lui : production de symptômes plus expression dʼexistence. Ronald Laing : il faudrait subvertir la maladie schizophrénique pour la transformer en une expérience positive nommée « métanoïa » : lʼexpérience nécessaire à une personne lorsquʼelle ne peut plus vivre avec elle-même et avec les autres. Il sʼagit de retourner « vers lʼintérieur dʼelle-même et en arrière ». Lʼantipsychiatrie nʼa pas su développée une pratique durable, même si elle a apporté une réflexion importante sur la prise en charge de la psychose.

LʼItalie à Trieste et Basaglia 1971-1980 : Reprend la réflexion sur les institutions psychiatriques là où les anti-psychiatres anglais lʼavaient laissée. Toute forme dʼinstitutionnalisation est un instrument de domination politique et économique. Toute institution ne peut engendrer que violence et manque de liberté. « Le malade doit être soigné sur le lieu de sa maladie, dans sa situation de souffrance, à lʼusine, à la maison, à lʼécole. En résumé, nous sommes sûrs dʼau moins une chose, cʼest quʼil faut détruire lʼhôpital. » Le freudisme est considéré comme une doctrine bourgeoise véhiculant une conception capitaliste de lʼadaptation de lʼindividu à la société. Folie = marginalisation économique, le soin ne passe que par une réhabilitation sociale et économique. Fermeture massive de lits, ouverture de placements en milieu ouvert (de 1200 à 260 hospitalisés en 4 ans), une loi en 1979 supprime lʼhôpital psychiatrique, les malades réintégrent lʼhôpital général. Le devenir est catastrophique, Basaglia meurt en 1980. On observe un retour aux théories organisistes, utilisation massive de la pharmacologie, floraison des institutions de soin privées. Il faudra des années pour que lʼItalie retrouve une politique de santé mentale publique. Finalement cela prouve lʼimportance de tenir compte de la double aliénation, de ne pas méconnaître lʼune par rapport à lʼautre.

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c) le modèle ethnopsychiatrique

Héritier du modèle institutionnel. Attention portée sur les déterminants sociaux et idéologiques jusquʼà lʼexamen des facteurs culturels. Cette anthropologie culturelle est représentée par Margaret Mead (1901-1978). Citons Georges Devereux et Tobie Nathan.

Film « Jimmy P. » Psychothérapie dʼun indien des plaines DʼArnaud Desplechin, 2013. III - DEFINITION et CARACTERISTIQUES de la PSYCHOTHERAPIE INDIVIDUELLE.

Il existe plusieurs méthodes psychothérapiques mais, comme le nom lʼindique, pour prétendre à la qualité de « psycho - thérapie », il faut obligatoirement que le procédé employé agisse sur le psychisme dans un but thérapeutique. Si ce nʼest pas le cas, il ne sʼagit pas de psychothérapie.

Une psychothérapie est une pratique qui a pour objet le psychisme individuel et qui se donne les moyens techniques pour agir directement sur lui ou sur ses effets dans les conduites.

Elle trouve sa légitimité si la technique est intégrée à l'ensemble de la connaissance sur le psychisme, y compris dans ses organisations pathologiques. La pratique psychothérapique se différencie de toutes les pratiques normatives, rééducatives, ou d'inspiration religieuse. Elle ne vise pas à normaliser, ni à endoctriner.

La pratique psychothérapique se fonde sur lʼexistence dʼune relation interpersonnelle au travers de laquelle une mobilisation du psychisme est possible. Une telle entreprise s'effectue dans des conditions précises et elle a pour but d'amener une meilleure santé psychique.

Pour avoir les effets désirés la psychothérapie implique le respect d'un cadre thérapeutique orienté par une éthique.

Il est nécessaire pour laisser la place au déroulement de la psychothérapie, que le thérapeute n'intervienne pas directement dans la vie du patient. Les pratiques qui ne respectent pas cette règle ne sont pas efficaces car l'interférence entre la vie concrète et la thérapie rend le processus psychothérapique impossible ou aléatoire.

La thérapeutique n'implique pas seulement une connaissance mais aussi une action au sens dʼinterventions amenant des modifications du psychisme. Cette action du praticien consiste dans le maniement du transfert, même en dehors dʼune cure

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 analytique. Seules des interventions pertinentes, diligentées à partir d'une bonne connaissance de la situation, peuvent avoir un effet thérapeutique.

Une des bases des psychothérapies est la suggestion. Il sʼagit dʼêtre très vigilant sur lʼutilisation et le maniement de cette suggestion. Certaines personnalités peuvent être très suggestibles… La manipulation nʼest jamais très loin. Cela peut entrainer des effets iatrogènes toujours malheureux.

Ce travail demande l'apprentissage dʼune technique, dʼun savoir-faire, qui sʼappuie dʼune théorie sous-jacente.

L'apprentissage de la technique est long et se fait après des études supérieures ayant amené les bases nécessaires. Il implique dans un premier temps l'acquisition de connaissances et d'une capacité technique qui se forge par lʼexpérience. De plus, la psychothérapie exige une maturité personnelle, obtenue par un travail sur soi éclairé d'une large fréquentation de lʼhumain.

La clinique et la pratique thérapeutique sont particulières, car le praticien est sollicité à titre personnel. Il faut s'être dépris des illusions intersubjectives, des normes sociales et des tendances projectives-attributives qui masquent la réalité psychique

Le traitement psychothérapeutique est une pratique de la relation humaine qui s'effectue dans un cadre précis. Cette pratique permet une mobilisation du psychisme faite dans une visée thérapeutique.

Parfois le traitement se limite à un soutien et à une élucidation des problématiques relationnelles qui sont la conséquence du fonctionnement psychique.

La pratique de la psychothérapie implique nécessairement une connaissance de la psychopathologie, un savoir-faire clinique qui donne lʼéclairage indispensable à la conduite du traitement. Le praticien doit de posséder une technique complexe et faire preuve d'une distance. La pratique psychothérapique est un art difficile intimement soudé à lʼensemble de la connaissance du psychisme humain.

IV Psychothérapie de soutien

Souvent associée à un traitement médicamenteux.

