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LE SYSTÈME CLIMATIQUE ET SON ÉVOLUTION À L’ÉCHELLE GÉOLOGIQUE
par Sebastian Weissenberger
module 2
2 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
SOMMAIRE
1. La circulation atmosphérique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.1 Lacirculationlatitudinale
1.1.1 LescellulesdeHadley
1.1.2 LescellulesdeFerrel
1.1.3 Lescellulespolaires
1.2 Lacirculationlongitudinale
1.2.1 Lesventsthermiques
1.2.2 LescellulesdeWalker
2. La circulation océanique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
2.1 Lacirculationthermohaline
2.2 Lerôledelacirculationthermohalinedanslarégulationduclimat
2.3 Lesvariationsdelacirculationthermohalinedanslepassé
2.4 LeDryasrécent
3. Les cycles climatiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
3.1 Lescyclesclimatiquesàlongterme
3.2 Lescyclesàcourttermeetlesoscillationsclimatiques
4. L’évolution du climat à l’échelle géologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
5. L’hypothèse de la Terre blanche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
6. Les outils utilisés pour reconstruire le climat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
6.1 Lesforagesdeglaciers
6.2 Lesforagesdesédimentsmarinsetlacustres
6.3 L’analysedesisotopes
6.3.1 Ladatationàl’aided’isotopesradioactifs
6.3.2 Lesisotopesducarbone
6.3.3 Lesisotopesdel’oxygèneetdel’hydrogène
6.3.4 Lesisotopesradiogéniques
6.4 Lesautresméthodes
6.4.1 Lapalynologie
6.4.2 Ladendrochronologie
6.4.3 L’étudedescoraux
6.4.4 L’analysedestempératuresdansdespuitsdeforage
6.4.5 Latélédétection
MODULE 2|LESFONDEMENTSSCIENTIFIQUES3
Lesystèmeclimatiqueterrestreestd’unegrandecomplexité.Danscetexte,nousana-
lyseronsquelques-unsdesprincipauxrouagesdecesystème,sansprétendreàune
descriptionexhaustive.Lesdeuxprincipalescomposantesdusystèmeclimatiquesont
l’atmosphèreetl’hydrosphère,c’est-à-direlesocéans.Cesdeuxfluidessontenmouve-
mentconstant.Lemoteurdecesmouvementsestladissipationdel’énergiesolaire.La
rotationdelaTerreetlagéographiedescontinentsetdesbassinsocéaniquesintrodui-
sentunegrandecomplexitéàcesmouvements.Leclimatestcaractérisépardescycles
quiopèrentàplusieurséchellestemporellesetspatiales.Dansl’histoiredelaTerre,le
climatabeaucoupvariéaufuretàmesuredeschangementsdelapositiondesconti-
nentsetde la compositionde l’atmosphère.Lasciencemoderneestenmesurede
reconstruire lesclimatsdupassé l’aidededifférents typesd’échantillonsobtenusen
creusantprofondémentdansdesglaciers,dessédimentsoulacroûtecontinentale.Nous
présenteronscertainsdesoutilsutiliséspourreconstruireleclimat.
1. LACIRCULATIONATMOSPHÉRIQUE
L’inégalitédel’incidenceausoldurayonnementsolaireselonleslatitudesetlesdiffé-
rencesd’albédogénèrentdesdifférencesdetempératureentrelesdifférentesrégions
duglobe.Cesdifférencesthermiquessontàl’originedescirculationsatmosphériqueet
océanique.Ainsi,onpeutdirequelescirculationsatmosphériqueetocéaniquevisentà
répartirl’énergiethermiquesurlasurfaceduglobeafindemenerauplusgranddegré
d’uniformitépossible,enaccordavecladeuxièmeloidelathermodynamique(l’entropie
maximale).Cemouvementallantdestropiquesauxhauteslatitudesseraitrelativement
simplesuruneterreuniformeetimmobile.Enréalité,larotationdelaTerre,donclaforce
deCoriolis,dunomdumathématicien françaisGaspardCoriolis (1792-1843),et les
facteursgéomorphologiques–l’alternancedecontinentsetd’océanset,àpluspetite
échelle,laprésencedemontagnes–influencentlesmouvementsdel’airetdel’eau.
4 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
1.1 La circulation latitudinale
Lafigure 1résumelacirculationatmosphérique.Onobservelaprésencedetroissystè-
mesdecirculationdistincts :lescellulesdeHadley,lescellulesdeFerreletlescellules
polaires,quisontaccompagnéesdeventsdistincts,dontlesalizés.
Figure1Circulation atmosphérique. Source : AdaptédeY.Kuster–MENRT.http://www.educnet.education.fr/obter/appliped/circula/theme/atmos32.htm
MODULE 2|LESFONDEMENTSSCIENTIFIQUES5
1.1.1 LescellulesdeHadley
LescellulesdeHadley(nomméesd’aprèsGeorgeHadley,1685-1768,juristeetmétéo-
rologueanglais)sontàl’originedelaprésencedezonestropicaleshumidesetdecel-
lulessèches.L’airchaudethumidequis’élèveau-dessusdelazonetropicaleautourde
l’équateur est générateur de précipitations constantes (figure 2). La zone nuageuse
au-dessusdel’équateurestappeléezonedeconvergenceintertropicale(ZCIT).Elleest
clairementvisiblesurdesphotossatellites(figure3)etsedéplacelégèrementselonles
saisons(figure4).Enremontant jusqu’à la troposphèreà15 kmd’altitude,cetairse
refroiditets’assècheàlasuitedelacondensationdel’humiditéetdesprécipitations.
Quandilredescendàdeslatitudessituéesautourde30degrés,cetairsecseréchauffe
aucontactducontinentchaudetemporteaveclui,dansunmouvementhorizontalvers
l’équateur,lavapeurd’eaucontenuedansl’air.Ceszonessontainsiconstammentmain-
tenuesdansunétatdesécheresseetcorrespondentauxceinturesdésertiquesdel’Asie,
del’Afriqueetdel’AmériqueduSud.
Laremontéed’airau-dessusdeszoneséquatorialescréeunezonedebassepression
(cyclonique), provoquant un « appel d’air » qui génère des vents convergeant vers
l’équateur,lesalizés(trade wind).Cesventsfontpartiedelacirculationdescellulesde
Hadley.Leszonesderetombéed’airsecautourde30 degrésdelatitudesontaucontraire
deszonesdehautepression(anticycloniques).
Les alizés sont empiriquement connus des marins depuis l’Antiquité. Pour atteindre
l’Amérique,lesnavigateursportugais,espagnols,italiens,françaisouanglaisemprun-
taientlarouteduSudensuivantlesalizés.Auretour,ilsempruntaientlarouteduNord,
en suivant les vents d’ouest et le courant du golfe. Les zones calmes équatoriales
(connuessouslenomdedoldrums)dépourvuesdeventsréguliersétaientcraintesdes
marins,carlesnavirespouvaientyresterimmobiliséspendantdessemainessousun
soleilbrûlant.
6 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
Figure2Circulation latitudinale dans les cellules de Hadley. Source : Adapté de educnet. http://www.educnet.education.fr/obter/appliped/circula/theme/atmo325.htm
Lesmouvementsd’air latérauxsuperposésauxmouvementsnord-sudsontdusà la
forcedeCoriolisquirésultedelarotationdelaTerreautourdesonaxe.Cetteforcefait
dévierchaqueparticuleenmouvementversladroite,dansl’hémisphèreNord,etvers
lagauche,dansl’hémisphèreSud.LaforcedeCoriolisestfaibleàpetiteéchelle.Elle
n’expliquepas,parexemple,lacirculationd’eaus’écoulantd’unebaignoire.Àgrande
échelle,elledevientcependantimportantepourdesmassesquisedéplacentsurde
grandesdistancestellesquelesmassesd’airetlescourantsocéaniques,dontilsera
questionplusloin.Ainsi,lesalizéstransportantl’airdeslatitudessubtropicalesautour
de30 degrésdelatitudeversl’équateursontdéviésversl’estdanslesdeuxhémisphè-
res(figure1).Lesventsd’ouestauxlatitudesmoyennesdemêmequelesventsd’est
auxhauteslatitudes,lescourants-jetssubtropicaux,situésdanslapartiehautedela
celluledeHadleyàlatropopause,etlecourant-jetpolaire,situésurlefrontpolaire,sont
déviésdelamêmemanièreparlaforcedeCoriolisetsontégalementsymétriquesdans
lesdeuxhémisphères.
Cheminée équatoriale
30° NORD 30° SUD0°
Basses pressionsPluie en toutes saisons
Équateur
Hautes pressionsSec en toutes saisons
Ceinture désertique
Hautes pressionsSec en toutes saisons
Ceinture désertique
MODULE 2|LESFONDEMENTSSCIENTIFIQUES7
Figure3Photographie satellite de la ZCIT.
La zone de convergence intertropicale est la ligne denuagesblancs.Source : NASA Earth Observatory. http://earthobservatory.nasa.gov/Newsroom/NewImages/Images/itcz_goes11_lrg.jpg
8 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
Figure4Zone de convergence intertropicale en été (rouge) et en hiver (bleu).
Lazonedeconvergence intertropicale (ZCIT)n’estpasparfaitementcirculaire,carelleestdéviéeparl’alternancedecontinentsetd’océans.Laplusgrandecapacitécalori-fiquedesocéansfaitensortequelatempératureyestmoinsélevéequesur lescontinentsdans leszones tropicalesensoleillées.Durantl’été,dansl’hémisphèreNord,laZCITsesitueplus loinaunordet inversementpendant l’hiveraustral.LedéplacementlatitudinaldelaZCITestàl’originedel’alternancedesaisonssèchesetdesaisonshumidesetdesmoussonsdanslespaysdelazonetropicale.Source : M.Halldin,Wikipédia.http://en.wikipedia.org/wiki/Image:ITCZ_january-july.png
1.1.2 LescellulesdeFerrel
Au-dessusdeszonestempéréesseformentdescellulesdecirculationsemblablesaux
cellulesdeHadley,appeléescellulesdeFerrelenhommageaumétéorologueaméricain
WilliamFerrel (1817-1891).LescellulesdeFerrel circulentdans lesens inversedes
cellulesdeHadleyetsontmoinsconstantes.Ellescomprennentuncourantascendant
autourde60 degrésdelatitudeetuncourantdescendantautourde30 degrésdelatitude.
Cheminée équatoriale
30° NORD 30° SUD0°
Basses pressionsPluie en toutes saisons
Équateur
Hautes pressionsSec en toutes saisons
Ceinture désertique
Hautes pressionsSec en toutes saisons
Ceinture désertique
MODULE 2|LESFONDEMENTSSCIENTIFIQUES9
Autourde60degrésdelatitude,l’airchaudtropicals’élèveprogressivementau-dessus
del’airpolaire,plusfroidetplusdense.Lazonederencontredesdeuxmassesd’airde
températurestrèsdifférentes–lefrontpolaire,situéentrelescellulesdeFerreletles
cellulespolaires,estunezonedefortséchangesd’énergie,entreautresàtravers le
courant-jetpolaireetlevortexpolaire.
1.1.3 Lescellulespolaires
Lacellulepolaireestforméed’uneremontéed’airrelativementchaudau-dessusdela
zoneautourdu60degrésdelatitude.Cetairserefroiditetredescendau-dessusdespôles
(90 degrésdelatitude)etsedirigeensuiteverslesplusbasseslatitudes.Cemouvement
estaccompagnédeventsd’estpolairesdans labassetroposphère.Dans larégionà
chevalentrelahautetroposphèreetlabassestratosphères’installe,particulièrementen
hiver,unvortexcycloniquepuissant,auseinduquellesventsatteignentjusqu’à360 km.h-1.