Le terme de psychothérapie de soutien définit un objectif thérapeutique qui ne renvoie pas à une théorie et une technique clairement définie. L'objectif est avant tout d'aider la personne à supporter ses symptômes ou ses souffrances, le primat de toute psychothérapie. Ensuite, et dans l'absolu, un thérapeute de soutien devrait être en mesure d'aider son patient à trouver la théorie et la technique la plus adaptée à sa

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 problématique et en conséquence à le rediriger vers le thérapeute maîtrisant cette technique ; si lui-même ne la maîtrise pas.

Désigne les « psychothérapies » les plus souvent pratiquées qui sʼadaptent à la diversité des patients et des situations. Ce sont dʼabord des psychothérapies à visée de soutien, qui ont donc une ambition limitée sur le plan de la dynamique psychique. On peut y adjoindre des techniques particulières si nécessaires. La psychothérapie généraliste de soutien vise à apporter une aide et un soulagement et non à mobiliser le psychisme en profondeur, on utilise lʼéchange verbal en face à face.

Pour quʼun travail puisse se faire et se pérenniser, la dimension transférentielle doit être est maintenue dans des limites étroites et positives. Il est nécessaire dʼétablir une relation de collaboration : « lʼalliance thérapeutique ».

La psychothérapie généraliste est indiquée dans les maladies multifactorielles qui, rappelons-le, demandent un traitement pharmacologique. Elle concerne la plupart des personnalités fragiles demandant un suivi au long cours qui peut être émaillé de décompensations anxieuses ou dépressives qui nécessitent un traitement spécifique.

Nous définirons ce type de psychothérapie par ses trois principaux enjeux : guide, soutien, élucidation des problématiques relationnelles et du fonctionnement psychique. Dans ce cas les modifications psychiques sont limitées.

Les psychothérapies généralistes de soutien sont indiquées pour tous types de personnalités sans exception. Elles aident dans les situations difficiles de la vie, apaise les symptômes, renforcent les capacités dʼautonomie et dʼadaptation, évitent les décisions inopportunes et contraires à lʼintérêt du patient.

Une psychothérapie de soutien est utile lors de phases critiques de la vie. Elle permet de surmonter des circonstances difficiles (décès, accidents, changement de vie, rupture sentimentale). Elle est indiquée dans les cas où les personnes qui souhaitent un suivi, mais ne sont pas demandeuses d'une psychothérapie dynamique.

La psychothérapie généraliste de soutien est indiquée dans les cas des maladies multifactorielles pour lesquelles la guidance est essentielle. Il a été démontré que c'était l'association entre psychothérapie de soutien et traitement médicamenteux qui était le plus efficace.

V - Psychothérapies dites « Relationnelles ». Lʼessor des thérapies relationnelles se fait dans le cadre plus large des psychothérapies dites « humanistes ». Jonction dʼun humanisme chrétien et dʼune déception à lʼégard de la psychanalyse.

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 Portée par Carl Rogers, elle connaît une audience importante à partir des années 60. Il introduit la neutralité bienveillante freudienne dans la psychothérapie en la nommant « non-directivité ». Carl Rogers considère quʼune attitude de compréhension empathique de la part du thérapeute, concernant le cadre de référence interne du patient, permet de libérer les puissantes forces de changement qui existe chez tout être humain. Il faut une acceptation inconditionnelle du patient pour que celui-ci trouve en lui-même la direction qui lui est propre et par laquelle il se réalisera pleinement. Pour lui lʼêtre humain est naturellement positif, fondamentalement socialisé, dirigé vers lʼavant, rationnel et réaliste. - Donc principalement la Psychothérapie Rogerienne : Définit par Carl Rogers : « thérapie centrée sur le client » puis « approche centrée sur la personne », repose sur le postulat de lʼexistence d'une tendance actualisante positivement orientée, inhérente à tout organisme vivant.

   

Dans les Psychothérapies Humanistes, on trouve également :

-Gestalt-thérapie : La Gestalt-thérapie s'intéresse à l'ajustement permanent entre un individu et son environnement. Cet ajustement est, par définition, en perpétuel changement. Le terme Gestalt vient du verbe allemand gestalten, qui signifie « mettre en forme, donner une structure ».

- Analyse transactionnelle (AT) : Le postulat de base de l'analyse transactionnelle est que les conséquences dans la vie adulte de croyances et de décisions limitantes prises pendant l'enfance peuvent être mises en lumière pour permettre de nouveaux choix de vie.

Actuellement, l'analyse transactionnelle est un ensemble de théories : personnalité (fonctionnement intra-psychique), communication (transactions relationnelles), organisation des systèmes (fonctionnement des groupes et des organisations), supervision (méthodes et pratiques à l'adresse des psychothérapeutes). Les modes de communication (manifestes, cachés ou à double fond) sont analysés en termes d'états du Moi. L'analyse transactionnelle est également une importante source d'apports théoriques et pratiques pour le coaching en France.  On pourrait citer également le « cri primal », le rebirth, la bio-énergie… qui se sont beaucoup développés aux USA.  Les sources de ces thérapies humanistes viennent également de la philosophie existentielle (Sartre, Heidegger, Merleau-Ponty), mais également Freud… Elles partagent en général un optimisme de base qui les incite à supposer quʼun sujet placé dans des conditions dʼenvironnement suffisamment bonnes évolue

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 naturellement vers la santé et la réalisation de lui-même. Elles ne se veulent pas autoritaires, une place est laissée à la surprise dans la relation. V – Les Thérapies dites « Directives » : Dans les thérapies relationnelles, il était question de la « coconstruction » dʼun sens. Dans les thérapies directives, on peut plutôt parler de « lʼimposition dʼun sens », ce qui amène lʼidée de psychothérapies parfois dites « autoritaires » nécessitant certaines précautions. (Cf les 3 épidémies américaines des années 80-90) - Thérapies Cognitivo-Comportementales (TCC) Ces thérapies « sʼoriginent » du behaviorisme au début du XXème siècle. On a dʼabord parlé des thérapies comportementales avec les techniques de désensibilisation, dʼaversion, dʼaffirmation… On cible un symptôme localisé par un « stimulus » spécifique. Le principal promoteur des TCC a été Aaron Beck. Il faut lutter contre les erreurs de jugement, supposés à lʼorigine des troubles, en les rectifiant et en suscitant une perception positif de soi et des autres.