Levortexestparticulièrementstableau-dessusdel’Antarctiqueàcausedel’absencede
massescontinentales.Lacirculationd’airdanslesvortexs’effectuedanslesensantiho-
rairedansl’hémisphèreNordetdanslesenshorairedansl’hémisphèreSud.L’origine
desvortexpolairesestlemouvementd’airenhautealtitudeverslecentredeszonesde
bassepressionau-dessusdespôles,lequelestdéviéparlaforcedeCoriolis,créantun
mouvementcirculaireperpendiculaireausensdedéplacementdel’air.
Lepiégeaged’airau-dessusdesrégionspolairesetdanslesvortexestentreautresà
l’originedel’effetdel’accumulationdecomposésatmosphériquesdivers.L’accumulation
dechlorofluorocarbones (CFC)etdecertainsautrescomposésest responsablede la
formationdutroud’ozoneau-dessusdelazoneantarctique,pourtantloindessources
d’émissiondecesgazenEuropeetenAmériqueduNord.L’effetdu« doigtfroid »(cold-
finger effect)expliqueaussiletransportetl’accumulationdepolluantsatmosphériques
vers les zones polaires de sorte que, paradoxalement, les Inuits sont les habitants
d’AmériqueduNordlesplusexposésauxsubstancestoxiquespersistantes(métauxlourds,
polluantsorganiquespersistants)alorsqu’ilssesituentloindessourcesd’émission.
10 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
1.2 La circulation longitudinale
L’alternancedecontinentsetd’océansetlacapacitécalorifiquedifférentedecesdeux
milieuxfontqu’àlatitudeégale,latempératuren’estpasuniformeautourdelaTerre.Les
océansseréchauffentetserefroidissentpluslentementquelescontinents.Lerésultat
decegradientdechaleurestuntransfertcalorifiquepardessystèmesdecirculation
latitudinaux.
1.2.1 Lesventsthermiques
Leprincipedelabrisethermique(figure5)estbienconnudesmarinsentantquevent
solairequisouffleverslaTerrelematinetversl’océanlesoir.Laraisonenestsimplement
ladifférencedecapacitéthermiquedesdeuxmilieux.Lacapacitéthermiquedel’eau
étantnettementsupérieure,l’océanemmagasineplusdechaleurquelaTerre,touten
seréchauffantmoinsdurantlejour,maisresteàtempératureconstantedurantlanuit.
LaTerre,quantàelle,serefroiditrapidementdèsl’arrêtdurayonnementsolaire.Levent
solairesouffledesrégionsàtempératuremoinsélevéeverscellesàtempératureplus
élevéepuisquel’airpluschaud,ens’élevant,créeun« vide »au-dessusdelazone
chaudeetunappeld’airdelazonefroide,oùl’airestplusdense.
Figure5Principe du vent solaire (brise thermique).Source : Beltrando,2004.
brise de mer
jour
vent froid
vent chaud
brise de terre
nuit vent froid
vent chaud
MODULE 2|LESFONDEMENTSSCIENTIFIQUES11
1.2.2 LescellulesdeWalker
LescellulesdeWalker(enl’honneurdeSirGilbertWalker,1868-1958,physicienanglais
àquil’ondoitladécouvertedel’oscillationaustrale)etlacirculationlongitudinale,c’est-à-
diredansl’axeest-ouest,reposesurleprincipeduventthermique,maisàdeséchelles
spatialeset temporellesplusgrandes.L’airs’élèveau-dessusduPacifiqueOuest,plus
chaud,etredescendau-dessusduPacifiqueEst,plusfroid(figure6).L’airsedéplaçant
d’estenouestau-dessusdel’océanestdéviéverslenord.Laremontéed’airchaudet
humidedanslapartieouestycréeunclimathumidetandisquelaretombéed’airfroidet
sec créeun climatplusarideet fraisdans lapartieest duPacifique, sur la côtede
l’AmériqueduSud.Leventd’ouestsoufflantaulargedelacôtedel’AmériqueduSudcrée
unmouvementd’eaudesurfaceverslelarge(transportd’Ekman),cequipermetàl’eau
profonde, froideet richeennutrimentsde remonterà la surfacedansdesupwelling
(remontéed’eau profonde).CetteeauestincorporéeaucourantdeHumboldtetestgarante
despêchesabondanteslelongdescôtesduChilietduPérou.
UndérèglementrécurrentdelacelluledeWalkerestàl’origineduphénomèneElNiño,
caractérisépardessécheressesdanslePacifiqueOuest,desinondationsetunréchauf-
fementdanslePacifiqueEst,ainsiqueparuneinterruptiondel’upwelling aulargedela
côtedel’AmériqueduSud.Durantlapériode1861-2000,lacirculationdanslacellulede
Walkerafaiblienmoyennede3,5 %.Celacorrespondauxrésultatsdesmodèlesclima-
tiques,incluantl’effetdesgazàeffetdeserre,quiprovoquentuneaugmentationdela
vapeurdansl’atmosphère(Vecchiet al.,2006).LacirculationdanslacelluledeWalker
pourraitfaiblirde10 %deplusd’ici2100,réduisantlescourantsocéaniquesdesurface
de20 %etaugmentantpossiblementlafréquenceetlasévéritédesépisodesElNiño.
12 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
Figure 6Cellule de Walker.
C : remontéed’airchaudjusqu’à1000 m.L’humiditésetransformedepluie.
A : redescented’airfraisetsec.B : ventsdesurfacecréentuneaccumulationd’eaudu
côtéouestduPacifique.EnmodeElNiño,lacelluleralentit,causantundéficitdeprécipitationsenCetunsurcroîtdeprécipitationsenAainsiquel’affaiblissementdel’upwelling enA.Source : adaptédeGabrielA.Vecchi,NOAAGeophysicalFluidDynamicsLaboratory.
2. LACIRCULATIONOCÉANIQUE
2.1 La circulation thermohaline
Lesocéansjouentunrôleparticulièrementimportantdanslarégulationduclimat.Ils
agissentcommeunimmenseréservoirdechaleuretredistribuent lachaleurdansle
tempsetdansl’espace.Lacapacitécalorifiquedel’océan,c’est-à-direlafacultédel’eau
d’absorberlachaleur,esteneffetbiensupérieureàcelledel’atmosphèreetdesconti-
nents. Les 2,5 premiers mètres de l’océan contiennent autant de chaleur (d’énergie
thermique)quetoutel’atmosphèreau-dessusd’eux.Ainsi,lachaleurexcessiveprésente
dansl’atmosphèrepeutêtretransféréeàl’océanet,inversement,l’océanpeutrestituer
delachaleuremmagasinéeencasderefroidissementdel’atmosphère.Letransfertde
Asie Amérique du Nord
Australie
MODULE 2|LESFONDEMENTSSCIENTIFIQUES13
chaleurs’effectueengrandepartielorsdel’évaporation,quiprovoqueunrefroidissement
(comme lorsqu’onse frotte lesmainsavecde l’alcool).L‘énergieainsi transféréeest
appeléelachaleurlatente.
Lachaleurlatentedansl’Atlantiqueau-dessusduGulfStreamestde160 W.m-2,compa-
rativementà20 W.m-2dans lazonedésertiqueduSahara.Cettechaleur latenteest
restituéelorsdelaprécipitationdel’eauévaporée.Letransfertdechaleurn’estcependant
pasinstantané,ilreprésenteaucontraireunprocessuscomplexeenlienaveclastrati-
ficationdel’océanetlacirculationthermohaline(Stommel,1961).Cettecirculationde
massesd’eauàl’échelleplanétaire(figure 7)estgénéréepardesdifférencesdetem-
pératureetdesalinitéauseindel’océan,d’oùlenomdecirculationthermohaline,dérivé
desmotsgrecsthermos (température)ethal(sel).
Figure7Boucle de convoyage.
Rouge :courantsdesurfacechauds.Bleu :courantsdefondfroids.Lestroisprincipauxlieuxdelaformationd’eauprofondesontindiquéspardesrondsclairs.Source :IPCC.
Formation d'eau profonde
Pompe de la Mer du Labrador
Pompe de la Mer d'Islande
Pompe de la Mer de Weddel
OcéanAtlantique
OcéanIndien
OcéanPacifique
Formation d'eau profonde
Courants desurface chauds
Courants desurface froids
14 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
Lemoteurdecettecirculationàlafoisverticaleethorizontaleestladensitédel’eau,qui
augmenteavec lasalinitéetdécroîtavec la température.Ainsi, lorsque l’eauchaude
remontedugolfeduMexique,oùl’évaporationl’aenrichieensel,verslesrégionspolai-
resdel’AtlantiqueNord,elleserefroiditetsadensitéaugmente.Àcausedesasalinité
élevée,elledevientfinalementplusdensequel’eaudesurfacedel’AtlantiqueNordet
plongeenprofondeur,jusqu’àenviron2000ou3000 mètres(figure 8).Cesdownwelling
ouplongéesd’eaumenantlaformationd’eauxprofondess’effectuenten deraresendroits
àlasurfacedelaTerre,principalementdanslesdeux« pompes »del’AtlantiqueNord
(unedansledétroitduLabradoretuneaulargedel’Islande),ainsiquedanscelledela
merdeWeddelenAntarctique.
Figure8Formation d’eau profonde.
Lecourantchaudetsalin(àcausedel’évaporationdansle golfe du Mexique) en provenance des tropiques serefroiditaucontactdel’airpolaireetgagneendensité.Sasalinitéaugmenteencorelorsdelaformationdeglacedemerenhiver,puisquecelle-cin’incorporequel’eauetnonle sel. L’eau devient alors assez dense pour plongerjusqu’à2000à3500 mètres.Ledébitdesdeuxpompesdans l’Atlantique Nord est de 0,2-0,3 Sv (200 000 à300 000m3/s),unechuted’eaude3000 mètresdepro-fondeuretplusdecentfoisledébitdeschutesduNiagaraetsupérieuràceluidel’Amazone(180 000m3/s).Dansla« pompe »duLabrador,lemélangeverticalestplutôtdû
Gulf Stream
25 °C
Formation de glace de mer en hiver
N
SAccumulation de sel
T = 3 °C, S > 34,9
4000 m
Eaux intermédiairesT 3 - 5 °CS 34,2 - 24,4
MODULE 2|LESFONDEMENTSSCIENTIFIQUES15
au refroidissement des eaux de surface par les ventsfroids.L’eaudesurfaceserefroiditjusqu’àdeveniraussidensequel’eauà2000mètresdeprofondeur.Desméca-nismessemblablessontàl’œuvredanslaformationd’eauprofondeenAntarctique,maiscetteeauestencoreplusfroideetbienquelégèrementmoinssaléeplusdensequel’eauprofondedel’AtlantiqueNord.L’eauprofondeantarc-tiques’écouledoncendessousdel’eauprofondenord-atlantique,à4000 mètresdeprofondeur.
Lesdeuxpompesdel’AtlantiqueNordsontle« pointdedépart »d’unegrandecirculation
océaniqued’uneduréedel’ordredumillénaire(figure 7).Eneffet,unefoisarrivéesau
fonddel’océan,ceseauxsedirigentverslesuddansdescourantsdefondfroidsqui
cheminentversl’AtlantiqueSudetlePacifiquepourreveniràlasurfacequelquessiècles
plustarddansplusieurslieuxd’upwellingdansl’océanIndienetl’océanPacifique.La
localisationdecesupwellingestmoinsprécisequecelledesdownwellingdel’Atlantique
Nord.Laremontéedel’eauestaccompagnéed’undégazaged’unepartieduCO2contenu
dansleseauxprofondeslorsqueleurtempératureaugmenteetleurpressiondiminue,
cequiréduitlasolubilitéduCO2.Parlasuite,leseauxremontéesàlasurfacesuivent
lescourantsdesurface,régisparlesventsdominants,pourreprendrecontinuellement
lemêmetrajet.
La boucle de convoyage crée une connexion entre la circulation thermohaline (les
up wellingetdownwelling)etlescourantsdesurface,musparlesvents.Ils’agitdonc
d’unemécaniquecomplexe forméedeplusieurséléments imbriqués,maisenpartie
indépendants.LeGulfStreamquiamènel’eauchaudeetsaléedugolfeduMexiquevers
l’Atlantiquenedépendquedesventsdominantsetnondelaprésencedesdownwelling
dans l’AtlantiqueNord. Il faitpartied’ungrandgyreocéaniquetournantdans lesens
horaire(figure9).D’aprèslesobservations(Brydenet al.,2005),l’affaiblissementactuel
delaformationd’eauprofondes’accompagned’unrenforcementducourantnord-sud
del’Atlantiqueoriental.Aulieudeplongerenprofondeur,l’eauducourantdugolfese
dirigedoncpardescourantsdesurface.
16 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
Figure 9Courants de surface de l’océan. Rouge :courantschauds,bleu :courantsfroids,noir :schéma-tisationdesgyres.Dansl’hémisphèreNord,lescourantsformentdesgyresdanslesenshoraire,etantihorairedansl’hémisphèreSud,commeconséquencedesventsdominantssoumisàlaforcede Coriolis. Dans un système fermé, comme le gyre nord-atlantique, l’eaudans lecourantestdéviéevers l’intérieurdugyre,provoquantuneaccumulationd’eauaucentredugyre.Lescourantsd’ouest(GulfStream140 Sv,Kuroshio65 Sv,Agulhas110 Sv,Brésil65 Sv,AustralieEst15 Sv)sontchauds,générale-mentétroits,profondsetpuissants,lescourantsd’est(Canaries,Californie,Pérou [Humboldt],Benguela,AustralieOuest) sontfroids,moinsrapides,plusdiffusetaccompagnésd’upwellingcostaux.Laraisondesupwellingrésidedanslesventsdominantsetlescourantsmarinsqui,partransportd’Ekman,dirigentl’eauverslelarge,cequipermetàl’eauprofondederemonteràlasurface.Lesupwelling sontdeslieuxdeproductivitébiologiqueintense,carleseauxprofondessontchargéesennutriments.Lescinqprincipauxupwellingdumonde(Pérou,Californie,Maroc,Angola,AustralieOuest)représentent0,1 %delasurfacedesocéans,mais44,5 %despêchesmondiales.Dansl’océanIndien,lesensdugyredépenddessaisons.Denovembreàmars,ilestantihoraire,demai à septembre, horaireavecuncourantdeSomaliedéveloppé.Laraisonestledéplacementdelazonedeconvergenceintertropicale,plusverslesuddenovembreàmarsetplusverslenorddemaiseptembre.
Source : AdaptédeUcar.http://www.windows.ucar.edu/tour/link=/earth/Water/images/Surface_currents_jpg_image.html
Alaska
Pacifique Nord
Californie
Contre-courant équatorialContre-courant équatorial
Contre-courant équatorialSud équatorial Sud équatorial
Sud équatorial
Aiguilles Ouest-australien Est-australien
Indien Sud
Somalie
Brésil
Atlantique Sud
BenguelaHumboldt (Pérou)
Pacifique Sud
Circumpolaire Circumpolaire CircumpolairePacifique Sud
Antarctique subpolaire Antarctique subpolaire
Nord équatorialNord équatorial
Nord équatorialContre-courant équatorial
Sud équatorial
Nord équatorial
Kuroshio
Pacifique Nord
Oyashio
Labrador
Groenland oriental
Irminger
Dérive Nord-Atlantique
Dérive Nord-Atlantique
Gulf StreamCanaries
MODULE 2|LESFONDEMENTSSCIENTIFIQUES17
2.2 Le rôle de la circulation thermohaline dans la régulation du climat
Lacirculationthermohalineetlaboucledeconvoyageinterviennentdeplusieursfaçons
danslarégulationduclimat.
Premièrement,ellestransportentunequantitédechaleurimportantedusudverslenord,
équivalenteàcelletransportéeparl’atmosphère.Delàvientl’inquiétudedesconséquen-
cespotentiellesd’unralentissementdelaboucledeconvoyageàlasuitedeschange-
mentsclimatiques,surtoutenEurope,versoùlesventsdominantstransportentcette
chaleur(entreautresàtraverslachaleurlatente).
Deuxièmement,ellescontribuentàrégulerlatempératuresurdeséchellesdetemps
pluslongues.L’eaupossèdeunecapacitécalorifiquebiensupérieureàl’air.Lorsquela
températuredel’atmosphèrechange,lacouchedesurfacedel’océan,mélangéepar
lesvaguesetlaconvection,rétablitl’équilibrethermiquerapidement(environunedécen-
nie)par transportconvectifdechaleur.Le transportdiffusifdechaleurvers leseaux
profondesestbeaucouppluslent.Ladiffusiondechaleurversleseauxprofondess’ef-
fectuedoncprincipalementàtraverslacirculationthermohaline,quiacheminel’eaude
surfaceverslefondetramènel’eaudefond–quiportelasignaturethermiquedumoment
desaplongéeilyaunmillénaire–verslasurface.
Troisièmement,ellescontribuentégalementàrégulerlesconcentrationsdeCO2atmo-
sphériques.Leseauxfroidesquiplongentenprofondeurdansleszonespolairessont
trèschargéesenCO2,puisquelasolubilitédesgazestplusélevéedansl’eaufroideque
dans l’eauchaude.LaconcentrationenCO2étantproportionnelleà laconcentration
atmosphérique,unequantitéplusimportantedeCO2serasoustraitedel’atmosphèreet
acheminéeverslefonddel’océanquandlaconcentrationdeCO2atmosphériqueest
élevéeque lorsdepériodesoùelleest faible.Leproblèmedecemécanismeréside
cependantdansladépendancedelasolubilitéduCO2parrapportàlatempérature.En
effet, lasolubilitéduCO2diminueavec la température.Puisque l’augmentationde la
concentrationdeCO2atmosphériqueprovoqueunréchauffementdel’atmosphèreetde
lasurfacedel’océan,celui-cipeutsoustrairedemoinsenmoinsdeCO2àl’atmosphère.
Noussommesdoncenprésenced’unebouclederétroactionpositive,c’est-à-dired’un
mécanismederenforcement,quiapuêtreenœuvrelorsdescyclesglaciaires,contri-
buant à la corrélation entre le CO2 et la température observée durant les dernières
centainesdemilliersd’années.
18 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
L’interactionn’estcependantpassisimplequecelapuisquedeschangementsdetem-
pératureatmosphériquepeuventchangerl’intensitédelacirculationthermohaline.Cela
s’estproduitàplusieursreprisesdurantlesdernièresglaciations.
2.3 Les variations de la circulation thermohaline dans le passé
Lesinterruptionsoulesralentissementsdelaboucledeconvoyagedurantladernière
glaciation sont associés à deux types d’événements, les événements d’Heinrich
(Heinrichet al.,1993)etceuxdeDansgaard-Oeschger(Dansgaardet al.,1993).
Les événements d’Heinrich consistent en une brusque interruption de la circulation
thermohaline,accompagnéed’unrefroidissementdeplusieursdegrés.Cesévénements
peuventêtre identifiésgrâceàdescouchessédimentairesdedébris terrestresdans
l’océanAtlantique.Cesdébrisontcommeorigineunrelargagemassifd’icebergs,d’en-
viron2 %descalottesglaciaires, lorsquecelles-cis’étendaienttroploindansl’océan
durant lesglaciations,devenantainsi instables.La fontedeces icebergsdiminua la
salinitédeseauxdesurfacedel’AtlantiqueNordetmenaàuneinterruptiondelacircu-
lationthermohaline.Cesévénementsseproduisirenttousles7000à10 000 ansdurant
despériodesfroides,marquantlafind’uncycled’oscillationdetempérature,appelécycle
deBond(Bondet al.,1992).Lerefroidissementfutrapide,prenantmoinsde200 ans.
Lapériodefroidequis’ensuivitperduradequelquescentainesàdeuxmilliersd’années
etfutsuivied’unréchauffementégalementrapide(environ200 ans).
LesoscillationsdeDansgaard-Oeschgersontdesoscillationsdetempératured’unepériode
pluscourte,c’est-à-direde2000à3000 ans.Ellesontétéidentifiéesparlespaléoclima-
tologistesWilliDansgaardetHansOeschgerdanslesglacesduGroenland,maisnondans
cellesdel’Antarctique.Lespériodeschaudes,àmi-cheminentrelestempératuresactuel-
lesetleminimumglaciaire,sontassociéesàdestempératuresdesurfaceocéaniqueplus
élevéesetàlaprésenced’uneconvectiondanslamerduGroenland(Norvège).Lesépi-
sodesfroids,quantàeux,sontcaractériséspardestempératuresdesurfaceocéanique
moinsélevées,parunesalinitéréduiteetparl’absencedeconvectionverticale.Leréchauf-
fementau-dessusduGroenlandasouventétéextrêmement rapide, jusqu’à10 oCen
quelquesdécennies.Contrairementauxévénementsd’Heinrich,souventassociésà la
débâcled’icebergsenprovenancede la calotte laurentienne (AmériqueduNord), les
oscillationsdeDansgaard-Oeschger seraientprovenuesd’unedébâclepartiellede la
MODULE 2|LESFONDEMENTSSCIENTIFIQUES19
calotteglaciairefenno-scandinave(EuropeduNord),pluspetite,maispossiblementen
étatd’instabilitéàdesintervallesplusrapprochés(Groussetet al.,2000).Leréchauffement
rapidelorsdesoscillationsdeDansgaard-Oeschgerpeutaussiavoirétéprovoquéparun
déplacementverslenorddusitedeformationd’eauprofondeetdoncd’intrusiond’eau
chaudetropicaledanscesrégions,possiblementinitiépardespetitschangementsd’en-
soleillementayantungrandeffetsuruncourantatlantiqueinstabledurantcettepériode
(GanopolskietRahmstorf,2001).
L’AtlantiqueNordpossèdeplusieursmodesdecirculation,entrelesquelsilpeuttransiter
rapidement,souscertainesconditions.Celacausenaturellementdes inquiétudesen
présenceduréchauffementclimatiqueactuelquiestaccompagnéd’unefontedeglaciers,
surtoutauGroenlandetd’unapportd’eaudoucedanscetterégioncritiquepourleclimat
mondial (GanopolskietRahmstorf,2001;Broeckeret al.,1985).Lesmodesdecirculation
dansl’AtlantiqueNordidentifiésvarientselonlesauteurs.Lesmodesdecirculationles
plussouventdécritssontlessuivants.
• Uneformationd’eauprofondedanslesmersd’Islande,duGroenlandetdeNorvège
etlacirculationthermohalineforte.Cemodecorrespondauxconditionschaudes
actuellesinchangéesdepuis10 000 ans.
• Uneabsencequasi totaledeformationd’eauprofondedans l’AtlantiqueNordet
l’interruption de la circulation thermohaline. Ce mode prévalait lors des phases
froidesdesoscillationsDansgaard-Oeschger.
• Uneformationd’eauprofondeaunorddel’Islande,doncplusloinaunordqu’ac-
tuellement.Cetétatinstablecorrespondauxphaseschaudesdesoscillationsde
Dansgaard-Oeschger.
• Uneformationd’eauprofondedansl’AtlantiqueNordoudanslamerduLabrador,mais
pasdanslamerd’Islande,etunaffaiblissementetundéplacementdelacirculation
thermohalinevers lesud.Cemodeprévalait lorsdesévénementsd’Heinrich.Une
formationd’eauprofondeausuddel’AtlantiqueNordoudansl’océanAustralestpos-
sible,quiapuentraînerunréchauffementdecertainesrégionsdel’AtlantiqueSud.
L’importancedescourantsocéaniquessignifieaussiquelesclimatsdepériodeslointai-
nes,lorsquelescontinentsétaientorganisésautrementàlasurfaceduglobe,différaient
deceuxobservésaujourd’hui.Parexemple,avantlafermeturedel’isthmedePanama,
ilyatroismillionsd’années,iln’yavaitpasdeformationd’eauprofondedansl’Atlantique
Nord,nideboucledeconvoyage.LetransportdechaleurdugolfeduMexiqueversle
20 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
nordétaitdoncplusfaiblequedenosjoursetl’AtlantiqueNordplusfroidqu’aujourd’hui,
l’AtlantiqueSud,aucontraire,pluschaud.La fermeturedecet isthmeaempêché le
mélangedeseauxatlantiquessaléesetdeseauxpacifiques,moinssalées,etapermis
àungradientdesalinitédes’établirentrecesdeuxocéans, lequelestultimementà
l’originedelacirculationthermohaline.