Pour les troubles anxieux, la thérapie comportementale agit au moyen de mises en situation et d'expositions graduées aux situations provoquant une anxiété. Par exemple, dans le cas d'une phobie des araignées, on demande au sujet de classer les différentes situations où il peut être confronté à des araignées sur une échelle de 0 à 100. Ensuite on l'expose progressivement aux situations des moins anxiogènes pour lui aux plus anxiogènes. Par exemple, le patient doit d'abord imaginer une araignée, puis observer des images d'araignées, toucher un bocal où se trouve une araignée, et finalement toucher l'araignée. En même temps, il apprend à contrôler les manifestations physiologiques de la peur avec des exercices de relaxation. La thérapie cognitive agit sur les pensées du patient présentant une distorsion cognitive (par exemple, une peur excessive d'être contaminé par une maladie pourra être combattue par une information sur la maladie en question et l'appréciation des risques réels).

Les thérapies cognitives, à la suite notamment des travaux de Beck, sont apparues comme un complément nécessaire à l'approche comportementaliste pure en mettant l'accent sur l'importance des schémas préconscients de pensée chez l'être humain et la manière dont les schémas dysfonctionnels peuvent générer et/ou entretenir divers troubles mentaux. La thérapie cognitive ne diffère pas dans sa méthodologie de la thérapie comportementale se pliant aux exigences de l'efficacité et de l'évaluation statistique.

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 En pratique, les psychothérapeutes formés à ces techniques mélangent les approches comportementales et cognitives dans un même projet thérapeutique dans le but d'améliorer l'efficacité, ce qui fait qu'on parle généralement de thérapie cognitivo-comportementale (TCC) pour désigner cette approche thérapeutique.

Les TCC sont des « thérapies actives » : le psychothérapeute échange avec le patient, le renseigne, lui propose des techniques, astuces, etc. Parmi ces techniques figurent l'exposition (en imagination, thérapie par réalité virtuelle ou in vivo), la relaxation, le façonnement, le modeling, la restructuration cognitive…

Il sʼagirait dʼune « relation de collaboration empirique » analogue à 2 scientifiques travaillant en commun sur un problème à résoudre (mais le savoir est bien du côté du thérapeute). Cet échange de paroles, lʼexamen de lʼopinion du patient, lʼétude de sa manière de distordre la réalité gommerait ce forçage de cette approche thérapeutique. Le thérapeute sait ce qui est bon pour le patient et ce qui serait normal et acceptable…

Ces thérapies, comme toutes les thérapies « directives », fonctionnent beaucoup sur la suggestion et les effets de celle-ci sur le patient.

• Évaluation avant traitement : l'analyse fonctionnelle. Elle comporte deux dimensions :

o qualitative : il s'agit de déterminer les circonstances dans lesquelles le problème est apparu d'en préciser les facteurs déclenchants et ceux contribuant à son maintien. Plusieurs grilles permettent de réaliser cette analyse, comme le BASIC ID d'Arnold Lazarus, ou la grille SECCA.

o quantitative : pour percevoir l'évolution des difficultés du patient au cours du traitement, il faut auparavant les mesurer. Par exemple, avec une personne ayant un trouble obsessionnel compulsif (TOC) de lavage, le thérapeute pourra évaluer avec la personne le temps passé sous la douche, et d'autres indicateurs qui vont permettre d'établir une ligne de base du TOC du patient. De nombreuses échelles cliniques sont à la disposition du thérapeute.

• Le contrat thérapeutique : il présente au patient comment lui et le thérapeute vont s'y prendre pour mener le changement thérapeutique. Les objectifs sont progressifs.

• Application du programme : elle se fait au rythme du patient, les étapes sont susceptibles d'être réajustées.

• Évaluation des résultats : le psychothérapeute cognitif et le patient évaluent le résultat de la thérapie. La comparaison entre la ligne de base et l'évaluation en fin de thérapie sont un indicateur du succès de la thérapie. Il n'est pas impossible de considérer une nouvelle thérapie à la suite de cette évaluation, si de nouveaux objectifs sont envisagés.

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 Dans cette orientation thérapeutique, on évoque maintenant fréquemment la Remédiation Cognitive.  La Remédiation Cognitive est utilisée pour pallier des difficultés cognitives. Elle peut être utilisée dans le champ du soin : -Quand il existe une altération associée à un trouble psychiatrique chronique (troubles du spectre autistique, schizophrénie, trouble schizo-affectif et trouble bipolaire). Les déficits cognitifs se manifestent généralement sous la forme de troubles de lʼattention, de la mémoire, des fonctions exécutives (responsables de la capacité à organiser ses actions et son discours), des fonctions visuospatiales, de la vitesse de traitement, de la métacognition et/ou de la cognition sociale. Ce dernier type d'altération cognitive, qui est associé aux psychoses, empêche les patients de comprendre les intentions, les désirs et les émotions dʼautrui. Quels qu'ils soient, les troubles cognitifs, nuisent très fortement à l'insertion socio-professionnelle des personnes qui en sont atteintes. -Quand il existe une altération consécutive à des lésions cérébrales ou au vieillissement. La remédiation cognitive est pratiquée par des professionnels du domaine de la santé : psychologues, neuropsychologues, ergothérapeutes, orthophonistes, médecins ou infirmiers spécifiquement formés. La remédiation est alors proche de l'entraînement cognitif il s'agit de maintenir la fonction des modules cognitifs altérés ou d'en compenser la faiblesse par d'autres (compensation ou vicariance). Toutefois, contrairement à la remédiation cognitive, l'entraînement cognitif est destiné aux sujets sains, sans déficit cognitif, qui souhaitent prévenir l'apparition de ces derniers.

La remédiation cognitive à visée thérapeutique prend la forme dʼun traitement rééducatif - pratiqué sous forme d'exercices ludiques - destiné à améliorer le fonctionnement attentionnel, mnésique, langagier, exécutif, visio-spatial, métacognitif ou social. Une action indirecte sur les déficits fonctionnels affectant la vie quotidienne est attendue, ce qui peut contribuer à améliorer l'insertion sociale et professionnelle des patients traités.

Indications

Plusieurs programmes de remédiation cognitive sont disponibles en français pour les patients souffrant de schizophrénie. Ils ont tous fait l'objet d'études contrôlées et chacun d'entre eux répond à des indications distinctes.