2.4 Le Dryas récent
Unexemplesingulierdechangementclimatique,trèsdiscutéenocéanographieeten
climatologie,eut lieuà la finde ladernièreglaciation.Alorsque ladéglaciationétait
amorcéedepuis4000 ans,ilseproduisit,vers11 000 ans,unesoudaineetrapide(de
l’ordred’uneoudequelquesdécennies)avancéedesglaciersenreculdepuisdesmil-
lénaires.Lesvestigesdepollensfossilesindiquentquelatempératuredel’Europechuta
de5 oCaumêmemoment.L’originedecerefroidissementspectaculairedansl’Atlantique
Nordestunarrêtsoudainde laboucledeconvoyage,provoquéparunaffluxmassif
d’eaudouce,entravantlemécanismedeformationd’eauprofonde.
LeDryasrécentestnomméd’aprèsunefleurboréale,laDryas octopetala,quis’étendit
surtoutelaScandinaviedurantlapériodedefroid.IlyeutaussiunDryasancien,moins
important,ainsiqu’unrefroidissementmoinsimportant,de5à6 oCsurleGroenland,ily
a8000 ans.LechangementbrusquederégimesthermiquesdurantleDryasrécentsou-
lèvelaquestiondelapossibilitéd’undérèglementdelaformationd’eauprofondedans
l’AtlantiqueNordetdoncdelaboucledeconvoyageetdusystèmeclimatiqueenentier.
Ilaété longtempsspéculéque lebasculementdeseauxd’écoulementde lacalotte
glaciaire laurentienneduMississippivers leSaint-Laurent,notammentcauséparun
écoulement rapidedu lacAgassiz, lacglaciaireaujourd’huidisparu,auraitacheminé
toutecetteeaudefonteprèsdeszonescritiquesdeformationd’eauprofonde(Rooth,
1982).Destracessédimentairesd’unerapidebaisseduniveaudulacAgassizontété
trouvées(TelleretThorliefson,1983).Enparallèle,lessédimentsdugolfeduMexique
indiquentunediminutiondel’apportd’eaudouce,caractériséeparunefaiblesignature
isotopique18O,enprovenanceduMississippi (Broeckeret al.,1989).Cependant, les
tracessédimentairesdansleSaint-Laurentneconcordentpasaveccettehypothèse(De
Vernal,1996).
MODULE 2|LESFONDEMENTSSCIENTIFIQUES21
L’eaudouceauraitaussipuprovenirdelafontedesnombreuxicebergsdétachésdela
calotte glaciaire laurentienne, en pleine désintégration (Tarasov et Peltier, 2005), ou
encoredel’océanArctique,dontlatopographieavaitchangéàlasuitedel’élévationdu
niveaude lamerà la fontedes calottesglaciaires (Voituriez, 2006).Cemécanisme
s’apparenteàceluiprésumélorsdesévénementsd’Heinrich.Leretourversunclimat
chauds’effectuaégalementtrèsrapidement,peut-êtreencinquanteans.
Cechangementclimatiquebrusque,d’uneduréede1300±70 ans,unépisodetrèscourt
àl’échellegéologique,maislongàl’échellehumaine,aeusanslemoindredoutedes
impacts profonds sur les populations humaines du paléolithique. Il coïncide avec la
« révolution néolithique », soit l’invention de l’agriculture dans le croissant fertile au
Moyen-Orient,quis’estconsidérablementasséchédurantleDryasrécent,etladispari-
tiondelaculturedeClovisenAmériqueduNordenmêmetempsquecelledugrosgibier
(mammouth,cheval,etc.).
3. LESCYCLESCLIMATIQUES
3.1 Les cycles climatiques à long terme
Commel’expliqueNathalieBarettedanssonarticle« Contrôlesnaturelsduclimat »,la
théorie de Milankovitch a permis de comprendre comment des changements dans
l’orbiteterrestrepeuventêtreàl’originedescyclesdeglaciation.Commenousl’avons
vuprécédemment,lesvariationsd’insolationsontamplifiéesparlesmécanismesclima-
tiquesetprincipalementparlarétroactionavecleCO2(figure 10).L’albédodelaglace
descalottesglaciairesetdesbanquisesjoueégalementunrôlederétroactionpositive.
Lacouverturedeglaceplusétenduelorsdespériodesfroidesréfléchituneplusgrande
fraction du rayonnement incident, comparé aux continents et à l’eau libre de glace
prévalantlorsdespériodeschaudes.
22 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
Figure10Correspondance entre la température et le CO2 à travers plusieurs cycles glaciaires (cycles de Milankovitch de 10 0000 ans). Source : Ducroux,2004.
3.2 Les cycles à court terme et les oscillations climatiques
Plusieurscyclesàcourttermeimpliquantl’atmosphèreetl’océandansl’AtlantiqueNord
(NAO),lePacifiqueSud-Ouest(ElNiño),l’océanIndien(oscillationaustrale)influencent
le climat régional des régions limitrophes, àdes intervallesplusoumoins réguliers,
parfoisdemanièredramatiquepourlespopulationsconcernées.Lesmécanismesqui
régissent ces oscillations sont complexes et restent encore partiellement incompris,
malgrélesavancéesdelasciencequipermettentmaintenantparexempledeprédire
lesépisodesmajeursd’ElNiño(Caneet al.,1986;BarnstonetRopelewski,1992;Chen
et al.,1999;2004).Cesphénomènessemanifestentsurtoutàl’échellerégionale,mais
sontenvéritéconnectéssurdelonguesdistances.Laprésencedeces« téléconnexions »
rendladynamiqueclimatiquepluscomplexeetdifficileàreproduiredanslesmodèles.
Con
cent
ratio
n at
mos
phér
ique
en
CO
2 (p
pm)
Con
cent
ratio
n at
mos
phér
ique
en
mét
hane
(ppb
)
Éca
rt pa
r rap
port
à la
tem
péra
ture
act
uelle
(ºC
)
Concentration atmosphérique en CO2
Concentration atmosphérique en méthane
-400 000 -300 000 -200 000 -100 000 Aujourd'hui
Température en Antarctique
325
300
275
250
225
200
175
800
700
600
500
400
300
4
0
-4
-8
Années
MODULE 2|LESFONDEMENTSSCIENTIFIQUES23
NousavonsexpliquéprécédemmentlephénomèneElNiñodanslasectionsurlescel-
lulesdeWalker.IlétaitdéjàconnudesIncas,quis’yétaientadaptés,parexempleen
installantdesdispositifsdesécuritésurleursréseauxdecanauxetd’aqueducspour
prévenirleurendommagementàlasuitedespluiestorrentiellesetdesinondationsqui
accompagnentElNiño(VoituriezetJacques,1999).Plusrécemment,lephénomèneEl
Niñoaété« découvert »parlascience,en1891,grâceàlaSociétégéographiquede
Lima,auPérou,quis’inquiétaitdespluiesdiluviennesetdesinondations,sévissantde
févrieràavril,etobservaitleurscoïncidencesaveclaprésenced’eauxchaudeslelong
delacôte.
Lenomd’ElNiño,quifaitréférenceàl’enfantdeNoël,provientducourantcôtierchaud
quiapporterégulièrementde l’humiditéetdesprécipitationsautourde lapériodede
Noël.Lesarchivesespagnolesrévèlentlaprésencededixépisodessimilairesaucours
dusiècleprécédent.LephénomèneElNiñodureenviron18 moisetestparfoissuivid’un
épisodeLaNiñaauxcaractéristiquesinverses.
LephénomèneElNiñoestliéàl’oscillationaustrale.Lesdeuxsontmaintenantconsidérés
commeunseulphénomène,ENSOouElNiñoSouthernOscillation.Ilyalongtempsque
lelienentreElNiñoetl’oscillationaustraleaétéobservé.Ainsi,lacoïncidenceentreune
périodedehautepressionetd’affaiblissementdelamoussonenIndeen1877avecune
sécheressedansleNordesteauBrésiletuneannéeElNiñopluvieuse,auPérouavait
déjàmisenévidencelelienentrecesdeuxphénomènes(VoituriezetJacques,1999).
Aucoursd’unépisodeElNiño,larégionduPacifiqueoccidentalsubitdessécheresses
exceptionnellesaccompagnéesd’incendies,particulièrementdanslesforêtsindonésien-
nes.Lacôteouestdel’AmériqueduSudconnaîtaucontrairedesinondations,surtout
danslespentesabruptesdesAndes.Lespressionsélevéesau-dessusdel’océanIndien
inhibentlesmoussons,entraînantdesproblèmespourlesagriculteurs.Laréductiondes
alizésinhibeaussil’upwellingcôtieraulargeduChiliavecdesconséquencesécologi-
quesetéconomiquesconsidérables,commeentémoignel’effondrementdesstocksde
poissons,enparticulierdesanchois,aucoursdecertainesannéesElNiño,parexemple
en1973,en1982-1983eten1997-1998(figure 11).L’influenced’ElNiñon’estpaslimitée
aux régions limitrophes,maiss’étendàdes régionséloignées,puisque lapluviosité,
l’agriculture,lesressourceshalieutiquesenAfriqueouenAsiepeuventêtreaffectées.
24 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
Figure11Pêches d’anchois dans le Pacifique Sud (ligne noire) et pluies entre 1970 et 1988 dans les Îles de Noël (colonnes bleues).
Les flèches rouges correspondent aux années El Niño(coefficientSOI<-10).LesannéesElNiño1972,1976,1982 et 1987, précédant des effondrements de pêchesontaussidesannéesdepluiesexceptionnelles.Source : D’aprèsdesdonnéesdeprécipitationsdanslePacifiquecentralde Edit-Design Centre. http://www.atmos.washington.edu/gcg/RTN/Figures/RTN10.html, les données de pêche de http://www.io-warnemuende.de/forum/alheit/images/abb4.gif,lesdonnéesdeSIOduAustralianBureauofMeteorologyhttp://www.bom.gov.au/climate/ahead/soirain.shtml
14 000
12 000
10 000
8 000
6 000
4 000
2 000
0
50
40
30
20
10
0
1950 1960 1970 1980 1990 2000
Pêch
es d
'anc
hois
(100
0 t)
pluie (po)
Années
MODULE 2|LESFONDEMENTSSCIENTIFIQUES25
Dansl’AtlantiqueNord,ilexisteuneautreoscillationquiestmesuréeparl’indexd’oscilla-
tionnord-atlantique(NAO).Cetindexestdéfinicommelegradientdepressionentrela
dépressiond’Islandeetl’anticyclonedesAçores,deuxentitésmétéorologiquesperma-
nentesetdontl’intensitécovariegénéralement.Lavariationdecetindexestliéeàdes
changementsdevents,declimatsetdezonesd’humiditédanstoutl’AtlantiqueNord.
QuandlegradientNAOestélevé,lesventsd’ouestau-dessusdel’AtlantiqueNordsont
fortsetapportentdel’airhumideetchaudsurl’Europe.Danslecascontraire,lesvents
d’ouestsoufflentplusausud,transportantl’humiditésurlesuddel’Europe.L’Europedu
Nordsubitalorsdespériodesdefroidàmesurequelesmassesd’airarctiquepeuvent
descendreplusloinverslesud.Durantlespériodesd’indiceNAOélevé,lesalizéssont
égalementforts,transportantdusableduSaharaàtraversl’Atlantique.Durantdespério-
desd’indiceNAOpeuélevé,lesalizéssontaucontrairefaiblesetl’ouestdel’Afriqueest
pluschaud,n’étantpasrafraîchiparlesalizésvenantdunord-est.
4. L’ÉVOLUTIONDUCLIMATÀL’ÉCHELLEGÉOLOGIQUE
Aucoursdel’histoiredesdeuxderniersmilliardsd’années,leclimatabasculéentredes
époques« serre »etdesépoques« congélateur »,latempératuremoyennedelaTerre
variantentre12 oCet22 oC.Latempératured’aujourd’huinousplacedansunepériode
« congélateur ».Plusonremontedanslepassé,plusilestdifficilederendrecomptedes
conditionsquirégnaientsurlaTerre,puisquetouteslesinformationssurlestempératu-
resousurlacompositiondel’atmosphèredoiventêtredéduitesàpartird’indicesgéo-
logiquesindirects.
LesvariationsdeCO2nesontpassystématiquementreliéesauxchangementsdetem-
pératurepuisquesurdespériodesaussi longues, il fautaussiprendreencompte la
dérivedescontinentsetl’activitésolaire.Ainsi,uneabsencedemassescontinentales
auxpôlesnepermetpaslaformationdecalottesglaciairesetréchauffeleclimattandis
quelaprésencedegrandessuperficiesocéaniquesfavoriselacirculationocéaniqueet,
ainsi,laredistributiondechaleur.LaconstantesolaireàlaformationdelaTerren’était
que70 %desavaleuractuelle.Latempératurenéanmoinsélevéelorsdespériodes
initialesdelaformationdelaTerres’expliqueparlaprésencedeCO2etdeCH4àdes
26 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
concentrationsnettementsupérieuresàcellesd’aujourd’hui.Desthéoriesplusexotiques
invoquentunevariationdesfluxderayonnementscosmiquesselonlapositiondusystème
solairedans lagalaxiepourexpliquerdescyclesde140 millionsd’annéesdurant le
Phanérozoïque(Shaviv2003;2004).
Auxdébutsdel’histoiredelaTerre,l’atmosphèreétaitforméed’eau,demonoxydeet
dioxydedecarbone,d’azote,deméthane,d’ammoniacetdecyanured’hydrogène,mais
necomportaitpasd’oxygène.Cedernierapparutseulementaveclespremièresformes
deviecapablesd’effectuerlaphotosynthèse,vers3ou3,7 milliardsd’annéesavantnotre
ère.Pendantunmilliardd’années,toutl’oxygèneproduitétaitconsomméparl’oxydation
decomposésinorganiques,principalementcelledeFe2+enFe3+.Lescouchesgéologi-
quesd’oxydesrouges(Fe2O3)permettentainsidedéterminerl’avènementdelaphoto-
synthèse.Àpartirdelà,l’oxygènepeutcommenceràs’accumulerdansl’atmosphèreet
oxydecertainsgazcommeleméthane,unpuissantgazàeffetdeserre.Enmêmetemps
apparaissentleseukariotes,ancêtresdetouslesanimaux,quisontcapablesd’utiliser
l’oxygènepourlarespiration.
Entre850et600 millionsd’annéesavantnotreère,desépisodes« bouledeneige »ont
possiblementeulieu,dontilseraquestionplusloin.
Uneimportanteglaciation,dueàlavariationdel’excentricitédel’orbiteterrestre,s’est
produiteàlafindel’Ordovicien,malgrédestauxdeCO2plusélevésqu’aujourd’hui,et
futaccompagnéed’uneextinctiondemasse.Ladispositiondescontinentsrendcette
glaciationpossiblemalgrédesconcentrationsdeCO2atmosphériquesélevées.Laposi-
tiondusupercontinentGondwana,regroupantlaquasi-totalitédesterresémergées,qui
se trouvait au-dessus du pôle Sud, a permis la formation d’une calotte glaciaire de
dimensionsgigantesques,menantàunrefroidissementclimatiqueplanétaire.
Parlasuite,lesplantes–lesplantesvasculairessontapparuesauSilurien(440-420 mil-
lionsd’annéesavantnotreère)–ontconquislescontinentset,durantleDévonienetle
Carbonifère (420-300 millions d’années avant notre ère), l’enfouissement massif de
matièreorganiqueontsoustraitduCO2àl’atmosphère.L’oxygèneatmosphérique,en
conséquence,atteignitsonniveauleplusélevé,procheduniveauactuelde21 %du
volumedel’atmosphère.Cettematièreorganiqueenfouieformelesdépôtsdepétroleet
decharbonquel’humanitéutiliseaujourd’hui.IlestpossiblequeladiminutionduCO2
MODULE 2|LESFONDEMENTSSCIENTIFIQUES27
atmosphériqueaitplongélaTerredansuneglaciation,quiseraitpeut-êtreàl’originede
l’extinctionmassiveobservéevers365 millionsd’annéesavantnotreèreà la findu
Dévonien.Àmesurequel’enfouissementdematièreorganiqueseréduisit,letauxde
CO2atmosphériqueremonta,entreautresàlasuitedelalibérationdeCO2océanique,
causéeparleréchauffementprogressifdesocéans.L’enfouissementmassifdematière
organiqueetainsilaformationdecarbonefossilenesesontplusproduitsparlasuite
puisquelesépisodesanoxiquesdanslesocéansn’étaientpluspossiblesavecuntaux
d’O2atmosphériqueaussiélevé.Celasignifieégalementquenosréservesdecombus-
tiblesfossilesproviennentd’unévénementuniquedansl’histoiredelaplanète.
ÀlafinduPermien(250 millionsd’annéesavantnotreère),uneextinctionmassivea
décimé96 %desespècesmarineset70 %desvertébrésterrestres.Lacausedecette
extinctionpourraitêtreunchangementclimatiqueabruptcauséparlerelargagemassif
deCO2etdeSO2dûàunévénementvolcaniquespectaculaireenSibérie(les« trapps »
deSibérie)d’uneduréed’unmilliond’années.
Lapériodesuivante,leMésozoïque,« l’âgedesdinosaures »,composéeduTriasique
etduJurassique,futcaractériséeparunclimatchaudsansglaceauxpôles.Lasurface
delaTerreétaitencoretrèsdifférente,puisquetouslescontinentsétaientassemblésen
unmégacontinent,laPangée.LaPangéefinitparsedisloquer.Ilya200 millionsd’an-
nées, la formationde l’Atlantiquedébutaà lasuitede laséparationde l’Amériquede
l’Eurasie.Cesévènementsfurentaccompagnésd’unchangementclimatique.L’extinction
massiveduTriasiqueàlamêmepérioden’estpasencoreexpliquéeetpourraitêtreliée
soitaurelargagedeCO2et (ou)deSO2accompagnantl’intenseactivitévolcanique,soit
àuneémissionmassivedeCH4desclathratesdesfondsmarins.L’extinctionmassive,
il y a65 millionsd’années (extinctionduDeccan, frontièreKT), aprobablementété
causéeparlachuted’unastéroïdedansleYucatan,dontlatracevisiblecorrespondau
cratèredeChicxulub,d’undiamètrede300 kilomètres, trois fois la tailledeceluide
Manicouagan.
LespériodesduCrétacéetduTertiairefurenttrèschaudes,jusqu’aumilieuduTertiaire,
lorsquelesconcentrationsatmosphériquesdeCO2etlatempératurecommencèrentà
diminuer.DurantleCrétacé,leniveaudelamerétaittrèsélevéetlescontinentsfrag-
mentés,aveclaprésencedegrandesmersépicontinentales.C’estaussil’époquedela
formationdesocéansactuels.La raisondudéclinsubséquentduCO2estpeut-être
28 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
l’expansiondelavégétation.Cependant,laredistributiondescontinentssurlaTerre,les
collisionsdeplaquescontinentales, la formationdechaînesmontagneuses (érosion
accrueconsommantduCO2)àlasuitedelafragmentationdelaPangéeetlamodifica-
tiondescourantsocéaniquesontcertainementaussijouéunrôledéterminant.
Lesplusrécentesépoquesgéologiquessont :
• lePaléocène(65-55 millionsd’annéesavantnotreère),àlafinduqueleutlieuun
épisodetrèscourtetabruptderéchauffement,lemaximumthermiquepaléocène-
éocène, possiblement déclenché par une émission soudaine de CH4 de fonds
marins;
• l’Éocène(55-34millionsd’annéesavantnotreère)auclimattropicalavecdespal-
miersauGroenlandetdesalligatorsauxpôles;
• l’Oligocène(34-23millionsd’annéesavantnotreère)chaudavecdelaglaceau
pôleSud,maispasaupôleNord;
• leMiocène(23-5millionsd’annéesavantnotreère)tempéréavecdelaglaceaux
deux pôles, mais encore des palmiers et des alligators à la latitude de l’Angle-
terre;
• lePliocène(5-2millionsd’annéesavantnotreère)froid,quivoitl’évolutiondel’aus-
tralopithèqueetdel’homo habilis;
• lePléistocène(1,8-0,01milliond’annéesavantnotreère)froid,quimarqueledébut
despériodesdeglaciationactuellesainsiquel’évolutiondel’humainmoderne;
• l’Holocène(depuis0,01milliond’annéesavantnotreère),lapériodeactuelledébu-
tantàlafindeladernièreglaciation.
Ilfautêtreprudentlorsqu’onessayedetirerdesconclusionsdesclimatspasséslointains
pourl’interprétationduclimatactuel.Ilestvraiquenotrepériodeestexceptionnellement
froideetlesconcentrationsdeCO2exceptionnellementfaiblesalorsquelesépisodes
chaudsontsouventreprésentélesconditionslespluspropicesàlavie.Cependant,au
cours de l’histoire de laTerre, des changements climatiques importants ont eu lieu,
souventaccompagnésd’extinctionsmassives.Lescontinentsontchangéd’emplacement.
Ilestdoncimpossibledecomparertoutescespériodesaveclapériodeactuelle.Ence
quiconcerneledevenirdel’humanité,ilfautprendreencompteuneéchelledetemps
appropriéebeaucouppluscourte.Ledéveloppementdel’humainaeulieuentièrement
durantl’èreglaciaireetledéveloppementdescivilisationsentièrementdurantleprésent
MODULE 2|LESFONDEMENTSSCIENTIFIQUES29
âgeinterglaciairequi,àl’échellegéologique,estextrêmementcourt.L’argumentparfois
invoquéque lesémissionshumainespourront retarder l’avènementduprochainâge
glaciaireest–mêmesilesmodèlesindiquentquecelapourraiteffectivementêtrelecas
–dénuédesignification,puisqueselonlesprévisionslaprochaineglaciationnecom-
menceraitpasavant30 000 ans,cequiestcertescourtàl’échellegéologique,maistrès
longàl’échellehumaine.
Figure12Évolution du CO2 atmosphérique depuis 600 millions d’années. Source :Wikipédia.
25
20
15
10
5
0
-600 -500 -400 -300 -200 -100 0
MU
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PH
ÉR
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AC
TU
EL
LE
DE
CO
2
Âge (millions d'années avant notre ère)
Dévonien/carbonifèreExtinction ordovicienne
MARGED'ERREUR
Fin du Permien,extinction massive
Fin du Jurassique,épisode glaciaire,séparation de la Pangée
30 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
Figure13Les épisodes chauds et froids de l’histoire de la Terre.
Ilyaeusixpériodesglaciairesmajeures(925,800,680,450,330,et2 millionsd’années,lesdeuxpremièresn’ap-paraissentpassurlegraphique).Source :Wikipédia.
22 ˚C 17 ˚C 12 ˚C
Température moyenne de la Terre
Ères géologiques
Ann
ées
avan
t not
re è
re
Froi
dC
haud
Cha
udC
haud
Cha
udFr
oid
Froi
dFr
oid
Froi
d
HolocènePléistocène
Tertiaire
20 0002 millions
70 millions
140 millions
200 millions
250 millions
300 millions
360 millions
420 millions
440 millions
490 millions
540 millions
Crétacée
Jurassique
Triassique
Permien
Carbonifère
Dévonien
Silurien
Ordovicien
Cambrien
Précambrien
Extinction massivepermien / triassique
Début de la formationde dépôts fossiles
Glaciation et extinction ordovicienne.Le Sahara se trouvait alors au pôle Sud.