La remédiation cognitive est également indiquée chez les enfants souffrant de troubles de l'attention avec hyperactivité, chez les personnes présentant un déficit intellectuel modéré, chez les cérébro-lésés et chez les sujets âgés atteints de pathologies démentielles en début d'évolution.

La remédiation cognitive est uniquement employée pour tous les patients dont lʼétat clinique est stable, chez les patients aptes à sʼinvestir activement dans une prise en

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 charge. Les patients doivent, de plus, être à même de pouvoir se concentrer (motivation ; intensité de l'attention) pendant des séances de quelques dizaines de minutes.

Dans les approches par les TCC, on peut citer également les groupes dʼAffirmation de Soi. (Cf doc du CH) ou la Relaxation (le Training Autogène de Schultz)

La Remédiation Cognitive (dans les cas de patients psychotiques, en particulier en début de maladie) ou lʼADS (dans les cas de névroses phobiques) sont des « outils » très intéressants pour accompagner et aider, mais il faut que les patients soient stabilisés et motivés. Il ne sʼagit pas de faire du forçage.  

- Hypnose thérapeutique   Hypnothérapie et Hypnose Ericksonienne.

L'état d'hypnose est un état modifié de la conscience qui permet, selon les praticiens qui l'utilisent, un accès facilité à l'inconscient. Cet état peut être utilisé par des thérapeutes afin de parvenir à des changements, on parle alors d'hypnose thérapeutique. Il est important de comprendre que l'hypnose constitue seulement un outil qui permet, selon les hypnothérapeutes, d'accéder aux couches profondes de la personnalité. Il est donc nécessaire d'utiliser « l'hypnose » associée à une autre approche thérapeutique : psychanalytique, (on parle alors d'hypno-analyse) thérapies comportementales et cognitives, psycho-phénoménologie (hypno-onirisme) analyse psychologique de Janet...

L'hypnose a été très utilisée au XIXe siècle, puis est tombée dans un relatif discrédit avec l'essor de la psychanalyse. Freud, en effet, utilisa l'hypnose pendant quelque temps, mais il critiqua ensuite son usage, en mettant en cause un effet de déplacement symptomatique. « La thérapeutique hypnotique cherche à recouvrir et à masquer quelque chose dans la vie psychique ; la thérapeutique analytique cherche, au contraire, à le mettre à nu et à lʼécarter. La première agit comme un procédé cosmétique, la dernière comme un procédé chirurgical. Celle-là utilise la suggestion pour interdire les symptômes, elle renforce les refoulements, mais laisse inchangés tous les processus qui ont abouti à la formation des symptômes. » (Freud)

L'hypnose ericksonienne qui a été mise au point par le psychiatre Milton Erickson, se caractérise par sa souplesse, le non-dirigisme, et l'usage abondant de métaphores pour décrire la situation du patient. C'est une thérapie brève, elle se situe dans une optique très courte : quelques mois pour un trouble grave, parfois une seule séance pour un trouble mineur. Cette approche originale a influencé de nombreux thérapeutes. La pratique d'Erickson a ensemencé de nombreuses pratiques comme la programmation neuro-linguistique (PNL) ou les thérapies systémiques. Ce dialogue interdisciplinaire et ces influences multiples ont vu le jour aux Etats-Unis où l'hypnose ericksonienne jouit d'une bonne réputation.

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-Les Thérapies dites brèves   ou Psychothérapie intégrative

Ce terme de « thérapie brève » regroupe des pratiques très différentes, qui ont comme point commun une volonté de résultats rapides donc économiques…

Cela renvoie le plus souvent aux TCC ou à lʼhypnose, la gestion du stress…

La fin justifie les moyens ? Lʼefficacité justifie tout ? Dans les années 70, les partisans du conditionnement Skinnerien proposent de traiter lʼhomosexualité et les perversions sexuelles de la même manière. Dans les années 60 la méthode ABA (Applied Behavior Analysis) est créée. (Cette méthode prônait les chocs électriques pour réduire et éliminer les comportements dʼautomutilation dans le traitement de lʼautisme). Lobbying actuel important pour imposer ces méthodes version « adoucie » dans la prise en charge de lʼautisme. On a évoqué également à lʼépoque la « prostitution thérapeutique » dans les dysfonctionnements sexuels… Les 3 épidémies américaines des années 80-90 : -« enlèvements extra-terrestres » : décrit par le Professeur Mack, professeur de psychiatrie dʼHarvard. Preuves de kidnappings par lʼhypnose qui expliquent les symptômes. Création de groupes de kidnappés… Le « syndrome dʼenlèvements extra-terrestres » révèle que, même absurde, le sens peut nourrir le symptôme et donner consistance au fantasme. -« faux souvenirs induits dʼabus sexuels » : discours psychiatrique sur les abus sexuels subis par les enfants constituent la cause principale des troubles anxieux, dissociatif et somato-formes, ces abus existent sans conteste mais leur fréquence est majorée dans ce discours. Travaux de Wilbur et Masson, sʼappuient sur lʼidée du refoulement des souvenirs, souvenirs retrouvé par la suggestion et lʼhypnose. -« propagation de la personnalité multiple » : le syndrome de la personnalité multiple, très rare avant les années 60, devient fréquent (1% de la population) avec lʼutilisation du protocole dʼenquête des troubles dissociatifs (DDIS :Dissociative Disorders Interview Schedule). Cette évaluation statistique donne crédit à une « vérité scientifique ». Des cliniciens valident ce comportement humain comme une nouvelle pathologie et ce syndrome fait son entrée dans le DSM III.

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 Ces « Syndromes » tous liés à la suggestibilité de certaines personnes et induits par ce biais par des psychothérapeutes convaincus et convaincants. Effet thérapeutique mais également aliénant de la suggestion. Dans cette pratique clinique, le caractère hautement hypnotisable de ces patients ainsi que leur singulière réceptivité à la suggestion sont occultés. Etude de lʼINSERM en 2004 sur lʼefficacité comparée des psychothérapies, régulièrement citée pourtant retirée de longue date des bases de données ministérielles, montrait la supériorité des TCC. La méthodologie de cette étude a été très critiquée et elle ne devrait plus être utilisée comme référence.

VI – Thérapies familiales ou approches systémiques

Ces techniques regroupent un ensemble de pratiques et de théories où l'on considère un patient, non comme un individu isolé, mais comme vitalement lié à son milieu. Elles ont permis l'organisation pluridisciplinaire de nombreuses données et des confrontations cliniques pluriprofessionnelles (Médecins, Infirmiers, Psychologues, Travailleurs sociaux). La création thérapeutique naît des interférences qui se déploient dans le système famille-thérapeutes.

Elles examinent les troubles psychologiques et comportementaux du membre d'un groupe comme un symptôme du dysfonctionnement du dit groupe (généralement la famille).

La thérapie familiale systémique implique un traitement du groupe et une participation de tous ses membres. Parmi les thérapies familiales de différentes natures, il y a les thérapies systémiques familiales élaborées par Paul Watzlawick, Donald D. Jackson et les autres dans une approche écosystémique.

Jay Haley a contribué par des interventions inventives, surprenantes et paradoxales. Les thérapies systémiques familiales ne sont pas des thérapies dite de groupe, leur caractère familial signifie qu'elles tiennent compte de l'implication de tous les membres qui composent la famille, mais ne traitent pas tous les membres en groupe. L'accent est mis sur la façon dont les autres membres de la famille (par rapport au « malade » désigné) entretiennent un comportement perturbé. Ce qui ne veut pas dire qu'elles peuvent en tirer un quelconque profit, mais seulement que les schémas

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 (patterns) interactionnels, c'est-à-dire les règles d'interaction, une fois établis, ont tendance, à cause de leur fonction homéostasique, à s'auto-perpétuer. Autrement dit, ils maintiennent le système d'interactions dans sa forme présente. Une approche systémique familiale n'exige pas que toutes les personnes, composant le système familial, assistent aux séances de thérapie. Un changement approprié dans un sous-système entraîne souvent une évolution majeure du système entier.

Pour changer un comportement, les thérapies systémiques proposent un « enveloppement stratégique », en agissant au niveau supérieur du contexte du comportement à modifier, plutôt que d'agir directement sur le comportement lui-même, à son niveau. Sun Tzu a proposé d'attaquer la stratégie de l'adversaire, au niveau supérieur des règles de conduite, plutôt que de l'affronter directement au niveau de ses forces vives, pour transformer l'infortune en avantage et faire du chemin sinueux la route la plus directe. Dans cette perspective, la « théorie des contextes » dʼAnthony Wilden propose d'installer un nouveau contexte, tel que le comportement attendu puisse survenir, se maintenir et se développer comme une « réponse appropriée » à ce contexte. Cette « réponse appropriée » à l'environnement et au contexte est de l'ordre de l'explication cybernétique, en contraste à l'explication causale des thérapies behaviorales et psychodynamiques ou psychanalytiques.

Les thérapies systémiques familiales sont des pratiques enveloppées par un enchevêtrement de théories cybernétique, sémiotique et systémique. Elles sont cybernétiques en interprétant un comportement « anormal » comme parfaitement adapté ou « normal » à un contexte et un environnement qui, eux, sont « anormaux ». Ainsi, par exemple, la schizophrénie considérée comme une maladie incurable et progressive de l'esprit d'un individu est complètement différente de la schizophrénie considérée comme la seule réponse possible à un contexte où la communication est absurde et intenable. Elles sont cybernétiques en intervenant non pas exclusivement sur le « malade » déclaré, mais sur l'environnement et le contexte « malades », au niveau supérieur de la gouverne ou de la commande. Elles sont sémiotiques en interprétant le comportement humain comme communication des signes, signifiants et significatifs, dans un contexte et considèrent les deux termes, communication et comportement, comme étant pratiquement synonymes. Toute communication suppose un engagement dans une relation et définit par là et en même temps la manière dont les communicants conçoivent, souhaitent ou exigent et voient cette relation. Toute communication, alors, présente deux aspects : le contenu et la relation, tels que le second enveloppe le premier et, dès lors, est une métacommunication située au niveau supérieur dans une hiérarchie de type logique, de contrainte ou de complexité. Dans l'intervention, elles attachent la plus grande importance à recadrer une relation, en lui attribuant d'autres significations et valeurs, de telle manière qu'elle apparaît totalement différente.

L'exercice thérapeutique est essentiellement centré sur les tentatives de résolution déjà faites, sur ce qui a été déjà entrepris pour traiter les difficultés du « malade », plutôt que sur les difficultés elles-mêmes. Comme l'explication cybernétique est dite « négative » par rapport à l'explication causale dite « positive, » ce travail

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 thérapeutique est à « contrario » après l'observation de ce qui n'est pas et des « terribles simplifications », comme dans la dépression, le bégaiement et l'insomnie. Il s'agit, alors, de prendre des mesures pour empêcher le maintien, le développement et la reproduction des comportements qui entretiennent le problème et de recadrer ou redéfinir celui-ci, ainsi que les buts que se sont fixés les personnes impliquées dans ce problème et les points de vue qu'elles ont jusqu'alors adoptés. Ce qui peut provoquer chez elles des comportements complètement différents.

VII - Psychothérapies dʼinspiration analytique et Psychanalyse Pratique inventée par Sigmund Freud grâce à des patientes hystériques, ce qui la situe dʼemblée dans une faille des discours médical et psychiatrique qui lui étaient contemporains. A ce moment-là, Freud en tire 3 enseignements : -les mots agissent sur les maux -il existe une limite à lʼhypnose, à la suggestion. Il commence à repérér la place du sujet dans sa résistance thérapeutique. -Elaboration de la méthode cathartique avec Breuer et le cas dʼAnna O., qui elle-même qualifie ce traitement de talking cure (« cure par la parole ») et de traitement par chimney-sweeping («ramonage»). Il y a aussi Emmy von N. qui intime à Freud lʼordre de se taire et de la laisser parler : il décide de se laisser enseigner par sa patiente et de faire confiance à lʼassociation libre (qui permet dʼatteindre une scène traumatique sans priver le sujet de sa responsabilité et da sa parole). Apparaissent 3 grands principes dʼun suivi : -lʼenseignant y est le patient, -le psychanalyste doit acquérir un savoir sur la psychanalyse mais sur le sujet lui-même, ce savoir, le psychanalyste lʼignore à chaque cas, -ce qui est appris dʼun patient ne sert pas dʼenseignement pour un autre : radicale singularité. On postule donc de lʼexistence de lʼinconscient. Celui qui souffre de ses conflits inconscients peut suivre une psychanalyse. Partant de son malaise, il remontera jusquʼà la cause : le fantasme (une solution personnelle pour régler son désir, pour soutirer de la vie le plaisir qui lui convient, répondre à la question de ce quʼil est comme homme ou femme…). La psychanalyse est ouverte à celui qui la demande. Freud distingue 3 niveaux pour définir la psychanalyse : -la méthode dʼexploration du fonctionnement psychique. Le sujet est invité à dire à haute voix et sans restriction ce qui lui vient à lʼesprit : lʼassociation libre ;