MODULE 2|LESFONDEMENTSSCIENTIFIQUES31
Figure14Reconstruction des températures des derniers 452 millions d’années utilisant différentes sources.
Ànoterqueleséchellesnesontpascontinues,maissedilatentversleprésent.Source : Global Warming Art. http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/f5/All_palaeotemps.png
10
8
6
4
2
0
-2
Millions d'années avant notre ère Milliers d'années avant notre ère
Maximum thermique Paléocène-Éocène
OptimumÉocène
Glaciation
∆T (˚
C)
542 500 450 400 350 300 250 200 150 100 60 50 40 30 20 10 5 4 3 2 1 500 250 10 5 2 1 0,15 0
Cm O S D C P Tr J K Pal Ep Ol Mio Pliocène Pléistocène Holocène
Gla
ciat
ion
anta
rctiq
ue
Gla
ciat
ion
anta
rctiq
ue
Dég
laci
atio
n an
tarc
tique
Cycle de41 000 ans
Cycle de100 000 ans
12
10
8
6
4
20-2-4-6-8
Froid
Froid
Froid tempéré
Froid tempéré
Aride
Aride
Tropical Tropical
Amérique du Nord
Groenland Europe
Sibérie
Nord de la Chine
Sud de la Chine
Amérique du Sud
Afrique Inde Arabie
Australie
Antartique
32 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
Figure15La Terre à l’âge du carbonifère et les dépôts de charbon et de pétrole (rond vert).
La Pangée était l’unique continent. Le pôle Sud étaitrecouvert d’une calotte glaciaire. Les zones tropicalesabritaientdevastesterreshumides.Enregardantbien,on distingue les futures Amérique du Nord, Europe etChineseptentrionale,alorsauxtropiques,etlesdépôtsabondantsdecharbons’yeffectuant.Source :Scotese.http://www.scotese.com/gzelclim.htm
5. L’HYPOTHÈSEDELATERREBLANCHE
L’hypothèsedelaTerreBlancheestunedémonstrationspectaculairedel’imbricationde
bouclesderétroactionspositives(déstabilisantesparcequerenforçantuneffet)etnéga-
tives(stabilisantesparcequecontrecarrantl’effetperturbateur)auseinduclimatdela
Terre.Seloncettehypothèseproposéeparcertainsgéologues,laTerreauraitsubiplu-
sieursépisodesdurantlesquelselleauraitétéentièrementrecouvertedeglacelorsdu
Protérozoïque,ilya600-800 millionsd’années.Dansdessimulationsnumériqueseffec-
tuéesenutilisantdestauxdeCO2,semblablesàceuxpossiblementprésentslorsdu
10
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Millions d'années avant notre ère Milliers d'années avant notre ère
Maximum thermique Paléocène-Éocène
OptimumÉocène
Glaciation
∆T (˚
C)
542 500 450 400 350 300 250 200 150 100 60 50 40 30 20 10 5 4 3 2 1 500 250 10 5 2 1 0,15 0
Cm O S D C P Tr J K Pal Ep Ol Mio Pliocène Pléistocène Holocène
Gla
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Cycle de41 000 ans
Cycle de100 000 ans
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Froid
Froid
Froid tempéré
Froid tempéré
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Aride
Tropical Tropical
Amérique du Nord
Groenland Europe
Sibérie
Nord de la Chine
Sud de la Chine
Amérique du Sud
Afrique Inde Arabie
Australie
Antartique
MODULE 2|LESFONDEMENTSSCIENTIFIQUES33
Protérozoïqueetquisontprochesdeceuxd’aujourd’hui,ainsiqu’uneconstantesolaire
légèrementplusfaiblequ’aujourd’hui,correspondantàlavaleurdurantleProtérozoïque,
unétatclimatiqueconsistantenuneglaciation intégralede laTerreestassezstable
(Hydeet al.,2000).
Celas’expliquepar larétroactionavecl’albédo.Eneffet, laglaceblanchereflèteune
grandeproportion(80à90 %)delalumièreduSoleil;sonalbédoestdoncde0,8à0,9.
UneTerreentièrementrecouvertepardelaglaceserefroidiraitainsiparelle-même,à
furetàmesurequ’elleserecouvredeglace.Ellepasseraitainsid’unalbédode0,3et
d’unetempératureautourde0 degréenconditionsnormales,c’est-à-direnonglacée,à
unalbédomoyende0,7etàunetempératuremoyennede-50 degrésàl’étatdeTerre
blanche.Ilexistedoncunerétroactionpositiveentrelerefroidissementetlaformation
deglace;lesdeuxfacteursserenforcentmutuellement.LephysicienrusseMikhailBudyko
avaitdéjàcalculé,avantl’èredessuperordinateurs,quesi latempératuredelaTerre
s’abaissaitsuffisammentpourpermettreàlaglacededépasser30 degrésdelatitude,
lesystèmebasculeraitversunétatdeglaciationintégrale(Budyko,1969).
Un telabaissementde la températureduglobeaurait puêtre rendupossiblepar la
modificationdelacompositionatmosphériqueparlescyanobactéries.Lescyanobacté-
ries ou algues bleu-vert étaient les premières formes de vie capables d’effectuer la
photosynthèse.Ellesproduisaientdel’oxygènequioxydaleméthanedansl’atmosphère
primitive.LatransformationdecepuissantgazàeffetdeserreenCO2,auforçageradia-
tifmoinsimportant,auraitprovoquéunebaissedestempératures.Mais,selonlessimu-
lations,enplusdel’oxydationduméthane,l’avènementd’unépisodedeTerreblanche
auraitnécessitéunabaissementimportantdelaconcentrationdeCO2.Celaauraitété
rendupossibleparlefractionnementdusupercontinentRodinia,logésurl’équateur,vers
600 millionsd’annéesavantnotreère.Cetévénementavraisemblablementétéaccom-
pagnéd’uneaugmentationdesprécipitationssurlesnouveauxcontinentsainsiqued’une
expansiondelavesbasaltiques,dontl’érosionconsommehuitfoisplusdeCO2quecelle
desrochesgranitiques.SelonlemodèleGEOCLIM(Donnadieuet al.,2004),celaaurait
provoquéunechutedelateneurenCO2de1800 ppmà250 ppm,soitunebaissedu
forçageradiatifde10,65 W.m-2etdelatempératurede8 oC.Cettebaisseauraitétésuf-
fisantepourinitieruneglaciationplanétaire.
34 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
Onpeuts’interrogercommentlaTerreapuquittercetétatparfaitementstable.Laréponse
setrouvedansl’activitévolcanique.N’eutétél’émissiondeCO2parl’activitévolcanique,
laTerreseraitencoreaustadedeTerreblancheet lavieauraitcertainementdisparu.
D’habitude,leCO2émisparlesvolcansestabsorbéparlesocéansetprécipitédansles
sédimentssousformedecarbonates.Mais,suruneterregelée,iln’existepasd’océans
liquides.LeCO2rejetéparl’activitévolcaniqueseseraitdoncaccumulédansl’atmosphère
durantdesmillionsd’années.L’effetdeserrerésultantauraitentraînéuneaugmentation
progressivedelatempératureet,finalement,unefontedesglaciers.Ils’agitdoncdansce
casd’unerétroactionnégativeentrelerefroidissementetl’effetdeserre,cederniercontre-
carrantlepremieretmenantàunrétablissementdel’étatinitial.Unefoisamorcée,cette
fonteauraitétéextrêmementrapide,del’ordredequelquescentainesd’années,enraison
delarétroactionpositiveentrelatempératureetl’albédo.Latransitionversunclimatchaud,
avecdestempératuresdesurfacedel’océanatteignantjusqu’à50 oC,seseraitpoursuivie
jusqu’àcequeleCO2excédentairesoitabsorbéparlesocéans.CaldeiraetKasting(1992)
ontestiméquelaconcentrationnécessairepourinduirelafontedelaTerreblancheest
350 foissupérieureàlaconcentrationactuelle,cequiauraitnécessitédesmillions,voire
desdizainesdemillionsd’annéesd’accumulationdeCO2dansl’atmosphère.
Le climatpost-Terreblancheauraitétécaractérisépardestempêtesetdesouragans
fréquents,avecdesondesdetempêtepouvantatteindre les100mètres.Cetypede
climatauraiteuuneincidenceimportantesurlavie,carilauraitfavoriséunmélange
verticaldesocéans,ramenantàlasurfacelesélémentsnutritifsessentielsauxdifféren-
tesformesdevie.Celaauraitmenéàl’apparitiondenombreusesnouvellesformesde
vie,plusdiversesetpluscomplexes,àlafindudeuxièmeépisodedeTerreblanche,ily
a600 millionsd’années.Cettepériodecoïncideeneffetaveccequel’onappellel’explo-
siondevieduCambrien,contribuantàlacrédibilitédel’hypothèsedelaTerreblanche.
L’hypothèsedelaTerreblancherestetrèsspéculativeetn’estpasuniversellementaccep-
tée.Ilexistecependantcertainsindicesquipointentversl’existenced’épisodesdeTerre
blanche,parexempleladécouverteparlegéologuebritanniqueBrianHarland(1964)de
débrisglaciairesdatantdecettepériode,répartispartoutsurlaTerre,etsuperposésaux
couchesdecarbonatesissuesdelaprécipitationduCO2excédentaire.Unautreindiceest
fourniparlessignaturesisotopiquesδ13Cdesédimentscarbonatés,quitémoignentd’une
MODULE 2|LESFONDEMENTSSCIENTIFIQUES35
interruptiondelaphotosynthèsedurantunelonguepériode,quicorrespondraitàlapériode
oùlaTerreétaitcouvertedeglace.
La théorie de laTerre blanche suscite encore beaucoup de questions, par exemple
commentlaviea-t-ellepusurvivresuruneterreentièrementrecouvertedeglace.Ila
étéproposéqueleplanctonocéaniqueaitpusurvivredansdesrégionsoùlaglaceétait
assezminceettranslucidepourlaisserpasserlalumièreouàlafaveurdecrevasses
s’ouvrantpériodiquementdanslaglaceouencoredansdeszoneséquatorialespossi-
blementlibresdeglace(Runnegar,2000).Descyanobactériesetautresthermophiles
auraientaussipusurvivreàproximitédesourcesd’eauchaudeaufonddel’océan.
Quoiqu’ilensoit,l’hypothèsedelaTerreblanchereprésenteunexemplefortintéressant
desrésultatsauxquelslesdifférentsmécanismesderétroactionauseindelamachine
climatiqueentrelesgazàeffetdeserre,l’albédo,l’atmosphère,lesocéans,lesvolcans
etlesêtresvivantspeuventmener.
6. LESOUTILSUTILISÉSPOURRECONSTRUIRELECLIMAT
Lasectionprécédentemontrequelareconstructiondesanciensclimatspeutêtrehau-
tementspéculativepuisquepeud’indicesdirectsrelatifsauxconditionsenvironnementa-
lesquiyrégnaientsontparvenusjusqu’auxchercheursdenosjours.Denombreuxoutils
d’échantillonnage,demesureetd’analyseontétédéveloppés,quinouspermettent,de
manièreplusoumoinsdirecte,dereconstruirelesanciensclimats.Lesconditionsatmo-
sphériques,latempérature,leniveaudelamerouencorel’importancedel’évaporation
etdelaprécipitationpeuventêtrereconstruitsàpartird’échantillonsenvironnementaux
multiplesquiutilisentunarsenald’indicateurspaléoclimatiques(c’est-à-direquiserap-
portentauxanciensclimats,del’adjectifgrecpalaiossignifiantancien).