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 -la méthode psychothérapique qui découle de cette exploration : le psychanalyste se sert de lʼinterprétation pour démêler les conflits inconscients dont le patients souffre et qui se traduisent le plus souvent par de lʼangoisse, des symptômes physiques sans fondement organique ou des symptômes psychiques ; -la théorie que lʼon ne peut extraire que de lʼexpérience de lʼanalyse. La psychanalyse part du symptôme pour remonter, grâce à lʼassociation libre, jusquʼau fantasme que, petit à petit, lʼanalysant reconstruit. On peut, sans être psychanalyste, être psychothérapeute orienté par la psychanalyse. On peut déduire du savoir freudien le savoir sur la structure (du sujet), la clinique et emprunter les outils conceptuels forgés par la psychanalyse (inconscient, résistance, transfert…). On peut en déduire une éthique : renoncer aux idéaux moraux visant à diriger le sujet ; préserver la part de détermination et la part de décision du sujet… La psychanalyse autorise une distance à lʼégard des normes ; tandis que la plupart des psychothérapies y ramènent. La psychanalyse ne vise pas lʼobtention de conduites normées, mais une certaine réconciliation du sujet avec lui-même. « Lʼanalyste ne sait pas, cʼest-à-dire quʼil ne préjuge pas ce quʼil te faut à toi en tant que distinct de tout autre. » JA Miller

VII LA PSYCHOTHERAPIE INSTITUTIONNELLE

Vue parfois comme une survivance un peu surannée dʼun certain humanisme psychiatrique Pour Pierre Delion : « Elle porte en elle lʼexigence éthique et la vue dʼensemble nécessaires à lʼexercice dʼune psychiatrie humaine, tenant compte à la fois de la réalité du monde qui nous entoure sans céder aux pressions technocratiques et bureaucratiques déshumanisantes, et de celle qui entoure la personne psychotique. » Histoire : Lʼaprès-guerre, les camps de concentration, Les 40000 morts de faim dans les hôpitaux psy, Saint Alban en Lozère où arrive en 1941 François Tosquelles, psychiatre espagnol. Lucien Bonnafé jette les bases du secteur. La notion, le terme de PI apparaîssent en 1952 par Philippe Koechlin et Georges Daumézon : projet dʼutiliser le milieu hospitalier comme facteur thérapeutique. Plus quʼun lieu dʼenfermement peut devenir un lieu de guérison. Dans lʼidée quʼil faut sʼoccuper des institutions et de leurs soignants pour avoir une chance dʼy être thérapeutique. Certains le formuleront en terme de « transfert sur la scène institutionnelle ».

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  Les 3 racines de la PI : -Psychanalytique : Freud dans « les nouvelles voies de la technique psychanalytique » La thèse de Lacan de 1932 « De la psychose paranoiaque dans ses rapports avec la personnalité » -Sociale et les 3 principes selon Hermann Simon : la liberté du malade, sa responsabilisation, lʼanalyse des résistances émanant de lʼinstitution elle-même. -Dans les mouvements populaires éducatifs : dans la dimension apportée au groupe et le lien avec la psychanalyse, Freinet initie une pédagogie sur des « méthodes actives » permettant la formation de la personnalité de chacun tout en respectant des structures groupales : coopératives scolaires… Favoriser lʼouverture et la créativité des enfants en leur donnant initiative et responsabilité. Elle sʼappuie donc sur la psychanalyse et lʼanalyse sociale. Théorie des Deux Jambes nécessaires à la bonne marche : la première est la lutte contre lʼaliénation sociale que génère toute structure collective, la seconde permet de travailler lʼaliénation mentale par la prise en compte de lʼinconscient à lʼœuvre. Cʼest François Tosquelles qui a énoncé la métaphore des deux jambes sur lesquelles sʼappuie la bonne marche de la psychothérapie institutionnelle :

Ø La jambe politique et sociale marxiste avec lʼidée quʼil faille récréer de lʼespace social à lʼinverse de lʼindividualisme capitaliste. Dʼautre part, nʼayant pas de notion de productivité en psychiatrie, on peut lutter contre la hiérarchie pour avoir un collectif soignant.

Ø La jambe psychanalytique qui fait de la relation transférentielle la base de la relation thérapeutique.

Lʼhospitalisation, le séjour en institution est le premier temps de la socialisation du patient psychotique. Le cadre de lʼaccueil doit pouvoir sʼadapter à sa singularité et lui garantir de pouvoir compter sur cet accueil dans la durée. Cela part dʼune conception double de lʼaliénation : aliénation mentale (entrée dans lʼordre du désir) et aliénation sociale (entrée dans l ʻordre du social). La PI est dʼabord une pratique, une manière de faire et de soigner où il faut toujours sʼappuyer sur le collectif dʼune part et sur la primauté de lʼinconscient dʼautre part. Lʼidée de la PI comme de la psychiatrie de secteur visait le changement de lʼasile et son ouverture dans la cité, donner des conditions nouvelles de traitement de la psychose. Deux expériences particulières : Lʼessentiel des débats ont tourné autour de la prise en compte du pôle psychanalytique et du pôle sociologique. Les divergences portent sur le transfert dans la psychose, lʼarticulation de la psychanalyse avec les techniques dʼambiance. Ces divergences donnent naissance à différents courants. Le mouvement de psychothérapie institutionnelle semble se disperser entre ceux qui pensent que celle-ci a peut être à prendre à la psychanalyse mais quʼelle nʼest pas la psychanalyse dans lʼinstitution (concept de Daumézon, Oury) et ceux (lʼécole du XIIIème

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 arrondissement avec Paumelle, Racamier) qui diront « cʼest la psychanalyse en institution…mais surtout pas la psychanalyse lacanienne ». -Clinique de La Borde : Jean Oury, Felix Guattari Modèle dʼorganisation « constitutionnelle » « être un groupe thérapeutique. Tous les éléments de lʼorganisation de la clinique (administration, gestion, animation…) sont soumis à ce principe fondamental » Groupe gestionnaire en AG… Equipe tournante, tout le monde peut tout faire. Lʼécueil de la PI Oury parle de « coefficient thérapeutique » pour désigner le fait que chacun est pris dans une relation de soin au malade. « La perméabilité des espaces, la liberté de circuler, la critique des rôles et des qualifications professionnelles, la plasticité des institutions, la nécessité dʼun club thérapeutique ». LES FONDEMENTS et LʼORGANISATION DE LA PSYCHOTHERAPIE INSTITUTIONNELLE La théorie sociale de la psychothérapie institutionnelle sʼappuie sur une conception héritée de Marx et de Sartre. Elle reprend la notion de désaliénation. Pour la psychothérapie institutionnelle, le malade est confronté à une double aliénation, psychique et sociale. Cʼest dans cette double optique quʼil faut articuler lʼapproche psychothérapique pour résoudre les problèmes psychopathologiques et lʼapproche institutionnelle pour limiter lʼaliénation sociale. On part du principe que lʼinstitution psychiatrique nʼest pas automatiquement thérapeutique. Lʼinstitution par sa pesanteur peut jouer contre le soin. En effet, elle a tendance à reproduire lʼaliénation sociale dont est victime le malade mental dans la société. Historiquement, les institutions répondaient à la demande sociale dʼexclusion de la folie. Les conditions de vie ressemblaient plus à un environnement carcéral que médical où le patient était « objétisé ». Ainsi, le mouvement de psychothérapie institutionnelle considère quʼil est nécessaire de soigner lʼinstitution psychiatrique, de la désaliéner pour garantir le caractère thérapeutique de la prise en charge du patient. Et cʼest au niveau relationnel que ce processus de désaliénation prend source, notamment dans les réunions institutionnelles, lors de lʼanalyse institutionnelle, dans les clubs thérapeutiques… Pas de travail psychothérapique sans accueil de lʼhumain. J. Oury dit : « Lʼhôpital devrait être hospitalier : lʼhospitalité psychiatrique consistant à accueillir Autrui- même le plus insolite- dʼune façon non traumatisante, en établissant constamment avec lui des rapports dʼauthenticité. » La rencontre avec le malade se fait au moment le moins propice car le plus souvent elle se fait lors dʼune décompensation psychiatrique. Il faut travailler avec les

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 soignants une fonction dʼaccueil qui permette de rencontrer lʼautre en déshérence psychopathologique dans de bonnes conditions pour lʼavenir. Cet accueil, cette ambiance sont déterminants. « Lʼaccueil ne se borne pas au phénomène dʼentrée » (Bidault). Lʼaccueil permet de dʼamorcer la relation transférentielle. Il convient dʼaccueillir les patients dans des espaces qui ne préjugent ni de leur pathologie, ni de leur pronostic (pas de pavillons par pathologie par exemple). Les thérapies institutionnelles organisent des soins de façon non ségrégante pour préserver les capacités de chacun, en vue dʼune réinsertion future. Le mouvement de psychothérapie institutionnelle utilise le terme dʼambiance pour désigner le cadre relationnel général de lʼinstitution. Il faut offrir au patient des espaces différenciés pouvant constituer pour lui une réelle possibilité de choix et ainsi produire des effets positifs en laissant émerger les éléments de lʼappareil psychique du patient.1 Le patient pourra rencontrer et investir chacun des membres de lʼinstitution (soignants et soignés), leur attribuer un rôle, instituer avec eux des relations et sʼintégrer dans la vie de lʼétablissement. Pour permettre la rencontre, il faut garantir la liberté de circulation du patient afin de pouvoir investir tous les espaces différenciés ainsi que tous les membres du groupe. Liberté de choix par rapport à la participation ou non aux activités quotidiennes. Liberté dʼavoir des responsabilités pour sʼinvestir dans la vie institutionnelle. La liberté en tant que système ouvert permet au patient de retrouver son statut dʼêtre humain et de nʼêtre plus soumis aux forces aliénantes de lʼinstitution psychiatrique. La notion de réunion a une importance centrale dans le quotidien institutionnel. Les réunions ponctuent la vie de lʼinstitution et créent un espace de parole pour les soignants et les soignés, au profit de lʼindividuel et du collectif. Elles organisent le Collectif.2 Rothberg 3 insiste sur les trois niveaux fonctionnels des réunions dans les équipes soignantes : un premier qui permet lʼéchange dʼinformations, un deuxième qui permet de partager les décisions, quand cʼest possible, et un troisième qui permet les échanges affectifs. En effet, les patients, très sensibles à lʼambiance, sentent les difficultés que lʼon peut ressentir (même si lʼon cherche à masquer nos états dʼâmes de névrosés). Lors de ces réunions, on peut évoquer, « évacuer » ses angoisses, ses difficultés internes afin de « se soigner », de se préserver tout en soignant et préservant les patients. Il faut aussi faire une réflexion sur la structure de lʼinstitution. Les soignants doivent lâcher leur appropriation phallique par rapport aux soignés et aux collègues. Cela peut se faire par des lieux de discussion et grâce à :

• Lʼanalyse institutionnelle où le mot dʼordre est de dire ce qui empêche de travailler, où lʼon peut sʼexprimer sans avoir peur dʼun coup de bâton hiérarchique. Le premier objet de lʼanalyse institutionnelle est lʼanalyse sociale.

                                                                                                                2 Oury, J. 3 Rothberg, D., Les réunions à l’hôpital psychiatrique, Scarabée, Paris, 1968

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 • La culture psychiatrique : en psychothérapie institutionnelle, la notion de

fonction se distingue de celle de rôle/statut. Tout cela tourne entre les personnes. Cʼest-à dire que toute personne a une « fonction soignante ». (Prenons lʼexemple de lʼASH, son statut est ASH, son rôle est de faire le ménage, mais elle peut avoir une fonction soignante en étant au contact du malade à des moments particuliers justement par son statut). Toute personne quel que soit son statut a un potentiel thérapeutique. Cʼest encore une fois un moyen de lutter contre lʼaliénation sociale et ses préjugés qui écrasent toute initiative.