Étantdonnélesnombreusesméthodesutiliséespourreconstruire lesanciensclimats,
nousn’enavonssélectionnéquequelques-unes.Parmilesméthodesutilisées,lacollecte
decarottesparforagereprésenteunedestechniquesd’échantillonnagelesplusutiles
pourlapaléoclimatologie.Lesforagesdedifférentsmilieux–sédimentslacustres,fonds
océaniques,glaces–sontcommeunemachineàremonterletempspourlespaléoclima-
tologues.Denombreuxindicestelsquelaprésencedecertainséléments,lessignatures
36 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
isotopiquesoulesvestigesd’êtresvivantspermettentd’obtenirunequantitéd’informations
surdesépoquespassées.L’obtentiondecarottesd’échantillonnage,qu’ellessoientmari-
nes,lacustresouglaciales,représentesouventundéfitechnique,logistiqueet,endernier
lieu, financier.Enplusdesdifficultésreliéesà l’obtentiondecescarottes, leurdatation
représenteundéfisupplémentaire.
6.1 Les forages de glaciers
Lacollectedescarottesglaciaires estexcessivementdifficilesurleplantechniqueet
méthodologique,dneserait-cequ’àcausel’inaccessibilitéetdel’inhospitalitédessites.
Ainsi,lastationrussedeVostok,enAntarctique,estl’endroitleplusfroidjamaismesuré
surTerre,avecunetempératurede-89,6 oC,en1983.Undesplusgrandssoucisdes
scientifiquesestd’éviterunecontaminationdeséchantillons.Ilsdoiventdoncporterdes
vêtementsdeprotectionlorsdelamanipulationetdudécoupagedescarottes.Celles-ci
nedoiventjamaisêtreréchaufféesàplusde-15 oCpouréviterladiffusiondesgaz.Pour
éviterunefragilisationdueauxdifférencesdepressionentrelasurfaceetlesprofondeurs
duglacier,unepériodederelaxationallantjusqu’àunanestaccordéeauxcarottes.
LesforagesdeglacierslesplusconnussontceuxduGroenlandetdelastationVostok,
enAntarctique,dontiladéjàétéquestionplushaut.Aujourd’hui,lesÉtats-Unis(Byrd,
Amundsen-ScottetDomeC),leJapon(DomeF),laRussie(Vostok,)etl’Unioneuro-
péenne(DronningMaudLand,DomeConcordia)entretiennentdesstationsdeforage
enAntarctique.Cesforagespermettentderemonter800 000 ansdanslepassé,couvrant
ainsiunedizainedecyclesdeglaciation,avecunerésolutiondel’ordredusiècleoude
ladécennieselonletauxd’enneigement.Plusletauxd’enneigementestimportant,plus
ilpermetunerésolutiontemporellefine.Lacomparaisondescarottesdel’Antarctique
aveclesforagesétablisauGroenland(leprojetGRIPeuropéenetleprojetGisp2amé-
ricain)apermisdeconfirmerlelienentreleCO2etlatempératureainsiquelanature
planétairedescyclesglaciairesdesdernièrescentainesdemilliersd’années.
Ilexisteaussi,malgrélesdifficultésassociéesàunéchantillonnageeffectuéavecde
l’équipementlourdenhautemontagne,uncertainnombredeforagesdeglaciersconti-
nentauxdanslesAndes,l’Himalaya,enAfrique(entreautressurleKilimandjaro),en
AlaskaetenRussie.Lesglacierscontinentauxontd’habitudeseulementquelquesmil-
liersd’années,maiscertainsdatentdudébutdeladernièreglaciation.
MODULE 2|LESFONDEMENTSSCIENTIFIQUES37
Ladatationexactedecarottesglaciairesn’estpasaisée.Unedespossibilitésestde
procéderdelamêmefaçonquelorsqu’ils’agitdecompterdescernesd’arbres,c’est-à-
direencomptantlescernesannuelsquandilssontbienvisibles(figure16).Ilestaussi
possibledecorrélercertainesobservations,tellesquedesévolutionsdetempérature,
decompositionatmosphériqueoudescouchesdedépôtspécifiques,parexempledes
cendres volcaniques, avec d’autres témoins connus. La datation à l’aide d’isotopes
radioactifsestaussiappliquée.Cettetechniqueseraexpliquéeplusloin.
Figure16Carotte glaciaire avec cernes annuels clairement visibles.Source :Wikipédia. http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/bc/GISP2D1837_crop.jpg
Lesbullesd’airprisonnièresdelaglacerenfermentdeséchantillonsd’atmosphèrede
lapériodedelaformationdecetteglaceetpermettentainsidereconstituerlesteneurs
engazdissous(O2,CO2,CH4,N2O,etc.)surtoutecettepériodeavecgrandeprécision.
Àl’aidedesisotopesdecarbone(13C,14C),ellespermettentaussidemettreenreliefdes
changementsdanslecycleglobalducarbone.
6.2 Les forages de sédiments marins et lacustres
Unréseauétendudeforagesmarinss’estconstituédepuis1968ets’estpoursuivijusque
danslesannées2000(figure17).Pourabsorberlescoûtsénormesdecesexpéditions,
quinécessitentdesnaviresspécialementéquipésetlaprésencedenombreuxmarins,
techniciensetscientifiques,etafindeprofiterdesexpertisesdiverses,lesprojetssont
menésdanslecadredecoopérationsinternationales.Lesrésultatssontlargementdis-
tribuésauseindelacommunautéscientifique.
38 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
Figure17Carte des sites de forages marins profonds.Source :InternationalOceanDrillingProgram.
Lessédimentsmarinspeuventoffrirdenombreusesinformations.L’analyseducontenu
desdifférentesstratespermetdetirercertainesconclusionssurdesconditionsenviron-
nementalesquirégnaientàcertainespériodesousurdesévénementsquiyonteulieu.
Parexemple,laprésencederochefondueenverredansunestratevieillede65 millions
d’annéesdanslegolfeduMexiquesuggèreunimpactdemétéoriteàcetendroit,lequel
événementestsouventmisenrelationavecladisparitiondesdinosaures.
Grâceauxforaminifèresfossilisés,desorganismesunicellulairesquiviventàlasurface
ouaufonddel’océan(foraminifèresbenthiques)etquiproduisentdescoquillesoudes
testsd’habitudecarbonatés,dontonpeutanalyserlessignaturesisotopiquesd’oxygène
Segments 1-96 DSDP
Asie
Antarctique
Australie
OcéanArctique
OcéanAustral
OcéanPacifique
OcéanAtlantique
Amériquedu Nord
Amériquedu Sud
Afrique
Europe
Groenland
Segments 100-210 ODP
18O
ben
thiq
ue
18O
liss
é
Expéditions 301-312 IODP
3
3,5
3,4
4,5
5
5,5 -0,2
-0,1
0
0,1
0,2
0 500 1000
Âge (ka)
Périodicité de 100 000 ans
1500
MODULE 2|LESFONDEMENTSSCIENTIFIQUES39
etd’hydrogèneainsiquelesimpuretésdemagnésium,lestempératurespasséesetle
volumetotaldeglace,peuventêtreretracésdepuisdesdizainesdemillionsd’années.
D’autres indicateurspermettententreautresd’estimer laproductivitéocéanique,ses
teneursenoxygène,lanaturedessédimentset,donc,desprocessusàlasurface.
Enplusdesforagesmarins,dessédimentslacustressontanalysés.Ainsi,uneéquipe
internationale effectue depuis 1997 un forage dans le lac Bosumtwi, au Ghana (fi-
gures18et19).Celacfutcrééilyaunmilliond’annéesparunimpactmétéorique.Les
250 mètresdesédimentspourrontdonneruneidéeduclimattropicalsurplusieurscycles
glaciaires.Lasuitedessaisonsyestaisémentreconnaissablepardesbandesbrunes,
l’été,provenantdebloomsplanctoniquesetdesbandesjaunes,l’hiver,provenantdes
sablesduSahara.
Figure18Lac Bosumtwi. Source : C. Koeberl. http://www.icdp-online.de/contenido/icdp/front_content.php?idcat=391
Figure19Forage sur le lac Bosumtwi durant la nuit. Source :Shanahan,TimothyM.UniversityofArizona.http://www.geo.arizona.edu/~shanahan/research.html
40 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
Ceforagefaitpartied’unréseaudeforagesdesitessurtouslescontinentsetsurdes
îles,dontplusieursserventàl’étudeduclimat (figure20),dontlelacLakePeténItzá,
danslajungleduYucatan,oulalagunePotrokAike,enPatagonie(TerredeFeu).Lelac
Titicaca,lelacnavigableleplusélevédumonde,situéà3810 mètresdehauteuràla
frontièredelaBolivieetduPérou,renferme200 000 ansd’histoireclimatiquedel’Amé-
riqueduSudetdelarégionandine,enparticulier,danssessédiments.Lessédiments
dulacMalawi,danslavalléeduRift,permettrontdecomprendreleclimatest-africain
des800 000 dernièresannées.LelacBaïkal,danslesuddelaSibérie,lelacleplus
profonddumonde,n’ajamaisétéglacéaucoursdesderniers20-25 millionsd’années
malgré lesnombreusesglaciationsqu’aconnues laTerre.Sessédimentsrenferment
doncdesinformationsinestimablessurcettelonguepériode.
Figure20Sites de forages continentaux.
Unepartiedecessitesestutiliséepourl’analyseduclimat(voirtexte).Source :InternationalContinentalScientificDrillingProgramhttp://www.icdp-online.de/contenido/icdp/front_content.php
MODULE 2|LESFONDEMENTSSCIENTIFIQUES41
6.3 L’analyse des isotopes
6.3.1 Ladatationàl’aided’isotopesradioactifs
Poureffectuerladatationd’échantillonsinorganiquesanciens,desisotopesradioactifs
sontutilisés.Cesisotopesseformentcontinuellementdansl’atmosphèreparl’actiondu
rayonnementcosmique.Unefoissoustraitsàl’atmosphère,lesélémentss’appauvrissent
enisotopesradioactifs.Leurâgepeutdoncêtredéterminéparlaloidedécroissance
radioactivequandonconnaîtlasignatureatmosphérique.Ladécompositiond’atomes
radioactifsd’unélémentgénèredesatomesd’autreséléments,parfoiseux-mêmesins-
tables,cequiengendredesfamillesd’isotopes.Cesfamillespeuventêtreretracéeset
datées.Lafigure21montrelaséquencededécompositionradioactivedel’uranium.Les
rapportsentrelesradio-isotopessontfonctiondeladatedel’échantillon.Enfonctionde
lapérioded’âgevisée,desrapportsisotopiquesspécifiquessontanalysés,parexemple
lerapport234U/230Thdanslecorail.Commel’234Uestsolubledansl’eau,maisle230Thne
l’estpas,le230Thprésentdanslecorailprovientdeladécompositionradioactivedel’234U.
Le rapport 234U/230Thévoluedoncavec le temps.Selon leurvitessededécroissance
radioactive,différentsisotopessontutiliséspourdifférenteséchellesdetemps,allantde
quelquesannéesàdesmilliardsd’années.Parmilesélémentscourammentutiliséspour
ladatationdecarottesglaciairesetsédimentairesfigurentle210Pb,le32Si,l’39Ar,le14Cet
lesisotopesdelafamilledel’uranium.
42 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
Figure21La séquence de désintégration radioactive de l’uranium. Source : Université Laval. http://www2.fsg.ulaval.ca/opus/scphys4/complements/datatio.shtml
6.3.2 Lesisotopesducarbone
Le14Cestunisotoperadioactifnaturelquipermetunedatationdematièreorganique,
deCO2etdedépôtscalcaires.Ilestformédansl’atmosphèreparl’actiondurayonnement
cosmiquesurleCO2.Unefoisincorporéedanslamatièreorganique,ladécroissance
radioactive,unprocessusd’unecinétiqued’ordrezéro,permetdedéterminerl’âgedepuis
ledécèsdel’organismeenquestion.Laconcentrationde14Cabrusquementaugmenté
danslesannées1950et1960àcausedesessaisnucléairesensurface.Deséchantillons
d’aprèscettepériodedoiventdoncêtretraitésdifféremment.