Mais pour cela il faut faire une critique de la hiérarchie pyramidale. P. Delion le décrit : « Ce renversement de la perspective du fonctionnement habituel des hiérarchies professionnelles sʼarticule autour dʼune dialectique difficile : dé-hiérarchisation statutaire/re-hiérarchisation fonctionnelle ou subjectale, dans laquelle lʼabandon des fonctionnements hiérarchiques classiques permet progressivement lʼémergence dʼune responsabilisation de chacun des soignants, à la mesure du pari que les soignants inspirés par la psychanalyse font pour leurs patients, de pouvoir sʼappuyer avec eux sur leur partie saine pour « combattre » la partie malade. » Ce concept de réunion prend corps dans ce que le groupe de psychothérapie institutionnelle appelle le club thérapeutique. Le club thérapeutique est une structure de type associatif prenant en charge des activités de médiation proposées dans lʼinstitution. Il a été rendu possible par la circulaire du 4 février 1958 qui souligne lʼimportance de lʼintervention dʼune association dans lʼorganisation du travail thérapeutique et permet que lʼargent récolté ne soit pas la propriété de lʼinstitution mais de ses membres. Il est composé de soignants et de patients, voire de patients seuls. Les soignants sont là en tant que conseillers. Un président, un secrétaire et un trésorier sont élus. Une assemblée générale avec tous les membres a lieu chaque semaine, moment pour débattre, prendre des décisions concernant les orientations du club. Lʼobjectif immédiat est dʼorganiser la vie quotidienne en assumant la responsabilité des achats et des dépenses de chaque atelier (cafétéria, atelier créatif, journal,…). Ces lieux où lʼargent est gagné autorisent des activités qui en dépensent (sortie, repas,…). Les objectifs sous-jacents sont de proposer une « tablature institutionnelle dʼespaces et de temps » possiblement utilisables par le patient, de vivifier lʼambiance dans laquelle se passent les soins en limitant les attitudes de dépendance vis-à-vis des soignants. En effet, cette stratégie permet dʼintroduire de la différence entre les moments de la journée et amène le patient à choisir, aller ou ne pas aller au club. Le négatif est à prendre en compte. Les dysfonctionnements ont un effet thérapeutique. Dʼautre part, responsabiliser le patient dans le but de soigner lʼhôpital en luttant concrètement contre les mécanismes dʼaliénation. Un club soigne lʼambiance et lʼhopital lui-même. La cogestion patient-personnel transforme radicalement la relation soigné-soignant. Défini comme des systèmes relationnels, il a une fonction de resocialisation. Quitter un temps son statut de malade pour jouer sur une autre scène.

Modèles  psychiatriques  et  modèles  de  thérapie  des  troubles  psychiques  Valérie  Houot  2015  

 Le club thérapeutique est né de la théorie marxiste dʼaliénation sociale. Cʼest le dispositif central de la psychothérapie institutionnelle. Cʼest le principal instrument de désaliénation institutionnelle, en permettant à chacun de sortir de ses aliénations statutaires. Il est lʼéquivalent du collectif ouvrier de la société capitaliste du concept marxiste. Lʼobjet appartient au collectif, le patient en devient responsable et à partir de là il peut se structurer. Ils sont fondés sur les relations complémentaires directes et indirectes. Cʼest-à-dire la situation où quelquʼun rentre en relation avec un autre, via un objet institutionnel ou une fonction institutionnelle. Par exemple, un psychotique parle à son voisin de chambre après lui avoir servi un café à la cafétéria du club thérapeutique. On se sert des objets pour faire du lien. « Achetez des chaises pour parler sinon ça sert à rien » (Oury) J. Oury parle de «fonction club », cʼest-à-dire un opérateur qui nʼa pas la présentation dʼun club thérapeutique mais qui peut en avoir la fonction. Ainsi, il souligne combien les effets du club débordent de lʼespace où il se joue. Il produit des effets : circulation dʼobjets, dʼargent, dʼaffects. La fonction club organise la vie quotidienne dans lʼhôpital et responsabilise les patients sur des activités pour soigner lʼhôpital en luttant contre les mécanismes dʼaliénation. La fonction club permet au patient dʼêtre co-acteur de leur soin en passant par des espaces dʼéchange, dʼactivités associatives, par des prises de responsabilités. Les clubs sont des lieux dʼexistence, de rencontre engageant les patients dans un circuit dʼéchange inter-individuel. Le patient psychotique pourrait investir de façon partielle et à différents niveaux, des personnes, des choses, des espaces, ...ce qui mène Tosquelles à parler de « constellations transférentielles ». La constellation étant lʼensemble de personnes investies. La relation transférentielle entre le soigné et le soignant nʼest plus une relation duelle, elle sʼélargit : cʼest toute lʼinstitution qui devient partenaire du lien transférentiel. Le travail de lʼinstitution thérapeutique serait de réaliser les conditions requises à lʼémergence du transfert et de lʼinvestir sans en reproduire les effets aliénants4. Ainsi pour favoriser les processus de transfert, il faut rendre possible des rencontres avec les soignants, les autres patients. Cela peut se faire lors des activités thérapeutiques, sociales ou culturelles. Tosquelles appelle le « transfert multiréférentiel » : notion dʼhétérogénéité des espaces, lieux, choses, personnes. Ce type dʼorganisation collective favorise les « investissements transférentiels, multiréférentiels… ». La valeur psychothérapique du travail institutionnel se base sur le concept de transfert multiréférentiel, reposant lui-même sur la continuité des soins. Parler de la psychothérapie institutionnelle répond à un devoir de transmission. « Transmettre » et non « communiquer » : le premier se situe dans le temps, le

                                                                                                               4 EMC, 37-930-G-10,2001, Thérapies institutionnelles, P. Delion

Modèles  psychiatriques  et  modèles  de  thérapie  des  troubles  psychiques  Valérie  Houot  2015  

 second se contente de lʼespace. « Seule la durée permet de conjurer la fragilité de lʼéphémère des pratiques humaines.» (Régis Debray).