Le13Cestunisotopestablequiformeàpeuprès0,1 %desatomesdecarbone,princi-
palementcomposéde12C.Étantunpeupluslourdquele12C,le13Créagitpluslentement
danscertainesréactionschimiques,biologiquesouphysiques.Ainsi,lorsdel’incorpo-
rationdeCO2dansdesorganismesparphotosynthèse,lamatièreorganiquerésultante
(planctonmarin,plantesterrestres),estappauvrieen13C.Celapermetentreautresde
238
234
230
226
222
218
214
210
206
92 91 90 89 88 87 86 85 84 83 82
238
234 234 234
230
226
222
218
214 214 214
210 210 210
206
Numéro atomique
Mas
se a
tom
ique
U UraniumPa ProactiniumTh ThoriumRa Radium
Rn RadonPo PoloniumBi BismuthPb Plomb
U
U Pa Th
Th
Ra
Rn
Po
Po Bi Pb
Pb
Pb
BiPo
MODULE 2|LESFONDEMENTSSCIENTIFIQUES43
reconnaîtreduCO2provenantdecombustiblesfossiles,puisqueceux-ciproviennentà
l’originedematièreorganique,doncdeplantes,etsontdoncappauvrisen13C.Comme
cescombustiblesfossilessonttrèsanciens,ilssontégalementappauvrisen14C.Ces
caractéristiquesontpermisdeclairementidentifierleCO2d’origineanthropiquedans
l’atmosphère.
Lesisotopesducarboneoffrentdenombreuxrenseignementssurlaphotosynthèse,la
productivitédesmilieuxterrestresouorganiques,lesfeuxdeforêtetainsidesuite.Au-
delàde500 000 ans,laconcentrationde14Cestminimeetnepermetplusd’effectuer
unedatationutile.
6.3.3 Lesisotopesdel’oxygèneetdel’hydrogène
L’eauetdoncaussilaglacesontforméesd’oxygèneetd’hydrogène.Lesrapportsiso-
topiquesdecesdeuxélémentspermettentd’obtenirdesinformationssurlesconditions
climatiquesquiontrégnédanslepassé.
L’oxygèneestmajoritairementcomposéde16Oetcontientaussidu18O,unisotopeplus
lourd.Leδ18Odelaglacepermetdereconstruirelatempératuredel’air(figure 22).Le
rapport18O/16Odelaglacedépenddelatempératurelorsdelacondensationdelaneige.
Lavapeurd’eaucontenantdu16O,plusléger,possèdeunetensiondevapeurde1 %
supérieureàlavapeurd’eaucontenantdu18O.Lavapeurd’eauatmosphériquecontient
moinsde18O,quicondenseplusvitequele16O,durantlespériodesfroidesquedurant
despériodeschaudes.Encontrepartie,l’eauocéaniqueestenrichieen18Odurantles
périodesfroides.Cettesignatureestanalyséedanslessédimentscarbonatésmarins
quiproviennentdetests(coquilles)demicroorganismes.Ainsi,lessignaturesδ18Odes
foraminifèresplanctoniquesdanslessédimentsdel’AtlantiqueNordpermettentderetra-
cerlatempératurepasséedel’eauainsiquelaprésenced’eaudefontedeglacierslors
duDryasrécent.L’analysedessignaturesδ13Cdesforaminifèresbenthiques,quantà
elle,apermisdereconstruirelaforcedelacirculationthermohalinedanslepassé.
44 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
Figure22δ18O des foraminifères benthiques d’un forage du Pacifique.
Cesdonnéesmontrentquelesderniers500 000 ansontété dominés par des cycles de 100 000 ans, liés à lavariationdel’excentricitédel’orbiteterrestre.Lemilliond’années précédent présente des fluctuations moinsrégulières,necorrespondantniuniquementauxcyclesde100 000 ansniàceuxde41 000ans,cesderniersétantliésauxvariationsdel’obliquitédel’axederotationdelaTerre.Source :Wright,A.K.etB.P.,2002.Flower,Surfaceanddeepoceancirculation in the subpolar North Atlantic during the mid-Pleistocenerevolution,Paleoceanography, 17,1068.
L’abondancededeutérium2D,isotopelourdpeuabondantdel’hydrogène,estégalement
unindicateurdelatempérature.Lerapport2D/1Hdelaglaceestfaibledansunclimat
froid.Lavapeurd’eaucontenantdu2Dprécipiteplusvitedesnuagesquelavapeurd’eau
quinecontientpasde2D.Puisqu’enpériodeglaciairelesprécipitationsenprovenance
d’évaporationdansleszonestropiquesinterviennentàdeslatitudesmoinsélevées,l’eau
desnuagesatteignantlespôlesestplusappauvrieen2D.Celapermetdedistinguerles
périodesglaciairesetinterglaciairesdanslescarottesglaciaires.
Segments 1-96 DSDP
Asie
Antarctique
Australie
OcéanArctique
OcéanAustral
OcéanPacifique
OcéanAtlantique
Amériquedu Nord
Amériquedu Sud
Afrique
Europe
Groenland
Segments 100-210 ODP18
O b
enth
ique
18O
liss
é
Expéditions 301-312 IODP
3
3,5
3,4
4,5
5
5,5 -0,2
-0,1
0
0,1
0,2
0 500 1000
Âge (ka)
Périodicité de 100 000 ans
1500
MODULE 2|LESFONDEMENTSSCIENTIFIQUES45
6.3.4 Lesisotopesradiogéniques
Leratiode10Be/9Beestunindicateurdelaconstantesolaire.Le9Beestforméparirra-
diationcosmiquedanslastratosphèreetdiffusedelàverslatroposphère.Ladiffusion
dépenddelahauteurdelatroposphèrequidépendelle-mêmedelaforcedurayonne-
mentsolaire.Lepetitâgeglaciaireapparaîtparexempleclairementdanslesstratesdes
glaciers.Lerapport36Cl/35Clagitenanalogie,le36Clétantégalementunisotoperadio-
génique.
6.4 Les autres méthodes
6.4.1 Lapalynologie
Lapalynologieestl’analysequantitativeetqualitativeaumicroscopedespollens,des
sporesetdesautresmicroorganismesprésentsdanslessédiments.Lespollensetles
sporesdanslesstratesgéologiquestellesquedessédimentslacustresetmarins,des
tourbièresoudescarottesdeglacepermettentdereconstruireletypeetl’abondancede
végétationyrégnant.Lespollensetlessporessontextrêmementdurablesetseconser-
ventsurdelonguespériodesdetemps,gardantainsilatracedelavégétationlongtemps
disparue.Lavariationdutypedevégétationdocumentéparlesséquencesdepollen
donneuneindicationsurleclimatquirégnaitàunendroitaufildutemps.EnEurope,le
climatdel’holocèneapuêtreretracédansplusieursrégions(parexemple,Daviset al.,
2003).Lepassagedelachasseetdelacueilletteàl’agriculturedansl’Angleterreancienne
peutégalementêtreexpliquéencomparant lacompositionpolliniquedessédiments
lacustres,avantetaprèscettetransition.Celapermetdereconstituerleschangements
devégétationdanslesbassinsversantsdeceslacs(EdwardsetWhittington,2001;Rae
etParker,1996).
6.4.2 Ladendrochronologie
La dendrochronologie, technique utilisée depuis longtemps et déjà pressentie par
LeonardoDaVinci,permetdedéterminerl’âged’arbresderégionstempéréesainsique
lesconditionsclimatiquesrégnantdurantlacroissancedescernesannuels.Lescernes
annuelssontaisésàidentifierparlatailledesnouvellescellulesquis’amenuisentdu
printempsà l’automne(figure23).Durant l’hiver, l’arbre interromptsacroissancequi
reprendauprintempsprochain.Durantlesannéeshumides,lescernessontpluslarges
46 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
quependantlesannéessèches.Laméthodepeutaussiêtreappliquéeàdesarbres
mortsbienconservés.Enréférençantdesséquencesdecernesàcellesd’arbresdéjà
datés,ilestpossiblederemonterjusqu’à10 000 ansdanslepassé.Lesplusanciens
arbreséchantillonnés,despinsdeBristlecone(Pinus longaeva)del’ouestdesÉtats-Unis
etdesséquoiasgéants (Sequoiadendron giganteum) de laSierraNevada,peuvent
atteindre3000à4000 ansd’âge.Ladendrochronologiea,parexemple,permisd’iden-
tifierunecatastropheclimatiqued’uneduréededixansdanslesannées540-550,liée
àuneépidémiedepesteimportante.
Figure23Cernes annuels et âges déterminés d’une poutre en chêne de l’Hôtel de ville de Gödenroth, construit en 1748. Source : S. Kühn, Wikipedia. GNU-Lizenz für freie Dokumentation.http://de.wikipedia.org/wiki/Bild:Dendrochronologie.jpg
MODULE 2|LESFONDEMENTSSCIENTIFIQUES47
6.4.3 L’étudedescoraux
L’étudedescorauxpermetderemonterloindansletemps.Lescorauxfossiliséspeuvent
avoirjusqu’à300 000ansetplus.Leur datations’effectueàl’aidedeméthodesisotopi-
quescommelerapportU/Thouleδ14C.Lescorauxenregistrentlesperturbationsclima-
tiqueset lesconserventune foismorts.Ces informationspeuventêtre recueilliesen
analysantlacompositiondessquelettesetenétudiantlesrapports16O/18Oainsiqueles
élémentstraces,commelestrontiumoulemagnésium.Ilestainsipossibledeconnaître
lasalinitéetlatempératuredel’eauàdifférentesépoquesdanslepasséainsiquele
niveaudesocéans.
6.4.4 L’analysedestempératuresdansdespuitsdeforage
Uneautreméthodedereconstructiondestempératuresestl’étudedespuitsdeforage.
Ladéviationdugradientdechaleurdugradientnaturelrenseignesurlesperturbations
quionteulieuàlasurfacedanslepassé,etquidiffusentlentementenprofondeur.Un
foragede1000mètresdeprofondeurcontient10 000ansd’histoiredelatempérature.
Cettetechniqueapermisdereconstruirelestempératureslorsdupetitâgeglaciaire(-1 oC
auXVIesiècle)etleréchauffementrécentdansl’estduCanada(+2 oCentre1800et2000)
ainsiqueleréchauffementactuelde3à5 oCenAlaska(VasseuretMareschal,1993).
6.4.5 Latélédétection
Encequia traitauxconditionsclimatiquesactuelles,denouveauxoutilspermettent
d’obteniruneimagepluscomplète.Latélédétectionàpartirdesatellitespermetd’évaluer
avecprécisionleniveaudel’océan,lesventsdesurface,latempératuredesurfacede
lameretdescontinents,lecontenuenvapeurd’eaudel’atmosphère,laproductionde
l’océanetdesbiomesterrestresàtraverslescouleurscaractéristiquesduplanctonet
delavégétation.Dansl’océan,plusd’unmillierdebouéesfixesoudérivantes,àlasur-
faceouenprofondeur,permettentdesuivrelemouvementdesmassesd’eauetdes
courantsmarins.
48 ENV 1110|CHANGEMENTSCLIMATIQUES
Toutescesobservationssystématiquessontextrêmementcoûteusesetnécessitentdes
programmesderechercheconjointsinternationaux.Voicicertainsdecesprogrammes :
• leProgrammeCLIVAR(climate variability),instauréen1980parleConseilinter-
nationalpourlascience,l’OrganisationmondialemétéorologiqueetlaCommission
océanographiqueinternationaledel’UNESCO;
• leProgrammeinternationalgéosphère-biosphèreduConseilinternationaldesunions
scientifiques,depuis1986,pourlacompréhensiondusystèmeTerreetdesamodi-
ficationparl’humain;
• leSystèmemondiald’observationdel’océan,connusousl’acronymeGOOS(Global
OceanObservationSystem),misenplaceparleCOIen2000;
• leGlobalEarthObservationSystemofSystems(GEOSS),entraind’êtremissur
piedpar61 payset40 organisationsinternationales.
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